tag:theconversation.com,2011:/ca-fr/topics/chasse-27944/articleschasse – La Conversation2023-12-21T14:28:23Ztag:theconversation.com,2011:article/2201312023-12-21T14:28:23Z2023-12-21T14:28:23ZLa faim justifie les moyens – quand l’ours polaire s’attaque à l’oie des neiges<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/566997/original/file-20231220-19-d2je5g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=2%2C1%2C989%2C745&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les adaptations que les ours devront déployer pour faire face aux défis imposés par les changements climatiques sont multiples et imprévisibles.</span> <span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span></figcaption></figure><p>C’est durant l’hiver que les ours polaires (<em>Ursus maritimus</em>) constituent leurs <a href="https://doi.org/10.1086/physzool.69.2.30164186">réserves de graisses</a>. La chasse intensive de phoques – une ressource <a href="https://doi.org/10.1139/z75-117">riche en gras</a> – leur permet d’emmagasiner assez d’énergie pour traverser l’été.</p>
<p>Avec le réchauffement du climat, les opportunités de chasse sur la banquise <a href="https://doi.org/10.1111/1365-2656.12685">diminuent</a>. Et les experts estiment qu’il n’y a pas assez de nourriture sur la terre ferme pour compenser la <a href="https://doi.org/10.1890/140202">diminution des réserves énergétiques chez les ours</a>.</p>
<p>Face à ces changements, certains individus profitent des colonies <a href="https://doi.org/10.1098/rspb.2013.3128">d’oiseaux nicheurs et de leurs œufs</a>, l’une des rares ressources faciles à obtenir sur la terre ferme, pour combler en partie leurs déficits énergétiques. Les adaptations que les ours devront déployer pour faire face aux défis imposés par les changements climatiques sont multiples et imprévisibles.</p>
<p>Étudiant-chercheur en écologie, je profitais d’un court séjour au nord de l’île de Baffin, au Nunavut, pour travailler sur la petite faune de l’île Bylot. Le temps d’un après-midi, un ours polaire en a décidé autrement. Nous vous livrons ici ses prouesses, qui ont mené à l’observation d’un comportement inédit.</p>
<h2>L’observation inusitée – l’ours polaire en eau douce</h2>
<p>Nous sommes le 8 août 2021. À 80 km de la communauté inuite de Mittimatalik, le camp de recherche de l’île Bylot fourmille d’activité.</p>
<p><a href="https://doi.org/10.1139/as-2023-0029">Établi depuis 30 ans</a>, il est situé en plein cœur de l’aire d’élevage de la plus grande colonie connue d’oie des neiges (<em>Anser caerulescens caerulescens</em>). Aujourd’hui, les scientifiques de différents horizons parcourent le fond de la vallée Quarliktuvik – généralement plat – pour étudier le sol, l’eau, les plantes et la faune.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/566995/original/file-20231220-25-jybcic.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Bylot Island main research station TimMoser x" src="https://images.theconversation.com/files/566995/original/file-20231220-25-jybcic.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/566995/original/file-20231220-25-jybcic.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=246&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/566995/original/file-20231220-25-jybcic.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=246&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/566995/original/file-20231220-25-jybcic.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=246&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/566995/original/file-20231220-25-jybcic.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=310&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/566995/original/file-20231220-25-jybcic.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=310&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/566995/original/file-20231220-25-jybcic.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=310&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Le camp de recherche de l’île Bylot.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Tim Moser)</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>En sortant d’un ravin, l’un des rares reliefs des environs, je balaie la vallée de mes jumelles. Deux paires de jambes retiennent mon attention au loin. Les brumes de chaleur brouillent l’image, mais ce que je considérais être des collègues marchant côte à côte prend soudainement la forme floue – mais caractéristique – d’un ours polaire. Bien que tous aient l’équipement nécessaire – vaporisateurs chasse-ours, cartouches anti-ours et parfois même un fusil – je retourne <em>presto</em> au camp après avoir alerté le groupe par radio.</p>
<p>Plusieurs collègues se sont regroupés sur une petite colline pour garder à l’œil le nouveau venu. En effet, le temps que je parcoure le kilomètre me séparant du camp, <em>nanuk</em> en avait fait trois dans sa direction et s’affairait autour d’un étang occupé par des oies. À cette période de l’année, <a href="https://doi.org/10.1111/jav.00982">celles-ci sont en mues</a> – donc incapables de voler – et s’attroupent près des étangs pour échapper au <a href="https://doi.org/10.14430/arctic604">renard arctique (<em>Vulpes lagopus</em>)</a>, qui dédaigne de se jeter à l’eau. Avec un ours dans les parages, les activités sur le terrain cessent et nous profitons de cet après-midi radieux pour observer le roi de la banquise.</p>
<p>Fidèles à leur habitude, les oies se sont réfugiées dans l’étang le plus proche à la vue du danger. Elles pataugent suffisamment rapidement pour maintenir l’ours, qui nage à la surface, à une bonne distance.</p>
<p>Celui-ci utilise alors une technique inédite : il plonge sous l’eau, disparaît aux yeux des oies qui cessent de fuir, et sort sous l’une d’elle.</p>
<p>Ma collègue Mathilde Poirier consigne ce comportement dans son carnet :</p>
<blockquote>
<p>13h45 – 14h00 : l’ours nage dans le lac […], effectue 4 plongées pour essayer d’attraper une oie. Réussi à sa 4<sup>e</sup> tentative (attrape l’oie par en dessous, lors d’une plongée).</p>
</blockquote>
<p>Au cours de l’après-midi, l’ours utilise cette technique deux autres fois, avec un échec et une réussite.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/566996/original/file-20231220-19-utj9iv.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="schéma" src="https://images.theconversation.com/files/566996/original/file-20231220-19-utj9iv.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/566996/original/file-20231220-19-utj9iv.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=376&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/566996/original/file-20231220-19-utj9iv.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=376&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/566996/original/file-20231220-19-utj9iv.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=376&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/566996/original/file-20231220-19-utj9iv.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=473&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/566996/original/file-20231220-19-utj9iv.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=473&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/566996/original/file-20231220-19-utj9iv.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=473&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Nous avons observé une technique de chasse inédite chez un ours polaire : il plonge sous l’eau, disparaît aux yeux des oies qui cessent de fuir, puis sort sous l’une d’elle.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Madeleine-Zoé Corbeil-Robitaille)</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<h2>Quels bénéfices les ours peuvent-ils tirer de ce comportement ?</h2>
<p>Deux mois plus tard, de retour l’Université Laval, cette observation nous fascine toujours. Nulle part dans la littérature scientifique ne fait-on mention d’un tel comportement. Au mieux, on y rapporte des <a href="https://doi.org/10.33265/polar.v41.8176">attaques sur des guillemots dans l’océan</a>, près des côtes, un environnement fort différent des étangs calmes et peu profond où nous avons observé les attaques.</p>
<p>Étant au fait des <a href="https://doi.org/10.1890/140202">défis énergétiques</a> auxquels font face les ours durant l’été, notre groupe de recherche a voulu répondre à la question suivante : est-ce que cette technique de chasse permettrait à l’ours polaire de bénéficier de la consommation d’oie des neiges ?</p>
<p>L’information consignée sur le terrain, soit le temps nagé par l’ours et son succès de chasse, nous permettait justement d’y répondre. En combinant nos observations avec des <a href="https://doi.org/10.1007/s00300-017-2209-x">estimations du coût énergétique</a> de la nage chez l’ours et <a href="https://doi.org/10.1093/conphys/cow045">l’énergie contenue dans une oie des neiges</a>, nous avons pu modéliser l’efficacité énergétique de la technique.</p>
<p><a href="https://doi.org/10.1139/AS-2023-0036">Ces calculs révèlent</a> que cette technique de chasse pourrait permettre aux ours d’acquérir plus d’énergie qu’ils n’en dépensent, particulièrement pour les ours de petite taille, et s’ils arrivent rapidement à attraper l’oie.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/566994/original/file-20231220-25-lint0u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="ours polaire" src="https://images.theconversation.com/files/566994/original/file-20231220-25-lint0u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/566994/original/file-20231220-25-lint0u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/566994/original/file-20231220-25-lint0u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/566994/original/file-20231220-25-lint0u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/566994/original/file-20231220-25-lint0u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/566994/original/file-20231220-25-lint0u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/566994/original/file-20231220-25-lint0u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">L’ours en question s’affairait autour d’un étang occupé par des oies.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Yannick Seyer)</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<h2>Un apport énergétique qui est loin d’être suffisant</h2>
<p>Cet apport énergétique aurait toutefois une portée très limitée.</p>
<p>Tout d’abord, une oie fournit relativement peu d’énergie – environ 200 fois moins qu’un <a href="https://doi.org/10.1139/z75-117">phoque annelé de 45 kilogrammes</a>.</p>
<p>De plus, elles sont rarement disponibles comme proies : elles perdent la capacité de voler seulement 3 ou 4 semaines chaque été et leurs colonies sont situés à <a href="http://dx.doi.org/10.1002/jwmg.879">quelques endroits</a> seulement dans l’arctique.</p>
<p>La chasse d’oies pourrait donc bénéficier ponctuellement à certains ours, mais ne permettra pas, à l’échelle de la population, d’alléger les déficits énergétiques causés par la fonte de la banquise.</p>
<p>Bien que notre observation souligne l’éventail comportemental que peuvent déployer les ours pour exploiter les ressources terrestres, ce type d’interaction entre l’oie des neiges et l’ours polaire ne devrait pas avoir d’impact sur les populations des deux espèces.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/220131/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>David Bolduc a reçu des financements du PFSN et de l'Association canadienne pour le trappage sans cruauté. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Matthieu Weiss-Blais a reçu des financements de CRSNG, FRQNT, PFSN. </span></em></p>Des chercheurs ont fait une observation fascinante : un ours polaire a employé une technique de chasse en plongée, encore jamais rapportée, pour capturer de grandes oies des neiges en mue.David Bolduc, Étudiant au doctorat en écologie animale, Université LavalMatthieu Weiss-Blais, Étudiant la maîtrise en biologie, Université LavalLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2183052023-11-29T14:37:28Z2023-11-29T14:37:28ZUne alimentation culturellement adaptée pourrait paver la voie à la sécurité alimentaire dans l’Arctique canadien<p><a href="https://cdn.dal.ca/content/dam/dalhousie/pdf/sites/agri-food/30083%20Food%20Price%20Report%20FR%20-%20Digital.pdf">Avec l’augmentation du prix du panier d’épicerie</a>, la sécurité alimentaire devient une préoccupation de plus en plus importante pour les Canadiens. Cependant, <a href="https://www150.statcan.gc.ca/n1/fr/pub/75-006-x/2023001/article/00013-fra.pdf">tout le monde n’est pas logé à la même enseigne</a> face à l’augmentation des coûts.</p>
<p>Dans l’Inuit Nunangat – le territoire des Inuits du nord canadien –, la situation est alarmante. En 2017, dans l’une des nations les plus riches du monde, <a href="https://www.itk.ca/wp-content/uploads/2021/07/ITK_Food-Security-Strategy-Report_French_PDF-Version.pdf">76 % de la population inuite a été confrontée à l’insécurité alimentaire</a>, une statistique sombre qui a probablement empiré en raison du contexte actuel du prix des aliments.</p>
<p>La question omniprésente de l’insécurité alimentaire chez les Inuits, qui est <a href="https://doi.org/10.1017/S1368980020000117">étroitement liée à des effets néfastes sur la nutrition et la santé mentale</a>, constitue l’une des crises de santé publique les plus persistantes et les plus graves auxquelles est confrontée une partie de la population canadienne. </p>
<p>Mais il existe des solutions. Des solutions qui incluent des systèmes alimentaires culturellement adaptés qui garantissent l’accès à des aliments abordables, nutritifs, sûrs et prisés. En outre, de nouvelles pistes de recherche axées sur les déterminants de la santé propre aux Inuits peuvent inspirer des mesures qui leur sont spécifiques pour prévenir l’apparition de maladies associées à l’alimentation et à l’insécurité alimentaire. </p>
<p>Le programme interdisciplinaire <a href="https://sentinellenord.ulaval.ca/fr/accueil">Sentinelle Nord</a> de l’Université Laval a récemment regroupé les connaissances de ses équipes de recherche pour offrir de nouvelles perspectives sur les <a href="https://sentinellenord.ulaval.ca/fr/compendium-de-recherche/sante-metabolique">liens entre la sécurité alimentaire, la nutrition et la santé métabolique</a>. L’intégration des connaissances de différentes disciplines est primordiale pour aborder les problèmes complexes tels que celui de l’insécurité alimentaire dans le Nord.</p>
<h2>Les enjeux de la sécurité alimentaire dans l’Arctique</h2>
<p>La sécurité alimentaire dans l’Arctique revêt plusieurs aspects et est liée à l’accès, à la disponibilité, à la sécurité et à la qualité des aliments traditionnels (aliments récoltés, chassés, pêchés et cueillis sur terre, dans les rivières, les lacs et la mer) et des aliments achetés en magasin.</p>
<p>Au cœur de cette complexité se trouvent les dynamiques économiques qui pèsent sur les communautés arctiques. La pauvreté monétaire, amplifiée par le coût élevé de la vie dans l’Arctique, est <a href="https://www.itk.ca/wp-content/uploads/2021/07/ITK_Food-Security-Strategy-Report_French_PDF-Version.pdf">l’un des principaux facteurs d’insécurité alimentaire chez les Inuits</a>. Le <a href="https://doi.org/10.1016/j.foodpol.2018.08.006">revenu individuel médian des Inuits (de 15 ans et plus) dans le nord du Canada</a> représente les deux tiers de celui de l’ensemble des Canadiens. Parallèlement, les prix des aliments achetés en magasin, ainsi que ceux d’autres biens et services, peuvent être deux à plusieurs fois plus élevés que dans d’autres régions du pays en raison des coûts de transport. </p>
<p>À ces contraintes économiques s’ajoutent les <a href="https://www.itk.ca/wp-content/uploads/2021/07/ITK_Food-Security-Strategy-Report_French_PDF-Version.pdf">forces implacables du changement climatique, qui transforment fondamentalement les systèmes alimentaires de subsistance dans le Nord</a>. </p>
<p>Avec le recul de la glace marine, le dégel du pergélisol et la multiplication des phénomènes météorologiques extrêmes, l’accès aux territoires de chasse et de pêche traditionnels devient de plus en plus difficile. De surcroît, l’abondance et la répartition des espèces animales et végétales, dont les communautés dépendent depuis des générations, se modifient. </p>
<p>Mais le changement climatique n’est pas le seul sujet de préoccupation.</p>
<p>L’Arctique, malgré sa situation géographique éloignée, n’est pas à l’abri des polluants mondiaux. Les contaminants provenant des zones plus méridionales atteignent en effet la région, transportés par les courants atmosphériques et océaniques. Parmi ceux-ci, notons par exemple les <a href="https://theconversation.com/canada-takes-first-step-to-regulate-toxic-forever-chemicals-but-is-it-enough-207288">« polluants éternels »</a>, un groupe de composés chimiques qui se décomposent très lentement et s’accumulent dans les aliments traditionnels dont les communautés dépendent pour leur subsistance. </p>
<p>Si les avantages nutritionnels et culturels de ces aliments restent importants, l’exposition aux contaminants environnementaux est très préoccupante pour la santé et le bien-être des Inuits.</p>
<p>Ces transformations écologiques mettent en péril à la fois l’intégrité de la chaîne d’approvisionnement alimentaire et les traditions mêmes qui sont à la base de l’identité culturelle des peuples autochtones de l’Arctique.</p>
<h2>L’importance de l’alimentation traditionnelle</h2>
<p>Les aliments prélevés sur le territoire contribuent de manière substantielle à la nutrition, à la santé et à la sécurité alimentaire des communautés inuites. </p>
<p>Le régime alimentaire traditionnel des Inuits se distingue par sa richesse en acides gras oméga-3, due en grande partie à la consommation élevée de poisson et d’aliments d’origine marine. Une <a href="https://doi.org/10.1080/19490976.2022.2120344">recherche récente</a> a établi un lien entre la consommation d’huile de poisson et la prolifération d’<em>Akkermansia muciniphila</em>, une bactérie intestinale dont on vante les mérites dans la lutte contre les maladies métaboliques telles que l’obésité, le diabète de type 2 et les affections cardiovasculaires.</p>
<p>Outre les ressources marines, l’Arctique offre une abondance de <a href="https://doi.org/10.1016/j.tem.2019.04.002">baies, riches en polyphénols bénéfiques pour la santé</a>. Ces <a href="https://doi.org/10.1002/9781119545958">composés agissent comme des antioxydants</a> essentiels pour neutraliser les molécules susceptibles d’endommager les cellules, de favoriser le vieillissement et de contribuer à diverses maladies. </p>
<p>Une autre recherche sur les <a href="https://doi.org/10.1007/s00125-017-4520-z">extraits polyphénoliques</a> de la chicouté, de la busserole alpine et de l’airelle rouge a révélé que ces trois baies présentent des effets bénéfiques sur la résistance à l’insuline, ainsi que sur les taux d’insuline chez un modèle murin. Ces résultats suggèrent que la consommation régulière de ces baies arctiques pourrait constituer une stratégie culturellement adaptée pour lutter contre l’inflammation et les troubles métaboliques associés.</p>
<p>En plus d’être de riches sources de nutriments essentiels, les <a href="https://www.itk.ca/wp-content/uploads/2021/07/ITK_Food-Security-Strategy-Report_French_PDF-Version.pdf">aliments traditionnels sont profondément ancrés dans le tissu social inuit, améliorant le bien-être mental et émotionnel, favorisant les liens communautaires et fortifiant l’héritage culturel</a>. Le processus de collecte, de préparation et de partage des aliments traditionnels est également lié à l’activité physique, à la santé mentale et au mieux-être. </p>
<p>Pourtant, malgré le rôle intégral de l’alimentation traditionnelle, de multiples facteurs – depuis les effets durables de la colonisation et du changement climatique jusqu’aux enjeux socio-économiques et aux préoccupations liées aux contaminants environnementaux – <a href="https://nrbhss.ca/sites/default/files/health_surveys/Food_Security_report_en.pdf">ont accéléré la transition vers une dépendance à l’égard des aliments du commerce</a>.</p>
<p>Alors que les <a href="https://doi.org/10.17269/s41997-022-00724-7">habitudes alimentaires occidentales gagnent du terrain</a> dans l’Arctique canadien, les <a href="https://numerique.banq.qc.ca/patrimoine/details/52327/4395401">problèmes de santé tels que l’obésité, le diabète et les maladies cardiométaboliques sont en augmentation</a>. L’élaboration d’approches personnalisées tenant compte des modes de vie, de la génétique et des traditions alimentaires propres aux Inuits est essentielle pour mettre en place des stratégies ciblées visant à atténuer et à prévenir ces problèmes de santé de plus en plus fréquents. </p>
<h2>Des systèmes alimentaires culturellement adaptés</h2>
<p>En réponse aux enjeux pressants de l’insécurité alimentaire, les communautés autochtones du nord du Canada ont mis en place divers programmes. </p>
<p>Les <a href="https://doi.org/10.1111/cag.12872">programmes alimentaires communautaires destinés à remédier à l’insécurité alimentaire sévère sont courants</a>. Mais pour garantir la résilience, c’est l’ensemble du système qui doit être revu – les politiques gouvernementales, les programmes et les investissements monétaires. </p>
<p>Des programmes qui encouragent les jeunes à acquérir des connaissances et des compétences en matière de récolte d’aliments traditionnels, qui améliorent les infrastructures et le stockage des denrées alimentaires dans les communautés et qui permettent de fournir des aliments traditionnels dans un cadre institutionnel ne sont que quelques exemples parmi d’autres. Ainsi, une <a href="https://nunatsiaq.com/stories/article/city-of-iqaluit-provides-funding-boost-for-healthy-food/">allocation de la ville</a> permettra à près de 50 enfants d’une garderie d’Iqaluit de recevoir deux repas par jour pendant un an, des repas qui comprennent des aliments traditionnels.</p>
<p>Ces initiatives renforcent non seulement la sécurité alimentaire, mais défendent également la souveraineté alimentaire par le biais d’efforts menés et dirigés par les communautés.</p>
<p>Le parcours pour résoudre l’insécurité alimentaire est complexe et il n’existe pas de solution unique. Les projets qui intègrent les connaissances et les compétences locales à des recherches fondées sur des données probantes ont le potentiel de tracer une voie durable vers l’avenir. Il est essentiel de mobiliser ces travaux pour informer et façonner les politiques, afin de s’assurer que les progrès réalisés ne sont pas simplement des solutions temporaires, mais qu’ils s’inscrivent dans une stratégie globale visant à assurer une sécurité alimentaire durable.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/218305/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Tiff-Annie Kenny reçoit des fonds des Instituts de recherche en santé du Canada (IRSC), du Fonds pour les nouvelles frontières de la recherche (IRSC), du Programme de lutte contre les contaminants dans le Nord, d'ArcticNet, du Fonds de recherche du Québec - Santé (FRQS), de Génome Canada et du ministère des Relations avec les Autochtones et des Affaires du Nord de la Couronne.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Pascale Ropars ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>L’insécurité alimentaire est un problème particulièrement ressenti par les Inuits du nord du Canada. La solution pourrait passer par des systèmes alimentaires culturellement adaptés.Pascale Ropars, Researcher, Sentinel North, Université LavalTiff-Annie Kenny, Assistant professor, Département de médecine sociale et préventive, Université LavalLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2162262023-10-23T18:06:11Z2023-10-23T18:06:11ZLa protection du loup en Europe, une question éminemment politique ? L’exemple de l’Espagne<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/555335/original/file-20231012-29-38rraq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=119%2C0%2C2205%2C1449&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les loups font leur retour dans toute l'Europe, mais cela ne fait pas l'unanimité.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/image-photo/couple-iberian-wolves-canis-lupus-signatus-557649439">Ramon Carretero/Shutterstock</a></span></figcaption></figure><p>Après des siècles de <a href="https://theconversation.com/aux-racines-de-la-peur-du-loup-en-france-63637">persécution</a>, les loups font leur retour dans de nombreuses régions d’Europe. Rien qu’au cours de la dernière décennie, ils ont <a href="https://lciepub.nina.no/pdf/638036032684557257_LCIE%20CoE%20Wolf%20status%20report%202022.pdf">élargi leur aire de répartition</a> de plus de 25 % sur le continent.</p>
<p>Cette résurgence a été mise en évidence en septembre 2023 à la suite d’une <a href="https://ec.europa.eu/commission/presscorner/detail/en/ip_23_4330">déclaration controversée</a> d’Ursula von der Leyen, présidente de la Commission européenne. Elle a déclaré : « La <a href="https://theconversation.com/reensauvager-la-france-le-loup-un-exemple-explosif-199553">concentration de meutes de loups dans certaines régions d’Europe</a> est devenue un véritable danger pour le bétail et potentiellement aussi pour les humains. J’invite les autorités locales et nationales à prendre les mesures qui s’imposent ».</p>
<p>Mais quelles sont les bonnes mesures à prendre ? Les récentes décisions des États membres de l’UE ne reflètent pas de réel consensus sur la question.</p>
<p>Le Sénat suisse, par exemple, a <a href="https://www.swissinfo.ch/eng/politics/sending-a-signal_swiss-parliament-agree-to-loosen-protected-species-hunting-rules/45024236">voté en faveur d’un assouplissement des restrictions</a> concernant l’abattage de ses quelque 200 loups afin de protéger le bétail qui se déplace librement dans les Alpes. L’Espagne, qui abrite <a href="https://rm.coe.int/inf45e-2022-wolf-assessment-bern-convention-2791-5979-4182-1-2/1680a7fa47">plus de 2 000 loups</a> et se targue de ses <a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s13593-021-00751-7#:%7E:text=This%20study%20confirms%20that%20extensive,%2C%20Ripoll%2DBosch%20et%20al.">systèmes de pâturage extensifs</a>, a adopté une position opposée.</p>
<p>En 2021, le gouvernement espagnol <a href="https://www.miteco.gob.es/content/dam/miteco/es/biodiversidad/publicaciones/estrategialobo_cs_28072022_tcm30-543570.pdf">a déclaré les loups strictement protégés</a>. Son objectif est d’augmenter la population de loups de 18 % et d’encourager les agriculteurs à mettre en œuvre des mesures de protection du bétail, telles que l’installation de clôtures ou l’élevage de chiens de garde.</p>
<p>L’examen des motivations de l’Espagne en matière de protection peut permettre de mieux comprendre ce qui pousse les pays à adopter des approches aussi différentes en matière de coexistence.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Ursula von der Leyen, à l’occasion d’une conférence de presse." src="https://images.theconversation.com/files/553530/original/file-20231012-29-jqsj8p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/553530/original/file-20231012-29-jqsj8p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/553530/original/file-20231012-29-jqsj8p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/553530/original/file-20231012-29-jqsj8p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/553530/original/file-20231012-29-jqsj8p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/553530/original/file-20231012-29-jqsj8p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/553530/original/file-20231012-29-jqsj8p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/image-photo/press-statement-by-ursula-von-der-2198915239">Alexandros Michailidis/Shutterstock</a></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Qu’entend-on par « coexistence » ?</h2>
<p>Dans le cadre d’une <a href="https://besjournals.onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1002/pan3.10543">nouvelle recherche</a> que j’ai menée avec plusieurs collègues, nous avons étudié la manière dont les Espagnols interprètent et vivent la coexistence avec les loups.</p>
<p>Nos résultats ont révélé trois points de vue distincts et, dans une certaine mesure, contradictoires sur ce que signifie la coexistence et sur la manière dont elle devrait être réalisée :</p>
<ul>
<li><p>Les « traditionalistes » sont profondément attachés aux paysages, aux moyens de subsistance et à la biodiversité qui ont évolué ensemble pendant des millénaires de pastoralisme en liberté. Ils considèrent que les hommes font partie de la nature et interprètent la coexistence comme un état dans lequel le loup est contrôlé pour ne pas perturber les activités pastorales.</p></li>
<li><p>Les « protectionnistes » voudraient restaurer la nature « sauvage » (avec un minimum d’influence humaine) et pensent que le loup catalyserait ce processus. Ils voient la coexistence comme un état où les activités humaines sont contrôlées afin que les loups puissent se déplacer librement.</p></li>
<li><p>Les « pragmatiques » sont moins attachés à un certain type de nature qu’aux relations et au contexte de chaque lieu. Ils considèrent la coexistence comme un état où les besoins des différents groupes (y compris les loups) sont équilibrés.</p></li>
</ul>
<p>L’assouplissement ou le renforcement de la protection des loups en est venu à représenter ces différentes visions de l’avenir. Chacune offre des avantages à certaines personnes et à certaines espèces sauvages et présente des défis pour d’autres. En conséquence, le sujet est devenu profondément politique.</p>
<h2>Les politiques de la conservation du loup</h2>
<p>En Espagne, la proposition de protéger les loups a été avancée par des protectionnistes, et alignée sur l’agenda du gouvernement de gauche en place. Podemos, l’un des partis de la coalition de gauche, a <a href="https://podemos.info/podemos-presenta-una-medida-legislativa-para-la-proteccion-del-lobo-iberico/">soumis une proposition</a> pour une protection stricte des loups en 2016 (alors que le parti était encore dans l’opposition), en collaboration avec des groupes de défense des loups.</p>
<p>En revanche, les partis politiques espagnols de droite y étaient <a href="https://elpais.com/clima-y-medio-ambiente/2023-09-04/proteger-al-lobo-depende-del-partido-politico-que-gobierne.html">fermement opposés</a>. Ces partis ont tendance à cibler les électeurs ruraux, pour qui le retour des carnivores symbolise la disparition des cultures pastorales.</p>
<p>La proposition a finalement été approuvée par le gouvernement sur la base de la « valeur scientifique, écologique et culturelle » des loups, des critères largement subjectifs. On pourrait par exemple affirmer que le renard, qui n’est pas protégé, possède des valeurs similaires. Ces critères ne tiennent pas compte de l’impact que des mesures strictes de protection des loups pourraient avoir sur d’autres valeurs culturelles ou écologiques, telles que les systèmes d’élevage pastoral.</p>
<p>La décision de l’Espagne a également été influencée par le point de vue des protectionnistes sur le <a href="https://conbio.onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1111/csp2.18">statut de conservation du loup</a>. Une espèce classée comme ayant un statut « favorable » (ce qui est approprié pour garantir sa survie à long terme) dans la directive Habitats de l’UE peut, dans certains cas, être chassée. Cependant, les défenseurs de l’environnement ne sont pas d’accord sur les critères et les données sur lesquels ce statut devrait être basé.</p>
<p>Par exemple, une <a href="https://www.iucnredlist.org/species/3746/144226239#assessment-information">évaluation</a> soumise à la liste rouge de l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) en 2018 indique que la population ibérique de loups est importante, stable et en lente expansion. En revanche, un <a href="https://censoloboiberico.files.wordpress.com/2018/03/informe-mortandad-lobo-iberico-20171.pdf">rapport</a> publié par un groupe de défense des loups en 2017 affirmait qu’il y avait eu plus de loups tués que de loups nés en Espagne cette année-là.</p>
<p>Ce dernier <a href="https://www.europapress.es/castilla-y-leon/noticia-quinones-reconoce-expansion-lobo-no-espana-acusa-gobierno-enviar-ue-informacion-erronea-20230202154300.html">a été accusé</a> d’être partial et non scientifique. Toutefois, cela n’a pas empêché le ministère espagnol de l’Environnement d’utiliser ce rapport pour reclasser l’état de conservation des loups de « favorable » (comme dans les rapports précédents) à « défavorable ». En d’autres termes, les informations ont été interprétées, sélectionnées et présentées de manière à justifier une protection accrue.</p>
<p>Le gouvernement suédois, dirigé par une coalition de droite depuis 2022, cherche à obtenir l’inverse. Il a <a href="https://www.regeringen.se/pressmeddelanden/2023/07/regeringen-presenterar-uppdrag-for-att-utveckla-sveriges-vargforvaltning/">ordonné à l’Agence de protection de l’environnement</a> d’examiner si le seuil établi pour le statut favorable, fixé à un minimum de 300 en 2019, pouvait être abaissé pour justifier une augmentation de l’abattage des loups.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Free-roaming sheep in Spain." src="https://images.theconversation.com/files/553680/original/file-20231013-19-oyrswo.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/553680/original/file-20231013-19-oyrswo.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/553680/original/file-20231013-19-oyrswo.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/553680/original/file-20231013-19-oyrswo.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/553680/original/file-20231013-19-oyrswo.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/553680/original/file-20231013-19-oyrswo.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/553680/original/file-20231013-19-oyrswo.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Moutons en liberté dans le parc national des Pics d’Europe, Asturies, Espagne.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Hanna Pettersson</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-sa/4.0/">CC BY-NC-SA</a></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>De quelle nature parle-t-on ?</h2>
<p>Pour combler le fossé politique entre la protection et la persécution du loup, ainsi qu’entre la restauration de paysages « sauvages » et pastoraux, il est nécessaire de réévaluer la manière dont les décisions sont prises et dont les preuves sont prises en compte.</p>
<p>La science joue un rôle crucial dans l’évaluation des différentes options politiques et de leurs conséquences, telles que l’effet d’une augmentation de la population de loups sur le comportement des moutons ou des cerfs. Mais elle ne peut pas déterminer la « bonne » ligne de conduite. Ce choix dépend de ce dont les personnes, le bétail et la faune sauvage dans un lieu donné ont besoin pour bien vivre. En d’autres termes, le contexte est important.</p>
<p>Dans la plupart des cas, la question n’est pas de choisir entre « ceci ou cela », mais plutôt de savoir comment obtenir « un peu de tout ». Réconcilier les différents intérêts et <a href="https://conbio.onlinelibrary.wiley.com/doi/pdf/10.1111/csp2.259">trouver une voie à suivre</a> nécessite la participation du public et, généralement, une médiation professionnelle. Ce sont ces actions que la Commission européenne devrait encourager dans les États membres.</p>
<p>Dans cette optique, il est inquiétant de constater que le pragmatisme est largement négligé dans le débat. En fin de compte, la coexistence durable des humains et des loups ne dépend pas du fait que les loups soient chassés ou protégés, ni même de la taille de la population de loups. Elle dépend plutôt de la manière dont ces décisions sont prises.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/216226/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Hanna Pettersson a reçu un financement du Leeds-York Natural Environment Research Council (NERC) Doctoral Training Partnership (DTP) SPHERES dans le cadre de la subvention NE/L002574/.</span></em></p>Tous les pays européens ne conçoivent pas la protection du loup de la même façon. L’exemple de l’Espagne illustre bien ces divergences.Hanna Pettersson, Postdoctoral Research Associate, University of YorkLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2003262023-02-22T19:16:46Z2023-02-22T19:16:46ZNouvelle découverte dans la vallée du Rhône : les Homo sapiens d’Europe tiraient déjà à l’arc il y a 54 000 ans<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/511788/original/file-20230222-28-zmha9c.JPG?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C8%2C6000%2C3422&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Pointes découvertes montées pour former des flèches.</span> <span class="attribution"><span class="license">Fourni par l'auteur</span></span></figcaption></figure><p>Il y a un an, en février 2022, notre équipe scientifique de la Grotte Mandrin, dans la Drôme, faisait paraître une étude dans <a href="https://www.science.org/doi/10.1126/sciadv.abj9496"><em>Science Advances</em></a> qui repoussait de 10 à 12 millénaires la plus ancienne preuve de l’arrivée des premiers <em>Homo sapiens</em> en Europe. Nous apprenions que les premiers Hommes modernes étaient arrivés sur le continent dès le 54<sup>e</sup> millénaire.</p>
<p>Nous présentons aujourd’hui dans une <a href="https://www.science.org/journal/sciadv">nouvelle étude</a> publiée dans la même revue, le fait que ces premiers hommes modernes maîtrisaient parfaitement l’archerie, repoussant l’origine de ces technologies remarquables en Eurasie de quelque 40 000 ans.</p>
<p>Perchée à 100 mètres sur les pentes des Préalpes, dans la Drôme, la Grotte Mandrin regarde vers le nord, au milieu de la vallée du Rhône. Il s’agit d’un point stratégique dans le paysage, car ici le Rhône s’écoule dans un goulet d’un kilomètre de large entre les Préalpes à l’est et le Massif central à l’ouest.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/511670/original/file-20230222-20-rxucdc.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/511670/original/file-20230222-20-rxucdc.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/511670/original/file-20230222-20-rxucdc.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/511670/original/file-20230222-20-rxucdc.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/511670/original/file-20230222-20-rxucdc.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/511670/original/file-20230222-20-rxucdc.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/511670/original/file-20230222-20-rxucdc.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Vue des fouilles en cours dans la Grotte Mandrin.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Ludovic Slimak</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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</figure>
<p>Nous avons découvert, dans un niveau archéologique daté de 54 000 ans, appelé « Néronien », quelque 1 500 petites pointes en silex, triangulaires et standardisées, certaines mesurant moins d’un centimètre de long. Cette industrie lithique est très particulière et se distingue techniquement très nettement des artisanats néandertaliens retrouvés dans cette grotte avant et après les vestiges abandonnés par <em>Homo sapiens</em>. En revanche, ces artisanats de silex du Néronien montrent des ressemblances frappantes avec des collections archéologiques contemporaines attribuées elles aussi à <em>Homo sapiens</em> et que l’on retrouve dans <a href="https://www.biorxiv.org/content/10.1101/2022.10.28.514208v2">l’est de la Méditerranée</a>.</p>
<h2>Les traces d’archerie sont complexes à mettre en évidence</h2>
<p>L’émergence des armes à propulsion mécanique, fondées sur l’emploi de l’arc ou du propulseur, est communément perçue comme l’une des marques de l’avancée des populations modernes sur le continent européen.</p>
<p>Or l’existence de l’archerie a toujours été plus difficile à retracer. Ces technologies sont basées sur l’utilisation de matériaux périssables : bois, fibres, cuir, résines et tendons, qui sont rarement préservés dans les sites paléolithiques européens et rendent difficile la reconnaissance archéologique de ces technologies.</p>
<p>Il faut attendre des périodes très récentes, comprises entre le 10<sup>e</sup> et le 12<sup>e</sup> millénaire pour retrouver des éléments d’archerie partiellement préservés en Eurasie et retrouvés dans des sols gelés ou dans des tourbières, comme sur l <a href="http://paleosite.free.fr/arc/origines/stellmoor.htm">e site de Stellmoor</a> en Allemagne. En l’absence de ces matières périssables, ce sont les armatures, communément réalisées en silex, qui constituent les principaux témoins de ces technologies d’armement durant la préhistoire ancienne en Europe.</p>
<p>Sur la base de l’analyse de ces armatures de pierre, la reconnaissance de l’archerie est maintenant bien documentée en Afrique dans des périodes anciennes pouvant remonter à quelque <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0277379122003080">70 000 ans</a>. Certaines armatures en silex ou en bois de cerf suggèrent l’existence de l’archerie dès les premières phases du Paléolithique supérieur en Europe, il y a plus de 35 000 ans, mais leur morphologie et les modes d’emmanchement de ces armatures anciennes ne permettent pas de les rattacher à un mode de propulsion bien distinct tel que l’arc.</p>
<p>La reconnaissance de ces technologies dans le Paléolithique supérieur européen butait jusqu’alors sur des recouvrements balistiques entre armes projetées à l’aide d’un propulseur ou d’un arc. Ce contexte général rend l’existence éventuelle de l’archerie au Paléolithique européen quasiment invisible sur le plan archéologique.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/511684/original/file-20230222-805-647peo.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/511684/original/file-20230222-805-647peo.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=363&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/511684/original/file-20230222-805-647peo.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=363&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/511684/original/file-20230222-805-647peo.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=363&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/511684/original/file-20230222-805-647peo.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=456&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/511684/original/file-20230222-805-647peo.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=456&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/511684/original/file-20230222-805-647peo.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=456&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Programme expérimental appelé Initiarc. Les petites pointes néroniennes trouvées dans la Grotte Mandrin ont été reproduites expérimentalement en utilisant le même silex et les mêmes technologies de taille.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Ludovic Slimak</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Ces dernières recherches enrichissent profondément notre connaissance de ces technologies en Europe et nous permettent désormais de repousser l’âge de l’archerie en Europe de plus de 40 millénaires !</p>
<h2>De nombreux tests pour prouver l’utilisation d’arcs</h2>
<p>L’étude se fonde sur une analyse fonctionnelle de milliers de silex retrouvés dans ce niveau archéologique du Néronien. Les fractures et les traces observées démontrent que ces pointes légères étaient emmanchées en extrémité de fût (la partie en bois de la flèche). Les fractures observées sont caractéristiques d’un impact violent.</p>
<p>En reproduisant des répliques expérimentales de ces pointes tirées à l’arc, au propulseur, ou simplement plantées dans des carcasses d’animaux, nous avons pu observer au sein de nos expérimentations des types de fractures qui sont précisément les mêmes que celles retrouvées sur le mobilier archéologique.</p>
<p>Nous avons également testé l’efficacité et les limites balistiques des plus petites pointes dont toute une catégorie n’atteint pas un centimètre de longueur. Mais c’est la largeur de ces pointes légères qui nous intéressait ici. En archerie traditionnelle il existe en effet une corrélation entre la largeur de la pointe armant une flèche à l’extrémité de son fût et le diamètre même de son fût.</p>
<p>On constate ainsi expérimentalement qu’une flèche n’est pénétrante, et donc efficiente, que lorsque la flèche est armée en son extrémité d’une armature présentant, a minima, une largeur équivalente ou supérieure à celle son fût.</p>
<p>Près de 40 % des pointes légères abandonnées à la Grotte Mandrin par ces premiers Homo sapiens présentent une largeur maximale de 10 mm. Ces toutes petites pointes présentent de très nombreuses fractures qui n’ont pu se développer que lors d’impacts très violents. Ces fractures très caractéristiques, et que nous retrouvons sur nos petites pointes expérimentales tirées à l’arc, nous révèlent qu’elles n’ont pu se développer que sous la contrainte d’une très forte énergie affectant leur extrémité distale (le bout de la pointe…).</p>
<p>Ces traces, additionnées à la très faible dimension de ces pointes, et à leur très faible largeur ne peuvent être expérimentalement reproduites que lorsque ces objets sont associés à une propulsion à l’aide d’un arc, et cela à l’exclusion de tout autre mode de propulsion.</p>
<p>Nos expérimentations montrent que la faible énergie cinétique des armes les plus légères (dont environ 30 % ne pèsent guère plus de quelques grammes) ne peut, lorsqu’elles étaient emmanchées en bout de fût (la partie en bois de la flèche), être compensée que par l’arc, seul mode de propulsion mécanique à même de produire la vitesse nécessaire au développement de telles fractures sur des objets si légers.</p>
<p>C’est donc au croisement de très nombreux facteurs balistiques, analytiques et expérimentaux qu’il nous a été possible de démontrer que ces pointes si petites et si régulières avaient indubitablement été propulsées à l’aide d’un arc.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/511673/original/file-20230222-22-fj93hf.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/511673/original/file-20230222-22-fj93hf.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=759&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/511673/original/file-20230222-22-fj93hf.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=759&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/511673/original/file-20230222-22-fj93hf.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=759&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/511673/original/file-20230222-22-fj93hf.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=954&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/511673/original/file-20230222-22-fj93hf.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=954&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/511673/original/file-20230222-22-fj93hf.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=954&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Cette pointe très légère trouvée dans la couche Néronienne de la Grotte Mandrin, datée de 54.000 ans, présente des traces microscopiques diagnostiques de son utilisation comme arme.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Laure Metz et Ludovic Slimak</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Grâce à cette étude, l’archerie en Europe, et plus largement en Eurasie, fait un saut remarquable dans le temps. Mais notre étude va beaucoup plus loin encore et s’est aussi intéressée aux armements des populations néandertaliennes contemporaines. Ces recherches montrent en effet que les néandertaliens continuèrent à utiliser leurs armes traditionnelles fondées sur l’emploi de pointes massives montées en lance qui étaient plantées ou projetées à la main. L’archerie, et plus généralement les propulsions mécaniques, furent exclusivement employées par Homo sapiens qui maîtrisait déjà parfaitement ces technologies lors de sa première migration vers l’Europe continentale il y a 54 millénaires.</p>
<p>Les traditions et les technologies maîtrisées par ces deux populations étaient donc profondément distinctes, conférant, objectivement, un avantage technologique remarquable aux populations modernes lors de leurs expansions sur le continent européen.</p>
<p>Toutefois, nous replaçons dans notre article ce débat dans un contexte beaucoup plus large dans lequel les stratégies des sociétés humaines ne peuvent se limiter aux seuls avantages logistiques ou technologiques d’une innovation. Les sociétés humaines développent communément des solutions sous-optimales, contre-intuitives et dont les seules raisons relèvent de la culture, du mythe ou de la représentation que ces sociétés se font d’elle-même. Cette étude qui demanda plus de 15 années de recherches et d’expérimentations nous renvoie alors au poids des traditions au sein de ces populations ainsi qu’aux éthologies humaines qui purent être profondément divergentes entre néandertaliens et hommes modernes.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/200326/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Une toute nouvelle étude montre qu’Homo sapiens maîtrisait déjà le tir à l’arc il y a plus de 50 000 ans, grâce à des fouilles archéologiques dans la Grotte Mandrin.Laure Metz, Archéologue et chercheuse en anthropologie, Aix-Marseille Université (AMU)Jason E. Lewis, Lecturer of Anthropology and Assistant Director of the Turkana Basin Institute, Stony Brook University (The State University of New York)Ludovic Slimak, CNRS Permanent Member, Université Toulouse – Jean JaurèsLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1913642022-10-06T18:41:51Z2022-10-06T18:41:51ZTerritoires ruraux : et si on redécouvrait les vertus de la propriété collective ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/487824/original/file-20221003-12-fwrlio.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C1028%2C686&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">C’est en territoire de montagne que les communs fonciers ont le plus survécu, probablement épargnés par la pression foncière et plébiscités par les populations afin de coopérer pour subsister face aux rudesses de la vie locale.</span> <span class="attribution"><span class="source">Philipp Schneidenbach/Unsplash</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>La région autonome de la Vallée d’Aoste en Italie vient de promulguer une <a href="https://www.regione.vda.it/amministrazione/leggi/bollettino_ufficiale_new/archive/2022/43-2022.pdf">loi</a> renforçant les <a href="https://journals.openedition.org/rga/8249">consorteries</a> et d’autres formes de propriété collective. Cinq ans auparavant la République italienne avait adopté une loi reconnaissant la diversité des propriétés collectives et des <a href="https://www.gazzettaufficiale.it/eli/id/2017/11/28/17G00181/sg">systèmes communautaires privés</a> qui leurs sont reliées tout en rappelant leur autonomie de gestion et leurs fonctions : la protection de l’environnement, la culture, la solidarité collective et intergénérationnelle, etc.</p>
<p>De l’autre côté de la frontière, si le mot <a href="https://www.lemonde.fr/idees/article/2020/03/11/les-communs-renouveau-de-la-democratie-locale_6032562_3232.html"><em>communs</em></a> est souvent mis en avant dans les études ou discours, l’État français ne met en œuvre aucune politique de préservation ou de stimulation des systèmes fonciers ancestraux connus en milieu rural sous les termes de communaux ou de <a href="https://hal.univ-smb.fr/hal-03504648/document">propriétés collectives</a>.</p>
<p>Bien que méconnues au sein d’une société qui a glorifié la propriété privée, les propriétés collectives représentent toujours autant un mode propriétaire séduisant pour gérer avec prudence <a href="https://theconversation.com/quelle-est-la-pire-des-menaces-qui-pese-sur-la-biodiversite-184887">les ressources naturelles</a> qu’une philosophie d’habiter le territoire. Cette façon d’envisager la propriété en connexion avec la nature donne préférence aux <a href="https://wildproject.org/livres/la-propriete-de-la-terre">usages de la terre sur l’appropriation</a> dans le souci de transmettre les biens en bon état aux générations futures.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/dans-les-campagnes-pourquoi-les-jeunes-se-detournent-ils-des-lieux-publics-186540">Dans les campagnes, pourquoi les jeunes se détournent-ils des lieux publics ?</a>
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<p>Il parait dès lors difficilement compréhensible de vouloir tirer un trait sur des siècles d’histoire et sur un patrimoine auquel les habitants sont encore attachés en mettant en avant des arguments comme le besoin de mettre fin à une certaine complexité administrative ou une <a href="https://www.senat.fr/leg/exposes-des-motifs/ppl19-182-expose.html">supposée « désuétude »</a>. Au contraire, l’émergence des nouveaux besoins sociétaux change la donne et les propriétés collectives n’apparaissent plus en décalage avec leur temps. Elles peuvent, bien utilisées et à leur échelle, contribuer à répondre à de nombreux enjeux du développement durable.</p>
<h2>Des institutions sociales aux fonctions d’intérêt collectif</h2>
<p>Durant de nombreux siècles, des seigneurs ou parfois des ordres religieux ont concédé, sur certaines terres de leur domaine, des <a href="https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k3332364q">droits d’usage</a> aux communautés villageoises (couper du bois, puiser de l’eau, cueillettes diverses, exploiter la terre à des fins agricoles…). Les ayants droit pouvaient ainsi assurer leur subsistance tout en procédant à l’entretien de ces biens dans l’intérêt de tous. Une gouvernance et une démocratie interne censées garantir la pérennité de la jouissance collective des biens permettaient de réguler l’exercice des droits d’usage.</p>
<p>On mesure aujourd’hui les effets positifs de ces systèmes à la beauté des paysages façonnés en ces lieux par l’homme ou à la présence d’une <a href="https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-03553587/">biodiversité préservée</a> (on y trouve de nombreuses zones humides, des <a href="https://www.ecologie.gouv.fr/reseau-europeen-natura-2000-0">zones Natura 2000</a>…).</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/a-la-clusaz-des-pistes-existent-pour-dejouer-lartificialisation-de-la-montagne-183539">À La Clusaz, des pistes existent pour déjouer l’artificialisation de la montagne</a>
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<p>Après avoir représenté le mode habituel de gestion des ressources en Europe, ces systèmes ont décliné. Ils ont été critiqués pour leur improductivité par les <a href="https://books.openedition.org/pur/23641?lang=fr">physiocrates</a> au XVIIIème siècle (une école d’économistes libéraux de l’époque) puis la Révolution française les a déstabilisés en abolissant les <a href="https://books.openedition.org/psorbonne/62137?lang=fr">privilèges</a>.</p>
<p>Sous Napoléon, le <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000006428841">code civil</a> a promu l’idée que les choses sont appropriables individuellement tout en gardant la référence aux biens communaux. Depuis, le législateur a été soit indifférent aux communaux, soit enclin à les restreindre. Par exemple, en dernière date, une <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/loda/id/JORFTEXT000027466376/">loi datant de 2013</a> visant à moderniser le régime des sections de commune a plutôt généré un processus d’asphyxie de cette catégorie de communs fonciers : elle a interdit d’en créer de nouveaux, durci les conditions de création des commissions syndicales pouvant les administrer et développé des procédures de vente ou de transfert des biens.</p>
<h2>Une réalité sociale contrastée mais un droit toujours vivant</h2>
<p>Malgré les évolutions profondes de la société rurale, les communs fonciers sont encore là. C’est en territoire de montagne qu’ils ont le plus survécu, probablement épargnés par la pression foncière et plébiscités par les populations afin de coopérer pour subsister face aux <a href="https://www.persee.fr/doc/rga_0035-1121_1989_num_77_1_2741">rudesses de la vie locale</a>.</p>
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<p>Il en existe des formes et dénominations diverses, fruit des mutations historiques et de leur capacité à résister ou non au droit uniformisant de l’État moderne : certains relèvent de la propriété collective publique et ont été soumis au droit administratif. Il en va ainsi des sections de commune (par exemple la <a href="https://mourex.fr/sections/Couchant.html">section du Couchant</a> à Faverges-Seythenex en Haute-Savoie).</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/aOrciW-6xqo?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Les propriétés collectives face aux défis territoriaux contemporains – L’exemple de la section de commune du Couchant. YouTube.</span></figcaption>
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<p>D’autres relèvent de la propriété collective privée et leur fonctionnement est encore largement régi par les usages locaux. Par exemple, les <a href="https://www.pyrenees-refuges.com/fr/affiche.php?numenr=8">cayolars</a> (refuges) dans le Pays basque ou les bourgeoisies près de la frontière suisse ou encore dans un registre différent les <a href="https://ecomuseegapeau.org/le-patecq-en-provence-2/">patecqs</a> en Provence ou les <a href="https://eprints.gla.ac.uk/277343/2/277343.pdf">biens non délimités</a>, très nombreux en <a href="http://domes-union.com/qui-sommes-nous/">Massif central</a> qui sont toujours exploités en commun tout en étant des propriétés privées. Ces systèmes ne sont assimilables ni au régime de la domanialité publique, ni à celui de l’<a href="https://www.legifrance.gouv.fr/codes/id/LEGISCTA000006136538/">indivision</a> (article 815 du code civil) ni à celui de la <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/loda/id/JORFTEXT000000880200/">copropriété</a> (loi de 1965).</p>
<p>En pratique, le <a href="https://www.usherbrooke.ca/droit/fileadmin/sites/droit/documents/RDUS/volume_50/Bonnemains-Joye.pdf">statut des communs fonciers</a> sur les territoire est très variable puisque certains sont dynamiques et d’autres amorphes voire en déshérence. A l’étranger aussi ils sont dans ce même cas de figure. Certains sont très bien organisés. C’est le cas de quelques administrations séparées des biens d’usage civique en Italie (comme <a href="http://www.andonno.it/amministrazione.html">Andonno</a> en Piémont) ou des <a href="https://www.mihi-consortage.ch/">consortages</a> en Valais suisse dont ceux de <a href="https://serval.unil.ch/resource/serval:BIB_2ED5E29FCBBC.P001/REF.pdf">gestion des réseaux d’irrigation</a>.</p>
<p>Le lecteur ne saura trouver ici un décompte précis du nombre de ces communs pour la simple raison qu’il n’existe pas de statistiques nationales ou locales fiables. Cependant, <a href="https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-03413990/">certaines enquêtes</a> montrent que leur nombre est encore élevé malgré une tendance continue à la baisse.</p>
<p>S’agissant des sections de commune, en 1999, le <a href="https://www.vie-publique.fr/sites/default/files/rapport/pdf/044000277.pdf">ministère de l’Intérieur</a> indiquait que leur nombre s’élevait à 26 792, en majorité situées dans le Massif central. Mais cette estimation ne concerne que les sections de commune. Si on s’amusait à cumuler toutes ces superficies éparpillées, ces communs représenteraient l’un des plus grands propriétaires fonciers de France, si ce n’est le plus grand.</p>
<h2>Un déclin non inéluctable : les nouveaux enjeux</h2>
<p>Même si les communs fonciers ne doivent pas être trop idéalisés – on y retrouve autant de bisbilles que dans toute organisation humaine – leur persistance à de quoi intéresser.</p>
<p>Ils sont toutefois en mutation, pouvant à la fois conserver les usages anciens (exploitation agricole, affouage, etc.) et s’ouvrir à des usages ou actions collectives nouvelles (prévention des incendies, production d’énergie renouvelable, accueil de touristes, etc.). C’est une opportunité pour l’État à l’heure de nombreuses crises sociétales : pouvoir disposer sans coût majeur de relais locaux à des politiques d’intérêt général, de gestionnaires en la forme de communautés résilientes tout en répondant à un besoin de protection des populations.</p>
<p>En effet, dans de nombreux registres, les communautés villageoises sont à l’origine de pratiques ou savoir-faire utiles à la gestion des territoires. La participation des communautés aux actions à mener pour lutter contre le réchauffement climatique est d’ailleurs prévue par l’<a href="https://unfccc.int/fr/a-propos-des-ndcs/l-accord-de-paris">Accord de Paris de 2015</a>. Elles peuvent être mobilisées pour entretenir les paysages, maintenir la biodiversité, gérer la faune, la forêt, prévenir les risques naturels, entretenir des équipements et des infrastructures (irrigation, production d’énergie renouvelable, accueil de touristes), ou encore favoriser la production alimentaire locale par la mise à disposition de terres hors marché aux exploitants, etc.</p>
<p>Enfin, quand ils fonctionnent, les communs fonciers sont des espaces de sociabilité et d’échange d’informations. Les liens sont tissés lors de l’exercice des droits d’usage : entre agriculteurs, entre chasseurs, entre affouagistes - les personnes ayant le droit de ramasser ou couper du bois dans une forêt usagère -, entre cueilleurs, etc.. Ils résultent aussi des actes courants de gestion de la propriété collective (débroussaillage, réfection de chemins, de bâtiments, etc.) ou de l’animation des instances de gouvernance. Il serait intéressant de les laisser prospérer sans quoi l’on réduit encore en milieu rural un espace de participation peu visible.</p>
<h2>Maintenir un espace d’action pour les propriétés collectives</h2>
<p>Dans le contexte politique et social contemporain, l’État détient l’une des clés de la pérennisation des communs fonciers. Il a, selon nous, intérêt à maintenir un <a href="https://www.taylorfrancis.com/books/oa-edit/10.4324/9781003043263/balancing-commons-switzerland-tobias-haller-karina-liechti-martin-stuber-fran%C3%A7ois-xavier-viallon-rahel-wunderli">espace d’action pour les propriétés collectives</a> et à faciliter leur insertion dans le système juridique moderne.</p>
<p>La reconnaissance des communs fonciers semble nécessaire afin de dissiper de nombreux ressentiments et injustices vécus par des populations rurales confrontées à l’absence de considération pour leur modèle de vie en rapport étroit avec la nature. Bien entendu nul n’ignore les critiques qui les affectent (abandon d’usages trop anciens, replis égoïstes, etc.) et les défis à relever dont celui de la manière dont chacun peut ou veut s’impliquer dans son cadre de vie au sein d'une société devenue très individualiste. Mais bien des maux pourraient trouver un remède si l’on valorisait les communs auprès des populations au lieu de faire durer la petite musique de leur inévitable disparition au motif que le contexte sociétal agricole qui les a vu naître n’existe plus.</p>
<p>C’est à leur articulation avec les politiques et acteurs publics qu’il faut travailler. La coopération intra-communale ferait alors de nouveau sens dans les territoires très ruraux dilués dans les grands ensembles intercommunaux ayant éloignés le citoyen des centres de décision.</p>
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<p><em>Le 21 octobre 2022, l’auteur de cet article sera présent à un colloque organisé à Paris au Palais du Luxembourg et intitulé <a href="https://www.fac-droit.univ-smb.fr/fr/2022/09/la-relance-des-communs-fonciers/">« Relancer les communs fonciers »</a>. Les participants se pencheront sur l’avenir des politiques territoriales avec les communs fonciers.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/191364/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jean-Francois Joye a reçu des financements de l'Université Savoie Mont Blanc (Fondation et Centre de recherche en droit Antoine Favre), du Conseil Savoie Mont Blanc, du Labex ITTEM, de l'ADEME pour mener ses recherches sur la propriété collective.</span></em></p>Bien que méconnues au sein d’une société qui a glorifié la propriété privée, les propriétés collectives sont un mode propriétaire intéressant pour gérer avec prudence les ressources naturelles.Jean-Francois Joye, Professeur de droit public, Université Savoie Mont BlancLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1909962022-09-21T18:33:18Z2022-09-21T18:33:18ZVoici pourquoi il faut interdire l’alcool à la chasse<p>Le Sénat vient de publier un rapport d’information proposant <a href="http://www.senat.fr/notice-rapport/2021/r21-882-notice.html">« d’interdire l’alcool et les stupéfiants lors de la chasse »</a> et de prendre des <a href="https://www.lefigaro.fr/actualite-france/le-senat-propose-un-taux-maximal-d-alcoolemie-pour-la-chasse-20220916">mesures similaires</a> à celles appliquées pour la conduite. Cette idée a été fustigée par le président de la Fédération nationale des chasseurs Willly Schraen, lequel n’a pas manqué de rétorquer qu’<a href="https://www.marianne.net/societe/agriculture-et-ruralite/le-velo-bourre-cest-dangereux-aussi-nouvel-argument-du-patron-des-chasseurs-pour-esquiver-le-debat">« un mec bourré sur un vélo, c’est dangereux aussi »</a>, oubliant que les règles qui s’appliquent aux automobilistes en matière d’ébriété <a href="https://www.securite-routiere.gouv.fr/chacun-son-mode-de-deplacement/dangers-de-la-route-velo/bien-circuler-velo">valent aussi pour les cyclistes</a>.</p>
<p>L’argument véhément du patron de la chasse française ne semble pas résister à la comparaison internationale, quand dans d’autres pays, les organisations de chasseurs recommandent l’abstention d’alcool. Prenons le site officiel d’une <a href="https://www.hunter-ed.com/newyork/studyGuide/Alcohol-and-Drugs/20103502_138053/">agence américaine d’éducation à la chasse</a> : il y est rappelé que « consommer de l’alcool avant ou pendant la chasse augmente les risques d’accident en affectant la coordination, l’audition, la vision, la communication et le jugement ».</p>
<p>Cette préconisation de bon sens n’est pas superflue, puisque l’alcool semble faire encore partie du monde cynégétique, en France comme à l’étranger.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/la-chasse-une-histoire-avec-le-pouvoir-145191">La chasse, une histoire avec le pouvoir</a>
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<h2>Aux États-Unis, un loisir souvent pratiqué en état d’ivresse</h2>
<p>Ainsi, aux États-Unis, (où la consommation d’alcool moyenne est de <a href="https://donnees.banquemondiale.org/indicateur/SH.ALC.PCAP.LI?locations=US">20 % inférieure</a> à la nôtre dans la population générale), une <a href="https://www.tandfonline.com/doi/full/10.1080/01639625.2019.1631069">récente enquête</a> menée sur un échantillon représentatif de 2349 jeunes adultes indiquait que 23 % des chasseurs de sexe masculin avaient déjà pratiqué leur loisir en état d’ivresse.</p>
<p>Et en France ? Malgré l’absence de données chiffrées, le rapport sénatorial se hasarde à parler d’une « petite minorité » de personnes qui chasseraient en étant ivres.</p>
<p>Concernant les décès et incidents graves, les sénateurs sont plus précis : 9 % d’entre eux sont imputables à l’ébriété d’un chasseur.</p>
<p>Ce rapport très hexagonal ignore malheureusement la plupart des données internationales disponibles sur le sujet. Il omet de mentionner qu’aux États-Unis, <a href="https://ajph.aphapublications.org/doi/abs/10.2105/AJPH.78.12.158">l’ébriété est présente dans 15 % des accidents de chasse</a>. Est également passée sous silence cette vaste étude danoise auprès de 1800 chasseurs qui montre que le risque d’accident impliquant une arme à feu <a href="https://journals.lww.com/jtrauma/Abstract/2009/12000/Firearm_Related_Hunting_Accidents_in_Denmark.21.aspx">croît directement avec l’alcoolémie</a></p>
<p>Le récent rapport du Sénat ne prend pas non plus la peine de clarifier en quoi l’alcool s’avère fortement accidentogène. On peut pourtant repérer trois conséquences de l’ébriété qui y contribuent.</p>
<h2>Locomotion et coordination motrice</h2>
<p>Une étude menée en Suisse dans un service d’urgence hospitalière indiquait qu’un tiers des blessures occasionnées à la chasse résultaient de chutes, par exemple quand un <a href="https://www.hindawi.com/journals/emi/2015/284908/">tireur dégringole de son mirador</a>. L’alcool favorise ce type d’incident notamment par son action perturbatrice sur l’oreille interne, qui régule l’équilibre, <a href="https://doi.org/10.1016/j.alcohol.2008.04.004">ainsi que sur le cervelet</a>. L’anticipation et la coordination du mouvement sont touchés.</p>
<p>Par exemple, une <a href="https://bmcresnotes.biomedcentral.com/articles/10.1186/1756-0500-3-243">recherche menée par Judith Hegeman</a> dans un laboratoire de recherche d’Amsterdam montrait que lorsque des personnes évoluent sur un tapis roulant, même à de faibles concentrations d’alcool, leur temps de réaction pour l’évitement d’obstacles est fortement majoré.</p>
<h2>Altérations visuelles et auditives</h2>
<p><a href="https://www.thieme-connect.de/products/ejournals/abstract/10.1055/s-2008-1050922">L’alcool détériore aussi la vision périphérique</a>, ce qui peut affecter l’appréciation et le respect des angles de tir. Il est responsable de la fameuse diplopie (vue dédoublée) et de <a href="https://link.springer.com/article/10.3758/BF03207543">la vision floue</a> en perturbant l’action des muscles ciliaires qui commandent le focus visuel.</p>
<p>Il favorise également <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/415330/">l’éblouissement</a>, car les muscles sphincters qui exécutent l’ouverture et la fermeture de la pupille selon la luminosité ambiante sont ralentis.</p>
<p>[<em>Plus de 80 000 lecteurs font confiance à la newsletter de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde</em>. <a href="https://theconversation.com/fr/newsletters/la-newsletter-quotidienne-5?utm_source=inline-70ksignup">Abonnez-vous aujourd’hui</a>]</p>
<p>À long terme, une <a href="https://theconversation.com/alcool-et-autres-substances-pourquoi-leur-dangerosite-est-elle-sous-estimee-par-les-usagers-159369">alcoolisation élevée</a> altère la <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/26465148/">perception des couleurs</a>, provoque des <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/34055263/">pathologies chroniques</a> comme la <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/20443769/">cataracte</a> et <a href="https://www.tandfonline.com/doi/full/10.1080/02713683.2021.1942070">favorise la dégénérescence maculaire liée à l’âge</a> (DMLA) : affection se traduisant par une <a href="https://theconversation.com/la-degenerescence-maculaire-est-la-premiere-cause-de-cecite-au-pays-comment-la-prevenir-154683">dégradation de la partie centrale de la rétine</a>.</p>
<p>Ajoutons enfin que l’alcool <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/33341812/">brouille aussi l’audition</a>. Dans une étude, un chercheur d’une université coréenne a alcoolisé plusieurs dizaines de participants (0,5 gramme, soit deux verres standards), puis les a soumis à une batterie de tests incluant des tâches de détections de tonalité, des exercices de reconnaissance de mots ou de compréhension de paroles dans le bruit. Par rapport aux résultats à jeun, les capacités auditives des participants étaient déficientes.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/tabac-alcool-et-autres-drogues-ils-modifient-notre-epigenome-178706">Tabac, alcool et autres drogues… Ils modifient notre épigénome</a>
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<h2>Erreurs de jugement</h2>
<p>Lorsque l’on prend conscience de l’étendue des effets de l’alcool sur la vision et l’audition, on comprend mieux certains faits qui émaillent la presse régionale, comme l’incident de ce chasseur ivre, qui, visant un lièvre, <a href="https://www.lyonmag.com/article/90723/beaujolais-le-chasseur-ivre-vise-un-lievre-et-tire-sur-son-ami">criblait de plomb son acolyte</a>.</p>
<p>Pourtant, accorder un grand poids explicatif à ces altérations perceptuelles serait faire fausse route. En effet, <a href="https://www.ofb.gouv.fr/la-securite-la-chasse">selon l’Office français de la biodiversité</a> (OFB), les accidents de chasse résultent fréquemment de manques de prudence et d’erreurs de jugement, comme le fait de tirer sans identifier sa cible, le non-respect de l’<a href="https://www.chasse-nature-71.fr/reglementation-securite/">angle de 30 degrés</a> (interdiction de tirs dans les secteurs angulaires de 30 degrés à gauche et à droite) ou les tirs en direction d’habitations.</p>
<p>Comme le rappelle l’OFB, les projectiles utilisés peuvent parcourir une distance allant jusqu’à cinq kilomètres. Ivre ou sobre, quand une cible est éloignée voire mouvante, comment garantir que les balles ne toucheront pas <a href="https://france3-regions.francetvinfo.fr/auvergne-rhone-alpes/haute-savoie/ouverture-du-proces-du-chasseur-accuse-avoir-tue-vetetiste-haute-savoie-1900586.html">plutôt un VVTiste</a>, une <a href="https://www.20minutes.fr/faits_divers/2338343-20180918-limoges-fillette-grievement-blessee-chasseur-tirait-faisan">fillette de dix ans qui joue au bord d’une rivière</a> ou une <a href="https://www.lavoixdunord.fr/1143614/article/2022-02-22/femme-de-25-ans-tuee-lors-d-un-accident-de-chasse-ce-qu-sait-sur-ce-drame">jeune randonneuse</a> ?</p>
<h2>L’alcool pousse souvent à choisir l’option la plus risquée</h2>
<p>La décision d’appuyer sur la gâchette ou de s’abstenir de tirer implique une troisième dimension psychologique plus complexe : l’appréciation de la situation. Selon le rapport du sénat :</p>
<blockquote>
<p>« Plus des deux tiers des accidents résultent de fautes graves enfreignant les règles élémentaires de sécurité. S’y ajoute une centaine d’incidents par an, c’est-à-dire des tirs sur des véhicules ou des maisons, qui auraient pu avoir des conséquences dramatiques. »</p>
</blockquote>
<p>L’évaluation du risque et la représentation des conséquences de son acte sont deux modalités qui sont <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/33065446/">notoirement affectées par l’ébriété</a>.</p>
<p>Ceci a été montré de manière simplifiée durant une étude de 2015 menée dans un bar et durant laquelle on présentait à des hommes et femmes de 18 à 43 ans deux bocaux remplis de cartes. On les informait qu’ils pouvaient gagner un prix en choisissant l’une d’elles : dans le bocal de droite, il y avait 50 % de cartes gagnantes, tandis que la probabilité de gagner était inconnue pour celui de gauche. Les résultats ont montré que les hommes ivres (mais non les femmes) choisissaient <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/25642202/">davantage l’option la plus risquée</a>. Tirer dans l’incertitude en espérant faire mouche relève probablement du même phénomène.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/consommation-dalcool-quelles-tendances-apres-un-an-de-crise-154495">Consommation d’alcool : quelles tendances après un an de crise ?</a>
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<h2>L’un des premiers facteurs d’agressivité humaine</h2>
<p>En affectant directement le cortex préfrontal, l’alcool perturbe les <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1002/hup.1194">fonctions cognitives exécutives</a> qui sont impliquées dans la capacité à envisager ou adopter plusieurs options à un moment donné pour résoudre un problème (la flexibilité cognitive), l’attention, l’inhibition de l’action et les <a href="https://compass.onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1111/j.1751-9004.2007.00051.x">conduites d’agression</a>. Il constitue même la substance psychoactive la plus constamment reliée à <a href="https://www.dunod.com/sciences-humaines-et-sociales/drogues-alcool-et-agression-equation-chimique-et-sociale-violence">l’agression humaine dans le monde</a>.</p>
<p>Certes, ce n’est pas l’alcool mais des chasseurs qui ont tué par balle <a href="https://www.ledauphine.com/france-monde/2019/11/17/en-20-ans-les-chasseurs-ont-tue-plus-de-400-personn">400 personnes</a> depuis 20 ans en France et blessé des milliers d’autres (l’alcool en a tué en réalité <a href="https://www.inserm.fr/wp-content/uploads/2021-05/inserm-expertisecollective-alcool2021-synthese.pdf">près d’un million au total</a>, mais par d’autres moyens).</p>
<p>Cependant, puisqu’il est clairement identifié comme un facteur de risque évitable, il paraît judicieux d’interdire sa consommation à des personnes qui tirent avec des carabines et des fusils semi-automatiques dans les domaines forestiers fréquentés par des publics. Alcoolisés, les chasseurs présentent un risque létal pour tous, y compris pour eux-mêmes.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/190996/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Laurent Bègue-Shankland a reçu des financements de la Mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives (MILDECA). </span></em></p>Durant la chasse, la consommation d’alcool affecte la perception, la motricité et le jugement. Pour ces trois raisons, il constitue un facteur de risque avéré d’accidents.Laurent Bègue-Shankland, Addictologue, Professeur de psychologie sociale, membre de l’Institut universitaire de France (IUF), directeur de la MSH Alpes (CNRS/UGA), Université Grenoble Alpes (UGA)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1842282022-08-31T13:05:37Z2022-08-31T13:05:37ZPour une consommation éclairée du phoque gris<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/480421/original/file-20220822-76838-nyikjs.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=14%2C34%2C3244%2C2135&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les phoques de moins de 6 semaines représentent le meilleur groupe d'âge à des fins de commercialisation.</span> <span class="attribution"><span class="source">(Pierre-Yves Daoust)</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span></figcaption></figure><p>Il y a présentement un intérêt grandissant quant à l’exploitation commerciale des produits du phoque gris (<em>Halichoerus grypus</em>) du golfe du Saint-Laurent. Alors que sa peau est vendue et que sa graisse est transformée en huile depuis de nombreuses années, il n’existe que peu de marchés pour la viande et les abats. Or, depuis une dizaine d’années, de petites entreprises aux Îles de la Madeleine offrent ces produits sauvages issus d’une pêche durable, contribuant à une saine gestion de cette ressource dans le Saint-Laurent.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/468898/original/file-20220615-19-9zk4uk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/468898/original/file-20220615-19-9zk4uk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=398&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/468898/original/file-20220615-19-9zk4uk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=398&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/468898/original/file-20220615-19-9zk4uk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=398&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/468898/original/file-20220615-19-9zk4uk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=500&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/468898/original/file-20220615-19-9zk4uk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=500&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/468898/original/file-20220615-19-9zk4uk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=500&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<p><strong><em>Cet article fait partie de notre série <a href="https://theconversation.com/ca-fr/topics/fleuve-saint-laurent-116908">Le Saint-Laurent en profondeur</a></em></strong>
<br><em>Ne manquez pas les nouveaux articles sur ce fleuve mythique, d'une remarquable beauté. Nos experts se penchent sur sa faune, sa flore, son histoire et les enjeux auxquels il fait face. Cette série vous est proposée par La Conversation.</em></p>
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<p>Viande très foncée au goût salé et unique, la viande de phoque gris est appréciée par les amateurs de viande sauvage. Préparés en tataki, en filet, en saucisse, ou en terrine, la viande et le foie de phoque gris sont de plus en plus consommés par des familles de chasseurs dans des communautés côtières ainsi que dans les restaurants gastronomiques du Québec.</p>
<p>Experts en écotoxicologie, en santé environnementale et en pathologie de la faune, nous nous sommes penchés sur la valeur nutritive de cette viande de phoque, ainsi que sur les contaminants chimiques et les pathogènes pouvant s’y retrouver.</p>
<p>Envie d’y goûter ? Voici un petit guide pour une consommation éclairée !</p>
<h2>Une espèce qui n’est pas menacée</h2>
<p>Jusqu’au XIX<sup>e</sup> siècle, les Madelinots chassaient le phoque à des fins de subsistance pour s’alimenter et pratiquer des activités traditionnelles. Cette activité demeure aujourd’hui au cœur de leur culture et contribue de façon significative à l’économie locale des Îles de la Madeleine et de certaines communautés sur les berges du Saint-Laurent.</p>
<p>Aujourd’hui, <a href="https://www.dfo-mpo.gc.ca/fisheries-peches/seals-phoques/seal-stats-phoques-fra.html">environ un millier d’individus sont chassés de manière commerciale</a> chaque année. La chasse récréative au phoque gris est également permise. Or, <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1761199/duree-chasse-phoque-gaspesie-loup-marin">malgré un récent engouement</a>, ces activités de chasse ne menacent pas le statut de cette population, désignée <a href="https://www.dfo-mpo.gc.ca/species-especes/profiles-profils/greyseal-phoquesgris-fra.html">« non en péril »</a>. Le nombre de phoques gris est <a href="https://www.ledevoir.com/environnement/663156/les-madelinots-veulent-que-le-quebec-retrouve-le-gout-du-phoque">estimé à 340 000 dans l’Est du Canada</a>, une région qui comprend également le golfe du Saint-Laurent.</p>
<h2>C’est la dose qui fait le poison</h2>
<p>Naturellement présents dans l’environnement à de faibles concentrations, certains éléments chimiques, comme le cuivre et le fer, sont des nutriments nécessaires au bon fonctionnement des êtres vivants. Mais, dans certains cas, <a href="https://www.canada.ca/fr/sante-canada/services/aliments-nutrition/saine-alimentation/apports-nutritionnels-reference/questions-reponses.html">ces éléments dits « essentiels » atteignent des concentrations élevées qui pourraient s’avérer nuisibles à la santé</a>.</p>
<p>Attention, <a href="https://www.canada.ca/fr/sante-canada/services/aliments-nutrition/salubrite-aliments/contaminants-chimiques/concentrations-maximales-etablies-egard-contaminants-chimiques-aliments.html">certains organismes peuvent aussi accumuler des concentrations élevées d’éléments traces « non essentiels »</a>. On parle alors de contaminants chimiques comme le mercure, le cadmium et le plomb. Ces derniers n’ont aucune fonction biologique et sont toxiques à très faibles concentrations, tant pour les phoques que pour les humains.</p>
<p>Les résultats d’une <a href="https://doi.org/10.1016/j.chemosphere.2022.133640">première étude</a> montrent qu’en général, la viande et le foie de phoque gris sont une bonne source de nutriments, notamment de fer et de cuivre. Cette étude met aussi en évidence que la consommation de muscle, de cœur et de foie des jeunes phoques de l’année sevrés (et âgés de moins de 6 semaines) serait à privilégier. Pourquoi ? Parce que l’ensemble des éléments essentiels et non essentiels étudiés respectent les concentrations maximales recommandées (pour une consommation hebdomadaire), et ce, même chez les populations plus vulnérables comme les femmes enceintes et les jeunes enfants.</p>
<h2>Préconiser la consommation de jeunes phoques</h2>
<p>Dès que les phoques gris atteignent 6 semaines, ils commencent à s’alimenter en mer. Les concentrations de mercure et de cadmium dans la viande et le foie font alors un pas vers le haut. Chez les phoques, la principale voie d’absorption de ces éléments est la nourriture. Ainsi, ces résultats reflètent probablement le changement d’alimentation après le sevrage. Alors que ces concentrations ne présentent pas de risques significatifs pour la population générale en santé, une plus grande vigilance est de mise pour les femmes enceintes et les jeunes enfants.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/480425/original/file-20220822-64444-w5ydzp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="un chef prépare une carcasse de phoque" src="https://images.theconversation.com/files/480425/original/file-20220822-64444-w5ydzp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/480425/original/file-20220822-64444-w5ydzp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/480425/original/file-20220822-64444-w5ydzp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/480425/original/file-20220822-64444-w5ydzp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/480425/original/file-20220822-64444-w5ydzp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/480425/original/file-20220822-64444-w5ydzp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/480425/original/file-20220822-64444-w5ydzp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">La viande de phoque peut être apprêtée en tataki, en filet, en saucisse, ou en terrine. Sur cette photo, Réjean Vigneau, boucher, prépare différentes coupes.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Yoanis Menge)</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>La Direction régionale de santé publique de la Gaspésie-Îles-de-la-Madeleine est d’ailleurs d’avis que les <a href="https://www.canada.ca/fr/sante-canada/services/aliments-nutrition/salubrite-aliments/contaminants-chimiques/contaminants-environnementaux/mercure/mercure-poisson.html">recommandations de Santé Canada pour la consommation de thon blanc en conserve pour les femmes enceintes et les jeunes enfants</a> devraient s’appliquer à la consommation de phoque gris du golfe du Saint-Laurent. En effet, le thon blanc présente des concentrations intermédiaires de mercure similaires à celles mesurées dans le muscle et le foie de phoque gris de plus de 6 semaines.</p>
<p>Les reins sont toutefois à éviter, en raison de concentrations plus élevées de cadmium et de mercure. C’est le cas autant pour les jeunes phoques de l’année sevrés (et âgés de moins de 6 semaines) que ceux plus âgés. Des concentrations élevées de plomb ont aussi été retrouvées dans quelques échantillons de phoques gris. Ces observations soulèvent l’importance de promouvoir l’utilisation de munitions sans plomb et non toxiques pour la chasse, tant pour des raisons environnementales que pour éviter la contamination de la viande.</p>
<p>Il importe de noter que, bien que les phoques gris juvéniles et adultes (âgés de 6 semaines et plus) soient chassés pour la viande, la chasse commerciale pour la récolte d’abats vise uniquement les jeunes de l’année âgés de moins de 6 semaines. Notre étude confirme donc que ceci est une bonne pratique pour la consommation humaine !</p>
<h2>Un risque faible de transmission de parasites</h2>
<p>Une <a href="https://doi.org/10.3354/dao03536">deuxième étude</a> a évalué la présence de cinq agents infectieux, soit des bactéries et des parasites qui pourraient être transmis aux humains par les phoques gris suite à la préparation ou à la consommation de viande crue ou peu cuite. Une telle transmission d’agents infectieux « zoonotiques » est tout aussi possible lors de contacts avec le bétail et la volaille, ainsi qu’avec <a href="https://doi.org/10.3389/fpubh.2021.627654">différents animaux sauvages en Amérique du Nord</a>.</p>
<p>Bonne nouvelle : aucune détection du parasite Trichinella (qui cause la <a href="https://www.quebec.ca/agriculture-environnement-et-ressources-naturelles/sante-animale/maladies-animales/trichinellose">trichinellose</a>) chez les phoques gris échantillonnés. Par ailleurs, très peu de phoques démontraient des signes d’infection par les bactéries Brucella (qui cause la <a href="https://inspection.canada.ca/sante-des-animaux/animaux-terrestres/maladies/declaration-obligatoire/brucellose/fiche-de-renseignements/fra/1305673222206/1305673334337">brucellose</a> et <em>Erysipelothrix rhusiopathiae</em> (associée à la maladie du <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC2827281/"><em>seal finger</em></a>).</p>
<p>Par contre, tous les phoques présentaient des signes d’exposition à la bactérie <em>Leptospira interrogans</em> (responsable de la <a href="https://www.quebec.ca/agriculture-environnement-et-ressources-naturelles/sante-animale/maladies-animales/leptospirose">leptospirose</a>), et la moitié des phoques gris échantillonnés étaient porteurs du parasite <em>Toxoplasma gondii</em> (responsable de la <a href="https://www.quebec.ca/agriculture-environnement-et-ressources-naturelles/sante-animale/maladies-animales/toxoplasmose">toxoplasmose</a>).</p>
<h2>Prendre ses précautions</h2>
<p>Mais pas de panique, il n’y a aucune raison de s’inquiéter. Les normes canadiennes d’abattage des animaux et de manipulation de leurs produits, employées notamment durant la chasse aux phoques, assurent des produits sains, surtout lorsque combinées à une cuisson appropriée. Il est tout de même recommandé aux chasseurs de porter des gants jetables lors de la manipulation des phoques pour éviter tout contact avec les bactéries.</p>
<p>Afin de réduire les risques d’infection par <em>Toxoplasma gondii</em>, la viande et le foie de phoque chassé commercialement sont toujours congelés à -10<sup>0</sup>C ou moins pour trois jours avant la mise sur le marché, ce qui assure la destruction du parasite. Pour les chasseurs récréatifs, cette pratique est fortement recommandée, particulièrement quand la viande est consommée crue ou peu cuite, comme en tataki (la meilleure façon de la consommer, <a href="https://www.journaldequebec.com/2016/04/21/le-bon-gout-des-iles-de-la-madeleine">selon les chefs</a> !). Une cuisson complète à une température interne de 74<sup>0</sup>C devrait aussi inactiver l’ensemble des pathogènes.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/480423/original/file-20220822-77356-ppvw4w.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="tataki sur une assiette" src="https://images.theconversation.com/files/480423/original/file-20220822-77356-ppvw4w.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/480423/original/file-20220822-77356-ppvw4w.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=599&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/480423/original/file-20220822-77356-ppvw4w.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=599&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/480423/original/file-20220822-77356-ppvw4w.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=599&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/480423/original/file-20220822-77356-ppvw4w.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=753&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/480423/original/file-20220822-77356-ppvw4w.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=753&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/480423/original/file-20220822-77356-ppvw4w.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=753&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Tataki de phoque préparé par Johanne Vigneault, du restaurant Gourmande de nature, aux Îles-de-la-Madeleine.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Jasmine Solomon, pour Manger notre Saint-Laurent)</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Il importe de noter que, contrairement aux pathogènes, les contaminants chimiques (mercure, plomb, cadmium) ne sont pas détruits par la congélation ou la cuisson.</p>
<h2>La science au service des communautés</h2>
<p>En travaillant en collaboration avec les chasseurs et décideurs locaux, nos travaux contribuent à mettre la science au service des communautés pour promouvoir une gestion durable et une consommation saine et savoureuse de cette ressource unique du Saint-Laurent.</p>
<p>Que faut-il retenir pour une consommation éclairée du phoque gris ? Privilégier la viande, le foie et le cœur des jeunes phoques (âgés de moins de 6 semaines) et appliquer des mesures sanitaires standard (gants, congélation ou cuisson) lors de la manipulation des phoques et de leurs produits.</p>
<p>Vous aimeriez goûter à la viande de phoque ou d’autres produits du Saint-Laurent ? Consultez le site de <a href="https://mangernotrestlaurent.com/">Manger notre Saint-Laurent</a> pour découvrir où s’en procurer.</p>
<p>Le contact avec la nature est aussi bon pour la santé ! Sachez que le <a href="http://exploramer.qc.ca/">Musée Exploramer</a>, à Sainte-Anne-des-Monts, offre une formation complète sur la chasse au phoque. Cet atelier est donné par Réjean Vigneau, chasseur émérite et propriétaire de la <a href="https://www.boucheriecoteacote.ca/">Boucherie Côte à Côte</a> aux Îles-de-la-Madeleine, et <a href="https://ici.radio-canada.ca/ohdio/premiere/emissions/bon-pied-bonne-heure/segments/chronique/95436/yannick-ouellet-formation-culinaire-viande-phoque">Yannick Ouellet</a>, chef culinaire de la région.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/184228/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Gwyneth Anne MacMillan a reçu des financements de Fond de recherche Québec Nature et technologies (FRQNT) et de la Chaire de recherche Littoral (Sentinelle Nord (Apogée Canada) et Relations Couronne-Autochtones et Affaires du Nord Canada (CIRNAC)).</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Mélanie Lemire a reçu des financements de Services aux Autochtones Canada, Santé Canada, Relations Couronne-Autochtones et Affaires du Nord Canada (CIRNAC), Sentinelle Nord (Apogée Canada), Meopar, Génome Canada, Fonds de recherche du Québec - Santé, Réseau Québec Maritime et l'Institut de recherche en santé du Canada.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Pierre-Yves Daoust a reçu des financements du Ministère de l’agriculture, des pêcheries et de l’alimentation du Québec.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Marc Amyot ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>On recommande de privilégier la viande, le foie et le cœur des jeunes phoques et d’appliquer des mesures sanitaires standard (gants, cuisson) lors de la manipulation des phoques et de leurs produits.Gwyneth Anne MacMillan, Postdoctoral Researcher in Environmental Science, McGill UniversityMarc Amyot, Professor, Université de MontréalMélanie Lemire, Associate professor, Department of Social and Preventive Medicine, Université LavalPierre-Yves Daoust, Professor Emeritus, University of Prince Edward IslandLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1816922022-07-19T13:17:37Z2022-07-19T13:17:37ZPourquoi entretenons-nous une relation d’amour-haine avec la viande ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/459538/original/file-20220425-31363-yya21f.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=46%2C0%2C5184%2C3453&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">La viande a été un marqueur de divisions entre les classes et les genres et a déclenché des révolutions scientifiques.</span> <span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>Quand avez-vous mangé de la viande pour la dernière fois ? Aujourd’hui ? Il y a quelques jours ? Il y a 10 ans ? Jamais ? Vous êtes-vous déjà <a href="https://www.insider.com/why-do-angry-vegans-meat-eaters-fight-so-much-2020-2">disputé avec quelqu’un sur la question de la consommation de viande</a>, que ce soit à propos des répercussions pour l’environnement ou du problème d’éthique que soulève le fait de manger des animaux ? Êtes-vous dérouté par les informations contradictoires qui circulent sur les effets de la viande sur la santé ? Vous sentez-vous coupable de continuer de manger de la viande ?</p>
<p>La viande est un aliment omniprésent, pensons au <a href="https://www.healthline.com/nutrition/carnivore-diet#what-it-is">très controversé régime carnivore</a>, à la <a href="https://thenextweb.com/news/plant-based-filet-mignon-gave-me-a-taste-of-meatless-future">« viande »</a> végétale ou à la <a href="https://theconversation.com/topics/cell-cultured-meat-58477">viande cultivée en laboratoire</a>.</p>
<p>À l’exception des gens issus d’une famille ou d’une culture prônant le végétalisme, nous sommes nombreux à consommer ou à avoir déjà consommé de la viande. Même les personnes qui suivent un régime à base de plantes peuvent à l’occasion s’offrir une viande végétale parce qu’elles apprécient le goût familier de la viande.</p>
<p>Marta Zaraska, journaliste scientifique, qualifie d’<a href="https://www.newscientist.com/article/2075985-meathooked-how-eating-meat-became-a-global-obsession/">obsession de la viande</a> cette tendance que l’on a à donner à la viande la place de choix dans nos assiettes.</p>
<p>Après tout, la viande est un des plus anciens produits de consommation, des fouilles archéologiques ayant montré que les premiers humains avaient commencé à tuer et à dépecer des animaux i <a href="https://www.nature.com/scitable/knowledge/library/evidence-for-meat-eating-by-early-humans-103874273">l y a environ 2,6 millions d’années</a>. Depuis, la viande s’est taillé une place de choix dans nos rituels familiaux, nos célébrations spirituelles et nos rassemblements. La viande nous rassemble, mais amène également son lot d’objections et de contradictions.</p>
<p>Comment la viande est-elle devenue un sujet de discorde ? Et pourquoi entretenons-nous avec elle une relation d’amour-haine ?</p>
<p>À titre de chercheuses en marketing, <a href="https://doi.org/10.1080/10253866.2022.2037574">nous avons récemment</a> étudié les causes de ces contradictions et avons découvert que la viande est au cœur de controverses liées à la morale, à l’écologie, aux questions de genre, aux classes et à la santé depuis le XIV<sup>e</sup> siècle dans l’hémisphère nord.</p>
<h2>La viande au cœur de la division entre les sexes</h2>
<p>Malgré le <a href="https://theconversation.com/meat-is-masculine-how-food-advertising-perpetuates-harmful-gender-stereotypes-119004">stéréotype</a> selon lequel la <a href="https://dx.doi.org/10.3389%2Ffpsyg.2018.00559">viande est un aliment traditionnellement masculin</a>, la découverte récente d’un corps de femme accompagné d’outils de chasse dans un <a href="https://www.scientificamerican.com/article/in-the-early-americas-female-hunters-pursued-big-game-study-suggests/">site funéraire vieux de 9 000 ans</a> donne à penser que nos hypothèses sur le sexe des chasseurs pourraient être erronées.</p>
<p>Il est vrai que la viande <a href="https://nationalpost.com/life/food/why-are-we-programmed-to-think-meat-is-for-men">est un produit culturellement lié au sexe</a>, une division qui est perçue tant au niveau de sa production que de sa consommation.</p>
<p>Les stéréotypes de genre sur la chasse et le dépeçage sont si courants qu’ils façonnent les aspirations professionnelles des femmes, sous-représentées dans les <a href="https://thecounter.org/yes-i-am-a-female-butcher/">professions axées sur la viande</a>. Les hommes sont eux-mêmes soumis à des attentes en raison de leur genre et doivent <a href="https://doi.org/10.1177/2378023119831801">manger de la viande pour affirmer leur masculinité</a>.</p>
<p>Il suffit de penser à certaines émissions de télévision mettant l’accent sur la consommation de viande, comme <a href="https://thesocietypages.org/cyborgology/2011/11/24/gender-culture-and-cooking-on-the-internet/"><em>Epic Meal Time</em></a> et à leur façon de perpétuer des idéaux d’hypermasculinité. Ce portrait de la gent masculine aide à comprendre pourquoi les régimes végétaux sont perçus comme moins virils et pourquoi <a href="https://theconversation.com/meat-and-masculinity-why-some-men-just-cant-stomach-plant-based-food-174785">certains hommes hésitent à manger des aliments à base de plantes</a>.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/URl4oYD__-w?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">YouTube account Epic Meal Time builds a « 20 pound meat lovers sushi roll ».</span></figcaption>
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<h2>La viande comme symbole de puissance et de richesse</h2>
<p>La consommation de viande, en quantité et en qualité, marque symboliquement les inégalités sociales depuis l’époque médiévale. Comme Maguelonne Toussaint-Samat l’explique dans son livre <a href="https://doi.org/10.1002/9781444305135"><em>Histoire naturelle et morale de la nourriture</em></a>, les nobles et l’élite consommaient de meilleures coupes de viande, des viandes plus rares que nous ne mangeons plus aujourd’hui <a href="https://theoutline.com/post/8164/why-dont-we-eat-swans">(comme des cygnes))</a> et certaines parties de l’animal (comme les yeux) qui étaient considérées comme des mets gastronomiques jusqu’au XVI<sup>e</sup> siècle.</p>
<p>De son côté, la classe ouvrière consommait des viandes de piètre qualité, moins variées et à moindre fréquence. Ce sont les <a href="https://stacker.com/stories/4402/history-americas-meat-processing-industry">abattoirs et l’élevage industriel</a> qui ont permis à la viande de devenir plus accessible à l’ensemble de la population. Ce n’est plus la quantité de viande consommée qui définit la classe sociale, mais plutôt sa qualité.</p>
<p>Plus récemment, l’élevage industriel <a href="https://thehumaneleague.org/article/what-is-factory-farming">a soulevé de vives réactions sur l’éthique et la durabilité</a> de la production de viande et ses répercussions environnementales.</p>
<p>La production massive de viande <a href="https://www.vox.com/future-perfect/22287498/meat-wildlife-biodiversity-species-plantbased">détruit des habitats naturels et nuit à la biodiversité</a>, en plus de représenter une forme d’exploitation où les animaux et les <a href="https://calgaryherald.com/news/local-news/alberta-meat-plant-workers-vulnerable-to-dangerous-conditions-new-research">travailleurs</a> sont <a href="https://caroljadams.com/spom-the-book">traités comme des objets</a>, ce qui entraîne des répercussions sur la <a href="https://theconversation.com/rural-americans-struggles-against-factory-farm-pollution-find-traction-in-court-98226">qualité de vie en milieu rural</a>.</p>
<p>Un avenir où la viande est moins omniprésente est un rêve partagé par les défenseurs des animaux, les <a href="https://montrealgazette.com/life/new-canadas-food-guide-not-about-portion-but-about-proportion">gouvernements</a> et même les <a href="https://www.nature.com/articles/d41586-019-02409-7">Nations unies</a> (qui recommandent un régime sans viande). Mais plusieurs croient que cet objectif n’est pas réaliste, étant donné notre obsession pour la viande.</p>
<h2>Réinventer le monde sans viande</h2>
<p>La viande est un indicateur de division entre les classes sociales et les sexes et a déclenché des révolutions scientifiques, mais les <a href="https://www.theworldcounts.com/challenges/consumption/foods-and-beverages/world-consumption-of-meat/story">données montrent</a> que les gens ne sont pas prêts à délaisser la viande.</p>
<p>Bien que la similiviande soit conçue pour avoir l’apparence, le goût et la texture de la viande véritable, les scientifiques ne savent pas si elle pourra remplacer la viande et <a href="https://www.vox.com/future-perfect/2019/2/22/18235189/lab-grown-meat-cultured-environment-climate-change">résoudre nos problèmes</a>. Les contradictions et les conflits profondément enracinés dans nos cultures continueront de modeler notre relation controversée avec la viande, les symboles qu’elle représente et les questions morales qui l’entourent.</p>
<p>Pour cette raison, nous continuerons d’éprouver de l’amour et de la haine pour la viande (et ses substituts). Il est possible d’imaginer un futur sans viande, mais est-il possible d’échapper aux composantes culturelles véhiculées par cet aliment ?</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/181692/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>La viande a été un marqueur des divisions entre les classes et le genre. Elle a déclenché des révolutions scientifiques et a été au centre de guerres et de controverses.Zeynep Arsel, Concordia University Chair in Consumption, Markets, and Society, Concordia UniversityAya Aboelenien, Assistant Professor of Marketing, HEC MontréalLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1457452020-12-17T19:35:17Z2020-12-17T19:35:17ZLa chasse est-elle à l’origine de l’émergence du genre humain ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/375720/original/file-20201217-23-5qikrk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C4%2C1399%2C847&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Peintures rupestres de la région de Tadrart Acacus en Libye datées entre 12 000 avant J.-C. à 100 après J.-C. </span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://de.wikipedia.org/wiki/Datei:Libya_4924_Pictograms_Tadrart_Acacus_Luca_Galuzzi_2007_cropped.jpg">Tomer T/Wikipedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span></figcaption></figure><p>Aujourd’hui, la pratique de la chasse est un <a href="https://www.youtube.com/watch?v=ipPpW6TEfuo&t=204s">débat sociétal majeur</a>. En témoigne <a href="https://www.liberation.fr/debats/2020/12/08/abolir-la-chasse-pas-la-reformer_1808042">l’actualité</a> des dernières semaines autour de la législation de la chasse et de sa pratique. Au-delà de l’activité dite « sportive », la chasse est bien un héritage de nos comportements alimentaires. Ainsi, nous voyons apparaître des régimes tels que le régime « Paléo », enrichis en viande, en partant du postulat que la chasse était au cœur du quotidien des populations préhistoriques et que le régime de nos « ancêtres » était le bon.</p>
<p>Mais d’où vient cette idée ? Que disent réellement les données scientifiques sur la consommation de viande de nos « ancêtres » lointains ? La chasse et la viande ont-elles joué un rôle important dans l’évolution humaine ?</p>
<h2>La découverte d’australopithèque</h2>
<p>En 1925, l’anatomiste australien <a href="https://www.nature.com/articles/115195a0">Raymond A. Dart</a> publia la description des premiers restes d’australopithèque jamais découvert. Il s’agit d’un petit crâne, presque complet, conservant également l’empreinte négative de l’endocrâne (partie interne du crâne) et provenant d’une grotte d’Afrique du Sud. Il dénomma l’espèce <em>Australopithecus africanus</em>, mais le crâne sera surnommé l’enfant de Taung.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/374588/original/file-20201213-16-1wjk9yz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/374588/original/file-20201213-16-1wjk9yz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/374588/original/file-20201213-16-1wjk9yz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=497&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/374588/original/file-20201213-16-1wjk9yz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=497&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/374588/original/file-20201213-16-1wjk9yz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=497&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/374588/original/file-20201213-16-1wjk9yz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=625&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/374588/original/file-20201213-16-1wjk9yz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=625&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/374588/original/file-20201213-16-1wjk9yz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=625&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Moulage en trois parties : endocrâne, face et mandibule, de l’enfant de Taung.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Enfant_de_Taung#/media/Fichier:Australopithecus_africanus_-_Cast_of_taung_child.jpg">Didier Descouens/Wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Par cette découverte majeure, le scientifique permit d’apporter la première preuve tangible d’une origine africaine de la lignée humaine. Hypothèse qui fut pour la première fois formulée par Charles Darwin en 1871, dans son célèbre ouvrage « The Descent of Man ». A l’époque, la publication ne fit pas l’unanimité car nombre de chercheurs considéraient que l’origine de la lignée humaine se situait soit en Asie, par la découverte de <em>Pithecanthropus</em> en 1891, ou en Europe, avant que la <a href="https://www.journals.uchicago.edu/doi/abs/10.1086/204069">fraude de l’Homme de Piltdown</a> ne soit révélée.</p>
<h2>Les chasseurs de têtes sanguinaires</h2>
<p>Malgré les critiques, Dart continua ses recherches en Afrique du Sud et étudia les fossiles d’animaux des sites de Taung et de Makapansgat. Il estimait que ces restes avaient été accumulés par les Australopithèques eux-mêmes. En analysant les modifications visibles sur les ossements ainsi que la représentation squelettique, il définira la <a href="https://journals.co.za/content/transmem/10/1">« culture ostéodontokératique »</a>, signifiant littéralement « os – dent – corne ».</p>
<p>Selon lui, les australopithèques étaient de puissants chasseurs, capables de produire des outils à l’aide des os, des dents mais aussi des cornes des animaux qu’ils abattaient. Ils étaient des « chasseurs de têtes sanguinaires », parfois cannibales. Cette hypothèse, dénommée la « théorie du singe tueur », permettait à Dart de confirmer une seconde idée de Darwin : le processus d’hominisation aurait débuté lorsque nos « ancêtres » adoptèrent une marche bipède, libérant ainsi les mains et permettant la production d’outils et d’armes pour chasser. C’est la « hunting hypothesis » (hypothèse de la chasse), qui considère la chasse comme un comportement majeur dans l’évolution de la taille du cerveau (encéphalisation) au sein de la lignée humaine.</p>
<h2>Les chasseurs devenus chassés</h2>
<p>Les recherches de Dart firent forte impression, notamment auprès de l’auteur à succès Robert Ardrey, qui publiera cinq best-sellers, « African Genesis », dans lesquels il développera l’idée que « l’Homme est un prédateur dont l’instinct naturel est de tuer avec une arme ». Cette vision de l’origine de l’humanité fut plus tard reprise par Arthur C. Clarke et Stanley Kubrick lors de la production de la séquence d’ouverture du film <em>2001 : l’Odyssée de l’espace</em>.</p>
<p>Bien entendu, les travaux de Dart furent sérieusement remis en question. Notamment depuis 1981 et la publication de l’ouvrage « The Hunters or the Hunted ? An Introduction to African Cave Taphonomy » par le taphonomiste sud-africain C. K. Brain. À travers cet ouvrage de référence, Brain démontra que les hominines anciens (catégorie regroupant l’ensemble des espèces appartenant à la lignée humaine depuis sa séparation avec celle des grands singes, il y a environ 7 millions d’années) étaient plus des proies que des chasseurs. Ils étaient, selon lui, régulièrement les proies de grands carnivores, et particulièrement des grands félins comme le léopard ou les tigres à dents de sabre. Ainsi il réfuta la théorie du singe tueur et la « Hunting Hypothesis ».</p>
<h2>Cerveau, intestin et locomotion</h2>
<p>Dans ce contexte de forte compétition entre les hominines et les carnivores démontrée par Brain, le rôle de la chasse au sein de l’évolution humaine a été fortement nuancé. Toutefois, en 1995, les paléoanthropologues <a href="https://www.journals.uchicago.edu/doi/abs/10.1086/204350?journalCode=ca">Leslie C. Aiello et Peter Wheeler</a> émettent l’hypothèse selon laquelle les besoins métaboliques d’un cerveau de grande taille sont compensés par une réduction proportionnelle de l’appareil digestif.</p>
<p>Cette réduction de la taille de l’intestin n’est envisageable, selon eux, seulement s’il y a un changement dans le régime alimentaire, incorporant des aliments à forte qualité nutritionnelle, comme la viande. En 2011, cette hypothèse fut remise en question par <a href="https://www.nature.com/articles/nature10629?page=3">Ana Navarrete et ses collègues</a>, qui proposèrent que l’encéphalisation a été rendu possible par une combinaison de stabilisation des apports énergétiques et d’une redirection de l’énergie de la locomotion, de la croissance et de la reproduction. En effet, les données prouvent que le coût en énergie de la posture bipède est beaucoup moindre que la brachiation (« arboricolie ») ou la quadrupédie observées chez les autres espèces de primates non-humains. </p>
<p>Enfin, il semble que les êtres humains ont évolué dans l’approvisionnement alloparental de la progéniture (prise en charge des petits par l’ensemble du groupe), en particulier pour le bénéfice des femelles reproductrices. <a href="https://royalsocietypublishing.org/doi/abs/10.1098/rsbl.2008.0469">Ces auteurs</a> proposent que des soins allomaternaux extensifs permettent d’augmenter la taille du cerveau, et donc aussi les capacités cognitives, par rapport à leurs parents reproducteurs. Ce qui aurait permis de multiplier par trois environ la taille du cerveau par rapport à leur groupe frère, le genre <em>Pan</em> (chimpanzés) !</p>
<p>L’encéphalisation est donc un processus multifactoriel. Parmi ces facteurs se trouvent l’utilisation d’outils, du feu, l’amélioration des techniques d’approvisionnement en nourriture, le changement de régime alimentaire, la locomotion bipède…</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/374280/original/file-20201210-19-4updd5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/374280/original/file-20201210-19-4updd5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/374280/original/file-20201210-19-4updd5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=170&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/374280/original/file-20201210-19-4updd5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=170&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/374280/original/file-20201210-19-4updd5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=170&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/374280/original/file-20201210-19-4updd5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=214&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/374280/original/file-20201210-19-4updd5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=214&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/374280/original/file-20201210-19-4updd5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=214&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Graphique synthétique indiquant les différentes voies complémentaires conduisant à une augmentation relative de la taille du cerveau.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Modifié à partir de Navarrette et coll. 2011/Nature</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Jusqu’à maintenant, nous avons largement et volontairement recentré notre propos sur l’encéphalisation. Toutefois, il est nécessaire de rappeler que l’augmentation relative de la taille du cerveau n’est pas l’unique caractère anatomique utilisé en paléoanthropologie afin de définir l’espèce humaine. Nous pouvons en effet citer la réduction globale de la taille de la denture ou encore la perte du pouce opposable du pied. Ainsi, même si la chasse et l’augmentation de la consommation de la viande peut être un des nombreux facteurs ayant favorisé l’encéphalisation, ce dernier processus n’est pas le seul caractère de l’« humanisation ».</p>
<p>Il est donc aujourd’hui difficile d’affirmer que la chasse et la viande sont les seuls facteurs de l’émergence du genre humain et du processus d’encéphalisation. Bien qu’il semble qu’elles aient joué un rôle à un moment donné de notre histoire évolutive. Le débat reste encore ouvert parmi la communauté scientifique, notamment sur le rôle de la chasse comparée à celui du charronnage… Affaire à suivre.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/145745/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Raphaël Hanon ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les scientifiques ont longtemps pensé que la chasse était à l’origine du développement de notre cerveau. En réalité, les causes semblent être beaucoup plus variées.Raphaël Hanon, Post-doctorant en archéozoologie et taphonomie, Université du Witwatersrand, Johannesburg, Muséum national d’histoire naturelle (MNHN)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1512262020-12-15T19:49:25Z2020-12-15T19:49:25ZVidit, 8 ans : « Pourquoi les tigres ont-ils des rayures ? »<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/375064/original/file-20201215-17-jbnvwi.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=4%2C0%2C2991%2C1994&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Illustration de tigres.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.freepik.com/free-vector/hand-drawn-wild-tiger-collection_4896414.htm#page=2&query=tigers&position=8">Freepik</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Lorsque les tigres traquent leurs proies, généralement dans la lumière sombre du crépuscule ou de l’aube, ils sont presque invisibles. Qu’ils vivent dans des prairies, des forêts ou des jungles, les tigres sauvages ont un pelage orange foncé avec des rayures sombres. Alors comment un animal avec une couleur aussi vive peut-il rester suffisamment bien caché pour réussir sa chasse ?</p>
<p>La réponse : le camouflage !</p>
<h2>Des tigres verts ?</h2>
<p>Dans <a href="https://scholar.google.com/citations?user=UlHC7aIAAAAJ&hl=en">mon travail</a> en tant que vétérinaire zoologiste, j’ai pu étudier comment le pelage, les plumes, les couleurs, les taches et les rayures de divers animaux ont évolué pour les aider à attirer un partenaire ou à se déguiser. Le <a href="https://www.plt.org/educator-tips/camouflage-nature-examples">camouflage</a> – ou « coloration cryptique » – leur permet de se cacher, sans être détectés.</p>
<p>Comme les tigres sont des prédateurs au <a href="https://sciencing.com/role-tigers-ecosystem-7638501.html">sommet de la chaîne alimentaire</a>, ils n’ont pas besoin de se cacher des animaux qui pourraient les manger, car aucun animal ne les chasse. Ce sont des carnivores – ils mangent de la viande – et ils comptent sur la furtivité pour réussir leur chasse.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/368672/original/file-20201110-15-u0lvtw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="photo de tigre montrant comment un humain le verrait et comment un cerf le verrait" src="https://images.theconversation.com/files/368672/original/file-20201110-15-u0lvtw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/368672/original/file-20201110-15-u0lvtw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=197&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/368672/original/file-20201110-15-u0lvtw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=197&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/368672/original/file-20201110-15-u0lvtw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=197&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/368672/original/file-20201110-15-u0lvtw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=247&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/368672/original/file-20201110-15-u0lvtw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=247&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/368672/original/file-20201110-15-u0lvtw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=247&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">L’œil humain peut traiter le rouge, le vert et le bleu, donc pour nous, un tigre est orange (à droite). Le cerf ne peut traiter que le vert et le bleu, ce qui le rend daltonien (à gauche), il voit le tigre vert.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://doi.org/10.1098/rsif.2019.0183">J. G. Fennell et coll., Journal of The Royal Society Interface</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Ils sont aidés par la vision limitée de leur proie préférée. Les cerfs et autres animaux à sabots <a href="https://www.nhm.ac.uk/discover/how-do-other-animals-see-the-world.html">ne peuvent pas voir toute la gamme des couleurs</a>, un peu comme un humain daltonien.</p>
<p>Cela les aide à mieux voir dans une lumière faible, mais cela les rend également vulnérables. À leurs yeux, la fourrure du tigre n’est pas orange vif : elle semble verte et ils vont donc avoir du mal à distinguer un tigre au milieu de la végétation.</p>
<h2>Caché à la vue de tous</h2>
<p>Les marques du tigre jouent également un rôle important. Leurs rayures verticales, qui vont du brun au noir, sont un exemple de ce que les biologistes appellent la coloration perturbatrice. Elles contribuent à briser la forme et la taille du félin pour qu’il se fonde dans les arbres et les hautes herbes.</p>
<p>C’est important car ces prédateurs ne chassent pas en groupe, comme un lion, ou n’ont pas la vitesse d’un guépard. Les tigres sont des chats solitaires qui dépendent de la furtivité et du camouflage pour survivre.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/368690/original/file-20201110-21-11jcsb8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/368690/original/file-20201110-21-11jcsb8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/368690/original/file-20201110-21-11jcsb8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/368690/original/file-20201110-21-11jcsb8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/368690/original/file-20201110-21-11jcsb8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/368690/original/file-20201110-21-11jcsb8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/368690/original/file-20201110-21-11jcsb8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/368690/original/file-20201110-21-11jcsb8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Un tigre du Bengale camouflé parmi les arbres et le feuillage dans le parc national de Kanha en Inde.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/w/index.php?title=Special:Search&limit=50&offset=0&profile=default&search=tiger+camouflage&advancedSearch-current=%7B%7D&ns0=1&ns6=1&ns12=1&ns14=1&ns100=1&ns106=1#/media/File:Tiger-India.jpg">Kailash Kumbhkar/Wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Les rayures varient même entre les six sous-espèces de tigres. La sous-espèce de tigre de Sumatra a des rayures beaucoup plus étroites que les autres et en possède davantage. Cela l’aide à rester caché dans sa jungle dense.</p>
<h2>Unique comme une empreinte digitale</h2>
<p>Quand on observe de près les différents tigres, comme je le fais dans mon travail, on voit que chacun de leurs motifs de rayures est unique, comme celui d’un zèbre. Il n’y a pas deux tigres identiques. Ils sont aussi différents que les empreintes digitales humaines.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/369711/original/file-20201117-23-1t628a9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/369711/original/file-20201117-23-1t628a9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=397&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/369711/original/file-20201117-23-1t628a9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=397&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/369711/original/file-20201117-23-1t628a9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=397&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/369711/original/file-20201117-23-1t628a9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=499&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/369711/original/file-20201117-23-1t628a9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=499&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/369711/original/file-20201117-23-1t628a9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=499&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Chaque tigre a son propre motif de rayures unique – et elles ne sont pas les mêmes des deux côtés !.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Tiger_Stripes_(29808869755).jpg">Mathias Appel/Wikimedia</a></span>
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</figure>
<p>Cela permet aux chercheurs qui les étudient dans la nature d’identifier et de compter les tigres individuellement. Ils utilisent des appareils photo à distance pour prendre des photos des animaux lorsqu’ils passent devant eux. Grâce à cette méthode, les experts en tigres estiment qu’il ne reste qu’environ 3 400 tigres sauvages dans leurs pays d’origine en Asie.</p>
<p>Il n’y a pas que leur fourrure qui est ornée de bandes noires. Lorsque nous devons endormir un tigre pour soigner une blessure ou faire des soins dentaires, nous rasons sa fourrure. Il est toujours surprenant de voir que leur peau ressemble presque à un tatouage : elle a le même motif de rayures que leur fourrure !</p>
<h2>Les tigres blancs</h2>
<p>Alors si les rayures camouflent les tigres de leurs proies potentielles, pourquoi certains d’entre eux sont-ils blancs ? Arrivent-ils à se camoufler aussi dans la jungle ?</p>
<p>Pour eux, c’est beaucoup plus difficile ! Parce qu’on les a vus à la télévision ou dans des attractions touristiques animalières, on peut penser qu’ils sont communs, mais ce n’est pas le cas. Une mutation génétique chez les tigres du Bengale rend leur fourrure blanche. Les deux parents doivent être porteurs du même gène très rare pour produire des petits blancs. Les tigres blancs sont élevés en captivité pour attirer les touristes – et la consanguinité produit une progéniture en mauvaise santé.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/368931/original/file-20201111-19-ni96bi.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/368931/original/file-20201111-19-ni96bi.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/368931/original/file-20201111-19-ni96bi.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/368931/original/file-20201111-19-ni96bi.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/368931/original/file-20201111-19-ni96bi.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/368931/original/file-20201111-19-ni96bi.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/368931/original/file-20201111-19-ni96bi.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/368931/original/file-20201111-19-ni96bi.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Le pelage du tigre blanc est causé par une mutation génétique rare. Il ne reste plus de tigres blancs dans la nature : En captivité, les zoos élèvent des tigres blancs, produisant ces animaux magnifiques mais en mauvaise santé pour attirer les touristes.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/w/index.php?search=white+tiger&title=Special:Search&profile=advanced&fulltext=1&advancedSearch-current=%7B%7D&ns0=1&ns6=1&ns12=1&ns14=1&ns100=1&ns106=1&searchToken=5pfeoj2liliglbbehtzhn7ca6#%2Fmedia%2FFile%3AStanding_white_tiger.jpg">Basile Morin/Wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Il n’y a jamais eu beaucoup de tigres blancs dans la nature. Le dernier a été repéré il y a plus de 60 ans. C’est logique en termes d’évolution. Un tigre blanc et noir est plus facile à repérer qu’un tigre orange, il aurait donc plus de mal à attraper son dîner.</p>
<p>Le pelage rayé caractéristique des tigres les aide à chasser avec succès, mais c’est aussi l’une des raisons pour lesquelles ils sont en voie de disparition. <a href="https://kids.kiddle.co/Poaching">Les tigres sont tués</a> pour leur belle fourrure, qui est très chère dans le commerce international illégal des animaux sauvages, principalement en Asie. Les gardiens des parcs et les groupes de protection de la nature s’efforcent de protéger cet animal emblématique, le plus grand de tous les grands félins.</p>
<hr>
<figure class="align-left ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/251779/original/file-20181220-103676-bvxzth.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/251779/original/file-20181220-103676-bvxzth.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/251779/original/file-20181220-103676-bvxzth.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/251779/original/file-20181220-103676-bvxzth.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/251779/original/file-20181220-103676-bvxzth.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/251779/original/file-20181220-103676-bvxzth.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/251779/original/file-20181220-103676-bvxzth.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption"></span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.dianerottner.com/">Diane Rottner</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
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<p><em>Si toi aussi tu as une question, demande à tes parents d’envoyer un mail à : tcjunior@theconversation.fr. Nous trouverons un·e scientifique pour te répondre.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/151226/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Andrew Cushing ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les rayures sont un avantage pour les tigres pendant la chasse, mais peuvent aussi leur causer bien des problèmes. Découvre vite pourquoi !Andrew Cushing, Assistant Professor in Zoological Medicine, University of TennesseeLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1472412020-10-08T17:51:37Z2020-10-08T17:51:37ZMieux connaître le lynx boréal grâce à l'écologie statistique<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/361712/original/file-20201005-16-1xu5wct.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=79%2C4%2C3100%2C2176&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Jeune femelle lynx, massif du Jura, avril 2013.</span> <span class="attribution"><span class="source">Sylvain Gatti / OFB</span>, <span class="license">Author provided</span></span></figcaption></figure><figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/293181/original/file-20190919-22450-1e2zj7j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/293181/original/file-20190919-22450-1e2zj7j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=236&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/293181/original/file-20190919-22450-1e2zj7j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=236&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/293181/original/file-20190919-22450-1e2zj7j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=236&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/293181/original/file-20190919-22450-1e2zj7j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=297&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/293181/original/file-20190919-22450-1e2zj7j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=297&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/293181/original/file-20190919-22450-1e2zj7j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=297&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption"></span>
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<p><em>Cet article est publié dans le cadre de la prochaine Fête de la science (qui aura lieu du 2 au 12 octobre 2020 en métropole et du 6 au 16 novembre en Corse, en outre-mer et à l’international) dont The Conversation France est partenaire. Cette nouvelle édition aura pour thème : « Planète Nature ». Retrouvez tous les événements de votre région sur le site <a href="https://www.fetedelascience.fr/">Fetedelascience.fr</a>.</em></p>
<hr>
<p>Les grands carnivores font leur retour en Europe <a href="https://science.sciencemag.org/content/346/6216/1517">depuis une cinquantaine d’années</a>. Après des siècles de déclin causé par des politiques d’éradication, la destruction de leur habitat et la réduction de leurs proies, le continent européen abrite aujourd’hui quatre espèces : l’ours brun, le lynx boréal, le loup gris et le moins connu <a href="https://www.reddit.com/r/MapPorn/comments/ci1ctu/large_carnivores_in_europe/">glouton</a>.</p>
<p>Cette « success story » pour la biodiversité s’explique notamment par la législation européenne <a href="https://inpn.mnhn.fr/reglementation/protection/listeProtections/international">qui protège les espèces sauvages</a> et par <a href="https://ree.developpement-durable.gouv.fr/themes/defis-environnementaux/erosion-de-la-biodiversite/faune-et-flore/article/les-ongules-sauvages">l’expansion naturelle des ongulés sauvages</a>, leurs proies favorites.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/361704/original/file-20201005-14-1szoc1b.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/361704/original/file-20201005-14-1szoc1b.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=540&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/361704/original/file-20201005-14-1szoc1b.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=540&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/361704/original/file-20201005-14-1szoc1b.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=540&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/361704/original/file-20201005-14-1szoc1b.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=678&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/361704/original/file-20201005-14-1szoc1b.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=678&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/361704/original/file-20201005-14-1szoc1b.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=678&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Distribution des quatre grands carnivores en Europe 2010-2012. Ours brun en haut à gauche, loup gris en haut à droite, lynx boréal en bas à gauche, glouton en bas à droite. En orange foncé, présence permanente ; en orange clair, présence occasionnelle.</span>
<span class="attribution"><span class="source">//bit.ly/2ZtLkyP avec mise à jour 2012-2016 https://bit.ly/2FtvSf4</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
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<p>Toutefois, les grands carnivores évoluent dans des paysages ruraux où les humains font de l’élevage, de l’apiculture, chassent ou pratiquent tourisme et loisirs dans les montagnes et forêts. Ce partage de l’espace génère des tensions, voire des conflits, comme ceux concernant la <a href="https://lciepub.nina.no/pdf/634994155738977342_Task%204%20Conflict_coexistence_FINAL_DEF.pdf">prédation sur les troupeaux de moutons</a>, que les États doivent gérer.</p>
<p>Alors, pour guider la prise de décision, des questions se posent, qui sont au cœur de l’<a href="https://www.sfecologie.org/">écologie scientifique</a>. Où ? Combien ? Des questions simples en apparence, mais qui nécessitent de quantifier la variabilité et les incertitudes qui caractérisent l’observation des populations sur le terrain. Comment situer ou compter des animaux qui ne se laissent pas voir ? Comment prédire la réponse des grands carnivores à des scénarios de conservation ou de régulation ?</p>
<p>Dans ce contexte, <a href="https://royalsocietypublishing.org/doi/full/10.1098/rsbl.2014.0698">l’écologie statistique</a> permet de collecter, organiser et analyser des données écologiques, pour ensuite tirer des conclusions utiles à la gestion des populations.</p>
<p>Le loup gris, l’ours brun et le lynx boréal sont présents en France, et <a href="https://www.youtube.com/watch?v=RHZR-bC-pMQ&t=1s">l’écologie statistique apporte des connaissances scientifiques sur ces espèces</a> grâce à des collaborations entre l’Office français de la biodiversité (OFB) et le Centre national de la recherche scientifique (CNRS). Si, dans les médias, on parle moins du lynx que du loup ou de l’ours, les enjeux de conservation n’en sont pas moins importants.</p>
<p>Disparu au début du XX<sup>e</sup> siècle, ce grand félin fait son retour en France grâce à des réintroductions en Suisse dans les années 1970. Celles-ci ont favorisé la recolonisation du massif du Jura et du nord des Alpes. Des réintroductions ont également eu lieu dans les Vosges dans les années 1980-90. L’espèce est aujourd’hui présente <a href="https://professionnels.ofb.fr/fr/doc/lynx-boreal-lynx-lynx">dans ces trois massifs</a> : les Vosges où elle décline depuis le début des années 2000, le Jura où elle est stable, et les Alpes où elle progresse lentement.</p>
<p>L’espèce est protégée et classée « en danger » dans la <a href="https://inpn.mnhn.fr/espece/listerouge/FR/Mammiferes_continentaux_metropole_2017">liste rouge nationale</a>. Les collisions routières et le braconnage constituent les causes principales de mortalité.</p>
<p>Les conflits avec les activités humaines concernent la chasse, qui fait du lynx un <a href="https://snu.rlp.de/fileadmin/3_Projekte/3_Luchs/PDF/etude-lynx-christen-extrait-annales-scient2015-161486478140.pdf">compétiteur pour le gibier</a> (chevreuils, chamois) et l’élevage, avec la <a href="https://besjournals.onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1046/j.1365-2664.2001.00625.x">concentration des attaques sur certaines exploitations</a>.</p>
<p>Le lynx fait l’objet depuis peu d’un <a href="http://www.bourgogne-franche-comte.developpement-durable.gouv.fr/plan-national-d-actions-en-faveur-du-lynx-a8019.html">Plan national d’actions</a> qui vise à rétablir l’espèce dans un bon état de conservation tout en minimisant les conflits.</p>
<p>Dans ce contexte, l’écologie statistique contribue à apporter des réponses scientifiques à trois questions essentielles : où se trouvent les lynx en France, combien sont-ils et comment réduire leur mortalité.</p>
<h2>Où sont les lynx ?</h2>
<p>Le lynx vit sur de grands territoires et se fait très discret. Pour le localiser, on collecte des signes indirects de sa présence : des traces dans la neige, des fèces, des photographies, ou encore des restes de proies. En France, un <a href="https://professionnels.ofb.fr/fr/node/1045">réseau participatif d’observation pour le lynx et le loup</a>, piloté par l’OFB, mobilise plus de 4 500 correspondants (professionnels de la faune sauvage et particuliers) répartis dans près de 40 départements.</p>
<p>Si ce réseau permet de suivre l’espèce de manière réactive et à large échelle, les données sont récoltées sans protocole strict, pour permettre au plus grand nombre de participer. Revers de cette flexibilité : le risque de recueillir des données erronées.</p>
<p>Il est par exemple possible de rater l’espèce dans une zone et de conclure, à tort, que le lynx en est absent – on parle de faux négatifs. Il existe également un risque de confusion avec le chat sauvage ou la genette – on parle de faux positifs.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/361714/original/file-20201005-24-7vz9ck.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/361714/original/file-20201005-24-7vz9ck.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=377&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/361714/original/file-20201005-24-7vz9ck.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=377&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/361714/original/file-20201005-24-7vz9ck.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=377&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/361714/original/file-20201005-24-7vz9ck.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=474&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/361714/original/file-20201005-24-7vz9ck.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=474&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/361714/original/file-20201005-24-7vz9ck.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=474&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Lynx mâle, surnommé « ’Van Gogh’ » à cause de son oreille droite coupée, pris en photo sur la commune de Lutzelhouse (Bas-Rhin) le 27 juin 2013 à 22h25.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Alain Laurent et David Hackel</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
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<p>L’écologie statistique est ici mobilisée pour cartographier la répartition des grands carnivores en France en corrigeant ces biais. Pour les pays alpins où le lynx est présent, on a ainsi montré qu’au cours des 20 dernières années, l’aire de répartition du félin s’est étendue <a href="https://conbio.onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.1111/cobi.13191">à un rythme moyen de 4 % par an</a>.</p>
<h2>Combien de lynx ?</h2>
<p>Il est impossible d’effectuer un décompte exhaustif des animaux. Mais pour s’en approcher, l’écologie statistique a recours aux méthodes de “capture-recapture”. Le principe : <a href="https://images.math.cnrs.fr/Estimation-de-populations-humaines-et-animales-3708.html">corriger le nombre d’individus observés par la probabilité de détection</a>.</p>
<p>Celle-ci est estimée grâce à l’identification et la recapture répétées des individus, un principe qui remonte au XVIII<sup>e</sup> siècle et <a href="https://rss.onlinelibrary.wiley.com/doi/pdf/10.1111/j.1740-9713.2014.00754.x">au mathématicien Pierre Simon Laplace</a>.</p>
<p>Pour les animaux sauvages, on a recours à un suivi non-invasif qui évite la capture physique. Deux techniques existent. Pour le loup par exemple, on utilise la génétique, qui permet d’identifier les individus <a href="https://conbio.onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.1111/j.1523-1739.2009.01431.x">via l’ADN contenu dans leurs crottes</a>.</p>
<p>Pour le lynx, la méthode consiste à disposer des appareils photographiques aux endroits de passage des animaux pour tirer leur portrait. L’identification se fait sur la base des patrons uniques sur leur pelage.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/361706/original/file-20201005-24-8nhtzj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/361706/original/file-20201005-24-8nhtzj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/361706/original/file-20201005-24-8nhtzj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/361706/original/file-20201005-24-8nhtzj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/361706/original/file-20201005-24-8nhtzj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/361706/original/file-20201005-24-8nhtzj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/361706/original/file-20201005-24-8nhtzj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Les lynx peuvent être identifiés à l’aide des marques sur leur pelage, propres à chaque individu. Les photos montrent deux individus, l’un avec des grosses taches (photos du haut) l’autre avec des rosettes (photos du bas), détectés à des endroits différents. Crédit photo KORA.</span>
<span class="attribution"><span class="license">Author provided</span></span>
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<p>En appliquant ces techniques dans le massif du Jura, <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1002/ece3.5668">nous avons obtenu une densité qui variait entre 0.24 et 0.91 lynx/100 km²</a> sur la période 2011-2016.</p>
<p>Si l’on extrapole à la présence du lynx <a href="http://carmen.carmencarto.fr/38/Lynx.map#">estimée à 9000 km² en 2018</a>, il y aurait moins d’une centaine de lynx en France. Une estimation grossière à prendre avec des pincettes, puisqu’on fait l’impasse sur le fait qu’aucun lynx n’a été photographié dans les Vosges. Pour obtenir des estimations fiables, le suivi par piégeage photographique doit être pérennisé et étendu sur toute la zone de présence du lynx.</p>
<h2>Réduire les risques de collisions avec les voitures</h2>
<p>L’écologie statistique permet également d’aider à réduire la mortalité des lynx en quantifiant les risques de collision avec les voitures (<a href="http://www.oncfs.gouv.fr/download.php?file_url=IMG/pdf/Bulletin_Lynx_N15.pdf">responsables de presque 60 % des cas de mortalité en France</a>) et en évaluant des scénarios de gestion de ces risques.</p>
<p>Une des solutions pour enrayer ce problème est la mise en place de passages à faune. Ces ponts ou souterrains traversant les routes sont aménagés pour faciliter la circulation des animaux sans qu’ils aient à la traverser.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/361711/original/file-20201005-22-1lmkxn7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/361711/original/file-20201005-22-1lmkxn7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/361711/original/file-20201005-22-1lmkxn7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/361711/original/file-20201005-22-1lmkxn7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/361711/original/file-20201005-22-1lmkxn7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/361711/original/file-20201005-22-1lmkxn7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/361711/original/file-20201005-22-1lmkxn7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Passage à faune en Allemagne. Ecopont situé près de Hinterweidenthal au-dessus de la route B10 qui traverse la forêt du Palatinat. En 2019, le lynx Palu (né dans la forêt du Palatinat au mois de mai 2017 de la femelle Kaja et du mâle Lucky) a emprunté cet écopont de nombreuses fois et dans les deux sens.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Crédit photo CROC</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
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<p>Ces aménagements routiers étant coûteux, il faut, avant de les mettre en place, évaluer le bénéfice pour la biodiversité afin d’ajuster leur nombre et leur position.</p>
<p>C’est là que l’écologie statistique entre en jeu ! Avec le <a href="https://www.cerema.fr/fr/cerema">Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement (CEREMA)</a> et le <a href="http://croc-asso.org/croc/CROC.html">Centre de Recherche et d’Observation sur les Carnivores (CROC)</a>, nous avons développé un logiciel d’aide à la décision.</p>
<p>À destination des aménageurs et acteurs des territoires où le lynx est présent, <a href="http://www.trameverteetbleue.fr/vie-tvb/lettre-information/38#zoom">ce logiciel repose sur des modèles co-construits avec eux</a> pour répondre au mieux à leurs besoins en respectant leurs contraintes.</p>
<p>Cet outil permet de passer nos connaissances sur l’écologie du lynx (sa reproduction, ses déplacements…) au crible de la statistique, grâce à un <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1111/ecog.04516">modèle informatique dit individu-centré</a>.</p>
<h2>Quel avenir pour le lynx ?</h2>
<p>L’écologie statistique permet enfin de projeter le devenir de l’espèce en fonction de scénarios d’aménagements des routes ou de modification du paysage.</p>
<p>Le tout quantitatif ne saurait cependant résoudre les conflits entre les humains et la faune sauvage, et l’écologie statistique ne prétend pas apporter des solutions clés en main pour protéger le lynx. La discipline vise plutôt à fournir des indicateurs écologiques fiables, en <a href="https://theconversation.com/statistiques-et-modeles-mathematiques-doit-on-les-laisser-nous-gouverner-142733">rendant compte des incertitudes</a> qui accompagnent les prédictions sur le devenir de l’espèce.</p>
<p>L’avenir du lynx passe par une réduction de la mortalité due aux collisions routières et aux destructions illégales, et la facilitation des mouvements entre les différentes populations françaises, suisses et allemandes. Fluidifier ces mouvements nécessite d’améliorer la connectivité entre les massifs forestiers.</p>
<p>Pour quantifier ces mouvements, l’écologie statistique a là encore un rôle à jouer, par exemple dans <a href="https://arxiv.org/abs/2002.10497">l’analyse des trajectoires de lynx équipés de colliers GPS</a>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/147241/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Olivier Gimenez a reçu des financements de l'Agence Nationale de la Recherche, du Centre National de la Recherche Scientifique, de l'Office National de la Chasse et de la Faune Sauvage (aujourd'hui Office Français de la Biodiversité) et de la Fondation pour la Recherche sur la Biodiversité.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Julie Louvrier receives funding from University of Montpellier, Office National de la Chasse et de la Faune Sauvage, Deutscher Akademischer Austauschdienst, Leibniz Institute for Zoo and Wildlife Research Berlin, and Technische Universität Berlin. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Sarah Bauduin a reçu des financements de l'Agence Nationale de la Recherche et de l'Office National de la Chasse et de la Faune Sauvage (aujourd'hui Office Français de la Biodiversité)</span></em></p>Le lynx est l'un des derniers grands carnivores évoluant en Europe. L'écologie statistique permet de mieux appréhender ce félin et donne des outils pour protéger cette espèce en danger.Olivier Gimenez, Statisticien écologue, directeur de recherche, Centre national de la recherche scientifique (CNRS)Julie Louvrier, Postdoctoral researcher in ecology, Leibniz Institute for Zoo and Wildlife ResearchSarah Bauduin, Chargée de recherche dans l'équipe Loup-Lynx à l'Office Français de la Biodiversité (OFB), travail en partenariat avec le Centre d'Écologie Fonctionnelle et Évolutive (CEFE), Centre national de la recherche scientifique (CNRS)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1451912020-09-03T19:55:43Z2020-09-03T19:55:43ZLa chasse, une histoire avec le pouvoir<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/355768/original/file-20200901-22-1dnw2oo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=7%2C7%2C1014%2C668&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Un chasseur de gros gibier le 14 février 2015 à La Chapelle-Glain, dans l'Ouest de la France. </span> <span class="attribution"><span class="source">JEAN-SEBASTIEN EVRARD / AF</span></span></figcaption></figure><p>Alors qu’une énième controverse sur les chasses dites « traditionnelles » s’engage en France, que l’actuel président de la Fédération nationale des chasseurs, Willy Schraen (issu du Pas-de-Calais), engage une stratégie de reconquête tous azimuts (études scientifiques, communication, lobbying), on pourrait croire que la récente agitation médiatique révèle un paysage nouveau quant au poids politique des « adeptes de Diane (chasseresse) ».</p>
<p>Ces soubresauts sont pourtant anciens, même si réactualisés par une nouvelle étape : un clivage entre centre et périphéries, sur fond de débat quant à la <em>capitalocène</em>, à savoir les effets du système de production sur l’environnement.</p>
<p>Mais au-delà des épiphénomènes, la notion de « ruralité » draine derrière elle un cortège de représentations, où la figure du chasseur joue un rôle de référentiel symbolique, et ce dans une partie des pays latins d’Europe depuis le courant des années 1980.</p>
<p>Pourquoi la référence à un type d’espace (champêtre) fournit aux chasses dites traditionnelles un angle de légitimation ? Comment alors expliquer que certaines pratiques de chasse aient à voir avec des processus de construction identitaire, bien qu’on les pensait relictuelles ?</p>
<h2>Une légitimité en crise</h2>
<p>Une question qui ne paraît pas incongrue lorsque l’on s’intéresse aux peuples de chasseurs-cueilleurs (tels les <a href="https://www.cairn.info/revue-espaces-et-societes-2018-4-page-51.htm">Pygmées en Afrique</a>. En revanche, elle interpelle de plus en plus dans nos sociétés où s’affirme une tendance antispéciste, pour laquelle l’humanité n’est donc plus tout à fait <a href="https://journals.openedition.org/lectures/33122">au centre du raisonnement</a>.</p>
<p>Aussi, depuis la fin des années 1960, et surtout à partir de la décennie suivante, l’acte de chasse a commencé à être appréhendé comme anachronique pour <a href="https://www.persee.fr/doc/arss_0335-5322_1984_num_54_1_2227">l’être humain</a> et ce d’autant plus dans les pays considérés comme « avancés », alors lancés dans les « trente glorieuses » (1945-1975) et le « progrès ».</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/u4VwdLCSgJA?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">« Chasse à courre, la discorde depuis 40 ans » (INA).</span></figcaption>
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<p>Cette tendance au questionnement s’avère très clairement en progression depuis la période des premières manifestations d’opposition, dans ces mêmes années 1960, notamment à l’égard de la « grande vénerie » (la chasse à courre équestre), alors que le Rassemblement des opposants à la chasse (ROC) <a href="https://booknode.com/la_chasse_a_courre___diversite_sociale_et_culte_de_la_nature_029352">était créé en 1976</a>.</p>
<p>Plus récemment, la discussion quant à la normativité virile a renforcé la critique sur un exercice très massivement masculin (près de 98 % dans l’Hexagone), les femmes ayant été généralement reléguées au <a href="https://journals.openedition.org/socio-logos/3124">petit piégeage</a>.</p>
<p>Ceci étant, les appels à l’interdiction, partielle ou totale, s’inscrivent dans un mouvement écologiste plus global et une montée en puissance du véganisme, de préoccupation pour le bien-être animal, lequel mouvement s’insère lui-même dans une lame de fond revendiquant un <a href="https://www.decitre.fr/livres/l-utopie-de-la-nature-9782902702978.html">nouveau contrat social avec la nature</a>.</p>
<p>Or, c’est précisément en raison de la remise en question de sa légitimité qu’une revendication à se dire « chasseur » est apparue dans les années 1980, notamment en France et en Italie. L’histoire longue de la chasse peut nous éclairer sur plusieurs des processus de légitimation de cette activité.</p>
<h2>Pendant l’Antiquité, une mission éducative</h2>
<p>Si l’on remonte à l’Antiquité gréco-romaine, à laquelle on attribue classiquement un rôle fondateur pour les cultures latines, les auteurs confèrent généralement à la pratique cynégétique une <a href="http://remacle.org/bloodwolf/historiens/xenophon/chasse1.htm">mission éducative</a>.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Sarcophage avec une chasse aux lions." src="https://images.theconversation.com/files/355604/original/file-20200831-20-1bg8157.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/355604/original/file-20200831-20-1bg8157.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=285&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/355604/original/file-20200831-20-1bg8157.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=285&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/355604/original/file-20200831-20-1bg8157.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=285&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/355604/original/file-20200831-20-1bg8157.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=359&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/355604/original/file-20200831-20-1bg8157.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=359&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/355604/original/file-20200831-20-1bg8157.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=359&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Face d’un sarcophage romain évoquant une chasse aux lions (musée du Louvre), première moitié du IIIᵉ siècle apr. J.-C.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Chasse#/media/Fichier:P1070855_Louvre_sarcophage_avec_une_chasse_aux_lions_Ma346_rwk.JPG">Wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nd/4.0/">CC BY-ND</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Chasser consistait alors à suivre une formation socialisante quant aux manières d’être, valorisées et valorisantes, dans ces sociétés. Pour exemple, Jean‑Pierre Vernant et Marcel Détienne montrent que la ruse n’y était pas synonyme de « perversion », mais entrait dans le cadre d’une aptitude à saisir les moments opportuns afin de retourner une situation compromise <a href="https://www.persee.fr/doc/rhr_0035-1423_1976_num_189_2_6223">(le <em>kairos</em>)</a>.</p>
<p>Ainsi, cette ruse dispose de sa déesse chez les Grecs anciens (<em>Mètis</em>) et le coup de théâtre ressort d’une disposition que doit développer l’adepte d’Artémis (divinité des animaux non domestiqués et à la fois de la chasse). L’ère antique consacra de la sorte une chasse compagnonnage pour reprendre <a href="https://www.persee.fr/doc/reg_0035-2039_2001_num_114_2_4475_t2_0681_0000_2">l’expression d’Alain Schnapp</a>.</p>
<p>Un (trop) rapide bond dans le Moyen Âge nous amène à y considérer l’exercice de la traque des animaux comme un <a href="https://www.persee.fr/doc/ccmed_0007-9731_1984_num_27_107_2271_t1_0284_0000_4l">symbole statutaire</a>.</p>
<p>Le droit à capter (du bas latin <em>captare</em> qui donnera chasse) la vie des bêtes « sauvages » devient l’apanage de l’anoblissement, alors que le piégeage et les animaux de moindre importance sont parfois laissés à la <a href="https://www.unitheque.com/la-chasse-Moyen-age/gerfaut/Livre/20354">discrétion du Tiers-État</a>.</p>
<h2>Un « art de faire » chevaleresque</h2>
<p>Toutefois, la période médiévale voit progressivement le pouvoir royal contester ce monopole de la noblesse sur les gibiers les plus convoités.</p>
<figure class="align-left zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/355606/original/file-20200831-20-11ppk4t.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Miniature tirée du Livre de chasse" src="https://images.theconversation.com/files/355606/original/file-20200831-20-11ppk4t.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/355606/original/file-20200831-20-11ppk4t.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=753&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/355606/original/file-20200831-20-11ppk4t.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=753&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/355606/original/file-20200831-20-11ppk4t.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=753&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/355606/original/file-20200831-20-11ppk4t.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=946&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/355606/original/file-20200831-20-11ppk4t.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=946&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/355606/original/file-20200831-20-11ppk4t.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=946&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Fébus chassant le lièvre, miniature du Maître de Bedford, tirée du « Livre de chasse », vers 1407 (BnF).</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Gaston_III_de_Foix-B%C3%A9arn#/media/Fichier:F%C3%A9bus_89v.jpg">Wikimedia</a></span>
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</figure>
<p>Charlemagne signifiera de la sorte son autorité sur le territoire revendiqué par son <em>imperium</em>.</p>
<p>Chez les hommes « bien nés » de ces sociétés massivement paysannes, de « grands » chasseurs vont contribuer à établir des codes du bien-exercer, comme <a href="http://classes.bnf.fr/phebus/livre/index.htm">Gaston Phoebus</a>, comte de Foix dans la seconde moitié du XIV<sup>e</sup> siècle ou à la même époque Henri de Ferrières à qui on attribue un <a href="https://www.arlima.net/eh/henri_de_ferrieres.html">« Livre de la chasse »</a>.</p>
<p>La cynégétique se rapproche, dans leur perspective, d’un art de faire chevaleresque qui contribue également à la préparation au combat.</p>
<p>La longue marche vers l’Absolutisme et ses réserves de chasse (les Capitaineries) aboutiront à associer la chasse dite à courre aux privilèges monarchiques et marqueront fortement tant la toponymie que la géographie des <a href="http://www.panurge.org/spip.php?article968">forêts du domaine royal</a>.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Château de Chambord" src="https://images.theconversation.com/files/355607/original/file-20200831-18-mkvns0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/355607/original/file-20200831-18-mkvns0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=390&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/355607/original/file-20200831-18-mkvns0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=390&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/355607/original/file-20200831-18-mkvns0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=390&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/355607/original/file-20200831-18-mkvns0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=490&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/355607/original/file-20200831-18-mkvns0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=490&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/355607/original/file-20200831-18-mkvns0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=490&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Vue aérienne du château de Chambord, Loir-et-Cher, et ses terrasses ouvertes vers la forêt.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Chambord_castle,_aerial_view.jpg">Lieven Smits/Wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Chambord en est une illustration rayonnante avec les terrasses de son château qui permettent de suivre l’évolution de la poursuite du gibier.</p>
<h2>Magnifier la confrontation de l’homme avec la nature ensauvagée</h2>
<p>La Renaissance, inspirée par une certaine représentation des fastes antiques, ne manquera pas de magnifier cette confrontation de l’homme avec la nature ensauvagée. L’opposition entre <a href="https://www.cairn.info/revue-questions-de-communication-2017-1-page-555.htm">nature et culture</a> y trouvera l’une de ses expressions, pour la meilleure fortune d’une culture élevée au rang de réalisation humaine d’un dessein divin.</p>
<p>À Versailles, les chasses du Roi-Soleil et de ses successeurs constituent le point d’acmé d’une fonction diplomatique ancienne qui perdure <a href="https://www.melcouettes.fr/gratuit/558809-RIJBJTVWD/">encore de nos jours</a>.</p>
<p>La démarche cynégétique, considérée digne de ce nom, participe à un mode de distinction au sein de la société de cour, comme le montre <a href="https://www.lhistoire.fr/classique/%C2%ABla-soci%C3%A9t%C3%A9-de-cour%C2%BB-de-norbert-elias">Norbert Élias</a>.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/355761/original/file-20200901-16-faoxnm.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Estampe représentant la chasse au XVIIe" src="https://images.theconversation.com/files/355761/original/file-20200901-16-faoxnm.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/355761/original/file-20200901-16-faoxnm.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=277&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/355761/original/file-20200901-16-faoxnm.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=277&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/355761/original/file-20200901-16-faoxnm.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=277&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/355761/original/file-20200901-16-faoxnm.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=349&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/355761/original/file-20200901-16-faoxnm.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=349&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/355761/original/file-20200901-16-faoxnm.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=349&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">La grande chasse, estampe, Jacques Callot (1592-1635) représentant une chasse à courre.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b8495780j?rk=150215;2">Gallica</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Il n’y a donc pas à se surprendre que cette pratique ait été la <a href="https://www.cairn.info/revue-histoire-et-societes-rurales-2004-1-page-73.htm">cible des révolutionnaires</a> qui firent tomber une première fois la monarchie à la fin du XVIII<sup>e</sup> siècle.</p>
<h2>« La Saint-Barthélemy du petit lapin »</h2>
<p>Chasser était devenu le signe d’une caste en perte de vitesse, aux prises avec les velléités de la bourgeoisie montante. Les acquis de la nuit du 4 août 1789, symboliques de la chute des privilèges, ne seront pourtant que de courte durée.</p>
<p>Très vite, Mirabeau obtient contre Robespierre que la propriété foncière soit désormais la clé de voûte du droit de chasse. La France entre dans le règne des propriétaires et le XIX<sup>e</sup> siècle exaucera cette ambition à fonder des formes de « fiefs » d’un genre nouveau, de la part des maîtres de forges qui sont alors les <a href="https://www.persee.fr/doc/rjenv_0397-0299_1977_num_2_3_1252">figures montantes</a> de la révolution industrielle.</p>
<p>En parfaite concordance avec une société désormais organisée en classes sociales, on aura évité que ne se poursuive la <a href="https://www.albin-michel.fr/ouvrages/le-livre-du-braconnier-9782226075024">« Saint-Barthélemy du petit lapin »</a>, consécutive à la courte ouverture universelle de la chasse, mais au prix d’une nouvelle figure de l’illégalisme : le braconnier.</p>
<p>Ses avatars romanesques se nomment <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Raboliot">Raboliot</a> (Maurice Genevoix), <a href="http://www.paul-vimereu.com/roman-chutt-le-hutteux.php">Chutt-le-Hutteux</a> (Paul Vimereu), <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Maurin_des_Maures">Maurin-des-Maures</a> (Jean Aicard) et autres <a href="https://www.francebleu.fr/emissions/le-berry-insolite/berry/le-berry-insolite">Villemont</a> (Léandre Boizeau) entrent dans la légende, suivis à la trace par leur jumeau sociologique, le garde-chasse, appartenant au même monde.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Procès de braconniers" src="https://images.theconversation.com/files/355762/original/file-20200901-18-1pmvqo5.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/355762/original/file-20200901-18-1pmvqo5.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=446&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/355762/original/file-20200901-18-1pmvqo5.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=446&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/355762/original/file-20200901-18-1pmvqo5.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=446&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/355762/original/file-20200901-18-1pmvqo5.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=560&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/355762/original/file-20200901-18-1pmvqo5.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=560&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/355762/original/file-20200901-18-1pmvqo5.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=560&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">La figure du braconnier reste longtemps ancrée dans la société française. Ici, un procès de braconniers, Melun, 1928.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b53197538d/f1.item.r=braconnier">Agence Rol/Gallica</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>La pratique reste scindée entre renouvellement d’un style aristocratique et modes de contournement de l’appropriation bourgeoise. Les chasses gardées se multiplient chez nombre de capitaines d’industrie qui épousent l’alternance résidentielle comme le faisaient les hommes de cour à la fin de l’Ancien Régime. Dans les interstices, petits paysans et ouvriers des campagnes tentent de se glisser sur ce qui subsiste de communs territoriaux, au risque de dépasser les bornes et de passer sous les Fourches caudines de la justice du garde champêtre.</p>
<h2>De nouvelles sensibilités</h2>
<p>Avec la généralisation du mode de production capitaliste, la seconde moitié du XIX<sup>e</sup> siècle fera pourtant naître de nouvelles sensibilités, qui plus tard permettront à ces raboliots de progressivement reconquérir du terrain. En effet, la ville se tapisse d’usines fumantes, avec la concentration en son sein de moyens productifs de plus en plus lourds.</p>
<p>La classe ouvrière devient davantage urbaine. <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Les_R%C3%AAveries_du_promeneur_solitaire">Le courant romantique</a> instaure une nouvelle approche de la nature, plus contemplative pour ceux qui en ont le loisir. Le bien-chasser devra désormais passer par la réprobation de toute viandardise. Les bidochards seront sommés de se conformer à la nouvelle éthique de la chasse qui prône l’excellence sportive à l’encontre de la quantité.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Chasseurs de renards en France dans les années 1950." src="https://images.theconversation.com/files/355575/original/file-20200831-25-119cka0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/355575/original/file-20200831-25-119cka0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=402&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/355575/original/file-20200831-25-119cka0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=402&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/355575/original/file-20200831-25-119cka0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=402&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/355575/original/file-20200831-25-119cka0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=505&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/355575/original/file-20200831-25-119cka0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=505&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/355575/original/file-20200831-25-119cka0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=505&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Battue aux renards dans la Sarthe dans les années 1950.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Saucisson_chasseur#/media/Fichier:Sarthe_-_Battue_aux_renards.jpg">Vincnet/Wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
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<p>Dans la première moitié du XX<sup>e</sup> siècle, la pression des <a href="https://www.cairn.info/les-gens-de-peu--9782130574798.htm">« petites gens »</a> se fait de plus en plus forte. En revanche, parmi les nouveaux hobereaux issus du monde des affaires, certains s’investissent sur les zones humides afin de capter la manne céleste du gibier migrateur, comme Joseph de Valicourt sur le littoral picard.</p>
<p>Une situation sociologiquement contrastée perdure, mais l’individualisme des « petits » chasseurs fait place à un début d’organisation collective. La loi de 1901 sur le droit d’association ouvre ainsi sur les Sociétés de chasse locales, lesquelles restent néanmoins souvent aux mains des gros fermiers propriétaires.</p>
<h2>La revanche des manants</h2>
<p>Les deux grands conflits mondiaux bouleverseront la donne, et ce en faveur des « basses classes ». Le prix du sang qu’elles ont payé rend le statu quo difficilement tenable. Les ouvriers urbains, souvent issus de l’exode rural, s’ouvrent eux aussi aux loisirs de plein air et trouvent dans la chasse une activité qui répond aux aspirations de leur culture, faite de labeur et rendant l’âpreté de l’acte cynégétique conforme à une éthique d’hommes, s’adonnant à un « plaisir » sans contredire leur rôle de nourrisseurs de la famille.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/Gc_CZRxfknQ?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Ouverture de la chasse au gibier d’eau en marais d’intérieur, dans le Pas-de-Calais. 2000, INA.</span></figcaption>
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<p>En 1964, la majeure partie des départements situés sous la Loire passent sous la <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000000319963&dateTexte=19910416">Loi Verdeille</a>, qui permet aux chasseurs d’outrepasser le droit de propriété.</p>
<p>Pour autant, les grandes propriétés contiguës restent dérogatoires à l’obligation d’intégrer les Associations communales de chasse agréées. Dans la décennie suivante, les libertés qui persistaient sur le domaine public maritime se trouvent également encadrées par des associations concessionnaires de l’État. Un encadrement qui met fin à la « chasse banale », mais qui permettra l’émergence de puissants regroupements des classes populaires pratiquantes, au rôle capital dans l’émergence d’une identité chasseur.</p>
<h2>« Chasseurs en colère »</h2>
<p>En 1988, lors d’un référendum sur le statut de la Nouvelle-Calédonie qui n’intéresse guère le corps électoral, un ballon d’essai est lancé avec l’introduction de quelque 5 000 bulletins « Chasseurs en colère » dans les urnes du département de la Somme. Une colère sourde grondait depuis la décennie 1970, liée à la sortie d’une longue période pendant laquelle la légitimité de la chasse ne posait que peu de questions.</p>
<p>Le chasseur exerçait une prédation appréhendée comme « naturelle » au sens où elle s’insérait dans les normes sociétales du rapport à la nature. Elle y occupait, de ce fait, une fonction utile à l’apport en protéines animales, mais encore, notamment pour les paysans qui restaient majoritairement les suiveurs de Diane, à la lutte contre les « ravageurs » de leurs champs. Nature tant crainte qu’exploitée pour ses ressources, l’humain en était le démiurge désigné qui s’en défendait autant qu’il la dessinait.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/Pwbn00MuDXg?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">En Ariège, contre-manifestation d’éleveurs et chasseurs lors d’une mobilisation écologiste, mai 2018.</span></figcaption>
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<p>L’exercice de la chasse s’y fondait sur une initiation à ce que serait la vie dans le village : <a href="http://www.absp.be/wp-content/uploads/2016/12/Texte-Baticle-002.pdf">interconnaissance et sociabilité masculine</a>, parcours et surveillance du territoire, protection des cultures et complément alimentaire.</p>
<p>La conception qui surgit avec l’industrialisation de l’agriculture modifie sensiblement les conditions de cette légitimité à agir en prédateur, défenseur du poulailler contre le renard. Les chefs d’exploitations agricoles envisagent l’état de paysan comme rétrograde et revendiquent le droit à exercer une profession comme une autre, où le terroir n’est plus qu’un support de production. Ils se détachent progressivement de ce loisir qu’est devenue la chasse, investie par un nombre croissant d’ouvriers avec lesquels ils entretiennent des relations distanciées. Chasser ne s’insère plus dans un mode de vie intrinsèquement associé à une culture rurale.</p>
<h2>Une question européenne</h2>
<p>En 1979, l’Europe communautaire se saisit de l’environnement au travers de la faune migratrice transnationale. La <a href="https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/HTML/?uri=CELEX:31979L0409">Directive 79-409</a> met le feu au baril de poudre qui ne demandait qu’à exploser. En réglementant la chasse des oiseaux migrateurs, elle exprime la forte poussée des milieux qui veulent promouvoir un autre rapport à la nature, qui était jusque là mise au service de l’humanité.</p>
<p>On passe d’une nature corne d’abondance capricieuse à l’environnement qui pousse à penser les interrelations, alors que les grands changements en cours <a href="https://www.payot.ch/Detail/la_terre_outragee-collectif-9782843520808">commencent à être dévoilés</a>.</p>
<p>Dans cette conception, le chasseur tend à devenir un intrus, perturbateur « immoral » d’un « équilibre » à retrouver. Patrimonialisation, sanctuarisation et incongruité de la prédation deviennent des prescriptions qui rejettent le chasseur dans la « sauvagerie » d’un <a href="https://books.google.fr/books?id=5XE4MCbGaskC">« autre âge »</a>.</p>
<h2>L’émergence d’un parti</h2>
<p>Devant leur mise à l’index, la jonction entre les « sauvaginiers » (chasseurs de gibier d’eau) du Nord-ouest et les « paloumayres » (à l’affût des palombes) du Sud-ouest a fait émerger le parti politique Chasse, pêche, nature et traditions (CPNT).</p>
<p>Non pas que la chasse n’ait été, de tout temps, éminemment politique (au sens des questions qui intéressent les codes de la vie collective), mais elle entrait dans l’arène de la politique.</p>
<p>C’est dans ce contexte de longue durée que les chasseurs sont passés d’une phase de leur histoire où « on allait à la chasse », à cette situation dans laquelle ils se revendiquent comme chasseurs.</p>
<p>Si cette pratique est ainsi devenue un référentiel identitaire, c’est en raison d’une double mutation qui marginalise ses adeptes : développement d’un capitalisme les cantonnant au loisir et développement d’un courant les attaquant sur le plan éthique. En conséquence, les chasseurs, comme leurs opposants, estiment se situer dans une lutte qui a trait à un choix civilisationnel.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/145191/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Christophe Baticle est actuellement chargé d'une enquête sur les chasseurs du littoral picard, et ce dans le cadre de la réactualisation du document d'objectifs du site Natura 2000 des estuaires de la Somme.</span></em></p>Dans un contexte de crise pour les espaces ruraux, une traversée de l’histoire de la chasse permet de mieux comprendre comment cette pratique est devenue un support de l’identité.Christophe Baticle, Socio-anthropologue, Université Picardie Jules Verne, chercheur associé LARHRA, Université Grenoble Alpes (UGA)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1239762019-09-22T17:57:13Z2019-09-22T17:57:13ZBonnes feuilles : Comment les aurochs et les chevaux sauvages ont disparu du continent européen<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/293462/original/file-20190922-135078-hvjaaa.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C25%2C2816%2C1555&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Bison bonasus, dans la réserve de Silviuti-Hateg.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/energeticspell/3504395270/in/photolist-6kEWC7-a5RVWK-VV7bZb-ezy6Wd-ezuW96-91NRLU-o3uNg9-7JnEkY-9vXwv8-5TA5cW-Ux9eBc-ewNgZ-a5UXtE-7JnHs1-a5RsJR-jv2ZM-5PqogK-RCNxYW-RCNxyh-Yu9V25-SkZQcJ-YvKy9o-LG8GaP-j74nti-eakFgx-dpstKR-bFa2tN-a5Qzfn-dpsDzJ-dpstZH-cbcjF5-dpsv2R-cnJaCN-Jxddav-54k6Kp-54pmds-ezy7cE-G9dYb-acUEVU-54pm8A-54k82a-54pk53-54k7qF-VrJkYQ-54pkkh-24T52aC-JuasGm-54k7C4-KF12CY-fPETMe">Cinty Ionescu</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc/4.0/">CC BY-NC</a></span></figcaption></figure><p><em>Nous publions ici le chapitre « Le calme avant la tempête » tiré du livre de Tim Flannery, « Le supercontinent. Une histoire naturelle de l’Europe », à paraître le 25 septembre 2019 chez Flammarion.</em></p>
<hr>
<p>Après la mort du dernier bœuf musqué européen, survenue dans ce qui est aujourd’hui la Suède, il y a environ 9 000 ans, il faut attendre le XVII<sup>e</sup> siècle avant que le continent européen ne perde une autre de ses espèces. Étant donné les changements en œuvre dans les sociétés humaines, ce laps de temps entre deux extinctions est tout ce qu’il y a de plus extraordinaire : la population humaine de l’Europe s’est en effet multipliée par cent, les Européens sont passés de la chasse et la cueillette à l’agriculture, ils ont inventé des outils en bronze et en fer et leur organisation sociale est passée du niveau clanique à celui de l’Empire romain.</p>
<h2>Extinction, dernier acte</h2>
<p>L’extinction n’est que le dernier acte d’un processus habituellement long. Pendant tout ce temps, les grands mammifères d’Europe ont continué à subir la pression incessante et croissante de la chasse et de la concurrence du bétail domestique. Au fil des millénaires, leur distribution s’est restreinte, se limitant aux zones défavorables à l’occupation humaine, et peut-être aux régions frontalières entre tribus. Lorsque la vague d’extinctions s’abat au milieu du XVII<sup>e</sup> siècle, elle prend rapidement de l’ampleur, balayant les derniers survivants groupe après groupe. Comme dans le cas des extinctions précédentes, elle affecte de façon disproportionnée les espèces les plus grandes, mais elle est si grave que même le castor eurasien, qui vivait autrefois dans les cours d’eau et les lacs de la Grande-Bretagne à la Chine, est pratiquement exterminé ; au début du XX<sup>e</sup> siècle, il ne reste que 1 200 spécimens vivants dans le monde. Les chiffres démontrent clairement que la cause de ces disparitions est une population humaine de plus en plus dense et dangereuse.</p>
<p>En 200 de notre ère, la population de l’Empire romain (qui couvre alors une grande partie de l’Europe, ainsi que certaines régions d’Afrique du Nord) est d’environ 50 millions d’habitants, soit cent fois plus que la population de l’Europe 11 000 ans auparavant. Il est important de noter qu’à l’époque romaine, entre 85 et 90 % de la population habite en dehors des villes, survivant grâce à ce qu’elle peut faire pousser ou attraper. Entre 200 et 1700, la population de l’Europe double pratiquement, atteignant environ 100 millions, mais le pourcentage de personnes vivant hors des villes reste similaire.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/293463/original/file-20190922-135088-hqw60a.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/293463/original/file-20190922-135088-hqw60a.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=276&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/293463/original/file-20190922-135088-hqw60a.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=276&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/293463/original/file-20190922-135088-hqw60a.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=276&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/293463/original/file-20190922-135088-hqw60a.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=347&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/293463/original/file-20190922-135088-hqw60a.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=347&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/293463/original/file-20190922-135088-hqw60a.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=347&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">L’Empire romain en 200 avant J.-C.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Roman-Empire_200bc.jpg">Thomas Lessman/Wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
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</figure>
<p>Au cours des deux siècles suivants, entre 1700 et 1900, la population de l’Europe quadruple pour atteindre 400 millions d’habitants. Pourtant, à l’exception de la Grande-Bretagne industrialisée (où la proportion de la population vivant en dehors des villes tombe à environ 75 %), 90 % des Européens vivent encore en dehors des villes. Dans la première moitié du XX<sup>e</sup> siècle, presque toutes les terres disponibles, à l’exception partielle des réserves de chasse royale, sont exploitées et doivent fournir un rendement. En Europe méditerranéenne, des centaines de millions de moutons et de chèvres parcourent les montagnes, consommant toutes sortes de végétation. Les collines et les montagnes, autant que possible, sont aménagées en terrasses pour la culture.</p>
<p>Un facteur important empêche cette grande expansion humaine de détruire encore plus d’espèces qu’elle ne l’a fait. Il dérive d’une attitude européenne particulière à l’égard de la chasse. À l’époque romaine, la chasse est principalement l’affaire des domestiques et des esclaves. Mais au Moyen Âge, elle prend une signification symbolique et s’insère dans un système social complexe. La <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Caccia_(musique)"><em>caccia</em></a> médiévale réserve la chasse de certains animaux à des groupes sociaux particuliers. Cette conception se répand rapidement et perdure pratiquement sans changement jusqu’à la Révolution française. Seuls les seigneurs et leurs familles peuvent chasser le gibier noble : le cerf élaphe, le sanglier, le loup et l’ours… Le petit gibier, comme le lièvre et le faisan, est généralement abandonné aux domestiques et aux fermiers.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/293464/original/file-20190922-135101-yw9nch.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/293464/original/file-20190922-135101-yw9nch.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=551&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/293464/original/file-20190922-135101-yw9nch.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=551&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/293464/original/file-20190922-135101-yw9nch.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=551&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/293464/original/file-20190922-135101-yw9nch.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=693&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/293464/original/file-20190922-135101-yw9nch.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=693&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/293464/original/file-20190922-135101-yw9nch.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=693&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Miniature d’une chasse seigneuriale au cerf.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="http://expositions.bnf.fr/phebus/grands/c28_616.htm">Musée national du Moyen âge</a></span>
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<h2>Réserves giboyeuses</h2>
<p>À partir du Moyen Âge, les grandes réserves de gibier européennes voient le jour. Elles se maintiendront dans certains endroits jusqu’à la fin de la Seconde Guerre mondiale. L’un de leurs plus ardents partisans est le roi espagnol Alphonse XI (1311-1350). Habile chasseur, il rédige un traité sur la chasse très apprécié, dans lequel il décrit où trouver les ours et les sangliers les plus féroces dans les différentes réserves (<em>montes</em>) de son royaume, ainsi que la façon de les chasser et de les tuer.</p>
<p>Les Européens ne sont pas les seuls à avoir mis en place des coutumes qui protègent les espèces de gibier de grande taille et de prestige. De nombreuses cultures, y compris celles des Aborigènes d’Australie, protègent les habitats riches en gibier et limitent la consommation des aliments les plus savoureux aux hommes âgés. Les réserves de gibier royales sont loin de constituer un mécanisme de protection parfait pour les grands mammifères d’Europe, mais elles contribuent malgré tout à prolonger l’existence des derniers vestiges de sa grandeur naturelle.</p>
<h2>Le funeste destin de l’aurochs</h2>
<p>La première extinction qui afflige l’Europe occidentale continentale depuis la disparition du bœuf musqué 9 000 ans plus tôt a pour théâtre la forêt polonaise de Jaktorów, en 1627. L’aurochs est alors le plus beau témoignage vivant de l’ancienne Europe. Les taureaux, noirâtres et beaucoup plus gros que les vaches, pèsent jusqu’à 1,5 tonne, ce qui fait d’eux, avec le <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Gayal">gaur</a>, les plus gros bovidés ayant jamais existé sur Terre. Les vaches sont d’un brun rougeâtre et beaucoup plus petites. Les deux sexes ont une belle tête blanche et un corps athlétique : une poitrine large, de longues jambes surmontées par un cou et des épaules puissants, leur hauteur au garrot étant pratiquement égale à la longueur de leur corps. Leurs énormes cornes, mesurant jusqu’à 80 centimètres de long et 20 centimètres de diamètre, partent dans trois directions : vers le haut et vers l’extérieur à la base, puis vers l’avant et vers l’intérieur, et à la pointe, vers l’intérieur et vers le haut. La forme caractéristique de l’animal, et en particulier de ses cornes, est facilement identifiable dans de nombreuses représentations de l’époque glaciaire européenne.</p>
<figure class="align-left ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/293465/original/file-20190922-135122-3kopue.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/293465/original/file-20190922-135122-3kopue.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=480&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/293465/original/file-20190922-135122-3kopue.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=480&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/293465/original/file-20190922-135122-3kopue.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=480&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/293465/original/file-20190922-135122-3kopue.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=603&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/293465/original/file-20190922-135122-3kopue.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=603&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/293465/original/file-20190922-135122-3kopue.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=603&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Crâne d’auroch.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/edenpictures/16064772853/in/photolist-qtAahi-qv3LMg-e8zY23-4DsUb-kGhPQR-bejuhZ-nGWnHC-6kAKBk-ezy7Pm-U9xVMo-6kEWC7-a5RVWK-VV7bZb-ezy6Wd-ezuW96-91NRLU-o3uNg9-oYyfFz-7JnEkY-9vXwv8-5TA5cW-Ux9eBc-ewNgZ-a5UXtE-oYydZu-7JnHs1-a5RsJR-RvxqBD-jv2ZM-dpstKR-bFa2tN-a5Qzfn-dpsDzJ-dpstZH-cbcjF5-5PqogK-dpsv2R-cnJaCN-RCNxYW-RCNxyh-Jxddav-54k6Kp-54pmds-ezy7cE-G9dYb-acUEVU-Yu9V25-SkZQcJ-54pm8A-54k82a">Eden, Janine and Jim</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>À l’époque romaine, l’aurochs est encore largement répandu, mais vers l’an 1 000 de notre ère, on ne le trouve plus que dans quelques régions du centre-est de l’Europe. Au XIII<sup>e</sup> siècle, seule une dernière population se maintient autour de Jaktorów, dans la province polonaise de Mazovie. Aujourd’hui, la Mazovie est la région la plus peuplée de Pologne, mais il y a 700 ans, c’est un pays isolé et recouvert de forêts. D’autres grands mammifères sont couramment chassés par les nobles, mais les monarques locaux, les Piast, conscients de la valeur des aurochs, se sont réservé leur chasse. Toute infraction est punie de la peine de mort.</p>
<p>Selon l’historien des aurochs polonais, Mieczysław Rokosz :</p>
<p><em>Les princes locaux de la dynastie des Piast, et plus tard les rois de Pologne, n’ont jamais transigé sur leur droit de chasse exclusif aux aurochs, même devant les plus grands magnats, ecclésiastiques ou séculiers. Ils n’ont eux-mêmes jamais abusé de ce droit. Si l’on examine la situation des aurochs à la lumière de ce droit régalien et de la législation sur la chasse en vigueur, il paraît clair que le fait d’avoir exclu les aurochs des droits de chasse et de leur avoir accordé « un privilège sacré d’immunité » qui, selon une coutume ancienne, ne tombe que devant le roi, est la raison principale qui a permis à cette espèce de survivre aussi longtemps. Cette attention exceptionnelle et presque personnelle portée par les souverains polonais à ces animaux ainsi que leur volonté délibérée de les préserver pour la postérité ont prolongé la période de survie de cette magnifique espèce.</em></p>
<p>Malgré cette protection exceptionnelle, à la fin du XVI<sup>e</sup> siècle, les aurochs ne survivent que dans une petite zone située près de la rivière Pisa. Un rapport des inspecteurs du troupeau d’aurochs, rédigé en 1564, tente d’expliquer pourquoi la protection royale ne suffit pas à garantir le maintien des populations :</p>
<p><em>Dans les forêts vierges de Jaktorówski et de Wislicki, nous avons trouvé un troupeau d’environ 30 aurochs, dont 22 vaches adultes, trois jeunes aurochs et cinq veaux. Nous n’avons vu aucun mâle adulte, car ils s’étaient enfuis dans la forêt, mais les anciens gardes-chasses nous ont dit qu’il y en avait huit. Parmi les vaches, l’une est vieille et maigre, et ne survivra pas à l’hiver. Lorsque nous avons demandé aux gardes pourquoi les animaux étaient maigres et pourquoi leur nombre n’augmente pas, on nous a dit que les animaux des villageois, les chevaux, les vaches et le reste du bétail, empiètent sur le territoire des aurochs et les dérangent.</em></p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/293468/original/file-20190922-135088-1ps1gd1.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/293468/original/file-20190922-135088-1ps1gd1.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/293468/original/file-20190922-135088-1ps1gd1.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/293468/original/file-20190922-135088-1ps1gd1.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/293468/original/file-20190922-135088-1ps1gd1.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/293468/original/file-20190922-135088-1ps1gd1.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/293468/original/file-20190922-135088-1ps1gd1.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Sauvage forêt de Pologne.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://en.wikipedia.org/wiki/Bia%C5%82owie%C5%BCa_Forest#/media/File:Bialowieza_National_Park_in_Poland0029.JPG">Jacek Karczmarz</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
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</figure>
<p>Être la bête du roi est à la fois une bénédiction et une malédiction. Une bénédiction parce que personne ne peut vous tuer, mais une malédiction quand il s’agit de décider qui, des aurochs ou des vaches du village, aura accès aux pâturages. Lorsque la nourriture se fait rare, l’intérêt personnel des villageois l’emporte, et en 1602, le troupeau ne compte plus que trois mâles et une femelle. En 1620, il ne reste plus qu’une seule femelle, et lorsque l’inspecteur du roi revient voir les aurochs en 1630, il découvre qu’elle est morte trois ans auparavant.</p>
<h2>Les chevaux sauvages disparaissent</h2>
<p>Le déclin vers l’extinction des chevaux sauvages d’Europe est moins bien documenté. Au Paléolithique, les chevaux sauvages sont encore nombreux. Quelques milliers d’années plus tard, ils ont pratiquement disparu des plaines centrales européennes. En Grande-Bretagne, ils s’éteignent sur l’île il y a 9 000 ans, et il faut attendre 5 000 ans avant qu’ils ne soient réintroduits. Une situation similaire prévaut en Suisse, où les chevaux disparaissent il y a 9 000 ans et sont remplacés par des chevaux domestiques il y a 5 000 ans. Dans certaines régions de France et d’Allemagne, les chevaux sauvages, en voie d’extinction entre 7 500 et 5 750 ans avant notre ère, se reprennent, peut-être grâce au déboisement fait par l’homme qui leur ouvre davantage d’habitats. On observe un modèle différent en Ibérie, où les habitats ouverts se maintiennent naturellement, ce qui permet au cheval sauvage de prospérer jusqu’il y a environ 3 500 ans, le début de l’âge de bronze, une époque à laquelle les chevaux domestiques sont déjà présents.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/293466/original/file-20190922-135128-1c5k5um.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/293466/original/file-20190922-135128-1c5k5um.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=591&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/293466/original/file-20190922-135128-1c5k5um.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=591&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/293466/original/file-20190922-135128-1c5k5um.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=591&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/293466/original/file-20190922-135128-1c5k5um.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=743&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/293466/original/file-20190922-135128-1c5k5um.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=743&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/293466/original/file-20190922-135128-1c5k5um.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=743&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Cheval de Przewalskis, parent des chevaux sauvages disparus en Europe.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://en.wikipedia.org/wiki/Przewalski%27s_horse#/media/File:Przewalskis_horse_02.jpg">Claudia Feh</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
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</figure>
<p>Hérodote note qu’il a vu des chevaux sauvages dans ce qui est aujourd’hui l’Ukraine, et des signalements de chevaux sauvages en Allemagne et au Danemark persistent jusqu’au XVI<sup>e</sup> siècle. Les chevaux sauvages ont peut-être survécu jusqu’au XVII<sup>e</sup> siècle dans la partie de la Prusse orientale connue sous le nom de « grande région sauvage » (aujourd’hui la Mazurie, en Pologne). En l’espace d’un siècle, cette région perd toutefois ses derniers chevaux et seuls quelques spécimens vivant en captivité survivent jusqu’à la fin du XVIII<sup>e</sup> siècle dans un zoo créé par le comte Zamoyski dans le sud-est de la Pologne. Il est possible que des chevaux sauvages, appelés tarpans, aient survécu en Russie du Sud jusqu’au XIX<sup>e</sup> siècle, mais il s’agissait d’hybrides, porteurs des gènes des chevaux domestiques. Le dernier tarpan, qui ressemblait à un cheval domestique, est mort dans un zoo russe en 1909.</p>
<p>Après la perte tragique des aurochs et la disparition du cheval sauvage, l’Europe réussit à éviter une nouvelle extinction pendant exactement 300 ans. Le plus grand mammifère sauvage d’Europe est alors le <a href="https://en.wikipedia.org/wiki/European_bison">wisent</a>, le poids des taureaux dépassant parfois une tonne, les femelles étant généralement deux fois moins lourdes. Hybrides du bison des steppes (dont descend le bison d’Amérique) et de l’aurochs, les wisents ont toujours été plus nombreux et plus répandus que les aurochs, ce qui a sans doute favorisé leur survie pendant des siècles après la disparition de leur parent.</p>
<h2>Le wisent, bête massive à la barbe hirsute</h2>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/293467/original/file-20190922-135074-1cz42hq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/293467/original/file-20190922-135074-1cz42hq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/293467/original/file-20190922-135074-1cz42hq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/293467/original/file-20190922-135074-1cz42hq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/293467/original/file-20190922-135074-1cz42hq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/293467/original/file-20190922-135074-1cz42hq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/293467/original/file-20190922-135074-1cz42hq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Un wisent dans un zoo en Belgique.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/lindadevolder/35078083020/in/photolist-Yu9V25-SkZQcJ-54pm8A-54k82a-54pk53-54k7qF-VrJkYQ-54pkkh-24T52aC-JuasGm-54k7C4-KF12CY-fPETMe-54pkUE-YvKy9o-54k7yB-LG8GaP-JoeBeq-fPEU9K-54k6Bg-54k7Sk-j74nti-54pkDd-a34oLz-fPExEP-RsQ4Nj-eakFgx-fPXr7U-J7B2Xq-54pmpd-Wc6BqW-YM1qDB-Ju9UBu-JLQYLU-a8tA5d-UNkFkg-4sM9if-2eZ7ov1-Yyphmn-Hiy3ur-Xc4vHY-HpAXsV-Gu4DLw-Rk5nbX-2h8z5DL-2gdvCqp-fPEUCD-aag66u-54k6Nv-4buJvq">Linda De Volder</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-sa/4.0/">CC BY-NC-SA</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Si vous prenez la peine d’observer l’art de l’époque glaciaire, vous ne confondrez jamais un wisent avec une autre créature, à l’exception peut-être du bison des steppes européen éteint. Leur forme distinctive, dominée par des membres antérieurs massifs, une barbe hirsute et une frange de fourrure descendant le long du poitrail incarne à elle seule l’époque glaciaire. Se trouver face à face avec un wisent, sentir son odeur caractéristique, prendre la mesure de sa masse incroyable, observer la vapeur et le bruit profond de sa respiration, évoque irrésistiblement la préhistoire. Le wisent est en moyenne un peu plus léger que le bison d’Amérique, bien qu’il soit plus haut au garrot. Il est uniformément brun, avec des cornes et une queue plus longues que celles de son parent américain. Certaines de ces caractéristiques se retrouvent chez l’aurochs, l’un de ses ancêtres. La diminution de la diversité génétique, résultant de la faible densité des populations et de leur éloignement, implique qu’il y a environ 20 000 ans, le wisent et l’aurochs étaient tous deux en voie d’extinction. De petites populations isolées de wisents survivent dans les Ardennes et dans les Vosges en France jusqu’au XV<sup>e</sup> siècle et en Transylvanie jusqu’en 1790 ; les tout derniers wisents vivent dans deux petites populations isolées, l’une dans le Caucase, l’autre en Pologne, dans la forêt de Białowieza.</p>
<p>Le spectre de l’extinction s’abat sur les wisents d’Europe alors que les humains sont engagés dans une boucherie sans précédent. La période 1914-1945 est l’heure la plus sombre de l’Europe. Après des milliers d’années de guerres tribales, les Européens, munis d’armes d’une puissance destructrice inimaginable, s’entretuent avec une férocité effrayante. Toutes les lois sont mises de côté, et tout souci de la nature oublié.</p>
<h2>La Grande Guerre décime les animaux</h2>
<p>Les wisents de Białowieza appartenaient aux rois polonais et étaient strictement protégés. Mais dans la tourmente de la Première Guerre mondiale, les soldats allemands abattent 600 wisents pour le sport, la viande et les trophées, et à la fin de la guerre, il n’en reste plus que neuf. La Pologne est frappée par la famine en 1920 et le dernier wisent du pays est tué en 1921 par un braconnier, Bartholomeus Szpakowicz. Pendant ce temps, la population du Caucase survit à grand-peine. Il y a environ 500 wisents causasiens en 1917, seulement une cinquantaine en 1921. En 1927, les trois derniers spécimens sont tués par des braconniers.</p>
<figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/293469/original/file-20190922-135109-1v5lnu1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/293469/original/file-20190922-135109-1v5lnu1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=947&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/293469/original/file-20190922-135109-1v5lnu1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=947&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/293469/original/file-20190922-135109-1v5lnu1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=947&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/293469/original/file-20190922-135109-1v5lnu1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1190&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/293469/original/file-20190922-135109-1v5lnu1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1190&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/293469/original/file-20190922-135109-1v5lnu1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1190&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">« Supercontinent » de Tom Flannery.</span>
<span class="attribution"><span class="license">Author provided</span></span>
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<p>Cependant, le wisent n’est pas complètement perdu. Un taureau caucasien vit encore en captivité, ainsi que 50 spécimens provenant de Białowieza. Ce petit troupeau est dispersé entre les différents zoos européens. Seul le sentiment profond de perte ressenti par les Polonais sauve alors le wisent. En 1929, un centre de rétablissement du bison est créé à Białowieza, et les animaux captifs sont rassemblés et répartis en deux groupes d’élevage, l’un descendant de sept vaches seulement et l’autre de douze ancêtres, dont le taureau caucasien. Malgré le soin apporté à la gestion du troupeau, la diversité génétique du wisent continue à décliner, tous les mâles vivants aujourd’hui étant issus de seulement deux des cinq taureaux ayant survécu en 1929. Heureusement, ce goulot d’étranglement génétique semble n’avoir eu qu’un effet délétère mineur sur leur condition physique. Plus de 5 000 spécimens en bonne santé vivent aujourd’hui aux Pays-Bas, en Allemagne et dans de nombreux pays d’Europe de l’Est. Après avoir frôlé l’extinction, l’avenir du wisent semble assuré, à condition que les humains réussissent à maintenir une forme de paix sur le continent.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/123976/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Tim Flannery ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Comment de grands mammifères emblématiques de l’Europe se sont-ils éteints, au milieu du XVIIIᵉ siècle ? Extrait du dernier ouvrage de Tim Flannery.Tim Flannery, Professorial fellow, Melbourne Sustainable Society Institute, The University of MelbourneLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1093852019-01-20T19:53:26Z2019-01-20T19:53:26ZLe commerce florissant des os de lion en Afrique du Sud<p>L’<a href="http://www.iucnredlist.org/details/15951/0">Afrique compte</a>, selon les estimations, entre 20 et 30 000 lions sauvages. Mais les <a href="http://www.iucnredlist.org/details/15951/0">chercheurs</a> ont de bonnes raisons de croire que leur nombre réel avoisine plutôt les 20 000, classant les lions dans la catégorie <a href="http://www.iucnredlist.org/details/15951/0">« vulnérable »</a> des espèces menacées.</p>
<p>Cette catégorisation ne suffit cependant pas à restituer la réalité. Car les seules populations de félins en croissance sont parquées dans des réserves surveillées. Nous n’avons pas seulement affaire à une crise de l’espèce, mais aussi à une crise économique et écologique. Rappelons encore que les lions constituent de superprédateurs : des chaînes alimentaires et des systèmes écologiques entiers dépendent de leurs populations (en bonne santé). Ils contribuent par ailleurs largement au tourisme, une source majeure d’emplois et de revenus pour les communautés locales.</p>
<h2>Des os à destination de l’Asie</h2>
<p>En Afrique du Sud, et seulement dans ce pays, on autorise désormais l’élevage de lions en captivité. Or cette situation ne répond généralement à aucun objectif de conservation. 7 à 8 000 lions <a href="https://www.bornfree.org.uk/storage/media/content/files/Publications/Born_Free_Lion_Breeding_Report.pdf">évolueraient</a> ainsi en captivité dans près de 300 établissements. Ces animaux sont majoritairement élevés pour la <a href="https://www.30millionsdamis.fr/actualites/article/15223-la-chasse-en-boite-portee-sur-grand-ecran/">chasse dite « en boîte »</a> et le marché asiatique des os de félins.</p>
<p>À la suite d’une <a href="http://www.bloodlions.org">campagne mondiale</a>, cette « chasse en boîte » a connu ces dernières années une désaffection. Les associations de défense des animaux affirment aujourd’hui que les lions captifs sont de plus en plus la cible du commerce d’os.</p>
<p>Un <a href="http://emsfoundation.org.za/wp-content/uploads/THE-EXTINCTION-BUSINESS-South-Africas-lion-bone-trade.pdf">rapport préparé par la Fondation EMS</a> et l’organisation Ban Animal Trading, montre que les os de lions sont vendus sur le marché noir comme étant des os de tigres. Plongés dans des cuves de vin de riz puis vendus comme du <a href="https://eia-international.org/tag/tiger-bone-wine">vin d’os de tigre</a>, ils possèdent pour les marchés asiatiques une symbolique forte ; on les conseille notamment pour traiter les rhumatismes et l’impuissance. Les os servent aussi à fabriquer des gâteaux d’os de tigre, barres exotiques d’os mélangés et mixés avec des additifs, comme de la carapace de tortue par exemple.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"849023908502282242"}"></div></p>
<h2>Les dérives de l’élevage en captivité</h2>
<p>Le rapport avance que la plupart des os de lion proviennent de lions élevés en captivité en Afrique du Sud.</p>
<p>Même si elle est moralement détestable, cette forme d’élevage n’a rien d’illégal. Certaines limites existent cependant. En 2016, la 17<sup>e</sup> Conférence <a href="https://theconversation.com/explainer-what-is-cites-and-why-should-we-care-65510">CITES</a> décidait qu’aucune exportation d’os issus de lions sauvages ne serait autorisée. Mais la Conférence s’est aussi accordée sur le fait que l’Afrique du Sud devrait établir un quota pour les exportations de squelettes issus de lions élevés en captivité. L’élevage en captivité n’existant qu’à l’échelle de l’Afrique du Sud, aucun autre pays n’est donc autorisé à exporter des os de lion.</p>
<p>Un an plus tard, en 2017, le Département des affaires environnementales a mis en place un quota d’exportation de squelettes de lion limité au nombre de 800 par an. Il l’a <a href="https://www.environment.gov.za/mediarelease/molewa_establishes_lionboneexportquota2018">porté</a> à 1500 en juillet 2018, et ce sans consultation publique et sans s’appuyer sur les travaux scientifiques. Même un <a href="https://conservationaction.co.za/wp-content/uploads/2018/07/2017_Interim-Report-1.pdf">rapport intermédiare</a> préparé pour le département par le <a href="https://www.sanbi.org/">South African National Biodiversity Institute</a> n’a pas spécifié les motifs sur lesquels établir, ou étendre, de quota.</p>
<p>Ajoutons à cela que la régulation des établissements d’élevage de lions est bien faible. Le département ne dispose ainsi d’aucune base de données de travail, et ignore donc combien d’établissements existent, ou combien de prédateurs sont élevés au total en captivité.</p>
<h2>Chasse, squelettes et os bouillis</h2>
<p>Dans mon <a href="http://saiia.org.za/wp-content/uploads/2018/08/Harvey_180818_WorkingPaper_PredatorBreedingSA.pdf">nouveau rapport</a>, j’ai étudié les liens entre installations d’élevage et commerce des os de lion.</p>
<p>Les établissements organisent des chasses coûtant autour de <a href="http://www.tinashegroup.co.za/p15/hunting/hunting-packages-by-tinashe-outfitters.html">22 000 dollars</a> pour une combinaison d’un mâle et d’une femelle. Le chercheur Karl Amman, spécialisé sur la faune sauvage, <a href="http://www.karlammann.com/pdf/swara-tiger-rhino-piece.pdf">décrit</a> comment les taxidermistes vendent ensuite les squelettes de lions (sans le crâne) aux acheteurs, généralement dans les pays asiatiques. Un squelette peut coûter 1 500 dollars.</p>
<p>L’importateur vend ensuite les os, entre 700 et 800 dollars le kilo. Un lion de 100 kilos rapporte environ 18 kilos d’os, qui valent approximativement 15 000 dollars dans la chaîne d’approvisionnement. Les os sont ensuite transformés au Vietnam, où ils sont bouillis dans de larges pots pour produire des <a href="https://cites.org/sites/default/files/eng/com/ac/30/Inf/E-AC30-Inf-15x.pdf">barres de gâteau</a>, vendues à environ 1 000 dollars l’unité.</p>
<h2>Une politique de quotas contre-productive</h2>
<p>Les <a href="https://www.bornfree.org.uk/storage/media/content/files/Publications/Born_Free_Lion_Breeding_Report.pdf">conservationnistes</a> s’inquiètent que les quotas sud-africains ne fournissent une incitation à élever des lions non seulement pour la chasse, mais aussi pour le commerce d’os.</p>
<p>Le quota de 2017 a été pleinement atteint en quelques semaines tandis que le rapport récemment publié et préparé pour CITES <a href="https://cites.org/sites/default/files/eng/com/ac/30/Inf/E-AC30-Inf-15x.pdf">suggère que</a> 3 469 squelettes ont été exportés cette année, soit près du double du nombre alloué.</p>
<p>Cette intensification du commerce d’os de lions n’a rien malheureusement rien de surprenant. En 2016, les États-Unis ont <a href="https://www.huffingtonpost.com/entry/5808f6ffe4b099c434319294">banni l’importation</a> des trophées de lions d’origine captive en provenance d’Afrique du Sud. Les installations d’élevage ont donc commencé à chercher des marchés alternatifs. Vendre des carcasses de lions apparaissait comme une alternative évidente, étant donné que le squelette d’une lionne peut rapporter environ 30 000 dollars sud-africains et celui d’un mâle environ 50 000, lorsqu’il est vendu à un négociant.</p>
<p>L’industrie d’élevage de félins prédateurs en Afrique du Sud <a href="http://www.sapredators.co.za/p37/faq/9-myths-about-captive-bred-lions.html">avance de son côté que</a> les populations de lions en captivité servent de frein au braconnage pour les lions sauvages, puisqu’elles satisfont la demande en os.</p>
<p>Mais les opposants au commerce d’os de lion <a href="https://eia-international.org/evidence-cites-shows-irresponsible-lion-bone-trade-drives-consumer-demand-big-cat-parts">ont prouvé</a> l’inverse. Le quota pourrait au contraire alimenter la demande pour des produits à base de lion et fournir un canal de blanchiment d’argent pour les lions sauvages obtenus illégalement. Cela met en danger des populations vulnérables de lions sauvages ailleurs en Afrique. Et rend l’application de la loi extrêmement difficile : on ne peut en effet attendre des autorités de savoir distinguer entre un stock d’os obtenu légalement et illégalement.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1081938440453644291"}"></div></p>
<h2>Le réveil des consciences et le rôle des autorités</h2>
<p>L’<a href="https://www.iol.co.za/news/south-africa/new-report-reveals-flaws-in-lion-bone-export-quota-16149686">indignation publique</a> face à un quota apparemment arbitraire a été notable. La réaction contre la « chasse en boîte » et le commerce d’os s’est également exprimée de manière véhémente. Les arguments contre ce commerce ont émergé lors d’un <a href="https://conservationaction.co.za/resources/reports/captive-lion-breeding-for-hunting-in-south-africa-harming-or-promoting-the-conservation-image-of-the-country/">colloque de deux jours</a> au parlement sud-africain. La question posée était la suivante : l’industrie d’élevage de lions en captivité nuit-elle ou promeut-elle l’image de la conservation en Afrique du Sud ?</p>
<p>La commission parlementaire aux affaires environnementales a publié par la suite un rapport, conseillant au ministère d’effectuer un contrôle judiciaire de l’industrie d’élevage de prédateurs en captivité. Espérons que le gouvernement accepte de rendre des comptes et d’agir pour mettre un terme à la brutalité de ces pratiques.</p>
<hr>
<p><em>Traduit de l’anglais par <a href="https://theconversation.com/profiles/nolwenn-jaumouille-578077">Nolwenn Jaumouillé</a>.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/109385/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Dans le cadre de ses recherches au sein du South African Institute of International Affairs, Ross Harvey a reçu des financements de Humane Society International (HSI) pour mener une étude indépendante sur l’économie de l’industrie d’élevage en captivité des grands prédateurs en Afrique du Sud.</span></em></p>En Afrique du Sud, les lions captifs servent de plus en plus à alimenter le commerce international d’os de félins.Ross Harvey, Senior Researcher in Natural Resource Governance (Africa), South African Institute of International AffairsLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1023002018-08-28T16:15:51Z2018-08-28T16:15:51ZNicolas Hulot face au « mur des lobbies »<p>L’annonce-surprise de la démission de Nicolas Hulot, en pleine rentrée gouvernementale, aura sans aucun doute étonné une partie du gouvernement et de l’opinion. Elle s’inscrit cependant dans la suite logique d’une série de compromissions et de grands écarts qui ont mis le ministre de la Transition écologique et solidaire dans une position difficile, voire intenable.</p>
<p>Au fil d’une année riche en dossiers lourds et complexes, celui du glyphosate au premier rang, le mandat du parfois <a href="https://www.challenges.fr/politique/shampoings-ushuaia-la-machine-a-cash-de-nicolas-hulot-dans-le-viseur-du-canard-enchaine_485239">controversé Monsieur « Ushuaïa »</a> n’a pas été un long fleuve tranquille, tant les arbitrages de Matignon et de l’Élysée ont pu le placer en porte à faux de ses convictions et engagements.</p>
<p>Lors des controverses et polémiques autour de certains dossiers – nucléaire, pesticides et transition agricole par exemple –, le ministre d’État apparaît avoir eu moins de poids que certains lobbies, voire d’autres ministères, ceux de l’Agriculture et de l’Économie notamment. Plus encore, il est revenu à l’ancien animateur télé d’avoir à assurer la promotion de décisions diamétralement opposées à ses engagements passés. Son mandat a pu ainsi ressembler, au mieux, à un simple exercice de communication gouvernementale, au pire, à un véritable cas d’étude de <em>greenwashing</em>.</p>
<p>À force de se heurter au « mur des lobbies », Nicolas Hulot a fini par démissionner, sans en informer Édouard Philippe ni Emmanuel Macron ; cela marque un grand désarroi mais également un manque de compréhension mutuelle, après seulement 15 mois passés au gouvernement. Sans faire ici le bilan de ce court mandat, il est intéressant de revenir sur quelques dossiers phares qui témoignent des contradictions de la politique écologique d’Emmanuel Macron.</p>
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<h2>La « caution écologique » de la présidence Macron</h2>
<p>Avec son pacte écologique, lancé en 2007, l’ancien animateur télé tente depuis longtemps d’inscrire les enjeux écologiques au cœur de la vie politique française, et en particulier de l’élection présidentielle. Longtemps courtisé par différents partis politiques, de l’UMP au PS, et après une candidature malheureuse à la primaire d’Europe Écologie-Les Verts en 2011, il refuse plusieurs fois d’intégrer le gouvernement de Manuel Valls, malgré les demandes insistantes et répétées de François Hollande.</p>
<p>Sa nomination en mai 2017, au ministère de la Transition écologique et solidaire, avec un rang de ministre d’État, semble incarner pleinement le renouveau voulu par Emmanuel Macron, et l’ouverture du gouvernement Philippe a des personnalités de premier plan de la société civile. Cette nomination joue en outre le rôle d’une véritable caution écologique, voire d’un souci et d’un intérêt réel d’Emmanuel Macron pour les enjeux environnementaux, tout en assurant un capital sympathie au gouvernement nouvellement formé, tant Nicolas Hulot est populaire dans l’opinion française.</p>
<p>Très rapidement, l’annonce en juillet 2017 de la <a href="https://www.lemonde.fr/planete/article/2017/07/06/nicolas-hulot-annonce-une-prime-pour-remplacer-les-vehicules-les-plus-polluants_5156706_3244.html">fin de la commercialisation des voitures à essence et diesel</a> d’ici 2040, l’inscription de l’environnement dans l’article premier de la Constitution, tout comme l’abandon définitif en janvier 2018 du projet d’aéroport à Notre-Dame des Landes sonnent comme autant de « victoires » importantes pour Nicolas Hulot.</p>
<p>Ces annonces sont cependant loin de constituer de réelles avancées environnementales pour la France. L’inscription de l’environnement dans la Constitution ou la volonté de s’éloigner d’un modèle énergétique basé sur les hydrocarbures d’ici 2040 sonnent comme des vœux pieux. Et le retrait du projet d’aéroport de Notre-Dame-des-Landes pourrait même ressembler une aubaine pour son futur ex-concessionnaire, le groupe de BTP Vinci : désastreux en termes d’image pour l’entreprise, le projet n’emballait plus vraiment le concessionnaire qui préférera sans doute <a href="https://blogs.mediapart.fr/paul-cassia/blog/220118/notre-dame-des-landes-veni-vidi-vinci">récupérer des indemnités</a>, dont le montant n’a pas encore été dévoilé. Loin d’être uniquement écologique, la décision semble avant tout politique et économique.</p>
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<h2>Glyphosate, cachez ce pesticide que je ne saurais interdire</h2>
<p>Dans les dossiers évoqués pour justifier sa démission, Nicolas Hulot cite notamment les pesticides et la biodiversité, deux sujets sur lesquels les manœuvres des lobbies ont été parmi les plus agressives et efficaces. C’est sans doute sur le dossier du glyphosate que l’échec de l’écologiste semble avoir été le plus cinglant, critère vraisemblablement déterminant de son départ.</p>
<p>Cet herbicide suscite depuis longtemps une forte controverse dans la communauté scientifique et se trouve au cœur de nombreuses polémiques médiatiques, politiques et juridiques. <a href="https://www.capital.fr/economie-politique/proces-roundup-monsanto-condamne-a-payer-289-millions-de-dollars-de-dommages-1302549">La récente condamnation de Monsanto</a> dans l’affaire qui l’oppose au jardinier Dewayne Johnson a enfoncé le coin dans une <a href="http://theconversation.com/glyphosate-la-guerre-du-faux-a-bien-eu-lieu-86291">stratégie de communication et de lobbying agressive</a> que mène l’entreprise pour défendre son produit phare, le Roundup (le glyphosate en est le principe actif). Nicolas Hulot ne sera jamais parvenu à faire inscrire la date de son interdiction dans la loi.</p>
<p>Sur ce point, les lobbies semblent avoir de loin dicté les choix écologiques du gouvernement et en particulier d’avoir fait pencher la <a href="https://www.rtl.fr/actu/politique/yannick-jadot-lobbies-stephane-travert-7794482444">balance en faveur du ministre de l’Agriculture, Stéphane Travert</a>. Le lobby de l’industrie des pesticides, l’UIPP, ou encore celui de l’agriculture « conventionnelle », la FNSEA, ont été en effet <a href="http://www.fnsea.fr/toutes-les-thematiques/agriculture-durable/bonnes-pratiques-agricoles/articles/glyphosate-sans-alternative-viable-nous-n-accepterons-pas-d-interdiction/">vent debout toute volonté d’interdire</a> la molécule controversée, jugeant qu’il n’y a pour l’instant pas d’alternative valable et que l’ utilisation du glyphosate rendait, selon l’UIPP, de <a href="http://www.uipp.org/Actualites/Les-services-rendus-par-le-glyphosate-en-agriculture">« réels services aux agriculteurs »</a>.</p>
<p>Face au poids politique et économique de ces acteurs, le gouvernement tranche et Hulot se trouve de nouveau pied au mur.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"879855749299662851"}"></div></p>
<h2>Un « Vieux monde » bien présent</h2>
<p>En réaction à la critique lancinante de n’être que le président des villes (et des riches), Emmanuel Macron a récemment pris une série de décisions à même de satisfaire les campagnes et certaines coteries traditionnelles. Le lobby des chasseurs a ainsi réussi à faire diviser par deux le prix du permis de chasse tout comme à faire autoriser le <a href="https://www.francetvinfo.fr/monde/environnement/biodiversite/les-mesures-pour-la-chasse-sont-du-clientelisme-pathetique-d-apres-le-president-de-la-ligue-de-protection-des-oiseaux_2913793.html">piégeage de certaines espèces d’oiseaux</a> pourtant menacées.</p>
<p>Les lobbies de l’agriculture intensive et de l’agro-industrie ont pour leur part été choyés au Parlement lors du vote de la décevante loi sur l’Alimentation, où la plupart des amendements en faveur de l’amélioration du bien-être animal ont été rejetés.</p>
<p>Plus encore que l’influence des lobbies et le poids des intérêts économiques dans les décisions environnementales, ces dossiers – et tout particulièrement celui du glyphosate – sont révélateurs d’un modèle écologique de la macronie, bien loin d’un Nouveau Monde ! La phrase de Stéphane Travert, <a href="https://www.huffingtonpost.fr/2018/05/25/le-ministre-de-lagriculture-stephane-travert-furieux-quon-repete-quil-est-aux-mains-des-lobbies_a_23443226/">fustigeant « les petits marquis de l’écologie »</a>, traduit bien cette orientation où la question environnementale n’est ni centrale ni déterminante.</p>
<p>Avec le départ de Nicolas Hulot, tombé face au mur des lobbies, se valide alors l’adage chevènementiste – « Un ministre, ça démissionne ou ça ferme sa gueule » – et inscrit très nettement la politique écologique de la macronie dans l’Ancien Monde. En somme, <em>Make our planet great again</em> mais <em>Economy first</em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/102300/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>François Allard-Huver est membre de l'Académie des controverses et de la communication sensible (<a href="http://academie-ccs.org/">http://academie-ccs.org/</a>).</span></em></p>Dans certains dossiers particulièrement sensibles, du nucléaire aux pesticides, le ministre d’État apparaît avoir eu moins de poids que certains lobbies ou d’autres ministères.François Allard-Huver, Maître de conférences, Université de LorraineLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/982682018-07-09T20:49:19Z2018-07-09T20:49:19ZEn Tanzanie, la fin du braconnage n’est pas pour demain<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/223637/original/file-20180618-85819-1ctndl1.png?ixlib=rb-1.1.0&rect=5%2C5%2C953%2C635&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Vente de viande de brousse sur le bord de la route.</span> <span class="attribution"><span class="source">Flickr/jbdodane</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span></figcaption></figure><p>La chasse illégale de viande sauvage (aussi appelée viande de brousse) préoccupe de longue date les défenseurs de la faune. Cette pratique <a href="https://www.zsl.org/conservation/regions/africa/bushmeat-in-west-and-central-africa">existe depuis longtemps</a> en Afrique subsaharienne, attirant l’attention de la communauté internationale et suscitant les débats.</p>
<p>Si des actions de lutte anti-braconnage ont été déployées par les autorités et les populations locales, le bilan est mitigé : le déclin de la faune sauvage <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC5098989/">n’a pas marqué le pas</a>.</p>
<p>Pourquoi cette pratique persiste-t-elle ? La réponse, <a href="http://www.conservationandsociety.org/article.asp?issn=0972-4923;year=2017;volume=15;issue=1;spage=24;epage=32;aulast=Knapp">suggérée</a> par les braconniers eux-mêmes, est simple : le braconnage est rentable.</p>
<h2>Éléphants, impalas et koudous</h2>
<p>Nous avons mené une <a href="http://journals.sagepub.com/doi/abs/10.1177/194008291200500403">étude</a> auprès de braconniers de Tanzanie occidentale. Ces derniers chassent les éléphants pour leur ivoire ainsi que tous les animaux qu’ils peuvent attraper grâce à des pièges pour leur viande (impalas, koudous et guibs harnachés principalement). Cette activité illégale représente l’une <a href="https://bit.ly/2N2POUz">des plus sérieuses atteintes</a> à la biodiversité sauvage de cette région.</p>
<p>Nos travaux apportent un éclairage inédit sur leur motivation et mettent bien en évidence l’intérêt de cette pratique, les bénéfices étant plus importants que les coûts.</p>
<p>L’étude nuance également la perception générale qui voudrait que les braconniers figurent forcément parmi les plus démunis. Ce n’est pas systématique : ces derniers ne chassent pas uniquement pour assurer leur subsistance mais aussi pour diversifier leurs sources de revenus et améliorer leur situation. Ils n’hésitent pas pour cela à prendre des risques.</p>
<p>À la lumière de ces résultats, notre recherche suggère donc que les approches actuelles contre le braconnage sont faussées car elles ne prennent pas assez en compte la diversité des braconneurs.</p>
<p>Des <a href="https://www.cambridge.org/core/services/aop-cambridge-core/content/view/B970DAE419EE0CD939CC4B1CFBBE0947/S0030605302000716a.pdf/div-class-title-uneconomical-game-cropping-in-a-community-based-conservation-project-outside-the-serengeti-national-park-tanzania-div.pdf">actions</a> s’appuyant, par exemple, sur un approvisionnement en viande à un faible coût ont peu de chance d’aboutir car elles n’intègrent pas le fait que la chasse illégale rapporte de l’argent et pas seulement de la nourriture.</p>
<p>Pour ceux chassant par nécessité, des mesures autoritaires, comme des peines de prison ou des amendes, risquent de se révéler tout aussi inefficaces car ces chasseurs n’ont pas d’autre moyen d’assurer un revenu.</p>
<h2>425 dollars de bénéfices annuels</h2>
<p>Notre étude s’est intéressée à des individus vivant dans des villages bordant deux grands parc nationaux de Tanzanie : le Serengeti et le Ruaha.</p>
<p>Nous avons interrogé 200 braconniers, les questionnant sur leur vie, leurs alternatives d’approvisionnement et leurs motivations. Les répondants ont spontanément donné des renseignements (ils n’ont pas été payés pour cela, ni incités financièrement à participer).</p>
<p>Premier constat : les chasseurs illégaux suivent un raisonnement des plus rationnels. Ils gagnent en effet beaucoup plus par la chasse que par toutes autres activités agricoles. Sur une période de 12 mois, les braconniers ont généré en moyenne 425 dollars. C’est considérablement plus que le montant gagné via des activités classiques – commerces, petites entreprises, ventes de bétail et agricoles – qui s’élèvent à environ 258 dollars annuels.</p>
<p>Ces avantages n’ont évidemment aucun sens si on ne les associe pas aux coûts. Et la chasse au gros gibier dans la brousse présente des risques économiques et physiques réels : blessures, arrestations ou encore interdiction de cultiver ou d’exercer d’autres formes de commerce légal. Mais, dans les territoires ruraux de Tanzanie, les avantages l’emportent sur ces coûts.</p>
<p>Dans les régions où l’agriculture est la <a href="https://www.farmafrica.org/us/tanzania/tanzania">principale source</a> de revenus, les habitants ont en effet beaucoup de temps disponible pour chasser entre les périodes de semailles et de moissons. Sachant qu’avec un <a href="http://allafrica.com/stories/201704120054.html">taux de chômage</a> élevé, la main-d’œuvre est rarement un facteur limitant.</p>
<h2>Quels risques pour les braconniers ?</h2>
<p>En comparant les ménages braconniers et non-braconniers, nous avons constaté que les coûts associés pour la chasse illégale ne s’élevaient qu’à 116 dollars, soit nettement moins que les 425 dollars tirés de la vente de viande de brousse. Parce que les autres sources de revenus sont rares et peu rémunératrices, les braconniers ont ainsi peu à perdre à chasser.</p>
<p>Ces coûts économiques peuvent prendre la forme d’arrestations, d’emprisonnements et d’amendes.</p>
<p>Pour chaque incursion dans la brousse, nous avons évalué qu’un braconnier avait 0,07 % de chance d’être arrêté. Si cela arrivait, il pouvait être condamné à une amende, emprisonné, battu ou expulsé. Mais les deux tiers des braconniers n’ont jamais été arrêtés. Pour ceux qui l’ont été, ils auront passé 0,04 jour en moyenne derrière les barreaux pour un peu plus de 5 années de chasse illégale. Parmi les personnes arrêtées, un peu plus de la moitié (56 %) ont été condamnées à payer une amende d’un montant moyen de 39 dollars. En moyenne, chaque incursion aura coûté au chasseur seulement deux centimes tout au long de sa « carrière ».</p>
<p>La situation est donc claire : la majorité des chasseurs illégaux n’ont jamais été arrêtés. Et ceux qui paient s’acquittent d’une pénalité dérisoire comparée au revenu généralement gagné.</p>
<p>Pour ce qui est des coûts physiques – blessures ou mort –, ils ont été beaucoup plus difficiles à évaluer. À l’extérieur du parc du Serengeti, des espèces sauvages dangereuses ont été fréquemment rencontrées dans la brousse ; un tiers des braconniers interrogés déclaraient avoir été blessés au cours de leur activité de braconnage. Les temps de récupération étaient en moyenne légèrement supérieurs à un mois. Mais sur le nombre moyen de jours qu’un braconnier passe dans la brousse (1 901 jours environ), la probabilité d’être blessé était vraiment faible, d’à peine 0,02 %.</p>
<p>Braconner reste cependant une activité difficile et huit répondants sur dix la qualifient ainsi ; la majorité d’entre eux la pratiquent car ils ne gagnaient pas assez avec des activités légales.</p>
<h2>Modérément pauvres</h2>
<p>La pauvreté a longtemps été <a href="http://www.borgenmagazine.com/connection-poaching-and-poverty/">considérée</a> comme le moteur du braconnage ; mais tous les chasseurs illégaux ne figurent pas parmi les plus pauvres.</p>
<p>Nos <a href="https://tropicalconservationscience.mongabay.com/content/v5/TCS-2012_Vol_5(4)_434-445_Knapp.pdf">travaux</a> concernant les braconniers vivant le long des frontières du parc de Ruaha, ont ainsi révélé que si ces derniers sont pauvres, ils ne vivent cependant pas dans une pauvreté extrême.</p>
<p>Pour reprendre des termes chers à l’économiste Jeffrey Sachs, il est possible que de nombreux braconniers soient « modérément pauvres » : la faim n’est pas leur préoccupation première et ils se concentrent davantage sur les moyens d’améliorer leurs revenus.</p>
<p>En ce qui concerne la perception de leur situation économique, ces foyers braconniers sont similaires à ceux non-braconniers : plus de la moitié (54 %) d’entre eux se considèrent économiquement « moyens » plutôt que « pauvres ».</p>
<p>Si ces braconniers ne se considèrent pas comme pauvres et voient le braconnage comme quelque chose d’éprouvant, alors pourquoi le font-ils ? La réponse, à la lumière des écrits du philosophe Amartya Sen, pourrait se trouver du côté du concept de <a href="http://www.iep.utm.edu/sen-cap/">« privation de capacité »</a>.</p>
<p>Beaucoup de braconniers manquent en effet d’alternatives pour améliorer leur vie : cette impossibilité à créer des revenus altère d’autant leurs chances de poursuivre des études ou d’avoir des opportunités entrepreneuriales. Privés de moyens pour se construire un futur meilleur, de nombreux chasseurs – du moins en Tanzanie – continuent de braconner pour gagner en capacité et pas seulement pour joindre les deux bouts.</p>
<p>Dans la région du parc national de Ruaha, l’un des chasseurs interrogés a déclaré qu’après six années de braconnage, il avait mis un terme à cette activité. Son nombre de têtes de bétail avait suffisamment augmenté pour lui assurer un revenu suffisant toute l’année. Ce témoignage montre qu’il est possible d’atteindre une richesse suffisante permettant d’arrêter les activités illégales.</p>
<p>Ces résultats présentés ici devraient inciter les protecteurs de la faune à adapter leurs stratégies. Pour stopper le braconnage, il ne suffit pas de se concentrer sur les plus nécessiteux. Car en l’absence d’alternatives pour améliorer leur quotidien, même les braconniers qui peuvent satisfaire leurs besoins fondamentaux continueront à chasser pour l’argent.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/98268/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Eli Knapp ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>De nombreux braconniers continuent de chasser pour améliorer leur niveau de vie malgré des risques certains.Eli Knapp, Assistant Professor of Intercultural Studies, Biology and Earth Science, Houghton CollegeLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/598582016-05-31T20:36:57Z2016-05-31T20:36:57ZLa chasse « sportive » en Afrique n’est pas l’ennemie de la biodiversité<p>Ultra-médiatisée avec l’<a href="http://bigbrowser.blog.lemonde.fr/2015/07/28/un-dentiste-americain-amateur-de-gros-gibier-accuse-detre-le-tueur-du-lion-cecil/">affaire du lion Cecil</a> abattu au Zimbabwe en août dernier – illégalement, il faut le rappeler –, la chasse sportive a donné lieu en Europe et aux États-Unis à des débats passionnés quant à sa cruauté et son utilité. En France, Ségolène Royal a ainsi demandé en novembre 2015 <a href="http://www.vetitude.fr/trophee-de-chasse-de-lion-espces-menacees-arret-importation/">d’arrêter la délivrance</a> de permis d’importation de têtes, pattes et peaux de lion.</p>
<p>Depuis le début de l’année, un nouveau projet de réglementation a relancé le débat, déjà tendu, entre associations environnementales et fédérations de chasseurs. Le 18 janvier 2016, des députés européens ont proposé une déclaration écrite appelant <a href="http://www.europarl.europa.eu/sides/getDoc.do?type=WDECL&reference=P8-DCL-2016-0003&format=PDF&language=EN">à cesser l’importation</a> dans l’Union européenne de tout trophée issu de la chasse, ce qui porterait un coup à cette pratique. La déclaration n’a finalement obtenu qu’un soutien limité, ne recueillant que 20 % de signatures.</p>
<h2>Des problèmes de mauvaise gestion</h2>
<p>Cette absence de nouvelle réglementation sera sans doute vivement critiquée par les associations antichasse. Pourtant, il faut s’en féliciter pour la biodiversité africaine. La bonne conservation de cette dernière nécessite en effet que des usages non-agricoles du foncier, <a href="http://www.un.org/africarenewal/fr/magazine/october-2009/mainmise-sur-les-terres-africaines">très disputé</a>, soient financés. Le tourisme ne suffit pas, ou seulement dans des cas <a href="http://www.the-eis.com/data/literature/jwwREPGondwana%20Land%20Use%20final.pdf">très particuliers</a>.</p>
<p>La chasse sportive, à condition bien sûr d’être sélective et régulée, peut représenter un revenu d’appoint précieux. Priver les communautés locales de ses retombées potentielles fragiliserait en réalité la conservation.</p>
<p>Certes, on s’associera difficilement à la satisfaction <a href="http://www.ammoland.com/2016/04/anti-hunting-interests-crash-burn-european-union/">des réseaux sociaux pro-chasse</a> claironnant que « les groupes activistes antichasse ont misérablement échoué dans leurs efforts d’être soutenus par le parlement européen », noyée dans les photos publicitaires d’armes à feu et de chasseurs fièrement assis sur des animaux ensanglantés.</p>
<p>Par ailleurs, la chasse sportive en Afrique souffre indéniablement de problèmes récurrents. Les revenus générés par cette activité, lorsqu’on y enlève les frais de fonctionnement et les taxes, peuvent <a href="http://onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1111/conl.12224/abstract">être insuffisants</a> pour couvrir le financement de la conservation. Et les opérateurs de chasse ne sont <a href="http://www.zimbabwesituation.com/news/zimsit_illegal-allocation-of-hunting-licenses-linked-to-us-ban-on-tusks/">pas toujours choisis</a> sur des critères environnementaux ou sociaux.</p>
<p>Au final, lorsque les institutions nationales sont trop laxistes, le nombre d’animaux chassé est trop élevé, les pratiques de chasse laissent à désirer éthiquement parlant, et surtout, les communautés locales se trouvent lésées, comme le montre une <a href="http://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/08941920.2010.486394?queryID=%24%7BresultBean.queryID%7D">étude</a> menée au Nord du Cameroun.</p>
<h2>Indissociable de la conservation</h2>
<p>Pourtant, quoi qu’on pense de l’activité en elle-même, la chasse sportive reste le plus souvent la plus importante, voire la seule, source de revenus pour le développement et la conservation dans bien des régions en Afrique. Un certain nombre d’experts auprès de l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) <a href="http://cmsdata.iucn.org/downloads/iucn_informingdecisionsontrophyhuntingv1.pdf">soutiennent</a> d’ailleurs cette activité, dans une perspective de conservation. </p>
<p>Certes, les activités écotouristiques génèrent elles aussi <a href="https://www.cairn.info/revue-afrique-contemporaine-2007-2-page-83.htm#anchor_abstract">des revenus</a>, et ce sans abattre d’animaux, mais ce secteur a besoin d’une densité de faune minimale et d’un bon accès à celle-ci, ce qui limite l’activité dans de nombreux pays d’Afrique centrale, où la forêt est parfois trop dense pour que les touristes puissent voir les animaux. Enfin et surtout, le tourisme a besoin d’infrastructures routières et hôtelières de qualité, de sécurité et de stabilité politique, qui font souvent défaut sur le continent.</p>
<p>Dans ces contextes, la chasse sportive représente un revenu essentiel pour inciter les populations locales à accepter que la faune sauvage soit présente et préservée dans de larges parties de leurs territoires, a fortiori lorsque celle-ci entre en <a href="http://pubs.iied.org/pdfs/G03727.pdf">conflit</a> avec les activités humaines.</p>
<h2>Sur le terrain</h2>
<p>Interdire la chasse sportive scierait dans bien des cas la dernière branche à laquelle se tient la conservation de la biodiversité en Afrique. La chasse sportive a généré en 2014 en Namibie – où un <a href="http://www.nacso.org.na/what_is_cbnrm.php">programme national</a> de conservation de la faune a été mis en place en 1996 – 1,5 million d’euros, emplois compris, soit près d’un tiers des revenus issus de la gestion de la faune et de la flore par les communautés locales du pays.</p>
<p>Au Botswana, de plus en plus de voix s’élèvent <a href="http://www.nytimes.com/2015/09/13/world/a-hunting-ban-saps-a-villages-livelihood.html?_r=0">contre l’interdiction</a> de la chasse sportive décidée en 2013 par le gouvernement, car les animaux sauvages dont le nombre est en recrudescence attaquent les troupeaux, et parce que les revenus pour les communautés s’en trouvent sérieusement grevés.</p>
<p>En tout état de cause, et comme le souligne un <a href="http://onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1111/cobi.12643/full">récent article scientifique</a> paru au sujet de la situation en Namibie, écotourisme et chasse sportive sont deux activités complémentaires qu’il faut mener de front. Alors que la première génère des revenus après 6 ans en moyenne, la seconde n’en a besoin que de 3. Enfin, sans chasse sportive (sous l’hypothèse d’une interdiction), seules 8 communautés sur 50 dans le programme national namibien pourraient couvrir leurs coûts de fonctionnement liés à la conservation, contre 37 sur 50 avec la chasse sportive.</p>
<p>La conservation de la faune sur le continent ne peut financièrement pas se passer de cette pratique. Il ne faut pas moins de chasse sportive, mais une meilleure gouvernance de cette dernière.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/59858/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Renaud Lapeyre ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La bonne conservation de la biodiversité africaine passe par des usages non-agricoles des terres. La chasse sportive, sélective en régulée, en fait partie.Renaud Lapeyre, Chercheur biodiversité et services environnementaux, IddriLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.