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Avec « Planet Earth », le documentaire animalier fait sa mue

Le cameraman Jonathan Jones en pleine action. BBC/Planet Earth II

Grâce à sa manière inégalée de révéler aux spectateurs des paysages sublimes et des créatures incroyables, la série documentaire Planet Earth II a connu ces derniers mois des records d’audience en Grande-Bretagne. À la caisse des supermarchés ou dans le bus, les discussions allaient bon train sur les chorégraphies des flamants roses ou ces serpents lancés à la poursuite d’un jeune iguane. C’est toute une génération qui découvre avec ces films les merveilles du monde naturel.

La série Planet Earth a vu le jour il y a une décennie, soit à la même période que la sortie du film d’Al Gore, Une Vérité qui dérange, dont l’objectif était d’éveiller les consciences au problème du réchauffement climatique. Mais en captivant son public avec des histoires sur les espèces en danger et des lieux secrets, David Attenborough a fait avancer la cause environnementale d’une manière tout à fait singulière.

Si le format des 6 nouveaux films de la série diffusés cet hiver outre-Manche reste identique à celui des 11 premiers épisodes de 2006, on perçoit cependant de subtiles différences témoignant d’une évolution dans notre façon de voir le monde sauvage. Et l’on prend conscience dans ce Planet Earth II de tout ce que nous pourrions voir disparaître et de tout ce qui a déjà disparu.

Ceci est particulièrement sensible dans le dernier épisode de la nouvelle série pour lequel les réalisateurs ont posé leurs caméras en ville. Cette description de la vie animale en zones urbaines ne cesse de nous rappeler à quel point les activités humaines impactent le monde sauvage. En suivant ces animaux dans nos rues, ce nouveau récit souligne l’importance de la préservation de la biodiversité sur Terre.

En Inde, des singes dans la jungle urbaine. BBC/Planet Earth II

Après « Le Jour d’après »

Il y a dix ans, l’éveil environnemental rencontrait un écho sans précédent. Les documentaires sérieux, comme Une Vérité qui dérange, suivaient de près la sortie de films catastrophe comme Le Jour d’après. La demande de contenus sur ces questions de la part des médias était alors à son maximum.

Dix ans plus tard, la même attente semble se manifester à nouveau. Mais la forme a changé, nombre d’études en psychologie et en communication ayant montré que les récits et fictions avaient un effet puissant sur le public, parfois plus puissant que des formes documentaires.

Si Planet Earth est un modèle dans le genre du documentaire animalier, il possède également des caractéristiques relevant de la fiction. Ses paysages nous emmènent loin de la réalité, et c’est ce qui plaît tant à des millions de téléspectateurs. La musique originale de Hans Zimmer, qui a composé pour les longs-métrages Gladiator et The Dark Knight Rises et a été récompensé d’un Oscar, n’y est pas pour rien. Les animaux apparaissent ici comme des superhéros. Et chaque scène comporte des éléments communs aux espèces sauvages et aux humains : l’amour, la vie de famille, l’instinct parental, la lutte pour la survie et la domination.

Mais plutôt que de porter un message anxiogène aux accents apocalyptiques très répandu parmi les documentaires environnementaux, Planet Earth opte pour un récit positif qui, selon certains travaux, pourrait conduire les individus à passer à l’action. Si vous vous retrouvez agrippé à votre canapé devant le sort réservé à un iguane ou le destin malheureux d’une antilope, c’est que l’identification avec les personnages de Planet Earth a fonctionné. Et c’est cette identification qui pourra modifier votre vision de l’environnement et des problèmes qui y sont liés.

Les hommes, ces animaux

En nous offrant le spectacle d’animaux tentant de s’adapter à un environnement en pleine évolution, Planet Earth nous offre également l’opportunité de réfléchir à la manière dont nous autres, humains, allons devoir aussi nous adapter.

Prenant intelligemment ses distances avec des films comme celui de Leonardo di Caprio, Avant le déluge, Planet Earth a fait le choix de ne pas mentionner le terme « changement climatique » ou d’y faire clairement référence, laissant ainsi le spectateur tirer ses propres conclusions à partir du film. Ceci est tout à fait frappant quand la série nous montre des terres détruites par les feux ou des changements météo qui ne manquent pas de nous interroger sur la responsabilité humaine.

Un paresseux nain du Panama se jette à l’eau après avoir entendu le cri d’une femelle. BBC/Planet Earth II

Cette démarche s’incarne tout particulièrement dans le dernier épisode, sur les villes – avec toutes les conséquences qu’une telle situation a sur les espèces animales. Et si les singes se délectent de la vie citadine sur les marchés de Bombay et que les hyènes ont développé des relations tout à fait particulières avec leurs voisins à deux pattes, les petites tortues sont elles très perturbées par la lumière artificielle qui les gêne dans leur avancée vers la mer.

À l’heure où la lutte contre les conséquences des changements climatiques paraît encore hésitante, Planet Earth II nous montre la situation de notre planète telle qu’elle est aujourd’hui, en évitant les discours catastrophistes et l’esthétique apocalyptique. Un choix qui explique certainement le succès de cette série et en fait un des documentaires environnementaux parmi les plus originaux et les plus forts.

This article was originally published in English

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