tag:theconversation.com,2011:/ca-fr/arts-et-culture/articlesArts et Culture – La Conversation2024-03-27T14:06:07Ztag:theconversation.com,2011:article/2267022024-03-27T14:06:07Z2024-03-27T14:06:07ZPhotographier l’éclipse solaire, un rappel du sentiment de faire partie de quelque chose de plus grand que nous<p>Si vous faites partie des <a href="https://www.quebecscience.qc.ca/espace/eclipse-solaire-2024/#:%7E:text=L%E2%80%99%C3%A9clipse%20solaire%20totale%20de,totale%20%C3%A0%20Montr%C3%A9al%20depuis%201932.">millions de personnes qui souhaitent voir</a> l’éclipse solaire totale du 8 avril, il y a de fortes chances que vous preniez des photos de votre expérience. </p>
<p>Et, comme beaucoup d’autres avant vous, vous trouverez peut-être que ces photos ne sont pas à la hauteur de vos attentes, de vos expériences et de vos souvenirs de l’éclipse.</p>
<p>Nous vous proposons quelques conseils techniques pour la photographie d’éclipses. Nous nous demandons aussi pourquoi nous sommes si nombreux à vouloir photographier ce type de moments collectifs d’émerveillement et d’étonnement, en réfléchissant au contexte plus large de la culture visuelle autour des éclipses solaires à travers l’histoire.</p>
<h2>Défis techniques et sécuritaires</h2>
<p>Photographier une éclipse solaire présente quelques <a href="https://www.youtube.com/watch?v=dClhdu0oyWM">défis techniques et de sécurité</a>. Vous pouvez vous préparer, notamment en vous assurant que votre appareil photo (<a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/2058820/eclipse-solaire-photographie-protection">même les téléphones intelligents !</a>) est équipé d’un filtre solaire. Il est également important de vous familiariser avec votre appareil photo et de vous entraîner à l’utiliser dans différentes conditions de luminosité avant l’éclipse. </p>
<p>Les changements de qualité de la lumière seront rapides et drastiques, c’est pourquoi il sera important de se familiariser avec l’ouverture et la vitesse d’obturation le jour J. Un trépied permet de réduire le flou lorsqu’une exposition plus longue est nécessaire. S’il y a des nuages, il est toujours important d’être prudent et de porter des lunettes de protection. La capacité à capturer une image dépendra de l’étendue de la couverture nuageuse. L’expérience visuelle sera différente, mais le ciel s’assombrira toujours, créant des changements dans la couleur et la façon dont la lumière passe à travers les nuages. </p>
<p>Il existe également des façons plus créatives d’envisager la capture de l’expérience, notamment la <a href="https://www.asc-csa.gc.ca/fra/jeunes-educateurs/activites/experiences-amusantes/projecteur-eclipse.asp">fabrication d’un projecteur à sténopé</a>. </p>
<p>Ce dispositif simple peut être fabriqué à partir d’une boîte en carton et permet à la fois de regarder en toute sécurité et d’obtenir des images intéressantes.</p>
<h2>Premières photographies d’éclipses</h2>
<p>Si vos photographies ne sont pas conformes à vos attentes, vous n’êtes pas seuls. En 1842, le physicien italien <a href="https://hyperallergic.com/392269/the-first-photographs-of-a-solar-eclipse/">Gian Alessandro Majocchi a tenté de photographier</a> l’éclipse solaire totale qui a eu lieu en juillet de cette année-là. Les documents qui subsistent indiquent qu’il n’a eu qu’un succès partiel : les images de son daguerréotype — une des premières techniques de photographie inventées par Louis-Jacques-Mandé Daguerre en 1839, c <a href="https://www.loc.gov/collections/daguerreotypes/articles-and-essays/the-daguerreotype-medium/#">onsistant à traiter une plaque de cuivre recouverte d’argent avec des produits chimiques sensibles à la lumière</a> — sont perdues.</p>
<p>Majocchi a pu prendre quelques photos <a href="https://babel.hathitrust.org/cgi/pt?id=hvd.fl1241&view=1up&seq=265">avant et après</a> les moments de <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/2052917/eclipse-totale-soleil-avril-canada-quebec-montreal">l’éclipse totale</a>.</p>
<h2>Un rappel des sentiments d’émerveillement et de partage</h2>
<p>Au-delà des aspects techniques, une photographie réussie de l’éclipse constitue un rappel durable des sentiments d’émerveillement et de faire partie de quelque chose de plus grand que nous. </p>
<p>C’est le genre d’événement qui rassemble les gens. L’expérience partagée se poursuit longtemps après la fin de l’éclipse grâce aux photographies qui servent de marqueurs de mémoire et de preuve tangible que vous étiez là pour assister à l’éclipse. Et même si beaucoup d’entre nous finissent par avoir des photos similaires, il y a quelque chose de significatif dans le fait qu’autant de personnes prennent des photos du même événement.</p>
<p>Par exemple, <a href="https://psycnet.apa.org/record/2016-27715-001">prendre des photos d’événements peut augmenter le plaisir que l’on en retire</a>, comme l’ont montré les recherches conduites par Kristin Diehl, professeure de marketing, et ses collègues. </p>
<p>La photographie nous permet de conserver des souvenirs, de les partager avec d’autres et de revivre ces moments à l’avenir. Ce qui fait qu’une image se distingue des millions d’autres partagées chaque jour sur les médias sociaux tient souvent à une combinaison de facteurs : son impact visuel, l’histoire qu’elle raconte et la résonance émotionnelle qu’elle peut susciter chez les personnes qui la regardent. En d’autres termes, une grande partie de ce que nous partageons concerne l’expérience au sens large.</p>
<h2>Une preuve d’une expérience vécue et une connexion dans le temps</h2>
<p>Les photographies répondent également depuis longtemps à un besoin profond de preuve de l’expérience vécue — « nous y étions ». Qu’il s’agisse d’une image floue de la <em>Joconde</em> prise par un téléphone portable ou d’un cliché de l’éclipse, ces images servent de rappels tangibles de nos expériences. Elles valident nos souvenirs, ancrent les histoires que nous racontons et nous permettent de partager ces moments avec d’autres. </p>
<p>Regarder des images de personnes observant une <a href="https://www.atlasobscura.com/articles/century-eclipse-watching-photos">éclipse à d’autres époques peut également offrir un sentiment partagé de connexion à travers le temps</a>. Il s’agit d’un phénomène qui nous dépasse et ces images nous relient aux expériences des générations précédentes. </p>
<p>Les photographies scientifiques d’une éclipse, comme celles que <a href="https://siarchives.si.edu/collections/siris_arc_308088">Thomas Smillie</a> a réalisées pour le Smithsonian en 1900, ont pu être saluées comme des <a href="https://siarchives.si.edu/blog/smillie-and-1900-eclipse">avancées technologiques</a>. Pourtant, les <a href="https://www.atlasobscura.com/articles/century-eclipse-watching-photos">photographies de personnes rassemblées, qui s’arrêtent un instant et regardent le ciel</a> ont quelque chose de particulièrement fascinant.</p>
<h2>Les photographies donnent des indications partielles</h2>
<p>Un <a href="https://hyperallergic.com/392269/the-first-photographs-of-a-solar-eclipse/">daguerréotype d’une éclipse solaire pris le 28 juillet 1851 est la première photographie réussie connue de la couronne solaire</a>. Cette image a été réalisée à l’Observatoire royal prussien de Königsberg (aujourd’hui Kaliningrad, en Russie) par Johann Julius Friedrich Berkowski à l’aide d’un télescope. <a href="https://www.space.com/37656-first-total-solar-eclipse-photo-ever.html">L’exposition de 84 secondes a permis de capturer l’instant de manière particulièrement détaillée</a>.</p>
<p>En 1890, le <a href="https://babel.hathitrust.org/cgi/pt?id=hvd.fl1241&view=1up&seq=265"><em>American Journal of Photography</em> écrivait</a> : « la photographie n’a probablement pas été aussi utile dans aucun autre domaine scientifique, et certainement dans aucune branche de la science astronomique, que dans l’étude des éclipses solaires ».</p>
<p>Comme le notent les rédacteurs, la photographie peut certainement façonner notre compréhension du monde, contribuer à créer de nouvelles connaissances et fournir des indications précieuses sur la nature de l’univers. </p>
<p>Mais il y a aussi une limite à ce que la photographie peut faire. L’expérience d’une éclipse solaire va au-delà du visible : les <a href="https://www.scientifique-en-chef.gouv.qc.ca/impact-recherche/5-vrais-ou-faux-sur-leclipse-totale/">températures chutent</a>, le <a href="https://www.scientifique-en-chef.gouv.qc.ca/impact-recherche/des-animaux-sont-perturbes-par-une-eclipse-solaire-vrai/">comportement des animaux non humains peut soudainement changer</a> et de nombreuses personnes font état de <a href="https://www.cbc.ca/player/play/1.7149511">réactions émotionnelles ou spirituelles inattendues</a>.</p>
<h2>De nombreuses réponses visuelles et artistiques</h2>
<p>En outre, il existe une longue tradition d’enregistrement des éclipses sur <a href="https://doi.org/10.1038/508314a">différents supports visuels</a>. Par exemple, la <a href="https://doi.org/10.1017/S1743921314004621">dynastie Shang en Chine fournit un enregistrement visuel des éclipses solaires</a> par le biais d’une écriture ancienne gravée <a href="https://asia-archive.si.edu/learn/chinas-calligraphic-arts/oracle-bone-script">sur des os d’oracle</a>.</p>
<p><a href="https://smarthistory.org/peter-paul-rubens-elevation-of-the-cross/">Un tableau de 1610 de Peter Paul Rubens, intitulé « L’élévation de la croix »</a>, illustre la longue et complexe histoire des liens entre des phénomènes tels que les éclipses et les croyances religieuses. Au début du XX<sup>e</sup> siècle, le peintre américain Howard Russell Butler a réalisé une série de peintures dans lesquelles il se concentrait sur les <a href="https://hyperallergic.com/393623/howard-russell-butler-eclipse-paintings/">aspects de l’éclipse qu’il était difficile de saisir avec la photographie en noir et blanc — la qualité changeante de la lumière et des couleurs du ciel</a>. </p>
<p>La <a href="https://artmuseum.princeton.edu/transient-effects/eclipses-art/blackstar">vidéo accompagnant <em>Black Star</em> de David Bowie</a> (2016) s’ouvre sur une éclipse solaire totale.</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/kszLwBaC4Sw?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Vidéo de la chanson « Black Star » de David Bowie.</span></figcaption>
</figure>
<p>Il s’agit d’une imagerie visuelle évocatrice, qui complète les thèmes de la chanson relatifs à la mortalité, tout en faisant un clin d’œil aux interprétations anciennes de l’éclipse, comme symbole d’un malheur imminent. Ce symbolisme était d’autant plus poignant qu’il s’agissait du titre du dernier album studio de Bowie.</p>
<p>Ces types de réponses artistiques aux événements célestes mettent en avant l’interprétation personnelle et les réactions émotionnelles qu’ils suscitent. Elles mettent également en évidence et reflètent les significations sociales, culturelles et spirituelles associées à une éclipse solaire.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/226702/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Keri Cronin a déjà reçu des fonds du Conseil de recherches en sciences humaines du Canada.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Amy Friend ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Au-delà des aspects techniques, une photographie réussie de l’éclipse constitue un rappel durable de l’émerveillement et du sentiment de faire partie de quelque chose de plus grand que nous.Amy Friend, Associate professor, Visual Arts Department, Brock UniversityKeri Cronin, Professor, History of Art & Visual Culture, Brock UniversityLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2258392024-03-26T16:24:16Z2024-03-26T16:24:16ZLes éclipses totales de Soleil constituent une occasion de s’intéresser à la science, à la culture et à l’histoire<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/581957/original/file-20240311-16-li8vda.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C5%2C3724%2C2146&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">De tout temps, les éclipses ont inspiré les sociétés à comprendre le cosmos et ses événements.</span> <span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span></figcaption></figure><p>Le 8 avril 2024, une éclipse solaire totale se produira au Canada. C’est une occasion de vivre une expérience exceptionnelle, d’apprendre et de prendre part à l’excitation et à l’émerveillement. Des chercheurs ont expliqué comment profiter en toute sécurité de cet événement unique, plutôt que de se terrer à l’intérieur.</p>
<p>À peu près tous les 18 mois, le Soleil, la Lune et la Terre s’alignent parfaitement, et il se trouve un endroit sur notre planète <a href="https://eclipse.gsfc.nasa.gov/SEatlas/SEatlas.html">où l’on peut observer une éclipse solaire</a>. La Lune projette alors une ombre d’environ 250 km de large sur la Terre.</p>
<p>Cette obscurité diurne éphémère constitue une expérience que l’on ne voit habituellement qu’une seule fois dans sa vie. Toronto a connu sa dernière éclipse solaire totale le <a href="http://xjubier.free.fr/en/site_pages/solar_eclipses/xSE_GoogleMap3.php?Ecl=+19250124&Acc=2&Umb=1&Lmt=1&Mag=0&Lat=43.69660&Lng=-79.41391&Elv=162.0&Zoom=8&LC=1">24 janvier 1925</a> ; la prochaine s’y produira dans 120 ans, le <a href="http://xjubier.free.fr/en/site_pages/solar_eclipses/xSE_GoogleMap3.php?Ecl=+21441026&Acc=2&Umb=1&Lmt=1&Mag=0&Lat=43.69629&Lng=-79.29982&Elv=127.0&Zoom=8&LC=1">26 octobre 2144</a>.</p>
<p>Notre compréhension des éclipses totales de Soleil et notre réaction à celles-ci ont énormément évolué. Ces phénomènes étaient autrefois considérés comme des présages cosmiques qui annonçaient la mort des rois, de bonnes récoltes ou la nécessité de conclure de nouveaux traités territoriaux. Aujourd’hui, elles offrent une occasion unique de réfléchir à la nature physique de l’univers et au privilège cosmique d’assister à l’alignement de la Lune et du Soleil.</p>
<h2>Éclipses et développement des connaissances</h2>
<p>En raison de l’obscurité soudaine qu’elles provoquent, les éclipses solaires <a href="https://www.ouest-france.fr/leditiondusoir/2015-03-17/pourquoi-avons-nous-peur-des-eclipses-f5dc6f2a-9aac-4c7a-ac20-b2ba1321592f">ont longtemps été perçues comme des événements catastrophiques</a>. De nombreuses sociétés ont élaboré des récits <a href="https://www.britannica.com/list/the-sun-was-eaten-6-ways-cultures-have-explained-eclipses">pour expliquer ces manifestations inhabituelles</a>, souvent empreints de peur et de violence.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/580949/original/file-20240311-26-98odlu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="illustration d’un démon brun doré mangeant un disque jaune sur un fond violet" src="https://images.theconversation.com/files/580949/original/file-20240311-26-98odlu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/580949/original/file-20240311-26-98odlu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=451&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/580949/original/file-20240311-26-98odlu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=451&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/580949/original/file-20240311-26-98odlu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=451&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/580949/original/file-20240311-26-98odlu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=567&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/580949/original/file-20240311-26-98odlu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=567&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/580949/original/file-20240311-26-98odlu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=567&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Peinture murale qu’on peut admirer au temple Wat Phang La, dans le sud de la Thaïlande, et qui représente le démon hindou Rahu avalant la Lune.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/anandajoti/10684670235/">(Anandajoti Bhikkhu/Flickr)</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Dans les mythes indiens, on évoque un <a href="https://www.washingtonpost.com/graphics/2017/lifestyle/eclipse-myths/">démon immortel qui cherche à se venger de Vishnu en mangeant le Soleil et la Lune</a>. Les Pomo, peuple autochtone du nord de la Californie, parlent d’un <a href="https://www.exploratorium.edu/eclipse/eclipse-stories-from-around-the-world">immense ours en colère qui tente d’avaler le Soleil</a>. Dans d’autres mythologies, les éclipses étaient considérées comme des forces célestes qui nous enlevaient notre source de chaleur et de vie.</p>
<p>Les croyances relatives aux éclipses ont incité les astronomes grecs de l’Antiquité à créer le <a href="https://journals.plos.org/plosone/article?id=10.1371/journal.pone.0103275">mécanisme d’Anticythère</a>, un ordinateur analogique complexe qui prédisait le moment des futures éclipses avec une précision de 30 minutes. Ces prédictions étaient cruciales pour la société grecque, car une éclipse solaire pouvait annoncer la mort du roi, et l’on nommait alors un pseudo-empereur qui serait tué à sa place.</p>
<p>Nos réactions aux éclipses ont évolué, et nous comprenons mieux désormais le système solaire et l’univers dans son ensemble.</p>
<p>Lors de l’éclipse du 18 août 1868, les astronomes Norman Lockyer et Pierre Janssen ont étudié la lumière de la couronne solaire et <a href="https://doi.org/10.1007/978-1-4614-5363-5">découvert un nouvel élément chimique</a>. Cet élément a été baptisé hélium, d’après le mot grec désignant le Soleil.</p>
<p>Le 29 mai 1919, Frank Watson Dyson et Arthur Stanley Eddington ont observé la <a href="https://doi.org/10.1098/rsta.1920.0009">trajectoire courbe de la lumière des étoiles</a> pendant une éclipse totale de Soleil, donnant lieu au premier <a href="https://timesmachine.nytimes.com/timesmachine/1919/11/10/118180487.pdf">« triomphe de la théorie d’Einstein »</a> de la relativité générale.</p>
<p><a href="https://images.theconversation.com/files/580945/original/file-20240311-20-25sylo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"></a></p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/580945/original/file-20240311-20-25sylo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="anciens fragments carrés verdâtres" src="https://images.theconversation.com/files/580945/original/file-20240311-20-25sylo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/580945/original/file-20240311-20-25sylo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/580945/original/file-20240311-20-25sylo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/580945/original/file-20240311-20-25sylo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/580945/original/file-20240311-20-25sylo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/580945/original/file-20240311-20-25sylo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/580945/original/file-20240311-20-25sylo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Fragments d’un mécanisme d’Anticythère exposés dans un musée d’Athènes, en Grèce.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span>
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<h2>Vivre une éclipse</h2>
<p>Contrairement à divers autres événements cosmiques, tels que les pluies de météorites ou les comètes, qui nécessitent des télescopes coûteux ou des <a href="https://darksky.org/what-we-do/international-dark-sky-places/">endroits où le ciel est sombre</a>, les éclipses sont accessibles à tous. Pour la regarder sans prendre de risques, il suffit de se munir de lunettes spéciales ou d’une <a href="https://www.asc-csa.gc.ca/fra/jeunes-educateurs/activites/experiences-amusantes/projecteur-eclipse.asp">boîte en carton</a>.</p>
<p>De nombreuses universités canadiennes profitent de l’éclipse solaire totale pour inciter les gens à suivre ce phénomène astronomique en toute sécurité. À titre d’exemple, l’Université Queen’s de Kingston, au Canada, met à disposition du public <a href="https://www.queensu.ca/physics/2024-total-solar-eclipse/eclipse-glasses">120 000 lunettes</a> pour permettre une observation sûre de l’éclipse.</p>
<p>Dans une optique éducative, des centaines <a href="https://exoplanetes.umontreal.ca/emplois-formation/ambassadrices-et-ambassadeurs-de-leclipse-programme-de-formation/#:%7E:text=Notre%20programme%20d%E2%80%99Ambassadrices%20et,les%20observer%20en%20toute%20s%C3%A9curit%C3%A9">d’ambassadeurs de l’éclipse</a> se rendent dans les écoles pour discuter avec les élèves de l’importance de vivre cette expérience d’une manière riche et sans risques. Ils animent des ateliers sur la construction de boîtes à éclipse solaire servant à projeter l’image du Soleil pendant l’éclipse, expliquent les phénomènes uniques que l’on peut remarquer pendant les éclipses, telles que les <a href="https://www.futura-sciences.com/sciences/photos/astronomie-eclipse-soleil-plus-belles-images-657/photos-grains-baily-ces-perles-lumiere-3901/">grains de Baily</a> et l’<a href="https://www.nasa.gov/image-article/diamond-ring-effect/">effet d’anneau de diamant</a>, et aident les gens à découvrir l’immensité du système solaire.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/580952/original/file-20240311-20-8t2snr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="un cercle noir entouré d’un anneau lumineux plus épais dans le quadrant inférieur droit" src="https://images.theconversation.com/files/580952/original/file-20240311-20-8t2snr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/580952/original/file-20240311-20-8t2snr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=389&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/580952/original/file-20240311-20-8t2snr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=389&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/580952/original/file-20240311-20-8t2snr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=389&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/580952/original/file-20240311-20-8t2snr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=489&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/580952/original/file-20240311-20-8t2snr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=489&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/580952/original/file-20240311-20-8t2snr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=489&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">L’effet des grains de Baily se produit lorsque des irrégularités dans le relief accidenté de la Lune permettent à la lumière du Soleil de passer à certains endroits juste avant la phase totale de l’éclipse.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://science.nasa.gov/resource/baileys-beads/">(Aubrey Gemignani/NASA)</a></span>
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</figure>
<p>Ces initiatives démontrent la valeur universelle de la science et encouragent le développement de la curiosité scientifique hors des salles de classe et des institutions.</p>
<p>L’éclipse d’avril est non seulement l’occasion d’inspirer une nouvelle génération de scientifiques, mais elle sert également à faire progresser les connaissances scientifiques. Contrairement aux expériences de Dyson, d’Eddington et de Lockyer qui se limitaient au monde universitaire, les institutions d’aujourd’hui mobilisent le public pour mener des expériences de science citoyenne.</p>
<p>Lancé par la NASA, le <a href="https://eclipsemegamovie.org/goals">projet Eclipse Megamovie</a> utilisera des photos prises pendant la totalité de l’éclipse solaire pour étudier la couronne solaire. En 2017, des images prises pendant une éclipse totale ont permis aux chercheurs de détecter un nuage de plasma dans la couronne solaire. L’éclipse de 2024 sera une occasion de l’étudier plus en détail.</p>
<p>Toute personne disposant d’un appareil photo reflex numérique et d’un trépied peut soumettre une photo de l’éclipse solaire totale au projet Eclipse Megamovie. Les données publiques collectées pour l’éclipse de 2024 dépasseront de loin ce qui pourrait être accompli par une seule expérience ou en un seul lieu.</p>
<p>L’éclipse solaire totale d’avril, et d’autres à venir, nous rappelleront que la science est passionnante et inspirante, et que l’expertise scientifique a une grande valeur universelle. Une telle coïncidence céleste est l’occasion de nouer un dialogue avec les collectivités et de discuter de l’origine et de la mécanique de notre système solaire, tout en associant le public à la découverte scientifique au moyen d’images recueillies auprès de la population.</p>
<p>Il ne reste plus qu’à espérer un ciel dégagé et à s’émerveiller une fois de plus devant le cosmos.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/225839/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Nikhil Arora reçoit des fonds du Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Mark Richardson est basé à l'Institut canadien de recherche en astroparticules Arthur B. McDonald, qui a reçu un financement du Fonds d'excellence en recherche du Canada.</span></em></p>Les éclipses ont inspiré des mythes, des prédictions et des découvertes scientifiques. L’éclipse solaire totale du 8 avril est une occasion unique de s’intéresser à la science et au cosmos.Nikhil Arora, Postdoctoral fellow, Physics, Engineering Physics & Astronomy, Queen's University, OntarioMark Richardson, Manager for Education and Public Outreach, Adjunct Professor of Physics and Astronomy, Queen's University, OntarioLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2247162024-03-12T14:06:48Z2024-03-12T14:06:48ZVoici comment les données d’audience façonnent le journalisme canadien<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/580776/original/file-20240308-18-9gbysh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C4091%2C2733&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">La façon dont les journalistes considèrent leur audience dans les salles de rédaction a beaucoup évolué. Ce changement est largement dû aux données d'audience.</span> <span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span></figcaption></figure><p>Les grands groupes médiatiques <a href="https://www.lapresse.ca/affaires/entreprises/2024-02-08/bce-elimine-4800-emplois-vend-des-stations-de-radio-et-ecorche-ottawa.php">suppriment des emplois, réduisent leur programmation</a>, et des <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/2010982/medias-metro-cession-actifs-annonce">publications mettent fin à leurs activités</a>. Face aux défis de <a href="https://www.cem.ulaval.ca/publications/dnr-2023-canada-fr/">l’évitement des nouvelles et de la baisse de confiance</a> à l’égard du journalisme, c’est devenu une question de survie pour les journalistes que de trouver des moyens d’attirer, d’intéresser et de fidéliser leur public.</p>
<p>La manière dont ils considèrent leur public dans les salles de rédaction a beaucoup évolué. Ce changement est dû en grande partie aux <a href="https://j-source.ca/heres-how-metrics-and-analytics-are-changing-newsroom-practice/">données d’audience</a>, de plus en plus abondantes.</p>
<p>En effet, les journalistes reçoivent presque constamment des rétroactions sur le contenu qu’ils créent. Qu’ils travaillent en ligne, à la télévision, à la radio ou dans la presse traditionnelle, ils fournissent des informations à de multiples plates-formes. Ils sont donc exposés chaque jour à des données quantitatives (mesures du comportement de l’audience sur les sites web et les médias sociaux) et qualitatives (commentaires sur les médias sociaux).</p>
<p>Comme nous l’a dit un journaliste de télévision :</p>
<blockquote>
<p>On sait exactement jusqu’où quelqu’un fait défiler une page, combien de secondes il passe sur une page, quel appareil il utilise. Nous en savons tellement sur notre public, tout comme Google en sait sur le sien.</p>
</blockquote>
<p>Mais quel est l’impact de toutes ces données sur la façon dont les journalistes perçoivent leur public et le contenu qu’ils publient ? C’est ce nous explorons dans un <a href="https://doi.org/10.1080/17512786.2024.2310712">article récemment publié</a> sur le journalisme orienté vers l’auditoire.</p>
<h2>Le journalisme orienté vers l’auditoire</h2>
<p>Il implique trois rôles spécifiques :</p>
<ul>
<li><p>un rôle d’infodivertissement — utilisation de stratégies narratives et d’un style s’alignant sur des médias plus axés sur le divertissement ; </p></li>
<li><p>un rôle civique — contenus visant l’éducation des citoyens à leurs droits ou la défense de leurs revendications ; </p></li>
<li><p>un rôle de service — promotion de produits ou aide à la résolution de problèmes de la vie quotidienne.</p></li>
</ul>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/577152/original/file-20240221-20-97keji.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="site web du Toronto Star" src="https://images.theconversation.com/files/577152/original/file-20240221-20-97keji.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/577152/original/file-20240221-20-97keji.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/577152/original/file-20240221-20-97keji.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/577152/original/file-20240221-20-97keji.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/577152/original/file-20240221-20-97keji.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/577152/original/file-20240221-20-97keji.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/577152/original/file-20240221-20-97keji.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Trouver des moyens d’attirer, d’intéresser et de fidéliser un public est devenu une question de survie pour les professionnels de l’information.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span>
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</figure>
<p>Nous avons <a href="https://j-source.ca/a-global-study-on-pandemic-era-news-explores-the-gap-between-journalists-ideals-and-realities/">analysé plus de 3 700 articles</a> publiés en 2020, réalisé une enquête par questionnaire à 133 journalistes en 2020 et 2021, et interviewé 13 journalistes au cours de la même période. Les médias à l’étude sont TVA, CBC/Radio-Canada, <em>La Presse</em>, le <em>Toronto Star</em>, <em>Globe and Mail</em>, <em>National Post</em>, CTV, Global News et <em>HuffPost Canada</em>. Ayant nous-mêmes travaillé dans des salles de rédaction, nous avons pu contextualiser nos résultats en fonction de nos propres expériences.</p>
<p>Nous avons constaté que les données d’audience ont un impact important sur les pratiques des médias d’information canadiens. Au sein du défunt <a href="https://theconversation.com/bottom-up-audience-driven-and-shut-down-how-huffpost-canada-left-itsan-media-175805"><em>HuffPost Canada</em></a>, par exemple, l’audience était segmentée en types ou profils de lecteurs sur la base des données d’audience. Comme l’a expliqué un rédacteur en chef, « nous faisons X, Y et Z pour ce type d’article et pour ce type de personne ». En fait, la manière de rédiger un article était adaptée au profil de son destinataire.</p>
<p>Les journalistes sont également conscients de l’importance des données d’audience d’un point de vue commercial. Comme l’a fait remarquer l’un d’eux :</p>
<blockquote>
<p>Il s’agit d’algorithmes que je ne comprends pas tout à fait, mais qui aident nos experts à déterminer comment personnaliser l’expérience de l’utilisateur lorsqu’il se rend sur le site web. Il vous montre donc des choses qui vous intéressent, de la même manière que Facebook et Twitter, ce qui maintient l’intérêt des gens pour votre site web, ce qui signifie plus d’abonnés, ce qui signifie que je peux conserver mon emploi rémunéré.</p>
</blockquote>
<p>Les réponses à notre enquête confirment l’importance des données d’audience dans la sélection, le développement et la promotion des sujets, ainsi que dans la mesure de leur valeur. <a href="https://doi.org/10.1177/1464884913504259">D’autres études</a> ont montré que les journalistes peuvent minimiser <a href="https://doi.org/10.1177/1464884915595474">l’importance des données</a> dans leurs décisions éditoriales, de sorte que l’impact pourrait être encore plus important que ce que nous avons mesuré.</p>
<h2>Infodivertissement et sensationnalisme</h2>
<p>On déplore souvent que l’omniprésence des données dans les salles de rédaction favorise le clickbait ou les articles à sensation qui stimulent le trafic au détriment de reportages sur des enjeux plus importants — et <a href="https://doi.org/10.1080/21670811.2018.1504626">c’est parfois le cas</a>. </p>
<p>Le sensationnalisme fait partie de notre catégorie d’infodivertissement. Cependant, notre analyse de contenu a révélé qu’une grande partie de ce qui est qualifié d’infodivertissement dans le journalisme canadien implique des qualificatifs descriptifs et la présence de détails pertinents et personnels sur le sujet traité. Si cela est fait de manière appropriée, cela peut donner plus de nuances et de contexte à un article.</p>
<p>En outre, au Canada, l’infodivertissement est souvent associé à la partie « éducative » du rôle civique. Par exemple, un rédacteur en chef nous a expliqué qu’il cherchait à trouver l’aspect « plus amusant » (infotainment) d’un article qui peut constituer un « point d’entrée » pour informer le public sur des sujets tels que les règles parlementaires.</p>
<p>En outre, les rôles civiques et de service sont souvent combinés : par exemple, des informations pertinentes à la vie quotidienne peuvent aussi influencer la compréhension des processus politiques ou éclairer le public sur les droits des citoyens.</p>
<p>Près de 80 % des articles que nous avons sélectionnés comportaient au moins un rôle orienté vers le public, et près de 40 % en comportaient plus d’un. Cela prouve bien que les publics sont au centre des préoccupations dans les salles de rédaction. </p>
<p>Nos conversations ont également révélé que même si les rédactions ne sont pas toujours en mesure <a href="https://slate.com/technology/2021/03/imagined-audiences-journalism-analytics-intuition.html">d’interpréter avec précision</a> les attentes du public, elles consacrent beaucoup de temps et de ressources à essayer de le faire.</p>
<h2>L’importance des médias sociaux</h2>
<p>La plupart des journalistes avec lesquels nous nous sommes entretenus utilisent les médias sociaux, parce qu’ils les considèrent comme un outil important pour atteindre le public, trouver des sources et promouvoir leur travail. Plus de 78 % des journalistes interrogés reconnaissent qu’il s’agit d’un outil important pour entrer en contact avec le public.</p>
<p>Cependant, les journalistes ont également noté les inconvénients des médias sociaux, notamment en ce qui concerne la polarisation politique. Un journaliste de la presse écrite a déclaré : </p>
<blockquote>
<p>S’ils permettent de trouver un public, ce dont nous avons absolument besoin, ils ont aussi créé un forum où l’on peut attaquer les journalistes et la presse libre.</p>
</blockquote>
<p>Cet environnement hostile a poussé une autre journaliste à faire attention à son choix de mots afin de toucher un public plus large :</p>
<blockquote>
<p>Je fais délibérément des efforts pour essayer d’atteindre les gens qui essaient de m’ignorer. En fait, c’est le public cible que vous visez lorsque vous écrivez. Vous évitez donc d’utiliser inutilement des termes qui sont tournés en dérision, non pas parce que nous ne méritons pas d’utiliser ces termes… mais parce que ce que vous essayez de faire, c’est d’atteindre ces personnes.</p>
</blockquote>
<p>Même si les gens ne font pas confiance à l’information ou à un certain média, la recherche montre qu’ils peuvent reconnaître et apprécier le <a href="https://doi.org/10.4324/9781003257998">journalisme de qualité</a>. </p>
<p>Les journalistes canadiens doivent trouver des moyens de comprendre et d’atteindre un public qui ne veut pas toujours les écouter. Ils s’efforcent de le faire. Il reste à voir si cela fonctionne et quel impact durable auront leurs efforts sur les normes journalistiques.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/224716/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Nicole Blanchett a reçu des financements de Mitacs, du Centre d'études sur les médias, du Journalism Research Centre de la Toronto Metropolitan University, de la Creative School de la Toronto Metropolitan University, de la Toronto Metropolitan University et du CRSH.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Les travaux de Colette Brin sont financés en partie par le ministère de la Culture et des Communications du gouvernement du Québec et le Fonds de recherche du Québec - Société et culture. L'édition canadienne du Digital News Report est financée par Patrimoine canadien par l'intermédiaire de Médias d'info Canada. La professeure Brin est directrice du Centre d'études sur les médias, entité de recherche indépendante à but non lucratif hébergée à l'Université Laval en partenariat avec l'Université de Montréal et l'Université du Québec à Montréal. Elle est également présidente du Conseil consultatif indépendant sur l'admissibilité aux mesures fiscales pour le journalisme, en collaboration avec l'Agence du revenu du Canada. </span></em></p>Une nouvelle étude sur le journalisme canadien examine l’impact des données d’audience sur l’information dans les médias et la perception qu’ont les journalistes de leur public.Nicole Blanchett, Associate Professor, Journalism, Toronto Metropolitan UniversityColette Brin, Professor and Director, Centre d'études sur les médias, Université LavalLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2241102024-02-29T15:36:28Z2024-02-29T15:36:28ZRéchauffement planétaire : l’hiver canadien n’est plus ce qu’il était<p>Au terme d’un autre hiver particulièrement doux, la population canadienne constate une fois de plus à quel point le réchauffement planétaire a transformé le climat hivernal du pays.</p>
<p>D’un océan à l’autre, les températures clémentes sont venues bousculer les activités hivernales. De la <a href="https://www.lapresse.ca/actualites/regional/2024-02-11/carnaval-de-quebec/le-palais-de-bonhomme-ferme.php">fonte des châteaux de glace au Carnaval de Québec</a> à l’insuffisance du couvert neigeux dans les <a href="https://www.journaldemontreal.com/2024/01/29/faute-de-neige-une-station-de-ski-nouvrira-pas-de-la-saison">stations de ski de l’Ouest canadien</a>, aucune région du pays ne semble échapper au phénomène.</p>
<p>Toutefois, le changement le plus universellement perceptible sera probablement la <a href="https://iopscience.iop.org/article/10.1088/1748-9326/7/1/014028">précarité de la saison du patinage sur glace</a>.</p>
<p>Pour la deuxième année consécutive, la <a href="https://ccn-ncc.gc.ca/endroits/patinoire-du-canal-rideau">patinoire du canal Rideau à Ottawa</a> était fermée en plein cœur de la saison du patinage. En 2022-2023, elle est restée fermée tout l’hiver pour la première fois de son histoire. Cette année, un tronçon a été brièvement accessible en janvier, mais la persistance des températures douces en a forcé la fermeture après seulement quatre jours. À Montréal, <a href="https://www.patinermontreal.ca/f/paysagee/patin-libre/sports-dequipe">moins de 40 % des patinoires extérieures municipales étaient ouvertes</a> à la mi-février. Le fameux étang du parc Lafontaine n’a pas été ouvert au patinage de la saison.</p>
<p>Rien qui incite à l’optimisme, donc. Cette nouvelle réalité témoigne de notre inaction devant la crise climatique, dont la disparition graduelle du patinage extérieur est en voie de devenir la plus récente manifestation.</p>
<hr>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/le-sport-et-lactivite-physique-seront-bouleverses-par-le-changement-climatique-voici-comment-attenuer-ses-effets-167935">Le sport et l’activité physique seront bouleversés par le changement climatique. Voici comment atténuer ses effets</a>
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<h2>Sur une glace mince</h2>
<p>Il y a plus de 10 ans, notre groupe de recherche publiait <a href="https://doi.org/10.1088/1748-9326/7/1/014028">sa première analyse</a> de l’effet des hivers de plus en plus doux sur le patinage extérieur au Canada : dès 2005, on observait que la saison de patinage commençait de plus en plus tard et durait de moins en moins longtemps, et ce, un peu partout au pays.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/s89qXYP1DqE?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Un reportage de CBC sur la gestion de la patinoire du canal Rideau en 2023.</span></figcaption>
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<p>Même son de cloche dans <a href="https://www.rinkwatch.org">certaines publications subséquentes du projet RinkWatch</a>, qui ont fait état du <a href="https://doi.org/10.1111/cag.12878">raccourcissement de la saison et de la détérioration de la qualité de la glace</a> au fil des ans dans de nombreuses villes canadiennes.</p>
<p>À Ottawa, le nombre de jours de <a href="https://rideaucanalskateway.com/fr">patinage sur le canal Rideau</a> diminue depuis 20 ans. Au cours de cette période, la saison de patinage type s’est écourtée et a été amputée de près de 40 %, une tendance directement liée à la hausse des températures hivernales.</p>
<h2>Avancer dans la mauvaise direction</h2>
<p>Les progrès dans l’atténuation des risques climatiques restent beaucoup trop lents.</p>
<p>Les émissions mondiales de CO2 ont atteint un <a href="https://globalcarbonbudget.org/fossil-co2-emissions-at-record-high-in-2023/">sommet inégalé en 2023</a>, et les températures moyennes <a href="https://berkeleyearth.org">dépassent maintenant de 1,3 °C celles de l’ère préindustrielle</a>. À ce rythme, nous franchirons le seuil de 1,5 °C — la limite inférieure de la fourchette cible de température établie dans le cadre de l’Accord de Paris — dans <a href="https://climateclock.net">moins de sept ans</a>.</p>
<p>Dans un <a href="https://doi.org/10.1111/cag.12878">article de 2012</a>, nous avons avancé que, d’ici la moitié du siècle, il pourrait ne plus y avoir de journées propices à l’arrosage des patinoires dans la plupart des régions du sud du Canada. Dans une <a href="https://doi.org/10.1088/2515-7620/ab8ca8">analyse plus récente des patinoires extérieures de Montréal</a>, nous avons émis l’hypothèse qu’il sera impossible d’y pratiquer le patinage dès 2070.</p>
<p>En rétrospective, ces prévisions, comme d’autres du même ordre, étaient peut-être trop optimistes. Dans une <a href="https://doi.org/10.1038/nclimate2465">étude concernant les jours de patinage sur le canal Rideau publiée en 2015</a>, les auteurs parlaient du patinage extérieur comme d’une activité en déclin, mais qui persisterait jusqu’à la fin du siècle, même si les émissions de CO<sub>2</sub> restent élevées. Vu les deux dernières saisons, force est de constater que les choses se sont dégradées beaucoup plus rapidement que prévu.</p>
<p>En 2023, les températures ont été les plus élevées jamais enregistrées à l’échelle mondiale. C’était aussi le cas en décembre 2023 et en janvier 2024. Depuis 1950, les hivers canadiens ont gagné plus de 3 °C, une <a href="https://ressources-naturelles.canada.ca/changements-climatiques/en-quoi-consiste-ladaptation/10026">hausse environ trois fois plus rapide que le réchauffement planétaire sur la même période</a>.</p>
<p>Il faut au moins trois journées très froides de suite pour créer la base de glace d’une patinoire extérieure, suivies d’une période de froid assez longue pour que la surface reste en bon état. Déjà que les patinoires tolèrent mal des températures supérieures au point de congélation, quand la pluie se met de la partie, le résultat est souvent catastrophique.</p>
<p>Il suffit de quelques degrés de plus en janvier et en février pour rendre une patinoire hors d’usage. Comme les hivers se réchauffent, les municipalités auront de plus en plus de mal à justifier les ressources consacrées à la préparation et à l’entretien des patinoires extérieures.</p>
<h2>Une transition brutale vers une nouvelle réalité changeante</h2>
<p>Plus les années passent sans que nous arrivions à atténuer véritablement les effets des changements climatiques, plus il est difficile d’imaginer la présence de nombreuses patinoires extérieures sans le recours à la réfrigération artificielle. Si les autres activités hivernales subissent aussi les contrecoups des conditions de neige capricieuses, le patinage extérieur risque d’être la première victime du réchauffement climatique.</p>
<p>C’est bien connu, Wayne Gretzky <a href="https://gretzky.com/bio.php">a appris à patiner et à jouer au hockey dans les années 1960 à Brantford, en Ontario, sur une patinoire extérieure aménagée par son père</a>. Or, elle est maintenant presque révolue l’époque où on pouvait année après année s’adonner au patinage extérieur dans le sud de l’Ontario. Et, en raison du réchauffement planétaire, il devient de plus en plus utopique de penser que les jeunes d’aujourd’hui et de demain pourront encore suivre les traces de « La Merveille ».</p>
<p>Cette réalité est une injustice pour bon nombre de ces jeunes, mais aussi une menace à l’existence même d’une activité emblématique de l’hiver canadien.</p>
<p>Pour préserver ce qu’il reste de la culture du patinage hivernal au Canada, nous devons redoubler d’efforts afin de réduire nos émissions de CO<sub>2</sub> et de stabiliser les températures à l’échelle mondiale, faute de quoi les images qu’évoquent les paroles de la chanson « River » de Joni Mitchell, <a href="https://genius.com/Joni-mitchell-river-lyrics">« une rivière où je pourrais filer, patins aux pieds »</a>, relèveront bientôt de la fiction ou du folklore.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/224110/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>H. Damon Matthews est financé par le Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Mitchell Dickau est financé par le Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada.</span></em></p>Le réchauffement climatique affecte une pierre angulaire de la culture canadienne : le patinage en plein air.H. Damon Matthews, Professor and Climate Scientist, Department of Geography, Planning and Environment, Concordia UniversityMitchell Dickau, PhD Candidate, Geography, Planning, and Environment Department, Concordia UniversityLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2210002024-01-18T19:26:58Z2024-01-18T19:26:58ZNapoléon le législateur : la gênante omission du film de Ridley Scott<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/568962/original/file-20240105-27-wtm75j.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=177%2C262%2C3633%2C2662&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Joaquin Phoenix dans le rôle de Napoléon, dans le film de Ridley Scott. Napoléon était un législateur prolifique qui a parrainé le « Code civil des Français » à l’influence planétaire.</span> <span class="attribution"><span class="source">(Apple TV+)</span></span></figcaption></figure><p>Les conquêtes napoléoniennes sur le champ de bataille et sur l’oreiller forment la trame narrative du film biographique « Napoléon », de Ridley Scott.</p>
<p>Mais devant cette <a href="https://www.lefigaro.fr/vox/culture/joachim-murat-le-napoleon-de-ridley-scott-est-bourre-de-defauts-mais-allez-le-voir-20231122">caricature</a> des excès de la masculinité, qui sacrifie la <a href="https://www.geo.fr/histoire/que-vaut-le-napoleon-de-ridley-scott-histoire-incoherences-reconstitutions-217638">cohérence narrative</a> et <a href="https://variety.com/2023/film/news/napoleon-inaccuracies-french-historians-pyramids-1235823975/">l’exactitude historique</a> sur l’autel du sensationnalisme vendeur, ma principale réserve d’<a href="https://www.taylorfrancis.com/chapters/edit/10.4324/9780367808471-31/fugitives-france-kelly-summers?context=ubx&refId=f0b06c28-a29a-49b5-a5ba-d37bee069054">historienne</a> de la <a href="https://ageofrevolutions.com/2021/01/25/a-cross-channel-marriage-in-limbo-alexandre-darblay-frances-burney-and-the-risks-of-revolutionary-migration/">Révolution française</a> tient moins aux inventions du cinéaste qu’à ses omissions.</p>
<p>Car à trop appuyer sur le génie tactique de Napoléon, ses erreurs de jugement et ses frasques sexuelles, on en oublie son principal héritage : celui d’un législateur visionnaire, mais paradoxalement égocentriste.</p>
<p>Après dix ans <a href="https://www.cairn.info/tous-republicains--9782200272821-page-9.htm">d’expérimentations postrévolutionnaires</a>, Napoléon Bonaparte a promulgué une série de réformes qui ont fini d’effacer les hiérarchies sociales, <a href="https://www.jewishvirtuallibrary.org/napoleon-bonaparte">religieuses</a> et féodales de l’époque.</p>
<p>Ce qui, par ailleurs, n’a jamais empêché ce personnage contradictoire de renier ses idéaux révolutionnaires chaque fois que ceux-ci entraient en conflit avec son insatiable ambition dans son empire continental ou ses colonies d’outre-mer.</p>
<h2>Achever la Révolution française en droit</h2>
<p>Reconnaissons l’habileté de Ridley Scott dans les quelques séquences humoristiques de son film qui décapent à la fois l’hagiographie et les contempteurs du mythe napoléonien. Joaquin Phoenix y incarne davantage la figure du <a href="https://journals.openedition.org/chrhc/5133">Petit Caporal</a> lourdaud que l’ogre corse.</p>
<p>Mais ce portrait d’un guerrier socialement inepte néglige les plus grandes réalisations et les plus grands échecs d’un législateur prolifique.</p>
<p>Dès sa prise de pouvoir en 1799, ce jeune général de 30 ans a entrepris une série de vastes réformes tout aussi marquantes que les exploits <a href="https://global.oup.com/academic/product/the-napoleonic-wars-9780199951062?cc=ca&lang=en&">militaires</a> et <a href="https://link.springer.com/chapter/10.1007/978-3-030-27435-1_11">politiques</a> qui forment la geste napoléonienne.</p>
<p>L’homme d’État a laissé une marque indélébile en tant que promoteur énergique de nouvelles institutions et procédures, dont un <a href="https://www.revuepolitique.fr/la-politique-scolaire-de-napoleon-et-son-heritage/">système éducatif laïc pour former les cadres d’une bureaucratie en croissance</a>, un ambitieux programme de <a href="https://www.napoleon.org/en/history-of-the-two-empires/articles/bullet-point-30-did-napoleon-transform-paris/">travaux publics</a> et, par-dessus tout, un système de lois uniforme.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/OAZWXUkrjPc?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">La bande-annonce du « Napoléon » de Ridley Scott.</span></figcaption>
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<h2>La fin réelle de la féodalité</h2>
<p>Dès l’été de 1789, les députés avaient voulu abolir la féodalité et son système de gestion des terres issu du Moyen-Âge. Ils ont rapidement balayé les droits, les corvées et les dîmes qui, pendant des siècles, avaient lié la paysannerie aux seigneurs et au clergé.</p>
<p>Mais comme l’a montré l’historien Rafe Blaufarb, les gouvernements successifs n’ont pas su régler le problème le plus épineux : la <a href="https://link.springer.com/chapter/10.1057/9780230236738_8">conversion des biens féodaux en propriété au sens moderne</a>.</p>
<p>Le code civil des Français de 1804 a facilité ce processus en instituant un système transparent de droit de la propriété et de la famille.</p>
<p>Mais Napoléon ne s’est pas arrêté là. Ses <a href="https://archive.org/details/napoleonhiscolla0000wolo">infatigables collaborateurs</a> ont élaboré divers codes complémentaires — commercial, pénal, rural et <a href="https://www.napoleon-series.org/military-info/organization/France/Miscellaneous/c_FrenchMilitaryCode.html">militaire</a>. Ensemble, ils ont assaini le marécage des privilèges féodaux, des ordonnances royales de l’Ancien Régime, ainsi que des lois romaines, coutumières et canoniques.</p>
<h2>Vocation didactique du nouveau droit</h2>
<p>Ce Code napoléonien était le projet des Lumières par excellence : à la fois nécessité pratique et outil de consolidations des réformes révolutionnaires.</p>
<p>Sa prose directe et son organisation rationnelle avaient également valeur didactique. Il informait le citoyen des <a href="https://www.senat.fr/connaitre-le-senat/lhistoire-du-senat/dossiers-dhistoire/bicentenaire-du-code-civil/code-civil-6.html">« principes de sa conduite »</a> et réconciliait une population divisée avec l’idée de son égalité devant la loi.</p>
<p>Dans le contexte d’un empire en croissance, le zèle de Napoléon pour la normalisation anticipait bon nombre des <a href="https://www.thenation.com/article/archive/enlightened-elitist-undemocratic/">objectifs politiques et économiques</a> de la future <a href="https://www.justice.gouv.fr/actualites/espace-presse/archives-code-civil-leurope-influences-modernite">Union européenne</a>. Il envisageait déjà « une Cour de cassation européenne, une même monnaie, les mêmes poids et mesures, les mêmes lois », relate <a href="https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k109845d/f279.image.r=216">Joseph Fouché dans ses mémoires</a>.</p>
<h2>Détournement et trahison</h2>
<p>Si Napoléon a exporté un cadre juridique égalitaire en Europe, il l’a trop souvent imposé par les armes.</p>
<p>L’homme qui a transformé la Première République française durement gagnée en un <a href="https://www.upress.virginia.edu/title/3424/">« État policier »</a> n’a pas livré « les Lumières à cheval », contrairement à ce que <a href="https://www.andrew-roberts.net/books/napoleon-a-life/">prétendent</a> ses <a href="https://www.napoleon.org/en/history-of-the-two-empires/articles/napoleon-hegelian-hero/">admirateurs</a>.</p>
<p>Tout en défendant la <a href="https://revolution.chnm.org/exhibits/show/liberty--equality--fraternity/item/277">liberté de conscience</a>, la souveraineté nationale et le gouvernement représentatif, Napoléon a emprisonné un pape, truqué des plébiscites, rétabli la monarchie héréditaire et plongé l’Europe dans un état de guerre permanente.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Un homme portant un chapeau bicorne et un manteau bleu à simple boutonnage avec des détails dorés devant un paysage désertique" src="https://images.theconversation.com/files/568736/original/file-20240110-15-9uvact.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/568736/original/file-20240110-15-9uvact.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=376&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/568736/original/file-20240110-15-9uvact.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=376&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/568736/original/file-20240110-15-9uvact.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=376&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/568736/original/file-20240110-15-9uvact.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=472&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/568736/original/file-20240110-15-9uvact.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=472&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/568736/original/file-20240110-15-9uvact.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=472&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Napoléon — incarné par Joaquin Phoenix dans le film éponyme — et ses collaborateurs ont remplacé l’Ancien Régime par de nouveaux codes commerciaux, pénaux, ruraux et militaires.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Apple TV+)</span></span>
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<p>Malgré ses mérites, le Code civil annulait plusieurs acquis révolutionnaires pour les travailleurs et les <a href="https://officedelaportedemars-reims.notaires.fr/article-le-statut-de-la-femme-dans-le-code-civil-de-1804-a-nos-jours-6.html">femmes</a>. Une femme adultère risquait la maison de correction, alors que son mari infidèle se voyait simplement interdit de recevoir sa concubine au domicile conjugal.</p>
<p>La <a href="https://francearchives.gouv.fr/fr/pages_histoire/40099">liberté d’expression</a> s’est trouvée compromise par la conviction de Napoléon qu’une presse libre contrôlée par le gouvernement peut devenir un allié solide. Ses agents réprimaient toute dissidence par la détention préventive, l’exil et la censure.</p>
<p>Ridley Scott se contente de faire défiler en silence des personnages de première importance. <a href="https://fr.linkedin.com/pulse/cambac%C3%A9r%C3%A8s-et-napol%C3%A9on-moins-quun-num%C3%A9ro-un-plus-deux-thierry-lentz">Comme son numéro deux</a>, l’archichancelier Jean-Jacques-Régis de Cambacérès, qui a rédigé le code civil. Ou son Ministre de la police, Joseph Fouché, qui supervisait les opérations de surveillance.</p>
<h2>Tentative de rétablissement de l’esclavage</h2>
<p>Le film passe également sous silence sa violation la plus flagrante des valeurs révolutionnaires : <a href="https://theconversation.com/the-napoleon-that-ridley-scott-and-hollywood-wont-let-you-see-218878">sa tentative de rétablir l’esclavage dans les Antilles en 1802</a>.</p>
<p>Cet épisode inclut la trahison de Toussaint Louverture, figure de proue de la Révolution haïtienne, et <a href="https://www.cairn.info/revue-africultures-2005-3-page-88.htm">personnage tout aussi digne d’une superproduction hollywoodienne par son importance et sa complexité</a>.</p>
<p>Cette violence <a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/00313220500106196">génocidaire</a> a eu son prix : la France y a perdu non seulement <a href="https://www.nytimes.com/2022/05/20/world/americas/haiti-aristide-reparations-france.html">plus de soldats qu’à Waterloo</a>, mais sa colonie la plus rentable et sa stature morale.</p>
<p>Et la <a href="https://www.lemonde.fr/archives/article/1953/10/17/les-etats-unis-achetaient-il-y-a-cent-cinquante-ans-a-la-france-une-louisiane-vingt-fois-plus-etendue-que-la-louisiane-actuelle_1985193_1819218.html">vente de la Louisiane</a> viendra anéantir son rêve d’empire nord-américain.</p>
<h2>Un héritage mondial</h2>
<p>Ridley Scott saisit bien les angoisses d’un despote exilé sur <a href="https://www.geo.fr/histoire/pourquoi-napoleon-exile-sainte-helene-204106">l’île Sainte-Hélène</a>, privé d’autorité, mais toujours orgueilleux et incapable d’admettre ses erreurs et ses crimes.</p>
<p>Ce que le film ne montre pas, cependant, c’est la lucidité de Napoléon quant à son héritage le plus durable.</p>
<p>« <a href="https://www.geo.fr/histoire/code-civil-histoire-du-chef-doeuvre-de-napoleon-204373">Ma vraie gloire n’est pas d’avoir gagné quarante batailles ; Waterloo effacera le souvenir de tant de victoires. Ce que rien n’effacera, ce qui vivra éternellement, c’est mon code civil !</a> », souffle-t-il au général Charles-Tristan Montholon, son compagnon d’exil.</p>
<p>La chose est avérée, même au-delà des pays occupés ou colonisés par la France. Le Japon de l’ère Meiji et l’Iran prérévolutionnaire ont utilisé le modèle napoléonien pour codifier leurs lois. Des versions du code sont encore en vigueur dans de <a href="https://www.senat.fr/connaitre-le-senat/lhistoire-du-senat/dossiers-dhistoire/bicentenaire-du-code-civil/bicentenaire-du-code-civil-la-diffusion-a-letranger.html">nombreux pays aujourd’hui</a>.</p>
<p>Si les tactiques napoléoniennes ont échoué à Trafalgar, Vertières et Waterloo, le Code civil s’est révélé invincible.</p>
<p>Malheureusement, les subtilités juridiques ne font pas <a href="https://bigthink.com/high-culture/napoleon-ridley-scott/">« du bon cinéma »</a>, comme le déclarait <a href="https://www.bloomsbury.com/ca/europe-under-napoleon-9781350157675/">l’historien Michael Broers</a>, qui a conseillé Ridley Scott.</p>
<p>Pourtant cela s’est vu, dans la comédie musicale <a href="https://www.stlouisfed.org/on-the-economy/2020/november/unleasing-hamilton-financial-revolution">Hamilton</a> ou la minisérie <a href="https://www.imdb.com/title/tt0472027/">John Adams</a>, qui placent les subtilités légales au centre de l’intrigue. Peut-être Ridley Scott osera-t-il défier les attentes avec la <a href="https://www.ecranlarge.com/films/news/1496691-napoleon-ou-est-version-longue-ridley-scott-sortie-apple">« version longue »</a>, attendue ce printemps.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/221000/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Kelly Summers ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>En mettant l’accent sur les triomphes tactiques, les erreurs de calcul et les frasques sexuelles de Napoléon, Ridley Scott néglige l’héritage paradoxal qu’il a laissé en tant que législateur.Kelly Summers, Assistant Professor of History, Department of Humanities, MacEwan UniversityLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2118142024-01-03T16:06:20Z2024-01-03T16:06:20ZVoici comment l'IA aide à concevoir des œuvres d’art public engageantes et interactives<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/543339/original/file-20230711-29-7uc6gy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C33%2C4500%2C2957&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Prismatica, une installation artistique présentée en 2015 dans le Quartier des Spectacles de Montréal.</span> <span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span></figcaption></figure><p>Grâce à son <a href="https://artpublic.ville.montreal.qc.ca">Bureau d'art public</a>, la Ville de Montréal détient une collection de plus de 360 œuvres intégrées tant dans ses espaces publics que dans ses édifices municipaux.</p>
<p>Parmi elles, des œuvres d’art interactives qui vont des <a href="https://wireframe.ca/portfolio-item/sound-sculpture/">sculptures audiovisuelles</a> aux <a href="https://www.mtl.org/fr/experience/luminotherapie">installations lumineuses</a> en passant par les <a href="https://massivart.com/fr/project/public-urban-art-installation-montreal/">aménagements ludiques qui invitent à l’action</a>. Bien que ces installations soient divertissantes, force est de constater qu’elles sont relativement uniformes.</p>
<p><a href="https://www.apa.org/members/content/social-media-research">La montée en puissance des médias sociaux</a> incite la population <a href="https://www.lalanguefrancaise.com/dictionnaire/definition/instagrammable">à rechercher les expériences instagrammables</a> et le contenu digne de TikTok. En réaction à ce phénomène, de nombreuses installations montréalaises ont été mises au point en songeant à leur rendu visuel sur le Web.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/lart-ecologique-le-design-et-larchitecture-peuvent-etre-des-agents-du-changement-170184">L’art écologique, le design et l’architecture peuvent être des agents du changement</a>
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<h2>Créativité artificielle</h2>
<p>L’intelligence artificielle (IA) <a href="https://www.forbes.com/advisor/business/ai-statistics/">est en train de devenir une partie intégrante</a> de nos vies, <a href="https://hai.stanford.edu/news/ai-will-transform-teaching-and-learning-lets-get-it-right">tant dans la sphère de l’éducation</a>, <a href="https://www.businessnewsdaily.com/9402-artificial-intelligence-business-trends.html">que dans celles des affaires</a>, de <a href="https://builtin.com/artificial-intelligence/artificial-intelligence-healthcare">la santé</a>, <a href="https://theconversation.com/sci-fi-shows-like-westworld-and-altered-carbon-offer-a-glimpse-into-the-future-of-urban-transportation-179916">du transport</a> <a href="https://devtechnosys.com/insights/ai-in-gaming/">et des divertissements</a>.</p>
<p>Le monde des arts n’est pas en reste ; il profite lui aussi de ce que <a href="https://aelaschool.com/en/art/artificial-intelligence-art-changes/">l’IA a à offrir</a>. Montréal a exposé des œuvres exploitant cette technologie et continue de soutenir les arts et l’innovation. Prenez par exemple <a href="https://iregular.io/fr/work/faces/"><em>Faces</em></a>, du studio d’art <a href="https://iregular.io/fr/a-propos/">Iregular</a> : l’installation tire parti d’un algorithme de reconnaissance faciale qui collecte des images de l’assistance pour créer un portrait en constante évolution.</p>
<p><a href="https://iregular.io/fr/work/notre-habitat-commun/"><em>Notre Habitat Commun</em></a>, autre fruit d’Iregular, se sert quant à elle de la vision par ordinateur et des technologies d’IA pour spéculer au sujet de l’impact de l’humanité sur la planète. Par son intermédiaire, le studio cherche à <a href="https://expo2020.canada.ca/media/faconner-lavenir-de-lart-interactif.html">sensibiliser le public</a> au moyen de quatre installations dont on peut faire l’expérience sur d’immenses écrans.</p>
<p><div data-react-class="InstagramEmbed" data-react-props="{"url":"https://www.instagram.com/reel/CrN-eezK_8l","accessToken":"127105130696839|b4b75090c9688d81dfd245afe6052f20"}"></div></p>
<h2>Périls et opportunités</h2>
<p>Les espaces publics peuvent aider les citadins et citadines à interagir avec leur communauté, à tisser des liens avec les autres et à faire des expériences captivantes. Lorsqu’intégrées au domaine public, les technologies numériques ont le potentiel de remodeler <a href="https://repository.corp.at/661/">l’expérience urbaine</a>.</p>
<p>En créant des interactions dans l’espace public, il est possible de faire des villes des lieux ludiques et de socialisation, attractifs pour les résidents de tous âges. <a href="https://doi.org/10.1007/978-3-642-34292-9_16">La conception d’installations interactives présente toutefois quelques défis en milieu urbain</a>. Les œuvres comprenant des éléments audio risquent par exemple d’être perçues comme dérangeantes par certains ; les installations lumineuses peuvent pour leur part être moins visibles de jour ; et il faut tenir compte de la sécurité du public.</p>
<p>Un autre défi central concerne l’accessibilité. Les villes devraient <a href="https://urbandesignlab.in/redefining-universal-design-in-public-spaces/">respecter des principes de design universels</a> afin de favoriser le développement <a href="https://futurecitiescanada.ca/portal/wp-content/uploads/sites/2/2022/11/eg-fcc-publicspaces-accessible-fr-uae-nov-2022.pdf">d’espaces publics accessibles et inclusifs</a>.</p>
<p>L’intégration de l’art dans l’espace public soulève en outre la question des parties prenantes et des personnes mandatées pour prendre les décisions. <a href="https://effetquebec.ca/tendances/installations-interactives-espace-public-4-tendances-a-surveiller/">En général, une agence gouvernementale commande une œuvre sur mesure auprès d’artistes de la région</a>, mais plusieurs défendent une <a href="https://www.theguardian.com/artanddesign/artblog/2008/may/11/artinpublicspacesshouldbe">démarche plus démocratique</a>. <a href="https://doi.org/10.4000/belgeo.13381">D’autres conflits sont susceptibles de survenir</a> au sujet des questions à savoir si l’art est le bon outil pour reconstruire les espaces publics et si le public devrait contribuer aux œuvres, par exemple.</p>
<p>Cela dit, les installations interactives <a href="https://doi.org/10.1007/978-981-13-9765-3_9">peuvent accroître l’implication sociale et créer un dialogue au sein des communautés</a>. Diverses technologies d’IA, comme l’apprentissage machine et l’IA générative, sont capables de fournir des <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S2405896321001725?via%3Dihub">expériences dynamiques dans les espaces publics</a>.</p>
<p>L’IA pourrait en outre soutenir le développement des communautés urbaines tant par le biais des arts que par celui de la mobilité, de l’éducation et des soins de santé. En utilisant des données tirées de l’environnement immédiat, elle est capable de créer des expériences en temps réel comme des <a href="https://www.geotab.com/blog/future-of-transportation/">systèmes de transport intelligents</a>, des <a href="https://doi.org/10.1109/SCIOT50840.2020.9250204">interactions publiques propulsées par la réalité augmentée</a>, et des <a href="https://www.osti.gov/servlets/purl/773961">structures inclusives, sécuritaires et adaptatives</a>.</p>
<p><div data-react-class="InstagramEmbed" data-react-props="{"url":"https://www.instagram.com/p/CtUzUEwg1AS","accessToken":"127105130696839|b4b75090c9688d81dfd245afe6052f20"}"></div></p>
<p>Ses capacités peuvent même servir à promouvoir l’apprentissage dans la sphère publique. L’engouement croissant pour les technologies d’intelligence artificielle <a href="https://doi.org/10.3389/fpsyg.2022.825625">suscite la curiosité et attire différents publics</a>. Incorporer des installations interactives qui proposent des expériences amusantes, enrichissantes et captivantes pourrait permettre de rendre les villes plus justes et durables.</p>
<p>En même temps, l’adoption des technologies d’IA dans le domaine public soulève des enjeux liés <a href="https://doi.org/10.1016/j.giq.2016.06.004">au consentement, à la vie privée</a> et au <a href="https://www.dukeupress.edu/cloud-ethics">rôle des algorithmes dans la société</a>.</p>
<h2>Expériences interactives</h2>
<p>Bien que les œuvres d’art faisant appel à l’IA commencent à peine à apparaître dans la sphère publique, les artistes et concepteurs ont déjà recours aux multiples fonctions de l’intelligence artificielle, comme la génération de données et le traitement d’image, pour créer des œuvres uniques. Dans le cas spécifique des œuvres interactives, l’IA améliore l’expérience en créant un engagement stimulant avec le public.</p>
<p><a href="https://www.tomokihara.com/">Tomo Kihara</a>, designer d’interaction d’origine japonaise, du studio de design <a href="https://studioplayfool.com/">Playfool</a>, localisé au Royaume-Uni, ont travaillé ensemble sur le jeu <a href="https://deviationgame.com/"><em>Deviation Game</em></a>, une installation multimédia avec un jeu électronique, qui imprime les résultats.</p>
<p><em>Deviation Game</em> est un bon exemple de l’idée d’engagement participatif, où les joueurs interagissent à la fois entre eux et avec l’IA par voie électronique. Les joueurs doivent décrire des mots choisis au hasard en dessinant sur un écran. Le but est de s’exécuter de telle façon que les autres joueurs devinent ce dont il s’agit tout en rendant les images incompréhensibles pour l’IA.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/538544/original/file-20230720-15-sd93cy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="trois personnes sont assises autour d’un écran, l’une d’entre elles dessine sur une tablette" src="https://images.theconversation.com/files/538544/original/file-20230720-15-sd93cy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/538544/original/file-20230720-15-sd93cy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/538544/original/file-20230720-15-sd93cy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/538544/original/file-20230720-15-sd93cy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/538544/original/file-20230720-15-sd93cy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/538544/original/file-20230720-15-sd93cy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/538544/original/file-20230720-15-sd93cy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Dans <em>Deviation Game</em>, les joueurs doivent dessiner des images sur une tablette et tenter de déjouer l’IA.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(S. Maruyama)</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p><a href="https://infratonal.com/portfolio_page/intention/"><em>Intention</em></a> est un autre exemple d’œuvre interactive recourant à l’IA. Créée par <a href="https://infratonal.com/about-2/">l’artiste d’origine française Louk Amidou</a>, elle se sert de la technologie pour réagir aux gestes.</p>
<p>L’œuvre présente un mode d’engagement individuel, ce qui permet aux membres de l’assistance de jouer avec les formes numériques. <em>Intention</em> recourt au design d’interaction, à l’IA, à l’art numérique et à la musique électronique pour produire une expérience multisensorielle.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/535636/original/file-20230704-17-u71i6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="photo montrant une main humaine qui tente de saisir une image générée par ordinateur" src="https://images.theconversation.com/files/535636/original/file-20230704-17-u71i6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/535636/original/file-20230704-17-u71i6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=329&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/535636/original/file-20230704-17-u71i6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=329&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/535636/original/file-20230704-17-u71i6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=329&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/535636/original/file-20230704-17-u71i6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=414&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/535636/original/file-20230704-17-u71i6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=414&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/535636/original/file-20230704-17-u71i6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=414&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Capture d’écran d’<em>Intention</em>, une installation interactive créée par l’artiste d’origine française Louk Amidou.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(L. Amidou)</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Ces deux installations créent des expériences interactives uniques qui encouragent la participation en impliquant l’assistance dans le processus de création.</p>
<h2>Villes ludiques</h2>
<p>Les artistes et programmeurs pour l’espace public peuvent prendre certaines mesures pour s’assurer que les pratiques d’apprentissage machine soient <a href="https://doi.org/10.1109/MTS.2020.2967486">éthiques et moralement responsables</a>. Les spécialistes en informatique développent d’ailleurs des approches humanocentriques en matière de <a href="https://doi.org/10.1007/978-981-15-5679-1_49">protection de la vie privée</a> pour les <a href="https://doi.org/10.1016/j.neucom.2020.06.149">applications intelligentes</a>, les <a href="https://doi.org/10.1145/3408308.3427605">outils d’évaluation de risque</a>, les <a href="https://doi.org/10.1108/DPRG-03-2022-0023">approches axées sur les données pour les villes intelligentes</a> et plus encore.</p>
<p>L’IA peut rendre les installations interactives présentes en ville plus ludiques, plus divertissantes et même plus formatrices. Le résultat serait des espaces publics remodelés, proposant des activités engageantes pour la population locale et les touristes. Chose certaine, l’IA promet des fonctions intéressantes pour améliorer ces installations, à condition d’être conçue de façon responsable.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/211814/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Carmela Cucuzzella reçoit un financement du Conseil de recherche en sciences humaines du Canada.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Burcu Olgen ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les œuvres d’art interactives sont fréquentes dans les espaces publics de Montréal. Bien que divertissantes, elles peuvent devenir monotones. Les technologies numériques aident à remodeler l’expérience.Burcu Olgen, PhD Candicate, Research Assistant, Lecturer, Concordia UniversityCarmela Cucuzzella, Professor Design and Computation Arts, Université de MontréalLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2198962023-12-21T17:31:05Z2023-12-21T17:31:05ZVoici en quoi la vie, la poésie et les chansons de Leonard Cohen font de lui un prophète de l’amour<p>Leonard Cohen n’est pas exactement la première personne dont on songerait à faire un chantre du « vrai sens du temps des fêtes ».</p>
<p>En tant que chercheur en études religieuses <a href="https://theconversation.com/life-of-brian-terry-joness-legacy-of-a-surprisingly-historical-jesus-130582">se spécialisant dans les débuts du christianisme</a>, et <a href="https://www.cbc.ca/player/play/2279666243993">admirateur de Cohen issu d’un milieu chrétien</a>,je reconnais que le mot « festivité » ne colle tout simplement pas à cet artiste qui a toujours exprimé davantage une mélancolie narquoise qu’une jovialité à tout crin.</p>
<p>Or, le <a href="https://podcasts.apple.com/ca/podcast/a-conversation-with-matthew-r-anderson/id1650272494?i=1000637487270">défunt poète, romancier et auteur-compositeur-interprète juif bien-aimé de Montréal porte un regard pénétrant sur la lumière</a>. Ses mots doux-amers accompagnent bien les jours les plus courts et les plus sombres de l’année dans l’hémisphère nord, jours pendant lesquels ont lieu des fêtes religieuses où la lumière est à l’honneur.</p>
<h2>Tout devient pénombre</h2>
<p>Bien que les manières et les raisons de célébrer diffèrent considérablement, <a href="https://theconversation.com/hanukkahs-true-meaning-is-about-jewish-survival-88225">Hanoukka</a>, <a href="https://theconversation.com/apocalypse-booze-and-christmas-an-ancient-abc-172014">Noël</a>, <a href="https://theconversation.com/yule-a-celebration-of-the-return-of-light-and-warmth-218779">Yule</a> et, plus tôt dans l’année, <a href="https://theconversation.com/diwali-a-celebration-of-the-goddess-lakshmi-and-her-promise-of-prosperity-and-good-fortune-191992">Divali</a> sont toutes des fêtes faisant la part belle aux bougies et aux lumières scintillantes.</p>
<p>Qu’elles aient été imaginées dans cette optique ou non, à mesure que les nuits s’allongent à l’approche du solstice d’hiver, ces fêtes aident les gens à composer avec les journées courtes, l’obscurité extérieure et les intérieurs sombres qui causent la <a href="https://www.cbc.ca/news/health/sad-science-why-winter-brings-us-down-but-won-t-for-long-1.2981920">dépression saisonnière</a> et d’autres stress.</p>
<h2>Une année sous le signe de la morosité</h2>
<p>Bien que la violence ne connaisse jamais de répit, l’année qui s’achève a été particulièrement morose, marquée <a href="https://www.cbc.ca/news/canada/toronto/hate-crime-record-levels-toronto-1.7037413">par des crimes haineux en forte hausse</a> la <a href="https://www.apa.org/monitor/2021/03/controlling-misinformation">désinformation, source de division</a> et des guerres. Voilà des propos où commence à poindre l’esprit de Cohen.</p>
<p>Les thèmes récurrents de l’échec, du regret, de la souffrance, de la violence et de la mortalité rendent l’œuvre de Cohen <a href="https://www.youtube.com/watch?v=B6WnnZRSKYs">plus mélancolique encore que le Noël d’Elvis</a>. Néanmoins, mes récentes recherches sur l’imagerie religieuse dans sa poésie et sa musique m’ont permis de découvrir au moins quatre aspects de la vie et de la poésie de Cohen qui en font un <a href="https://www.mqup.ca/prophets-of-love-products-9780228018643.php">prophète de l’amour</a>.</p>
<p><strong>1. Cohen ne craignait pas de dire que la religion rythme la vie des gens partout dans le monde et que les symboles religieux ont du pouvoir</strong>. Supprimez les références religieuses des écrits de Cohen, et sa production se réduit comme peau de chagrin. Les titres de ses livres, du premier <em>Let Us Compare Mythologies</em> (1956), au dernier, <em>The Flame</em> (2018) montrent à quel point Cohen était <a href="https://www.firstthings.com/blogs/firstthoughts/2016/11/leonard-cohen-the-christ-haunted">conscient de la portée symbolique quasi universelle de la religion</a>.</p>
<p>La religion était un moyen pratique de parler de sexe pour Cohen. Mais il est tout aussi vrai que le sexe lui permettait de parler de religion. Pour lui, ces perspectives étaient liées au sentiment que chaque personne porte en elle une part de divin. Il observe : « Je crois que tous les êtres humains ont une vie spirituelle en phase <a href="https://books.google.ca/books/about/Leonard_Cohen.html?id=s8RbAgAACAAJ&redir_esc=y">avec leurs propres facultés divines »</a>.</p>
<p><strong>2. Cohen n’a jamais caricaturé les traditions religieuses.</strong> Il a souligné la richesse de nombreuses religions tout en affirmant sa propre position. Cohen savait que la compréhension des autres commence par la compréhension de soi. <a href="https://books.google.ca/books/about/Leonard_Cohen.html?id=s8RbAgAACAAJ&redir_esc=y">« Jamais je ne prétendrai que je ne suis pas juif »</a>, répétait-il constamment. </p>
<p>Le grand-père maternel de Cohen était un grand érudit féru de la lecture des écritures, et son arrière-grand-père paternel <a href="https://globalnews.ca/news/9707000/shaar-hashomayim-celebrates-century-in-westmount/">a contribué à fonder la congrégation montréalaise Shaar Hashomayim de Montréal</a>. Pourtant, bien qu’il ait été profondément enraciné dans le judaïsme, Leonard Cohen manifestait une vaste et profonde connaissance des autres religions.</p>
<p>Dans mes recherches, je montre <a href="https://atlanticbooks.ca/stories/im-your-saint-cohen-and-st-paul-studied-in-prophets-of-love/">l’importance de Jésus pour Cohen</a>, sans commettre l’erreur de prétendre qu’il était chrétien. J’explore comment le catholicisme a profondément marqué son enfance. Je note également que sa pratique du bouddhisme zen pendant des décennies, ses lectures sur le soufisme et son étude de l’hindouisme ont imprégné son œuvre.</p>
<p>Les <a href="https://www.theguardian.com/music/2021/oct/17/how-leonard-cohen-mined-sacred-texts-for-lyrics-to-his-songs">contes juifs tirés de la Mishna et du Talmud</a>, la <a href="https://www.heyalma.com/leonard-cohens-rabbi-reveals-the-jewish-theology-behind-the-music/">philosophie kabbalistique</a>, les anciennes légendes chrétiennes, les poèmes de Federico García Lorca et de Rumi, ainsi que ses <a href="https://www.npr.org/2016/10/21/498810429/leonard-cohen-on-poetry-music-and-why-he-left-the-zen-monastery">réflexions zen sur le désir</a>, l’attachement et la vacuité s’entremêlent tous dans son œuvre.</p>
<p><strong>3. Cohen était respectueux des croyances et spiritualités, mais il dénonçait l’hypocrisie religieuse.</strong> En 1984, <a href="https://books.google.ca/books/about/Leonard_Cohen.html?id=s8RbAgAACAAJ&redir_esc=y">il remarquait</a> : </p>
<blockquote>
<p>La mystification et la manipulation sont toujours possibles… Il y a dans le monde des forces du mal qui ont des visées impérialistes par rapport à la religion, mais j’ai confiance que les forces du bien prévaudront. </p>
</blockquote>
<p>Voilà des mots bien optimistes pour un homme qui a aussi écrit :</p>
<blockquote>
<p>Give me Stalin and St. Paul/I’ve seen the future, brother/It is murder (Rendez-moi Staline et Saint Paul/J’ai vu l’avenir, frère :/Il n’est que meurtre).</p>
</blockquote>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/LYzPVKg3wyo?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Leonard Cohen’s « The Future. ».</span></figcaption>
</figure>
<p>Cohen était adulé et donc susceptible d’abuser de son pouvoir. Il a eu la chance de réussir à transformer <a href="https://web.archive.org/web/20201211115215/https:/www.theglobeandmail.com/arts/article-leonard-cohens-tales-of-seduction-look-different-through-a-metoo">ses relations en apparence misogynes avec les femmes</a> en chansons plutôt qu’en procès, en partie grâce à sa façon à la fois compliquée et désarmante de parler de regret, d’excuses et de pardon, et aussi en <a href="https://sharpmagazine.com/2018/11/06/how-do-we-come-to-terms-with-leonard-cohens-legacy-in-the-metoo-era/">raison de son âge grandissant, puis de son décès</a>.</p>
<ol>
<li>Et surtout, Cohen utilisait des histoires et des images religieuses pour trouver des causes rassembleuses et donner du courage à ses semblables pendant les périodes sombres. Ses paroles les plus célèbres sont sans doute ce passage de la chanson <em>Anthem</em> :</li>
</ol>
<blockquote>
<p>Ring the bells that still can ring/forget your perfect offering/There is a crack in everything/that’s how the light gets in (Sonnez les cloches qui peuvent encore sonner/Oubliez vos offrandes parfaites/Il y a une brèche en toute chose/C’est ainsi qu’entre la lumière).</p>
</blockquote>
<p>Harry Freedman, dans <a href="https://www.bloomsbury.com/ca/leonard-cohen-9781472987273/"><em>Leonard Cohen : The Mystical Roots of Genius</em></a> a décelé de nombreuses références à la religion juive dans <em>Anthem</em>. J’en ai découvert d’autres. Cohen s’est donné comme mission (une <em>mission biblique</em> à ses yeux, il faut le souligner) de trouver et de mettre en évidence la lumière présente dans toute souffrance humaine. <a href="https://www.mqup.ca/prophets-of-love-products-9780228018643.php">Comme je l’ai écrit ailleurs</a>, « A crack in everything means especially a crack in human beings – une brèche en toute chose, ça signifie en particulier une brèche dans l’être humain. »</p>
<p>Dans ses dernières années, l’artiste a endossé progressivement le rôle évoqué par son patronyme, <a href="https://www.britannica.com/topic/cohen">celui de cohen, c’est-à-dire de prêtre</a>. Ainsi, des amis et collègues qui ont assisté à ses derniers concerts – certains étant croyants, mais de nombreux autres vivant une <a href="https://theconversation.com/what-does-it-mean-to-be-spiritual-87236">forme de spiritualité sans foi religieuse</a>, ont souligné l’ambiance de lieu sacré qui y régnait.</p>
<p>Les textes de Cohen parlent d’échecs humains, de regret et de violence. Or, selon sa collaboratrice Sharon Robinson, les <a href="https://www.rollingstone.com/music/music-features/sharon-robinson-reflects-on-touring-with-leonard-cohen-194281/">tournées sont devenues « un genre de méditation » pour Cohen</a>, et il bénissait la foule à la fin de ses derniers concerts. Le titre de l’album <em>You Want It Darker</em> fait référence à la fois à ses admirateurs et à son dieu, ce qui est typique chez Cohen, qui n’admettait jamais qu’une phrase n’ait qu’un seul sens. Il <a href="https://jewishreviewofbooks.com/articles/2315/darkness-and-light-leonard-cohen-and-the-new-cantors-a-playlist-for-the-high-holidays/">y met le divin au défi tout en acceptant la fin</a>.</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/v0nmHymgM7Y?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Leonard Cohen’s « You Want it Darker. ».</span></figcaption>
</figure>
<h2>Une disparition comme un mauvais présage, une pertinence toujours grande</h2>
<p>Sa connaissance de nombreuses religions, son regard scrutateur sur la condition humaine, son défi au divin de répondre aux tourments de l’humanité : voilà ce qui fait de Cohen un chantre improbable, mais lucide des jours sombres de l’hiver.</p>
<p>Si j’avais à choisir une <a href="https://www.msn.com/en-ca/news/canada/douglas-todd-leonard-cohen-may-help-us-find-hope-in-today-s-holy-broken-world/ar-AA1izeLe">chanson de Cohen pour les fêtes</a>, ce serait sans doute <em>Come Healing</em>. Voilà ce qui pourrait bien faire de Leonard Cohen, un homme au sujet duquel aucun film de Noël mièvre ne sera certainement jamais tourné, un puissant antidote contre l’obscurité cette année.</p>
<blockquote>
<p>And let the heavens falter/Let the earth proclaim/Come healing of the altar/Come healing of the name (Et que les cieux balbutient/Et que la terre proclame :/Que vienne la guérison de l’Autel/Que vienne la guérison du Nom).</p>
</blockquote><img src="https://counter.theconversation.com/content/219896/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Matthew Robert Anderson ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les mots doux-amers des chansons de Leonard Cohen accompagnent bien les jours les plus courts de l’année dans l’hémisphère nord, pendant lesquels ont lieu des fêtes où la lumière est à l’honneur.Matthew Robert Anderson, Adjunct professor, Theological Studies, Concordia UniversityLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2167222023-11-27T15:14:39Z2023-11-27T15:14:39ZVoici pourquoi les jeux vidéo compétitifs doivent être pris plus au sérieux<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/559683/original/file-20231115-25-zcd5l2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=10%2C0%2C980%2C666&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Aujourd’hui, l’industrie du sport électronique représente plusieurs milliards de dollars à l’échelle mondiale.</span> <span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span></figcaption></figure><p>Jouer à des jeux vidéo de manière compétitive, est-ce vraiment sérieux ? </p>
<p>Cette question ne se pose pas pour les milliers d’adeptes du jeu <a href="https://www.leagueoflegends.com/en-us/"><em>League of Legends</em></a> qui ont convergé en Corée du Sud en octobre dernier pour assister aux championnats du monde (<a href="https://youtu.be/tHMcncCS-XE?si=KFfNbrcjaTSCaCB6"><em>Worlds 23</em></a>) de ce jeu ultra populaire. Le grand prix ? Un <a href="https://lol.fandom.com/wiki/2023_Season_World_Championship">montant de 2 225 000 $ US</a>. </p>
<p>Nous sommes spécialistes en droit des jeux vidéo. Cet événement, encore très méconnu du grand public, est l’occasion pour nous de montrer pourquoi les jeux vidéo compétitifs devraient être pris plus au sérieux. </p>
<h2>Le sport électronique, un phénomène social, culturel et économique mondial</h2>
<p>La notoriété des ligues de sports nord-américaines telles que la NHL ou la NFL n’est plus à faire. Ni celle des grandes compétitions sportives traditionnelles comme la coupe du monde de football ou les Jeux olympiques. Or, on ne peut en dire autant des compétitions de jeux vidéo. Et pourtant, il existe tout un monde de compétitions professionnelles dans l’univers des jeux vidéo qui, tout comme dans les sports traditionnels, possède des ligues, des compétitions internationales bien établies, son lot d’athlètes célèbres et ses <a href="https://www.francetvinfo.fr/culture/jeux-video/e-sport-des-salles-remplies-et-des-fans-conquis-la-pratique-reunit-de-plus-en-plus_5838317.html">hordes d’admirateurs</a>. C’est ce qu’on appelle des sports électroniques, ou esports.</p>
<p>Les sports électroniques peuvent être décrits aussi simplement que des jeux vidéo qui sont pratiqués dans un environnement compétitif.</p>
<p>Bien qu’il ne bénéficie pas toujours du même niveau de reconnaissance que son homologue sportif traditionnel, le sport électronique est un secteur qui s’est largement développé <a href="https://youtu.be/B_59wZ27ROE?si=4OWyy6Klh40POwwJ">ces 10 dernières années</a> et qui attire régulièrement des <a href="https://www.statista.com/statistics/490480/global-esports-audience-size-viewer-type/">millions de téléspectateurs simultanés</a>. </p>
<p>Une très grande variété de jeux sont aujourd’hui pratiqués de manière compétitive. Dans les jeux comme <a href="https://lolesports.com/"><em>League of Legends</em></a> ou <a href="https://www.dota2.com/home"><em>Dota</em></a>, deux équipes de joueurs s’affrontent dans des arènes de combat en ligne multijoueurs (MOBA). Ces jeux d’action-stratégie s’apparentent à des jeux d’échecs survitaminés dans lesquels l’objectif est de détruire la base adverse. </p>
<p>Il existe également de nombreux jeux de tir à la première personne comme <a href="https://valorantesports.com/"><em>Valorant</em></a>, <a href="https://pro.eslgaming.com/csgo/proleague/"><em>CSGO</em></a>, <a href="https://overwatchworldcup.com/en-us/"><em>Overwatch</em></a> ou encore <a href="https://www.fortnite.com/competitive"><em>Fortnite</em></a>, qui sont très populaires. </p>
<p>Bref, dans le domaine du sport électronique, il y en a pour tous les goûts, y compris pour celles et ceux qui préfèrent la <a href="https://www.ea.com/fr-fr/games/fifa/compete/fgs-23">pratique (virtuelle !) des sports traditionnels</a>. </p>
<h2>Un secteur en plein essor</h2>
<p>En termes d’audience et de popularité, le esport est un secteur qui, au cours des 10 dernières années, a <a href="https://www.insiderintelligence.com/insights/esports-ecosystem-market-report/">commencé à dépasser les sports traditionnels</a>. La pandémie de Covid-19 a contribué à ce phénomène. </p>
<p>Le esport a également vu l’émergence de superstars de renommée internationale telles que <a href="https://youtu.be/wU-1ZaT0hIg?si=vLKp_Krn37NSmKFV">Faker</a>, un athlète souvent considéré comme le plus grand joueur de <em>League of Legends</em> de tous les temps en raison de son <a href="https://www.scmp.com/sport/china/article/3236384/asian-games-2023-south-koreas-league-legends-esports-gold-without-goat-faker-earns-military-service">succès compétitif</a> massif et constant au cours de la dernière décennie. </p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1544343462476402688"}"></div></p>
<p>Aujourd’hui, <a href="https://www.fortunebusinessinsights.com/esports-market-106820">l’industrie</a> du esport représente plusieurs <a href="https://www.statista.com/statistics/490522/global-esports-market-revenue/#:%7E:text=The%20term%20%E2%80%9CeSports%E2%80%9D%20is%20characterized,over%201.38%20billion%20U.S.%20dollars.">milliards de dollars à l’échelle mondiale</a>. </p>
<p>Dès lors, le esport sera-t-il un jour reconnu au même titre que les sports traditionnels, voire organisés lors d’événements tels que les Jeux olympiques ? </p>
<p>On peut le penser, dans la mesure où cette pratique se démocratise et s’est vue ajouter au programme de grandes compétitions régionales et internationales récemment. Présents dans le cadre d’évènements de démonstration aux <a href="https://olympics.com/en/news/esports-historic-medal-debut-19th-asian-games-hangzhou-schedule-live">Jeux asiatiques depuis 2018</a>, plusieurs jeux ont rejoint le programme officiel lors des <a href="https://olympics.com/en/news/asian-games-2023-overall-medal-table-complete-list">Jeux asiatiques de 2023 organisés à Hangzhou en Chine</a>. À cette occasion, la <a href="https://www.koreatimes.co.kr/www/nation/2023/10/600_360240.html">Corée du Sud a remporté la médaille d’or</a> dans la compétition de <em>League of Legends</em>, ce qui a permis à Faker d’obtenir une <a href="https://www.reuters.com/sports/korean-gamers-cusp-gold-avoiding-military-service-2023-09-28/">rare exemption du service militaire obligatoire sud-coréen</a>. Cette dérogation démontre la reconnaissance dont jouissent aujourd’hui les athlètes de esports dans certains pays. </p>
<p>En ce qui concerne l’inclusion des esports dans les Jeux olympiques, les jeux vidéo ont été inclus dans le cadre du <a href="https://olympics.com/en/esports/"><em>Olympic e-sport Series</em></a> en 2023. Un évènement organisé par le comité international olympique (CIO).</p>
<p>Ce comité, qui cherche régulièrement à rajeunir l’image des Jeux olympiques et à attirer de nouveaux publics, a par ailleurs engagé des réflexions sur la <a href="https://olympics.com/cio/news/annonce-par-le-president-du-cio-dans-son-allocution-d-ouverture-de-la-141e-session-du-cio-a-mumbai-de-son-intention-de-creer-des-jeux-olympiques-d-e-sport">création de Jeux olympiques d’esports</a>. </p>
<h2>Des opportunités de carrières, mais peu d’infrastructures de soutien</h2>
<p>Tout comme les sports traditionnels, l’opportunité de s’impliquer dans le sport électronique n’est pas réservée qu’aux joueurs professionnels qui compétitionnent sur la scène. </p>
<p>Comme pour tout événement compétitif, une équipe professionnelle de gestion et de soutien sont des éléments essentiels pour obtenir les meilleures performances. </p>
<p>Le développement des sports électroniques ouvre ainsi un <a href="https://esportslane.com/esports-job-profiles-non-gaming/">vaste champ de possibilités de carrières</a> pour les amateurs de jeux : organisateurs et gestionnaires d’événements, journalistes, nutritionnistes <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/791808/jeux-olympiques-rio-athletes-preparation-psychologique">consultants en préparation mentale</a>, physiothérapeutes et même avocats pour organiser les relations entre tous ces acteurs.</p>
<p>Cependant, malgré la popularité et l’immense potentiel des sports électroniques, le développement d’infrastructures et de programmes demeure très insuffisant au Canada. Ce manque est surtout flagrant au sein des institutions d’éducation, lieux qui comptent pourtant de nombreux jeunes amateurs de sport électronique. </p>
<p>Idéalement, les infrastructures adaptées aux sports électroniques devraient inclure des ordinateurs performants, une salle dédiée aux sports électroniques, une équipe de soutien, des compétitions intercollégiales et, surtout, une atmosphère qui promeut l’inclusion et la participation de tous dans les sports électroniques.</p>
<p>Certaines institutions postsecondaires ont tout de même créé des espaces dédiés aux esports sur leur campus. Ces espaces contribuent au recrutement des étudiants. C’est le cas par exemple du <a href="https://www.stclaircollege.ca/news/2022/nexus-esports-arena-unveiled-opening-don-france-student-commons">St. Clair College en Ontario</a> qui a créé, en 2022, un espace flambant neuf et à la pointe de la technologie – avec un budget de 23 millions de dollars. </p>
<p>De son côté, l’Université de la Colombie-Britannique (UBC) a investi $100,000$ en équipement pour créer un <a href="https://globalnews.ca/news/3001912/ubc-esports-club-opens-online-gaming-lounge/">salon dédié aux sports électroniques</a>. </p>
<p>D’autres organisations, comme la <a href="https://www.osea.gg/fr">Fédération ontarienne des associations scolaires de sports électroniques (FOASSE)</a>, vise à promouvoir activement l’intégration d’un programme de esports dans le curriculum scolaire. </p>
<p>Dans un futur proche, si ces efforts s’amplifient, nous pouvons imaginer que les jeunes amateurs de esports auront la chance de jumeler leurs passions pour les jeux vidéo avec une carrière professionnelle – qu’il s’agisse de la compétition de haut niveau ou toute autre carrière dans le champ des jeux vidéo.</p>
<h2>La santé des pratiquants</h2>
<p>Au-delà de la croissance et de la popularité fulgurante du secteur ces dernières années, tout n’est pas rose au royaume du esport.</p>
<p>D’une part, le quotidien des athlètes professionnels du esport n’est pas de tout repos. En effet, leur <a href="https://gaming.gentside.com/jeux-video/consoles-et-pc/league-of-legends-decouvrez-l-emploi-du-temps-millimetre-de-faker_art28843.html">emploi du temps</a> est particulièrement chargé et ils passent une grande partie de leur journée à <a href="https://youtu.be/uyF6ZwtLonM?si=IcG1dt7zjtHxtKZR">s’entraîner</a> ou à <a href="https://www.youtube.com/@T1_Faker">produire du contenu en ligne</a>. </p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/uyF6ZwtLonM?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
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<p>Les saisons sont particulièrement éprouvantes et les carrières des joueurs peuvent être, sauf exception, très courtes. Ces dernières années, de plus en plus de joueurs se sont ouverts à propos de leurs problèmes de <a href="https://www.esports.net/news/industry/hidden-struggles-of-esports-athletes-mental-health-crisis/">santé mentale</a>. D’autres ont tout simplement <a href="https://www.rtbf.be/article/esport-nouvelle-polemique-autour-du-burn-out-dun-joueur-11159774">disparu des radars</a>, après avoir fait une percée tonitruante sur la scène professionnelle. </p>
<p>Des recherches et du soutien en lien avec les conditions de travail des athlètes sont nécessaires afin de s’assurer qu’ils <a href="https://www.francetvinfo.fr/replay-radio/franceinfo-esport/des-chercheurs-italiens-compilent-toute-la-litterature-scientifique-sur-la-sante-des-joueurs_5678096.html">ne mettent pas en danger leur santé</a> et qu’ils ne soient pas exploités par les équipes et les ligues professionnelles. </p>
<h2>Prévention et traitement des phénomènes de dépendance</h2>
<p>La pratique du esport peut également entraîner chez les joueurs professionnels, les aspirants athlètes ou le grand public, des effets délétères découlant d’un temps de jeu et/ou de dépenses excessifs. </p>
<p>Ces phénomènes sont encouragés et exacerbés par la présence de mécanismes ou stratégies appelés <a href="https://core.ac.uk/download/pdf/301007767.pdf"><em>Dark patterns</em></a>, largement utilisés dans <a href="https://www.darkpattern.games/">certains jeux vidéo</a>. </p>
<p>Ces <em>Dark Patterns</em> peuvent être temporels, en encourageant les joueurs à s’investir pendant une période prolongée. Des récompenses pour progresser dans le jeu peuvent par exemple être offertes aux joueurs qui jouent de manière régulière, à tous les jours. </p>
<p>Les <em>Dark patterns</em> peuvent également être monétaires, en maximisant les dépenses que les joueurs vont effectuer dans un jeu. On parle par exemple de mécanismes qui permettent de payer pour débloquer du contenu esthétique ou certaines parties supplémentaires d’un jeu. </p>
<p>Face à ces mécanismes, il est primordial de surveiller et d’encadrer les pratiques des compagnies de jeux vidéo qui y ont recours. </p>
<h2>Le train est en marche</h2>
<p>Le sport électronique est une pratique relativement récente qui a pris une ampleur incroyable durant les 10 dernières années. Or, ce développement est largement passé inaperçu pour une large partie du grand public. </p>
<p>Le esport est néanmoins en mesure d’offrir des <a href="https://youtu.be/mP3fGkpmVM0?si=x6d7Pk9xr7BPOPTz">événements d’envergure</a> qui n’ont rien à envier aux plus grands événements sportifs traditionnels. Ce serait une erreur de sous-estimer le esport, tant il attire les foules et les talents. </p>
<p>Au contraire, il est important d’accompagner et de soutenir celles et ceux qui aspirent à travailler dans ce domaine. </p>
<p>Et il importe surtout de s’intéresser sérieusement aux défis et problèmes auxquels le esport aujourd’hui confronté, dans sa pratique professionnelle et amateur.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/216722/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Le sport électronique est une pratique dont l’univers est souvent méconnu, voire méprisé. Il s’agit pourtant d’un phénomène global d’une ampleur incroyable, actuellement en pleine croissance.Thomas Burelli, Professeur en droit, Section de droit civil, Université d’Ottawa (Canada), membre du Conseil scientifique de la Fondation France Libertés, L’Université d’Ottawa/University of OttawaHaoran Liu, Reaserch Assistant, L’Université d’Ottawa/University of OttawaMarie Dykukha, Research Assistant, L’Université d’Ottawa/University of OttawaLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2143172023-11-21T14:39:11Z2023-11-21T14:39:11ZFaire le mauvais buzz sur les réseaux sociaux, ça vous tente ? Voici comment !<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/559387/original/file-20231114-25-wra0k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=2%2C0%2C989%2C750&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Parce qu'elles prennent l'esprit au dépourvu, les ruptures de cadre sont des facteurs potentiels de dégradation des relations sociales.</span> <span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span></figcaption></figure><p><a href="https://semji.com/fr/guide/quest-ce-qu-un-bad-buzz/">Faire l’objet d’une popularité négative et incontrôlable sur Internet</a>, c’est-à-dire « faire le mauvais buzz », ça peut arriver à n’importe qui, même aux gens les mieux intentionnés.</p>
<p>C’est manifestement ce qui est arrivé aux trois personnes dont je présente ici les cas embarrassants, avec le projet de décrypter les raisons de leur mauvaise fortune. Mon objectif n’est pas de mettre en cause la valeur de leurs idées ou de leurs combats (féminisme, LGBTisme ou antispécisme), mais plutôt d’examiner leurs stratégies de communication à partir de mon point de vue d’<a href="https://professeurs.uqam.ca/professeur/genest.sylvie/">artiste anthropologue</a>.</p>
<p>Plus spécifiquement, je souhaite mettre en lumière les <a href="https://ifftb.com/wiki/cadrage-effet-de/">effets de cadrage</a> qui les ont desservies et que je soupçonne être la principale cause de l’énorme dégât de commentaires désobligeants qui ont été formulés à leur endroit, avec atteinte à leur réputation sur les réseaux sociaux. </p>
<p>Construit sur les fondements de mon étude du <a href="https://papyrus.bib.umontreal.ca/xmlui/handle/1866/27428">changement d’état d’esprit</a>, cet article s’intéresse aux ruptures de cadre provoquées par des communicateurs malhabiles ainsi qu’aux répercussions psychiques de leurs prestations sur l’humeur d’internautes mal préparés à cette expérience. </p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/les-talk-shows-quon-aime-des-machines-a-broyer-la-dignite-198044">Les talk-shows qu’on aime : des machines à broyer la dignité ?</a>
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<h2>La « théorie des cadres » en communication</h2>
<p>Les techniques de <a href="https://books.openedition.org/editionsehess/10320?lang=fr">cadrage</a> et de <a href="https://www.cairn.info/revue-therapie-familiale-2006-4-page-377.htm">recadrage</a> soutenues par les principes fondamentaux de la communication sont utilisées en psychiatrie, en thérapie familiale, en publicité, en arts et en gestion médiatique des comportements sociaux ou privés, principalement. </p>
<p>La théorie générale qui sous-tend ces différentes applications est souvent attribuée au sociologue Erving Goffman, dont la pensée sur le sujet fait l’objet du livre intitulé <a href="http://www.leseditionsdeminuit.fr/livre-Les_Cadres_de_l%E2%80%99exp%C3%A9rience-2094-1-1-0-1.html">« Les cadres de l’expérience »</a>. Le principe central de cette théorie est que <a href="https://tactics.convertize.com/fr/definitions/framing-effect-effet-de-cadrage">« nous réagissons différemment aux messages ou aux choix que l’on nous soumet en fonction de la manière dont on nous les présente »</a>.</p>
<p>La théorie des cadres est toutefois antérieure aux travaux de Goffman. Elle prend racine dans l’œuvre de l’anthropologue Gregory Bateson et de ses partenaires de l’<a href="https://www.cairn.info/l-ecole-de-palo-alto--9782130606628.htm">École de Palo Alto</a>. Cette équipe de recherche a établi des rapports significatifs entre <a href="http://olivier.hammam.free.fr/imports/auteurs/bateson/eco-esprit/2-3-0-formes-pathologies-relations2.htm">pathologies de la communication et pathologies des relations sociales</a>. </p>
<p>C’est sous le nom de <a href="https://www.cairn.info/revue-cahiers-critiques-de-therapie-familiale-2001-1-page-229.htm">« syndrome trancontextuel »</a> que Bateson a regroupé les réactions émotives et psychiques observées chez des personnes confrontées à l’expérience brutale d’une rupture de cadre – ou d’une « transgression » des contextes de communication – lorsque celle-ci se produit dans le cours d’un échange significatif. C’est cette épreuve cognitive à la fois troublante et risquée que parodie avec humour la scène suivante construite sur le modèle de la « caméra cachée ».</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/NG08aAve42E?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
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<p>Si les ruptures de cadre peuvent provoquer le rire lorsqu’elles sont mises en scène, elles peuvent aussi entraîner la perplexité, la colère ou même la <a href="https://journals.openedition.org/questionsdecommunication/430">souffrance psychique</a> lorsqu’elles se produisent dans la réalité.</p>
<h2>Trois buzz négatifs</h2>
<p>Les trois vidéos qui suivent présentent des cas d’espèce dont les conséquences sur les internautes sont facilement discernables grâce à la présence visible de commentaires, d’apartés et de réactions exprimées au moyen de <a href="https://dictionnaire.lerobert.com/dis-moi-robert/raconte-moi-robert/mot-jour/meme.html">mèmes</a>, comme celui que constitue le <a href="https://www.rtl.fr/culture/cine-series/qui-etait-juan-joya-borja-alias-el-risitas-l-homme-derriere-le-rire-culte-d-internet-7900026236">rire culte de l’humoriste espagnol El Risitas</a>. </p>
<p>Le premier cas est celui d’une entrevue donnée par Typhaine D, une militante dont l’apostolat est de <a href="https://typhaine-d.com/index.php/actualites/234-manifeste-de-la-feminine-universelle">promouvoir une langue « féminine universelle »</a>.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/hNKGMPqAwQE?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
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<p>L’effet déjanté de ses prestations, que ce soit dans la vidéo ci-dessus ou dans une <a href="https://www.youtube.com/watch?v=v4J3m7VnlS8">conférence TEDx Talks de 2022</a>, est une conséquence de sa manière d’enchevêtrer des cadres discursifs réciproquement incompatibles sans avoir l’air de s’en apercevoir : celui du débat d’idées et celui de la comédie burlesque. Pour les personnes qui en ressentent les effets, il en résulte un paradoxe qui les coince entre des émotions contradictoires, comme en témoignent les commentaires laissés sous ses vidéos :</p>
<ul>
<li><p>😂 Franchement, j’ai beaucoup ri ! Puis après je me suis souvenu que cette personne existe pour de vrai et qu’elle n’est pas internée en psychiatrie…</p></li>
<li><p>😵💫 Il n’y a pas de mot assez fort pour décrire le malaise que j’ai éprouvé durant cette vidéo… </p></li>
<li><p>🤔 Je n’ai pas su définir si c’était de l’humour ou un exposé féministe. Je ne sais pas s’il faut que je pleure ou que je rigole ?</p></li>
</ul>
<p>Le deuxième cas concerne Arnaud Gauthier-Fawas, responsable d’une association militante pour les <a href="https://www.inter-lgbt.org/">droits des personnes LGBT</a>.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/nuCV9fh5-b4?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
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<p>Le paradoxe avec lequel il faut composer ici est à la fois d’ordre <a href="https://journals.openedition.org/lcc/180">perceptif</a> (comme dans une illusion d’optique) et <a href="https://www.universalis.fr/encyclopedie/paradoxe/2-paradoxes-scientifiques/">cognitif</a> (comme lorsque deux visions du monde s’opposent). L’échange auquel on assiste est déconcertant parce qu’il met en doute notre capacité d’évaluer la réalité sur la seule base de nos perceptions : bien qu’on puisse être d’avis que Gauthier-Fawas présente bien l’apparence d’un <em>homme blanc</em>, il faut réviser notre estimation en conséquence de l’arbitraire de son identité psychique : « <em>Je ne suis pas un homme, monsieur ! Je ne suis pas blanc</em> ! » L’effet surréaliste qui en résulte pour l’observateur est comparable à celui qu’entraîne la contemplation du célèbre tableau de Magritte, <a href="https://artshortlist.com/fr/journal/article/trahison-des-images-magritte">La trahison des images (1928)</a>.</p>
<p>Le troisième et dernier cas s’alimente à la source de plusieurs performances médiatiques de Solveig Halloin, activiste <a href="https://www.cairn.info/revue-etudes-rurales-2022-2-page-58.htm">végétaliste</a> se portant, entre autres, à la <a href="https://www.femmeactuelle.fr/actu/news-actu/qui-est-solveig-halloin-la-militante-activiste-qui-a-fait-le-buzz-dans-touche-pas-a-mon-poste-2112721">défense des animaux d’abattage</a>.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/B08OfmfGKV8?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
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<p>Le mode paradoxal sur lequel s’exprime cette militante – notamment lorsqu’elle affirme « <em>se battre</em> pour que la violence cesse » – garantit à lui seul l’apparition du syndrome de Bateson chez ses interlocuteurs. En sublimant la cause animale qu’elle défend, Solveig Halloin franchit le seuil critique qui relie le profane au sacré, forçant dès lors une promiscuité de sens choquante entre <a href="https://www.facebook.com/watch/?v=343310679576397">élevage et holocauste</a>. Cela appelle des commentaires acides à lire sous plusieurs de ses <a href="https://www.youtube.com/watch?v=rJIOez7-G_s">vidéos</a>.</p>
<h2>Trois cadres rompus</h2>
<p>Ces trois cadres rompus de la communication entraînent des réactions à classer dans des catégories distinctives du syndrome transcontextuel de Bateson. Le premier cas – qui fait sauter les frontières entre le sérieux du débat et le jeu du théâtre – exploite les effets déroutants d’un changement de règles qui survient en plein cours d’un événement social significatif. Les personnes qui s’aventurent sur un tel terrain doivent savoir qu’elles entreprennent un <a href="https://web.archive.org/web/20220718093758id_/https://journals.openedition.org/communication/7002">jeu sans fin</a>, c’est-à-dire un jeu « qui ne peut pas engendrer de l’intérieur les conditions de son propre changement ».</p>
<p>Le deuxième cas – qui abolit les <a href="http://www.lyber-eclat.net/lyber/korzybski/glossaire.html">différences entre la carte des perceptions et le territoire de l’expérience</a> – exploite les effets pervers d’un changement de niveau d’abstraction non maîtrisé. </p>
<p>Le troisième cas – qui culbute le sacré dans la cour du profane et vice-versa – exploite les effets catastrophiques d’un changement de paradigme, lequel commande une conversion irréversible de l’humanité tout entière. Ce dernier type de rupture peut causer des troubles psychiques d’une très grande gravité.</p>
<h2>Les réseaux sociaux comme « méta cadre » de communication</h2>
<p>Parce qu’elles prennent l’esprit au dépourvu, les ruptures de cadre sont des facteurs potentiels de dégradation des relations sociales. Lorsqu’on les envisage dans le « méta cadre » des réseaux sociaux, toutefois, leurs conséquences pathologiques se trouvent diminuées par les ripostes créatives de personnes (youtubeurs, tiktokeurs, instagrameurs et autres influenceurs) pratiquant l’art de la <a href="https://www.cairn.info/la-boite-a-outils-du-dialogue-en-entreprise--9782100798711-page-96.htm"><em>métacommunication</em></a>, c’est-à-dire l’art de « communiquer sur la communication ». </p>
<p>Grâce à la mise en abîme que leurs <a href="https://ici.radio-canada.ca/ohdio/premiere/emissions/region-zero-8/segments/chronique/195001/technologie-youtube-tendance-musique-reaction-video">« vidéos de réaction »</a> accomplissent dans nos esprits – c’est-à-dire grâce à des « vidéos de vidéos » dans lesquelles on peut observer des « réactions humaines à des réactions humaines » – notre sort collectif sur les réseaux sociaux s’en trouve amélioré par la présence de dispositifs nous indiquant comment nous conduire en cas de rupture de cadre : <em>Attention ! Indignez-vous ici ! Riez maintenant ! Soyez méfiant en tout temps !</em></p>
<p>Par leur capacité à recadrer les communications cabossées, ces méta vidéos confirment – au grave détriment de malheureux attiseurs de rumeurs – l’une des plus belles hypothèses de Bateson : « chaque fois qu’on introduit une confusion dans les règles qui donnent un sens aux relations importantes, on provoque une douleur et une inadaptation qui peuvent être graves. Or, si on peut éviter ces aspects pathologiques, l’expérience a des chances de déboucher sur la créativité ».</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/214317/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Sylvie Genest est membre de l'Institut de recherches et d'études féministes (IREF) de l'Université du Québec à Montréal ; de SAS-Femmes, Collectif de recherches et d'actions pour la sécurité, l'autonomie et la santé de toutes les femmes ; et du Laboratoire de recherche en relations interculturelles (LABRRI) de l'Université de Montréal.</span></em></p>Faire l’objet d’une popularité négative et incontrôlable sur Internet, ça peut arriver à n’importe qui, même aux gens les mieux intentionnés.Sylvie Genest, Professeure à la Faculté des arts, Université du Québec à Montréal (UQAM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2136252023-10-24T14:20:09Z2023-10-24T14:20:09ZUne visite au musée, la nouvelle pilule bien-être ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/554090/original/file-20231016-28-1a079n.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=5%2C1%2C986%2C655&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Est-ce que le simple fait d'être en contact avec de l'art a des effets spécifiques ?</span> <span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span></figcaption></figure><p>Nous sommes samedi matin. Tasse de café à la main, à peine réveillé, votre regard se perd vers l’horizon. Il pleut. Vous venez de vous décider. Cet après-midi, pour vous, ce sera le musée.</p>
<p>Et si, sans le savoir, vous veniez de prendre une bonne décision pour votre santé ?</p>
<p>C’est l’hypothèse qu’a émis l’association des <a href="https://www.medecinsfrancophones.ca/a-propos/lassociation/">Médecins francophones du Canada</a> en 2018, en lançant le <a href="https://www.mbam.qc.ca/fr/actualites/prescriptions-museales/">programme de prescriptions muséales</a> en partenariat avec le Musée des beaux-arts de Montréal. Aujourd’hui terminé, ce projet a permis à des milliers de patients de recevoir une ordonnance de leur médecin pour une visite au musée, en solo ou accompagné. La prescription visait à favoriser le rétablissement et le bien-être de patients pouvant, par exemple, être atteints de maladie chronique (hypertension, diabète), neurologique, ou encore de trouble cognitif ou de santé mentale. Le choix de prescrire était laissé à la discrétion du médecin.</p>
<p>Cinq ans plus tard, cette initiative pionnière a fait des petits, et nous voyons aujourd’hui fleurir de plus en plus d’activités muséales bien-être allant du <a href="https://www.mnbaq.org/en/activity/museo-yoga-1211">muséo-yoga</a> aux <a href="https://www.mam.paris.fr/fr/contempler-meditation-guidee-en-ligne">méditations guidées</a> avec les œuvres d’arts, en passant par la pratique de la <a href="https://www.beaux-arts.ca/magazine/votre-collection/lart-de-la-contemplation-lente-une-peinture-de-jean-paul-riopelle">contemplation lente</a> ou <em>slow looking</em>. </p>
<p>Les offres ne manquent pas et font grandir en chacun la même conviction : l’art nous fait du bien.</p>
<h2>Au-delà de la première impression</h2>
<p>Ces initiatives ont récemment fait la manchette dans des médiats nationaux des deux bords de l’Atlantique, tant en <a href="https://www.radiofrance.fr/franceculture/museotherapie-je-crois-que-nous-sommes-dans-un-moment-de-bouillonnement-2414180">France</a> qu’au <a href="https://ici.radio-canada.ca/ohdio/premiere/emissions/gravel-le-matin/segments/entrevue/90530/visite-gratuite-musee-beaux-arts-montreal-ordonnance-medecin-sante">Canada</a>, et gagnent en visibilité auprès du grand public. Comme une conséquence de cette popularité, on peut lire de plus en plus d’affirmations parlant de la visite au musée comme un « antistress puissant », un « remède miracle contre le stress », ou encore comme ayant des « effets incroyables ».</p>
<p>Enthousiasmant !</p>
<p>En bonne neuroscientifique, je ne peux toutefois m’empêcher de me demander pourquoi, au vu des extraordinaires effets relaxants annoncés, les foules ne se bousculent pas aux portes de nos musées quotidiennement. </p>
<p>Autant de raisons pour aller jeter un œil aux rapports et études scientifiques récemment publiés sur le sujet.</p>
<h2>L’art fait du bien ? De l’intuition à l’observation</h2>
<p>En 2019, l’Organisation mondiale de la Santé publiait un épais rapport colligeant des éléments de preuve concernant le rôle des activités artistiques et culturelles <a href="https://apps.who.int/iris/handle/10665/329834">pour favoriser la santé et le bien-être</a>. De façon remarquable, les auteurs de ce rapport tentent de s’affranchir d’une vision unifiée des bienfaits de l’art qui, tel un remède de grand-mère, constituerait une solution universelle aux problèmes de santé. </p>
<p>A la place, ceux-ci encouragent de nouvelles approches plus précises et rigoureuses, orientées sur l’observation des réponses psychologiques, physiologiques ou encore comportementales induites par certaines composantes spécifiques de l’activité artistique (engagement esthétique, stimulation sensorielle, activité physique).</p>
<h2>Acteur ou spectateur ?</h2>
<p>La spécificité de la visite au musée est d’être une activité artistique dite réceptive – c’est-à-dire qu’il ne s’agit pas ici de produire de l’art (peindre, dessiner, composer). Elle présente toutefois l’avantage d’être accessible et déjà bien ancrée dans nos habitudes collectives, ce qui en fait une bonne candidate pour la prévention en santé.</p>
<p>La question est alors de savoir s’il suffit d’être exposé à de l’art pour bénéficier de ses bienfaits. Autrement dit, est-ce que le simple fait d’être en contact avec de l’art a des effets spécifiques ?</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/554091/original/file-20231016-15-yh6rw2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="femme dans un musée" src="https://images.theconversation.com/files/554091/original/file-20231016-15-yh6rw2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/554091/original/file-20231016-15-yh6rw2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/554091/original/file-20231016-15-yh6rw2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/554091/original/file-20231016-15-yh6rw2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/554091/original/file-20231016-15-yh6rw2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/554091/original/file-20231016-15-yh6rw2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/554091/original/file-20231016-15-yh6rw2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Être exposé à l’art permettrait de vieillir en meilleure santé ?</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span>
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<h2>Des consommateurs de culture en meilleure santé</h2>
<p>Des recherches ont été conduites en Angleterre sur des échantillons de plusieurs milliers d’individus dont on a suivi les indicateurs de santé à long terme, et à qui on a demandé pendant 10 ans de rapporter leurs habitudes en <a href="https://www.elsa-project.ac.uk">termes d’activités culturelles et artistiques</a>.</p>
<p>Ces travaux montrent que les individus fréquentant régulièrement (tous les deux, trois mois et plus) les lieux de culture (théâtres, opéras, musées, galeries) présentent un risque de <a href="https://www.cambridge.org/core/journals/the-british-journal-of-psychiatry/article/cultural-engagement-and-cognitive-reserve-museum-attendance-and-dementia-incidence-over-a-10year-period/0D5F792DD1842E97AEFAD1274CCCC9B9">démence</a> et de <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC6429253/">dépression</a> divisé par deux, et un risque de développer un <a href="https://academic.oup.com/psychsocgerontology/article/75/3/571/5280637">syndrome de fragilité gériatrique</a> (phénomène de déclin de la santé lié au vieillissement et associé à une perte de l’indépendance fonctionnelle) réduit d’environ 40 %.</p>
<p>Être exposé à l’art permettrait donc de vieillir en meilleure santé ?</p>
<p>Peut-être, mais il reste à confirmer que l’engagement culturel est la cause de l’amélioration des indicateurs de santé observés dans ces travaux. Pour cela, des études de cohorte et <a href="https://cihr-irsc.gc.ca/f/48952.html">essais cliniques contrôlés randomisés</a> sont nécessaires. Or, ce type d’étude est encore rare dans le domaine.</p>
<h2>À la recherche des principes actifs</h2>
<p>Par ailleurs, il reste une question, et de taille ! Celle du pourquoi… </p>
<p>Pourquoi l’art, et notamment l’art visuel, me ferait du bien. Qu’est ce qui se passe dans mon corps lorsque j’entre en contact avec une œuvre, comment ce contact me transforme et contribue à me maintenir en meilleure santé. Si tel est le cas.</p>
<p>C’est la question que s’est posée Mikaela Law chercheuse en psychologie à Université d’Auckland en Nouvelle-Zélande, et ses collaborateurs en 2021. Ces chercheuses et chercheurs ont <a href="https://bmjopen.bmj.com/content/11/6/e043549.abstract">exploré la littérature scientifique</a> en quête d’études disponibles adressant la réponse physiologique aux arts visuels et son effet sur le stress rapporté par l’individu. </p>
<p>Certaines des études répertoriées dans ce travail montrent que le contact avec une œuvre est à même de diminuer la pression artérielle, la fréquence cardiaque et le cortisol sécrété dans la salive. De telles modifications traduisent une diminution de l’état de tension du corps, que l’on appelle aussi le stress. Un changement qui semble perçu par l’individu et se traduit par une diminution du stress dont il témoigne après l’exposition.</p>
<p>D’autres études, à l’inverse, n’observent rien. </p>
<p>Ainsi, si le contact avec l’art visuel est susceptible de provoquer la détente physique et psychologique du spectateur, celui-ci pourrait ne pas constituer une condition suffisante.</p>
<p>Cette conclusion nous invite donc à nuancer le discours et à approfondir la réflexion sur ce qui se passe au moment de la rencontre avec l’œuvre qui conditionne ses effets sur le psychisme de l’individu.</p>
<p>Aujourd’hui, nous sommes samedi…</p>
<p>Vous irez au musée c’est décidé. </p>
<p>Il est probable que cette décision soit une bonne décision pour votre santé. </p>
<p>Il est également probable que cela dépende du musée et de la façon dont vous visiterez. </p>
<p>Une chose est certaine par contre, c’est que vous augmentez fortement vos chances de passer une agréable journée !</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/213625/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Emma DUPUY travaille en partenariat avec le musée des beaux-arts de Montréal et a reçu des financements de MITACs, de l'Université de Montréal, et des Fonds de Recherche du Québec.</span></em></p>Une visite au musée pour lutter contre la grisaille mentale ? Voici ce qu’en dit la science.Emma Dupuy, Postdoctoral researcher, Université de MontréalLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2125142023-08-31T17:21:47Z2023-08-31T17:21:47ZHow this summer’s hit ‘Rich Men North of Richmond’ was appropriated by both the right and left<p>This summer two American country singers, Jason Aldean and Oliver Anthony, came out of nowhere with unexpected hits. In both cases, their songs were <a href="https://www.washingtonpost.com/opinions/2023/08/17/rich-men-north-of-richmond-song/">politically appropriated</a>. </p>
<p><em>Rich Men North of Richmond</em> by Oliver Anthony, which appeared on YouTube just a few weeks ago, <a href="https://www.nytimes.com/2023/08/21/arts/music/rich-men-north-of-richmond-billboard-chart.html?smtyp=cur&smid=tw-nytimes">is the No. 1 song in the U.S. this week</a>, surpassing even Taylor Swift. </p>
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<figcaption><span class="caption">“Rich Men North of Richmond” is now the No. 1 song on the U.S. Billboard Top 100.</span></figcaption>
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<p>Sociologically speaking, although its content is essentially libertarian, the song <a href="https://www.bbc.com/culture/article/20230818-rich-men-north-of-richmond-the-hit-song-that-has-divided-the-us">muddies the waters</a> between the American populist left and the right. It is celebrated by both the Trumpist wing of the Republican Party and some Democrats. </p>
<p>Anthony’s song was featured at the first 2024 Republican presidential primary debate. The singer has said he hates to “<a href="https://www.cnn.com/2023/08/25/entertainment/oliver-anthony-song-response/index.html">to see that song being weaponized</a>. I see the right trying to characterize me as one of their own, and I see the left trying to discredit me.”</p>
<p>While Anthony has avoided partisan politics, the singer of <em>Try that in a Small Town</em>, Jason Aldean, is an avowed Trump supporter. His hit is clearly on the <a href="https://www.theatlantic.com/politics/archive/2023/07/jason-aldean-donald-trump/674842/">right of the political spectrum</a> and lauded by Republicans.</p>
<p>Oliver Anthony presents himself as “pretty dead centre on politics.” But that didn’t prevent him from reading verses of the <a href="https://www.youtube.com/watch?v=X6J9AVlI0ZQ">Psalms, evoking God’s enemies</a>, during a recent performance of his hit song. The song’s lyrics fit the ideology of the American libertarian universe well. </p>
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<figcaption><span class="caption">‘Try that in a Small Town’ is clearly on the right of the political spectrum.</span></figcaption>
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<p>As researchers working in the field of political sociology, we are interested in representations of those within nationalist and populist movements. </p>
<h2>Two visions of the “people”</h2>
<p>But before analyzing the songs, let’s recall what populists on both the left and the right have in common.</p>
<p>Each sees the political field as divided between the people (seen as organic, authentic and moral) and elites (which are considered disconnected, strategic, inauthentic and above all, immoral). The left tends to see the people as a <em>demos</em> — the bedrock of democracy — while the right views them as an <em>ethnos</em> or <em>heartland</em> — guardians of the nation’s authenticity. </p>
<p>Right-wing populists see the community as distinct from the state. In their view it is characterized by its high capital of autochthony, of “local people,” as opposed to immigrants or elites. The evocation of the <em>small town</em> in Aldean’s hit is typical of this representation.</p>
<h2>Work valued, work despised</h2>
<p>The American populist right is characterized by its adherence to both the ideologies of producerism and libertarianism. </p>
<p>Producerism is an attachment to a rigorous work ethic in both senses of the word — rigorous in the Protestant sense of a disciplined, vocational and meritorious relationship to work, but also in the valorization of manual and physical labour, or what sociologist Everett Hughes describes as <a href="https://psychology.iresearchnet.com/industrial-organizational-psychology/recruitment/dirty-work/">“dirty work.”</a></p>
<p>Recent research on the social identity of “dirty” occupations explains how its artisans reconstruct their self-perception in order to create a <a href="https://www.jstor.org/stable/259134">positive image</a>. From this perspective, Anthony’s evocation of the situation of miners activates solidarity among the people who do this kind of work. In this way, they reconfigure their identity by responding to the contempt in which their occupation is held. </p>
<p>Finally, assiduous religious practice is often associated with adherence to a populist conception of politics. In <a href="https://global.oup.com/academic/product/the-flag-and-the-cross-9780197618684?cc=us&lang=en&"><em>The Flag and the Cross</em></a>, sociologists Philip S. Gorsky and Samuel L. Perry demonstrate that white people who identify as evangelical Christians are much more likely to adhere to Christian and white nationalism than are non-believers. </p>
<h2>A class discourse with a libertarian dimension</h2>
<p>However, what sets Anthony’s song apart from the usual populist right-wing discourse is that it formulates a class opposition based on socioeconomic income. This goes further than the vague evocation of an opposition between common people and elites. And this explains why the song also appeals to some on the left. </p>
<p>Yet there’s nothing specifically “left-wing” about the moral denunciation of the rich. Above all, it has deep roots in the Christian tradition. </p>
<p>Conversely, for the social-democratic tradition, it’s not the fact of being rich that’s evil in itself, but rather the absence of labour law, of freedom of association and of mechanisms and institutions that ensure redistributive justice. </p>
<p>So, as singer Billy Bragg points out in a song responding to <a href="https://genius.com/Billy-bragg-rich-men-earning-north-of-a-million-lyrics">Anthony’s hit</a>, unions are conspicuously absent in Anthony’s worldview, as they are in that of libertarians. </p>
<p>To counter the very real difficulties brought about by the transformation of the working world, contemporary social democrats suggest establishing major continuing education programs and investing in adult education. This type of occupational retraining will attenuate the anxiety generated by the “New World” Anthony evokes in his song. </p>
<h2>Inflation and ‘peripheral regions’</h2>
<p>On the right, several factors explain the success of Anthony’s anthem.</p>
<p>Firstly, there’s the widespread perception that the left has abandoned the blue-collar workers to whom <em>Rich Men</em> is de facto addressed. Part of this segment of the population feels scorned by “elites” who monopolize symbolic, educational and cultural capital. The fact that they are considered privileged on the basis of their “race” and their “gender,” according to some rather mechanical analyses, does little to help us understand the stigma these workers actually face, nor the social issues confronting post-industrial regions. </p>
<p>This first dynamic is amplified by what is also perceived as a lack of understanding of the day-to-day reality of people who live far from major urban centres.</p>
<p>Inhabitants of the rural areas <a href="https://www.tandfonline.com/doi/full/10.1080/10371656.2019.1645429?needAccess=true">tend not to feel represented</a> by elected representatives and the media. Even if this dynamic persists year after year, it is rare for the left to question the importance of including the point of view of rural inhabitants within “good” diversity. </p>
<p>On the other hand, inflationary times favour the spread of libertarian “solutions.” When citizens see their purchasing power melt away and the price of their mortgage soar, they are faced with difficult choices, or even seeing their life project at risk. If they don’t see the positive impact of the taxes they pay, they are likely to see the social state and redistributive justice as mechanisms that don’t work for them. </p>
<h2>Polarization benefits populists</h2>
<p>There is no magic bullet to stop the rise of the populist right. But there are some sociological lessons to be learned about polarization.</p>
<p>The social identity of groups is largely constructed through framing, rituals and interactions. To defuse the polarization that feeds the populist right, its opponents must stop appealing to them as a <a href="https://www.washingtonpost.com/lifestyle/2021/08/31/deplorables-basket-hillary-clinton/">“basket of deplorables,”</a> to cite Hilary Clinton’s elitist phrase. Opponents of the populist right must also stop pathologizing them, as is often the case in psychological approaches to political radicalization. Rather than defusing the framing and polarization that benefit populist politicians, these approaches reinforce them.</p>
<p>The main effect of excluding groups from participating in legitimate political interactions is to reinforce their solidarity. Mocking their rituals has the same effect. A legal framework must prevent incitement to violence and defamation and protect the right to one’s reputation and privacy. Ultimately, however, allowing participation can enable members of groups to reframe their discourse. It can also bring about changes that defuse or alter the social identity of people who identify with the groups. </p>
<p>Members of the populist right are generally able to supply cognitive or moral reasons to justify their actions. No one is obliged to share them, nor to find them “good.” However, we must seek to understand them, and to reconstruct the perceptions of justice and injustice that they fuel, or on which they are based. It’s an avenue as unpopular as it is difficult, but the alternatives are not clear.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/212514/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Although its content is essentially libertarian, the No. 1 song of the summer in the U.S. resonates with both some Democratic supporters and those on the Trumpist right.Frédérick Guillaume Dufour, Professeur en sociologie politique, Université du Québec à Montréal (UQAM)Alexis Harton, Étudiant à la maîtrise en sociologie, Université du Québec à Montréal (UQAM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2118632023-08-24T14:10:13Z2023-08-24T14:10:13ZComment décrypter « Rich Men North of Richmond », le succès de l’été aux États-Unis, récupéré tant par la droite populiste que par la gauche<p>Cet été, deux chanteurs country américains sortis d’un peu nulle part, Jason Aldean et Oliver Anthony, ont produit des hits inattendus. Dans les deux cas, leurs chansons ont été <a href="https://www.washingtonpost.com/opinions/2023/08/17/rich-men-north-of-richmond-song/">récupérés politiquement</a>. </p>
<p>« Rich Men North of Richmond », de Oliver Anthony, qui est apparu sur YouTube il y a seulement deux semaines, <a href="https://www.nytimes.com/2023/08/21/arts/music/rich-men-north-of-richmond-billboard-chart.html?smtyp=cur&smid=tw-nytimes">est la chanson numéro un aux États-Unis cette semaine</a>, surpassant la très populaire Taylor Swift ! </p>
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<figcaption><span class="caption">« Rich Men North of Richmond » est la chanson numéro un du billboard américain.</span></figcaption>
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<p>Sur le plan sociologique, bien que son contenu soit essentiellement libertarien, elle <a href="https://www.bbc.com/culture/article/20230818-rich-men-north-of-richmond-the-hit-song-that-has-divided-the-us">brouille les cartes</a> entre la gauche et la droite populiste américaines. La chanson est en effet célébrée tant par l’aile trumpiste du Parti républicain que par certains démocrates. De son côté, le chanteur de « Try that in a Small Town », Jason Aldean, est un supporter de Trump avoué. Son hit est clairement à <a href="https://www.theatlantic.com/politics/archive/2023/07/jason-aldean-donald-trump/674842/">droite du spectre politique</a> et encensé par les Républicains.</p>
<p>Anthony se présente plutôt comme « pretty dead center on politics ». Cela ne l’empêche pas de lire des versets des <a href="https://www.youtube.com/watch?v=X6J9AVlI0ZQ">Psaume évoquant les ennemis de Dieu</a> avant une interprétation récente de son hit. Et son contenu s’inscrit bien dans l’univers libertarien états-unien, comme nous le verrons. </p>
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<figcaption><span class="caption">« Try that in a Small Town » est clairement à droite du spectre politique..</span></figcaption>
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<p>En tant que chercheurs oeuvrant dans le domaine de la sociologie politique, nous nous intéressons aux représentations sociales portées par les acteurs sociaux notamment au sein des mouvements nationalistes et populistes. </p>
<h2>Deux visions du « peuple »</h2>
<p>Avant d’entrer dans l’analyse de la chanson, rappelons ce que les populistes de gauche et de droite ont en commun.</p>
<p>Les deux conçoivent le champ politique comme divisé entre un peuple, considéré comme organique, authentique et moral, et des élites, déconnectées, stratégiques, inauthentiques et surtout immorales. La gauche tend à voir le peuple comme un demos, le socle de la démocratie, et la droite comme un ethnos ou un <em>heartland</em>, gardien de l’authenticité de la nation. </p>
<p>Les populistes de droite conçoivent la communauté comme distincte de l’État. Elle est caractérisée par son capital élevé d’autochtonie, de « gens de la place », opposé à celui des immigrants ou des élites. L’évocation de la <em>small town</em> dans le hit de Aldean est typique de cette représentation.</p>
<h2>Travail valorisé, travail méprisé</h2>
<p>La droite populiste américaine se caractérise par son adhésion au producérisme et au libertarianisme. </p>
<p>Le producérisme est un attachement à une éthique du travail rigoureuse dans les deux sens du terme. Rigoureuse au sens protestant d’une relation disciplinée, vocationnelle et méritoire au travail, et dans la valorisation du travail manuel et physique, ce que le sociologue Everett Hughes qualifiait de <a href="https://psychology.iresearchnet.com/industrial-organizational-psychology/recruitment/dirty-work/">« travail sale »</a>. </p>
<p>La littérature récente sur l’identité sociale des occupations « sales » explique comment ses artisans reconstruisent leur perception de soi afin de s’en créer une <a href="https://www.jstor.org/stable/259134">image positive</a>. Ainsi, l’évocation de la situation des mineurs par Anthony active la solidarité au sein des gens qui font ce genre de travail. Ils reconfigurent ainsi leur identité en répondant au mépris dont leur occupation est l’objet. </p>
<p>Par ailleurs, l’évocation dans « Rich Men » du tourisme sexuel des élites en quête de « mineurs sur une île quelque part » fait écho au cadrage de celles-ci comme nécessairement « immorales », voire aux conspirations entourant la soi-disant <a href="https://www.theguardian.com/commentisfree/2020/sep/20/qanon-conspiracy-child-abuse-truth-trump">pédophilie des élites</a> diffusée par les <a href="https://www.tvanouvelles.ca/2023/04/17/la-pedocriminalite-une-realite-deformee-et-instrumentalisee-par-le-complotisme">disciples de Qanon</a>. </p>
<p>Enfin, la pratique religieuse assidue est souvent associée à l’adhésion à une conception populiste du politique. Dans <a href="https://global.oup.com/academic/product/the-flag-and-the-cross-9780197618684?cc=us&lang=en&"><em>The Flag and the Cross</em></a>, les sociologues Philip S. Gorsky et Samuel L. Perry démontrent que parmi les « blancs », ceux qui déclarent avoir une importante pratique chrétienne évangélique sont beaucoup plus susceptibles d’adhérer au nationalisme chrétien et blanc, que les non-croyants. </p>
<h2>Un discours de classe à dimension libertarienne</h2>
<p>Ce qui démarque la chanson de Anthony des discours de droite populiste habituels est qu’elle formule une opposition de classe basée sur le revenu socioéconomique. Ceci va plus loin que l’évocation vague d’une opposition entre un peuple et une élite ou un système. Ceci explique que la chanson ait pu interpeller une partie de la gauche. </p>
<p>La dénonciation morale des riches n’a cependant rien de spécifiquement « de gauche ». Elle a surtout de profondes assises dans la tradition chrétienne. </p>
<p>Inversement, pour la tradition sociale-démocrate, ce n’est pas le fait d’être riche qui est mal en soi, c’est plutôt l’absence d’un droit du travail, d’une liberté d’association et de mécanismes et d’institutions de justices redistributives. </p>
<p>Ainsi, comme le souligne le chanteur Billy Bragg, dans une <a href="https://genius.com/Billy-bragg-rich-men-earning-north-of-a-million-lyrics">chanson en réponse au hit</a> de Anthony, les syndicats brillent par leur absence dans sa vision du monde, comme dans celle des libertariens. </p>
<p>Pour contrer les difficultés bien réelles amenées par la transformation du monde du travail, les sociaux-démocrates contemporains suggèrent que d’importants programmes de formation continue et l’investissement dans l’éducation aux adultes peuvent favoriser la reconversion occupationnelle angoissante du « New World » évoquée par Anthony. </p>
<h2>Inflation et « régions périphériques »</h2>
<p>Plusieurs facteurs expliquent le succès à droite de l’hymne de Oliver Anthony.</p>
<p>D’abord, il y a la perception répandue selon laquelle la gauche a abandonné les cols bleus à qui s’adresse, de fait « Rich men ». Une partie de cette composante de la population se sent méprisée par des « élites » qui monopolisent le capital symbolique, éducationnel et culturel. Le fait qu’ils soient considérés comme privilégiés en fonction de leur « race » et de leur « sexe », selon certaines analyses un peu mécaniques, ne permet guère de comprendre les stigmates auxquels ces travailleurs sont réellement confrontés ni les enjeux sociaux auxquels sont confrontées les régions postindustrielles. </p>
<p>Cette première dynamique est amplifiée par ce qui est également perçu comme une incompréhension de la réalité quotidienne des gens éloignés des grands centres urbains. Les habitants des « régions » ont plus souvent <a href="https://www.tandfonline.com/doi/full/10.1080/10371656.2019.1645429?needAccess=true">tendance à ne pas se sentir représentés</a> par les élus et les médias. Même si cette dynamique persiste année après année, il est rare que la gauche se questionne sur l’importance d’inclure le point de vue de ces habitants au sein de la « bonne » diversité. </p>
<p>Par ailleurs, les contextes inflationnistes favorisent la diffusion des « solutions » libertariennes. Lorsque les citoyens voient leur pouvoir d’achat fondre et le prix de leur hypothèque s’envoler, ils sont confrontés à des choix difficiles, sinon à la survie de leur projet de vie. S’ils ne voient pas les retombées positives des taxes qu’ils paient, ils sont susceptibles de voir l’État social et la justice redistributive comme des mécanismes qui ne fonctionnent pas pour eux. </p>
<h2>La polarisation profite aux populistes</h2>
<p>Il n’y a pas de solution miracle contre la montée de la droite populiste. On peut cependant rappeler certaines leçons sociologiques sur les polarisations.</p>
<p>L’identité sociale des groupes se construit en grande partie à travers des cadrages, des rituels et des interactions. Pour désamorcer la polarisation qui nourrit la droite populiste, ses opposants doivent cesser de les interpeller comme des <a href="https://www.washingtonpost.com/lifestyle/2021/08/31/deplorables-basket-hillary-clinton/">« paniers d’êtres déplorables »</a>, pour reprendre l’expression élitiste de Hilary Clinton. Elle doit aussi cesser de les pathologiser, comme c’est souvent le cas dans les approches psychologiques de la radicalisation politique. Plutôt que les désamorcer, ces interpellations renforcent le cadrage et la polarisation qui profitent aux politiciens populistes.</p>
<p>Exclure des groupes de la participation à des interactions politiques légitimes a principalement pour effet de renforcer leur solidarité, tout comme se moquer de ses rituels. Un cadre légal doit empêcher l’incitation à la violence, la diffamation et protéger le droit à la réputation et à la vie privée. Mais les rencontres permettent ultimement des recadrages, ou des changements qui désamorcent ou font évoluer l’identité sociale des personnes qui s’identifient à des groupes. </p>
<p>Celles-ci sont généralement en mesure d’évoquer des raisons, cognitives ou morales, pour justifier leurs actions. Personne n’est obligé de les partager ni de les trouver ‘bonnes’. Il faut cependant chercher à les comprendre et à reconstruire les conceptions de la justice et de l’injustice qu’elles alimentent ou sur lesquelles elles reposent. C’est une avenue aussi impopulaire que difficile, mais les alternatives ne sont pas évidentes.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/211863/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Bien que son contenu soit essentiellement libertarien, la chanson numéro un de l’été aux États-Unis trouve écho tant chez certains partisans démocrates qu’avec ceux de la droite trumpiste.Frédérick Guillaume Dufour, Professeur en sociologie politique, Université du Québec à Montréal (UQAM)Alexis Harton, Étudiant à la maîtrise en sociologie, Université du Québec à Montréal (UQAM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2115692023-08-16T14:18:13Z2023-08-16T14:18:13ZAfghanistan : la guerre des talibans contre les femmes est un apartheid des genres<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/542622/original/file-20230807-23-aa6m4j.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C4992%2C3300&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Un combattant taliban monte la garde pendant que des femmes attendent de recevoir des rations alimentaires distribuées par un groupe d’aide humanitaire, à Kaboul, en Afghanistan, en mai 2023.</span> <span class="attribution"><span class="source">(AP Photo/Ebrahim Noroozi, File)</span></span></figcaption></figure><p>Le <a href="https://www.pbs.org/newshour/world/afghanistan-marks-1-year-anniversary-of-taliban-takeover">deuxième anniversaire de la prise de pouvoir des talibans en Afghanistan</a> approche à grands pas. Depuis lors, les femmes afghanes sont <a href="https://www.hrw.org/news/2022/01/18/afghanistan-taliban-deprive-women-livelihoods-identity">privées des droits de la personne les plus fondamentaux</a> dans ce qui ne peut être décrit que comme un apartheid de genre. </p>
<p>Ce n’est qu’en qualifiant la situation en Afghanistan de crime contre l’humanité que la communauté internationale pourra légalement lutter contre la discrimination systématique dont sont victimes les femmes et les jeunes filles de ce pays.</p>
<p>L’éradication des femmes de la sphère publique est au cœur de l’idéologie talibane. Les institutions de défense des droits de la femme en Afghanistan, notamment le ministère des Affaires féminines, ont été démantelées, tandis qu’on rétablissait le redoutable <a href="https://www.bbc.com/news/world-asia-58600231">ministère pour la Promotion de la vertu et la Répression du vice</a>. </p>
<p>La Commission indépendante des droits de la personne en Afghanistan a été dissoute et la constitution de 2004 abrogée ; la législation garantissant l’égalité entre les hommes et les femmes <a href="https://hrlr.law.columbia.edu/files/2022/12/Bennoune-Finalized-12.09.22.pdf#page=9">a quant à elle été invalidée</a>. </p>
<p><a href="https://www.amnesty.org/en/latest/research/2022/07/women-and-girls-under-taliban-rule-afghanistan/">Aujourd’hui, les femmes afghanes</a> n’ont pas accès à l’enseignement supérieur, elles ne peuvent pas quitter la maison sans un chaperon masculin, elles ne peuvent pas travailler, sauf dans le secteur de la santé et dans certaines entreprises privées ; les <a href="https://www.nytimes.com/2023/07/25/world/asia/taliban-beauty-salons-afghanistan.html">parcs, les salles de sport et les salons de beauté leur sont interdits</a>.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Un salon de beauté fermé" src="https://images.theconversation.com/files/541722/original/file-20230808-17-u58pge.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/541722/original/file-20230808-17-u58pge.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/541722/original/file-20230808-17-u58pge.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/541722/original/file-20230808-17-u58pge.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/541722/original/file-20230808-17-u58pge.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/541722/original/file-20230808-17-u58pge.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/541722/original/file-20230808-17-u58pge.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Vue panoramique d’un salon de beauté fermé dans la ville de Kaboul, en Afghanistan, en juillet 2023. Les talibans ont fermé tous les salons de beauté en Afghanistan.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(AP Photo/Siddiqullah Khan)</span></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Femmes ciblées</h2>
<p>Sur les quelque 80 décrets promulgués par les talibans, 54 <a href="https://feminist.org/our-work/afghan-women-and-girls/taliban-edicts/">ciblent particulièrement les femmes</a>, restreignant gravement leurs droits <a href="https://www.princeton.edu/events/2023/afghanistan-under-taliban-state-gender-apartheid">et violant</a> les obligations internationales de l’Afghanistan ainsi que ses lois constitutionnelles et nationales antérieures. </p>
<p>Les talibans <a href="https://www.washingtonpost.com/opinions/2023/02/19/afghan-women-suffer-under-taliban/">ne semblent pas inquiétés</a>, continuant là où ils s’étaient arrêtés il y a 20 ans, lorsqu’ils ont pris le pouvoir pour la première fois. Les résultats de leurs ambitions sont presque apocalyptiques. </p>
<p>L’Afghanistan est confronté à l’une des <a href="https://www.hrw.org/news/2023/05/15/hard-choices-afghanistans-humanitarian-crisis#:%7E:text=Afghanistan%20a%20largement%20disparu%20de,les%20filles%20restent%20les%20plus%%C3%A0%risque.">pires crises humanitaires du monde</a>. Environ <a href="https://www.rescue.org/article/afghanistan-entire-population-pushed-poverty">19 millions</a> de personnes souffrent d’insécurité alimentaire aiguë, tandis que plus de <a href="https://www.hrw.org/news/2022/08/04/afghanistan-economic-crisis-underlies-mass-hunger">90 %</a> des Afghans la ressentent sous une forme ou une autre, les <a href="https://reliefweb.int/report/afghanistan/wfp-afghanistan-situation-report-18-january-2023">ménages dont le chef de famille est une femme et les enfants</a> étant les plus touchés. </p>
<p>La violence fondée sur le genre a augmenté de façon exponentielle, avec à la clef une impunité pour les auteurs et un manque de soutien pour les victimes, tandis que les minorités ethniques, religieuses et sexuelles subissent une <a href="https://reliefweb.int/report/afghanistan/situation-human-rights-afghanistan-report-special-rapporteur-situation-human-rights-afghanistan-richard-bennett-ahrc5284-advance-edited-version">persécution acharnée</a>. </p>
<p>Cette triste réalité souligne la nécessité urgente d’aborder la <a href="https://spia.princeton.edu/sites/default/files/2023-02/SPIA_NaheedRangita_PolicyBrief_07.pdf#page=3">manière dont les préjudices civils, politiques, socio-économiques et fondés sur le genre</a> sont interconnectés.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Une femme portant un niqab bleu nourrit un bébé au biberon. Un autre bébé s’agite en arrière-plan" src="https://images.theconversation.com/files/541521/original/file-20230807-25161-ue4ret.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/541521/original/file-20230807-25161-ue4ret.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/541521/original/file-20230807-25161-ue4ret.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/541521/original/file-20230807-25161-ue4ret.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/541521/original/file-20230807-25161-ue4ret.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/541521/original/file-20230807-25161-ue4ret.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/541521/original/file-20230807-25161-ue4ret.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Des mères et des bébés souffrant de malnutrition attendent de recevoir de l’aide et des examens dans une clinique humanitaire internationale à Kaboul, en Afghanistan, en janvier 2023.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(AP Photo/Ebrahim Noroozi)</span></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Crime de droit international</h2>
<p>Karima Bennoune, universitaire algérienne et américaine spécialisée dans le droit international, a préconisé de reconnaître l’apartheid de genre comme un <a href="https://hrlr.law.columbia.edu/hrlr/the-international-obligation-to-counter-gender-apartheid-in-afghanistan/">crime au regard du droit international</a>. Cette reconnaissance découlerait des engagements juridiques internationaux des États en matière d’égalité des sexes et du <a href="https://www.un.org/sustainabledevelopment/fr/gender-equality/">cinquième objectif de développement durable des Nations unies</a> visant à atteindre l’égalité des sexes à l’échelle mondiale d’ici 2030. </p>
<p>La criminalisation de l’apartheid de genre fournirait à la communauté internationale un cadre juridique puissant pour répondre efficacement aux abus des talibans. Si les <a href="https://www.un.org/sg/en/content/sg/statement/2023-01-12/the-secretary-generals-remarks-the-security-council-the-promotion-and-strengthening-of-the-rule-of-law-the-maintenance-of-international-peace-and-security-the-rule-of">Nations unies ont déjà qualifié la situation en Afghanistan d’apartheid de genre</a>, ce terme n’est actuellement pas reconnu par le <a href="https://www.ohchr.org/en/instruments-mechanisms/instruments/rome-statute-international-criminal-court">Statut de Rome de la Cour pénale internationale</a> comme faisant partie des pires crimes internationaux.</p>
<p>Lors de la présentation de son rapport au Conseil des droits de la personne des Nations unies, <a href="https://news.un.org/en/story/2023/06/1137847">Richard Bennett</a> – le rapporteur spécial de l’ONU sur la situation des droits de la personne en Afghanistan – a déclaré :</p>
<blockquote>
<p>Une discrimination grave, systématique et institutionnalisée à l’encontre des femmes et des filles est au cœur de l’idéologie et du pouvoir des talibans, ce qui fait craindre qu’ils ne soient responsables d’un apartheid fondé sur le genre. </p>
</blockquote>
<p>La criminalisation de l’apartheid de genre à l’échelle mondiale permettrait à la communauté internationale de s’acquitter de son obligation de réagir efficacement et de tenter de l’éradiquer définitivement. Elle fournirait les outils juridiques nécessaires pour garantir le respect des engagements internationaux en matière de droits des femmes dans tous les aspects de la vie.</p>
<p><a href="https://www.arabnews.com/node/2324266/world">Shaharzad Akbar</a>, directrice du <a href="https://rawadari.org/">groupe Rawadari pour la défense des droits de la personne</a> et ancienne présidente de la Commission indépendante des droits de la personne en Afghanistan, a exhorté le Conseil des droits de la personne à reconnaître que la situation en Afghanistan en est une d’apartheid fondé sur le genre.</p>
<p>Elle souligne que « les talibans ont transformé l’Afghanistan en un véritable cimetière des ambitions, des rêves et du potentiel des femmes et des jeunes filles afghanes ». </p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1411815986798473222"}"></div></p>
<h2>Soutien de l’Afrique du Sud</h2>
<p>Un certain nombre de défenseurs afghans des droits des femmes ont également demandé <a href="https://www.ohchr.org/fr/news/2023/06/human-rights-council-opens-fifty-third-session-hears-presentation-annual-report-high">l’inclusion de l’apartheid de genre dans le projet de convention des Nations unies sur les crimes contre l’humanité</a>. </p>
<p>Plus remarquable encore, <a href="https://ishr.ch/latest-updates/hrc53-un-experts-open-council-session-with-dedicated-discussion-on-the-situation-of-women-girls-in-afghanistan/">Bronwen Levy</a>, représentante de l’Afrique du Sud au Conseil de sécurité, a exhorté la communauté internationale à « prendre des mesures contre ce que le rapport (de M. Bennett) décrit comme un apartheid de genre, tout comme elle l’a fait pour soutenir la lutte de l’Afrique du Sud contre l’apartheid racial ». </p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1671121452731359232"}"></div></p>
<p>Ailleurs, la <a href="https://www.europarl.europa.eu/delegations/en/joint-statement-of-2-february-2023-women/product-details/20230203DPU35201">présidente de la Commission des droits de la femme et de l’égalité des genres du Parlement européen, ainsi que le chef de sa délégation pour les relations avec l’Afghanistan</a>, ont qualifié la situation de l’Afghanistan d’« inacceptable » et représentant un apartheid de genre.</p>
<p>Chaque fois qu’un système d’apartheid apparaît, c’est un échec de la communauté internationale. Le contexte afghan doit l’obliger à répondre efficacement à la persécution des femmes. </p>
<p>Reconnaître que le régime taliban est un apartheid de genre n’est pas seulement crucial pour les Afghans, il l’est tout autant pour la <a href="https://hrlr.law.columbia.edu/files/2022/12/Bennoune-Finalized-12.09.22.pdf#page=11">crédibilité de l’ensemble du système des Nations unies</a>. Comme l’a fait remarquer au Conseil de sécurité la militante afghane des droits de la personne <a href="https://press.un.org/en/2023/sc15222.doc.htm">Zubaida Akbar</a> :</p>
<blockquote>
<p>Si vous ne défendez pas les droits des femmes ici, vous n’avez aucune crédibilité pour le faire ailleurs. </p>
</blockquote>
<p>Les deux années atroces des talibans depuis leur arrivée au pouvoir en Afghanistan nous ont appris que les initiatives classiques en matière de droits de la personne, bien que primordiales, ne suffisent pas à lutter contre l’apartheid de genre. Le monde a besoin d’une action collective internationale inflexible pour mettre fin à la guerre contre les femmes. Pas dans deux mois. Pas dans deux ans. Maintenant.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/211569/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Vrinda Narain est membre du conseil d'administration de Women Living Under Muslim Laws (WLUML), un réseau transnational de recherche et de solidarité.</span></em></p>Les deux années de règne des talibans en Afghanistan nous ont appris que les initiatives classiques en matière de droits de la personne ne suffisent pas à lutter contre l’apartheid de genre.Vrinda Narain, Associate Professor, Faculty of Law, Centre for Human Rights and Legal Pluralism, McGill UniversityLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2113012023-08-09T15:00:32Z2023-08-09T15:00:32ZLa réconciliation avec les peuples autochtones doit aussi passer par la protection des plantes boréales<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/541956/original/file-20220902-19-pnlr93.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C4594%2C3456&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le thé du Labrador est l'une des plantes boréales considérées comme nuisible. Cette plante est importante pour les communautés autochtones en raison de ses propriétés curatives.</span> <span class="attribution"><span class="source">(J. Baker)</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span></figcaption></figure><p>Le thé du Labrador, l’épilobe, le cerisier de Virginie et le framboisier comptent parmi les plantes de la forêt boréale considérées comme des <a href="https://weedscience.ca/biology-of-canadian-weeds/">« mauvaises herbes »</a> par la Société canadienne de malherbologie. Ces plantes sont traitées aux herbicides par les entreprises d’exploitation forestière dans l’ensemble de la forêt boréale canadienne.</p>
<hr>
<figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/523895/original/file-20230502-16-gbwpsg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/523895/original/file-20230502-16-gbwpsg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/523895/original/file-20230502-16-gbwpsg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/523895/original/file-20230502-16-gbwpsg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/523895/original/file-20230502-16-gbwpsg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/523895/original/file-20230502-16-gbwpsg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/523895/original/file-20230502-16-gbwpsg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption"></span>
</figcaption>
</figure>
<p><strong>Cet article fait partie de notre série <a href="https://theconversation.com/ca-fr/topics/foret-boreale-138017">Forêt boréale : mille secrets, mille dangers</a></strong></p>
<p><br><em>La Conversation vous propose une promenade au cœur de la forêt boréale. Nos experts se penchent sur les enjeux d’aménagement et de développement durable, les perturbations naturelles, l’écologie de la faune terrestre et des écosystèmes aquatiques, l’agriculture nordique et l’importance culturelle et économique de la forêt boréale pour les peuples autochtones. Nous vous souhaitons une agréable – et instructive – balade en forêt !</em></p>
<hr>
<p>Cependant, ces espèces de plantes boréales sont des plantes traditionnelles importantes pour de nombreuses communautés autochtones au Canada et dans le monde entier. Outre leur <a href="https://www.fao.org/3/ai215e/ai215e.pdf">utilisation alimentaire</a>, ces plantes indigènes traditionnelles ont une énorme importance <a href="https://doi.org/10.1186/1746-4269-8-7">médicinale, culturelle et matérielle</a>.</p>
<p>Ces espèces végétales ont prospéré avant l’arrivée des Européens et sont respectées et entretenues par les communautés autochtones, ce qui contribue à accroître la <a href="https://www.cbd.int/portals/culturaldiversity/docs/north-american-regional-declaration-on-biocultural-diversity-en.pdf">diversité bioculturelle</a>.</p>
<p>En tant qu’anthropologue de la culture et de l’environnement, je travaille depuis 2006 pour et avec les communautés des Premières Nations dans la forêt boréale albertaine. Dans l’article que j’ai récemment publié, je révèle comment l’appropriation indue de ces plantes sur les territoires traditionnels est <a href="https://doi.org/10.1215/22011919-9712467">fondée sur un préjugé colonial quant à la valeur économique des plantes</a>.</p>
<h2>La forêt boréale est menacée</h2>
<p>Au cours des dernières décennies, les plantes boréales ont été soumises à de nombreuses menaces, notamment des tentatives d’extraction à des fins commerciales ou <a href="https://hdl.handle.net/10214/27311">d’éradication à l’aide d’herbicides</a>.</p>
<p>Le problème réside dans ce que l’on appelle le <a href="https://open.alberta.ca/publications/timber-harvest-planning-and-ogr-2023">« bois d’œuvre »</a>, en comparaison à l’abondance des plantes de la forêt boréale qui couvrent le sol sous les arbres.</p>
<p>Lorsque les agences gouvernementales et les entreprises d’exploitation forestière respectent leur <a href="https://www.alberta.ca/indigenous-consultations-in-alberta.aspx">obligation de consulter les Premières Nations</a>, elles ont tendance à ignorer les préoccupations exprimées au sujet de la destruction des plantes traditionnelles qui poussent en abondance.</p>
<p>Par exemple, les peupliers baumiers et peupliers faux-trembles, les bouleaux, le thé du Labrador, les bleuets et la menthe sauvage sont des plantes qui poussent en abondance dans la forêt boréale et qui ont une grande importance culturelle.</p>
<p>Au cours du processus de consultation, lorsqu’un aîné ou un membre de la communauté identifie les plantes à protéger, les représentants des entreprises forestières répondent souvent que ces plantes poussent abondamment dans toute la forêt et que leur destruction n’a donc <a href="https://doi.org/10.1016/j.exis.2017.12.008">aucune incidence significative</a> sur les droits inhérents protégés par le traité.</p>
<p>Cette décision externe peut compromettre l’accès des membres des Premières Nations à leur territoire ancestral.</p>
<p>La perte d’accès à des plantes qui peuvent paraître abondantes est exacerbée par l’utilisation de <a href="https://open.alberta.ca/dataset/2008d812-65eb-4608-9c00-54999149c2a1/resource/2a40a300-d391-4440-b870-e3b632588e92/download/af-forest-management-herbicide-reference-manual-2021-01.pdf">l’herbicide glyphosate lors du reboisement</a>, ainsi que par la présence de pipelines et de lignes électriques le long des routes.</p>
<p>Les plantes à forte valeur nutritionnelle et médicinale, comme le thé du Labrador, sont éliminées afin qu’elles n’interfèrent pas avec les pratiques de reboisement en monoculture axées sur le bois d’œuvre. Cette pratique témoigne d’un intérêt commercial marqué, au détriment d’une <a href="https://mothertreeproject.org/mother-tree-experiment/">forêt saine et diversifiée</a>.</p>
<hr>
<p>
<em>
<strong>
À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/plantes-de-la-foret-boreale-de-la-medecine-traditionnelle-autochtone-a-la-medecine-moderne-200154">Plantes de la forêt boréale : de la médecine traditionnelle autochtone à la médecine moderne</a>
</strong>
</em>
</p>
<hr>
<h2>La destruction de la forêt boréale a un impact sur les communautés autochtones</h2>
<p>Lorsque les communautés perdent leurs territoires de cueillette, elles doivent se tourner vers des zones plus vastes. Ce compromis implique de demander l’accès aux terres d’autres communautés, en plus de risquer de récolter des plantes contaminées par des composés organiques volatils, des métaux lourds ou des herbicides.</p>
<p>Des recherches menées dans la forêt boréale ont révélé que le <a href="https://doi.org/10.1016/j.foreco.2021.119259">glyphosate persiste dans les tissus végétaux pendant au moins une décennie</a>. Les communautés avec lesquelles je collabore dans le cadre de mes recherches demeurent très préoccupées par l’utilisation d’herbicides sur leur territoire, et ce à juste titre.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/541815/original/file-20230808-17-jgodur.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="rangées de feuilles séchant sur une surface plane" src="https://images.theconversation.com/files/541815/original/file-20230808-17-jgodur.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/541815/original/file-20230808-17-jgodur.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/541815/original/file-20230808-17-jgodur.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/541815/original/file-20230808-17-jgodur.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/541815/original/file-20230808-17-jgodur.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/541815/original/file-20230808-17-jgodur.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/541815/original/file-20230808-17-jgodur.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">De la menthe sauvage de la forêt boréale - utilisée comme aliment et comme médicament - qui est en train de sécher.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(J. Baker)</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Les aînés des communautés des Premières Nations sont également préoccupés par les effets de la bioaccumulation, c’est-à-dire l’accumulation progressive de substances telles que les pesticides ou d’autres produits chimiques dans la chaîne alimentaire. Ces préoccupations sont fondées sur leurs systèmes de droit naturel, leurs traditions orales et leur <a href="https://doi.org/10.1080/00141844.2020.1765829">respect et réciprocité dans leur lien à la forêt</a>.</p>
<h2>La réconciliation passe aussi par les plantes</h2>
<p>Alors que le Canada tente de se réconcilier avec les communautés autochtones par l’intermédiaire de la <a href="https://www2.gov.bc.ca/assets/gov/british-columbians-our-governments/indigenous-people/aboriginal-peoples-documents/calls_to_action_english2.pdf">Commission de vérité et de réconciliation du Canada</a>, la reconnaissance des espèces végétales ayant une valeur traditionnelle est essentielle.</p>
<p>Les appels à l’action pour l’amélioration de l’éducation portant sur les peuples autochtones, des programmes pour la jeunesse, de la langue et de la culture, et des soins de santé sont directement liés à la participation à des activités axées sur le territoire. Les espèces végétales doivent être présentes pour que de telles activités soient possibles.</p>
<p>La disponibilité de ces espèces signifie qu’elles doivent être respectées et conservées sur la base des <strong>approches autochtones et du savoir écologique traditionnel</strong>.</p>
<p>Négliger les espèces végétales, dans le contexte des systèmes juridiques naturels autochtones, revient à ignorer l’intendance autochtone, ancestrale et actuelle. Ignorer les espèces indigènes mène à l’appropriation indue et répétée des territoires traditionnels, une plante à la fois.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/211301/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Janelle Marie Baker reçoit des fonds de l'ECCC, de l'Arctic Connections Fund, des IRSC, du CRSH, du CRSNG et de l'Université d'Athabasca.</span></em></p>Certaines espèces de plantes boréales sont considérées – et traitées – comme des mauvaises herbes, impactant l’accès des communautés autochtones à d’importantes ressources médicinales et culturelles.Janelle Marie Baker, Associate professor, Anthropology, Athabasca UniversityLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2074862023-07-31T15:25:36Z2023-07-31T15:25:36ZLa Petite Sirène, une héroïne revendicatrice, indépendante, et complexe<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/538110/original/file-20230718-7745-eyn14g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C3489%2C2321&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Halle Bailey assiste à la Première de La Petite Sirène à Londres, le 15 mai 2023. Le film de Disney présente une héroïne volontaire et indépendante.</span> <span class="attribution"><span class="source">(Loredana Sangiuliano via Shutterstock)</span></span></figcaption></figure><p>À sa sortie en mai, le très attendu <em>remake</em> du film <em>La Petite sirène</em>, dont l’annonce de l’actrice principale avait <a href="https://www.ledevoir.com/culture/cinema/791357/cinema-the-little-mermaid-la-sirene-le-prince-et-le-faux-scandale">suscité la controverse</a>, a été taxé par certains de présenter un modèle de féminité réducteur et <a href="https://torontosun.com/entertainment/celebrity/paloma-faith-slams-the-little-mermaid-not-what-i-want-to-be-teaching-next-gen-women">potentiellement néfaste pour les jeunes filles</a>. </p>
<p>Or, l’analyse des motivations de l’héroïne, de la chanson thème et des représentations de la masculinité dans le film permet de démontrer que la jeune sirène est un personnage plus indépendant qu’il n’y parait. </p>
<p>Doctorante en littérature et arts de la scène et de l’écran, mes recherches se situent à l’intersection des études féministes et audiovisuelles.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/la-servante-ecarlate-ou-lemergence-dun-regard-feminin-dans-les-fictions-audiovisuelles-158284">« La Servante écarlate », ou l’émergence d’un regard féminin dans les fictions audiovisuelles</a>
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<h2>Ariel, anthropologue</h2>
<p>Dans les deux moutures du film, la protagoniste Ariel apparait pour la première fois à l’écran lors d’une scène d’exploration d’épave de navire, que la sirène fouille à la recherche d’artefacts humains. Au péril de sa vie (elle déjoue un requin), elle parvient à récupérer une fourchette qu’elle s’empresse de montrer à une mouette qui prétend (à tort) connaître la société humaine. Il est alors dévoilé que la péripétie de l’épave a fait rater à Ariel un concert organisé par son père Triton auquel elle avait promis de participer. </p>
<p>Les premières minutes du film servent à démontrer qu’Ariel détient une personnalité aventureuse, débrouillarde et indocile et qu’elle n’a que faire des activités protocolaires qui lui sont imposées par son statut de princesse. </p>
<p>Le public découvre ensuite que la jeune fille, fascinée par l’être humain, a aménagé une grotte secrète où elle entrepose une multitude d’objets dont elle tente de comprendre l’utilité. Les scénarios des deux films introduisent ainsi la protagoniste en la définissant par son engouement pour l’exploration et pour l’étude d’une culture étrangère, et ce, bien avant que la sirène ne fasse la rencontre d’un prince. À bien des égards, loin de se résumer à l’<a href="http://www.radio-canada.ca/util/postier/suggerer-go.asp?nID=4956174">héroïne naïve et stupide qui lui est parfois reproché d’être</a>, Ariel est en fait une anthropologue passionnée : la réduire à sa quête amoureuse ne rend pas compte de la complexité de sa personnalité. </p>
<h2><em>Part of Your World</em></h2>
<p>La chanson thème <em>Part of your World</em>, loin d’être une mielleuse déclaration d’amour à un jeune homme, est plutôt l’aveu d’une grande ambition : Ariel voudrait devenir humaine. </p>
<p>Une recension des verbes employés dans la chanson permet de constater la détermination d’Ariel. En plus des nombreuses répétitions du verbe “vouloir” (« Je veux »), les paroles dévoilent son agentivité : elle veut voir, confirmer des hypothèses, explorer, déambuler et dépenser son temps librement. Surtout, la chanson culmine sur une phrase où elle proclame se sentir prête à acquérir de nouvelles connaissances et obtenir de vraies réponses à ses questions.</p>
<p>De plus, plusieurs aspects des paroles sont susceptibles de susciter l’identification du jeune public à la détermination de l’héroïne. En plus des nombreux « tu » employés, les attitudes humaines qui l’émerveillent sont celles des enfants : sauter, danser, éviter de se faire gronder par ses parents. Les enfants peuvent se reconnaître dans ces situations et comprendre qu’Ariel envie leur autonomie. À la fin de la chanson, elle décrit les humaines comme de « brillantes jeunes filles prêtes à se tenir debout ». Ariel dépeint ainsi avec admiration les filles qui écoutent le film et témoigne d’une grande estime pour la ténacité qu’elle leur prête.</p>
<h2>Donner sa voix</h2>
<p>Le principal reproche adressé au conte <em>La Petite sirène</em> est que l’héroïne troque sa voix contre la possibilité de séduire le Prince Éric. La symbolique du sacrifice est indéniablement déplorable, d’autant que le <a href="https://www.washingtonpost.com/news/wonk/wp/2016/01/25/researchers-have-discovered-a-major-problem-with-the-little-mermaid-and-other-disney-movies/">temps de parole accordé aux personnages féminins de Disney</a> demeure très limité. </p>
<p>Toutefois, la perte et le regain de la voix d’Ariel témoignent d’une progression dans le récit. Dans les scènes de la première moitié du film (celles sous la mer où Ariel a sa voix), la sirène n’est pas du tout écoutée par les autres personnages qui monologuent ou lui coupent fréquemment la parole. </p>
<p>La version de 2023 du film montre efficacement qu’une fois sur terre, malgré son mutisme, Ariel et Éric réussissent à converser parce qu’elle est expressive et qu’Éric porte attention de décoder ses réactions. Pour la première fois, Ariel a trouvé quelqu’un qui accepte de répondre à ses interrogations sur le fonctionnement du monde et qui la prend au sérieux. Réciproquement, elle partage avec lui certaines connaissances sur l’océan. </p>
<p>Mais avant de mener le combat final, Ariel reprend sa voix que s’était appropriée Ursula : elle revendique la pleine possession de ses facultés et de son individualité.</p>
<h2>Sensible et attentif Prince Éric</h2>
<p>Dans le film de 1989, Éric est celui dont la quête est principalement amoureuse. Dès sa première apparition à l’écran et à plusieurs reprises, il réitère que son plus grand souhait est de trouver l’amour. Éric s’inscrit ainsi en dehors de certains stéréotypes de la masculinité répudiant la <a href="https://seejane.org/research-informs-empowers/if-he-can-see-it-will-he-be-it/">sentimentalité des hommes</a>.</p>
<p>C’est cette sensibilité qui, par ailleurs, semble éveiller l’intérêt d’Ariel. La première fois qu’elle l’aperçoit, elle constate son empathie puisqu’en plein naufrage, il est le dernier à quitter le bateau, tant il tient à s’assurer que tous (son chien Max inclus) réussissent à rejoindre un canot de sauvetage. Ariel découvre en Éric la bonté dont elle est la seule sirène à croire les humains capables : le jeune homme symbolise qu’une vie sur terre est possible pour elle, puisqu’elle pourrait y côtoyer des semblables.</p>
<p>Dans l’adaptation de 2023, une chanson chantée par Éric a été ajoutée et contribue à subvertir le stéréotype de la jeune fille en détresse. Dans <em>Uncharted Waters</em>, Éric confesse être chamboulé depuis son sauvetage des eaux par une jeune fille qu’il est désespéré de voir reparaître. Les verbes d’action, dans les paroles, sont attribués à Ariel (« Tu m’as trouvé », « Tu m’as secouru », « Viens me chercher »), de sorte qu’Ariel parait toute puissante et lui, offert.</p>
<p>Les rôles s’en trouvent inversés par rapport aux modèles culturels traditionnels qui assignent le <a href="https://seejane.org/research-informs-empowers/see-jane-2019/">masculin à l’actif et le féminin au passif</a>.</p>
<h2>Voir plus loin que la quête amoureuse</h2>
<p>Il convient de rappeler qu’en 1989, <em>La Petite sirène</em> marquait le retour des longs-métrages d’animation Disney après un long hiatus. Les autres princesses de Disney étaient alors Blanche-Neige (1937), Cendrillon (1950) et Aurore (1959), qui incarnaient des modèles féminins de douceur et de modestie en vogue dans les années 40 et 50. Aventurière et têtue, Ariel marquait le début d’une nouvelle ère par rapport à ce que les enfants avaient connu jusque-là. </p>
<p>Le fait de se questionner sur la figure qu’incarne Ariel en 2023 parait assez sain, puisque les modèles féminins forts se font encore <a href="https://realisatrices-equitables.com/wp-content/uploads/2021/11/etude-qui-filme-qui-2021.pdf">très peu nombreux</a> à l’écran et que la recherche atteste de <a href="https://seejane.org/research-informs-empowers/rewrite-her-story/">l’importance pour les enfants</a> d’avoir accès à des personnages de filles débrouillardes et complexes.</p>
<p>Néanmoins, il faut étendre ces exigences à l’ensemble des productions populaires et porter attention à ne pas tourner systématiquement en dérision les goûts des jeunes filles, faute de quoi on risque de nier les ambitions et le vécu complexe de plusieurs héroïnes jeunesse. Certaines analyses rendent compte, par exemple, du fait que réduire Cendrillon à sa quête amoureuse témoigne d’une incompréhension de certains <a href="https://www.youtube.com/watch?v=huLSdm6IH0g&t=7s">enjeux de la violence domestique</a>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/207486/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les recherches d'Anne-Sophie Gravel ont reçu du financements du Conseil de recherches en sciences humaines (CRSH). </span></em></p>L’analyse des motivations de l’héroïne, de la chanson thème et des représentations de la masculinité dans la Petite Sirène permet de démontrer que le personnage est plus indépendant qu’il n’y parait.Anne-Sophie Gravel, Doctorante en littérature et arts de la scène et de l'écran (concentration cinéma), Université LavalLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1980442023-07-24T15:32:01Z2023-07-24T15:32:01ZLes talk-shows qu’on aime : des machines à broyer la dignité ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/537841/original/file-20230717-234969-wnrgek.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C4288%2C2848&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">shutterstock</span> </figcaption></figure><p>Les talk-shows, ces émissions de télévision populaires, ne sont pas qu’une simple forme de divertissement inoffensif où se discutent des enjeux de société. De par leurs choix de production et d’animation, ils peuvent mettre à mal les personnes invitées sur le plateau, particulièrement par leurs diverses techniques d’humiliation. </p>
<p>Dans le milieu de la recherche universitaire sur l’industrie de la culture, de l’information et du divertissement, l’<a href="https://www.semanticscholar.org/paper/Le-syst%C3%A8me-de-la-politesse-confront%C3%A9-aux-d%C3%A9fis-du-%3A-Oprea/47dc20d7d283d8d90d7ca3f3538f8d868ba78b49">étude des talk-shows</a> occupe pourtant une place plutôt modeste, éclairée surtout par la sémiologie (qui est l’étude des signes et de leurs significations), les études en journalisme et les sciences du langage.</p>
<p>Dans de tels contextes, ce genre médiatique paraît inoffensif, ne faisant appel qu’à des stratégies discursives comme l’interview ou le débat dans la perspective d’informer ou de divertir la population tout en exploitant des sujets d’intérêt public.</p>
<p>Placé sous la loupe d’une pragmatique de la communication telle que je la mobilise dans <a href="https://professeurs.uqam.ca/professeur/genest.sylvie/">mes travaux de recherche sur la culture populaire</a>, les talk-shows se présentent toutefois sous des aspects plus inquiétants. Le genre s’illustre, notamment sur le plan éthique, du fait des mesures humiliantes et contraignantes que les hôtes prennent à l’encontre de leurs invités pour en obtenir des révélations inattendues ou compromettantes dans l’expectative de gains en popularité.</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/529838/original/file-20230602-15-7ttqs5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/529838/original/file-20230602-15-7ttqs5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/529838/original/file-20230602-15-7ttqs5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=350&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/529838/original/file-20230602-15-7ttqs5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=350&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/529838/original/file-20230602-15-7ttqs5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=350&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/529838/original/file-20230602-15-7ttqs5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=440&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/529838/original/file-20230602-15-7ttqs5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=440&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/529838/original/file-20230602-15-7ttqs5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=440&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Couverture d’un ouvrage de référence sur les violations de la dignité humaine, édition de 2011.</span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Morales flexibles et égos démesurés</h2>
<p>Vus sous cet angle, les talk-shows deviennent des machines à broyer la dignité humaine, actionnées sciemment par des producteurs à la morale flexible et des animateurs à l’égo démesuré à des fins ludiques, narcissiques ou capitalistes.</p>
<p>Le propos de cet article est de faire apparaître le <a href="https://www.cairn.info/revue-le-journal-des-psychologues-2007-6-page-39.htm">caractère menaçant</a> de l’humiliation en tant qu’acte de pouvoir délibéré, accompli sur des personnes vulnérables ou rendues vulnérables par la présence d’un public, de micros et de caméras.</p>
<p>Les <a href="https://www.cairn.info/revue-le-journal-des-psychologues-2007-6-page-39.htm">conséquences des procédés dégradants de l’humiliation</a> peuvent être dévastatrices pour les victimes : souffrance psychique, perte de confiance en soi, sentiment d’exclusion, désir de disparaître ou de se venger. Pourtant, les gens de l’industrie télévisuelle continuent de les appliquer sous des formes prétendument divertissantes dans une grande quantité de talk-shows, parmi les plus écoutés de la dernière décennie, que ce soit au Canada, en France, en Angleterre ou aux États-Unis. Au Québec, le populaire talk-show <em>Tout le monde en parle</em> nous a fourni, en 2007, l’exemple tragique d’un <a href="https://www.dailymotion.com/video/xalxbg">épisode</a> cruellement vécu par l’écrivaine <a href="https://www.ledevoir.com/opinion/chroniques/331552/nelly-son-corps-ses-livres">Nelly Arcan</a>. Il aurait pu contribuer à son suicide, comme elle l’a sous-entendu dans un texte intitulé <a href="http://www.nellyarcan.com/pages/la-honte.php">« La honte »</a>.</p>
<p>Dans la remarquable abondance des <a href="https://www.voici.fr/news-people/actu-people/humilie-dans-un-talk-show-britannique-un-homme-est-retrouve-mort-dix-jours-plus-tard-659816">cas d’humiliation télévisée</a> qui sont à ma disposition pour cet article, les trois suivants demeurent exemplaires en raison du caractère éprouvé de leurs stratégies offensives déployées par des animateurs (ou ex-animateurs) particulièrement habiles et expérimentés.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/crise-a-od-martinique-lintimidation-na-plus-sa-place-dans-les-emissions-de-tele-realite-192385">Crise à OD Martinique : l'intimidation n'a plus sa place dans les émissions de télé-réalité</a>
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<h2>La dégradation de l’image d’autrui : « Shooter ! »</h2>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/527873/original/file-20230523-21-ek1vpe.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/527873/original/file-20230523-21-ek1vpe.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=413&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/527873/original/file-20230523-21-ek1vpe.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=413&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/527873/original/file-20230523-21-ek1vpe.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=413&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/527873/original/file-20230523-21-ek1vpe.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=520&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/527873/original/file-20230523-21-ek1vpe.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=520&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/527873/original/file-20230523-21-ek1vpe.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=520&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption"><em>Les recettes pompettes</em> avec Éric Salvail, animateur (à droite) et ses invités (à gauche) Maripier Morin et Mike Ward, émission diffusée le 20 mars 2017.</span>
</figcaption>
</figure>
<p>La dégradation de l’image d’autrui est une humiliation qui consiste à créer, autour d’une personne, des situations qui la maintiennent dans un état de vulnérabilité, de faiblesse, de défaut ou de tort, tout en l’exposant au regard de ses admirateurs.</p>
<p>Chaque épisode de la série <em>Les recettes pompettes</em> – animée par le controversé <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89ric_Salvail">Éric Salvail</a> constitue, en l’espèce, un véritable guide de référence sur le sujet. Simulées ou non, les interactions qui s’y déroulent <a href="https://www.lapresse.ca/debats/chroniques/hugo-dumas/201601/14/01-4939758-eric-na-pas-le-vin-triste-.php">versent systématiquement dans la vulgarité</a>, ce qui affecte notre façon de percevoir nos vedettes préférées.</p>
<p>Sur un ordre de l’animateur (Shooter !), les invités trinquent, au sens propre comme au figuré : ils sont bombardés de commentaires vexants, confrontés à leurs pires phobies (tarentule, souris, allergies, etc.) et avilis par des insultes personnelles en plus d’être dévisagés par des caméras qui en captent tous les états. L’humiliation, s’il en est, s’en trouve ainsi immortalisée.</p>
<h2>L’expulsion autoritaire : « Tu sors ! »</h2>
<p>L’expulsion, comme le bannissement, l’éviction ou l’exclusion sociale, est un châtiment qu’on dit <a href="https://www.cnrtl.fr/definition/infamant">infamant</a> parce qu’il porte atteinte à l’honneur ou à la réputation d’une personne plutôt qu’à son intégrité physique.</p>
<p>Ce type de châtiment est la marque de commerce de la personnalité française Cyril Hanouna, lequel expulse des gens de son plateau de télé de façon arbitraire et autoritaire à chacune de ses émissions, plusieurs fois par émission. De cet affront cuisant, <a href="https://www.youtube.com/watch?v=PjMu1BGWouM">n’importe qui peut devenir la cible</a> : un chroniqueur dont l’intervention est jugée déplacée, un invité qui déçoit par ses gestes ou ses propos, un opérateur technique qui rate son effet ou même une personne du public qui dérange la captation en direct. L’humiliation est aggravée par la cadence du public qui scande <a href="https://www.facebook.com/watch/?v=2757050421274923">« Tu sors ! Tu sors ! Tu sors ! »</a> jusqu’à ce que la personne désignée soit hors du champ des caméras.</p>
<p>En tant que roi et maître de l’émission qu’il anime et produit, Cyril Hanouna n’est évidemment pas le seul à avoir fait de son plateau de télévision un instrument d’exclusion sociale. En revanche, il n’y a que lui à en avoir fait également un dispositif de séquestration, comme on peut le constater en visionnant <a href="https://fb.watch/lV7yPHKGcQ/">cet extrait</a>. L’acte d’humiliation consiste alors, pour le prédateur, à isoler sa proie, qui est visiblement sans défense et complètement seule parmi des millions de voyeurs assis dans leurs salons.</p>
<h2>La suppression de la volonté : « Yes ! You Will ! »</h2>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/538606/original/file-20230720-27955-88naug.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Ellen DeGenereset Taylor Swift" src="https://images.theconversation.com/files/538606/original/file-20230720-27955-88naug.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/538606/original/file-20230720-27955-88naug.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/538606/original/file-20230720-27955-88naug.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/538606/original/file-20230720-27955-88naug.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/538606/original/file-20230720-27955-88naug.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/538606/original/file-20230720-27955-88naug.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/538606/original/file-20230720-27955-88naug.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">L’animatrice Ellen DeGeneres, à gauche, et la chanteuse, Taylor Swift, à droite.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Flickr/@ronpaulrevolt2008), (Flickr/Eva Rinaldi)</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p><a href="https://www.youtube.com/watch?v=rRXVuIsVBnI">Un extrait d’une entrevue</a> entre Taylor Swift et Ellen DeGeneres a déjà soulevé <a href="https://www.24heures.ca/2023/01/19/ellen-degeneres-accusee-de-slut-shaming-a-cause-dune-vieille-entrevue-avec-taylor-swift">l’indignation du public</a> concurremment aux <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1735431/ellen-degeneres-accusations-harcelement">accusations de harcèlement</a> qui se sont élevées contre l’animatrice et productrice Ellen DeGeneres en 2020. Les procédés qui y sont mis en œuvre ne sont pas étrangers aux découvertes de <a href="https://www.redalyc.org/journal/2910/291057851004/291057851004.pdf">Stanley Milgram</a> sur l’obéissance aux ordres déraisonnables d’une autorité lorsque celle-ci est perçue comme étant légitime.</p>
<p>À partir de sa posture hiérarchique forte d’animatrice et de productrice au sommet de son art, Ellen DeGeneres exige ici d’une Taylor Swift qui, en 2013, était encore jeune (24 ans) et inexpérimentée, qu’elle pose un geste apparemment anodin (agiter une cloche), mais néanmoins susceptible de produire des effets préjudiciables et irréversibles sur sa vie privée et sa carrière, notamment : en révélant l’identité d’un tiers, en exposant au grand jour ses conduites amoureuses et sexuelles et en accomplissant, devant tous, la profanation de son propre sanctuaire d’inspiration artistique.</p>
<ul>
<li><p>Taylor : Oh mon Dieu, je ne sais pas si je devrais le faire…</p></li>
<li><p>Ellen : Oui, tu le feras !</p></li>
<li><p>Taylor : C’est… la seule chose que j’ai ! C’est la seule parcelle de dignité qu’il me reste ! Les gens peuvent faire des hypothèses s’ils en ont envie, mais… C’est la seule carte que j’ai !</p></li>
</ul>
<p>Le plus habile de la part de Ellen DeGeneres, dans ce passage, est d’avoir imaginé puis installé une situation de <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Double_contrainte">double contrainte</a>, du genre de celles qui font de vous un être « damné si vous obéissez, damné si vous n’obéissez pas » (damned if you do, damned if you don’t).</p>
<h2>L’humiliation : « nouveau poison de notre société » ?</h2>
<p>Dans la vie de tous les jours, l’humiliation n’est pas un spectacle ni un divertissement. C’est un acte délibéré d’autorité pratiqué de manière abusive par un agresseur dont le principal levier de pouvoir est la présence complice d’autrui. </p>
<figure class="align-left zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/529912/original/file-20230603-29-uswnbr.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/529912/original/file-20230603-29-uswnbr.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/529912/original/file-20230603-29-uswnbr.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=972&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/529912/original/file-20230603-29-uswnbr.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=972&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/529912/original/file-20230603-29-uswnbr.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=972&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/529912/original/file-20230603-29-uswnbr.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1221&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/529912/original/file-20230603-29-uswnbr.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1221&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/529912/original/file-20230603-29-uswnbr.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1221&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Couverture du livre de Olivier Abel, paru en 2022.</span>
</figcaption>
</figure>
<p>Car, pour être humiliée, une victime ne doit pas seulement être amoindrie par des paroles ou par des actes, elle doit également être vue et apparaître comme telle dans le regard des autres. Dans ce genre de dispositif de collaboration entre un bourreau qui exécute et une foule anonyme qui lui sert de témoin, ceux qui ne font rien d’autre que regarder accomplissent néanmoins quelque chose : leur présence est non seulement la condition essentielle au crime d’humiliation, mais elle en est également la garantie d’impunité.</p>
<p>En combinant le talent des animateurs, l’avidité des producteurs, l’efficacité des technologies télévisuelles et l’engouement passif d’un public de salon qui peut <em>tout voir sans être vu</em>, les talk-shows sont l’instrument contemporain par excellence du crime psychique d’humiliation, une redoutable machine à broyer la dignité humaine.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/198044/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Sylvie Genest ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Perçus comme un simple divertissement, les talk-shows peuvent devenir des machines à broyer la dignité humaine. Les conséquences des procédés dégradants peuvent être dévastatrices pour les victimes.Sylvie Genest, Professeure à la Faculté des arts, Université du Québec à Montréal (UQAM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2075352023-07-14T12:49:43Z2023-07-14T12:49:43ZComment éviter le perfectionnisme malsain lorsqu’on planifie un mariage ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/536864/original/file-20230711-23-qapb2p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=5%2C0%2C1911%2C1281&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Tenter d’organiser une journée spéciale plutôt que parfaite peut contribuer à atténuer la pression qui accompagne généralement la planification d’un mariage.</span> <span class="attribution"><span class="source">(Pexels/Emma Bauso)</span></span></figcaption></figure><p>Nous vivons à l’ère de la perfection. <a href="https://doi.org/10.1177/1088868318814973">Le perfectionnisme est un trait de personnalité qui incite à exiger l’excellence et à juger sévèrement soi-même et les autres</a>. Les attentes sont si élevées que lorsque quelque chose n’est pas irréprochable, cela ne vaut plus rien.</p>
<p><a href="https://doi.org/10.1037/bul0000138">Les taux de perfectionnisme</a> n’ont cessé d’augmenter au cours des dernières décennies. Notre culture est obsédée par la perfection pour ce qui est du corps, du travail, du conjoint, des vacances… bref, la vie doit être parfaite. <a href="https://doi.org/10.1177/1088868318814973">Nous pensons que les autres exigent toujours plus de nous et nous exigeons toujours plus des autres et de nous-mêmes</a>.</p>
<p>Les mariages en sont l’exemple le plus flagrant.</p>
<p>Après <a href="https://www.dal.ca/faculty/science/psychology_neuroscience/faculty-staff/our-faculty/simon-sherry.html">25 ans de recherche sur le sujet (et plus de 100 publications</a>), je m’intéresse particulièrement aux tendances culturelles qui incitent au perfectionnisme — et le mariage remporte la palme dans ce domaine.</p>
<h2>Une quête de perfection</h2>
<p>La plupart des mariages ont des éléments en commun : deux personnes, en robe blanche et en beau costume, échangent des vœux et des alliances. Mais aujourd’hui, à l’ère des médias sociaux et de l’industrie du mariage, cet événement doit proposer une esthétique. La réception doit avoir un thème, les couleurs de la cérémonie doivent être coordonnées et, par-dessus tout, tout-doit-être-parfait.</p>
<p>Les <a href="https://www.pinterest.ca/today/best/2023s-top-wedding-trends/110204/">tableaux d’inspiration Pinterest</a> donnent le ton et les <a href="https://www.instagram.com/explore/tags/perfectwedding/">photos Instagram</a> établissent la norme. La perfection est un conte dont les médias sociaux sont les conteurs. Quelle place reste-t-il au romantisme ?</p>
<p><div data-react-class="InstagramEmbed" data-react-props="{"url":"https://www.instagram.com/p/CseTY3Mu2z2","accessToken":"127105130696839|b4b75090c9688d81dfd245afe6052f20"}"></div></p>
<p><a href="https://doi.org/10.1007/978-3-319-18582-8_10">De nombreux perfectionnistes sont sensibles au rang social, au statut et à la domination</a> au sein du groupe, ce qui suscite l’envie, la jalousie et le désir de surpasser les autres et transforme tout en compétition. Le mariage est un événement marquant qui modifie ou renforce le statut social ; ce qui pousse certaines personnes à rechercher la perfection jusqu’à l’excès. On s’attarde à d’infimes détails au détriment de ce qui devrait compter réellement : la célébration de l’amour.</p>
<p>Comment vivre un grand jour magnifique et romantique sans tomber dans le piège de la quête de la perfection ? Pour cela, il faut se concentrer sur les gens.</p>
<h2>La pression qui vient des autres</h2>
<p>La pression pour organiser une fête qui plaira aussi bien aux membres de la famille les plus sages qu’aux amis les plus aventureux est énorme. <a href="https://doi.org/10.1037/0022-3514.60.3.456">Le perfectionnisme prescrit par la société repose sur la croyance que la société, la famille et les amis ont des attentes irréalistes à notre égard</a>.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Une jeune femme et une femme plus âgée, assises face à face, ont l’air en colère" src="https://images.theconversation.com/files/531027/original/file-20230608-23-et4qwg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/531027/original/file-20230608-23-et4qwg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/531027/original/file-20230608-23-et4qwg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/531027/original/file-20230608-23-et4qwg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/531027/original/file-20230608-23-et4qwg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/531027/original/file-20230608-23-et4qwg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/531027/original/file-20230608-23-et4qwg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">La pression pour planifier un événement qui plaira à tout le monde est énorme.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Si votre mère est en larmes parce que vous ne voulez pas de cérémonie religieuse, posez-vous les questions suivantes :</p>
<ol>
<li><strong>Quelles sont mes valeurs ?</strong></li>
</ol>
<p><a href="https://psycho-therapie-toulouse.fr/connaitre-ses-valeurs-personnelles-notre-boussole-interieure/">Déterminez vos valeurs</a> et traduisez-les en actions. Si vous et votre conjoint souhaitez échanger avec chaque convive, n’invitez que les personnes les plus proches. Si l’environnement vous tient à cœur, remplacez les décorations jetables par des fleurs de saison. Vous aimez les animaux ? Demandez aux gens de faire un don à l’association caritative de votre choix au lieu d’acheter un cadeau. Si vos valeurs teintent votre mariage, vous risquez moins de le percevoir comme un <a href="https://doi.org/10.1016/j.jbusres.2022.113341">« échec » s’il ne répond pas aux attentes des autres, ce que vivent souvent les perfectionnistes</a>.</p>
<ol>
<li><strong>Qu’est-ce que je veux ?</strong></li>
</ol>
<p>La recherche de la perfection coûte cher. On a tendance à dépenser pour des alliances parfaites, des invitations sur du papier haut de gamme, une lune de miel sous les tropiques et bien d’autres choses encore. L’industrie du mariage capitalise sur ces aspirations, transformant les mariages en investissements considérables dont le coût moyen va de <a href="https://www.moneysense.ca/spend/average-wedding-cost-canada/">22 000 $ à 30 000 $</a>. Ces « idéaux » ne correspondent pas à tous les budgets. Il s’agit de désirs, et non de besoins, et il vaut mieux allouer votre argent à ce qui vous importe. Un mariage au palais de justice, des fleurs achetées à l’épicerie et un repas-partage entre amis peuvent être tout aussi exceptionnels. <a href="https://www.scienceshumaines.com/des-9-causes-de-la-depression_fr_41093.html">Les perfectionnistes ont tendance à lier leur estime et leur identité à des choses, au point où les « valeurs en toc »</a>,comme le consumérisme, finissent par dominer leur vie. L’objectif est de faire la fête, pas de dépenser de l’argent pour faire plaisir aux autres, donc ne vous sentez pas obligés de vous endetter.</p>
<ol>
<li><strong>Comment pouvons-nous évoluer ?</strong></li>
</ol>
<p>Trop souvent, les couples tombent dans le <a href="https://psycnet.apa.org/doiLanding?doi=10.1037%2F0022-3514.74.2.360">piège de la « destinée »</a>. Quand on croit qu’il faut qu’une personne soit faite pour une autre, il est facile de penser « ce n’était pas la bonne personne » lorsque les choses se compliquent. <a href="https://doi.org/10.1186/s12889-022-14802-5">Les films de Disney et les romans d’amour ont inscrit la fin des contes de fées dans la culture populaire</a>, mais la vie ne s’arrête pas au mariage. Pendant et après celui-ci, vous vivrez des défis et des désaccords. Si vous souhaitez évoluer ensemble pendant la préparation du mariage et après celui-ci, vous aurez moins tendance à dramatiser — comme le font de nombreux perfectionnistes — <a href="https://doi.org/10.1007/BF01172967">si les choses (ou votre conjoint) ne correspondent pas à des critères de perfection</a>.</p>
<h2>La pression sur les autres</h2>
<p>Vous travaillez fort pour organiser une journée parfaite, mais le bébé de votre sœur braille pendant la cérémonie et l’oncle Michel se saoule et fait des blagues vulgaires pendant la réception. Lorsqu’on vit un moment important, on peut avoir tendance à exiger la perfection des autres, ce que l’on appelle le <a href="https://doi.org/10.1037/0022-3514.60.3.456">perfectionnisme orienté vers les autres</a>. <a href="https://psycnet.apa.org/record/2017-21407-009">Et cela risque de faire naître des bridezillas et desgroomzillas(futurs mariés tyranniques) ou de transformer les beaux-parents en monstres</a>.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Un gateau de mariage écrasé au sol" src="https://images.theconversation.com/files/531028/original/file-20230608-16844-zx6m64.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/531028/original/file-20230608-16844-zx6m64.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/531028/original/file-20230608-16844-zx6m64.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/531028/original/file-20230608-16844-zx6m64.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/531028/original/file-20230608-16844-zx6m64.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/531028/original/file-20230608-16844-zx6m64.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/531028/original/file-20230608-16844-zx6m64.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Si vous tenez absolument à éviter les erreurs, cela va monopoliser tout votre esprit.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Si un problème survient, ce qui arrivera assurément, n’oubliez pas les trois points suivants :</p>
<ol>
<li><strong>Conjoint idéal ou mariage idéal</strong> ? </li>
</ol>
<p>Les mariages sont censés célébrer l’amour. Quand c’est fini, vous rentrez chez vous avec la personne que vous aimez, que la cérémonie ait répondu ou non à vos attentes. Ce n’est qu’un jour de votre vie, alors qu’est-ce qui est le plus important ? Avoir un mariage idéal ou avoir et être un bon conjoint ? En vous concentrant l’un sur l’autre plutôt que sur l’événement, le <a href="https://www.proquest.com/docview/1292258894">comportement des convives ne vous semblera pas catastrophique</a> parce qu’il n’affectera pas votre relation.</p>
<ol>
<li><strong>Les relations humaines</strong>. </li>
</ol>
<p>Vos invités sont là pour participer à un grand jour de votre vie. Est-il plus important que la célébration soit digne du magazine <em>Vogue</em> ou que vos meilleurs amis soient là pour vous épauler ? Les perfectionnistes ont de la difficulté à collaborer <a href="https://doi.org/10.1007/978-3-319-18582-8_10">parce qu’ils sont plus préoccupés par ce que fait une personne que par ce qu’elle est</a>. Un perfectionniste se souciera davantage de savoir si le discours de sa mère suscite les « bonnes » réactions que de savoir ce que celle-ci ressent à l’occasion de cette étape importante de la vie de son enfant. Si vous donnez priorité à vos proches, vous chercherez à échanger avec eux plutôt qu’à vous assurer qu’ils jouent leur rôle à la perfection.</p>
<ol>
<li><strong>Les erreurs</strong>. </li>
</ol>
<p>Tout le monde commet des erreurs. Votre père trébuchera sur votre traîne. Le garçon d’honneur fera un discours maladroit. Le repas sera en retard. Cela arrive. Si, comme les perfectionnistes, <a href="https://doi.org/10.1007/BF01172967">vous tenez absolument à éviter les erreurs, cela va monopoliser votre esprit</a>. Respirez et riez un bon coup.</p>
<h2>La pression sur soi-même</h2>
<p>La pression <a href="https://www.brides.com/gallery/wedding-beauty-best-tips">pour avoir une apparence parfaite le jour de son mariage</a> peut être très forte. Souvent, les <a href="https://doi.org/10.1016/j.appet.2007.11.001">femmes vont suivre un régime</a>, investir dans un blanchiment des dents et des soins de la peau avant leur mariage et se faire maquiller par une professionnelle. <a href="https://www.mariage.com/accessoires-et-beaute/7-sports-pratiquer-mariage-etre-en-pleine-forme-evacuer-stress">Les hommes ressentent</a> de la pression <a href="https://www.gq.com/story/wedding-workout-plan">pour se mettre en forme</a>.</p>
<p>Tout cela alimente le <a href="https://doi.org/10.1037/0022-3514.84.6.1303">perfectionnisme orienté vers soi (où on exige la perfection de soi-même) et la présentation perfectionniste de soi (où l’on souhaite paraître parfait en cachant ou niant ses défauts)</a>.</p>
<p>Il peut être difficile d’avoir confiance en soi si l’on croit ne pas répondre à de telles attentes, mais essayez de garder à l’esprit les points suivants :</p>
<ol>
<li><strong>La perfection est un mythe</strong>. </li>
</ol>
<p>Personne, et rien, n’est parfait. Il y aura sûrement des « défauts ». Peut-être que le stress vous fera transpirer ou que vous bégayerez en prononçant vos vœux. Vous vous remémorerez tout cela avec tendresse. Ce sont souvent les « imperfections » qui rendent vos souvenirs, ainsi que votre mariage, parfaits. En vous rappelant que la perfection est une norme irréaliste, voire indésirable, vous pourrez cesser de la chercher.</p>
<ol>
<li><strong>Il ne s’agit pas d’un concours</strong>. </li>
</ol>
<p>Vos intérêts, relations et valeurs diffèrent de celles de vos voisins. Leur mariage somptueux, avec 300 invités, leur convenait peut-être. Ils ne comprennent peut-être pas votre désir d’organiser un mariage intime avec 50 personnes, mais cela n’a pas d’importance. Chaque mariage est beau à sa façon. L’idée est de créer des souvenirs, pas de tenter d’impressionner qui que ce soit. Malgré ce que votre perfectionnisme vous dit, votre mariage n’est pas un échec et il ne s’agit pas d’une compétition.</p>
<ol>
<li><strong>Quelqu’un vous aime</strong>. </li>
</ol>
<p>Vous ne ressemblerez peut-être pas au mannequin qui portait votre robe ou votre costume. Ce n’est pas grave. <a href="https://doi.org/10.1037/0022-3514.84.1.234">Les perfectionnistes vivent souvent un sentiment d’échec, de culpabilité ou de honte et ont une faible estime de soi en raison de leur tendance à être très critique envers eux-mêmes</a>. Rappelez-vous que votre conjoint est tombé amoureux de vous. Il se peut que vous soyez plus en forme ou que vous vous achetiez une tenue plus flatteuse dans les années à venir, mais cela ne doit pas vous empêcher de profiter de ce moment. L’amour n’a pas besoin de perfection.</p>
<p>Après tout, il s’agit de votre grand jour, pas d’un jour parfait.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/207535/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Simon Sherry est financé par le Conseil de recherches en sciences humaines du Canada. Il est également propriétaire de CRUX Psychology, un cabinet privé de psychologie.</span></em></p>Les mariages sont de plus en plus élaborés : des chaussures aux chemins de table, tout est parfaitement coordonné. Cela est emblématique de notre obsession culturelle pour la perfection.Simon Sherry, Clinical Psychologist and Professor in the Department of Psychology and Neuroscience, Dalhousie UniversityLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2032912023-05-04T14:02:58Z2023-05-04T14:02:58ZQuelle est la vraie nature du vin ? Au-delà de ses raisins fermentés, un produit commercial et culturel unique<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/523620/original/file-20230501-14-2tysob.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C11%2C7326%2C4869&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Certaines des conceptions culturelles que nous avons du vin, notamment son authenticité, proviennent du caractère commercial de ce produit. </span> <span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span></figcaption></figure><p>Le vin est perçu par les consommateurs comme un produit porteur de culture et d’authenticité et par conséquent, distinct des autres biens commerciaux issus de la production industrielle. </p>
<p>D’abord, en tant que produit agricole, le vin se voit normalement rattaché à des lieux et parfois même à des individus. Il est également vu comme un produit historique qui s’enracine dans les traditions des différentes régions où on le produit. Enfin, le traitement et l’attention qu’on porte au vin en tant que produit esthétique le rapprochent du monde des arts, avec ses prescripteurs, son langage, ses producteurs en vue et une attention médiatique spécifique. </p>
<p>Mais est-il vraiment un produit distinct ?</p>
<p>En 2021, la <a href="http://geoconfluences.ens-lyon.fr/glossaire/marche-mondial-du-vin">valeur du marché mondial du vin</a> s’élève à plus de 53 milliards de dollars, alors que la production mondiale est d’environ 260 millions d’hectolitres, ce qui représente l’équivalent de 34 milliards de bouteilles. De ce nombre, environ la moitié sont exportée, donc consommé en dehors de leur lieu d’origine. Les <a href="https://www.vinetsociete.fr/bilan-de-loiv">principaux pays producteurs</a> en volume sont l’Italie, la France, l’Espagne, les États-Unis et l’Argentine.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/523623/original/file-20230501-14-4s1z98.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/523623/original/file-20230501-14-4s1z98.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/523623/original/file-20230501-14-4s1z98.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/523623/original/file-20230501-14-4s1z98.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/523623/original/file-20230501-14-4s1z98.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/523623/original/file-20230501-14-4s1z98.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/523623/original/file-20230501-14-4s1z98.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Vignobles à Cafayate, en Argentine. Le pays sud-américain a rejoint le top 5 des principaux pays producteurs de vin.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Or, cela fait trois mille ans que le vin est un produit commercial et, paradoxalement, plusieurs des idées culturelles avec lesquelles nous concevons et percevons le vin aujourd’hui proviennent, justement, de ce caractère marchand. </p>
<p>Comme anthropologue et professeur au département de communication sociale et publique à l’UQAM, le vin est pour moi un objet culturel. C’est-à-dire qu’il est porteur de significations qui sont socialement construites et à travers lesquelles autant les producteurs que les consommateurs appréhendent et pensent le vin, mais cela de manière inconsciente. </p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/dis-moi-comment-tu-goutes-le-vin-et-je-te-dirai-dou-tu-viens-109563">Dis-moi comment tu goûtes le vin et je te dirai d'où tu viens</a>
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<p>J’ai effectué un premier terrain de recherche anthropologique sur le vin en Calabre, dans le sud de l’Italie, en 2000-2001, et j’y suis retourné à trois reprises depuis. J’ai réalisé une seconde enquête anthropologique en Colombie-Britannique, dans la vallée de l’Okanagan, en 2017-2018. Je présenterai certains résultats de ces recherches ultérieurement sur <em>La Conversation</em>. </p>
<p>Aussi, je suis un amateur de vin et j’édite depuis plus de 10 ans le site <a href="https://www.sommeliervirtuel.com">sommeliervirtuel.com</a> avec mon frère Mathieu. Cette activité nous a amenés à être reconnus comme influenceurs dans le vin au Québec, tout en m’offrant l’opportunité d’approfondir ma connaissance du marché du vin et de sa culture de consommation. </p>
<p>Dans ce premier texte, je montre comment certaines des conceptions culturelles que nous avons du vin proviennent du caractère commercial de ce produit. </p>
<h2>L’importance des lieux</h2>
<p>Un élément central du vin est qu’il est rattaché à des lieux. On peut ainsi parler d’un Bordeaux, d’un Bourgogne ou d’un Chianti, sans même avoir à préciser qu’on parle de vin. Or, dès la Grèce antique, puis au Moyen-Âge, il existe un marché pour les vins provenant de régions reconnues et éloignées, <a href="https://www.taylorfrancis.com/books/mono/10.4324/9780203013267/wine-vine-tim-unwin">recherchés par les élites</a>. </p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/523621/original/file-20230501-344-oupm3u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/523621/original/file-20230501-344-oupm3u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/523621/original/file-20230501-344-oupm3u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/523621/original/file-20230501-344-oupm3u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/523621/original/file-20230501-344-oupm3u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/523621/original/file-20230501-344-oupm3u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/523621/original/file-20230501-344-oupm3u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Dégustation d’un chianti, dans la région du Chianti, en Toscane. Le nom de la région est associé à son produit phare.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>En parallèle, le vin qui était produit et consommé localement n’avait pas d’identité spécifique et <a href="https://www.persee.fr/doc/ahess_0395-2649_1996_num_51_6_410925_t1_1383_0000_000">était simplement un produit agricole commun et anonyme</a>. </p>
<p>C’est donc à travers le commerce, notamment à longue distance, que le lieu d’origine du vin devient important et signifiant.</p>
<h2>L’utopie du terroir, les réalités du commerce</h2>
<p>C’est aussi le commerce qui permet d’expliquer pourquoi la production de vin s’est concentrée dans certaines régions plutôt que d’autres. </p>
<p>Les discours officiels (guides, livres sur le vin, lois) prétendent que ce serait en raison de la qualité des terroirs, la production de vin s’étant concentrée dans les lieux les plus propices à la production de qualité. Dans les faits, le <a href="http://delbussoediteur.ca/publications/le-vin-comme-performance-culturelle/">commerce explique la concentration de vignobles dans certaines régions plutôt que d’autres</a>. </p>
<p>Le <a href="https://www.cnrseditions.fr/catalogue/histoire/histoire-de-la-vigne-et-du-vin-en-france/">géographe et historien français Roger Dion</a> a souligné comment la production de vin s’est concentrée en France en raison de sa position d’avant-garde vis-à-vis des marchés des pays d’Europe du Nord. Il souligne comment les régions viticoles se alors sont concentrées autour des rivières et des fleuves qui, avant l’arrivée du train, étaient indispensables au transport des lourdes cargaisons.</p>
<p>Ainsi, la <a href="https://www.persee.fr/doc/reae_0755-9208_1990_num_17_1_1247">position géographique de la France</a> explique le <a href="https://www.persee.fr/doc/anami_0003-4398_1989_num_101_187_7467_t1_0335_0000_2">développement et la renommée historique de ses régions viticoles</a>.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/523619/original/file-20230501-20-g47ltu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/523619/original/file-20230501-20-g47ltu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/523619/original/file-20230501-20-g47ltu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/523619/original/file-20230501-20-g47ltu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/523619/original/file-20230501-20-g47ltu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/523619/original/file-20230501-20-g47ltu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/523619/original/file-20230501-20-g47ltu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Des vignobles à Saint-Émilion en France. La production de vin s’est concentrée en France en raison de sa position d’avant-garde vis-à-vis des marchés des pays d’Europe du Nord.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>La spécialisation historique de certaines régions dans la production de vin dépend toujours de la possibilité de pouvoir écouler la production sur des marchés, car autrement une <a href="http://delbussoediteur.ca/publications/le-vin-comme-performance-culturelle/">famille paysanne ne peut pas se nourrir uniquement avec du vin</a>. L’utopie du terroir vient cependant ensuite cacher et inscrire dans le règne de la nature les <a href="https://www.jstor.org/stable/3631680">renommées historiquement construites à travers le commerce</a>.</p>
<h2>Du vin « aliment » au produit de luxe occasionnel</h2>
<p>Avec le développement de marchés de consommation du vin dans des pays non producteurs, tels l’Angleterre, le nord de l’Europe et l’Amérique, émerge une façon spécifique de concevoir le vin. </p>
<p>Sur ces marchés, le vin n’est pas considéré comme un produit agricole. Le vin est un produit de luxe, réservé à certains groupes sociaux. Même lorsque le vin se répand dans l’ensemble de la société, il demeure un produit rare et occasionnel. </p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/523630/original/file-20230501-22-fr3cui.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/523630/original/file-20230501-22-fr3cui.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/523630/original/file-20230501-22-fr3cui.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/523630/original/file-20230501-22-fr3cui.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/523630/original/file-20230501-22-fr3cui.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/523630/original/file-20230501-22-fr3cui.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/523630/original/file-20230501-22-fr3cui.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Une dégustation de vin à Worns, en Allemagne. Dans les marchés du nord de l’Europe et des États-Unis, le vin demeure un produit d’exception, que l’on boit lors d’occasions spéciales.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>De nos jours, cette conception du vin s’est imposée et est devenue la conception dominante, même au sein des pays producteurs, <a href="https://www.editions-larousse.fr/livre/histoire-sociale-et-culturelle-du-vin-9782035841766">où la consommation quotidienne de vin a fait place à une consommation occasionnelle</a>. </p>
<h2>Bordeaux et le marché anglais</h2>
<p>Le cas de la région de Bordeaux est instructif et a joué un rôle clé dans le développement de plusieurs notions contemporaines du vin. </p>
<p>Le vignoble bordelais s’est développé en réponse à la demande des marchés anglais et hollandais, qui contrôlent tour à tour la région et son commerce à partir du XVII<sup>e</sup> siècle. Dans ce contexte, c’est sur le marché anglais que les consommateurs et les négociants commencent à porter une attention spécifique aux <em>vintages</em> (millésimes), ainsi qu’aux différents <em>growth</em>, les crus de Bordeaux, c’est-à-dire les « Châteaux », tel que Ho Bryan (Haut-Brion) ou Margose Wine (Margaux) dont les premières mentions sont en anglais. </p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/523631/original/file-20230501-14-ld7s5e.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/523631/original/file-20230501-14-ld7s5e.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=385&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/523631/original/file-20230501-14-ld7s5e.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=385&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/523631/original/file-20230501-14-ld7s5e.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=385&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/523631/original/file-20230501-14-ld7s5e.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=484&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/523631/original/file-20230501-14-ld7s5e.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=484&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/523631/original/file-20230501-14-ld7s5e.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=484&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Château et vignoble à Margaux, dans la région de Bordeaux. Le vignoble bordelais s’est développé en réponse à la demande des marchés anglais et hollandais, qui contrôlent tour à tour la région et son commerce à partir du XVIIᵉ siècle.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Enfin, c’est sur la base du prix des vins sur le marché anglais qu’est établi, à l’occasion de l’exposition universelle de Paris, le <a href="https://www.fayard.fr/histoire/vins-vignes-et-vignerons-edition-brochee-9782213612553">fameux classement des crus de Bordeaux de 1855, toujours en vigueur aujourd’hui</a>. </p>
<p>L’apparition de nouveaux marchés de consommateurs, notamment en Asie, crée une pression à la hausse sur le marché du vin et fait augmenter les prix de certains vins provenant des domaines ou régions les plus recherchés. En même temps, la <a href="https://journals.openedition.org/geohist/2287">Chine</a> a commencé à produire et à exporter du vin, accroissant du même coup la concurrence déjà forte entre les <a href="https://journals.openedition.org/geocarrefour/13442">différentes régions productrices du monde</a> </p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/523628/original/file-20230501-18-8re5rg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/523628/original/file-20230501-18-8re5rg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/523628/original/file-20230501-18-8re5rg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/523628/original/file-20230501-18-8re5rg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/523628/original/file-20230501-18-8re5rg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/523628/original/file-20230501-18-8re5rg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/523628/original/file-20230501-18-8re5rg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Une étagère remplie de bouteilles de vin dans un supermarché de Shanghaï, en Chine. Le pays a commencé à produire et exporter du vin.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Dans les marchés d’Asie, le vin demeure un produit de prestige, qu’on offre notamment en cadeau, par exemple au <a href="https://journals.sagepub.com/doi/abs/10.1177/146735840000200405?journalCode=thrb">Japon</a>. Si jusqu’à présent les conceptions du vin sont principalement occidentales, peut-être que les marchés d’Asie pourraient en influencer les conceptions culturelles à moyen ou long terme.</p>
<p>Ce ne sont là que quelques exemples de la manière dont le caractère commercial du vin, à travers sa longue histoire, a influencé nos conceptions culturelles entourant ce produit. Or, est-ce que derrière les discours construisant son authenticité, le vin ne cache-t-il pas en partie sa vraie nature ? Car objectivement, le vin, ce n’est que du jus de raisin fermenté.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/203291/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Vincent Fournier ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Cela fait 3000 ans que le vin est un produit commercial. Paradoxalement, plusieurs des idées culturelles avec lesquelles nous le percevons aujourd’hui proviennent, justement, de ce caractère marchand.Vincent Fournier, Professeur au Département de communication sociale et publique, Université du Québec à Montréal (UQAM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2024942023-04-04T17:21:36Z2023-04-04T17:21:36ZLes anguilles sont fascinantes – et nous devons cesser de les manger<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/519349/original/file-20230404-17-kzgto1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=1%2C1%2C994%2C664&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Il est temps que tout le monde s’abstienne de manger, de servir ou de recommander l’anguille.</span> <span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span></figcaption></figure><p>Peu d’animaux ont autant suscité la curiosité de l’humanité que l’anguille (<em>Anguilla anguilla</em>). Il n’y a pas si longtemps encore, ces poissons visqueux, glissants, incroyablement agiles et à forme de serpents peuplaient presque toutes les étendues d’eau d’Europe et d’Afrique du Nord, souvent en quantités extraordinaires. Et personne ne savait d’où ils venaient.</p>
<p><a href="https://www.pbs.org/wnet/nature/the-mystery-of-eels-book-excerpt-eels-by-james-prosek/8242/">D’Aristote à Linné</a>, les philosophes et les naturalistes ont été fascinés par l’apparente absence de reproduction de l’anguille. Comme personne n’avait pu observer d’organes sexuels ni d’œufs, les scientifiques ont fourni des explications diverses et inventives sur la provenance de cet animal.</p>
<p>Ce n’est qu’à la fin du XIX<sup>e</sup> siècle que l’on a découvert l’origine marine de l’anguille. Le zoologiste italien <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Giovanni_Battista_Grassi">Giovanni Grassi</a> a constaté qu’un poisson marin en forme de feuille, appelé <em>Leptocephalus brevirostris</em>, était en réalité une anguille européenne à un stade juvénile. Grassi a observé que ces larves se métamorphosaient en civelles (alevin de l’anguille) lorsqu’elles arrivaient près des côtes, puis en anguilles jaunes. Les anguilles viennent donc de la mer. Mais la mer est très vaste.</p>
<p><a href="https://www.larousse.fr/encyclopedie/personnage/Johannes_Schmidt/143546">Johannes Schmidt</a>, un biologiste danois, voulait trouver les zones de reproduction de l’anguille. Il avait constaté que les larves de leptocéphales variaient en taille et en avait déduit que plus elles étaient petites, plus elles étaient proches des zones de fraie. Schmidt a entrepris la tâche herculéenne de capturer et de mesurer des anguilles juvéniles dans tout l’Atlantique Nord et a <a href="https://royalsocietypublishing.org/doi/epdf/10.1098/rstb.1923.0004">publié ses résultats</a> il y a un siècle. Depuis cette publication phare, on suppose que l’anguille européenne se reproduit dans la mer des Sargasses.</p>
<p>Étonnamment, nous n’avons quasiment rien appris sur la reproduction des anguilles depuis 100 ans. Un <a href="https://www.nature.com/articles/s41598-022-19248-8">rapport récent</a> sur leur migration de reproduction a été remarqué pour avoir fourni la première observation directe d’anguilles migrant vers la mer des Sargasses pour s’accoupler. Ces résultats ont confirmé la vision de Schmidt.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/512262/original/file-20230224-1680-2wp8g9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/512262/original/file-20230224-1680-2wp8g9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=365&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/512262/original/file-20230224-1680-2wp8g9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=365&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/512262/original/file-20230224-1680-2wp8g9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=365&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/512262/original/file-20230224-1680-2wp8g9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=459&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/512262/original/file-20230224-1680-2wp8g9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=459&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/512262/original/file-20230224-1680-2wp8g9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=459&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Aguille européenne.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Lluís Zamora)</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
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<h2>Ces anguilles que l’on savoure</h2>
<p>Qu’ils connaissent ou non le mystérieux cycle de vie de l’anguille, les humains en ont toujours mangé. On retrouve régulièrement des restes d’anguilles dans les <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0277379108000735">sites archéologiques</a> de toute l’Europe. Elles étaient appréciées par les anciennes civilisations égyptienne, grecque et romaine.</p>
<p>Dans l’Angleterre médiévale, certains <a href="https://historiacartarum.org/eel-rents-project/">impôts étaient payés en anguilles</a>, ce qui nécessitait la livraison de millions de bêtes. Des <a href="https://esajournals.onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1002/ecy.3783">documents historiques</a> des XVI<sup>e</sup> et XIX<sup>e</sup> siècles font état d’anguilles mesurant 80 cm et pesant 11 kg pêchées dans le centre de l’Espagne. L’anguille a fait l’objet d’une pêche à grande échelle dans plusieurs pays européens, comme dans le delta du Pô, en Italie, où l’on conserve des <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1002/aqc.2701">données sur les captures d’anguilles</a> depuis 1780.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/515853/original/file-20230316-20-vpv8es.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Anguilles fumées" src="https://images.theconversation.com/files/515853/original/file-20230316-20-vpv8es.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/515853/original/file-20230316-20-vpv8es.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=349&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/515853/original/file-20230316-20-vpv8es.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=349&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/515853/original/file-20230316-20-vpv8es.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=349&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/515853/original/file-20230316-20-vpv8es.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=439&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/515853/original/file-20230316-20-vpv8es.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=439&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/515853/original/file-20230316-20-vpv8es.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=439&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Fumage de l’anguille. Exposition 2007 (Journées des pêcheurs – Visserij Dagen).</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Eel_smoking.jpg">Labberté K.J./Wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
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</figure>
<p>De nombreuses traditions culturelles se sont développées autour de l’anguille. Dans toute l’Europe, <a href="https://britishfoodhistory.com/tag/eels/">on la mange</a> frite, grillée, séchée, salée, fumée, bouillie et mijotée de diverses manières. On trouve des fêtes et des festivals de dégustation d’anguilles à divers endroits, comme la <a href="https://www.sagradellanguilla.it/">Sagra dell’Anguilla</a>, à Comacchio, en Italie, ou l’<a href="https://sv.wikipedia.org/wiki/%C3%85lagille">Ålagill</a>, en Suède.</p>
<p>Les habitants des zones côtières du golfe de Gascogne, et en particulier des régions basques, ont développé un goût pour la civelle (ou anguillette) qui ne s’est étendue que récemment à d’autres lieux en tant que mets gastronomique. La civelle fait également l’objet de fêtes gastronomique, comme celle célébrée début mars dans les <a href="https://www.asturiasdefiesta.es/xxxvi-festival-de-la-angula-en-la-arena-soto-del-barco-2023/jornadas-gastronomicas">Asturies</a>, en Espagne.</p>
<p>Nous avons pris goût à la consommation d’anguilles, mais tout cela doit cesser.</p>
<h2>L’effondrement de l’anguille</h2>
<p>L’anguille européenne a commencé un <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.1111/gcb.12972">déclin soudain</a> vers la fin des années 1970. Toutes les données montrent de manière cohérente que la <a href="https://ices-library.figshare.com/articles/report/Joint_EIFAAC_ICES_GFCM_Working_Group_on_Eels_WGEEL_and_Country_Reports_2020_2021/18620876?file=33399341">population actuelle d’anguilles n’est que l’ombre</a> de ce qu’elle était il y a quelques dizaines d’années.</p>
<p>De nos jours, moins de cinq civelles arrivent sur les côtes européennes pour cent qui y arrivaient dans la période de 1960 à 1979. La diminution des stocks reflète la perte de l’aire de répartition. Dans la <a href="https://besjournals.onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1111/1365-2664.12446">péninsule ibérique</a>, plus de 85 % de l’habitat de la civelle lui est désormais inaccessible en raison de la construction de barrages.</p>
<p>Le statut de conservation de l’anguille européenne est si mauvais qu’elle est aujourd’hui considérée comme une espèce en <a href="https://www.cms.int/fr/news/l%E2%80%99anguille-europ%C3%A9enne-reste-gravement-menac%C3%A9e-dans-la-derni%C3%A8re-liste-rouge-de-l%E2%80%99uicn">danger critique d’extinction</a>. Il s’agit de la <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Esp%C3%A8ce_en_danger_critique">catégorie extrême</a>, la dernière étape avant l’extinction. Toutes les autres espèces emblématiques de la conservation sur la planète (panda, koala, ours polaire) sont en meilleure posture que l’anguille. Parmi les autres espèces gravement menacées que l’on trouve en Europe figurent le <a href="https://www.iucnredlist.org/species/14018/45199861">vison d’Europe</a> et le <a href="https://www.iucnredlist.org/species/22728432/132658315">puffin des Baléares</a>. Ces deux espèces sont strictement protégées, et d’importants efforts de conservation sont mis en place pour les préserver.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/512263/original/file-20230224-1701-9ewsb6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/512263/original/file-20230224-1701-9ewsb6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=657&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/512263/original/file-20230224-1701-9ewsb6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=657&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/512263/original/file-20230224-1701-9ewsb6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=657&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/512263/original/file-20230224-1701-9ewsb6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=826&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/512263/original/file-20230224-1701-9ewsb6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=826&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/512263/original/file-20230224-1701-9ewsb6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=826&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Anguille européenne dans le fleuve Ter.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Lluís Zamora)</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
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<p>On ne trouve pas de vison d’Europe ou de puffin des Baléares au menu des restaurants, pas plus qu’on ne les sert en grandes quantités dans les festivals gastronomiques. <a href="https://www.theguardian.com/environment/2023/mar/12/eels-endangered-species-calls-to-off-european-menu">Mais c’est le cas de l’anguille</a>. Nous sommes en train de dévorer l’anguille européenne jusqu’à son extinction.</p>
<h2>Arrêtons de manger des anguilles</h2>
<p>Les traditions culinaires et sociales associées à la consommation de l’anguille sont apparues à une époque où l’on pouvait satisfaire son appétit grâce à son abondante population. Ce n’est plus le cas depuis des décennies. Mais on maintient et même intensifie les habitudes comme si rien n’avait changé.</p>
<p>On n’a pas mis fin à la pêche à l’anguille malgré sa rareté croissante. Elle est devenue un aliment unique et <a href="https://www.tastingtable.com/828681/why-are-baby-eels-so-expensive/">excessivement cher</a>, de plus en plus recherché en raison de notre <a href="https://www.nature.com/articles/444555a">goût pour les produits rares</a>. Le <a href="https://journals.plos.org/plosbiology/article?id=10.1371/journal.pbio.0040415">cercle vicieux</a> qui fait en sorte que les espèces exploitées et en déclin ont une valeur économique accrue ne fait qu’engendrer une intensification de leur exploitation et accélérer leur déclin. On sait que cela peut mener à <a href="https://conbio.onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1111/j.1755-263X.2008.00038.x">l’extinction de certaines espèces</a>. L’anguille semble être l’une d’entre elles.</p>
<p>Dans le contexte actuel, <a href="https://www.science.org/doi/full/10.1126/science.abj3359">l’exploitation durable des anguilles</a> n’est plus possible. Bien que l’on puisse se demander si la surpêche a joué le rôle principal dans le déclin de l’espèce, sa consommation est assurément l’un des plus gros obstacles à son rétablissement. Nous devons cesser de pêcher et de manger des anguilles, à la fois pour éviter leur extinction et pour permettre l’exploitation future d’une population d’anguilles en bonne santé.</p>
<p>Les recommandations des spécialistes visant à <a href="https://zientzia.eus/artikuluak/aingira-eta-angularik-ez-harrapatzeko-gomendatu-du/fr/">mettre fin à toute forme de pêche</a> à l’anguille devraient idéalement être mises en œuvre dans l’ensemble de l’aire de répartition de l’espèce et pendant une longue période (au moins une décennie).</p>
<p>Cependant, les responsables politiques de l’Union européenne, à tous les échelons, manquent de vision en la matière et ont décidé de ne pas interdire la pêche. Les administrations nationales et régionales tentent de contourner les restrictions timides et clairement insuffisantes imposées par l’UE et protègent la pêche à l’anguille.</p>
<p>En l’absence d’une interdiction décrétée par les autorités, les consommateurs et la communauté gastronomique devraient jouer un rôle important dans l’abandon de l’exploitation des anguilles. Les recettes à base d’anguille sont encore largement diffusées dans les médias et servies dans les restaurants chics. Je veux bien croire que les chefs et les journalistes gastronomiques ne sont pas au courant du statut critique de l’anguille et qu’ils soutiendraient un moratoire s’ils en étaient conscients. Il existe des cas où on a renoncé à l’anguille en tant qu’ingrédient culinaire, comme pour l’émission télévisée <a href="https://www.theguardian.com/lifeandstyle/2009/nov/01/eels-on-tv-menu-protest">Masterchef</a> au Royaume-Uni. </p>
<p>Il est temps que tout le monde s’abstienne de manger, de servir ou de recommander l’anguille.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/202494/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Miguel Clavero Pineda bénéficie d'un financement pour ses travaux de recherche dans le cadre du projet SUMHAL, financé par le ministère espagnol de la Science et de l'Innovation, par l'intermédiaire des Fonds européens de développement régional (FEDER) : SUMHAL, LIFEWATCH-2019-09-CSIC-4, POPE 2014-2020.</span></em></p>Il ne viendrait à l’idée de personne de manger un animal en voie de disparition comme le lynx ibérique. Alors pourquoi mangeons-nous encore des anguilles ?Miguel Clavero Pineda, Científico titular CSIC, Estación Biológica de Doñana (EBD-CSIC)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2012582023-03-24T14:28:05Z2023-03-24T14:28:05ZVoici pourquoi nous avons si peur des clowns<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/516506/original/file-20230320-1833-z53pt1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=2%2C0%2C992%2C607&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">La représentation négative des clowns dans la culture populaire est un facteur qui semble contribuer beaucoup plus à la coulrophobie.</span> <span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span></figcaption></figure><p>Avez-vous peur des clowns ? Si oui, vous n’êtes pas seul. La coulrophobie, ou peur des clowns, est un phénomène largement reconnu. <a href="https://www.chapman.edu/wilkinson/research-centers/babbie-center/_files/full-survey-methodology-2019.pdf">Des études</a> indiquent que cette peur est présente chez les adultes et les enfants <a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/00207411.2022.2046925?journalCode=mimh20">dans de nombreuses cultures</a>. Pourtant, elle n’est pas bien comprise en raison d’un manque de recherches ciblées.</p>
<p>Alors que de nombreuses explications possibles de la phobie ont été avancées dans la <a href="https://www.jstor.org/stable/26899534">littérature académique</a>, aucune étude n’a spécifiquement examiné ses origines. <a href="https://www.frontiersin.org/articles/10.3389/fpsyg.2023.1109466/full">Nous avons donc entrepris de découvrir</a> les raisons pour lesquelles les gens sont effrayés par les clowns et de comprendre la psychologie qui sous-tend cette phobie. Nous voulions également explorer la fréquence de la peur des clowns chez les adultes et examiner la gravité de la peur chez celles et ceux qui l’ont signalée. </p>
<p>Pour ce faire, nous avons élaboré un questionnaire psychométrique pour évaluer la prévalence et la gravité de la coulrophobie. <a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/00207411.2022.2046925">Le questionnaire sur la peur des clowns</a> a été rempli par un échantillon international de 987 personnes, âgées de 18 à 77 ans. </p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Un clown effrayant sort de derrière un arbre. Il porte un haut rouge. Il est maquillé en blanc et affiche un large sourire sinistre peint en rouge" src="https://images.theconversation.com/files/510340/original/file-20230215-15-x2wxpk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/510340/original/file-20230215-15-x2wxpk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/510340/original/file-20230215-15-x2wxpk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/510340/original/file-20230215-15-x2wxpk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/510340/original/file-20230215-15-x2wxpk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/510340/original/file-20230215-15-x2wxpk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/510340/original/file-20230215-15-x2wxpk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Avez-vous peur des clowns ? Si oui, vous n’êtes pas seul.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/image-photo/closeup-scary-evil-clown-woods-emerging-503361121">(Shutterstock)</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Plus de la moitié des personnes interrogées (53,5 %) ont déclaré avoir peur des clowns, au moins dans une certaine mesure, et 5 % d’entre elles ont déclaré en avoir « extrêmement peur ». Il est intéressant de noter que ce pourcentage de personnes déclarant avoir une peur extrême des clowns est légèrement plus élevé que les <a href="https://www.cambridge.org/core/journals/psychological-medicine/article/abs/crossnational-epidemiology-of-specific-phobia-in-the-world-mental-health-surveys/A0EDD4B22E19CDB63269D7A34F2C21AA">proportions déclarées pour de nombreuses autres phobies « extrêmes »</a>, telles que les animaux (3,8 %), le sang/les injections/les blessures (3,0 %), les hauteurs (2,8 %), l’eau calme ou les phénomènes météorologiques (2,3 %), les espaces clos (2,2 %) et l’avion (1,3 %). </p>
<p>Nous avons également constaté que les femmes ont davantage peur des clowns que les hommes. Pourquoi ? Ce n’est pas clair. Mais cette observation fait écho aux <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1111/ejn.14602">résultats des recherches</a> sur d’autres phobies telles que la peur des serpents et des <a href="https://psycnet.apa.org/record/1984-06781-001">araignées</a>. Nous avons également découvert que la coulrophobie diminue avec l’âge, ce qui est également observé <a href="https://www.cambridge.org/core/journals/psychological-medicine/article/abs/crossnational-epidemiology-of-specific-phobia-in-the-world-mental-health-surveys/A0EDD4B22E19CDB63269D7A34F2C21AA">pour d’autres peurs</a>. </p>
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<img alt="Un homme vêtu d’un costume de clown rouge, bleu, vert et jaune nous fait signe. Il a une perruque multicolore, un maquillage blanc et un gros nez rouge" src="https://images.theconversation.com/files/512852/original/file-20230301-23-3x3i35.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/512852/original/file-20230301-23-3x3i35.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=900&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/512852/original/file-20230301-23-3x3i35.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=900&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/512852/original/file-20230301-23-3x3i35.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=900&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/512852/original/file-20230301-23-3x3i35.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1131&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/512852/original/file-20230301-23-3x3i35.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1131&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/512852/original/file-20230301-23-3x3i35.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1131&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Tous les clowns ne sont pas censés être effrayants, mais cela ne nous empêche pas d’en avoir peur.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/image-photo/full-length-clown-portrait-169753952">(Shutterstock)</a></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Les origines de cette peur</h2>
<p>L’étape suivante consistait à explorer les origines de la peur des clowns. Un <a href="https://www.frontiersin.org/articles/10.3389/fpsyg.2023.1109466/full">questionnaire de suivi</a> a été remis aux 53,5 % de personnes qui avaient déclaré avoir au moins un certain degré de peur des clowns. Cette nouvelle série de questions proposait aux participants huit explications possibles des origines de cette peur, à savoir :</p>
<ol>
<li><p>Un sentiment étrange ou troublant dû au maquillage des clowns qui leur donne un aspect pas tout à fait humain. Une réaction similaire est parfois observée avec les <a href="https://theconversation.com/uncanny-valley-why-we-find-human-like-robots-and-dolls-so-creepy-50268">poupées ou mannequins</a>.</p></li>
<li><p>Les traits exagérés du visage des clowns transmettent un sentiment direct de menace.</p></li>
<li><p>Le maquillage des clowns dissimule les signaux émotionnels et crée de l’incertitude.</p></li>
<li><p>La couleur du maquillage de clown nous rappelle la mort, l’infection ou les lésions sanguines, et suscite le dégoût ou l’évitement.</p></li>
<li><p>Le comportement imprévisible des clowns nous met mal à l’aise.</p></li>
<li><p>La peur des clowns a été inculquée par les membres de sa famille. </p></li>
<li><p>Les représentations négatives des clowns dans la culture populaire.</p></li>
<li><p>Une expérience effrayante avec un clown.</p></li>
</ol>
<p>Étonnamment, nous avons constaté que la dernière explication, à savoir celle d’une expérience personnelle effrayante avec un clown, était la moins populaire auprès des participants. Cela indique que l’expérience personnelle ne suffit pas à expliquer pourquoi les gens ont peur des clowns. </p>
<p>En revanche, la représentation négative des clowns dans la culture populaire est un facteur qui semble contribuer beaucoup plus à la coulrophobie. Ce n’est pas étonnant, puisque certains des clowns les plus connus dans les livres et les films ont été conçus pour être effrayants. On peut par exemple penser à Pennywise, le clown effrayant du roman It de Stephen King (1986). (Ce personnage a récemment fait l’objet de deux films en <a href="https://www.warnerbros.co.uk/movies/it">2017</a> et <a href="https://www.warnerbros.co.uk/movies/it-chapter-two">2019</a>, avec Bill Skarsgård dans le rôle principal).</p>
<p>Or, certaines personnes ont peur de Ronald McDonald, la mascotte de la chaîne de restauration rapide éponyme. Le hic, c’est que ce clown n’est pas censé vous effrayer. Cela suggère qu’il y a peut-être quelque chose de plus fondamental dans l’apparence des clowns qui déstabilise les gens.</p>
<p>En fait, le facteur le plus important que nous ayons identifié est celui des signaux émotionnels cachés, ce qui suggère que pour de nombreuses personnes, la peur des clowns provient du fait qu’elles ne sont pas en mesure de percevoir leurs expressions faciales en raison de leur maquillage. Nous ne pouvons pas voir leur « vrai » visage et ne pouvons donc pas comprendre leur intention émotionnelle. Par exemple, nous ne savons pas s’ils froncent les sourcils, ce qui indiquerait de la colère. Le fait de ne pas pouvoir détecter ce qu’un clown pense ou ce qu’il pourrait faire ensuite rend certains d’entre nous nerveux en leur présence.</p>
<p>Ces recherches ont permis de mieux comprendre pourquoi les gens ont peur des clowns, mais d’autres questions demeurent en suspens. Par exemple, si le maquillage qui masque les émotions provoque la peur, les personnes qui se font peindre le visage en animal produisent-elles le même type d’effet ? Ou bien y a-t-il quelque chose de plus particulier dans le maquillage des clowns qui suscite cette peur ? C’est sur ces questions que nous poursuivons nos recherches.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/201258/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Nos recherches montrent que la coulrophobie, ou peur des clowns, est principalement déclenchée par l’incapacité à comprendre leurs expressions faciales.Sophie Scorey, PhD Researcher, University of South WalesJames Greville, Lecturer in Psychology, University of South WalesPhilip Tyson, Associate Professor of Psychology, University of South WalesShakiela Davies, Lecturer in Clinical Psychology and Mental Health, University of South WalesLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1760952023-03-13T13:52:10Z2023-03-13T13:52:10ZLes services publics et culturels jouent un rôle essentiel dans la résilience des villes<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/452286/original/file-20220315-19-9pzvcc.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&rect=19%2C0%2C4191%2C2819&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les villes dotées de services culturels et publics dynamiques ont tendance à mieux résister aux fermetures d’usines et aux licenciements massifs que les communautés qui en sont dépourvues et, après les fermetures d’usines, des jeunes s’y installent ou y demeurent.</span> <span class="attribution"><span class="source">LA PRESSE CANADIENNE/Paul Chiasson </span></span></figcaption></figure><p>Les fermetures et les congédiements massifs qui frappent les grandes entreprises manufacturières – que ce soit en raison de la <a href="https://news.mit.edu/2021/david-autor-china-shock-persists-1206">concurrence de pays à faibles salaires</a> ou de <a href="https://news.mit.edu/2020/robots-help-firms-workers-struggle-0505">l’automatisation</a> – ont évidemment de lourdes conséquences pour les travailleurs licenciés.</p>
<p>Cependant, les villes qui abritent ces entreprises en souffrent gravement aussi. Quels facteurs renforcent la résilience des villes à la suite des fermetures ou des licenciements massifs ?</p>
<p><a href="https://cirano.qc.ca/en/summaries/2021s-41">Dans notre étude sur les impacts des fermetures et des réductions d’effectifs des grandes usines</a>, nous avons constaté qu’au cours des 20 dernières années, les villes canadiennes les plus durement affectées par ces événements ont connu un ralentissement de la croissance démographique, en particulier chez les jeunes et les personnes en âge de travailler.</p>
<p>Ces effets ont toutefois été limités dans les villes où les services publics et culturels sont un aspect établi et vital de la culture de la communauté. Les services publics et culturels semblent donc contribuer à la résilience des villes.</p>
<h2>Effets boule de neige des licenciements massifs</h2>
<p>Depuis le début des années 1990, des économistes ont étudié l’impact des fermetures de grandes usines et des licenciements massifs sur les travailleurs congédiés. Les résultats montrent que ces chocs économiques <a href="https://www.worldbank.org/en/news/feature/2020/10/20/tackling-the-impact-of-job-displacement-through-public-policies">nuisent aux personnes concernées</a> dans presque tous les aspects de leur vie : ils engendrent une baisse de revenu pour eux et pour leurs enfants lorsqu'ils atteignent l'âge adulte, une hausse de la probabilité d'être au chômage, un allongement des périodes de chômage, une baisse de la fécondité et une hausse du taux de divorce.</p>
<p>Mais l’impact des licenciements massifs et des fermetures de grandes usines sur l’économie des villes est plus débattu.</p>
<p><a href="https://doi.org/10.1093/jeea/jvy045">Selon certaines études</a>, les pertes d’emplois globales sont plus importantes que le nombre d’emplois initialement supprimés. Cela s’explique par l’effet boule de neige : les fermetures de grosses usines entraînent la faillite de fournisseurs locaux ou d’autres entreprises qui dépendent d'elles.</p>
<p><a href="https://doi.org/10.1093/jeg/lbx026">Selon d’autres études</a>, une partie des pertes d’emplois est compensée par ceux créés dans des entreprises locales déjà en place ou nouvelles.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/442788/original/file-20220126-21-b7uaz2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/442788/original/file-20220126-21-b7uaz2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=412&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/442788/original/file-20220126-21-b7uaz2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=412&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/442788/original/file-20220126-21-b7uaz2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=412&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/442788/original/file-20220126-21-b7uaz2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=517&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/442788/original/file-20220126-21-b7uaz2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=517&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/442788/original/file-20220126-21-b7uaz2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=517&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Des maisons abandonnées et placardées dans la ville de Windsor, en Ontario, l’une des communautés ontariennes les plus touchées par la récession de 2008-2009.</span>
<span class="attribution"><span class="source">LA PRESSE CANADIENNE/Nathan Denette</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Dans notre récente étude sur les villes canadiennes, nous avons constaté que sur les quelque 53 000 établissements manufacturiers actifs en 2003, près de 4 000 de ceux qui comptaient plus de 50 employés avaient disparu en 2017.</p>
<p>En outre, 1 200 d’entre eux avaient licencié au moins 30 % de leur main-d’œuvre. Au total, près d’un tiers des emplois manufacturiers de 2003 avaient disparu en 2017, et beaucoup d’entre eux n’avaient pas été remplacés.</p>
<p>La situation varie selon les provinces canadiennes. Le Québec, l’Ontario et les provinces de l’Atlantique ont été beaucoup plus durement touchés que les provinces de l’Ouest. Et il existe aussi des différences entre les villes d’une même province.</p>
<p>Nous avons comparé les changements démographiques dans les villes où le secteur manufacturier a connu beaucoup de pertes d’emplois à ce qui s’est produit dans les villes où il n’y a eu que peu de pertes. Nous avons également tenu compte de caractéristiques qui varient fortement entre les villes, comme leur taille initiale, leur proportion initiale de jeunes résidents, leur climat et leur emplacement au Canada.</p>
<h2>Les fermetures d’usines entraînent un vieillissement de la population</h2>
<p>Nous avons constaté que les fermetures de grandes usines et les licenciements massifs freinent la croissance démographique des villes les plus durement touchées. Les effets négatifs se concentrent chez les personnes en âge de travailler (20-54 ans) et les jeunes (0-19 ans).</p>
<p>En d’autres termes, une ville qui se désindustrialise devient une ville dont la population vieillit. En effet, les personnes en âge de travailler sont plus susceptibles de partir après des licenciements massifs pour chercher des emplois ailleurs, et elles partent avec leurs enfants lorsqu'elles en ont.</p>
<p>Les immigrants et les célibataires sont également plus susceptibles de quitter les villes touchées par des chocs sur le marché du travail. Cela s’explique par le fait que les immigrants ont l’habitude de recommencer à zéro, tandis que les célibataires n’ont pas à craindre de perturber la vie scolaire ou sociale de leurs enfants.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="On voit des gens quitter une usine d’assemblage automobile avec une rangée de voitures colorées au premier plan" src="https://images.theconversation.com/files/442797/original/file-20220126-21-185kh6r.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/442797/original/file-20220126-21-185kh6r.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=386&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/442797/original/file-20220126-21-185kh6r.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=386&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/442797/original/file-20220126-21-185kh6r.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=386&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/442797/original/file-20220126-21-185kh6r.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=486&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/442797/original/file-20220126-21-185kh6r.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=486&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/442797/original/file-20220126-21-185kh6r.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=486&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">En septembre 2011, des employés quittent l’usine d’assemblage Ford au moment où la production prend fin à St-Thomas, en Ontario. L’usine de la petite ville du sud-ouest de l’Ontario a fermé après quatre décennies d’activités, et 1 200 travailleurs se sont retrouvés au chômage.</span>
<span class="attribution"><span class="source">LA PRESSE CANADIENNE/Dave Chidley</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Enfin, nous avons observé que les villes avec une plus forte part de la population initialement employée dans les secteurs de l’éducation, des soins de santé et de l’assistance sociale ont subi un déclin démographique moindre à la suite de la fermeture et des licenciements massifs dans les grandes entreprises manufacturières. Il en va de même de celles avec une forte présence initiale de services culturels.</p>
<p>Les services publics et culturels renforcent la résilience des villes en rendant moins lourdes les conséquences des fermetures. Nos recherches en cours ne permettent pas d’en déterminer les raisons, et le phénomène n’est <a href="http://espace.inrs.ca/id/eprint/9265/">pas encore bien compris</a>. Mais les premiers résultats montrent que les services d’éducation, de santé et d’assistance sociale sont particulièrement efficaces pour retenir les travailleurs étrangers, tandis que les activités culturelles retiennent plus particulièrement les personnes en âge de travailler, notamment les diplômés universitaires.</p>
<p>Cela donne à penser que ces services répondent aux besoins de différents types de citoyens, et que les villes qui en sont bien dotées ont plus de chances de conserver ces derniers s’ils perdent leur emploi. À l’heure où les services publics et culturels sont soumis à de fortes pressions en raison de la Covid-19, leur préservation pourrait être l’un des éléments qui permettent aux villes de résister à des crises futures.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/176095/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Florian Mayneris a reçu des financements du CRSH. Il est affilié au Center for Economic Policy Research. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Kristian Behrens a reçu des financements du CRSH. Il est affilié au Centre for Policy Research (Londres, Royaume-Uni) et au Center for Market Studies and Spatial Economics (CMSSE ; HSE, Fédération de Russie).</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Manasse Drabo a reçu des financements pour sa bourse de doctorat du CRSH, du FRQSC et d'Hydro Québec.</span></em></p>Des recherches préliminaires suggèrent que les services culturels et sociaux retiennent ou attirent les employés durement touchés par les fermetures d’usines dans d’autres communautés.Florian Mayneris, Professor, Urban Economics, Université du Québec à Montréal (UQAM)Kristian Behrens, Economics Professor, Université du Québec à Montréal (UQAM)Manassé Drabo, PhD Candidate, Economics, Université du Québec à Montréal (UQAM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2004892023-02-24T14:25:46Z2023-02-24T14:25:46ZPhallus géant de Vindolanda : le jouet sexuel romain a peut-être été fabriqué par un cordonnier, selon une spécialiste des prothèses antiques<p>En 1992, des archéologues ont découvert ce qu’ils pensaient être un outil à repriser dans le cadre de fouilles sur le site du <a href="https://www.vindolanda.com/roman-vindolanda-fort-museum">fort romain de Vindolanda</a>, sur le mur d’Hadrien, dans le Northumberland, en Angleterre. On a par la suite laissé l’artefact de côté, de sorte qu’il n’a fait l’objet d’aucune recherche. Jusqu’à récemment.</p>
<p>Quand les archéologues Rob Collins, de l’Université de Newcastle, et Rob Sands, de la University College de Dublin, ont réexaminé l’artefact, ils ont eu un choc. Après l’avoir étudié, ils sont arrivés à une interprétation quelque peu différente, estimant que ce qu’on avait cru être un outil à repriser était en fait un phallus. Et pas n’importe lequel : il s’agit de l’unique phallus en bois grandeur nature de l’époque romaine trouvé intact à ce jour.</p>
<p>Grâce à mes recherches sur les <a href="https://www.cambridge.org/gb/academic/subjects/classical-studies/ancient-history/prosthetics-and-assistive-technology-ancient-greece-and-rome?format=HB">prothèses antiques</a>, je sais que les cordonniers romains pratiquaient souvent une seconde activité, plus osée. Pourraient-ils être à l’origine de cet outil en bois, qui semble être un godemichet de l’Antiquité romaine ?</p>
<p>On a déjà découvert de nombreux phallus en pierre, en métal, en os et en céramique sur d’autres sites romains. Si les phallus en matière organique, comme le bois et le cuir, étaient sans doute tout aussi populaires à l’époque romaine, ils n’ont pu être conservés que dans certaines conditions particulières : très humides ou très sèches.</p>
<p>Le site de Vindolanda, dont les conditions sont très humides, étonne les archéologues par les trésors qu’il recèle, comme des tablettes en bois où des lettres étaient inscrites (dont une <a href="https://romaninscriptionsofbritain.org/inscriptions/TabVindol291">invitation à une fête d’anniversaire</a>), une paire de <a href="https://www.bbc.com/news/uk-england-tyne-43120942">gants de boxe en cuir</a> ou un <a href="https://www.vindolanda.com/toilet-seat">siège de toilette en bois</a>.</p>
<p>Le <a href="https://www.vindolanda.com/Blog/wooden-phallus">phallus de Vindolanda</a>, comme on l’appelle désormais, a été retrouvé dans un gisement datant de la fin du deuxième siècle de notre ère et est particulièrement bien conservé.</p>
<p>Il est sculpté dans du bois de frêne et a probablement été taillé à l’aide d’un seul outil par une personne qui s’y connaissait en sculpture sur bois, car on ne trouve aucune trace d’erreurs commises au cours du processus. Il mesure 16 cm de long, mais il se peut qu’il ait été plus gros à l’origine, puisque le bois a tendance à se contracter et à se déformer avec le temps.</p>
<p>Le phallus était une image très répandue dans le monde romain. Si on a déjà interprété les phallus de manière très littérale, considérant qu’ils indiquaient le chemin vers des maisons closes, de nos jours, on les perçoit plutôt comme des objets « apotropaïques », c’est-à-dire servant à se protéger et à conjurer le mauvais sort. Ainsi, l’on peut imaginer différentes utilités au phallus de Vindolanda.</p>
<h2>Théories sur le phallus de bois</h2>
<p>Il est tout à fait possible que l’artefact ait été utilisé dans un contexte sexuel. Cependant, il s’agit peut-être d’un pilon qui, avec un mortier, aurait servi à la préparation d’aliments ou de médicaments. Si c’est le cas, il se peut que la forme phallique fût considérée comme renforçant les propriétés des ingrédients.</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/511474/original/file-20230221-14-da3g7x.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Une tête de garçon est assise sur une colonne carrée avec un pénis gravé à la hauteur appropriée" src="https://images.theconversation.com/files/511474/original/file-20230221-14-da3g7x.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/511474/original/file-20230221-14-da3g7x.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=800&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/511474/original/file-20230221-14-da3g7x.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=800&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/511474/original/file-20230221-14-da3g7x.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=800&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/511474/original/file-20230221-14-da3g7x.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1005&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/511474/original/file-20230221-14-da3g7x.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1005&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/511474/original/file-20230221-14-da3g7x.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1005&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Hermès romain avec une tête de Mercure.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.britishmuseum.org/collection/image/968544001">The Trustees of the British Museum</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc/4.0/">CC BY-NC</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Il aurait également pu être inséré dans une statue, telle qu’une représentation du dieu Priape ou Sylvanus, ou même simplement un <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Herm%C3%A8s_(sculpture)">hermès</a>, une sculpture avec une tête et une section inférieure rectangulaire sur laquelle des organes génitaux étaient parfois sculptés), soit sur pied, soit monté sur un bâtiment, que les gens pouvaient toucher ou frotter pour attirer la chance.</p>
<p>L’absence d’usure indique que si le phallus était fixé sur une statue, celle-ci se trouvait à l’intérieur et n’était pas exposée aux intempéries du Northumberland dont les soldats stationnés à Vindolanda <a href="https://romaninscriptionsofbritain.org/inscriptions/TabVindol234">se plaignaient fréquemment</a> dans leur correspondance.</p>
<p>Les archéologues qui ont examiné l’artefact pour en redéfinir l’usage <a href="https://www.theguardian.com/science/2023/feb/20/its-not-a-darning-tool-its-a-very-naughty-toy-roman-dildo-found">ont plutôt tendance à croire</a> qu’il s’agissait d’un pilon ou d’un élément de statue que d’un jouet sexuel.</p>
<p>Cependant, le fait que le phallus ait été découvert dans une fosse avec des dizaines de chaussures et d’accessoires vestimentaires et des déchets tels que des chutes de cuir et des morceaux de bois de cervidé travaillé est intrigant. Cela donne du poids à la théorie du jouet sexuel.</p>
<p>Les artisans de l’Antiquité, tels que les cordonniers, pouvaient se consacrer à toutes sortes d’activités et, bien que de nombreuses chaussures d’hommes, de femmes et d’enfants aient été retrouvées à Vindolanda, les cordonniers devaient avoir tout le temps, pendant les longues et noires nuits nordiques, d’exercer divers petits boulots.</p>
<p>De même qu’aujourd’hui, nous associons parfois la taille des pieds à celle du pénis, dans l’Antiquité, on établissait fréquemment un lien entre pieds et phallus. Le poète Hérondas <a href="https://remacle.org/bloodwolf/poetes/herondas/mimes.htm">met en scène deux femmes</a>, Koritto et Métro, qui discutent du godemichet en cuir rouge que vient d’acquérir la première. L’autre veut savoir où elle peut en trouver un semblable, et Koritto lui conseille d’aller chez le cordonnier Kerdon.</p>
<p>Plus loin, Métro s’adresse à Kerdon pour obtenir ce qu’elle cherche, et le cordonnier lui présente un vaste catalogue de « chaussures » parmi lesquelles elle peut choisir. Peut-être la ville située à l’extérieur du fort de Vindolanda abritait-elle un cordonnier tout aussi ingénieux.</p>
<p>Les fouilles à Vindolanda ont beau se poursuivre depuis des décennies, le site a toujours la capacité de nous surprendre et de nous émerveiller par la fenêtre qu’il nous ouvre sur les aspects les plus intimes de la vie des Romains qui y vivaient il y a 2 000 ans.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/200489/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jane Draycott ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les cordonniers romains de l’Antiquité avaient tout le temps, pendant les longues et sombres nuits hivernales, de s’adonner à des activités annexes… plus osées.Jane Draycott, Lecturer, Classics, University of GlasgowLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1960132023-01-06T14:18:40Z2023-01-06T14:18:40ZBasquiat, artiste multidisciplinaire, dénonciateur des violences faites envers les communautés afro-américaines<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/503147/original/file-20230104-129650-pb1p63.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C6274%2C2991&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">L'oeuvre "Toxic", de Jean-Michel Basquiat, à droite sur la photo, s'inspire du cartoon américain et dénonce la violence de la société américaine. À l’heure du mouvement Black Lives Matter, l’œuvre de Basquiat est plus pertinente que jamais.</span> <span class="attribution"><span class="source">(MBAM)</span></span></figcaption></figure><p>L’exposition <a href="https://www.mbam.qc.ca/fr/expositions/jean-michel-basquiat/"><em>À plein volume : Basquiat et la musique</em></a> présentée actuellement au Musée des beaux-arts de Montréal, démontre que l’œuvre de Jean-Michel Basquiat, que l’on associe habituellement à la peinture, convoque plusieurs autres médias : la musique — thème principal de cette exposition-, la littérature, la bande dessinée, le cinéma et… l’animation, un volet nettement moins connu de son travail.</p>
<p>Basquiat est né à New York en 1960, d’un père haïtien et d’une mère d’origine portoricaine. Vers la fin des années 1970, il dessine en collaboration avec Al Diaz des graffitis énigmatiques <a href="https://www.ucpress.edu/book/9780520383340/reading-basquiat">sous le pseudonyme SAMO</a>. Rapidement, l’artiste se fait connaître dans le milieu de l’art new-yorkais (il se lie d’amitié notamment avec Andy Warhol et fréquente Madonna). Il réalise alors des œuvres picturales en solo et obtient une renommée internationale sans cesse grandissante jusqu’à son décès, en 1988.</p>
<p>À l’heure du mouvement Black Lives Matter, l’œuvre de Jean-Michel Basquiat est plus pertinente que jamais. Elle met en lumière les inégalités raciales et le manque de représentation dans les médias des personnes racisées, mais aussi les violences subies par les Afro-Américains.</p>
<p>C’est ce que je me propose d’explorer dans cet article. Doctorant en littérature et arts de la scène et de l’écran, mes recherches portent notamment sur les interactions entre le cinéma d’animation et les arts visuels (bande dessinée, peinture) ainsi que sur le cartoon américain.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/503146/original/file-20230104-129855-7kcpz0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/503146/original/file-20230104-129855-7kcpz0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=410&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/503146/original/file-20230104-129855-7kcpz0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=410&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/503146/original/file-20230104-129855-7kcpz0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=410&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/503146/original/file-20230104-129855-7kcpz0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=516&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/503146/original/file-20230104-129855-7kcpz0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=516&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/503146/original/file-20230104-129855-7kcpz0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=516&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Jean-Michel Basquiat avec son installation Klaunstance, à l’Area, en 1985.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Photo Ben Buchanan)</span></span>
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</figure>
<h2>Amour/haine pour le cartoon</h2>
<p>Enfant, Basquiat <a href="https://www.ucpress.edu/book/9780520305168/the-jean-michel-basquiat-reader">rêvait de devenir animateur pour le cinéma d’animation</a>. Une fois devenu peintre, la télévision était toujours allumée dans son atelier, <a href="https://www.leslibraires.ca/livres/a-plein-volume-basquiat-et-la-collectif-9782072985935.html">diffusant régulièrement des dessins animés</a>. Ces émissions et films ont été une grande source d’inspiration pour l’artiste. En effet, il a intégré dans ses tableaux plusieurs références à l’animation ou encore, à la bande dessinée.</p>
<p>L’une de ces œuvres que l’on peut contempler dans l’exposition du MBAM s’appelle <em>Toxic</em> (1984). Le tableau représente un homme noir, les bras en l’air, avec en arrière-plan un collage mentionnant plusieurs titres de courts métrages d’animation réalisés entre 1938 et 1948.</p>
<p>Le personnage est en fait un ami de Basquiat, l’artiste Torrick « Toxic » Ablack. Le <a href="https://www.leslibraires.ca/livres/a-plein-volume-basquiat-et-la-collectif-9782072985935.html">titre du tableau lui ferait donc référence</a>. Cependant, sachant que Basquiat <a href="https://www.ucpress.edu/book/9780520305168/the-jean-michel-basquiat-reader">jouait avec les mots et leurs sens</a>, « Toxic » pourrait en fait vouloir désigner la relation qu’il entretient avec les films d’animation qui sont mentionnés derrière le personnage.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/503155/original/file-20230104-129650-l0k73w.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/503155/original/file-20230104-129650-l0k73w.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=348&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/503155/original/file-20230104-129650-l0k73w.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=348&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/503155/original/file-20230104-129650-l0k73w.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=348&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/503155/original/file-20230104-129650-l0k73w.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=438&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/503155/original/file-20230104-129650-l0k73w.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=438&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/503155/original/file-20230104-129650-l0k73w.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=438&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Artiste multidisciplinaire, Jean-Michel Basquiat était aussi musicien. L’exposition qui lui est consacrée au MBAM illustre ce volet de son œuvre.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(MBAM)</span></span>
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</figure>
<p>Pourrait-on dire que ces films sont considérés toxiques par Jean-Michel Basquiat, malgré l’admiration qu’il leur porte ? En fait, je crois qu’une certaine dualité s’installe dans ce tableau : l’artiste aime le cartoon, mais il le déteste en même temps. Selon le dictionnaire <em>Le Petit Robert</em>, le mot <a href="https://dictionnaire.lerobert.com/definition/toxique">« toxique »</a> peut signifier « nuisible » (de manière sournoise). Le terme « sournois » sous-entend donc que l’élément toxique (le cartoon dans ce cas-ci) est dangereux sans que l’on s’en aperçoive.</p>
<h2>La violence des cartoons</h2>
<p>Le cartoon est souvent associé à l’enfance, au plaisir, à l’excentricité.</p>
<p>Il s’agit d’un univers où tout est possible : dans <a href="https://www.youtube.com/watch?v=6leVrkdoYIU&t=6s"><em>Gorilla My Dreams</em></a>, réalisé par Robert McKimson en 1948, par exemple, le lapin Bugs Bunny parle, se déguise en bébé et imite un singe. Plutôt innocent. Cependant, le dessin animé peut aussi représenter de façon bien sournoise le pire de l’humanité par la violence inouïe qu’il contient : les personnages se pourchassent, se chassent, se frappent, se découpent, se tuent, puis recommencent.</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/6leVrkdoYIU?wmode=transparent&start=6" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Robert McKimson, Gorilla My Dreams, Warner Bros., 1948.</span></figcaption>
</figure>
<p>Ainsi, dans <em>Porky’s Hare Hunt</em>, film réalisé par Ben Hardassent en 1938 et cité dans <em>Toxic</em>, le personnage de Porky est blessé par de la dynamite, se fait maltraiter alors même qu’il est dans son lit d’hôpital et tente d’abattre un lapin. Basquiat, qui consomme des cartoons tous les jours à la télévision, sait qu’ils sont le reflet de la société américaine du XX<sup>e</sup> siècle.</p>
<p>Il s’agit d’une interprétation qui pourrait être soutenue par le titre d’un autre de ses tableaux reprenant lui aussi une iconographie issue de l’animation ou de la bande dessinée : <em>Television and cruelty to animals</em> (1983). Cette cruauté est aussi dénoncée et reproduite dans <em>An Opera</em> (1985) montrant un Popeye se faire frapper avec au-dessus de sa tête les mots « senseless violence » (violence injustifiée) ainsi que dans <a href="https://www.mbam.qc.ca/en/oeuvres/14684/"><em>A Panel of Experts</em></a> (1982), où l’on voit des bonhommes allumettes se frapper tout prêt d’un énorme revolver.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/503115/original/file-20230104-14-ck5io.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/503115/original/file-20230104-14-ck5io.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=573&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/503115/original/file-20230104-14-ck5io.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=573&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/503115/original/file-20230104-14-ck5io.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=573&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/503115/original/file-20230104-14-ck5io.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=720&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/503115/original/file-20230104-14-ck5io.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=720&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/503115/original/file-20230104-14-ck5io.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=720&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">La toile A Panel of Experts, produite en 1982, dénonce la cruauté et la violence.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(MBAM, don d’Ira Young. Estate of Jean-Michel Basquiat. Licensed by Artestar, New York. Photo Douglas M. Parker)</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Cette violence que dénonce Basquiat est si présente dans le cartoon qu’elle semble jusqu’à un certain point devenue banale, comme celle que l’on voit dans les bulletins de nouvelles à la télévision (qu’il regardait probablement pendant qu’il peignait).</p>
<h2>Dénoncer les stéréotypes raciaux</h2>
<p>Ces cartoons sont aussi violents parce qu’ils perpétuent souvent des stéréotypes raciaux (sans compter les nombreux stéréotypes liés à l’orientation sexuelle, au genre, au sexe, à l’apparence corporelle, etc.).</p>
<p>Le film <em>Patient Porky</em>, réalisé par Bob Clampett en 1940, qui est aussi mentionné dans <em>Toxic</em>, présente une scène où un valet d’ascenseur parodie grossièrement et de façon monstrueuse un personnage noir. Dans l’œuvre <em>Sans titre (All Stars)</em> (1983), Basquiat cite le film <a href="https://www.youtube.com/watch?v=_WXrrOIWZKo"><em>The Chinaman</em></a>, de Max Fleischer, réalisé en 1920, dans lequel on retrouve un personnage d’origine asiatique très caricaturé et un Koko le clown se maquillant afin de lui ressembler.</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/_WXrrOIWZKo?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Max Fleischer, The Chinaman, Bray Studios, 1920.</span></figcaption>
</figure>
<p>Basquiat tente donc, en plaçant dans ses compositions des éléments faisant référence à l’animation, de dénoncer une vision du monde stéréotypée et injuste où les <a href="https://www.ucpress.edu/book/9780520305168/the-jean-michel-basquiat-reader">personnes racisées sont dépeintes de manière irréaliste</a>. Basquiat disait d’ailleurs que s’il n’avait pas été peintre, il aurait été cinéaste et aurait raconté des histoires où les personnes noires <a href="https://www.ucpress.edu/book/9780520305168/the-jean-michel-basquiat-reader">sont représentées comme des humains, et non plus de façon négative</a>.</p>
<p>Le titre du tableau <em>Toxic</em> porterait ainsi plusieurs sens. Il désigne à la fois le sujet principal (Torrick « Toxic » Ablack), mais aussi la relation qu’il entretient avec la culture populaire, et l’animation dans ce cas-ci.</p>
<p>J’ai omis de mentionner que le personnage de <em>Toxic</em> a les bras en l’air et les mains rougies. Se pourrait-il que cette relation toxique lui ait sali les mains ? Plus précisément que le personnage, du fait que le cartoon a continuellement dépeint les personnes noires de manière péjorative, est maintenant représenté comme un criminel ? Sa position indique en effet qu’il semble être en état d’arrestation.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/503154/original/file-20230104-105026-uxktgp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/503154/original/file-20230104-105026-uxktgp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=298&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/503154/original/file-20230104-105026-uxktgp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=298&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/503154/original/file-20230104-105026-uxktgp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=298&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/503154/original/file-20230104-105026-uxktgp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=375&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/503154/original/file-20230104-105026-uxktgp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=375&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/503154/original/file-20230104-105026-uxktgp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=375&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Dog Bite/Ax to Grind (1983).</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Estate of Jean-Michel Basquiat. Rotterdam, Museum Boijmans Van Beuningen. Licensed by Artestar, New York)</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Cette hypothèse est fort probable puisque Basquiat a produit plusieurs œuvres dénonçant la brutalité policière envers les Afro-Américains, dont <em>The Death of Michael Stewart (Defacement)</em> (1983).</p>
<p>Basquiat est décédé prématurément en 1988, à l’âge de 27 ans. D’autres artistes issus de la communauté noire, comme les peintres montréalais <a href="https://helloteenadultt.com/">Kezna Dalz alias Teenadult</a>, <a href="https://www.manuelmathieu.com/">Manuel Mathieu</a>, et la cinéaste d’animation <a href="http://www.martinechartrand.net/">Martine Chartrand</a> ont, à leur façon, repris son combat et continuent de lutter pour une plus grande visibilité des personnes noires dans les arts.</p>
<hr>
<p><em>Exposition Basquiat Sountracks, Du 6 avril au 30 juillet 2023 à la Philharmonie de Paris.
Exposition « Basquiat × Warhol, à quatre mains », du 5 avril au 28 août 2023 à la Fondation Louis Vuitton, Paris.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/196013/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les recherches doctorales de John Harbour sont financées par le Conseil de recherches en sciences humaines (CRSH).</span></em></p>À l’heure du mouvement Black Lives Matter, l’œuvre de Basquiat est plus pertinente que jamais. Elle met en lumière les inégalités raciales et la violence contre les personnes racisées.John Harbour, Doctorant en littérature et arts de la scène et de l'écran (concentration cinéma), Université LavalLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1954082022-12-22T15:20:57Z2022-12-22T15:20:57ZLe père Noël dans l’imaginaire collectif : entre profane et sacré<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/502550/original/file-20221222-18-d432yn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=4%2C1%2C991%2C664&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Pour que l'idée d'un père Noël sacré survive dans l'esprit des enfants, il nous faut compter sur la complicité et la solidarité de tous les adultes, que ce soit à la maison, à l'école, dans les médias, dans les commerces ou dans les œuvres de culture populaire.</span> <span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span></figcaption></figure><p>Doit-on laisser nos enfants croire au père Noël ou serait-il plus prudent de leur expliquer, dès leur plus jeune âge, qu’un tel personnage <em>n’existe pas</em> ?</p>
<p>C’est une question à laquelle plusieurs parents trouveront certainement des réponses pertinentes dans les écrits de la <a href="https://naitreetgrandir.com/fr/etape/1_3_ans/viefamille/fiche.aspx?doc=bg-naitre-grandir-croire-pere-noel">psychologie pédiatrique</a>. En adoptant toutefois la perspective de l’<a href="https://www.cas-sca.ca/fr/a-propos-d-anthropologie/qu-est-ce-que-l-anthropologie">anthropologie culturelle</a>, ma question est un peu différente. Je me demande pourquoi nous acceptons tous, un jour ou l’autre, de nous faire les complices de ce mystère sur la réalité du <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/P%C3%A8re_No%C3%ABl">père Noël</a>, qu’on le voit comme un <a href="https://theconversation.com/coca-cola-is-coming-to-town-ou-lepopee-publicitaire-de-santa-128412">personnage fictif du soft power américain</a> ou plutôt comme une icône des <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/No%C3%ABl">fêtes chrétiennes de la Nativité</a>.</p>
<p>Deux sous-questions doivent être formulées. La première concerne le besoin que nous, occidentaux, avons d’incarner l’esprit religieux de Noël sous la forme d’un vieillard costumé plutôt que de lui conserver son essence mythique originelle. Et la seconde concerne notre volonté encore plus naïve de sublimer l’image de ce personnage folklorique en feignant de ne pas remarquer ses écarts de conduite lorsqu’il s’en donne la licence morale, notamment dans les films ou les chansons pour enfants.</p>
<p>Dans une <a href="https://professeurs.uqam.ca/professeur/genest.sylvie/">perspective universitaire</a> et sur la base de mes intérêts pour la culture populaire et sa construction dans un contexte capitaliste, je me réfère principalement aux écrits du philosophe <a href="https://www.puf.com/Auteur:Jean-Jacques_Wunenburger">Jean-Jacques Wunenburger</a>, éminent spécialiste de l’image et du sacré, pour aborder ce thème de l’ambivalence qui caractérise notre expérience du père Noël.</p>
<h2>L’expérience infantile du « numineux »</h2>
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<figcaption><span class="caption">Des enfants prennent des photos, assis sur les genoux du père Noël.</span></figcaption>
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<p>Ce que nous enseigne d’abord Wunenburger, c’est que le sacré dispose fondamentalement d’un statut paradoxal. C’est-à-dire qu’en tant qu’il fixe un seuil entre le naturel et le surnaturel, le sacré constitue à la fois un « interdit à ne pas transgresser » et une « invitation à enfreindre les limites », notamment celles de la matérialité du monde. Devant ce paradoxe, il est normal d’être en proie à des sentiments ambivalents : d’un côté, nous ressentons une « peur panique devant la grandeur incommensurable de l’inconnu » ; et de l’autre, une « attraction irrésistible vers quelque chose de supérieur, de merveilleux et de solennel ». C’est ce que le théologien Rudoplf Otto a appelé l’expérience du <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Numineux"><em>numineux</em></a>.</p>
<p>C’est sans doute ce que ressentent nos enfants lorsque nous, parents, les asseyons sur les genoux d’un père Noël inconnu en plein milieu d’un centre commercial. Par ce geste, nous les soumettons à ce type d’expérience en permettant que soit entretenue, en eux, une grande confusion de sentiments. D’une part, ils éprouveront une peur effroyable envers cet étranger flamboyant qui les empoigne ; et, d’autre part, ils nourriront cette espérance ardente à laquelle nous les raccrochons en leur faisant miroiter de jolis présents d’ordinaire inaccessibles.</p>
<h2>Sacraliser notre expérience du profane</h2>
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<figcaption><span class="caption">Le défilé du père Noël, à Montréal, en 2022.</span></figcaption>
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<p>Aussi, pour que l’étrange bonhomme soit <em>plus</em> qu’une image dans un cahier à colorier, il nous faut mettre en place des stratégies visant à en instituer le caractère sacré. Comme nous en instruit Wunenburger, il s’agit dès lors de structurer notre expérience « par le symbole, le mythe et le rite ».</p>
<p>Parmi les rites de Noël les plus pratiqués dans les métropoles industrielles, il y a celui qui consiste à assister, les enfants sur les épaules, à un long défilé de chars allégoriques au terme duquel l’apparition du père Noël produit généralement l’émoi escompté. D’autres rites plus intimes consistent par exemple à laisser des indices du passage du père Noël dans nos maisons, que ce soit en disposant des biscuits grignotés, des verres de lait à moitié bus ou des cadeaux sous le sapin, le tout à l’insu des enfants endormis.</p>
<p>Afin de donner au père Noël son caractère sacré, les créateurs de la fête capitaliste en ont par ailleurs engendré les mythes de sorte à lui octroyer des pouvoirs magiques, des connaissances secrètes et des privilèges merveilleux.</p>
<p>Quant aux symboles de la sacralité du père Noël, on les a empruntés au domaine du religieux. Il s’agit notamment de la <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Crosse_%C3%A9piscopale">crosse épiscopale</a>, de la <a href="https://articlesreligieux.fr/vetements-du-clerge/2482-barrette-rouge-avec-pompon.html">barrette à pompon</a> et de la couleur pourpre portée par les <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Cardinal_(religion)">cardinaux</a>, un rouge flamboyant symbolisant le pouvoir, le prestige et l’autorité de ces hauts dignitaires de l’Église catholique.</p>
<h2>Profaner notre expérience du sacré</h2>
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<figcaption><span class="caption">Extrait du film The Santa Clause.</span></figcaption>
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<p>Dans son goût pour le paradoxe, l’industrie du divertissement ne craint pas, par ailleurs, d’avilir l’image de son père Noël en produisant des œuvres qui en exposent certains travers. Dans la scène où il boit du chocolat chaud préparé par une jeune elfe (ci-dessus), le père Noël en pyjama flirte librement avec elle : « je dois dire que tu es très bien pour ton âge ! » Cet extrait compte parmi les plus embarrassants qu’ait tourné Disney pour sa série <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Super_No%C3%ABl"><em>The Santa Clause</em> (ou Sur les traces du père Noël, en français)</a>.</p>
<p><em>The chimney song</em> (ci-dessous), interprétée par une fillette, est un autre exemple de propos à caractère pédophile exploitant la figure sacrée du père Noël.</p>
<blockquote>
<p>Il y a quelque chose de coincé dans la cheminée</p>
<p>et je ne sais pas ce que c’est, mais c’est resté là toute la nuit.</p>
<p>J’ai attendu le père Noël toute la nuit de Noël</p>
<p>mais il n’est jamais venu et ça ne semble pas normal…</p>
</blockquote>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/yQS5nAesfGk?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">The chimney song.</span></figcaption>
</figure>
<h2>L’idée théorique du père Noël</h2>
<p>L’anthropologue Gregory Bateson a proposé une métaphore intéressante à propos du sacré et, surtout, de la place que celui-ci occupe dans l’<a href="https://www.seuil.com/ouvrage/vers-une-ecologie-de-l-esprit-gregory-bateson/9782020532334#">écologie de l’esprit humain</a>. En comparant les idées à des êtres vivants, Bateson a montré comment celles-ci naissent, vivent, se reproduisent et meurent pour créer autour de nous un écosystème de communication à la fois riche, sensible et vulnérable. Comme les espèces qui luttent ou coopèrent pour leur survie dans des conditions qui leur sont parfois favorables, parfois hostiles, les idées s’assemblent, se coordonnent, s’embrouillent ou s’entrechoquent dans une compétition qui n’est pas toujours loyale.</p>
<p>Ainsi, pour que l’idée d’un père Noël sacré survive dans l’esprit des enfants, il nous faut compter sur la complicité et la solidarité de tous les adultes, que ce soit à la maison, à l’école, dans les médias, dans les commerces ou dans les œuvres de culture populaire.</p>
<p>En revanche, pour que ce mensonge reste socialement acceptable, il est nécessaire que les adultes se mentent à leur tour à eux-mêmes quant à la réalité obscène que recouvre le personnage fictif du père Noël. En tant que complices de cette manipulation du sacré, nous devons en quelque sorte fermer les yeux sur la licence morale qu’accorde au père Noël l’industrie du divertissement lorsqu’elle met en scène la réalité de l’<a href="https://www.youtube.com/watch?v=M8GcjB6WnPY">homme ordinaire qui en endosse le costume</a>.</p>
<p>Nous signons alors un pacte avec le diable en faisant semblant de croire en l’existence d’un père Noël capable de prendre des enfants sur ses genoux sans avoir de pulsions sexuelles ; de se montrer généreux avec eux sans ruiner leurs parents ; de leur promettre des cadeaux sans exiger quelque service en retour ; qui ne voit rien d’obscène à s’introduire dans l’intimité des familles en pénétrant leur cheminée trop étroite et pas assez profonde ; ni rien de louche à se trouver dans la chambre des tout-petits.</p>
<p>Or, c’est un secret de polichinelle que ce sont des hommes de chair et de sang qui donnent vie aux pères Noël. Considérant la dualité de la nature humaine, se rendre complice de leurs mauvais penchants ne me semble pas, dès lors, très avisé.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/502549/original/file-20221222-18-98s46i.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="représentation illustrée d’un père noël penché sur le lit d’une fillette endormie" src="https://images.theconversation.com/files/502549/original/file-20221222-18-98s46i.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/502549/original/file-20221222-18-98s46i.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=379&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/502549/original/file-20221222-18-98s46i.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=379&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/502549/original/file-20221222-18-98s46i.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=379&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/502549/original/file-20221222-18-98s46i.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=476&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/502549/original/file-20221222-18-98s46i.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=476&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/502549/original/file-20221222-18-98s46i.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=476&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Doit-on laisser nos enfants croire au père Noël ou serait-il plus prudent de leur expliquer, dès leur plus jeune âge, qu’un tel personnage n’existe pas ?</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span>
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</figure><img src="https://counter.theconversation.com/content/195408/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Sylvie Genest ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Doit-on laisser nos enfants croire au père Noël ou serait-il plus prudent de leur expliquer, dès leur plus jeune âge, qu’un tel personnage n’existe pas ?Sylvie Genest, Professeure à la Faculté des arts, Université du Québec à Montréal (UQAM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1818962022-11-25T14:13:21Z2022-11-25T14:13:21ZQuatre figures tordues de la masculinité dominent l’industrie musicale<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/497046/original/file-20221123-24-8n53lx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=5%2C0%2C986%2C666&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Si nous devions rencontrer, dans la vie de tous les jours, l'un des héros des chansons d'amour industrielles, celui-ci nous inspirerait sûrement de la peur, de la pitié, du mépris ou même de l'aversion plutôt que de l'amour au sens conjugal du terme.</span> <span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span></figcaption></figure><p>Par nature et vocation ludique, l’industrie musicale semble contribuer en masse à la désinformation des jeunes quant à la réalité de la vie adulte. Notamment, dans le registre des chansons d’amour, elle offre une image faussée, caricaturale et nuisible de la masculinité. Elle laisse dans l’esprit d’un auditoire essentiellement féminin, sans réelle expérience des relations amoureuses, l’idée trompeuse que les hommes sont puérils, faibles, mièvres et obsédés. Et qu’ils n’attendent qu’une jolie princesse pour les consoler.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/il-faut-se-mefier-des-chansons-damour-qui-sadressent-aux-jeunes-filles-163130">Il faut se méfier des chansons d’amour qui s’adressent aux jeunes filles</a>
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<p>Dans l’article qui suit, je montre comment les chansons d’amour industrielles – du moins celles qui déclenchent des millions, voire des milliards de « clics » – exposent le besoin frénétique des héros masculins d’obtenir réparation pour les différentes blessures narcissiques qui leur sont infligées par la société.</p>
<p>Je mène cette étude par l’exercice d’une <a href="https://journals.openedition.org/methodos/100">herméneutique critique</a>, c’est-à-dire d’une <em>recherche de sens</em> qui se veut <em>engagée</em> et qui s’inscrit dans le cadre de <a href="https://professeurs.uqam.ca/professeur/genest.sylvie/">mes fonctions universitaires à la Faculté des arts de l’UQAM</a>. Cet exercice vise principalement à exercer une pression sur les promoteurs du <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Patriarcat_(sociologie)">patriarcat</a> en tant que culte professé par l’industrie musicale auprès d’un public de filles et de jeunes femmes en voie d’entrer dans leur vie conjugale active.</p>
<h2>Morphologie des histoires d’amour industrielles</h2>
<p>Aux fins de compréhension, il faut d’abord savoir que les créateurs de contenus œuvrant professionnellement dans l’industrie mondiale de la musique travaillent généralement à partir de quelques modèles dramaturgiques simples et classiques. De là, ils intègrent un nombre restreint de figures masculines, principalement celles qui font recette auprès de l’auditoire féminin. Autrement dit, la grande variété de chansons d’amour offertes par cette industrie (il y en aurait des millions) ne résulte pas de l’imaginaire bouillonnant de ses créateurs. Au contraire, elle découle d’un recyclage continuel des mêmes trois ou quatre scénarios de base, lesquels semblent délibérément inspirés par la littérature romanesque des siècles passés.</p>
<p>Les canevas les plus populaires respectent normalement la <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Morphologie_du_conte">séquence narrative traditionnelle des contes de fées</a>. L’histoire va ainsi d’un préjudice subi par le héros masculin jusqu’à sa réparation, laquelle prend la forme symbolique d’une femme livrée à son contrôle.</p>
<p>L’examen critique des chansons d’amour industrielles révèle la présence de quatre blessures masculines assez douloureuses et béantes pour radicaliser les revendications d’un tel héros. Ce sont ces blessures et leur rattachement à une figure particulière de la masculinité qui font l’objet du modèle que je mets ici en place dans la perspective d’informer, au mieux, les jeunes auditrices et leurs parents bienveillants.</p>
<h2>La blessure d’humiliation</h2>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/S4asq3SicN0?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Vidéoclip de la chanson Goodbyes, Post Malone.</span></figcaption>
</figure>
<p>C’est à la <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Roman_de_chevalerie#:%7E:text=Un%20roman%20de%20chevalerie%20est,e%20et%20XIII%20e%20si%C3%A8cles">littérature médiévale</a> (1100-1400) que les créateurs de contenus empruntent généralement le thème de l’amour obsessionnel et impossible envers lequel le héros est contraint, par serment chevaleresque, de pratiquer une dévotion excessive : c’est le modèle arthurien de la quête du Graal que j’appelle, pour ma part, le <em>modèle christique</em>.</p>
<p>La blessure qui motive ce récit est l’humiliation publique que <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Lancelot_ou_le_Chevalier_de_la_charrette">Lancelot</a> doit subir pour sauver la reine Guenièvre, l’épouse du Roi Arthur tenue prisonnière par le méchant Méléagant.</p>
<p>C’est sur ce motif que se construit la chanson <a href="https://www.youtube.com/watch?v=S4asq3SicN0">« Goodbyes » de Post Malone (2019)</a>, dans laquelle le héros masculin, un hors-la-loi solitaire, meurt poignardé sur la place publique sous les yeux d’une femme. Pour obtenir réparation, Malone ressuscite et revient la hanter pour la vie éternelle, faisant désormais de celle-ci son obsession réparatrice.</p>
<h2>La blessure d’exclusion</h2>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/aHkwrs__Z6o?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Vidéoclip de la chanson Room for 2, de Benson Boone.</span></figcaption>
</figure>
<p>On tire ensuite du <a href="https://www.cerveauetpsycho.fr/sr/autour-oeuvre/don-quichotte-l-homme-de-toutes-les-psychoses-1017.php">« Don Quichotte » de Cervantès</a> (1605-1615) le motif d’un héros troublé dont le délire le pousse à croire qu’il est follement aimé par <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Dulcin%C3%A9e">Dulcinée</a>, une inconnue qu’il utilise pour combler son manque affectif et se magnifier lui-même : c’est ce que j’appelle le <em>modèle psychotique</em>.</p>
<p>À partir de ce modèle, la deuxième blessure narcissique du héros des chansons d’amour lui est causée par sa mise à l’écart de la société en raison de ses comportements jugés déviants. On parle d’un délinquant, un paranoïaque, un paresseux, peut-être même un violeur, un pédophile ou un tueur en série.</p>
<p>C’est la chanson <a href="https://www.youtube.com/watch?v=aHkwrs__Z6o">« Room for 2 » de Benson Boone (2022)</a> qui illustre cette figure d’un homme perturbé séquestrant sa victime dans le coffre de sa voiture. Tel un Don Quichotte des temps modernes, Boone combat pour elle des dangers imaginaires et lui crie sa supériorité dans un désert sans écho :</p>
<blockquote>
<p>Je peux être tout ce que tu veux/I can be all you need</p>
</blockquote>
<h2>La blessure d’abandon</h2>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/olGSAVOkkTI?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Vidéoclip de la chanson Falling, de Harry Styles.</span></figcaption>
</figure>
<p>C’est à Goethe qu’on emprunte par ailleurs le récit des <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Les_Souffrances_du_jeune_Werther">« Souffrances du jeune Werther »</a> (1774), un héros immature qui préfère se suicider plutôt que de subir la honte du rejet féminin : c’est ce que l’on identifie habituellement comme étant le <em>modèle romantique</em> « classique ».</p>
<p>La blessure narcissique qui affecte ce type de héros résulte d’un abandon cruel par sa mère à un âge où il était toujours sous sa dépendance physique, émotive et psychologique. C’est ce qui fait de lui un enfant perpétuel qui voit désormais toute femme comme une pourvoyeuse de soins, sans laquelle il ne peut survivre aux difficultés pragmatiques de la vie quotidienne. Sans elle, il tombe, il sombre, il boit à outrance ; éventuellement, il se noie dans ses larmes et dégrade, du même coup, son environnement social et matériel. Comme Werther, ses souffrances le conduiront au suicide.</p>
<p>C’est ce qu’illustre, presque sans subtilité, la chanson <a href="https://www.youtube.com/watch?v=olGSAVOkkTI"><em>Falling</em>, de Harry Styles (2020)</a>. La caractéristique essentielle de ce genre de tableau romantique est l’absence totale de cette femme qu’on accuse d’avoir abandonné son amant puéril, un être à jamais impuissant, par sa faute :</p>
<blockquote>
<p>Je suis dans mon lit, et tu n’es pas là/I’m in my bed, and you’re not here</p>
</blockquote>
<h2>La blessure de castration</h2>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/GS-666L0VLE?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Vidéoclip de la chanson Thousand Miles, de The Kid LAROI.</span></figcaption>
</figure>
<p>Enfin, le <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Don_Juan">mythe moderne de Don Juan</a> (datant du XVII<sup>e</sup> siècle, mais largement repris au XX<sup>e</sup> siècle) fournit la trame de vie d’un héros libertin et abusif qui n’est motivé que par ses propres besoins impérieux : je range ce dernier sous la rubrique du <em>modèle machiavélique</em> pour souligner le fait que, pour un tel héros, la fin justifie toujours les moyens.</p>
<p>La blessure caractéristique de ce modèle est celle de la castration sociale qu’on lui impose par le frein puissant qu’appliquent à ses envies pressantes les règles de la bienséance et du consentement. Ce héros contemporain croit subir l’injustice inqualifiable de son émasculation psychologique par les effets d’un féminisme ambiant qu’il abhorre. Il voit celui-ci comme une menace constante et dissuasive planant sur sa virilité, ce qui génère en lui une frustration vive et intolérable.</p>
<p>Or, ce Don Juan n’est pas sans recours : c’est un séducteur abusif passé maître dans l’art de la duplicité, un manipulateur talentueux qui piège délibérément les autres afin d’obtenir ce qu’il désire. Et ça fonctionne, comme veut nous en convaincre The Kid LAROI dans sa chanson <a href="https://www.youtube.com/watch?v=GS-666L0VLE"><em>Thousand Miles</em> (2022)</a> :</p>
<blockquote>
<p>Je connais cette expression sur ton visage, tu vas venir à moi ce soir/I know that look on your face, You’re comin’ my way tonight</p>
</blockquote>
<p>Heureusement, ce luciférien aux cheveux bouclés a le réflexe de lancer, avant de sévir, cet avertissement lucide et charitable :</p>
<blockquote>
<p>Je ne changerai jamais. Si j’étais toi, je resterais à des kilomètres de distance…/I will never change. If I was you, then I would stay a thousand miles away…</p>
</blockquote>
<h2>A-t-on assassiné la virilité ?</h2>
<p>Dans leur étude de la psyché masculine, les auteurs <a href="https://www.masculinity-movies.com/articles/king-warrior-magician-lover">Moore et Gillette</a> affirment que nous vivons actuellement sous « la malédiction d’un infantilisme généralisé ». Pour ces auteurs comme pour moi, au sortir de mon examen des chansons d’amour industrielles, cela signifie que le patriarcat « n’est pas le règne de la maturité, mais plutôt celui de la puérilité masculine », une sorte de « puerarchie » dont les lois nous ordonnent d’assassiner la virilité au profit d’une immaturité à la fois attendrissante et scandaleuse.</p>
<p>Ce qui me semble clair, en tous cas, c’est que si nous devions rencontrer, dans la vie de tous les jours, l’un de ces héros des chansons d’amour industrielles, celui-ci nous inspirerait sûrement de la peur, de la pitié, du mépris ou même de l’aversion plutôt que de l’amour au sens conjugal du terme.</p>
<p>Il n’y a donc pas, à mon sens, de raison valable pour qu’une société égalitaire donne libre cours aux fantasmes de ces « petits garçons » aux corps d’adultes. Peut-on à tout le moins espérer que nos créateurs soient largement récompensés lorsqu’ils écrivent des romances exaltant la virilité assumée des hommes matures, sans rien sacrifier à leur art tout en s’élevant à la hauteur des attentes, des droits et du haut potentiel de nos inestimables princesses en processus de maturation sociale.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/181896/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Sylvie Genest ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Dans ses chansons d’amour, l’industrie mondiale du divertissement musical met en scène des héros masculins caractérisés par l’obsession, la psychose, l’immaturité et la duplicité.Sylvie Genest, Professeure à la Faculté des arts, Université du Québec à Montréal (UQAM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.