tag:theconversation.com,2011:/au/topics/traumatismes-20239/articlestraumatismes – The Conversation2024-02-22T15:42:21Ztag:theconversation.com,2011:article/2241072024-02-22T15:42:21Z2024-02-22T15:42:21Z« En Ukraine, la santé psychique des personnes dépendra beaucoup de l’évolution du conflit »<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/577078/original/file-20240221-26-j393gj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Immeuble détruit après une attaque à la roquette de l’armée russe, district de Pozniaky, Kiev, Ukraine.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/13476480@N07/51916065022/in/photostream/">Manhhai</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span></figcaption></figure><p><em>Francis Eustache, neuropsychologue, dirige des recherches au sein de l’unité Inserm « Neuropsychologie et imagerie de la mémoire humaine » à l’Université de Caen-Normandie. Il est Directeur d’études à l’École pratique des hautes études (EPHE) de Paris. À l’occasion de l’anniversaire de l’invasion de l’Ukraine par l’armée russe le 24 février 2022, il explique comment une forme de trouble de stress post-traumatique (TSPT) dit « complexe » survient chez un nombre important de personnes confrontées à un conflit armé.</em></p>
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<p><strong>The Conversation : Quelle est la définition du trouble de stress post-traumatique (TSPT) ?</strong></p>
<p><strong>Francis Eustache</strong> : Selon la classification américaine du <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/books/NBK207191/box/part1_ch3.box16/">DSM</a> (pour l’anglais « Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders », en français « Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux, et des troubles psychiatriques ») qui fait consensus, le trouble de stress post-traumatique (TSPT, en anglais PTSD pour <em>post-traumatic stress disorder</em>) survient chez une personne menacée dans son intégrité personnelle parce qu’elle a été exposée à un événement traumatique.</p>
<p>Ce traumatisme est une rencontre entre un événement stressant majeur (catastrophes, guerres, violences faites aux femmes, attentats…), un ressenti subjectif et un moment particulier. Il va d’abord généralement déclencher un stress aigu intense. Si cet état perdure au-delà d’un mois, on va parler de <a href="https://www.dunod.com/sciences-humaines-et-sociales/memoire-et-traumatisme">trouble de stress post-traumatique</a> (TSPT).</p>
<p><strong>The Conversation : Quels sont les principaux symptômes du TSPT ?</strong></p>
<p><strong>Francis Eustache</strong> : Le TSPT est composé d’un certain nombre de symptômes dont l’élément cardinal est la reviviscence dominée par des intrusions. La personne va avoir l’impression subjective de revivre, comme s’ils étaient à nouveau présents, des éléments sensoriels très émotionnels qui appartiennent à l’événement traumatique comme des images, des bruits, des odeurs disparates…</p>
<p>La personne prend conscience de ces éléments intempestifs, très difficiles à vivre. Pour se protéger en quelque sorte, la personne essaie d’éviter les situations sociales qui peuvent favoriser, selon son analyse, cette réémergence. Ce mécanisme d’évitement va devenir à son tour son symptôme parce qu’il va couper la personne de son environnement et de ses proches qui pourraient l’aider.</p>
<p>Au cœur du TSPT, on trouve donc ce double symptôme d’intrusions dans le présent d’éléments du traumatisme vécu dans le passé, parfois des années auparavant, et d’évitement de ces éléments. Les intrusions peuvent survenir quand la personne est confrontée à des situations qui rappellent le traumatisme (lieux fermés, endroits particuliers dominés par certains bruits…).</p>
<p>On relève également ce que l’on appelle des symptômes neurovégétatifs. En d’autres termes, la personne va avoir tendance à sursauter, être à fleur de peau… On note aussi des altérations de l’humeur, de la cognition, des troubles du sommeil avec des cauchemars…</p>
<p>Par ailleurs, la <a href="https://www.librairie-gallimard.com/livre/9782746522336-les-nouveaux-chemins-de-la-memoire-francis-eustache-beatrice-desgranges-endel-tulving/">mémoire du traumatisme peut envahir toute l’autobiographie de la personne</a> qui va avoir tendance à ne se définir que par ce traumatisme qu’elle a vécu.</p>
<p>Les mécanismes cérébraux du TSPT sont maintenant mieux connus. À partir de la cohorte du programme de recherche 13 Novembre, dans une <a href="https://www.science.org/doi/10.1126/science.aay8477%5BVN2">étude</a> publiée dans la revue scientifique <em>Science</em>, notre équipe a montré que ces intrusions d’éléments traumatiques sont liées à un manque de contrôle des régions du cortex préfrontal, sur des régions cérébrales qui régulent les perceptions, les émotions, la mémoire…</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/13-novembre-et-traumatisme-la-memoire-collective-influence-profondement-la-memoire-individuelle-150005">13 Novembre et traumatisme : « La mémoire collective influence profondément la mémoire individuelle »</a>
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<p><strong>The Conversation : On distingue un TSPT spécifique lié à des événements traumatiques répétés comme les conflits armés, à l’image de ce qui se passe en Ukraine. De quoi s’agit-il ?</strong></p>
<p><strong>Francis Eustache</strong> : On parle effectivement de TSPT complexe (ou de type 2), quand le trouble se développe à la suite d’événements multiples répétés dans le temps, dont les caractéristiques sont plus proches de ce qui se passe en Ukraine (alors que le TSPT simple ou de type 1 est consécutif à un événement traumatique unique, comme un attentat). <a href="https://www.dunod.com/sciences-humaines-et-sociales/grand-livre-du-trauma-complexe-enfant-adulte-fondements-enjeux">Dans le TSPT complexe, en revanche, la situation traumatique est répétée, sur le long cours</a>.</p>
<p>Chez l’adulte, les personnes concernées par un TSPT complexe vont connaître les mêmes symptômes que dans un TSPT simple, associés à d’autres symptômes dominés par ce que l’on appelle les symptômes dissociatifs. Les personnes ont l’impression d’être déconnectées de leurs pensées, de leur corps, de la réalité. On parle parfois de dépersonnalisation. La personne a l’impression d’être en dehors de sa personnalité habituelle, elle est moins réceptive à ce qui se passe autour d’elle.</p>
<p>Cela peut être considéré comme un moyen de défense face à la réalité qui est difficile à supporter. Cela peut aussi conduire à des formes d’amnésie, dite dissociative, car la personne n’enregistre pas ce qu’elle vit quand elle est dans un tel état de conscience.</p>
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<p>Dans le TSPT complexe, les personnes rencontreront des difficultés à réguler leurs émotions, parfois leur colère. Des attitudes autodestructrices sont aussi observées, pouvant aller jusqu’au suicide. Des symptômes corporels peuvent aussi survenir se manifestant, par exemple, par des douleurs chroniques, des atteintes de la sphère cardiorespiratoires…</p>
<p>Les manifestations cliniques du TSPT complexe peuvent être extrêmement diverses du fait de la situation d’insécurité permanente qui modifie la relation de la personne à elle-même et aux autres, davantage que dans le TSPT simple.</p>
<p>À noter que la classification américaine du DSM ne reconnaît pas le TSPT complexe mais évoque des TSPT avec ou sans symptômes dissociatifs. En revanche, la classification internationale des maladies (<a href="https://www.cepidc.inserm.fr/causes-medicales-de-deces/classification-internationale-des-maladies-cim">CIM</a>) de l’Organisation mondiale de la santé reconnaît le TSPT complexe.</p>
<p><strong>The Conversation : Historiquement, la reconnaissance du TSPT est d’ailleurs associée aux guerres. De quelle manière ?</strong></p>
<p><strong>Francis Eustache</strong> : Des descriptions assez précises ont été faites sur les champs de bataille, avant la proposition du concept de TSPT. La première guerre mondiale a entraîné beaucoup de descriptions de soldats qui souffraient de troubles psychiques. Leur pathologie n’était pas reconnue. On ne soignait pas ces soldats qui étaient renvoyés au front. Quand ils étaient incapables d’y retourner parce qu’ils souffraient de troubles divers, ils étaient parfois considérés comme des simulateurs ou des déserteurs.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/les-traumatismes-psychiques-de-la-grande-guerre-105766">Les traumatismes psychiques de la Grande Guerre</a>
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<p>Lors de la seconde guerre mondiale, on a commencé à mieux reconnaître ces troubles sur le plan sémiologique, c’est-à-dire à définir les différents symptômes associés.</p>
<p>Dans les années 60, la guerre du Vietnam constitue un tournant quand les vétérans de cette guerre font reconnaître leurs souffrances : c’est le <em>post-vietnam syndrom</em>. Ces vétérans vont s’organiser et revendiquer auprès des autorités américaines le fait d’être reconnus comme des blessés psychiques.</p>
<p>D’autres mouvements, non liés aux conflits armés, se conjuguent pour renforcer ce concept, à l’image des mouvements féministes post-hippies qui vont mettre sur le devant de la scène les violences faites aux femmes ainsi que des mouvements de protection des enfants, victimes de mauvais traitements et d’abus.</p>
<p>En 1980, le trouble du stress post-traumatique entre dans la classification américaine du DSM. Il devient une entité psychopathologique, avec une reconnaissance internationale.</p>
<p><strong>The Conversation : Les Ukrainiens sont-ils condamnés à souffrir de TSPT parce qu’ils vivent un conflit armé ?</strong></p>
<p><strong>Francis Eustache</strong> : Un nombre important de personnes confrontées à des zones de guerre intense seront concernées par un TSPT, que ce soit les soldats de plus en plus épuisés ou les populations civiles exposées aux bombardements répétés. Mais cette pathologie est mouvante et évolue au fil du temps, elle n’est pas forcément définitive.</p>
<p>De plus, le TSPT revêt des aspects individuels et collectifs, et dépend également de l’évolution de la situation générale dans le pays. Il convient également d’établir des distinctions entre les personnes qui sont au front et celles qui en sont éloignées, même si des bombardements peuvent avoir lieu à l’intérieur des villes.</p>
<p>De plus, l’évolution peut être favorable si les personnes concernées par un TSPT bénéficient d’une bonne prise en charge au plan sanitaire et social : elles vont aller mieux si elles retrouvent un environnement sécurisant.</p>
<p>La guerre en Ukraine est difficile à appréhender parce qu’elle se déroule actuellement. On manque de recul et, globalement, la santé psychique des personnes dépendra beaucoup de l’évolution du conflit et de sa résolution.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/224107/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Francis Eustache a reçu des financements de l'Agence nationale de la recherche (ANR) pour le Programme 13-Novembre.</span></em></p>Un trouble de stress post-traumatique dit « complexe » peut se développer chez des personnes exposées à des événements multiples répétés dans le temps, comme le conflit qui sévit depuis deux ans en Ukraine.Francis Eustache, Directeur de l'unité Neuropsychologie et imagerie de la mémoire humaine, Inserm, Ecole Pratique des Hautes Etudes, Université de Caen Normandie, Université de Caen NormandieLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2161312024-01-25T14:49:52Z2024-01-25T14:49:52ZTraumatismes crâniens : le cas Lagaffe<p>Chutes, coups, accidents de travail, de vélo… Au cours de sa carrière de héros sans emploi, Gaston Lagaffe a subi (et a fait subir à son entourage !) un nombre impressionnant de traumatismes crâniens…</p>
<p>Quelles conséquences ces chocs auraient-ils pu avoir si Gaston n’avait pas été un personnage de bande dessinée ? Comment détermine-t-on la gravité d’un traumatisme crânien ? Explications.</p>
<h2>Gaston Lagaffe et les traumatismes crâniens</h2>
<p>Bien que peu sportif, sa tendance à la maladresse et ses nombreuses inventions à la sécurité souvent discutable ont exposé Gaston Lagaffe, ses amis et ses collègues à un risque élevé de chute et de traumatisme crânien.</p>
<p>Publiée en 2017 par les éditions Dupuis, l’édition intégrale recolorisée, qui regroupe par ordre de numéros croissants les gags de Gaston, est un outil bien commode pour répertorier l’ensemble des traumatismes crâniens dont a été victime le plus fatigué des employés de bureau et ses collègues, leurs mécanismes et leur gravité…</p>
<p><iframe id="67lsW" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/67lsW/8/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Sur les 152 traumatismes crâniens survenus dans les cases de BD fréquentées par Gaston, 6 ont été liés à un accident domestique, 30 à un accident de la voie publique (20 accidents de piétons, 9 accidents de voiture, 1 accident de vélo), et les autres à un accident survenu sur le lieu de travail.</p>
<p>Concernant les mécanismes à l’origine de ces traumatismes, on note 30 chutes (dont 10 dans les escaliers), au moins 100 chocs directs avec des objets en tout genre comme une boule de bowling (gag 572), une balle de bilboquet (gag 510), de jokari (gag 591) un fer à repasser (gag 899), une tortue (gag 877), et pas moins de 21 chocs directs tête contre plafond, porte ou mur… Enfin, 17 agressions diverses et autres coups de poing sont répertoriés, comme le direct envoyé par un voisin karatéka (gag 151) ou encore le coup de réveil asséné par un horloger (gag 660), voire le coup de chaise administré par Fantasio (gag 183).</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/571399/original/file-20240125-25-qw98bz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/571399/original/file-20240125-25-qw98bz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=401&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/571399/original/file-20240125-25-qw98bz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=401&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/571399/original/file-20240125-25-qw98bz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=401&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/571399/original/file-20240125-25-qw98bz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=504&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/571399/original/file-20240125-25-qw98bz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=504&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/571399/original/file-20240125-25-qw98bz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=504&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">André Franquin, le « père » de Gaston Lagaffe.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Andr%C3%A9_Franquin,_tekenaar_strip_Guust_Flater,_1979_-_33.jpg">Noord-Hollands Archive, De Boer Photographic Press Collection/Wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
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<p>À vrai dire, ces situations sont (heureusement) relativement éloignées de celles qui provoquent des traumatismes crâniens dans le monde réel. Une ancienne étude menée en Aquitaine nous apprend que les traumatismes graves sont dus dans presque 50 % des cas à des accidents de la voie publique (voiture, cycliste, piéton). 24 % des traumatismes crâniens résultaient de chutes de sa propre hauteur, 17 % de chutes d’une grande hauteur, et 6 % d’un choc touchant la tête.</p>
<p>D’autres études indiquent des chiffres légèrement différents, mais qui restent en ligne avec ces estimations : 30 % à 40 % des traumatismes crâniens seraient liés à des accidents de la circulation, 20 à 30 % à des chutes, 10 à 20 % se produiraient durant la pratique d’un sport, 10 à 20 % seraient dus à agressions et 3 % seraient liés au travail.</p>
<p>Dans certaines cohortes, les traumatismes sévères liés au travail peuvent même atteindre 6 % du total, la grande majorité étant due à une chute d’une grande hauteur ou à un coup direct sur la tête, via un objet ou un équipement.</p>
<p>Par ailleurs, les études scientifiques ont par ailleurs déterminé que les mécanismes de survenue et les conséquences des traumatismes crâniens varient avec l’âge, et sont associés diversement avec la gravité. <a href="https://www.santepubliquefrance.fr/docs/epidemiologie-des-traumatismes-craniens-en-france-et-dans-les-pays-occidentaux-synthese-bibliographique-avril-2016">Trois tranches d’âge ont été identifiées comme « à risque »</a> : les jeunes enfants (0-4 ans), les adolescents et jeunes adultes (15-24 ans) et les personnes âgées (> 65 ans).</p>
<h2>Des diagnostics pas si évidents</h2>
<p>En Europe, on estime que chaque année, 235 habitants sur 100 000 sont victimes d’un traumatisme crânien. La plupart (80 %) sont légers, 10 % sont d’une sévérité modérée, tandis que les 10 % restant sont des traumatismes graves. Mais contrairement à ce que l’on pourrait croire, il n’est pas toujours évident de définir la gravité d’un traumatisme crânien.</p>
<p>En 2010, un groupe d’experts définissait le traumatisme crânien comme <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/21044706/">« une altération du fonctionnement cérébral […] provoquée par une force extérieure »</a>. Il faut comprendre ici « force extérieure exercée sur le crâne ou la tête ». Aussi le mécanisme responsable du traumatisme crânien peut donc être soit un traumatisme direct fermé ou pénétrant sur le crâne (choc ou impact d’objets sur le crâne), soit le résultat indirect d’un phénomène d’accélération/décélération du cerveau dans la boîte crânienne (« coup du lapin »).</p>
<p>La sévérité immédiate d’un tel traumatisme est appréciée grâce à l’échelle de Glasgow (<a href="https://www.academie-medecine.fr/le-dictionnaire/index.php?q=%C3%A9chelle%20du%20coma%20de%20Glasgow">Glasgow Coma Score</a>). <a href="https://www.sfmu.org/calculateurs/glasgow.htm">Cet outil</a> d’évaluation du niveau de conscience analyse trois aspects principaux : la réponse verbale, la réponse motrice et l’ouverture des yeux.</p>
<p>Le score total obtenu via l’échelle de Glasgow varie de 3 à 15. Un traumatisme crânien est considéré comme « grave » si le score est de 8 ou moins, « modéré » s’il est entre 9 et 12, et « léger » s’il se situe entre 13 et 15. La mortalité globale est de 20 à 80 % pour les traumatismes graves, de 10 à 15 % pour les modérés et inférieure à 1 % pour les traumatismes légers.</p>
<p><a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/15083875/">Selon l’Organisation mondiale de la Santé</a>, un traumatisme crânien léger est défini par un score de Glasgow de 13 à 15-30 minutes après la blessure, associé à une ou plusieurs des manifestations suivantes : confusion ou désorientation ; perte de conscience pendant 30 minutes ou moins ; amnésie post-traumatique pendant moins de 24 heures (ou autres anomalies neurologiques transitoires).</p>
<p>Toutefois, tous les spécialistes ne sont pas d’accord avec l’inclusion, dans la catégorie des traumatismes crâniens légers, des traumatismes crâniens avec un score de Glasgow de 13. Ils considèrent en effet que cette entité a une gravité particulière en matière de répercussions post-traumatisme, en regard des scores de 14 ou 15.</p>
<p>En outre, certains auteurs identifient une autre entité clinique parmi les traumatismes légers, la <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/23670105/">commotion cérébrale (« concussion » en anglais)</a>. Cette dernière est définie comme une altération, transitoire (quelques secondes à minutes) et réversible, du fonctionnement cérébral (par exemple, perte de connaissance ou de mémoire, confusion) à la suite d’un choc sur la tête. Mais cette individualisation fait débat.</p>
<p>Une autre « forme » de traumatismes crâniens légers est même parfois nommée « subconcussions » : il s’agit de « simples » chocs à la tête, sans signe fonctionnel au moment du traumatisme crânien. Ces deux entités sont surtout décrites dans la population jeune et dans le domaine sportif, et certaines fédérations sportives ont mis en place des <a href="https://media.fff.fr/uploads/document/7cb3148f655bb3b5c0be576eff525f89.pdf">protocoles de dépistage</a> de ces états.</p>
<iframe src="https://www.westory.fr/dupuis/lire-en-ligne/gaston/22/le-retour-de-lagaffe?token=MvFLspwA3RTzJhMedRcvud6ugLsi9A2L" width="100%" height="600" frameborder="0" scrolling="no" allowfullscreen=""></iframe>
<p><em>Le nouvel album de Gaston, intitulé <a href="https://www.dupuis.com/gaston/bd/gaston-tome-22-le-retour-de-lagaffe/120853">« Le retour de Lagaffe »</a>, aux éditions Dupuis</em></p>
<p>Mais traumatisme crânien « léger » ne signifie pas forcément sans gravité à long terme. En effet, ce type de traumatismes (commotion, voir commotion sans signe associé) <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC7799370/">pourraient être associés à l’apparition de démences neurologiques à long terme</a>, surtout s’ils sont répétés. À ce titre, on pourrait s’inquiéter pour Prunelle, Fantasio ou encore M. De Mesmaeker qui, tout au long des aventures de Gaston, subissent des traumatismes crâniens légers, mais souvent réitérés…</p>
<p>Au-delà du score de Glasgow, la gravité initiale du traumatisme crânien est aussi évaluée en fonction de la cause et du mécanisme du traumatisme, de la durée de la perte de connaissance, de la prise de substance (alcool, drogue…) ou de médicaments (notamment anticoagulants), et sur la présence de signes cliniques initiaux de souffrance neurologique (notamment par l’examen des pupilles).</p>
<p>L’âge de la personne joue aussi un rôle dans l’évaluation de la gravité : le risque d’hospitalisation et de décès après un traumatisme crânien est ainsi plus élevé chez les personnes âgées de plus de 65 ans, et augmente avec l’âge. Enfin, quelle que soit la tranche d’âge, le risque de survenue de traumatisme crânien est plus important chez les hommes : dans certaines cohortes, on compte jusqu’à plus de 70 % d’hommes ! Chez Gaston, c’est 100 % !</p>
<h2>Quels symptômes ?</h2>
<p>L’altération du fonctionnement cérébral qui résulte du choc se traduit par des signes cliniques tels que perte de connaissance ou baisse de l’état de conscience, perte de mémoire pour des faits pré ou post-traumatisme, déficits neurologiques (déficit moteur…), ou toutes altérations de l’état mental (confusion, désorientation, etc.). En raison de ces altérations, certains préfèrent parler de traumatisme cranio-encéphalique plutôt que de traumatisme crânien (le crâne n’étant pas seul touché…).</p>
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<img alt="Détail d’une fresque murale inspirée par la bande dessinée Gaston Lagaffe, à Bruxelles" src="https://images.theconversation.com/files/571406/original/file-20240125-23-9dsnim.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/571406/original/file-20240125-23-9dsnim.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=800&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/571406/original/file-20240125-23-9dsnim.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=800&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/571406/original/file-20240125-23-9dsnim.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=800&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/571406/original/file-20240125-23-9dsnim.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1005&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/571406/original/file-20240125-23-9dsnim.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1005&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/571406/original/file-20240125-23-9dsnim.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1005&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Détail d’une fresque murale inspirée par la bande dessinée Gaston Lagaffe, à Bruxelles.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Comic_wall_Gaston_Laggaffe,_Andr%C3%A9_Franquin._Brussels.jpg">Oreopoulos G. et Vandegeerde D. Anné, Ferran Cornellà/Wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
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<p>S’il n’est pas toujours simple d’estimer la gravité des traumatismes subis par Gaston et ses proches, on peut pour cela s’aider des idéogrammes qui entourent les personnages, comme une spirale évoquant le vertige ou autres étoiles pour évoquer la confusion.</p>
<p>Un examen attentif indique que 21 traumatismes ont entraîné une atteinte du nerf hypoglosse (comme montré par une langue pendante, gag 877), 21 ont entraîné des yeux au beurre noir pouvant évoquer une fracture de la base du crâne, et 39 hématomes du crâne, dont certains très impressionnants, comme celui en forme de bonnet phrygien du gag 840. On ne retrouve en revanche aucune plaie ouverte du crâne ou embarrure (perforation de la boîte crânienne).</p>
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<img alt="Détail d’une fresque murale inspirée par la bande dessinée Gaston Lagaffe, à Bruxelles" src="https://images.theconversation.com/files/571403/original/file-20240125-25-uuw03m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/571403/original/file-20240125-25-uuw03m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=800&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/571403/original/file-20240125-25-uuw03m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=800&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/571403/original/file-20240125-25-uuw03m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=800&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/571403/original/file-20240125-25-uuw03m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1005&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/571403/original/file-20240125-25-uuw03m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1005&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/571403/original/file-20240125-25-uuw03m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1005&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Même légers, les traumatismes crâniens ne sont pas sans conséquence…</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Comic_wall_Gaston_Laggaffe_by_Andr%C3%A9_Franquin._Brussels.jpg">Oreopoulos G. et Vandegeerde D. Anné, Ferran Cornellà/Wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Pour les traumatismes dont nous pouvons juger de la gravité, 131 sont légers, 10 modérés, et aucun n’est considéré comme grave. Pour juger du risque de lésions intracrâniennes, on peut, comme le font les équipes médicales, utiliser la classification de Master.</p>
<p>Cette ancienne classification (mais toujours opérante) permet de répartir les patients en trois groupes de gravité et de potentiel évolutif différents : risque faible, modéré, et élevé correspondant respectivement aux groupes 1, 2 et 3. Les patients du groupe 1 sont autorisés à rentrer au domicile avec des consignes de surveillance. Les groupes 2 et 3 nécessitent une imagerie cérébrale et une prise en charge hospitalière adéquate.</p>
<p>Selon la classification de Master, les traumatismes subis ou causés par Gaston Lagaffe se répartissent comme suit : 82 traumatismes du groupe 1, 33 du groupe 2 et 26 du groupe 3. On note au moins 46 pertes de connaissance initiale et 31 confusions posttraumatisme. Enfin, au moins 8 situations de traumatismes conduisent à une hospitalisation souvent dans le cadre d’un polytraumatisme. </p>
<p>Il faut noter que les traumatismes sont parfois soignés dans Gaston Lagaffe par la mise de bandage autour de la tête (au moins 11 fois), ce qui n’est pas une pratique habituelle…</p>
<p>Aucune de ces situations dans Gaston n’entraîne de coma ni de décès. Mais qu’en est-il des séquelles ?</p>
<h2>Quelles séquelles pour les traumatisés crâniens ?</h2>
<p>Chaque année en France, environ 150 000 personnes sont victimes de traumatismes crâniens nécessitant un passage aux urgences. Entre <a href="https://www.santepubliquefrance.fr/docs/epidemiologie-des-traumatismes-craniens-en-france-et-dans-les-pays-occidentaux-synthese-bibliographique-avril-2016">20 et 40 % de ces victimes présentent des signes neurologiques fonctionnels</a> ou gardent des séquelles.</p>
<p>Les conséquences à long terme des traumatismes que Gaston subit ou fait subir ne sont pas connues : impossible en effet de les qualifier étant donné que la temporalité du gag ne dure qu’un instant…</p>
<p>Quoi qu’il en soit, au fil des gags, il n’est pas noté d’apparition de troubles cognitifs ou du comportement tout au long des gags chez les personnages de Gaston. Tout au plus l’agent Longtarin développe-t-il une anxiété, voire une névrose vis-à-vis des parcmètres, et Mr Demesmaeker devient-il irritable, colérique lorsque le mot « contrat » est prononcé…</p>
<p>Dans la réalité, en revanche, les conséquences neurologiques post-traumatisme crânien peuvent être importantes, entraînant diverses déficiences neurologiques à long terme. Environ 60 % des victimes de traumatismes crâniens modérés à grave présentent des troubles cognitifs et comportementaux. Parmi les séquelles observées, qui varient en fonction de l’âge de survenue de l’accident, figurent les déficits moteurs, les déficiences sensorielles, les déficiences cognitives et comportementales.</p>
<p>Les troubles cognitifs concernent l’attention, la mémoire, la vitesse de traitement de l’information, les fonctions exécutives et l’anosognosie (trouble qui fait qu’un patient atteint d’une maladie ou porteur d’un handicap ne semble pas avoir conscience de sa condition), souvent accompagnés d’une fatigue fréquente et importante : <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0168605406001346">43 à 73 % des patients ayant subi un traumatisme crânien (même léger) se plaignent de fatigue</a>, un symptôme qui passe même au premier plan pour 7 % d’entre eux.</p>
<p>Ces séquelles cognitives et comportementales constituent ce que l’on appelle communément un « handicap invisible ». Un handicap, notamment du point de vue de la fatigue chronique, dont pourrait peut-être souffrir Gaston, au vu du nombre de traumatismes qu’il a subi au cours de ses 67 ans de carrière !</p>
<hr>
<p><strong>Pour aller plus loin :</strong></p>
<p><em>– En matière de surveillance des traumatismes crâniens légers, l’association France Traumatisme propose des <a href="https://www.france-traumatisme-cranien.fr/fr/traumatisme-cranien-leger/outils-information-prevention">fiches à destination des victimes et des médecins</a> (pour l’anecdote, elle sont dessinées par Philippe Geluck, le père d’un autre célèbre personnage de bande dessinée, le Chat).</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/216131/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Mickaël Dinomais ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Gaston Lagaffe a fait son grand retour dans les locaux de Dupuis en novembre 2023. Son crâne et ceux de ses collègues vont à nouveau faire les frais de sa légendaire maladresse. Avec quelles conséquences ?Mickaël Dinomais, Professeur de médecine en Médecine Physique et Réadaptation, Université d'AngersLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2197672023-12-18T16:52:40Z2023-12-18T16:52:40ZÀ Gaza et en zone de guerre, les travailleurs humanitaires sont à risque de traumatismes et de blessures morales<p>Alors que les travailleurs humanitaires à Gaza tentent d’assurer <a href="https://www.forbes.com/sites/brianbushard/2023/11/10/more-than-100-un-employees-killed-in-gaza-as-death-toll-climbs/?sh=f265bad500d9">leur propre sécurité</a>, ils font aussi face à d’importants obstacles dans l’acheminement de vivres aux civils.</p>
<p>Les vivres actuellement acheminés sont largement insuffisants. Ainsi, les travailleurs humanitaires se <a href="https://www.theguardian.com/world/2023/nov/03/doctors-and-aid-workers-fight-to-survive-in-gaza-abandoned">sentent impuissants face aux immenses besoins</a>. </p>
<p>Par conséquent, ils peuvent être contraints à prendre des décisions difficiles, par exemple de décider à qui distribuer le peu de nourriture, d’eau et de ressources disponibles, se sentir abandonnés sur le terrain ou voir des situations qui transgressent profondément leurs valeurs. En raison des défis moraux auxquels ils sont confrontés à Gaza, et ailleurs dans le monde, les travailleurs humanitaires font face à un risque important de blessure morale.</p>
<p>Une <a href="https://www.ptsd.va.gov/professional/treat/cooccurring/moral_injury.asp">blessure morale</a> est un type de traumatisme psychologique qui survient après des événements qui sont tellement incompatibles avec les valeurs et attentes morales d’une personne qu’ils remettent en question les croyances fondamentales sur la justice, sur la capacité d’une personne à être un être moral et sur ce qui est bon ou juste.</p>
<h2>Des choix très difficiles</h2>
<p>Les travailleurs humanitaires sont constamment confrontés sur le plan moral. Avec une équipe de chercheurs, <a href="https://doi.org/10.3389/fpsyg.2023.1171629">j’ai récemment mené une étude pour mieux comprendre quels sont les effets psychologiques de ces défis moraux</a>. Dans le cadre de cette étude, nous avons consulté 243 travailleurs humanitaires en leur posant des questions sur leur travail, sur les événements blessants moralement qu’ils ont pu vivre et sur leur santé mentale. La plupart d’entre eux travaillaient en Afrique, au Moyen-Orient et en Asie.</p>
<p>Nous avons constaté que 81 % des travailleurs humanitaires ont vécu au moins un événement qui était traumatisant parce qu’il transgressait des croyances morales importantes. Certains événements étaient liés aux actions des travailleurs humanitaires eux-mêmes, par exemple, en ayant eu du mal à décider comment allouer et utiliser des ressources lorsqu’elles sont insuffisantes.</p>
<p>Une autre étude a révélé que des <a href="https://doi.org/10.1111/j.1467-7717.2011.01232.x">travailleurs humanitaires dans le domaine médical</a> ressentaient un profond malaise lorsqu’il devait choisir les patients gravement malades à traiter (et ceux à ne pas traiter). Ce type de décisions n’a pas d’issue positive possible.</p>
<p>Dans d’autres cas, les travailleurs humanitaires peuvent avoir fait quelque chose qu’ils croyaient juste, pour finalement découvrir que leurs décisions ont eu des conséquences négatives inattendues. Par exemple, en décidant de distribuer de la nourriture aux femmes et aux enfants en premier, et que ceux-ci ont été victimes d’agressions. Notre étude a identifié que les événements vécus comme des trahisons étaient ceux les plus fréquemment rapportés comme blessants. </p>
<p>Notre recherche montre que les travailleurs humanitaires ont le plus souvent été perturbés par les événements dont ils ont été témoins. Ils <a href="https://doi.org/10.1177/1534765609332325">peuvent avoir du mal à comprendre</a> certaines pratiques culturelles qui sont contraires à leurs valeurs, ou bien des comportements en situation de survie, et remettre en question leurs croyances morales lorsqu’ils voient des atrocités ou des traitements inhumains. </p>
<p>D’autres événements difficiles sur le plan moral surviennent lorsque des travailleurs humanitaires ont le sentiment d’avoir été trahis, par exemple lorsque leur organisation ou un dirigeant ne les a pas suffisamment protégés. Environ 27 % des travailleurs humanitaires ont fait état d’au moins un événement perturbant qui leur a donné le sentiment d’avoir été trahis.</p>
<h2>Les impacts des blessures morales</h2>
<p>Les personnes exposées à des événements blessants moralement sont à risque de développer une blessure morale. On sait grâce aux recherches menées sur les anciens combattants qu’une blessure morale est caractérisée par de <a href="https://doi.org/10.1037/gpr0000018">très fortes émotions de colère, de dégoût, de honte ou de culpabilité</a>.</p>
<p>Les personnes affectées par une blessure morale présentent souvent des <a href="https://doi.org/10.1002/jts.22362">symptômes de dépression, d’anxiété et de stress post-traumatique</a>. Elles peuvent s’isoler de leurs proches ou avoir des comportements d’auto-sabotage. Elles ont souvent des pensées négatives sur elles-mêmes ou les autres. Par exemple, elles peuvent se sentir faibles ou avoir des idées suicidaires, et avoir l’impression d’être brisée ou que leur vie n’a plus de sens.</p>
<p>Les événements blessants sur le plan moral semblent être un facteur de risque important pour les travailleurs humanitaires. Notre recherche suggère qu’une proportion notable pourrait souffrir de blessure morale. De fait, nous avons trouvé que ces événements étaient associés de manière significative à plus de symptômes de stress post-traumatique et de dépression. Les événements confrontant sur le plan moral contribuaient plus fortement aux difficultés psychologiques que les événements où leur sécurité a été compromise.</p>
<h2>Aider les travailleurs humanitaires</h2>
<p>Les travailleurs humanitaires évoluent dans des environnements complexes et souvent chaotiques. Ils sont très <a href="https://doi.org/10.1080/21577323.2015.1093565">résilients</a>, mais la nature de leur travail implique inévitablement des défis moraux et, par conséquent, des risques de blessure morale. Néanmoins, les individus et les organisations peuvent mettre en place certaines mesures pour réduire ce risque.</p>
<p>Premièrement, aider les travailleurs humanitaires à prendre des décisions difficiles pourrait contribuer à réduire leur fardeau personnel. Par exemple, la recherche menée sur d’autres professions à haut risque, comme les <a href="https://www.moralinjuryguide.ca/Documents/Moral-Injury-Guide.pdf">travailleurs de la santé durant la pandémie de Covid-19</a>, suggère que la prise de décision en équipe, la cohésion et la discussion régulière de défis moraux pourraient réduire le risque de blessure morale.</p>
<p>Deuxièmement, les problèmes qui ne sont pas nommés ne peuvent pas être réglés. Il est donc important de mieux faire connaître les blessures morales en tant que risque professionnel lié à l’aide humanitaire. Les organisations humanitaires doivent mieux préparer leurs travailleurs à cet aspect de leur travail. Il est important de bien communiquer aux travailleurs humanitaires qu’ils peuvent remettre en question la moralité de certains événements et avoir de la difficulté à comprendre leurs propres actions, celles des autres et les événements qui sont perçus comme des trahisons. Cela est essentiel pour réduire la stigmatisation et valider les expériences des travailleurs humanitaires.</p>
<p>Troisièmement, la honte, le dégoût, la colère et la culpabilité sont des signes d’un fonctionnement moral sain. Se reconnecter à ses valeurs personnelles et aux raisons qui ont motivé le choix de travailler dans le domaine de l’aide humanitaire peut être une bonne façon de commencer à dénouer ces émotions.</p>
<p>Les <a href="https://doi.org/10.1016/j.janxdis.2013.10.005">résultats de notre étude</a> suggèrent par ailleurs que des événements blessants moralement sont liés à une croissance psychologique pour les travailleurs humanitaires. Tout en étant douloureux, ces événements peuvent les amener à revoir leurs objectifs de vie, à développer une nouvelle compréhension de ce qui est important à leurs yeux, ainsi qu’une plus grande force personnelle. Ils sentent que leurs relations sociales sont plus intimes ou plus significatives, et ont une plus grande appréciation de la vie.</p>
<p>La recherche sur le bien-être psychologique de ces travailleurs est essentielle pour mieux les soutenir dans leurs fonctions et dans le travail qu’ils accomplissent.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/219767/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Michelle Dewar a bénéficié du soutien financier du Conseil de recherches en sciences humaines du Canada et du Fonds de recherche du Québec en société et culture.
</span></em></p>Les travailleurs humanitaires doivent souvent faire des choix difficiles. Les organisations doivent être conscientes de l’impact mental sur leur personnel et lui apporter leur soutien.Michelle Dewar, Doctorante en psychologie (Ph.D/D.ps), Université du Québec à Montréal (UQAM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2189472023-12-13T20:38:33Z2023-12-13T20:38:33ZComment aider quelqu’un à sortir d’une secte ?<p>Le 28 novembre 2023, <a href="https://www.liberation.fr/societe/police-justice/vaste-coup-de-filet-en-france-contre-une-secte-internationale-de-yoga-tantrique-20231128_BXFCO4VCKJCGNKHREQOLQMBKQU/">la police française a perquisitionné des propriétés </a> associées à la Fédération Internationale de Yoga et de Méditation, un groupe néo-tantrique aussi connu sous le nom d'Atman. 41 personnes ont été placées en garde à vue, dont le chef spirituel roumain Gregorian Bivolaru, qui fait face à des accusations de « trafic d'êtres humains », « enlèvement en bande organisée », « viol » et « abus de faiblesse en bande organisée par des membres d'une secte ». Une source judiciaire a rapporté que 26 victimes présumées ont été retrouvées vivant dans des conditions exiguës et insalubres lors du raid. Cette opération met en lumière la crainte que certaines personnes puissent être manipulées et piégées dans des organisations sectaires dangereuses et néfastes.</p>
<p>Personne ne décide jamais d’adhérer à une secte.</p>
<p>Au début, l’idée de rejoindre un groupe semble <a href="https://www.bbc.com/afrique/region-65409532">répondre à un besoin ou à un idéal</a>. Pour la plupart des gens, cela semble fonctionner au début, du moins dans une certaine mesure.</p>
<p>Un récent <a href="https://www.parismatch.com/actu/faits-divers/linquietant-couple-derriere-twin-flames-universe-objet-dun-documentaire-sur-netflix-231633">documentaire Netflix</a> se penche sur les expériences des membres de Twin Flames Universe, un site fondé par un couple d’Américains qui propose des cours en ligne sur la recherche de l’âme sœur. Les personnes qui rejoignent Twin Flames attendent, contre plusieurs milliers de dollars, d’être mises en contact avec leur « flamme jumelle ». Cependant, d’anciens membres du groupe affirment avoir subi un contrôle démesuré sur tous les aspects de leur vie. Une déclaration <a href="https://twinflamesuniverse.com/media-statement/">sur le site web du groupe</a> indique que ces affirmations « déforment » leurs « véritables objectifs et méthodes » et « dénaturent l’autonomie des membres de notre communauté ».</p>
<p>De manière générale, pourquoi certaines personnes quittent-elles une secte et comment peut-on aider quelqu’un qui est membre d’une secte ? La réponse est toujours <a href="https://www.unadfi.org/rubrique/prevention/aide-aux-victimes/">unique et dépend du contexte</a>. Les facteurs importants à prendre en compte sont les caractéristiques personnelles de l’individu, la nature du groupe et les circonstances extérieures.</p>
<p>Pour certaines personnes, l’éloignement est progressif. Le groupe sectaire classique encourage à s’isoler de ses amis, de sa famille et même de son emploi. Mais si la personne continue à s’engager dans d’autres activités et groupes sociaux, ceux-ci peuvent réduire l’attrait d’un groupe sectaire de plus en plus exigeant.</p>
<p>Certaines personnes changent brusquement d’avis lorsque le groupe sectaire franchit une ligne éthique ou lorsqu’elles se rendent compte de la duplicité de l’enseignement et du comportement d’un leader. Il arrive qu’un groupe de personnes <a href="https://www.purepeople.com/article/joaquin-phoenix-ses-parents-ont-fait-partie-d-une-secte-accusee-de-pedophilie_a281506/1">décide de partir ensemble</a>.</p>
<p>Cependant, à mesure que la durée et la profondeur de l’engagement augmentent, il peut devenir de plus en plus difficile de partir. Cela est dû en partie à l’effet dit des <a href="https://www.observatoire-ocm.com/management/couts-irrecuperables/">« coûts irrécupérables »</a>. Si vous dépensez toutes vos économies en « formation » et que vous coupez tous vos liens avec votre famille, il devient plus difficile de repartir à zéro.</p>
<p>En outre, de nombreuses personnes sont victimes des activités néfastes du groupe, tout en y contribuant. <a href="https://infosecte.org/wp-content/uploads/Pelland-M-A.-2009.-Victimisation-au-sein-des-sectes.pdf">La honte et la stigmatisation sociale</a> ne facilitent pas le départ.</p>
<p>Si vous craignez qu’une personne de votre entourage ait rejoint une secte, que pouvez-vous faire pour l’aider ?</p>
<h2>Surveillez votre langage</h2>
<p>L’intervention d’une personne extérieure <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0165178116319941">peut aider à protéger quelqu’un</a> d’un endoctrinement plus poussé, mais il est important de faire attention aux termes utilisés dans les conversations.</p>
<p><a href="https://archive.org/details/isbn_9780113409273/page/110/mode/2up">Les recherches sur les personnes qui ont quitté</a> des groupes sectaires ont montré que ces différentes actions peuvent aider la personne sous emprise :</p>
<ul>
<li><p>essayer de maintenir un contact positif</p></li>
<li><p>ne pas faire honte à la personne ni la dévaloriser</p></li>
<li><p>être curieux et faire des recherches</p></li>
<li><p>Poser des questions sur des aspects spécifiques du groupe qui vous inquiètent.</p></li>
</ul>
<p>Ne dites pas à une personne enthousiaste à l’idée de rejoindre un groupe que vous estimez sectaire que vous pensez qu’elle a subi un lavage de cerveau ou qu’elle fait partie d’une secte. À ce stade du parcours de la personne, l’utilisation de <a href="https://www.swissinfo.ch/fre/societe/groupes-religieux-probl%C3%A9matiques_comment-aider-un-proche-%C3%A0-sortir-d-une-secte/45122758">langage sur les sectes</a> lui donne généralement l’impression d’être séparée de la société.</p>
<p>Les membres des groupes sectaires sont souvent avertis que les personnes extérieures au groupe ne peuvent pas comprendre les expériences des convertis. Le fait de qualifier le groupe de secte diabolique peut renforcer cette croyance.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Deux hommes qui marchent en discutant avec des cafés à emporter" src="https://images.theconversation.com/files/561858/original/file-20231127-21-boemhx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/561858/original/file-20231127-21-boemhx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/561858/original/file-20231127-21-boemhx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/561858/original/file-20231127-21-boemhx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/561858/original/file-20231127-21-boemhx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/561858/original/file-20231127-21-boemhx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/561858/original/file-20231127-21-boemhx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Si vous connaissez une personne influencée par un groupe sectaire, tentez de maintenir un contact bienveillant avec elle.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/image-photo/friends-senior-young-man-walking-talking-2223478821">Dmytro Sheremeta/Shutterstock</a></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Faites vos recherches</h2>
<p>L’adhésion à un groupe sectaire s’accompagne généralement d’un effet d’attraction (ce que le groupe a d’attirant) et d’un effet de répulsion (ce que la personne essaie de changer dans sa vie). L’exploration et l’identification de ces facteurs d’attraction et de répulsion peuvent encourager les gens à prendre des décisions plus actives et les faire réfléchir à leur propre identité.</p>
<p><a href="https://infosecte.org/">Faites des recherches</a> sur ce qui peut poser problème dans ce groupe particulier. Il peut être utile de poser des questions sur des points spécifiques avant de soulever les problèmes.</p>
<p>Par exemple :</p>
<ul>
<li><p>Que se passerait-il si on te demandait de ne plus jamais être en contact avec ta famille ? Est-ce acceptable et éthique ? Que penseront-ils du fait que tu quittes leur vie ?</p></li>
<li><p>Combien d’argent penses-tu qu’il soit raisonnable de dépenser pour ce groupe ?</p></li>
<li><p>Serait-ce une bonne idée de protéger tes économies ou tes biens, juste « au cas où » les choses changeraient avec le groupe ?</p></li>
</ul>
<h2>Encourager la pensée critique</h2>
<p>L’utilisation de <a href="https://archive.org/details/thoughtreformpsy0000lift/page/428/mode/2up?q=cliche">« clichés bloquant la réflexion »</a>, des phrases passe-partout qui empêchent toute pensée critique, est souvent utilisée par des groupes sectaires qui visent à aligner la pensée des gens sur un dogme.</p>
<p>Par exemple, les mauvaises expériences ou les maladies peuvent être attribuées au « karma » ou l’attention portée aux besoins physiques et émotionnels peut être qualifiée de « recherche de soi » ou de « promotion de l’ego ». Ces explications peuvent être gentiment remises en question en introduisant d’autres idées, présentées comme des possibilités.</p>
<p>Dans certains groupes, les expériences des membres sont constamment remises en question et reformulées. Par exemple, la remise en question d’une figure d’autorité peut être détournée en accusant le membre de faire preuve d’un « manque de foi » ou en lui ordonnant de « méditer sur son esprit négatif ».</p>
<p>Ce type de comportement peut être assimilé au <a href="https://www.cairn.info/magazine-cerveau-et-psycho-2022-6-page-82.htm">gaslighting</a>, technique de manipulation qui consiste à inciter quelqu’un à ne pas faire confiance à sa mémoire, à ses pensées et à ses sensations, et peut amener les gens à se sentir désorientés, physiquement malades et à douter de leur santé mentale.</p>
<p>Des questions telles que celles proposées ci-dessus peuvent encourager une personne à envisager d’autres façons de penser et à s’intéresser plus clairement à ses propres expériences et à son éthique. Cela aide les gens à réfléchir de manière plus critique aux explications données par un groupe pour justifier un comportement nuisible et à rester en contact avec leur propre boussole morale interne.</p>
<p>S’ils sont enracinés dans le groupe, cela vaut la peine d’essayer de garder une porte ouverte. Un contact, même minime, à l’occasion d’un anniversaire ou de Noël, peut aider les gens à savoir qu’il y a une personne amicale à l’extérieur. Une <a href="https://doi.org/10.1037/rel0000410">étude récente</a> sur les membres de la famille des adeptes d’une secte a montré que ceux qui ont fini par quitter le groupe ont déclaré que les liens familiaux étroits en dehors du mouvement étaient importants.</p>
<h2>La vie d’après</h2>
<p>Les expériences de départ des groupes religieux sont <a href="https://www.cerveauetpsycho.fr/sd/psychologie/le-long-combat-pour-sortir-de-la-secte-5487.php">complexes</a> et diverses. Certains peuvent se distancer physiquement d’un groupe, mais conservent des aspects de son idéologie et même certaines <a href="https://global.oup.com/academic/product/drifting-through-samsara-9780197579961?cc=us&lang=en&#">pratiques</a> pendant de longues périodes après avoir quitté le groupe. Un exemple est le mouvement <a href="https://www.bloomsbury.com/uk/free-zone-scientology-9781350182547/">Free Zone Scientology</a>, composé de personnes qui pratiquent les techniques de <a href="https://www.slate.fr/culture/gare-au-gourou/ron-hubbard-free-jazz-fondateur-scientologie-the-apollo-stars">Ron Hubbard</a> en dehors des structures de l’Église de Scientologie.</p>
<p>Dans d’autres cas, les anciens membres continuent parfois à avoir des contacts sociaux avec des personnes du groupe, surtout si des proches sont encore membres. Ils peuvent décider de ne jamais dénoncer officiellement le groupe, tout en s’éloignant de sa vision du monde.</p>
<p>Il n’est pas facile de reprendre pied socialement et financièrement après avoir quitté un groupe sectaire. Selon une <a href="https://link-springer-com.libezproxy.open.ac.uk/article/10.1007/s10943-021-01397-1">étude récente</a>, « un effort émotionnel considérable » est nécessaire pour créer de nouveaux liens sociaux et une nouvelle compréhension de soi.</p>
<p>Certaines personnes peuvent avoir besoin d’un soutien pratique pour trouver un logement, un emploi ou une formation. Pour beaucoup, le contact avec d’autres personnes ayant vécu des expériences similaires est important et valorisant.</p>
<p>Les personnes qui quittent une secte peuvent avoir besoin de <a href="https://www.bacp.co.uk/bacp-journals/therapy-today/2013/may-2013/working-with-cult-survivors/">temps et d’espaces sécurisés</a> pour réévaluer leurs expériences. Dans la mesure du possible, il est préférable de le faire avec l’aide d’un conseiller professionnel.</p>
<p>Ces groupes sectaires montrent à quel point notre besoin de liens sociaux peut être puissant – à la fois pour attirer les gens dans ces groupes et pour les aider à s’en retirer.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/218947/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Suzanne Newcombe est directrice honoraire d'Inform - Information Network Focus on Religious Movements (<a href="http://www.inform.ac">www.inform.ac</a>). Inform a été créé en 1988 par le professeur Eileen Barker de la London School of Economics afin de fournir des informations actualisées et précises sur les groupes religieux nouveaux et minoritaires, souvent appelés "sectes", et de jeter un pont entre la recherche universitaire et les questions du grand public. Son financement de départ a été assuré par le ministère de l'intérieur britannique et Inform continue de recevoir des fonds du gouvernement britannique pour le financement de projets, ainsi que des subventions de fondations caritatives et d'organismes de financement universitaires.</span></em></p>Si vous craignez qu’une personne de votre entourage ait rejoint un groupe sectaire, il est important de ne pas lui faire honte ou de la dévaloriser.Suzanne Newcombe, Senior Lecturer in Religious Studies, The Open UniversityLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2146072023-12-13T20:37:12Z2023-12-13T20:37:12ZLa science des rêves et des cauchemars : que se passe-t-il dans notre cerveau quand nous dormons ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/550970/original/file-20230830-27-ozyppi.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=35%2C0%2C5946%2C3979&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Il est très difficile d’étudier les rêves parce qu’on ne peut pas observer ce qui se passe quand les gens dorment.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.pexels.com/photo/photo-of-a-woman-sleeping-near-fluffy-clouds-8264248/">Pexel/Ron Lach</a></span></figcaption></figure><p>La nuit dernière, vous avez sans doute dormi <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S2352721816301292">sept ou huit heures</a>. Vous avez probablement eu une ou deux heures de sommeil profond, surtout si vous êtes jeune ou actif physiquement. En effet, le sommeil <a href="http://apsychoserver.psych.arizona.edu/jjbareprints/psyc501a/readings/Carskadon%20Dement%202011.pdf">se modifie avec l’âge</a>, et <a href="https://www.hindawi.com/journals/apm/2017/1364387/">l’exercice physique</a> affecte l’activité cérébrale. Vous avez également eu environ trois ou quatre heures de sommeil léger.</p>
<p>Le reste du temps, vous étiez vraisemblablement dans la phase de sommeil paradoxal (REM pour <em>rapid eye movement</em>). Bien qu’il ne s’agisse pas du seul moment où le cerveau rêve – c’est possible durant d’autres phases –, c’est celui où il est le plus probable qu’on se souvienne de l’activité cérébrale et qu’on puisse la raconter.</p>
<p>C’est possible parce que des pensées ou des sentiments bizarres nous réveillent ou parce que la dernière heure de sommeil est presque entièrement constituée de <a href="https://www.researchgate.net/profile/Elizaveta-Solomonova/publication/320356182_Dream_Recall_and_Content_in_Different_Stages_of_Sleep_and_Time-of-Night_Effect/links/5a707bdb0f7e9ba2e1cade56/Dream-Recall-and-Content-in-Different-Stages-of-Sleep-and-Time-of-Night-Effect.pdf">sommeil paradoxal</a>. Quand un songe ou une alarme nous réveillent, on sort généralement du sommeil paradoxal et les images d’un rêve peuvent nous habiter encore quelques minutes. On en garde alors le souvenir.</p>
<p>Si le songe est étrange ou intéressant, il se peut qu’on en parle à quelqu’un d’autre, ce qui permet de mieux l’<a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s00426-022-01722-7">encoder</a> dans la mémoire.</p>
<p>Les rêves et les cauchemars sont mystérieux, et nous n’avons pas fini d’en apprendre sur eux. Ils font rouler notre cerveau, nettoient les pensées liées aux événements de la journée à l’échelle moléculaire et peuvent nous aider à imaginer ce qui est possible pendant nos heures d’éveil.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/etre-pourchasse-perdre-ses-dents-tomber-ce-que-la-science-dit-des-reves-recurrents-160505">Être pourchassé, perdre ses dents, tomber… Ce que la science dit des rêves récurrents</a>
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<h2>Que savent les scientifiques sur le sommeil paradoxal et les rêves ?</h2>
<p>Il est très difficile d’étudier les rêves parce qu’on ne peut pas observer ce qui se passe quand les gens dorment. L’imagerie cérébrale a révélé que certains <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S1087079216300673#sec3">schémas d’activité cérébrale</a> sont associés au rêve (et aux phases du sommeil qui y sont davantage associées). Mais ces essais reposent sur des témoignages personnels sur l’expérience du rêve.</p>
<p>Tout ce à quoi l’on consacre autant de temps permet sans doute d’atteindre plusieurs objectifs.</p>
<p>Au niveau physiologique de base, tous les mammifères rêvent (comme l’indiquent <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S1053810021001409">l’activité cérébrale, le comportement pendant le sommeil et des études sur la conscience</a>) – même l’ornithorynque et l’échidné font probablement l’expérience de quelque chose de similaire au rêve (à condition que leur corps soit à la <a href="https://www.wired.com/2014/07/the-creature-feature-10-fun-facts-about-the-echidna/#:%7E:text=It%20was%20long%20thought%20that,re%20at%20the%20right%20temperature.">bonne température</a>). On peut voir une ressemblance entre leur activité cérébrale et leurs phases de sommeil et le <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S1053810021001409#b0630">sommeil paradoxal humain</a>.</p>
<p>Ce n’est pas le cas des espèces moins évoluées. Certaines <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S2468867319301993#sec0030">méduses</a> – qui n’ont pas de cerveau – font l’expérience de ce que l’on pourrait qualifier de sommeil sur le plan physiologique (selon leur position, leur calme, leur manque de réactivité et leur « réveil » rapide en cas de nécessité), mais sans les éléments physiologiques et comportementaux qui rappellent le sommeil paradoxal.</p>
<p>Chez les êtres humains, on considère que le sommeil paradoxal se produit cycliquement toutes les 90 à 120 minutes au cours de la nuit. Il nous empêche de dormir trop profondément et d’être <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC4972941/">vulnérables aux attaques</a>. Certains scientifiques avancent que nous rêvons pour éviter que notre cerveau et notre corps se refroidissent. Notre température centrale est généralement <a href="https://www.thelancet.com/journals/laneur/article/PIIS1474-4422(22)00210-1/fulltext">plus élevée pendant ces phases du sommeil</a>. Si l’on doit réagir à des signaux externes ou à des dangers, il est plus facile de se réveiller <a href="https://www.tandfonline.com/doi/pdf/10.2147/NSS.S188911">au milieu d’un songe</a> qu’à d’autres moments.</p>
<p>Pendant le sommeil paradoxal, le cerveau se met en mode actif pour un certain temps, à la manière d’un périscope qui donne accès à la conscience en nous permettant d’observer ce qui se passe à la surface, pour replonger si tout va bien.</p>
<p>Certaines données indiquent que les « rêves de fièvre » sont beaucoup moins fréquents qu’on ne le pense. En effet, on atteint moins la <a href="https://www.frontiersin.org/articles/10.3389/fpsyg.2020.00053/full">phase du sommeil paradoxal</a> quand on est fiévreux, même si les songes qu’on fait alors ont tendance à être <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC3830719/">plus sombres et étranges</a>.</p>
<p>Le fait de passer alors moins de temps en sommeil paradoxal pourrait s’expliquer par la difficulté à réguler sa température corporelle pendant cette phase. Pour nous protéger, le cerveau tente de réguler la température corporelle en « sautant » cette phase du sommeil. <a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/23744731.2020.1756664">C’est aussi pour cette raison</a> que nous rêvons généralement moins quand il fait chaud.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/545459/original/file-20230830-17-n6ash3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="bed in pink landscape" src="https://images.theconversation.com/files/545459/original/file-20230830-17-n6ash3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/545459/original/file-20230830-17-n6ash3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=388&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/545459/original/file-20230830-17-n6ash3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=388&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/545459/original/file-20230830-17-n6ash3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=388&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/545459/original/file-20230830-17-n6ash3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=488&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/545459/original/file-20230830-17-n6ash3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=488&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/545459/original/file-20230830-17-n6ash3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=488&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Notre cerveau se nettoie quand il rêve.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.pexels.com/photo/bed-on-colorful-flowers-on-cape-10079452/">Pexels/Mo Eid</a></span>
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<h2>Un nettoyage en profondeur du cerveau</h2>
<p>Le sommeil paradoxal est important pour assurer le bon fonctionnement du cerveau, comme l’indiquent des études qui utilisent l’<a href="https://www.cell.com/current-biology/pdf/S0960-9822(17)31329-5.pdf">électroencéphalographie</a> pour mesurer l’activité du cerveau.</p>
<p>De la même manière que le sommeil profond aide le corps à restaurer ses capacités physiques, le sommeil de rêve <a href="https://www.cell.com/current-biology/pdf/S0960-9822(17)31329-5.pdf">« rince »</a> nos circuits neuronaux. À l’échelle moléculaire, les substances chimiques qui étayent la pensée sont déformées par l’activité cognitive de la journée. Le sommeil profond leur permet de retrouver leur forme initiale. Le cerveau est <a href="https://www.science.org/doi/abs/10.1126/science.1241224">« lavé »</a> par du liquide céphalo-rachidien que contrôle le <a href="https://theconversation.com/on-your-back-side-face-down-mice-show-how-we-sleep-may-trigger-or-protect-our-brain-from-diseases-like-als-181954">système glymphatique</a>.</p>
<p>À un autre niveau, le sommeil paradoxal « met de l’ordre » dans nos souvenirs et nos sentiments récents. Pendant <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC534695/">cette phase</a>, notre cerveau consolide les souvenirs procéduraux (la façon d’accomplir une tâche) et les émotions. Les <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC534695/">autres phases</a> de sommeil, au cours desquelles nous rêvons moins, sont importantes pour la consolidation des souvenirs épisodiques (les événements).</p>
<p>À mesure que la nuit avance, notre production de cortisol, <a href="https://psycnet.apa.org/record/2005-01907-021">l’hormone du stress</a>, augmente. On pense que la quantité de cortisol peut influencer le type de souvenirs que nous consolidons et peut-être le type de songes que nous faisons. Cela signifie que les rêves de fin de nuit ont tendance à être <a href="https://learnmem.cshlp.org/content/11/6/671.full.pdf">plus fragmentés ou bizarres</a>.</p>
<p>Les différents types de sommeil permettent de <a href="https://www.researchgate.net/profile/Jb-Eichenlaub/publication/313545620_Daily_Life_Experiences_in_Dreams_and_Sleep-Dependent_Memory_Consolidation/links/5c532b0ba6fdccd6b5d76270/Daily-Life-Experiences-in-Dreams-and-Sleep-Dependent-Memory-Consolidation.pdf">consolider</a> l’activité cérébrale utile de la journée et d’éliminer les informations de moindre importance.</p>
<h2>Pensées aléatoires, sentiments réorganisés</h2>
<p>Ce classement et cette élimination des activités de la journée se déroulent pendant que nous dormons. C’est pourquoi nous rêvons souvent de choses qui se sont produites <a href="https://journals.plos.org/plosone/article?id=10.1371/journal.pone.0264574">pendant la journée</a>.</p>
<p>Parfois, lorsque les pensées et les sentiments sont réorganisés et jetés à la <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC3921176/">« poubelle »</a> pendant le sommeil, nous pouvons ressentir de la conscience. Des pensées et des sentiments aléatoires sont mélangés de façon insolite et merveilleuse. Le fait que nous ayons conscience de ce processus peut expliquer l’étrangeté de certains songes. Nos expériences diurnes peuvent aussi engendrer des cauchemars ou des rêves angoissants après un <a href="https://www.sleepfoundation.org/dreams/how-trauma-can-affect-dreams">événement traumatisant</a>.</p>
<p>Certains rêves semblent <a href="https://rai.onlinelibrary.wiley.com/doi/pdfdirect/10.1111/j.1467-9655.2010.01668.x">prédire l’avenir ou sont porteurs d’un symbolisme fort</a>. Dans plusieurs sociétés, les rêves sont considérés comme une fenêtre sur une <a href="https://digitalcommons.ciis.edu/cgi/viewcontent.cgi?article=1050&context=ijts-transpersonalstudies">réalité alternative</a> où l’on peut envisager diverses possibilités.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/545460/original/file-20230830-29-3jrotm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/545460/original/file-20230830-29-3jrotm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/545460/original/file-20230830-29-3jrotm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=355&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/545460/original/file-20230830-29-3jrotm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=355&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/545460/original/file-20230830-29-3jrotm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=355&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/545460/original/file-20230830-29-3jrotm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=447&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/545460/original/file-20230830-29-3jrotm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=447&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/545460/original/file-20230830-29-3jrotm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=447&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Les souvenirs peuvent être cimentés par les rêves et les cauchemars et les alimenter.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.pexels.com/photo/assorted-photos-on-table-1989747/">Pexels/Suzy Hazelwood</a></span>
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<h2>Les rêves ont-ils un sens ?</h2>
<p>Nous avons une <a href="https://www.nature.com/articles/nrn2716">bonne compréhension</a> des aspects thermorégulateurs, moléculaires et neuronaux des rêves. Mais leurs aspects psychologiques et spirituels restent largement méconnus.</p>
<p>Notre cerveau est peut-être conçu pour essayer de donner un sens aux choses. Les sociétés humaines ont toujours interprété des phénomènes aléatoires – le vol des oiseaux, les feuilles de thé ou les planètes – et cherché leur signification. Presque toutes les sociétés humaines considéraient les rêves comme étant plus qu’un simple fonctionnement neuronal aléatoire.</p>
<p>L’histoire des sciences nous apprend que certains phénomènes que l’on croyait magiques peuvent être compris et maîtrisés par la suite, pour le meilleur et pour le pire.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/214607/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Les rêves font fonctionner notre cerveau. Ils nettoient les pensées des événements de la journée. Ils peuvent même nous aider à imaginer ce qui est possible pendant nos heures de veille.Drew Dawson, Director, Appleton Institute, CQUniversity AustraliaMadeline Sprajcer, Lecturer in Psychology, CQUniversity AustraliaLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2171992023-11-14T18:56:07Z2023-11-14T18:56:07ZComment appréhender les images des violences terroristes contre les otages ?<p><em>Attention, les descriptions de faits violents rapportés dans cet article peuvent heurter un public sensible.</em></p>
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<p>Visuellement, Shani Louk est apparue aux yeux de tous le 7 octobre dernier. Cette jeune Israélo-Allemande, tatoueuse de profession, a été kidnappée alors qu’elle participait au festival Tribe of Nova. On l’a vue dénudée et sur le ventre, à l’arrière d’un pickup, dans une courte vidéo de propagande prise par le Hamas.</p>
<p>Sur cette vidéo, sa tête est ensanglantée et elle apparaît inconsciente. Plusieurs miliciens du Hamas la présentent en trophée, tandis qu’un autre, placé à côté du véhicule, lui crache dessus. Le film montre ensuite le véhicule démarrer et disparaître au loin. Shani Louk a été rapidement identifiée par sa mère grâce à ses tatouages et à ses dreadlocks. Trois semaines après son enlèvement, <a href="https://www.bbc.com/news/world-middle-east-67260093">elle a été déclarée morte</a>.</p>
<p>Le destin tragique et révoltant de Shani Louk doit nous inciter à réfléchir à la visibilité de la violence terroriste, à l’usage qui en est fait et à l’impact que ces images ont sur nous. En prenant évidemment toutes les précautions possibles.</p>
<p>Le raid meurtrier du Hamas sur Israël le 7 octobre 2023 a apporté son lot d’images atroces, même si, apparemment, les plus insoutenables n’ont pas toujours été diffusées, et qu’Israël dispose d’un <a href="https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/france-culture-va-plus-loin-l-invite-e-des-matins/videos-de-l-attaque-du-hamas-une-nouvelle-dimension-de-la-cruaute-4379606">montage vidéo de 43 minutes</a> d’images très difficiles à regarder, qui ont été montrées à des chercheurs, des journalistes et des parlementaires.</p>
<p>L’embarras des médias et leur autocensure sont importants dès qu’il s’agit de montrer la violence, dès que la dignité des victimes est en jeu, dès que les images relèvent de la propagande, dès qu’elles sont trop perturbantes, mais aussi dès qu’elles provoqueraient des émotions trop fortes.</p>
<p>La déontologie journalistique (voir par exemple la <a href="https://www.afp.com/sites/default/files/charte_deontologique_afp-mars2023.pdf">page 19 de cette charte de l’AFP</a>) comme les spécialistes des images fixent des règles à ce sujet, partant du postulat que la violence peut être l’ennemie de l’information, et qu’on comprend mieux un phénomène lorsque sa représentation est « apaisée ».</p>
<p>Le philosophe <a href="https://journals.openedition.org/etudesphotographiques/321">Yves Michaud</a> pense ainsi que les images des blessés de l’attentat du RER Saint-Michel en 1995 ne dénoncent ni la violence ni le terrorisme, mais on pourrait poser tout au contraire que, le temps passant, elles acquièrent désormais une valeur d’archives historiques, annonçant l’ère du terrorisme djihadiste en France.</p>
<p>Nombre d’images tombent dans l’oubli et demeurent invisibles. Mais la <a href="https://laviedesidees.fr/Faut-il-montrer-les-images-de-violence">visibilité de la violence</a> est une question qui ne fait que se répéter et s’amplifier à l’ère de la profusion d’images et de leurs canaux de diffusion.</p>
<p>On peut dès lors s’interroger, comme le suggérait l’essayiste, romancière et militante américaine <a href="https://bourgoisediteur.fr/catalogue/devant-la-douleur-des-autres/">Susan Sontag</a> dans son essai « Devant la douleur des autres », sur le fait d’accepter de se laisser hanter par les images de violence et d’apprendre à les regarder.</p>
<h2>Nudité et violence</h2>
<p>L’effroi provoqué par les images de la capture de Shani Louk tient notamment à la vulnérabilité de la jeune fille exposée. Elle se retrouve au milieu des visages ivres de haine des membres du Hamas qui inspirent la terreur et occupent tout l’espace d’une image qui proclame leur gloire.</p>
<p>L’empathie qu’une image peut provoquer peut ainsi passer par la présence dérangeante de la nudité comme préalable récurrent à la violence ou à la mort.</p>
<p>On pense aux femmes dénudées lors des pogroms de Lviv en Ukraine en 1941, où furent tués des milliers de Juifs. On dispose de plusieurs photos de ces femmes, qui ne sont bizarrement pas devenues iconiques, peut-être parce que, comme le note l’historienne anglaise <a href="https://press.uchicago.edu/ucp/books/book/distributed/P/bo12346074.html">Griselda Pollock</a> à propos des massacres de Juifs dans les pays baltes à la même époque, pour un regard masculin, la nudité détourne de la perspective de la mort.</p>
<p>Pour autant, comme l’a montré <a href="http://www.leseditionsdeminuit.fr/livre-Images_malgr%C3%A9_tout-2050-1-1-0-1.html">Georges Didi-Huberman</a>, ce sont bien trois photos de corps nus, vivants puis morts, de femmes déshabillées avant l’entrée dans les chambres à gaz d’Auschwitz, prises par les membres d’un Sonderkommando – des unités de travail dans les centres d’extermination nazis, composées de prisonniers, juifs dans leur très grande majorité, forcés à participer au processus de la « solution finale » – qui donne un « imaginable » à la pensée du « dehors » et à ce dont personne n’entrevoyait la possibilité.</p>
<p>Plus près de nous, en 1972, la <a href="https://www.francetvinfo.fr/culture/arts-expos/photographie/kim-phuc-la-petite-fille-au-napalm-photographiee-au-vietnam-il-y-a-47-ans-se-raconte-dans-sauvee-de-l-enfer_3647071.html">« napalm girl »</a> de Nick Ut, petite fille au dos brûlé et hurlant de douleur, fuyant son village bombardé, a failli ne jamais paraître dans les journaux du monde entier, parce qu’Associated Press était gêné par sa nudité. Encore aujourd’hui, les algorithmes des réseaux sociaux traquent et éliminent cette image, alors même qu’elle est célèbre et que sa puissance iconographique provient du contraste entre la fragilité de Kim Phuc – c’est son nom – et le champ de bataille où elle est piégée, son statut d’enfant innocent et la violence des adultes dont elle est victime.</p>
<p>Le destin visuel de Shani Louk fait immanquablement penser à l’image méconnue mais saisissante de la jeune patriote russe Zoïa Kosmodemianskaïa, tuée par les nazis en 1941 dans le village de Petrishchevo, pendue puis dépoitraillée, le sein coupé, mais le visage intact. Analysant la photographie de son corps, <a href="https://www.rougeprofond.com/produit/representer-lhorreur/">Frédéric Astruc</a> montre qu’elle est un point d’équilibre improbable entre beauté et horreur, et qu’elle redonne toute son humanité à Zoïa face à ses meurtriers barbares.</p>
<p>Faire disparaître le corps de Shani Louk, dont le visage est d’ailleurs dérobé, c’est aussi prendre le risque d’interdire toute identification et reconduire l’effacement de sa présence au monde voulu par ses bourreaux.</p>
<h2>Une image saturée d’oppositions</h2>
<p>La mise en scène par le Hamas de cet enlèvement est un précipité de ce qui caractérise le terrorisme contemporain. En effet, les actions terroristes sont marquées par une <a href="https://www.cairn.info/revue-internationale-des-sciences-sociales-2002-4-page-525.htm">déconnexion</a> entre les victimes réellement touchées et les cibles politiques ultimement visées.</p>
<p>Dans la « logique » de cette violence aveugle, tuer des gens au Bataclan ferait avancer la cause de l’établissement d’un califat dans la zone syro-irakienne, et mitrailler des danseurs dans le désert permettrait de lutter contre Israël.</p>
<p>Mais la réception de ces actions par les populations relève de la pure terreur, sans idée qu’une transaction politique entre les terroristes et l’État soit possible, car l’atteinte à des civils qui ne sont pas directement concernés est insupportable. Pour le Hamas, Shani Louk est une prise de guerre, mais son dénuement dit justement le contraire : elle est dès l’origine étrangère au conflit, ni son métier ni l’activité festive qu’elle menait avant d’être prise en otage ne l’en rapproche, et sa capture n’est pas un objectif militaire.</p>
<p>Comme souvent, les images de propagande sont réversibles : là où le Hamas entend mettre en scène un coup de force, les publics occidentaux voient une action armée qui vise essentiellement des civils désarmés, et rappelle plutôt la brutalité des gangs et des cartels mexicains. Voire une activité criminelle dépolitisée, où les assassinats de bébés et d’enfants, les viols de femmes, les kidnappings de vieilles dames, les tirs systématiques sur toute personne rencontrée, jusque dans l’espace domestique, ne peuvent être rapportés à une quelconque logique militaire.</p>
<p>C’est au contraire la dissymétrie entre tueurs et victimes que dévoile la vidéo de Shani Louk, dans des couples d’oppositions difficiles à appréhender émotionnellement.</p>
<p>Comme au Bataclan encore, opposition entre une rave party insouciante et l’irruption d’une violence qui l’achève dans le sang. Opposition entre l’espace de la fête et celui de la guerre, symbolisé ici par les mitraillettes et les jeeps. Opposition entre les photographies de Shani Louk avant son enlèvement, qui ont circulé sur Internet, la montrant en tenue bohème, clubbeuse, jeune fille « de son époque » posant sur Instagram pour ses <a href="https://www.businessinsider.com/shani-louk-friends-family-describe-german-israel-who-was-killed-2023-11">13 000 followers</a>, et ses derniers instants insupportables.</p>
<p>Opposition de posture et de sons entre des miliciens gesticulant et hurlant, levant leurs armes, et une jeune femme inconsciente. Opposition des religions entre combattants fanatisés et victimes, le Hamas traquant des « Juifs », avant de traquer des « Israéliens », ce qui a conduit à l’utilisation du mot « pogrom » pour qualifier l’attaque du 7 octobre. Toutes ces oppositions reconduisent en fait le découplage initial entre des univers qui « n’auraient pas dû » se rencontrer et que le terrorisme fait se rencontrer, celui de la violence et celui des civils.</p>
<p>Accepter d’être hanté par les images de souffrance et de violence, c’est se laisser envahir par des émotions dites négatives, par la sidération et le choc, alors même que les journalistes hésitent à les montrer, que la loi française interdit pénalement de publier des images portant atteinte à la dignité des victimes, et que les <a href="https://www.lemonde.fr/international/video/2023/10/23/guerres-massacres-attentats-les-conseils-d-un-psychiatre-pour-se-proteger-face-aux-images-violentes_6196124_3210.html">psychologues déconseillent de les regarder</a> au risque sinon de la sidération permanente, de <a href="https://www.slate.fr/tech-internet/operation-net-propre/travailleurs-horreur-quotidien-philipines-moderateurs-contenu-choquant-images-videos-reseaux-sociaux">l’anxiété</a>, du dégoût, voire de l’insensibilisation.</p>
<p>On sait que les images de propagande, d’exécutions (par Daech, par exemple), ici d’enlèvements, sont utilisées à des fins d’enrôlement de nouvelles recrues, de galvanisation, de construction de toute une imagerie de la violence et du martyre, afin de renforcer la radicalisation des terroristes.</p>
<p>Mais a contrario, les images choquantes peuvent aussi jouer un rôle de dénonciation et fédérer celles et ceux qui combattent ces violences. Pour ne citer qu’un exemple, les photos nazies ont été utilisées par la résistance polonaise, par les Soviétiques, par les journaux alliés, pour dénoncer le nazisme.</p>
<p>Cet iconoclasme contemporain tient à la confusion que pointait déjà <a href="https://lafabrique.fr/le-spectateur-emancipe/">Jacques Rancière</a> entre « l’intolérable dans l’image », celui de la réalité, et « l’intolérable de l’image ». Se confronter aux images c’est aussi accéder à d’autres émotions, la compassion notamment, provoquer des comportements, une révolte voire un engagement, face à la violence contre les civils, accéder à des informations, déconstruire une propagande, documenter une situation, ou encore identifier des assassins pour une éventuelle action en justice.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/217199/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Emmanuel Taïeb ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Le destin tragique et révoltant de Shani Louk, tuée par le Hamas, fait réfléchir à la visibilité de la violence et à la façon d’être traversé par les images.Emmanuel Taïeb, Professeur de Science politique - Rédacteur en chef de Quaderni, Sciences Po LyonLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1983572023-02-21T17:48:26Z2023-02-21T17:48:26ZEthique en recherche : comment travailler avec des personnes victimes de trauma ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/511119/original/file-20230220-28-33fck4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le trauma est au coeur de certaines recherches de terrain : comment s'y confronter tout en maintenant une démarche éthique ? </span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://unsplash.com/fr/photos/bBgoT9BnV3s">Grey / Unsplash</a></span></figcaption></figure><p>Formée dans une université d’Europe centrale, j’ai démarré mes premières recherches anthropologiques de manière classique. Avec mon carnet et un stylo, j’étais en route pour rencontrer des survivants de viols de guerre en Bosnie-Herzégovine, intéressée par la question des effets à long terme des <a href="https://www.routledge.com/Trauma-Transmission-and-Sexual-Violence-Reconciliation-and-Peacebuilding/Mocnik/p/book/9780367535346">traumatismes sur la sexualité</a> dans une société post-conflit. Peu de temps après avoir rencontré le premier groupe de survivants, j’ai pris conscience que j’étais mal formée aux <a href="https://www.cairn.info/revue-deviance-et-societe-2016-1-page-3.htm">méthodes de recherche</a> sur le terrain et qu’une <a href="https://journals.openedition.org/rac/1161">éthique de conduite de recherche standardisée</a> était nécessaire.</p>
<p><a href="https://ec.europa.eu/research/participants/data/ref/fp7/89888/ethics-for-researchers_en.pdf">L’examen éthique</a> a été institutionnalisé pour la première fois dans le Code de Nuremberg en 1947 comme un examen a valider pour être diplômé. En 1965, la World Medical Association a adopté une <a href="https://www.wma.net/what-we-do/medical-ethics/declaration-of-helsinki/">déclaration sur l’éthique de la recherche</a>, qui est encore aujourd’hui l’un des documents les plus importants pour établir des principes éthiques dans le domaine académique.</p>
<p>Son pivot est la conduite <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0305750X19304590">« no harm »</a> : la recherche ne doit jamais blesser qui que ce soit ; les données ne doivent pas s’obtenir aux dépens d’autrui.</p>
<h2>Une conduite éthique difficile à atteindre</h2>
<p>En pratique, une véritable conduite <a href="https://theconversation.com/il-faut-repenser-lethique-de-la-recherche-des-reseaux-sociaux-85433">« no harm »</a> peut être difficile à atteindre, en particulier lorsque l’<a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/10508422.2010.521443">on travaille avec des traumatismes</a>, car les stimulus réveillant la <a href="https://www.memoiretraumatique.org/psychotraumatismes/mecanismes.html">mémoire traumatique</a> – les déclencheurs – sont difficiles à prévoir et donc à éviter complètement.</p>
<p>Les approches méthodologiques orales standardisées, comme les entretiens semi-structurés peuvent être de facto délétères si, par exemple, on pose une question liée à une grossesse forcée ou à un viol de guerre. Je doute qu’il existe un moyen possible de poser de telles questions d’une manière totalement <a href="https://theconversation.com/recherche-comites-dethique-le-risque-dune-bureaucratie-de-la-vertu-118365">éthique</a>.</p>
<p>Outre le format méthodologique problématique, j’étais hantée par l’idée de construire une carrière sur la misère ou le malheur de certaines personnes. La plupart des recherches en sciences sociales n’ont pas d’impact positif direct pour les participants et après chaque terrain, je reviens dans ma vie universitaire confortable, tandis qu’elles et eux restent avec leur trauma et leur contexte de vie difficile.</p>
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<h2>Chercher de meilleurs outils pour ne pas nuire</h2>
<p>Cela m’a amenée à reconsidérer mon approche méthodologique et à chercher de meilleurs outils pour ne pas nuire. J’ai décidé d’appliquer une conduite de recherche qui favoriserait un échange plus mutuel.</p>
<p>Ma principale préoccupation était le respect de la conduite « no harm », mais la méthode que j’ai adoptée conserve des failles. Celle-ci utilise un paradigme méthodologique qui, selon les réglementations actuelles en matière de protection des données, pourrait ne pas être considéré comme <a href="https://theconversation.com/integrite-scientifique-les-universites-francaises-renforcent-leur-dispositif-80708">éthique</a>. J’ai en outre construit des relations amicales qui pourraient être perçues comme des biais lors de la collecte de données « objectives ». Il m’est arrivé d’improviser certaines activités dans le but de provoquer intentionnellement des réactions émotionnelles, improvisation qui, de facto, laisse les participants non informés au préalable. Enfin, cette méthode requiert un investissement personnel et émotionnel bien plus important du chercheur (ce qui, dans mon cas, a mené au burn-out).</p>
<figure class="align-left zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/510056/original/file-20230214-17-pfou7w.png?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C232%2C142%2C217&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Participante au groupe de théâtre mis en place lors de la recherche. Photo utilisée avec l’accord de la personne photographiée" src="https://images.theconversation.com/files/510056/original/file-20230214-17-pfou7w.png?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C232%2C142%2C217&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/510056/original/file-20230214-17-pfou7w.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=936&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/510056/original/file-20230214-17-pfou7w.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=936&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/510056/original/file-20230214-17-pfou7w.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=936&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/510056/original/file-20230214-17-pfou7w.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1176&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/510056/original/file-20230214-17-pfou7w.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1176&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/510056/original/file-20230214-17-pfou7w.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1176&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Participante au groupe de théâtre mis en place lors de la recherche. Photo utilisée avec l’accord de la personne photographiée.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Nada Zgank pour Nena Mocnik</span></span>
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<p>Concrètement, au lieu de méthodologies traditionnelles, j’ai introduit des activités axées <a href="https://theconversation.com/en-finir-avec-les-traumatismes-grace-a-la-peinture-lecriture-ou-la-chanson-107326">sur le corps</a>, tels la danse ou le théâtre.</p>
<p>Dans <a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/13569783.2019.1577729">l’une des sessions de recherche</a>, par exemple, j’ai demandé aux femmes survivantes d’utiliser le théâtre pour mettre en scène la rencontre avec le violeur. Cette activité a apporté des réponses en lien avec ma recherche (sur les impacts de traumatisme et sexualités par exemple). Elle a également permis aux victimes de potentiellement se préparer à <a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/13569783.2019.1577729">revivre la scène au tribunal</a>.</p>
<h2>Des limites aux enquêtes de qualité ?</h2>
<p>J’ai également choisi de passer beaucoup de temps avec les participants. Consacrer du temps aux participants devrait être une préoccupation éthique primordiale. Cela permet de réellement créer un lien avec eux, de sortir d’une relation purement utilitariste et peut prévenir de nombreux risques, particulièrement un nouveau traumatisme.</p>
<p>Pourtant, aujourd’hui, si on est attaché à une institution de recherche, en raison des différentes tâches que l’on nous confie, faire de la recherche de terrain de longue durée devient un privilège rare. Qui peut encore se permettre une anthropologie classique afin de comprendre en profondeur les comportements et les relations humaines ? Les pratiques de chercheurs du début du XX<sup>e</sup> siècle comme <a href="https://books.google.es/books/about/Race_Language_and_Culture.html?id=BnEV5JwQFhoC&redir_esc=y">Franz Boas</a>, <a href="https://books.google.es/books/about/An_Anthropologist_at_Work.html?id=9mEKAQAAIAAJ&redir_esc=y">Ruth Benedict</a>, et <a href="https://books.google.es/books/about/Sex_and_Temperament.html?id=tYLS3mqMa_oC&redir_esc=y">Margaret Mead</a> pour ne citer qu’eux, sont devenues des exceptions.</p>
<p>En outre, la grande majorité des ouvrages de ces chercheurs ne passeraient plus aujourd’hui l’examen éthique. Ce n’est pas seulement à cause de nombreuses lacunes et d’angles de vue désormais considérés problématiques, comme l’eurocentrisme. A l’époque, certaines conversations importantes, effectuées dans la dignité et le respect de l’autre, ont pu être analysées sans nécessairement tenir compte du consentement des individus. Dans le but de comprendre certains comportements ou schémas sociaux, ils observaient sans interagir avec les cas étudiés. Ces travaux de recherche se faisaient donc en général sans consentement. Parfois en raison de barrières linguistiques et culturelles, mais plus souvent encore parce qu’ils pensaient que cela affecterait le comportement des participants.</p>
<h2>Combiner éthique et recherche innovante</h2>
<p>Aujourd’hui, les recherches soutenues par des bourses prestigieuses – Marie Curie, par exemple – sont souvent soumises à des <a href="https://ec.europa.eu/research/participants/data/ref/h2020/grants_manual/hi/ethics/h2020_hi_ethics-self-assess_en.pdf">règles éthiques très rigides</a> qui limitent la créativité et la nouveauté.</p>
<p>Pourtant, les résultats les plus époustouflants que j’ai recueillis dans mes recherches ont souvent été la conséquence d’interactions spontanées, avec beaucoup de moments de surprise et de vulnérabilité partagée. Toute <a href="https://www.routledge.com/Sexuality-after-War-Rape-From-Narrative-to-Embodied-Research/Mocnik/p/book/9780367208172">mon argumentation sur l’utilisation du corps</a> comme puissant témoin de traumatismes repose sur une découverte accidentelle. Les activités, les réactions et les expressions des femmes, au-delà de la description orale, informaient davantage sur leur traumatisme que n’importe quel entretien structuré ou groupe de discussion.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/4xRilY9chIY?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Le corps, la meilleure porte d’entrée vers la mémoire du trauma ? Conférence du psychiatre Bessel Van Der Kolk.</span></figcaption>
</figure>
<p>Une recherche hautement réglementée et quasi « sous contrôle » qui se soucie excessivement de l’anonymisation totale – en supprimant tout élément permettant potentiellement d’identifier un enquêté – menace de détruire le cœur de la recherche anthropologique.</p>
<p>La « donnée » la plus utile que nous recueillons dans notre recherche est le récit, ces événements vécus de manière très personnelle et individuelle. Ils sont normalement racontés de façon très subjective, leur récit peut même être modifié par le temps qui passe et les circonstances qui changent.</p>
<p>Selon moi, la recherche de qualité en anthropologie et, plus généralement, en sciences humaines ne repose pas principalement sur des données vérifiées, mais sur la pensée critique, la reconnaissance des modèles humains et leur compréhension.</p>
<p>Une planification trop réglementée de la recherche permettra-t-elle de produire des résultats innovants, des savoir-faire révolutionnaires ? Il est nécessaire de protéger les participants, mais nous devons également protéger le courage d’expérimenter. Prendre des risques a toujours été une partie essentielle de toute contribution scientifique originale.</p>
<hr>
<figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/487264/original/file-20220929-18-btga69.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/487264/original/file-20220929-18-btga69.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=292&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/487264/original/file-20220929-18-btga69.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=292&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/487264/original/file-20220929-18-btga69.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=292&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/487264/original/file-20220929-18-btga69.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=367&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/487264/original/file-20220929-18-btga69.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=367&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/487264/original/file-20220929-18-btga69.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=367&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<p><em>Science et Société se nourrissent mutuellement et gagnent à converser. La recherche peut s’appuyer sur la participation des citoyens, améliorer leur quotidien ou bien encore éclairer la décision publique. C’est ce que montrent les articles publiés dans notre série « Science et société, un nouveau dialogue », publiée avec le soutien du <a href="https://www.enseignementsup-recherche.gouv.fr/fr">ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche</a>.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/198357/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Dr. Nena Mocnik est titulaire de la bourse Marie Sklodowska Curie Eutopia COFUND Science and Innovation (bourse Horizon 2020 de l'Union européenne, convention de subvention n°945380). Elle est hébergée par GRITIM-UPF Barcelona (Groupe de recherche interdisciplinaire sur l'immigration) et CYU Paris (IDHN - Institut des Humanités Numériques).</span></em></p>Le malheur ou le trauma sont au cœur de certaines recherches de terrain : comment s’y confronter tout en maintenant une démarche éthique réaliste ?Nena Mocnik, Maria Skłodowska Curie EUTOPIA-SIF COFUND Fellow, CY Cergy Paris UniversitéLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1788332022-12-15T18:19:10Z2022-12-15T18:19:10ZPsychologie : le « coping », ou comment nous faisons face aux stress intenses<p>La guerre trace, dans la vie des individus qui y sont confrontés, une frontière nette entre l’« avant » et l’« après ». Cette épreuve singulière ne signe pas, comme on le croit souvent, une impossibilité de vivre, mais oblige généralement à vivre de façon très différente. L’ébranlement du processus vital qui résulte de cette situation engendre des bouleversements auxquels chaque individu fait face en mobilisant ses capacités d’adaptation. Mais tout le monde ne réagit pas de la même façon.</p>
<p>Pour décrire les mécanismes à l’œuvre, les psychologues de la santé ont forgé le concept de « coping », souvent traduit dans la littérature spécialisée par le terme français « ajustement ». Intimement lié à la notion d’adaptation, le coping désigne notre façon de « faire face » à ce qui nous arrive. Or, selon que notre réaction s’oriente vers les actions à entreprendre pour agir sur la situation, ou qu’elle se centre sur la gestion des états émotionnels qui en résultent, les conséquences ne sont pas les mêmes.</p>
<h2>Le coping, qu’est-ce que c’est ?</h2>
<p>Au sens large, ce concept désigne la manière dont on fait face à une situation difficile grâce à diverses formes d’ajustement.</p>
<p>Le terme « coping » apparaît pour la première fois en 1966. Il désigne alors un ensemble de stratégies mises en œuvre pour affronter des <a href="https://psycnet.apa.org/record/1966-35050-000">situations difficiles ou des événements stressants</a>. Ultérieurement, ce terme a fait l’objet d’une <a href="https://link.springer.com/referenceworkentry/10.1007/978-1-4419-1005-9_215">conceptualisation plus spécifique</a>, désignant</p>
<blockquote>
<p>« l’ensemble des efforts cognitifs et comportementaux constamment changeants, destinés à maîtriser, réduire ou tolérer des impératifs spécifiques internes ou externes qui sont perçus comme menaçant ou dépassant les ressources d’un individu ».</p>
</blockquote>
<p>Cette définition marque un changement dans la façon d’aborder la réaction des individus confrontés à des problèmes : d’une part, leur réponse est envisagée en termes de processus changeants, et d’autre part, leur comportement face à la situation n’est pas purement passif mais actif.</p>
<h2>Coping et stress</h2>
<p>La notion de coping est très fortement liée à la notion d’adaptation. Ce processus dynamique de changement concerne tous les êtres vivants. Schématiquement, il s’agit de la capacité à réagir aux stimulations externes et/ou internes, aux contraintes et aux conflits, en cherchant à réduire ou à éliminer leurs conséquences défavorables par des ajustements divers. La finalité est la survie, et la création d’un nouvel équilibre compatible avec cette survie.</p>
<p>Le stress constitue une telle stimulation externe. Il s’agit de la condition qui émerge quand les transactions personne-environnement amènent l’individu à percevoir une opposition – réelle ou imaginée – entre les exigences de la situation et ses propres ressources, qu’elles soient biologiques, psychologiques ou sociales.</p>
<p>Cette condition de stress implique généralement un processus d’évaluation cognitive qui s’effectue à partir de deux facteurs : l’évaluation primaire, qui évalue si la demande de l’environnement menace l’adaptation de la personne, et l’évaluation secondaire, qui évalue si les ressources disponibles sont suffisantes pour répondre à la demande.</p>
<p>Dans une telle situation, le coping est considéré comme un modérateur des processus qui affectent la relation entre l’événement stressant et les ressources dont dispose un individu pour lui faire face.</p>
<h2>Les formes et styles de coping</h2>
<p>Dans le cadre d’une étude, des scientifiques ont demandé à 100 adultes, chaque mois, pendant un an, de noter un fait récent qui les avait perturbés et leurs réactions face à cette situation, en répondant à un questionnaire, l’échelle <a href="https://link.springer.com/referenceworkentry/10.1007/978-1-4419-1005-9_222">« Ways of Coping Checklist »</a>). Les résultats obtenus ont révélé qu’il existe deux formes principales de coping : le <a href="https://link.springer.com/referenceworkentry/10.1007/978-1-4419-1005-9_215">coping centré sur le problème et le coping centré sur l’émotion</a>.</p>
<p>Le coping « centré sur le problème » désigne l’ensemble des efforts comportementaux et cognitifs que fait un individu afin de modifier la situation dans laquelle il se trouve. Cette forme comporte deux aspects essentiels : la confrontation à l’événement, qui se traduit par les efforts pour changer la situation, et la résolution du problème, qui se traduit par la recherche d’un ensemble de moyens – informations, aide – permettant d’y parvenir. La personne fait alors face directement et ouvertement à son problème. Elle agit <a href="https://www.puf.com/content/Stress_et_coping">activement et concrètement, afin de</a></p>
<blockquote>
<p>« modifier directement les termes mêmes de la relation personne-environnement par la mise en place d’efforts comportementaux actifs, consistant à affronter le problème pour le résoudre ».</p>
</blockquote>
<p>Le coping centré sur l’émotion renvoie quant à lui à l’ensemble des efforts visant à atténuer et à supporter les états émotionnels déclenchés par la situation stressante. Il existe de nombreuses expressions de cette forme de coping, dont la plupart consistent en des processus orientés vers l’action intrapsychique : évitement (on ne pense plus au problème), distraction, déni, dramatisation, etc.</p>
<p>La personne qui cherche à réduire son stress et ses émotions négatives en utilisant un coping évitant essaie de détourner son attention de la source de stress. Cela peut se traduire par la mise en œuvre d’activités positives pour y parvenir, telles que le sport ou la relaxation. Mais parfois, cela génère des comportements négatifs visant à fuir la détresse émotionnelle, comme la prise d’alcool ou de médicaments.</p>
<p>Coping centré sur le problème et coping centré sur l’émotion ne sont pas deux processus parfaitement séparés : dans une situation donnée, on peut utiliser tantôt l’un, tantôt l’autre, ou les deux ensembles. Par ailleurs, ces deux grandes formes de coping correspondent aux stratégies généralement mises en œuvre, mais il en existe également qui sont plus spécifiques et qui varient d’un individu et d’une situation à l’autre.</p>
<p>Certains auteurs ont proposé de classer le coping actif et/ou évitant selon les stratégies utilisées pour faire face. Ce faisant, on peut distinguer <a href="https://psycnet.apa.org/record/1993-97397-012">quatre catégories de base</a> :</p>
<ul>
<li><p>Le coping actif/cognitif qui se traduit par une analyse logique et un recadrage positif ;</p></li>
<li><p>Le coping actif/comportemental correspondant à une recherche de soutien et à la mise en œuvre d’une action pour résoudre le problème ;</p></li>
<li><p>Le coping évitant/cognitif, se traduisant par l’évitement cognitif et l’acceptation résignée ;</p></li>
<li><p>Le coping évitant/comportemental, qui correspond à la recherche d’autres activités et la décharge émotionnelle.</p></li>
</ul>
<h2>Le coping émotionnel est davantage lié aux troubles de stress post-traumatique</h2>
<p>Plusieurs études ont montré que les adultes souffrant d’un trouble de stress post-traumatique étaient nettement plus enclins que les autres à s’engager dans une démarche d’évitement ou de fuite, et donc de <a href="https://doi.org/10.1521/psyc.2012.75.2.135">non-résolution de problème</a>. En 2007, une méta-analyse avait par ailleurs révélé que l’évitement était un prédicteur du risque de survenue de <a href="https://doi.org/10.1002/jts.20276">trouble de stress post-traumatique, de dépression et de détresse</a>. Rappelons que le trouble de stress post-traumatique est la forme la plus commune du psychotraumatisme. Elle se caractérise notamment par la présence de symptômes intrusifs (<em>le trouble de stress post-traumatique se caractérise notamment par l’intrusion de souvenirs persistants qui surviennent de façon incontrôlable, envahissant leur conscience de la victime qui les vit comme de nouveaux événements surgissant dans son présent, ndlr</em>), de comportements d’évitement ou encore de troubles du sommeil.</p>
<p>L’analyse du vécu de victimes d’accident de la circulation a permis de poser un constat similaire. Les sujets qui présentaient un coping orienté vers l’évitement manifestaient <a href="https://doi.org/10.1016/0005-7967(94)00093-Y">plus de symptômes intrusifs</a> que les autres. Une étude réalisée auprès des victimes de la <a href="https://doi.org/10.1080/10615806.2010.500722">fusillade de l’université Virginia Tech</a>, survenue en 2007 à Blacksburg, aux États-Unis, est parvenue aux mêmes conclusions, de même que des travaux de recherche <a href="https://doi.org/10.1080/10615800500392732">menés auprès de victimes du terrorisme</a>.</p>
<p>Dans le même ordre d’idée, il a été observé que les symptômes de trouble de stress post-traumatique étaient plus sévères chez des soldats israéliens qui avaient utilisé des <a href="https://doi.org/10.1002/per.2410030404">stratégies émotionnelles pendant la guerre israélo-palestinienne</a>. D’autres travaux portant sur une cohorte de sujets suivie pendant un an ont montré que, parmi les participants ayant subi le plus d’événements stressants pendant cette période, ceux qui ont utilisé préférentiellement des stratégies évitantes avaient beaucoup plus de symptômes psychosomatiques à la fin de l’étude (maux de tête, maux d’estomac) que ceux qui ont utilisé des <a href="https://doi.org/10.1037//0022-3514.52.5.946">stratégies actives</a>.</p>
<p>Par ailleurs, des auteurs se sont penchés sur la valeur prédictive du devenir du trouble de stress aigu chez les victimes de crimes violents. On considère généralement qu’un trouble de stress aigu dont les manifestations cliniques (reviviscence répétitive des évènements, évitement, troubles de l’humeur, hypervigilance, irritabilité, difficultés de concentration, troubles du sommeil…) durent plus d’un mois doit amener à poser un diagnostic de <a href="https://www.inserm.fr/dossier/troubles-stress-post-traumatique/">trouble de stress post-traumatique</a>. Les résultats obtenus ont montré que le type de coping était un facteur à intégrer pour expliquer pourquoi le trouble de stress aigu ne se transforme pas systématiquement en <a href="https://www.intechopen.com/books/5272">trouble de stress post-traumatique</a>.</p>
<p>Tout se passe donc comme si les victimes de traumatisme qui adoptent une stratégie de coping orientée vers l’évitement (ou une stratégie de coping peu orienté sur les problèmes) sont plus à risque de manifester au fil du temps un trouble de stress post-traumatique.</p>
<p>À l’inverse, les recherches récentes ont montré qu’un coping centré sur le problème réduit la tension subie par l’individu en éliminant (ou en atténuant) le stresseur. Les personnes qui ont recours à cette stratégie semblent moins susceptibles d’être sujettes à <a href="https://doi.org/10.1037//0022-3514.66.5.895">l’anxiété et la dépression</a>.</p>
<p>Pourtant, tout n’est pas si simple, car l’efficacité d’une stratégie de coping dépend aussi des caractéristiques de la situation, et notamment de sa durée, ou de la contrôlabilité du stresseur.</p>
<h2>L’importance de la contrôlabilité de la situation et du délai de réaction</h2>
<p>Dans des situations contrôlables (ou perçues comme telles) un coping centré sur le problème apparait comme <a href="https://link.springer.com/referenceworkentry/10.1007/978-1-4419-1005-9_215">plus efficace contrôlable</a> qu’un coping centré sur l’émotion, car il est associé à une faible détresse ultérieure. Un tel effet s’inverse en revanche dans les situations incontrôlables. En effet, face à un événement incontrôlable, les efforts répétés du sujet pour maîtriser la situation sont inutiles et épuisants.</p>
<p>Dans ce cas, une stratégie émotionnelle évitante peut s’avérer plus adaptée, en particulier à court terme. Elle évite en effet d’être trop stressé et permet un travail psychique permettant progressivement d’évaluer la situation de façon plus réaliste et de mettre en place des stratégies d’affrontement. Elle protège l’estime de soi et permet de ne pas être submergé par la détresse.</p>
<p>L’efficacité relative des stratégies de coping semble aussi varier en fonction du temps qui s’écoule après l’événement stressant ou traumatique. Un coping émotionnel n’est protecteur qu’immédiatement après cet événement.</p>
<p>Il n’existe donc pas de stratégie de coping efficace en elle-même. L’efficacité de la stratégie mise en place dépend de certaines caractéristiques propres aux individus (capacités d’évaluation) et aux situations (durée, contrôlabilité). En outre, l’efficacité d’une stratégie de coping varie selon le critère considéré (bien-être émotionnel, santé physique…). Tout ceci illustre bien le fait que le coping est un processus transactionnel entre la personne et son environnement.</p>
<h2>Réussir à adopter la stratégie de coping la plus adaptée</h2>
<p>En définitive, de nombreux travaux ont montré que les stratégies de coping pouvaient amortir les <a href="https://doi.org/10.1176/appi.ajp.2008.07121939">impacts psychiques d’une exposition traumatique</a>. Cette capacité de résilience et de maintien d’un certain équilibre psychologique et physique, suite à la confrontation à des événements traumatiques ou indésirables, semble se potentialiser chez les sujets capables de « jongler » sur l’ensemble du registre cognitif et affectif du coping. Les personnes capables d’utiliser différentes stratégies de coping s’adapteraient mieux aux situations qui mettent leur vie en danger.</p>
<p>La nature des stratégies de coping mises en œuvre peut être un indicateur à prendre en compte pour mieux comprendre pourquoi un stress ou un trouble de stress post-traumatique va avoir un impact plus ou moins grand selon les individus. Toutefois, il convient de ne pas en rester là, et de trouver ensuite des moyens de se défaire de ces états cliniques.</p>
<p>Pour faire face au stress, on peut se tourner vers des méthodes de gestion des émotions, l’activité physique, la méditation, la cohérence cardiaque, une approche basée <a href="https://observatoireprevention.org/2017/08/02/la-coherence-cardiaque/">sur le contrôle de la respiration</a>. En ce qui concerne le trouble de stress aigu ou le trouble de stress post-traumatique, il faudra plutôt se tourner vers la psychothérapie, qui est plus à même d’apporter des réponses efficaces.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/178833/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Cyril Tarquinio ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Agression, guerre, catastrophe… Face aux événements violents, des mécanismes psychologiques se mettent en place. Ils varient d’une personne à l’autre, ce qui peut avoir des effets à long terme.Cyril Tarquinio, Professeur de psychologie clinique, Université de LorraineLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1856502022-10-21T13:23:59Z2022-10-21T13:23:59ZLes psychologues s’intéressent généralement au passé. Et si c’était une erreur ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/490948/original/file-20221020-17-hcvdvi.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=51%2C0%2C5760%2C3802&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Dans les bureaux de psychologues, la tendance est de ressasser le passé afin de comprendre le présent. Et si on regardait plutôt l'avenir?</span> <span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>Depuis plus d’un siècle, le travail de psychologues tels que <a href="https://www.universalis.fr/encyclopedie/sigmund-freud/">Sigmund Freud</a> et <a href="https://www.universalis.fr/encyclopedie/carl-rogers/">Carl Rogers</a> incite les gens à s’intéresser au passé. Si Josée n’a jamais de relations amoureuses qui durent, c’est la faute de ses anciens petits amis. Quand Chris se bat contre la dépendance, il se replonge dans ses souvenirs d’enfance et repense aux premières fois où il s’est senti humilié. Et Simone, qui ne veut pas se poser, attribue sa nature libre au fait qu’elle est la plus jeune de sa famille.</p>
<p>Mais si ces psychologues s’étaient trompés ? Si c’était la façon dont on entrevoit l’avenir plutôt que le passé qui nous retient et nous empêche de devenir la meilleure version de soi possible ?</p>
<p>En psychologie, la recherche des causes des problèmes de santé mentale est devenue une obsession. Cependant, de plus en plus d’études semblent montrer que le fait de se concentrer sur l’avenir peut offrir une protection contre la dépression et permettre de <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.1002/pchj.283">mieux gérer le stress</a>. Parfois, au lieu de disséquer des souvenirs négatifs, on devrait s’efforcer de mieux comprendre la façon dont <a href="https://psycnet.apa.org/record/2012-29989-000">on envisage l’avenir</a>.</p>
<h2>Se projeter dans un — bel – avenir</h2>
<p>De nombreux <a href="https://link.springer.com/chapter/10.1007/978-3-319-07368-2_31">vétérans</a>, des <a href="https://www.tandfonline.com/doi/full/10.1080/15325024.2020.1793552">réfugiés</a> et d’autres personnes <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0191886916308054">qui ont subi des traumatismes</a> et qui souffrent de problèmes de santé mentale consacrent peu de temps à penser à l’avenir. Au lieu de cela, ils se concentrent sur des moments difficiles du passé.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Deux soldats dans une tempête de sable" src="https://images.theconversation.com/files/469805/original/file-20220620-26-swhvhl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/469805/original/file-20220620-26-swhvhl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/469805/original/file-20220620-26-swhvhl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/469805/original/file-20220620-26-swhvhl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/469805/original/file-20220620-26-swhvhl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/469805/original/file-20220620-26-swhvhl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/469805/original/file-20220620-26-swhvhl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Des vétérans qui ont subi un traumatisme passent beaucoup de temps à repenser au passé.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/image-photo/united-states-marines-action-military-equipment-1069835897">Superstar/Shutterstock</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Cependant, les personnes qui ont vécu un traumatisme et qui ont développé une perspective saine de l’avenir <a href="https://dc.etsu.edu/asrf/2019/schedule/107/">déclarent</a> mieux entrevoir la vie, mieux dormir et avoir moins de pensées négatives sur le passé en comparaison avec celles qui ont une vision négative de l’avenir. Ainsi, au lieu de ressasser le passé, les personnes qui ont souffert d’un traumatisme devraient être encouragées à penser à l’avenir et à se fixer des objectifs qui les aident à nourrir l’espoir d’une <a href="https://www.tandfonline.com/doi/full/10.1080/15325024.2013.763632">vie heureuse</a>.</p>
<h2>Une expérience auprès de retraitées</h2>
<p>Penser à un bel avenir peut aider à développer une relation saine avec les jours à venir et à s’ouvrir à la vie et à ses opportunités. C’est dans cette optique que Julie Round (spécialisée en recherche qualitative) et moi-même <a href="https://psycnet.apa.org/record/2018-44207-002">avons mené une expérience avec un petit groupe de femmes</a> depuis peu retraitées, dont certaines se sentaient anxieuses quant à leur avenir. Elles se demandaient ce qu’elles allaient faire du reste de leur vie. Certaines remettaient même en question leur utilité dans le monde, ce qui leur donnait une mauvaise image d’elles-mêmes. Lorsque nous leur avons demandé ce que leur inspirait l’idée de se fixer des objectifs, leurs sentiments étaient mitigés.</p>
<p>Nous avons commencé en douceur en les aidant à imaginer un avenir plus positif. Chaque jour pendant quatre jours, elles écrivaient pendant 20 minutes au sujet de « la meilleure version d’elles-mêmes à la retraite ». Elles imaginaient que leurs rêves se réalisaient. Ensuite, elles exploraient les divers éléments nécessaires (maison, famille, loisirs, etc.) pour atteindre leur meilleur soi futur. Elles imaginaient que tout se passait selon leurs plans et étaient invitées à réfléchir à ce que serait leur vie dans cinq ans.</p>
<p>Le dernier jour de l’étude, elles ont imaginé leur 80<sup>e</sup> anniversaire en faisant appel à leurs sens (quelle odeur sentaient-elles, avec qui étaient-elles ? — on leur suggérait d’inclure des personnes qu’elles ne connaissaient pas encore). Nous leur avons ensuite demandé de se fixer des objectifs pour leur vie future.</p>
<p>Une semaine après l’activité, elles éprouvaient encore des émotions partagées. Elles avaient besoin de temps pour réfléchir à leur avenir — à toutes les choses qu’elles attendaient avec impatience et à celles qu’elles craignaient. Cependant, on a constaté un changement positif trois mois plus tard, quand elles ont dit ressentir davantage de calme et d’enthousiasme en pensant à leur avenir. L’image d’elles à leur 80<sup>e</sup> anniversaire les accompagnait. Elles voulaient s’assurer de continuer d’apporter leur contribution à leurs amis, à leur famille et à la société comme elles l’avaient prévu.</p>
<h2>Quatre techniques pour créer un bel avenir</h2>
<p>La « meilleure version de soi à la retraite » ou, de façon plus générale, « la meilleure version de soi » n’est que l’une des nombreuses activités que l’on peut entreprendre pour s’aider à envisager un avenir plus positif. Voici d’autres propositions d’activités :</p>
<ul>
<li><strong>Savourez à l’avance</strong></li>
</ul>
<p>Imaginez de petites et grandes choses se produire dans un avenir proche ou lointain. Imaginez ce que ce serait si tout se passait bien pour vous. Savourez les émotions positives que cela fait naître.</p>
<ul>
<li><strong>Cultivez l’espoir</strong></li>
</ul>
<p><a href="https://psywb.springeropen.com/articles/10.1186/2211-1522-1-5">L’espoir consiste à trouver la volonté et le moyen d’accomplir</a> quelque chose que l’on souhaite dans sa vie. Réfléchissez à ce que vous aimeriez comme avenir et à la façon de l’obtenir. Sans plan pour y arriver, vous risquez de vous sentir impuissant.</p>
<ul>
<li><strong>Imaginez que tous vos problèmes sont résolus</strong></li>
</ul>
<p><a href="https://psywb.springeropen.com/articles/10.1186/2211-1522-1-5">Visualisez le moment</a> où tous les problèmes auxquels vous êtes confronté aujourd’hui seront résolus. Décrivez ensuite en détail comment vous y êtes parvenu.</p>
<ul>
<li><strong>Élaborez des objectifs</strong></li>
</ul>
<p><a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1002/cpp.1795">Dressez une liste</a> des objectifs que vous souhaitez atteindre. Répondez ensuite au test <a href="https://viacharacter.org/">Valeurs en action (VIA – Values in Action)</a> sur les forces de caractère et déterminez comment vos forces peuvent vous aider à atteindre vos objectifs.</p>
<h2>Reconnaître son libre arbitre</h2>
<p>Se concentrer sur l’avenir permet de faire des choix et de reconnaître son libre arbitre. On n’est pas seulement le produit de son enfance ou d’autres événements négatifs de la vie. On ne peut changer son passé, mais on peut créer un bel avenir si on choisit de le regarder en face et de s’y engager avec confiance.</p>
<p>Cela ne signifie pas qu’on doive vivre dans le déni. C’est plutôt le contraire. On reconnaît les événements négatifs qui se sont produits, mais on reconnaît aussi que l’on souhaite avoir un bel avenir pour soi et que l’on choisit de mettre son énergie à le créer. Il faut d’abord le voir pour pouvoir le rendre réel.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/185650/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jolanta Burke ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>On ne peut changer son passé, mais on peut créer un bel avenir si on choisit de le regarder en face et de s’y engager avec confiance.Jolanta Burke, Senior Lecturer, Centre for Positive Psychology and Health, RCSI University of Medicine and Health SciencesLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1830152022-08-18T13:16:16Z2022-08-18T13:16:16ZAgression sexuelle durant l’enfance : comment les hommes font-ils face à ce trauma ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/465101/original/file-20220524-25-39tcsx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=16%2C1%2C982%2C672&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Une majorité d’hommes victimes sont réticents à demander de l’aide et prennent des années, voire des décennies, avant de dévoiler l’agression dont ils ont été victimes.</span> <span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span></figcaption></figure><p>L’agression sexuelle est un enjeu social et de santé publique qui a pris sa place dans l’espace public au cours des dernières années, notamment à travers les mouvements de dénonciations tels que <a href="https://www.thecanadianencyclopedia.ca/fr/article/mouvement-moiaussi">#moiaussi</a> et <a href="http://www.rqcalacs.qc.ca/projets/17-onvouscroit">#onvouscroit</a>.</p>
<hr>
<p>
<em>
<strong>
À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/le-deuil-chez-les-hommes-cinq-mythes-a-deboulonner-177507">Le deuil chez les hommes : cinq mythes à déboulonner</a>
</strong>
</em>
</p>
<hr>
<p>Toutefois, les hommes qui dévoilent leur victimisation sont peu nombreux, et le sujet reste tabou. Ceci est particulièrement vrai au sein d’une socialisation masculine traditionnelle qui inculque l’idée qu’un homme, « un vrai homme », doit être fort, ne parle pas de ses problèmes et n’a pas besoin d’aide. Par ricochet, il ne peut donc pas être une « victime ».</p>
<p>Il peut ainsi s’écouler des années, voire des décennies, avant que ces hommes dévoilent les agressions dont ils ont été victimes, tout en souffrant de répercussions sur leur <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/9635069/">santé neurodéveloppementale, physique, psychologique, sexuelle et relationnelle</a>.</p>
<blockquote>
<p>J’ai de la difficulté à garder des relations et tout ça, la seule façon que j’ai connu pour garder des relations c’est d’accommoder l’autre, de faire des choses que je n’ai pas envie. Accepter des choses qui ne correspondent pas à mes valeurs ou à mes besoins. (Chuck, 36 ans)</p>
</blockquote>
<p>À titre de membres <a href="https://cnvam.natachagodbout.com/fr/accueil">fondateurs du CNVAM</a>, un partenariat qui réunit différents acteurs soucieux de promouvoir les connaissances empiriques sur la victimisation au masculin et leurs applications pratiques, nous avons développé une expertise en recherche interventionnelle auprès des adultes survivants de traumas interpersonnels en enfance, sur les violences sexuelles, les réalités masculines et la mobilisation des connaissances dans le cadre d’approches participatives.</p>
<blockquote>
<p>J’ai toujours peur qu’on se serve de mes faiblesses pour me blesser. (Ludger, 63 ans)</p>
</blockquote>
<p>Cet article présente notre initiative de création de <a href="https://cnvam.natachagodbout.com/fr/capsules-videol">cinq capsules vidéos</a> – en partenariat avec des hommes victimes et des représentants d’organismes spécialisés dans l’intervention auprès d’eux – visant à sensibiliser le grand public à l’ampleur des agressions sexuelles chez les garçons, aux conséquences de ces crimes et aux réponses favorisant le rétablissement de ces victimes.</p>
<h2>L’agression sexuelle, ça arrive aussi aux garçons</h2>
<p>Entre <a href="https://natachagodbout.com/sites/default/files/pdf/emotional%20and%20sexual%20correlates%20-%20vaillancourt.pdf">8 % et 20 %</a> des hommes ont été victimes d’agression sexuelle pendant leur enfance, selon les études menées au Québec, au Canada et à l’internationale. Or, ces crimes demeurent invisibles, peu documentés dans les écrits scientifiques, et peu discutés dans la sphère publique. Ceci entrave le cumul d’informations nécessaires pour guider les interventions et la sensibilisation auprès de la population.</p>
<p>Il importe de reconnaître cette problématique sociale pour faire tomber les tabous et mobiliser des réponses sociales favorisant la guérison des survivants. Dans cette optique, la capsule vidéo <a href="https://www.youtube.com/watch?v=3zMvTqpdW30">« Ça arrive aussi aux garçons »</a>, met en scène des hommes victimes qui témoignent de leur expérience. Elle informe le public sur les prévalences, les caractéristiques de ces agressions (majoritairement commises par des personnes connues, et certains hommes ont été abusés par une femme), et les <a href="https://www.youtube.com/watch?v=3zMvTqpdW30">répercussions</a> qui affectent l’identité (vide intérieur, faible estime), le fonctionnement relationnel (détresse conjugale), la santé mentale (dissociation, détresse psychologique), et le parcours scolaire puis socioéconomique des victimes.</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/3zMvTqpdW30?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Les agressions sexuelles, ça arrive aussi aux garçons.</span></figcaption>
</figure>
<h2>Dévoilement et demande d’aide</h2>
<p>Les hommes dévoilent peu les abus subis et mettent entre <a href="https://www.pulaval.com/produit/les-realites-masculines-oubliees">25 et 42 ans</a> avant de demander de l’aide.</p>
<p>Des données recueillies auprès de 105 hommes qui consultent un organisme spécialisé dans l’accompagnement d’hommes victimes d’abus sexuels montrent que <a href="https://www.acfas.ca/evenements/congres/programme/89/400/428/c">57 % n’avaient jamais dévoilé les abus vécus avant d’initier leur processus</a>.</p>
<p>L’internalisation des stéréotypes associés à la masculinité (un homme n’est pas une victime, doit faire preuve de force) peut, entre autres, nuire au dévoilement et à la guérison. Ces éléments sont exprimés par des hommes victimes eux-mêmes dans la capsule vidéo intitulée <a href="https://www.youtube.com/watch?v=lrfuLmxC8Gk">« Briser le silence »</a>, produite par l’équipe du CNVAM.</p>
<blockquote>
<p>On parle pas de ça. Faut que ça reste secret, c’est honteux. (Denis)</p>
<p>Ça nourrissait la honte, le sentiment d’être une mauvaise personne. T’as pas dit non, donc t’as consenti. (Daniel)</p>
</blockquote>
<p>Or, le fait de nier la souffrance causée par les abus les prive de la possibilité de soutien de leurs proches et de professionnels. Également, étant donné que les conséquences des abus émergent malgré tout, ils ont tendance à consulter en tout dernier recours pour des problèmes exacerbés ou cristallisés, tels que la dépression, l’abus de substances, des problèmes relationnels ou de gestion de la colère.</p>
<p>Alors que la demande d’aide est jonchée d’obstacles, « en parler ouvertement, librement, sans peur, permet de déplacer le fardeau de la honte sur l’agresseur », selon Daniel, un homme survivant.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/qFgdoWbufDo?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Demander de l’aide a des effets bénéfiques.</span></figcaption>
</figure>
<h2>L’accueil du dévoilement et la guérison</h2>
<p>La réaction de l’entourage des hommes face au dévoilement joue un rôle clé. Des <a href="https://natachagodbout.com/sites/default/files/pdf/All%20Involved%20in%20the%20Recovery.pdf">réponses négatives</a> sont liées à une augmentation de la détresse psychologique et relationnelle à l’âge adulte. Bien que certaines victimes masculines expriment leur vulnérabilité, d’autres manifestent leur souffrance à travers colère et irritabilité, ce qui augmente le défi pour les proches et les professionnels à les accueillir avec bienveillance.</p>
<p>Une réponse favorable au dévoilement est centrale au processus de rétablissement et se caractérise par :</p>
<ul>
<li><p>Écouter sans jugement, sans minimiser ni amplifier ;</p></li>
<li><p>S’assurer de la sécurité de la personne ;</p></li>
<li><p>Croire – il s’agit de sa perception et de son vécu ;</p></li>
<li><p>Respecter le rythme ;</p></li>
<li><p>Souligner la force et le courage de dévoiler ;</p></li>
<li><p>Valider les émotions, réactions ;</p></li>
<li><p>Donner de l’information (impacts, ressources et recours possibles) ;</p></li>
<li><p>Reconnaître et déconstruire les mythes.</p></li>
</ul>
<p>Une <a href="https://youtu.be/bxGwZAtMRmo">réaction favorable</a> de l’entourage est centrale au processus de rétablissement.</p>
<h2>Vers des réponses sensibles aux traumas</h2>
<p>La guérison passe par un changement de paradigme qui délaisse la tendance classique de demander : « C’est quoi le problème avec lui ? » ou même « C’est quoi le problème avec moi ? » pour plutôt chercher à comprendre [« Qu’est-ce qui lui est arrivé ? »], <a href="https://www.youtube.com/watch?v=1smqY0nKULQ">« Qu’est-ce qui s’est passé dans ma vie et qui me permettrait de mieux comprendre et modifier mes réactions, mes états, ma souffrance ? »</a>.</p>
<p>Reconnaître l’abus sexuel en enfance vécu par les hommes comme une problématique sociale contribue à faire tomber le tabou, à développer les services spécialisés en intervention auprès de cette population et à libérer la parole des survivants qui expriment que <a href="https://www.youtube.com/watch?v=1smqY0nKULQ">« C’est important de reprendre sa liberté »</a>, tel qu’énoncé par Alain, un homme survivant.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/1smqY0nKULQ?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Les hommes victimes doivent reprendre leur liberté.</span></figcaption>
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<p>Nous avons tous et toutes un rôle majeur à jouer pour créer un tissu social qui favorise la guérison des personnes victimes et qui résiste à retraumatiser ces personnes, à force d’écoute, d’ouverture, d’éducation et de bienveillance.</p>
<p>Les <a href="https://ncsacw.acf.hhs.gov/userfiles/files/SAMHSA_Trauma.pdf">approches sensibles aux traumas</a> ont d’ailleurs été élaborées devant le constat du caractère endémique des expériences de traumas et de leurs répercussions. Ces dernières, lorsque négligées, entravent la santé et le bien-être des victimes, et exacerbent le risque pour les victimes de vivre des expériences retraumatisantes au sein de nos sociétés, de nos systèmes et de nos institutions publiques.</p>
<p>L’objectif des pratiques sensibles aux traumas est de promouvoir une meilleure compréhension des traumas vécus par les personnes et de leurs effets, d’atténuer leurs répercussions et de ne pas retraumatiser les victimes. Elles rappellent l’importance de :</p>
<ul>
<li><p>Réaliser l’ampleur du phénomène et ses impacts ;</p></li>
<li><p>Reconnaître les manifestations des effets de ces traumas ;</p></li>
<li><p>Répondre aux besoins des personnes victimes en leur offrant des interventions appuyées par des données probantes ;</p></li>
<li><p>Résister à retraumatiser ces personnes (par des réponses inadaptées).</p></li>
</ul>
<p>Vous aussi pouvez faire une différence !</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/183015/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Natacha Godbout dirige TRACE--l’unité de recherche et d’intervention sur les TRAumas et le CouplE et elle est membre-chercheure au CRIPCAS-Centre de recherche interdisciplinaire sur les problèmes conjugaux et les agressions sexuelles, et au sein des équipes de recherche ÉVISSA-Équipe sur la violence et la santé sexuelle, SCOUP-Équipe sur la Sexualilté les traumas et le COUPle et du Pôle d’expertise en santé et bien-être des hommes. Elle a reçu des subventions de recherche pour mener ses travaux des Fonds de recherche du Québec, des IRSC - Instituts de recherche en santé du Canada, et du CRSH-Conseil de recherches en sciences humaines. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Mylène Fernet est titulaire du Laboratoire d'études sur la violence et la sexualité - Fondation canadienne pour l'innovation. Elle
est membre-chercheure au CRIPCAS-Centre de recherche interdisciplinaire sur les problèmes conjugaux et les agressions sexuelles, et au sein des équipes de recherche ÉVISSA-Équipe sur la violence et la santé sexuelle et SAS-Femmes- Collectif de recherches et d'actions pour la Sécurité, l'Autonomie et la Santé des Femmes. Elle a reçu des subventions de recherche pour mener ses travaux des Fonds de recherche du Québec, du CRSH-Conseil de recherches en sciences humaines, du Secrétariat à la condition féminine du Québec et du Ministère de l'Enseignement supérieur du Québec.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Jean-Martin Deslauriers et Stephanie Pelletier ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur poste universitaire.</span></em></p>Les hommes qui dévoilent les violences et abus sexuels subis sont peu nombreux et le sujet demeure particulièrement tabou.Natacha Godbout, Full Professor, Professeure titulaire, Sexologie, Université du Québec à Montréal (UQAM)Jean-Martin Deslauriers, Professeur, L’Université d’Ottawa/University of OttawaMylène Fernet, Professeure titulaire, Département de sexologie, Université du Québec à Montréal (UQAM)Stephanie Pelletier, Coordonnatrice de recherche, Unité de recherche et d'intervention sur le TRAuma et le CouplE (TRACE), Université du Québec à Montréal (UQAM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1833162022-06-02T17:38:41Z2022-06-02T17:38:41ZBonnes feuilles : « Traverser l’épreuve en pleine conscience. Six étapes pour se reconstruire »<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/463975/original/file-20220518-25-2z9tki.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C1894%2C1247&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Vécue avec conscience, une épreuve peut devenir initiation.
</span> <span class="attribution"><span class="source">Hassas_Arts / Pixabay</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p><em>Cet article est composé d’extraits du livre de Catherine Pourquier</em> Traverser l’épreuve en pleine conscience. 6 étapes pour se reconstruire, <em>reproduits avec l’aimable autorisation des éditions Jouvence, paru en février 2022.</em></p>
<p><em>L’ouvrage propose un cheminement personnel grâce à 54 défis et des feuilles de route individuelles. Il offre des éclairages sur l’ensemble du processus de deuil notamment dans ses aspects émotionnels ainsi que des outils concrets pour pacifier l’épreuve rencontrée et (re)trouver une sérénité intérieure.</em></p>
<hr>
<p>Les formes de l’épreuve sont multiples : la perte d’un être cher, d’un amour, d’un travail, d’un espoir, de la santé, de la jeunesse… Si ces manifestations sont diverses, l’expérience est universelle. Incompréhensible, inacceptable, incontrôlable, l’épreuve est un défi qui nous met en mouvement malgré nous. L’enjeu est d’être présent·e, malgré tout ; d’oser, d’avoir le courage d’être là.</p>
<p>L’épreuve traversée nous rend plus vivant·e·s. Vécue avec conscience, l’épreuve devient initiation. De nombreux mythes évoquent la traversée 3, elle est en lien avec le voyage, la promesse d’un ailleurs. […]</p>
<p><a href="https://www.decitre.fr/livres/les-derniers-instants-de-la-vie-9782830900965.html">Elisabeth Kübler-Ross</a> a étudié de très près le « grand voyage », elle est à l’origine de la création des unités de soins palliatifs. Elle a mis en évidence des étapes dans le processus de deuil. L’épreuve ultime, la mort d’un proche ou sa propre mort, impose à la psyché « un apprivoisement » du réel qui passe par un processus émotionnel universel et profondément humain.</p>
<p>L’universalité du processus permet selon moi de l’appliquer à toute épreuve dès lors qu’elle opère une nécessité de changement radical dans notre vie. Les étapes du processus de deuil décrit par E. Kübler-Ross sont les suivantes par ordre chronologique : le choc, le déni, le marchandage, la colère, la dépression et l’acceptation.</p>
<h2>1. Le choc, ou la surprise blessante</h2>
<p>Le choc émotionnel (ou psychologique) résulte d’un événement traumatisant qui submerge la faculté que possède un individu à faire face aux émotions qu’il ressent lorsque celui-ci survient (perte d’un être cher, perte d’un amour, maladie, accident, handicap, perte d’un travail, perte d’un espoir, perte de la jeunesse, etc.) Lorsque le choc n’est pas pris en charge, il peut entraîner un traumatisme psychique. Ce dernier se caractérise par des symptômes qui perdurent dans le temps (anxiété, troubles obsessionnels).</p>
<figure class="align-left zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/463973/original/file-20220518-3314-ottjpl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/463973/original/file-20220518-3314-ottjpl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/463973/original/file-20220518-3314-ottjpl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=913&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/463973/original/file-20220518-3314-ottjpl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=913&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/463973/original/file-20220518-3314-ottjpl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=913&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/463973/original/file-20220518-3314-ottjpl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1147&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/463973/original/file-20220518-3314-ottjpl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1147&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/463973/original/file-20220518-3314-ottjpl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1147&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<p>Il n’y a pas toujours de rapport entre la gravité objective d’un événement et ses conséquences sur l’équilibre psychique d’une personne. Ce qui compte, ce n’est pas tant ce qu’il s’est effectivement passé que la manière dont l’a vécu et ressenti l’individu.</p>
<p>Comprendre ses émotions, c’est se donner les moyens de traverser l’épreuve. La particularité du choc est qu’il concentre une très forte intensité émotionnelle. Les émotions sont à la fois denses et mélangées. Les <a href="https://www.nature.com/articles/nri1571">études</a> ont montré depuis longtemps le lien entre les émotions « désagréables et le déclenchement des maladies ».</p>
<p>La conscience de soi une [composante de l’intelligence émotionnelle] étend la compréhension et le savoir d’une personne. Elle permet notamment à un individu de connaître ses valeurs et ses buts à atteindre : l’individu sait ce qu’il veut, ce qu’il ressent, ce qu’il souhaite. Une personne qui a conscience d’elle – même est axée sur le « sens de sa vie ».</p>
<h2>2. Le déni, ou la peur refoulée</h2>
<p>Le déni est un mécanisme de défense, il est « <a href="https://www.cairn.info/figures-du-deni--2749201780.htm">suspension du jugement subjectif</a> ». Ce refus du réel se caractérise par des stratégies d’évitement ; le refoulement inconscient fait ainsi suite à une émotion forte que la personne ne parvient pas à intégrer. C’est le cas notamment lors de l’annonce d’une maladie grave à un patient ou à la suite du décès soudain d’un conjoint ou d’un enfant. La conscience se réfugie alors dans le déni, ce qui permet de refuser la perception de la réalité et de rejeter ce qui est ressenti comme intolérable.</p>
<p>Le déni engendre à l’intérieur de soi une sensation diffuse et permanente de stress, de danger. Il entraîne aussi en compensation des comportements rigides et défensifs, qu’il est important de savoir identifier. L’émotion au cœur du déni est la peur.</p>
<p>Toute la question réside dans l’adéquation entre la situation réelle vécue et le mécanisme de défense mis en œuvre. Si le <a href="https://www.cairn.info/revue-internationale-de-psychosociologie-2006-28-page-57.htm">cerveau reptilien</a> est là pour assurer notre survie, il peut aussi contribuer en fonctionnant à l’excès à nous mettre sur le qui-vive en permanence. Ceci est d’autant plus vrai que nous développons tous des mécanismes de défense qui font un écran à la prise de conscience de nos peurs.</p>
<p>Pourtant, travailler sur ses peurs peut être intéressant, voire essentiel, en fonction de son chemin de vie. Il existe des méthodes qui vont travailler directement sur des souvenirs traumatiques (telles que l’<a href="https://www.decitre.fr/auteur/399959/Francine+Shapiro">EMDR 38</a> ou bien l’<a href="https://www.decitre.fr/auteur/1480349/Gary+Craig">EFT 39</a>). Ces approches par la désensibilisation permettent « d’effacer » dans le cerveau la charge émotionnelle. Elles sont particulièrement efficaces pour les chocs traumatiques, les situations à répétition et les phobies.</p>
<h2>3. Le marchandage, ou la ronde des jeux</h2>
<p>Dans cette étape du marchandage, il y a une colère contre la situation, contre l’épreuve. La personne n’accepte pas la réalité, et en même temps, elle ne peut plus l’ignorer totalement.</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/463972/original/file-20220518-25-fkku64.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/463972/original/file-20220518-25-fkku64.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/463972/original/file-20220518-25-fkku64.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=857&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/463972/original/file-20220518-25-fkku64.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=857&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/463972/original/file-20220518-25-fkku64.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=857&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/463972/original/file-20220518-25-fkku64.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1076&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/463972/original/file-20220518-25-fkku64.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1076&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/463972/original/file-20220518-25-fkku64.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1076&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<p>Cela peut être une colère contre celui ou celle qui nous « abandonne » (rupture sentimentale, licenciement, mort d’un proche). Ce face-à-face avec le réel crée des frustrations. Une culpabilité corrélée à la colère et à la tristesse est souvent présente aussi dans cette phase du marchandage : « Qu’aurais-je pu ou dû faire pour éviter le drame ? »</p>
<p>Quant à la peur, elle est également présente, de façon diffuse et parfois de façon plus aiguë lorsque le réel devient plus confrontant.</p>
<p>Le marchandage est une étape très importante, car nous marchandons beaucoup avec la vie. Nous marchandons chaque fois que nous ne l’acceptons pas telle qu’elle est. Lorsque la vie nous envoie ou plutôt lorsque nous nous créons des expériences agréables, il est facile de les accepter, comme un dû ou comme un cadeau (là est la différence).</p>
<p>Mais le plus souvent, lorsqu’il nous arrive des expériences désagréables, nous ne voyons plus du tout les choses de la même manière. L’expérience désagréable est vécue comme un manque de chance, une injustice, une agression, une erreur. Notre premier réflexe est d’envisager l’expérience désagréable comme quelque chose qui n’aurait pas dû arriver.</p>
<p>Pratiquer la pleine conscience, c’est justement prendre l’expérience comme elle est et faire un avec elle. La possibilité de changement et la liberté qui l’accompagnent sont à cette condition.</p>
<h2>4. La révolte, ou la colère intense</h2>
<p>Quel que soit le nom qu’on lui donne, « révolte » ou « rébellion », le refus face à ce qui est perçu et vécu comme inadmissible met en œuvre une très grande énergie de vie. L’enjeu est de parvenir à canaliser cette énergie de façon constructive. C’est ainsi que de nombreuses associations sont créées à la suite d’une épreuve personnelle (perte d’un enfant ou d’un proche, maladie, handicap, endettement, addictions, illettrisme, etc.) afin d’aider d’autres dans la même situation.</p>
<p>La colère est une émotion de réparation face à un préjudice. Elle est ainsi une incroyable source d’énergie vitale et savoir la canaliser permet d’en faire une alliée très appréciable dans sa vie.</p>
<p>Dans une approche de pleine conscience, voir ses agacements permet d’identifier les zones d’inconfort que j’ai avec le réel. Il s’agit d’une écoute subtile de mes états intérieurs et de mes gestes corporels. En effet, le corps sait exprimer l’agacement, notamment par des mouvements d’agitation (pieds, mains…) ou par un changement d’intonation de la voix.</p>
<p>Le chemin pour accueillir mon agacement est de développer mon écoute intérieure. Plus je suis à l’écoute de ce qui se passe en moi, moins je suis agacé·e car cette écoute permet un recentrage qui fait disparaître l’état d’agacement.</p>
<h2>5. La dépression, ou la tristesse enfouie</h2>
<p>Quelle que soit la forme que la souffrance prenne, physique ou psychique, deux attitudes sont possibles : la résistance ou le lâcher-prise. Résister veut dire, selon moi, tenir le coup, se contracter, tenir bon. Cette attitude est possible un certain temps, et dépend largement du mental. Elle a des limites qui sont celles du corps et du psychisme qui peuvent lâcher d’un seul coup.</p>
<p>Lâcher prise suppose d’accepter pleinement la situation dans l’instant présent qui est libérateur, car il enlève les émotions liées au passé et au futur.</p>
<figure class="align-left zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/463974/original/file-20220518-12-50xwdr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/463974/original/file-20220518-12-50xwdr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/463974/original/file-20220518-12-50xwdr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/463974/original/file-20220518-12-50xwdr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/463974/original/file-20220518-12-50xwdr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/463974/original/file-20220518-12-50xwdr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=565&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/463974/original/file-20220518-12-50xwdr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=565&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/463974/original/file-20220518-12-50xwdr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=565&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Vivre l’instant présent pour sortir d’une tristesse enfouie.</span>
<span class="attribution"><span class="source">HolgersFotografie/Pixabay</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
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<p>Tout comme la nostalgie, l’anticipation empêche d’accueillir le moment présent et de faire un avec ce qui m’arrive, la douleur de mon corps, de mon esprit, de mon cœur, toutes mes fragilités. C’est la raison pour laquelle, selon moi, la pratique de l’instant présent est la seule qui puisse vraiment me libérer.</p>
<p>Si j’accepte d’être complètement là dans l’instant présent, mon corps (en dépit des douleurs liées à la maladie, à la perte d’un être cher, ou à toute autre forme de perte ou de manque) va se détendre. Cette détente est due au fait que je cesse d’avoir des attentes, d’être sur le qui-vive de « quelque chose qui va arriver », de « quelque chose qui aurait dû arriver » ou bien dans la rumination de « quelque chose qui n’aurait pas dû arriver ». Je suis juste « là ».</p>
<p>Dans cet espace particulier, je peux accueillir tous les possibles de ma vie.</p>
<h2>6. L’acceptation, ou la joie retrouvée</h2>
<p>Accepter ce qui est suppose de regarder sa vie en face, telle qu’elle est. En lâchant la résistance, le contrôle et la pression, un espace se crée entre ma réalité et moi-même. Dans cet espace libéré, la conscience peut surgir. Cette pleine conscience devient alors lieu de guérison, de transmutation, de libération.</p>
<p>Avant d’envisager l’acceptation, il est important de comprendre ce qu’est la non-acceptation. Elle est en effet plus facile à appréhender quand l’étape de l’acceptation n’a pas encore été franchie.</p>
<p>La non-acceptation est un état de résistance au réel qui crée un mal-être, voire une violence, à l’intérieur de moi-même. Si je n’accepte pas une situation, un état de fait, je me coupe de la vie. J’entre dans une communication violente (et réactive) avec moi-même et avec mon environnement.</p>
<h2>S’en remettre à plus grand que soi</h2>
<p>Il y a des événements qui ne sont pas compréhensibles sur le plan de la conscience ordinaire. Comment comprendre la mort d’un enfant, cet arrêt brutal d’une vie en marche ? Comment comprendre le suicide d’un proche, ce choix d’arrêter le cours de sa propre vie ? C’est incompréhensible, révoltant et culpabilisant.</p>
<p>Comment comprendre la violence faite aux enfants et à tous les êtres faibles ? Là aussi, cela dépasse l’entendement.</p>
<p>Face à cette impossibilité à comprendre, deux possibilités nous sont offertes.</p>
<p>La première consiste à se révolter et à en vouloir aux autres, à la vie et en premier lieu à soi-même. La colère est une étape importante dans le processus de deuil et elle doit être vécue pour renaître. Mais elle n’est qu’une étape. Rester coincé·e dans la colère toute une vie, voire sur plusieurs générations, n’est pas la solution.</p>
<p>La seconde attitude consiste à accueillir les émotions du processus de deuil vécues dans l’épreuve, et à un moment, à faire un grand saut. Sauter dans l’inconnu, l’incompréhensible, l’incontrôlable et dire à la vie : « Je ne sais pas et je te fais confiance. C’est toi qui conduis ma vie. Montre-moi le chemin. Aide-moi à avancer vers ce qui est juste pour moi et pour le monde. »</p>
<p>Il s’agit de s’en remettre à plus grand que soi. Peu importe son nom. Ce qui compte, c’est la liberté donnée par cet abandon et la capacité à se laisser guider par ce qui nous dépasse.</p>
<p>C’est ainsi que l’épreuve peut être entièrement traversée. Dans cet accueil de ce qui est dans l’instant présent, tout est possible, parce que c’est la vie qui œuvre et qu’elle est illimitée.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/183316/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Catherine Pourquier ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Un ouvrage récemment publié propose de faire de l’épreuve un moment de croissance qui nous rend plus vivant·e.Catherine Pourquier, Professeur de Conduite du Changement, Burgundy School of Business Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1787062022-05-23T19:53:56Z2022-05-23T19:53:56ZTabac, alcool et autres drogues… Ils modifient notre épigénome<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/464270/original/file-20220519-24-mdywrm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=24%2C0%2C8206%2C4187&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Alcools, cannabis, tabac sont capables de provoquer des altérations de l'ADN.</span> <span class="attribution"><span class="source">Monticello/Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>Les addictions, qui se caractérisent par la perte de contrôle vis-à-vis d’un produit ou d’un comportement, sont un des problèmes majeurs des sociétés contemporaines. Le phénomène est complexe… Leur origine notamment, leur étiologie, est multifactorielle : il faut qu’un individu rencontre un produit dans un contexte socio-environnemental donné, selon le <a href="https://www.grea.ch/dossiers/addiction?page=6">modèle bio-psycho-social</a>.</p>
<p>Longtemps sous-estimé, cet aspect multifactoriel commence à être mieux saisi et la diversité des causes appréhendée. Ressortent désormais des facteurs inattendus et longtemps mal compris – notamment au niveau de la génétique :</p>
<blockquote>
<p>« Un grand nombre de facteurs individuels, culturels, biologiques, sociaux et environnementaux convergent pour augmenter ou diminuer la probabilité qu’un individu particulier consomme une certaine quantité d’une substance psychoactive donnée… D’autres affections, dites à déterminisme complexe, semblent être provoquées par l’interaction de plusieurs gènes et de facteurs environnementaux. La dépendance est l’une d’elles. » (Rapport de l’OMS <a href="https://www.who.int/substance_abuse/publications/en/Neuroscience_F.pdf">« Neurosciences : usage de substances psychoactives et dépendance »</a>, publié en 2004)</p>
</blockquote>
<p>« Des facteurs environnementaux et génétiques contribuent aux différences interindividuelles dans la vulnérabilité à initier une consommation, ou à devenir abuseur ou dépendant de divers toxiques, » pointait en 2008 le psychiatre, spécialiste de la génétique des comportements, <a href="https://www.cairn.info/revue-psychotropes-2008-3-page-29.htm">Philip Gorwood</a>.</p>
<p>C’est en 2009 que la notion d’épigénétique a pris pour moi tout son sens, lors de la conférence de Patrick McGowan, invité à la <a href="http://www.mda.aphp.fr">Maison de Solenn</a> par le Pr Bruno Falissard (<a href="https://cesp.inserm.fr/fr">Centre de recherche en épidémiologie et santé des populations, ou CESP</a>). Ce spécialiste en neuroscience et épigénétique présentait alors son étude publiée dans la <a href="https://www.nature.com/articles/nn.2270">revue scientifique Nature</a> montrant que des traumatismes vécus dans l’enfance pouvaient modifier l’expression de certains gènes, et conduire au suicide.</p>
<p>On savait déjà que des perturbations de <a href="https://stringfixer.com/fr/Hypothalamic-pituitary-adrenal_axis">l’axe hypothalamo-hypophysaire (hypothalamus et hypophyse, ou glande pituitaire, sont situés au cœur du cerveau)</a>, comme un taux élevé de cortisol (un glucocorticoïde, hormone de stress), sont associées à des épisodes dépressifs et des <a href="http://www.antoniocasella.eu/salute/Mann_2003.pdf">tentatives de suicide</a>.</p>
<p>Pour étudier un éventuel lien avec ces situations tragiques, McGowan a étudié l’expression d’un gène codant pour les <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/R%C3%A9cepteur_des_glucocortico%C3%AFdes">récepteurs</a> du cortisol (<a href="https://www.planetesante.ch/Magazine/Psycho-et-cerveau/Borderline/La-memoire-dans-les-genes">NR3C1</a>) au niveau de la structure cérébrale qui en comporte le plus : l’hippocampe. Et ce dans trois populations : victimes de suicide abusées dans l’enfance (douze personnes), victimes de suicide sans antécédent d’abus (douze personnes) et douze contrôles (victimes de mort subite ou accidentelle, sans antécédents d’abus).</p>
<p>Il a observé que l’expression de ce gène était diminuée uniquement chez les victimes d’abus dans l’enfance. Et le mécanisme impliqué n’était pas génétique proprement dit, avec par exemple la mutation d’un gène, mais « épigénétique » : une ou plusieurs lettres du « mot » constituant le gène étaient non pas changées mais altérées (comme un « e » transformé en « é »), en l’occurrence par une « méthylation ». Ces enfants ne pouvaient pas faire face aux situations génératrices de stress en raison de la défaillance de cet axe cérébral.</p>
<p>Il est maintenant acquis que l’usage des substances psychoactives peut induire ces modifications épigénétiques. Identifier leurs mécanismes permettra de mieux comprendre les messages de prévention « tolérance zéro pour l’alcool et le tabac pendant la grossesse »… qui devraient aussi concerner le futur père.</p>
<h2>Génétique – épigénétique : de quoi parle-t-on ?</h2>
<p>Nous connaissons bien ce qui caractérise notre patrimoine génétique, notre <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/G%C3%A9nome">génome</a>. Enserré dans le noyau des cellules, il s’étire le long des <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Chromosome">chromosomes</a>, constitués d’une molécule d’ADN enroulée autour de protéines, les <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Histone">histones</a>. Cette configuration en « chromatine » permet de placer une grande quantité d’information génétique dans le minuscule noyau.</p>
<p>Le génome lui-même est constitué de régions codantes (les gènes principalement) et non codantes. L’information présente dans les régions codantes n’est accessible à la machinerie cellulaire que si la chromatine n’est pas enroulée trop serrée : les <a href="https://www.nature.com/scitable/topicpage/dna-transcription-426/">gènes peuvent alors être transcrits</a> en autant d’<a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Acide_ribonucl%C3%A9ique_messager">ARN messagers</a>.</p>
<p>Chaque ARNm est ensuite conduit hors du noyau pour être traduit en protéine. Incontournables, les protéines remplissent des fonctions très diverses au sein de la cellule et de l’organisme, structurelles comme fonctionnelles.</p>
<p>On l’a dit, le texte d’un gène peut avoir une erreur (mutation) au niveau de l’ADN même, ce qui entraîne la synthèse d’une protéine anormale. Ce qui peut être sans conséquence… ou provoquer des maladies génétiques, potentiellement transmissibles à la descendance.</p>
<p>Mais, parfois, aucune mutation ne peut être associée : il faut regarder non le texte génétique lui-même mais ce qui l’entoure.</p>
<p>Le terme <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89pig%C3%A9n%C3%A9tique">« épigénétique »</a> a été proposé pour la première fois par <a href="https://www.nature.com/articles/150563a0">Conrad Hal Waddington</a>, paléontologue et généticien britannique (1905–1975), dans les années 1940 comme « la branche de la biologie qui étudie les relations de cause à effet entre les gènes et leurs produits ». Il propose le concept de « paysage épigénétique », c’est-à-dire l’ensemble des <a href="https://www.inserm.fr/dossier/epigenetique/">modifications réversibles, transmissibles et adaptatives de l’expression des gènes sans en changer le texte</a>. L’expression des gènes pourra ainsi être réduite ou inactivée, de manière flexible, dynamique, tout au long de la vie.</p>
<p>L’épigénome, ou ensemble des modifications épigénétiques reçues par une cellule, constitue ainsi une véritable mémoire des impacts environnementaux (exposition à des stress nutritionnels, toxiques ou psychosociaux) auxquels elle a été exposée.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/464261/original/file-20220519-16-qvstir.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Schéma du repliement de l’ADN" src="https://images.theconversation.com/files/464261/original/file-20220519-16-qvstir.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/464261/original/file-20220519-16-qvstir.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=427&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/464261/original/file-20220519-16-qvstir.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=427&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/464261/original/file-20220519-16-qvstir.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=427&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/464261/original/file-20220519-16-qvstir.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=537&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/464261/original/file-20220519-16-qvstir.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=537&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/464261/original/file-20220519-16-qvstir.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=537&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Les différents niveaux de compaction de l’ADN sont représentés ici (de la cellule aux « lettres » qui composent la molécule). Les modifications épigénétiques possibles sont indiquées en couleur (méthylation en rouge, acétylation en bleu, phosphorylation en jaune).</span>
<span class="attribution"><span class="source">NIH/Phrood</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Les principaux mécanismes épigénétiques</h2>
<p>Les modifications épigénétiques peuvent se produire à plusieurs niveaux et prendre de nombreuses formes :</p>
<ul>
<li><p>Certains petits <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/ARN_non_codant">ARN ne codant aucun gène sont dits « interférents »</a> car leur fonction est de venir interférer avec l’expression normale de l’ADN. Ils ont ainsi un rôle régulateur ou structurel.</p></li>
<li><p>La <a href="https://www.insb.cnrs.fr/fr/cnrsinfo/deacetylation-et-remodelage-de-la-chromatine-un-meme-combat-anti-transposons">chromatine peut être remodelée</a>. Cela peut entraîner son inactivation et des dérégulations de l’expression des gènes.</p></li>
<li><p>Les histones, qui permettent l’empaquetage de l’ADN, peuvent aussi être modifiées chimiquement : par <a href="https://www.medecinesciences.org/en/articles/medsci/full_html/2002/01/medsci2002181p17/medsci2002181p17.html">méthylation</a> (ajout d’un groupe « méthyle » X-CH<sub>3</sub>), <a href="https://www.medecinesciences.org/en/articles/medsci/full_html/2009/02/medsci2009252p121/medsci2009252p121.html">acétylation</a> (ajoute d’un groupe « acéthyle » X-CO-CH<sub>3</sub>), <a href="https://www.ipubli.inserm.fr/bitstream/handle/10608/4607/MS_2003_10_955.html">phosphorylation (ajout d’un groupe phosphate) ou ubiquitinylation (ajout d’une petite protéine appelée ubiquitine, qui commande la dégradation de sa cible)</a>.</p></li>
</ul>
<p>Les effets sont divers (condensation ou décompaction de la chromatine pour réprimer ou activer la transcription de gènes…), rapides et de courte durée.</p>
<ul>
<li>Enfin, l’ADN peut lui aussi être modifié par le même type de réaction chimique. Par exemple, sa <a href="https://curie.fr/actualite/epigenetique-et-genetique/lart-de-la-methylation">méthylation locale</a> éteint les gènes présents, de manière stable mais potentiellement réversible.</li>
</ul>
<h2>L’impact épigénétique du tabac</h2>
<p>Nous avons eu l’occasion de revenir sur ces thèmes majeurs lors du <a href="http://societe-francophone-de-tabacologie.org/congres1.html">congrès annuel de la Société francophone de tabacologie</a>, à Reims en novembre 2021. C’était le thème d’une session que j’animais avec le Dr Jean Perriot.</p>
<p>À cette occasion, Johanna Lepeule (<a href="https://iab.univ-grenoble-alpes.fr/node/188/departement-environnement-reproduction-infections-cancer/equipe-slama-siroux-epidemiologie-environnementale-appliquee-au-developpement-et-sante-respiratoire">IAB, Grenoble</a>) aborda la question du <a href="http://societe-francophone-de-tabacologie.org/dl/CSFT2021/S11a_LEPEULE_johanna.pdf">tabagisme maternel et de la méthylation de l’ADN placentaire</a>. Dans une étude publiée en 2020 dans le <a href="https://bmcmedicine.biomedcentral.com/articles/10.1186/s12916-020-01736-1">BMC Medicine</a>, elle avait analysé avec son équipe le placenta de 568 femmes, réparties en trois groupes : des non-fumeuses (381 femmes) ; des ex-fumeuses (70 femmes), ayant arrêté dans les trois mois précédant la grossesse et n’ayant pas fumé pendant la grossesse ; et des fumeuses (117 femmes), ayant fumé dans les trois mois avant la grossesse et pendant la grossesse.</p>
<p>Les <a href="https://www.edimark.fr/courrier-addictions/placenta-conserverait-memoire-exposition-tabac-avant-grossesse-entretien-avec-johanna-lepeule">principaux résultats</a> ont été les suivants :</p>
<ul>
<li><p>Des altérations ont été observées dans 152 régions du génome pour lesquelles, après l’arrêt du tabac chez les ex-fumeuses, la méthylation de l’ADN semblait revenir au même niveau que celui des non-fumeuses. Les modifications de ces régions sont été classées comme réversibles.</p></li>
<li><p>Des altérations ont été observées dans 26 régions génomiques pour lesquelles le niveau de méthylation restait inchangé malgré l’arrêt du tabac chez les ex-fumeuses, et comparable à celui des fumeuses. Ces régions porteraient donc la mémoire de l’exposition préconceptionnelle au tabac.</p></li>
</ul>
<p>Parmi les gènes affectés par le tabac, un certain nombre sont identifiés comme particulièrement importants pour le développement du fœtus et de l’enfant.</p>
<p><strong>Le message est donc clair : il faut arrêter de fumer dès que le projet de conception est formulé.</strong></p>
<p>L’arrêt du tabac doit concerner la future mère ainsi que son conjoint. En effet, l’ADN des spermatozoïdes en formation peut être <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/27565179/">affecté lui aussi par des méthylations</a>.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Un jeune couple tranquillement installé s’allume une cigarette chacun" src="https://images.theconversation.com/files/464263/original/file-20220519-11-302rw2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/464263/original/file-20220519-11-302rw2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/464263/original/file-20220519-11-302rw2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/464263/original/file-20220519-11-302rw2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/464263/original/file-20220519-11-302rw2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/464263/original/file-20220519-11-302rw2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/464263/original/file-20220519-11-302rw2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Dans le cadre d’un projet parental, future mère et futur père doivent arrêter le tabac.</span>
<span class="attribution"><span class="source">UfaBizPhoto/Shutterstock</span></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>L’impact épigénétique de l’alcool</h2>
<p>L’<a href="http://societe-francophone-de-tabacologie.fr/dl/CSFT2021/S11b_NAASSILA_mickael.pdf">alcool a également un effet épigénétique prouvé</a>, comme l’a souligné le Pr Mickael Naassila, président de la <a href="http://www.sfalcoologie.asso.fr/page.php ?choix=A1">Société française d’alcoologie</a> (SFA) et de la <a href="https://www.esbra.com/">Société européenne de recherche biomédicale sur l’alcoolisme</a> (ESBRA).</p>
<p>Là encore, plusieurs mécanismes épigénétiques sont mis en jeu :</p>
<ul>
<li><p>Une hyperméthylation de l’ADN observée sur certaines portions bien précises de l’ADN de cellules sanguines,</p></li>
<li><p>Une méthylation et une acétylation d’une histone.</p></li>
</ul>
<p>On retrouve ces <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC5420490/">modifications associées</a> <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC5439216/">aux troubles de l’usage d’alcool</a> et dans le <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/28431792/">syndrome d’alcoolisation fœtale</a>.</p>
<p>Actuellement, des <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/31161790/">recherches sont menées en France</a> sur des molécules qui permettraient d’induire une diminution de la consommation d’alcool et de freiner la rechute, comme l’administration d’inhibiteurs des histones désacétylases (HDAC), tel le butyrate de sodium.</p>
<h2>L’impact épigénétique des drogues illicites</h2>
<p>En janvier 2022, l’Académie nationale de médecine a <a href="https://www.academie-medecine.fr/wp-content/uploads/2022/02/Rapport-Epige %CC %81ne %CC %81tique.pdf">publié un rapport sur le sujet</a>, sous la direction de Jean-Pierre Goullé et Michel Hamon (sous-commission Addictions), dont plusieurs points sont importants à connaître. Voici les principaux, identifiés chez des modèles animaux.</p>
<ul>
<li><p>Cannabinoïdes : Le THC (Δ9-tétrahydrocannabinol) « est <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC6632091/">susceptible d’engendrer des modifications épigénétiques</a>. Elles pourront s’observer chez une personne dont les deux parents ont, ou un parent seulement a, consommé la drogue avant sa conception, ou encore dont la mère l’a consommée pendant la gestation, ou enfin qui s’est exposée au THC au cours de son adolescence, voire ultérieurement ». On observe une <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC6794936/">méthylation de l’ADN, des modifications des histones ainsi que l’existence d’ADN non codants</a>.</p></li>
<li><p>Cocaïne : Elle provoque une <a href="https://www.medecinesciences.org/en/articles/medsci/full_html/2015/04/medsci20153104p439/medsci20153104p439.html">acétylation des histones, une méthylation de l’ADN et des ADN non codants</a>.</p></li>
</ul>
<p>L’usage des drogues licites (alcool et tabac) et illicites modifie notre épigénome. Il est donc important d’en tenir compte en termes d’actions de santé publique, de prévention auprès des couples désirant un enfant et des jeunes en particulier. Le recours à des méthodes validées, basées sur les <a href="https://otcra.fr/categories/outils/college/">compétences psychosociales</a>, permet déjà d’agir dans ce sens.</p>
<p>Pour citer Claude Olievenstein, psychiatre spécialiste des toxicomanies, « la dépendance, c’est la rencontre entre un produit (une substance psychoactive), un individu et un environnement (familial et socioculturel) ». Nous venons de voir comment une substance psychoactive pouvait affecter notre descendance et modifier notre génome, de manière réversible, transmissible et adaptative. Cette rencontre peut ainsi nous rendre plus vulnérables et nous conduire au développement d’une addiction.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/178706/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Philippe Arvers est administrateur de la SFT, de l'IRAAT et de l'IREPS ARA. </span></em></p>Les substances psychoactives ont des conséquences néfastes bien connues sur la santé. Mais elles peuvent aussi changer l’expression des gènes des consommateurs et de leurs enfants. Voici comment.Philippe Arvers, Médecin addictologue et tabacologue, Université Grenoble Alpes (UGA)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1806492022-04-28T13:45:18Z2022-04-28T13:45:18ZL’art au secours des enfants ukrainiens<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/459585/original/file-20220425-31363-iq07ei.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=8%2C0%2C5395%2C3572&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Des enfants ukrainiens s'entraînent aux arts du cirque, à Budapest, en Hongrie, le 22 mars 2022. Une centaine d'entre eux, accompagnés de leurs entraineurs, ont fui les villes assiégées de Kharkiv et de Kyiv au milieu des bombardements russes. </span> <span class="attribution"><span class="source">(AP Photo/Anna Szilagyi)</span></span></figcaption></figure><p>Depuis l’invasion de l’Ukraine par la Russie, le 24 février, 4,3 millions d’enfants ont été déplacés, soit plus de la moitié de la population enfantine du pays, estimée à 7,5 millions, <a href="https://news.un.org/fr/story/2022/03/1117022">selon le Fonds des Nations unies pour l’enfance (UNICEF)</a>. Ce chiffre comprend plus de 1,8 million d’enfants réfugiés qui ont franchi les frontières pour s’exiler dans les pays voisins, et 2,5 millions qui sont déplacés à l’intérieur de l’Ukraine.</p>
<p>C’est l’un des déplacements d’enfants à grande échelle les plus rapides depuis la Seconde Guerre mondiale. Des millions d’entre eux sont soumis à d’importants stress et vivent des traumatismes, liés à la guerre.</p>
<p>Pour les aider à surmonter cette période tragique de leur vie, les pratiques artistiques ont fait leurs preuves auprès de jeunes réfugiés à travers le monde.</p>
<p>Candidate au doctorat en éducation et membre du CREAD (Centre de recherche sur l’enseignement, les apprentissages et la didactique), je suis spécialiste de l’action humanitaire, des pratiques artistiques pour favoriser le bien-être et de l’éducation en situation d’urgence et en contexte d’adversité. Je suis aussi conseillère et formatrice auprès de travailleurs humanitaires.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/les-activites-artistiques-et-sportives-contribuent-au-bien-etre-et-a-la-resilience-145005">Les activités artistiques et sportives contribuent au bien-être et à la résilience</a>
</strong>
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<figure class="align-center ">
<img alt="Un enfant peint un œuf de pâques" src="https://images.theconversation.com/files/459589/original/file-20220425-117027-vlvlv2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/459589/original/file-20220425-117027-vlvlv2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/459589/original/file-20220425-117027-vlvlv2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/459589/original/file-20220425-117027-vlvlv2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/459589/original/file-20220425-117027-vlvlv2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/459589/original/file-20220425-117027-vlvlv2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/459589/original/file-20220425-117027-vlvlv2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Un enfant qui a fui la guerre peint un œuf de Pâques, lors d’un événement organisé pour les jeunes réfugiés ukrainiens, à Bucarest, en Roumanie, le 21 avril 2022.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(AP Photo/Andreea Alexandru)</span></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Les pratiques artistiques : une réponse humanitaire</h2>
<p>L’art devient ainsi, à travers l’action humanitaire, une manière de préserver la vie dans la dignité et de maintenir des valeurs fondamentales telles que la coopération et la solidarité.</p>
<p>L’art est utilisé tant dans la protection de l’enfance, dans l’éducation que dans le soutien psychologique, notamment au travers de l’art-thérapie. La reconnaissance des nombreux avantages et de la pertinence de l’utilisation des pratiques artistiques par les ONG lors d’urgences humanitaires est unanime. Des activités telles que le dessin, la danse, le chant, le théâtre et diverses formes d’art-thérapie aident les enfants à surmonter leurs expériences et certains des traumatismes de la guerre en les extériorisant.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Attablés sous une tente, des enfants dessinent" src="https://images.theconversation.com/files/459588/original/file-20220425-26-dgsm2l.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/459588/original/file-20220425-26-dgsm2l.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/459588/original/file-20220425-26-dgsm2l.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/459588/original/file-20220425-26-dgsm2l.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/459588/original/file-20220425-26-dgsm2l.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/459588/original/file-20220425-26-dgsm2l.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/459588/original/file-20220425-26-dgsm2l.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Des enfants dessinent dans un restaurant transformé en refuge pour réfugiés, à Dnipro, en Ukraine, le 20 avril 2022.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(AP Photo/Leo Correa)</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>De <a href="https://journals.plos.org/plosone/article?id=10.1371/journal.pone.0089359">nombreuses études</a> ont été menées sur l’amélioration du bien-être des enfants à travers les activités artistiques, et notamment pour le traitement du syndrome de stress post-traumatique. Selon les types de programmes, l’art peut contribuer à soulager les symptômes de l’anxiété, distraire de pensées négatives et peut aider à exprimer des sentiments douloureux ou difficiles que les enfants ont du mal à mettre en mots.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/se-relever-grace-a-lart-apres-une-crise-lexemple-cambodgien-139944">Se relever grâce à l’art après une crise : l’exemple cambodgien</a>
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<p>Après un mois de guerre, plus de <a href="https://www.unesco.org/fr/articles/ukraine-lunesco-se-mobilise-pour-soutenir-la-continuite-educative">733 établissements scolaires ont été endommagés ou détruits</a>. La guerre en Ukraine a évidemment un impact sur l’ensemble du système scolaire et compromet le droit à l’éducation. Ne pouvant plus aller à l’école, les enfants n’ont plus de routine ni de sentiment de sécurité.</p>
<p>Des activités artistiques structurées, significatives et créatives dans les écoles ou les espaces d’apprentissage non formels améliorent leur bien-être émotionnel et comportemental.</p>
<h2>Le dessin comme témoignage pour porter les voix des enfants</h2>
<p>Depuis l’invasion de l’Ukraine, plusieurs médias ont décidé de faire entendre les voix des enfants afin d’illustrer les réalités de la guerre. Ainsi, le <a href="https://www.washingtonpost.com/world/interactive/2022/ukraine-war-children-refugees/"><em>Washington Post</em></a>, <a href="https://www.theguardian.com/global-development/gallery/2022/mar/16/glory-to-the-heroes-ukrainian-childrens-drawings-boost-soldiers-morale-in-pictures"><em>The Guardian</em></a> ou encore <a href="https://euromaidanpress.com/2022/03/17/the-horror-of-war-seen-through-the-eyes-of-ukrainian-children/"><em>Euromaidan Express</em></a> présentent des dessins d’enfants déplacés et réfugiés. Ils dessinent leur soutien aux forces ukrainiennes et les horreurs qu’ils ont vues, leur départ du foyer, le voyage en train et les séparations douloureuses à la frontière.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/457506/original/file-20220411-10836-eqrl5t.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Dessin d’enfants" src="https://images.theconversation.com/files/457506/original/file-20220411-10836-eqrl5t.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/457506/original/file-20220411-10836-eqrl5t.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/457506/original/file-20220411-10836-eqrl5t.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/457506/original/file-20220411-10836-eqrl5t.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/457506/original/file-20220411-10836-eqrl5t.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/457506/original/file-20220411-10836-eqrl5t.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/457506/original/file-20220411-10836-eqrl5t.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Dessin de Illya, « Gloire à l’Ukraine, gloire aux héros » lors d’un atelier artistique pour des enfants déplacés dans une librairie de Lviv.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Alessio Mamo, The Guardian)</span></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Les activités artistiques dans le quotidien des enfants</h2>
<p>Dans de nombreuses régions d’Ukraine, des parents se regroupent et organisent des activités artistiques pour leurs enfants. Par exemple, des volontaires de l’ensemble de chant et de danse Sonechko, à Lviv, ont organisé <a href="https://www.lemonde.fr/culture/article/2022/03/24/a-lviv-un-studio-de-danse-offre-refuge-aux-artistes-ukrainiens-fuyant-la-guerre_6118982_3246.html">plusieurs séances d’art</a> pour des enfants. Des bénévoles soutenus par l’<a href="https://reliefweb.int/sites/reliefweb.int/files/resources/UNICEF%20Ukraine%20Humanitarian%20Situation%20Report%20-%2024%20February%202022.pdf">UNICEF</a> mettent en place des espaces consacrés aux dessins d’enfants dans les stations de métro. Des enseignants et des psychologues y travaillent quotidiennement avec les jeunes dans un cadre formel ou pas.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/les-nombreux-avantages-dapprendre-les-arts-du-cirque-a-lecole-165277">Les nombreux avantages d'apprendre les arts du cirque à l'école</a>
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<p>Des initiatives liées à la <a href="https://emergency.unhcr.org/entry/49304?lang=fr_FR">santé mentale et aux services psychosociaux (MHPSS</a>) de l’ONG <a href="https://proliska.org/en/">Proliska</a>, soutenue par l’UNICEF, vise à fournir du matériel créatif et artistique afin d’équiper les espaces dédiés aux enfants dans trois stations de métro de Kharkiv.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/457502/original/file-20220411-22014-db674k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Une femme décore un escalier de la station de métro de Kharkiv avec des dessins d’enfants" src="https://images.theconversation.com/files/457502/original/file-20220411-22014-db674k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/457502/original/file-20220411-22014-db674k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/457502/original/file-20220411-22014-db674k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/457502/original/file-20220411-22014-db674k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/457502/original/file-20220411-22014-db674k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/457502/original/file-20220411-22014-db674k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/457502/original/file-20220411-22014-db674k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Une volontaire décore un escalier de la station de métro de Kharkiv avec des dessins créés par des enfants dans une classe d’art.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(UNICEF USA)</span></span>
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</figure>
<p><a href="https://www.warchildholland.org/news/supporting-ukranian-refugee-children/">L’ONG War Child Holland</a> forme des organisations ukrainiennes aux premiers secours psychologiques et aux services de santé mentale afin de créer des « espaces de sécurité » pour les réfugiés.</p>
<p>Des projets comme <a href="https://childhub.org/fr/online-learning-materials/youcreate-recherche-action-participative-basee-sur-les-arts-et-menee-par-les-jeunes-pour-le-bien-etre-et-le-changement-social?language=el">YouCreate</a> œuvrent au renforcement de la santé mentale des jeunes grâce à des activités créatives. L’initiative mobilise des adolescents de l’est de l’Ukraine qui conçoivent et mettent en œuvre des projets artistiques dans leurs communautés.</p>
<p>L’ONG ukrainienne <a href="https://www.instagram.com/voices_of_children/">Voices of children</a> propose aussi des ateliers d’art-thérapie. Il s’agit d’aider les enfants à décrire leurs émotions, leurs expériences et leurs peurs à travers les arts visuels. Le projet comprend une dizaine de séances d’art-thérapie une ou deux fois par semaine. Il combine le travail de groupe et le travail individuel où les enfants libèrent leurs émotions et les sentiments complexes sur le passé, le présent difficile et le futur incertain.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/457501/original/file-20220411-11-ir72f2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Iryna Sokur propose une série de collages de symboles traditionnels ukrainiens afin de soutenir son pays -- Untitled 2022" src="https://images.theconversation.com/files/457501/original/file-20220411-11-ir72f2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/457501/original/file-20220411-11-ir72f2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=594&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/457501/original/file-20220411-11-ir72f2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=594&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/457501/original/file-20220411-11-ir72f2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=594&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/457501/original/file-20220411-11-ir72f2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=746&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/457501/original/file-20220411-11-ir72f2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=746&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/457501/original/file-20220411-11-ir72f2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=746&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Iryna Sokur propose une série de collages de symboles traditionnels ukrainiens afin de soutenir son pays.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(https://www.instagram.com/sok_irart/)</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Ces interventions d’urgence à travers les pratiques artistiques sont à encourager et à structurer davantage. Il est essentiel d’en comprendre les différents usages et d’en évaluer les effets et les impacts sur les enfants.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/180649/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Albane Buriel est membre de l'association Les Ateliers du rêve.</span></em></p>Des programmes humanitaires intégrant l’art et les pratiques artistiques sont conduits auprès des enfants ukrainiens afin de les aider à surmonter leurs traumatismes.Albane Buriel, Candidate au doctorat en éducation, Université du Québec à Chicoutimi (UQAC)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1788072022-03-30T18:14:05Z2022-03-30T18:14:05ZComment les dessins d’enfants racontent la guerre et l’exil<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/454966/original/file-20220329-21-l9g7bu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C6%2C2003%2C1457&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Figure 1 - Première guerre de Tchétchénie (1994-1996). [Anonyme] : «Tout est en feu»</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.librairie-gallimard.com/livre/9782845165274-j-ai-dessine-la-guerre-le-regard-de-francoise-et-alfred-brauner-rose-duroux/">in "J’ai dessiné la guerre. Le regard de Françoise et Alfred Brauner", Rose Duroux et Catherine Milkovitch-Rioux (dir.), Pubp, 2011, p. 138</a></span></figcaption></figure><p>Parmi les civils de pays agressés militairement ou victimes de persécutions, les figures enfantines – enfants victimes, enfants déplacés comme aujourd'hui en Ukraine, réfugiés, ou bien encore enfants-soldats – ont alimenté depuis quelques décennies les renouvellements de la recherche scientifique sur les violences guerrières.</p>
<p>Les recherches ont d’abord porté sur l’enfant comme objet de mobilisation des discours de guerre, des politiques sociales nationales, internationales, de l’aide humanitaire. Participant elles-mêmes à la mobilisation autour des victimes, les images médiatiques d’enfants suscitent l’émotion, à des degrés très variables, selon le degré de proximité d’un conflit.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/abus-violences-crises-guerres-les-traumatismes-vecus-dans-lenfance-ont-des-effets-durables-178220">Abus, violences, crises, guerres : les traumatismes vécus dans l’enfance ont des effets durables</a>
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<p>Dans <a href="https://www.seuil.com/ouvrage/un-si%C3%A8cle-de-refugies-bruno-cabanes/9782021427295"><em>Un siècle de réfugiés</em></a>, Bruno Cabanes souligne en outre la « constante ambiguïté entre la photographie qui documente l’exil, celle qui se complaît dans le spectacle de la souffrance et celle qui alimente, parfois volontairement, la peur de l’invasion migratoire ». Ces représentations sont profondément révélatrices de points de vue d’adultes, de sensibilités collectives, parfois de propagande.</p>
<p>À côté d’études portant sur la mobilisation et la prise en charge de l’enfant, fondées sur les discours et les pratiques de <em>celui qui regarde</em>, des <a href="https://journals.openedition.org/ccec/5212?lang=en">travaux plus récents</a> s’intéressent aux expériences enfantines de la guerre, étudiées à travers les traces qu’elles ont laissées : journaux intimes, lettres, dessins… Ces sources enfantines révèlent le regard que l’enfant lui-même porte sur la guerre et l’exil : elles permettent d’approcher au plus près l’expérience, la dimension <em>vécue</em> de l’événement.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/454969/original/file-20220329-18-1u7ceba.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/454969/original/file-20220329-18-1u7ceba.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/454969/original/file-20220329-18-1u7ceba.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/454969/original/file-20220329-18-1u7ceba.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/454969/original/file-20220329-18-1u7ceba.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/454969/original/file-20220329-18-1u7ceba.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/454969/original/file-20220329-18-1u7ceba.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Fritzi Riesel (Françoise) et Alfred Brauner étudiants, été 1930.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.librairie-gallimard.com/livre/9782845165274-j-ai-dessine-la-guerre-le-regard-de-francoise-et-alfred-brauner-rose-duroux/">J’ai dessiné la guerre. Le regard de Françoise et Alfred Brauner, Rose Duroux et Catherine Milkovitch-Rioux (dir.), Pubp, 2011</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Ainsi, l’enfant dont on collecte la parole ou le dessin participe de l’histoire des guerres, et son témoignage graphique est précieux, non seulement pour mesurer l’impact psychique d’un conflit sur l’enfant – selon l’approche des sciences de la <em>psyche</em> – mais encore, dans d’autres disciplines des sciences humaines et sociales, pour évaluer les qualifications spécifiques de certaines situations de conflit impliquant tout particulièrement les civils : guerre d’agression, occupations, bombardements, destructions massives, <a href="https://www.cairn.info/de-la-violence-i--9782738116055-page-273.htm">crimes dits de « profanation »</a>, atteintes à la filiation, crimes contre l’humanité…</p>
<p>Les enjeux humanitaires sont primordiaux ; mais ces représentations permettent également d’écrire l’histoire d’un conflit déterminé <a href="https://www.cairn.info/revue-l-autre-2020-2-page-142.htm?ref=doi">« à hauteur d’enfant »</a>, et de la replacer dans une histoire de l’enfance en guerre et en exil.</p>
<h2>Des travaux précurseurs</h2>
<p>La lecture du dessin d’enfant est alimentée par des engagements précurseurs, en particulier au moment de la guerre d’Espagne, avec l’activité d’Alfred et Françoise Brauner, qui a fait l’objet des travaux scientifiques <a href="https://www.scienceshumaines.com/enfance-violence-exilune-histoire-des-guerres-contemporaines-a-hauteur-d-enfant_fr_32375.html"><em>Enfance, Violence, Exil</em></a> (EVE). Dans la perspective d’une histoire de l’enfance « à hauteur d’enfant », l’étude des fonds collectés et analysés permet d’approfondir notre compréhension de l’expérience des enfants en guerre, évacués et/ou exilés. Elles sont actuellement poursuivies dans le cadre du projet <a href="https://refugiereve.hypotheses.org/">Réfugier-Enfance Violence Exil</a> (REVE).</p>
<p>Leur vie durant, Alfred et Françoise Brauner ont collecté les <a href="https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k33253488.texteImage">« dessins-témoignages »</a> d’enfants en guerre. Dès 1937, ils rejoignent les Brigades Internationales en Espagne, elle d’abord, comme médecin ; lui ensuite, avec la charge d’inspecter les centres pour enfants évacués de la côte levantine. C’est dans ces foyers que les Brauner commencent à s’intéresser au dessin comme outil thérapeutique, mais aussi politique, servant à dénoncer les horreurs de la guerre et, plus encore, à aiguiller la solidarité internationale envers la République espagnole.</p>
<p>On estime durant la guerre à environ 600 000 le nombre total de pertes humaines directement dues à la guerre, dont plus de la moitié sont des non-combattants. Cette première expérience humanitaire se prolonge à leur retour en France, avec des enfants juifs évacués d’Allemagne et d’Autriche, puis revenant des camps en 1945. Par la suite, l’engagement des Brauner en faveur de <a href="https://www.persee.fr/doc/pop_0032-4663_1947_num_2_2_1805">« ces enfants qui ont vécu la guerre »</a> ne se dément pas, que ce soit par l’action associative avec Enfants Réfugiés du Monde, ou par la collecte ininterrompue des dessins d’enfants en guerre, à travers le siècle et les continents – du Liban au conflit Iran-Irak, de l’Algérie au Vietnam, de l’Afghanistan à la Tchétchénie…</p>
<p>Des deux mille dessins conservés, les Brauner ne retiendront qu’un dixième pour le livre <em>J’ai dessiné la guerre</em> en 1991, comme dans le film du même titre réalisé en 2000 par <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Alfred_Brauner">Alfred Brauner</a> et le documentariste Guy Baudon.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/454967/original/file-20220329-13-uzs722.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/454967/original/file-20220329-13-uzs722.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=440&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/454967/original/file-20220329-13-uzs722.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=440&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/454967/original/file-20220329-13-uzs722.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=440&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/454967/original/file-20220329-13-uzs722.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=553&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/454967/original/file-20220329-13-uzs722.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=553&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/454967/original/file-20220329-13-uzs722.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=553&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Figure 2 : Guerre d’Espagne (1936-1939). Manuel Pérez Osana, 12 ans : « Ma maison cassée ».</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.librairie-gallimard.com/livre/9782845165274-j-ai-dessine-la-guerre-le-regard-de-francoise-et-alfred-brauner-rose-duroux/">J’ai dessiné la guerre. Le regard de Françoise et Alfred Brauner, Rose Duroux et Catherine Milkovitch-Rioux (dir.), Pubp, 2011, p. 44-45</a></span>
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<p>Les Brauner se sont en particulier occupés d’enfants évacués en Espagne, à Benicàssim en 1938. Alfred Brauner commente : « Et il faut regarder de très près pour découvrir, minuscule à côté de la bombe qui n’a pas fini de tomber, une figure humaine avec l’inscription : <em>Padre</em>. C’est la dimension réduite du personnage mort du père qui traduit l’effroi. […] En haut du dessin, la légende-titre est politique : le fascisme a passé par là ! »</p>
<p>L’originalité des Brauner est d’avoir mis les enfants et leur discours sur la guerre au premier plan, depuis leurs engagements antifascistes et antinazis des débuts jusqu’à leurs prises de position pacifistes et antinucléaires postérieures, les poursuivant dans des contextes pédagogiques. Le dessin, comme support d’une libre expression, constitue un champ d’expérience par lequel il s’agit de faire valoir les droits des enfants.</p>
<h2>Lire des terrains de guerre</h2>
<p>Les dessins de la collection Brauner nous semblent souvent d’une remarquable actualité. Il faut cependant <a href="https://laviedesidees.fr/Le-tragique-ne-nous-a-jamais-quittes-Sur-la-guerre-en-Ukraine.html">se défier d’une interprétation présentiste</a> qui viendrait lire, par exemple, l’actuelle guerre d’agression engagée par la Russie contre l’Ukraine à la lumière des guerres du passé, entre le XX<sup>e</sup> et le XXI<sup>e</sup> siècles. Chaque dessin doit être replacé dans son contexte historique dans la mesure où il porte l’empreinte d’un monde social soumis en temps de guerre à des bouleversements singuliers, lesquels déterminent la nature propre et la représentation de l’expérience.</p>
<p>Chaque dessin doit donc être l’objet d’une lecture <em>spécifique</em>, qui prenne en compte ce contexte de production. Aussi la collection Brauner fait-elle l’objet d’une description précise, reproduisant à la fois le commentaire livré par Alfred Brauner, lui-même historiquement situé, et les données descriptives, parfois lacunaires, dont la recherche dispose : nom de l’enfant, âge, lieu de la réalisation, date, format…</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/wNAg4MZ0vfY?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Retour sur le programme Enfance Violence Exil (Ville de Clermont-Ferrand, 2013).</span></figcaption>
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<p>La collecte de dessins repose à la fois sur cette description d’éléments contextuels, factuels, et sur les corrélations établies entre différents_ regards graphiques_ d’enfants ; et leur <em>lecture</em> se situe aussi dans cette conjonction (<a href="https://refugiereve.hypotheses.org/">Les collections de R-EVE</a>, parmi lesquelles figure la collection Brauner, sont déposées et décrites dans l’entrepôt de données Nakala et disponible à partir du blog de recherche : « Réfugier Enfance Violence Exil (R-EVE) », « Collections »).</p>
<p>Le parcours de la collection révèle la présence d’analogies de thèmes et de composition. Partout, on retrouve la violence en mouvement, les émotions qu’elle suscite : intrusion des militaires, bombardements, corps, blessures, mort, exodes. Des populations européennes aux Sahraouis et aux boat-people d’Asie, les dessins d’enfants révèlent une attention particulière pour l’arsenal guerrier, de la machette au scud, en passant par les baïonnettes, chars, lance-roquettes, et figurent les escadrilles, les obus…</p>
<p>Dans « Tout est en feu » (Figure 1), ce sont deux chars soviétiques qui brûlent : un choix qui révèle également la culture patriotique dans laquelle l’enfant tchétchène grandit. Dans « Ma maison cassée » (Figure 2), Manuel Pérez Osana représente à la fois les avions-chasseurs et bombardiers, et la trajectoire de la bombe qui explose au sol.</p>
<h2>Réappropriation par le dessin</h2>
<p>L’imagination de l’enfant dessinateur s’applique souvent à introduire des personnes susceptibles d’apporter un secours aux blessés, des brancards, des ambulances, l’hôpital. Ces appuis sûrs sont d’abord ceux qu’il voit de ses propres yeux, pompiers, médecins, brancardiers. Le dessin de Manuel Pérez Osana comporte explicitement un appel au secours (<em>Socorro</em>), émis sans doute du point de vue de l’enfant, pris au piège dans la maison bombardée et éventrée.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/454968/original/file-20220329-22-p5b9gk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/454968/original/file-20220329-22-p5b9gk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=355&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/454968/original/file-20220329-22-p5b9gk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=355&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/454968/original/file-20220329-22-p5b9gk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=355&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/454968/original/file-20220329-22-p5b9gk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=447&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/454968/original/file-20220329-22-p5b9gk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=447&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/454968/original/file-20220329-22-p5b9gk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=447&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Figure 3 : La guerre en ex-Yougoslavie (1991-1995). [Anonyme] : « Tulipes sur les tombes », dessin d’un enfant d’une école maternelle de Zabreb.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.librairie-gallimard.com/livre/9782845165274-j-ai-dessine-la-guerre-le-regard-de-francoise-et-alfred-brauner-rose-duroux/">J’ai dessiné la guerre. Le regard de Françoise et Alfred Brauner, Rose Duroux et Catherine Milkovitch-Rioux (dir.), Pubp, 2011, p. 131</a></span>
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<p>De manière plus étonnante, l’enfant met en scène sa propre capacité d’action – comme si, avec le dessin, le chaos de la guerre se maîtrisait, fût-ce de manière imaginaire. Cette capacité d’agir peut se manifester sous de multiples formes symboliques : dans le dessin (Figure 3) « Tulipes sur les tombes », un élève croate d’une école maternelle de la ville de Zagreb confrontée dès 1991 aux bombardements de l’armée populaire yougoslave représente des tombes où sont enterrés civils et combattants.</p>
<p>Avec les tulipes, de grande taille, les bougies éclairant les tombes – déposées également sur les rivières <a href="https://www.cairn.info/revue-ethnologie-francaise-2004-2-page-267.htm">dans plusieurs traditions slaves</a> – l’enfant s’empare des rituels de deuil qui maintiennent des liens entre les survivants et le monde des défunts. Cette réappropriation par le dessin est une forme d’action.</p>
<p>Les dessins d’enfants inventent souvent des représentations imaginaires qui constituent autant de refuges dans une réalité chaotique : en 1944, à Terezin, une petite fille juive tchèque, Érika Taussigova, âgée de 9 ans, dessina le dortoir de son stalag avec, au premier plan, une corbeille de fruits, un papillon, et un grand vase rempli de fleurs. Elle ouvrait au seuil de la mort un espace-refuge imaginaire, intime et familier, celui du monde d’avant.</p>
<figure class="align-left ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/454994/original/file-20220329-19-1vzcbey.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/454994/original/file-20220329-19-1vzcbey.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=794&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/454994/original/file-20220329-19-1vzcbey.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=794&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/454994/original/file-20220329-19-1vzcbey.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=794&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/454994/original/file-20220329-19-1vzcbey.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=998&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/454994/original/file-20220329-19-1vzcbey.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=998&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/454994/original/file-20220329-19-1vzcbey.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=998&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Déflagrations – Dessins d’enfants, guerres d’adultes, Zérane S. Girardeau, Anamosa, 2017.</span>
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<p>Les collections de dessins d’enfants, d’une terrible actualité dans le monde, portent à nos yeux les expériences enfantines et adolescentes des violences extrêmes. Leur collecte, leur préservation, leur description, leur analyse permettent de retracer l’histoire des usages scientifiques, politiques, humanitaires, artistiques des témoignages graphiques. Mais aussi, <a href="https://inculte.fr/produit/une-ile-une-forteresse/">comme l’écrit Hélène Gaudy</a> dans le récit qu’elle consacre au camp de Terezin, <em>Une île, une forteresse</em>, à partir des <a href="https://www.fondationshoah.org/memoire/puisque-le-ciel-est-sans-echelle-dessins-darthur-goldschmidt-au-camp-de-theresienstadt">dessins d’Arthur Goldschmidt</a> (qui est adulte), ils engagent à échapper à la surface des choses, à « sauvegarder une part de beauté » : « tout est nu, les visages, l’eau, les arbres, tout existe davantage. »</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/178807/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Catherine Milkovitch-Rioux a reçu des financements de l'Agence Nationale pour la Recherche (ANR): cet argent a été versé au CELIS/Université Clermont Auvergne, non à Catherine Milkovitch-Rioux personnellement.
Autres financements des recherches (par son statut d'enseignante chercheuse): CELIS/UCA, Ihtp/CNRS.
Pour les illustrations, dessins, photographie, couverture issus de l'ouvrage J'ai dessiné la guerre. Le regard de Françoise et Alfred Brauner, PUBP.
Tous droits réservés. </span></em></p>Témoignant des effets dévastateurs des conflits sur le psychisme des jeunes victimes, les dessins d’enfants sont aussi un outil pour faire valoir leurs droits, et des sources pour les historiens.Catherine Milkovitch-Rioux, Professeure de littérature contemporaine, Université Clermont Auvergne (UCA)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1782202022-03-02T19:41:37Z2022-03-02T19:41:37ZAbus, violences, crises, guerres : les traumatismes vécus dans l’enfance ont des effets durables<p>Alors que la société prend conscience de l’importance de la santé mentale, et que la recherche en neurosciences et en psychiatrie progresse, on commence à accorder un peu plus d’attention aux traumatismes psychologiques, notamment à ceux qui se produisent dans l’enfance.</p>
<p>Le cerveau d’un enfant est une éponge qui lui permet d’apprendre comment le monde fonctionne et de mieux se connaître lui-même. En tant qu’êtres humains, nous avons <a href="http://theconversation.com/to-feel-happier-we-have-to-resolve-to-the-life-we-evolved-to-live-108965">cet avantage</a>, hérité de l’évolution, de pouvoir faire confiance aux plus âgés et tirer profit de leur connaissance du monde. Cela nous permet de cumuler les savoirs pour nous protéger contre une adversité que seuls peuvent affronter les plus expérimentés. En se référant aux adultes, l’enfant s’imprègne de modèles de perception du monde, de relations aux autres et à soi.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/de-la-maltraitance-infantile-aux-addictions-de-ladulte-135334">De la maltraitance infantile aux addictions de l’adulte</a>
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<p>Mais lorsque l’environnement initial dans lequel évolue l’enfant est particulièrement dur et hostile, sa vision des choses se construit autour de la violence, de la peur, de l’insécurité et de la tristesse. Les cerveaux des adultes qui ont connu l’adversité ou la pauvreté dans leur enfance sont plus enclins à <a href="https://www.frontiersin.org/articles/10.3389/fnbeh.2015.00154/full">détecter les dangers</a>, au prix de passer à côté des signaux positifs.</p>
<h2>Une perception du monde transformée</h2>
<p>En traversant de telles difficultés, certaines personnes ont dû mûrir plus vite et apporter un soutien émotionnel à leurs frères et sœurs, ou à leurs parents, à un âge où eux-mêmes avaient encore besoin qu’on s’occupe d’eux. Ils peuvent finir par transposer ces modèles dans leurs comportements vis-à-vis des autres à l’âge adulte.</p>
<p>L’enfant traumatisé peut aussi se percevoir comme indigne d’être aimé, comme coupable ou mauvais. À ce stade de son développement, son cerveau peut penser : « si on me fait cela, c’est qu’il y a quelque chose qui ne va pas chez moi, et que je le mérite ».</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/comment-les-dessins-denfants-racontent-la-guerre-et-lexil-178807">Comment les dessins d’enfants racontent la guerre et l’exil</a>
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<p>Le petit monde dans lequel nous vivons en tant qu’enfants façonne la manière dont nous percevrons le monde réel en tant qu’adultes. Et par là même, cela déterminera la façon dont le monde réagit à nos comportements.</p>
<p>Les traumatismes de l’enfance sont plus fréquents qu’on ne le pense : près de <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/18349090/">deux tiers des enfants</a> ont vécu au moins un <a href="https://www.samhsa.gov/sites/default/files/programs_campaigns/nctsi/nctsi-infographic-full.pdf">événement traumatique</a>. Il peut s’agir d’une blessure ou d’une maladie grave, d’une expérience directe de violences ou d’abus sexuels, ou du fait d’en être témoin, de négligence, de harcèlement, ou encore du fait d’avoir été témoin d’une attaque terroriste, d’une <a href="http://theconversation.com/what-mass-shootings-do-to-those-not-shot-social-consequences-of-mass-gun-violence-106677">fusillade de masse</a>.</p>
<p>Dans le cas de maltraitances et d’abus sexuels, les <a href="https://www.nctsn.org/what-is-child-trauma/trauma-types/complex-trauma">violences sont souvent chroniques</a> ce qui peut être encore plus préjudiciables à la santé mentale et physique de l’enfant.</p>
<p>Les guerres et les crises de réfugiés actuelles exposent également des millions d’enfants à des <a href="https://theconversation.com/syrian-refugees-in-america-the-forgotten-psychological-wounds-of-the-stress-of-migration-96155">niveaux de traumatisme extrêmement élevés</a> et qui sont souvent ignorés.</p>
<h2>Sentiment de culpabilité</h2>
<p>Pour comprendre la réaction de l’enfant, il faut garder à l’esprit son niveau de développement et de maturité émotionnelle et cognitive. La plupart du temps, c’est la confusion qui prévaut.</p>
<p>Mes patients adultes me disent souvent que, lorsqu’ils ont été molestés par un membre de leur famille à l’âge de cinq ans, ils n’ont pas compris pas ce qui se passait ni pourquoi un soignant censé être digne de confiance leur faisait subir cela. La peur et la terreur, associées à un sentiment de manque de contrôle, accompagnent souvent cette confusion.</p>
<p>Intervient aussi la culpabilité, car l’enfant peut croire qu’il a fait quelque chose de mal pour mériter l’abus et, souvent, les adultes auteurs de l’abus leur disent que c’est le cas. En cas de violences sexuelles, il arrive que les parents, lorsqu’ils en sont informés, choisissent de nier ou d’ignorer ce qui s’est passé. Cela aggrave les sentiments de culpabilité et d’impuissance.</p>
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<p>Dans le cas de violences domestiques, par exemple lorsqu’une mère est fréquemment battue par un père alcoolique, les enfants se retrouvent coincés entre deux personnes qu’ils sont censés aimer. Ils peuvent en vouloir au père d’être violent, ou à la mère de ne pas avoir su se protéger.</p>
<p>Ils peuvent aussi essayer de protéger leur mère ou de la consoler. Ils peuvent se sentir coupables de ne pas avoir réussi à la sauver ou se retrouver à élever leurs frères et sœurs lorsque leurs parents ne le font pas. Ils en déduisent que le monde est un endroit brutal et sans sécurité, ou l’on est soit violent, soit maltraité.</p>
<h2>Risques à long terme</h2>
<p>De plus en plus de recherches suggèrent que les traumatismes de l’enfance ont un impact durable : ils modèlent non seulement la vision du monde et les réactions de la personne mais ils ont également des conséquences sur la santé à l’école, au travail, que ce soit sur le plan mental ou physique, tout au long de la vie. Ces enfants pourront avoir de <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC3232057/">moins bons résultats</a> en classe, une <a href="https://theconversation.com/syrian-refugees-in-america-the-forgotten-psychological-wounds-of-the-stress-of-migration-96155">anxiété</a> plus forte, des risques de dépression, de toxicomanie, et divers <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/16006380">problèmes physiques</a> comme des maladies auto-immunes.</p>
<p>Les adultes qui ont subi un traumatisme pendant l’enfance ont plus de risques de développer un trouble de <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC3108182/">stress post-traumatique</a> lorsqu’ils sont exposés à un nouveau traumatisme et présentent des taux plus élevés d’<a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/12142846">anxiété</a>, de dépression, de toxicomanie et de <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/?term=Childhood+trauma+and+suicide+attempt%3A+A+meta-analysis+of+longitudinal+studies+from+the+last+decade">suicide</a>. Les conséquences des traumatismes de l’enfance sur la santé physique des adultes comprennent, entre autres, l’<a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/26247216">obésité</a>, la <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/23421962">fatigue chronique</a>, les <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/22787111">maladies cardiovasculaires</a>, les maladies auto-immunes, le <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/24524907">syndrome métabolique</a> et la <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/24360527">douleur</a>.</p>
<p>Toutes les personnes qui vivent des événements traumatisants dans leur enfance ne seront pas marquées à vie et la recherche s’intéresse d’ailleurs aux prédicteurs de risque et de résilience. Il existe par exemple des <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/25162199">variations génétiques</a> qui peuvent rendre une personne plus ou moins vulnérable.</p>
<h2>Chances de résilience</h2>
<p>Je rencontre souvent des personnes qui ont su transformer leur traumatisme en un engagement qui a du sens, et prennent leur envol, gagnent en assurance grâce à un bon mentor, un thérapeute, un grand-parent ou des expériences positives.</p>
<p>Cela ne veut pas dire que ceux qui ressentent des conséquences à long terme sont plus faibles ou ont été moins persévérants. Outre la gravité et de la chronicité du traumatisme, il existe une multitude de facteurs génétiques, neurobiologiques, familiaux, de soutien, socio-économiques et environnementaux, qui peuvent faire s’écrouler les personnes les plus fortes lorsqu’elles sont exposées à un traumatisme.</p>
<p>Face à cela, la société a différents moyens d’action : réduire la pauvreté, assurer une éducation pour tous, fournir aux parents moins privilégiés le soutien nécessaire pour élever leurs enfants (même s’il faut rappeler que les traumatismes infantiles se produisent également dans les foyers privilégiés) ; prendre au sérieux les abus signalés par les enfants ; retirer l’enfant de l’environnement traumatique ; mettre en place des psychothérapies. Si nécessaire, des médicaments peuvent également aider. Les récentes avancées dans le domaine des neurosciences, de la <a href="https://www.frontiersin.org/articles/10.3389/fnbeh.2018.00328/full">psychothérapie</a> et de la psychiatrie nous ont aussi fourni des outils puissants.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/178220/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Arash Javanbakht ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Si l’on parle beaucoup de résilience aujourd’hui, la recherche montre aussi que les traumatismes subis dans l’enfance ont un impact à long terme et modèlent notre vision du monde en tant qu’adultes.Arash Javanbakht, Associate Professor of Psychiatry, Wayne State UniversityLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1740812022-01-28T14:25:32Z2022-01-28T14:25:32ZAttentat de la mosquée de Québec, 5 ans plus tard : comment les traumas affectent les enfants et les ados<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/441755/original/file-20220120-9469-wro8wv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=26%2C0%2C5917%2C3992&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Une famille allume des bougies alors qu'elle assiste à une vigile à Moncton, au Nouveau-Brunswick, le lundi 30 janvier 2017, pour les victimes de la fusillade de la mosquée de Québec.</span> <span class="attribution"><span class="source">LA PRESSE CANADIENNE/Darren Calabrese</span></span></figcaption></figure><p>Il y a cinq ans, le 29 janvier 2017, six hommes sont tués par un tireur dans la grande mosquée de Québec. L’attentat <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1014243/grande-mosquee-rouvre-ses-postes-fideles-apres-attentat-de-quebec">a aussi fait huit blessés et laissé 17 orphelins et orphelines</a>. Des enfants étaient également <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1013909/le-fil-des-evenements-de-lattentat-de-quebec">présents sur place au moment de l’évènement</a>, au deuxième étage de la mosquée.</p>
<p>Comment les jeunes victimes d’un tel acte survivent-elles ? Comment s’adaptent-elles après le choc et le trauma ?</p>
<p><a href="https://www.ledevoir.com/societe/664194/tuerie-de-la-mosquee-de-quebec-nous-n-oublierons-jamais">Un témoignage récent de deux jeunes</a> nous en donne un aperçu. Membre et ami de la communauté musulmane de Québec, ils racontent qu’ils n’oublieront jamais. Alors que la peur qu’un tel événement se reproduise plane toujours, ils affirment garder le cap grâce au soutien et à la solidarité de la communauté.</p>
<p>Il est essentiel de consulter les jeunes victimes pour répondre directement aux questions précédentes. Professeure à l’École de travail social et de criminologie de l’Université Laval et co-chercheure du <a href="https://www.traumaconsortium.com/en/">Consortium canadien sur le trauma chez les enfants et les adolescents</a>, la commémoration de l’attentat de la grande mosquée me donne cependant l’occasion d’examiner la littérature scientifique sur les traumas et la résilience.</p>
<h2>Qu’est-ce qu’un trauma ?</h2>
<p>Un <a href="https://www.apa.org/topics/trauma">trauma</a> est une expérience de vie très difficile (aussi appelée expérience d’adversité) qui cause une réaction physique et psychologique extrême et que plusieurs personnes ont du mal à surmonter.</p>
<p>Dans mes recherches, je m’intéresse davantage aux <a href="https://www.inspq.qc.ca/securite-et-prevention-des-traumatismes/prevention-de-la-violence-interpersonnelle">traumas interpersonnels</a> chez les enfants et les adolescents. Ces traumas se distinguent d’autres expériences d’adversité, tels qu’un accident ou une catastrophe naturelle, parce qu’ils ont ceci de particulier : les actes sont commis (ou omis) par une ou des personnes et dirigés vers autrui, un groupe ou une communauté. L’évènement de la grande mosquée de Québec présente ainsi des caractéristiques des traumas interpersonnels puisque les actes ont été dirigés vers une communauté.</p>
<p>Les traumas interpersonnels peuvent être associés à une myriade de conséquences, surtout lorsqu’ils surviennent lors de périodes sensibles du développement, telles que l’enfance et l’adolescence.</p>
<h2>Un cerveau plus sensible aux expériences vécues</h2>
<p>On dit que l’enfance et l’adolescence sont des périodes sensibles du développement, car la plasticité cérébrale (c’est-à-dire la capacité du cerveau à se modifier) y est accrue. Le cerveau se développe et s’organise rapidement, et ce, jusqu’à l’âge <a href="https://n.neurology.org/content/80/11_Supplement_3/S54.long">d’environ 25 ans</a>.</p>
<p>À la manière d’une éponge qui absorbe tout, cette <a href="https://46y5eh11fhgw3ve3ytpwxt9r-wpengine.netdna-ssl.com/wp-content/uploads/2007/05/Timing_Quality_Early_Experiences-1.pdf">plasticité cérébrale</a> rend le cerveau plus sensible aux expériences vécues, que celles-ci soient positives (apprentissage, relations interpersonnelles bienveillantes) ou négatives, comme les traumas interpersonnels. C’est à la fois ce potentiel et cette vulnérabilité qui m’intéressent dans le développement des enfants et des adolescents qui vivent des traumas.</p>
<p>C’est aussi cette vulnérabilité qui contribue à ce que les traumas interpersonnels puissent induire des <a href="https://www.nctsn.org/what-is-child-trauma/trauma-types/complex-trauma/effects">conséquences multiples et complexes</a> et ce, tout au long de la vie. Il est important de savoir que celles-ci dépassent largement les symptômes classiques du trouble de stress post-traumatique (la reviviscence, l’évitement, les altérations des pensées, de l’humeur, de l’éveil et de la réactivité). Elles incluent des problèmes relationnels et d’attachement, des altérations de l’identité et de la compréhension du monde (une vision négative de soi et des autres), des symptômes physiques (maux de ventre), des difficultés dans la régulation des émotions et des comportements (peur et anxiété, colère et impulsivité), ainsi que des problèmes cognitifs et d’apprentissage (maintenir son attention et apprendre de nouvelles choses à l’école).</p>
<p>Bien qu’il soit possible que de telles conséquences s’observent chez les jeunes victimes de l’attentat, il faut savoir qu’il existe des différences individuelles importantes entre les jeunes. Ce ne sont pas tous ceux exposés à un trauma qui présenteront une ou plusieurs de ces conséquences.</p>
<p>Ce sont, entre autres, ces différences individuelles dans les trajectoires développementales des jeunes qui m’intéressent dans mes recherches : qu’est-ce qui fait en sorte qu’un jeune aura un développement et un fonctionnement adéquats en dépit de l’adversité vécue ? Bref, qu’est-ce qui explique la résilience ?</p>
<h2>Bien comprendre le processus de résilience</h2>
<p>Face un évènement tel que celui de la grande mosquée de Québec, ou encore l’actuelle pandémie de Covid-19, le terme résilience est sur toutes les lèvres. Mais qu’en est-il exactement ?</p>
<p>Les définitions varient, mais la <a href="https://acamh.onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1111/j.1469-7610.2012.02615.x">résilience</a> est généralement définie comme le processus dynamique par lequel une personne s’adapte face à l’adversité. Bien comprendre ce processus est nécessaire pour prévenir l’émergence et le maintien de difficultés d’adaptation chez les jeunes exposés à des traumas.</p>
<p>D’abord, on sait que plusieurs facteurs et mécanismes sont associés à la résilience. Ceux-ci peuvent opérer en amont des expériences d’adversité, afin de soutenir la résilience par la suite. Ces facteurs incluent notamment de bonnes <a href="https://documentcloud.adobe.com/link/review?uri=urn%3Aaaid%3Ascds%3AUS%3Ad88e9a8c-5cb5-427c-84d7-b245874843e9&fbclid=IwAR1F5c16gx_blQHl_-oPKJQW5vjHR_a6JBQRQQAYtY1a4wnM2dKg2x7wmL4#pageNum=1">fonctions exécutives</a> (la capacité à s’adapter à des situations nouvelles, résoudre des problèmes complexes et réguler ses émotions et ses comportements), des relations interpersonnelles chaleureuses et bienveillantes (avec une figure parentale, un réseau de soutien) ou des stratégies d’adaptation adéquates pour faire face au stress.</p>
<p>Par exemple, une <a href="https://link.springer.com/article/10.1007%2Fs10567-019-00293-1">méta-analyse</a> de 118 études incluant, au total, plus de 100 000 participants a montré les effets protecteurs du soutien social et des capacités de régulation chez les enfants victimes de violence interpersonnelle.</p>
<h2>Se concentrer sur les forces et les ressources des jeunes</h2>
<p>Les facteurs et mécanismes associés à la résilience peuvent aussi se déployer après les expériences d’adversité, afin de favoriser le rétablissement et la réadaptation. Ceux-ci comprennent, entre autres, les opportunités d’apprentissage et de guérison, possibles dans le cadre de relations interpersonnelles bienveillantes et chaleureuses, ainsi que les interventions psychosociales.</p>
<p>De nombreuses recherches montrent effectivement que les interventions psychosociales (par exemple, les <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/32318168/">thérapies cognitivo-comportementales</a> ou les <a href="https://doi.org/10.1016/j.chiabu.2021.105296">approches sensibles au trauma</a>) sont associées à une diminution des symptômes post-traumatiques et à une amélioration du fonctionnement des jeunes.</p>
<p>Les jeunes peuvent même développer des <a href="https://journals.sagepub.com/doi/10.1177/1745691617693054">forces</a>, ou des habiletés qui sont utiles et adaptées en contexte d’adversité, par exemple être vigilant ou diviser son attention.</p>
<p>Ensemble, ces facteurs et mécanismes associés à la résilience constituent des leviers de changement pour aider les jeunes exposés à des traumas, en se concentrant sur leurs ressources et leurs forces plutôt que sur leurs difficultés.</p>
<h2>Guérir et retrouver un sentiment de sécurité</h2>
<p>Vivre un trauma pendant l’enfance ou l’adolescence peut avoir des conséquences multiples et complexes, mais pas toujours – il y a place pour la résilience et la guérison, surtout lorsque le jeune profite de <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/20331672/">l’effet protecteur</a> d’une figure parentale ou d’un réseau de soutien qui contribuent à ce qu’il retrouve un sentiment de sécurité.</p>
<p>Même si cet aperçu de la littérature scientifique sur les traumas interpersonnels offre des pistes de réponse quant aux conséquences qu’a pu avoir l’attentat de la grande mosquée de Québec chez les jeunes victimes, elle ne peut entièrement refléter leur expérience.</p>
<p>Néanmoins, c’est avec ce regard <a href="https://ncsacw.samhsa.gov/userfiles/files/SAMHSA_Trauma.pdf">sensible aux traumas</a> que je nous invite, collectivement, à réaliser et à reconnaître les conséquences potentielles des traumas interpersonnels chez les personnes, les familles, les communautés et dans la société, mais, aussi, les possibilités de résilience et de guérison.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/174081/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Alexandra Matte-Landry ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La littérature scientifique sur les traumas interpersonnels peut nous aider à mieux comprendre l’impact d’une tragédie, tout particulièrement chez les enfants et les ados.Alexandra Matte-Landry, Professeure adjointe en criminologie, travaillant sur l'adversité et la résilience chez les enfants et les adolescents, Université LavalLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1723322021-11-23T20:06:44Z2021-11-23T20:06:44ZDe Parkinson aux lésions cérébrales, l’intérêt thérapeutique de la musique se confirme<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/433188/original/file-20211122-17-1tohf0x.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C790%2C3928%2C2300&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Agissant sur de nombreuses zones cérébrales à la fois, la musique multiplie les effets bénéfiques tant pour retrouver des fonctions cognitives altérées que pour favoriser leur développement.</span> <span class="attribution"><span class="source">Photo de Andrea Piacquadio / Pexels</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Vous ne vous en rendez probablement pas compte lorsque vous écoutez votre chanson préférée, mais la musique a un <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/22116038/">effet incroyablement puissant</a> sur le cerveau humain et qui dépasse la seule détente.</p>
<p>Il a été démontré que le fait de chanter, de jouer d’un instrument ou d’écouter de la musique active de nombreuses zones du cerveau qui contrôlent la <a href="https://www.frontiersin.org/articles/10.3389/fpsyg.2011.00142/full">parole</a>, le <a href="https://www.nature.com/articles/nrn2152">mouvement</a> et la <a href="https://content.iospress.com/articles/journal-of-alzheimers-disease/jad160867">cognition</a>, la <a href="https://psyk.uu.se/digitalAssets/510/c_510552-l_1-k_emotional-responses-to-music_juslin-vastfjall.pdf">mémoire et les émotions</a> – souvent simultanément. Certains travaux suggèrent même que la musique pourrait <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0306987708002880">contribuer à développement, physiquement, la matière cérébrale</a>, ce qui pourrait aider le cerveau à se réparer.</p>
<p>Plus intriguant encore, la musique s’avère aussi avoir un impact dans les cas où le cerveau ne fonctionne pas comme il le devrait. Par exemple, des études montrent que chez les personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer, la musique peut souvent susciter une réaction, aidant les patients à <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/26041611/">accéder à des souvenirs</a> qui paraissaient perdus. Il est également prouvé que des patients atteints de lésions cérébrales et ayant perdu la capacité de parler <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0021992416301514">peuvent encore chanter</a> lorsqu’ils écoutent de la musique.</p>
<p>Compte tenu de la puissance de cet effet, les chercheurs étudient la possibilité de l’utiliser pour traiter de nombreuses maladies neurologiques différentes, telles que les accidents vasculaires cérébraux, la maladie de Parkinson ou les lésions cérébrales. L’un de ces traitements actuellement à l’étude est la <a href="https://nmtacademy.co/">musicothérapie neurologique</a> ou <a href="https://www.musicotherapie-federationfrancaise.com/zoom-definition/la-musicotherapie-neurologique/">neuromusicothérapie</a>.</p>
<p>La musicothérapie neurologique fonctionne un peu comme la physiothérapie ou l’orthophonie, dans la mesure où elle vise à permettre à des patients de gérer leurs symptômes et à mieux « fonctionner » dans leur vie quotidienne. Les séances de thérapie utilisent ainsi des exercices musicaux ou rythmiques pour les aider à retrouver des compétences fonctionnelles. Par exemple, les patients qui réapprennent à se mouvoir après un accident ou un traumatisme peuvent marcher au rythme de la musique pendant une séance.</p>
<h2>Parler, marcher, penser</h2>
<p>Ce type de thérapie s’est déjà révélé prometteur pour aider les victimes <a href="https://link.springer.com/content/pdf/10.1007/s40141-014-0049-y.pdf">d’un accident vasculaire cérébral</a> à retrouver le <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC3764351/">langage</a>, à améliorer la <a href="https://www.frontiersin.org/articles/10.3389/fneur.2018.00755/full">marche</a> et à récupérer les <a href="https://www.frontiersin.org/articles/10.3389/fnhum.2015.00480/full#h1">mouvements physiques</a> mieux que d’autres thérapies standard.</p>
<p>D’autres types d’effets pouvaient également être envisagés. Des équipes ont par exemple cherché à savoir si la musicothérapie neurologique pouvait traiter certains troubles du mouvement, comme la <a href="https://www.frontiersin.org/articles/10.3389/fneur.2015.00234/full#h1">maladie de Parkinson</a>. La plupart des études dans ce domaine ont utilisé une technique appelée exercices d’<a href="https://internal-journal.frontiersin.org/articles/10.3389/fpsyg.2014.01185/full#h2">entraînement rythmique</a>, qui fait appel à la capacité du cerveau à se synchroniser inconsciemment avec un rythme – par exemple en marchant à la vitesse spécifique de la musique.</p>
<p>Comparée à une thérapie sans musique, la neuromusicothérapie a montré qu’elle <a href="https://movementdisorders.onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.1002/mds.870110213">améliorait bien la marche</a> et <a href="https://journals.plos.org/plosone/article?id=10.1371/journal.pone.0009675">réduisait les moments de « gel »</a> (une incapacité temporaire et involontaire de bouger) chez les patients atteints de la maladie de Parkinson.</p>
<p>Les personnes ayant subi un <a href="https://online.ucpress.edu/mp/article-abstract/27/4/281/62461/Neurologic-Music-Therapy-in-Cognitive">traumatisme crânien</a> ou souffrant de la <a href="https://www.proquest.com/openview/ed99ea3db587b2bb2abac857c6b3f19a/1?pq-origsite=gscholar&cbl=2041879">maladie de Huntington</a> pourraient-elles, elles aussi, bénéficier d’amélioration de leurs troubles cognitifs ?</p>
<p>Pour ce genre d’affections, la musicothérapie neurologique se concentre sur <a href="https://internal-journal.frontiersin.org/articles/10.3389/fneur.2014.00034/full#h5">l’activation et la stimulation</a> des zones du cerveau qui ont pu être endommagées, comme le cortex préfrontal (zone du cerveau responsable de la planification, de la prise de décision, de la résolution de problèmes et de la maîtrise de soi). Cela peut impliquer que le patient passe d’un type d’instrument de musique à un autre lorsqu’il entend un changement dans la musique qu’il accompagne (par exemple, le tempo devient plus rapide ou plus lent).</p>
<p><a href="https://nyaspubs.onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1111/j.1749-6632.2009.04585.x">Une étude</a> a là encore révélé que ces types d’activités amélioraient la concentration et l’attention des patients souffrant de lésions cérébrales traumatiques. Cela a eu un impact positif sur leur bien-être et a réduit les sentiments de dépression ou d’anxiété.</p>
<h2>Des débuts d’explication</h2>
<p>On pense que la neuromusicothérapie fonctionne parce que la musique peut activer et simuler simultanément un grand nombre de parties différentes du cerveau. Or, chez les patients atteints de troubles neurologiques, ce sont souvent les <a href="https://www.pnas.org/content/115/30/7813">connexions cérébrales</a> qui posent problème, plutôt qu’une zone spécifique. Les recherches montrent que la musique peut former de nouvelles connexions dans le cerveau de manière unique.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Cerveau par IRM" src="https://images.theconversation.com/files/433192/original/file-20211122-21-ooangj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/433192/original/file-20211122-21-ooangj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=424&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/433192/original/file-20211122-21-ooangj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=424&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/433192/original/file-20211122-21-ooangj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=424&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/433192/original/file-20211122-21-ooangj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=533&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/433192/original/file-20211122-21-ooangj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=533&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/433192/original/file-20211122-21-ooangj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=533&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">En activant plusieurs zones cérébrales simultanément, la musique a un effet unique sur notre cerveau.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Aitor Guitarte Somosmedicina/Flickr</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>L’écoute de la musique améliore également la <a href="https://www.frontiersin.org/articles/10.3389/fnhum.2014.00245/full">réparation des neurones</a> mieux que d’autres activités – comme l’écoute d’un livre audio – ce qui peut signifier que le cerveau fonctionne mieux et établit de nouvelles connexions.</p>
<p>La musique aurait également des effets durables sur le cerveau. À tel point que le cerveau d’un musicien est en fait <a href="https://www.jneurosci.org/content/23/27/9240.full">mieux connecté</a> que celui de personnes n’ayant pas joué de musique. Cela pourrait être important pour les personnes souffrant de troubles neurologiques, car la musique pourrait aider à réparer les connexions endommagées au fil du temps.</p>
<p>Cette activation multiple pourrait expliquer pourquoi la neuromusicothérapie donne de meilleurs résultats que les autres thérapies standard seules. Étant donné que nombre d’affections neurologiques affectent les connexions dans le cerveau, la capacité de la musique à stimuler plusieurs zones simultanément pourrait aider à contourner les connexions problématiques et à en créer de nouvelles… ce qui permettrait de surmonter certains symptômes ou de mieux les gérer.</p>
<p>Bien que des recherches supplémentaires restent nécessaires avant que cette approche thérapeutique ne soit utilisée à grande échelle dans les systèmes de santé, ces premiers résultats montrent combien elle est prometteuse. Des recherches sont également en cours pour déterminer si elle peut être utilisée pour aider les personnes atteintes de maladies liées à l’âge, comme la <a href="https://academic.oup.com/jmt/article-abstract/56/3/265/5538953?redirectedFrom=fulltext">démence ou la maladie d’Alzheimer</a>. En fin de compte, la recherche confirme la valeur de la <a href="https://www.bamt.org/">musicothérapie</a> dans la pratique générale des soins de santé.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/172332/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Rebecca est membre du conseil d'administration de Chiltern Music Therapy, Royaume-Uni.</span></em></p>Aider à la récupération du langage, de la marche, à gérer certains troubles du mouvement… Les études se multiplient pour prouver les effets de la musique. Et les expliquer au niveau neurologique.Rebecca Atkinson, Doctoral Researcher in Neurologic Music Therapy, University of BrightonLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1721632021-11-18T21:32:30Z2021-11-18T21:32:30ZPourquoi il faut développer les suivis psychologiques en centre d’hébergement d’urgence<p>« Centres d’hébergement d’urgence » : l’expression évoque les lieux destinés à accueillir à la nuitée les personnes en grande précarité, afin de les mettre à l’abri, leur procurer des soins d’hygiène, de la nourriture, etc. La dimension d’assistance psychologique n’est pas la première qui vient à l’esprit lorsque l’on pense à ce type de structures. Et pour cause : comme le soulignait le chercheur en sociologie politique <a href="https://doi.org/10.3917/soco.063.0105">Patrick Bruneteaux en 2006</a> : « dans tous les centres d’hébergement d’urgence de nuit, quelles que soient les associations, aucun professionnel de l’écoute n’est présent ». </p>
<p>Ce constat était également valable dans le Centre d’hébergement d’urgence et d’accueil des personnes sans abris (CHAPSA) de Nanterre au sein duquel a pris place l’étude clinique de terrain dont les résultats sont présentés dans cet article. Ce travail, qui s’est déroulé d’avril 2020 à mai 2021, dans des conditions très particulières, alternant confinement et déconfinement, visait à évaluer l’impact du suivi psychologique sur la situation psychosociale des personnes hébergées dans ce centre.</p>
<p>Voici ses conclusions.</p>
<h2>Un fonctionnement modifié par la pandémie</h2>
<p>La situation sanitaire exceptionnelle que nous avons vécue a fortement modifié le fonctionnement du CHAPSA de Nanterre, où j’ai débuté mon travail en tant que psychologue bénévole auprès des usagers confinés. </p>
<p>Disposant de 217 places, ce centre fonctionne habituellement en nuitées. Les personnes hébergées y sont orientées par la brigade d’assistance aux personnes sans-abri (qui dépend de la préfecture de police de Paris), le service intégré d’accueil et d’orientation (une composante du dispositif départemental de veille sociale) et la Régie autonome des transports parisiens (RATP). </p>
<p>De mars 2020 à juin 2021, le centre a fonctionné pendant 11 mois en confinement (de mars à juin 2020, d’octobre à novembre 2020, de février à juin 2021). Durant ces périodes, la même population, réduite à 144 usagers, conservait sa place la nuit. L’activité de la consultation médicale du CHAPSA, qui accueille de façon inconditionnelle toute personne en demande, a donc été impactée par cette configuration particulière. </p>
<p>Si mon activité de psychologue clinicienne, débutée en avril 2020, s’est maintenue lors des périodes de confinement, le nombre de premières rencontres lors desdites périodes s’est vu réduit, sans toutefois altérer la possibilité des suivis psychologiques débutés lors des périodes de fonctionnement normal (les usagers pouvaient venir de l’extérieur sur rendez-vous afin de continuer leur suivi). </p>
<h2>Prise en charge psychologique : des effets variables selon la population considérée</h2>
<p>De mai 2020 à avril 2021, j’ai mené 467 entretiens psychologiques, dans le cadre de 52 suivis hebdomadaires d’une durée de 1 à 6 mois, auprès de 138 personnes. Toutes les personnes rencontrées ont pu bénéficier d’un accompagnement médical auprès de la consultation, et d’un accompagnement social auprès d’assistants sociaux (du centre ou extérieurs).</p>
<p>Nous avons réparti la typologie clinique des personnes rencontrées selon 4 catégories de troubles de premier plan (à partir de quoi s’effectue la demande ou l’adresse) : stress post-traumatique (30 %, soit 41 usagers), addictions (15 %, soit 21 usagers), troubles psychiatriques graves (22 % soit 30 usagers), anxiété/dépression (33 % soit 46 usagers). </p>
<p>Que nous apprennent ces entretiens ? </p>
<iframe title="Pourcentage d’usagers qui ont accédé à
une stabilisation psychosociale (logement pérenne, mieux-être psychologique)
selon la typologie clinique, la mise en place d’un suivi psychologique et le
genre" aria-label="table" id="datawrapper-chart-XlCiY" src="https://datawrapper.dwcdn.net/XlCiY/5/" scrolling="no" frameborder="0" style="border: none;" width="100%" height="536"></iframe>
<p><br></p>
<p>Concernant la population rencontrée et à partir des chiffres du tableau ci-dessus, nous pouvons remarquer que :</p>
<ul>
<li><p>Le nombre de personnes s’inscrivant dans un suivi psychologique hebdomadaire est nettement plus important auprès des personnes présentant au premier plan un trouble de stress post-traumatique (S 86 %), où il y a une légère majorité de femmes, et c’est aussi auprès de ces personnes que l’accès à une stabilisation psychosociale est la plus élevée (S 56 %, NS 10 %). </p></li>
<li><p>À l’inverse, la population présentant au premier plan des addictions s’est nettement moins engagée dans un suivi psychologique hebdomadaire (S 28 %), dont la grande majorité est masculine et pour laquelle, avec ou sans suivi psychologique, l’accès à une stabilisation psychosociale est le plus bas. En ce qui concerne les personnes présentant des troubles psychiatriques, homme comme femme, l’accès à un suivi psychologique hebdomadaire est aussi faible (S 30 %), parfois parce qu’il y a déjà un suivi à l’extérieur, d’autre fois du fait de la méfiance associée aux suivis antérieurs ; mais l’accès à une stabilisation sociale est médian (S20 %, NS 6 %). </p></li>
</ul>
<p>Enfin, concernant les personnes présentant des troubles anxio-dépressifs, homme comme femme, l’engagement dans un suivi psychologique hebdomadaire est médian (S41 %), et l’accès à une stabilisation psychosociale est élevé avec ou sans suivi psychologique (S35 %, NS22 %).</p>
<p>Nous pouvons conclure que l’impact du psychologue en centre d’hébergement d’urgence en matière de stabilisation psychosociale est limité dans les cas de troubles de l’addiction et de troubles psychiatriques majeurs. Il est en revanche bénéfique pour la population souffrant de troubles anxio-dépressifs, et indispensable pour les personnes souffrant de syndrome de stress post-traumatique.</p>
<h2>Quelques exemples cliniques</h2>
<p>Que ce soit par les événements qui les ont amenés à la précarité (familial, professionnel, accidentel, culturel, migration…) ou la vie dans la rue elle-même, nous pouvons affirmer que la très grande majorité des personnes rencontrées en centre d’hébergement d’urgence <a href="https://doi.org/10.3917/dunod.tarqu.2019.02.0235">ont vécu des épisodes traumatiques complexes</a>, plus ou moins longs, plus ou moins lointains, et qui n’ont pas été pris en charge psychologiquement. </p>
<p>Ainsi, M. Z., 35 ans, qui m’a été adressé par une personne du centre, a vécu des violences et assisté à des meurtres de sa famille, est resté emprisonné et a subi des tortures. Arrivé récemment sur le territoire français, il n’a bénéficié d’aucun suivi. Lorsque je l’ai rencontré, il dormait parfois à la Défense, parfois au CHAPSA, et souffrait de stress post-traumatique. Il passait très régulièrement par des phases d’agressivité, se battait souvent, ne parvenait pas à dormir, avait des reviviscences, se perdait régulièrement, ne pouvait se concentrer. Il lui arrivait aussi de confondre les personnes qu’il croise avec les membres de sa famille tués devant lui. Pour oublier, il prenait parfois des substances. </p>
<p>J’ai suivi M. Z. avec un des médecins de la consultation médicale du CHAPSA afin de lui apporter en parallèle de la psychothérapie une aide médicamenteuse et un suivi somatique. M. Z. a également participé, au cours de la thérapie, à un groupe d’entraide que j’ai conduit avec d’autres personnes ayant vécu des violences et étant isolées sans famille ni amis. Après 6 mois de suivi hebdomadaire, Mr Z. n’a plus de symptomatologie traumatique, il est capable de faire des choix dans ses démarches, il a retrouvé son humour et ses capacités physiques et cognitives, il est sociable et n’a plus de réactions agressives, il a réduit son traitement et ne consomme aucune substance addictive, il a un logement pérenne, et bien qu’il n’ait pas encore accédé à une régularisation de sa situation, il a pu trouver un travail.</p>
<p>Mme D., 31 ans, est quant à elle venue me voir alors qu’elle était hébergée au CHAPSA. Elle a été victime de violences conjugales en France durant plusieurs années et, suite à sa troisième grossesse, elle a été internée en psychiatrie pendant un mois et demi. À sa sortie, elle n’est pas retournée au domicile conjugal, son conjoint ayant mis ses enfants chez sa mère et refusant qu’elle les voit. Au début du suivi, Mme D. est encore sous emprise : dans la culpabilisation, elle est perdue et vit dans la peur permanente de ne pas revoir ses enfants. Elle craint de ne pas être écoutée, du fait de son passage en psychiatrie, son ex-conjoint utilisant cet argument afin de rejeter la faute sur elle. </p>
<p>Au bout de 5 mois de suivi, Mme D. a compris le mécanisme d’emprise et l’épuisement physique et moral qui l’a conduite à son hospitalisation. Elle est sortie de la culpabilité et a retrouvé sa vitalité et son identité. Elle a trouvé un logement pérenne, entreprend auprès d’une avocate les démarches pour acter le divorce et avoir la garde de ses enfants, a commencé un travail à temps partiel et s’est resocialisée.</p>
<p>Âgé de 25 ans, M. K. est venu en consultation suite à une agression. Il se sent persécuté par des personnes qui le rechercheraient, et a établi un délire paranoïaque selon lequel les personnes qui l’ont aidé le délaisseraient, car elles supposeraient qu’il a amené la Covid-19 en France (puisqu’il souffre de problèmes pulmonaires). M. K. a été abandonné dans son enfance : sa mère est morte à sa naissance et son père l’a rejeté. Il n’a pu trouver de figure affective sécurisante et a provoqué des conflits avec des personnes dépositaires d’autorité. Il ne vient pas régulièrement en thérapie et ne parvient pas à s’inscrire dans une démarche de stabilisation, chaque échec rejouant le rejet initial. Il erre régulièrement dans les rues et fume beaucoup ; il craint de se faire du mal et de faire du mal aux autres. Malgré le traitement psychiatrique mis en place, son errance se poursuit et l’antériorité de ses troubles rend très difficile toute prise en charge globale.</p>
<p>On le voit, les troubles dont souffrent les personnes qui sont accueillies en hébergement d’urgence peuvent s’installer <a href="https://doi.org/10.3917/mem.073.0005">« durant des mois, des années voire toute une vie en l’absence de prise en charge »</a> et amener à d’autres pathologies et comorbidités qui rendront non seulement plus difficile l’accès à la guérison du trauma, mais compliqueront aussi la prise en charge médico-sociale, ainsi que la mise en place d’un lien de confiance. Avec d’importantes conséquences non seulement pour l’individu, mais aussi pour les autres, comme cela a été bien documenté dans la littérature scientifique, en particulier dans le cas du stress post-traumatique.</p>
<h2>L’importance de la prise en charge du trouble post-traumatique</h2>
<p>Le lien entre <a href="https://www.cairn.info/les-psychotraumatismes--9782100705207-page-119.htm">trouble post-traumatisme non pris en charge et addiction a été vérifié</a>, l’addiction étant un des moyens utilisés par les personnes souffrant de traumatisme <a href="https://doi.org/10.3917/dunod.lopez.2016.01.0308">pour en atténuer les symptômes</a>, ce qui favorise aussi de nouvelles prises de risque et ainsi <a href="https://doi.org/10.3917/chime.085.0189">de nouveaux traumas</a>. </p>
<p>Le lien entre trouble post-traumatique installé et troubles psychiatriques sévères <a href="https://www.deboecksuperieur.com/ouvrage/9782807307834-le-traumatisme-psychique-chez-l-enfant">a aussi été confirmé</a>, donnant lieu à l’isolement, l’agressivité, augmentant la précarité, les comportements agressifs, <a href="https://doi.org/10.1684/ipe.2016.1552">favorisant les démences chez les personnes âgées</a> et rendant ainsi d’autant plus difficile toute tentative de prise en charge médico-psychosociale.</p>
<p>Dans tous les cas, les troubles post-traumatiques amènent <a href="https://doi.org/10.3917/dunod.lopez.2016.01.0296">des symptômes anxio-dépressifs</a> avec troubles du sommeil et méfiance sociale qui risquent de s’ancrer dans le fonctionnement neuropsychique en l’absence de suivi, nécessiter un traitement médicamenteux à long terme voire des tentatives de suicides, des comportements hétéro et auto agressifs. Ces syndromes limitent la possibilité de se réinsérer, l’intégration dans un cadre (comme un nouvel emploi, une formation, etc.), et ils « sont souvent associés à des troubles de la concentration, de l’attention et/ou de la mémoire. Ces derniers sont d’autant plus invalidants qu’ils peuvent avoir <a href="https://doi.org/10.3917/mem.073.0005P.8.">un impact sur l’apprentissage d’une nouvelle langue, sur les démarches administratives à effectuer »</a>. </p>
<p>Même chez la personne qui arrive à améliorer sa situation sociale sans soins psychiques, le post-trauma peut laisser des traces, faisant courir le risque d’un retour des symptômes enfouis <a href="https://doi.org/10.3917/inpsy.8203.0231">auprès de la génération suivante ou lors de réactivations (grossesse, paternité, décès d’un proche, maladie…)</a>.</p>
<p>Enfin, pour la majorité, l’ancrage dans la précarité, le désespoir et <a href="https://doi.org/10.3917/dunod.tarqu.2019.02.0235">l’altération de la relation au monde et aux autres</a> peuvent mener conjointement à des comportements <a href="https://doi.org/10.3917/dunod.lemit.2012.01.0113">antisociaux et délinquants (vols, agressions)</a>, des réseaux de <a href="https://doi.org/10.3917/cohe.232.0053">prostitution (par mise sous emprise, dévalorisation, répétition de la stratégie de l’agresseur)</a>, des trafics de drogue (pour diverses raisons : c’est une façon de <a href="https://doi.org/10.3917/nrp.015.0207">« réintégrer le système qui les a refoulé » en se rendant visible et puissant</a>, c’est le seul univers connu <a href="https://doi.org/10.3917/psyt.073.0031">où la personne se sent acceptée</a>, c’est la <a href="https://www.cairn.info/je-n-existais-plus--9782348065101-page-225.htm">répétition de l’emprise</a>, ou seulement un moyen pour répondre à ses besoins), et/ou de radicalisation (là pour plusieurs raisons : <a href="https://doi.org/10.3917/rhiz.069.0034">haine généralisée</a>, reconstruction identitaire via le fantasme <a href="https://doi.org/10.3917/ctf.063.0037P.15-20">d’une parenté imaginaire ou récits de rédemption</a>.</p>
<p>C’est donc auprès des primo-arrivants (dans l’abandon, dans la précarité, dans le pays, dans la rue…) souffrant au premier abord de stress post-traumatique que le suivi psychologique est non seulement le plus évident à mettre en place, mais aussi le plus pertinent du point de vue des résultats. </p>
<p>L’intégration du psychologue clinicien dans les centres d’hébergement d’urgence est un atout majeur, préventif et thérapeutique, autant du point de vue psychopathologique, que de ses retombées médicales, économiques et sociopolitiques. L’obtention de réussites thérapeutiques nécessite un suivi psychologique conjoint à une prise en charge sociale et médicale, qui doit être mené par des psychologues prêts à <a href="https://doi.org/10.3917/jdp.312.0023">se remettre régulièrement en cause</a>, <a href="https://doi.org/10.3917/psyt.254.0023">faire preuve d’inventivité et ne pas craindre l’engagement personnel</a>. </p>
<p>Il serait à ce titre intéressant de développer la présence de psychologues en centre d’hébergement d’urgence et, quand il n’y a pas de présence médicale la journée, d’expérimenter un dispositif lors duquel le psychologue peut être présent les soirs, afin d’aller au-devant des personnes hébergées. Cela permettrait de créer le premier lien dont on sait qu’il est central dans l’engagement thérapeutique, conjointement à celui effectué avec les équipes qui sont confrontées à cette charge psychique.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/172163/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Adèle Clément ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les conséquences de la non prise en charge psychologique des personnes accueillies dans les centres d’hébergement d’urgence peuvent être graves, pour elles et pour les autres. Enquête de terrain.Adèle Clément, Psychologue clinicienne, docteur en psychologie clinique et psychopathologie, Université Paris CitéLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1676742021-09-10T19:40:19Z2021-09-10T19:40:19ZComment le 11 Septembre s’est imprimé dans nos mémoires<p><em>Deux décennies ont passé, mais les souvenirs du 11 septembre 2001 semblent toujours aussi vivaces dans les esprits de ceux qui ont assisté, de près ou de loin, à ces terribles attentats. Directeur de l’unité de recherche « Neuropsychologie et imagerie de la mémoire humaine » à l’Université Caen Normandie, Francis Eustache nous explique pourquoi, et revient sur ce que les recherches des vingt dernières années nous ont appris sur les processus de mémorisation.</em></p>
<hr>
<p><strong>The Conversation : En quoi le 11 Septembre a-t-il marqué un tournant dans la recherche sur le traumatisme et la mémoire ?</strong></p>
<p><strong>Francis Eustache :</strong> L’impact du 11 Septembre a été majeur, dans nos sociétés, mais aussi dans le monde de la recherche. Après ces attentats, de nombreux travaux ont été menés pour comprendre non seulement la mémoire traumatique, mais aussi la façon dont la mémoire évolue au cours du temps.</p>
<p>Ces travaux ont contribué à modifier de notre perception de la mémoire, en particulier dans ses aspects malléables, dynamiques. Ils ont aussi permis de mieux comprendre les relations entre mémoire individuelle et mémoire collective. Après ces attentats, la notion de trouble de stress post-traumatique a également diffusé beaucoup plus largement dans le grand public.</p>
<p>On peut en effet distinguer plusieurs grandes étapes dans la compréhension de ce syndrome, décrit dès le milieu du XIX<sup>e</sup> siècle chez les victimes de grandes catastrophes ferroviaires : les deux guerres mondiales, la guerre du Vietnam, la prise de conscience au niveau sociétal de l’impact des violences faites aux femmes et aux enfants dans les années 1970… Mais jusqu’au 11 Septembre, ces informations circulaient surtout dans certains milieux spécialisés. Après cette date, le grand public a pris conscience que le psychotraumatisme entraînait différents symptômes et en particulier des troubles de la mémoire.</p>
<p><strong>TC : Par leur ampleur, par la profusion des images, par le suivi quasi minute par minute du déroulé des événements, ces attentats ont marqué durablement les esprits, bien au-delà des personnes qui ont vécu un psychotraumatisme. Chacun a l’impression de se souvenir très précisément de ce qu’il faisait au moment de l’attaque. Comment cela s’explique-t-il ?</strong></p>
<p><strong>FE :</strong> Ce phénomène s’appelle <a href="https://www.cairn.info/revue-de-neuropsychologie-2020-1-page-35.htm">« souvenir flash » (« flash bulb memory » en anglais)</a> : cette expression désigne un souvenir détaillé et vivace qui fixe précisément les circonstances dans lesquelles nous sommes informés de la survenue d’un événement collectif inattendu, surprenant et empreint d’émotion. Une autre dimension importante intervenant dans la formation du souvenir flash est que nous percevons immédiatement que l’information reçue va avoir d’importantes conséquences, pour nous-mêmes et pour la société (quand bien même nous n’en appréhendons pas la portée exacte). En revanche, nous ne participons pas directement à l’événement qui survient ; nous sommes spectateurs à distance, sans possibilité d’action efficace.</p>
<p>Typiquement, après le 11 Septembre, les connaissances sur le souvenir flash ont fait l’objet d’un renouvellement majeur. Avant cette date, le débat était de savoir si le souvenir flash appartenait à une catégorie spéciale de souvenir, plus précis, moins susceptible de s’altérer dans le temps, qui aurait été produite par des mécanismes particuliers. Selon certains, il se serait agi d’un souvenir permanent et indélébile.</p>
<p>Or, les recherches post-11 Septembre (en particulier celles de l’équipe de William Hirst, à la New School de New York, avec qui nous avons aussi collaboré) ont montré que ce n’est pas le cas. En réalité, le souvenir flash est un souvenir comme les autres, qui lui aussi se modifie au fil du temps. Il est juste en quelque sorte « augmenté », plus vivace, par rapport à d’autres souvenirs autobiographiques.</p>
<p><strong>TC : C’est-à-dire ?</strong></p>
<p><strong>FE :</strong> Quand on mémorise un souvenir, on encode également son contexte : on sait où l’on est, qui nous donne l’information, le moment où se passe la scène, ce que l’on est en train de faire. À mesure que le temps passe, le souvenir évolue, devient moins précis. Dans le cas du souvenir flash, étant donné qu’il s’agit d’un souvenir qui se forme dans un contexte émotionnel intense, ledit contexte est très fortement mémorisé, y compris en cas d’une activité aussi banale que d’éplucher des légumes dans sa cuisine.</p>
<p>On en vient donc naturellement et inconsciemment à se dire « si je me souviens tellement précisément qu’à ce moment je faisais quelque chose d’aussi trivial, le reste aussi doit être vrai ». On est tellement sûr de se souvenir du contexte qu’on est également certain du contenu du souvenir. Mais ce n’est pas vrai : comme les autres souvenirs, le souvenir flash a pu évoluer avec le temps. Ce qui peut mener à de faux souvenirs dont on ne veut pas démordre…</p>
<p><strong>TC : Comment s’en est-on aperçu ?</strong></p>
<p><strong>FE :</strong> Pour déterminer si le souvenir flash avait une spécificité ou s’il s’agissait d’un souvenir autobiographique « normal », les scientifiques ont étudié quatre paramètres : sa précision (qui fait référence à la véracité des détails mémorisés), sa vivacité (qui correspond à la richesse de l’expérience phénoménologique associée au rappel du souvenir), la confiance en sa recollection (qui concerne le sentiment de certitude qu’ont les individus en leur remémoration), et sa stabilité dans le temps.</p>
<p>William Hirst et ses collaborateurs ont par exemple interrogé 3 246 Américains vivant dans sept villes des États-Unis sur leurs souvenirs des attentats du 11 septembre 2001. Leurs résultats indiquent que le taux d’oubli des détails associés au souvenir flash était important la première année (30 %) puis diminuait les deux années suivantes (entre 5 et 10 %) avant de devenir négligeable jusqu’à la dixième année. Cette évolution suit la même courbe que celle d’un souvenir classique.</p>
<p>Nous avons nous-mêmes analysé les mots utilisés par 206 personnes à qui nous avons demandé d’évoquer leurs souvenirs du 11 septembre 2001 une semaine, un an, deux ans et dix ans après les attentats. <a href="http://okina.univ-angers.fr/publications/ua17763/1/lesourd_2018_rnpsy.pdf">Nos travaux, publiés cette année,</a> révèlent que dans les premiers temps, le registre émotionnel prédomine, ainsi que la précision temporelle. Les gens décrivent avec exactitude le déroulé des événements, les horaires. Puis au bout de quelque temps, assez rapidement, cette précision s’estompe, et les témoignages se focalisent sur les références spatiales. En outre, l’évolution du souvenir flash de l’attentat est très influencée par la façon dont l’événement est rapporté par les médias.</p>
<p>Tous ces résultats indiquent que le souvenir flash, comme les autres souvenirs, se transforme au fil du temps. C’est un souvenir puissant au plan émotionnel, mais ce n’est pas un souvenir indélébile. Cela peut parfois être difficile à entendre, mais c’est aujourd’hui clairement démontré.</p>
<p><strong>TC : Cette conclusion concerne le souvenir flash, mais n’a rien à voir avec le souvenir traumatique, tel que celui qui peut survenir chez certaines victimes d’attentats…</strong></p>
<p><strong>FE :</strong> Effectivement, souvenir flash et souvenir traumatique sont deux représentations mnésiques très différentes. D’ailleurs, le « souvenir traumatique » n’est pas un souvenir à proprement parler.</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/420574/original/file-20210910-21-bmilfs.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Photo d’une exposition photographique dédiée au 11 Septembre" src="https://images.theconversation.com/files/420574/original/file-20210910-21-bmilfs.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/420574/original/file-20210910-21-bmilfs.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=867&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/420574/original/file-20210910-21-bmilfs.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=867&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/420574/original/file-20210910-21-bmilfs.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=867&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/420574/original/file-20210910-21-bmilfs.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1089&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/420574/original/file-20210910-21-bmilfs.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1089&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/420574/original/file-20210910-21-bmilfs.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1089&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Exposition dédiée au 11 Septembre aux Rencontres de la photo d’Arles, en 2019.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://unsplash.com/photos/NpBL8eNeWPQ">Fred Moon</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Contrairement au souvenir flash, dans le cas d’une situation potentiellement traumatique, l’individu se trouve directement confronté avec l’événement. Il perçoit un risque immédiat pour son intégrité physique (ou pour l’intégrité physique de quelqu’un situé à proximité, avec qui il est en empathie), mais sans pouvoir agir avec efficacité. Dans ce cas, l’encodage du souvenir se fait très différemment, sans renforcement contextuel. Le souvenir traumatique présente un profil presque inverse du souvenir flash, de ce point de vue.</p>
<p>Cependant, il existe entre les deux une forme de continuum, en ce sens que l’on monte en intensité émotionnelle. Chez certaines personnes, dans ce « no man’s land » entre souvenir flash et souvenir traumatique se trouve un point de rupture émotionnelle au-delà duquel peut se produire un basculement.</p>
<p><strong>TC : Cela signifie-t-il que l’on peut développer un trouble de stress post-traumatique, même si l’on ne s’est pas trouvé à proximité des tours jumelles le 11 septembre 2001 ? Simplement en étant exposé aux images de l’attentat, par exemple ?</strong></p>
<p><strong>FE :</strong> Oui, même si ce n’est bien sûr pas la règle. C’est aujourd’hui un fait bien documenté, et cela a malheureusement été confirmé lors des attentats qui sont survenus par la suite.</p>
<p>Quant à savoir quel est le rôle joué par les images à proprement parler, c’est une question complexe. Bien entendu, chez l’être humain le canal visuel est très prégnant, c’est un vecteur important pour la fabrication des mémoires en général. Quand on évoque un souvenir, ce sont souvent d’abord les images qui reviennent en mémoire. Néanmoins, un point est probablement plus important qu’une éventuelle hiérarchie des sensorialités : c’est le fait que ce qui est perçu soit décontextualisé, encore une fois. Cette absence de contexte mime la situation traumatique.</p>
<p>C’est un point intéressant que l’on a observé dans le cas des attentats du 13 novembre 2015 à Paris : les images qui ont tourné en boucle sur les chaînes d’information en continu, souvent hors de tout contexte (bandeaux défilants mentionnant des informations sans lien avec les images, son coupé dans les lieux publics privant les spectateurs de commentaires, etc.), ont contribué au développement de troubles de stress post-traumatique chez certaines personnes. Ces chaînes n’existaient pas au moment des attentats du 11 Septembre 2001, mais les images en boucles sur toutes les télévisions du monde ont pu avoir le même effet.</p>
<p><strong>TC : À nouveau, on voit que le collectif influence la mémoire individuelle…</strong></p>
<p><strong>FE :</strong> C’est un point important : les études menées sur le 11 Septembre ont contribué à établir les liens entre la mémoire des individus et la mémoire collective. Celle-ci se construit de diverses façons, via la narration des médias, la création de mémoriaux, l’organisation de commémorations, l’éducation…</p>
<p>À partir de cette date tragique, on a également réalisé l’importance de la mémoire communicative. Notre mémoire ne se construit pas uniquement dans notre intimité subjective, mais aussi via nos échanges : quand nous enregistrons un souvenir, nous le faisons dans un cadre social, et il en est de même quand nous l’évoquons avec les autres, que nous en parlons. Dès 1926, le sociologue Maurice Halbwachs avait pressenti l’importance de ce qu’il nommait « les cadres sociaux de la mémoire ».</p>
<p>Le trouble de stress post-traumatique survient justement en raison de ce manque de cadre social. La personne qui en souffre mémorise des éléments disparates, très sensoriels et fortement émotionnels, de la scène vécue sans assemblage par le contexte qui permettrait de les unifier et de les faire évoluer dans le temps comme d’autres souvenirs.</p>
<p>Dans le trouble de stress post-traumatique, ces éléments disparates peuvent se transformer en images intrusives qui envahissent la conscience de la personne qui en est victime ; elle les vit comme de nouveaux événements surgissant dans son présent.</p>
<p><strong>TC : Les relations sociales jouent aussi un rôle important dans la prise en charge des blessés psychiques…</strong></p>
<p><strong>FE :</strong> Tout à fait. Il y a bien entendu les cellules d’urgence médico-psychologiques, des dispositifs précoces faisant intervenir psychologues, psychiatres, soignants spécifiquement formés pour prendre en charge les blessés psychiques immédiatement après l’événement traumatisant. Mais par la suite, le soutien social est également primordial.</p>
<p>Les blessés psychiques sont très sensibles à l’entourage de leurs proches et de la société. Même ceux qui ne le montrent pas, et donnent l’impression de vouloir s’isoler. Dans cette situation, il est essentiel de maintenir le contact. Et surtout, il faut avoir conscience que les échelles de temps peuvent être très longues. Trop souvent, les proches aimeraient que les personnes traumatisées passent rapidement « à autre chose », qu’elles reprennent leurs activités. Mais c’est souvent difficile.</p>
<p>Nous avons évoqué le traumatisme du 11 Septembre et, plus largement, celui des attentats. Il s’agit, le plus souvent, d’un événement unique dans la vie de l’individu. Mais les situations sont très différentes d’une personne à l’autre. Je pense en particulier aux personnes endeuillées qui ont perdu un proche ou encore à celles qui conservent des séquelles physiques. Le traumatisme peut aussi entraîner d’autres complications, comme une dépression.</p>
<p>Toutefois, nous avons aujourd’hui une meilleure connaissance du traumatisme. Les recherches qui sont menées, y compris au plan thérapeutique, modifient notre regard et les pratiques. Aujourd’hui, des thérapies innovantes sont proposées, qui prennent en compte non seulement la personne souffrant de trouble de stress post-traumatique, mais également son environnement familial.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/167674/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Francis Eustache ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les attentats du World Trade Center n’ont pas seulement bouleversé les relations géopolitiques. Dans le domaine de la recherche sur la mémoire, il y a aussi un avant et un après 11 septembre 2001.Francis Eustache, Directeur de l'unité Neuropsychologie et imagerie de la mémoire humaine, Inserm, Ecole Pratique des Hautes Etudes, Université de Caen Normandie, InsermLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1605052021-07-27T13:41:49Z2021-07-27T13:41:49ZÊtre pourchassé, perdre ses dents, tomber… Ce que la science dit des rêves récurrents<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/409720/original/file-20210705-27-13i7y47.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C18%2C6230%2C4128&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Dans certains cas, des rêves récurrents qui émergent durant l’enfance peuvent même persister jusqu’à l’âge adulte.</span> <span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span></figcaption></figure><p>Rêver, encore et encore, au même scénario est un phénomène connu – près du <a href="https://psycnet.apa.org/record/1996-98816-016">deux tiers de la population</a> rapportent avoir déjà connu un épisode de rêves récurrents. Être poursuivi, se retrouver nu dans un endroit public, faire face à un désastre naturel, perdre ses dents ou oublier d’aller à un cours pendant tout un semestre sont des <a href="https://psycnet.apa.org/record/1996-98816-016">thématiques typiques de ces rêves récurrents</a>.</p>
<p>D’où vient ce phénomène, dont les thématiques reviennent d’une personne à l’autre ? La science des rêves indique que les rêves récurrents feraient peut-être écho à des conflits non résolus dans la vie du rêveur.</p>
<p>Je travaille au Laboratoire des rêves et des cauchemars du Centre d’études avancées en médecine du sommeil de l’Hôpital du Sacré-Cœur de Montréal. En tant que doctorante en neurosciences, je m’intéresse à la manière dont notre mémoire est réactivée, transformée et incorporée dans nos rêves.</p>
<p>Les rêves récurrents sont des rêves qu’un individu peut faire à répétition. On remarque qu’ils <a href="https://link.springer.com/article/10.1023/A:1021152411010">surviennent souvent en période de stress</a> ou sur de longues périodes de temps, parfois même sur plusieurs années, voire une vie entière. Ces rêves mettent en scène non seulement une même thématique, mais aussi un récit particulier qui peut se répéter d’une nuit à l’autre.</p>
<p>Bien que le contenu exact des rêves récurrents soit unique à chaque personne, il existe des <a href="https://psycnet.apa.org/record/1959-09900-001">thématiques communes entre les individus</a>, et même entre les cultures et les différentes époques. Par exemple, se faire pourchasser, tomber, être mal préparé pour une évaluation, arriver en retard ou essayer de faire quelque chose à répétition comptent parmi les <a href="http://dreamscience.ca/en/documents/publications/_2003_Nielsen_Reprint_D_13_211-235_TDQ.pdf">scénarios les plus prévalents</a>.</p>
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<img alt="Une femme semble léviter près d’une falaise" src="https://images.theconversation.com/files/410225/original/file-20210707-27-18yhy6z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/410225/original/file-20210707-27-18yhy6z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/410225/original/file-20210707-27-18yhy6z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/410225/original/file-20210707-27-18yhy6z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/410225/original/file-20210707-27-18yhy6z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/410225/original/file-20210707-27-18yhy6z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/410225/original/file-20210707-27-18yhy6z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Les rêves récurrents n'ont pas tous une connotation négative. Certains, comme avoir la capacité de voler, peuvent même avoir un effet euphorisant.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span>
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<p>La majorité des rêves récurrents ont un <a href="https://psycnet.apa.org/record/1996-98816-016">contenu plutôt négatif</a>, comportant des émotions comme la peur, la tristesse, la colère et la culpabilité ; et plus de la moitié mettent en scène une situation ou le rêveur est en danger. Mais certaines thématiques récurrentes peuvent aussi être positives, voire euphorisantes, comme les rêves où l’on découvre de nouvelles pièces à notre maison, les rêves érotiques ou ceux où l’on a la capacité de voler.</p>
<p>Dans certains cas, des rêves récurrents qui émergent durant l’enfance peuvent persister jusqu’à l’âge adulte. Ces rêves peuvent disparaître pendant quelques années, resurgir en présence d’une nouvelle source de stress et se dissiper de nouveau lorsque la situation est passée.</p>
<h2>Des conflits non résolus</h2>
<p>Pourquoi notre cerveau joue-t-il ces mêmes rêves en boucle ? Des études suggèrent que les rêves, en général, nous aident à <a href="https://psycnet.apa.org/record/2009-12487-003">réguler nos émotions</a> et à nous adapter aux événements stressants – le fait d’intégrer du contenu émotionnel dans les rêves permettrait au rêveur d’assimiler un événement douloureux ou difficile.</p>
<p>Dans le cas des rêves récurrents, un contenu répétitif pourrait représenter une tentative infructueuse d’intégrer ces expériences difficiles. <a href="https://www.proquest.com/docview/2490256841?pq-origsite=gscholar&fromopenview=true">Plusieurs théories</a> s’accordent pour dire que les rêves récurrents seraient reliés à des difficultés ou des conflits non résolus dans la vie du rêveur.</p>
<p>La présence de rêves récurrents a aussi été associée à un <a href="https://psycnet.apa.org/record/1986-19838-001">plus bas niveau de bien-être psychologique</a> et à la présence de <a href="https://www.semanticscholar.org/paper/Dream-Content%2C-Dream-Recurrence-and-Well-Being%3A-A-a-Zadra-O%27Brien/af492efdd0bcdee15c4b5d743df9deb530e2daa0">symptômes d’anxiété et de dépression</a>. Ces rêves ont tendance à <a href="https://link.springer.com/article/10.1023/A:1021152411010">réapparaître lors de situations stressantes</a> et à cesser lorsque la personne a <a href="https://psycnet.apa.org/record/1996-98816-016">résolu son conflit personnel</a>, indiquant ainsi une amélioration du bien-être.</p>
<p>Les rêves récurrents reflètent souvent de manière métaphorique les préoccupations émotionnelles des rêveurs. Par exemple, <a href="https://archive.org/details/dreamsnightmares0000hart_k4s6">rêver à un tsunami</a> est courant à la suite d’un traumatisme ou d’un abus. C’est un exemple typique de métaphore pouvant représenter des émotions d’impuissance, de panique ou de peur vécues à l’éveil.</p>
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<img alt="Un homme affolé court avec son ordinateur sous le bras" src="https://images.theconversation.com/files/410226/original/file-20210707-21-drq5zk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/410226/original/file-20210707-21-drq5zk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=401&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/410226/original/file-20210707-21-drq5zk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=401&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/410226/original/file-20210707-21-drq5zk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=401&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/410226/original/file-20210707-21-drq5zk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/410226/original/file-20210707-21-drq5zk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/410226/original/file-20210707-21-drq5zk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Certaines personnes, lors d’une situation stressante ou face à un nouveau défi, peuvent rêver de nouveau qu’elles arrivent en retard ou non préparées à un examen de mathématiques, et ce, même des années après avoir mis les pieds dans une école.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span>
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<p>De manière similaire, être habillé de manière inappropriée dans son rêve, être nu ou de ne pas pouvoir trouver de toilettes privées ont en commun de représenter des scénarios d’embarras ou de pudeur.</p>
<p>Ces thèmes peuvent être considérés comme des <a href="https://psycnet.apa.org/record/2011-11210-004">scripts</a> ou des scénarios « prêt-à-rêver » qui offrent un espace pour digérer nos émotions conflictuelles. Un même scénario peut ainsi être réutilisé dans des situations différentes où nous vivons des émotions similaires. C’est pourquoi certaines personnes, lors d’une situation stressante ou face à un nouveau défi, peuvent rêver de nouveau qu’elles arrivent non préparées à un examen de mathématiques, et ce, même des années après avoir mis les pieds dans une école. Bien que les circonstances soient différentes, un sentiment similaire de stress ou de désir de se surpasser peut déclencher à nouveau ce scénario de rêve.</p>
<h2>Un continuum de répétitions</h2>
<p>William Domhoff, chercheur et psychologue américain, propose l’existence d’un <a href="https://dreams.ucsc.edu/Library/domhoff_2000b.html">continuum de répétition dans les rêves</a>. À l’extrême, il y a les cauchemars traumatiques qui reproduisent directement un trauma vécu, comme un « flashback », et dont la présence est l’un des symptômes principaux du trouble de stress post-traumatique.</p>
<p>Ensuite, il y a les rêves récurrents, où le même contenu du rêve est rejoué en partie ou dans son entièreté. Contrairement aux rêves traumatiques, les rêves récurrents reproduisent rarement un événement ou un conflit directement, mais les reflètent plutôt de manière métaphorique à travers une émotion centrale.</p>
<p>Plus loin, sur le continuum, se retrouvent les thèmes récurrents dans les rêves. Ces rêves ont tendance à rejouer une situation similaire, comme être en retard, se faire poursuivre ou être perdu, mais le contenu exact du rêve diffère d’une fois à l’autre (être en retard pour prendre le train plutôt qu’à un examen).</p>
<p>Finalement, à l’autre bout du continuum, on retrouve la répétition chez une même personne de certains éléments de rêves, comme des personnages, des actions ou des objets. Tous ces rêves refléteraient, à différents niveaux, une tentative de résoudre certaines préoccupations émotionnelles.</p>
<p>Passer d’un niveau intense à un niveau plus faible dans le continuum de répétition est souvent signe d’une amélioration de l’état psychologique d’une personne. Par exemple, des <a href="https://www.jstor.org/stable/43853181">changements progressifs et positifs</a> dans le contenu des cauchemars traumatiques sont souvent observés au fur et à mesure que les personnes qui ont vécu un traumatisme se rétablissent de leurs difficultés.</p>
<h2>Des phénomènes physiologiques</h2>
<p>Pourquoi les thématiques sont-elles souvent communes d’une personne à l’autre ? Une explication possible est que certains de ces « scripts » auraient été conservés chez l’humain en raison de leur avantage évolutif. En permettant de <a href="https://www.cambridge.org/core/journals/behavioral-and-brain-sciences/article/reinterpretation-of-dreams-an-evolutionary-hypothesis-of-the-function-of-dreaming/EE0E7DB39E361540D2DDA79C262EDA7E">simuler une situation menaçante</a>, le rêve d’être pourchassé, par exemple, offre un espace pour se pratiquer à percevoir et échapper à ses prédateurs tout en dormant.</p>
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<img alt="Une jeune femme dans son lit se tient les joues" src="https://images.theconversation.com/files/410227/original/file-20210707-15-16ptuyb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/410227/original/file-20210707-15-16ptuyb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/410227/original/file-20210707-15-16ptuyb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/410227/original/file-20210707-15-16ptuyb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/410227/original/file-20210707-15-16ptuyb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/410227/original/file-20210707-15-16ptuyb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/410227/original/file-20210707-15-16ptuyb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Certains rêves récurrents, comme celui de perdre ses dents, peuvent être liés au serrement des dents durant le sommeil ou à l’inconfort dentaire au réveil.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span>
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<p>Certaines thématiques typiques pourraient aussi s’expliquer en partie par des phénomènes physiologiques qui ont lieu lorsque nous dormons. Une étude conduite en 2018 par une équipe de recherche en Israël a constaté que le fameux rêve de <a href="https://www.frontiersin.org/articles/10.3389/fpsyg.2018.01812/full">perdre ses dents</a> ne serait pas particulièrement lié à des symptômes d’anxiété chez le rêveur, mais plutôt au serrement des dents durant le sommeil ou à l’inconfort dentaire au réveil.</p>
<p>Lorsque nous dormons, notre cerveau n’est pas complètement coupé du monde extérieur. Il peut continuer à percevoir des stimuli externes, tels que des sons ou des odeurs, ou encore des sensations corporelles internes. Ainsi, d’autres thématiques, comme être incapable de trouver une toilette ou se retrouver nu dans un espace public, pourraient être liées au fait d’avoir besoin d’uriner durant la nuit ou de porter un pyjama ample dans son lit.</p>
<p>Certains phénomènes physiques propres au sommeil paradoxal, le stade du sommeil où nous rêvons le plus, pourraient aussi entrer en jeu. En sommeil paradoxal, nos muscles sont paralysés, ce qui pourrait provoquer les rêves d’avoir les jambes lourdes ou d’être paralysé dans son lit.</p>
<p>De même, certains auteurs ont proposé que les <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/21570/">rêves de tomber ou de voler soient causés par notre système vestibulaire</a>, qui contribue à notre équilibre et qui se réactiverait spontanément durant le sommeil paradoxal. Bien entendu, ces sensations corporelles ne sont pas suffisantes pour expliquer la récurrence de ces rêves chez certaines personnes et leur survenue soudaine en période de stress, mais elles ont probablement une influence significative dans la construction de nos rêves les plus typiques.</p>
<h2>Sortir de la boucle</h2>
<p>Les personnes qui vivent l’expérience d’un cauchemar récurrent sont en quelque sorte figées dans une manière de répondre au scénario du rêve et de l’anticiper. Certaines thérapies ont été développées pour tenter de résoudre cette récurrence et briser le cercle vicieux des cauchemars.</p>
<p>L’une des techniques consiste à visualiser le cauchemar à l’éveil et à le réécrire, c’est-à-dire à en modifier le scénario en changeant un aspect, <a href="https://psycnet.apa.org/record/2016-40667-001">par exemple la fin du rêve, pour quelque chose de plus positif</a>. Se pratiquer à <a href="https://www.academia.edu/6707271/Lucid_Dreaming_as_a_Treatment_for_Recurrent_Nightmares">devenir lucide dans les rêves</a> pourrait aussi être une solution.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/les-reves-lucides-levent-le-voile-sur-les-mysteres-de-la-conscience-53173">Les rêves lucides lèvent le voile sur les mystères de la conscience</a>
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<p>Les rêves lucides sont les rêves où nous devenons conscients d’être en train de rêver et où nous pouvons parfois même influencer le contenu du rêve. Devenir lucide dans un rêve récurrent pourrait permettre de réfléchir ou de réagir différemment face au rêve et ainsi d’altérer la nature répétitive de ces rêves.</p>
<p>Toutefois, tous les rêves récurrents ne sont pas néfastes en soi et peuvent même être utiles dans la mesure où ils nous informent sur nos conflits personnels. Porter attention aux éléments répétitifs de nos rêves pourrait ainsi être une manière de mieux comprendre et résoudre nos plus grands désirs et tourments.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/160505/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Claudia Picard-Deland a reçu des financements du Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Tore Nielsen a reçu des financements de Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada. </span></em></p>Les rêves aident à réguler nos émotions et à nous adapter aux événements stressants. Un contenu répétitif pourrait représenter une tentative infructueuse d’intégrer des expériences difficiles.Claudia Picard-Deland, Candidate au doctorat en neurosciences, Université de MontréalTore Nielsen, Professor of Psychiatry, Université de MontréalLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1563362021-03-15T18:01:23Z2021-03-15T18:01:23ZCour pénale internationale : des crimes sans victimes ?<p>La Cour pénale est la première et la seule juridiction permanente compétente pour juger les hauts responsables pour crime de génocide, crimes contre l’humanité, crimes de guerre et crime d’agression : un réel aboutissement de la part de la communauté internationale.</p>
<p>Pourtant, après presque vingt ans d’existence, la Cour fait l’objet de <a href="https://www.cairn.info/revue-internationale-et-strategique-2019-4-page-83.htm">critiques persistantes</a> et les griefs ne manquent pas. Sa « partialité » envers l’Afrique est mise en cause, notamment au prétexte des acquittements retentissants de <a href="https://www.lemonde.fr/afrique/article/2018/06/14/l-acquittement-de-bemba-revele-les-echecs-de-la-cour-penale-internationale_5314784_3212.html">Jean‑Pierre Bemba</a>, ancien vice-président de la RDC, en 2018, et de <a href="https://www.lexpress.fr/actualite/monde/afrique/gbagbo-acquitte-et-apres_2057467.html">Laurent Gbagbo</a>, ancien président de Côte d’Ivoire, en 2019, accusés des crimes les plus graves. S’ajoutent les sanctions économiques américaines contre la procureur, la Gambienne Fatou Bensouda, en raison de <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2020/03/05/la-cour-penale-internationale-valide-l-ouverture-d-une-enquete-pour-crimes-de-guerre-et-crimes-contre-l-humanite-en-afghanistan_6031942_3210.html">l’ouverture d’une enquête</a> en Afghanistan pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité commis par les diverses forces en présence, ou encore les retraits d’États à l’égard de la compétence de la Cour (Burundi, Philippines) ou leur refus d’y souscrire (Chine, États-Unis, Russie, Inde, Israël…).</p>
<p>Autant d’éléments qui attestent, plus encore que sa réputation disputée, de sa <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2019/06/04/une-justice-internationale-a-la-peine_5471125_3210.html">fragilité</a>. L’universalité de la compétence de la Cour n’est pas acquise et de nombreux crimes peuvent rester impunis.</p>
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<figcaption><span class="caption">CPI : dénoncer le statut de Rome nuit à la justice internationale pour tous, affirme l’ONU.</span></figcaption>
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<p>Comment améliorer son fonctionnement ? L’élection d’un nouveau procureur, le Britannique <a href="https://asp.icc-cpi.int/FR_Menus/asp/press%20releases/pages/pr1567.aspx">Karim Kahn</a>, spécialiste des procès pénaux internationaux, qui prendra ses fonctions en juin prochain, peut-elle vraiment bouleverser la donne ? Une piste de réflexion vise à prendre en compte les victimes.</p>
<h2>Des victimes absentes des procès internationaux</h2>
<p>Il est un point de droit de procédure méconnu et pourtant fondamental : la place des victimes dans le procès pénal international.</p>
<p>Jusqu’à l’adoption du <a href="https://www.icc-cpi.int/NR/rdonlyres/ADD16852-AEE9-4757-ABE7-9CDC7CF02886/283948/RomeStatuteFra1.pdf">statut de Rome</a> en 1998, le droit pénal international les avait écartées des procès en faisant le choix d’un face-à-face exclusif entre le suspect et l’accusation, qu’il s’agisse des tribunaux militaires internationaux de Nuremberg (1945) ou de Tokyo (1946) ou des tribunaux pénaux ad hoc pour l’ex-Yougoslavie et le Rwanda (1993 et 1994). Les criminels n’étaient, ainsi, pas judiciairement confrontés aux victimes mais aux preuves de culpabilité, dans une logique de charge et décharge de celles-ci.</p>
<p>Ainsi les victimes étaient-elles paradoxalement absentes des procès des crimes de masse et ne pouvaient être entendues qu’en tant que témoins relativement aux preuves. Les souffrances, les traumatismes, les vies brisées n’étaient pas étalées devant le prétoire international, faisant ainsi l’économie d’un temps précieux.</p>
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<figcaption><span class="caption">Kharim Khan, nouveau procureur général de la CPI.</span></figcaption>
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<p>Aucune possibilité de réparer les crimes de masse n’était possible laissant les victimes sans réponse. À partir la décennie 1990, une évolution est perceptible. Les victimes apparaissent devant les commissions de justice et de vérité et/ou les accusés comparaissent devant les juges. Une telle division ne peut que poser problème : ne pas rendre justice aux victimes, c’est doubler leur préjudice initial.</p>
<h2>Une place pour les victimes devant la CPI ?</h2>
<p>Rien de tel, a priori, devant la Cour, dont le statut reconnaît les victimes à deux endroits, soit pour les faire « participer » au jugement (article 68), soit dans le cadre d’une phase finale visant à réparer leurs préjudices (article 75). Comment réparer réellement les crimes de masse ? Quelles réparations individuelles, collectives, symboliques et indemnitaires ? La pratique de la Cour n’est guère fournie.</p>
<p>Depuis vingt ans, seules quatre affaires – trois en RDC et une au Mali – ont donné lieu à réparation, ce qui n’atteste pas, encore une fois, ni vraiment de l’efficacité de la Cour, ni de la prise en compte des victimes. La dernière ordonnance de réparation est récente (8 mars 2021, <a href="https://www.icc-cpi.int/drc/ntaganda?ln=fr">affaire Bosco Ntaganda</a>). La Cour n’accordant pas de réparation d’urgence et à titre provisoire, les victimes doivent attendre la fin de la phase de jugement pour que, le cas échéant, s’ouvre la phase de réparation.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1369652622639198209"}"></div></p>
<p>Philippe Kirsch, principal négociateur du Statut de Rome et premier président de la Cour, avait qualifié la place des victimes d’« ambiguïté constructive », soit un statut bancal et périphérique les situant à la marge du procès pénal.</p>
<p>L’essentiel du jeu devant la Cour reste centré sur la relation accusation-accusé. Deux affaires en cours concernant des crimes commis en République centrafricaine et au Darfour montrent les difficultés à ancrer la place des victimes dans le procès pénal international.</p>
<p>En 1993, suite à la prise de pouvoir par la force conduisant à la fuite du président François Bozizé, un conflit éclate entre les forces de la Sélaka et les anti-balaka, précipitant la mort de milliers de personnes et un exode massif, intérieur et dans les pays voisins (notamment Tchad et RDC) selon les <a href="https://undocs.org/fr/S/2014/928">Nations unies</a>. Maîtres Yare Fall et Elisabeth Rabesandratana ont <a href="https://www.fichier-pdf.fr/2021/03/09/note-7-bis---me-yare-fall/?">défendu</a> les intérêts des victimes et la nécessité de leur accorder la parole durant le <a href="https://www.rfi.fr/fr/afrique/20210216-centrafrique-le-proc%C3%A8s-yekatom-nga%C3%AFssonna-%C3%A0-la-cpi-suivi-depuis-bangui">procès</a> Yekatom et Ngaïssona le 17 février 2021, dans le cadre de <a href="https://www.youtube.com/watch?v=GQP-f6n6wRo">l’audience d’ouverture</a>. Preuve de l’importance de leur parole : le procès est suivi avec attention à Bangui par les <a href="https://www.dw.com/fr/le-proc%C3%A8s-nga%C3%AFssona-et-y%C3%A9katom-%C3%A0-la-cpi-suivi-en-rca/a-56592980">victimes</a>.</p>
<p>Asmal Clooney, avocate de victimes du conflit du Darfour qui remonte à <a href="https://undocs.org/fr/S/2005/60">2003</a>, a demandé à la Cour, le 8 janvier 2021, dans <a href="https://www.icc-cpi.int/Pages/item.aspx?name=pr1556&ln=fr">l’affaire</a> Abd-Al-Rahman, la « permission » de représenter 102 victimes d’un conflit ayant jeté sur les routes quelque 340 000 réfugiés originaires du Darfour, avalisant le point de vue qui hiérarchise les <a href="https://www.icc-cpi.int/CourtRecords/CR2021_00085.PDF">victimes</a>.</p>
<p>Certes, la détermination de la qualité de victimes pour les crimes de masse n’est pas chose aisée et un « intérêt personnel » pour accéder au prétoire leur est demandé (art. 68 du statut). Certes, la Cour adopte une démarche A, B, C, selon que les victimes sont reconnues (A), ne le sont pas (B) ou peuvent l’être (C). Certes, la Cour a adopté la possibilité du double <a href="https://www.icc-cpi.int/itemsDocuments/appForms-yn/ynAppFormInd_FRA.pdf">formulaire</a> (participation/réparation). Cela permet de considérer leur identification dès le début de la procédure et pour l’ensemble de celle-ci.</p>
<p>En l’état actuel des choses, le crime continue à fonder la qualité de victime participante, favorisant une approche « crimino-centrée », c’est-à-dire centrée sur la relation Accusation-Défense. En effet, le champ matériel, géographique, temporel retenu pour les poursuites, même s’il est mobile dans les étapes de l’instruction, inclut et exclut les victimes.</p>
<h2>Les victimes exposées à des tactiques judiciaires complexes</h2>
<p>Ces réflexions ne sont pas neutres. Elles posent des questions de justice : quel procès équitable dans ces conditions ? Quel droit réel à réparation des crimes ? Quelle justice internationale ?</p>
<blockquote>
<p>« La question fondamentale qui reste à résoudre après bien entendu la déclaration de culpabilité, c’est la gestion équitable des conséquences inqualifiables et souvent incalculables, que ces atrocités ont causées et continuent encore de causer au quotidien, à ceux qui en ont été victimes. » (<a href="https://www.youtube.com/watch?v=GQP-f6n6wRo">Maître Fall</a>)</p>
</blockquote>
<p>Ces réflexions se posent aussi en termes de tactique judiciaire. Dans l’affaire darfourie, l’avocat de la Défense, Maître Cyril Laucci, a fait état, le 13 janvier 2021, d’une préoccupation marquée pour <a href="https://www.icc-cpi.int/CourtRecords/CR2021_00161.PDF">l’intérêt des victimes</a>, ce qui est bien évidemment une position rare car celles-ci sont plus spontanément favorables aux preuves à charge :</p>
<blockquote>
<p>« Présumer que l’intérêt des victimes diverge de celui du suspect implique nécessairement que ce dernier est présumé coupable. La Défense s’est appliquée à démontrer que les intérêts respectifs des victimes et de M. Abd-Al-Rahman, bien que clairement distincts, pouvaient présenter certains aspects convergents… la condamnation d’une personne sans avoir établi sa culpabilité au-delà de tout doute raisonnable au terme d’une procédure équitable est contraire à l’intérêt des victimes en ce qu’elle ajoute la double injustice de la condamnation potentielle d’un innocent et de l’impunité des réels coupables à celle qu’elles ont déjà endurée ? »</p>
</blockquote>
<p>Ce positionnement, tout évidement tactique, vise à embarrasser le procureur frileux de faire apparaître sur le devant de la scène judiciaire les victimes car tout est, dans cette procédure d’origine anglo-saxonne, subordonné à un examen contradictoire approfondi, entre l’Accusation et la Défense qui chercheront les avantages et les inconvénients de leur participation. Que les victimes ne soient pas présentes au procès, la Défense reprochera qu’elles menacent la présomption d’innocence. Que les victimes le soient, elles seront suspectées de porter atteinte à la célérité de la justice et à l’équilibre des armes.</p>
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<figcaption><span class="caption">Exclusif : au Darfour, sur la route des massacres.</span></figcaption>
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<p>En réalité, l’accession des victimes à la procédure est un processus laborieux et qui est, pour chaque affaire et à chaque étape, l’objet de discussion pour savoir si leur qualité d’appartenance au groupe A, B, C est vérifiée. Il arrive que la qualité de victime soit retirée. Une fois admise, cette participation est très contrainte, en vertu des <a href="https://www.fichier-pdf.fr/2021/03/09/note-6---2020-08-26-resume-initial-directions-on-the-conduct-of-/">règles de conduite</a> précises, et placée sous le contrôle du juge :</p>
<ul>
<li><p>Soucieuse du déroulement équitable et rapide de la procédure, la Chambre évaluera la nécessité ou l’opportunité des questions des représentants légaux des victimes (RLV) au cas par cas.</p></li>
<li><p>Le rôle du RLV est différent de celui de l’accusation, ce qui doit se refléter dans le type de questions posées. C’est à l’Accusation qu’incombe exclusivement la charge de la preuve pour établir les crimes allégués.</p></li>
</ul>
<p>La Cour s’enlise dans la pratique et l’ambiguïté n’est pas constructive. Comme l’a dit <a href="https://www.fichier-pdf.fr/2021/03/09/note-7---declaration-douverture-/">Me Rabesandratana</a> :</p>
<blockquote>
<p>« La Cour se doit d’être un exemple pour l’ensemble des juridictions et du droit international. À ce titre, elle doit formuler des principes généraux de droits communs aux différents ordres juridiques ; construire ainsi l’unité du droit ; favoriser la primauté du droit sur la force, la corruption et la lutte contre l’impunité ; permettre à un pays de se reconstruire. La justice pénale internationale ne peut pas/ne doit pas contribuer à fragmenter le droit. L’unité du droit consiste à octroyer une place adéquate aux victimes et ainsi passer d’une relation duale/binaire “accusation v. défense” à une relation ternaire “accusation-victimes-défense”. »</p>
</blockquote>
<h2>Repenser la place des victimes</h2>
<p>L’ajout des victimes à la procédure peut être illustré par la figure géométrique du losange :</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/388286/original/file-20210308-14-f6lmew.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/388286/original/file-20210308-14-f6lmew.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/388286/original/file-20210308-14-f6lmew.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=212&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/388286/original/file-20210308-14-f6lmew.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=212&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/388286/original/file-20210308-14-f6lmew.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=212&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/388286/original/file-20210308-14-f6lmew.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=267&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/388286/original/file-20210308-14-f6lmew.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=267&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/388286/original/file-20210308-14-f6lmew.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=267&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Le losange procédural.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Auteur</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Ce losange s’interprète au regard de trois niveaux. Le plus élevé concerne le juge et sa fonction d’arbitrage. Le niveau intermédiaire, le plus médiatisé, oppose dans une relation d’intenses compétitions entre l’accusation et la défense pour faire admettre les preuves à charge et à décharge.</p>
<p>Les victimes appartiennent au troisième niveau du procès pénal international, périphérique, qui les place dans une « normalisation bureaucratique » qui pourrait être parfaitement revue en récusant cette position secondaire, en leur donnant la possibilité de participer pleinement à la relation contradictoire entre l’accusation et la défense.</p>
<p>En effet, l’interprétation conduite par la Cour survalorise le statut au détriment des autres sources de droit international, notamment du droit international des droits de l’homme qui pourrait servir de source d’inspiration par exemple la <a href="https://www.un.org/victimsofterrorism/fr/node/30">Déclaration</a> des principes fondamentaux de justice relatifs aux victimes de la criminalité et aux victimes d’abus de pouvoir. Il ne s’agirait là que d’appliquer les canons de l’interprétation en international. Et relever le défi de la résilience pour <a href="https://corbeaunews-centrafrique.com/centrafrique-la-situation-globale-des-musulmans-centrafricains-est-plus-importante-que-la-vie-dans-le-km5-dixit-imam-tidiani-moussa-naibi/">« aller résolument vers la paix, la cohésion sociale et le vivre-ensemble »</a> (selon les mots de Tidiani Moussa Naibi, imam de la Mosquée centrale de Bangui).</p>
<hr>
<p><em>Nous proposons cet article dans le cadre du Forum mondial Normandie pour la Paix organisé par la Région Normandie le 30 septembre et le 1er octobre 2021 et dont The Conversation France est partenaire. Pour en savoir plus, visiter le site du <a href="https://normandiepourlapaix.fr/">Forum mondial Normandie pour la Paix</a></em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/156336/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Laurent Sermet ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Quelle place la Cour pénale internationale réserve-t-elle aux victimes de génocide, de crimes de guerre ou de crimes contre l’humanité ?Laurent Sermet, Professeur d'université, agrégé de droit public, compétences en Droit international, anthropologie du droit, Sciences Po Aix. UMR ADES 7268, Aix-Marseille Université (AMU)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1491882020-12-13T21:33:45Z2020-12-13T21:33:45ZCrimes, attentats, épidémies : comment parler aux enfants des actualités traumatisantes<p>Les attaques récentes à l'encontre d'enfants, qu'il s'agisse de la petite Lola, 12 ans, <a href="https://www.francetvinfo.fr/faits-divers/meurtre-de-lola/?_format=html">retrouvée morte le 14 octobre 2022 à Paris</a>, de Kenzo, 8 ans, pris à partie lors d'un match de foot à Ajaccio <a href="https://www.huffingtonpost.fr/sport/article/agression-de-kenzo-le-president-de-l-ac-ajaccio-conteste-la-version-des-parents_218972.html">début juin</a> ou plus récemment <a href="https://www.lemonde.fr/societe/live/2023/06/09/attaque-au-couteau-a-annecy-deux-enfants-sont-toujours-en-urgence-vitale-selon-le-porte-parole-du-gouvernement_6176859_3224.html">l'attaque au couteau à Annecy</a>, dans laquelle quatre enfants de 22 mois à 3 ans ont été blessés - dont deux très grièvement - troublent profondément l'opinion publique.</p>
<p>Dans ce contexte anxiogène, nourri également d'autres événements traumatisants, comme les attentats, les crises liées à la pandémie de Covid-19, les confinements successifs mais aussi <a href="https://theconversation.com/comment-reduire-son-stress-et-son-ecoanxiete-190951">l'éco-anxiété</a>, de nombreux repères sont bouleversés pour chacun d’entre nous et de nombreux questionnements autour de potentielles conséquences psychotraumatiques apparaissent, notamment auprès des enfants.</p>
<p>Un événement traumatique est défini comme un événement où une personne se trouve confrontée à la mort, ou à la peur de mourir. Chaque personne <a href="https://nanopdf.com/download/troubles-anxieux-chapitre-reactions-aigues-et_pdf">réagit</a> différemment à cette exposition, selon son histoire personnelle, en particulier s’il existe des antécédents d’exposition à des <a href="https://www.dunod.com/sciences-humaines-et-sociales/enfant-face-au-traumatisme-0?gclid=EAIaIQobChMI4rT08fG87QIVBxd7Ch0sRgOSEAYYAiABEgKFXPD_BwE">événements traumatiques</a>.</p>
<p>La répercussion sera aussi très différente selon que la personne a été directement exposée ou non, et selon la nature de l’événement (attentats, pandémie, accident de la route…). Les jours qui suivent l’exposition, il est normal de présenter des réactions émotionnelles intenses.</p>
<p>Ainsi, des manifestations cliniques inhabituelles peuvent apparaître telles que des réactions de sursaut, d’hyper-réactivité à des bruits pouvant rappeler l’événement, mais également des reviviscences sous la forme de flash-back ou de cauchemars, ainsi que des comportements d’évitement de certaines situations en lien avec l’événement.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1177537217390161921"}"></div></p>
<p>Chez le très jeune enfant, nous pouvons également observer des comportements de régression (par exemple, l’enfant refait pipi au lit ou reparle comme un bébé, l’enfant présente des difficultés à s’endormir seul…) et/ou de <a href="https://www.elsevier-masson.fr/lenfant-victime-dagression-9782225832062.html?gclsrc=aw.ds&&gclid=EAIaIQobChMI4rT08fG87QIVBxd7Ch0sRgOSEAYYASABEgL0F_D_BwE">collage</a> (l’enfant a besoin d’une présence constante et ne peut pas se séparer de son parent, par exemple si celui-ci veut prendre une douche).</p>
<p>Ces réactions sont secondaires à une activation des mécanismes de survie qui permettent habituellement de fuir face à un danger. Dans la majorité des cas, elles disparaîtront progressivement avec le retour à un environnement habituel et sécurisé.</p>
<p>Durant le premier mois, ces manifestations sont normales. Par contre, si ces signes cliniques persistent et ont des répercussions sur le quotidien de l’enfant, cela est <a href="https://ajp.psychiatryonline.org/doi/abs/10.1176/ajp.148.1.10?journalCode=ajp">pathologique</a> et l’on parle alors de <a href="https://www.cairn.info/victimologie--9782100784660-page-12.htm">Trouble de Stress post-traumatique</a> (TSPT). Le TSPT traduit une persistance de l’activation des mécanismes de stress alors que le danger a disparu.</p>
<h2>Un monde autocentré</h2>
<p>Les réactions de l’enfant seront influencées par le vécu et les réactions des proches, en particulier celle de ses parents, qui constituent des figures de référence. Aussi, il est important que vous, parents, écoutiez et répondiez de manière honnête et cohérente à votre enfant, avec des mots simples, factuels et rassurants, afin de créer un environnement favorable où il peut poser des questions sans qu'on le force à le faire.</p>
<p>Le fait pour l’enfant de savoir qu’il peut parler de ce qui s’est passé aux adultes le sécurise et dédramatise déjà considérablement la nature de l’événement et le rend moins tabou.</p>
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<figcaption><span class="caption">Pratiques du pédopsychiatre face aux effets de la Covid-19 (Centre national audiovisuel en santé mentale).</span></figcaption>
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<p>Mettre des mots sur ce que l’on ressent permet d’appréhender différemment un événement qui peut faire peur et donc de commencer à maîtriser ce qui arrive. C’est lorsqu’un enfant perçoit une forte émotion, ou une peur, et qu’aucun mot n’y est associé qu’il sera plus en difficulté. Il risque alors de se forger une représentation souvent pire que la réalité.</p>
<p>Il ne faut pas oublier que le monde de l’enfant est un monde autocentré ; il pense que tout ce qui l’entoure s’organise autour de lui. Dès qu’un événement se produit, il aura donc tendance à imaginer qu’il est responsable de ce qui est arrivé.</p>
<p>En outre, nous vivons chacun les événements de vie, aussi terribles soient-ils, de manière très différente. Par conséquent, il est important de différencier son vécu personnel de celui de son enfant, afin de pouvoir accueillir ses pensées, ses ressentis et ses réactions au plus près de ce qu’il éprouve. Si l’enfant ne souhaite pas s’exprimer, il est préférable de ne pas insister. Mais laissez la porte ouverte, en lui disant que vous serez là pour en parler s’il en éprouve la nécessité.</p>
<p>Durant les jours qui suivent un événement exceptionnel, des aménagements passagers permettant de sécuriser votre enfant sont possibles. Dès lors, vous pouvez vous autoriser à privilégier des activités familières et distrayantes, et à restaurer des rituels rassurants. Par exemple, après les attentats de Nice et de Strasbourg, nous avons conseillé aux parents de certains jeunes enfants ayant vu les corps de personnes décédées que leur enfant puisse passer une ou deux nuits dans le lit parental afin de les sécuriser.</p>
<p>Il existe autant d’aménagements possibles que de situations. En fonction du vécu de l’enfant et des habitudes antérieures il est possible de remettre une veilleuse ou de reprendre un ancien un doudou pendant quelques nuits…</p>
<p>Si certaines manifestations cliniques (comme des cauchemars, des flash-back, des comportements d’évitements…) persistent un mois après l’événement avec une répercussion de la symptomatologie sur le quotidien qu’il est important de consulter un professionnel en psycho-traumatologie (cf. recensement établi par le Centre National de ressource et de Résilience, <a href="http://cn2r.fr/obtenir-de-laide-pour-soi-ou-pour-un-proche/">CN2R</a>).</p>
<h2>Votre enfant vous pose des questions sur le terrorisme</h2>
<p>Le terrorisme fait partie de notre environnement actuel. L’occulter n’aidera pas l’enfant, même si cette attitude est motivée par le souci de le protéger. L’enfant ne vit pas déconnecté du monde. Il est donc important de lui demander ce qu’il a entendu et compris du terme « terroriste ».</p>
<p>En effet, l’enfant a fréquemment une représentation et/ou des théories personnelles <a href="https://revuelautre.com/boutique/bebes-et-traumas/">par rapport à un événement</a>. Il est donc précieux de recontextualiser les choses, notamment la rareté de ce qui s’est passé et d’insister sur les éléments de protection qui existe : l’enfant n’est pas seul mais entouré par des adultes (parents, enseignants, policiers…), qui font et feront toujours le maximum pour garantir sa sécurité.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"904959566663864320"}"></div></p>
<p>Enfin, une attention toute particulière doit être portée à l’exposition aux écrans. En effet, il est préférable de ne pas laisser un enfant seul devant un écran, surtout après l’exposition à un événement traumatique, d’autant plus que celui-ci a été fortement médiatisé.</p>
<p>En fonction de son âge, il est possible de décrypter les images avec lui, mais en évitant les chaînes d’informations. En effet, dans les moments de stress, les mécanismes de sidération psychique peuvent être fortement activés et l’exposition aux chaînes d’informations en continu peut les entretenir, d’autant plus qu’il n’y a aucun moyen de protection face à une image, même s'il y a des mises en garde <a href="https://www.santepubliquefrance.fr/maladies-et-traumatismes/stress-post-traumatique/articles/quelles-sont-les-consequences-psychologiques-d-une-exposition-a-un-evenement-traumatisant-comme-les-attentats#block-224876">avant la diffusion</a> de certains reportages.</p>
<h2>Votre enfant vous pose des questions sur le confinement et la pandémie</h2>
<p>Être ou avoir été confiné peut amener un sentiment d’isolement, de <a href="http://cn2r.fr/wp-content/uploads/2020/04/COVIPSY-Brochure-Confinement-V2-Web.pdf">désœuvrement</a> et une forme de <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC7174176/">lassitude</a>. Les préoccupations pour sa santé et celle de ses proches, les craintes exacerbées par des informations confuses sur l’évolution de la situation peuvent induire et/ou majorer un désarroi.</p>
<p>Les réactions d’anxiété sont normales dans un contexte de peur et d’incertitude. C’est important d’identifier ces réactions et d’essayer de réduire la détresse qui y est associée notamment en ayant à l’esprit que cette période prendra fin et que la « vie normale » reprendra son cours, mais également en rappelant à votre enfant que l’adoption des gestes barrières permet d’agir concrètement sur la diffusion du virus.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1265061098262274048"}"></div></p>
<p>L’élément générateur de stress est la situation d’incertitude, nécessitant une adaptation constante et créant un sentiment de passivité. Dans ce contexte, vous pouvez proposer à votre enfant de l’aider à trouver des informations exactes et actualisées, en privilégiant les sources officielles et en évitant la surconsommation d’informations qui peut être vecteur de stress pour l’enfant. Cela sera comme une mission pour votre enfant.</p>
<p>En outre, en cette période où le domicile est plus investi et occupé qu’habituellement, il est important de respecter les besoins d’intimité de votre enfant, par exemple en compartimentant le lieu de confinement pour que chacun puisse bénéficier d’un <a href="https://sip.sphweb.fr/wp-content/uploads/sites/2/2020/04/La-famille-Cocotte-Minute-et-le-coronavirus-web.pdf">espace à lui</a>.</p>
<p>Il est important aussi de conserver un certain nombre d’activités quotidiennes à l’extérieur et de structurer sa journée (notamment en s’habillant différemment pour la journée et la nuit, en veillant à respecter son rythme habituel de sommeil, en se gardant des moments de pause et de plaisir pour le week-end et les vacances…).</p>
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<figcaption><span class="caption">Le sommeil est le meilleur allié de notre santé mentale et de notre immunité ! (CN2R Officiel).</span></figcaption>
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<p>Le cadre scolaire est riche en interaction pour votre enfant. L’enfant, même très jeune, y a sa propre vie sociale. Ainsi, même pour de jeunes enfants, il est important de rester en contact avec ses camarades. N’hésitez pas à maintenir un contact numérique en préférèrent les appels téléphoniques et vidéos. S’entourer de personnes bienveillantes et soutenantes est un facteur protecteur très important, même lorsque l’on est adulte…</p>
<p>Enfin, n’hésitez pas à informer votre enfant de la solidarité́ existante : il y a de nombreuses personnes qui aident les personnes touchées par la pandémie. C’est une bonne occasion de montrer aux enfants que, lorsque quelque chose de difficile arrive, il y a aussi des changements très appréciables. Il s’agit d’une période particulièrement inédite et historique, et c’est souvent dans les moments « d’adversités » qu’on se forge et de bons souvenirs peuvent également en émerger…</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/149188/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Julie Rolling ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Mettre des mots sur ce que l’on ressent permet d’appréhender différemment un événement et donc de commencer à reprendre la maîtrise de ce qui arrive.Julie Rolling, Pédopsychiatre, Université de StrasbourgLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1510472020-12-06T23:03:28Z2020-12-06T23:03:28ZLa santé mentale des policiers : un tabou français ?<p>Le déchaînement de coups sur le <a href="https://www.francetvinfo.fr/faits-divers/producteur-passe-a-tabac-par-des-policiers/producteur-passe-a-tabac-michel-zecler-tres-soulage-des-quatre-mises-en-examen-et-de-la-detention-provisoire-de-deux-des-policiers-selon-son-avocate_4201269.html">producteur parisien Michel Zecler</a> de la part de policiers s’inscrit dans une actualité lourde de déviances policières, qualifiées dans ce cas précis, <a href="https://www.20minutes.fr/societe/2918911-20201127-producteur-tabasse-paris-macron-denonce-images-font-honte-demande-police-exemplaire">« d’images qui nous font honte »</a> par Emmanuel Macron. Ces violences semblent briser un peu plus, à chaque événement, le lien avec la population.</p>
<p>Lors de leur audition, les quatre policiers <a href="https://www.france24.com/fr/france/20201130-agression-de-michel-zecler-quatre-policiers-mis-en-examen-dont-deux-%C3%A9crou%C3%A9s">mis en cause</a> dans l’affaire Michel Zeckler auraient justifié leurs actes par la « panique » et « la peur ».</p>
<p>Au-delà de l’enquête en cours sur ces faits et d’autres du même ordre, il convient de s’interroger sur la santé mentale des policiers, voire leur capacité psychique à résister au stress au lieu d’user de la violence comme seul recours dans un métier exposé constamment à des situations émotionnelles ou embarrassantes.</p>
<h2>Des policiers traumatisés</h2>
<p>De début 2016 à début 2018, j’ai mené une recherche doctorale en agglomération parisienne, <a href="https://blog.cnam.fr/travail/le-futur-du-travail/podcast-metiers-anonymes-episode-2-blues-des-flics-et-gilets-jaunes-le-metier-de-policier-e-en-debat-1079572.kjsp">à l’écoute de policiers</a> de terrain dans huit commissariats ou services spécialisés, allant de brigades d’investigation en brigades de voie publique.</p>
<p>La question centrale était de savoir comment ces hommes et ces femmes arrivaient ou non à préserver leur santé mentale.</p>
<p>J’ai animé des groupes de paroles avec les policiers. Beaucoup évoquaient des collègues exécutés avec sang-froid lors d’attentats (<a href="https://www.leparisien.fr/faits-divers/attentats-de-janvier-2015-la-video-de-l-assassinat-du-policier-ahmed-merabet-choque-toujours-14-09-2020-8384427.php">Ahmed Merabet</a> janvier 2015), les <a href="https://www.lefigaro.fr/actualite-france/2016/07/12/01016-20160712ARTFIG00292-attentats-du-13-novembre-les-confessions-du-premier-policier-a-etre-entre-dans-le-bataclan.php">traumatismes</a>, les meurtres ciblés (<a href="https://www.leparisien.fr/faits-divers/attentat-de-magnanville-un-suspect-en-garde-a-vue-trois-ans-apres-l-assassinat-du-couple-de-policiers-02-12-2019-8208309.php">Magnanville</a> le 13 juin 2016) et les attaques groupées comme à <a href="https://www.lefigaro.fr/actualite-france/attaque-de-policiers-a-viry-chatillon-le-verdict-attendu-pour-les-13-accuses-20191204">Viry-Châtillon</a> (Essonne) où plusieurs policiers ont été grièvement brûlés.</p>
<p>Les discours reflétaient un malaise collectif rarement exprimé publiquement car couvert par une <a href="https://www.persee.fr/doc/rfsoc_0035-2969_1994_num_35_3_4341">forte culture corporatiste</a>, invitant <a href="https://www.franceculture.fr/oeuvre-omerta-dans-la-police-de-sihem-souid.html">au secret</a> et régulée par un <a href="https://www.interieur.gouv.fr/Le-ministere/Deontologie">devoir de réserve</a>. Un malaise que certains ont appelé le « blues » des policiers et qui résulterait d’un <a href="https://theconversation.com/police-sous-tension-lurgence-de-reformer-en-profondeur-101477">besoin de refonte profonde de la police</a>.</p>
<h2>Indécision hiérarchique et politique</h2>
<p><a href="https://theconversation.com/profiles/christian-fassier-429398/articles">Les paroles des policiers, profondément marquées</a> par ces évènements violents ou traumatisants exprimaient qu’ils devaient y faire face, dans un contexte de crise institutionnelle.</p>
<p>Un état de crise se caractérise par des <a href="https://www.editionsddb.fr/livre/fiche/crises-9782220065847">constituants communs</a> :</p>
<p>Evénements déclencheurs bouleversants, sidération des autorités, rupture d’équilibre des relations de pouvoir, propagation des conflits. Or ces éléments se retrouvent tous aujourd’hui dans l’institution policière, secouée, à l’extérieure, par un véritablement ébranlement de la société, et en interne par une indécision hiérarchique et politique.</p>
<p>Or, sans aucune transformation de l’organisation du travail et sans une régulation du métier assumée par le management, la rupture d’équilibre dans les relations de pouvoir se généralise (entre police-population-monde politique). Il s’y ajoute pour les opérationnels de terrain des conflits de valeur dans l’exercice quotidien du métier, ainsi qu’une amplification des conflits d’objectifs.</p>
<p>L’analyse psychologique montre que cette crise et ces traumas répétés affectent la santé mentale des policiers dont de nombreux membres ont eu recours au suicide, souffrant à la fois d’une trop forte tension entre règles formelles et réelles de l’activité et d’un manque d’intégration dans le groupe d’appartenance, deux fondamentaux du lien social que soulignait <a href="https://journals.openedition.org/lectures/473">Émile Durkheim</a>.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/0stLVUjZLEE?wmode=transparent&start=43" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Les policiers en « burn-out » sont traités au Chateau de Courbat, AFP.</span></figcaption>
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<p>En 2019, selon un décompte de la police nationale, <a href="https://www.lefigaro.fr/actualite-france/suicide-des-forces-de-l-ordre-ces-policiers-qui-viennent-en-aide-a-leurs-pairs-20200128">59 policiers se sont suicidés</a>, soit une hausse de 60 % par rapport à l’année précédente. La hausse est telle que l’Observatoire national sur le suicide parle dans une fiche récente de <a href="https://drees.solidarites-sante.gouv.fr/IMG/pdf/ons_2020.pdf">surmortalité par suicide</a>.</p>
<p>Une spécificité que l’Institution policière <a href="https://www.courrierinternational.com/article/vu-ditalie-le-chateau-du-courbat-la-ou-sont-soignes-les-policiers-bout-de-souffle">fait traiter</a> par plus de 80 psychologues cliniciens.</p>
<h2>Une résistance à penser malaise policier et organisation du travail</h2>
<p>Pourtant mes terrains ont révélé une organisation managériale relativement indifférente à la souffrance exprimée. L’institution, très hiérarchisée, bureaucratisée, frileuse à toute intrusion – y compris celle de la recherche – cultive une forme d’ambivalence qui déteint sur les individus.</p>
<p>Le policier est pris entre désir de reconnaissance de son malaise mais aussi de son travail, et une posture défensive face à la suspicion généralisée.</p>
<p>Il est sous surveillance de sa hiérarchie (attentes de résultats), mais aussi des médias et de la population.</p>
<p>Paradoxalement, et nonobstant une organisation très verticale du travail, la hiérarchie préfère laisser le policier être autonome sur le terrain de l’action, sans officiers, s’en remettant au <a href="https://theconversation.com/les-policiers-pris-dans-les-paradoxes-des-politiques-publiques-135498">« discernement »</a> de l’agent.</p>
<p>L’agent est donc fort d’un pouvoir discrétionnaire qui lui permet d’agir dans les <a href="https://www.france24.com/fr/20200910-valentin-gendrot-les-violences-polici%C3%A8res-ont-lieu-dans-des-zones-grises">« zones grises »</a>, à la limite de la légalité, versant lui-même parfois dans la violence illégitime ou le <a href="https://www.lemonde.fr/societe/article/2020/07/03/premieres-mises-en-examen-de-policiers-dans-l-affaire-de-la-csi-de-seine-saint-denis_6045022_3224.html">délit</a>.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/1jcjaXHmgto?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Enquête sur une brigade du XVIIIᵉ arrondissement à Paris en 2019, suspectée de corruption.</span></figcaption>
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<p>Les manquements à la déontologie de quelques-uns des policiers jettent la suspicion sur l’ensemble de la profession. Or la hiérarchie se contente de sanctionner et de laisser communiquer les syndicats, sans analyser a posteriori la cause de ces comportements.</p>
<p>La profession pâtit d’une absence de rôle moteur de la hiérarchie dans la définition des limites assignées aux policiers. Par exemple le cas de l’usage de l’arme dans le cadre de la <a href="https://www.lemonde.fr/societe/article/2019/10/24/les-tirs-de-legitime-defense-par-les-policiers-une-zone-grise-pour-les-enqueteurs_6016702_3224.html">« légitime défense »</a>, un sujet qui continue de faire débat.</p>
<h2>« quand ils n’ont pas de solution, ils pensent police »</h2>
<p>À cette situation managériale complexe s’ajoute une image indifférenciée du policier au sein de la population.</p>
<p>Une confusion existe entre l’interprétation du métier par les usagers, tentés d’instrumentaliser la police pour leurs conflits de voisinage ou intrafamiliaux, et les missions codifiées de police.</p>
<p>Par exemple, lors de mes entretiens, un gardien de la paix reporte la question sur le public, qui ne sait pas clairement ce qu’il attend de la Police :</p>
<blockquote>
<p>« Notre rôle [c’est] Assister-Servir-Protéger [ce qui est écrit sur l’uniforme]… Mais la population à la fois a une vision répression de la Police, allant jusqu’à l’agressivité voire la haine, et a de fortes exigences envers un Service public qui doit montrer l’exemple » […] »</p>
</blockquote>
<p>Un brigadier évoquait :</p>
<blockquote>
<p>« une relation avec le public qui ne s’arrange pas » ; « la population utilise la Police pour régler des conflits interpersonnels qui n’ont rien à voir avec du pénal ou une quelconque infraction à la loi » ;</p>
<p>« il y a un fossé entre ce que pense les gens du travail de la police [et le métier de policier] » ; « quand ils n’ont pas de solution, ils pensent police » ; « [on est] souvent l’objet de l’arrogance des personnes auditionnées, et souvent confrontés à des réflexions comme : vous êtes payés pour ça, lorsqu’on montre son exacerbation ou sa saturation ».</p>
</blockquote>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/fvh4YB1EyVw?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Les Français abusent du 17, AFP.</span></figcaption>
</figure>
<p>Un autre brigadier ajoute :</p>
<blockquote>
<p>« Des appels injustifiés sont fréquents ; ils sollicitent des effectifs contingentés et insuffisants » ; « on appelle la police pour tout et n’importe quoi […] On est plus centré sur nos missions de base » ; « tout cela explique que nous soyons en permanence sur la réserve ».</p>
<p>« Mais ce renfermement c’est surtout parce qu’on n’a pas le droit de dire aux gens la réalité des manques de moyens » ; « on doit faire du politiquement correct ».</p>
</blockquote>
<p>Les policiers se voient alors confrontés à contenir des contradictions sociales exacerbées. Cela requiert davantage de régulation autonome pour s’adapter aux transformations sociétales, au moment où le nouveau management public (NMP) est introduit dans l’action publique.</p>
<p>Un management qui, s’il n’est pas pensé en termes d’innovation et de co-construction, impose une <a href="https://www.acteurspublics.fr/articles/madina-rival-innover-dans-la-quete-du-sens-et-en-coconstruction-avec-tous-les-acteurs">régulation de contrôle bureaucratique resserrée</a> avec des évaluations individualisées sans valorisation du collectif de travail.</p>
<h2>Un manque de relations</h2>
<p>Ce mode de management se répercute sur la communication dans le métier, jusque dans l’intervention terrain. Les policiers me confiaient manquer de contacts au sein des services de police, entre brigades, mais aussi au sein même de leurs brigades.</p>
<p>Sans espaces et temps dédiés pour le dialogue, pour échanger sur le métier, recourir au collectif ou à l’expérience des « anciens », les policiers doivent affronter un « vide relationnel ».</p>
<p>Or, ces échanges verbaux pourraient pourtant leur permettre de décharger leurs peurs et leur appréhension du « sale boulot » ou obtenir un arbitrage et une cohérence entre interprétations policières et judiciaires. Et surtout de faire des retours de l’expérience de terrain au management.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/Tu53Oci0OOQ?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Le documentaire <em>Dans la tête d’un flic</em> de François Chilowicz (Arte, 2018).</span></figcaption>
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<p>J’ai ainsi constaté que, dans les services où se pratique l’écoute consciente des chefs, où le récit collectif du vécu professionnel se fait quotidiennement et où l’organisation du travail facilite la solidarité en interne, les équipes évoquent plus de bien-être au travail. Ils constatent aussi une meilleure compréhension et coopération avec la Justice et une confiance réciproque.</p>
<h2>Un sentiment d’impuissance et de vulnérabilité</h2>
<p>Une autre source de malaise provient de conflits de valeurs qui surgissent dans le quotidien, souvent aggravés par des interprétations différenciées des infractions entre police et justice, comme dans le cas du contrôle d’identité.</p>
<p>D’une part il est demandé aux services une certaine proactivité/réactivité des agents dans le contrôle d’identité. Ces derniers sont pourtant sensibilisés déontologiquement aux questions de discrimination.</p>
<p>Une policière s’explique, faisant référence au contexte dans lesquels elle doit intervenir, des quartiers denses où évoluent des populations, souvent d’origines nord-africaines ou subsahariennes, qu’on demande de contrôler :</p>
<blockquote>
<p>« L’article [du Code de déontologie] dit : un contrôle d’identité… ne se fonde sur aucune caractéristique physique ; on ne fait pas de contrôle au faciès, mais proportionnellement [à la population], dans les quartiers où nous avons à intervenir [pour les infractions à la législation sur les étrangers (ILE) et le délit de trafic de stupéfiants]. »</p>
</blockquote>
<p>Mais ce discours peut-il être pris pour une vérité ?</p>
<p>Les processus enclenchés par ces conflits de valeurs aboutissent chez les policiers à une impression d’impuissance à les régler. Cette impuissance à « faire du bon boulot » et à répondre aux attentes de la population nourrit le sentiment de désaffiliation des policiers vis-à-vis des citoyens.</p>
<p>De même les conflits d’objectifs mettent les policiers face à l’impossibilité de juguler les tensions et les risques auxquels ils sont confrontés. Des tensions et des risques s’appuyant sur des peurs mutuelles, tant du côté policier que des personnes délinquantes ou soupçonnées de l’être.</p>
<p>Par exemple, les contraintes procédurales croissantes dans un temps incompatible, le manque de communication entre services de voie publique et service d’investigation judiciaire ou encore les violences urbaines qu’on demande de dompter sans pour autant recevoir un soutien des politiques concourent à nourrir un fort sentiment de vulnérabilité au travers des erreurs et des sanctions encourues.</p>
<h2>Vulnérabilité, agressivité, résignation</h2>
<p>Ce sentiment de vulnérabilité et d’impuissance, ces tensions et ces risques nourrissent la peur des policiers que provoquent les agressions, les outrages et les atteintes à la vie privée, y compris jusque dans leur cellule familiale.</p>
<p>Il peut en résulter une moindre adhérence au groupe, une rupture et une forte solitude psychologique. Si, dans d’autres professions, l’individu peut pallier en s’intégrant à d’autres sphères d’appartenance sociale (amis, activités, famille), ce n’est souvent pas le cas chez le policier, dont la vie est fortement confinée au milieu professionnel.</p>
<p>Cette forte désocialisation peut provoquer une importante détresse psychique. Celle-ci peut alors se traduire par des attitudes agressives, allant de la transgression des règles ou d’une déviance opérationnelle à un usage disproportionné de la force.</p>
<p>La plupart supportent mal ces agissements. Car lorsque ces dérives existent, elles résistent assez peu à la pression médiatique. Aussi, une majorité des policiers de terrain rencontrés souhaitent généraliser les <a href="https://www.francetvinfo.fr/politique/gerald-darmanin/police-gerald-darmanin-demande-plus-de-cameras-pietons_4202621.html">caméras portables</a> afin de faciliter la prise en compte de leur parole et éviter les rumeurs et les informations tronquées qui leur pèsent.</p>
<p>Le plus grand nombre construit des mécanismes de dégagement, d’évitement des troubles psychiques qui vont du retrait des rôles opérationnels à l’accommodation-résignation : l’attente d’une mutation ou de la retraite.</p>
<h2>Recommandations pour reconstruire la santé mentale</h2>
<p>Reconstruire une santé mentale dépend ainsi de l’importance du collectif, des échanges, mais aussi d’un encadrement porteur de sens et de moyens pour les objectifs fixés.</p>
<p>Les officiers de police pourraient ainsi être le principal moteur des échanges en mettant en place des pratiques réflexives et discursives autour de la régulation du travail et des normes de métier communes qui seraient reconnues par le management.</p>
<p>Pour être à l’écoute des signaux faibles chez les individus en phase de rupture de socialisation, il semble impératif de développer les qualités pédagogiques de ces officiers, de rétablir leur proximité avec le terrain de l’action, et une implication dans le métier.</p>
<p>L’articulation avec l’extérieur parait également cruciale. Notamment avec d’une part la population et d’autre part, le parquet, dans la mesure où les policiers affirment travailler pour la protection du public et le bien des victimes de délits ou de crimes.</p>
<p>Enfin, afin de remédier aujourd’hui aux impasses du métier de policier, et pour lui redonner du sens, il convient que le monde politique sorte les missions de Police du « en même temps » et adopte une vision globale de la Sécurité. Pour y arriver, une définition des objectifs et une refonte de la formation (initiale comme continue) de chaque entité policière en termes de protection du public ou de répression des délinquants semblent prioritaires.</p>
<p>Or il semblerait que très récemment publié <a href="https://www.vie-publique.fr/en-bref/277190-publication-du-livre-blanc-de-la-securite-interieure-200-propositions">Livre blanc sur les forces de sécurité intérieure</a> et la loi « Sécurité globale » fassent pour le moment l’impasse sur la santé mentale de leurs agents.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/151047/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Christian Fassier ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Dans un métier pourtant surexposé aux pressions, la santé mentale globale des policiers n'est que très rarement prise en compte.Christian Fassier, Docteur en Psychologie - Psychologue du travail,, Conservatoire national des arts et métiers (CNAM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1514372020-12-06T15:21:03Z2020-12-06T15:21:03ZPourquoi les victimes de violence conjugale ont peur de porter plainte<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/372954/original/file-20201203-19-1xz5lnq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C2%2C1920%2C1276&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les victimes de violence conjugale regrettent parfois d'avoir appellé la police, car elle se sentent abusée une deuxième fois par les enquêteurs. </span> <span class="attribution"><span class="source">Pixabay</span></span></figcaption></figure><p>Gravement blessée, Marie-France (un pseudonyme) s’était réfugiée chez son père pour prendre le temps de panser ses blessures et chercher des solutions pour sortir ses enfants et elle-même des griffes de son agresseur.</p>
<p>Son père a appelé la police, croyant l’aider. Mais Marie-France craignait qu’une intervention des policiers ne lui fasse perdre le contrôle sur une situation déjà chaotique.</p>
<p>Après ce qu’elle décrit comme des heures de « harcèlement et de menaces » de la part des enquêteurs, elle accepte d’autoriser la prise de photos de ses blessures et de faire une déclaration de trois heures sous serment et captée sur vidéo.</p>
<p>Par la suite, elle apprend par la police que sa contribution n’est plus nécessaire dans la poursuite de l’enquête. On lui explique que, par souci de son bien-être et pour éviter de lui faire revivre le drame une deuxième fois, on allait utiliser les preuves amassées pour « parler » en son nom.</p>
<p>En fait, c’est comme si on avait créé une victime « théorique » à partir de bribes de preuves en s’assurant que celle-ci soit plus docile et moins instable que la véritable victime. Marie-France demande alors à la police ce qui se passerait si elle changeait d’avis et voulait retirer sa plainte. Confirmant ses pires craintes, les policiers lui répondent que c’est impossible.</p>
<p>« Tout ce dont nous avons besoin ce sont les preuves », ont-il dit. « Nous avons ainsi une version de vous qui peut parler en votre nom au tribunal. Nous n’aurons pas besoin de votre présence ».</p>
<h2>Un deuxième trauma</h2>
<p>Dans le cadre d’une étude, <a href="https://www.taylorfrancis.com/books/e/9781351017633/chapters/10.4324/9781351017633-6">j’ai recueilli 50 témoignages</a> de femmes qui ont collaboré à une enquête policière concernant des abus commis par leur conjoint. <a href="https://www.uap.ualberta.ca/titles/912-9781772123364-entryways-to-criminal-justice">Mes recherches préliminaires</a> m’ont permis de constater que leurs histoires ressemblent à celle de Marie-France. Beaucoup de femmes regrettent d’avoir porté plainte, une fois la police impliquée dans le dossier.</p>
<p>Les survivantes disent être passées d’une relation violente et contrôlante à une autre. Elles se sont mises à craindre que le système de justice <a href="http://cdhpi.ca/sites/cdhpi.ca/files/Police_Paper_Plain_Text.pdf">ne fasse pire</a> que ce que leur avait fait subir leur agresseur.</p>
<p>L’implication de l’État dans la vie des survivantes de violence conjugale peut avoir de graves répercussions sur l’accès au logement, la garde des enfants, les processus d’immigration et le statut professionnel. Pour les femmes violentées, la protection de l’État est une menace.</p>
<p>Dans le cas de Marie-France, la police l’a prévenue qu’elle pourrait être accusée de parjure et d’entrave à la justice si elle essayait (comme le font tant de survivantes pour des raisons complexes) de se rétracter ou de changer son témoignage. On lui a également dit que les organismes de protection de la jeunesse ne voyaient pas d’un bon œil les femmes qui tentaient de protéger leurs agresseurs, ce qu’elle a perçu comme une menace voilée.</p>
<p>Marie-France m’a raconté la perte de contrôle sur sa propre histoire et comment les images de ses blessures et les mots prononcés au cours de l’enquête l’ont réduite au silence, impuissante et dépouillée de son statut de victime.</p>
<h2>Les réactions de la police</h2>
<p>Les mouvements <em>Black Lives Matter</em> et <em>Defund the Police</em> ont montré que les réactions de la police en situation de crise sont souvent dangereuses pour les personnes racialisées, les Autochtones ainsi que pour les personnes souffrant de maladies mentales. <a href="https://thetyee.ca/Analysis/2020/08/26/Women-Safer-Defund-Police/">Il faudrait ajouter les victimes de violence conjugale à cette liste</a></p>
<p>Cette année, à l’occasion de la Journée nationale de commémoration et d’action contre la violence faite aux femmes, célébrée le 6 décembre en mémoire de la tuerie de l’École polytechnique de Montréal, <a href="https://csf.gouv.qc.ca/egalite-et-societe/journees-action-contre-violence-aux-femmes/">certaines organisations</a> souhaitent attirer l’attention sur la violence conjugale.</p>
<p>Les <a href="https://www.justice.gc.ca/eng/rp-pr/cp-pm/eval/rep-rap/12/fvi-ivf/p1.html">réformes du système pénal</a> de la fin des années 1980 et du début des années 1990 ont laissé place à des <a href="https://www.justice.gc.ca/eng/rp-pr/csj-sjc/jsp-sjp/rr01_5/rr01_5.pdf">procédures judiciaires plus efficaces</a> qui visent à collecter rapidement des éléments de preuve pour présenter la version la plus conforme possible aux événements.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Une femme regarde par la fenêtre" src="https://images.theconversation.com/files/372065/original/file-20201130-17-u99beo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=8%2C0%2C5982%2C3997&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/372065/original/file-20201130-17-u99beo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/372065/original/file-20201130-17-u99beo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/372065/original/file-20201130-17-u99beo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/372065/original/file-20201130-17-u99beo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/372065/original/file-20201130-17-u99beo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/372065/original/file-20201130-17-u99beo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Les personnes ayant subi des abus et de la violence conjugale disent se sentir de nouveau victimisées par la police.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Joshua Rawson Harris/Unsplash</span></span>
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<p>Cette méthode peut sembler bienveillante, car elle vise à empêcher que les victimes ne revivent les abus une deuxième fois en témoignant. Mais les <a href="https://www.dukeupress.edu/in-an-abusive-state">chercheurs soulèvent de sérieuses questions</a> sur l’élimination de la participation des victimes aux poursuites pénales contre leur agresseur.</p>
<p>En remplacement, une <a href="https://doi.org/10.1177/1362480616684194">« victime virtuelle »</a> est créée à partir d’éléments d’information : photos des blessures infligées, vidéos des déclarations faites sous serment, journal intime, témoignages. Cette victime virtuelle, <a href="https://www.justice.gc.ca/eng/rp-pr/csj-sjc/jsp-sjp/rr01_5/rr01_5.pdf">selon les autorités</a>, remplace la victime réelle dans un but déclaré de faire en sorte que le système de justice pénale soit centré sur les victimes et réponde à leurs besoins.</p>
<h2>Intimidation et menaces</h2>
<p>Sophie (un pseudonyme) se souvient de la police faisant irruption dans son appartement alors que son petit ami était en train de l’agresser. Sophie avait refusé de coopérer avec les précédentes tentatives d’intervention de la police. Cette fois, la police l’a prévenue qu’elle allait recueillir des preuves « coûte que coûte ».</p>
<p>Sophie décrit alors l’intimidation faite par la police. Elle soutient que les policiers lui ont dit qu’ils ne la laisseraient pas tranquille tant qu’elle n’aurait pas fourni les preuves demandées. Devant son refus, la police l’a arrêtée pour agression sur son partenaire et pour avoir résisté à son arrestation.</p>
<p>Quelques heures plus tard, au poste de police, sans nourriture, sans eau, sans accès à la toilette et sans pause, on a dit à Sophie qu’on lui retirerait les menottes si elle était « gentille » et qu’elle faisait ce que les enquêteurs lui demandaient. Sophie a estimé qu’elle n’avait d’autre choix que de faire une déclaration.</p>
<p>« La partie de la déclaration où vous me voyez dire que je fais cela de mon plein gré — c’est de la foutaise », dit-elle. « Hors caméra, c’était comme si j’avais le pistolet sur la tempe. »</p>
<p>Lorsque Sophie est retournée au poste de police quelques jours plus tard pour se rétracter, on l’a informée que toute tentative de faire rejeter sa déclaration pourrait entraîner une accusation de parjure et d’obstruction à la justice. De plus, elle risquait d'être placée en détention préventive et de perdre la garde de ses enfants.</p>
<h2>Punies pour avoir coopéré</h2>
<p>De façon générale, les victimes de violence conjugale <a href="https://www150.statcan.gc.ca/n1/pub/85-002-x/2019001/article/00018/02-fra.htm">hésitent à coopérer</a> avec la police pour de bonnes raisons. Les histoires comme celles de Sophie et de Marie-France ne sont pas rares, selon mes premières recherches.</p>
<p>Certaines des femmes que j’ai interrogées ont perdu leur autorité parentale sous prétexte qu’elles ont failli à leur <a href="https://fernwoodpublishing.ca/book/failure-to-protect">« devoir de protection »</a> en exposant un enfant à la violence.</p>
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<img alt="Une femme câline une petite fille qui fronce les sourcils avec des petits pains." src="https://images.theconversation.com/files/372662/original/file-20201202-23-d7wm8u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/372662/original/file-20201202-23-d7wm8u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=426&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/372662/original/file-20201202-23-d7wm8u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=426&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/372662/original/file-20201202-23-d7wm8u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=426&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/372662/original/file-20201202-23-d7wm8u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=535&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/372662/original/file-20201202-23-d7wm8u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=535&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/372662/original/file-20201202-23-d7wm8u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=535&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Des femmes disent craindre pour leurs enfants lorsqu’elles hésitent à coopérer avec la police.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Piqsels</span></span>
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<p>D’autres participantes à ma recherche ont été incarcérées parce qu’elles se sont défendues ou ont pris des mesures extrêmes pour se protéger, allant dans certains cas jusqu’à <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/645609/violence-conjugale-legitime-defense-sheehy">tuer leur agresseur</a>, étant convaincues que le système ne les protégerait jamais.</p>
<p>Cela est particulièrement vrai pour les femmes autochtones, pauvres, racialisées ou toxicomanes, ainsi que pour les travailleuses du sexe, qui sont encore trop souvent considérées comme des victimes qui méritaient la violence qu’elles ont subie et ne devraient pas recevoir de protection ou de soins.</p>
<h2>Promesses vides</h2>
<p>La violence conjugale est souvent vécue par les victimes comme une lutte et une perte de contrôle. <a href="https://www.victimesdabord.gc.ca/vv/lcsn-dnsf/index.html">La justice centrée sur la victime</a> promet de rétablir ce contrôle, mais l’expérience montre que c’est une promesse vide de sens.</p>
<p>Les femmes qui ont participé à ma recherche avaient l’impression que le système de justice reproduisait en fait la même dynamique de violence que celle dont elles tentaient de s’extirper.</p>
<p>Les méthodes de poursuites accélérées sont conçues à cet effet. Elles retirent tout pouvoir à la victime pour la suite des procédures. Une fois qu’une « réplique » de la victime est créée grâce à la collecte de preuves, la véritable victime se trouve réduite au silence ou détruite.</p>
<p>Contrairement à une victime en chair et en os, qui peut se désister, refuser de coopérer, se rétracter ou mentir au tribunal, la victime virtuelle se conforme et reste calme et objective. Elle est figée dans le temps, au moment de l’agression. Ses blessures ne guérissent jamais, ses larmes ne sèchent jamais et, surtout, elle ne contredit jamais la police et son propre témoignage.</p>
<p>Toute tentative de la victime réelle d’intervenir dans le processus une fois les preuves recueillies entraîne une nouvelle forme de victimisation. L’État possède en fait tous les outils nécessaires pour enlever du pouvoir aux personnes qu’il dit vouloir protéger.</p>
<p>Tant que ce phénomène ne sera pas reconnu et pris en compte, les femmes continueront à craindre la police autant que leur agresseur.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/151437/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Dawn Moore a reçu du financement du Conseil de recherches en sciences humaines du Canada (CRSH). </span></em></p>Les enquêtes policières en matière de violence conjugale font revivre un deuxième traumatisme aux femmes qui en sont victimes. L’État doit revoir les procédures judiciaires entourant ce type de crime.Dawn Moore, Professor, Criminology, Carleton UniversityLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1502292020-11-19T23:17:00Z2020-11-19T23:17:00ZLa santé mentale des soignants face à la Covid-19<p>Les deux confinements, et plus largement l’ambiance générale dans laquelle sont plongés les Français depuis le début de la crise de Covid-19, portent un coup dur au <a href="https://www.marianne.net/societe/sante/anxiete-depression-idees-suicidaires-la-sante-mentale-des-francais-sapee-par-le-covid-19">moral</a>. </p>
<p>Plusieurs études en <a href="https://www.santepubliquefrance.fr/maladies-et-traumatismes/maladies-et-infections-respiratoires/infection-a-coronavirus/documents/bulletin-national/covid-19-point-epidemiologique-du-12-novembre-2020">cours</a> observent comment les troubles psychiques, combinés à d’autres facteurs antérieurs à la crise, influent sur la santé mentale des Français. Tous sont potentiellement concernés, cependant les professionnels de santé se retrouvent en première ligne. </p>
<p>Si en France peu d’études existent, des travaux menés au Canada ont <a href="https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2020/10/24/la-sante-mentale-eprouvee-par-l-epidemie-de-covid-19_6057201_4355770.html">montré</a> que 50 % des soignants ont des symptômes d’anxiété et que 40 % d’entre eux sont dépressifs. Dans notre pays, durant les deux années précédentes, l’expression des nombreuses <a href="https://www.thelancet.com/journals/lancet/article/PIIS0140-6736(20)30042-8/ppt">tensions existant dans les hôpitaux publics</a> ont déjà fortement affectés les soignants. En 2019, par de nombreuses manifestations, des périodes de grève sans précédent, et par la profusion de <a href="https://www.lemonde.fr/societe/article/2019/10/11/hopital-appel-a-une-grande-manifestation-le-14-novembre-a-paris_6015056_3224.html">démissions de chefs de service</a>, ils ont exprimé l’urgence à augmenter les moyens humains et financiers alloués au système de soins. Ces professionnels sont en effet particulièrement inquiets, au vu de la détérioration de leurs conditions de travail et de son impact sur la prise en charge des patients.</p>
<h2>Une pression supplémentaire</h2>
<p>Les professionnels de santé directement impliqués dans le diagnostic, le traitement et les soins des patients atteints de Covid-19 ont été confrontés à de <a href="https://jamanetwork.com/journals/jamanetworkopen/fullarticle/2763229">multiples sources de stress</a> : manque d’équipements de protection individuelle, information incomplète concernant le nouveau coronavirus, risque de <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/32370984/">contamination personnelle et de transmission familiale</a>, charge de travail exacerbée et prolongée, nombre inhabituel de <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/32035030/">décès</a> parmi les patients, collègues ou membres de la famille.</p>
<p>Les soignants ont également été confrontés à une réorganisation de leur travail, et pour certains ont dû intégrer des services de soins qui n’étaient pas leur lieu d’exercice habituel. Ils ont également fait face à de <a href="https://www.bmj.com/content/369/bmj.m1291">lourdes questions morales ou éthiques</a>, liées à la prise en charge et l’orientation des patients.</p>
<p>Aujourd’hui, d’autres facteurs similaires à ceux qui touchent l’ensemble de la population peuvent venir s’ajouter à la détresse psychologique des professionnels de santé : perte de repères professionnels et sociaux liée au <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC7274609/">confinement</a>, changement de la <a href="https://doi.org/10.1016/S0140-6736(20)30460-8">dynamique familiale</a> (abus de substance, comportement violent, etc), angoisse des <a href="https://www.paris.fr/pages/les-conseils-d-une-pedopsychiatre-sur-le-confinement-avec-des-enfants-7677">enfants en bas âge</a>, manque de perspective et <a href="https://www.afpbn.org/4507-2/">désorganisation des adolescents</a>.</p>
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<figcaption><span class="caption">Sylvie Tordjman alerte quant au mal-être adolescent durant le confinement.</span></figcaption>
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<h2>Des inégalités sociales de santé mentale chez les professionnels de santé</h2>
<p>Depuis le début de l’épidémie, <a href="http://www.scielo.br/scielo.php?script=sci_arttext&pid=S0102-311X2020000400504">certaines études préliminaires</a>, conduites notamment au Brésil et en Chine, suggèrent l’existence d’inégalités sociales en matière de santé mentale chez les professionnels de la santé.</p>
<p>En effet, ces professionnels constituent une <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC7236675/">population hétérogène</a>, avec des profils divers en termes de sexe, niveau de diplôme, catégorie socio-professionnelle, niveau de recrutement, type de contrat, revenus, conditions de logement, structure familiale, site d’exercice (rural/semi-rural/urbain), ou localisation géographique (désert médical, métropole).</p>
<h2>Pourquoi si peu d’études sur la santé mentale des soignants avant l’épidémie de Covid ?</h2>
<p>La santé mentale des professionnels de santé est un sujet peu étudié jusqu’à présent – la crise du Covid-19 a mis en lumière la nécessité d’évaluer cette dimension et proposer des stratégies pour améliorer le bien-être de cette catégorie professionnelle.</p>
<p>S’intéresser à la santé des soignants peut paraître tabou, les soignants étant censés être en bonne santé, ne pas avoir de fragilités, et s’occuper des patients.</p>
<p>Depuis le début de la pandémie de Covid-19, les professionnels de santé ont été considérés comme des héros. Si, d’une part, c’est une source de reconnaissance et améliore leur estime de soi, il peut aussi s’agir d’une source de pression sociale.</p>
<p>L’image héroïque va de pair avec l’illusion de l’absence d’échec, de maladie, et l’idée que les soignants doivent être prêts à aider à tout moment.</p>
<h2>Un outil pour aider les soignants</h2>
<p>S’il n’est pas pensable d’encourager les professionnels de santé à s’habituer à leurs conditions de travail, il est indispensable de les aider à avoir les moyens de faire face aux nombreuses sources de stress auxquels ils peuvent être exposés. De nombreuses initiatives ont été prises, telles que la <a href="https://www.asso-sps.fr/covid19">facilitation de consultations psychologiques</a> ou la mise en place de <a href="http://cme.aphp.fr/sites/default/files/CMEDoc/bcme28avril2020_hotlinepsy.pdf%20https://solidarites-sante.gouv.fr/prevention-en-sante/sante-et-travail">hotlines psychologiques</a>.</p>
<p>Néanmoins les actions de prévention des difficultés de santé mentale des soignants sont rares. Dans ce contexte, l’équipe ERES au sein de l’Institut Pierre Louis d’Épidémiologie et de Santé publique à l’Inserm/Sorbonne Université, a lancé une étude pour évaluer un outil numérique permettant aux professionnels de santé d’évaluer leur exposition au stress et leur permettre d’augmenter leurs capacités de résilience.</p>
<p>Cet outil, <a href="http://www.cdms.uci.edu/pdf/psystart-cdms02142012.pdf">PsySTART-Responders</a>, a été développé par <a href="https://doi.org/10.1093/milmed/usy400">Merritt Schreiber et ses collaborateurs</a> et validé dans des études menées dans différents pays comme en <a href="https://doi.org/10.1017/dmp.2019.2">Italie</a> aux <a href="https://doi.org/10.1017/dmp.2017.37">Philippines</a> ou aux <a href="https://doi.org/10.1016/j.annemergmed.2013.11.009">États-Unis</a>. </p>
<p>Il inclut un bref auto-questionnaire portant sur 19 facteurs de risque de stress liés à l’activité professionnelle : nature des patients, exposition au virus, inquiétudes concernant sa sécurité ou celle de ses proches, etc. Il doit être complété régulièrement. L’outil intègre aussi un programme de soins, intitulé APD pour « Anticiper, Planifier, Déterminer ».</p>
<p>Ce dernier est conçu pour renforcer les capacités de résilience des soignants.</p>
<h2>Un auto-questionnaire pertinent</h2>
<p>Ce dispositif étant un auto-questionnaire court, il ne nécessite pas la présence d’enquêteurs formés, ce qui est particulièrement pertinent en cette période où les professionnels de santé sont peu disponibles et les contacts physiques et sociaux limités.</p>
<p>Le programme APD inclut trois phases :</p>
<ul>
<li><p>Anticiper : introduction sur les facteurs de stress ;</p></li>
<li><p>Planifier : identification des facteurs de stress que les personnes trouvent difficiles à gérer, et de ressources adaptatives comme le soutien social ;</p></li>
<li><p>Déterminer : mise en œuvre du plan personnel pour gérer et atténuer le stress identifié dans le volet « Planifier ».</p></li>
</ul>
<p>Une composante essentielle de ce programme consiste à surveiller son niveau d’exposition au stress afin d’adapter de manière continue le plan de résilience personnel.</p>
<h2>Une étude pilote</h2>
<p>Entre le 18 mai et le 25 juin 2020 nous avons mené une étude pilote (résultats à paraître) pour tester la faisabilité de PsySTART-R auprès de 42 professionnels de santé travaillant avec des patients atteints du Covid-19 au sein de trois hôpitaux d’Ile-de-France.</p>
<p>La plupart ont répondu à toutes les questions incluses, ce qui indique un bon taux de faisabilité. Les résultats mettent en évidence un niveau élevé d’exposition au stress et une forte prévalence des symptômes de dépression, ce qui souligne l’importance de mener des actions de prévention de ce type.</p>
<p>La population étudiée était en grande majorité composée de femmes (81 %), d’un âge moyen de 42,6 ans. Les professions paramédicales étaient deux fois plus représentées (28 personnes) que les professions médicales (14 personnes). Plus de la moitié des professionnels de santé (54,8 %) étaient présents dans leur poste depuis quatre ans ou plus.</p>
<p>Pour évaluer l’efficacité de PsySTART-R, nous prévoyons maintenant de mener une enquête épidémiologique longitudinale auprès d’un échantillon de 800 professionnels de santé hospitaliers travaillant auprès de patients infectés par le Covid-19, afin d’évaluer leur santé mentale pendant l’épidémie et de renforcer leurs capacités de gestion du stress.</p>
<p>La crise sanitaire liée au Covid-19 accentue l’exposition à de nombreux facteurs de stress chez les soignants. L’impact de cette situation exceptionnelle est accentué par les difficultés de l’hôpital public décrites depuis plusieurs années et provoque une augmentation des niveaux de détresse psychologique, dépression, et trouble de stress post-traumatique. Le développement d’actions de prévention telles que celle que nous développons pourrait permettre de réduire l’impact du stress sur les soignants et limiter les difficultés de santé mentale.</p>
<hr>
<p><em>Cet article s’inscrit dans le cadre du <a href="https://u-paris.fr/festival-idees-paris/">Festival des idées</a>, qui a pour thème cette année les « nouvelles normalités ». L’événement, organisé par l’ASPC (Alliance Sorbonne Paris Cité), se tient entièrement en ligne les 20 et 21 novembre 2020 ; The Conversation est partenaire de l’événement.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/150229/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Maria Melchior a reçu des financements de l'Agence Nationale de la Recherche, Institut National du Cancer, Institut Convergences Migrations, de la Commission Européenne (H2020). </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Cécile Vuillermoz et Leticia Bertuzzi ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur poste universitaire.</span></em></p>L’épidémie a augmenté les sources de stress et les risques de problèmes de la santé mentale des soignants. Une étude pilote pourrait permettre de mieux prendre en compte leurs besoins.Maria Melchior, Epidémiologiste, InsermCécile Vuillermoz, Chercheure post-doctorante en épidémiologie, InsermLeticia Bertuzzi, Psychologue, GHU - Paris / Inserm - Equipe de Recherche en Epidémiologie Sociale (ERES), Sorbonne UniversitéLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.