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Le premier ministre Justin Trudeau annonce l'intention de son gouvernement d'interdire les plastiques à usage unique dès 2021, lors d'une conférence de presse à Mont-Saint-Hilaire, le 10 juin. La Presse Canadienne/Paul Chiasson

Bannir les emballages en plastique: est-ce pire pour l'environnement que le gaspillage?

Le premier ministre Justin Trudeau vient d'annoncer que le Canada interdira le plastique à usage unique à partir de 2021. Il tiendra par ailleurs les entreprises responsables de leurs déchets.

Ces dernières années, on a pris conscience des dommages que l'industrie plastique cause à notre planète. Cela a provoqué plusieurs campagnes visant à éliminer les plastiques à usage unique de notre vie quotidienne et des décisions politiques, comme celle de Justin Trudeau, se multiplient.

Les détaillants ont déjà emboîté le pas. Les chaînes d'alimentation Metro et Sobey’s permettent à leurs clients, dans certaines succursales, d'apporter leurs contenants de plastique et leurs sacs à glissière pour se procurer des aliments.

De nombreuses personnes déplorent la grande quantité d'emballages que les supermarchés utilisent, en particulier pour les fruits et légumes, dont la plupart ont leur propre protection naturelle. Néanmoins, l'une des principales raisons pour lesquelles les supermarchés utilisent autant d'emballages est de protéger les aliments et de prévenir le gaspillage, en particulier lorsqu'il s'agit d'aliments frais.

De nombreuses personnes déplorent la grande quantité d'emballages que les supermarchés utilisent, en particulier pour les fruits et légumes, dont la plupart ont leur propre protection naturelle. Shutterstock

Retirer entièrement le plastique de notre approvisionnement alimentaire n'est peut-être pas la meilleure solution lorsqu'il s'agit de protéger l'environnement et de conserver de précieuses ressources.

Il faut savoir que les chaînes d'approvisionnement sont des réseaux complexes impliquant de nombreuses parties. Rien qu'en Europe, 12 millions d'exploitations agricoles produisent des aliments qui sont transformés par environ 300 000 entreprises agro-alimentaires. Ces aliments sont ensuite distribués par 2,8 millions de détaillants, desservant environ 500 millions de consommateurs.

Les aliments voyagent depuis les champs où ils sont cultivés jusqu'à leur lieu d'entreposage. Puis ils sont emballés, transportés et distribués dans les magasins, où ils sont commercialisés, avant d'être achetés puis consommés.

Les emballages en plastique sont utilisés dans la chaîne d'approvisionnement alimentaire parce qu'ils permettent une distribution sûre des aliments sur de longues distances. Ils minimisent les déchets alimentaires en conservant les aliments frais plus longtemps. Une [étude réalisée en 2016 sur les déchets alimentaires] a révélé que 88 millions de tonnes de nourriture sont gaspillées chaque année dans l'Union européenne, soit 173 kg par personne.

Au Canada, près de 60 pour cent de toute la nourriture produite est soit perdue, soit gaspillée , pour une valeur de près de 50 milliards de dollars, selon un rapport de l'organisme caritatif torontois Second Harvest.

Minimiser ce gaspillage est crucial pour la protection de l'environnement et la sécurité alimentaire.

Réduire les déchets

Plus de la moitié de la nourriture est gaspillée dans les foyers et près du cinquième lors de la transformation. Les emballages en plastique peuvent être un mal nécessaire pour réduire ce niveau élevé de déchets.

Par exemple, l'utilisation de seulement 1,5 gramme de pellicule plastique pour emballer un concombre peut prolonger sa durée de conservation de trois jours à 14 jours et la vente des raisins dans des sacs ou des plateaux en plastique a réduit le gaspillage en magasin de 20 pour cent.

Le plastique protège et préserve la fraîcheur de nombreux fruits et légumes. Shutterstock

Une grande partie de la nourriture est transportée par avion, ce qui permet de prolonger sa durée de conservation. Des estimations récentes de Zero Waste Scotland suggèrent que l'empreinte carbone des déchets alimentaires peut être supérieure à celle du plastique. Plus précisément, 456 000 tonnes de déchets alimentaires produits dans les ménages écossais ont contribué à environ 1,9 million de tonnes de CO₂, soit trois fois plus que les 224 000 tonnes de déchets plastiques produites.

Les emballages en plastique préservent la qualité et la sécurité des aliments. Les aliments qui sont naturellement protégés, grâce à leur pelure, et qui peuvent être transportés et consommés en toute sécurité (sans emballage plastique à usage unique) attirent souvent l'attention. Mais la recherche montre que ces produits semblent être durables seulement là où les chaînes d'approvisionnement alimentaires sont courtes. Lorsque les aliments arrivent de plus loin, comme c'est souvent le cas, le plastique peut jouer un rôle important pour éviter qu'ils ne se transforment en déchets.

De plus, les emballages en plastique sont plus souples et plus légers que les emballages en verre et en carton. Cela réduit les coûts de transport et les émissions de carbone qui les accompagnent.

Quelque solutions possibles

Le simple retrait du plastique des emballages alimentaires n'est pas aussi souhaitable qu'on pourrait le penser. Il existe de nombreux cas où les emballages en plastique peuvent être bénéfiques pour réduire les déchets. Mais les détaillants doivent trouver des moyens de réduire et de réutiliser le plastique dans la mesure du possible.

Pour réduire la quantité de plastique nécessaire, il faut développer des chaînes d'approvisionnement alimentaires courtes. Cela implique très peu d'intermédiaires entre le lieu où les aliments sont cultivés et celui où ils sont achetés puis consommés. Il peut s'agir de favoriser un régime alimentaire basé sur des produits de saison. Les marchés fermiers et les livraisons de paniers aident à relier les consommateurs à l'endroit où leurs aliments sont produits. Cela peut aussi aider à réduire les emballages et les déchets alimentaires.

Le défi est que cette production plus locale puisse être viable économiquement. Les détaillants ont des préoccupations économiques qui influencent la façon dont ils utilisent le plastique. Il est souvent utilisé non seulement pour la conservation mais aussi pour le marketing et l'incitation à acheter plus (comme avec les multipacks), ce qui peut provoquer le gaspillage.

Une autre solution consiste à développer un modèle économique plus circulaire où le plastique est réutilisé et recyclé davantage. C'est un choix judicieux, tant sur le plan économique qu'environnemental.

Des travaux sont également en cours sur de nouveaux emballages biologiques qui peuvent jouer le même rôle que le plastique classique en matière de protection et de prévention des déchets alimentaires - et pourraient également être biodégradables. Mais de nombreuses questions subsistent quant à savoir si ces plastiques « bios » sont réellement durables à long terme, surtout si de grandes quantités de ressources sont nécessaires pour les produire.

Jusqu'à ce qu'on développe une solution d'emballage durable, les grands détaillants continueront de compter sur le plastique pour protéger les aliments du gaspillage. Le plastique lui-même est un matériau très utile. Nous devons l'utiliser plus efficacement, mais nous ne devrions pas nous en débarrasser complètement.

This article was originally published in English

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