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Brexit : quel avenir pour Gibraltar ?

Gibraltar et son rocher. Pixabay

Tout au bout de l’Andalousie, face au Maroc, un imposant rocher d’un peu plus de six kilomètres carrés au sommet duquel gambadent de petits singes est, depuis le début du XVIIIe siècle, à l’origine de tensions diplomatiques quasi-permanentes entre le Royaume-Uni et l’Espagne. Gibraltar, accordé en 1713 à la Couronne britannique lors de la signature du Traité d’Utrecht, a longtemps été considérée par celle-ci comme enjeu stratégique.

Sige de Gibraltar. Pixabay

Base militaire, garnison avec ses fortifications, la ville s’est progressivement convertie à d’autres activités. Profitant d’une fiscalité avantageuse qui ne comporte ni TVA, ni impôt sur les sociétés, celles-ci se sont multipliées.

Entre 14 000 et 28 000, plus particulièrement financières, selon que les sources soient locales ou espagnoles, y ont leur siège social. Une certaine opacité bancaire est dénoncée, de même qu’une trop grande tolérance à l’endroit de la contrebande de cigarettes.

Fiscalité avantageuse et jeux en ligne

Récemment, l’économie de Gibraltar a largement profité du développement des jeux en ligne. Cette prospérité – la croissance y est insolente, environ 10 % en 2014 et 2015 – comparée au marasme économique de la région environnante, attire tout naturellement des Espagnols en quête d’emploi. 10 à 12 000 travailleurs frontaliers traversent ainsi régulièrement, parfois après une longue attente si la situation est tendue entre les deux pays, la frontière.

Ces Espagnols redoutent les conséquences du Brexit. Ils craignent, en effet, de perdre les avantages de l’un des rares bassins d’emplois de la région. Le gouvernement espagnol y voit, au contraire, l’occasion de récupérer ce petit morceau de territoire qu’il convoite depuis plus de trois siècles. Pour les quelque 33 000 habitants de la petite péninsule qui, le 23 juin 2016, ont voté à 96 % contre le Brexit, la situation est complexe, tant leur attachement à la Grande-Bretagne est fort. Ils rejettent donc toute idée de souveraineté partagée avec l’Espagne, qui ferait d’eux des citoyens espagnols détenteurs d’un passeport de l’Union européenne. Les Gibraltariens semblent vouloir à la fois « le beurre et l’argent du beurre », c’est-à-dire vivre des fruits du marché espagnol tout en conservant leur statut privilégié et leurs liens historiques avec le Royaume-Uni.

Une Angleterre de carte postale

Royal Mail à Gibraltar. Pixabay

Cette minuscule presqu’île qui transporte le visiteur, sitôt la frontière franchie, dans une Angleterre de carte postale avec ses pubs et ses salons de thé, présente pourtant quelques caractéristiques très particulières. La communauté juive qui, dans les dernières décennies du XIXe siècle comptait quelques 1 500 membres, est très bien intégrée. Aujourd’hui, bien que réduite de plus de moitié, elle occupe toujours une place importante. Investis dans le commerce depuis des générations, ses membres ont le choix entre quatre synagogues, à leur disposition des écoles hébraïques, ainsi que des restaurants et des magasins d’alimentation casher.

Journal Gibraltar Chronicle.

D’une grande tolérance, Gibraltar présente une autre particularité : l’ancienneté de sa presse. Le Gibraltar Chronicle, fondé en 1801, est à l’origine destiné aux hommes de la garnison. Devenu quotidien en 1821, il se revendique être le deuxième plus vieil organe en anglais encore en vie. Fabriqué, à ses débuts, selon la bonne vieille méthode du coupé-collé à partir d’articles puisés dans d’autres publications périodiques, il est dans les premiers temps piloté par un certain Charles Buisson, un Français installé à Gibraltar en mai 1801. Successivement dirigé par des civils et des militaires, il fait office d’organe officiel du gouvernement local. Dans ce territoire d’outre-mer, Sa Majesté la Reine est représentée par un gouverneur. Le Parlement est composé d’une seule chambre comprenant 18 « Members of Parliament ». Le gouvernement est dirigé par un « ministre en chef » désigné par le gouverneur. Le cabinet ne comprend que quelques membres choisis parmi les députés.

Gibraltar enjeu diplomatique délicat

Campagne du Sun sur Gibraltar.

Cette toute petite enclave, que l’on ne peut atteindre de La Linea de la Conception qu’en traversant, à pied ou en voiture, l’unique piste de l’aéroport de Gibraltar qui assure essentiellement la liaison avec Londres, « n’est pas à vendre », assure le ministre des Affaires étrangères du Gouvernement de Theresa May, Boris Johnson. Elle est pourrait même être au cœur d’une crise diplomatique comparable à celle provoquée par les visées de l’Argentine sur les Îles Malouines, en 1982.

Le 29 avril 2017, les vingt-sept membres de l’Union européenne devront se prononcer sur une proposition de Donald Tusk, Président du Conseil européen. Ce dernier estime que dans les négociations à venir avec l’Angleterre, l’Espagne doit avoir son mot à dire au sujet de Gibraltar. Michel Barnier, négociateur principal en charge du Brexit, considère que Gibraltar ne doit en aucun cas bénéficier de clauses spéciales. Il est défavorable à l’ouverture de sa frontière avec l’Espagne, aux touristes qui s’y rendent très nombreux chaque année, et sont une source de revenus importants, de même qu’aux travailleurs transfrontaliers. Pas question non plus, pour ce commissaire européen, de permettre aux sociétés de Gibraltar d’avoir accès au marché unique.

Comme les Anglais de France, les habitants de Gibraltar s’inquiètent de l’avenir.

Pourront-ils continuer à profiter des avantages conférés, par la Couronne, à ce confetti de son ancien empire, ainsi qu’à ceux émanant de sa proximité avec un pays de l’Union européenne ? That is the question !

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