tag:theconversation.com,2011:/au/topics/physique-22306/articles
physique – The Conversation
2024-03-27T16:48:28Z
tag:theconversation.com,2011:article/221152
2024-03-27T16:48:28Z
2024-03-27T16:48:28Z
Mieux comprendre les maladies cardio-neurovasculaires avec l’hémodynamique
<p>Première cause de décès dans le monde, les maladies cardio-neurovasculaires représentent l’ensemble des troubles affectant le cœur et les vaisseaux sanguins. En France, elles sont la deuxième cause de décès après les <a href="https://theconversation.com/fr/topics/cancer-20834">cancers</a>, en étant responsables de plus de 140 000 morts chaque année. </p>
<p>Elles causent un nombre important de maladies et de décès précoces, d’hospitalisation, et de handicap acquis. Jusqu’à 50 000 personnes font un arrêt cardiaque soudain chaque année, dont environ 5 % survivent. En 2021, <a href="https://sante.gouv.fr/soins-et-maladies/maladies/maladies-cardiovasculaires/article/maladies-cardiovasculaires">5,3 millions de personnes étaient traitées pour une maladie cardio-neurovasculaire</a>, dont plus de 443 000 pour maladie aiguë. Parmi ces maladies, la cardiopathie coronarienne désigne un dysfonctionnement du cœur provoqué par le rétrécissement ou l’obturation des artères qui le nourrissent (les artères coronaires, qui dessinent une couronne autour du muscle cardiaque).</p>
<p>La physique peut s’avérer forte utile pour comprendre les aspects physiologiques et cliniques (en complément de l’angiologie). L’hémodynamique (ou « dynamique du sang »), du grec haima, « le sang » et dunamis, dunamikos, « la force », est la science des propriétés physiques de la circulation sanguine en mouvement dans le système cardio-vasculaire.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/584793/original/file-20240327-28-z6uu31.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/584793/original/file-20240327-28-z6uu31.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=267&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/584793/original/file-20240327-28-z6uu31.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=267&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/584793/original/file-20240327-28-z6uu31.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=267&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/584793/original/file-20240327-28-z6uu31.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=336&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/584793/original/file-20240327-28-z6uu31.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=336&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/584793/original/file-20240327-28-z6uu31.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=336&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Harvey, Bernoulli et Poiseuille.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Wikimedia</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Les pionniers de cette discipline sont d’abord médecins avant d’être physiciens. Daniel Bernoulli, médecin de formation, a écrit son Traité <em>Hydrodynamica</em> après ses réflexions sur le mouvement du sang dans les veines et sur la pression artérielle. La double formation en médecine et en physique de Poiseuille lui fait écrire Le Mouvement des liquides dans les tubes de petits diamètres.</p>
<p>Dans l’ouvrage <em>De Motu Cordis</em>, <a href="https://www.reseau-canope.fr/corpus/video/harvey-et-la-circulation-sanguine-140.html">Harvey</a> fait la première description complète du système circulatoire. Il décrit notamment le sens de circulation et le rôle exact des valvules veineuses. On sait aujourd’hui que le système circulatoire est constitué de pompes de différentes natures (cardiaque, musculaire veineuse, abdomino-thoracique) et de conduits en forme de tubes (les vaisseaux sanguins). Les pompes font circuler le sang depuis les artères jusqu’à la microcirculation créant un <a href="https://www.reseau-canope.fr/corpus/video/coeur-et-vaisseaux-50.html">système de circulation aller et retour</a> à sens unique.</p>
<p>Au premier abord, la discipline sous-jacente de l’hémodynamique est la mécanique des fluides et plus précisément la rhéologie : la science qui étudie la déformation des écoulements sous l’effet d’une contrainte appliquée.</p>
<p>Le sang est une suspension liquide de « particules » (globules rouges, blancs, plasmocytes…) dans le plasma, c’est-à-dire un mélange hétérogène de particules solides dans un liquide. L’existence d’une phase « solide » et d’une phase « liquide » rend complexe la définition d’un modèle physique réaliste pour le décrire. Le sang est un fluide non newtonien c’est-à-dire que sa viscosité n’est pas indépendante de la contrainte. Dans les fluides non newtoniens, la viscosité peut changer lorsqu’elle est soumise à une force pour devenir plus liquide ou plus solide.</p>
<h2>Mieux comprendre l’hypertension ou les anévrismes</h2>
<p><a href="https://lejournal.cnrs.fr/articles/du-coeur-aux-poumons-lincroyable-mecanique-des-fluides-humains">L’hémodynamique permet une compréhension</a> et caractérisation de maladies comme l’hypertension, l’athérosclérose, les anévrismes cérébraux et les anévrismes de l’aorte.</p>
<p>La modélisation hémodynamique permet la conception de dispositifs médicaux implantables utilisés dans le traitement de ces maladies (organes artificiels, tubes, et cathéters, implants vasculaires)</p>
<p>On peut réaliser des modèles numériques de biomécanique de la circulation sanguine. Citons par exemple des <a href="https://www.m2p2.fr/actualites-298/actualites-du-laboratoire-de-recherche-m2p2-456/le-m2p2-developpe-un-projet-pluridisciplinaire-et-multi-partenaires-mettant-la-modelisation-mathematique-des-fluides-au-service-de-la-medecine-cardiaque-21717.htm">modèles physique et mathématique de valve aortique</a>.</p>
<p>Des chercheurs de l’EPFL ont développé un <a href="https://www.swissinfo.ch/fre/toute-l-actu-en-bref/epfl--une-simulation-virtuelle-du-coeur-pour-un-meilleur-diagnostic/43240632">modèle de « cœur »</a> sur ordinateur susceptible un jour d’aider les médecins à mieux diagnostiquer ou prévenir les maladies cardiaques.</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/giKf4AjRndg?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">La simulation numérique pour les écoulements sanguins/Université de Montpellier.</span></figcaption>
</figure>
<p>En réalité, l’utilisation des paramètres hémodynamique est quotidienne en médecine : on surveille la pression artérielle, la fréquence cardiaque, ou, plus spécifiquement notamment en soins intensifs le débit cardiaque, les pressions de remplissage du cœur gauche. Concrètement, lorsqu’on mesure sa tension artérielle, on réalise en fait une expérience d’hémodynamique. Parmi les paramètres essentiels dont dépend l’hémodynamique, on peut mentionner l’énergie cardiaque, le volume sanguin, la respiration, le diamètre des vaisseaux et leur résistance, et la viscosité sanguine.</p>
<p>Le cœur, en jouant le rôle de pompe circulatoire de l’organisme doit assurer un débit cardiaque minimal pour le bon fonctionnement des organes. Il s’adapte également à tout effort physique ou situation de maladie. La fonction cardiaque est en harmonie avec les fonctions vasculaires, qui, plus que de simples tuyaux, régulent la pression sanguine via une réduction ou une augmentation de leur diamètre, phénomènes appelés vasoconstriction et vasorelaxation.</p>
<p>L’évaluation des paramètres hémodynamique est nécessaire au cours de l’évaluation d’un patient. C’est le quotidien du médecin vasculaire, qui doit évaluer la bonne perfusion des organes, la recherche de sténoses (rétrécissement du calibre artériel) ou d’occlusions d’artères. Un des principaux examens d’évaluation est l’échographie Doppler vasculaire. Cet examen permet de visualiser les artères en échographie et utilise <a href="https://www.youtube.com/watch?v=vKOc3jM7ZB8">l’écho Doppler</a> pour évaluer les vitesses d’écoulement sanguin. Ces données combinées sont essentielles pour comprendre l’hémodynamique artérielle locale. Par exemple, une sténose va se caractériser par une accélération locale des vitesses circulatoires et un ralentissement en aval de la sténose.</p>
<p>Précisément, les contraintes de cisaillement pariétal dans le contexte des vaisseaux sanguins, tels que les artères, représentent les forces de frottement exercées par le sang sur la paroi interne des vaisseaux. Cette contrainte est générée par le flux sanguin qui circule à travers les vaisseaux. Elle est déterminée par la viscosité du sang et la vitesse du flux sanguin. Une des thématiques de recherche actuelle en imagerie menée dans le service de médecine vasculaire à l’hôpital européen Georges Pompidou (APHP, Paris) est de développer une mesure fiable de ces contraintes. Ces mesures pourraient nous aider à mieux caractériser le profil de risque des plaques d’athérosclérose car on sait que les contraintes de flux exercées sur ces plaques jouent un rôle dans le processus de rupture de plaque, à l’origine de la plupart des infarctus du myocarde et des accidents vasculaires cérébraux.</p>
<p>En conclusion, l’étude de l’hémodynamique est ancienne et toujours en amélioration via de nouvelles techniques d’exploration. Les avancées technologiques nous permettent un regard toujours renouvelé dans la compréhension des mécanismes physiologiques et pathologiques de la circulation sanguine.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/221152/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>
L'hémodynamique est la science des propriétés physiques de la circulation sanguine. Il est très important de l'étudier pour comprendre les maladies cardio-neurovasculaires.
Waleed Mouhali, Enseignant-chercheur en Physique, ECE Paris
Guillaume Goudot, Maître de conférence universitaire - Praticien Hospitalier, Université Paris Cité
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/223903
2024-02-27T16:15:34Z
2024-02-27T16:15:34Z
Une expo, un chercheur : les « Transparences » d’Yves Saint Laurent dans l’œil d’un physicien
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/578335/original/file-20240227-20-6jv793.png?ixlib=rb-1.1.0&rect=10%2C8%2C988%2C631&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Sur ces modèles iconiques, différentes matières sont employées pour obtenir des effets de transparence.</span> <span class="attribution"><span class="source">Thibaut Voisin / Musée Yves Saint Laurent</span></span></figcaption></figure><p><em>Serge Berthier est professeur de physique émérite à l’université Paris Cité et chercheur à l’Institut des NanoSciences de Paris (CNRS–Sorbonne Université). Il a publié de nombreux livres sur les structures et les couleurs des insectes ainsi qu’un essai sur la bio-inspiration (« L’éveil du Morpho », Flammarion).</em></p>
<p><em>Nous l’avons accompagné au <a href="https://museeyslparis.com/expositions/yves-saint-laurent-transparences">musée Yves Saint Laurent</a>, curieux de son regard aussi scientifique qu’émerveillé sur les effets de transparence dans la mode et les parallèles possibles avec la transparence dans la nature. Dès les années 1960, Yves Saint Laurent s’intéresse aux différentes matières qui permettent de jouer avec cet effet optique. Mousseline, organza, tulle, Cigaline, dentelle… Sensualité et élégance se conjuguent, dans une célébration toujours renouvelée de la beauté et de la liberté des corps féminins.</em></p>
<hr>
<p>Le monde universitaire n’est pas trop à cheval sur la tenue de ses employés et entrer dans le temple de la haute couture m’a procuré la même excitation, teintée d’une certaine appréhension, que lorsque je m’enfonce dans une jungle équatoriale. Surprise, étonnement, puis questionnement. En quoi la transparence de la robe en Cigaline qui nous accueille dès l’entrée de l’exposition par exemple, diffère-t-elle précisément de celle d’une aile de cigale ? Mais aussi en quoi montrer le corps féminin participe-t-il à sa libération, comme l’affirme Yves Saint Laurent ?</p>
<h2>Définir la transparence</h2>
<p>Transparence ! Le mot peut avoir de nombreuses significations. Que recouvre exactement le terme d’un point de vue scientifique ? Lorsque la lumière passe au travers de la matière, on parle de transparence ou de translucidité. Dans le cas de la transparence, les rayons lumineux ne sont ni arrêtés ni déviés. L’objet qui se trouve derrière reste visible : c’est ainsi que les blouses et les robes transparentes de Saint Laurent dévoilent le corps.</p>
<p>Quand on parle de matière translucide, en revanche, la lumière passe mais les rayons sont déviés, diffusés dans toutes les directions. C’est le cas par exemple du papier huilé des paravents japonais ou du verre dépoli. La lumière passe mais pas l’image de l’objet se trouvant derrière. Bien sûr, il existe un continuum entre le transparent et le translucide.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/576558/original/file-20240219-26-5esi3k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C4031%2C3017&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/576558/original/file-20240219-26-5esi3k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/576558/original/file-20240219-26-5esi3k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/576558/original/file-20240219-26-5esi3k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/576558/original/file-20240219-26-5esi3k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/576558/original/file-20240219-26-5esi3k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/576558/original/file-20240219-26-5esi3k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">La transparence des créations haute couture d'Yves Saint Laurent dans l'oeil de Serge Berthier.</span>
<span class="attribution"><span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Le mouvement a également une influence sur la transparence. Lorsqu’un insecte aux ailes transparentes vole ou qu’un mannequin défile dans un vêtement transparent, l’œil humain ne perçoit pas toujours ce qui se trouve derrière la matière, car le mouvement « brouille » le message visuel.</p>
<p>Mais il peut, à l’inverse, faire apparaître ou disparaître la transparence, comme sur cette robe aux très nombreux plis où le corps n’apparaît que lorsqu’ils s’écartent au gré des déplacements.</p>
<p>Une des robes iconiques d’Yves Saint Laurent, la <a href="https://www.numero.com/fr/mode/yves-saint-laurent-dentelle-cite-de-la-mode-et-de-la-dentelle-calais-exposition-transparence">« nude dress »</a> (« robe nue »), laisse supposer une transparence quasi complète. Or, d’un point de vue physique, aucun matériau n’est à 100 % transparent.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/578212/original/file-20240227-16-386gj1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/578212/original/file-20240227-16-386gj1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=531&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/578212/original/file-20240227-16-386gj1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=531&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/578212/original/file-20240227-16-386gj1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=531&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/578212/original/file-20240227-16-386gj1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=668&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/578212/original/file-20240227-16-386gj1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=668&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/578212/original/file-20240227-16-386gj1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=668&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">À gauche, un croquis de Saint Laurent pour la « nude dress ». À droite, robe du soir portée par Danielle Luquet de Saint-Germain. Collection haute couture automne-hiver 1968. Photographie de Peter Caine (Sydney).</span>
<span class="attribution"><span class="source">Yves Saint Laurent/Peter Caine (Sydney)</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>De même, si on superpose plusieurs épaisseurs d’un tissu transparent (comme le tulle) l’épaisseur des couches finit par annuler l’effet de transparence. C’est le cas avec la robe en tulle rouge que vous pouvez voir sur la photo en tête d’article.</p>
<p>Autre différence entre l’aile et la robe : Dans le cas des vêtements exposés ici, la transparence est obtenue grâce aux trous laissés <a href="https://orageuse.com/glossary/chaine-et-trame/">entre la trame et la chaîne</a> du tissu et non au matériau lui-même. On a en quelque sorte, retiré de la matière. Ce n’est pas ainsi que la transparence fonctionne dans la nature.</p>
<h2>La transparence, quel intérêt ?</h2>
<p>La transparence est très présente dans la nature, en particulier chez les animaux aquatiques. Sur terre, elle est beaucoup plus rare, sauf chez certains insectes, qui ont des ailes très transparentes et parfois dotées de propriétés antireflet.</p>
<p>Les lépidoptères (papillons de jour et de nuit) représentent un groupe exceptionnel pour étudier la transparence sur terre, car de nombreuses espèces ont développé des ailes partiellement ou totalement transparentes. L’efficacité de la transmission de la lumière est largement déterminée par la microstructure des ailes (forme des écailles, insertion, coloration, dimensions et densité), les nanostructures qui les recouvrent et la macrostructure (surface des ailes, taille de l’espèce ou surface de l’aile).</p>
<hr>
<figure class="align-left ">
<img alt="Vignette de présentation de la série « Une expo, un chercheur », montrant une installation artistique de l’artiste Kusama." src="https://images.theconversation.com/files/539052/original/file-20230724-21-ipn5gj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/539052/original/file-20230724-21-ipn5gj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/539052/original/file-20230724-21-ipn5gj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/539052/original/file-20230724-21-ipn5gj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/539052/original/file-20230724-21-ipn5gj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/539052/original/file-20230724-21-ipn5gj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/539052/original/file-20230724-21-ipn5gj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption"></span>
</figcaption>
</figure>
<p><em><em>« Une expo, un·e chercheur·euse »</em> est un nouveau format de The Conversation France. Si de prime abord, le monde de l’art et celui de la recherche scientifique semblent aux antipodes l’un de l’autre, nous souhaitons provoquer un dialogue fécond pour accompagner la réflexion sans exclure l’émotion. Cette série de rencontres inattendues vous guidera à travers l’actualité des expositions en les éclairant d’un jour nouveau.</em></p>
<hr>
<p>Chez beaucoup d’organismes vivants, la transparence est utilisée à des fins de camouflage. Le camouflage, du moins dans le domaine visible, consiste à reproduire sur soi les motifs de l’environnement proche pour se fondre dans ce dernier. Difficile quand l’environnement varie, au cours de ses déplacements par exemple. Hormis pour quelques rares organismes capables de modifier leur apparence et leur couleur comme les pieuvres et les caméléons, la transparence constitue la meilleure façon de s’adapter à un environnement changeant.</p>
<p>La transparence est plus facile à obtenir dans l’eau que dans l’air. En effet, la quantité de lumière réfléchie à la surface d’un dioptre, l’interface, dépend directement du contraste d’indice optique entre les deux matériaux : plus il est faible et moins il y a de réflexion, donc plus de transparence. Eau et tissus biologiques ont des indices très proches, ce qui supprime pratiquement les reflets. Ce n’est pas le cas sur terre où le contraste est plus élevé. Aussi, de nombreux organismes comme les cigales ou les libellules par exemple ont-ils développé sur leurs ailes des structures antireflet, appelées « moth-eye structures » car découvertes sur les yeux de certains papillons de nuit.</p>
<p>Indépendamment des reflets qu’ils peuvent générer, tous les matériaux présentent une certaine absorption lumineuse qui finit par les rendre opaques s’ils sont trop épais. Une grande finesse devient ainsi le gage d’une grande transparence : tout pour plaire à un grand couturier !</p>
<p>Mais grande transparence ne signifie pas forcément invisibilité. Un autre phénomène entre alors en jeu : les interférences !</p>
<h2>Visibles et invisibles</h2>
<p>Le camouflage a pour fonction première de faire disparaître une proie potentielle aux yeux de ses prédateurs. Mais il ne doit cependant pas entraver la reconnaissance intraspécifique entre partenaires : il faut être invisible pour les prédateurs mais rester visible pour sa propre espèce.</p>
<p>Sur un film très mince, comme la membrane d’une aile de papillon ou une bulle de savon, des interférences constructives peuvent se produire qui vont faire apparaître des patterns colorés de très faible intensité, pratiquement invisibles à nos yeux, et à ceux des prédateurs, mais parfaitement reconnaissables par les membres de l’espèce. La couleur émergente dépend à la fois de l’épaisseur du film, et de l’angle d’incidence de la lumière. Sur un corps en mouvement, ce dernier est éminemment changeant, ce qui fait apparaître de magnifiques iridescences.</p>
<p>Les fibres utilisées pour les robes d’Yves Saint Laurent sont évidemment trop épaisses pour créer de tels effets. Aussi, sur l’une des robes exposées, a-t-il cherché à les recréer à l’aide de fibre colorée par des pigments.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/576565/original/file-20240219-26-aafw1l.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/576565/original/file-20240219-26-aafw1l.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/576565/original/file-20240219-26-aafw1l.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/576565/original/file-20240219-26-aafw1l.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/576565/original/file-20240219-26-aafw1l.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/576565/original/file-20240219-26-aafw1l.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/576565/original/file-20240219-26-aafw1l.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Un effet faussement irisé.</span>
<span class="attribution"><span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Cette technique est d’ailleurs également utilisée par de nombreux insectes dotés d’ailes trop épaisses pour créer des interférences mais qui contiennent des pigments. La transparence en est alors plus ou moins réduite selon la concentration en pigment.</p>
<p>Une grande transparence peut donc être utilisée comme outil de communication entre mâles et femelles. Et c’est peut-être là, d’un point de vue fonctionnel, le point commun à l’aile et à la « robe nue » ou au vêtement transparent !</p>
<p>Nous l’avons vu : la transparence des tissus est plus obtenue par leur structure ajourée que par la matière elle-même. C’est également ainsi que certains insectes laissent passer la lumière au travers de leurs ailes. Il s’agit plus alors de translucidité que de transparence.</p>
<p>Les coléoptères et les scarabées ont des ailes renforcées, épaisses et dures, et très souvent pigmentées : impossible pour la lumière de les traverser. Or tous les insectes ont besoin de la lumière du soleil pour se chauffer. Certains ont résolu le problème en la laissant passer par des puits de lumière qui parsèment l’élytre.</p>
<h2>Vivre nus : de « l’instinct primaire » à la haute couture</h2>
<p>Le vêtement est un objet multifonctionnel comme les aime la nature. Cette idée de l’homme ou, en la circonstance, de la femme nue, me fait penser à cette émission de téléréalité <em>Retour à l’instinct primaire</em> (<em>Naked and Afraid</em> en VO) dans laquelle un homme et une femme doivent survivre en milieu hostile pendant trois semaines sans nourriture, ni eau, ni vêtements… Cette idée d’un instinct primaire qui coïnciderait avec la nudité me parait un parfait contresens. Le vêtement est un artefact apparu <a href="https://www.mnhn.fr/fr/depuis-quand-porte-t-on-des-vetements">très tôt dans l’histoire de l’humanité</a>, et il y a fort à parier qu’en de telles circonstances, nos ancêtres « primaires » auraient commencé par se vêtir, non seulement pour se protéger des intempéries mais sûrement aussi par simple pudeur. La feuille de vigne existe depuis l’aube de l’humanité.</p>
<p>La transparence est donc, en théorie, incompatible avec la fonction même du vêtement, qui est censé revêtir le corps, le dissimuler et le protéger. Les effets de transparence dans la mode jouent un peu sur cette ambiguïté entre ce que l’on montre et ce que l’on cache, dans un jeu de séduction subtil – un peu comme les papillons Morpho se parent de couleurs vives et irisées pour mieux séduire les femelles.</p>
<p>La fonction de la transparence chez les humains, mise en lumière dans cette exposition, est cependant très différente de celle qu’elle remplit chez les insectes : il ne s’agit pas de se cacher mais au contraire de se faire remarquer, de se distinguer. Le raffinement du vêtement signale une certaine aisance financière, tandis que la capacité à le dévoiler montre une forme d’assurance quant à son pouvoir de séduction. Si on aperçoit des parties du corps, on remarque tout autant l’originalité du vêtement, léger et pourtant présent, qui s’éloigne au maximum de sa fonction « pratique » pour souligner sa fonction esthétique et sociale. C’est aussi un moyen de jouer sur la dialectique entre nature et culture : on dévoile la matérialité physique du corps, mais la médiation du vêtement dénote une extrême sophistication.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/578339/original/file-20240227-28-59oky3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/578339/original/file-20240227-28-59oky3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=402&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/578339/original/file-20240227-28-59oky3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=402&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/578339/original/file-20240227-28-59oky3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=402&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/578339/original/file-20240227-28-59oky3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=505&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/578339/original/file-20240227-28-59oky3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=505&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/578339/original/file-20240227-28-59oky3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=505&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">La fonction de la transparence chez les humains est très différente de celle qu’elle remplit chez les insectes.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Thibaut Voisin / Musée Yves Saint Laurent</span></span>
</figcaption>
</figure>
<hr>
<p><em>Merci à Serena Bucalo-Mussely, responsable des collections du musée Yves Saint Laurent et Domitille Eblé, chargée des collections arts graphiques au Musée Yves Saint Laurent, d’avoir accompagné notre visite.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/223903/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Serge Berthier a reçu des financements de l'ANR et HFSP. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Sonia Zannad ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>
En quoi la transparence de la blouse transparente qui nous accueille dès l’entrée de l’exposition par exemple, diffère-t-elle précisément de celle d’une aile de cigale ?
Serge Berthier, Professeur en physique, Sorbonne Université
Sonia Zannad, Cheffe de rubrique Culture, The Conversation France
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/223691
2024-02-20T14:41:38Z
2024-02-20T14:41:38Z
Pourquoi la bière mousse-t-elle moins quand on penche le verre ?
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/576743/original/file-20240220-28-8ualqg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=11%2C0%2C3982%2C2658&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Faire couler la bière le long du verre : est-ce vraiment une bonne idée ?</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://unsplash.com/fr/photos/personne-remplissant-du-verre-transparent-avec-du-liquide-8T5UAV6KkZA">Bence Boros / Unsplash</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span></figcaption></figure>
<p><em>Chaque semaine, nos scientifiques répondent à vos questions.</em></p>
<p><em><a href="https://docs.google.com/forms/d/e/1FAIpQLSdior67a7Z5bsoJKoMtltxJ-q9EUW1WneDbrNIWpNZUMJsxkA/viewform">N'hésitez pas à nous écrire</a> pour poser la vôtre et nous trouverons la meilleure personne pour vous répondre.</em></p>
<p><em>Et bien sûr, les questions bêtes, ça n'existe pas !</em></p>
<hr>
<p>La mousse, c’est de la physique et de la chimie. La physique d’abord, car il s’agit d’un état de la matière bien particulier, fait de bulles de gaz dispersées dans un liquide ; de la chimie aussi, car pour que ces bulles « tiennent », il leur faut un allié, que l’on appelle « tensioactif » et qui peut être de nature chimique très variée. En cuisine, on rencontrera souvent des lécithines et des protéines qui feront très bien l’affaire pour créer les traditionnels soufflés, meringues, ou encore les fameuses écumes récemment à la mode sur nos assiettes.</p>
<p>Car pour qu’il y ait mousse, il faut non seulement des bulles mais aussi, et surtout, qu’elles soient suffisamment stables pour se tasser les unes contre les autres sans éclater. Ainsi, les sodas gazeux tout comme les vins dits « mousseux » révèlent leur effervescence dès qu’on ouvre la bouteille, libérant sous forme de bulles le gaz carbonique (CO<sub>2</sub>) qui y était dissous : ça « mousse » alors en effet… et de nouveau quand on verse la boisson dans le verre… mais cette mousse disparaît quasi instantanément !</p>
<hr>
<p><em>Pour satisfaire votre curiosité :</em></p>
<p><em>- <a href="https://theconversation.com/comment-un-bebe-peut-il-apprendre-deux-langues-en-meme-temps-225929">Comment un bébé peut-il apprendre deux langues en même temps ?</a></em></p>
<p><em>- <a href="https://theconversation.com/pourquoi-a-t-on-des-courbatures-apres-une-seance-de-sport-221643">Pourquoi a-t-on des courbatures après une séance de sport ?</a></em></p>
<hr>
<p>Alors, la bière, qu’a-t-elle de « plus » que ces boissons pour permettre à ses bulles de rester longuement en surface, formant ce fameux col blanc dont se délectent les amateurs ? Des tensioactifs ! En effet, les protéines du malt d’orge ainsi que l’isohumulone (une molécule issue de la dégradation, lors de la fermentation, de la lupuline apportée par le houblon) entourent les bulles lors de leur remontée, formant comme un manteau protecteur qui leur permet de se tasser les unes contre les autres… avant de finir, quand même, par éclater au bout de plusieurs minutes.</p>
<p>Maintenant que l’on a compris la chimie, comment faire en sorte de « contrôler » le volume de mousse ? En revenant à la physique : car plus le liquide sera agité, plus le volume de gaz libéré sera important. C’est pourquoi une bière servie de haut dans le verre fera beaucoup de mousse, alors qu’en la faisant couler très doucement (et donc sans choc) le long du verre, la mousse restera mince. Est-ce pour autant une bonne idée de procéder ainsi ? Par forcément, car tout le gaz qui n’aura pas été libéré lors du service le sera… par l’agitation dans votre estomac ! C’est d’ailleurs pour la même raison qu’il n’est pas recommandé de boire directement à la bouteille. Dans les deux cas, ballonnements assurés lors de la digestion !</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/223691/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Christophe Lavelle ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>
Vous avez certainement déjà remarqué que la bière mousse moins si l’on penche le verre. Mais ce n’est pas forcément conseillé de procéder ainsi.
Christophe Lavelle, Chercheur en biophysique moléculaire, épigénétique et alimentation, CNRS UMR 7196, Inserm U1154, Muséum national d’histoire naturelle (MNHN)
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/221235
2024-02-19T14:54:42Z
2024-02-19T14:54:42Z
« Le rayon extraordinaire » : quand l’art donne à voir l’invisible
<p>L’exposition <a href="https://www.speculaire.fr/work/exposition-le-rayon-extraordinaire/">« Le rayon extraordinaire »</a>, présentée aux <a href="https://www.leschampslibres.fr/">Champs Libres</a> à Rennes entre novembre 2022 et mars 2023 offrait une expérience sensorielle immersive, dévoilant une réalité physique normalement invisible à l’œil humain : la polarisation de la lumière. L’exposition, qui a attiré près de 30 000 visiteurs, proposait un mariage harmonieux entre une approche artistique exigeante traitant d’un sujet scientifique de physique en apparence aride, tout en offrant une large accessibilité au grand public. Elle résulte d’un travail de deux ans de recherche arts et science conduit à l’<a href="https://www.univ-rennes.fr/">Université de Rennes</a> par deux artistes (Fred Murie et Flavien Théry, collectif <a href="https://www.speculaire.fr">Spéculaire</a>) et un enseignant-chercheur en optique (Julien Fade, <a href="http://foton.cnrs.fr">Institut Foton</a>).</p>
<p>En pénétrant dans l’espace d’exposition, le visiteur est plongé dans une ambiance obscure d’un laboratoire d’optique et entraîné dans un parcours à travers une vingtaine d’œuvres, lumineuses et subtilement éclairées, associant principes optiques et technologies numériques. Une esthétique empreinte de science-fiction préside à cette immersion, amplifiée par une <a href="https://impersonalfreedom.bandcamp.com/album/le-rayon-extraordinaire">bande sonore originale de Thomas Poli diffusée dans la salle</a>. L’ensemble crée une atmosphère propice à la contemplation, invitant les visiteurs à explorer cette dimension cachée de la lumière qui révèle la porosité entre les mondes réel et virtuel, naturel et artificiel.</p>
<h2>Dépasser l’environnement tangible</h2>
<p>Nos sens et notre intellect ne nous donnent accès qu’à une infime part de la réalité. Les sciences, tout comme les arts, ont pour objectif de dépasser cet environnement tangible et observable, et de proposer des interprétations de ce que nous pouvons comprendre du monde. Cette démarche peut se traduire pour l’artiste par la création d’œuvres plastiques, et, pour le scientifique, par l’élaboration de théories et/ou de modèles mathématiques, physiques ou encore géométriques…</p>
<p>L’exposition « Le rayon extraordinaire » permettait donc de s’aventurer au-delà de notre perception pour dévoiler au public un monde qui suscite l’émerveillement et impose le respect. La collaboration entre artistes et chercheur durant la résidence art et science à l’Institut Foton a été l’occasion de faire converger des approches de recherche étrangères en apparence, mais dont la finalité et les ressorts ne s’avèrent finalement pas si différents. Du point de vue du chercheur, cela a aussi permis de s’autoriser un « pas de côté », en prenant le temps de s’interroger sur la dimension plastique et esthétique de concepts ou d’objets manipulés au quotidien dans le travail scientifique.</p>
<h2>Beauté des formes mathématiques</h2>
<p>Artistes et chercheur, qui ont cosigné quelques-unes des œuvres produites au cours de la résidence, ont pu mettre en valeur dans certaines pièces la beauté intrinsèque de formes mathématiques, dont la puissance d’évocation déplace soudain le sens vers une dimension symbolique ou imaginaire.</p>
<p>Ce fut le cas par exemple avec la « surface des ondes de Fresnel », surface mathématique déployée en trois dimensions, qui a donné naissance à une sculpture <a href="https://www.speculaire.fr/work/loeil-etait-dans-la-pierre/">« L’œil était dans la pierre »</a>, mais aussi à une peinture, ou encore à une forme virtuelle… jusqu’à devenir l’image emblématique et l’affiche de l’exposition. Cette forme, qui évoque plus volontiers la lueur d’un regard émanant d’un étrange œil sans corps, n’a aucune réalité physique. Elle représente simplement la solution de l’équation de Fresnel qui permet de calculer les indices de réfraction (ou les vitesses de propagation) de la lumière dans un matériau anisotrope qui modifie les propriétés de polarisation de la lumière. Cet objet théorique permet en particulier de prédire la trajectoire de l’éventuel « rayon extraordinaire » qui n’apparaît que dans ce type de matériaux optiques, et dont l’observation (inexplicable à l’époque) a semé la graine au XVII<sup>e</sup> siècle d’une théorie ondulatoire de la lumière.</p>
<p>La force évocatrice de ces dénominations académiques historiques nous rappelle à quel point la construction de la connaissance s’est longtemps accompagnée pour beaucoup de scientifiques d’une recherche esthétique. En témoignent la qualité et la beauté des instruments scientifiques anciens, objets d’artisanat – voire objets d’art – bien qu’étant avant tout vecteur de connaissance. La dimension poétique du propos scientifique est un des ressorts d’inspiration de F. Théry et F. Murie : plusieurs œuvres de l’exposition rappellent ce syncrétisme art/artisanat/science, notamment par le détournement de pièces des <a href="https://culture.univ-rennes.fr/actualites/visiter-les-collections/">collections de zoologie et d’instruments scientifiques anciens</a> de l’Université de Rennes. Citons comme autre exemple la pièce <a href="https://www.speculaire.fr/work/dear-brewster/">« Dear Brewster »</a> qui rappelle par un clin d’œil judicieux comment Sir David Brewster, physicien dont le nom est associé à l’histoire de la polarisation lumineuse, est aussi l’inventeur d’un célèbre « jouet » optique : le kaléidoscope.</p>
<p>Le réenchantement d’objets scientifiques a souvent inspiré les artistes. On pense notamment aux <a href="https://www.centrepompidou.fr/fr/ressources/oeuvre/ca9xyz">photographies</a> de Man Ray dans les collections de modèles mathématiques en plâtre de l’Institut Henri Poincaré. Les modèles liés à la polarisation ont ici inspiré des œuvres qui font dialoguer des techniques traditionnelles et des médias numériques, des propositions contemplatives et des expériences immersives : du crayonné au fusain aux casques à réalité virtuelle, de la peinture à l’huile à la vidéo en relief, de la sculpture en plâtre à l’impression 3D, jusqu’aux dispositifs inventés par les artistes, superposant deux afficheurs numériques à cristaux liquides (justement basés sur le phénomène de polarisation) et permettant de créer l’illusion de la profondeur…</p>
<h2>Poésie du travail de recherche</h2>
<p>Pour l’enseignant-chercheur, la collaboration arts/sciences permet de rendre un peu de poésie au travail de recherche qui s’élabore souvent dans l’émerveillement, mais doit se conclure dans la rigueur froide d’une publication scientifique. Par exemple, sans cette résidence art et science au laboratoire et la curiosité insistante des artistes, nous n’aurions jamais cherché à représenter la trajectoire temporelle du champ électrique d’un laser un peu particulier (dit « laser bifréquence bipolarisation »), utilisé à l’Institut Foton pour réaliser de <a href="https://journals.aps.org/prl/abstract/10.1103/PhysRevLett.109.043901">l’imagerie polarimétrique rapide</a>. Ce tracé bidimensionnel (sur un plan) possède un attrait esthétique manifeste, en semblant se déployer tel un volume impossible sans intérieur ni extérieur, et a interpellé les artistes qui y ont vu une source de création – même si cela ne s’est pas transcrit en l’état dans une œuvre artistique.</p>
<p>Les discussions à bâtons rompus avec des collaborateurs non scientifiques – mais intéressés au plus haut point par le sujet – ont aussi permis d’identifier certains écueils didactiques dans des explications, des schémas ou des images utilisées en enseignement. Dans ce rôle de « candide », l’artiste ose remettre en question la parole académique, ce qu’un étudiant ne fait peut-être pas aussi librement. Cette prise de recul salutaire peut conduire à revoir ses modalités d’enseignement en évitant des raccourcis qui n’ont pas l’évidence qu’on leur prêtait… L’expérience collaborative du « rayon extraordinaire » incite aussi à repenser le rôle – important pour la compréhension – des modèles géométriques d’enseignement : si les moulages en plâtre ont déserté depuis longtemps les amphithéâtres, l’impression 3D ou la réalité virtuelle immersive offrent des outils à la portée des enseignants pour « donner à voir » les concepts enseignés, des plus abstraits aux plus concrets.</p>
<h2>Inventer des formes inédites</h2>
<p>Pour les artistes, la collaboration arts/sciences permet d’approcher des domaines de connaissances qui leur sont peu accessibles d’ordinaire. Dans le cadre officiel d’une résidence d’artistes en milieu universitaire – comme celle qui a pu être mise en œuvre ici par le <a href="https://culture.univ-rennes.fr/">Service Culturel</a> de l’Université de Rennes – leur présence au laboratoire est légitimée, tout comme leur exploitation d’un corpus scientifique précis. Ils y trouvent matière à inventer des formes inédites, dont l’idée naît le plus souvent d’un décalage entre leur pensée à visée esthétique, par nature assez libre, et l’approche scientifique plus rationnelle à laquelle ils sont confrontés.</p>
<p>Ainsi, par exemple, l’intérêt porté aux signaux polarisés possiblement produits par l’épiderme d’une seiche ne visait pas à prouver, et encore moins à expliquer, les formidables capacités de cet animal marin, mais bien à déplacer notre regard sur un monde vivant qui nous échappe en grande partie. La pièce intitulée <a href="https://www.speculaire.fr/work/le-secret/">« Le secret »</a> est issue d’un tournage réalisé à la Station Marine de Concarneau, à l’aide d’une caméra polarimétrique, sur un spécimen de seiche élevée en captivité. Le signal polarimétrique « invisible », que le chercheur et les artistes pensent avoir capté, est traduit dans l’œuvre par l’aspect métallique d’un des fils de tissage d’une tapisserie numérique au point d’Aubusson, conférant au céphalopode un statut quasi mythologique.</p>
<p>Convaincus que les questions suscitent davantage la curiosité que les réponses, les artistes restent soucieux de souligner le caractère insaisissable et mystérieux des phénomènes à l’œuvre dans notre monde. C’est de ce contraste avec la volonté d’expliquer propre aux sciences que naît la singularité des propositions issues de ce type de collaborations.</p>
<p>Malgré le propos scientifique pointu, les acteurs du projet ont le sentiment d’avoir réussi le pari de la transdisciplinarité art et science. En témoignent la fréquentation élevée et variée pour cette exposition – ouverte gratuitement au public et portée par le bouche-à-oreille – ainsi que les retours et témoignages positifs reçus sur l’exposition et sur ses événements annexes (visites commentées, <a href="https://www.espace-sciences.org/conferences/la-polarisation-de-la-lumiere-du-rayon-extraordinaire-aux-applications-modernes">conférence scientifique grand public</a>, débat art et science, <a href="https://youtu.be/NAgdaavFBkg">concert/performance</a>).</p>
<p>Émerveiller, interroger, transmettre, émouvoir, et pourquoi pas susciter des vocations, voici pour nous le rôle et la valeur de telles créations arts/sciences et de leur diffusion au plus grand nombre.</p>
<hr>
<p><em>Cet article a été co-écrit par J. Fade, F. Théry, F. Murie et M.-A. Lefeuvre fait partie d’une série d’articles coordonnée par S. Girel, en lien avec <a href="https://www.univ-amu.fr/fr/public/actualites/scientifica-2">Scientifica</a>, l’événement arts/sciences d’Aix-Marseille université.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/221235/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Le projet Le Rayon Extraordinaire a reçu des financements de Rennes Métropole, des Champs Libres, et du Service Culturel de l'Université de Rennes.
Julien Fade est actuellement enseignant-chercheur à l'École Centrale Méditerranée et à l'Institut Fresnel à Marseille. Il est anciennement membre du laboratoire Institut FOTON, Université de Rennes (2010-2021). Il ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Marie-Aude Lefeuvre et Sylvia Girel ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur poste universitaire.</span></em></p>
Une exposition « arts et sciences » pour s’aventurer au-delà de notre perception.
Julien Fade, Maître de conférences HDR en physique, Université de Rennes 1 - Université de Rennes
Marie-Aude Lefeuvre, Directrice du Service Culturel , Université de Rennes 1 - Université de Rennes
Sylvia Girel, Professeur des universités – sociologue, Aix-Marseille Université (AMU)
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/222476
2024-02-05T15:34:07Z
2024-02-05T15:34:07Z
Plus haut, plus vite : qu’est-ce qui influence l’aérodynamisme du ballon de football ?
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/573218/original/file-20240203-27-i63qjv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C5472%2C3579&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Au-delà du talent des joueurs à lancer un ballon, plusieurs facteurs influenceront son vol, à commencer pas ses dimensions, sa pression et sa texture.</span> <span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span></figcaption></figure><p>Avec <a href="https://www.nfl.com/news/super-bowl-lvii-averages-audience-of-113-million-viewers-fox-sports">113 millions de téléspectateurs et téléspectatrices aux États-Unis</a> et 40 millions d’autres à travers le monde, le Super Bowl est la grand-messe sportive la plus prisée en Amérique du Nord. L’événement de dimanche, avec en sus une <a href="https://www.lapresse.ca/sports/football/2024-01-31/chiefs-de-kansas-city/travis-kelce-remercie-taylor-swift-d-avoir-embarque-dans-le-club.php">idylle sous les projecteurs</a>, s’annonce tout aussi suivi.</p>
<p>Au Canada, la plus récente finale de la Coupe Grey a pour sa part atteint une <a href="https://twitter.com/RDS_RP/status/1726722586816430330">audience record</a> de 3,7 millions de personnes, rivées à leur téléviseur en novembre dernier pour voir la victoire des Alouettes de Montréal.</p>
<p>Les deux ligues n’ont pas la même popularité, tant s’en faut, ni les mêmes règles. Mais il y a une autre différence : bien que similaires en apparence, les fameux ballons ovales présentent, de part et d’autre de la frontière, certaines particularités qui affectent leur aérodynamisme, c’est-à-dire les forces exercées par l’air sur le ballon tout au long de son vol. La conception et les caractéristiques du ballon ont un impact sur l’ampleur de ces forces.</p>
<p>N’en déplaise aux joueurs, malgré leur talent à lancer le ballon le plus loin possible, son aérodynamisme variera non seulement en raison de sa fabrication et du niveau de son gonflement, mais aussi en fonction de plusieurs autres facteurs.</p>
<p>Professeur au Département de génie mécanique de l’École de technologie supérieure, je m’intéresse à la dynamique des fluides expérimentale. J’étudie la physique des écoulements de fluides et certaines applications (par exemple, la propulsion de véhicules aquatiques, les applications aérodynamiques). La dynamique des fluides est un vaste domaine et affecte de nombreux aspects de nos vies. Qu’il s’agisse du flux sanguin dans le cœur, du vol des avions, des magnifiques motifs tourbillonnants de l’atmosphère de Jupiter ou… d’un lancer de football impeccable pour un touché.</p>
<h2>La dimension du ballon a un effet sur la stabilité du vol</h2>
<p>La NFL et la LCF disposent des mêmes <a href="https://cfldb.ca/faq/equipment/#:%7E:text=The%20CFL%20football%20dimensions%20are,to%2028%201%2F2%20inches.">règlements</a> concernant les dimensions du ballon. Celui-ci doit mesurer entre 11 po et 11,25 po de long. Il doit aussi être gonflé à une pression comprise entre 12,5 psi et 13,5 psi, ce qui doit lui conférer une circonférence maximale allant de 28 po à 28,5 po pour ce qui est de sa longueur, et de 21 po à 21,25 po pour sa largeur.</p>
<p>Ces dimensions ont leur importance. Le ballon de football agit, en fait, comme un gyroscope. Plus la vitesse de rotation est élevée, plus le ballon sera stable pendant son vol. Des dimensions différentes peuvent donc avoir un certain effet sur la stabilité du vol du ballon.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Un joueur de football américain attrape un ballon en plein vol sur un terrain" src="https://images.theconversation.com/files/573219/original/file-20240203-25-y5at9n.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/573219/original/file-20240203-25-y5at9n.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=438&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/573219/original/file-20240203-25-y5at9n.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=438&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/573219/original/file-20240203-25-y5at9n.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=438&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/573219/original/file-20240203-25-y5at9n.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=551&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/573219/original/file-20240203-25-y5at9n.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=551&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/573219/original/file-20240203-25-y5at9n.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=551&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">La dimension du ballon de football a son importance. Le ballon agit comme un gyroscope. Plus la vitesse de rotation est élevée, plus le ballon sera stable pendant son vol..</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Une circonférence plus grande suggère qu’une plus grande partie de la masse du ballon est éloignée de sa ligne centrale. Cela signifie qu’il a un moment d’inertie (résistance à la rotation) plus élevé et, donc, que la même force appliquée pour le faire tourner entraînera une vitesse de rotation plus faible.</p>
<h2>Deux bandes et un lacet qui font une différence</h2>
<p>On trouve deux bandes blanches sur le ballon canadien, en plus d’un lacet : le règlement américain ne prévoit rien à ce propos.</p>
<p>Ces différences entre les ballons canadien et américain ont un effet sur sa traînée. Une force de traînée est la résistance qui s’oppose à un objet en mouvement dans un fluide. Dans ce cas-ci, il s’agit principalement de la résistance entraînée par l’air (qui est un fluide), qu’on appelle la traînée de forme ou de pression.</p>
<p>Prenons l’exemple d’une balle de golf. Ses alvéoles favorisent les turbulences, qui permettent au flux d’air de rester collé à la balle et d’en réduire la traînée totale. Moins de traînées signifie que la balle pourrait voler plus loin pour la même force appliquée.</p>
<p>Les lacets d’un ballon de football et toute autre modification importante de sa surface (un logo, une valve), en combinaison avec la rotation du ballon, auront le même effet dans une certaine mesure. Il serait intéressant d’étudier en quoi <a href="https://www.engineering.com/story/the-aerodynamics-of-a-football">ces différences</a> entre les ballons de football de la NFL et de la LCF affectent leur traînée respective.</p>
<h2>NFL ou LCF, quel ballon est meilleur ?</h2>
<p>Pour ce faire, nous pourrions, dans une soufflerie (une installation expérimentale sous forme de tunnel avec soufflage d’air contrôlé), simuler le mouvement de l’air (écoulement du fluide) autour des deux ballons qui seraient fixés dans l’espace, puis mis en rotation avec une poussée d’air servant à imiter la vitesse de vol du ballon.</p>
<p>Une balance aérodynamique mesurerait les différences de traînée entre les deux ballons, soumis aux mêmes conditions. Idéalement, les deux ballons auraient les mêmes dimensions pour supprimer d’autres facteurs de variabilité.</p>
<p>Le passage de l’air autour du ballon pourrait être visualisé à l’aide de la fumée ou de la technique de vélocimétrie par image ou par suivi de particules. C’est une ne méthode où on ensemence l’air avec des particules (des gouttelettes ou bulles de savon). Le mouvement de ces particules pourrait être capté à l’aide d’une caméra pour quantifier la vitesse de l’air en tous points autour du ballon. Cela permettrait de voir des régions de décollement et de recirculation d’air et d’avoir une idée de la répartition des forces aérodynamiques autour du ballon.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Une main gantée tient un ballon de football sur une surface gazonnée" src="https://images.theconversation.com/files/573221/original/file-20240203-21-3s2qf1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/573221/original/file-20240203-21-3s2qf1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/573221/original/file-20240203-21-3s2qf1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/573221/original/file-20240203-21-3s2qf1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/573221/original/file-20240203-21-3s2qf1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/573221/original/file-20240203-21-3s2qf1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/573221/original/file-20240203-21-3s2qf1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Un ballon sur le point d’être botté. Plusieurs facteurs vont influencer l’aérodynamisme du ballon..</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Différentes vitesses de rotation et vitesses de vol pourraient être examinées, car il existe toujours la possibilité de développer des instabilités d’écoulement de l’air, ce qui entraînerait une modification de son comportement autour du ballon. </p>
<p>On pourrait ainsi déterminer quel ballon, celui de la NFL ou celui de la LCF, est le meilleur.</p>
<h2>La texture du ballon influence sa traînée</h2>
<p>Il existe un autre type de traînée, attribuable celle-là au frottement de l’air avec la surface du ballon. On l’appelle traînée de frottement.</p>
<p>Elle dépend pour sa part principalement de la texture du ballon et de sa vitesse. Plus la texture du ballon est rugueuse, plus la traînée de frottement est élevée pour une même vitesse. De même, une vitesse de ballon plus rapide aura une traînée de frottement plus élevée.</p>
<p>En réduisant la traînée de forme, on réduit davantage la traînée totale du ballon, qui peut ainsi aller plus loin et plus vite sur le terrain de football.</p>
<h2>Et puis il y a… la météo !</h2>
<p>La météo joue aussi un rôle sur l’aérodynamisme du ballon de football.</p>
<p>Les températures froides ou chaudes peuvent affecter la taille du ballon en diminuant ou en augmentant la pression de l’air à l’intérieur de celui-ci.</p>
<p>De même, la température peut avoir un certain effet sur les propriétés matérielles du ballon, une température plus froide le rendant plus rigide et une température plus chaude, plus souple.</p>
<p>La température et l’humidité jouent également un rôle dans les propriétés physiques de l’air en modifiant sa masse volumique et sa viscosité.</p>
<p>La pluie affectera également directement la traînée puisque, dans un sens, elle affecte la texture de la surface du ballon telle que ressentie par l’air.</p>
<p>Mais la question ne se posera pas à Las Vegas, dimanche, pour le match du Super Bowl, puisque le stade Allegiant est couvert.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/222476/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Giuseppe Di Labbio ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>
Les dimensions du ballon de football, sa pression et sa texture affectent son aérodynamisme, c’est-à-dire les forces exercées par l’air sur le ballon tout au long de son vol.
Giuseppe Di Labbio, Professeur adjoint, École de technologie supérieure (ÉTS)
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/221769
2024-01-28T16:05:48Z
2024-01-28T16:05:48Z
Une nouvelle arme laser permet d'abattre des drones à distance – et à bas coût
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/570837/original/file-20240121-38659-1vateu.png?ixlib=rb-1.1.0&rect=20%2C3%2C589%2C363&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Tir de test du système anti-drone britannique, le _DragonFire_.</span> <span class="attribution"><span class="source">UK Ministry of Defence/wikipedia</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Un flash de lumière s’envole vers un minuscule drone volant à une vitesse vertigineuse. Quelques instants plus tard, le drone désactivé s’écrase dans la mer. Pas un bruit, pas de victimes humaines, pas d’explosions désordonnées. Un drone mortel coûtant plusieurs millions de dollars a été proprement éliminé par un tir qui a coûté moins cher qu’une bonne bouteille de vin.</p>
<p>Si vous pensez qu’il s’agit d’une scène tirée d’un film de science-fiction, détrompez-vous. Il y a quelques jours à peine, une équipe de scientifiques et d’ingénieurs britanniques a réussi à <a href="https://www.gov.uk/government/news/advanced-future-military-laser-achieves-uk-first">démontrer qu’il s’agit d’une technologie viable</a>, qui pourrait trouver sa place sur le champ de bataille dans cinq ou dix ans.</p>
<p><em>DragonFire</em> est un programme de haute technologie lancé en 2017, financé à hauteur de 30 millions de livres sterling, et impliquant l’agence gouvernementale britannique <em>Defence Science and Technology Laboratory</em>, le fabricant de missiles MBDA, l’entreprise aérospatiale Leonardo UK et l’entreprise de technologie de défense QinetiQ. Ce programme a réussi son premier test sur le terrain en abattant plusieurs drones au large des côtes écossaises à l’aide de faisceaux laser.</p>
<p>Les drones sont des aéronefs sans pilote, semi-automatiques, capables d’infliger des dégâts mortels avec une grande précision. Ils sont <a href="https://theconversation.com/armes-autonomes-et-soldats-augmentes-quel-impact-sur-les-valeurs-des-armees-168295">très présents sur les champs de bataille modernes</a>, notamment lors de la guerre d’Ukraine et sur les routes navales commerciales de la mer Rouge.</p>
<p>Il n’est pas facile de les abattre : il faut généralement tirer des missiles qui coûtent jusqu’à 1 million de livres sterling pièce. Bien qu’ils soient généralement efficaces, les systèmes défensifs de ce type sont coûteux et comportent un risque important de dommages collatéraux. Si un missile manque sa cible, il finira par atterrir quelque part et explosera quand même.</p>
<p>Mais il n’est pas nécessaire de provoquer une explosion spectaculaire pour désactiver un drone… il suffit d’interférer avec ses systèmes de contrôle et de navigation.</p>
<p>Et un rayon laser est un très bon candidat pour s’acquitter de cette tâche. Les <a href="https://www.pourlascience.fr/sd/physique/le-laser-et-le-renouveau-de-l-optique-2490.php">lasers sont des faisceaux lumineux particulièrement directionnels, qui peuvent être très intenses</a>. Un laser suffisamment puissant peut interférer avec n’importe quel appareil électronique et provoquer son dysfonctionnement.</p>
<p>Comparé aux missiles classiques, un système laser de grande puissance présente de nombreux avantages stratégiques. Pour commencer, il est étonnamment peu coûteux à utiliser : faire fonctionner le <em>DragonFire</em> pendant dix secondes coûte autant que d’allumer un chauffage pendant une heure (soit moins de 10£ par tir).</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Le système laser DragonFire" src="https://images.theconversation.com/files/570477/original/file-20240121-28-ilxzdp.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/570477/original/file-20240121-28-ilxzdp.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=331&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/570477/original/file-20240121-28-ilxzdp.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=331&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/570477/original/file-20240121-28-ilxzdp.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=331&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/570477/original/file-20240121-28-ilxzdp.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=417&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/570477/original/file-20240121-28-ilxzdp.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=417&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/570477/original/file-20240121-28-ilxzdp.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=417&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Le système laser <em>DragonFire</em>.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.mbda-systems.com/press-releases/dragonfire-proving-trials-underway">MDBA</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Les lasers ne présentent pas non plus de risque de dommages collatéraux. Même si un laser manque sa cible, il continuera à se propager dans la même direction et finira par être absorbé et dispersé dans l’atmosphère. Un laser étant un faisceau lumineux, il se propage en ligne droite, indépendamment de la gravité. Finalement, la section d’un faisceau laser est généralement toute petite, de l’ordre de quelques millimètres carrés. Leur utilisation s’apparente ici à une intervention chirurgicale.</p>
<p>Les lasers sont donc une arme défensive par excellence : ils peuvent répondre à une menace, mais ne peuvent pas causer de dégâts importants. Ils sont aussi très peu sensibles aux contre-mesures, puisque les faisceaux lumineux se déplacent à la plus grande vitesse qui soit… celle de la lumière. En d’autres termes, une fois qu’un flash laser est lancé, rien ne peut le rattraper et le neutraliser.</p>
<p>Les rayons laser sont utilisés sur le champ de bataille depuis un certain temps. Côté défensif, ils sont <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S2214914719312231">principalement utilisés pour le suivi des cibles, la télédétection et la visée de précision</a>. Mais c’est la première fois qu’ils sont utilisés efficacement afin de perturber une action ennemie.</p>
<h2>Des défis à relever</h2>
<p>La mise au point du <em>DragonFire</em> comme arme a pris beaucoup de temps. C’est parce que pour neutraliser un drone, il faut un faisceau laser d’une grande intensité.</p>
<p>Mais si le faisceau laser est trop puissant, il peut fortement interagir avec l’air dans l’atmosphère, <a href="https://www.mdpi.com/2073-4433/12/7/918">ce qui entraîne son absorption ou sa dispersion</a>. Il faut trouver l’équilibre parfait entre les paramètres du faisceau, tels que <a href="https://scholar.harvard.edu/files/schwartz/files/lecture10-power.pdf">sa puissance, sa longueur d’onde et sa forme</a>, pour s’assurer qu’il peut se propager sur de longues distances sans se dégrader significativement.</p>
<p>Un faisceau laser est aussi particulièrement sensible aux conditions atmosphériques, et la présence de brouillard, de pluie ou de nuages <a href="https://www.mdpi.com/2073-4433/12/7/918">peut affecter de manière significative ses performances</a>.</p>
<p>Les drones et les missiles subsoniques représentent une menace croissante à l’échelle mondiale. C’est pourquoi le ministère britannique de la Défense accélère actuellement le développement du <em>DragonFire</em>, dans l’espoir de l’embarquer sur des navires de guerre dans les cinq à dix prochaines années.</p>
<p>Pour cela, plusieurs questions techniques et scientifiques doivent encore être résolues.</p>
<p>Par exemple, il n’est pas facile de maintenir la stabilité du pointage du laser sur une plate-forme en mouvement (comme un croiseur dans des eaux agitées). C’est comme si l’on essayait d’atteindre une cible de fléchettes en se tenant debout sur une planche d’équilibre – mais ceci n’affecte que la précision de l’arme, pas le risque de dommages collatéraux.</p>
<p>Il faudra également découpler les performances du système laser des conditions météorologiques. Comme les gouttelettes d’eau et les courants d’air peuvent diffuser ou absorber le faisceau laser, et réduire sa puissance et donc ses effets, il faudrait pouvoir tenir compte des conditions météorologiques lors de la préparation du faisceau. Cette tâche n’est pas impossible, mais techniquement difficile.</p>
<p>Un programme de formation doit également être mis en place pour que les soldats puissent utiliser efficacement un tel système de haute technologie.</p>
<p>Néanmoins, ces premiers essais ont démontré la viabilité et l’efficacité de cette arme laser, qui pourrait révolutionner la guerre moderne dans les années à venir.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/221769/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Gianluca Sarri a reçu des financements de l'EPSRC (Engineering and Physical Sciences Research Council), de InnovateUK, et du DSTL (Defence Science and Technology Laboratory). </span></em></p>
Le nouveau système de défense laser britannique permet des tirs coûtant 10 livres sterling – soit l’équivalent d’une heure de chauffage.
Gianluca Sarri, Professor at the School of Mathematics and Physics, Queen's University Belfast
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/205526
2024-01-10T19:00:36Z
2024-01-10T19:00:36Z
La glace : pourquoi ça glisse, pourquoi ça colle ? Les physiciens patinent depuis 150 ans
<p>Malgré le réchauffement climatique, la glace pose des problèmes considérables en conditions hivernales, notamment sur les carlingues des avions, les voies routières ou ferroviaires, ou encore sur les lignes électriques.</p>
<p>Qu’elle soit sous la forme de givre, ou d’un glaçon lisse et transparent, la glace adhère spontanément et même assez fortement sur de nombreuses surfaces solides. Pourtant, tout imprudent ayant dérapé sur une plaque de verglas en témoigne : la glace peut être aussi très glissante. Ainsi la glace nous apparaît tantôt collante, tantôt glissante.</p>
<p>Depuis plus de 150 ans, de nombreux scientifiques ont réfléchi à la raison pour laquelle la glace est glissante. Parmi eux, de célèbres physiciens tels Lord Kelvin ou Michael Faraday ; ce dernier, plus connu pour ses travaux en électromagnétisme, fut le premier à imaginer la présence d’une fine couche d’eau liquide couvrant la glace, même bien en dessous de 0 °C. Au contact d’un solide, cette couche superficielle joue un rôle de lubrifiant diminuant fortement les frottements sur la glace. L’existence de cette couche liquide sera confirmée par l’expérience plus d’un siècle plus tard.</p>
<h2>Pourquoi la glace glisse-t-elle ?</h2>
<p>Répondre à la question « pourquoi la glace est glissante ? » revient donc à comprendre le mécanisme sous-jacent à la génération de cette fine couche d’eau liquide sur la glace.</p>
<p>Comme l’eau est plus dense dans sa phase liquide qu’à l’état de glace, on a longtemps cru que la fonte de la glace en surface était liée à un <a href="https://www.aldebaran.cz/bulletin/2016_05/2005_Rosenberg.pdf">excès de pression</a> dû par exemple au poids du patineur sur la faible surface de ses patins : en comprimant davantage la glace, donc en augmentant la densité localement, on provoquerait ainsi sa fonte.</p>
<p><a href="https://www.aldebaran.cz/bulletin/2016_05/2005_Rosenberg.pdf">Un autre mécanisme</a> pour la fonte de surface a aussi été évoqué : le dégagement de chaleur par friction de l’objet se déplaçant sur la glace. Quand on frotte un solide contre un autre, ça chauffe (on le constate en se frottant machinalement les mains pour les réchauffer).</p>
<p>Pourtant ces deux mécanismes n’expliquent pas pourquoi la glace reste glissante en dessous de -20 °C. En effet, à de telles températures, il faudrait une pression considérable (environ 500 fois la pression exercée par un patin à glace) pour causer la fonte.</p>
<p>Dans les années 1960, soit plus d’un siècle après Faraday, en mesurant la résistance mécanique d’un fil lentement tiré à travers la glace « froide » (en dessous de -20 °C), Telford et Turner ont montré que la <a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/14786436308211151">glace restait glissante jusqu’à -35 °C</a>, température à laquelle la chaleur dégagée par frottement ne suffirait pas à provoquer la fonte.</p>
<p>Ce n’est qu’environ un siècle après l’intuition de Faraday qu’on pût mettre en évidence indirectement cette couche liquide, en mesurant une quantité intrinsèque aux propriétés de la surface et non du volume ; en l’occurrence ses propriétés d’absorption de vapeurs d’hydrocarbures qui sont assez comparables à celle de l’eau liquide ! Mais il restait à caractériser cette couche, et en premier lieu à en mesurer l’épaisseur ; des techniques utilisant la diffusion de protons ou de rayons X, utilisées habituellement pour l’étude de la structure des cristaux, ont permis d’estimer cette épaisseur entre un et plusieurs centaines de nanomètres. Certaines études ont même suggéré que cette épaisseur divergeait lorsque la température s’approche de 0 °C. L’intuition de Faraday est d’autant plus impressionnante que de telles épaisseurs sont invisibles à l’œil nu. Plus récemment, des simulations numériques ont permis de <a href="https://pubs.aip.org/aip/jcp/article-abstract/120/3/1395/186402/Molecular-dynamics-studies-of-surface-of-ice-Ih">mieux représenter la structure de cette couche liquide</a>. Par la suite, on qualifia cette couche de « pseudo-liquide » ou « quasi-liquide » pour la différentier de la vraie phase liquide.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/567664/original/file-20240103-21-qe9gca.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/567664/original/file-20240103-21-qe9gca.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/567664/original/file-20240103-21-qe9gca.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=386&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/567664/original/file-20240103-21-qe9gca.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=386&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/567664/original/file-20240103-21-qe9gca.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=386&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/567664/original/file-20240103-21-qe9gca.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=485&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/567664/original/file-20240103-21-qe9gca.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=485&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/567664/original/file-20240103-21-qe9gca.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=485&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Modélisation de la structure de la glace où on voit le désordre structurel propre aux liquides sur une épaisseur d’une à deux molécules. Plus profondément dans la glace, on retrouve la structure ordonnée (cristalline) de la glace.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Philippe Brunet/adaptée de T. Ikeda-Fukazawa et K. Kawamura</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Ces travaux théoriques ont montré que dans cette couche superficielle, les molécules ont la capacité de se mouvoir plus librement, confirmant son rôle de lubrifiant. Néanmoins, la structure moléculaire n’est pas exactement la même que celle de l’eau liquide, ce qui a des conséquences sur les propriétés mécaniques de cette couche pseudo-liquide. La caractérisation de ces propriétés est depuis quelques années un sujet de recherche « chaud ».</p>
<p><a href="https://pubs.acs.org/doi/10.1021/acs.jpclett.8b01188">Une étude récente</a> a montré une forte corrélation entre la mobilité individuelle des molécules et le coefficient de friction macroscopique (plus ce coefficient est faible, plus on glisse aisément), ce qui suggère que ce n’est pas tant l’épaisseur de la couche qui importe pour mieux glisser mais plutôt le mouvement individuel des molécules. La valeur minimale du coefficient de friction est mesurée à -7 °C, température connue des skieurs et patineurs comme étant optimale à leur activité.</p>
<p><a href="https://journals.aps.org/prx/abstract/10.1103/PhysRevX.9.041025">Une autre recherche</a> est allée au cœur de la couche pseudo-liquide à l’aide d’une nano-sonde, une pointe de microscope à force atomique. En faisant vibrer cette pointe reliée à un capteur de force extrêmement précis, mesurant la friction entre la pointe et le liquide dans la couche, les auteurs ont mesuré que ce liquide peut être 50 fois plus visqueux que l’eau liquide, et qu’il possède en outre une élasticité (propriété plutôt liée à l’état solide) ; cette viscosité comparable à celle des huiles alimentaires et cette élasticité inattendue font de cette couche pseudo-liquide un excellent lubrifiant. Par ailleurs, ces mêmes auteurs ont mesuré que la force de friction diminue avec la vitesse de glissement, ce qui suggère que le mécanisme de fonte par friction intervient, mais de manière minoritaire. Peut-être est-ce là que réside le secret des compétiteurs de curling…</p>
<p>En résumé : la glace glisse car il se forme spontanément une couche liquide d’environ 1 à 100 nm d’épaisseur à sa surface. Les propriétés mécaniques (viscosité, élasticité) de cette couche, différentes de l’eau liquide, ainsi que la mobilité des molécules qui la composent, bien supérieure à celle de la glace solide, lui confèrent son caractère lubrifiant exceptionnel.</p>
<h2>Pourquoi la glace colle-t-elle ?</h2>
<p>Alors que l’origine longtemps débattue du caractère glissant de la glace a finalement trouvé des explications assez précises et convaincantes, les mécanismes à l’origine du caractère collant de la glace sont encore sujets à questionnement.</p>
<p>Pourtant, de nombreuses études expérimentales ont été menées depuis près de 70 ans. En général, on utilise un dispositif expérimental relativement simple : un bloc de glace collé sur un solide est poussé par un piston, lui-même relié à un capteur de force. Lorsque le glaçon se détache, la force enregistrée par le capteur devient soudainement nulle et on mesure la valeur maximale avant ce décrochement. Mais ces résultats ont montré des tendances parfois contradictoires, et une assez forte dispersion.</p>
<p><a href="https://www.researchgate.net/publication/254214058_Ice_Adhesion_-Theory_Measurements_and_Countermeasures">Une récente revue</a> sur ce sujet concluait que la force d’adhésion de la glace « dépend non seulement de la composition chimique, de la rugosité de la surface, des propriétés mécaniques et thermiques du substrat », mais « dépend aussi de manière critique de la température et même du dispositif expérimental de mesure d’adhésion ». Pour être un peu plus précis, lorsqu’on explore la littérature sur le sujet depuis plus de 60 ans, on note que la force avec laquelle la glace colle sur un solide dépend fortement de la température dans un intervalle entre -20 °C et 0 °C (la glace colle plus fort sur un solide plus froid). Quant au rôle de la rugosité de surface, il est ambivalent : pour certains solides (notamment les métaux…), la glace adhère davantage sur un substrat plus rugueux, alors que sur certains plastiques c’est l’inverse…</p>
<p>Finalement, la nature chimique semble intervenir via l’affinité de l’eau liquide pour le solide, c’est-à-dire de la capacité de l’eau à s’étaler ou non sur sa surface. Cette capacité se quantifie par l’angle (dit angle de contact) qu’une gouttelette forme sur le solide. Ainsi, l’eau s’étale très bien sur du verre propre : l’angle de contact ⍺ est proche de 0° et on parle de surface mouillante. Sur une surface non mouillante (ou hydrophobe), par exemple en Téflon, l’angle de contact ⍺ est proche de 90° ou légèrement supérieur ; et sur une surface dite super-hydrophobe l’angle est supérieur à 140° : la goutte prend la forme d’une sphère qui semble rouler sans adhérer, un peu comme sur une feuille de lotus.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/567668/original/file-20240103-29-c8ben5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/567668/original/file-20240103-29-c8ben5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=170&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/567668/original/file-20240103-29-c8ben5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=170&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/567668/original/file-20240103-29-c8ben5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=170&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/567668/original/file-20240103-29-c8ben5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=214&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/567668/original/file-20240103-29-c8ben5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=214&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/567668/original/file-20240103-29-c8ben5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=214&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">La glace adhère mieux sur une surface mouillante.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Philippe Brunet</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p><a href="https://pubs.acs.org/doi/abs/10.1021/am1006035">Une étude récente</a> a ainsi montré que plus l’eau à l’état liquide s’étale sur la surface d’un solide (faible angle de contact), plus la glace adhérera sur ce solide. Au contraire, une surface présentant peu d’affinité pour l’eau liquide sera aussi peu adhérente pour la glace.</p>
<p>Pourquoi cette relation entre l’étalement de l’eau et l’adhérence de la glace ? D’abord, pour que la glace adhère sur un solide froid, il est nécessaire que de l’eau à l’état liquide ait pu geler au contact du solide. Voici une expérience simple que chacun peut faire pour le vérifier :</p>
<ol>
<li><p>Placez une plaque de métal au congélateur ou dans votre bac à glaçons.</p></li>
<li><p>Prenez un glaçon et posez-le sur la plaque sans extraire l’ensemble du congélateur : ça ne colle pas.</p></li>
<li><p>Prenez un autre glaçon et laissez-le légèrement fondre à température ambiante (en l’extrayant du bac froid pendant quelques secondes par exemple) et posez-le à son tour sur la plaque froide : cette fois, ça colle !</p></li>
</ol>
<p>Que peut-on en conclure ? Intuitivement, plus l’affinité de l’eau pour la surface est forte, plus l’eau liquide s’infiltre facilement dans les rugosités et interstices à la surface du solide, augmentant la surface de contact entre celui-ci et la glace après solidification, consolidant ainsi l’adhérence. Par ailleurs, cette expérience montre le rôle d’adhésif tenu par l’eau liquide. Lorsqu’on utilise un adhésif classique, de la colle liquide, pour assembler deux pièces, c’est en solidifiant (par l’évaporation d’un solvant dans la colle) que l’adhésion forte et définitive s’effectue. C’est un peu la même chose qui se passe lorsque l’eau liquide, en se refroidissant au contact du solide froid, se solidifie. La couche d’eau gelée joue alors le rôle de l’un des solides.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/568665/original/file-20240110-20-a7b0za.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/568665/original/file-20240110-20-a7b0za.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=454&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/568665/original/file-20240110-20-a7b0za.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=454&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/568665/original/file-20240110-20-a7b0za.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=454&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/568665/original/file-20240110-20-a7b0za.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=571&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/568665/original/file-20240110-20-a7b0za.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=571&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/568665/original/file-20240110-20-a7b0za.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=571&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Un glaçon collé sur une barre de métal froide (sortie du congélateur).</span>
<span class="attribution"><span class="source">Philippe Brunet</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Mais le détail des mécanismes régissant l’adhésion reste flou. Pour un adhésif « classique », l’adhérence est assurée par l’adsorption dans le solide de longues molécules (polymères) composant la colle. Les molécules d’eau sont trop courtes pour un tel mécanisme. Cependant, des <a href="https://www.researchgate.net/publication/231658537_Physical_Mechanisms_Responsible_for_Ice_Adhesion">théories à l’échelle moléculaire</a> ont mis en évidence que lors de la solidification de l’eau, la formation du réseau cristallin de la glace peut présenter de nombreux défauts structurels ; des charges électrostatiques se retrouveraient alors engendrées au voisinage de ces lacunes cristallographiques. Cette cristallisation imparfaite vient notamment du fait que la glace se forme au contact de la surface d’un solide, lui-même imparfait. Ainsi sur la plupart des solides, l’adhésion de la glace serait principalement due aux forces électrostatiques (dite forces de Coulomb), en raison de ces charges piégées près de la surface de la glace. Ces théories ne fournissent que des preuves indirectes de ce mécanisme, alors que d’autres forces d’origine électrostatique peuvent contribuer à l’adhésion de manière plus minoritaire, notamment des interactions dites « à longue portée » non spécifiques à la nature cristalline du solide et… fortement impliquées dans l’étalement de l’eau liquide sur un solide ! Parvenir à mesurer même indirectement ces interactions électrostatiques reste un défi expérimental. Ainsi dans l’état actuel des connaissances, la compréhension de l’adhésion de la glace n’est que partielle. L’une des solutions pourrait être d’utiliser un type de sonde locale telle que celle mentionnée plus haut, ayant permis de mesurer les propriétés de la couche pseudo-liquide.</p>
<h2>Comment rendre la glace moins adhérente ?</h2>
<p>À défaut de pouvoir expliquer en détail l’adhérence de la glace, on peut néanmoins tenter d’en diminuer la force. L’idée d’utiliser des traitements déperlants pour l’eau a naturellement émergé, mais les résultats pour la glace sont mitigés. En effet, ces traitements utilisent une micro-structuration, dans laquelle l’eau peut s’empaler accidentellement, entraînant alors un ancrage accru de la glace, couplée à des dépôts chimiques pouvant se dégrader avec le froid. Ainsi ces traitements sont peu robustes dans le temps et peuvent entraîner l’effet inverse de celui escompté. Des solutions plus prometteuses proposent d’étaler une fine couche d’huile ou d’un hydrogel sur la surface, mais des problèmes de stabilité de ces couches sur de grandes surfaces subsistent.</p>
<p>Une autre approche consiste à utiliser des méthodes actives de dégivrage. Parmi ces techniques, les ultrasons de surfaces, générant des « micro-tremblements de terre » sur le solide, peuvent provoquer le décrochement de la glace. Nous étudions actuellement cette méthode au laboratoire MSC.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/205526/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Philippe Brunet a reçu des financements de l'Agence nationale de la recherche (ANR).</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Pierre-Brice Bintein ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>
Comment un même matériau, la glace, peut-il avoir des propriétés physiques diamétralement différentes : coller ou glisser ?
Philippe Brunet, Directeur de recherches CNRS, Docteur en physique, HdR, Université Paris Cité
Pierre-Brice Bintein, Docteur en sciences physiques, Université Paris Cité
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/210098
2023-11-14T18:54:13Z
2023-11-14T18:54:13Z
Les secrets des feuilles d’automne
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/552721/original/file-20231009-18-vc6pxe.png?ixlib=rb-1.1.0&rect=3%2C8%2C811%2C877&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Une feuille de figuier des pagodes, espèce d’arbre du genre Ficus. La feuille a été réduite à son squelette après un traitement chimique éliminant une grande partie du tissu végétal, afin de rendre plus visible le réseau de nervures.</span> <span class="attribution"><span class="source">Ludovic Pauchard</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span></figcaption></figure><p>C’est l’automne. Les curieux regardent les feuilles mortes, les dissèquent et découvrent les réseaux complexes que forment leurs nervures. Ces nervures permettent aux feuilles de résister au vent, au poids d’insectes visiteurs.</p>
<p>Sur cette image, une feuille de figuier des pagodes, une espèce d’arbre du genre <em>Ficus</em>. On y voit une nervure épaisse et solide, qui constitue l’axe central de la feuille, d’où branchent des nervures secondaires parallèles entre elles. Ensemble, elles servent de renfort mécanique principal.</p>
<p>Entre les nervures secondaires, des nervures plus fines présentent un grand nombre de connexions, et font des boucles aux bords de la feuille. Car outre leur rôle de support mécanique, les nervures permettent le transport de l’eau et des produits de la photosynthèse, des sucres notamment, comme le glucose. Elles sont interconnectées : leur réseau peut servir de déviation qui permet de maintenir l’irrigation de la feuille dans sa globalité, si la feuille se faisait endommager localement, par exemple par des attaques d’insectes.</p>
<p>La hiérarchie de nervures de tailles différentes correspondant à des formations successives au cours de la croissance de la feuille. En observant plus précisément une région de la feuille, des régularités apparaissent dans la morphologie. La densité des nervures apparaît ainsi comme spatialement uniforme. Cette uniformité existe à tous les stades du développement de la feuille.</p>
<h2>Le muguet, bien différent du <em>Ficus</em></h2>
<p>Il existe deux principales classes de plantes à fleurs (dites angiospermes) : les monocotylédones et les dicotylédones. Elles se distinguent notamment au niveau de la graine, qui a deux « cotylédons » (embryon de feuille) pour les dicotylédones (pommiers, tournesol, légumineuses, rosacées…) et un seul pour les monocotylédones (orchidées, palmiers, graminées…).</p>
<p>Elles se distinguent également par les nervures de leurs feuilles. Les dicotylédones montrent une l’architecture hiérarchisée, comme celle visible sur la photo.</p>
<p>Les monocotylédones – comme le muguet – exhibent généralement une nervure principale qui constitue l’axe de la feuille, tandis que les autres nervures s’alignent parallèlement à la première. Lorsque l’on s’approche de la pointe, l’espace pour les nervures devient plus étroit, ce qui contraint certaines nervures à s’arrêter. Dans ce cas, quand une nervure cesse de croître, celle-ci se connecte à ses plus proches voisines en formant une petite courbe.</p>
<h2>Les questions ouvertes de recherche sur les nervures et les fissures</h2>
<p>Il existe une similitude visuelle frappante entre les morphologies de nervures des feuilles et les figures formées par les fissures dans les couches minces, typiques des céramiques ou des vernis. Cette similitude géométrique a permis de suggérer des <a href="https://link.springer.com/article/10.1140/epjb/e2002-00211-1">mécanismes de formation analogue entre nervures et fissures</a>.</p>
<p>En effet, les fissures se forment suivant des règles bien définies : leur propagation est guidée par des contraintes mécaniques, par exemple <a href="https://theconversation.com/des-craquelures-dans-les-peintures-quand-le-temps-fait-son-oeuvre-196164">quand les peintures vieillissent</a>. Nous étudions leur formation avec des matériaux modèles, qui contiennent des pigments bien calibrés, que nous faisons sécher de façon contrôlée pour étudier la phase de solidification pendant laquelle se forment les fissures. La formation de craquelures dans une couche qui sèche est un phénomène facilement observable à l’échelle de temps et d’espace que l’on peut adapter en fonction du milieu et du séchage. C’est pourquoi la formation de craquelures constitue un moyen d’étude permettant de mieux comprendre certains réseaux spatiaux.</p>
<hr>
<p>
<em>
<strong>
À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/des-craquelures-dans-les-peintures-quand-le-temps-fait-son-oeuvre-196164">Des craquelures dans les peintures, quand le temps fait son œuvre</a>
</strong>
</em>
</p>
<hr>
<p>L’analyse des réseaux spatiaux, qu’ils soient formés de lignes interconnectées ou non et la compréhension de leur dynamique de formation restent des <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Yves_Couder">questions ouvertes de recherche, initiées par Yves Couder</a>.</p>
<p>En effet, les structures de craquelures ne sont pas l’exclusivité des matériaux solides comme les peintures, mais se retrouvent aussi en milieu naturel comme dans les sols argileux asséchés. La formation de craquelures ouvre en particulier de nouvelles surfaces dans le milieu, notamment en profondeur. La <a href="https://doi.org/10.1016/j.jhydrol.2020.125640">présence de ces surfaces favorise ainsi la pénétration de l’eau de pluie dans les pores du sol</a>.</p>
<hr>
<p>
<em>
<strong>
À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/alea-argileux-cest-lun-des-plus-importants-risques-de-catastrophe-naturelle-mais-il-est-mediatiquement-invisible-189166">Aléa argileux : c’est l’un des plus importants risques de catastrophe naturelle mais il est médiatiquement invisible</a>
</strong>
</em>
</p>
<hr>
<p>Ces motifs sont aussi <a href="https://comptes-rendus.academie-sciences.fr/mecanique/item/10.5802/crmeca.47.pdf">observés à plus grande échelle en milieu urbain</a>. Ainsi, les <a href="https://doi.org/10.1016/j.physa.2005.12.063">réseaux de rues sont apparus par divisions successives de domaines agricoles en surfaces polygonales</a>, et les frontières de ces domaines sont devenues des voies (chemins, rues…) qui s’interconnectent afin d’assurer au mieux les transports.</p>
<p>La <a href="http://www.fast.u-psud.fr/%7Epauchard/hierarchie-craquelures.gif">formation d’un réseau de craquelure peut être mise en évidence simplement au cours du séchage d’une couche de maïzena ou d’argile</a>. Des craquelures se propagent dans la couche relaxant les contraintes mécaniques et dessinent des réseaux hiérarchiques complexes interconnectés.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/210098/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Ludovic Pauchard ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>
Les nervures des feuilles sont indispensables pour assurer leur solidité et le transport des nutriments. Elles ont aussi des points communs avec les tableaux de maîtres et les sols asséchés.
Ludovic Pauchard, Chercheur CNRS au laboratoire FAST (Fluides, Automatique et Systèmes Thermiques), Université Paris-Saclay
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/208039
2023-10-25T16:01:17Z
2023-10-25T16:01:17Z
La physique de la matière selon le sculpteur César
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/555801/original/file-20231025-19-t8ge4h.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&rect=2%2C0%2C718%2C950&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">César Baldaccini, dit César, 1970.</span> <span class="attribution"><span class="source">Ville de Grenoble/Musée de Grenoble-J.L. Lacroix © SBJ / Adagp, Paris</span></span></figcaption></figure><p>Comme tout le monde, j’ai vu les statuettes remises lors de la cérémonie des Césars du cinéma français, qui tiennent leur nom de César Baldaccini. J’ai aussi croisé quelques-unes des compressions de l’artiste produites sur plusieurs décennies. La statue du <a href="https://parisladefense.com/fr/decouvrir/oeuvres-art/le-pouce">« pouce en l’air »</a> est incontournable quand on traverse le parvis de la Défense à Paris. Je voyais, sur les photos, l’allure magnétique de cet homme avec cette imposante barbe. Je ne connaissais ni les sculptures, sinon ce pouce immense, ni les expansions. J’ignorais à peu près tout de l’artiste et de son œuvre pour une bonne raison : je n’avais pas trouvé mon point d’entrée dans son œuvre.</p>
<p><div data-react-class="TiktokEmbed" data-react-props="{"url":"https://www.tiktok.com/@parisladefense/video/7171866765012569350 ?lang=fr"}"></div></p>
<p>C’est Renaud Bastien, physicien au CNRS à Toulouse, qui m’a fait voir César… involontairement.</p>
<p>Il y a quelque mois, il me parlait de son travail sur la cohésion apparente des <a href="https://www.twitch.tv/animalmetaverse">bancs de poissons</a>, celles des colonies d’oiseaux comme les étourneaux et les applications induites en robotique. Réfléchissant à haute voix autour de la cohésion de la matière, il me dit : « finalement deux éléments fondamentaux d’un objet en physique de la matière condensée sont son poids et son volume. » Ce n’est pas si rare, il arrive qu’énoncer ce qui semble une évidence ouvre une porte. Et dans le train entre Toulouse et Grenoble, je vois soudain les compressions de César autrement.</p>
<p>Le programme de l’école primaire et du collège passe beaucoup de temps sur le volume, le poids, la masse et la densité (ou son équivalent, la masse volumique). Pour de bonnes raisons. Tout objet solide est de la matière condensée. Il est d’abord caractérisé par son volume et son poids. Pour changer l’un et l’autre, c’est simple, il faut enlever ou ajouter de la matière.</p>
<p>Pour changer le volume, les hautes pressions, utilisées dans les laboratoires, sont monstrueusement élevées pour une compression bien faible, souvent même insignifiante. L’eau par dix kilomètres de profondeur dans l’océan reste de l’eau égale à celle de notre quotidien. L’énorme pression n’y fait rien. Le <a href="https://www.youtube.com/watch?v=J5gsDtp4h5w">principe d’exclusion de Pauli</a> au cœur de la physique quantique veille : comprimer le gaz d’électrons d’un solide ou d’un liquide est extraordinairement difficile. On ne passe pas non plus à travers les murs, ce qui serait une autre forme de compression.</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/L7nkxHJXZw4?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
</figure>
<h2>Erwin Schrödinger : le volume, la surface et la forme</h2>
<p>Finalement, à côté du poids et de ce volume invariable, tout le reste me semble affaire de circonstances. Dans le recueil de conférences intitulé : « Qu’est-ce que la vie ? », <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Erwin_Schr%C3%B6dinger">Erwin Schrödinger</a>, prix Nobel de physique 1933 pour « son » équation et père du <a href="https://theconversation.com/zoologie-quantique-le-chat-des-possibles-97737">« chat de Schrödinger »</a> aborde la relation entre le fond et la forme. Il le fait en s’interrogeant à propos d’un presse-papier en forme de chien, qu’il vient de retrouver. On peut lire cela comme une forme d’hommage très profond d’un physicien à la sculpture :</p>
<blockquote>
<p>« Je suis tout à fait sûr que c’est le même chien, le chien que j’ai vu il y a plus de cinquante ans sur le bureau de mon père. Mais pourquoi en suis-je sûr ? C’est très clair. C’est visiblement la forme ou la configuration particulière qui établit l’identité de façon certaine, et non le contenu matériel. Si la matière avait été fondue et moulée dans la forme d’un homme, l’identité serait beaucoup plus difficile à établir. Et il y a plus : même si l’identité matérielle était établie de façon certaine, cela n’aurait qu’un intérêt très restreint. Je ne me soucierais probablement pas beaucoup de l’identité ou de la non-identité de cette masse de fer, et je déclarerais que mon souvenir a été détruit. »</p>
</blockquote>
<p>Fondu, le chien presse-papier n’aurait changé ni de volume, ni de poids, pas plus qu’après transformation en statue à figure humaine. Tout le reste me semble donc affaire de circonstances : changer la forme, la texture, les reflets et les couleurs n’auraient rien changé au poids et au volume, mais tout à l’objet !</p>
<h2>Comprimer et plier, ça demande beaucoup d’énergie et ça coute très cher</h2>
<p>Le programme stratégique américain <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Heavy_Press_Program">Heavy Press Program</a> au cœur de la guerre froide entre les États-Unis et l’Union soviétique a conduit à créer des machines capables d’appliquer des forces correspondant à des masses de 45000 tonnes sur des pièces mécaniques. Ces machines, utilisées pour la forge à froid de pièces importantes souvent éléments d’armements, ne cherchent pas à comprimer mais à déformer. C’est plus facile, même si là encore extrêmement difficile comme le soulignent les investissements industriels pharaoniques consentis au XX<sup>e</sup> siècle avec des savoir-faire très sophistiqués. Il existe des versions industrielles plus modestes que l’on utilise dans les casses de voitures pour justement comprimer la carrosserie des épaves et en faire des cubes de petite taille et manipulables, mais toujours aussi lourds. C’est ce type de machine que le sculpteur César a découvert au milieu du XX<sup>e</sup> siècle. En 1960, il expose <em>Trois tonnes</em>, une œuvre constituée de trois voitures compressées. La masse d’abord.</p>
<p>La sculpture se définit d’abord par sa forme et sa couleur. Un même volume de matière peut avoir une infinité de formes et de couleurs. On peut générer d’une infinité d’objets ayant tous le même volume. Exemple, si on prend le cas d’une carrosserie de voiture, quel est ce volume ? Ce n’est pas le volume que définit la carrosserie dans l’espace dont celui disponible pour les valises. Pas du tout. C’est l’espace occupé par la tôle elle-même. Et ce volume-là, sinon en découpant la voiture, on ne peut pas y toucher. Il est là avant et après la compression, intact comme le poids. </p>
<p>César, à mes yeux, par une compression brutale, se met sur un chemin allant vers une carrosserie qui n’occuperait plus que ce volume ultime et minimal. On voit aussi combien il est difficile d’y arriver ainsi, voire impossible. Il est loin du compte, il y a toujours de l’espace vacant. Bien sûr, s’il s’agit de vraiment de l’obtenir, Erwin Schrödinger donne la solution : faire fondre ! Mais alors la voiture n’est plus là du tout. César, par cette compression incomplète, garde la mémoire de l’objet initial – on le devine encore – mais il nous dit aussi qu’il n’est finalement <a href="http://carfree.fr/index.php/2022/08/22/les-compressions-de-cesar/">qu’une masse de tôle</a>. Il n’est d’abord que cela, et en toutes circonstances !</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/555798/original/file-20231025-28-bda13v.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/555798/original/file-20231025-28-bda13v.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=397&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/555798/original/file-20231025-28-bda13v.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=397&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/555798/original/file-20231025-28-bda13v.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=397&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/555798/original/file-20231025-28-bda13v.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=499&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/555798/original/file-20231025-28-bda13v.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=499&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/555798/original/file-20231025-28-bda13v.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=499&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">L’œuvre de César, 520 tonnes, Biennale de Venise, 1995.</span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Les expansions : supprimer les limites</h2>
<p>Le volume occupé par un atome dans un liquide ou un solide ne varie pas tant. La densité des matériaux autour de nous varie assez peu. Et nous le savons tous : un verre plein peut l’être de n’importe quoi, nous parviendrons toujours à le soulever. Les densités extrêmes existent dans l’univers mais pas sur la Terre. Sur la Terre, la densité de la matière liquide ou solide est limitée, et il n’est pas possible de largement dépasser cette limite. Toujours le principe de Pauli à l’œuvre. Dans l’autre sens, du côté de l’expansion, il n’y a pas de limite fondamentale. On peut aller de la matière condensée au vide avec une immense variété d’états (gazeux en tête), et de matières. L’aérogel de silice a une masse volumique de 2kg/m<sup>3</sup>, seulement deux fois celle de l’air. Sa présence diaphane est assez irréelle.</p>
<p>La masse volumique de la mousse polyuréthane utilisée par César est probablement entre 10kg/m<sup>3</sup> et 100kg/m<sup>3</sup>, celle de l’eau est bien plus grande, avec ses 1 000kg/m<sup>3</sup>. Dans les expansions, avant toute question sur la forme, il y a, à nouveau, celle de la masse et du volume. À masse constante, on peut chercher à augmenter largement le volume occupé dans l’espace autant que souhaité.</p>
<h2>Quand César rejoint Schrödinger</h2>
<p>Avec les sculptures, les compressions et les expansions, les œuvres de César explorent pour nous, par leur matérialité, la forme, la masse et le volume. Il précise et c’est limpide :</p>
<blockquote>
<p>« J’appelle mes compressions des compressions, mes expansions des expansions. La victoire de Villetaneuse, Ginette, L’Hommage à Léon, j’appelle ça des sculptures. »</p>
</blockquote>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/o-RmVIWW4PI?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
</figure>
<p>Sculptures, elles ont une forme unique, qui les pose en œuvre d’art et création de César. Que sont alors les compressions ? Le scientifique Schrödinger et l’artiste César se croisent ici et sont, je crois, d’accord : les compressions ainsi présentées soulignent une réalité du monde très profonde, mais on ne les appellera pas « sculptures », plutôt anti-sculptures.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/208039/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Joël Chevrier ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>
Un même volume de matière peut avoir une infinité de formes et de couleurs. César, avec ses compressions et ses expansions, nous donne des leçons de physique de la matière.
Joël Chevrier, Professeur de physique, Université Grenoble Alpes (UGA)
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/214968
2023-10-04T18:40:42Z
2023-10-04T18:40:42Z
Nobel de physique : qu’est-ce qu’une attoseconde ?
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/552042/original/file-20231003-27-fn9thz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=10%2C3%2C2295%2C1292&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les électrons bougent et se réorganisent à des vitesses folles. Pour les observer, rendez-vous chez les attosecondes.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.gettyimages.com/detail/photo/image-of-an-atomic-structure-consisting-of-protons-royalty-free-image/1337003441?phrase=electron">Oselote/iStock via Getty Images</a></span></figcaption></figure><p>Trois chercheurs ont reçu le <a href="https://www.nobelprize.org/uploads/2023/10/popular-physicsprize2023.pdf">prix Nobel de physique 2023</a> pour des travaux qui ont révolutionné la façon dont les scientifiques étudient l’électron, en illuminant des molécules avec des éclairs de lumière d’une durée d’une attoseconde. Mais combien de temps au juste dure une attoseconde ? En quoi ces impulsions infiniment courtes aident-elles les chercheurs à explorer la nature de la matière ?</p>
<p>J’ai découvert ce domaine de recherche lorsque j’étais étudiant en chimie physique. Le groupe de mon directeur de thèse avait un projet consacré à l’étude des <a href="http://bromine.cchem.berkeley.edu/atto.htm">réactions chimiques avec des impulsions attosecondes</a>.</p>
<p>Pour comprendre pourquoi ces recherches autour de l’attoseconde méritent cette prestigieuse récompense scientifique, il faut comprendre ce qu’est une impulsion lumineuse attoseconde.</p>
<h2>Combien de temps dure une attoseconde ?</h2>
<p>« Atto » est le <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Pr%C3%A9fixes_du_Syst%C3%A8me_international_d%27unit%C3%A9s">préfixe de notation scientifique</a> qui représente 10<sup>-18</sup>, c’est-à-dire un point décimal suivi de 17 zéros et d’un 1. Un éclair de lumière d’une durée d’une attoseconde, soit 0,000000000000000001 d’une seconde, est donc une impulsion lumineuse extrêmement brève.</p>
<p>En fait, il y a approximativement autant d’attosecondes dans une seconde qu’il y a de secondes dans l’<a href="https://81018.com/universeclock/">âge de l’univers</a>.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/551859/original/file-20231003-21-rkpekw.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Un diagramme montrant une attoseconde, représentée par une collection orange d’hexagones, à gauche, l’âge de l’univers, représenté par un vide sombre à droite, et un battement de cœur, représenté par un cœur humain, au milieu." src="https://images.theconversation.com/files/551859/original/file-20231003-21-rkpekw.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/551859/original/file-20231003-21-rkpekw.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=256&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/551859/original/file-20231003-21-rkpekw.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=256&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/551859/original/file-20231003-21-rkpekw.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=256&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/551859/original/file-20231003-21-rkpekw.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=322&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/551859/original/file-20231003-21-rkpekw.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=322&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/551859/original/file-20231003-21-rkpekw.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=322&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Une attoseconde est incroyablement petite comparée à une seconde.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.nobelprize.org/prizes/physics/2023/press-release/">Johan Jarnestad/The Royal Swedish Academy of Sciences</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Auparavant, les scientifiques pouvaient étudier le mouvement de noyaux atomiques plus lourds et plus lents à l’aide <a href="https://www.sciencedirect.com/topics/biochemistry-genetics-and-molecular-biology/femtosecond-laser">d’impulsions lumineuses d’une femtoseconde</a>, soit 10<sup>-15</sup> secondes : mille attosecondes sont comprises dans une femtoseconde. Mais les chercheurs ne pouvaient pas voir les mouvements à l’échelle de l’électron avant de réussir à générer des impulsions lumineuses de l’ordre de l’attoseconde, car les électrons se déplacent trop rapidement pour que l’on puisse déterminer exactement ce qu’ils font à l’échelle de la femtoseconde.</p>
<h2>Impulsions attosecondes</h2>
<p>Le réarrangement des électrons dans les atomes et les molécules guide de nombreux processus en physique et sous-tend pratiquement tous les aspects de la chimie, ce qui explique pourquoi les chercheurs ont déployé tant d’efforts pour comprendre comment les électrons se déplacent et se réarrangent.</p>
<p>Les <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Spectroscopie">scientifiques utilisent la spectroscopie pour étudier ces processus physiques et chimiques</a>, une méthode qui consiste à examiner comment la matière absorbe ou émet de la lumière. Mais comme les électrons se déplacent très rapidement, il faut être particulièrement rusé pour les étudier en détail, de façon « résolue » dans le temps. En gros, pour <a href="https://doi.org/10.1146/annurev-physchem-040215-112025">suivre les électrons en temps réel</a>, il faut une impulsion lumineuse plus courte que le temps nécessaire aux électrons pour se réarranger.</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/mFKmmR5Hh5s?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">La spectroscopie « pompe-sonde » est une technique courante en physique et en chimie et peut être réalisée avec des impulsions lumineuses d’une attoseconde.</span></figcaption>
</figure>
<p>Par analogie, imaginons un appareil photo qui ne pourrait prendre que des poses longues, d’une durée d’environ une seconde. Les choses en mouvement, comme une personne courant vers l’appareil photo ou un oiseau volant dans le ciel, apparaîtraient floues, et il serait difficile de voir exactement ce qui se passe.</p>
<p>Imaginez ensuite que vous utilisiez un appareil photo avec une exposition d’une milliseconde. Les mouvements qui étaient auparavant flous seraient alors joliment résolus en des clichés clairs et précis…</p>
<p>Voilà comment l’échelle de l’attoseconde, plutôt que celle de la femtoseconde, peut éclairer le comportement des électrons.</p>
<h2>La recherche à l’échelle de l’attoseconde</h2>
<p>Les impulsions attosecondes peuvent répondre à différents types de questions de recherche.</p>
<p>D’une part, la rupture d’une liaison chimique est un processus fondamental dans la nature, au cours duquel les électrons partagés entre deux atomes se répartissent pour former des atomes non liés. Les électrons précédemment partagés se réorganisent ultrarapidement au cours de ce processus, et les <a href="https://doi.org/10.1126/science.aax0076">impulsions attosecondes</a> ont permis aux chercheurs de suivre la rupture d’une liaison chimique en temps réel.</p>
<p>La <a href="https://doi.org/10.1038/nphys620">capacité à générer des impulsions attosecondes</a> – recherche pour laquelle trois chercheurs ont reçu le <a href="https://www.nobelprize.org/prizes/physics/2023/press-release/">prix Nobel de physique 2023</a> – est devenue possible pour la première fois au début des années 2000, et le domaine a <a href="https://phys.org/news/2010-04-electrons-science-attosecond-scale.html">continué à se développer rapidement</a> depuis lors. En fournissant des instantanés des atomes et des molécules à des échelles de temps très courts, la spectroscopie attoseconde a aidé les chercheurs à comprendre le comportement des électrons dans les molécules individuelles, comme la façon dont la <a href="https://doi.org/10.1038/s41467-022-32313-0">charge électronique migre</a> et la façon dont les <a href="https://doi.org/10.1063/5.0086775">liaisons chimiques</a> entre les atomes se brisent.</p>
<p>À plus grande échelle, la technologie attoseconde a également été appliquée à l’étude du comportement des électrons dans <a href="https://doi.org/10.1126/science.abb0979">l’eau liquide</a> ainsi qu’au <a href="https://doi.org/10.1038/s42005-021-00635-y">transfert d’électrons dans les semi-conducteurs à l’état solide</a>. En améliorant encore nos capacités à produire des impulsions lumineuses de l’ordre de l’attoseconde, les chercheurs parviendront à mieux comprendre les particules qui composent la matière.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/214968/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Aaron W. Harrison ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>
En une attoseconde, soit une minuscule fraction de seconde, les électrons se réorganisent dans les molécules. Avec des pulses laser ultracourts, on peut les étudier - et obtenir le Nobel de physique 2023.
Aaron W. Harrison, Assistant Professor of Chemistry, Austin College
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/213299
2023-10-03T16:32:44Z
2023-10-03T16:32:44Z
L’art explosif d’Hamad Butt, étoile filante de l’art britannique
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/551733/original/file-20231003-21-kh2s3d.png?ixlib=rb-1.1.0&rect=4%2C0%2C776%2C613&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Cradle, une œuvre qui attire l'attention sur un danger contenu mais bien réel. </span> <span class="attribution"><span class="source">Hamad Butt</span></span></figcaption></figure><p><a href="https://hamadbutt.co.uk">Hamad Butt</a>, artiste méconnu en France, est mort du sida en 1994, à l’âge de 32 ans. Diplômé de l’université Goldsmith à Londres en 1990 et condisciple notamment du célèbre <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Damien_Hirst">Damien Hirst</a>, il aura donc été une étoile filante dans le monde des plasticiens britanniques. Le <em>Guardian</em> lui a consacré un long article en <a href="https://www.theguardian.com/artanddesign/2023/jun/12/hamad-butt-lethal-tate-rehang-evacuation">juin 2023</a>, à l’occasion de l’entrée de ses œuvres à la Tate Britain. C’est ainsi que je l’ai découvert.</p>
<p>L’historien d’art <a href="https://www.qmul.ac.uk/sed/staff/johnsond.html">Dominic Johnson</a>, professeur à la Queen Mary University de Londres, dont les recherches portent sur l’art de la performance et l’art vivant, généralement dans une perspective queer, va développer en 2024 à l’University of Southern California (Los Angeles), un <a href="https://fulbright.org.uk/people-search/dominic-johnson/">travail de recherche</a> annoncé comme :</p>
<blockquote>
<p>« la première étude scientifique de l’œuvre de cet artiste britannique originaire d’Asie du Sud dans le contexte de la relation entre l’art et le sida ».</p>
</blockquote>
<p>En attendant cette somme, j’ai eu envie de me pencher, en physicien, sur une seule pièce de Hamad Butt, intitulée <em>Cradle</em> (<em>Berceau</em>).</p>
<p>Je n’ai pas encore vu l’œuvre in situ mais sur les photos, on ressent déjà sa force, sa puissance plastique, avec cette immobilité qui appelle un mouvement, et cette idée de mouvement suspendu. L’objet peut sembler mystérieux au premier abord, surtout si on n’est pas familier du pendule de Newton, ni conscient de ce que représente le danger du gaz de chlore. Car l’œuvre s’impose, sous des dehors neutres et inoffensifs, par la présence réelle du danger, à la fois invisible et sensible.</p>
<p>Les boules de verre soufflé contiennent en effet du vrai gaz de chlore. Un très beau jaune… mortel si la dose respirée est trop importante. Ce produit toxique est un puissant irritant pour les yeux, la peau et les voies respiratoires. Autrement dit, cette œuvre est effectivement dangereuse. Bien sûr, des mesures de sécurité draconiennes en font un danger qui reste potentiel, mais il est là et vous regarde dans les yeux. Cette œuvre expose le public, et c’est, à ma connaissance, unique.</p>
<h2>Un pendule de Newton, du chlore, du verre soufflé</h2>
<p>Hamad Butt installe sous nos yeux les principes de la physique et de la chimie. Pour la physique, il détourne le pendule de Newton : les cinq boules d’acier (ici en verre), par leur mouvement et leurs chocs, matérialisent deux lois de conservation fondamentales : celle de l’énergie mécanique et celle de la quantité de mouvement.</p>
<p>Une fois les boules lancées, leur comportement est spectaculaire.</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/NfF61CR1jf8?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Un pendule de Newton.</span></figcaption>
</figure>
<p>L’artiste fait ainsi une allusion très directe au fait que la connaissance scientifique et la maîtrise technologique nous ont ouvert le contrôle et le développement du mouvement mécanisé, et surtout de la vitesse. Mais justement : le « pendule de Newton » de Hamad Butt ne bouge pas – « cradle » est peut-être une allusion ironique à ce mouvement de balancier en suspens. Il ne doit pas bouger pour des raisons de sécurité. Il évoque irrésistiblement le mouvement, mais le mettre en mouvement serait dangereux !</p>
<p>La physique et la chimie apparaissent ici dans toutes leurs dimensions : l’œuvre évoque un dispositif de recherche sorti d’un laboratoire, mais souligne dans le même temps combien l’alliance entre la science, la technologie et l’industrie ont été les éléments clés du développement au XX<sup>e</sup> siècle – son berceau. Dans cette perspective, l’œuvre de Hamad Butt est d’une grande force : par ses composants, par sa structure, elle nous rappelle comment cette société a déployé la science et la technologie à une échelle planétaire, tout en affirmant sa capacité à nous prémunir contre la plupart des dangers et des risques induits par ce développement sans précédent, sans que nous ayons à nous en préoccuper au quotidien.</p>
<p>L’irruption du VIH/sida et l’hécatombe qui en a résulté a largement pris à revers cette conviction, bien au-delà des dernières années de la vie de Hamad Butt.</p>
<h2>Le chlore, gaz dangereux et omniprésent</h2>
<p>Le chlore est un élément chimique extrêmement abondant. Le sel de mer, par exemple, est composé à parité sodium et chlore. L’eau de javel est une des mises en forme les plus connues du chlore. La manipulation du chlore, notamment industrielle, est donc très courante, mais elle reste dangereuse. En juin 2022, dans le port d’Aqaba en Jordanie, un accident a fait 13 morts et plus de 250 blessés.</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/iRsJrwVMN8A?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Une fuite de chlore cause la mort de 13 personnes dans le port jordanien d’Aqaba.</span></figcaption>
</figure>
<p>Lors du chargement par une grue portuaire, la rupture du câble a précipité un lourd container de chlore directement sur le pont du bateau. Le nuage jaune très dense qui s’est répandu instantanément ne laissait aucun doute. Il y a là un parallèle saisissant avec <em>Cradle</em>, l’œuvre de Hamad Butt. La grue, les câbles de suspension et la citerne de chlore sont intégrés dans son installation. L’œuvre qui précède cet accident d’un quart de siècle est pratiquement la miniature du dispositif portuaire. Vraiment saisissant !</p>
<h2>Des usages massifs au prix d’accidents à répétition</h2>
<p>Cette mise en situation du risque, à travers le danger que représente le chlore gazeux, a été prise en charge par la collaboration avec les chimistes de l’Imperial Collège à Londres, et avec un technicien spécialiste du verre soufflé. Ils installent ici une relation entre arts et sciences très singulière, construite sur une responsabilité partagée et un engagement commun auprès du public. Ils doivent s’assurer que cette œuvre ne pose pas de problème de sécurité lors de son exposition au public.</p>
<p>C’est là une analogie de ce que font partout, et depuis des décennies, la science, la technologie et l’industrie : produire un nouveau dispositif, une innovation, trop intéressante pour ne pas prendre en charge le risque inhérent et chercher parallèlement à assurer la sécurité.</p>
<p>Mais ici, on a affaire à une installation « inutile » : ce dispositif ne sert à rien, n’a pas d’usage pratique qui justifierait la prise de risque. En réalité, sa fonction est toute autre : Hamad Butt nous rappelle ce pacte auquel nous nous associons tous en délégant à des experts les conditions de notre sécurité et de notre santé. L’accident dans le port d’Aqaba montre que nous acceptons de payer le prix d’accidents meurtriers et répétés, mais dont nous trouvons collectivement les impacts suffisamment limités pour ne pas nous passer de l’innovation.</p>
<h2><em>Cradle</em>, une œuvre complexe et multiple</h2>
<p>Lors de son départ en retraite, Steve Ramsey, le souffleur de verre, qui travaillait à l’époque de la conception de l’œuvre dans un laboratoire de recherche scientifique de l’Imperial College, a raconté sa collaboration avec Hamad Butt :</p>
<blockquote>
<p>« J’ai travaillé pendant plus de deux ou trois ans avec cet artiste et il n’arrêtait pas de disparaître, alors qu’il faisait pression pour que cette œuvre soit réalisée. J’ai trouvé cela assez frustrant, mais je ne savais pas qu’il était en train de mourir du sida. »</p>
</blockquote>
<p>Ce propos éclaire d’un jour nouveau l’œuvre de Hamad Butt, celui que Dominic Johnson a choisi pour ses recherches. Difficile en effet de dissocier ce rapport à la maladie, à la finitude, au danger de l’œuvre de Hamad Butt.</p>
<p>Avec des œuvres qui s’imposent par leur présence physique et potentiellement dangereuses face aux visiteurs, et qui génèrent ces interrogations si contemporaines, Hamad Butt reste au cœur de nos vies.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/213299/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Joël Chevrier ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>
Méconnu en France, Hamad Butt sera prochainement mis à l’honneur à la Tate Britain. Le travail de l’artiste des années 1990 impose une réflexion inédite sur les dangers de notre ère technologique.
Joël Chevrier, Professeur de physique, Université Grenoble Alpes (UGA)
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/213015
2023-09-10T14:56:21Z
2023-09-10T14:56:21Z
Les risques de températures extrêmes en Europe de l’Ouest sont sous-estimés
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/546954/original/file-20230907-15-l25cig.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C152%2C2312%2C1841&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">La température de surface lors de la vague de chaleur de fin juillet 2019 sur l’Europe de l’Ouest.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.esa.int/ESA_Multimedia/Images/2019/07/Extreme_heatwave">Données (Copernicus Sentinel, 2019), processé par l'ESA</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Le 25 juillet 2019, la station météo centenaire de Paris Montsouris a battu son record datant de 1947 en enregistrant une température de 42,6 °C. De son côté, la station de la petite ville de Lytton dans l’ouest canadien a enregistré une température record de 49,6 °C le 30 juin 2021. Dans les deux cas, les précédents records de températures locaux ont été largement battus, respectivement de <a href="https://doi.org/10.1088/1748-9326/acf679">2 et 5 °C</a>, <a href="https://esd.copernicus.org/articles/13/1689/2022/esd-13-1689-2022-discussion.html">ce qui aurait été très improbable sans changement climatique d’origine humaine</a>.</p>
<p>Atteindre des températures aussi élevées a des conséquences importantes sur les êtres vivants — sur les <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/30189362/">humains</a> notamment. Par exemple, les <a href="https://nph.onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1111/nph.17348">plantes</a>, dont les <a href="https://iopscience.iop.org/article/10.1088/1748-9326/abf004">cultures</a>, peuvent se déshydrater très rapidement, produisant des conditions favorables à des incendies. Les <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0959652614013754">infrastructures</a>, rails ou bâtiments, sont aussi touchées car elles ne sont pas toujours conçues pour résister à ces températures.</p>
<p>Une méthode classique pour estimer les risques d’occurrence de températures très intenses est statistique. Elle repose sur la <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Th%C3%A9orie_des_valeurs_extr%C3%AAmes">« théorie des valeurs extrêmes »</a> qui permet d’estimer une <em>température maximale atteignable</em> à partir de données de température passées, et donc de définir un « worst-case scenario » auquel se préparer. Les scénarios du pire actuellement utilisés sont souvent basés sur cette méthode statistique, qui prend mal en compte les mécanismes physiques des vagues de chaleur. </p>
<p>Une autre façon d’aborder le problème des températures extrêmes est de considérer les mécanismes physiques atmosphériques qui empêchent cette température d’augmenter indéfiniment. Dans une étude parue récemment dans <em>Environmental Research Letters</em>, nous montrons ainsi <a href="https://doi.org/10.1088/1748-9326/acf679">qu’il n’est pas possible d’écarter la possibilité d’atteindre les 50 °C à Paris</a> – y compris à l’heure actuelle – et que les estimations statistiques des valeurs maximales sont probablement sous-estimées de plusieurs degrés en Europe de l’Ouest.</p>
<h2>Comment évalue-t-on les températures maximales atteignables ?</h2>
<p>La vague de chaleur canadienne de 2021 était tellement intense que les <a href="https://esd.copernicus.org/articles/13/1689/2022/esd-13-1689-2022-discussion.html">températures qui ont été atteintes étaient jugées impossibles par les méthodes <em>statistiques</em></a>. </p>
<p>Suite à ces observations, la communauté des sciences du climat a commencé à donner plus de crédit à ses simulations informatiques qui montraient bien que de tels événements très intenses étaient <a href="https://www.nature.com/articles/s41558-021-01092-9">possibles</a>, mais qui avaient été jugées peu réalistes jusqu’alors, voire comme des artefacts des modèles de climat. Ainsi, après l’événement canadien, plusieurs études ont notamment montré que des <a href="https://www.nature.com/articles/s41467-023-40112-4">événements aussi intenses</a> étaient pourtant <a href="https://iopscience.iop.org/article/10.1088/1748-9326/acab77/pdf">simulés correctement</a> par les modèles, ce qui est en un sens rassurant quant à notre compréhension du système climatique. </p>
<hr>
<p>
<em>
<strong>
À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/pourquoi-les-temperatures-pourraient-battre-des-records-au-cours-des-prochains-mois-210935">Pourquoi les températures pourraient battre des records au cours des prochains mois</a>
</strong>
</em>
</p>
<hr>
<p>Mais pour évaluer les températures maximales atteignables et préparer nos sociétés à ces extrêmes, il reste que l’application simpliste de la « théorie des valeurs extrêmes » est mise en défaut. </p>
<p>Récemment, une <a href="https://www.pnas.org/doi/10.1073/pnas.2215278120">nouvelle théorie, basée sur la physique cette fois</a>, a été proposée pour estimer les températures maximales théoriques atteignables à nos latitudes. Dans notre étude, nous l’utilisons pour montrer que des bornes maximales supérieures de 5 à 10 °C aux estimations statistiques traditionnelles du <em>worst case scenario</em> pour les grandes villes européennes étudiées sont possibles.</p>
<p>Par exemple, la méthode statistique traditionnelle donne une température maximale pour Paris de 40,8 °C, qui a été dépassée pendant l’événement de 2019 (42,6 °C), tandis que notre estimation donne 46,6 °C. Rappelons que nous parlons ici des températures mesurées à 2 mètres du sol, à l’ombre, sous abri et selon un protocole météorologique précis. Localement les températures peuvent être plus — ou moins — fortes.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/546952/original/file-20230907-15-rlaob4.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/546952/original/file-20230907-15-rlaob4.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/546952/original/file-20230907-15-rlaob4.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=268&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/546952/original/file-20230907-15-rlaob4.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=268&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/546952/original/file-20230907-15-rlaob4.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=268&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/546952/original/file-20230907-15-rlaob4.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=336&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/546952/original/file-20230907-15-rlaob4.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=336&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/546952/original/file-20230907-15-rlaob4.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=336&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Comparaison entre la température maximale enregistrée en juillet 2019, avec la température maximale théorique calculée avec la méthode statistique (troisième colonne) et avec la méthode physique (quatrième colonne). Le tableau donne la valeur médiane estimée et les fourchettes l’incertitude sur cette valeur.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Robin Noyelle</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Les ingrédients indispensables pour générer des vagues de chaleur</h2>
<p>Pour générer une vague de chaleur très intense, il faut principalement deux éléments. Le premier est un printemps ou début d’été peu pluvieux qui rend les sols anormalement secs. </p>
<p>Le deuxième est une bulle de haute pression centrée sur la région de la vague de chaleur. Ces hautes pressions dévient vers le Nord les perturbations qui traversent l’Atlantique et nous amènent habituellement de la fraîcheur et de l’humidité océaniques : on parle d’« anticyclone de blocage », habituellement associé à un ciel ensoleillé et sans nuage. </p>
<p>[<em>Plus de 85 000 lecteurs font confiance aux newsletters de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde</em>. <a href="https://memberservices.theconversation.com/newsletters/?nl=france&region=fr">Abonnez-vous aujourd’hui</a>]</p>
<p>La combinaison de sols secs et de l’absence de nuages implique que l’énergie reçue du soleil atteint directement le sol. Cette énergie est ensuite transférée : soit pour faire évaporer de l’eau (majoritairement par la transpiration des plantes), ce qui fait diminuer localement la température ; soit pour réchauffer les basses couches de l’atmosphère (inférieures à 1500 mètres d’altitude). </p>
<p>Ainsi, quand les sols sont déjà très secs, la majorité de l’énergie reçue du soleil est utilisée pour augmenter la température de l’air proche du sol. </p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/546944/original/file-20230907-23-3ox0ko.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/546944/original/file-20230907-23-3ox0ko.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/546944/original/file-20230907-23-3ox0ko.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=458&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/546944/original/file-20230907-23-3ox0ko.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=458&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/546944/original/file-20230907-23-3ox0ko.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=458&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/546944/original/file-20230907-23-3ox0ko.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=576&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/546944/original/file-20230907-23-3ox0ko.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=576&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/546944/original/file-20230907-23-3ox0ko.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=576&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Organisation schématique et simplifiée de l’atmosphère pendant une vague de chaleur.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.nature.com/articles/s43017-022-00371-z">Adapté et traduit par Robin Noyelle et Elsa Couderc</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>L’humidité du sol limite l’augmentation des températures</h2>
<p>Une particule d’air très chaud est moins dense qu’une particule d’air froid : elle a tendance à s’élever. Comme ce sont les basses couches de l’atmosphère qui sont réchauffées par le Soleil, l’air chaud au niveau du sol monte : on parle de convection. Si la convection est suffisamment intense, l’air chaud peut s’élever très haut dans l’atmosphère (plusieurs kilomètres) ce qui le refroidit du fait de la diminution de sa pression. <a href="https://meteofrance.com/comprendre-la-meteo/nuages/comment-se-forme-un-nuage">Dans certaines conditions</a>, ce refroidissement fait condenser la vapeur d’eau contenue dans l’air : un nuage apparaît.</p>
<p>Mais en se condensant, la vapeur d’eau réchauffe l’air dans laquelle elle est contenue, ce qui peut entretenir son mouvement ascendant. Si le mouvement ascendant est suffisamment fort, un orage se déclenche. La pluie refroidit le sol et stoppe l’augmentation des températures.</p>
<p>Plus il y a de vapeur d’eau dans la particule d’air au départ, plus la condensation est facile : le mouvement ascendant et les chances de précipitations orageuses sont renforcés. </p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/546948/original/file-20230907-29-yebdlz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/546948/original/file-20230907-29-yebdlz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=451&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/546948/original/file-20230907-29-yebdlz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=451&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/546948/original/file-20230907-29-yebdlz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=451&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/546948/original/file-20230907-29-yebdlz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=567&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/546948/original/file-20230907-29-yebdlz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=567&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/546948/original/file-20230907-29-yebdlz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=567&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Les cumulonimbus sont des nuages d’orage qui peuvent monter en panache.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Cumulonimbus_varois.jpg">Brigitte Alliot</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>L’humidité au niveau du sol joue donc un double rôle pour limiter l’augmentation des températures : elle permet de rafraîchir l’air localement en s’évaporant, et elle limite les augmentations de température en favorisant la convection.</p>
<h2>Pourquoi les orages ne se déclenchent pas systématiquement pendant les vagues de chaleur</h2>
<p>Mais la convection ne se déclenche pas systématiquement. En effet, pendant les vagues de chaleur les plus intenses, une bulle de haute pression et d’air chaud se trouve au-dessus des régions touchées, à une altitude d’environ 5 à 6 kilomètres, c’est le fameux anticyclone de blocage, qui peut atteindre quelques milliers de kilomètres de large. Un tel anticyclone bloque la condensation de la vapeur d’eau et empêche le déclenchement de la convection profonde et des orages.</p>
<p>C’est donc la combinaison des caractéristiques physiques de cet anticyclone et de l’humidité du sol qui définit les températures maximales atteignables pendant une vague de chaleur.</p>
<p>Dans notre étude, nous montrons que la température maximale définie par les caractéristiques de l’anticyclone de blocage change assez peu entre des conditions anticycloniques passées (entre 1940 et 1980) et présentes (entre 1981 et 2021), alors que les températures maximales observées au sol augmentent fortement, entre 2 et 3 °C selon les régions. Cette augmentation est probablement principalement due à des phénomènes d’assèchement des sols liés au réchauffement climatique d’origine anthropique.</p>
<hr>
<p>
<em>
<strong>
À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/des-temperatures-extremes-statistiquement-impossibles-quelles-sont-les-regions-les-plus-a-risque-210342">Des températures extrêmes « statistiquement impossibles », quelles sont les régions les plus à risque ?</a>
</strong>
</em>
</p>
<hr>
<hr>
<p><em>Le projet <a href="https://anr.fr/Projet-ANR-20-CE01-0008">Simuler des Evenements Climatiques Rares – SAMPRACE</a> est soutenu par l’Agence nationale de la recherche (ANR), qui finance en France la recherche sur projets. Elle a pour mission de soutenir et de promouvoir le développement de recherches fondamentales et finalisées dans toutes les disciplines, et de renforcer le dialogue entre science et société. Pour en savoir plus, consultez le site de l’<a href="https://anr.fr/">ANR</a>.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/213015/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs de l'étude parue dans ERL ont été soutenus par la subvention ANR-20-CE01-0008-01426 (SAMPRACE : Pascal Yiou). Ce travail a également reçu le soutien du programme de recherche et d'innovation Horizon 2020 de l'Union européenne dans le cadre de la convention de subvention n°101003469 (XAIDA) et par la convention de subvention Marie Sklodowska-Curie No.956396 (EDIPI). Robin Noyelle a bénéficié d'une bourse doctorale du Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA).</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Davide Faranda et Yi Zhang ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur poste universitaire.</span></em></p>
Quelle pourrait être les températures maximales en Europe ? Comment se forment les vagues de chaleur ?
Robin Noyelle, Doctorant en sciences du climat au Laboratoire des Sciences du Climat et de l'Environnement (LSCE-CEA-IPSL), Université Paris-Saclay
Davide Faranda, Senior Researcher, Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA)
Yi Zhang, Postdoctoral scholar, University of California, Berkeley
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/212476
2023-08-30T16:30:04Z
2023-08-30T16:30:04Z
Oppenheimer, une obsession américaine
<p>Le triomphe de Robert J. Oppenheimer a été sa tragédie. Le scientifique a permis de <a href="https://www.penguinrandomhouse.com/books/116103/robert-oppenheimer-by-ray-monk/">nombreuses avancées en physique théorique</a>, mais on se souvient de lui comme du père de la bombe atomique. Sous sa direction, les scientifiques du laboratoire de Los Alamos, où la bombe a été conçue et fabriquée, ont changé à jamais la façon dont les gens perçoivent le monde, en y ajoutant un nouveau sentiment de vulnérabilité.</p>
<p>La vie d’Oppenheimer permet de parler à échelle humaine d’un sujet qui serait, sans cet intermédiaire, totalement écrasant. Il n’est pas étonnant que le dernier film de Christopher Nolan, <em>Oppenheimer</em>, raconte l’histoire de Los Alamos à travers ce seul destin – ou qu’Oppenheimer soit au centre de tant <a href="https://www.google.com/books/edition/Storytelling_and_Science/_j26rQEACAAJ?hl=en">d’écrits sur la bombe</a>.</p>
<p>Dans la culture américaine, cependant, la fascination pour l’homme à l’origine de la bombe semble souvent éclipser l’horrible réalité des armes nucléaires elles-mêmes, comme s’il était le verre teinté qui permet aux spectateurs de voir l’explosion en toute sécurité, même s’il obscurcit la lumière aveuglante. L’intérêt intense pour la vie d’Oppenheimer et ses sentiments ambivalents à l’égard de la bombe en ont fait presque un mythe : <a href="https://press.uchicago.edu/ucp/books/book/chicago/O/bo4106094.html">un « génie torturé » ou un « intellect tragique »</a> que les gens essaient de comprendre parce que la terreur de la bombe elle-même est trop troublante.</p>
<p>Jusqu’à la fin de sa vie, Oppenheimer <a href="https://www.youtube.com/watch?v=AdtLxlttrHg">a justifié les bombardements atomiques par le discours du gouvernement américain</a> : ils ont sauvé des vies en évitant une invasion. Mais il a transmis un sentiment d’angoisse, écrivant son propre rôle tragique, comme je l’affirme dans le <a href="https://press.uchicago.edu/ucp/books/book/chicago/O/bo4106094.html">livre que je lui ai consacré</a>. <a href="https://www.oxfordreference.com/display/10.1093/acref/9780191826719.001.0001/q-oro-ed4-00007996">« Les physiciens ont connu le péché »</a>, a-t-il remarqué deux ans après les bombardements, « et c’est une connaissance qu’ils ne peuvent pas oublier ».</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/539677/original/file-20230727-17-am2yww.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Une poignée d’hommes en costume et en uniforme militaire se tiennent dans un désert et regardent un tas de métal brûlé" src="https://images.theconversation.com/files/539677/original/file-20230727-17-am2yww.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/539677/original/file-20230727-17-am2yww.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=462&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/539677/original/file-20230727-17-am2yww.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=462&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/539677/original/file-20230727-17-am2yww.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=462&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/539677/original/file-20230727-17-am2yww.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=581&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/539677/original/file-20230727-17-am2yww.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=581&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/539677/original/file-20230727-17-am2yww.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=581&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Robert Oppenheimer et le général Leslie Groves, au centre, examinent les débris tordus, tout ce qui reste d’une tour de 100 pieds après le test « Trinity ».</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.gettyimages.com/detail/news-photo/robert-oppenheimer-and-general-leslie-groves-examine-the-news-photo/615305238?adppopup=true">Corbis Historical via Getty Images</a></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>« Frappe mon cœur »</h2>
<p>La bombe atomique a changé la signification de l’apocalypse. Alors que les gens avaient autrefois imaginé le jugement dernier comme un acte de colère de Dieu ou un jugement final, le monde pouvait désormais disparaître en un instant, sans signification sacrée, sans histoire de salut.</p>
<p>Comme l’a dit plus tard le <a href="https://www.youtube.com/watch?v=kD81kmlPNOU">physicien Isidor Isaac Rabi</a>, la bombe « traitait les humains comme de la matière », rien de plus.</p>
<p>Mais Oppenheimer a utilisé un langage religieux pour parler du projet, comme pour souligner le poids de sa signification.</p>
<p>La bombe atomique a été testée pour la première fois au petit matin du 16 juillet 1945, dans le bassin aride du sud du Nouveau-Mexique. Oppenheimer a baptisé cet essai « Trinity », en <a href="https://discover.lanl.gov/news/0714-oppenheimer-literature/">référence à un sonnet</a> de l’écrivain anglais de la Renaissance John Donne, dont les vers sont célèbres pour leur fusion du sacré et du profane. <a href="https://www.poetryfoundation.org/poems/44106/holy-sonnets-batter-my-heart-three-persond-god">« Batter my heart, three person’d God »</a>, (« Frappe mon cœur, Dieu trinitaire ») supplie Donne dans le « Sonnet Sacré XIV », demandant à Dieu de « le faire neuf ».</p>
<p>Plus tard dans sa vie, Oppenheimer a déclaré qu’il s’était souvenu de paroles de la Bhagavad-Gita, un texte classique hindou, alors qu’il était témoin de l’explosion du champignon atomique : <a href="https://www.youtube.com/watch?v=lb13ynu3Iac">« Je suis devenu la Mort, le destructeur des mondes »</a> – ces lignes décrivaient à l’origine le Seigneur Krishna révélant toute sa puissance. Selon le frère d’Oppenheimer, Frank, un physicien qui était avec lui à l’époque, ce qu’ils ont tous deux dit à voix haute était simplement : <a href="https://www.youtube.com/watch?v=bTAjsB-yr-Y">« Ça a marché. »</a> </p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/539707/original/file-20230727-29-ujqt87.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Un énorme demi-cercle orange vif, comme un lever de soleil, s’élève du sol" src="https://images.theconversation.com/files/539707/original/file-20230727-29-ujqt87.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/539707/original/file-20230727-29-ujqt87.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=316&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/539707/original/file-20230727-29-ujqt87.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=316&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/539707/original/file-20230727-29-ujqt87.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=316&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/539707/original/file-20230727-29-ujqt87.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=398&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/539707/original/file-20230727-29-ujqt87.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=398&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/539707/original/file-20230727-29-ujqt87.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=398&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">La première détonation d’un engin nucléaire, réalisée par l’armée américaine le 16 juillet 1945, dans le cadre du projet Manhattan.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.gettyimages.com/detail/news-photo/trinity-was-the-code-name-of-the-first-detonation-of-a-news-photo/481657887?adppopup=true">Universal History Archive/AFP</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Le contraste entre leurs récits illustre la dualité de l’image publique d’Oppenheimer : un expert technique forgeant une arme et un humaniste féru de poésie accablé par la signification morale de la bombe. En tant que porte-parole et symbole du projet Manhattan, Oppenheimer a parfois semblé encourager l’idée qu’il s’agissait de sa création et de sa responsabilité personnelles. En fait, la bombe était le produit d’une gigantesque opération scientifique, technique, industrielle et militaire, dans laquelle les <a href="https://www.google.com/books/edition/Oppenheimer/BWek8zJ-U7IC">scientifiques se sentaient parfois comme les rouages d’une machine</a>. Il n’y a pas vraiment eu de « père » de la bombe atomique.</p>
<p>Cela a inspiré au <a href="https://www.ias.edu/von-neumann">Mathématicien John von Neumann</a> une <a href="https://www.google.com/books/edition/Oppenheimer/BWek8zJ-U7IC">remarque acerbe</a>, « Some people profess guilt to claim credit for the sin » (« Certaines personnes clament leur culpabilité pour s’attribuer le mérite du péché »).</p>
<h2>Décrire l’indescriptible</h2>
<p>Quelques semaines seulement après le test, des bombes atomiques ont rasé les villes d’Hiroshima et de Nagasaki, jusque-là très animées. Les 6 et 9 août, ces villes ont soudainement cessé d’exister. <a href="https://inp.harvard.edu/robert-jay-lifton">Robert J. Lifton</a>, expert en psychologie de la guerre, de la violence et des traumatismes, a qualifié l’expérience des survivants d’Hiroshima de <a href="https://uncpress.org/book/9780807843444/death-in-life/">« mort dans la vie »</a>, une rencontre avec l’indescriptible.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/539700/original/file-20230727-23-29psj3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Un homme avec un tissu blanc sur la tête est assis sur un chariot au milieu d’un paysage urbain désolé et en ruine" src="https://images.theconversation.com/files/539700/original/file-20230727-23-29psj3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/539700/original/file-20230727-23-29psj3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=476&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/539700/original/file-20230727-23-29psj3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=476&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/539700/original/file-20230727-23-29psj3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=476&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/539700/original/file-20230727-23-29psj3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=598&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/539700/original/file-20230727-23-29psj3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=598&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/539700/original/file-20230727-23-29psj3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=598&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Un soldat japonais est assis au milieu des décombres de la ville de Nagasaki, rasée par la bombe atomique américaine le 9 août 1945.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.gettyimages.com/detail/news-photo/japanese-soldier-crouches-in-the-rubble-that-covers-four-news-photo/514867022?adppopup=true">Bettmann/AFP</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Comment représenter ce qui est au-delà de la représentation ? Dans le film, Nolan recrée l’intensité de l’essai Trinity par la couleur et le son, en faisant suivre l’éclair lumineux d’une pause silencieuse, puis du grondement profond de l’explosion et du claquement de l’onde de choc. En ce qui concerne Hiroshima et Nagasaki, il choisit cependant d’évoquer l’attaque sans la montrer.</p>
<p>S’inspirant d’une description contenue dans <em>American Prometheus</em>, la <a href="https://www.nytimes.com/2023/07/10/books/oppenheimer-american-prometheus-sherwin-bird.html">biographie emblématique d’Oppenheimer</a> sur laquelle le film est basé, Nolan montre le discours triomphal d’Oppenheimer devant un public en liesse dans l’auditorium de Los Alamos, annonçant la destruction d’Hiroshima par l’arme qu’ils avaient créée.</p>
<p>Nolan crée un sentiment de dissociation, l’horreur de la bombe entrant en scène par le biais de flashbacks du test Trinity et d’images de corps calcinés d’Hiroshima. Les applaudissements des scientifiques se transforment de manière cauchemardesque en gémissements et en pleurs.</p>
<h2>La bombe qui mettrait fin à toutes les guerres ?</h2>
<p>Après la fin de la guerre, de nombreux scientifiques qui avaient travaillé sur le projet Manhattan ont cherché à souligner que la bombe atomique n’était pas une arme comme les autres. Ils ont affirmé que l’immense danger qu’elle représentait <a href="https://oneworld.fas.org/fulltext.pdf">devrait rendre la guerre obsolète</a>.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/539708/original/file-20230727-29-beg833.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Une femme et un homme, dos à la caméra, s’inclinent comme pour prier devant une structure en béton" src="https://images.theconversation.com/files/539708/original/file-20230727-29-beg833.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/539708/original/file-20230727-29-beg833.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=428&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/539708/original/file-20230727-29-beg833.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=428&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/539708/original/file-20230727-29-beg833.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=428&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/539708/original/file-20230727-29-beg833.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=538&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/539708/original/file-20230727-29-beg833.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=538&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/539708/original/file-20230727-29-beg833.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=538&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Un couple de personnes âgées prient ensemble devant le monument commémoratif des victimes de la bombe atomique à Hiroshima.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.gettyimages.com/detail/news-photo/an-elderly-couple-pray-together-before-the-memorial-news-photo/51146038?adppopup=true">Yoshikazu Tsuno/AFP</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Parmi eux, Oppenheimer était celui qui avait le plus d’autorité grâce à l’opération de Los Alamos et à ses talents d’orateur. Il a poussé à la maîtrise des armements, jouant un rôle clé dans la rédaction du <a href="https://history.state.gov/milestones/1945-1952/baruch-plans">rapport Acheson-Lilientha de 1946</a>, une proposition radicale qui demandait que l’énergie atomique soit placée sous le contrôle des Nations unies.</p>
<p>Cette proposition, connue sous le nom de plan Baruch, a été rejetée par l’Union soviétique. Oppenheimer était amèrement déçu, mais les <a href="https://history.state.gov/milestones/1945-1952/atomic">diplomates atomiques</a> américains avaient probablement l’intention de le rejeter – après tout, la marine américaine <a href="https://ahf.nuclearmuseum.org/ahf/history/operation-crossroads/">testait des bombes atomiques</a> au-dessus de l’atoll de Bikini dans le Pacifique. Plutôt que de considérer la bombe comme l’arme qui mettrait fin à toutes les guerres, l’armée américaine semblait la considérer comme <a href="https://press.princeton.edu/books/hardcover/9780691635934/the-winning-weapon">son atout</a>. Le film de Nolan fait référence à la déclaration du physicien britannique Patrick Blackett <a href="https://www.worldcat.org/title/fear-war-and-the-bomb-military-and-political-consequences-of-atomic-energy/oclc/33200539">selon laquelle</a> la destruction d’Hiroshima et de Nagasaki</p>
<blockquote>
<p>« n’était pas tant le dernier acte militaire de la Seconde Guerre mondiale que la première opération majeure de la guerre diplomatique froide avec la Russie ».</p>
</blockquote>
<p>Lorsque les Soviétiques ont obtenu leur propre bombe atomique en 1949, Oppenheimer et son groupe de conseillers scientifiques se sont opposés à une proposition visant à ce que les États-Unis réagissent en mettant au point la <a href="https://www.nytimes.com/2017/09/03/world/asia/north-korea-hydrogen-bomb.html">bombe à hydrogène</a>, mille fois plus puissante que les bombes atomiques larguées sur le Japon. Son opposition a ouvert la voie à la <a href="https://www.nytimes.com/2014/10/12/us/transcripts-kept-secret-for-60-years-bolster-defense-of-oppenheimers-loyalty.html">disgrâce politique d’Oppenheimer</a>. En l’espace de quelques années, les <a href="https://www.brookings.edu/articles/castle-bravo-the-largest-u-s-nuclear-explosion/">États-Unis</a> et <a href="https://ahf.nuclearmuseum.org/ahf/history/soviet-hydrogen-bomb-program/">l’Union soviétique</a> ont tous deux testé des bombes à hydrogène. L’ère de la <a href="https://www.livescience.com/mutual-assured-destruction">destruction mutuelle assurée</a>, où une attaque nucléaire serait certaine d’anéantir les deux superpuissances, avait commencé. Aujourd’hui, neuf nations <a href="https://www.ucsusa.org/nuclear-weapons/worldwide">possèdent des armes nucléaires</a> – mais 90 % d’entre elles <a href="https://www.armscontrol.org/factsheets/Nuclearweaponswhohaswhat">appartiennent toujours aux États-Unis et à la Russie</a>.</p>
<p>Vers la fin de sa vie, Oppenheimer a été interrogé sur la <a href="https://www.youtube.com/watch?v=bNSSIzLA-JQ">perspective de négociations</a> pour limiter la propagation des armes nucléaires. Il a répondu : « Cela arrive 20 ans trop tard. Cela aurait dû être fait au lendemain de Trinity. »</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/212476/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Charles Thorpe ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>
Dans la culture américaine, la fascination pour l’homme à l’origine de la bombe semble souvent éclipser l’horrible réalité des armes nucléaires elles-mêmes.
Charles Thorpe, Professor of Sociology, University of California, San Diego
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/209904
2023-08-20T20:13:53Z
2023-08-20T20:13:53Z
À la recherche de la matière noire galactique depuis les profondeurs de la Terre
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/541960/original/file-20230809-23-o0toe7.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C5%2C1800%2C1191&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">CRESST (Cryogenic Rare Event Search using Superconducting Thermometers) est une expérience de recherche de particules de matière noire au LNGS (laboratoire souterrain du Gran Sasso, Italie)</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://cresst-experiment.org/fileadmin/_processed_/e/4/csm_Run36_Mounting_6d38a6968a.jpg">CREEST</a></span></figcaption></figure><p>Euclid, une mission de l’Agence spatiale européenne (ESA) a quitté la Terre le 1<sup>er</sup> juillet 2023 et tentera, en particulier, de mettre en évidence la matière noire galactique. </p>
<p>Ce n’est que dans les années 1970 que la question de l’existence de la matière noire suscite de l’intérêt. À ce propos, Matière Noire est une mauvaise traduction française de « Dark Matter » en anglais qui veut plutôt dire matière « invisible » ou « non observée/cachée ». Si la matière avait été « noire », on aurait écrit en anglais « black ».</p>
<p>L’astronome américaine <a href="https://blogs.futura-sciences.com/feldmann/2021/07/23/vera-rubin-lastronome-invisible-qui-nous-a-revele-la-matiere-noire/">Vera Rubin</a>, doctorante dans les années 1970, étudie la rotation des galaxies spirales (il y a trois types de galaxies : spirale, elliptique et irrégulière ; notre galaxie, la Voie lactée, est de type spirale). L’étude de Vera Rubin s’attelle à la question de savoir si la « masse lumineuse », c’est-à-dire la masse visible – qui est déduite de la présence des étoiles – est bien égale à la masse dynamique (masse totale en étudiant la dispersion des vitesses).</p>
<p>En décrivant la vitesse de rotation de la galaxie en fonction de la distance au centre de la même galaxie, on fait une mesure directe de la distribution globale de matière dans la galaxie. La vitesse maximale de rotation d’une galaxie spirale se trouve à quelques kiloparsecs du centre (le parsec est une unité de longueur astronomique qui équivaut à 3,26 années de lumière, 206 265 unités astronomiques ou 30 900 milliards de km environ), puis elle est censée décroître. En effet, les étoiles à la périphérie de la galaxie sont en orbite autour du centre, de la même manière que les planètes sont en orbite autour du Soleil. Les étoiles en périphérie de la galaxie ont une vitesse orbitale inférieure à celles qui sont situées plus près de son centre. </p>
<p>Or, Vera Rubin observe que les étoiles situées à la périphérie de la galaxie d’Andromède – comme pour d’autres galaxies spirales – semblent tourner trop vite (les vitesses restaient pratiquement constantes au fur et à mesure que l’on s’éloignait du centre). Elle arrive à la conclusion qu’il manque de la masse pour expliquer ces vitesses de rotation. De nombreuses autres observations similaires sont effectuées dans les années 1980, venant renforcer celles de Vera Rubin. La quête de la matière noire est dès lors un objectif de recherche intense en astrophysique, en astroparticules et en physique des particules. </p>
<p>Depuis l’observation du fond diffus cosmologique ou rayonnement fossile (résidu d’un rayonnement émis par l’Univers lorsqu’il était dans une phase très chaude et dense, au tout début, juste 380 000 ans après le Big Bang) par des satellites tel que <a href="https://planck.cnes.fr/fr">Planck</a>, la matière noire semble représenter une masse environ six fois supérieure à celle de la matière visible ; elle devrait constituer environ 26 % de l’Univers et donc la matière que nous connaissons et qui constitue toutes les étoiles et les galaxies ne représente que 5 % du contenu de l’Univers. La matière noire n’interagit pas, ou extrêmement peu, avec la matière « ordinaire » (notre monde connu) rendant sa détection et sa caractérisation très difficiles. Sa présence n’est détectée que par son influence gravitationnelle.</p>
<p>Les recherches se déroulent également en grande partie sur Terre, et je dirai même plus précisément sous Terre par exemple à l’accélérateur LHC du CERN. </p>
<h2>Une recherche souterraine</h2>
<p>L’avantage des expériences sous terre est de combiner la détection directe avec la détection indirecte de matière noire à partir des relevés astronomiques. Par conséquent, la forte synergie entre les sondes astrophysiques (indirectes) et les laboratoires souterrains (sonde directe) peut permettre de mesurer et limiter conjointement l’effet de la matière noire. Onze laboratoires souterrains pour la recherche de la matière noire et d’autres objets astrophysiques sont opérationnels dans l’hémisphère nord.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/541218/original/file-20230804-25-24i2a7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/541218/original/file-20230804-25-24i2a7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/541218/original/file-20230804-25-24i2a7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=332&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/541218/original/file-20230804-25-24i2a7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=332&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/541218/original/file-20230804-25-24i2a7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=332&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/541218/original/file-20230804-25-24i2a7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=417&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/541218/original/file-20230804-25-24i2a7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=417&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/541218/original/file-20230804-25-24i2a7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=417&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">La carte du monde des laboratoires souterrains. Onze laboratoires sont opérationnels, ils se trouvent tous dans l’hémisphère Nord (point vert). Le laboratoire australien est en cours de mise en route (point orange). Les trois autres sites dont deux dans l’hémisphère Sud (point rouge) sont encore des projets.</span>
<span class="attribution"><span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>En France, on trouve par exemple le laboratoire souterrain de Modane, près de la frontière italienne où l’expérience <a href="https://theconversation.com/lexperience-edelweiss-ou-comment-sonder-lunivers-sous-les-montagnes-156259">EDELWEISS</a> sonde cette hypothèse de l’existence de la matière noire sous la montagne depuis quinze ans.</p>
<p>Les laboratoires souterrains sont plus ou moins profonds. Les plus profonds sont installés dans des anciennes mines comme SNOLAB au Canada (2 000 m) ou CJPL en Chine (2 400 m). Les laboratoires souterrains de Modane (LSM, France) et Gran Sasso (LNGS, Italie) se trouvent respectivement à environ 1 700 m et 1 400 m sous la roche de la montagne et dans un tunnel (Frejus/Gran Sasso).</p>
<p>L’emplacement souterrain garantit naturellement une suppression élevée des particules de rayons cosmiques produits dans l’atmosphère et, par conséquent, de sous-produits cosmogéniques (comme les noyaux <a href="https://theconversation.com/quand-les-boissons-energisantes-etaient-chargees-en-radioactivite-209535?utm_term=Autofeed&utm_medium=Social&utm_source=Twitter#Echobox=1690292220">radioactifs</a>)</p>
<h2>Comment détecte-t-on la matière noire sous Terre ?</h2>
<p>Cette matière noire, présente dans notre galaxie, est considérée comme une sorte de gaz de particules « exotiques » dans lequel nous baignerions. La Terre se déplaçant dans la galaxie, elle rencontre directement ces particules, il n’est donc pas nécessaire d’aller la chercher bien loin. Mais pour pouvoir l’observer directement, il est nécessaire qu’elle interagisse avec la matière ordinaire.</p>
<p>Lorsqu’une particule de matière noire frappe un noyau de matière ordinaire, elle pourrait provoquer un recul de celui-ci. Détecter cet infime mouvement permettrait de signer son passage.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/541220/original/file-20230804-19-p7nvgb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/541220/original/file-20230804-19-p7nvgb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=488&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/541220/original/file-20230804-19-p7nvgb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=488&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/541220/original/file-20230804-19-p7nvgb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=488&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/541220/original/file-20230804-19-p7nvgb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=613&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/541220/original/file-20230804-19-p7nvgb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=613&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/541220/original/file-20230804-19-p7nvgb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=613&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Principe de la détection directe de matière noire appelée WIMPs par scintillateur (expérience DAMA) au LNGS (Laboratoire souterrain du Gran Sasso).</span>
<span class="attribution"><span class="source">Blog ça se passe là-haut</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Pour être sûrs de capter des événements si rares et peu expressifs, les détecteurs doivent être conçus dans un matériau très peu radioactif et protégé des radiations parasites afin de minimiser le bruit de fond qui cacherait le signal recherché. D’où l’intérêt d’installer les observatoires dans des laboratoires souterrains, pour éviter, comme déjà évoqué, un maximum de rayonnements (cosmiques et radioactifs) qui pourraient perturber les mesures.</p>
<p>Les recherches engagées dans les laboratoires souterrains construits dans les années 1980/1990 ont été entreprises dans le but d’étudier des phénomènes liés à la physique des hautes énergies et astroparticules (durée de vie du proton, physique des neutrinos, etc.). Le XXI<sup>e</sup> siècle a vu la mise en route d’expériences plus ambitieuses pour explorer la matière noire du cosmos. </p>
<p>Cependant, avec le progrès technologique et les savoir-faire sous-jacents, les laboratoires souterrains se sont vite vu très utiles à d’autres disciplines. D’où l’intérêt des pays émergents de s’engager à leur tour pour participer à développer ces infrastructures, comme les projets ANDES (Argentine/Chile) et PAUL (Afrique du Sud). Ces laboratoires sont à la pointe de la recherche en astroparticules mais aussi d’autres activités liées aux mesures de basses radioactivités pour la biologie. </p>
<p>Il y a aussi des opportunités immenses pour des recherches en séismologie, climatologie, glaciologie et astrobiologie. La possibilité de contrôler les conditions d’éclairage et d’autres paramètres environnementaux rend les laboratoires souterrains des lieux idéaux pour expérimenter l’agriculture hydroponique, comme pour les champignons. Ils fournissent d’autres opportunités comme de déterminer la capacité d’utiliser le sous-sol comme environnement de travail et même d’aménager les tunnels comme des environnements habitables. </p>
<p>D’autres hypothèses alternatives viennent expliquer le phénomène observé par Vera Rubin. La matière noire pourrait ne pas exister, et l’hypothèse de son existence peut être due à une méconnaissance partielle des lois de la gravité. D’autres théories postulent l’existence d’antigravité ou encore <a href="https://lejournal.cnrs.fr/articles/un-univers-sans-matiere-noire-0">l’existence de masses négatives dans notre Univers</a>, tout comme il existe des charges électriques positives et négatives. Ceci permet d’envisager un Univers sans matière noire.</p>
<p>En attendant les résultats des recherches, on pourra se délecter de quelques voyages dans le monde de la Science-Fiction comme avec la série TV <em>Dark</em> où une boule de matière noire créée par une centrale nucléaire permet de voyager dans le temps. Plus relaxant, la série <em>Futurama</em> où lorsque <a href="https://lejournal.cnrs.fr/articles/un-univers-sans-matiere-noire-0">« les Nibbloniens »</a>, petites créatures méchantes, digèrent leur nourriture sous forme de boules noires denses constituées de matière noire, boules de caca qui servent aussi de carburant pour les vaisseaux spatiaux.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/209904/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Fairouz Malek est chercheuse au CNRS, membre de l'association Parité Science pour la promotion et le soutien des femmes en science. Fairouz Malek a reçu des financements du CNRS pour effectuer ses recherches. </span></em></p>
La matière noire est encore mystérieuse ; pourtant, elle serait six fois plus présente que la matière « ordinaire ». Plusieurs laboratoires dans le monde cherchent à percer ce mystère.
Fairouz Malek, Physicienne, Directrice de recherches au CNRS, Université Grenoble Alpes (UGA)
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/210012
2023-08-01T16:20:07Z
2023-08-01T16:20:07Z
L’intelligence artificielle est-elle en train de changer la nature même de la recherche en physique ?
<p>Depuis Galilée, la recherche en physique suivait une procédure bien balisée, structurée par trois préceptes : observation des phénomènes naturels, conceptualisation d’une loi les sous-tendant, vérification des prédictions qui en découlent.</p>
<p>Cette démarche a porté de multiples fruits et nous connaissons aujourd’hui en détail les lois qui s’appliquent au monde entre l’échelle des particules élémentaires et celle de l’univers global. La méthode qui s’est magistralement développée pendant les quatre derniers siècles s’appuie sur la loi de causalité et suit la démarche réductionniste de <a href="https://philosciences.com/philosophie-et-societe/116-le-reductionnisme-dogmatique">Descartes</a> : devant un problème, il faut le décomposer en autant d’étapes permettant de construire des suites simples de raisonnement. À chaque étape, le déterminisme s’applique. Si l’on ne trouve pas d’enchaînement causal, c’est parce qu’on n’a pas réduit suffisamment le problème. Cette démarche s’accorde avec le <a href="https://blogs.futura-sciences.com/luminet/2015/09/03/le-rasoir-dockham-1-le-principe-de-simplicite/">principe de parcimonie d’Occam</a>, selon lequel il faut choisir l’explication la plus simple pour comprendre la nature, la complexité n’étant qu’une solution de dernier recours.</p>
<p>Aujourd’hui, ce paradigme semble rejeté par les techniques à la mode du <a href="https://theconversation.com/fr/topics/machine-learning-8332">machine learning</a> (ML), qu’on traduit par apprentissage automatique et qui est une sous-catégorie de l’intelligence artificielle dont on parle à tout propos.</p>
<p>Est-ce une révolution et si oui, qu’en déduire ?</p>
<h2>Machine learning et réseaux de neurones</h2>
<p><a href="https://theconversation.com/fr/topics/intelligence-artificielle-ia-22176">L’intelligence artificielle</a> se donne pour but de réaliser une machine capable d’imiter l’intelligence humaine. Elle est utilisée pour la traduction automatique de textes, l’identification d’images, en particulier la reconnaissance faciale, la publicité ciblée… L’objectif du machine learning est plus spécifique. Il vise à enseigner un ordinateur à exécuter une tâche et à fournir des résultats en identifiant des correspondances dans un lot de données. Le ML écrit des algorithmes qui découvrent des motifs récurrents, des similarités dans des ensembles de données existantes qu’on va ensuite exploiter pour interpréter une nouvelle donnée. Ces données peuvent être des chiffres, des mots, des images… Les programmes informatiques du ML sont capables de prédire des résultats sans tenter d’analyser les détails des processus mis en jeu. Le réductionnisme de Descartes est clairement oublié.</p>
<p>La technique des réseaux de neurones est l’un des outils de la méthode. Il s’agit d’algorithmes se présentant sous forme d’un réseau à plusieurs couches. La première permet l’ingestion des données à analyser sous forme d’un lot de paramètres (image d’un chien par exemple), une ou plusieurs couches cachées tirent des conclusions à partir des données dites « d’entraînement » antérieurement accumulées (images de milliers de chiens), et la dernière assigne une probabilité à l’image de départ. Comme le nom l’indique, les réseaux de neurones s’inspirent directement du fonctionnement du cerveau humain. Ils analysent la complexité en tenant compte de toutes les corrélations existant, comme peut le faire la vision globale de l’œil.</p>
<p>En décelant des régularités dans un grand jeu de données stockées, les algorithmes améliorent leurs performances au fil du temps dans l’exécution d’une tâche. Une fois entraîné, l’algorithme pourra retrouver les motifs dans de nouvelles données à partir de ceux dont on l’a nourri. Mais pour obtenir un résultat satisfaisant, il faut entraîner le système avec un jeu d’apprentissage aussi étendu que possible qui reste représentatif et non biaisé, et cela explique le problème de fond de la méthode : le résultat dépend de l’entraînement. Ainsi, un processus distinguera plus facilement les chiens que les loups s’il a été soumis à plus d’images de chiens pendant l’apprentissage. Un cas récent classa un chien comme loup parce qu’il apparaissait sur un fond blanc. Les images d’entraînement montraient souvent des loups sur fond de campagne enneigée.</p>
<h2>L’exemple de la physique des hautes énergies</h2>
<p>En recherche fondamentale aussi, la nouvelle technique est massivement utilisée pour l’analyse de données complexes. Elle permet de développer, de tester et d’appliquer des algorithmes sur différents types de données afin de qualifier un événement. Par exemple, le ML aide les physiciens à gérer les milliards d’interactions entre protons obtenues au <a href="https://theconversation.com/balade-au-cern-le-pantheon-de-la-physique-des-particules-101784">grand collisionneur du CERN</a> découvreur du boson de Higgs. Les réseaux de neurones peuvent rendre le filtrage de données plus rapide et plus précis. La technique s’améliore de manière autonome au fil du temps.</p>
<p>Ceci constitue une rupture avec les méthodes passées où on cherchait d’abord à identifier tel ou tel type de particules parmi les produits de la réaction en appliquant des règles de sélection adaptées pour ensuite examiner l’interaction dans sa globalité.</p>
<p>Ici, on exploite directement la structure d’ensemble d’un événement. Ainsi, pour la recherche de nouvelles particules, un modèle théorique fixe une phénoménologie avec ses paramètres associés. Les physiciens simulent la création et la détection de ces particules. Ils simulent aussi le « bruit » causé par toutes les autres réactions prédites par le <a href="https://home.cern/fr/science/physics/standard-model">Modèle standard</a>, à charge pour le machine learning de distinguer le signal recherché et la réponse est donnée sur une échelle de probabilité de vraisemblance.</p>
<p>Pourtant, la science ne peut s’appuyer aveuglément sur le ML. Les physiciens qui exploitent cette révolution doivent rester aux commandes. Pour l’heure, un humain est encore nécessaire pour examiner de manière critique ce que délivrent les analyses algorithmiques. Son rôle est de donner du sens aux résultats, et de s’assurer que les données traitées ne sont ni biaisées ni altérées. De même, un physicien voulant utiliser un traducteur automatique de l’anglais au français doit s’assurer que le mot <em>wave</em> est bien rendu par onde et non par vague dans l’expression de la dualité onde-corpuscule.</p>
<h2>La physique est-elle encore déterministe ?</h2>
<p>La physique classique se voulait déterministe, elle donnait un résultat unique à un problème donné. La méthode du ML, de par sa construction, répondra de manière probabiliste avec une possibilité d’erreur qu’on cherchera à minimiser. En gagnant en efficacité et en rapidité d’analyse, on abandonne la certitude pour se contenter de vraisemblance. On peut d’ailleurs souvent s’en satisfaire, la vie elle-même étant probabiliste.</p>
<p>En son temps, Einstein s’était opposé à l’indéterminisme inhérent à la mécanique quantique. Il pensait que le cerveau humain était capable d’expliquer complètement la réalité. En cela, il suivait un préjugé fort respectable venant de la philosophie grecque. De fait, la mécanique quantique introduit un hasard intrinsèque qui viole les <em>a priori</em> des physiciens. Mais ce hasard reste contraint, il maintient un déterminisme collectif puisqu’on sait exactement prédire l’évolution d’une population de particules. Devant les nouveaux développements, il faut admettre que le probabilisme devient une propriété obligatoire inscrite dans la technique de recherche elle-même. Einstein devrait se retourner dans sa tombe.</p>
<h2>Expliquer pour comprendre ?</h2>
<p>La physique classique tentait de rationaliser la démarche de connaissance en conceptualisant une loi dont on vérifiait expérimentalement les conséquences. Avec le ML, on cherche toujours à prédire l’évolution d’un phénomène, mais la phase de conceptualisation a disparu. On puise dans la richesse des grands nombres pour définir un patron qu’on appliquera au problème posé. La construction d’une théorie ne semble plus nécessaire pour résoudre un problème. Les notions d’objectif et de subjectif se mélangent.</p>
<p>On disait que la physique explique le « comment » des phénomènes naturels, à charge pour d’autres esprits d’en expliquer le « pourquoi ». Ici, il faut revoir la notion d’explication, la part de l’intelligence pure dépensée s’efface, ou du moins, devant les prouesses de l’ordinateur, l’intelligence humaine ne sert plus qu’à améliorer le processus informatique. L’homme se met au service de la machine.</p>
<p>La physique a-t-elle perdu ses repères ? J’avais perdu les miens et devant mon désarroi, un théoricien me tança :</p>
<blockquote>
<p>« Tu crois donc que des gravitons s’échangent entre le Soleil et la Terre pour maintenir notre planète sur son orbite ? Les particules virtuelles n’existent pas, ce sont de simples artifices de calcul. »</p>
</blockquote>
<p>Et je compris alors que le ML devait être accepté comme un artifice de calcul plus élaboré que ceux du passé, mais cela ne me semblait pas sans conséquence.</p>
<p>La physique ne cherche plus à expliquer, elle se satisfait d’un résultat pertinent à un problème obtenu avec le maximum d’efficacité. Or, ce qu’on n’explique pas, il faut l’admettre. Pascal avait déjà senti une limitation de principe dans la physique ; il classait l’espace et le temps parmi des grandeurs primitives dont il faut accepter la réalité sans explication, parce que c’est « comme ça ». Platon avec son allégorie de la caverne avait eu l’intuition que nous ne ferons toujours qu’interpréter des ombres, sur le fond d’une mémoire d’ordinateur dans le cas du ML. Et tout cela rappelle l’injonction de Saint Augustin qui écrivit, dans un contexte évidemment très différent : « Il faut croire pour comprendre. » Alors que conclure ? En 1989, on annonçait « la fin de l’histoire ». La prophétie s’avéra très exagérée, espérons que les développements informatiques ne signent pas « la fin de la physique ».</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/210012/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>François Vannucci ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>
En se basant sur l’intelligence artificielle, la recherche en physique est-elle en train de passer d’un modèle déterministe à une méthode relativiste ?
François Vannucci, Professeur émérite, chercheur en physique des particules, spécialiste des neutrinos, Université Paris Cité
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/208141
2023-07-16T15:29:40Z
2023-07-16T15:29:40Z
Pourquoi la route de la plage « gondole »
<p>Lorsqu’une route de sable, de terre ou de gravier est soumise aux passages répétés de véhicules, un motif régulier de rides peut apparaître – il est connu sous le nom de « route de tôle ondulée » ou « washboard road ». Si la vitesse est suffisante, la moindre irrégularité dans la route dégénère, et l’ensemble de la route ressemble rapidement à un champ de bosses.</p>
<p>Ces rides gênent la conduite et usent prématurément les véhicules, mais elles sont surtout dangereuses. En effet, les véhicules circulant à des vitesses de quelques dizaines de kilomètres par heure volent littéralement de ride en ride, ce qui diminue leur adhérence et affecte le contrôle des trajectoires et les longueurs de freinage.</p>
<p>Le phénomène de « washboard road » est très répandu dans de nombreux pays en voie de développement, mais également aux États-Unis et en Australie, où des routes non goudronnées (pour des raisons de coût d’installation et de maintenance) traversent les étendues désertiques sur plusieurs milliers de kilomètres.</p>
<p>Si l’on peut bétonner ou goudronner les routes, on peut aussi les raboter à l’aide d’un bulldozer, mais ceci s’avère aussi coûteux qu’inefficace, le motif réapparaissant très rapidement après le passage de l’engin. Incorporer à la route des <a href="https://theses.hal.science/tel-01902750/document">additifs, tels que des résines végétales ou des hydrocarbures lourds, pourrait rendre le matériau plus résistant aux déformations</a>, mais poserait de sérieux problèmes environnementaux et est difficilement envisageable à grande échelle : comment incorporer de tels volumes d’additifs sur des milliers de kilomètres ?</p>
<h2>Comment se forment ces motifs qui rappellent les dunes ?</h2>
<p>L’amplitude et la longueur d’onde du motif dépendent des masses et vitesses des véhicules qui y roulent mais aussi de la pression des pneumatiques ou encore des conditions climatiques. Les observations de terrain rapportent que le motif est plus marqué dans les virages, ainsi que sur les fortes pentes et autour des carrefours, car les contraintes mécaniques exercées sur la route par les véhicules sont plus importantes dans ces trois situations.</p>
<p>Mais au-delà des implications pratiques, le phénomène constitue un <a href="https://link.springer.com/book/10.1007/BFb0110577">problème fascinant pour les physiciens : la « morphogenèse », l’étude de la formation de motifs répétés, et plus généralement des instabilités</a>.</p>
<p>Ici, les similitudes sont grandes avec la formation des dunes (qui sont des motifs d’une hauteur de quelques centaines de mètres) ou des rides sur une surface de sable soumis à un vent constant. Ces phénomènes ont fait l’<a href="https://www.annualreviews.org/doi/abs/10.1146/annurev-fluid-011212-140806">objet de nombreuses études</a>, par exemple via l’analyse de modèles expérimentaux dans lesquels un lit de sable sec est soumis à un vent constant grâce à une soufflerie.</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/535264/original/file-20230703-246268-emghe2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="dispositif experimental avec levier et roue" src="https://images.theconversation.com/files/535264/original/file-20230703-246268-emghe2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/535264/original/file-20230703-246268-emghe2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=454&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/535264/original/file-20230703-246268-emghe2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=454&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/535264/original/file-20230703-246268-emghe2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=454&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/535264/original/file-20230703-246268-emghe2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=571&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/535264/original/file-20230703-246268-emghe2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=571&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/535264/original/file-20230703-246268-emghe2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=571&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Le dispositif expérimental pour étudier la formation des rides de sable.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Nicolat Taberlet/ENS Lyon</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Dans nos travaux, nous avons choisi de simplifier au maximum le système et d’étudier une situation contenant les <a href="https://journals.aps.org/prl/abstract/10.1103/PhysRevLett.99.068003">ingrédients physiques fondamentaux nécessaires à l’apparition de l’instabilité « washboard road »</a>.</p>
<h2>Un phénomène très robuste</h2>
<p>Certes, sur le terrain, les différents véhicules possèdent des masses et vitesses variables, et soient équipés de plusieurs roues munies d’une suspension et de pneus déformables sur lesquels s’applique parfois un couple moteur. Au contraire, dans nos études en laboratoire, nous avons travaillé avec une roue en gomme rigide, placée à l’extrémité d’un bras articulé, et tirée à vitesse constante sur un lit de sable : notre montage ne comporte ainsi aucune suspension et l’unique roue n’avance pas sous l’effet d’un couple moteur. La roue est contrainte dans son mouvement horizontal le long de la piste circulaire, mais est libre de monter et descendre ainsi que de rouler.</p>
<p>Mais malgré ces simplifications à l’extrême, ce système permet de reproduire fidèlement le phénomène de « washboard road » : après plusieurs passages, la route initialement plane se transforme en profil ondulé et régulier. En poussant cette démarche à l’extrême, il est même possible de former une « washboard road » en tirant un simple patin incliné (à l’image d’un chasse-neige) avec le bras articulé. </p>
<p>La robustesse du phénomène de formation de rides est un des résultats importants de l’étude : ce phénomène existe sous une large gamme de conditions, et une modification des paramètres des véhicules ne suffirait probablement pas à éradiquer le motif ondulé.</p>
<p>Ce résultat est malheureusement fort contrariant pour toute tentative de mitigation des rides : il semble que l’ajout d’une suspension ou d’un pneu déformable pourrait modifier les dimensions du motif de rides, mais ces caractéristiques ne sont pas des ingrédients indispensables à l’apparition du motif de rides.</p>
<h2>Une vitesse « seuil » au-delà de laquelle les rides se forment</h2>
<p>Par contre, notre système nous a également permis de mettre en évidence l’existence d’une vitesse « critique » (ou seuil) pour le phénomène : en dessous de cette vitesse, toute perturbation dans la piste comme un creux ou une bosse est lentement érodée et le profil redevient plan après quelques passages. À l’inverse, <a href="https://journals.aps.org/pre/abstract/10.1103/PhysRevE.84.051302">au-delà de cette vitesse, la moindre irrégularité dans la route dégénère rapidement et provoque l’apparition de rides</a>.</p>
<p>Nous avons compris comment cette vitesse critique dépend des paramètres du système (masse du véhicule et masse volumique du sable), ce qui nous a permis d’estimer la vitesse critique d’environ 10 km/h pour des voitures légères et de 20 km/h pour les véhicules les plus lourds. Ainsi, si les véhicules circulaient à faible vitesse, les routes resteraient planes, mais cette valeur est tellement faible qu’elle parait difficilement réaliste comme limitation de vitesse… surtout pour traverser l’Australie !</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/208141/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Nicolas Taberlet ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>
Pour que ça ne gondole pas, une seule solution : rouler très lentement… difficile de traverser le désert en véhicule sans créer de rides dans ces conditions.
Nicolas Taberlet, Maître de conférences en physique, ENS de Lyon
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/206116
2023-06-14T16:40:07Z
2023-06-14T16:40:07Z
Quand Hicham Berrada utilise la chimie pour créer un monde merveilleux
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/532009/original/file-20230614-18844-xr3cbp.png?ixlib=rb-1.1.0&rect=4%2C2%2C671%2C447&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Couleurs, formes et réactions chimiques composent une oeuvre unique et changeante. Hicham Berrada, Présage (2018), Installation vidéo avec vidéoprojecteurs synchronisés.</span> <span class="attribution"><span class="source">Hicham Berrada / Collection Pinault / ©Photo: Laurent Lecat </span></span></figcaption></figure><p>Hicham Berrada présente actuellement son œuvre « Présage » (2018) à la Bourse du Commerce (collection Pinault), à Paris, <a href="https://www.pinaultcollection.com/fr/boursedecommerce/avant-lorage">dans le cadre de l’exposition « Avant l’orage »</a>. Sur un écran géant incurvé, dans une pièce plongée dans le noir, on est immergé dans des paysages composés à partir de minéraux plongés dans une solution aqueuse : mouvements liquides, formes étranges en croissance, couleurs qui se déploient. Des transformations toujours surprenantes et variées observées au travers d’un bécher ou d’un aquarium.</p>
<p>J’ai eu envie, dans un premier temps, de me laisser porter et de rêver en déambulant devant ces mouvements fluides, ces croissances, ces bulles, cette profusion de formes changeantes. Mais bien sûr, j’ai fini par chercher à comprendre, avec mes lunettes scientifiques, comment l’artiste avait conçu cette œuvre.</p>
<h2>Ce n’est « que » de la chimie</h2>
<p>Pourtant cette œuvre n’est « que » le résultat d’une chimie que l’on est tenté de qualifier de banale. Le bécher, indispensable dans un laboratoire de chimie, simple récipient en verre, contient la scène filmée qui se déploie. Le choix des produits immergés dans l’eau détermine les réactions chimiques, les couleurs produites, le type de formes qui vont apparaître. Les caractéristiques des réactions, la température, la pression, les concentrations vont déterminer les vitesses de réaction. On parle de <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Cin%C3%A9tique_chimique">« cinétiques de réaction »</a>.</p>
<p>Hicham Berrada connaît bien tout cela, probablement mieux que moi, physicien à la chimie bien rouillée. Il en joue, et on peut essayer de discerner avec lui, au-delà même de la mise en œuvre de la chimie, les questions invisibles mais bien présentes dans ce jeu, qui à mes yeux sont des éléments clés de cette œuvre d’art. Ce sont aussi des questions scientifiques fondamentales.</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/GL62KjJx5eM?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
</figure>
<p>Le premier de ces éléments fondamentaux est la couleur. La profusion des couleurs, est une constante dans le travail de Berrada : l’artiste contrôle toute une palette à partir des réactifs initiaux. Il rejoint ici une longue histoire des pigments en peinture, et des techniques qui permettent de les utiliser. On parle de certains peintres comme de grands coloristes – Matisse vient à l’esprit, bien d’autres aussi. Chez les chimistes, l’analyse des couleurs a été et reste primordiale. Aujourd’hui avec les différentes <a href="https://www.asc-csa.gc.ca/fra/astronomie/base/qu-est-ce-que-la-spectroscopie.asp">spectroscopies</a>, elle est quotidienne.</p>
<h2>« Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme »</h2>
<p>Le deuxième aspect repose sur la chimie elle-même, science des transformations visibles à notre échelle mais qui se produisent en fait à l’échelle atomique ou moléculaire. La réaction chimique élémentaire est décrite par une équation chimique, laquelle équation ne contient pas de signe égal, et pour cause. La combustion du méthane dans l’air, par exemple, est une réaction chimique. Au départ, du méthane et de l’oxygène. A l’arrivée, du dioxyde de carbone et de l’eau. Équipés que nous sommes avec les atomes, les molécules et les liaisons chimiques, cette réaction ne paraît pas bien mystérieuse.</p>
<p>[<em>Près de 80 000 lecteurs font confiance à la newsletter de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde</em>. <a href="https://theconversation.com/fr/newsletters/la-newsletter-quotidienne-5?utm_source=inline-70ksignup">Abonnez-vous aujourd’hui</a>]</p>
<p>Mais plus prosaïquement il faut se rappeler que quand il brûle, le méthane devient de l’eau. Et c’est toujours aussi époustouflant : les propriétés du méthane et de l’eau n’ont rien en commun qui saute aux yeux. C’est bien entendu Lavoisier qui a énoncé au XVIII<sup>e</sup> siècle cette vérité : « rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme » !</p>
<p>On peut même comprendre les alchimistes. Imaginez : vous ne connaissez pas les atomes, pas les molécules, pas le concept d’énergie. Vous faites tout de même l’expérience empirique de la chaleur, du poids, de l’état liquide, solide ou vapeur et vous voyez que tout se transforme autour de vous, que des matières disparaissent pour en faire apparaître d’autres. C’est même la routine du monde, le fondement de la cuisine !</p>
<hr>
<p>
<em>
<strong>
À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/quand-les-outrenoirs-de-pierre-soulages-dialoguent-avec-la-science-70608">Quand les « Outrenoirs » de Pierre Soulages dialoguent avec la science</a>
</strong>
</em>
</p>
<hr>
<p>Alors… pourquoi pas du plomb en or ? Le XX<sup>e</sup> siècle aura apporté la réponse : oui, on peut ! Mais le plomb et l’or étant des éléments du tableau de Mendeleïev, cette transformation ne passe pas par la modification des nuages électroniques autour des noyaux atomiques, par des échanges d’électrons entre atomes, ce qui est le cœur de la chimie, mais par la modification des noyaux des atomes eux-mêmes. C’est alors de la chimie nucléaire. Pour la concevoir, il aura fallu les travaux de Henri Becquerel, Marie et Pierre Curie, Ernest Rutherford et de bien d’autres. Les accélérateurs de particules ont ajouté les éléments instables les plus lourds jamais observés. Cet impossible rêve d’alchimiste, la chimie et la physique l’ont réalisé !</p>
<p>Hicham Berrada travaille donc au cœur de la chimie, à cette apparition d’une nouvelle matière solide, liquide ou gazeuse, qui surgit dans représentation audiovisuelle, avec une apparence et des propriétés qu’il est très difficile de prédire simplement à partir de celles des réactifs. Ce surgissement d’une nouvelle matière qui se nourrit de celles introduites dans les réactifs est au cœur de toute l’activité biologique sur la planète Terre, de toute sa diversité, de toutes ses émergences.</p>
<h2>Le temps de dessiner un paysage</h2>
<p>Le troisième élément est le temps. On parle de cinétique chimique, c’est-à-dire le temps que prennent ces transformations. Ce temps peut être très variable. Les feux d’artifice ont en commun avec le travail de Hicham Berrada les réactions chimiques et le surgissement des couleurs. Mais l’artificier joue avec le feu et produit une explosion dans un temps extrêmement court. Les réactions chimiques et en général les transformations de la matière peuvent se produire sur des temps très courts comme les explosions, ou infiniment longs. L’érosion des roches par un cours d’eau implique des effets dits mécano-chimiques, qui érodent en permanence, sur des durées immenses et travaillent les paysages, leurs couleurs, et leurs formes.</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/JlE2zrdxqs0?wmode=transparent&start=1" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
</figure>
<p>Les paysages de nos vies évoluent selon des échelles de temps qui oscillent entre la semaine, le mois, la saison, ou les années. Hicham Berrada installe ses réactions chimiques pour qu’il se passe quelque chose de visible dans le temps de l’exposition, de notre méditation devant son œuvre – qui dure en moyenne quelques minutes. C’est le temps de nos vies quotidiennes, celui pendant lequel une multitude de réactions chimiques ont lieu dans nos corps, en transformation permanente.</p>
<h2>Le hasard fait bien les choses</h2>
<p>Le dernier élément est le hasard. Certainement au moins aussi important ici que le surgissement de la matière transformée. Sort-on de terminale sans avoir en tête pour toujours « On ne se baigne jamais deux fois dans le même fleuve » ? En physique ou en chimie, on parlera d’effets aléatoires ou de bruit. Hicham Berrada contrôle précisément ce qui se passe dans le bécher. Mais jusqu’à un certain point seulement. Il installe une scène et choisit les couleurs, les quantités, les durées, les formes caractéristiques qui vont apparaître, des boules, des fils, des concrétions, mais pas le détail de ces éléments permanents et prévisibles. Et je suis convaincu qu’il ne souhaiterait pas étendre son contrôle à ce niveau de détail s’il le pouvait. En pratique, la question ne se pose pas : c’est impossible. Son œuvre intitulée « Les augures mathématiques », produites à partir d’<a href="https://www.hisour.com/fr/digital-morphogenesis-27961/">algorithmes numériques de morphogenèse</a>, montre pour moi qu’il en est bien conscient.</p>
<p>J’ai adoré travailler dans un laboratoire de croissance cristalline du CNRS à Marseille au XX<sup>e</sup> siècle, pour explorer la <a href="https://www.echosciences-grenoble.fr/articles/les-poussieres-des-nanos-a-l-inframince-de-marcel-duchamp">rugosité cinétique</a>. C’est longtemps après que j’ai découvert l’« Élevage de poussières » de Marcel Duchamp et de Man Ray. La poussière tombe au hasard sur une surface et les grains de poussières s’accrochent entre eux pour former des structures aérées à l’arrangement issu du hasard.</p>
<p>Dans le cadre de ce travail, nous simulions sur ordinateur les croissances cristallines par ajout d’atomes virtuels, à haute ou à basse température, en petite quantité ou grande quantité, avec des liaisons chimiques fortes ou faibles, etc.</p>
<p>Cela permettait d’explorer, en intégrant le hasard, les formes de croissance, l’immense variété des formes produites. On pense aux flocons de neige bien sûr, et aux formes qui apparaissent dans les œuvres de Hicham Berrada. Mais il reste impossible expérimentalement de contrôler l’agrégation d’atomes et de molécules à ce niveau de détail et simultanément en quantité macroscopique, même si les progrès de ce contrôle ont été fulgurants. Avec les mêmes réactifs, dans les mêmes conditions, Hicham Berrada obtiendra les mêmes couleurs c’est vrai, les mêmes formes génériques, des fils ou des amas par exemple, mais la longueur exacte des fils, la forme précise des amas, le nombre même des fils ou des amas sont laissés au hasard. Tout vider, nettoyer, recommencer, et c’est un autre paysage qui apparaît. Il a bien sûr un fort air de famille avec le précédent mais en détail il est toujours nouveau et imprédictible.</p>
<h2>Le petit monde de Hicham Berrada</h2>
<p>Hicham Berrada est donc aussi un spectateur patient de ses propres œuvres, il découvre comme nous comment le hasard vient collaborer en temps réel avec lui. Pour tenter d’étudier analytiquement les paysages générés « pour de vrai » par la croissance cristalline ou dans des simulations numériques, les équations intègrent un petit « h(x,t) », celui que l’on nomme « bruit blanc ». Il est la manifestation du hasard dans l’équation qui décrit la croissance atome par atome.</p>
<p>Ce petit bruit blanc « h(x,t) » manifeste l’apparition du hasard dans une équation qui tente simultanément d’intégrer l’émergence de formes changeantes et uniques mais aussi leurs propriétés permanentes. Hicham Berrada choisit les propriétés permanentes, les couleurs, les formes génériques, les durées, il installe ainsi un petit monde par la chimie. Ensuite, il démarre l’enregistrement vidéo, remue de temps à autre, ajoute si besoin, mais surtout il attend de voir l’œuvre naître dans sa singularité, aussi œuvre du hasard.</p>
<p>Bien sûr, cette œuvre ne prend son sens que sur un écran, une fois le bécher oublié, et avec un facteur d’échelle bien choisi. En montrant les réactions sur un très grand écran, l’artiste nous immerge dans son petit monde.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/206116/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Joël Chevrier ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>
L’œuvre singulière du plasticien Hicham Berrada nous invite à réfléchir à la question du hasard et aux conditions de l’émergence des formes.
Joël Chevrier, Professeur de physique, Université Grenoble Alpes (UGA)
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/204225
2023-05-23T17:51:35Z
2023-05-23T17:51:35Z
Faire décoller une goutte, ou comment utiliser des ultrasons pour sculpter de l’eau
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/525577/original/file-20230511-15-jniafg.JPG?ixlib=rb-1.1.0&rect=8%2C13%2C2986%2C1800&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">La déformation de l'interface entre eau et air engendrée par l'énergie acoustique est ici haute de 4 millimètres. </span> <span class="attribution"><span class="source">Thibaut Devaux, Félix Sisombat</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span></figcaption></figure><p>Ceci n’est pas une goutte qui tombe, mais bien une goutte qui décolle… poussée par des ultrasons.</p>
<p>Pour la faire décoller, nous avons disposé sous la surface de l’eau un type de haut-parleur qui génère des ultrasons (un transducteur acoustique). Il est orienté vers l’interface entre deux fluides, par exemple ici entre l’eau et l’air, mais cela fonctionne aussi avec d’autres fluides. Quand les ultrasons atteignent une intensité suffisamment élevée, une <a href="https://theses.hal.science/tel-00283449/document">goutte d’eau peut se former, se soulever et même se détacher</a> de la surface. Ici, l’intensité est juste en dessous de ce seuil et la goutte reste « attachée ».</p>
<p>Si le signal acoustique continue, plusieurs gouttes d’eau sont successivement formées et éjectées. On parle de <em>fontaine acoustique</em>.</p>
<h2>Faire léviter des petits objets avec des ultrasons… et les déplacer</h2>
<p>En première approximation, la pression de radiation est un effet du second ordre, donc une grandeur nettement plus petite que la pression acoustique dont elle est la moyenne temporelle. La pression de radiation se manifeste comme une force mécanique lorsqu’elle s’applique sur une surface. Grâce à cette force acoustique, on peut manipuler de petits objets de l’ordre du millimètre tels que des gouttes d’eau, des composants électroniques et <a href="https://pubs.aip.org/aip/apl/article/89/21/214102/327898/Acoustic-method-for-levitation-of-small-living">même de petits insectes</a>. Dans ces cas, l’objet est directement poussé par le faisceau acoustique.</p>
<p>En orientant un transducteur vers l’objet et en dimensionnant judicieusement le système, il est possible d’avoir une force de radiation acoustique qui compense les effets de la gravité terrestre et permet alors à l’objet de léviter dans l’espace. En ajoutant des transducteurs acoustiques, des tourbillons (ou vortex) acoustiques peuvent être créés afin de manipuler de façon précise l’objet en lévitation : en modifiant le faisceau acoustique, on modifie l’<em>œil de la tornade</em> et on peut déplacer l’objet. On parle alors de <a href="https://theses.hal.science/tel-01165034">« pince acoustique »</a>.</p>
<p>Ce phénomène intéresse notamment pour les applications dans le domaine du biomédical où on recherche à <a href="https://www.pnas.org/doi/10.1073/pnas.2003569117">déplacer des médicaments</a>, contrôler à distance des dispositifs médicaux implantés dans le corps humain, ou <a href="https://pubs.aip.org/asa/jasa/article/118/5/2829/897018/Temporal-analysis-of-tissue-displacement-induced,https://pubs.aip.org/asa/jasa/article/118/5/2829/897018/Temporal-analysis-of-tissue-displacement-induced">effectuer des interventions chirurgicales très précises à l’échelle microscopique</a> – des recherches qui restent exploratoires pour le moment.</p>
<h2>Contrôler la forme de surfaces</h2>
<p>Pour contrôler précisément l’éjection de gouttes et le mouvement de la particule en lévitation, nous avons besoin de bien comprendre la force de radiation acoustique.</p>
<p>Les physiciens ont tendance dans ces cas à se pencher sur des systèmes relativement simples, par exemple une interface entre de l’eau et de l’air. En disposant un transducteur acoustique dans l’eau et en l’orientant vers la surface, quels vont être les paramètres ayant une influence sur la force de radiation acoustique ? Quelle déformation de l’interface en résulte ? Est-il possible de contrôler précisément dans le temps et dans l’espace cette déformation ?</p>
<p>Dans nos travaux, nous avons proposé un <a href="https://pubs.aip.org/aip/jap/article/132/17/174901/2837694/Water-air-interface-deformation-by-transient">nouveau dispositif de mesure de cette déformation</a>, qui utilise simultanément un laser confocal et un appareil photographique avec un objectif macroscopique. Ces mesures précises couplées à des simulations numériques montrent l’influence du transducteur (sa forme et sa puissance notamment).</p>
<p>Ces études ont révélé que selon l’excitation acoustique, la forme de la déformation change : sur la <em>bosse</em> d’eau se forme une tétine (ou une goutte) qui se détache si on augmente le temps d’excitation ou l’intensité acoustique générée par le transducteur – en d’autres termes, la goutte décolle.</p>
<h2>Sculpter des formes plus complexes</h2>
<p>Pour mieux comprendre l’interaction entre les ondes acoustiques et une interface, nous étudions aussi d’autres couples de fluides, comme l’eau et l’huile par exemple.</p>
<p>Mais nous cherchons également à obtenir des formes plus complexes sur une interface eau-air, en utilisant plusieurs transducteurs ultrasonores couplés entre eux. Nous aimerions ainsi un jour sculpter à façon la surface de l’eau grâce à l’énergie acoustique.</p>
<p>En effet, à plus long terme, les scientifiques aimeraient utiliser la pression de radiation sur des milieux plus complexes tels que les <a href="https://theconversation.com/ces-metamateriaux-qui-se-jouent-des-lois-de-propagation-des-ondes-85420">métamatériaux</a>. Un objectif serait par exemple de réaliser des dispositifs qui absorbent les ondes acoustiques venant dans l’air (des <em>absorbeurs acoustiques</em>), et que l’on peut contrôler en temps réel pour les adapter aux ondes à absorber.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/204225/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Thibaut DEVAUX a reçu des financements de l'agence nationale de la recherche (ANR) et de la région Centre-Val de Loire</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Félix Sisombat a reçu dans le cadre de cet article un financement de de la région Centre-Val-de-Loire (bourse de thèse).</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Lionel Haumesser a reçu dans le cadre de cet article un financement de la région Centre-Val-de-Loire (bourse de thèse) et est membre de la société française d'acoustique (SFA).</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Samuel Callé a reçu dans le cadre de cet article un financement de la région Centre-Val-de-Loire (bourse de thèse).</span></em></p>
Les ondes acoustiques permettent de sculpter l’interface entre deux fluides, de l’eau et de l’air par exemple.
Thibaut Devaux, Maître de Conférences en Acoustique, Université de Tours
Félix Sisombat, Doctorant en acoustique physique, Université de Tours
Lionel Haumesser, Maitre de Conférences HdR en acoustique ultrasonore, Université de Tours
Samuel Callé, Professeur des universités en acoustique, Université de Tours
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/201728
2023-05-14T15:14:34Z
2023-05-14T15:14:34Z
Comment s’est formée la Lune et quel est son âge ?
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/525914/original/file-20230512-19-4cs0n6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C4920%2C3253&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">La Lune n'a pas encore dévoilé tous ses mystères.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://unsplash.com/fr/photos/ve_uN9V8xqU">Ganapathy Kumar / Unsplash</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>En regardant un ciel dégagé le soir, nous sommes habitués à voir la Lune qui nous apparaît comme une boule lumineuse avec des tâches grisées. La compagne de la Terre est beaucoup plus petite que celle-ci puisque sa masse représente environ 1 % de celle de la Terre.</p>
<p>La plupart des gens sont familiers avec l’idée que la Lune tourne autour de la Terre et non l’inverse ou que la Lune est responsable des marées. Il est bien moins courant de se demander comment la Lune s’est formée et depuis combien de temps elle accompagne la Terre dans son périple autour du Soleil.</p>
<p>Ces deux questions simples font pourtant l’objet de débats intenses, depuis que l’homme a pris conscience de son existence. George Darwin, le fils de Charles, connu pour sa théorie de l’évolution, proposa que la Lune aurait été formée en s’étant séparée de la Terre sous l’effet d’une rotation rapide, il y a très longtemps. Dans les détails, cette théorie n’a plus cours, mais elle ressemble tout de même par certains côtés avec les théories actuelles. En effet, <a href="https://royalsocietypublishing.org/doi/10.1098/rstl.1879.0061">George Darwin a suggéré</a> que la rotation rapide de la Terre a pu engendrer la formation de la Lune qui représenterait un morceau de Terre qui se serait détaché à cause de l’instabilité lié à la rotation de la Terre.</p>
<h2>Une collision phénoménale</h2>
<p>Actuellement, nous penchons pour une explication sensiblement différente. Il semble plus vraisemblable que la Lune se serait formée à partir d’un impact géant, c’est-à-dire une <a href="https://www.science.org/doi/10.1126/science.1225542">collision entre la Terre et un objet de taille planétaire</a> dont la taille pourrait varier entre celle de la Lune et de Mars, voire plus gros.</p>
<p>Il existe plusieurs justifications à cette théorie. L’une d’elles est que la composition chimique de la Lune telle qu’elle a pu être mesurée avec les échantillons rapportés par les missions Apollo des années 1969 à 1972 montre que la Lune et la Terre ont des <a href="https://doi.org/10.1016/j.gca.2006.06.262">compositions presque semblables</a> pour une bonne partie des éléments de la classification périodique de Mendeleïev.</p>
<p>Cependant, la Lune est différente de la Terre, car elle est plus pauvre que la Terre pour tous ses éléments volatils, c’est-à-dire des éléments qui se vaporisent à des températures modérées (comme le zinc, l’étain ou le potassium). Ceci implique sans aucun doute que la <a href="https://doi.org/10.1016/j.icarus.2022.115143">Lune a dû se former à des températures très élevées</a> pour que ces éléments-là n’aient pu se condenser en même temps que les autres.</p>
<p>Une autre caractéristique importante de la Lune est que contrairement à Mars, Vénus, ou la Terre, son noyau métallique est très petit (seulement 1 ou 2 % de sa masse, alors qu’il représente 32 % de la masse de la Terre), ce qui implique un mode de formation qui doit être très différent de celui de Mars ou la Terre.</p>
<p>Il semblerait qu’une des conditions qui permettent d’obtenir une Lune qui ressemble autant à la Terre est qu’avant l’impact géant, la Terre aurait dû tourner sur elle-même à grande vitesse, ce qui rejoint étrangement le modèle proposé par George Darwin. Mais un ingrédient important supplémentaire est qu’il y ait eu un impact, une idée que n’avait pas imaginée Darwin.</p>
<p>A la suite de cet impact géant, l’énergie colossale libérée par l’impact a pu vaporiser la matière éjectée dans l’espace, puis à la faveur d’un refroidissement, cette matière éjectée a pu à nouveau se condenser pour former un liquide. Des gouttelettes de ce liquide ont pu s’agglomérer et, petit à petit, former la Lune. Pour les conditions de température et pression qui régnaient dans cet environnement très chaud jusqu’à au moins 4000 °C, il est possible de calculer les compositions chimiques de la matière qui se condensent et la comparer à celle de la Lune.</p>
<p>Un aspect critique est que ces calculs doivent reproduire la composition moyenne mesurée dans la Lune. <a href="https://doi.org/10.1016/j.icarus.2022.115143">Nos travaux</a> ont ainsi pu montrer qu’il était possible d’obtenir la composition de la Lune en calculant la composition de condensation et de préciser les températures auxquelles se sont formées ces condensats. Ces résultats sembler invalider d’autres propositions qui attribueraient la composition de la Lune à une perte par évaporation qui se serait produite plus tard, alors que la Lune se serait déjà formée et serait une boule fondue qu’on appelle océan de magma par analogie aux océans terrestres.</p>
<h2>Quel est l’âge de la Lune ?</h2>
<p>Une autre question brûlante est celle de l’âge de la Lune. Il faut bien avouer que déterminer l’âge de la Lune est une tâche délicate qui ne peut être réalisée que de façon indirecte. Une approche simple pourrait consister à identifier les roches échantillonnées à la surface de la Lune et de prendre la plus vieille pour en déduire un âge de la Lune en utilisant par exemple la <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Datation_par_l%27uranium-plomb">méthode de datation uranium-plomb</a> ou <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Datation_par_le_lut%C3%A9cium-hafnium">lutétium-hafnium</a>.</p>
<p>En utilisant cette méthode sur Terre, on aurait une idée fausse sur l’âge de la Terre, d’environ 300 millions d’années car les roches terrestres présentes à la surface de la Terre ne sont pas aussi anciennes que la Terre elle-même. Pour la Lune, cette approche est un peu plus justifiée car l’histoire géologique de la Lune est considérée comme étant plus brève, les roches lunaires les plus jeunes ont pour la plupart plus de 3 milliards d’années (même si une <a href="https://doi.org/10.1038/s41586-021-04100-2">récente mission chinoise Chang’e</a> a trouvé des roches de 2 milliards d’années).</p>
<p>De ce fait, la surface de la Lune a été moins remaniée que celle de la Terre par une histoire tectonique complexe qui aurait fait disparaître les roches anciennes présentes en surface. Suite à l’impact géant mentionné ci-dessus, la Lune serait une boule de magma qu’on nomme couramment un océan de magma. Ces océans de magma ont une durée de vie limitée (de quelques millions d’années !) car ils se refroidissent rapidement par leur surface. Il s’y forme alors une croûte qui dans le cas de la Lune aurait pu subsister jusqu’au temps présent.</p>
<p>Cette histoire si elle est vraie justifierait l’approche consistant à dater les roches de la surface de la Lune. La datation de la croûte lunaire la plus ancienne donne un âge de 4,36 milliards d’années, contre un âge de 4,52 milliards d’années pour la Terre environ. Ceci implique que la Lune se serait formée environ 210 millions d’années après le début du Système solaire.</p>
<p>Une autre méthode indirecte fondée sur les analyses des isotopes du tungstène donne quant à elle, un âge maximum d’environ 50 Ma, après le début du Système solaire, pour la Lune, ce qui est bien plus ancien que les âges des roches lunaires les plus anciennes. Dans ce cas, le principe de la datation repose sur une comparaison des abondances des isotopes du tungstène entre la Lune et de la Terre.</p>
<p>Pour expliquer le principe de cette méthode de datation, il faut faire appel à la présence de <sup>18</sup><sup>2</sup>Hf qui est un isotope radioactif que l’on trouve en trace dans les objets les plus anciens du système solaire. En se désintégrant le <sup>18</sup><sup>2</sup>Hf produit du <sup>18</sup><sup>2</sup>W dont l’abondance peut être mesurée en laboratoire.</p>
<p>En faisant l’hypothèse que la Terre et la Lune sont issues des mêmes matériaux originels, on peut estimer que la Lune a dû se former après 50 Ma après le début du système solaire afin d’expliquer les <a href="https://doi.org/10.1038/nature06428;https://doi.org/10.1038/nature14355">très faibles différences</a> en <sup>18</sup><sup>2</sup>W observées entre la Lune et la Terre. D’autres méthodes dont le principe est très différent donnent un résultat cohérent avec ce dernier. Il subsiste donc encore des doutes sur l’âge exact de la Lune. Trancher entre ces deux possibilités n’est pas encore possible. Il existe encore d’autres méthodes plus ou moins complexes qui sont en accord l’âge ancien mais leur crédibilité n’est pas forcément plus forte. On peut espérer que les futures missions à destination de la Lune, comme les missions sous la bannière Artemis ou les missions chinoises nous aideront à résoudre ce dilemme.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/201728/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Bernard Bourdon a reçu des financements du Conseil Européen de la Recherche.</span></em></p>
L’âge et le modèle de création de la Lune ne sont pas encore totalement connus, mais nous avons de solides hypothèses.
Bernard Bourdon, Directeur de Recherche, ENS de Lyon
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/204470
2023-05-01T17:15:22Z
2023-05-01T17:15:22Z
Pourquoi la nuit est-elle noire ? On se pose la question depuis 200 ans
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/523320/original/file-20230427-14-baf2hy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Une nuit étoilée défile sous nos yeux... Cependant le fond de ciel est bel et bien noir. Ou l'est-il vraiment ?</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://pxhere.com/fr/photo/712354">pxhere.com</a></span></figcaption></figure><p>Le jour se lève en ce 7 mai 1823. Du deuxième étage de sa maison, aménagé en observatoire amateur, <a href="https://link.springer.com/referenceworkentry/10.1007/978-1-4419-9917-7_1031https://link.springer.com/referenceworkentry/10.1007/978-1-4419-9917-7_1031">Heinrich Olbers</a> met un point un final à l’article qui laissera son nom dans l’histoire. À 65 ans, il se consacre entièrement à ses passions nocturnes : les étoiles, la lune, les astéroïdes et les comètes. Cette nuit-là s’achève par un magnifique lever de soleil. Elle se solde aussi par la mise au jour d’un paradoxe. Ce paradoxe captivera des générations de chercheurs et de néophytes pendant des siècles.</p>
<p>Comme de nombreux savants depuis <a href="https://pubs.aip.org/physicstoday/article/39/2/24/404182/Newton-and-the-Infinite-UniverseNewton-said-that">Newton et Descartes</a>, Heinrich Olbers ne pouvait se satisfaire d’un univers fini. Dans un monde limité et statique, l’attraction gravitationnelle entre les étoiles les conduirait à se rapprocher, jusqu’à ce qu’elles se rencontrent au centre de l’univers.</p>
<p>Au contraire, si la matière s’étendait à l’infini, la masse des étoiles lointaines contrebalancerait l’attraction gravitationnelle des étoiles plus proches. Ainsi, la vision d’un univers éternel et illimité, partagée par Olbers et ses contemporains, suggérait que les cieux soient peuplés d’un nombre infini d’étoiles.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/523274/original/file-20230427-608-f9h7w9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/523274/original/file-20230427-608-f9h7w9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=405&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/523274/original/file-20230427-608-f9h7w9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=405&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/523274/original/file-20230427-608-f9h7w9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=405&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/523274/original/file-20230427-608-f9h7w9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=508&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/523274/original/file-20230427-608-f9h7w9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=508&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/523274/original/file-20230427-608-f9h7w9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=508&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">De nombreuses étoiles et galaxies sur un fond obscur, telles qu’imagées par l’observatoire spatial JWST en 2023. Crédit : ESA/Webb, NASA & CSA, A. Martel.</span>
<span class="attribution"><span class="source">ESA/Webb, NASA & CSA, A. Martel</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Mais Heinrich Olbers s’est rendu compte que ce modèle du cosmos ne reflétait pas les observations. Si notre univers sans limites était peuplé d’un nombre infini d’étoiles, quelle que soit la direction vers laquelle nous dirigeons nos yeux ou nos télescopes, notre regard devrait intercepter la surface d’une étoile.</p>
<p>Dans <a href="https://www.abebooks.com/first-edition/Paradox-Olbers-Case-History-Scientific-Thought/30723776579/bd">son article</a> soumis le 7 mai 1823, le docteur soulève une grave question : le modèle cosmologique de l’époque devrait conduire à ce que chaque point du ciel soit aussi brillant que la surface du soleil. Il ne devrait pas y avoir de nuit. Chaque fois que nous regardons le ciel, nous devrions être aveuglés par la lumière d’un océan infini d’étoiles.</p>
<p>Ce paradoxe de la nuit noire s’expliquerait, selon Olbers, par l’absorption croissante de la lumière des étoiles de plus en plus lointaines. Cet argument sera plus tard réfuté par l’astronome John Herschel. Tout milieu absorbant emplissant continûment l’espace interstellaire finit par se réchauffer et par réémettre la lumière reçue. La communauté scientifique laissera l’énigme soulevée par Heinrich Olbers irrésolue jusqu’à son dernier souffle à l’âge de 81 ans, le 2 mars 1840.</p>
<h2>Quand un poète s’en mèle</h2>
<p>Nous voici 8 ans plus tard, de l’autre côté de l’océan Atlantique. Le 3 février 1848, ce n’est pas un scientifique, mais bien le poète Edgar Allan Poe qui s’apprête à discuter du paradoxe à la New York Society Library.</p>
<p>Poe est convaincu d’avoir résolu l’énigme popularisée par Olbers, comme il l’indique <a href="https://ui.adsabs.harvard.edu/abs/2011IAUS..260..315C/abstract">dans sa correspondance</a>. Seule une soixantaine de personnes est réunie à la New York Society Library pour la présentation de La Cosmogonie de l’Univers par Edgar Allan Poe. L’auditoire est familier des travaux du célèbre poète depuis la parution du Corbeau en 1845, mais, en ce 3 février, le public reste interdit face à un exposé qui oscille entre métaphysique et science.</p>
<p>Poe suggère, contrairement au philosophe Emmanuel Kant et au mathématicien Pierre-Simon Laplace, que l’univers ne s’est pas formé par la contraction d’une nébuleuse de gaz en rotation (la rotation pouvant contrebalancer l’attraction vers le centre). Au contraire, le cosmos aurait émergé d’un état unique de la matière (“Oneness”) qui s’est fragmenté et dont les débris se sont dispersés sous l’action d’une force répulsive.</p>
<p>L’univers se limiterait alors à une sphère finie de matière. Si l’univers fini est peuplé d’un nombre suffisamment faible d’étoiles, il n’y a pas de raison d’en trouver une dans chaque direction que nous observons. La nuit peut être noire.</p>
<p>Même si l’on suppose que l’étendue de la matière est infinie, le <a href="https://www.researchgate.net/publication/336792824_Lightspeed_The_Ghostly_Aether_and_the_Race_to_Measure_the_Speed_of_LightThe_Ghostly_Aether_and_the_Race_to_Measure_the_Speed_of_Light">temps mis par la lumière</a> pour parvenir jusqu’à nous depuis la création du cosmos limiterait le volume de l’univers observable. Ce temps de parcours constituerait un horizon au-delà duquel les étoiles distantes resteraient inaccessibles, même à nos télescopes les plus puissants. L’essai de Poe est publié la même année sous la forme du poème en prose Eureka. Peu diffusé, l’essai de Poe ne trouvera pas l’accueil grandiose que son auteur lui destinait. Edgar Allan Poe meurt un an plus tard, le 7 octobre 1849 à l’âge de 40 ans, sans savoir que ses intuitions mettraient plus d’un siècle à résoudre l’énigme scientifique du ciel nocturne.</p>
<h2>Vision contemporaine</h2>
<p>La seconde moitié du XIX<sup>e</sup> siècle passe, ainsi que la première moitié du 20<sup>e</sup>. L’entre-deux-guerres voit l’avènement de multiples théories du cosmos, fondées sur la relativité générale d’Einstein. Le domaine de la cosmologie, jusqu’alors largement laissé aux métaphysiciens et aux philosophes, commence à être mis à l’épreuve par les observations.</p>
<p>Selon le radioastronome Peter Scheuer, la cosmologie en 1963 ne repose cependant que sur “deux faits et demi”. Fait N°1, le ciel nocturne est noir, ce qu’on savait depuis un certain temps. Fait N°2, les galaxies s’éloignent les unes des autres comme le montrent les observations publiées par Hubble en 1929. Fait N°2.5, le contenu de l’univers évolue probablement au fil du temps cosmique.</p>
<p>De vives controverses sur l’interprétation des faits N°2 et N°2.5 agitent la communauté scientifique dans les années 1950 et 1960. Les partisans du modèle stationnaire de l’univers et les tenants du modèle du Big-Bang concèdent cependant tous devoir <a href="https://www.abebooks.com/first-edition/Cosmology-Cambridge-Monographs-Physics-H-Bondi/31102578219/bd">expliquer l’obscurité du ciel nocturne</a>.</p>
<p>Le physicien des hautes énergies Edward Harrison <a href="https://www.abebooks.com/first-edition/Cosmology-Cambridge-Monographs-Physics-H-Bondi/31102578219/bd">résout le conflit</a> entre les communautés en 1964. Depuis le laboratoire Rutherford des hautes énergies, dans la campagne londonienne, Harrison démontre que la brillance du ciel nocturne dépend peu des spécificités du modèle cosmologique par rapport à l’âge fini des étoiles. Le nombre d’étoiles dans l’univers observable est fini. Bien qu’elles soient nombreuses, les étoiles se sont formées en nombre limité à partir du gaz contenu dans les galaxies.</p>
<p>Ce nombre limité, combiné au volume gigantesque que couvre aujourd’hui la matière dans l’univers, laisse l’obscurité transparaître entre les étoiles. Au cours de sa carrière d’astronome et de cosmologue aux États-Unis, Edward Harrison se rendra compte que cette solution avait déjà été proposée par <a href="https://www.nature.com/articles/322417a0">Kelvin en 1901 et par Edgar Allan Poe</a> dans ses discussions métaphysiques.</p>
<p>Dans les années 1980, après avoir tordu le cou aux dernières théories stationnaires de l’univers et contrecarré les arguments fallacieux sur le paradoxe d’Olbers, les astronomes confirment la résolution proposée par Poe, Kelvin et Harrison. Certains, <a href="https://link.springer.com/article/10.1007/BF00227231">comme Paul Wesson</a>, formulent même le vœux que le paradoxe d’Olbers repose enfin en paix.</p>
<h2>Autre point de vue scientifique contemporain</h2>
<p>Vu sous un angle différent, le paradoxe d’Olbers trouve une formulation et une résolution complémentaires. Après la découverte de l’expansion de l’univers dans les années 1920, les scientifiques ont réalisé, non sans controverses et rectifications, que l’univers primitif était plus compact, plus dense et plus chaud : c’est le modèle du big bang chaud.</p>
<p>L’une des principales prédictions de ce modèle était l’existence d’une lumière fossile émise au cours des premières phases de l’évolution tumultueuse de l’univers. Cette lumière fossile devrait être observable aujourd’hui, non pas dans le domaine visible, mais décalée vers des longueurs d’onde plus grandes en raison de l’expansion.</p>
<p>Ce rayonnement a été découvert en 1964 et porte le nom de <a href="https://ui.adsabs.harvard.edu/abs/1965ApJ...142..419P/abstract">fond diffus cosmologique</a>. Aujourd’hui mesuré avec une <a href="https://www.aanda.org/articles/aa/full_html/2020/09/aa33880-18/aa33880-18.html">précision remarquable</a>, le fond diffus cosmologique est la première source de lumière dans l’univers, bien qu’il soit invisible à nos yeux.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Planck’s view of the cosmic microwave background" src="https://images.theconversation.com/files/523321/original/file-20230427-18-lsxh8u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/523321/original/file-20230427-18-lsxh8u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/523321/original/file-20230427-18-lsxh8u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/523321/original/file-20230427-18-lsxh8u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/523321/original/file-20230427-18-lsxh8u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/523321/original/file-20230427-18-lsxh8u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/523321/original/file-20230427-18-lsxh8u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Le fond cosmologique fossile observé par le satellite Planck. Dernière analyse de 2018.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Planck Collaboration/ESA</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Nous savons aujourd’hui que le cosmos est également baigné d’un <a href="https://www.aanda.org/articles/aa/abs/2006/20/aa4446-05/aa4446-05.html">second fond diffus</a>, beaucoup plus ténu, produit par les générations de galaxies au cours de leur formation et de leur évolution. Suivant la région du spectre où cette lumière est la plus intense, on parle de fond cosmique ultraviolet, optique et infrarouge. En considérant ces fonds diffus, nous pouvons également répondre que la <a href="https://www.lemonde.fr/idees/article/2012/06/25/non-la-nuit-n-est-pas-noire_1723675_3232.html">nuit n’est pas noire</a> et que le ciel luit du faible rayonnement relique de tout ce qui a été au cours de la durée de vie limitée de l’Univers.</p>
<h2>Bicentenaire et forêts</h2>
<p>Cette année, nous célébrons le bicentenaire de la publication du paradoxe d’Olbers, une étape marquante dans l’histoire de la cosmologie et dans la conception que l’humanité a du monde. L’obscurité du ciel nocturne confronte chacun et chacune d’entre nous à la finitude du nombre d’étoiles dans l’univers et à la notion que notre univers a eu un commencement.</p>
<p>Ce paradoxe peut toujours être un sujet de discussion avec vos amis. Vous pouvez suggérer la réflexion suivante. Imaginez-vous au milieu d’une forêt, très grande et très dense. Tournons sur nous-mêmes : quelle que soit la direction dans laquelle nous regardons, nous apercevons un tronc d’arbre. Mais alors, si les arbres sont les étoiles et si la forêt est l’univers, comment se fait-il que le ciel ne soit pas entièrement couvert d’étoiles ?</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/523317/original/file-20230427-20-dbvlau.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/523317/original/file-20230427-20-dbvlau.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/523317/original/file-20230427-20-dbvlau.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/523317/original/file-20230427-20-dbvlau.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/523317/original/file-20230427-20-dbvlau.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/523317/original/file-20230427-20-dbvlau.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/523317/original/file-20230427-20-dbvlau.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Au milieu d’une forêt dense, des troncs d’arbres sont visibles dans chaque direction. Image tirée de pxhere.com.</span>
<span class="attribution"><span class="source">pxhere.com</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>De notre côté, nous nous efforçons de simuler la forêt avec des supercalculateurs et de compter les troncs d’arbres avec nos télescopes. Le paradoxe d’Olbers en 2023 (soit 200 ans après le 7 mai 1823) s’est transformé en un riche éventail de mesures de plus en plus précises de la luminosité du ciel nocturne, nous permettant de déterminer le nombre d’étoiles dans le ciel avec une <a href="https://arxiv.org/abs/2102.12323">précision de 5 %</a>. À partir de nos mesures, qui s’étendent désormais des rayons gamma aux ondes radio, nous pouvons reconstituer la chronologie de l’univers. Néanmoins, des énigmes subsistent. Des mesures récentes effectuées par une sonde spatiale profonde, au-delà de l’orbite de Pluton et de la poussière du système solaire, révèlent un ciel <a href="https://arxiv.org/abs/2202.04273">deux fois plus lumineux</a> que ce que nous aurions pu prédire à partir des seules étoiles.</p>
<p>La question de l’obscurité du ciel reste donc bel et bien posée aujourd’hui ! Des questions comme celle-ci traversent les âges et les cultures. Les développements métaphysiques, philosophiques, mathématiques et observationnels des deux derniers siècles ont montré que notre sommeil nocturne repose sur la finitude des ressources nécessaires à la production de lumière dans le cosmos. Nous dormirons d’autant mieux en acceptant que cette finitude s’applique également aux ressources de notre environnement proche.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/204470/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Juan Garcia-Bellido a reçu des financements de MICINN (Espagne). </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>David Valls-Gabaud, Hervé Dole, Jonathan Biteau, José Fonseca et Simon Driver ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur poste universitaire.</span></em></p>
Découvrez le paradoxe d’Olbers : si notre univers est infini alors il devrait y avoir une infinité d’étoiles, donc la nuit, le ciel devrait être brillant.
Jonathan Biteau, Maître de conférence en physique des astroparticules, Université Paris-Saclay
David Valls-Gabaud, Astrophysicien, Directeur de recherches au CNRS, Observatoire de Paris
Hervé Dole, Astrophysicien, Professeur, Vice-président, art, culture, science et société, Université Paris-Saclay
José Fonseca, Assistant Research, Universidade do Porto
Juan Garcia-Bellido, Catedratico de Fisica Teórica, Universidad Autónoma de Madrid
Simon Driver, ARC Laureate Fellow and Winthrop Research Professor at the International Centre for Radio Astronomy Research, UWA., The University of Western Australia
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/197153
2023-04-05T19:18:49Z
2023-04-05T19:18:49Z
Vers un microscope optique universel « tout-en-un » ?
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/519614/original/file-20230405-26-tjq0px.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=8%2C22%2C2990%2C912&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Différentes observations au microscope.</span> <span class="attribution"><span class="source">Matthieu Debailleul, Nicolas Verrier et Olivier Haeberle</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span></figcaption></figure><p>Le <a href="https://theconversation.com/fr/topics/microscope-50112">microscope</a> optique est un outil clé de la recherche depuis le XVI<sup>e</sup> siècle, qui a permis d’innombrables découvertes en biologie (comme l’existence des cellules ou l’identification des premiers microbes). D’abord très rudimentaire, cet instrument a donné lieu à une intense émulation pour le perfectionner, et on cherche toujours encore à en améliorer les performances. Une technique suscite actuellement un intérêt croissant, la <a href="https://hal.science/hal-00840311/document">« microscopie tomographique diffractive »</a>, sur laquelle nous travaillons, et qui pourrait mener au développement d’un outil « tout-en-un », permettant même de visualiser directement en 3D des spécimens microscopiques.</p>
<p>En termes de résolution, c’est-à-dire la capacité à distinguer de très petits détails, le microscope atteint un plafond dès la fin du XIX<sup>e</sup> siècle. C’est une surprise pour les fabricants de microscopes, bloqués dans leurs développements. Ernst Abbe y apportera une explication éclatante, avec sa loi définissant la résolution :</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/511385/original/file-20230221-16-5s9oqm.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/511385/original/file-20230221-16-5s9oqm.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=261&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/511385/original/file-20230221-16-5s9oqm.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=261&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/511385/original/file-20230221-16-5s9oqm.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=261&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/511385/original/file-20230221-16-5s9oqm.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=328&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/511385/original/file-20230221-16-5s9oqm.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=328&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/511385/original/file-20230221-16-5s9oqm.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=328&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">La formule d’Abbe, gravée sur le monument lui rendant hommage à Jena et définition de l’angle de collection des rayons entrant dans un objectif de microscope. Avec λ la longueur d’onde d’observation, n l’indice optique du milieu d’observation, et α l’angle de collection des rayons lumineux entrant dans l’objectif.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Wikimedia</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>En histoire des sciences, c’est un cas intéressant où la technologie a atteint les limites théoriques d’un système, avant même que celles-ci ne soient clairement établies par la physique.</p>
<h2>Chaque technique de microscopie présente ses limites</h2>
<p>Ceci explique que les recherches ont alors plutôt visé à corriger les défauts ou optimiser certains paramètres, par exemple supprimer les distorsions dans les images, agrandir le champ de vue, et surtout, augmenter le contraste. La technique la plus simple est l’utilisation de colorants, mais ceux-ci sont toxiques pour les spécimens biologiques, interdisant les études sur le vivant. La microscopie de fluorescence, au succès extraordinaire, est un cas à part, et ses spécificités ont même permis la réalisation de <a href="https://theconversation.com/la-vie-au-nanoscope-77218">nanoscopes optiques</a> à la résolution inégalée, qui permettent de visualiser l’architecture des cellules jusqu’à l’échelle moléculaire. Mais cette technique présente aussi des limites (obligation de marquage, phototoxicité induite).</p>
<p>Ainsi, de nombreuses techniques pour visualiser, sans marquage, des <a href="https://micro.magnet.fsu.edu/primer/techniques/index.html">spécimens translucides</a> ont aussi été inventées, une des plus efficaces et esthétiques visuellement étant la microscopie à contraste de phase différentiel, qui fait apparaître des pseudo-reliefs, c’est-à-dire que les niveaux de gris visibles sont interprétés par le cerveau comme un relief, alors que le spécimen ne présente en fait pas de relief topographique.</p>
<p>Ces différentes techniques se caractérisent par une certaine maîtrise des conditions d’illumination et/ou de détection de la lumière interagissant avec le spécimen. Elles sont parfaitement adaptées pour, par exemple, détecter la présence de bactéries dans l’eau, effectuer des mesures morphologiques, ou observer l’évolution temporelle de phénomènes comme la division cellulaire.</p>
<p>Mais les images obtenues souffrent de restrictions qui en limitent encore l’exploitation :</p>
<ul>
<li><p>la résolution reste limitée à environ 200 nanomètres en pratique. Si la nanoscopie optique 3D est une réalité en fluorescence, sans marquage, elle représente toujours un rêve pour l’utilisateur, et un défi pour le physicien ;</p></li>
<li><p>les contrastes observés restent qualitatifs, et ne peuvent être reliés à des grandeurs physiques autres que dimensionnelles. C’est une des grosses limitations de ces techniques qui enregistrent des images en intensité uniquement : on peut par exemple facilement mesurer des tailles, ou observer des changements de formes, qui sont des données dimensionnelles, mais les niveaux d’intensité observés ne sont pas directement reliés aux propriétés physiques du spécimen observé.</p></li>
</ul>
<h2>La microscopie tomographique diffractive pour des images en 3D</h2>
<p><a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/0030401869900522">Emil Wolf</a> a proposé dès 1969 une approche pour dépasser ces limites : lorsqu’une onde plane monochromatique, comme produite par un laser, interagit avec un objet faiblement diffractant/absorbant, mesurer précisément et complètement l’onde résultante de l’interaction de l’illumination avec l’objet observé permet alors de calculer la distribution des indices optiques dans cet objet, c’est-à-dire calculer ses propriétés optiques (l’indice de réfraction et l’absorption), qui sont justement celles perdues dans les microscopes classiques.</p>
<p>Cet article fondamental en imagerie optique est longtemps resté inexploité. On le comprend aisément avec les limitations techniques de l’époque : les lasers pour créer l’onde plane monochromatique illuminant le spécimen sont à peine développés, mais surtout, les capteurs numériques pour enregistrer les images n’existent pas, et les ordinateurs sont incapables, en quantité de mémoire comme en vitesse d’exécution, de traiter les données nécessaires au calcul des images en 3D.</p>
<p>Après quelques premiers essais fructueux dans les années 1980-1990, le domaine a été relancé dans les années 2000, en grande partie via un <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.1046/j.0022-2720.2001.00980.x">article de Vincent Lauer</a>, qui avait montré que des lasers abordables, des caméras performantes, et des ordinateurs courants enfin à même d’effectuer directement les reconstructions 3D, rendaient ce type d’imagerie abordable.</p>
<p>La microscopie tomographique diffractive (aussi connue comme tomographie de phase, microscopie à synthèse d’ouverture, tomographie optique en diffraction…) a alors connu un regain d’intérêt spectaculaire, et est même maintenant disponible commercialement. Son principe général est relativement simple, et proche de celui des scanners (computerised tomography ou CT scan) en imagerie médicale : pour une illumination du spécimen, on enregistre l’amplitude et la phase de l’onde diffractée. Ceci se fait maintenant facilement par des techniques d’holographie numérique. L’hologramme enregistré contient une partie, mais une petite partie seulement, de l’information nécessaire pour recalculer en 3D l’objet observé. Il faut alors multiplier les mesures, puis les fusionner numériquement afin d’augmenter l’information 3D acquise et améliorer l’image finale.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/519622/original/file-20230405-28-9u6usq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/519622/original/file-20230405-28-9u6usq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/519622/original/file-20230405-28-9u6usq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/519622/original/file-20230405-28-9u6usq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/519622/original/file-20230405-28-9u6usq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/519622/original/file-20230405-28-9u6usq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/519622/original/file-20230405-28-9u6usq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/519622/original/file-20230405-28-9u6usq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Microscope à tomographie diffractive.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Olivier Haeberlé</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Pour varier l’information acquise par chaque hologramme, on change les conditions d’illumination, et on répète le processus. Avec un <a href="https://opg.optica.org/ao/fulltext.cfm?uri=ao-60-6-1694&id=447781">grand nombre d’illuminations</a>, on accumule l’information pour obtenir un ensemble de mesures bien plus étendu et complet qu’en microscopie holographique avec une seule illumination. Cette étape est dite de synthèse d’ouverture, analogue à la synthèse d’ouverture utilisée en <a href="https://theconversation.com/comment-les-satellites-permettent-de-surveiller-letat-des-infrastructures-118468">imagerie radar</a>. Avec une caméra scientifique standard, l’acquisition des données dure d’une à quelques secondes selon la précision finale demandée (pour quelques dizaines à plusieurs centaines d’hologrammes).</p>
<p>Au final, on obtient même deux images de l’objet, en réfraction (la capacité de cet objet à courber les rayons lumineux) et en absorption (la capacité de cet objet à absorber la lumière). Dans les microscopes optiques classiques, l’image obtenue est en fait un mélange de ces deux quantités. Les spécificités de ces images de microscopie tomographique diffractive sont une meilleure résolution, environ 100 nm, typiquement <a href="https://www.researchgate.net/publication/23699728_High-resolution_three-dimensional_tomographic_diffractive_microscopy_of_transparent_inorganic_and_biological_samples">deux fois meilleure</a> que celle obtenue en pratique dans un microscope classique, et donc la capacité à clairement distinguer les parties réfractives et absorbantes du spécimen étudié.</p>
<p>Cette technique est maintenant de <a href="https://hal.science/hal-00840311/documentQuantitative%20phase%20imaging%20in%20biomedicine">plus en plus utilisée</a> par les biologistes désireux de s’affranchir de la fluorescence, pour étudier les réactions des cellules à des médicaments, faire des suivis de cultures cellulaires sur de longues périodes, et même étudier la production de potentiels bio-carburants par des algues microscopiques.</p>
<h2>Une nouvelle technique ultrarapide</h2>
<p>Les techniques de microscopie par fluorescence restent irremplaçables pour les études à très haute résolution, et de fonctionnalisation, mais pourraient se voir remplacées dans certains cas par la microscopie tomographique, qui a aussi pour avantage de pouvoir être ultrarapide. La vitesse d’acquisition n’est en effet pas limitée par le flux de photons disponible : il suffit d’augmenter l’intensité de l’illumination, la vitesse de balayage et la cadence d’acquisition caméra. Les ordinateurs actuels permettent même la <a href="https://hal.science/hal-00840311/documentQuantitative%20phase%20imaging%20in%20biomedicine">reconstruction temps-réel des images 3D</a> [11]. La vidéo ci-dessous, obtenue par Jonathan Bailleul durant sa thèse, illustre la reconstruction des fins détails d’un spécimen au fur et à mesure de l’acquisition des données.</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Reconstruction progressive d’un spécimen (diatomée) par tomographie diffractive. Notez comment les fins détails apparaissent progressivement. Barres d’échelle en micromètres.</span></figcaption>
</figure>
<p>Enfin, cette approche enregistre l’ensemble de l’information physique portée par l’onde diffractée par le spécimen. Ceci ouvre des perspectives nouvelles : la modélisation des instruments permet en effet, à partir des mêmes données de tomographie, de <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1111/jmi.13131">reconstruire les images</a> qui seraient obtenues dans n’importe quel type de microscope optique en transmission. </p>
<p>La Figure 3 montre des reconstructions d’un même pollen en indice et contraste de phase différentiel en 2D, mais aussi en maximum de projection d’intensité des images 3D en indice, champ sombre, contraste de phase et illumination de Rheinberg. Le film associé correspond à une « plongée » à travers le pollen, dans ces différentes modalités, ainsi qu’à travers une image composite Rheinberg-DIC.</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/sCwrF8L3NO8?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Reconstruction de différentes modalités d’imagerie microscopique optique à partir des mêmes données de microscopie tomographique.</span></figcaption>
</figure>
<p>Ainsi, la microscopie tomographique diffractive pourrait constituer la base d’un microscope optique universel « tout-en-un », qui, couplé à un affichage holographique, permettrait même de rendre possible le rêve de <a href="https://theconversation.com/no-more-science-fiction-3d-holographic-images-40535">visualiser directement en 3D des spécimens microscopiques</a>. Enfin, une telle approche de microscopie computationnelle pourrait peut-être aussi contribuer à réattirer la génération dite « digital native » vers la science, en mettant en évidence le lien intime existant dans l’instrumentation moderne entre les sciences de l’ingénieur (électronique, informatique, capteurs, etc.) et les sciences fondamentales (optique, physique).</p>
<hr>
<p><em>Le projet <a href="https://anr.fr/Projet-ANR-18-CE45-0010">Haute Résolution Optique pour les Spécimens Non-marqués – HORUS</a> est soutenu par l’Agence nationale de la recherche (ANR), qui finance en France la recherche sur projets. Elle a pour mission de soutenir et de promouvoir le développement de recherches fondamentales et finalisées dans toutes les disciplines, et de renforcer le dialogue entre science et société. Pour en savoir plus, consultez le site de l’<a href="https://anr.fr/">ANR</a>.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/197153/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Olivier Haeberlé, Nicolas Verrier et Matthieu Debailleul ont reçu des financements de l'Université de Haute-Alsace, de la Région Grand Est, et de l'Agence Nationale de la Recherche. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Matthieu Debailleul et Nicolas Verrier ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur poste universitaire.</span></em></p>
Chaque technique de microscopie présente ses limites, et si une seule solution permettait d’observer n’importe quel échantillon ?
Olivier Haeberlé, Professeur à l'Université de Haute-Alsace (UHA-Mulhouse). Chercheur en imagerie microscopique à l'IRIMAS (Institut de Recherche en Informatique, Mathématiques, Automatique et Signal). Enseignant en informatique industrielle à l'IUT de Mulhouse, Université de Haute-Alsace (UHA)
Matthieu Debailleul, Ingénieur de recherche en optique, Université de Haute-Alsace (UHA)
Nicolas Verrier, Docteur spécialisé en imagerie optique non conventionnelle et en microscopie, Université de Haute-Alsace (UHA)
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/201712
2023-03-21T17:50:16Z
2023-03-21T17:50:16Z
Est-ce que la gravité a de l’effet sur l’air ?
<p><a href="https://theconversation.com/et-si-la-gravite-disparaissait-159244">La gravité</a> a bien de l’effet sur l’air, sinon nous ne pourrions pas respirer ! En effet, c’est elle qui retient <a href="https://theconversation.com/pourquoi-quand-on-monte-en-haut-dune-montagne-il-fait-plus-froid-alors-quon-se-rapproche-du-soleil-181091">l’atmosphère de la Terre</a> et l’empêche de se disperser dans l’espace.</p>
<p>Tous les gaz sont constitués d’atomes ou de molécules qui ont une masse et sont soumis à la gravité. C’est donc aussi le cas pour le mélange de gaz qui constitue l’air (constitué d’environ 80 % d’azote et à 20 % d’oxygène) : au niveau de la surface, l’air (sec) possède ainsi une masse en moyenne égale à 1,2 kilogramme par mètre cube.</p>
<h2>Dans l’air, il y a beaucoup d’agitation</h2>
<p>Quand on regarde au niveau microscopique, les molécules ou les atomes qui constituent les gaz sont en perpétuelle agitation (dans l’air qui nous entoure, ces molécules s’entrechoquent les unes les autres à une vitesse moyenne d’environ 1800 km/h !). Cette vitesse d’agitation augmente avec la température, et est également plus importante pour les atomes ou molécules les plus légers.</p>
<p>Sur certaines planètes ou bien certaines lunes, là où la gravité est trop faible et la température trop grande, les atomes ou les molécules qui constituent les gaz possèdent alors une vitesse d’agitation suffisante pour s’échapper dans l’espace.</p>
<p>Ainsi, un exemple spectaculaire qui montre l’importance de la gravité est l’absence d’<a href="https://theconversation.com/fr/topics/atmosphere-34654">atmosphère</a> sur la Lune : la température moyenne y est proche de la nôtre (environ -3 °C sur la Lune contre 15 °C sur Terre, mais avec de grandes différences entre le jour où la température peut atteindre 130 °C, et la nuit où elle peut descendre en dessous de -150 °C), cependant la gravité y est environ 6 fois plus faible, ce qui est insuffisant pour retenir durablement une atmosphère.</p>
<h2>Même avec la gravité, certains gaz s’échappent</h2>
<p>Il faut en effet que la gravité soit suffisamment forte pour pouvoir conserver les gaz pendant les milliards d’années qui se sont écoulés depuis la formation du système solaire. Même sur Terre, les atomes les plus légers comme l’hydrogène et l’hélium sont mal retenus par la gravité et ont tendance au fil du temps à s’échapper de l’attraction terrestre et à rejoindre le milieu interplanétaire.</p>
<p>Un autre effet de la gravité sur l’air est ce qu’on appelle les « ondes de gravité » (à ne pas confondre avec les ondes gravitationnelles dont vous avez peut-être déjà entendu parler et qui sont émises par des astres très massifs en mouvement, par exemple deux trous noirs en orbite l’un autour de l’autre).</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/516648/original/file-20230321-256-nqm590.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/516648/original/file-20230321-256-nqm590.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/516648/original/file-20230321-256-nqm590.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=380&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/516648/original/file-20230321-256-nqm590.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=380&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/516648/original/file-20230321-256-nqm590.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=380&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/516648/original/file-20230321-256-nqm590.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=477&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/516648/original/file-20230321-256-nqm590.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=477&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/516648/original/file-20230321-256-nqm590.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=477&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Observation satellitaire de l’effet d’une onde de gravité produisant une série de nuages.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/b/b1/Wave_cloud.jpg">Bantman~commonswiki/Wikipedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Une onde de gravité se produit lorsqu’une parcelle d’air est déplacée verticalement par rapport à sa position d’équilibre dans l’atmosphère (par exemple, lorsque du vent souffle sur une montagne et que l’air y est soulevé par le relief).</p>
<p>La gravité se charge alors de rétablir sa position d’équilibre, exactement comme lorsqu’une pierre jetée dans un étang dérange la surface de l’eau et y provoque des vagues circulaires qui s’écartent du point perturbé (les ronds dans l’eau).</p>
<p>Ces déplacements verticaux s’accompagnent alors de variations de température, ce qui peut alors provoquer dans de l’air humide l’évaporation ou la formation de nuages régulièrement espacés. On peut parfois l’observer de nos propres yeux, ou plus facilement grâce à des observations par satellite.</p>
<hr>
<figure class="align-left ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/251779/original/file-20181220-103676-bvxzth.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/251779/original/file-20181220-103676-bvxzth.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/251779/original/file-20181220-103676-bvxzth.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/251779/original/file-20181220-103676-bvxzth.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/251779/original/file-20181220-103676-bvxzth.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/251779/original/file-20181220-103676-bvxzth.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/251779/original/file-20181220-103676-bvxzth.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption"></span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.dianerottner.com/">Diane Rottner</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p><em>Si toi aussi tu as une question, demande à tes parents d’envoyer un mail à : <a href="mailto:tcjunior@theconversation.fr">tcjunior@theconversation.fr</a>. Nous trouverons un·e scientifique pour te répondre. En attendant, tu peux lire tous les articles <a href="https://theconversation.com/fr/topics/the-conversation-junior-64356">« The Conversation Junior »</a>.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/201712/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Emmanuel Marcq a reçu des financements du CNES, de l'INSU et de l'ESA pour ses activités de recherche. </span></em></p>
La gravité maintient l’atmosphère de la Terre, nous permettant de respirer.
Emmanuel Marcq, Maître de Conférences (HDR) en planétologie, Université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines (UVSQ) – Université Paris-Saclay
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/199017
2023-03-16T22:05:46Z
2023-03-16T22:05:46Z
Oui, la vapeur d’eau est un gaz à effet de serre et a un impact sur le réchauffement climatique
<p>En février 2021, des chutes de neige abondantes se sont produites autour de la centrale nucléaire de Cattenom en Moselle. Le voisinage du site atomique s’est retrouvé recouvert de plusieurs dizaines de centimètres de neige alors que le reste de la région restait sec. L’eau émise par la centrale, nécessaire à son refroidissement, avait condensé et s’était déposée au sol, couvrant la terre d’un manteau blanc.</p>
<p>Cet événement spectaculaire rappelle que les centrales nucléaires équipées d’<a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/A%C3%A9ror%C3%A9frig%C3%A9rant">aéro-réfrigérants</a> injectent de l’eau dans l’atmosphère pour transférer de l’énergie thermique vers l’air extérieur : leurs panaches blancs emblématiques sont formés de gouttelettes d’eau qui s’évaporent rapidement et disparaissent à la vue, mais la vapeur est toujours là (elle est transparente).</p>
<p>Ce que l’on sait peut-être un peu moins, c’est que la vapeur d’eau (H<sub>2</sub>0) est un gaz à effet de serre, c’est-à-dire que sa présence dans l’atmosphère limite la capacité de la Terre à se refroidir en émettant du rayonnement infrarouge vers l’espace. Sa <a href="https://meteofrance.com/comprendre-climat/monde/leffet-de-serre">contribution est supérieure à celle du dioxyde de carbone (CO₂) ou du méthane (CH₄)</a>, car ces derniers sont présents à l’état de traces : il y a typiquement dix fois plus de vapeur d’eau que de CO<sub>2</sub> dans l’atmosphère.</p>
<p>Il est donc naturel de penser que les émissions humaines de vapeur d’eau contribuent à augmenter l’effet de serre et donc à réchauffer le climat. C’est là une mauvaise compréhension du cycle de l’eau. La vapeur d’eau est bien un acteur majeur du réchauffement climatique, d’une façon indirecte appelée « rétroaction », mais pas du fait des émissions des centrales.</p>
<hr>
<p>
<em>
<strong>
À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/gaz-a-effet-de-serre-50156">« Gaz à effet de serre »</a>
</strong>
</em>
</p>
<hr>
<h2>La concentration de vapeur d’eau est régulée dans l’atmosphère à basse altitude</h2>
<p>L’argument de la vapeur d’eau est un argument parfois mis en avant par des climatosceptiques qui souhaitent <a href="https://www.youtube.com/live/5ysUySSNW3M?feature=share&t=2050">relativiser l’impact de nos émissions de CO₂</a>, ou par des <a href="https://twitter.com/LarameeDe/status/1631298989369835520">antinucléaires</a> qui souhaitent montrer que ces centrales électriques contribuent au réchauffement par leurs émissions de vapeur d’eau.</p>
<p>Notons que d’autres activités humaines émettent de la vapeur d’eau dans l’atmosphère : les cultures irriguées et l’aviation par exemple. La principale activité humaine émettrice de vapeur d’eau est de fait l’agriculture irriguée : une part de l’eau déposée sur les cultures s’évapore et part dans l’atmosphère sans être fixée par la plante. La contribution des cultures irriguées au flux de vapeur d’eau vers l’atmosphère est de l’ordre de <a href="https://agupubs.onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1029/2008GL035296">1 000 km³ par an</a>, ce qui est <a href="http://www.ctcombustion.com/oxc/sources/06-WaterVaporImpactsFinal2.pdf">près de 100 fois supérieur à l’impact des centrales thermiques (nucléaire, charbon, gaz)</a>.</p>
<p>Toutefois, même si le cycle de l’eau (vapeur et nuages) est une composante majeure du climat, on sait que ces émissions humaines depuis la surface de la Terre n’ont pas d’impact significatif.</p>
<p>En effet, la capacité de l’air à dissoudre de l’eau est physiquement limitée : au-delà d’une certaine concentration, la vapeur va se condenser et devenir liquide. La condensation peut se faire dans l’atmosphère, ce qui conduit à la formation des nuages. Elle peut aussi se faire sur les surfaces froides, ce qui explique la formation de rosée au sol, ou de buée sur les fenêtres. Lorsque les conditions atmosphériques sont favorables, les nuages conduisent à des précipitations, ce qui élimine l’eau de l’atmosphère.</p>
<p>Toute quantité additionnelle de vapeur d’eau injectée dans l’atmosphère depuis la surface va donc condenser puis précipiter, conduisant à un impact climatique négligeable puisque la concentration n’est pas modifiée significativement sur le long terme.</p>
<p>Ainsi, contrairement au CO<sub>2</sub>, la concentration de vapeur d’eau est régulée dans les couches basses de l’atmosphère, ce qui fait que les émissions additionnelles ont peu d’impact sur la concentration, et donc sur l’effet de serre.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/515492/original/file-20230315-24-a9su4w.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/515492/original/file-20230315-24-a9su4w.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/515492/original/file-20230315-24-a9su4w.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=315&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/515492/original/file-20230315-24-a9su4w.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=315&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/515492/original/file-20230315-24-a9su4w.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=315&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/515492/original/file-20230315-24-a9su4w.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=395&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/515492/original/file-20230315-24-a9su4w.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=395&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/515492/original/file-20230315-24-a9su4w.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=395&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Carte de la quantité de vapeur d’eau dans l’atmosphère : elle dépend de la température et donc de la latitude.</span>
<span class="attribution"><span class="source">FM Bréon/NASA</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Un impact direct à haute altitude</h2>
<p>Attention, ceci est vrai pour les émissions « depuis la surface » de la Terre qui restent dans la partie basse de l’atmosphère, appelée troposphère.</p>
<p>Par contre, la vapeur d’eau injectée en altitude, en particulier par le trafic aérien mais aussi par l’oxydation du méthane, se retrouve dans des couches atmosphériques qui sont souvent loin de la « saturation », et cette <a href="https://doi.org/10.5194/acp-16-13067-2016">vapeur d’eau émise en altitude n’est pas éliminée rapidement par la pluie</a>.</p>
<p>[<em>Près de 80 000 lecteurs font confiance à la newsletter de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde</em>. <a href="https://theconversation.com/fr/newsletters/la-newsletter-quotidienne-5?utm_source=inline-70ksignup">Abonnez-vous aujourd’hui</a>]</p>
<p>À ces altitudes (haute troposphère et basse stratosphère), les émissions humaines de vapeur d’eau ont donc un impact climatique mesurable. En particulier, la vapeur d’eau apportée par les avions peut conduire, en fonction des conditions de température et de pression, à la formation de nuages élevés (<em>cirrus homogenitus</em> dans la classification internationale des nuages). Ces nuages contribuent à l’effet de serre et renforcent ainsi l’impact de l’aviation sur le climat, en s’ajoutant à l’impact des <a href="https://theconversation.com/co-nox-vapeur-deau-et-aerosols-comment-bien-comptabiliser-tous-les-effets-de-laviation-sur-le-climat-194124">émissions de CO₂ liées à la combustion du kérosène</a>.</p>
<hr>
<p>
<em>
<strong>
À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/le-destin-de-lantarctique-sur-un-fil-ou-le-double-role-des-nuages-dans-le-rechauffement-climatique-185467">Le destin de l’Antarctique sur un fil, ou le double rôle des nuages dans le réchauffement climatique</a>
</strong>
</em>
</p>
<hr>
<p>Si les émissions humaines de vapeur d’eau depuis la surface ne contribuent donc pas significativement à l’augmentation de l’effet de serre, la vapeur d’eau dans ces basses couches reste un moteur essentiel du changement climatique, via un <strong>mécanisme indirect</strong> : la vapeur d’eau n’est pas à l’origine du réchauffement, mais s’il y a réchauffement (par exemple à cause de l’augmentation de la concentration en CO<sub>2</sub>), elle contribue à l’empirer en empêchant la Terre de se refroidir (en retenant les émissions infrarouges).</p>
<h2>La vapeur d’eau, un acteur majeur du réchauffement climatique</h2>
<p>Comme dit plus haut, l’air peur contenir une certaine quantité d’eau sous forme vapeur sans qu’il y ait condensation. Cette quantité est très dépendante de la température : un air froid (de type polaire ou à haute altitude) contient très peu d’eau alors qu’un air chaud (comme rencontré dans les basses couches d’une atmosphère tropicale) peut contenir beaucoup d’eau. La relation entre la température et la quantité de vapeur d’eau qui peut être contenue dans l’air est très non linéaire (environ 7 % par degré supplémentaire).</p>
<p>Si la température augmente à cause d’émissions anthropiques de CO<sub>2</sub>, l’air peut contenir plus de vapeur d’eau. En pratique, c’est bien ce qui se produit et la vapeur d’eau additionnelle dans l’air va alors contribuer à l’effet de serre, renforçant le réchauffement initial.</p>
<p>Ainsi, la vapeur d’eau va contribuer à amplifier l’effet initial (hausse de la température), même si elle n’en est pas à l’origine. C’est ce que l’on appelle une « rétroaction positive ».</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/515493/original/file-20230315-360-p6qc1p.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/515493/original/file-20230315-360-p6qc1p.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/515493/original/file-20230315-360-p6qc1p.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=120&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/515493/original/file-20230315-360-p6qc1p.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=120&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/515493/original/file-20230315-360-p6qc1p.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=120&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/515493/original/file-20230315-360-p6qc1p.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=151&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/515493/original/file-20230315-360-p6qc1p.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=151&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/515493/original/file-20230315-360-p6qc1p.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=151&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">La rétroaction de la vapeur d’eau contribue à amplifier le réchauffement provoqué par l’augmentation de dioxyde de carbone.</span>
<span class="attribution"><span class="source">FM Bréon</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Une « rétroaction » est un processus qui se met en place suite à une perturbation initiale et qui vient la renforcer (rétroaction positive) ou l’atténuer (rétroaction négative).</p>
<p>Dans le cadre du réchauffement climatique, un exemple de rétroaction négative forte est lié à l’émission de rayonnement infrarouge : lorsque la température augmente, l’atmosphère, l’océan et les surfaces émettent plus de rayonnement infrarouge vers l’espace, ce qui permet d’« évacuer » la chaleur depuis la Terre vers l’espace, et induit un refroidissement.</p>
<p>Du côté des « rétroactions positives », on a vu l’exemple de la vapeur d’eau dans l’atmosphère. Cet <a href="https://www.ipcc.ch/site/assets/uploads/2018/03/WG1AR5_SummaryVolume_FINAL_FRENCH.pdf#page=168">effet, qui est bien compris et donc inclus dans les modélisations climatiques, multiplie le réchauffement initial par un facteur proche de 3</a>. Il est donc essentiel pour comprendre l’ampleur du réchauffement climatique.</p>
<p>Un autre exemple est celui de la neige et banquise : avec le réchauffement, leurs <a href="https://www.ipcc.ch/report/ar6/wg1/downloads/report/IPCC_AR6_WGI_Chapter02.pdf#page=58">surfaces tendent à diminuer</a>. Puisque neige et banquise réfléchissent une large part du rayonnement solaire vers l’espace, leur disparition provoque une absorption supplémentaire de l’énergie solaire dans le sol, et donc un réchauffement additionnel.</p>
<p>Les nuages ont eux aussi le potentiel pour être le vecteur d’une rétroaction. Mais leur impact est complexe puisque, <a href="https://theconversation.com/le-destin-de-lantarctique-sur-un-fil-ou-le-double-role-des-nuages-dans-le-rechauffement-climatique-185467">dans le même temps, ils réfléchissent une partie du rayonnement solaire vers l’espace (effet refroidissant) et ils contribuent à l’effet de serre (effet réchauffant)</a>. Par ailleurs, l’impact du réchauffement climatique sur la couverture et sur l’altitude des nuages n’est pas évident. Les modèles de climat indiquent que, au final, les nuages conduisent à une rétroaction positive, mais son ampleur reste incertaine puisqu’elle diffère suivant les modèles.</p>
<p>Contrairement aux « rétroactions », les « forçages » sont les actions humaines qui conduisent à un changement climatique. Les émissions de vapeur d’eau ne constituent pas un forçage significatif, mais la vapeur d’eau est bien le vecteur d’une rétroaction essentielle pour quantifier l’amplitude du réchauffement climatique.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/199017/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>François-Marie Bréon est président de l'Association française pour l'information scientifique (Afis)</span></em></p>
Les activités humaines émettent de la vapeur d’eau, qui amplifie le réchauffement, sans le provoquer directement.
François-Marie Bréon, Physicien-climatologue, chercheur au Laboratoire des sciences du climat et de l’environnement, Université Paris-Saclay
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/199161
2023-02-05T16:53:27Z
2023-02-05T16:53:27Z
Explosion d’un camion de gaz à Fillinges : comment éviter une nouvelle catastrophe ?
<p>Un <a href="https://france3-regions.francetvinfo.fr/auvergne-rhone-alpes/haute-savoie/annecy/explosion-d-un-camion-citerne-deux-jours-apres-l-accident-les-habitants-de-fillinges-sont-toujours-sous-le-choc-2699070.html">accident de poids lourd</a> a eu lieu le 20 janvier 2023 vers 8H00 dans la vallée du Giffre (Haute-Savoie) et a donné lieu à une importante explosion. Deux zones d’habitations et une dizaine de maisons ont été impactées par l’explosion. Le bilan provisoire fait état de 21 personnes impliquées dont 2 blessés sérieux hospitalisés.</p>
<p>Selon la <a href="https://www.francebleu.fr/infos/faits-divers-justice/ca-aurait-pu-etre-beaucoup-plus-grave-confie-le-prefet-apres-l-explosion-d-un-camion-citerne-a-fillinges-5092206">préfecture de Haute-Savoie</a>, l’origine de l’explosion faite suite à l’incendie du véhicule tracteur du camion-citerne de gaz. Cet incendie a provoqué une surchauffe de la citerne et son explosion. Qu’est-il passé ? Peut-on éviter ce genre d’accident ?</p>
<h2>Que s’est-il passé ?</h2>
<p>Le camion qui a explosé transportait un mélange de propane et de butane appelé GPL (<a href="https://www.techno-science.net/glossaire-definition/Gaz-de-petrole-liquefie.html">gaz de pétrole liquéfié</a>). Ce mélange provient des raffineries, la composition est variable et dépend de son utilisation (réservoirs de gaz domestiques ; bouteilles de gaz, GPL carburant). Pour transporter une quantité suffisante par camion il est nécessaire de liquéfier ce gaz. En effet, sous forme gazeuse et à pression ambiante, un camion de 10 m<sup>3</sup> ne pourrait transporter que 18 kg de gaz alors que sous forme liquide il peut en transporter plus de 4 tonnes. La liquéfaction de ce gaz est obtenue par mise sous pression, typiquement de l’ordre de 7 bars à 15 °C. Les camions de GPL (qu’on peut aussi appeler propane quand il est très riche en propane) contiennent donc du gaz liquéfié et sous pression.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1616380595097010176"}"></div></p>
<p>Lorsque la température du liquide monte, par exemple sous l’effet de la chaleur lors d’un incendie, la pression monte également et peut atteindre une valeur à laquelle le <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/0950423094800057">réservoir ne résiste plus</a>. Il cède et libère l’énergie sous forme d’une explosion. C’est une explosion très spécifique qu’on appelle le BLEVE.</p>
<h2>Le BLEVE, une explosion spécifique</h2>
<p>Le BLEVE est un acronyme anglais qui signifie Boiling Liquid Expanding Vapor Explosion (Expansion explosive de la vapeur d’un liquide en ébullition). Ce qui est fondamental dans le cas d’un BLEVE, c’est qu’il ne s’agit pas d’une explosion liée à une réaction chimique. Dans le cas des explosifs solides (TNT par exemple) ou de l’inflammation d’un gaz, c’est la combustion très rapide de la matière qui libère l’énergie sous forme d’explosion : c’est une <a href="https://www.ineris.fr/fr/risques/comment-evaluer-risque/evaluer-risque-accidentel/phenomenes-dangereux-accidentels">explosion chimique</a>. C’est ce qui se passe lorsqu’une fuite de gaz naturel dans un immeuble est enflammée et provoque une explosion.</p>
<p>Dans le cas d’un BLEVE, on parle <a href="https://www.ineris.fr/fr/omega-5-bleve-phenomenologie-modelisation-effets">d’explosion physique</a>. Il n’est pas nécessaire d’avoir une inflammation de la matière contenue dans le réservoir pour observer ce phénomène. Certaines matières comme le chlore gazeux liquéfié par exemple ne sont pas combustibles et peuvent donner lieu à un BLEVE.</p>
<p>Pour bien comprendre ce type d’explosion, il faut savoir qu’une explosion est créée par une augmentation locale et très rapide de la pression, qui se propage ensuite sous forme d’une surpression aérienne dans toutes les directions de l’espace. Cette surpression diminue progressivement avec la distance et finit en simple bruit.</p>
<p>Dans le cas d’une explosion chimique, c’est la combustion qui créée beaucoup de gaz de combustion à très haute température dans un temps tellement court que les gaz n’ont pas le temps de s’évacuer : il s’ensuit une augmentation de pression locale qui va se propager.</p>
<p>Dans le cas d’une explosion physique la pression vient le plus souvent du fait que la pression était déjà présente avant l’accident. C’est le cas de bouteilles d’air comprimé par exemple, ou tout simplement un pneu de vélo. Lorsque le confinement cède, la pression est libérée sous forme <a href="https://www.ineris.fr/sites/ineris.fr/files/contribution/Documents/OMEGA5_BLEVE_Remasteuris%C3%A9_VF-1.pdf">d’une onde de surpression aérienne</a>.</p>
<h2>Pourquoi une explosion si puissante ?</h2>
<p>Le BLEVE est une explosion physique, mais qui présente une spécificité qui explique la puissance de cette explosion. En effet, si l’on revient à l’accident de Fillinges, le propane liquide dans le réservoir était monté à une température plus élevée mais l’état liquide était maintenu car le réservoir intact permettait de monter en pression. Le propane était en équilibre avec sa vapeur.</p>
<p>Le retour d’expérience montre que la rupture du réservoir survient le plus souvent <a href="https://www.ineris.fr/sites/ineris.fr/files/contribution/Documents/OMEGA5_BLEVE_Remasteuris%C3%A9_VF-1.pdf">sur la partie supérieure</a>. En effet, le métal de la partie inférieure du réservoir est en contact avec le liquide qui a un effet de refroidissement du métal par l’intérieur, ce que la vapeur ne permet pas en partie supérieure. A partir du moment où le réservoir a cédé, la pression a chuté brutalement et le propane liquide chaud s’est retrouvé proche de la pression atmosphérique. Le liquide était alors en dehors de son équilibre thermodynamique et s’est mis à bouillir violemment pour retourner à l’état gazeux (qui est l’état stable du propane chaud et à pression atmosphérique). Cette production rapide de vapeur de propane contribue à l’augmentation de pression locale et à la surpression aérienne.</p>
<p>[<em>Près de 80 000 lecteurs font confiance à la newsletter de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde</em>. <a href="https://theconversation.com/fr/newsletters/la-newsletter-quotidienne-5?utm_source=inline-70ksignup">Abonnez-vous aujourd'hui</a>]</p>
<p>Comme l’a montré l’accident de Haute Savoie, un BLEVE entraîne d’autres effets dévastateurs. En premier une boule de feu, lorsque le contenu du réservoir est libéré est inflammable. A Fillinges, le propane s’est enflammé et a créé cette impressionnante boule de feu visible à plusieurs kilomètres. Les effets thermiques d’une boule de feu sont importants, et peuvent provoquer des brûlures et des incendies par effet domino. Mais la caractéristique la plus marquée pour un BLEVE est la propagation de fragments de réservoir à des distances très importantes. En effet, la vaporisation violente du liquide peut projeter des fragments à plus d’un kilomètre, par effet fusée, dépassant les distances d’effet de la surpression aérienne et du rayonnement thermique de la boule de feu.</p>
<p>En résumé, à Fillinges, l’incendie du véhicule tracteur a provoqué la montée en température et pression du propane liquide, qui suite à la rupture du réservoir a donné lieu à un BLEVE. A ce moment, une onde de surpression aérienne a été créée et des fragments ont été projetés. Puis, le propane libéré a été enflammé par l’incendie initial et a créé la boule de feu très visible qui s’est élevé à la verticale. Cette boule de feu n’était pas une explosion mais a eu des effets thermiques dans les environs du camion.</p>
<h2>D’autres cas d’explosions dans le passé</h2>
<p>Le BLEVE est malheureusement un accident industriel survenant avec une fréquence non négligeable. En France, des camions de GPL ont explosé à <a href="https://france3-regions.francetvinfo.fr/nouvelle-aquitaine/gironde/bordeaux/explosions-bassens-quatre-pompiers-blesses-966855.html">Bassens</a> en 2016, à <a href="https://www.aria.developpement-durable.gouv.fr/fiche_detaillee/38714/">Port la Nouvelle</a> en 2010, à <a href="https://www.leparisien.fr/faits-divers/cinq-blesses-dans-l-explosion-d-un-camion-citerne-09-05-2007-2008015840.php">Dagneux</a> en 2007 et à <a href="https://www.letelegramme.fr/ar/viewarticle1024.php?aaaammjj=20031119&article=7102061&type=ar">La Roche-Bernard</a> en 2003. A l’étranger, c’est l’accident de Bologne en 2018 qui a marqué les mémoires. Dans tous ces cas, c’est un incendie préalable qui a conduit au BLEVE.</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/GyFwa4TTIs8?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">À Bologne, une énorme explosion d’un camion-citerne fait au moins un mort et 68 blessés/BFM TV.</span></figcaption>
</figure>
<p>A Bologne, en plus des conséquences classiques observées à Fillinges, l’explosion du camion a également détruit le pont sur lequel il se trouvait. C’est une conséquence plutôt rare et très peu examinée par des travaux de recherche.</p>
<h2>Comment éviter un BLEVE ?</h2>
<p>Le BLEVE de propane est le cas le plus fréquent. Ce gaz étant également inflammable, le transport de ce gaz est soumis à la réglementation TMD (transport de matières dangereuses) au titre de la pression et du caractère inflammable. Cette règlementation est internationale et s’inscrit dans le <a href="https://unece.org/fr/transport/publications/accord-relatif-au-transport-international-des-marchandises-dangereuses-par">code ADR</a> (Accord relatif au transport international des marchandises Dangereuses par Route) sous l’égide de la Commission économique des Nations unies pour l’Europe (UNECE).</p>
<p>Il existe deux méthodes principales pour réduire le risque qu’un BLEVE ne se produise. Il s’agit de protéger le réservoir du feu et limiter la montée en pression. Sur les sites industriels fixes de nombreux dispositifs œuvrent selon ces deux méthodes et ce risque est devenu très rare dans les pays avec une culture de sécurité poussée comme la France.</p>
<p>Le cas du transport de matières dangereuses est plus délicat, du fait du nombre d’accidents routiers, de la variété des cas et de la nécessité de tenir compte du fait que le réservoir est placé sur un camion et non dans un site industriel. Les accords ADR sont en constante amélioration et la recherche de nouveaux moyens de réduction du risque adaptable aux camions citerne est au cœur de la préoccupation de l’UNECE. Le cas de l’incendie du véhicule tracteur est un <a href="https://unece.org/fileadmin/DAM/trans/doc/2020/dgwp15ac1/ECE-TRANS-WP15-AC1-2020-42f.pdf">scénario très étudié actuellement</a>.</p>
<p>A titre individuel, en cas d’incendie impactant un camion-citerne contenant un gaz liquéfié, il existe un temps avant l’explosion, qui peut varier de quelques secondes à quelques dizaines de minutes et pendant lequel on peut réagir. Il faut se protéger, on peut conseiller de se mettre derrière un obstacle qui protègera des fragments et du rayonnement thermique (mais pas de la surpression aérienne) ou à défaut se coucher au sol les pieds en direction du camion et la face contre terre. Fuir ou se protéger, tout est question de distance, de temps restant et de possibilité de se protéger. En étant au sol il est possible de s’éloigner en rampant. Le temps restant avant explosion étant une inconnue, il faut donc considérer que le réservoir peut exploser à tout moment. Il faut noter que l’explosion n’est pas systématique, cela dépend de l’intensité et de la durée de l’incendie qui impacte le camion.</p>
<p>Le BLEVE est un phénomène physique très complexe de changement de phase et d’interaction fluide-structure qui donne encore lieu à de nombreux travaux de recherche, notamment pour prédire les conséquences en champs proche et réduire la violence de l’explosion. Des essais réalisés à IMT Mines Alès (Laboratoire des Sciences des Risques) sont en cours afin d’étudier le <a href="https://pdf.sciencedirectassets.com/276831/1-s2.0-S0957582019X00105/1-s2.0-S0957582019311334/am.pdf">changement de phase explosif</a> de liquides en état de surchauffe.</p>
<p>Ces travaux que je mène, permettent d’avancer sur la compréhension du mécanisme de vaporisation explosive et d’en tirer à la fois des outils de modélisation des conséquences mais aussi de tester différentes stratégies de prévention et de protection.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/199161/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Frederic HEYMES ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>
L’explosion d’un camion en Haute-Savoie aurait pu être dramatique, que s’est-il passé ?
Frederic HEYMES, Enseignant Chercheur en risques industriels, spécialiste en explosions et incendies, IMT Mines Alès – Institut Mines-Télécom
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/197748
2023-01-31T19:32:23Z
2023-01-31T19:32:23Z
Comment créer des bulles de savon parfaites ?
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/507373/original/file-20230131-10022-gbr52c.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C9002%2C4986&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Pour créer les bulles les plus grandes, il faut s'intéresser à la physique.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/fr/image-vector/bubble-boy-251300380">Toey Yutther J/Shutterstock</a></span></figcaption></figure><p>Quand un enfant renverse le liquide de son jouet pour faire des bulles, on le remplace souvent par du liquide vaisselle et… cela fonctionne moins bien. Existe-t-il une meilleure recette pour faire des bulles de savon ? Des spécialistes de cette question sont les artistes qui manipulent les bulles dans leurs spectacles. L’un d’eux nous a donné une recette souvent utilisée pour que nous puissions mieux comprendre les mécanismes physiques qui se cachent derrière.</p>
<p>Il nous a fallu identifier quelle expérience bien contrôlée permet de tester les recettes. Cette expérience doit être reproductible c’est-à-dire donner le même résultat si on la répète plusieurs fois de suite. Nous avons donc travaillé à une température et à une humidité d’air constantes. En effet, ces paramètres sont très importants, car ils modifient la vitesse d’évaporation du liquide. Or les bulles de savon sont formées d’un mince film de liquide qui encapsule de l’air. Si ce film devient trop mince, la bulle éclate plus facilement. Donc plus la vitesse d’évaporation est importante, plus le liquide s’évapore vite, plus le film s’amincit et plus la bulle éclate rapidement. </p>
<p>Nous avons identifié deux expériences différentes. Dans la première, nous déposons une bulle de savon sur une surface et nous mesurons son temps de vie. Cela permet de mesurer la stabilité de la bulle pour une recette donnée. Dans une deuxième expérience, nous trempons un anneau en plastique dans un liquide savonneux et nous soufflons dedans toujours avec la même vitesse grâce à un contrôleur de pression. Nous comptons le nombre de bulles ainsi créées. </p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/uv0Qr_g9gJk?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Pierre Yves Fusier est un artiste spécialiste des bulles de savon / MJC-Théâtre des 3 Vallées de Palaiseau.</span></figcaption>
</figure>
<p>Le résultat surprenant de notre étude est que les recettes qui donnent des bulles qui vivent longtemps ne sont pas forcément celles qui permettent de faire de nombreuses bulles. Les bonnes recettes sont le fruit d’un compromis. Ainsi, on sait qu’il faut mettre du liquide vaisselle pour faire des bulles de savon. C’est lui qui contient les molécules de savon. Si l’on en met peu, les bulles durent longtemps, mais elles sont difficiles à former. Si on en met trop, on peut fabriquer de nombreuses bulles qui éclatent très vite. C’est le compromis entre ces deux observations qui mènent à la quantité de liquide vaisselle utilisée par les artistes : 4 % en volume c’est-à-dire 40 mL de liquide vaisselle dans 960 mL d’eau pour le liquide vaisselle particulier que nous avons étudié.</p>
<p>On peut ensuite ajouter des ingrédients qui permettent d’améliorer soit la stabilité, soit la facilité de génération des bulles. Pour avoir des bulles plus stables, on peut ajouter 10 % de glycérol, c’est-à-dire 100 mL pour 900 mL de mélange liquide vaisselle/eau. C'est un liquide très utilisé en cosmétique car il préserve les produits du dessèchement en évitant l'évaporation de l'eau qu'ils contiennent. On en trouve en pharmacie. Or, comme expliqué plus haut, une manière de retarder l’éclatement de la bulle est justement de diminuer l’évaporation. </p>
<p>Pour que les bulles soient plus faciles à fabriquer, nous pouvons rajouter de longues molécules (appelées polymères) qui vont se comporter comme de longs fils à l’intérieur du film de savon. Avec de la gomme de guar, un additif alimentaire qui permet de gélifier les préparations, il faut en mettre juste un gramme. Lorsqu’on fabrique la bulle, le film qui est sur l’anneau en plastique doit se déformer pour devenir une bulle. Il devient alors très mince et les longs fils vont s’organiser parallèlement à la surface dans le film. Ils vont ainsi l’empêcher de rompre pendant sa fabrication. </p>
<p><strong>La recette en bref :</strong></p>
<blockquote>
<p>Diluer 1 gramme de gomme de Guar dans un peu de glycérine. Ajouter 40 mL de liquide vaisselle (choisir un liquide vaisselle contenant 15-30 % de tensioactifs anioniques ou doubler la dose, vérifier sur l'étiquette du produit) et 100 mL de glycérine. Cette préparation peut se conserver quelques jours. Au dernier moment, ajouter 860 mL d'eau pour avoir 1L de solution. _</p>
</blockquote>
<hr>
<p><em>Cet article est le fruit d'une collaboration avec <a href="https://www.slashbubblesparis.com/">Pierre-Yves Fusier, artiste bulleur</a> et Laura Wallon.</em></p>
<hr>
<figure class="align-left ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/251779/original/file-20181220-103676-bvxzth.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/251779/original/file-20181220-103676-bvxzth.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/251779/original/file-20181220-103676-bvxzth.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/251779/original/file-20181220-103676-bvxzth.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/251779/original/file-20181220-103676-bvxzth.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/251779/original/file-20181220-103676-bvxzth.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/251779/original/file-20181220-103676-bvxzth.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption"></span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.dianerottner.com/">Diane Rottner</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p><em>Si toi aussi tu as une question, demande à tes parents d’envoyer un mail à : <a href="mailto:tcjunior@theconversation.fr">tcjunior@theconversation.fr</a>. Nous trouverons un·e scientifique pour te répondre</em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/197748/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>François Boulogne a reçu des financements de l'agence nationale de la recherche (ANR-30519-
CE30-0002). </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Marina Pasquet a reçu des financements du CNES. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Emmanuelle Rio et Frédéric Restagno ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur poste universitaire.</span></em></p>
Créer des bulles de savon, est-ce un jeu d'enfant ou une affaire de physiciens ?
Emmanuelle Rio, Enseignante-chercheuse, Université Paris-Saclay
François Boulogne, Chercheur en matière molle, Centre national de la recherche scientifique (CNRS)
Frédéric Restagno, Physique, Université Paris-Saclay
Marina Pasquet, Postdoctorante en physique, University of California, Berkeley
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.