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Biodiversité : du Népal au Brésil, les grands prédateurs menacés par les projets routiers

Wikimedia commons
Parmi les espèces de grands prédateurs étudiées, l’ours paresseux est l’espèce la plus menacée par les projets d'infrastructures routières. Wikipedia, CC BY-NC-SA

L’expansion mondiale des réseaux routiers contribue fortement au déclin de la biodiversité et menace notamment la conservation des grands prédateurs, avec de nombreuses retombées liées à leur impact sur le fonctionnement des écosystèmes qu’ils occupent. Et ces effets ne se limitent pas aux collisions provoquées par les véhicules heurtant des animaux…

La fragmentation ou la perte de leur habitat, la réduction de la connectivité génétique causée par les barrières physiques et l’augmentation du braconnage facilitée par l’accès à l’habitat faunique représentent les plus grandes menaces routières pour les grands prédateurs. Elles concernent en particulier les routes existantes et prévues au Népal, au Brésil et en Afrique. Ces voies donnent également accès à la faune aux bûcherons illégaux, aux accapareurs de terres et aux trafiquants d’espèces sauvages.

Nous avons examiné l’impact des routes sur 36 espèces de grands prédateurs en fonction de leur risque d’exposition et de leur vulnérabilité – tous les animaux considérés sont des mammifères terrestres non herbivores dont la masse corporelle moyenne est supérieure à 13 kg, ou des espèces sous ce seuil mais qui sont les principaux prédateurs de leurs écosystèmes.

L’ours paresseux en première ligne

Notre travail révèle la vulnérabilité particulière des grands prédateurs aux collisions avec des véhicules, en raison de leur vaste domaine vital, qui nécessite des déplacements sur les routes et de la petite taille de la population de l’espèce. Entre 1990 et 2020, 229 collisions avec des véhicules fauniques ont ainsi été documentées pour le lynx ibérique.

Les prédateurs à grande mobilité comme les chats sauvages sont aussi très sensibles à la consanguinité génétique, les ocelots du sud du Texas souffrant d’une diversité génétique extrêmement faible en raison de développements routiers importants.

Parmi les dix espèces les plus à risque, huit se trouvent en Asie. Celles présentes dans les Amériques, en Afrique ou en Europe sont également affectées. L’ours paresseux est le grand prédateur de l’étude le plus à risque, suivi du tigre et du dhole.

Timothy A. Gonsalves/Wikimedia
Le dhole, ou chien sauvage d’Asie. Wikimedia, CC BY-NC-SA

500 aires protégées bientôt coupées

Pour aller plus loin, nous proposons une méthode reproductible pour évaluer l’impact des développements routiers. Nous l’avons appliqué aux développements envisagés dans trois régions : l’Amazonie brésilienne, le long de l’autoroute postale du Népal et sur tout le continent africain.

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Sur les segments de routes à fort impact, les résultats estiment qu’environ 500 aires protégées seront coupées, mettant en péril la survie des grands prédateurs, leurs habitats et les services écosystémiques qu’ils fournissent aux communautés humaines.

Au Népal par exemple, au moins 5000 km d’autoroutes sont en construction et les travaux ont également commencé sur le chemin de fer est-ouest de 1000 km. S’ils sont construits, ces projets d’infrastructures traverseront les habitats de plusieurs espèces menacées.

25 millions de km de routes d’ici à 2050

Les infrastructures de transport actuelles, avec plus de 25 millions de kilomètres de routes à construire dans le monde d’ici à 2050 dont environ 90 % dans les pays en développement, et l’expansion mondiale prévue des réseaux routiers, dans des régions riches en biodiversité ont et continueront de couper considérablement les connexions. L’impact sévère sur les grands prédateurs va donc s’accélérer.

À titre d’exemple, le développement prévu dans le parc national du Serengeti en Tanzanie devrait dévaster l’une des plus grandes migrations d’animaux au monde, provoquant un effet domino sur les populations saines de grands prédateurs.

Alors que le Népal a été salué ces dernières semaines comme une réussite pour le rétablissement du tigre, les développements routiers du pays diviseront les bastions de l’espèce et menaceront d’inverser les progrès incroyables réalisés pour sauver les 4 500 derniers tigres sauvages de l’extinction.

Mieux. planifier le développement routier

Dans ce contexte, il semble indispensable pour préserver ces espèces de mener une planification méticuleuse du développement routier qui tienne compte de la faune et soit associée à des mesures d’atténuation des menaces efficaces comme des passages à niveau, des clôtures en bordure de route servant d’entonnoirs pour la faune, l’évitement de la route en construction dans des zones protégées ou encore des remparts empêchant l’accès aux prédateurs. Le fonctionnement de nombreux écosystèmes de la planète dépend de ces grands prédateurs et détermine la santé et la survie de communautés humaines.

Des mesures vont petit à petit en ce sens. Les scientifiques maintiennent l’importance des comités de planification routière intégrant les voix de toutes les parties prenantes, y compris les communautés locales, les scientifiques de la conservation et les représentants du gouvernement. De même, les bailleurs de fonds du développement sont encouragés à intégrer davantage l’atténuation des menaces routières dans leurs accords de financement, en veillant à ce que l’objectif ultime d’aucune perte nette de biodiversité soit maintenu tout au long du processus de développement.

Si nous voulons préserver la présence de grands prédateurs sauvages, souvent emblématiques, comme les loups de l’Himalaya, les léopards nébuleux, les hyènes rayées, les léopards, les tigres, les dholes et les ours paresseux… il apparaît urgent de leur laisser de la place avant qu’il ne soit trop tard.


Cet article est le fruit d’une collaboration entre des jeunes diplômés d’un master international en écologie appliquée vivant dans différentes régions du monde et soucieux de l’impact de l’homme sur l’environnement et la biodiversité.

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