tag:theconversation.com,2011:/ca-fr/topics/crises-economiques-26781/articlescrises économiques – La Conversation2024-01-18T14:49:04Ztag:theconversation.com,2011:article/2203202024-01-18T14:49:04Z2024-01-18T14:49:04ZLe nouveau président argentin, Javier Milei, est-il d’extrême droite ? La réponse n’est pas simple<p>Une onde de choc secoue l’Argentine <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/2028009/argentine-vote-presidentielle-massa-milei">depuis l’arrivée au pouvoir de Javier Milei, le 10 décembre</a>. </p>
<p>Son idéologie qualifiée « d’anarcho-capitaliste » promet de grands bouleversements dans un pays caractérisé par une longue tradition étatique, <a href="https://www.lesechos.fr/monde/ameriques/largentine-en-pleine-crise-lance-une-nouvelle-serie-de-mesures-contre-linflation-1972952">et aux prises avec une profonde crise économique</a>. </p>
<p>Le caractère radical de ses propositions aura réussi à lui attirer de nombreux Argentins, mais à s’en aliéner tout autant, <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/2038012/argentine-greve-generale-24-janvier-reforme-javier-milei">avec plusieurs appels à la grève générale</a>. </p>
<p>Des analystes ont essayé de comprendre les liens idéologiques entre Javier Milei et les divers mouvements d’extrême droite qui ont émergé au cours des vingt dernières années, particulièrement en Europe et aux États-Unis. </p>
<p>Doctorant en science politique à l’Université Laval, mes recherches portent sur les autoritarismes, particulièrement en Argentine. Je souhaite ainsi explorer les relations entre Javier Milei et la mouvance d’extrême droite. </p>
<h2>Attention aux comparaisons rapides</h2>
<p>Javier Milei <a href="https://theconversation.com/le-dilemme-milei-et-lavenir-incertain-de-largentine-219556">peut être décrit comme un populiste</a>. Cette association est pertinente, voire naturelle, si l’on regarde ses multiples références à des figures d’extrême droite telles que <a href="https://twitter.com/JMilei/status/1727501082560205296">Donald Trump</a>, le Brésilien <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2023/11/20/javier-milei-elu-president-de-l-argentine-recoit-les-felicitations-de-donald-trump-et-jair-bolsonaro_6201217_3210.html">Jair Bolsonaro</a> et <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Santiago_Abascal">l’Espagnol Sergio Abascal</a>, président de la formation Vox, <a href="https://thediplomatinspain.com/en/2023/11/milei-invites-abascal-to-his-inauguration-as-argentine-president/">qu’il a invité à son investiture</a>.</p>
<p>Ses appels à lutter contre le « gauchisme », <a href="https://www.infobae.com/opinion/2022/05/20/javier-milei-y-su-guerra-contra-el-marxismo-cultural-la-oscura-historia-detras-del-termino/">ses critiques du « marxisme culturel »</a> et son caractère ouvertement antisystème renforcent cette identification.</p>
<p>Cependant, ce rapprochement assez simpliste fait fi de divergences importantes avec le programme de Milei, notamment en matière de politique économique et migratoire. Ainsi, malgré les similitudes, des divergences importantes existent, en particulier dans la manière dont chaque mouvement comprend le rôle de l’État et sa relation avec la société dans son ensemble. </p>
<p>En particulier, j’aimerais attirer l’attention sur une différence centrale, soit le rôle du nationalisme, ainsi que sur les nouveautés apportées par Milei dans le contexte de la montée de la droite au niveau global.</p>
<h2>Le nationalisme nativiste au cœur de l’extrême droite</h2>
<p>Dans un article de synthèse, <a href="https://doi.org/10.1146/annurev-polisci-042814-012441">Matt Golder</a>, professeur de science politique à la Pennsylvania State University, analyse la littérature scientifique sur les partis politiques d’extrême droite en Europe. Il y trouve trois éléments de plus en plus caractéristiques de ce mouvement, soit le « nationalisme », le « populisme » et le « radicalisme ».</p>
<p>Le nationalisme exposé par des partis d’extrême droite peut être décrit comme du « nativisme ». En suivant <a href="https://doi.org/10.1017/CBO9780511492037">Cas Mudde</a>, professeur du département de science politique à l’University of Georgia, le « nativisme » est compris comme « du nationalisme plus de la xénophobie ». Il est basé sur l’idée de l’existence d’une population « native », imaginaire, <a href="https://doi.org/10.1146/annurev-polisci-042814-012441">construite sur des aspects généralement culturels ou ethniques</a>, et dont l’homogénéité doit être protégée de tout élément qui lui est étranger et externe. </p>
<p>En concevant cette communauté homogène, le <a href="https://doi.org/10.1017/CBO9780511492037">nativisme s’ajoute au nationalisme, conçu comme la congruence entre État et nation</a>, soit l’élément de la xénophobie mentionné par Cas Mudde. Ce faisant, les mouvements d’extrême droite avancent une préférence radicalisée pour tout ce qui peut être défini comme appartenant à la « communauté nationale ».</p>
<p>Cette version du nationalisme est bien connue et il est facile d’en trouver des exemples européens et américains : les appels contre le « Grand remplacement » exprimés par <a href="https://www.france24.com/fr/france/20220214-le-grand-remplacement-o%C3%B9-la-machine-%C3%A0-fantasmes-de-l-extr%C3%AAme-droite">Éric Zemmour</a>, les mises en garde contre les immigrants de <a href="https://www.independent.co.uk/news/world/americas/us-politics/the-snake-song-lyrics-trump-b2464914.html">Donald Trump</a>, ou l’islamophobie de <a href="https://www.spiegel.de/international/germany/interview-with-frauke-petry-of-the-alternative-for-germany-a-1084493.html">l’Alternative pour l’Allemagne</a>, entre autres. </p>
<p>Ce nativisme des partis d’extrême droite devient un fondement de leurs projets politiques, incluant leur politique économique.</p>
<p>C’est pour cette raison que l’extrême droite contemporaine avance aussi des projets nettement protectionnistes. L’euro-scepticisme, la nationalisation, ainsi que le discours anti-globalisation sont des éléments partagés par une grande partie des mouvements d’extrême droite. La racine de ces projets est la croyance en une communauté nationale, définie en termes soit ethnique, soit culturel, qui doit être protégée de l’influence d’éléments provenant de l’extérieur. </p>
<h2>Libéraliser l’économie, la priorité de Milei</h2>
<p>On ne trouve pas l’élément du nativisme du côté de Javier Milei, bien que sa liste de promesses puisse surprendre en raison de son caractère radical et par son ampleur.</p>
<p>Les projets et la plate-forme de son parti, La Libertad Avanza (LLA), constituent plutôt une opposition claire au nativisme, répandu en Argentine et représenté par le mouvement péroniste. Les accusations concernant sa prétendue idéologie anti-immigration ne sont pas non plus fondées, du moins jusqu’ici.</p>
<p>Le programme de Javier Milei parle d’immigration que de façon marginale. Il suffit de lire la <a href="https://www.electoral.gob.ar/nuevo/paginas/pdf/plataformas/2023/PASO/JUJUY%2079%20PARTIDO%20RENOVADOR%20FEDERAL%20-PLATAFORMA%20LA%20LIBERTAD%20AVANZA.pdf">plateforme électorale</a> de LLA, où les sujets de la « nation » ou de l’immigration sont relativement absents. </p>
<p>Il est vrai que l’Argentine a reçu proportionnellement, ces dernières années, <a href="https://perspective.usherbrooke.ca/bilan/servlet/BMTendanceStatPays?langue=fr&codePays=ARG&codeTheme=1&codeStat=SM.POP.NETM">moins d’immigrants que la majorité des pays d’Europe ou d’Amérique du Nord</a>. Le débat concerne davantage l’universalité du service de santé et d’éducation, grâce à laquelle toute personne, sans égard à sa condition migratoire <a href="https://sherloc.unodc.org/cld/uploads/res/document/ley-de-migraciones-25871-english_html/Ley_de_Migraciones_25871_English.pdf">peut disposer du système de santé publique (même les touristes) et d’éducation gratuite</a>. Javier Milei n’est donc pas tant opposé à l’immigration (il a <a href="https://www.youtube.com/watch?v=xfNnAKnHxGo">même exprimé son appui</a>), mais à certain type de dépenses de l’État qui y sont associés. </p>
<p>En revanche, la libéralisation a constitué et continue à être le pilier de son programme, parfaitement incarnée dans la proposition d’élimination de la banque centrale et l’instauration de la libre concurrence monétaire. <a href="https://www.electoral.gob.ar/nuevo/paginas/pdf/plataformas/2023/PASO/CABA%20501%20LA%20LIBERTAD%20AVANZA%20ADHIERE%20PLATAFORMA%20ON.pdf">Son programme</a> inclut aussi la dollarisation, l’optimisation et la diminution de la taille de l’État, l’ouverture au commerce international, la réforme du code de travail, de la loi sur la santé mentale, des réglementations des services médicaux.</p>
<h2>Attendre avant de juger le projet politique de Milei</h2>
<p>Autrement dit, malgré le style populiste et le caractère radical de ses propositions, l’approche de Milei rend difficile son identification immédiate, sans d’autres qualificatifs, avec l’extrême droite européenne et américaine. </p>
<p>Cela ne veut pas nécessairement dire qu’il faut exclure le phénomène de Milei de la famille élargie de l’extrême droite. Comme <a href="https://www.bbc.com/mundo/articles/c983y398v0do">Cristóbal Rovira, professeur à la Pontificia Universidad Católica de Chile, affirme</a> cette « famille » n’a pas d’éléments qui sont nécessairement partagés par tous ses membres. Cependant, il oblige à reconsidérer les associations immédiates et faciles. Le fait que Javier Milei ait déclaré sa préférence pour Trump ne fait pas de lui un Trumpiste.</p>
<p>Il y a certainement des individus à l’intérieur de son parti politique qui se montrent plus proches des projets politiques de Donald Trump ou de Sergio Abascal. Cependant, les positionnements personnels de Javier Milei définissent en grande partie ce que l’on peut attendre de son gouvernement et le caractère de son projet politique.</p>
<p>Bien que Milei affirme lui-même sa parenté idéologique avec des leaders souvent inclus dans la grande famille de l’extrême droite contemporaine, les éléments de son programme et le cœur de son idéologie imposent le maintien d’une certaine distance. De façon plus large, la mise en contexte de tout phénomène politique est nécessaire afin de comprendre leur nouveauté et implication.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/220320/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Federico Chaves Correa ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Des aspects du programme du président argentin Javier Milei s’apparentent à l’extrême droite, mais d’autres pas. Sans l’exclure de cette mouvance, il faut attendre avant de juger son projet politique.Federico Chaves Correa, Doctorant en science politique, Université LavalLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2203992024-01-04T21:56:44Z2024-01-04T21:56:44ZUn retour à la normale pour l’économie grecque ?<p>Une croissance économique solide au premier trimestre 2023, un ratio <a href="https://theconversation.com/topics/dette-20647">dette publique</a>/PIB qui tombe en dessous de son niveau d’avant la pandémie, des risques de financement par emprunt qui sont contenus à moyen terme… L’économie grecque voit-elle enfin le bout du tunnel ? En 2010, le pays était frappé par une grave <a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2012/11/27/accord-pour-la-reduction-de-la-dette-de-la-grece_1796227_3234.html">crise de la dette publique</a>, qui intervenait consécutivement à celle des subprimes de 2008. Sa <a href="https://www.lejdd.fr/International/L-UE-semble-reflechir-a-une-sortie-de-la-Grece-de-la-zone-euro-513591-3268940">sortie de la zone euro</a> avait même un temps été envisagée.</p>
<p>Après une dépression historique au cours de laquelle son <a href="https://theconversation.com/topics/produit-interieur-brut-pib-48857">produit intérieur brut</a> (PIB) s’est effondrée de 28 %, la <a href="https://theconversation.com/topics/grece-20646">Grèce</a> semble avoir enfin ouvert un nouveau chapitre. Il y a eu d’abord la crise (2010-2013), puis la stabilisation (2014-2018), huit années où des plans d’austérité ont été imposés par les créanciers du pays, la BCE, l’Union européenne et le FMI, au chevet d’une économie qui ne pouvait plus se financer, privée d’accès aux marchés obligataires internationaux.</p>
<p>Le 20 octobre dernier, l’agence Standard & Poor’s a relevé sa notation de la dette grecque à BBB-. Celle-ci sort ainsi pour la première fois depuis 2010 de la catégorie « dette spéculative » (ou « obligation pourrie ») pour passer en catégorie « investissement ». Dans son édition de Noël, le prestigieux magazine britannique <em>The Economist</em> a même titré la Grèce « <a href="https://www.lefigaro.fr/conjoncture/la-revanche-de-la-grece-sacree-pays-de-l-annee-par-the-economist-20231221#:%7E:text=La%20Gr%C3%A8ce%20en%20t%C3%AAte%20des%20pays%20de%20l%E2%80%99ann%C3%A9e&text=Les%20agences%20n%E2%80%99en%20doutaient,site%20%C3%A9conomique%20grec%20OT.gr">Pays de l’année</a> ». En 2022, elle avait réussi a remboursé ses prêts accordés par le FMI avec <a href="https://www.latribune.fr/economie/union-europeenne/dette-la-grece-finit-de-rembourser-le-fmi-avec-deux-ans-d-avance-904069.html">deux ans d’avance</a>. Signes d’une économie en voie de rétablissement ?</p>
<h2>Des indicateurs macroéconomiques encourageants</h2>
<p>Avant la pandémie liée au coronavirus, le pays semblait déjà reprendre une trajectoire positive avec une nette augmentation de son PIB par habitant. Au premier semestre 2023, la croissance restait solide, tirée principalement par la consommation et les exportations nettes. La consommation privée a bénéficié d’une demande refoulée durant la période précédente, notamment dans le secteur des services, tandis qu’une baisse significative des importations a entraîné une contribution positive des exportations nettes qui avaient sous-performé ces derniers trimestres. L’activité d’investissement a, elle, cependant considérablement ralenti après un pic au dernier trimestre 2022.</p>
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<p>Grâce à l’augmentation de la demande intérieure liée à la reprise de l’activité du tourisme, la croissance du PIB réel pour le reste de l’année devrait être solide, s’établissant en moyenne à <a href="https://www.lefigaro.fr/conjoncture/la-revanche-de-la-grece-sacree-pays-de-l-annee-par-the-economist-20231221#:%7E:text=La%20Gr%C3%A8ce%20en%20t%C3%AAte%20des%20pays%20de%20l%E2%80%99ann%C3%A9e&text=Les%20agences%20n%E2%80%99en%20doutaient,site%20%C3%A9conomique%20grec%20OT.gr">2,3 % pour l’ensemble de 2023</a> alors qu’Athènes ne misait « que » sur 1,8 %. C’est plus que la moyenne de l’Union européenne (0,6 %). Les chiffres sont attendus du même ordre pour 2024 et 2025.</p>
<p>Autre indicateur macroéconomique témoin d’un retour à la normale, l’inflation globale devrait s’établir en moyenne à 4,3 % en 2023. Les chiffres mensuels récents pointent vers une légère hausse de l’inflation dans les secteurs de l’énergie et des services (sur une base mensuelle désaisonnalisée), tandis que les prix des denrées alimentaires sont impactés par les <a href="https://www.lalsace.fr/environnement/2023/09/10/14-morts-dans-les-inondations-en-thessalie#:%7E:text=Deux%20personnes%20restent%20port%C3%A9es%20disparues,secourues%20et%20mises%20en%20s%C3%A9curit%C3%A9.&text=Le%20bilan%20des%20inondations%20qui,15%20morts%2C%20selon%20les%20pompiers">inondations à la fin de l’été dans la région de Thessalie</a>, une zone clé pour la production agricole. L’OCDE prévoit pour 2023 que l’inflation grecque devrait <a href="https://data.oecd.org/fr/price/previsions-de-l-inflation.htm">rejoindre la moyenne des pays de la zone euro</a>. Le choix de son maintien dans cet espace économique a bien joué son rôle d’amortisseur face aux conséquences de la pandémie et de la poussée inflationniste. En Turquie voisine, l’inflation est attendue à <a href="https://www.latribune.fr/economie/international/turquie-l-inflation-grimpe-encore-et-atteint-presque-62-sur-un-an-984830.html">65 %</a> fin 2023.</p>
<p>Du côté du marché du travail, enfin, la croissance de l’emploi devrait se poursuivre, mais à un rythme plus lent. Le taux de chômage est tombé à 9,6 % en octobre 2023, son plus bas niveau depuis juin 2009, après avoir culminé à 28,1 % en septembre 2013. Sont même observés de premiers signes de <a href="https://www.courrierinternational.com/article/economie-la-grece-confrontee-a-un-manque-de-main-d-uvre-a-l-approche-de-la-saison-touristique#:%7E:text=%C3%89conomie.-,La%20Gr%C3%A8ce%20confront%C3%A9e%20%C3%A0%20un%20manque%20de%20main%2Dd%27%C5%93uvre,grecque%20se%20fait%20l%27%C3%A9cho">pénurie de main-d’œuvre</a> dans des secteurs clés tels que le tourisme. Avec la hausse des salaires nominaux et le ralentissement de l’inflation, les salaires réels devraient être mesurés à la hausse en 2023 après une contraction en 2022.</p>
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<p>En valeur absolue, le PIB grec est néanmoins loin d’avoir rattrapé son niveau de 2008. Les pertes ont été de <a href="https://donnees.banquemondiale.org/indicator/NY.GDP.MKTP.CD?end=2022&locations=GR&start=2008">70 milliards de dollars</a> (constants 2015) entre 2008 et 2015 dont seuls 16 milliards avaient été regagnés fin 2022. La bonne orientation des chiffres de la croissance masque en partie la <a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2023/10/30/le-ministre-grec-de-l-economie-se-felicite-du-redressement-de-son-pays_6197299_3234.html">faible marge de manœuvre</a> dont dispose le gouvernement grec et des réformes, notamment fiscales, restent nécessaires pour percevoir d’indispensables fonds européens.</p>
<h2>L’héritage contrasté de la rigueur</h2>
<p>Le ratio dette publique/PIB devrait <a href="https://issuu.com/oecd.publishing/docs/pe-juin-2023-grece?fr=xKAE9_zU1NQ">diminuer jusqu’en 2025</a> selon l’OCDE, en grande partie sous l’effet de la hausse du PIB nominal, mais également grâce aux excédents primaires. Ce ratio devrait baisser à 160,9 % en 2023, 151,9 % en 2024 et 147,9 % en 2025.</p>
<p>Le solde des comptes publics, lui, devrait rester globalement inchangé en 2023, et, selon les données de l’Eurostat, enregistrerait un <a href="https://www.touteleurope.eu/economie-et-social/le-deficit-public-des-etats-de-l-union-europeenne/">excédent de 1,6 % du PIB</a> cette année. Ce résultat repose sur une <a href="https://economic-research.bnpparibas.com/html/fr-FR/Europe-retablissement-comptes-publics-09/05/2023,48546">amélioration du solde primaire</a> (qui ne tient pas compte des intérêts versés sur la dette ni des revenus issus d’actifs financiers) ainsi qu’à la suppression progressive des mesures visant à atténuer, pour la population, les prix élevés de l’énergie et à des recettes fiscales meilleures que prévu, notamment celles provenant de la taxe sur la valeur ajoutée et des cotisations de sécurité sociale.</p>
<p>Cependant, l’économie reste malgré tout confrontée à des défis macrofinanciers dans un contexte de resserrement monétaire important, d’inflation sous-jacente persistante et de hausse des prix de l’immobilier. Les déséquilibres structurels dus à la faiblesse de l’épargne des ménages et à un niveau d’investissement encore faible ne sont guère étonnants : la quasi-mise sous tutelle par les institutions internationales (la troïka composée du FMI, de la BCE et de la Commission européenne) a certes rétabli les équilibres financiers fondamentaux mais à des niveaux beaucoup plus faibles. Les Grecs ont puisé pendant 10 ans dans leurs réserves afin de compenser la perte de pouvoir d’achat et, par exemple, <a href="https://read.oecd-ilibrary.org/social-issues-migration-health/greece-country-health-profile-2021_4ab8ea73-en#page3">continuer à se soigner</a>.</p>
<p>Tous les efforts consentis par la population ont par ailleurs certes permis une diminution sur les dernières années de la dette en pourcentage du PIB mais, en valeur absolue, la dette continue d’augmenter. Elle a plus que doublé en 15 ans.</p>
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<p>Si sur les 15 dernières années, l’économie grecque est ainsi pour partie rentrée dans le rang, la puissance publique reste sous pression. <a href="https://www.latribune.fr/economie/union-europeenne/grece-le-port-du-piree-passe-officiellement-sous-pavillon-chinois-591870.html">Vente du port du Pirée</a>, d’une partie du <a href="https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/allo-l-europe/la-grece-vend-son-patrimoine-culturel-5841655">patrimoine culturel</a>, fragilisation des <a href="https://www.ouest-france.fr/europe/grece/collision-de-trains-en-grece-retour-en-onze-actes-sur-le-pire-accident-ferroviaire-du-pays-92356688-f0d3-455d-805c-5d6ecd8f60ce">infrastructures de transports</a>, faiblesse des moyens face aux <a href="https://www.francetvinfo.fr/faits-divers/incendie/reportage-lutte-contre-les-incendies-la-grece-compte-sur-une-cooperation-europeenne-croissante-car-la-crise-climatique-ne-va-pas-disparaitre_5986244.html">incendies</a>, elle ne sort de plus pas grandie de cette période.</p>
<hr>
<p><em>Vincent Monnier, enseignant-chercheur à l’École supérieure des professions immobilières a également contribué à la rédaction de cet article.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/220399/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Myriam Ben Saad ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Dette publique réévaluée, « pays de l’année » selon The Economist, les signaux positifs s’additionnent pour l’économie grecque. Les marges de manœuvre du gouvernement y restent toutefois limitées.Myriam Ben Saad, Kedge Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2143312023-10-15T13:31:51Z2023-10-15T13:31:51ZL’e-sport, discipline populaire mais en crise<p>Avec de plus en plus d’événements sur le sol français, <a href="https://papers.ssrn.com/sol3/papers.cfm?abstract_id=2686182">l’e-sport</a> (pratique compétitive du jeu vidéo) semble s’installer durablement sur le territoire national. Pour le <a href="https://www.letelegramme.fr/t-plus/tout-ce-quil-faut-savoir-sur-le-major-de-counter-strike-a-paris-competition-majeure-de-lesport-5474680.php"><em>BLAST TV Major Counter Strike</em></a> au printemps et les <a href="https://www.montpellier.fr/evenement/26826/3624-montpellier-accueille-les-2023-lec-season-finals-montpellier-occitanie-du.htm"><em>LEC Season Finals 2023</em></a> début septembre, deux événements internationaux majeurs de la discipline, Paris et à Montpellier ont accueilli des dizaines de milliers de spectateurs, sans compter un large public en ligne.</p>
<p>L’<a href="https://theconversation.com/topics/e-sport-95516">e-sport</a> semble même être pris très au sérieux par le gouvernement français, qui a annoncé, en marge des <a href="https://theconversation.com/topics/jeux-olympiques-2024-144556">Jeux Olympiques 2024</a>, un <a href="https://www.sortiraparis.com/loisirs/gaming/articles/285606-les-trackmania-games-passent-par-paris-a-l-ete-2024">événement esport autour du jeu de course Trackmania</a>. En attendant peut-être que des <a href="https://www.francetvinfo.fr/replay-radio/jeux-video/l-e-sport-va-t-il-devenir-un-sport-olympique_6075576.html">médailles olympiques</a> récompensent les plus grands as des manettes. Depuis septembre 2023, le CIO s’est doté d’une commission travaillant sur le sujet, avec à sa tête le français David Lappartient, président de l’Union cycliste internationale. Le parlement a également récemment voté un <a href="https://twitter.com/denis_Masseglia/status/1714692506036666600">abaissement de la TVA à 5,5%</a> pour les billeteries e-sport, alignant ce taux avec celui appliqué aux autres événements sportifs et culturels.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1569044716678676481"}"></div></p>
<p>L’e-sport, ce sont des revenus estimés à plus de 1,38 milliard de dollars en 2022, 5 %, de plus par rapport à 2021. C’est aussi plus de 530 millions de spectateurs dans le monde. Cependant, malgré ces chiffres positifs, la dynamique semble ralentir, et de récents événements laissent penser qu’il pourrait bientôt se retrouver dans une situation complexe au niveau économique. De nombreux problèmes liés à la durabilité et à la viabilité du système ont également été <a href="https://www.ijesports.org/article/94/html">mis en avant</a> ainsi que des <a href="https://www.theses.fr/2022BORD0143">pistes de réflexions</a> pour y faire face à l’instar de celles issues de nos travaux.</p>
<h2>Des structures non rentables</h2>
<p>La structuration même de ce marché est à la source de nombreuses difficultés. Différents acteurs, notamment, sont parties prenantes du secteur, avec des rapports de force totalement déséquilibrés.</p>
<p>[<em>Plus de 85 000 lecteurs font confiance aux newsletters de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde</em>. <a href="https://memberservices.theconversation.com/newsletters/?nl=france&region=fr">Abonnez-vous aujourd’hui</a>]</p>
<p>D’un côté nous retrouvons les éditeurs de jeux vidéo, tels que Riot Games, Valve ou Epic Games. On pourrait très schématiquement les comparer à des fédérations sportives ayant la propriété intellectuelle de leur sport : ils peuvent, à tout moment, modifier toutes les règles et pratiques mises en place dans leurs compétitions.</p>
<p>De l’autre côté, nous avons les équipes e-sportives, les joueurs, les organisateurs de tournois et les communautés de fans qui s’adaptent aux règles des éditeurs afin de survivre dans l’écosystème. Enfin, il existe des parties prenantes extérieurs, principalement les sponsors et les médias, qui sont là pour financer les équipes, tournois, et joueurs dans un objectif de visibilité ou d’image de marque, permettant ainsi aux structures en place de survivre.</p>
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<figcaption><span class="caption">Les LEC Season Finals 2023 se tenaient récemment à Montpellier.</span></figcaption>
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<p>À l’heure actuelle, les équipes e-sportives, même les plus importantes, ne sont pour une grande majorité d’entre elles pas rentables d’un point de vue financier. Elles ont besoin de levées de fonds et d’une forte présence des sponsors afin de survivre. Vitality, l’une des plus grosses structures e-sportives françaises avait par exemple levé <a href="https://www.lequipe.fr/Esport/Actualites/Esport-vitality-leve-50-millions-d-euros-et-officialise-son-equipe-counter-strike/1308629">50 millions d’euros</a> sur trois ans début 2022 afin de continuer à se développer sur la scène du jeu d’action <em>Counter Strike : Global Offensive</em>.</p>
<p>Si les promesses d’une future rentabilité semblaient suffire à attirer de nombreux sponsors dans les plus grosses équipes jusqu’il y a peu, la crise Covid et le manque de vision à moyen terme semblent désormais les décourager. Certains sponsors et investisseurs n’hésitent d’ailleurs pas à couper leurs financements. L’exemple le plus frappant est celui de BMW qui a annoncé <a href="https://esports-news.co.uk/2022/12/15/bmw-pulls-esports-sponsorships/">se retirer progressivement</a> de l’e-sport en début d’année 2023 alors qu’ils étaient <a href="https://www.lequipe.fr/Esport/Actualites/Esport-bmw-debarque-en-force/1127708">hautement investis</a> à travers 5 des plus grosses structures internationales depuis 2019 (G2 et Fnatic en Europe, T1 en Corée du Sud, Cloud 9 en Amérique du Nord et Fun Plus Phoenix en Chine).</p>
<p>D’autres grosses structures, telles que TeamSoloMid et 100 Thieves, deux structures américaines évaluées en 2021 à plus de 400 millions de dollars chacune selon <a href="https://www.forbes.com/sites/brettknight/2022/05/06/the-most-valuable-esports-companies-2022/?sh=d483484599fc">Forbes</a> en 2022, ont par ailleurs mis fin à <a href="https://www.dexerto.com/league-of-legends/reginald-explains-tsm-employee-exodus-we-were-not-headed-in-the-right-direction-2095142/">plusieurs contrats</a> à la suite de problèmes financiers. Evil Genius, l’une des plus grosses équipes américaines, a même délocalisé certaines de ses opérations en Amérique du Sud afin de survivre. En France, LDLC OL, association historique de l’e-sport en France liée à l’Olympique lyonnais, a, quant à elle, annoncé l’<a href="https://www.lequipe.fr/Esport/Actualites/Ldlc-ol-va-arreter-l-esport/1397092">arrêt total de toutes ses opérations dans l’esport</a> en mai 2023.</p>
<h2>Trois pistes de reconfigurations</h2>
<p>Alarmistes en apparence, ces cas pourraient aussi être les premiers indicateurs d’une révision entière du système. Les éditeurs, propriétaires des jeux, semblent détenir des clefs de réponse possibles pour permettre une stabilité économique des grosses équipes. En effet, alors que dans les sports traditionnels les droits médias représentent la majorité des revenus des équipes et des ligues, ils sont quasiment inexistants dans l’e-sport. Les tournois sont majoritairement diffusés sur des plates-formes de streaming où l’accès est gratuit. Les éditeurs pourraient alors opter pour une meilleure redistribution de l’argent généré par les jeux et indirectement les compétitions, afin d’assurer la pérennité des équipes et de leurs ligues.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/tour-de-france-une-mecanique-economique-bien-huilee-208683">Tour de France : une mécanique (économique) bien huilée</a>
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<p>Un autre élément de solution pourrait provenir des communautés e-sportives elles-mêmes. Les spectateurs semblent de plus en plus s’organiser en groupes de supporters, à l’instar du sport classique. Ils semblent prêts à consommer et à s’organiser pour soutenir leurs équipes et joueurs favoris. Pour répondre à leurs attentes et de les pousser à s’engager plus encore, les équipes pourraient réfléchir ainsi des expériences innovantes afin de s’assurer une forme de revenus fixes. Il s’agit notamment de soigner le fait d’être perçu comme un sport. Comme nous le montrons dans nos <a href="https://www.theses.fr/2022BORD0143">travaux</a>, cela renforce, pour les marques, l’engagement du consommateur, la valeur perçue, et l’intention d’achat de produits liés.</p>
<p>Enfin, la structuration même des équipes semble devoir être révisée afin d’assurer leur pérennité. Par exemple, malgré la crise, ENCE, une structure e-sportive finlandaise, a réussi à dégager un <a href="https://esportsinsider.com/2023/05/finnish-esports-organisation-ence-profitability">bénéfice</a> d’environ 1 million d’euros en 2022. Ce bénéfice est, selon le PDG, largement dû aux constantes performances de la structure sur <em>Counter Strikes</em> et a une bonne gestion de sa masse salariale. La crise pourrait donc être une opportunité pour les équipes e-sports de réintroduire des salaires en phase avec le marché et les bénéfices de l’e-sport. Des éditeurs tels que Riot Games, qui développe notamment les arènes de bataille de League of Legends, <a href="https://www.lequipe.fr/Esport/Actualites/Esport-league-of-legends-la-lfl-se-penche-sur-le-salary-cap/1407085">réfléchissent</a> par ailleurs à implémenter un plafonnement des salaires dans certaines de leurs compétitions afin d’éviter des rémunérations trop importantes ne permettant pas une rentabilité des équipes.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/485612/original/file-20220920-3440-4oxruu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/485612/original/file-20220920-3440-4oxruu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=250&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/485612/original/file-20220920-3440-4oxruu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=250&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/485612/original/file-20220920-3440-4oxruu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=250&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/485612/original/file-20220920-3440-4oxruu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=314&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/485612/original/file-20220920-3440-4oxruu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=314&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/485612/original/file-20220920-3440-4oxruu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=314&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<p><em>Cet article est publié dans le cadre de la Fête de la science (qui a lieu du 6 au 16 octobre 2023 en métropole et du 10 au 27 novembre 2023 en outre-mer et à l’international), et dont The Conversation France est partenaire. Cette nouvelle édition porte sur la thématique « sport et science ». Retrouvez tous les événements de votre région sur le site <a href="https://www.fetedelascience.fr/">Fetedelascience.fr</a>.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/214331/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Reynald Brion ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Malgré des revenus qui se chiffrent en milliard, très peu d’équipes e-sportives s’avèrent rentables. Des pistes de réflexion existent néanmoins pour reconfigurer la discipline.Reynald Brion, Assistant Professor in Marketing, TBS EducationLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2055232023-06-20T17:40:18Z2023-06-20T17:40:18ZPacte financier mondial : quel rôle pour les banques publiques de développement face aux crises ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/528798/original/file-20230529-22-bltec4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=1%2C12%2C1196%2C846&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Siège de la Banque mondiale à Washington DC, aux États-Unis.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/worldbank/52807644754">World Bank Photo Collection/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Les 22 et 23 juin prochains se tiendra à Paris le <a href="https://nouveaupactefinancier.org/">Sommet pour un nouveau pacte financier mondial</a> voulu par le président français Emmanuel Macron. L’objectif est de proposer des solutions pour faciliter l’accès des pays vulnérables aux financements nécessaires pour faire face aux conséquences des crises récentes et futures. Cet agenda place les banques publiques de développement au centre du débat et témoigne de la renaissance institutionnelle dont jouissent ces institutions depuis plusieurs années. </p>
<p>Selon la <a href="https://www.nse.pku.edu.cn/dfidatabase/index.htm">base de données</a> produite conjointement par l’<a href="https://theconversation.com/institutions/agence-francaise-de-developpement-afd-2711">Agence française de développement</a> (AFD) et l’Institute of New Structural Economics de l’Université de Pékin, il existe plus de 500 banques publiques de développement, réparties sur tous les continents, et totalisant 23 000 milliards de dollars d’actifs. Cet écosystème regroupe des institutions très diverses. </p>
<p>On y trouve aussi bien des banques multilatérales (comme la <a href="https://theconversation.com/fr/topics/banque-mondiale-32648">Banque mondiale</a> ou la Banque africaine de développement) que des banques nationales (comme la Caisse des dépôts et consignations en France), voire dans certains pays des banques locales qui interviennent à l’échelle des collectivités. Elles diffèrent aussi en termes de taille de bilan, de mandat de développement (généraliste ou spécifiques à certains secteurs d’activité), et de géographies d’intervention. </p>
<h2>Des institutions vectrices de résilience</h2>
<p>Les banques publiques de développement constituent un maillon essentiel pour le financement des économies vulnérables, notamment en période de crise. Divers <a href="https://ferdi.fr/publications/les-financements-operes-par-les-banques-publiques-de-developpement-sont-ils-contracycliques-un-etat-des-lieux">travaux</a> ont mis en évidence l’importance de ces banques pour soutenir l’activité économique durant une crise, au moment où les flux financiers privés se tarissent. La capacité d’action contracyclique des banques publiques de développement repose sur deux raisons principales. </p>
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<img alt="Siège de la Caisse des dépôts et consignations, à Paris" src="https://images.theconversation.com/files/528801/original/file-20230529-29-y6cz90.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/528801/original/file-20230529-29-y6cz90.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=459&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/528801/original/file-20230529-29-y6cz90.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=459&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/528801/original/file-20230529-29-y6cz90.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=459&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/528801/original/file-20230529-29-y6cz90.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=577&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/528801/original/file-20230529-29-y6cz90.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=577&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/528801/original/file-20230529-29-y6cz90.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=577&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Siège de la Caisse des dépôts et consignations, à Paris.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Caisse_des_d%C3%A9p%C3%B4ts_et_consignations#/media/Fichier:Caisse-des-depots.jpg">Wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
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<p>D’une part, ces acteurs ont un mandat explicite ou implicite de soutien à l’activité en période de crise. Ce rôle s’est confirmé au cours de la crise sanitaire pendant laquelle de nombreux pays ont utilisé leurs banques publiques de développement pour soutenir les entreprises les plus vulnérables, en particulier les plus petites. </p>
<p>D’autre part, les banques publiques de développement sont des institutions dont les ressources sont moins sensibles aux variations du cycle économique, comme nous l’avons montré dans une <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S1566014123000377">étude portant sur les banques publiques africaines</a>. Contrairement aux banques commerciales, elles accueillent peu de dépôts et bénéficient d’une garantie implicite de l’État. Autrement dit, en période de crise, leurs ressources sont stables et elles peuvent maintenir leur activité tandis que les banques privées voient leurs ressources se contracter. </p>
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<p>Certaines banques publiques de développement accroissent même leur activité en période de crise. Lors de la pandémie de Covid-19, <a href="https://www.sba.gov/document/report-agency-financial-report">l’US Small Business Administration</a> a par exemple vu ses capitaux propres multipliés par 53 pour soutenir les entreprises états-uniennes, en faisant l’une des plus grosses banques publiques de développement au monde. </p>
<h2>Adopter une approche proactive</h2>
<p>Bien qu’essentiel, le rôle des banques publiques de développement à la suite d’un choc risque de devenir insuffisant dans le futur. En effet, la <a href="https://www.undp.org/fr/defis-et-solutions-en-matiere-de-developpement">multiplication et l’intensification des crises</a> (économiques, climatiques, géopolitiques, sanitaires, etc.) met en danger leur capacité d’adaptation. Sous pression constante pour soutenir l’économie et la société, les banques publiques de développement accroîtraient leur exposition aux risques (par exemple en <a href="https://theconversation.com/les-pge-vont-ils-changer-les-entreprises-francaises-en-zombies-145459">finançant des entreprises qui auraient fait faillite</a> indépendamment de la survenue d’une crise), menaçant la pérennité de leurs activités. </p>
<p>Dès lors, il paraît essentiel que les banques publiques de développement adoptent une approche plus proactive, alors qu’elles restent dans une optique très réactive (soutien à l’économie suite à une crise). En orientant leurs activités vers les secteurs sociaux, en contribuant activement à la réduction des inégalités ou en renforçant la résilience face aux changements climatiques, leurs investissements doivent permettre de réduire l’ampleur et les conséquences des chocs en cas d’occurrence, autrement dit la vulnérabilité des économies. </p>
<p>Les banques privées ne sont pas incitées pour investir dans de tels projets, généralement associés à des rendements financiers limités et des risques élevés, en dépit d’impacts forts à long terme sur l’économie, la société ou l’environnement. Ainsi, les banques de développement doivent davantage de combler ce vide et entraîner avec elles des investissements privés. </p>
<p>Or, dans une <a href="https://www.afd.fr/en/ressources/proof-pudding-revealing-sdgs-artificial-intelligence">étude récente</a>, nous montrons que le narratif stratégique de nombreuses banques publiques de développement reste principalement centré sur la croissance économique et le financement des infrastructures, au détriment des considérations environnementales, notamment en matière de biodiversité, et sociales (réduction de la pauvreté et des inégalités économiques). </p>
<h2>Des défis à relever</h2>
<p>Il convient de se confronter aux défis que pose le passage à une vision proactive du rôle des banques publiques de développement. Trois points clés, parmi de nombreuses autres questions, sont soulevées ci-dessous. </p>
<p>Tout d’abord, les banques publiques de développement sont appelées à jouer un rôle clé dans les transitions. Les pays les plus vulnérables souffrent souvent d’une <a href="https://council.science/fr/current/blog/the-future-of-disaster-resiliency-and-the-need-for-a-global-vulnerability-index/">vulnérabilité multi-dimensionnelle</a> : économique, sociale, politique, climatique. </p>
<p>Disposant de ressources limitées et de mandat parfois très spécifique, les banques publiques de développement se retrouvent confrontées à des arbitrages : un projet d’infrastructures peut permettre de désenclaver un territoire mais peut s’avérer très émissif ; la mise en œuvre de zones protégées peut se faire au détriment des agriculteurs locaux qu’il convient de dédommager. La gestion de ces arbitrages nécessite que les banques publiques de développement soient suffisamment bien outillées pour appréhender les impacts ex ante et ex post de leurs projets. </p>
<p>Afin d’être proactive, les banques publiques de développement doivent également pouvoir innover. Ce constat s’applique notamment aux banques nationales de développement, qui ont une meilleure connaissance des problématiques des géographies dans lesquelles elles interviennent. Les gouvernements doivent garantir l’indépendance de leurs banques nationales et viser à leur donner un cadre stratégique plutôt que d’entrer dans des logiques de micro-management. </p>
<p>Dans ce contexte, les banques nationales de développement devraient pouvoir innover en matière de processus, d’instruments financiers, d’accompagnement de leurs clients. En initiant les premières <a href="https://www.ecologie.gouv.fr/obligations-vertes">obligations vertes</a>, ou via le co-financement de projets avec des investisseurs privés (financement mixte ou « <a href="https://www.oecd.org/fr/developpement/financementpourledeveloppementdurable/financement-mixte/">blended finance</a> »), les banques multilatérales telles que la Banque mondiale ou la Banque européenne d’investissement ont déjà montré que l’écosystème des banques publiques de développement a la capacité d’impacter les marchés financiers de façon significative. Aussi, les institutions multilatérales sont appelées à travailler davantage avec les banques nationales de développement pour renforcer leur capacité de financement et d’innovation. </p>
<p>Enfin, la puissance de feu des banques publiques de développement doit s’inscrire en synergie avec d’autres acteurs, notamment privés. L’ampleur des montants à engager (<a href="https://www.oecd.org/fr/finances/global-outlook-on-financing-for-sustainable-development-2023-fcbe6ce9-en.htm">3 900 milliards de dollars par an</a>) pour financer les transitions ne peut être assumée seulement par des investissements publics. </p>
<p>Il s’agit donc de mobiliser l’épargne privée mondiale pour la traduire en impacts positifs pour l’environnement et la société. Au-delà des investisseurs institutionnels, les banques publiques de développement sont également appelées à travailler plus étroitement avec les organisations philanthropiques, les organisations de la société civile, et les régulateurs (tels que le réseau des banques centrales et superviseurs pour le verdissement du système financier). </p>
<p>Ces différents enjeux, parmi tant d’autres, ont conduit à la création du mouvement Finance en Commun, initié en 2020 par l’AFD. En rassemblant l’ensemble des banques publiques de développement, <a href="https://financeincommon.org/">Finance en Commun</a> vise à accroître les échanges d’expérience et l’expertise de ces institutions. Dans le même temps, l’inclusion dans un réseau structuré permet aux banques publiques de développement de gagner en visibilité sur la scène internationale, avec pour but de catalyser davantage de financements en faveur des Objectifs de développement durable des Nations unies.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/205523/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Florian Léon a reçu des financements indirects via son institution de rattachement (FERDI) de l'Agence Française de Développement dans le cadre de ses travaux sur les banques de développement. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Jean-Baptiste Jacouton est chargé de recherche à l'Agence Française de Développement. </span></em></p>Ces institutions, dont l’intervention reste précieuse en cas de choc économique, sont aujourd’hui appelées à adopter une vision plus proactive que réactive.Florian Léon, Chargé de recherche, Fondation pour les Etudes et Recherches sur le Développement International (FERDI); Chercheur associé au CERDI (UMR UCA-CNRS-IRD), Université Clermont Auvergne (UCA)Jean-Baptiste Jacouton, Chargé de recherche, Agence française de développement (AFD)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2065522023-05-26T16:31:46Z2023-05-26T16:31:46ZDéfaut de paiement aux États-Unis : un enjeu plus politique qu’économique<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/528649/original/file-20230526-15-b73e42.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=7%2C0%2C1689%2C1071&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">L’exécutif américain sera-t-il autorisé à dépasser le plafond de la dette américaine, aujourd'hui fixé à 31 400 milliards de dollars (29 135 milliards d’euros) ?</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/stephenmelkisethian/10320387414">Flickr/Stephen Melkisethian</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Les marchés financiers ont aujourd’hui les yeux rivés sur le calendrier, et plus précisément sur la date du 1<sup>er</sup> juin prochain. À cette échéance, les <a href="https://theconversation.com/topics/etats-unis-20443">États-Unis</a> pourraient se retrouver en situation de défaut de paiement, c’est-à-dire dans l’incapacité à rembourser leurs emprunts. En cause : le plafond de la <a href="https://theconversation.com/topics/dette-20647">dette</a> qui désigne la somme, fixée par les parlementaires, que l’exécutif est autorisé à emprunter. Actuellement, ce plafond est fixé à <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2023/05/23/les-etats-unis-face-a-la-menace-du-defaut-de-paiement-cinq-questions-sur-le-plafond-de-la-dette_6174491_3210.html">31 400 milliards de dollars (29 135 milliards d’euros)</a>, un montant que les États-Unis ont atteint le 1<sup>er</sup> janvier dernier. Depuis, seules des mesures d’urgence ont permis de débloquer de nouveaux fonds.</p>
<p>Dans l’arène politique américaine, le plafond de la dette est devenu une sorte de <a href="https://www.degruyter.com/document/doi/10.1051/978-2-7598-2244-7.c030/html">« jeu de la poule mouillée »</a> entre démocrates et républicains, un terme emprunté à la théorie des jeux. Il désigne un dilemme de négociation dans lequel chacun des partis préfère ne pas céder, au risque d’un résultat mutuellement défavorable, car le premier à céder apparaît faible. Compte tenu des enjeux critiques que le plafond de la dette représente, chaque parti tente <a href="https://www.npr.org/2021/10/22/1048493458/two-indicators-congressional-game-theory-and-the-debt-ceiling">d’obtenir des concessions</a> significatives de l’autre qui voudrait éviter les conséquences potentiellement catastrophiques d’un défaut américain. Un <a href="https://www.lesechos.fr/monde/etats-unis/plafond-de-la-dette-americaine-un-accord-politique-se-dessine-1946752">accord semble se dessiner</a>, mais dans le climat politique polarisé actuel, il y a une prime à paraître le plus idéologiquement pur possible, ce qui rend tout compromis difficile dans ce bras de fer entre <a href="https://theconversation.com/topics/joe-biden-69955">Joe Biden</a> et ses opposants républicains.</p>
<p>Pris dans cette impasse, les démocrates sont tentés d’invoquer le <a href="https://www.lexpress.fr/monde/amerique/dette-aux-etats-unis-pourquoi-le-14e-amendement-pourrait-sauver-le-pays-YREE7NCWZZE2LF54VWNJVV5LMI/">14ᵉ amendement de la Constitution américaine</a>. Celui-ci, adopté en 1868, contient une clause, souvent appelée la « clause de la dette publique », qui stipule que « la validité de la dette publique des États-Unis […] ne sera pas remise en question ». Certains l'interprètent comme donnant au président le pouvoir de contourner le Congrès et de lever unilatéralement le plafond de la dette.</p>
<h2>Éviter la crise maintenant et la subir plus tard ?</h2>
<p>Cette lecture reste cependant très contestée et pourrait donner lieu à des litiges juridiques. Si cette bataille politique devenait juridique, il est fort à parier qu’elle s’inscrirait alors dans le temps long, ce qui contribuerait à davantage de confusion autour de la capacité de l’État fédéral américain à rembourser sa dette. Cela ne serait pas de nature à rassurer les marchés financiers habituellement à la recherche de prévisibilité.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1661878334408515585"}"></div></p>
<p>Il est aussi important de rappeler qu’une telle approche n’est pas sans risque politique. L’histoire récente offre un exemple éloquent des retombées potentiellement négatives de ce genre de stratégie. En 2013, sous la direction de Harry Reid, démocrate du Nevada qui était alors leader de la majorité au Sénat, les <a href="https://www.politico.com/story/2013/11/harry-reid-nuclear-option-100199">règles dans l’aile nord du Capitole ont été modifiées</a>. L’idée était de permettre la confirmation des juges fédéraux par une simple majorité, à l’exception des juges de la Cour suprême. Cette manœuvre, connue sous le nom de « <em>nuclear option</em> », a finalement eu des conséquences indésirables. En 2017, les républicains ont utilisé ce précédent pour étendre la règle de la majorité simple <a href="https://rollcall.com/2020/10/15/if-you-dont-like-the-supreme-court-blame-harry-reid/">aux juges de la Cour suprême</a>. Tant qu’ils détenaient cette majorité, ils ont pu transformer la composition de la plus haute juridiction.</p>
<p>Si les démocrates devaient adopter une approche semblable avec le 14<sup>e</sup> amendement et la question du plafond de la dette, ils pourraient se retrouver dans une situation similaire. Bien que cette stratégie puisse permettre d’éviter une crise immédiate, elle pourrait également ouvrir la porte à un usage homologue du 14<sup>e</sup> amendement par un futur président républicain au détriment du processus démocratique et de la consultation politique que les démocrates de l’opposition voudraient privilégier alors. Dans ce contexte, il est donc crucial que les dirigeants politiques pèsent soigneusement les conséquences à long terme de leurs actions, au-delà de la crise actuelle.</p>
<p>On peut imaginer qu’un accord entre républicains et démocrates sera trouvé <em>in extremis</em>, comme cela a souvent été le cas lors des crises précédentes. L’histoire récente peut même nous éclairer sur les caractéristiques majeures de cet accord : il sera probablement modeste et repoussera le plafond de la dette à un niveau suffisamment élevé pour éviter la crise à court terme et permettre à l’ensemble de la classe politique de se concentrer sur d’autres sujets… jusqu’à ce que le nouveau plafond soit atteint. C’est dans ce contexte que l’on peut comprendre le calme relatif des marchés financiers qui semblent <a href="https://edition.cnn.com/2023/05/24/business/debt-ceiling-stock-market/index.html">ignorer</a> la crise politique pour le moment.</p>
<h2>Mais si les États-Unis faisaient quand même défaut ?</h2>
<p>Il convient cependant de se demander combien de temps ce « jeu de la poule mouillée » peut continuer et si ce contexte peut justement favoriser un accident de paiement qui surviendrait à la suite d’une crise politique majeure et inédite.</p>
<p>En effet, les États-Unis n’ont jamais fait défaut sur leur dette de manière volontaire, si bien qu’un tel scénario reste difficile à décrire tant ses effets seraient sans précédent. Selon les <a href="https://www.npr.org/2023/05/21/1177203159/debt-limit-ceiling-default-wall-street-biden-mccarthy-economy">estimations de la banque UBS</a>, l’indice boursier S&P pourrait perdre 20 %. Une telle chute précipiterait une récession, notamment par le biais d’une baisse de la consommation des ménages américains – le fameux <a href="https://www.en-bourse.fr/boursopedia/effet-de-richesse-en-bourse-wealth-effect/">« effet richesse »</a> de la bourse qui explique que le niveau de consommation d’un agent suit le niveau de son patrimoine. D’après l’analyse de l’agence de notation Moody’s, reprise par la Maison Blanche comme argument supplémentaire dans ce bras de fer, un défaut pourrait notamment ralentir la croissance réelle américaine, détruire deux millions d’emplois et augmenter les taux d’intérêt que le pays doit payer sur sa dette.</p>
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<p>Un défaut pourrait aussi conduire à une récession mondiale à court terme et à des turbulences significatives sur les marchés de commodité, comme celui du pétrole, qui sont étroitement liés au dollar qui s’affaiblirait mécaniquement. C’est aussi la crédibilité financière américaine qui pourrait être <a href="https://www.thomsonreuters.com/en-us/posts/international-trade-and-supply-chain/global-trade-impacts-default/">remise en question</a>, compte tenu du rôle prédominant de sa devise dans le commerce international. Si les autres pays cherchaient à réduire leur dépendance sur les États-Unis, les échanges internationaux pourraient être ralentis et le commerce mondial davantage fragmenté.</p>
<p>Ce scénario est d’autant plus paradoxal que les fondamentaux économiques américains restent solides, compte tenu du dynamisme de l’activité économique du pays et de son marché du travail. En 2011, l’agence de notation S&P, pour justifier sa décision de dégrader la note souveraine des États-Unis, a fait part de ses doutes concernant « l’efficacité, la stabilité et la prévisibilité de la prise de décision politique américaine ». Critiquée à l’époque pour ne pas avoir suivi sa mission d’analyse des fondamentaux économiques, l’agence avait peut-être proposé une analyse annonciatrice de l’interférence accrue du politique dans l’économique, avec les conséquences que nous vivons aux États-Unis à l’heure actuelle.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/206552/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jeremy Ghez ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Ce qui se passe aux États-Unis ressemble à ce que la théorie économique a nommé « jeu de la poule mouillée » : aucun parti ne veut céder pour ne pas paraître faible, quitte à frôler le pire.Jeremy Ghez, Professor of Economics and International Affairs, HEC Paris Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2036122023-04-12T21:46:44Z2023-04-12T21:46:44ZCrise bancaire : « cette fois c’est différent »… ou pas ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/520305/original/file-20230411-20-phj7w.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=6%2C0%2C1016%2C682&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Plusieurs établissements comme la First Republic Bank qui connaissent de sérieux déboires : pas de quoi s'inquiéter ? </span> <span class="attribution"><span class="source">Spencer Platt / Getty Images via AFP</span></span></figcaption></figure><p><a href="https://journalducoin.com/economie/silvergate-annonce-sa-liquidation-le-marche-crypto-accuse-le-coup/">Silvergate Bank</a> le 9 mars, Silicon Valley Bank (SVB) le 10 mars, <a href="https://www.lecho.be/entreprises/banques/signature-bank-troisieme-plus-grosse-faillite-bancaire-americaine/10453374.html">Signature Bank</a> le 12 mars, First Republic le 16 mars… quatre faillites ou presque en sept jours de quatre <a href="https://theconversation.com/fr/topics/banque-22013">banques</a> régionales des États-Unis auxquelles s’ajoute la reprise à la hâte du Credit Suisse. Le nombre aussi bien que l’enchaînement de ces faillites laisserait-il présager de nouvelles heures sombres pour l’industrie financière et de nouvelles répercussions pour le reste de l’économie ?</p>
<p>En octobre 2009, quelques mois après le déclenchement de la crise des <em>subprimes</em> et la faillite de Lehman Brothers, Carmen Reinhart et Kenneth Rogoff, deux des économistes les plus influents dans le monde, publiaient un ouvrage intitulé <a href="https://www.lafinancepourtous.com/outils/bibliotheque/cette-fois-c-est-different/"><em>Cette fois, c’est différent. Huit siècles de folie financière</em></a>. Ils y défendaient l’idée qu’avant chaque crise financière émergeait, face à des risques pourtant visibles, une tendance à se rassurer en se disant que les leçons du passé avaient été tirées et que rien de catastrophique ne se produirait. Pourtant, à chaque fois, ce fut chômage et endettement élevés.</p>
<p>Quelques heures après la faillite de la SVB, le ministre de l’Économie, Bruno le Maire se disait <a href="https://www.ouest-france.fr/economie/banques-finance/faillite-de-la-silicon-valley-bank-bruno-le-maire-assure-que-la-france-est-a-labri-2663a9ac-c188-11ed-aad2-778331a86007">tranquille</a>, sûr de la solidité du système français dont les établissements agissent de manière diversifiée. « Ce qui s’est passé aux États-Unis est très singulier » affirmait-il. Au-delà de ces propos, au moment où le cours de l’or, valeur refuge, atteint des <a href="https://www.france24.com/fr/%C3%A9missions/info-%C3%A9co/20230410-la-crise-bancaire-provoque-une-nouvelle-ru%C3%A9e-vers-l-or">sommets</a>, des similitudes avec les crises passées invitent à la prudence et à ne pas affirmer trop rapidement que « cette fois, c’est différent ».</p>
<h2>De bulle en bulle</h2>
<p>De manière générale, une crise financière se caractérise par un cycle en <a href="https://www.cairn.info/revue-economie-internationale-2010-2-page-57.htm">deux phases</a> : une période d’expansion puis une récession, le point de départ étant la résolution de la crise précédente. À ce moment, les cartes semblent avoir été redistribuées afin de réduire la probabilité qu’un tel évènement ne se reproduise à l’avenir.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/faillite-de-la-silicon-valley-bank-pourquoi-les-risques-dune-nouvelle-crise-financiere-restent-limites-201650">Faillite de la Silicon Valley Bank : pourquoi les risques d’une nouvelle crise financière restent limités</a>
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<p>Cela passe souvent, et ce fut le cas lors de la dernière décennie, par un ajustement des politiques fiscale, via une hausse des dépenses du gouvernement par exemple, et monétaire avec un assouplissement des conditions d’emprunts et une baisse des taux d’intérêt directeurs. L’objectif premier est de réduire au maximum les conséquences de la crise financière (<em>Wall Street</em>) sur le reste de l’économie (<em>Main Street</em>). Néanmoins, l’abondance de liquidités combinée avec un accès au crédit plus facile alimente une nouvelle bulle de crédit, première cause d’une crise financière.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/520302/original/file-20230411-20-2tobcl.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/520302/original/file-20230411-20-2tobcl.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/520302/original/file-20230411-20-2tobcl.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=375&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/520302/original/file-20230411-20-2tobcl.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=375&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/520302/original/file-20230411-20-2tobcl.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=375&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/520302/original/file-20230411-20-2tobcl.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=471&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/520302/original/file-20230411-20-2tobcl.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=471&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/520302/original/file-20230411-20-2tobcl.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=471&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">La tulipomania a été tournée en dérision par Jan Brueghel le jeune dans les années 1640.</span>
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<p>S’y associe généralement un engouement des marchés financiers pour un actif spécifique, qui commence à capter une grande majorité des liquidités nouvellement disponibles. Cela favorise le développement d’une <a href="https://www.lesechos.fr/idees-debats/editos-analyses/svb-une-nouvelle-faillite-bancaire-previsible-1916018">bulle de prix</a> sur cet actif en particulier et une spécialisation des acteurs du marché (institutions financières et investisseurs). Les investissements se concentrent alors dans un secteur au détriment d’autres opportunités d’investissement. Il s’agissait de l’immobilier en 2008 lors de la crise des <em>subprimes</em>, des nouvelles technologies en 2000 lors de la bulle Internet. En 1637, l’attention des investisseurs s’est portée sur le bulbe d’une tulipe, un épisode que l’on a nommé <a href="https://www.louvrelens.fr/mon-louvre-lens/tulipomania-ou-quand-les-tulipes-rendent-fou-un-recit-deleonore/">« tulipomania »</a>. À cette époque, l’engouement était tel qu’un bulbe a pu valoir jusque l’équivalent de deux belles maisons bourgeoises à Amsterdam.</p>
<p>En se focalisant sur un seul actif, les portefeuilles se trouvent de moins en moins diversifiés. C’est pourtant la première des sécurités face au risque qu’un problème survienne sur un marché en particulier.</p>
<h2>La valse réglementation – dérégulation</h2>
<p>La mise en place de nouvelles réglementations ou la suppression de celles existantes compte parmi les autres outils destinés à diminuer les risques et à éviter la reproduction des erreurs du passé. Dans un contexte de ruée aux guichets, une solution mise en avant est la <a href="https://theconversation.com/garantir-les-depots-bancaires-de-facon-illimitee-une-nouvelle-arme-contre-les-crises-202278">garantie des dépôts</a> : pas besoin de se précipiter pour retirer ses fonds quand on les sait protégés et cela évite aux établissements bancaires de s’effondrer dans un mouvement de panique.</p>
<p>Actuellement plafonnée, certains ont proposé de la rendre <a href="https://www.capital.fr/economie-politique/des-banques-americaines-demandent-une-protection-des-depots-de-leurs-clients-1463357">illimitée</a>. Une telle garantie réduirait cependant la vigilance des épargnants quant à l’utilisation de leurs fonds par la banque, qui peut ainsi être incitée à prendre davantage de risques. Changer les règles peut ainsi s’avérer contre-productif.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/520299/original/file-20230411-917-hzuvnf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/520299/original/file-20230411-917-hzuvnf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/520299/original/file-20230411-917-hzuvnf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=902&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/520299/original/file-20230411-917-hzuvnf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=902&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/520299/original/file-20230411-917-hzuvnf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=902&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/520299/original/file-20230411-917-hzuvnf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1133&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/520299/original/file-20230411-917-hzuvnf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1133&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/520299/original/file-20230411-917-hzuvnf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1133&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<p>La <a href="https://theconversation.com/la-deregulation-bancaire-aux-etats-unis-a-t-elle-ressuscite-les-ruees-bancaires-202698">dérèglementation</a> dans les années 1980 aux États-Unis avait permis aux caisses d’épargne, dont le cœur de métier était les dépôts, les crédits et les hypothèques, d’investir dans des actifs assez éloignés de leur cœur de métier. L’objectif était de rendre les activités de ces institutions plus flexibles que ce que le cadre réglementaire instauré après la Grande dépression des années 1930 le permettait. La course à la recherche de rendements de plus en plus élevés, issus d’activités de plus en plus risquées, était lancée. La fin fut cruelle : sur les 4 000 établissements recensés en 1980, 563 ont fait faillite à la fin de la décennie.</p>
<p>Ce n’est pas sans rappeler la situation actuelle : le <em>Economic Growth, Regulatory Relief and Consumer Protection Act</em> de 2018 a relâché les réglementations introduites après la crise des <em>subprimes</em> en faisant grimper le seuil définissant ce qu’est une banque systémique, et les exigences qu’il implique, de 50 à 250 milliards de dollars.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/la-deregulation-bancaire-aux-etats-unis-a-t-elle-ressuscite-les-ruees-bancaires-202698">La dérégulation bancaire aux États-Unis a-t-elle ressuscité les ruées bancaires ?</a>
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<p>Parmi les soutiens de la mesure <a href="https://www.theguardian.com/business/2023/mar/11/silicon-valley-bank-weaken-risk-regulations-svb">on retrouvait Greg Backer</a>, CEO de la Silicon Valley Bank, concerné par le changement de ces règles, qui lui offrait plus de souplesse dans ses activités.</p>
<h2>L’innovation, source de progrès mais aussi d’incertitude</h2>
<p>On remarque également que les crises surviennent souvent après une période de forte innovation, technologique et financière. Toute phase de croissance s’accompagne d’une phase propice au développement des innovations financières entre autres. Il y a eu l’essor des produits dérivés et le début de la titrisation à la fin des années 1970, ou le développement massif du <em>trading</em> à haute fréquence grâce aux avancées technologiques du début du XX<sup>e</sup> siècle.</p>
<p>Certes, l’innovation conduit à des progrès notables à tous les niveaux mais elle apporte aussi son lot d’incertitudes quant à l’évolution de l’économie, de la réglementation, des comportements des opérateurs et de ce qu’elle implique sur les marchés.</p>
<p>En 2023, les progrès exceptionnels des technologies numériques, surtout après la crise sanitaire, apportent autant d’opportunités nouvelles que de risques. Elles ont attiré des capitaux énormes de la part des financeurs divers, une manne de liquidités qui a trouvé une niche profitable et nouvelle, peut-être aussi moins régulée que d’autres.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1638822580994932737"}"></div></p>
<p>La digitalisation contribue cependant aussi à accélérer la transmission des informations, qu’elles soient vraies ou fausses, avec pour conséquence non seulement d’augmenter la volatilité sur les marchés financiers pour les professionnels mais aussi de générer des paniques parmi les particuliers. Ces phénomènes de panique, couplés aux possibilités de retrait instantané en ligne dans une base de clients très concentrée comme celle des investisseurs de la SVB ont conduit au <em>swipe crash</em> de cette dernière.</p>
<p>Le scénario final de ces phénomènes est écrit d’avance : dans un système de plus en plus complexe et opaque où l’information circule, où les acteurs du marché manquent d’expertise ou de temps pour évaluer correctement les situations, le risque systémique s’accroît à cause de la concentration des investissements dans un secteur particulier et la perte de confiance de l’ensemble des acteurs conduit à des faillites.</p>
<p>La suite semble, elle aussi, assez classique : <a href="https://www.capital.fr/economie-politique/faillite-de-svb-la-fed-a-prete-12-milliards-de-dollars-aux-banques-en-quatre-jours-1463276">intervention des banques centrales et des gouvernements</a> pour ajuster les politiques fiscale et monétaire et tenter d’enrayer la crise avant qu’elle ne se <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0264999313002447">propage</a> en dehors de la sphère financière…</p>
<p>Dans la littérature économique et financière, on évoque régulièrement la mémoire courte des marchés. La mise en place de nouvelles règles, des opportunités économiques nouvelles créées par l’innovation donnent l’illusion que le présent est différent du passé. On en vient à oublier les leçons du passé, et à penser que cette fois le cadre est tellement bien défini qu’il ne pourra pas craquer, voire à sous-estimer les risques, surtout dans une période d’euphorie où l’optimisme des investisseurs affecte leur vigilance. Aujourd’hui aussi, il semble bien délicat d’affirmer : <a href="https://www.nber.org/papers/w13882">« Cette fois c’est différent »</a>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/203612/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Dérégulation, engouement pour des actifs spécifiques, innovation… De nombreux éléments identifiés par le passé invitent à la prudence au moment de minimiser la portée des événements bancaires récents.Aurore Burietz, Professeur de Finance, LEM-CNRS 9221, IÉSEG School of ManagementLoredana Ureche-Rangau, Professeur des Universités en Sciences de Gestion, spécialisation Finance, Université de Picardie Jules Verne (UPJV)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2026982023-03-28T19:31:51Z2023-03-28T19:31:51ZLa dérégulation bancaire aux États-Unis a-t-elle ressuscité les ruées bancaires ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/517758/original/file-20230327-22-z8sxr8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=44%2C0%2C1135%2C885&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Silicon Valley Bank, qui a fait faillite début mars, était parmi les banques ayant la plus grosse part d’actifs financés par des dépôts non garantis.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/196993421@N03/52740131461">Alpha Photo/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p><a href="https://www.nytimes.com/2023/03/13/opinion/elizabeth-warren-silicon-valley-bank.html">Elizabeth Warren, sénatrice démocrate américaine, l’affirme sans détour</a> : ce sont les atteintes à la régulation financière, sous les coups portés par la <a href="https://www.congress.gov/bill/115th-congress/senate-bill/2155">loi votée en 2018</a>, qui ont conduit au retour des faillites bancaires aux États-Unis (Signature, SVB, Silvergate). Après la crise financière de 2007-2008, la loi Dodd-Frank de 2010, votée sous la législature du président Barack Obama, avait en effet institué des règles destinées à prémunir le système bancaire, et avec lui l’ensemble de l’économie, contre de semblables désastres.</p>
<p>En vertu de la <a href="https://crsreports.congress.gov/product/pdf/IN/IN10840/4">loi Dodd-Frank</a>, les banques ayant plus de 50 milliards d’actifs étaient soumises à un contrôle renforcé (titre I de la loi) : elles devaient chaque année effectuer un test de résilience (<a href="https://www.federalreserve.gov/supervisionreg/stress-tests-capital-planning.htm"><em>stress test</em></a>), conduit non pas en interne, mais par la banque centrale américaine, la <a href="https://theconversation.com/fr/topics/reserve-federale-etats-unis-120711">Réserve fédérale (Fed)</a>. Ces tests visent à s’assurer que la banque examinée détient suffisamment de fonds propres (les fonds apportés par les actionnaires et les bénéfices non distribués sous forme de dividendes) pour faire face à une détérioration des conditions macroéconomiques et financières compte tenu de son profil de risque spécifique.</p>
<p>La nature de la situation virtuelle à laquelle la <a href="https://theconversation.com/fr/topics/banque-22013">banque</a> doit se montrer capable de résister dépend des hypothèses <a href="https://www.federalreserve.gov/publications/2023-Stress-Test-Scenarios.htm">envisagées par la Fed</a> dans ses scénarios annuels. Les banques de cette taille devaient également respecter des ratios de liquidité, à savoir détenir un nombre suffisant d’actifs liquides, dits de haute qualité (dont la valeur est estimée relativement sûre), pour faire face à des fuites de liquidités. Mais la loi de 2018, suivie d’une <a href="https://www.occ.treas.gov/news-issuances/bulletins/2019/bulletin-2019-52.html">règlementation fédérale de 2019</a>, sont revenues partiellement sur la loi Dodd-Frank, conformément aux <a href="https://www.nytimes.com/2017/01/30/us/politics/trump-dodd-frank-regulations.html">promesses électorales de Donal Trump</a>.</p>
<p>La loi de 2018 a notamment relevé le seuil à partir duquel les banques sont considérées comme étant d’importance systémique de 50 à 250 milliards de dollars d’actifs (<a href="https://www.banking.senate.gov/about/key-issues/the-economic-growth-regulatory-relief-and-consumer-protection-act">section 401</a>). Fin 2015, <a href="https://crsreports.congress.gov/product/pdf/IN/IN10840/4">27 banques américaines et 12 filiales étrangères</a>, soit 39 au total, se trouvaient au-dessus du seuil de 50 milliards contre seulement 12 au-dessus de 250 milliards.</p>
<p>La dérégulation de 2018 a ainsi permis aux deux tiers des banques de se soustraire aux tests de résilience annuels de la Fed. Parmi elles, Silicon Valley Bank (SVB), l’une des banques au cœur de la tourmente, qui <a href="https://www.svb.com/newsroom/facts-at-a-glance">au dernier trimestre 2022</a> totalisait <em>212</em> milliards d’actifs !</p>
<p>En faillite, puis <a href="https://www.francetvinfo.fr/economie/etats-unis-la-banque-en-faillite-silicon-valley-bank-rachetee-par-first-citizens_5735273.html">rachetée le 26 mars par la banque américaine First Citizens</a>, SVB aurait-elle pu l’éviter si elle n’avait pas échappé à la régulation renforcée ?</p>
<h2>Prêts « illiquides »</h2>
<p>Pour répondre, il faut d’abord rappeler que SVB opère, comme toute banque, ce que l’on appelle une transformation d’échéances : elle prête à long terme l’argent qu’on lui prête à court terme. Plus précisément, elle recueille des dépôts à court terme, qui peuvent en principe être réclamés à tout instant par les déposants, et de ce fait, qualifiés de parfaitement « liquides », pour investir dans des prêts (à l’État, aux entreprises) qui s’inscrivent dans le long terme.</p>
<p>Ces prêts sont « illiquides », c’est-à-dire que la banque ne peut pas nécessairement récupérer l’intégralité de la somme investie à tout moment. Et ce même lorsqu’il s’agit de titres, comme les bons du Trésor américain. En effet, le prix, que la banque peut obtenir à l’instant où elle a besoin de récupérer sa mise, est sujet aux fluctuations du marché et peut ainsi être inférieur à celui auquel elle les a achetés.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1640249512777117696"}"></div></p>
<p>Ainsi, la raison d’être des banques est aussi l’essence même de leur fragilité, les exposant au risque de ruée bancaire (<em>bank run</em>). Si les déposants décident de tous retirer leur argent au même instant, toute banque, même la plus rentable, fera mécaniquement faillite, car elle ne peut récupérer l’intégralité de ce qu’elle a investi dans des actifs par nature illiquides, puisque de long terme.</p>
<p>Toutes les banques sont ainsi par nature à la merci d’une panique, si, pour une raison ou une autre, les déposants perdent soudain confiance en leur institution. C’est un principe assez simple que les économistes américains <a href="https://www.jstor.org/stable/1837095">Douglas Diamond et Philip Dybvig</a>, co-lauréats du prix « Nobel » d’économie 2022, avaient déjà expliqué dans les années 1980. Et surtout, il s’agit d’un phénomène très ancien : à la fin du XIX<sup>e</sup> siècle et au début du XX<sup>e</sup>, après la période d’expansion économique dite de l’âge d’or (<em>gilded age</em>), plusieurs ruées bancaires avaient secoué le système bancaire américain et débouché, après la panique de 1907, sur la création de la Fed en 1913 pour assurer le bon fonctionnement du système bancaire.</p>
<h2>SVB : Plus de 90 % des dépôts non garantis</h2>
<p>Exiger d’une banque qu’elle soit en mesure de rembourser tous ses déposants au même moment reviendrait à lui demander de ne pas remplir sa fonction de banque. C’est pour cela qu’a été instaurée en 1933 aux États-Unis, bien plus tard en <a href="https://www.garantiedesdepots.fr/fr/a-propos-du-fgdr/histoire-du-FGDR">France, en 1999</a> seulement, en application d’une <a href="https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/HTML/?uri=CELEX:31994L0019">directive européenne de 1994</a>, une assurance des dépôts par l’État.</p>
<p>Le principe est simple : l’État, par l’intermédiaire de fonds de garantie, s’engage à rembourser les déposants quoiqu’il arrive, de sorte que ces derniers n’ont pas de raison de paniquer et de tous retirer au même moment leurs fonds. Mais l’assurance des dépôts est limitée : à 250 000 dollars aux États-Unis et 100 000 euros, par déposant et par banque, en France.</p>
<p>Or en mars 2023, juste avant sa faillite, <a href="https://siepr.stanford.edu/publications/monetary-tightening-and-us-bank-fragility-2023-mark-market-losses-and-uninsured">92,5 % du montant des dépôts de SVB n’était pas garanti</a>. SVB était donc considérablement exposée au risque de ruée bancaire. À cette fragilité particulière, s’ajoutait une problématique de rentabilité : la banque avait investi l’argent de ses déposants dans des actifs dont la valeur s’était effondrée avec la hausse du taux directeur de la Fed, passé entre janvier 2022 et mars 2023 de <a href="https://www.global-rates.com/fr/taux-de-interets/banques-centrales/banque-centrale-americaine/taux-de-fed.aspx">0,5 % à 4,75 %</a>.</p>
<p><iframe id="AkVL7" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/AkVL7/2/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>La hausse du taux d’intérêt à court terme entraîne en effet une baisse du prix des actifs de long terme, devenus moins attractifs. De nombreuses autres banques américaines se trouvent cependant dans une situation similaire à celle de SVB, voire encore moins rentables : évaluées au prix de marché, c’est-à-dire si elles devaient vendre leurs actifs aujourd’hui, <a href="https://siepr.stanford.edu/publications/monetary-tightening-and-us-bank-fragility-2023-mark-market-losses-and-uninsured">11 % d’entre elles</a> subiraient des pertes plus importantes que celles de SVB. Aussi, si seules les pertes potentielles étaient en cause, plus de <a href="https://siepr.stanford.edu/publications/monetary-tightening-and-us-bank-fragility-2023-mark-market-losses-and-uninsured">500 autres banques américaines auraient également fait faillite</a>. Mais dans le cas de SVB, ce sont ses pertes potentielles combinées à sa forte exposition au risque de ruée bancaire (en raison de la part de dépôts non garantis) qui ont conduit à sa faillite.</p>
<p>En effet, lorsque le <a href="https://ir.svb.com/news-and-research/news/news-details/2023/SVB-Financial-Group-Announces-Proposed-Offerings-of-Common-Stock-and-Mandatory-Convertible-Preferred-Stock/default.aspx">8 mars, SVB a annoncé</a> une perte de 1,8 milliard de dollars, après une vente d’actifs, révélant la faiblesse de sa stratégie d’investissement, ses déposants non assurés ont paniqué et retiré, le <a href="https://dfpi.ca.gov/wp-content/uploads/sites/337/2023/03/DFPI-Orders-Silicon-Valley-Bank-03102023.pdf">9 mars, 42 milliards</a> de dollars de leurs comptes. Résultat, ce jour-là la trésorerie de SVB passait en territoire négatif (958 millions) et la faillite était actée. Le fonds de garantie des dépôts américains, le FDIC, a alors annoncé une mesure d’urgence : <a href="https://www.fdic.gov/news/press-releases/2023/pr23019.html">l’assurance de l’intégralité des dépôts de SVB</a>, y compris ceux dépassant le seuil des 250 000 dollars.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/garantir-les-depots-bancaires-de-facon-illimitee-une-nouvelle-arme-contre-les-crises-202278">Garantir les dépôts bancaires de façon illimitée : une nouvelle arme contre les crises ?</a>
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<h2>Le scénario de hausse des taux négligé</h2>
<p>Les tests de résilience ont davantage pour objectif d’évaluer la solvabilité d’une banque que de minimiser le risque de ruée bancaire, qui a trait à la liquidité. Bien sûr, dans les faits, solvabilité et liquidité sont intimement liées, puisque des déposants inquiets de la solvabilité de leur banque peuvent se ruer à son guichet, et en précipiter la chute, alors que cette banque se serait finalement révélée solvable s’ils n’avaient pas perdu confiance. Les résultats des tests de résilience sont rendus publics sous la forme de note : ils peuvent donc conduire les banques à modifier leur gestion d’actif sous la pression des marchés, exerçant une forme de discipline. Selon l’issue du test, la Fed peut en outre augmenter le ratio de fonds propres exigé de la banque concernée.</p>
<p>La stratégie de SVB aurait pu être amendée si un test de résilience conduit par la Fed avait mis en lumière la fragilité de ses investissements face à une montée possible des taux courts, et ce suffisamment tôt. Mais la pertinence des tests est intrinsèquement liée à la nature des hypothèses retenues par la Fed.</p>
<p>Or les scénarios établis (pour les banques concernées) lors des <a href="https://www.federalreserve.gov/newsevents/pressreleases/files/bcreg20220210a1.pdf">tests de résilience de 2022</a> ont largement <a href="https://www.wsj.com/articles/stress-testing-wouldnt-have-saved-silicon-valley-bank-fomc-federal-reserve-treasury-bank-run-signature-bank-1573ab77?mod=Searchresults_pos3&page=1">négligé les risques liés à la hausse des taux</a> : les scénarios prévus ne reflétaient pas la politique monétaire de la Fed ! Certes, la Fed a <a href="https://www.nytimes.com/2023/03/19/business/economy/fed-silicon-valley-bank.html">multiplié les alertes</a> informelles (sous la forme de <em><a href="https://www.federalreserve.gov/supervisionreg/srletters/sr1313a1.pdf">« matter requiring attention »</a></em>) auprès des dirigeants de SVB sur les fragilités de leur banque et s’était opposée à des acquisitions qui auraient permis à la banque de croître davantage. Mais ces alertes tardives, et qui ne sont pas rendues publiques, n’ont pu empêcher la crise.</p>
<p>Autre régulation possible, les <a href="https://www.occ.treas.gov/topics/supervision-and-examination/capital-markets/balance-sheet-management/liquidity/liquidity-coverage-ratio-final-rule.html">ratios de liquidité</a>. Mais ceux-ci s’imposent désormais à <em>certaines</em> banques seulement, la <a href="https://www.occ.treas.gov/news-issuances/bulletins/2019/bulletin-2019-52.html">règlementation fédérale de 2019</a> ayant permis à de nombreuses banques d’y échapper. Dans le cas de SVB, au motif que <a href="https://www.ft.com/content/c95e7708-b903-405d-a017-963844eb3dc3">sa part de déposants institutionnels de grande taille (<em>wholesale funding</em> qui n’inclut pas les dépôts effectués par des entreprises telles que les déposants de SVB) n’atteignait pas le seuil requis</a>.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/faillite-de-la-silicon-valley-bank-pourquoi-les-risques-dune-nouvelle-crise-financiere-restent-limites-201650">Faillite de la Silicon Valley Bank : pourquoi les risques d’une nouvelle crise financière restent limités</a>
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<p>De même que pour les tests de résilience, le calcul de ratios de liquidité implique certaines hypothèses : les banques doivent disposer de suffisamment d’actifs liquides pour être en mesure de résister à 30 jours de crise de liquidité. Or le montant des sorties nettes de trésorerie susceptibles de survenir lors de ces scénarios de crises est difficile à apprécier.</p>
<p>L’économiste américain <a href="https://econbrowser.com/archives/2023/03/svb-sifis-dodd-frank-egrrcpa-hqla-and-the-lcr">James Hamilton</a> estime toutefois que SVB n’aurait pas satisfait cette condition dès lors que l’on aurait estimé que 30 % de ses dépôts non garantis étaient susceptibles d’être retirés. Ainsi, bien que par nature impuissants à totalement éliminer le risque de ruée bancaire, les ratios de liquidité auraient pu révéler les fragilités naissantes de SVB <em>avant</em> que celle-ci n’atteigne une telle part de dépôts non garantis.</p>
<p>Toutefois, ratio de liquidité comme test de résilience dépend de la capacité des autorités à définir des scénarios de crise pertinents, par nature hasardeux. En revanche, il aurait été possible de s’attaquer à l’extrême dépendance de SVB aux dépôts non garantis à l’aide d’une règle simple. Dans la perspective de limiter le risque de ruée bancaire ou sa gravité, plusieurs options seraient en effet possibles : par exemple, augmenter le plafond de garantie des dépôts au-delà des 250 000 dollars, assurer au coup par coup les dépôts en principe non garantis comme le FDIC l’a fait avec SVB, mais aussi à plusieurs reprises <a href="https://www.americanbanker.com/opinion/will-fdic-keep-protecting-failed-banks-uninsured-deposits">lors de la crise de 2007-2008</a>, ou bien encore limiter la part de dépôts non garantis que les banques sont autorisées à recevoir.</p>
<p>Les deux premières solutions sont coûteuses pour le contribuable qui assume alors les pertes en cas de crise, tandis que les gains éventuels ont été captés par ces gros déposants et les banques qui n’en supportent pas les risques.</p>
<p>Reste donc la troisième, à la fois économe pour les finances publiques, et simple à mettre en œuvre, et donc moins sujette aux erreurs d’appréciation d’un régulateur : ajouter une règle qui limite la part des dépôts non garantis dans le financement des banques. Il faut dire que peu de banques se trouvent dans une situation aussi extrême que SVB, qui était parmi les <a href="https://siepr.stanford.edu/publications/monetary-tightening-and-us-bank-fragility-2023-mark-market-losses-and-uninsured">1 % de banques ayant la plus grosse part d’actifs financés par des dépôts non garantis</a>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/202698/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Axelle Arquié ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les lois votées sous le mandat de Donald Trump ont exclu les deux tiers des banques des tests de résilience annuels de la Réserve fédérale. Parmi elles, la Silicon Valley Bank.Axelle Arquié, Économiste, CEPIILicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1994322023-02-07T19:34:07Z2023-02-07T19:34:07Z« L’inflation importée », un facteur déterminant de la flambée des prix<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/508595/original/file-20230207-19-k6uwib.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=44%2C24%2C978%2C643&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">La contribution des prix du pétrole à l’inflation a doublé depuis le début des années&nbsp;2000.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://pxhere.com/fr/photo/1120569">Pxhere</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>En France, l’<a href="https://theconversation.com/fr/topics/inflation-28219">inflation</a> a atteint 5,2 % en moyenne sur 2022, un plus haut historique depuis le milieu des années 1980. Comme détaillé dans <a href="https://blog.insee.fr/un-retour-sur-l-evolution-recente-de-l-inflation/">ce post sur le blog de l’Insee</a>, cette hausse est la conséquence d’un double choc : d’abord une reprise post-Covid marquée un déséquilibre marqué entre une demande dynamique et une offre bridée, ce qui a poussé l’inflation autour des 3 %, suivie du déclenchement de la guerre en Ukraine qui a fait s’envoler les <a href="https://theconversation.com/fr/topics/prix-33726">prix</a> internationaux des matières premières. Cet épisode inflationniste est ainsi caractérisé par une hausse annuelle en 2022 de 23 % des prix de l’énergie et de 7 % des prix alimentaires.</p>
<p>Cette chronologie montre bien que, dans un monde où les économies sont de plus en plus intégrées, l’environnement international joue un rôle déterminant dans le niveau de l’inflation observée dans un pays. Ce passage des prix internationaux aux prix domestiques entraîne ce que les économistes appellent <a href="http://financedemarche.fr/definition/inflation-importee">« l’inflation importée »</a>.</p>
<h2>Chocs globaux</h2>
<p>Trois types de chocs dans l’économie mondiale peuvent générer cette inflation importée : des chocs de demande globale ; des chocs d’offre globale ; et des chocs sur les prix des matières premières.</p>
<p>Un choc de demande mondiale est un choc qui fait varier les prix et l’activité économique dans la même direction. Cela a été les cas au cours des récessions mondiales en 1975, 1982 ou 2008-09 où on a connu des baisses simultanées de prix et d’activité économique à l’échelle de la planète. Un choc de demande peut aussi être positif lorsqu’une économie majeure du globe se met à croître rapidement pour une raison donnée. C’est ce qu’on a vu, en partie, aux États-Unis au moment de la <a href="https://theconversation.com/plan-biden-relance-americaine-consequences-mondiales-161370">relance budgétaire</a> mise en place par le président Joe Biden en début d’année 2021.</p>
<p>Un choc d’offre globale correspond à un événement qui entraîne les prix et l’activité économique dans des directions opposées. Il s’agit par exemple de l’entrée de la Chine dans l’Organisation mondiale du commerce (OMC) en 2001. Cet événement a contribué à accélérer la croissance du PIB mondial et a entraîné des pressions baissières sur les prix mondiaux (notamment ceux des biens manufacturés) et <em>in fine</em> sur les <a href="https://publications.banque-france.fr/en/estimating-us-consumer-gains-chinese-imports">prix domestiques</a> dans de nombreux pays. Il peut s’agir également d’un événement climatique majeur qui perturberait la production dans un pays fortement intégré dans les chaînes de valeurs internationales.</p>
<p>Enfin, un choc sur les prix des matières premières revient en général à considérer des variations inattendues sur le prix des matières premières énergétiques, en particulier le <a href="https://theconversation.com/fr/topics/petrole-21362">pétrole</a>. C’est typiquement ce que l’on a constaté depuis le début de la guerre en Ukraine fin février 2022.</p>
<h2>Les pays avancés plus sensibles</h2>
<p>Dans ce cadre d’analyse, un <a href="https://openknowledge.worldbank.org/bitstream/handle/10986/38563/IDU0458baf2e0e6ed045bb095e70cbc841f24bed.pdf">travail de recherche récent de la Banque mondiale</a> a montré que pour un ensemble de 55 pays, de 1970 à 2022, l’ensemble des chocs globaux expliquent plus d’un quart (26 %) des variations d’inflation dans une économie standard, ce qui est considérable. La contribution des prix du pétrole à cette estimation est d’environ 4 %, ce qui semble relativement plus faible mais reste significatif pour les trois-quarts des pays. Les auteurs notent toutefois que la contribution des prix du pétrole a doublé depuis le début des années 2000.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/508592/original/file-20230207-16-w142uq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Banque mondiale (2023)" src="https://images.theconversation.com/files/508592/original/file-20230207-16-w142uq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/508592/original/file-20230207-16-w142uq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=235&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/508592/original/file-20230207-16-w142uq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=235&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/508592/original/file-20230207-16-w142uq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=235&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/508592/original/file-20230207-16-w142uq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=296&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/508592/original/file-20230207-16-w142uq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=296&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/508592/original/file-20230207-16-w142uq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=296&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="attribution"><span class="source">openknowledge.worldbank.org/bitstream/handle/10986/38563/IDU0458baf2e0e6ed045bb095e70cbc841f24bed.pdf)</span></span>
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<p>Un autre résultat qui ressort de l’analyse est que les pays avancés sont en général plus sensibles aux chocs globaux : la contribution des chocs globaux aux variations d’inflation est d’environ 35 % dans ces pays, contre 19 % pour les pays émergents. Cela reflète principalement le fait que les pays avancés sont plus intégrés dans l’économie mondiale, à la fois sur le plan du commerce et des échanges financiers.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/508593/original/file-20230207-32-w142uq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/508593/original/file-20230207-32-w142uq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/508593/original/file-20230207-32-w142uq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=234&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/508593/original/file-20230207-32-w142uq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=234&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/508593/original/file-20230207-32-w142uq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=234&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/508593/original/file-20230207-32-w142uq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=294&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/508593/original/file-20230207-32-w142uq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=294&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/508593/original/file-20230207-32-w142uq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=294&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Part des pays ayant des réponses significatives aux chocs (pourcentage de l’échantillon total).</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://openknowledge.worldbank.org/bitstream/handle/10986/38563/IDU0458baf2e0e6ed045bb095e70cbc841f24bed.pdf?sequence=1&isAllowed=y">Banque mondiale (2023)</a></span>
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</figure>
<p>Ce travail met également en évidence que les chocs de prix du pétrole ont tendance à se propager de manière différenciée à l’inflation domestique : si le pays est importateur net de matières premières ou s’il est fortement intégré dans l’économie mondiale, il va se montrer plus sensible aux chocs. À l’inverse, avoir un cadre de politique monétaire basé sur le ciblage d’inflation ou posséder un taux de change flexible modère les effets des chocs sur les prix du pétrole.</p>
<p>Le taux de change constitue en effet une variable cruciale pour déterminer l’inflation importée. Plus la monnaie domestique se déprécie par rapport aux monnaies étrangères, plus cela va coûter cher aux entreprises du pays d’importer des biens et des services. Cela a un effet direct sur les prix à l’import, puis sur les prix à la consommation. En particulier, un pays importateur net de produits pétroliers va être extrêmement sensible aux variations de sa monnaie contre le dollar américain, car les échanges internationaux de produits pétroliers s’établissent principalement dans la devise américaine.</p>
<p>[<em>Près de 80 000 lecteurs font confiance à la newsletter de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde</em>. <a href="https://theconversation.com/fr/newsletters/la-newsletter-quotidienne-5?utm_source=inline-70ksignup">Abonnez-vous aujourd'hui</a>]</p>
<p>Ainsi, dans le cas de la France, on estime qu’une dépréciation de 10 % de l’euro face au dollar américain entraîne une <a href="https://publications.banque-france.fr/sites/default/files/medias/documents/wp750.pdf">hausse de 0,2 % des prix à la consommation au bout d’un an</a>, par rapport à un scénario sans dépréciation. Mais ces effets peuvent être renforcés en période de crise financière ou de fortes incertitudes.</p>
<h2>Quid de la politique monétaire ?</h2>
<p>L’inflation importée pose un problème aux décideurs de politique économique qui n’ont pas vraiment de contrôle sur cette inflation. Pour la banque centrale, la question est de savoir si cette inflation importée va se propager à l’inflation domestique sous-jacente (tendance de long terme corrigée des variations transitoires) et engendrer ainsi des effets dits de second tour.</p>
<p>Si le risque de propagation est faible, la banque centrale peut choisir d’attendre avant de resserrer les conditions financières. Cela est d’autant plus vrai que l’expérience des deux chocs pétroliers des années 1970 a montré qu’un resserrement monétaire pouvait être extrêmement <a href="https://www.brookings.edu/wp-content/uploads/1997/01/1997a_bpea_bernanke_gertler_watson_sims_friedman.pdf">préjudiciable à la croissance du PIB</a> et contribuer à faire basculer le pays en récession.</p>
<p>En revanche, si le risque de propagation est élevé, la banque centrale peut décider d’utiliser rapidement tous ses outils de politique monétaire, taux d’intérêt ou approches non conventionnelles, pour resserrer les conditions financières. Cette évaluation des risques est actuellement au cœur des débats au sein de nombreuses banques centrales à travers le monde. La décision de la Banque centrale européenne de relever une nouvelle fois son taux directeur pour le <a href="https://www.ecb.europa.eu/press/pr/date/2023/html/ecb.mp230202%7E08a972ac76.fr.html">porter à 3 %</a>, le 8 février, montre que les autorités monétaires estiment que ce risque de propagation du choc à l’inflation domestique reste actuellement élevé.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/199432/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Laurent Ferrara ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Un rapport de la Banque mondiale montre que les pays avancés sont particulièrement vulnérables au risque de propagation de la hausse des prix internationaux à leurs économies domestiques.Laurent Ferrara, Professeur d’Economie Internationale, SKEMA Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1984962023-01-31T19:31:51Z2023-01-31T19:31:51ZEn cas de choc, comment le marché du travail s’ajuste-t-il dans l’Union européenne ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/506203/original/file-20230124-8245-hud3rz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C2048%2C1366&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">En cas de choc, toutes les régions du Vieux contient pourraient-elles suivre une politique d'emploi unique décidée par l'Europe et par le commissaire Nicolas Schmit ?</span> <span class="attribution"><span class="source">Parlement européen via Wikimedia Commons</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>À l’heure où les débats s’enflamment autour du <a href="https://www.gouvernement.fr/actualite/projet-pour-lavenir-du-systeme-de-retraites-ce-quil-faut-retenir">projet gouvernemental</a> de réforme des retraites, beaucoup invitent à plutôt questionner le taux de chômage, mesuré, en France, à <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/6658008">7,3 %</a> par l’Insee à la fin du troisième trimestre 2022. Moins de chômeurs, c’est plus de cotisants et un déficit moindre pour le régime. </p>
<p>Retraites ou non, la question de l’emploi interroge en permanence. Dans nos travaux, c’est à l’échelle de l’Union européenne (et dans les défis de la zone euro) que nous interrogeons les caractéristiques du marché du travail.</p>
<p>Les économistes ont, depuis Robert Mundell dans les années 1960, développé une <a href="https://www.cairn.info/revue-regards-croises-sur-l-economie-2012-1-page-31.htm#:%7E:text=Le%20concept%20de%20zone%20mon%C3%A9taire,celle%20d%E2%80%99un%20autre%20pays">théorie de la zone monétaire optimale</a>. Partager une même monnaie permet, entre autres choses, des gains économiques avec des échanges facilités entre les différents membres. Cela intervient cependant au prix d’une perte d’autonomie sur certaines politiques. Des problèmes émergent ainsi lorsque les structures économiques sont trop différentes : en cas de choc, elles n’évolueront peut-être pas sur la même trajectoire, rendant toute politique centralisée délicate, si ce n’est parfois nocive car inadaptée aux spécificités de certaines régions.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1468582775951437824"}"></div></p>
<p>Le marché du travail compte au premier chef parmi ces éléments qui définissent la structure d’une économie et il y a là un critère important pour l’efficacité de la zone euro dans le futur. Intégrer des pays comme la Bulgarie, la Tchéquie, la Hongrie, la Pologne et la Roumanie a représenté pour la zone euro, une augmentation de 25 % de la population active. </p>
<p>L’importance est, selon ce critère, non pas d’avoir des marchés du travail homogènes mais plutôt de constater des mécanismes d’ajustement en cas de choc qui tendent à s’harmoniser afin que les politiques menées par l’Union européenne et les différents gouvernements s’articulent au mieux et répondent efficacement aux besoins d’une économie.</p>
<p>Dans une <a href="https://doi.org/10.3917/redp.326.0951">étude</a> publiée tout récemment, nous avons ainsi utilisé une <a href="https://econpapers.repec.org/article/binbpeajo/v_3a23_3ay_3a1992_3ai_3a1992-1_3ap_3a1-76.htm">méthode</a> propice à mettre en évidence le rôle des caractéristiques locales du marché du travail. Nous observons, en cas de choc d’emplois, de fortes hétérogénéités de réponses entre régions et des rigidités qui demeurent. Cette observation ne semble pas sans conséquences pour les politiques publiques et pour certaines populations en particulier, notamment les femmes.</p>
<h2>Une convergence qu’en apparence</h2>
<p>Qui dit choc dit réponse au choc et propagation dans l’économie via des mécanismes d’ajustement. Cela peut notamment se faire via les salaires : en cas de choc négatif, une baisse des salaires peut servir d’amortissement pour maintenir un maximum de personne en emploi. La mobilité de la main-d’œuvre d’une région à une autre est une alternative possible. Dans la <a href="https://population-europe.eu/network/news-network/levels-and-patterns-internal-migration-europe">zone euro</a>, ce second canal, en particulier, apparaît moins fluide qu’aux <a href="https://www.census.gov/library/stories/2022/03/net-domestic-migration-increased-in-united-states-counties-2021.html">États-Unis</a>.</p>
<p>Notre modèle met en équation le mécanisme suivant : un choc négatif d’emploi entraînerait une baisse des salaires dans la région concernée relativement aux autres. À court terme le taux de chômage augmente mais l’effet est ensuite lissé par deux mécanismes : les travailleurs vont changer de région pour trouver un emploi ou de meilleures conditions de travail ; attirées par une main-d’œuvre moins chère, des entreprises vont, elles, s’implanter. Le bilan sur l’emploi à la fin dépendra duquel de ces deux mécanismes sera dominant.</p>
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<p>Lorsque l’on simule une augmentation du nombre d’emplois, nous obtenons des effets qui perdurent sur cette variable en niveau, mais pas sur des taux qui y sont associés. À moyen terme, le taux de participation (la part des actifs dans la population totale) et le taux de chômage (la part des chômeurs au sein de la population active) reviennent à leur niveau initial. Notre premier résultat montre des vitesses d’ajustements qui semblent similaires pour tous les pays de l’Union, zone euro ou non, résultat en cohérence avec l’idée d’une convergence des comportements sur le marché du travail.</p>
<p>Ceci n’est pas sans cacher des formes importantes d’hétérogénéité à l’échelle des régions.</p>
<h2>Région agricole ou technologique ?</h2>
<p>Les données de l’<a href="https://www.insee.fr/fr/metadonnees/source/serie/s1223/">enquête emploi</a> au niveau européen permettent une analyse plus fine sur les vingt dernières années, suivant le <a href="https://ec.europa.eu/eurostat/fr/web/nuts/background">niveau de découpage</a> retenu par l’UE pour la mise en place des politiques régionales de développement.</p>
<p>La crise de 2008, choc négatif, a été suivie d’une augmentation quasi générale du chômage. Une telle détérioration globale du marché du travail européen semble avoir induit des changements dans le rapport de réactions entre l’offre et la demande de travail. À court terme, ce dernier serait devenu plus favorable aux entreprises qu’aux travailleurs.</p>
<p>Des ajustements relativement différents s’observent cependant selon qu’il s’agisse d’une région plutôt agricole ou d’une région plutôt tournée vers des secteurs technologiques. Dans les premières, le taux d’emploi reste plus faible sur l’ensemble de la période. Cela s’accompagne d’une plus grande dispersion dans les données comme c’est le cas en général là où l’on observe des taux de chômage relativement élevé et de participation faible.</p>
<p>C’est également dans ces régions que les vitesses d’ajustement sont relativement plus faibles. C’est ce que nous pouvons observer sur le graphique ci-dessous qui représente la persistance d’un choc dans les régions en fonction de l’importance du secteur agricole dans l’emploi. On y suppose que ce choc est d’intensité 100 à la date 0. Ce résultat suggère en tout cas l’importance de promouvoir des politiques régionales spécifiques et adaptées au regard de leur structure du marché du travail.</p>
<p><iframe id="Gjs6j" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/Gjs6j/4/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Au-delà, la variable cachée pourrait bien être le niveau d’éducation. Pour des ajustements plus efficaces, la mobilité géographique de la main-d’œuvre ne serait plus tant la réponse optimale que l’augmentation des réallocations intersectorielles, ce par la promotion d’une population plus éduquée. Une population plus instruite est relativement plus polyvalente entre les secteurs, réduisant le besoin de mobilité géographique sans entraver la flexibilité du marché du travail.</p>
<h2>Les femmes, autre variable d’ajustement</h2>
<p>Il faut enfin noter que les évolutions du marché du travail en Europe occultent un écart de genre. En moyenne, le taux de participation des femmes surréagit par rapport à celui des hommes. C’est-à-dire qu’en cas de choc négatif sur l’emploi, les femmes ont tendance à quitter plus souvent le marché du travail. Autrement dit encore, elles représentent un vecteur d’ajustement plus élevé, particulièrement dans les régions où le taux de participation des femmes est plus faible.</p>
<p>Symétriquement, dans le cas d’un choc positif, représenté sur ce graphique, la situation revient plus rapidement à la normale pour les hommes. Ici, ce n’est pas tant l’ordre de grandeur, la variation du taux de chômage qui importe puisqu’il dépend de l’intensité du choc que l’on simule, mais bien d’observer des trajectoires, des vitesses différentes selon les sexes. Nous y considérons les régions européennes, pour lesquelles la participation des femmes au marché du travail est relativement la plus faible.</p>
<p><iframe id="MUzwJ" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/MUzwJ/2/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Pour diminuer cette vulnérabilité des femmes, les récents <a href="https://www.imf.org/en/Publications/Policy-Papers/Issues/2022/07/28/IMF-Strategy-Toward-Mainstreaming-Gender-521344">rapports du FMI</a> et de la <a href="https://ec.europa.eu/social/main.jsp?catId=738&langId=en&pubId=8110">Commission européenne</a> insistent sur l’impérieuse nécessiter d’investir dans leur éducation et dans le développement des structures de la petite enfance. En examinant les régions où le taux de participation des femmes est relativement plus élevé, on constate en effet que les enfants de moins de 3 ans ont tendance à participer davantage aux programmes de garde d’enfants.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/198496/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Pierre Lesuisse ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>En cas de choc sur l’emploi, les mécanismes d’offre et de demande n’agissent pas partout à la même vitesse chez les 27, ce qui appelle des politiques spécifiques malgré l’Union.Pierre Lesuisse, Docteur en économie - Chercheur au BETA (Strasbourg) - Enseignant à Sciences po (Strasbourg), Université de StrasbourgLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1961562022-12-12T18:35:37Z2022-12-12T18:35:37ZLa parenthèse du néolibéralisme financier est-elle en train de se fermer ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/499515/original/file-20221207-4043-frkdm0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=16%2C88%2C1169%2C873&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Depuis la crise de 2007-08, les banques centrales, comme la Réserve fédérale (Fed) aux États-Unis (photo), endossent un rôle de plus en plus politique.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/87913776@N00/6928222486">Futureatlas.com/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>La longue séquence de libre circulation des capitaux et de déréglementation des systèmes financiers, ouverte au début des années 1970-80 sous l’impulsion nord-américaine, britannique puis européenne, va-t-elle prochainement toucher à sa fin ?</p>
<p>Ce processus de libéralisation et de financiarisation de l’économie, qui s’est considérablement étendu durant les décennies suivantes, avait déjà failli marquer un coup d’arrêt après la grande crise immobilière et bancaire de 2007-08. Beaucoup ont alors cru alors qu’en raison des dégâts économiques (la grande récession) et de l’immense gâchis de capital provoqué par le séisme financier, la parenthèse néolibérale allait se refermer, tant il était devenu vital d’en finir avec ce que le président Nicolas Sarkozy qualifiait à l’époque de « <a href="https://www.lefigaro.fr/conjoncture/2010/01/27/04016-20100127ARTFIG00769-a-davos-sarkozy-fustige-les-derives-du-capitalisme-.php">dérives du capitalisme financier</a> ».</p>
<p>Quinze ans plus tard, rien ne de tel n’est arrivé, évidemment…</p>
<h2>Croyance persistante…</h2>
<p>Lors de cet épisode, le pragmatisme des banques centrales et des États avait permis d’endiguer, à coup de milliers de milliards, les risques d’illiquidité et/ou d’insolvabilité des systèmes financiers. Il fallait, à juste titre, assainir les bilans bancaires en les délestant de leurs actifs sans valeur pour éviter le chaos de l’activation d’un risque systémique.</p>
<p>Le G20, notamment celui du sommet de Washington du 15 novembre 2008, avait certes pointé du doigt la responsabilité des insuffisances comptables, de l’opacité de certains produits de titrisation, des malversations diverses, de la défaillance des agences de notation ou encore des politiques monétaires permissives dans l’éclatement de la crise. <a href="https://tnova.fr/economie-social/finances-macro-economie/10-ans-apres-bilan-des-reformes-bancaires-et-financieres-depuis-2008-avancees-limites-propositions/">Quelques processus de (re)réglementation</a> avaient ensuite été initiés… Mais globalement, la croyance en l’efficacité des mécanismes de marché dans l’allocation du capital n’a jamais été ébranlée, ni même véritablement remise en question.</p>
<p>Or, cette croyance constitue le fondement même du système néolibéral de régulation par le marché qui s’est déployé depuis plus de 40 ans. Elle repose sur l’idée hayékienne selon laquelle toute l’information nécessaire à la prise de décision économique est <a href="https://www.cairn.info/revue-cahiers-d-economie-politique-1-2002-2-page-47.htm">contenue dans les prix</a>.</p>
<p>Ainsi que le rappelle l’économiste <a href="https://www.lemonde.fr/crise-financiere/article/2011/12/05/il-faut-definanciariser-l-economie_1613552_1581613.html">André Orléan</a>, dans ce cadre conceptuel :</p>
<blockquote>
<p>« Chaque agent n’a qu’une connaissance locale, limitée à son environnement, et il revient aux prix d’agréger toutes ces informations locales pour produire une vision globale cohérente. »</p>
</blockquote>
<p>La version moderne de cette théorie des prix a été développée dans les années 1970 et est connue sous le nom <a href="http://efinance.org.cn/cn/fm/Efficient%20Capital%20Markets%20A%20Review%20of%20Theory%20and%20Empirical%20Work.pdf">d’hypothèse d’efficience des marchés financiers</a>. La concurrence qui y règne et les vertus autorégulatrices dont les marchés seraient dotés y produiraient de « justes prix », constituant des signaux fiables pour les investisseurs.</p>
<p>Mis en compétition, ces derniers seraient capables d’évaluer objectivement les risques et de faire converger les prix de marché vers leur valeur fondamentale (efficience informationnelle) et ainsi de garantir une allocation optimale de l’épargne (efficience allocative). Cette conception néo-hayékienne a offert un fondement idéologique et une puissante légitimation au processus de déréglementation financière.</p>
<h2>… mais fausse</h2>
<p>Or, l’histoire économique de ces quarante dernières années montre que les marchés financiers ne sont pas autorégulateurs. En situation <a href="https://www.persee.fr/doc/cep_0154-8344_1987_num_13_1_1047">d’incertitude radicale sur le futur</a>, le principe selon lequel les actifs financiers seraient dotés d’une valeur fondamentale, identifiable <em>ex-ante</em>, et dont le prix serait un bon estimateur, n’est plus tenable.</p>
<p>[<em>Près de 80 000 lecteurs font confiance à la newsletter de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde</em>. <a href="https://theconversation.com/fr/newsletters/la-newsletter-quotidienne-5?utm_source=inline-70ksignup">Abonnez-vous aujourd'hui</a>]</p>
<p>Même si tous les investisseurs disposent, à un moment donné, d’un même ensemble d’informations, rien n’assure qu’ils partagent pour autant le même modèle d’interprétation des fondamentaux. Chacun se détermine alors, non pas à partir de son estimation de la valeur fondamentale, mais <a href="https://www.cairn.info/revue-reflets-et-perspectives-de-la-vie-economique-2004-2-page-35.htm">à partir de ce qu’il pense que les autres vont faire</a>.</p>
<p>Les prix de marché ne font alors que traduire des conjectures sur l’avenir, des scénarios parmi d’autres, par nature instables car reposant sur des <a href="https://www.researchgate.net/publication/254454075_Croyances_representations_collectives_et_conventions_en_finance">croyances collectives</a> versatiles. En l’absence de valeur d’ancrage, les investisseurs s’accrochent à des opinions instables et des croyances autoréférentielles. Selon l’ingénieur et philosophe <a href="https://www.persee.fr/doc/reco_0035-2764_1989_num_40_2_409143">Jean-Pierre Dupuy</a> :</p>
<blockquote>
<p>« Les rumeurs les plus absurdes peuvent polariser une foule unanime sur l’objet le plus inattendu, chacun trouvant la preuve de sa valeur dans le regard ou l’action de tous les autres ».</p>
</blockquote>
<p>Dans ce contexte, les bulles spéculatives (ces dynamiques mimétiques soutenues par telle ou telle opinion sur un futur hypothétique) se succèdent et explosent à chaque retournement de la croyance dominante (bulle Internet, bulles immobilières, des matières premières et marchés énergétiques, bulles obligataires, des <a href="https://theconversation.com/le-cours-du-bitcoin-condamne-a-toujours-plus-de-volatilite-163997">cryptoactifs</a>, etc.). L’identification d’un nouveau point d’équilibre (un prix plancher) peut donc s’avérer durablement hors de portée de marchés qui échouent à produire la moindre évaluation. Le système des prix peut disparaître et l’intervention d’un acteur extérieur (<a href="https://theconversation.com/fr/topics/banque-centrale-45337">banque centrale</a> et/ou autorités publiques) est dans ce cas seule à même de fournir un cadre exogène de valorisation susceptible de stabiliser les projections.</p>
<p>La volatilité financière trouve ici une explication rationnelle. Elle ne peut plus être perçue comme une anomalie, fruit de l’irrationalité de collective. Elle doit au contraire être comprise comme la résultante de l’instabilité intrinsèque du processus d’évaluation en vigueur sur les marchés, instabilité que quatre décennies de financiarisation ont déployée à grande échelle, y compris sur l’immobilier ou les matières premières alimentaires, minérales et énergétiques.</p>
<h2>Le retour des prix administrés ?</h2>
<p>Alors, pour faire face à ces multiples troubles financiers, sanitaires, énergétiques et environnementaux, et comme elle l’avait fait durant de nombreuses années précédant la déréglementation, la <a href="https://theconversation.com/fr/topics/finance-20382">finance</a> s’est mise à nouveau à fonctionner en grande partie à partir de prix administrés.</p>
<p>C’est le cas en particulier pour ce qui est du coût de l’argent, les taux d’intérêt. Ainsi que l’indique l’économiste <a href="https://theconversation.com/bonnes-feuilles-declin-et-chute-du-neoliberalisme-192691">David Cayla</a> dans son récent livre <a href="https://www.deboecksuperieur.com/ouvrage/9782807338616-declin-et-chute-du-neoliberalisme"><em>Déclin et chute du néolibéralisme</em></a> (De Boeck Supérieur, 2022) :</p>
<blockquote>
<p>« Les politiques de taux zéro adoptées dans les pays développés à la suite de la crise financière de 2008, mais surtout les pratiques non conventionnelles dites d’assouplissement quantitatif ont permis aux banquiers centraux d’intervenir directement au sein des marchés financiers et les ont transformés en véritables acteurs politiques[…] »</p>
</blockquote>
<p>La <a href="https://www.latribune.fr/opinions/tribunes/fed-et-bce-deux-rythmes-mais-une-meme-strategie-contre-l-inflation-922244.html">hausse récente de leurs taux directeurs</a> et l’arrêt des programmes structurels de rachats d’actifs pourraient laisser croire que les banques centrales tendent à sortir du jeu (en laissant à nouveau le champ libre aux marchés).</p>
<hr>
<p>
<em>
<strong>
À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/bonnes-feuilles-declin-et-chute-du-neoliberalisme-192691">Bonnes feuilles : « Déclin et chute du néolibéralisme »</a>
</strong>
</em>
</p>
<hr>
<p>Cependant, elles ne prendront pas pour autant le risque d’une « volckerisation » de la politique monétaire (en référence à la politique de forte hausse des taux directeurs du président de la Réserve fédérale américaine, Paul Volcker, qui avait <a href="https://theconversation.com/inflation-ou-hausse-des-taux-le-dilemme-des-banques-centrales-na-rien-dineluctable-194859">réduit l’inflation mais cassé la croissance</a>). Les autorités monétaires s’accommoderont sans doute, de ce fait, d’une certaine dose d’inflation. Elles n’hésiteront pas non plus à faire preuve d’interventionnisme en cas de <a href="https://www.agefi.fr/financements-marches/actualites/quotidien/20220928/banque-d-angleterre-intervient-en-urgence-contrer-350317">tensions sur le financement</a> de l’économie notamment, continuant ainsi, sans doute longtemps, à soustraire les taux d’intérêt à l’arbitrage des marchés financiers.</p>
<h2>Choix politique</h2>
<p>Mais il nous faut maintenant aller au-delà. Face aux crises sanitaires, environnementales et sociales, il devient indispensable de sortir également l’énergie, les matières premières, métaux, minerais, l’immobilier, les liquidités, les épargnes retraites et les financements des entreprises de la sphère d’influence des marchés financiers (et donc de les soustraire aux logiques d’optimisation des couples rendement/risque inhérentes au paradigme de la valeur actionnariale).</p>
<hr>
<p>
<em>
<strong>
À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/pourquoi-la-finance-na-jamais-pu-etre-verte-et-comment-la-verdir-enfin-124020">Pourquoi la finance n’a jamais pu être verte (et comment la verdir enfin)</a>
</strong>
</em>
</p>
<hr>
<p>Sans pour autant revenir forcément à un système de prix entièrement contrôlé par les puissances publiques, tel qu’elles le pratiquaient avant la déréglementation (système nationalisé de crédit, taux de change fixes, secteurs publics des transports, de l’eau et de l’énergie, régulation collective des salaires, prix régulés des matières premières agricoles…), cela suppose d’avoir recours à des logiques d’évaluation alternatives à celles des marchés (promues par les États, collectivités publiques, structures de l’Économie sociale et solidaire, secteur associatif, ONG, assemblées citoyennes locales), et donc de promouvoir, sous une forme ou sous une autre, une socialisation du système de régulation des prix.</p>
<p>Cela passera également par une extension des prérogatives des banques centrales en matière de <a href="https://theconversation.com/politique-monetaire-verte-un-grand-pas-pour-la-bce-un-petit-pas-pour-le-climat-186686">financements de projets verts</a>, le verdissement de la <a href="https://institut-rousseau.fr/repenser-le-financement-des-entreprises-vertueuses-et-les-politiques-prudentielles-en-integrant-la-solvabilite-socio-environnementale/">réglementation prudentielle</a>, la refonte les <a href="http://tankona.free.fr/theretlemoine20.pdf">circuits de financement de l’économie et des États</a>, voire la <a href="https://blog.mondediplo.net/2009-01-05-Pour-un-systeme-socialise-du-credit">socialisation de l’investissement et du crédit</a>.</p>
<p>Ce choix politique est vital si nous voulons faire face aux crises énergétiques et sanitaires à venir et nous engager clairement dans le financement de la rupture écologique et sociale dont nous avons cruellement besoin. Ce faisant, nous en profiterions alors pour refermer définitivement la parenthèse du <a href="https://theconversation.com/fr/topics/neoliberalisme-64628">néolibéralisme</a> financier.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/196156/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>David Bourghelle ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les marchés financiers se déterminent aujourd'hui en grande partie en fonction des politiques des banques centrales – comme avant le mouvement de libéralisation de l'économie débuté il y a 40 ans.David Bourghelle, Maître de conférences en finance, laboratoire LUMEN, Université de LilleLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1948592022-11-24T22:30:43Z2022-11-24T22:30:43ZInflation ou hausse des taux ? Le dilemme des banques centrales n’a rien d’inéluctable…<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/496128/original/file-20221118-12-m38xdy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=93%2C17%2C1090%2C779&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les banques centrales comme la BCE (photo) ne contrôlent aujourd'hui qu'indirectement le volume de monnaie en circulation qui entraîne la hausse des prix.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Europäische_Zentralbank_-_European_Central_Bank_%2819190136328%29.jpg">Wikimedia commons</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>La hausse du niveau général des prix atteint actuellement, dans de nombreux pays, des niveaux inédits depuis les années 1980. Ce phénomène inflationniste s’explique généralement par une <a href="https://publications.banque-france.fr/laugmentation-de-la-masse-monetaire-pendant-la-crise-Covid-analyse-et-implications">croissance excessive de la masse monétaire</a> ; et même si d’autres causes y contribuent, l’inflation peut toujours être évitée ou corrigée par un ajustement de la quantité de <a href="https://theconversation.com/fr/topics/monnaie-21214">monnaie</a> en circulation. C’est pourquoi les <a href="https://theconversation.com/fr/topics/banque-centrale-45337">banques centrales</a>, qui ont pour mandat de stabiliser le pouvoir d’achat de la monnaie, entreprennent aujourd’hui de relever leurs taux pour combattre l’<a href="https://theconversation.com/fr/topics/inflation-28219">inflation</a>.</p>
<p>Dans nos systèmes monétaires actuels, cependant, les banques centrales ne contrôlent qu’indirectement, et très imparfaitement, le volume de monnaie en circulation. La monnaie de banque centrale, qu’elles émettent directement, ne représente en effet qu’une fraction du total des moyens de paiement, essentiellement limitée aux pièces et aux billets. La <a href="https://www.youtube.com/watch?v=6bDQG9LWwk4">masse monétaire</a> se compose surtout, aujourd’hui, de monnaie bancaire scripturale (les soldes de nos comptes courants transférables par carte bancaire ou virement), qui est <a href="https://abc-economie.banque-france.fr/leco-en-bref/qui-cree-la-monnaie">créée par les banques commerciales</a> lorsque celles-ci financent des prêts ou des investissements.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/fed-et-bce-deux-rythmes-mais-une-meme-strategie-contre-linflation-185059">Fed et BCE : deux rythmes mais une même stratégie contre l’inflation</a>
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<p>L’un des défauts de cette monnaie bancaire est qu’elle confère au moyen d’échange un comportement procyclique : le volume de monnaie augmente (ou se contracte) à mesure que les emprunteurs accroissent (ou réduisent) leur endettement auprès des banques, ce qui amplifie les bulles spéculatives là où les banques prêtent le plus – sur le <a href="https://theconversation.com/marche-immobilier-krach-ou-simple-correction-194093">marché de l’immobilier</a> notamment.</p>
<h2>Entre Charybde et Scylla</h2>
<p>Cette dépendance de la création monétaire envers les prêts bancaires explique aussi que les banques centrales, dans le système existant, soient conduites à manipuler le prix du marché des prêts (les taux d’intérêt) pour stabiliser le niveau des prix. En usant notamment du pilotage des <a href="https://abc-economie.banque-france.fr/les-taux-directeurs">taux d’intérêt directeurs</a>, auxquels elles prêtent aux banques, ou d’opérations d’achat ou vente d’actifs à destination de ces dernières, elles vont impacter les taux d’intérêt que les banques, en retour, appliqueront à leurs clients. Les banques centrales, de cette manière très indirecte, peuvent ainsi encourager ou décourager la création de monnaie bancaire, de sorte à stabiliser le pouvoir d’achat de la monnaie.</p>
<p>En période d’inflation, <a href="https://theconversation.com/fed-et-bce-deux-rythmes-mais-une-meme-strategie-contre-linflation-185059">comme actuellement</a>, cela se traduit par des hausses de taux qui, au-delà de leurs effets monétaires, sont tout sauf indolores : en renchérissant le coût de l’endettement, elles pénalisent l’investissement. C’est pourquoi les banquiers centraux naviguent maintenant entre Charybde et Scylla : si une hausse des taux insuffisamment forte laissait filer l’inflation, une hausse trop forte pourrait précipiter une récession.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/laisser-filer-linflation-ou-freiner-la-reprise-le-dilemme-des-banquiers-centraux-164813">Laisser filer l’inflation ou freiner la reprise, le dilemme des banquiers centraux</a>
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<p>Un tel <a href="https://theconversation.com/laisser-filer-linflation-ou-freiner-la-reprise-le-dilemme-des-banquiers-centraux-164813">dilemme</a>, cependant, est-il vraiment inévitable ? Loin s’en faut. Il n’y a rien d’inéluctable, en effet, à ce que la création monétaire dépende si largement des prêts bancaires. Comme l’expliquait déjà l’économiste anglais David Ricardo il y a deux siècles, <a href="https://archive.org/details/planfortheestablishmentofanationalbank/page/n9/mode/2up">il n’y a « aucun lien nécessaire »</a> entre l’émission de monnaie d’un côté, et l’avance de monnaie par voie de prêt de l’autre. Ces deux fonctions, affirmait-il, pourraient très bien être séparées « sans la moindre perte d’avantage, que ce soit pour le pays, ou pour les marchands qui bénéficient de ces prêts ». L’émission de billets, depuis lors, est d’ailleurs devenue un monopole des banques centrales dans la plupart des pays.</p>
<h2>La piste du « 100 % monnaie »</h2>
<p>Dans la même optique, plusieurs économistes ont réclamé que l’émission de monnaie scripturale, transférable par chèque ou virement, soit dissociée des prêts bancaires. Telle était l’essence de la proposition <a href="https://doi.org/10.3917/redp.325.0835">« 100 % monnaie »</a> formulée aux États-Unis, durant la Grande Dépression des années 1930, par plusieurs économistes dont l’Américain <a href="https://mises.org/library/100-money">Irving Fisher</a>. Selon ce plan de réforme, qui a fait l’objet de nos <a href="https://sites.google.com/view/samueldemeulemeester/research">travaux de recherche</a> récents, les dépôts de transaction seraient couverts par 100 % de réserves en monnaie d’État, de sorte à ce que l’autorité monétaire soit seule habilitée à créer ou détruire des moyens de paiement.</p>
<p>Un certain nombre d’économistes, parmi lesquels les prix Nobel Maurice Allais, Milton Friedman et James Buchanan, ont continué à soutenir différentes versions de cette idée de réforme. Cette dernière a cependant souvent été rejetée au motif qu’elle mettrait fin, soi-disant, <a href="https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-01830363">à l’intermédiation bancaire</a> – ce qui n’est pourtant vrai que pour les versions les plus radicales, qui imposeraient 100 % de réserves sur l’ensemble des dépôts bancaires sans distinction.</p>
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<p>La version basique de ce plan de réforme ne concernerait, quant à elle, que les seuls dépôts de transaction, à finalité de paiement, laissant les banques libres d’utiliser des comptes d’épargne, à finalité d’investissement (et dont les soldes seraient convertibles à vue ou à terme mais non transférables en eux-mêmes), pour financer des prêts. L’<a href="https://www.youtube.com/watch?v=8I4sdXbgk4g">intermédiation bancaire</a> serait ainsi maintenue, mais le volume de moyens de paiement n’en serait plus affecté.</p>
<h2>Le système actuel accroît les inégalités</h2>
<p>À la suite de la crise financière mondiale de 2007-2008, divers auteurs ont soutenu une version moderne de cette idée avec la proposition de <a href="https://positivemoney.org/our-proposals/sovereign-money-introduction/">« monnaie souveraine »</a>, selon laquelle la monnaie de banque centrale serait directement utilisée, sous forme scripturale ou numérique, par l’ensemble de la communauté de paiement en remplacement de la monnaie bancaire.</p>
<p>Dans un tel système, la création monétaire cesserait de dépendre des prêts bancaires pour devenir un monopole de l’autorité monétaire. Celle-ci injecterait de la nouvelle monnaie dans la circulation soit par le canal de l’<em>open market</em> (le marché secondaire des titres sur lequel la banque centrale intervient), soit, en coopération avec le Trésor, par le canal fiscal, c’est-à-dire par une augmentation des dépenses publiques, une réduction des impôts (à niveau de dépenses égal), voire des transferts monétaires directs aux contribuables ou aux citoyens (selon le principe de la <a href="https://theconversation.com/faut-il-sinquieter-des-pertes-des-banques-centrales-193876">« monnaie hélicoptère »</a>).</p>
<p>Le volume de moyens de paiement cesserait ainsi de varier de manière cyclique au gré des décisions d’emprunt et d’investissement. L’autorité monétaire serait en position de parfaitement contrôler l’émission de monnaie et de stabiliser, à travers celle-ci, la valeur de l’unité de compte, sans avoir pour cela à interférer avec le marché des prêts.</p>
<p>Dans les années qui ont suivi la crise de 2008, un système « 100 % monnaie », ou de « monnaie souveraine », aurait représenté un atout évident lorsque, dans un contexte de surendettement généralisé, le secteur privé était réticent à s’endetter davantage (même à des taux très bas) et les banques peu enclines à prêter ou investir. Les banques centrales ont ainsi dû procéder à des achats massifs d’actifs bancaires, via leurs programmes d’<a href="https://theconversation.com/fr/topics/assouplissement-quantitatif-84573">« assouplissement quantitatif »</a> (QE), pour éviter que la réduction des bilans bancaires ne se traduise en contraction monétaire. Si ces opérations ont permis d’éviter une déflation, elles ont en revanche maintenu les taux d’intérêt à un niveau artificiellement bas et gonflé les prix d’actifs, <a href="https://doi.org/10.3917/ecofi.128.0165">accroissant au passage les inégalités</a>.</p>
<h2>Éviter les distorsions monétaires</h2>
<p>Dans le contexte actuel, un système « 100 % monnaie » permettrait, symétriquement, de contrôler l’inflation beaucoup plus facilement : face à une hausse rapide du niveau des prix, l’autorité d’émission pourrait directement réduire le rythme de la création monétaire, <a href="https://www.lesechos.fr/idees-debats/cercle/opinion-pour-une-revision-monetaire-radicale-1193673">sans avoir à manipuler les taux d’intérêt</a> de quelque manière que ce soit.</p>
<p>Cet argument fut <a href="https://mises.org/library/100-money">avancé dès 1935</a> par Irving Fisher :</p>
<blockquote>
<p>« Même lorsque le niveau des prix est, pour un temps, stabilisé avec succès, sous le système en [vigueur], l’effort même de parvenir à cette fin par une manipulation des taux d’intérêt […] implique nécessairement une certaine distorsion du taux d’intérêt par rapport à la normale, c’est-à-dire par rapport au taux que la seule offre et demande de prêts aurait établi. C’est parce que, lorsque la [banque centrale] relève ou baisse le taux d’intérêt en vue d’empêcher l’inflation ou la déflation, une telle hausse ou baisse interfère nécessairement quelque peu avec le marché monétaire naturel ».</p>
</blockquote>
<p>Sous un système « 100 % monnaie », poursuivait-il, « les taux d’intérêt s’équilibreraient d’une manière naturelle selon l’offre et la demande de prêts, et les taux réels ne seraient pas pervertis par des écarts de conduite monétaires ». Ce n’est qu’en dissociant l’émission de monnaie des prêts de monnaie, comme le propose une telle réforme, que le niveau des prix et le taux d’intérêt pourraient chacun atteindre, séparément et simultanément, leur niveau optimal.</p>
<p>Jusqu’à ce qu’un tel système soit mis en place, les autorités monétaires resteront occasionnellement confrontées au type de dilemme qu’elles subissent actuellement. L’introduction d’une <a href="https://abc-economie.banque-france.fr/monnaie-digitale-de-banque-centrale">monnaie numérique de banque centrale</a> (MNBC), dont le projet est à l’étude dans de nombreux pays, pourrait en faciliter l’adoption.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/194859/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Samuel Demeulemeester ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Depuis les années 1930, de nombreux économistes appellent à ne plus conditionner l’émission de monnaie à la demande de prêts des banques commerciales pour renforcer le pouvoir de l’autorité monétaire.Samuel Demeulemeester, Doctor in Economics, ENS de LyonLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1916212022-10-04T17:56:00Z2022-10-04T17:56:00ZLe Brexit, premier déclencheur de l’agonie économique britannique<p>Au Royaume-Uni, la polémique sur le projet de paquet de mesures pour relancer l’économie britannique, qui frôle la récession et enregistre près de 10 % d’inflation en rythme annuel, n’en finit pas. Lundi 3 octobre, le chancelier de l’Échiquier (l’équivalent du ministre des Finances), Kwasi Kwarteng, a annoncé que le gouvernement retirait finalement la disposition la plus controversée de son <a href="https://www.liberation.fr/international/europe/grande-bretagne-liz-truss-annule-la-baisse-prevue-des-impots-pour-les-plus-riches-20221003_VWTQ4QODGZGLJIGOE7YWCAS2TA/">« évènement fiscal »</a> : la suppression du taux d’imposition à 45 % pour les ménages les plus aisés.</p>
<p>L’exécutif opère ainsi un revirement par rapport à son programme de mini-choc fiscal, présenté le 23 septembre dernier et fortement dénoncé depuis par l’opposition. Le dévoilement de ce plan avait notamment conduit à une chute historique de la livre sterling sur les marchés trois jours plus tard, les investisseurs redoutant une explosion de la dette britannique. Le dimanche 2 octobre, la première ministre Liz Truss, en poste depuis un mois mais déjà a des <a href="https://www.letelegramme.fr/monde/a-peine-arrivee-liz-truss-bat-des-records-d-impopularite-04-10-2022-13192388.php">niveaux records d’impopularité</a>, avait <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2022/10/02/au-royaume-uni-liz-truss-admet-des-erreurs-de-communication-sur-ses-annonces-budgetaires_6144067_3210.html">reconnu des « erreurs » de communication</a> mais maintenait que la politique de baisse des impôts était une « bonne décision ».</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1576820620293468160"}"></div></p>
<p>Pourtant, contrairement au scénario initial souhaité par Liz Truss et Kwasi Kwarteng, il n’existe <a href="https://eprints.lse.ac.uk/107919/1/Hope_economic_consequences_of_major_tax_cuts_published.pdf">pas d’évidence empirique</a> qu’une baisse des taxes pour les plus riches soit bénéfique pour l’activité économique.</p>
<h2>Un policy-mix qui manque de cohérence</h2>
<p>Surtout, la combinaison des politiques monétaires et budgétaires du Royaume-Uni, ce qu’on appelle le policy-mix, ne semble pas cohérente. En effet, comme la plupart des banques centrales, la Banque d’Angleterre (BoE) se situe actuellement dans un cycle de hausse de ses taux directeurs pour essayer de lutter contre l’inflation et de la faire revenir à la cible de 2 %. Le 21 septembre dernier, deux jours avant l’annonce des mesures fiscales, le comité de politique monétaire de la (BoE) avait notamment décidé de monter son taux directeur (<em>Bank Rate</em>) de <a href="https://www.lesechos.fr/finance-marches/marches-financiers/nouveau-tour-de-vis-pour-la-banque-dangleterre-1820784">0,5 point de pourcentage à 2,25 %</a>.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/le-pour-et-le-contre-faut-il-mener-une-politique-de-ruissellement-des-richesses-174710">« Le pour et le contre » : Faut-il mener une politique de « ruissellement » des richesses ?</a>
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<p>D’autre part, la banque centrale avait simultanément décidé de réduire progressivement au cours des douze prochains mois le stock d’obligations d’État qu’elle avait acheté, ce qui contribue également au durcissement des conditions financières. Or, la <a href="https://www.newyorkfed.org/medialibrary/media/research/staff_reports/sr794.pdf">littérature académique récente</a> converge sur les conséquences macroéconomiques négatives d’un tel resserrement qui accroît fortement le risque de basculer dans une récession économique.</p>
<p>Au bilan : </p>
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<li><p><a href="https://theconversation.com/fr/topics/inflation-28219">l’inflation</a> que cherche à combattre la Banque d’Angleterre va être alimentée par une baisse des taxes décidée par le gouvernement ;</p></li>
<li><p>l’objectif d’une hausse de la croissance économique ambitionné par le gouvernement va être contrecarré par le durcissement des conditions financières déclenché par la banque centrale. </p></li>
</ul>
<p>De plus, ce plan de relance n’est pas autofinancé, mais sera alimenté par de l’endettement public. Cela peut poser question dans un contexte de dette publique déjà considérée comme élevée (<a href="https://www.ons.gov.uk/economy/governmentpublicsectorandtaxes/publicspending/bulletins/ukgovernmentdebtanddeficitforeurostatmaast/march2022">99,6 % du PIB au premier trimestre 2022</a>), conséquence de plusieurs années de chocs économiques négatifs.</p>
<p>Le risque est également grand de voir une partie de cette relance budgétaire fuiter par les importations, ce qui accroîtrait d’autant le déficit commercial britannique, évalué à environ <a href="https://researchbriefings.files.parliament.uk/documents/SN02815/SN02815.pdf">30 milliards de livres au deuxième trimestre 2022</a> (total des biens et services). De plus, les premières évaluations menées au Royaume-Uni ont souligné que ce programme fiscal va clairement <a href="https://theconversation.com/mini-budget-2022-experts-react-to-the-new-uk-governments-spending-and-tax-cut-plans-191274">bénéficier aux ménages les plus riches</a>.</p>
<p>Le Royaume-Uni semble donc dans une impasse face à la crise, d’autant plus que le pays reste plombé par les conséquences du Brexit.</p>
<h2>Un investissement en baisse depuis 2016</h2>
<p>En quelques années, l’économie britannique a connu une suite de quatre chocs négatifs : la crise financière globale et la récession qui a suivi en 2008-09, la sortie de l’Union européenne (<a href="https://theconversation.com/fr/topics/brexit-24703">Brexit</a>) votée par référendum en juin 2016, la pandémie de Covid-19 en 2020-21 et enfin la crise énergétique liée à la guerre en Ukraine à la suite de l’invasion russe du 24 février 2022.</p>
<p>Si trois de ces chocs ont été subis et sont liés à des événements extérieurs, le Brexit reste une crise que les Britanniques se sont auto-infligés en votant en faveur de la sortie de l’Union européenne. Ce choc est peut-être celui qui a fait le plus de dégâts en termes économiques, notamment en entamant la confiance des agents économiques, domestiques et étrangers.</p>
<p>En effet, l’incertitude de politique économique est montée rapidement à un plus haut historique suite au choc du Brexit, puis est ensuite restée à des niveaux élevés lors de l’arrivée de la pandémie de Covid-19 (voir Graphique 1).</p>
<p><iframe id="38IXK" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/38IXK/2/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Cette incertitude élevée de politique économique, sur une période relativement longue, s’est traduite par une faiblesse persistante de l’investissement des entreprises. En effet, dans la <a href="https://ideas.repec.org/a/bfr/rueban/201744.html">littérature économique</a>, l’incertitude est considérée comme un des facteurs déterminants des décisions d’investissement, avec la demande anticipée et les coûts de financement.</p>
<p>Si on compare le <a href="https://theconversation.com/fr/topics/royaume-uni-22589">Royaume-Uni</a> avec un pays partenaire, relativement similaire mais n’ayant pas été directement affecté par le Brexit, par exemple la France, on observe clairement un écart croissant dans les niveaux d’investissement des entreprises.</p>
<p>Au deuxième trimestre 2022, l’investissement des entreprises au Royaume-Uni est 7 % en dessous de son niveau de mi-2016 (au lendemain du référendum), alors qu’il est 17 % au-dessus en France (voir Graphique 2).</p>
<p><iframe id="1Bl0s" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/1Bl0s/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Sur la période récente, le PIB britannique n’a dépassé son niveau d’avant-Covid qu’au premier trimestre 2022. Les premiers résultats pour le deuxième trimestre 2022 indiquent toutefois une <a href="https://www.ons.gov.uk/economy/grossdomesticproductgdp/bulletins/gdpfirstquarterlyestimateuk/latest">baisse du PIB de -0,1 % par rapport au trimestre précédent</a>.</p>
<p>Dans ce contexte macroéconomique fragile, la crise énergétique liée à la guerre en Ukraine est venue accentuer les pressions inflationnistes déjà visibles dans la reprise post-Covid. La croissance annuelle de l’indice des prix à la consommation se situe à <a href="https://www.bfmtv.com/economie/international/royaume-uni-l-inflation-ralentit-a-9-9-en-ao%C3%BBt-mais-reste-au-plus-haut-depuis-40-ans_AD-202209140181.html">9,9 % en rythme annuel au mois d’août</a>. Même si une grande partie de cette hausse est liée au choc énergétique, l’inflation sous-jacente (hors énergie, alimentation, alcool et tabac) se situe à 6,3 %, suggérant des effets de second tour non négligeables.</p>
<p>En particulier, le prix des biens s’est accru de 12,9 % sur an, notamment sous l’effet de contraintes sur l’offre. Cette hausse de l’inflation est diffusée à l’ensemble de l’économie : 80 % des biens et services contenus dans le panier de consommation ont connu une inflation supérieure à 4 %, <a href="https://read.oecd-ilibrary.org/view/?ref=1156_1156954-u68er93i01">contre 60 % en zone euro</a>.</p>
<h2>La sanction des marchés</h2>
<p>Actuellement, l’absence de cohérence du policy-mix et le manque de crédibilité du plan de relance sont pointés par les marchés financiers. Le taux d’intérêt des obligations d’état britanniques est monté à 4,5 % le mardi 27 septembre, un plus haut historique depuis le milieu d’année 2008 (voir Graphique 3). Cette hausse des taux longs n’est pas un signal positif émis par les marchés. Certes la composante « anticipation » des taux longs s’est accrue sous l’effet de la hausse des anticipations de taux courts, mais les primes de risque, réelles et nominales, ont été très certainement réévaluées.</p>
<p><iframe id="639Yf" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/639Yf/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Sur le marché des changes, la livre s’est dépréciée d’environ 20 % depuis un an face au dollar américain atteignant la valeur de 1,07 au 27 septembre.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1574455466360541198"}"></div></p>
<p>Certes, il existe un effet dollar dans cette évolution, au sens où la monnaie américaine s’est appréciée contre un grand nombre de devises, comme cela est systématiquement le cas lors de périodes de crise globale. Mais la livre s’est aussi dépréciée s’agissant du taux de change effectif nominal, c’est-à-dire contre un panier de 27 devises, <a href="https://www.bis.org/statistics/eer.htm">d’environ 7 % depuis le début de l’année</a>.</p>
<p>Quel est l’effet d’une telle dépréciation sur l’inflation ? La <a href="https://www.bankofengland.co.uk/-/media/boe/files/speech/2015/much-ado-about-something-important-how-do-exchange-rate-movements-affect-inflation.pdf">Banque d’Angleterre (BoE) possède une règle empirique</a> pour évaluer cela. La transmission d’une dépréciation de la livre à l’inflation se fait en deux temps de la manière suivante : d’abord l’effet se produit sur les prix à l’import (entre 60 % et 90 %), puis l’effet <em>in fine</em> sur les prix à la consommation, en supposant constant le comportement de marge des entreprises, dépend de l’intensité en importations de la consommation, estimée à environ 30 % au Royaume-Uni. Finalement, le coefficient de transmission se situe entre 20 % et 30 % selon la BoE.</p>
<p>Par conséquent une dépréciation en termes effectifs de 7 % se traduirait par une hausse du niveau des prix entre 1,5 % et 2 % depuis le début de l’année. Cela n’est pas négligeable et souligne l’effet boomerang du décryptage du policy-mix par les marchés financiers sur l’activité économique.</p>
<p>En fin de compte, ces évolutions de marché à la suite de l’annonce du plan de relance ont contribué de manière additionnelle au durcissement des conditions financières, ce qui renforce la probabilité d’une récession dans les mois à venir. La plupart des perspectives de croissance pour 2023 restent pessimistes : selon les <a href="https://www.oecd.org/economic-outlook/september-2022/">prévisions intermédiaires de l’OCDE</a> publiées le 26 septembre, le PIB britannique devrait stagner en 2023 par rapport à 2022, ce qui laisse envisager quelques trimestres de croissance négative.</p>
<p>Par ailleurs, la <a href="https://www.bankofengland.co.uk/news/2022/september/key-elements-of-the-2022-stress-test">Banque d’Angleterre a publié le 26 septembre les hypothèses de son scénario de stress-test</a> pour le système bancaire britannique : l’hypothèse d’une profonde récession au Royaume-Uni et simultanément pour l’économie mondiale sera envisagée lors de cet exercice.</p>
<p>À la vue des conséquences sur les marchés financiers des différentes annonces de politique économique, la BoE a infléchi sa position en annonçant le 28 septembre qu’elle <a href="https://www.bankofengland.co.uk/news/2022/september/bank-of-england-announces-gilt-market-operation">reprenait immédiatement ses achats de titres souverains britanniques</a>, du moins de manière temporaire jusqu’au 14 octobre.</p>
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<p>L’argument mis en avant est le risque de stabilité financière pour le système britannique, dont elle a également la charge. Ce revirement de position rapidement après l’annonce initiale du plan de relance par le gouvernement est un bel exemple de <em>dominance fiscale</em>, principe selon lequel la politique monétaire dépendant de la politique budgétaire. Ce changement d’orientation monétaire s’est traduit par une volatilité accrue sur les marchés financiers.</p>
<p>Pour réduire cela, le dilemme entre la politique budgétaire et la politique monétaire devra se résoudre rapidement, soit par l’affirmation de la banque centrale de sa détermination à combattre l’inflation, soit par la clarification par le gouvernement de sa stratégie de financement de son plan d’action.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/191621/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Laurent Ferrara est membre du comité directeur de l'AFSE.</span></em></p>La sortie de l’Union européenne aura fragilisé l’économie britannique face aux crises suivantes liées à la pandémie de Covid et la flambée des coûts de l’énergie.Laurent Ferrara, Professeur d’Economie Internationale, SKEMA Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1877352022-08-07T20:39:47Z2022-08-07T20:39:47ZLes cinq crises du Panama<p>Le Panama se trouve au cœur d’une <a href="https://www.rfi.fr/fr/am%C3%A9riques/20220721-%C3%A0-la-une-crise-sociale-au-panama">crise sociale</a> probablement sans précédent durant l’ère démocratique (commencé en 1990 après l’intervention militaire étasunienne de décembre 1989). Depuis deux semaines, les syndicats de la construction, les communautés autochtones, les producteurs agricoles, les syndicats d’enseignants et des professionnels de santé, les travailleurs du transport, les pêcheurs et d’autres acteurs sociaux ont bloqué des rues dans tout le pays et ont manifesté devant les institutions publiques.</p>
<p>Les raisons immédiates du mécontentement sont les mêmes que dans le reste du continent et du monde : l’augmentation du prix du pétrole et la hausse du prix des produits de première nécessité qu’elle a provoquée. La liste des revendications va des plus conjoncturelles (prix de l’essence, panier alimentaire de base et médicaments) aux <a href="https://suntracspanama.com/wp-content/uploads/2022/05/PLIEGO-DE-PETICIONES-ORGANIZACIONES-POPULARES.pdf">plus structurelles</a> (assurance chômage, réforme fiscale…).</p>
<p>La crise actuelle ne peut guère être une surprise. Le mécontentement des citoyens s’est exprimé à de nombreuses reprises ces derniers mois. En octobre 2019, des étudiants d’universités privées et publiques, ainsi que des membres des mouvements féministes et LGBT panaméens, <a href="https://www.20minutes.fr/monde/2641935-20191101-panama-manifestations-mouvementees-contre-reforme-constitutionnelle">se sont mobilisés</a> pendant des semaines contre des réformes constitutionnelles qui, bien que vues comme nécessaires par la population et promises pendant sa campagne par le président, ne répondaient pas à l’objectif pointé par les sondages d’opinion : <em>défendre les pauvres</em>. Les réformes n’ont finalement pas été adoptées.</p>
<p>Après une pandémie qui a entraîné dans ce pays l’une des <a href="https://www.laestrella.com.pa/nacional/publicando-historia/210916/pandemia-llevo-retos-proximo-siglo#:%7E:text=En%202020%20la%20econom%C3%ADa%20de,y%20restaurantes%2C%20transporte%20y%20otros.">pires récessions</a> du monde (-17,9 %), de nouvelles poches de mécontentement se sont formées, pour des raisons aussi variées que la <a href="https://www.laestrella.com.pa/nacional/210922/210923-democracia-digno-seguridad-social-demandas-sectores-populares">situation précaire de la caisse de sécurité sociale</a>, la montée du chômage ou une <a href="https://journals.openedition.org/ideas/12878">réforme électorale impopulaire</a>.</p>
<p>Le gouvernement de centre droit, élu quelques mois avant la pandémie est en situation de faiblesse : les derniers sondages indiquent qu’à peine 22 % des sondés approuvent la gestion du président, qui a lui-même annoncé qu’il souffrait d’un cancer il y a quelques semaines. Les tentatives de dialogues et les mesures visant à atténuer l’inflation ne semblent pas avoir été suffisantes pour calmer la colère de la population. Les groupes organisés sont déterminés à poursuivre les blocages, tandis que le niveau de tension entre la population et les forces publiques augmente. Car au-delà du prix de l’essence, le pays est embourbé dans cinq crises distinctes.</p>
<h2>1. La crise des inégalités</h2>
<p>Ces dernières décennies, le Panama a connu <a href="https://www.worldbank.org/en/country/panama#:%7E:text=Over%20the%20past%20decade%2C%20Panama,in%202015%20and%202016%2C%20respectively.">l’une des croissances les plus rapides au monde</a>. Au milieu des immenses protestations actuelles, le gouvernement a fièrement annoncé que le Panama était désormais <a href="https://qz.com/1320041/panama-croatia-and-argentina-join-the-world-banks-list-of-high-income-countries/#:%7E:text=For%20the%20first%20time%20ever,more%E2%80%94by%20the%20World%20Bank.">considéré comme un pays à haut revenu</a>. Cependant, cela ne cache pas des inégalités criantes : de ce point de vue, le Panama se classe parmi les cinq pays les <a href="https://elpais.com/internacional/2019/05/02/america/1556790061_709734.html">plus inégaux du monde</a>.</p>
<p>Les <a href="https://www.kas.de/documents/7851262/9778142/Impactos+Econ%C3%B3micos+%E2%80%9CUn+pa%C3%ADs%2C+deux+crises+l%E2%80%99in%C3%A9galit%C3%A9+et+le+Covid-19+au+Panam%C3%A1%E2%80%9D.pdf/0fad9151-d557-ae4a-98d5-18ca135e2fde?version=1.0&t=1605831818385">10 % d’habitants les plus riches représentent 37,3 % du revenu national</a>, soit <a href="https://repositorio.cepal.org/bitstream/handle/11362/46437/1/S2000664_es.pdf">près de treize fois plus que les 40 % les plus pauvres</a>.</p>
<p>La part des salaires dans la production de richesses est passée de <a href="https://cieps.org.pa/salario-minimo-diversidad-de-visiones-limitada-informacion/">50 % du PIB à moins de 30 % en vingt ans</a>. L’écart de richesse entre les citoyens est encore plus marqué. En 2013, 115 millionnaires pesaient 16 000 millions de dollars, tandis que les <a href="https://minerpa.com.pa/ingreso-mensual-promedio-de-los-hogares-por-provincias/">revenus moyens familiaux de la province indigène Gnäbe Buglé s’élevaient à 367 dollars par mois</a>.</p>
<p>La pandémie a <a href="https://documents1.worldbank.org/curated/en/946431626680572263/pdf/Mind-the-Gap-How-Covid-19-is-Increasing-Inequality-in-Latin-America-and-the-Caribbean.pdf">encore aggravé cette situation d’inégalité</a>. 49,5 % des personnes déclarent que leurs revenus ont diminué pendant la pandémie (données de l’enquête du CIEPS des Droits et de la Citoyenneté, 2021) et la plupart des personnes qui ont trouvé un emploi ces derniers mois l’ont fait dans le <a href="https://www.efe.com/efe/america/economia/el-desempleo-baja-a-9-y-la-informalidad-sube-48-2-en-panama/20000011-4838509#:%7E:text=Le%20taux%20de%20ch%C3%B4mage%20est%20de%20la%20Rep%20C3%BAblica%20(CGR).">secteur informel</a>.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/derriere-les-caravanes-de-migrants-damerique-centrale-des-pays-a-bout-de-souffle-107566">Derrière les caravanes de migrants d’Amérique centrale, des pays à bout de souffle</a>
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<p>De plus, l’inflation actuelle rend la situation particulièrement difficile pour ceux qui ont juste assez pour survivre. Des études antérieures ont montré qu’au Panama, les <a href="https://www.eustat.eus/documentos/opt_0/tema_395/elem_14478/definicion.html">déciles</a> les plus pauvres sont touchés par une <a href="https://publications.iadb.org/publications/spanish/document/Inflaci%C3%B3n_y_distribuci%C3%B3n_del_ingreso_en_Panam%C3%A1_es_es.pdf">inflation plus élevée</a>, en raison de la place centrale qu’occupe l’alimentation dans leur budget, qui est également la catégorie la plus soumise à l’inflation.</p>
<p>Les citoyens ont conscience de ces inégalités. Selon les données de Latinobarómetro, 75,3 % des Panaméens affirment que la répartition des revenus est « injuste » ou « très injuste » et 82,7 % pensent que le pays est gouverné par « quelques groupes puissants pour leur propre bénéfice ».</p>
<h2>2. La crise de la représentativité et de la confiance</h2>
<p>Il existe de <a href="https://cieps.org.pa/wp-content/uploads/2022/03/informe_encuestaCIEPS2021.pdf">sérieux problèmes de confiance</a> envers les institutions panaméennes.</p>
<p>L’Assemblée nationale suscite 84,2 % de méfiance, le gouvernement 77,2 %, le système judiciaire 75,9 % et les partis politiques 87,5 %. Toutefois, les institutions publiques ne sont pas les seules à être confrontées à ce problème. La confiance interpersonnelle est pratiquement inexistante (74,2 % disent ne faire « jamais ou rarement confiance » aux gens). Avec la pandémie, toutes les institutions, tant publiques que privées, ont perdu la confiance des citoyens. Cela explique dans une certaine mesure la difficulté qu’ont eue différents groupes mobilisés à coordonner leurs actions.</p>
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<p>Il convient de dire un mot de l’Église catholique, qui a été invitée par le président du pays, Laurentino Cortizo, à servir de médiatrice dans le conflit actuel. L’institution religieuse est en effet, comme l’a souligné le président, celle qui bénéficie de la plus grande confiance de la population (70,6 % disent lui faire confiance). Toutefois, ce chiffre cache un tableau plus nuancé : entre le début des années 1990, lorsque l’Église catholique a servi de médiatrice dans tous les pactes et dialogues dans lesquels le projet économique et politique du pays a été conçu, et aujourd’hui, l’Église a perdu 20 points de pourcentage de confiance.</p>
<p>D’une part, il existe aujourd’hui des secteurs de la société qui prônent une plus grande séparation entre l’Église et l’État, et d’autre part, les personnes qui ont le moins accès aux biens et aux services, avec lesquelles l’État cherche à dialoguer avec la médiation de l’Église, sont précisément celles qui disent avoir le moins confiance en l’Église. D’où l’échec initial du dialogue convoqué par le président Laurentino Cortizo avec la médiation de l’Église, ce qui nous amène à la troisième crise.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/eVrg4jEnRyw?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Panama : les blocages et manifestations contre la vie chère reprennent • France 24, 19 juillet 2022.</span></figcaption>
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<h2>3. La crise des systèmes de négociation collective</h2>
<p>Depuis la transition vers la démocratie, le Panama a connu une prolifération de dialogues, de tables rondes et de pactes destinés à jeter les <a href="https://scholarship.rice.edu/bitstream/handle/1911/106081/lai-panama-3-011219.pdf">bases politiques et économiques du pays</a>. Ces mécanismes reflètent une culture politique qui valorise le consensus, mais aussi des institutions démocratiques très faibles qui n’ont pas réussi à canaliser ces échanges. Du fait de cette faiblesse et de choix politiques, le <a href="https://www.academia.edu/45026721/La_pol%C3%ADtica_en_el_discurso_construcciones_discursivas_de_las_%C3%A9lites_pol%C3%ADticas_paname%C3%B1as_en_la_posinvasi%C3%B3n">secteur privé s’est retrouvé au centre de la politique</a>, et la politique économique a été conduite depuis des décennies conformément aux prescriptions libérales classiques des années 1990.</p>
<p>Ces mécanismes ont progressivement perdu de leur sens aux yeux des citoyens. En 2021, les travailleurs syndiqués ont abandonné le dialogue sur la sécurité sociale. Le pacte du bicentenaire, une plate-forme en ligne qui rassemblait les propositions des citoyens, n’a pas réussi à convaincre les gens de son utilité, et les négociations actuelles n’ont pas eu plus de succès. La crise de confiance évoquée plus haut n’est pas étrangère à cette situation, de même que le sentiment des groupes mobilisés d’un dialogue du « moi avec moi », où les pouvoirs politiques et économiques sont de connivence, et où les secteurs populaires sont invités à entériner des décisions qui ont déjà été prises sans eux.</p>
<h2>4. La crise de l’honnêteté</h2>
<p>Le pays est également confronté à une profonde crise de probité.</p>
<p>Deux anciens présidents sont poursuivis dans l’<a href="https://www.occrp.org/en/daily/14510-two-panama-ex-presidents-accused-in-the-odebrecht-corruption-scandal">affaire Odebrecht</a>. Pendant la pandémie, le ministère public a ouvert des procédures pour pas moins de <a href="https://www.prensa.com/impresa/panorama/pocos-avances-en-casos-judiciales-por-mal-uso-de-los-fondos-de-la-pandemia/">18 cas de corruption</a> liés à la gestion de la crise sanitaire ; un scandale impliquant de <a href="https://www.laestrella.com.pa/nacional/210812/informe-senniaf-desvela-casos-paralizados">graves abus dans le système de protection de l’enfance</a> a éclaté ; plusieurs hauts fonctionnaires ont démissionné sans aucune explication ; les salaires des employés du secteur public ont été systématiquement remis en question, en raison de leur caractère souvent clientéliste (en effet, les fonctionnaires sont presque intégralement remplacés à chaque élection par le parti au pouvoir, souvent au profit de militants du parti, voire des membres de la famille du personnel élu) ; etc.-</p>
<p>Cette crise de l’honnêteté n’est pas seulement liée au secteur public. En septembre 2021, l’Union européenne a décidé de maintenir le Panama sur la liste noire des pays qui « ne coopèrent pas en matière fiscale ». Selon le directeur général des recettes, <a href="https://www.ecotvpanama.com/economia/panama-lidera-la-evasion-fiscal-la-region-asegura-dgi-n5571806">l’évasion fiscale représente encore 4 % du PIB</a> du pays.</p>
<p>On estime qu’en dix ans <a href="https://www.laestrella.com.pa/nacional/211003/evasion-tributaria-impacto">environ 35 milliards de dollars</a> ont été soustraits au fisc, en ne tenant compte que de l’impôt sur les personnes morales. Cette crise de probité dans les secteurs publics et privés, couplée à une politique libérale de baisse progressive du taux d’imposition, a conduit à la cinquième crise, celle des ressources publiques.</p>
<h2>5. La crise des ressources publiques</h2>
<p>Outre la corruption et l’évasion fiscale, l’évitement fiscal (à savoir les manœuvres légales pour payer moins ou pas d’impôts) et les politiques d’exonération fiscale ont également contribué à réduire les capacités de l’État à mettre en œuvre des politiques publiques. Les exonérations fiscales sur toutes sortes de biens et d’activités tels que les nouvelles constructions, les transferts d’actions, les yachts, etc. en sont des exemples.</p>
<p>En 2020, le taux de recouvrement de l’impôt n’était que de 13,7 % du PIB (contre 22,9 % en moyenne en Amérique latine), en baisse de plus de 3,5 points par rapport au début des années 1990. La croissance économique permettait de compenser ce déclin progressif, mais la crise économique actuelle a fait reculer la perception des impôts de près de cinq ans.</p>
<p>Dans ce contexte, une loi accordant des crédits d’impôt à hauteur de presque 3 milliards de dollars aux <a href="https://www.revistaconcolon.com/2022/06/30/pearl-island-la-isla-vip-con-trato-preferencial/">projets de tourisme de luxe</a> a été adoptée en juin, ce qui a suscité un fort mécontentement dans l’opinion publique et dans le secteur du tourisme. L’abrogation de cette loi fait partie des revendications de l’un des principaux syndicats actuellement mobilisés dans le pays et a finalement été obtenue au cours des négociations.</p>
<p>La situation est complexe et, compte tenu de ses contraintes budgétaires, le gouvernement ne dispose que d’une faible marge de manœuvre pour négocier avec les manifestants. Jusqu’à présent, les négociations ont porté sur une subvention à l’essence, qui serait payée par des coupes dans le fonctionnement de l’État, en particulier une réduction de 10 % des effectifs de la fonction publique. Cependant, il semble que certaines organisations recherchent des réformes plus structurelles qui pourraient apporter des réponses plus profondes aux cinq crises que nous avons décrites.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/187735/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Claire Nevache a reçu des financements du FNRS (Belgique) et du SNI (Panama). </span></em></p>La crise sociale qui secoue le Panama est la somme de cinq crises distinctes. Les contraintes budgétaires laissent une faible marge de manœuvre au gouvernement pour améliorer la situation.Claire Nevache, Doctorante en sciences politiques, Université Libre de Bruxelles (ULB)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1871742022-07-19T17:52:59Z2022-07-19T17:52:59ZLes marchés financiers ont-ils intégré la notion de « crise permanente » ?<p>Depuis trois ans, les marchés financiers ont montré des visages très différents. En effet, après une brutale chute entre mars et mai 2020, les cours ont rebondi fortement avant de repartir à la baisse depuis février 2022. Par exemple, le CAC 40, entre le 24 janvier 2020, date de la déclaration du premier cas de coronavirus en France, et le 23 février 2022, veille de l’invasion russe en Ukraine, a augmenté de plus de 1 000 points en franchissant au passage son niveau historique du 04 septembre 2000, au-delà du seuil symbolique des 7 000 points.</p>
<p>Mais l’année 2022 a aussi été marquée par des corrections récurrentes sur la plupart des bourses européennes et américaines. L’indice S&P 500 a ainsi significativement <a href="https://www.bloomberg.com/news/articles/2022-02-24/s-p-500-plunges-to-nine-month-low-as-russia-invades-ukraine">baissé en février dernier</a>. De son côté, le CAC 40 a perdu 15 % de sa valeur, passant d’un niveau de 7100 le 10 février à 6000 le 13 juillet dernier.</p>
<p><iframe id="gg3T8" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/gg3T8/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Certains facteurs intrinsèques au monde de la finance peuvent notamment expliquer l’alternance de ces dynamiques haussières et baissières. Au début de la pandémie, en 2020, les investisseurs avaient anticipé une baisse des profits, conséquence de l’arrêt d’une partie de l’activité économique. En conséquence, ils ont réduit leurs investissements ce qui a provoqué des ventes massives de titres et la baisse de leurs prix.</p>
<p>La tendance s’est inversée une fois la première vague du Covid-19 passée car les investisseurs ont été rassurés par les déclarations et interventions des banques centrales, ce qui a impacté leurs primes de risque et par conséquent leur demande de titres. Dès 2021, certaines entreprises ont réactivé leurs politiques de <a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2022/01/31/en-2021-pres-de-70-milliards-d-euros-distribues-aux-actionnaires_6111680_3234.html">distribution des dividendes</a> augmentant d’autant plus l’appétit des investisseurs pour les actifs boursiers.</p>
<h2>« Crise permanente »</h2>
<p>S’ajoutent à ces facteurs financiers la « nouvelle » perception des investisseurs de cette crise sanitaire et un effet d’apprentissage difficile à cerner. Apprenant à vivre avec la pandémie, plus les investisseurs intègrent la notion de « crise permanente », moins ils ont tendance à paniquer et plus ils actent et renforcent les dynamiques de marché. On en veut pour preuve l’examen du <a href="https://www.francebourse.com/fiche_news_150347.fb">VIX</a>, indice de volatilité du S&P500 aussi appelé « indice de la peur ».</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/avec-la-hausse-des-taux-les-marches-semblent-se-reconnecter-a-leconomie-reelle-185874">Avec la hausse des taux, les marchés semblent se reconnecter à l’économie réelle</a>
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<p>En effet, lors de la première vague du Covid-19, le VIX a <a href="https://fr.tradingview.com/symbols/CBOE-VIX/">augmenté de plus de 45 %</a>, révélant un état de nervosité et de panique des investisseurs à même d’expliquer en partie la brutalité de la chute des marchés en mars 2020. Néanmoins, au fur et à mesure que la pandémie semblait s’installer dans la durée et que les investisseurs commençaient à s’y familiariser (port du masque, télétravail, distanciation sociale, etc.), les variations du VIX, et donc du niveau de peur, se sont atténuées. Les investisseurs ont ensuite repris confiance avec comme conséquence et le retour des investissements sur le marché.</p>
<p><iframe id="6V0kz" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/6V0kz/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Si le VIX n’est pas reparti à la hausse ces derniers mois, il n’en demeure pas moins qu’il existe désormais une forme d’inquiétude sur les marchés qui expliquent les récentes corrections. En effet, la période post-Covid-19 a marqué le retour de l’inflation aux États-Unis et en Europe, incitant les banques centrales à réduire leurs programmes d’achat des actifs financiers et <a href="https://theconversation.com/fed-et-bce-deux-rythmes-mais-une-meme-strategie-contre-linflation-185059">à augmenter leurs taux</a>.</p>
<h2>Le retour de la volatilité</h2>
<p>Ce virage opéré par la <a href="https://theconversation.com/fr/topics/reserve-federale-etats-unis-120711">Réserve fédérale américaine</a> (Fed) comme, peu après, par la <a href="https://theconversation.com/fr/topics/banque-centrale-europeenne-bce-24704">Banque centrale européenne</a> (BCE), ainsi que l’assouplissement progressif des mesures économiques de soutien de la crise Covid-19 ne semblent pas rassurer les investisseurs. Ces derniers craignent désormais une baisse de la liquidité et une augmentation du coût des crédits.</p>
<p>Des facteurs extrafinanciers, dont en premier lieu la guerre en Ukraine déclenchée par l’invasion russe du 24 février dernier, et le choc sans précédent sur le <a href="https://blogs.worldbank.org/developmenttalk/commodity-prices-surge-due-war-ukraine">marché des matières premières</a>, pèsent en outre sur le cours des marchés.</p>
<p>[<em>Près de 70 000 lecteurs font confiance à la newsletter de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde</em>. <a href="https://theconversation.com/fr/newsletters/la-newsletter-quotidienne-5?utm_source=inline-70ksignup">Abonnez-vous aujourd'hui</a>]</p>
<p>Cependant, ceux-ci ne se sont pas effondrés. Depuis cette date funeste, l’évolution des grands indices se caractérise davantage par des hausses et et des baisses successives très importantes. Même si la volatilité ne bat pas les records de début 2020, elle atteint à nouveau des <a href="https://fr.investing.com/indices/volatility-s-p-500-chart">niveaux significatifs</a>.</p>
<p>Par exemple, sur le front des valeurs technologiques, le Nasdaq a connu une baisse remarquable en juin, et des fintechs comme PayPal ou Square ont été fortement affectées par les corrections dans ces secteurs (les investissements des Américains sur des valeurs à la mode pendant la période du confinement laissaient sans doute augurer des phénomènes de <a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2022/05/11/a-wall-street-une-severe-correction-qui-rappelle-l-eclatement-de-la-bulle-internet_6125589_3234.html">réajustements assez violents</a>).</p>
<p><iframe id="WpsYP" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/WpsYP/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Plusieurs analyses concourent pour expliquer l’imprévisibilité de ces dynamiques boursières :</p>
<p>D’abord, les arbitrages des investisseurs eux-mêmes. Ces derniers, considérant parfois injustifiée les baisses significatives de certaines valeurs, se ruent sur les actions dont ils estiment la <a href="https://www.dailyfx.com/forex/technical/home/analysis/spx500/2022/06/02/SP-500-Dow-Jones-Nasdaq-100-in-Recovery-Mode-for-Now-PRtech.html">valorisation sous-estimée</a>, ce qui provoque des ruées importantes sur certains titres. Pourtant, dans ce cas, les mouvements de hausses n’ont souvent rien de durables ; il s’agit en général d’ajustements temporaires.</p>
<h2>Recul du PIB américain</h2>
<p>Deuxième explication, plus monétaire : plusieurs acteurs du marché semblent indiquer que le <a href="https://www.marketpulse.com/20220701/week-ahead-peak-fed-tightening/">« pic de la Fed »</a> aurait été atteint, ce qui signifie que la banque centrale américaine ne pourrait pas se risquer à une remontée plus brutale de ses taux. La perspective de cette modération pourrait avoir un effet incitatif sur les investisseurs.</p>
<p>Une troisième explication, plus structurelle, tient aux cycles économiques et au marché lui-même. Aux États-Unis, il y a un fort <a href="https://www.banque-france.fr/fileadmin/user_upload/banque_de_france/archipel/publications/bdf_rsf/etudes_bdf_rsf/bdf_rsf_03_etu_3.pdf">lien de dépendance</a> entre les marchés boursiers et le niveau d’activité à court terme. En période d’expansion, les actions des valeurs américaines ont tendance à se valoriser, alors qu’après le retournement du cycle, des ajustements importants sont souvent constatés. Le <a href="https://www.lesechos.fr/monde/etats-unis/etats-unis-recul-surprise-du-pib-au-premier-trimestre-1403664">recul surprise du PIB</a> de 1,4 % en rythme annuel au premier semestre aux Étas-Unis a donc de quoi inquiéter les marchés.</p>
<p>Il apparaît clair désormais que <a href="https://theconversation.com/fr/topics/inflation-28219">l’inflation</a> (voire la possible <a href="https://theconversation.com/inflation-croissance-nulle-et-plein-emploi-bienvenue-dans-la-stagflation-2-0-182780">stagflation</a>) et la politique des banques centrales ont pris le pas sur l’incertitude liée au Covid-19. Les anticipations des grandes institutions sont, semaine après semaine, toujours <a href="https://www.nytimes.com/2022/07/17/business/economy/global-central-banks-inflation.html">plus sombres</a> ce qui pourrait inciter nombre d’investisseurs à se reporter sur des actifs potentiellement plus sûrs. Ce sont désormais ces facteurs qui, semble-t-il, préoccupent aujourd’hui vraiment les investisseurs.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/187174/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Plus de deux ans après le début de la pandémie de Covid et près de six mois après l’invasion russe en Ukraine, les cours ont connu de nombreuses corrections mais pas de décrochage brutal.David Bourghelle, Maître de conférences en finance, laboratoire LUMEN, Université de LilleFredj Jawadi, Professeur des Universités en finance et en économétrie, Laboratoire LUMEN, Université de LillePascal Grandin, Professeur, Université de LillePhilippe Rozin, Maître de conférences en finance, laboratoire LUMEN, Université de LilleLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1869532022-07-14T21:06:27Z2022-07-14T21:06:27ZLa dépréciation de l’euro face au dollar ajoute de l’inflation à l’inflation<p>Ces derniers mois, l’euro s’est progressivement déprécié jusqu’à atteindre la parité avec le dollar, le 12 juillet. La devise européenne a ainsi décroché de 19 % depuis son haut récent du 6 janvier 2021, et de 37 % depuis son record absolu du 22 avril 2008, lors de la crise financière.</p>
<p>Cette dépréciation reflète en partie la forte appréciation du dollar, car l’euro se maintient mieux en termes de la plupart des autres devises. Ainsi, au cours des mêmes périodes, la dépréciation du taux de change effectif de l’euro s’est limitée à 8 % depuis le 6 janvier 2021, et 17,5 % depuis le 22 avril 2008 à l’époque de la crise financière. Cette tendance résulte d’une combinaison de plusieurs causes.</p>
<p><iframe id="FZZkS" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/FZZkS/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>D’abord, le décalage de politique monétaire est très grand, avec un différentiel de taux d’intérêt très en faveur du dollar. La Réserve fédérale (Fed) avait déjà moins baissé les taux que la Banque centrale européenne (BCE), et a évité jusqu’alors les taux négatifs. Mais ensuite, la Fed a commencé à resserrer la politique monétaire bien avant la BCE, qui ne va qu’initier la hausse de ses taux directeurs le 21 juillet. La Fed a déjà augmenté ses taux directeurs de 0,25 point le 17 mars, de 0,5 le 5 mai puis de 0,75 le 16 juin, soit une intensité supérieure à ce que la BCE suggère jusqu’à présent (une première hausse de 0,25 point puis une deuxième, de 0,25 ou 0,5 point, en septembre).</p>
<h2>Dissensions à la BCE</h2>
<p>Ensuite, il y a des dissensions connues entre les membres du conseil des gouverneurs à propos de l’ampleur et du <a href="https://theconversation.com/etats-unis-lhistoire-montre-que-la-hausse-des-taux-de-la-fed-ne-suffira-pas-a-eviter-une-recession-182537">rythme du resserrement monétaire</a>, entre ceux qui veulent être très prudents et ceux qui veulent une réponse très forte pour juguler l’inflation. En raison de ces dissensions, les perspectives de taux d’intérêt restent assez incertaines en zone euro, alors que la Fed affiche une détermination très claire pour augmenter ses taux directeurs aussi forts que nécessaire. Encore une fois, cette divergence entre la BCE et la Fed plaide en faveur du dollar.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/fed-et-bce-deux-rythmes-mais-une-meme-strategie-contre-linflation-185059">Fed et BCE : deux rythmes mais une même stratégie contre l’inflation</a>
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<p>Les dissensions entre les membres du conseil des gouverneurs de la BCE portent aussi sur la nécessité d’instaurer un nouvel instrument contre la fragmentation de la zone euro, donc un programme d’achats sélectifs d’obligations publiques des pays très endettés pour comprimer les écarts entre les taux de financement des différents États membres de la zone euro, les « spreads ». Le <a href="https://www.agefi.fr/financements-marches/actualites/quotidien/20220704/bundesbank-s-oppose-a-l-outil-anti-fragmentation-346741">gouverneur de la Bundesbank a montré clairement son opposition</a> à ce qu’un tel programme soit de grande ampleur et de longue durée.</p>
<p>[<em>Près de 70 000 lecteurs font confiance à la newsletter de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde</em>. <a href="https://theconversation.com/fr/newsletters/la-newsletter-quotidienne-5">Abonnez-vous aujourd’hui</a>]</p>
<p>Il a indiqué que la BCE devait se concentrer sur la lutte contre l’inflation, et que les pays surendettés devaient mener la politique d’austérité budgétaire nécessaire pour limiter leurs déficits et dettes et comprimer ainsi les spreads. Pour les marchés, les possibilités pour la BCE de contrôler les spreads, et ainsi maintenir l’intégrité de l’union monétaire, restent donc incertaines. Une nouvelle crise des dettes souveraines de la zone euro reste possible. Cela entretient une défiance des marchés envers l’euro.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/la-hausse-des-taux-dinteret-va-t-elle-deboucher-sur-une-nouvelle-crise-de-la-zone-euro-185872">La hausse des taux d’intérêt va-t-elle déboucher sur une nouvelle crise de la zone euro ?</a>
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<p>Enfin, une autre source de défiance envers l’euro vient des risques de récession et surtout des problèmes de l’Allemagne. L’Allemagne reste le moteur de la zone euro mais est menacée de graves problèmes. Son secteur industriel est très affecté par les pénuries de composantes importées à cause des confinements en Asie et maintenant avec les problèmes d’approvisionnement en gaz et pétrole russes. Les exportations vers l’Asie décélèrent également. Dans le même temps, la valeur des importations d’énergie par l’Allemagne augmente énormément.</p>
<h2>L’Europe menacée de récession…</h2>
<p>En conséquence, le surplus commercial en valeur de l’Allemagne <a href="https://atlantico.fr/article/decryptage/effondrement-des-excedents-commerciaux-outre-rhin-petit-derapage-de-l-economie-allemande-ou-crash-en-vue-berlin-olaf-scholz-commerce-eric-dor-philippe-waechter">s’est effondré</a>. Le poids de l’Allemagne est tel que c’est toute la zone euro qui est menacée de récession. De toute manière, l’extrême dépendance de la zone euro aux importations d’énergie issue de Russie rend ses perspectives très incertaines, comparées à celles des États-Unis bien davantage autosuffisants. Cela conduit les marchés à préférer le dollar à l’euro.</p>
<p>Il y a une <a href="https://theconversation.com/etats-unis-lhistoire-montre-que-la-hausse-des-taux-de-la-fed-ne-suffira-pas-a-eviter-une-recession-182537">forte probabilité de récession aux États-Unis</a> comme en zone euro. Mais la récession outre-Atlantique est susceptible d’être moins forte et moins longue. Les causes de la dépréciation de <a href="https://theconversation.com/au/topics/euro-25332">l’euro</a> contre le dollar ont donc une forte probabilité de persister. À moins qu’un choc asymétrique affecte par surprise les États-Unis, les fondamentaux vont rester assez longtemps en faveur du dollar et en défaveur de l’euro.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/laffaiblissement-de-leuro-face-au-dollar-une-tendance-qui-sannonce-durable-173293">L’affaiblissement de l’euro face au dollar, une tendance qui s’annonce durable</a>
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<p>Globalement, la dépréciation de l’euro contre le dollar implique une détérioration des termes de l’échange pour les pays de l’union monétaire. En effet, pour obtenir les dollars nécessaires à l’achat d’une même quantité de biens et services produit par la zone dollar, la quantité de biens et services à produire et vendre par la zone euro augmente. Autrement dit, une même quantité de biens et services de la zone euro s’échange contre de moins en moins de biens et services de la zone dollar. Du point de vue inverse, une même quantité de biens et services de la zone dollar s’échange contre une quantité croissante de biens et services de la zone euro.</p>
<h2>… mais plus attractive</h2>
<p>Pour de mêmes prix de vente en euros, il y a une baisse des prix de vente en dollars des biens et services produits par les pays de la zone euro. Pour des acheteurs de la zone dollar, il y a donc une hausse de l’attractivité des biens et services de la zone euro et donc sur sa compétitivité. Cela peut donc stimuler les exportations des pays de la zone euro vers la zone dollar. En ce qui concerne les services, il y a par exemple le tourisme. Pour de mêmes prix en euros, les pays de l’union monétaire sont moins chers en dollars pour des touristes américains, par exemple.</p>
<p>Il convient évidemment de relativiser cet avantage car il concerne uniquement les exportations vers la zone dollar. Or la plupart des pays de la zone euro exportent beaucoup vers d’autres pays de la zone euro. Néanmoins, la dépréciation de l’euro contre le dollar peut fort favoriser les exportations de biens de l’Allemagne (qui exporte 37,61 % de ses biens et 33,56 % de ses services vers la zone euro), mais moins celles du Portugal (65,77 % et 51,93 %).</p>
<p><iframe id="Sdshz" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/Sdshz/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Il n’en reste pas moins qu’au bilan, la dépréciation de la monnaie européenne face à la devise américaine ajoute de l’inflation à l’inflation. En effet, la zone euro subit déjà fortement l’augmentation des prix en dollars du pétrole et des matières premières alimentaires, métalliques et autres.</p>
<p>Les prix en dollars de toute une série de composantes industrielles en pénurie, ainsi que du fret maritime, augmentent aussi déjà fortement depuis l’année passée. Lorsque ces prix en dollars sont convertis en euro, la hausse est encore supérieure à cause de la dépréciation de la monnaie unique. Les coûts en euros des entreprises européennes augmentent donc très fortement, et elles doivent le répercuter sur leurs prix de vente aux consommateurs.</p>
<p>Les consommateurs subissent une forte augmentation des prix en euros des biens et services de consommation importés directement de la zone dollar. Mais les prix des biens et services de consommation produits dans l’union monétaire augmentent aussi très fortement à cause de la hausse des coûts en euros des matières premières et composantes importées qui sont transformées.</p>
<h2>Une politique monétaire plus resserrée ?</h2>
<p>Normalement, la dépréciation de l’euro contre le dollar, parce qu’elle est inflationniste, doit impliquer le renforcement du resserrement de politique monétaire. Comme cette dépréciation augmente encore les perspectives d’inflation de la zone euro, la BCE devrait donc resserrer fortement la politique monétaire. Les hausses successives des taux directeurs qui sont planifiées à partir de ce mois pourraient finalement être d’une ampleur supérieure à ce qui a été initialement considéré.</p>
<p>Pour éviter que des hausses exagérées des « spreads » empêchent la BCE de procéder à des augmentations des taux directeurs assez fortes, il reste néanmoins essentiel qu’un instrument contre la fragmentation, sous forme d’achats sélectifs d’obligations publiques des pays très endettés moyennant une conditionnalité légère, soit instauré.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/186953/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Eric Dor ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La zone euro se retrouve avec une devise affaiblie pour régler, en dollars, ses achats d’énergie et de matières premières dont les prix flambent.Eric Dor, Director of Economic Studies, IÉSEG School of ManagementLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1836622022-06-29T22:48:12Z2022-06-29T22:48:12ZComment le secteur audiovisuel mondial a été radicalement bouleversé par le Covid-19<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/470331/original/file-20220622-7895-iw6y88.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=3%2C3%2C1017%2C662&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Un cinéma fermé, à l'été 2020. </span> <span class="attribution"><span class="source">AFP</span></span></figcaption></figure><p>« Le Covid-19 a fait perdre 19 milliards d’euros aux cinémas en Europe », titrait le <em>Monde</em> le 22 juin dernier.</p>
<p>Afin de mesurer l’impact du Covid-19 sur l’ensemble des secteurs artistiques et culturels à travers le monde, et tout particulièrement le secteur de l’audiovisuel, <a href="https://www.wipo.int/meetings/en/2022/info-session-impact-covid-19-copyright-ecosystems.html">nous avons mené une recherche au niveau mondial</a> à la demande de l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI).</p>
<p>Celui-ci se divise en plusieurs segments : cinéma, télévision, radio, industries de la vidéo et du multimédia, incluant les services de vidéo à la demande (SVOD) ou de télévision en replay. Les premières analyses montrent un renforcement sans précédent des plates-formes mondiales en ligne (Netflix, Amazon Prime Video, Disney Plus, Apple TV Plus ou HBO Max) qui indiquent un <a href="https://journals.sagepub.com/doi/full/10.1177/0163443721994537">changement radical</a> dans la production, la diffusion et la consommation de contenu audiovisuel, imposant ce secteur comme le <a href="https://unesdoc.unesco.org/ark:/48223/pf0000375307">modèle infrastructurel et économique dominant</a>.</p>
<p>Cependant, l’instabilité liée à la pandémie pourrait relancer la dynamique de concentration dans le secteur de l’audiovisuel en raison de l’action des plates-formes mondiales de streaming.</p>
<h2>Le cinéma durement frappé</h2>
<p>La pandémie et les confinements ont mis la production et la distribution à l’arrêt et réduit de moitié les recettes des salles de cinéma. En outre, la production de films a dû être annulée ou reportée.</p>
<p>La fermeture massive des cinémas courant 2020 – et en dépit d’une tentative de promotion par la SVOD – a conduit les distributeurs/producteurs à se tourner vers les plates-formes en ligne pour diffuser des films initialement prévus pour la salle, ce qui a perturbé <a href="https://rm.coe.int/iris-plus-2020-2-the-european-audiovisual-industry-in-the-time-%20of-covi/16809f9a46%20-%20Europe%20-%202020">ce modèle économique traditionnel</a> et les circuits de production.</p>
<p>Par exemple, en Chine, les <a href="https://research.hktdc.com/en/article/NDI5NjcxNjA5">recettes du box-office</a> pour les trois mois de février-avril 2020 ont baissé de 80 % par rapport à la même période en 2019. <a href="https://www.britishcouncil.org/research-policy-insight/insight-articles/impact-covid-19-arts-sector-china">Une autre source</a> rapporte que plus de 6 000 entreprises liées au cinéma vont mettre la clé sous la porte et que plus de 1 000 cinémas vont fermer définitivement à travers le pays.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/hollywood-vs-netflix-la-bataille-qui-redessine-lindustrie-du-cinema-116227">Hollywood vs. Netflix : la bataille qui redessine l’industrie du cinéma</a>
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<h2>Un secteur redynamisé par les plates-formes</h2>
<p>Cependant, la nouvelle vague d’expansion des plates-formes numériques a paradoxalement contribué à la croissance du secteur.</p>
<p>L’Inde, qui <a href="https://www2.deloitte.com/in/en/pages/technology-media-and-telecommunications/articles/indywood-indian-film-industry.html">produisait</a> entre 1 500 et 2 000 films environ par an (en 2016) illustre bien ce phénomène.</p>
<p>Alors que la pandémie a entraîné la fermeture des salles de cinéma, le <a href="https://www.rfi.fr/en/culture/20210801-covid-19-crisis-hits-india-s-booming-film-industry-hard-bollywood-culture-%20television-economy">marché indien du streaming devrait connaître une croissance</a> de 31 % entre 2019 et 2024.</p>
<p>Les effets à long terme de la pandémie sur le développement du secteur restent flous et dépendront très probablement des mesures politiques prises pour faire face à la nouvelle situation normale des marchés audiovisuels. Ce qui est certain, c’est que les effets de la pandémie ne disparaîtront pas avec la <a href="https://screendirectors.eu/joint-film-and-audiovisual-sector-covid-19-%20statement-7-april-2020/">simple reprise des activités pré-pandémie</a> de production traditionnelle.</p>
<h2>La diversité des programmes en péril</h2>
<p>La pandémie a également révélé des problèmes structurels dans le secteur et certains auteurs suggèrent qu’elle pourrait conduire <a href="https://rm.coe.int/iris-plus-2020-2-the-european-audiovisual-industry-in-the-time-%20of-covi/16809f9a46%20-%20Europe%20-%202020">à une crise systémique</a>.</p>
<p>Le <a href="https://rm.coe.int/iris-plus-2020-2-the-european-audiovisual-industry-in-the-time-%20of-covi/16809f9a46%20-%20Europe%20-%202020">rapport</a> de l’Observatoire européen de l’audiovisuel (OEA) montre ainsi que d’après les données pré-pandémie (de 2014 à 2019), le secteur était déjà en déclin sur la plupart de ses segments. Le taux de croissance annuel n’a représenté que 0,2 % en termes réels. Le marché à la demande (SVOD) a été le principal moteur du secteur et poursuit sur sa lancée, représentant plus de 75 % des recettes supplémentaires en 2016-2020. Ce secteur a aussi gagné de <a href="https://rm.coe.int/yearbook-key-trends-2020-2021-en/1680a26056">nouvelles parts de marché en Europe</a>.</p>
<p><a href="https://rm.coe.int/iris-plus-2020-2-the-european-audiovisual-industry-in-the-time-%20of-covi/16809f9a46%20-%20Europe%20-%202020">Selon un rapport de l’OEA</a>, la crise systémique touchera particulièrement les cinémas et les films d’art et d’essai indépendants, qui ont peu de chances de s’en remettre. On s’attend à ce que les cinémas se concentrent davantage sur l’exploitation des superproductions européennes et américaines et que les films d’art et d’essai européens dépendent de plus en plus du financement des grandes plates-formes de SVOD.</p>
<p>De même, le rôle des fournisseurs de services médias dans la production des films pourrait être affecté par les mesures d’austérité post-Covid-19.</p>
<p>Cela pourrait mettre en péril le volume et la diversité des <a href="https://www.rebuilding-europe.eu/_files/ugd/4b2ba2_1ca8a0803d8b4ced9d2b683db60c18ae.pdf">programmes européens</a> (films et séries télévisées), car les programmes financés par la SVOD et les recettes provenant des abonnements en ligne ne compenseraient probablement pas la diminution des investissements des acteurs historiques et le manque d’options de distribution et d’exploitation physiques.</p>
<p>D’un autre côté, certains auteurs estiment que la tendance à la « plateformisation », qui s’est intensifiée en raison de la pandémie, de sorte que les principales plates-formes fournissant des abonnements à la demande ont connu une croissance substantielle au cours des six premiers mois, a eu une incidence positive sur la <a href="https://journals.sagepub.com/doi/full/10.1177/0163443721994537">coopération régionale et la production originale</a>.</p>
<p>Dans le contexte de la pandémie, une telle stratégie a encouragé la <a href="https://journals.sagepub.com/doi/full/10.1177/0163443721994537">création de fonds privés</a> dont ont bénéficié de nombreuses personnes touchées par la pandémie, mais elle a également encouragé la production originale et initié une nouvelle vague de régionalisation des médias.</p>
<h2>Les nouveaux leaders du marché</h2>
<p>La tendance à la « plateformisation » s’inscrit dans un mouvement plus large qui touche les marchés audiovisuels à l’échelle mondiale. La Covid-19 a massivement accéléré la demande de services audiovisuels dits de contournement ou « Over-The-Top » (OTT) dans le monde entier dont Hulu, Netflix ou Salto sont de bons exemples. Ces services font référence à la distribution de contenu dépendant de l’internet plutôt que des canaux conventionnels tels que la télévision par ondes hertziennes, la télévision par câble ou le satellite direct à domicile.</p>
<p>Les blocages, l’augmentation de la gamme et de la variété des produits, la promotion de contenus localisés et l’augmentation de la connexion des ménages au haut débit fixe de haute qualité ont entraîné une <a href="https://www.wipo.int/meetings/en/2022/info-session-impact-covid-19-copyright-ecosystems.html">croissance des abonnements OTT de 26 % en 2021</a> par rapport à l’année précédente. Le modèle économique OTT devient lentement dominant en termes de croissance et sera très probablement le futur leader du secteur audiovisuel.</p>
<p>L’arrivée des services OTT dans les foyers s’est accompagnée d’un phénomène de « cord cutting », c’est-à-dire que les téléspectateurs résilient leurs abonnements aux services audiovisuels classiques (télévision multicanal, câble satellite).</p>
<p>En outre, les données de 2021 suggèrent que la consommation de streaming est restée plus élevée qu’avant la pandémie, ce qui indique que le changement induit par la pandémie restera probablement la nouvelle norme.</p>
<p>Ce phénomène est particulièrement marqué en <a href="https://www.imf.org/external/datamapper/NGDP_RPCH@WEO/OEMDC/ADVEC/WEOWORLD">Amérique latine, région économiquement très fragilisée par pandémie</a>, avec une contraction de 7 % du PIB pour 2020.</p>
<p>Les consommateurs confrontés à l’instabilité financière ont préféré les plates-formes « tout en un » offrant une <a href="https://fia-actors.com/fileadmin/user_upload/News/Documents/2021/January/Informe_Final_EN_-_v2.pdf">plus grande variété de contenus</a> renforcée par une production en langues locales, un atout concurrentiel pour les plates-formes.</p>
<h2>De nombreuses répercussions sociales</h2>
<p>L’importante suspension des activités dans le secteur audiovisuel a durablement frappé les travailleurs du secteur, davantage exposés au chômage.</p>
<p>Ils n’ont pas pu compter sur la sécurité sociale, les congés payés, les soins de santé et les fonds d’aide. Par exemple, en Argentine, selon une étude menée par l’Université métropolitaine de l’éducation et du travail (UMET) et la Fédération internationale des acteurs (FIA), la pandémie de Covid-19 a provoqué une baisse de 58,2 % de l’emploi dans le secteur par rapport à l’année précédente pendant la même période (baisse de 20,9 % en termes généraux de l’emploi total).</p>
<p>De nombreuses autorités nationales ont pris l’initiative d’accorder des allégements aux travailleurs informels et indépendants. Par exemple, la <a href="https://www.wipo.int/export/sites/www/meetings/en/docs/ministry-of_economic-development-and-technology-slovenian-intellectual-property-office.pdf">Slovénie</a> a mis en œuvre une série de mesures fiscales, sociales et économiques temporaires peu après l’apparition de la pandémie visant les professionnels du secteur.</p>
<p>Le Centre cinématographique marocain (CCM) a quant à lui alloué 1 million de dirhams (soit près de 95 000 euros) à un fonds d’urgence Covid pour le secteur audiovisuel. Au Portugal, le Bureau de la stratégie, de la planification et de l’évaluation culturelles a alloué un montant de <a href="https://www.wipo.int/export/sites/www/meetings/en/docs/impact-cr-portuguese-ministry-of-culture.pdf">34,3 millions d’euros</a> à répartir entre différentes lignes de soutien, notamment pour le cinéma et l’audiovisuel.</p>
<p>En dépit de ces mesures souvent temporaires, le secteur reste dans son ensemble relativement fragile et dépendant de la régulation et mainmise des plates-formes.</p>
<p>La Société des auteurs de l’audiovisuel européenne <a href="https://www.saa-authors.eu/en/news/689-press-release-cmos-are-a-safety-net-for-authors-but-there-must-be-other-lifelines-in-the-current-crisis#.YrxWJuxBzCR">a ainsi récemment appelé</a> à des solutions durables à long terme pour soutenir le secteur audiovisuel, qui devra faire face aux conséquences de la crise dans les années à venir.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/183662/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Marilena Vecco ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La pandémie et les confinements ont mis la production et la distribution à l’arrêt et réduit de moitié les recettes des salles de cinéma.Marilena Vecco, Coordinatrice Axe de recherche Arts and Cultural Management, Burgundy School of Business Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1858742022-06-28T17:01:53Z2022-06-28T17:01:53ZAvec la hausse des taux, les marchés semblent se reconnecter à l’économie réelle<p>La bourse danse tel un voilier sur la houle qui navigue à vue ! <a href="https://www.challenges.fr/economie/pourquoi-les-marches-paniquent-alors-que-la-bce-monte-ses-taux_817087">Les marchés financiers mondiaux sont en baisse</a> depuis ces dernières semaines, malgré de légers soubresauts d’optimisme. Le CAC 40 a perdu environ 19 % depuis le début de l’année 2022. L’Euro Stoxx 50 (indice de référence des marchés de la zone euro) chute de 20 % en 6 mois. Aux États-Unis, l’indice S&P 500 plonge de 23 %.</p>
<p>Les investisseurs aiment anticiper mais ils n’aiment pas l’incertitude… Les variations de la bourse sont donc régies par les <a href="https://www.cairn.info/la-bourse--9782707148056-page-93.htm">anticipations des agents économiques et des investisseurs</a>. Autrement dit, la valeur d’une action reflète principalement les anticipations de résultats d’une entreprise, la vigueur de l’économie mondiale et le momentum de marché (le taux d’accélération du prix d’un titre).</p>
<p>Ces dernières semaines, la deuxième dimension a pris le dessus au regard du contexte politique, économique et financier : <a href="https://theconversation.com/fr/topics/conflit-russo-ukrainien-117340">guerre en Ukraine</a>, ralentissement économique en Chine, problèmes sur les chaînes d’approvisionnement, <a href="https://theconversation.com/fr/topics/inflation-28219">forte inflation</a>, <a href="https://theconversation.com/fed-et-bce-deux-rythmes-mais-une-meme-strategie-contre-linflation-185059">remontées des taux d’intérêt</a>, fragmentation des dettes souveraines, <a href="https://theconversation.com/leconomie-italienne-est-aussi-malade-de-ses-elites-185520">envolée du « spread » italien</a>… La plupart des voyants « macro » sont dans le rouge ; la bourse aussi.</p>
<h2>La bourse et la vie</h2>
<p>La <a href="https://academic.oup.com/rof/article/21/3/945/3060346">macro-finance</a> étudie la relation entre les prix des actifs et les fluctuations économiques ; entre « la bourse et la vie ». Les prix des actifs correspondent à une prime de risque (supplément de rendement par rapport à un actif sans risque) importante, variable dans le temps et corrélée au cycle économique. Les prix des actions et les rendements des actifs sont donc souvent corrélés aux cycles économiques et aux variations des fondamentaux macroéconomiques.</p>
<p>Les rendements boursiers aident également à prévoir les événements macroéconomiques tels que la croissance du PIB, le chômage et l’inflation. On comprend alors que la connexion ou la déconnexion et la causalité entre les variables macroéconomiques et le marché boursier reste une question centrale pour les <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S1062976919301917">universitaires</a>, les décideurs politiques, les investisseurs ou les gestionnaires de fonds.</p>
<p>On cherche à solutionner le paradoxe de l’œuf et de la poule. En effet, on peut se demander si les marchés boursiers sont en avance ou en retard sur les fondamentaux macroéconomiques. D’un côté, les variables macroéconomiques <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/0304405X77900149">influencent et aident à prédire</a> les prix des actions. Les changements économiques affectent les taux d’actualisation et, parallèlement, les variables macroéconomiques font partie des facteurs de risque sur les marchés boursiers. D’un autre côté, les marchés boursiers peuvent également être des indicateurs retardés, réagissant aux données macroéconomiques. Par exemple, les <a href="https://www.jstor.org/stable/2328694">prix des actions peuvent être liés à la production future attendue</a>.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/471088/original/file-20220627-12-yok9je.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/471088/original/file-20220627-12-yok9je.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/471088/original/file-20220627-12-yok9je.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/471088/original/file-20220627-12-yok9je.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/471088/original/file-20220627-12-yok9je.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/471088/original/file-20220627-12-yok9je.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/471088/original/file-20220627-12-yok9je.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Les variations de la bourse sont notamment régies par les anticipations des agents économiques et des investisseurs.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Stock_Market_Changes.png">Wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
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<p>Toutefois, la littérature n’aboutit pas à un consensus sur l’existence, la force et la durée des causalités entre la bourse et les fondamentaux macroéconomiques, en raison du caractère non linéaire et variant des relations. Les cycles d’expansion et de récession semblent conditionner les transmissions et les retombées d’informations entre les fondamentaux macroéconomiques et le marché boursier.</p>
<h2>Deux décennies de déconnexion progressive</h2>
<p>Dans un <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S154461232200304X">article</a> de recherche récemment publié, j’analyse l’existence et l’intensité d’une causalité bidirectionnelle variant dans le temps entre la bourse et cinq variables macroéconomiques aux États-Unis entre 1960 et 2021. En intégrant différents marchés (le marché monétaire avec un taux d’intérêt et une masse monétaire, le marché des biens avec l’inflation et la production industrielle et le marché du travail avec le chômage) dans un modèle économétrique, il est possible de déterminer les dates d’origine et de fin de tout épisode de causalité avec une <a href="https://academic.oup.com/jfec/article-abstract/18/1/158/5370328">méthodologie récente</a>.</p>
<p>Les résultats empiriques ont révélé que ces relations varient dans le temps, en particulier lors de crises économiques ou financières. Pendant la crise sanitaire, ce constat était moins valable, ce qui pourrait témoigner d’une <a href="https://theconversation.com/bourses-le-covid-19-aura-encore-confirme-la-deconnexion-avec-leconomie-reelle-140807">déconnexion</a> entre les fondamentaux et l’activité boursière. La crise du Covid pourrait avoir modifié les relations économiques. On pourrait être en présence <a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1207/S15327760JPFM0101_05">d’exubérances irrationnelles ou de bulles spéculatives</a>. Durant la pandémie, les marchés vivaient leurs vies et se souciaient peu des fondamentaux macroéconomiques.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/en-avril-2020-le-petrole-atteignait-40-dollars-et-pas-seulement-a-cause-du-covid-19-176763">En avril 2020, le pétrole atteignait -40 dollars (et pas seulement à cause du Covid-19)…</a>
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<p>Dans une autre <a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/13504851.2021.1987378">étude</a> récente, qui se focalise sur les liens entre l’activité boursière et le chômage, les tests de causalité révèlent que les réalisations décalées du marché boursier ont un pouvoir prédictif sur le chômage, et vice versa. En effet, les cours des actions sont notamment impactés par les nouvelles sur les taux de chômage, qui peuvent contenir des informations sur la croissance et/ou la prime de risque des actions.</p>
<p>Toutefois, cette capacité prédictive, que l’on retrouve en particulier durant les périodes de crise, ne se produit que de manière sporadique dans le temps. Par exemple, pendant la bulle Internet, au début des années 2000, la capacité prédictive du chômage vers le marché boursier a semblé plus forte et plus persistante que pendant la grande récession qui a suivi la crise financière de 2008. Depuis, au fil du temps, l’intensité des causalités s’est diluée. On peut donc penser que la déconnexion s’est progressivement confirmée.</p>
<h2>Reconnexion temporaire ?</h2>
<p>En revanche, l’activité boursière des dernières semaines semble étroitement corrélée avec certains fondamentaux macroéconomiques, tels que l’inflation ou les risques de ralentissement de l’activité.</p>
<p>En effet, récemment, la banque centrale américaine a largement <a href="https://www.france24.com/fr/%C3%A9co-tech/20220615-la-fed-rel%C3%A8ve-son-principal-taux-et-pr%C3%A9voit-un-ralentissement-de-l-%C3%A9conomie">augmenté ses taux à court</a> terme de 0,75 point (ce qui est inédit depuis 1994) pour tenter de limiter les tensions inflationnistes, ce qui a provoqué des turbulences sur les marchés.</p>
<p>Toutefois, cette reconnexion récente risque de ne pas durer au regard des conclusions des études mentionnées précédemment. Elle semble principalement provenir d’une conjonction d’événements qui affole les investisseurs et les marchés boursiers, averses à la navigation à vue. La connexion est pourtant indispensable puisque la sphère financière devrait être étroitement reliée à l’économie réelle…</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/185874/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Vincent Fromentin ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les turbulences boursières récentes reflètent un contexte économique fragile marqué par la forte inflation. Une situation qui tranche avec l’évolution des cours pendant la pandémie de Covid.Vincent Fromentin, Maître de conférences HDR, Université de LorraineLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1855202022-06-22T21:05:12Z2022-06-22T21:05:12ZL’économie italienne est aussi malade de ses élites<p>C’est l’une des conséquences du premier <a href="https://theconversation.com/fed-et-bce-deux-rythmes-mais-une-meme-strategie-contre-linflation-185059">relèvement des taux directeurs</a> de la banque centrale européenne (BCE) depuis une décennie, annoncé le 9 juin dernier : le taux obligataire italien à 10 ans a bondi à plus de 4 %, soit environ un <a href="https://fr.tradingeconomics.com/italy/government-bond-yield">point et demi de plus qu’un mois plus tôt</a>. Cette hausse subite a réactivé la <a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2022/06/16/en-italie-le-grand-retour-de-la-peur-du-spread_6130552_3234.html">peur du « spread »</a>, à savoir l’écart des taux auxquels se financent les différents pays de la zone euro qui avait conduit à la crise de 2011. Si bien que la BCE s’est réunie en urgence, le 15 juin, pour annoncer la mise en place d’un « <a href="https://www.agefi.fr/financements-marches/actualites/quotidien/20220615/bce-annonce-mesures-anti-fragmentation-a-l-issue-345744">nouvel outil anti-fragmentation</a> », sans donner plus de précision. Cette communication a rassuré les marchés en contribuant à resserrer le « spread », mais le taux obligataire italien restait encore à des niveaux élevés une semaine plus tard (3,70 le lundi 20 juin) illustrant les inquiétudes marchés quant à la solvabilité du pays.</p>
<p>À près de 156 % du PIB, l’endettement public italien est près de deux fois plus lourd que celui de la moyenne des pays de la zone euro. La dette pèse sur l’économie pour trois raisons. La première raison est liée à la politique anticyclique : il devient impossible de recourir à des manœuvres de déficit budgétaire pour stimuler la croissance des revenus. Les deux autres raisons sont structurelles. Un excédent primaire élevé oblige (à dépenses égales) à maintenir un prélèvement fiscal élevé et déprime donc le rendement net du capital investi.</p>
<p><iframe id="50LbR" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/50LbR/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>D’autres facteurs entravent la croissance italienne : une économie souterraine qui perdure, de fortes disparités socio-économiques territoriales entre le Nord et le Sud, des mécanismes de décision complexes ou encore <a href="https://www.strategie.gouv.fr/publications/tableau-de-bord-de-lemploi-public-0">l’inefficience de l’État</a>. Comme l’a montré une étude récente comparative de France Stratégie, l’Italie est, avec le Japon, un des pays les moins administrés du monde, autrement dit un des pays où l’emploi public est le plus faible.</p>
<h2>« Absence de méritocratie »</h2>
<p>Plus largement, une <a href="https://voxeu.org/print/62336">étude de 2014</a>, mise à jour en octobre 2017, signée par deux économistes, Bruno Pellegrino, de l’université de Californie à Los Angeles (UCLA) et Luigi Zingales, de l’université de Chicago, a mis en avant « l’absence de méritocratie comme principale cause du problème de productivité en Italie ». Pour les deux auteurs, la gestion des firmes italiennes repose principalement sur un modèle fondé sur la loyauté plutôt que sur le mérite.</p>
<p>Ici, loyauté signifie clientélisme, copinage et prévalence des arrangements de famille ou de clan (avec une réalité variable du Nord au Sud). Ces 20 dernières années, les entreprises italiennes ont massivement sous-investi : le volume de leur investissement n’a progressé que de 40 % contre 90 % en France et en Allemagne et 150 % en Espagne. La crainte de se développer principalement parce que les actionnaires <a href="https://www.oecd.org/economy/growth/Italy-country-note-going-for-growth-2021.pdf">redoutent de perdre le contrôle</a> de l’entreprise reste très présente dans le pays.</p>
<p>Les grands groupes restent eux protégés par un capital verrouillé, familial et des participations croisées, bénéficiant du soutien direct ou indirect de l’État grâce à la dépense publique et à des dévaluations régulières. En outre, les corporations du pays sont nombreuses, puissantes et courtisées : des chauffeurs de taxi aux contrôleurs aériens, de nombreux secteurs de l’administration publique aux camionneurs, des notaires aux producteurs de lait en passant par les agents immobiliers. Ajoutons-y la recherche de rente dans des secteurs protégés : la construction ou les services publics privatisés (électricité, téléphonie, autoroutes) ; l’évitement de la concurrence globale, sur les marchés internationaux ; le refus de se focaliser sur des secteurs émergents nouveaux et risqués (bio-ingénierie, industrie de l’hydrogène), etc.</p>
<p>La crise de l’économie italienne est donc également une crise des élites italiennes. Autrement dit, la grande difficulté pour sortir l’économie italienne de sa situation réside dans le fait que les cadres organisateurs du pays sont conditionnés par la rente et la loyauté, à l’opposé de l’innovation et du mérite qui <a href="https://www.einaudi.it/catalogo-libri/problemi-contemporanei/declino-italia-andrea-capussela-9788806247386/">favorisent la croissance</a>.</p>
<p>L’économie italienne a d’ailleurs davantage souffert en 2020 que la moyenne des pays de la zone euro (-9 % contre -6 %). Les pertes ont été conséquentes, notamment dans le tourisme (-60 % de touristes étrangers en 2020, revenus passés de 44 à 17 milliards), un secteur qui encore en 2019 représentait le 13 % du PIB italien. La récession a toutefois pu être relativement contenue par la résilience de l’industrie.</p>
<p><iframe id="TWq7C" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/TWq7C/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>L’Italie conserve en effet une base industrielle bien plus importante que celle de la France : la deuxième en Europe après celle de l’Allemagne. La péninsule a ainsi conservé des qualifications et des savoir-faire importants. L’Italie reste un pays d’entreprise, qui peut se targuer de compter de nombreuses sociétés de premier plan dans le monde entier. Mais le système ne fonctionne plus et a un besoin urgent de renouvellement.</p>
<h2>Effondrement démographique</h2>
<p>Or, l’Italie reste aujourd’hui prisonnière de son déclin démographique. La natalité du pays s’est effondrée avec une population qui est passée sous la barre des 59 millions d’habitants, avec moins de 400 000 naissances par an. Si rien n’est fait, la péninsule perdra entre 5 et 8 millions d’habitants d’ici 2050.</p>
<p>Sur près de 59 millions d’habitants, <a href="https://www.lesechos.fr/monde/europe/litalie-prisonniere-de-son-declin-demographique-1406889">10,5 millions ont moins de vingt ans</a>, tandis que près de 20 millions ont 60 ans ou plus. Un peu plus de la moitié de la population seulement (52 %) sera bientôt en âge de travailler, tandis que 32 % aura cessé toute activité. L’âge moyen, en augmentation rapide, est de 45,7 ans (+2,3 ans depuis 2010). L’âge médian – le plus élevé de l’Union européenne – est de 43,1 ans, 23 % des Italiens ayant 65 ans et plus. Ce vieillissement pèsera sur la compétitivité et la soutenabilité des finances publiques.</p>
<p><iframe id="ddS9S" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/ddS9S/2/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>L’un des aspects qui suscitent le plus de préoccupations est le nombre de jeunes de 15 à 29 ans faisant partie de la catégorie NEET (Not in Education, Employment or Training). Ce groupe représente en Italie désormais 2,1 millions de personnes, soit une augmentation de presque 100 000 par rapport à 2019, ce qui équivaut à 23 % de la population de cette tranche d’âge et constitue le pire résultat de tous les pays de l’Union européenne (moyenne UE : 14 %).</p>
<p>Dans ce contexte, l’Italie est la <a href="https://www.governo.it/sites/governo.it/files/PNRR_0.pdf">principale bénéficiaire</a>, avec l’Espagne, du plan de relance européen post-Covid <em>Next Generation</em>. Des 807 milliards d’euros mobilisés par l’Union européenne pour les années 2021-2027, plus de 190 sont destinés à l’Italie, dont 65 sous la forme de subventions (le reste sous forme de prêts), soit l’équivalent de près de 11 % du PIB réparti sur sept ans.</p>
<p>Cependant, ces dernières années, les administrations centrales et régionales n’ont pas utilisé tous les fonds européens à disposition pour l’investissement public en raison de la préparation déficiente des projets et de la lenteur de leur exécution. Des centaines de millions d’euros n’ont ainsi pas été mobilisés, en particulier dans le sud de l’Italie, faute de capacité à concevoir et à gérer des projets.</p>
<p>Aujourd’hui encore, l’Italie éprouve des difficultés mêmes à trouver des projets à financer. Le président du Conseil, Mario Draghi, et ses ministres savent que le pays jouera une bonne partie de sa crédibilité en Europe sur la conduite des travaux et le respect des échéances. En outre, ils sont conscients du fait que – à moyen terme – la mise en œuvre rapide et effective des réformes structurelles sera la seule garantie de crédibilité afin d’attirer des investissements étrangers et éviter une envolée des « spread », qui avaient contribué au <a href="https://www.latribune.fr/entreprises-finance/banques-finance/industrie-financiere/hausse-des-taux-la-bce-tente-d-eviter-le-scenario-de-la-crise-de-l-euro-de-2011-922009.html">déclenchement de la crise de la zone euro</a> en 2011.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/185520/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>André Tiran ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Le modèle économique de la péninsule, dont la solvabilité inquiète aujourd’hui les marchés, freine la méritocratie, l’innovation et la croissance.André Tiran, Professeur émérite de sciences économiques, Université Lumière Lyon 2 Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1831572022-05-19T19:28:19Z2022-05-19T19:28:19ZSri Lanka : de la crise économique à la crise politique<p>Depuis maintenant deux mois, Sri Lanka – précisons qu’il est de règle d’usage d’écrire « Sri Lanka » et non « le Sri Lanka », car il s’agit d’une île indépendante, de la même façon que l’on écrit « Madagascar » ou « Chypre » sans articles définis – est confronté à sa <a href="https://www.france24.com/fr/%C3%A9missions/info-%C3%A9co/20220413-le-sri-lanka-traverse-sa-pire-crise-%C3%A9conomique-depuis-son-ind%C3%A9pendance-en-1948">pire crise économique depuis son indépendance en 1948</a>, et les réponses de l’État indiquent qu’il est incapable de protéger ses citoyens, bien au contraire.</p>
<p>L’<a href="https://www.lefigaro.fr/flash-actu/sri-lanka-ranil-wickremesinghe-prete-serment-comme-nouveau-premier-ministre-20220512">investiture du nouveau premier ministre Ranil Wickremesinghe</a>, le jeudi 12 mai, n’y changera rien. Il rencontre déjà de grandes difficultés pour convaincre les membres des partis de l’opposition et de la majorité de constituer un gouvernement d’unité nationale ; surtout, la population sri lankaise (un peu plus de 20 millions de personnes) souhaite avant toute chose la démission de Gotabaya Rajapaksa, président du pays depuis novembre 2019.</p>
<h2>Un État au bord de la faillite</h2>
<p>Si la mauvaise gestion économique n’est pas nouvelle à Sri Lanka – les gouvernements successifs n’ayant pas su gérer l’inflation, la dette et les dépenses –, les décisions prises par le clan Rajapaksa (voir plus bas) ont mené l’île au bord du gouffre. Pour la première fois depuis 1948, le pays a <a href="https://www.reuters.com/world/asia-pacific/sri-lanka-temporarily-suspend-foreign-debt-payments-c-bank-governor-2022-04-12/">cessé, le 12 avril 2022</a>, de rembourser sa dette extérieure.</p>
<p>Cette crise a de multiples origines. Elle est d’abord liée à une promesse de campagne de Gotabaya Rajapaksa qui, à l’approche des élections de novembre 2019, a proposé des réductions drastiques d’impôts (via la suppression pure et simple de sept taxes) et l’abaissement du taux de TVA de 15 à 8 %. Ces mesures populistes ont été adoptées après sa victoire, alors même que le pays bénéficiait d’un prêt du FMI sur 4 années.</p>
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<figcaption><span class="caption">Sri Lanka paralysé par une grève nationale, le président déclare l’état d’urgence (France 24, 6 mai 2022).</span></figcaption>
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<p>Les craintes d’un effondrement plus large sont apparues avec la pandémie, dont les diverses mesures de confinement ont soudainement sapé les revenus provenant du tourisme (un générateur de devises essentiel pour le pays, dont il pèse 13 % du PIB) et des transferts de fonds des <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC8403504/">Sri lankais employés dans les pays du Golfe qui ont vu leur salaire chuter</a> et de ceux qui n’ont pu quitter l’île pour occuper des emplois à l’étranger et ainsi soutenir leur famille.</p>
<p>Les agences de notation de crédit ont <a href="https://www.lefigaro.fr/flash-eco/moody-s-abaisse-la-note-du-sri-lanka-20200929">abaissé la note attribuée à Sri Lanka</a>. Pour rester à flot, le gouvernement a imprimé de la monnaie, augmentant l’offre de 42 % entre décembre 2019 et août 2021, alimentant ce qui allait devenir <a href="https://www.attractivearea.com/economie/le-taux-dinflation-du-sri-lanka-saccelere-pour-devenir-le-plus-rapide-dasie-selon-des-donnees/2542">l’inflation la plus rapide d’Asie</a>.</p>
<p>Une des politiques les plus désastreuses sous la présidence de Gotabaya Rajapaksa a été l’interdiction, entrée en vigueur le 26 avril 2021 de tous les engrais chimiques, pesticides, herbicides et fongicides. Les responsables politiques ont présenté cette brusque interdiction comme la réalisation d’une promesse électorale visant à adopter l’agriculture biologique. En réalité, face à une crise de la balance des paiements et à une grave pénurie de devises étrangères, beaucoup ont vu dans cette décision une tentative d’économiser des dollars en limitant les importations. Dans une économie où le secteur agricole reste important (employant entre un quart et un tiers de la main-d’œuvre nationale selon les évaluations), malgré sa faible contribution au PNB (moins de 8 %), ces mesures ont entraîné une baisse des rendements des cultures, la fermeture de plantations (avec pour corollaire un tarissement des recettes d’exportation du thé), des pertes d’emplois et des pénuries alimentaires.</p>
<p>C’est tout un secteur et plusieurs filières qui ont été déstabilisés, suscitant l’effondrement des moyens de subsistance des agriculteurs. En seulement six mois, la production nationale de riz a chuté de 20 % et celle de thé de 40 %. La montée en flèche de l’inflation a parfois rendu l’accès aux stocks de nourriture disponibles inabordables, provoquant des inquiétudes quant à la possibilité de famines dues aux pénuries alimentaires.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1526584163926671361"}"></div></p>
<p>Cette mécanique infernale est, certes, alimentée par des chocs extérieurs que sont la pandémie de Covid-19 et la <a href="https://www.sundaytimes.lk/220227/business-times/multiple-impacts-in-sri-lanka-from-ukraine-war-473997.html">guerre russo-ukrainienne</a> : cette dernière contribue à l’inflation de certaines denrées alimentaires, a mis fin à l’arrivée des touristes en provenance de ces deux pays en guerre et rend difficile pour l’État d’acheter du pétrole à la Russie pour ne pas indisposer les partenaires occidentaux. Néanmoins, les erreurs politiques internes sont nombreuses et prépondérantes.</p>
<p>L’endettement de l’île est abyssal, représentant près de <a href="https://www.rfi.fr/fr/asie-pacifique/20220412-le-sri-lanka-annonce-%C3%AAtre-en-d%C3%A9faut-de-paiement-de-51-milliards-de-dollars">51 milliards de dollars</a>. Du temps de la présidence de Mahinda (2005-2015), l’État a contracté de nombreux prêts bilatéraux auprès de la Chine pour financer des <a href="https://www.rsisinternational.org/journals/ijrsi/digital-library/volume-7-issue-11/209-227.pdf">projets de construction d’infrastructures</a> aussi coûteux qu’inutiles : centre de conférences, aéroport et port dans le sud de l’île à Hambantota – de véritables éléphants blancs ! En 2017, l’incapacité de Sri Lanka à rembourser ses créances l’avait contraint à céder pour <a href="https://www.thehindu.com/news/international/sri-lanka-formally-hands-over-hambantota-port-on-99-year-lease-to-china/article61847422.ece">99 ans le nouveau port à la Chine</a>. Malgré ce précédent, les Rajapaksa ont contracté d’autres prêts auprès de Pékin afin de financer les projets de renouvellement urbain de Colombo pour en faire une ville au rayonnement mondial, mais aussi pour payer les intérêts dus aux banques chinoises. La Chine détient désormais 10 % de la dette du pays.</p>
<p></p>
<p>Le pays n’ayant pratiquement plus de réserves de devises étrangères (<a href="https://www.hindustantimes.com/world-news/sri-lanka-news-minister-hails-india-s-help-as-reserves-dip-to-record-low-101651667395368.html">moins de 50 millions de dollars</a> au 4 mai 2022), l’importation de médicaments essentiels, de denrées alimentaires, de gaz de cuisine et de carburant est devenue extrêmement difficile. En plus d’endurer ces pénuries, la population subit des coupures de courant pouvant durer jusqu’à huit heures par jour.</p>
<p>Fait non négligeable, ce sont les Cinghalais bouddhistes, majoritaires dans l’île et qui <a href="https://eias.org/publications/op-ed/assessment-of-the-2019-presidential-elections-in-sri-lanka/">avaient porté par leur vote Gotabaya à la présidence de la République</a>, séduits par ses promesses de restaurer la sécurité (à une population traumatisée par les <a href="https://www.francetvinfo.fr/monde/asie/attentats-au-sri-lanka/">attentats de Pâques 2019</a>) et la prospérité, qui ont les premiers dénoncé la dégradation brutale des conditions de vie. Cette situation a poussé des centaines de milliers de citoyens de toutes les générations et de tous les milieux sociaux (par-delà les clivages historiquement construits entre Cinghalais, Tamouls et musulmans) à descendre dans la rue pour protester et demander la démission du président. Le slogan « Gota Go home » est devenu, depuis le mois d’avril, la principale revendication lors des manifestations pacifistes.</p>
<p>Confronté à ce soulèvement populaire, le parti du président s’est désolidarisé de l’équipe au pouvoir. Tous les ministres et le gouvernement ont démissionné, laissant seuls en poste les frères Rajapaksa face à leurs responsabilités et surtout face aux manifestants déterminés à les forcer à démissionner pour en finir définitivement avec le clan familial qui dirige presque sans partage l’île depuis 2005. Les syndicats ont <a href="https://www.aljazeera.com/news/2022/4/29/first-in-four-decades-why-sri-lanka-general-strike-matters">soutenu</a> les manifestants en organisant des grèves générales qui ont été très fortement suivies par les Sri Lankais.</p>
<p>Face à la remise en cause de leur autorité, les Rajapaksa ont tenté, lundi 9 mai, de mobiliser certains de leurs partisans à Colombo et les ont incités à <a href="https://www.reuters.com/world/asia-pacific/meeting-then-mob-turning-point-sri-lankan-crisis-2022-05-11/">attaquer les manifestants et à les déloger</a>. En réaction, les manifestants ont repoussé très brutalement les assaillants et pris d’assaut la résidence du premier ministre.</p>
<p>À l’échelle de l’île, de nombreuses <a href="https://time.com/6175067/sri-lanka-violence-rajapaksa/">propriétés du clan Rajapaksa</a> et de ses alliés ont été incendiées ou détruites. Face à la colère générale, Mahinda a préféré <a href="https://www.france24.com/fr/asie-pacifique/20220510-sri-lanka-l-ancien-premier-ministre-plac%C3%A9-en-s%C3%A9curit%C3%A9-par-l-arm%C3%A9e">présenter sa démission et a été exfiltré par l’armée</a>.</p>
<p>Mis à l’abri dans une base militaire dans le nord-est du pays, il a, comme 16 de ses proches, interdiction de quitter le pays. Gotabaya, qui reste désormais seul au pouvoir, a donné <a href="https://www.bbc.com/news/world-asia-61389189">l’ordre de tirer à vue</a> sur les « contrevenants à la loi ». Malgré ces directives, de nombreux manifestants continuent à se réunir publiquement et à réclamer avec toujours plus de détermination la démission de Gotabaya. Par ailleurs, cette spirale de la dette et de la violence engendre une fois de plus des déplacements. Ceux qui le peuvent quittent la capitale tandis que d’autres tentent de trouver refuge en Inde.</p>
<h2>L’incurie d’une dynastie politique</h2>
<p>Il y a quelques mois seulement, une telle remise en cause du régime aurait été impensable. Au cours de douze des vingt dernières années, les membres de la famille Rajapaksa ont contrôlé les plus hautes sphères du gouvernement de Sri Lanka.</p>
<p>Gotabaya, 72 ans, ancien secrétaire à la Défense, a mené une dernière poussée meurtrière pour mettre fin à la <a href="https://journals.openedition.org/echogeo/2543">guerre contre les séparatistes tamouls</a>, qui a fait jusqu’à 100 000 morts, avant la <a href="http://www1.rfi.fr/actufr/articles/113/article_81134.asp">victoire militaire finale de l’armée sri lankaise en 2009</a>. Son frère, Mahinda, 76 ans, le cerveau politique de la famille, a été deux fois président et deux fois premier ministre. Deux autres frères et sœurs, Chamal, 79 ans, et Basil, 71 ans, se sont bâti une place dans la gestion des ports, de l’agriculture et de l’argent. Des dizaines de membres de la famille occupaient des postes élevés jusqu’en mars 2022.</p>
<p>Après avoir été élu président en 2019, Gotabaya Rajapaksa s’est empressé de restaurer l’autoritarisme populiste de la famille, agrémenté d’appels au nationalisme des bouddhistes cinghalais. Les récents changements constitutionnels (après les élections parlementaires de 2020) ont accru le pouvoir du président (grâce à l’adoption du 20<sup>e</sup> amendement, aujourd’hui dénoncé par les manifestants et l’opposition) et ont renforcé la discrimination à l’encontre des minorités tamoule et musulmane.</p>
<p>Néanmoins, avec cette crise économique, il semble que la population majoritaire, cinghalaise bouddhiste, celle qui a voté pour Gotabaya, a aussi fini par comprendre que ce régime a vraiment pillé le pays. La crise économique s’est donc transformée en une crise politique très grave. Tout le clan Rajapaksa et le régime ont été complètement délégitimés. Les manifestants demandent que les Rajapaksa répondent devant la justice aux accusations de corruption, de détournements d’argent public, d’assassinats politiques (journalistes, militants des droits humains, activistes des droits des minorités) et pour les <a href="https://www.youtube.com/watch?v=jZC1uclgbc0">crimes de guerre</a> perpétrés lors de la <a href="http://geographie-ville-en-guerre.blogspot.com/2011/07/geographie-des-espaces-refuges-des.html">phase finale de la guerre</a> contre les séparatistes tamouls. Dans ces conditions, il semble peu probable que le président, qui détient d’immenses pouvoirs, démissionne, ne serait-ce que parce que rester en poste lui permet de continuer de bénéficier de l’immunité que lui confère la Constitution. Sa stratégie est d’essayer de prolonger la situation aussi longtemps qu’il le peut.</p>
<p>Après la démission forcée de son frère, Gotabaya a abattu sa dernière carte en nommant comme premier ministre Ranil Wickremesinghe. C’est un homme politique très expérimenté qui a déjà occupé cinq fois le poste de premier ministre. Opposant politique du clan Rajapaksa, il a néanmoins travaillé en étroite collaboration avec Gotabaya ces deux derniers mois à remanier le ministère des Finances et de la Banque centrale en vue de réformes fiscales et monétaires radicales.</p>
<p>Malgré sa bonne image à l’international, la population et la classe politique ne plébiscitent pas ce choix. Wickremesinghe est perçu par les manifestants comme un représentant typique de la classe politique sri lankaise que la population juge incapable de gouverner et dont elle ne veut plus. Pour les manifestants, il n’est pas question de se démobiliser tant que le dernier Rajapaksa reste encore au pouvoir. Sajith Premadasa, leader du principal parti de l’opposition, refuse de participer à un gouvernement tant que le président n’aura pas démissionné au préalable. Esseulé, Wickremesinghe, qui est le seul député de son parti au Parlement, rencontre de grandes difficultés à trouver des volontaires pour constituer son gouvernement, et son image est désormais indélébilement ternie auprès des manifestants du fait de sa collaboration avec Gotabaya.</p>
<h2>La fin d’une île modèle ?</h2>
<p>À l’indépendance, l’île apparaissait comme un modèle économique à suivre au sein de la zone Asie du Sud et Asie du Sud-Est. Jusqu’aux années 1970, Sri Lanka était considéré comme un modèle de développement au niveau mondial. Même si le revenu par habitant y était très faible, les indicateurs de développement humain étaient très élevés, principalement grâce à des politiques progressives d’éducation et de santé.</p>
<p>Ce qui se joue actuellement à Sri Lanka semble faire écho à la longue récession économique des années 1970 qui s’était soldée par des réformes de libéralisation économique mises en place par le gouvernement de J. R. Jayewardene, par le truchement de politiques d’ajustement structurel menées avec le soutien de la Banque mondiale et du FMI. Pendant quatre décennies, l’île a intensifié l’instauration de politiques néolibérales, qui se sont traduites par une dépendance accrue, la captation du pouvoir aux mains d’une petite élite, la financiarisation de l’économie et du foncier et, surtout, l’accroissement des inégalités.</p>
<p>La <a href="https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/cultures-monde/culturesmonde-du-vendredi-13-mai-2022-3058054">mauvaise gestion économique du pays par les Rajapaksa</a> a forcé Gotabaya à accepter de faire appel à la Banque mondiale et, surtout, à engager des négociations avec le FMI pour bénéficier d’un prêt d’urgence. Mais le soulèvement populaire et la remise en cause du pouvoir exécutif délégitiment la délégation sri lankaise et sa capacité à imposer une restructuration radicale de l’économie de l’île en échange de tout prêt d’urgence.</p>
<p>Par ailleurs, si certains Sri Lankais voient dans le FMI la seule institution capable de sauver leur pays de la banqueroute et d’assainir sa situation financière, d’autres sont très inquiets de cette perspective. En effet, l’aide du FMI s’accompagnera certainement de conditionnalités qui seront susceptibles d’être imposées à l’île, comme des politiques d’austérité, de nouvelles coupes dans la protection sociale et la privatisation de certaines entreprises publiques.</p>
<h2>Quelles solutions ?</h2>
<p>Quelles alternatives peuvent alors émerger ? Il semble que l’île doit absolument se concentrer sur son agriculture, pour éviter pénuries et famine. Il s’agirait de reconstruire un système alimentaire et essayer réellement de réduire les inégalités. En outre, sans doute faudrait-il que l’augmentation des impôts, indispensable pour les caisses de l’État, soit surtout supportée, par solidarité, par les couches les plus aisées du pays afin de soulager les plus pauvres et lisser les écarts. La mobilisation très vive des manifestants et des syndicats montre que les Sri Lankais ne laisseront pas les politiques sacrifier leurs acquis sociaux (enseignement, santé, électricité accessible à très faible coût) pour favoriser un plan de redressement économique uniquement favorable à une élite et à la classe politique.</p>
<p>Enfin, la crise sri lankaise est emblématique de ce qui se trame ailleurs. De nombreux pays à travers le monde connaissent la même spirale infernale qui combine inflation, envolée des prix alimentaires et de l’énergie, endettement et risques de défaut de paiement, avec des conséquences terribles pour les populations. Comme pour Sri Lanka, la question de savoir si la seule solution pour sauver l’économie de ces pays fragilisés ne peut passer que par l’intervention du FMI, synonyme de restructurations très dures pour les populations, sera posée.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/183157/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Sri Lanka est plongé dans une profonde crise politique, économique et sociale. Les manifestants s’en prennent tout spécialement au clan Rajapaksa au pouvoir qui est jugé responsable.Anthony Goreau-Ponceaud, Géographe, enseignant-chercheur, UMR 5115 LAM, Institut Français de Pondichéry, Université de BordeauxDelon Madavan, Chercheur en géographie, Université du Québec à Montréal (UQAM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1767632022-04-04T18:26:18Z2022-04-04T18:26:18ZEn avril 2020, le pétrole atteignait -40 dollars (et pas seulement à cause du Covid-19)…<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/445344/original/file-20220209-25-7y85wk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=114%2C11%2C979%2C662&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Certains mécanismes qui ont conduit à la chute des cours au printemps 2020 se retrouvent dans la précédente baisse des prix de 2015.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://pxhere.com/en/photo/871766">Pxhere</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Pour la première fois dans l’histoire, au printemps 2020, le prix du pétrole brut américain, mesuré par le West Texas Intermediate (WTI), <a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2020/04/21/aux-etats-unis-les-prix-negatifs-du-petrole-balayent-la-strategie-energetique-de-trump_6037258_3234.html">est devenu négatif</a> pour atteindre jusqu’à – 40 dollars le 20 avril, en raison du brusque ralentissement de l’économie mondiale pour limiter la propagation du Covid-19. De façon inédite, l’offre excédentaire de pétrole a contraint les producteurs à payer les acheteurs pour des barils qu’ils n’étaient plus en mesure de stocker.</p>
<p>Cette situation a également été une conséquence directe de <a href="https://theconversation.com/petrole-coronavirus-opep-et-russie-la-valse-a-quatre-temps-133534">l’échec des négociations</a> entre la Russie et l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep) pour réduire la production quotidienne de barils en raison de la pandémie.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1252940728432459776"}"></div></p>
<p>Au-delà de la dimension géopolitique, cette baisse brutale de la demande a été associée à une bulle financière négative entre le 6 mars et le 28 avril 2020 que nous avons identifiée dans un <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0301420721004013">article de recherche</a>. Cette étude met en évidence la formation d’une bulle se superposant au ralentissement de l’économie réelle et accentuant la chute des cours du pétrole au printemps 2020.</p>
<h2>Financiarisation des marchés</h2>
<p>Généralement, des changements brutaux dans l’offre et/ou la demande sont reconnus pour favoriser l’apparition des bulles sur les marchés financiers. On pouvait donc anticiper l’apparition de ce phénomène. Par ailleurs, durant la dernière décennie, l’importance prise par les spéculateurs adossée à la financiarisation des marchés a été identifiée comme des éléments contribuant à la formation de bulles.</p>
<p>Ces éléments ont participé à la précédente chute des prix du pétrole, lorsque les cours avaient atteint <a href="https://www.lesechos.fr/2015/12/ca-sest-passe-en-2015-la-chute-des-cours-du-petrole-286342">35 dollars le baril</a> fin 2015. Dans notre recherche, nous considérons qu’ils ont également joué un rôle dans l’aggravation de la baisse des cours du prix du pétrole brut il y a deux ans.</p>
<p>Une bulle financière désigne une situation où le niveau des prix d’échanges sur un marché est artificiellement et excessivement déconnecté de la valeur financière fondamentale de l’actif concerné. Lorsque les marchés sont <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0304405X98000269">efficients</a>, au sens défini par le prix « Nobel » d’économie Eugene Fama, le prix d’un actif financier reflète sa valeur fondamentale, c’est-à-dire la somme des flux futurs (techniquement actualisés au taux d’intérêt) découlant de la détention de cet actif. Dans ce cas, le prix à sa juste valeur est celui qui reflète en moyenne toute l’information disponible pour les acteurs économiques et financiers.</p>
<p><iframe id="pbgOz" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/pbgOz/2/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Les bulles financières nuisent à une allocation efficace des ressources disponibles sur les marchés. En conséquence, il faut éviter leur formation. Les travaux de Fama ont favorisé les régulations en faveur de la transparence sur les marchés financiers afin que les agents puissent prendre des décisions efficaces en se basant sur le critère de la juste valeur. Ces réglementations ont modéré les apparitions des bulles sans les faire disparaître.</p>
<p>De manière complémentaire, les travaux de l’économiste Robert Shiller, prix « Nobel » la même année que Fama, montre que le prix des actifs financiers ne reflète pas toujours leur valeur fondamentale et pointe « <a href="http://www.irrationalexuberance.com/main.html">l’irrationnelle exubérance</a> » des marchés (une expression initialement formulée par l’ancien président de la Réserve fédérale américaine Alan Greenspan pour décrire la bulle Internet en 2001).</p>
<p>Dans notre recherche, un panel de techniques économétriques mobilisées aboutit à la conclusion selon laquelle le prix du pétrole brut a connu une bulle financière négative statistiquement significative du 6 mars au 28 avril 2020, ce qui indique que le marché pétrolier ne s’est pas comporté de manière efficiente durant cette période.</p>
<h2>Irrationalité et/ou incertitude ?</h2>
<p>Faut-il pour autant considérer que les agents financiers ont eu un comportement irrationnel début 2020 ? Les travaux de l’économiste français Jean Tirole, prix « Nobel » en 2014, montrent que <a href="https://www.jstor.org/stable/1913232">l’irrationalité n’est pas une condition nécessaire</a> à la formation d’une bulle.</p>
<p>En 2020, les agents ont été confrontés à une grande <a href="https://fraser.stlouisfed.org/files/docs/publications/books/risk/riskuncertaintyprofit.pdf">incertitude</a> telle que définie par Frank Knight en 1921. Ce chercheur distingue les situations de risque des situations d’incertitude. Les premières se caractérisent par l’existence de différentes alternatives probabilisables, les secondes par l’impossibilité d’assigner des probabilités aux états de la nature.</p>
<p>Or, l’incertitude au moment du déclenchement ainsi que pendant la crise sanitaire était proche de celle décrite dans les travaux du chercheur britannique Shackle : il s’agissait d’un <a href="https://academic.oup.com/ej/article-abstract/90/358/397/5219908?redirectedFrom=fulltext">avenir inexistant</a> au moment de la prise de décision. Les états de la nature ont donc été imaginés (voire fantasmés) par les individus.</p>
<p>Pour éviter des coûts de recherche d’information trop élevés, les agents ont alors privilégié des comportements mimétiques, tendant à accentuer la baisse des cours au moins sur une courte période. Dans un second temps, pour surmonter un environnement devenu trop complexe, ils ont été attentifs à toute modification de l’environnement. Ainsi, la vigilance accrue de chaque agent pour repérer le premier de nouvelles opportunités a permis de revenir à un niveau d’efficience global des prix du pétrole.</p>
<p>À l’heure de l’amorce de la <a href="https://www.irena.org/aboutirena">transition énergétique</a> dans plusieurs régions du monde, le pétrole, bien que concurrencé par d’autres sources d’énergie, demeure <a href="https://www.ifpenergiesnouvelles.fr/">essentiel au fonctionnement de nos économies</a>. Les variations des prix du pétrole continueront de se <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S1544612320308497">propager à de nombreux autres marchés</a>, tels que les marchés boursiers, et finalement à l’économie réelle des pays. La détection du moment précis de la formation des bulles pétrolières permet donc d’identifier cet effet de contagion. Les études sur la compréhension des causes des variations des prix du pétrole par la communauté des chercheurs en finance, par les acteurs économiques et les décideurs politiques restent donc tout à fait pertinentes.</p>
<p>La campagne militaire en Ukraine déclenchée le 24 février 2022 par le président russe Vladimir Poutine relance aujourd’hui le débat sur les prix du pétrole. Alors que les cours s’envolent, on peut donc s’interroger à nouveau sur l’apparition d’une bulle (positive cette fois et qui reste à vérifier dans une recherche future) résultant de nombreuses incertitudes engendrées par le contexte géopolitique.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/176763/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Un article de recherche décrit la bulle financière négative qui a conduit les cours en territoire négatif il y a deux ans. Des signes avant-coureurs apparaissaient toutefois avant la pandémie.Vanessa Serret, Professor, IAE Metz School of Management – Université de LorraineSami Ben Jabeur, Maître de conférences, ESDES Lyon Business School, Université catholique de Lyon (UCLy)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1798572022-03-23T19:24:18Z2022-03-23T19:24:18ZLa guerre en Ukraine est-elle une conséquence de la crise financière de 2008 ?<p>Les parallèles historiques sont toujours troublants. Une dizaine d’années après l’une des deux crises financières les plus dévastatrices du capitalisme moderne, un terrible conflit débute en Europe et menace d’entraîner le monde entier dans le chaos. Jusqu’à présent, la guerre en Ukraine reste évidemment d’un tout autre ordre que la Seconde Guerre mondiale, mais le choc des idéologies semble tout aussi fondamental.</p>
<p>À nos yeux, si un tel parallèle entre les conséquences de 1929 et 2008 n’a pas tellement était établi, c’est parce qu’à première vue, il n’a pas beaucoup de sens : les grandes crises financières et les guerres restent avant tout symptomatiques de problèmes structurels plus profonds dans les sociétés, qui sont autant de mouvements tectoniques qui créent des fractures en surface.</p>
<p>Vers la fin du XIX<sup>e</sup> siècle, un bouleversement important est survenu dans le capitalisme. Jusqu’alors, l’humanité menait une vie précaire. L’offre de biens était soumise aux aléas climatiques, et la demande ne posait généralement pas de problème. Cela a changé avec la <a href="https://www.taylorfrancis.com/books/mono/10.4324/9780203498569/scientific-management-frederick-winslow-taylor">méthode scientifique de production</a> dans l’agriculture et l’industrie manufacturière, qui a introduit des éléments tels que les engrais et les machines puissantes. D’abord aux États-Unis, qui étaient les pionniers de la technologie, puis ailleurs, il y eut alors trop de biens pour un nombre restreint de personnes capables de les acheter.</p>
<h2>Luttes idéologiques</h2>
<p>Cette situation a fondamentalement déstabilisé le capitalisme, créant des situations dans lesquelles les prêteurs étaient surendettés alors que les producteurs, qui ne trouvaient pas assez de clients, ne remboursaient pas leurs dettes.</p>
<p>Les États-Unis ont connu depuis de <a href="https://www.federalreservehistory.org/essays/banking-panics-of-the-gilded-age">nombreuses paniques financières</a> à la fin du XIX<sup>e</sup> siècle et au début du XX<sup>e</sup> siècle, jusqu’à la crise de 1929 qui fut la plus spectaculaire. Selon ce que l’on appelle la théorie française de la régulation, l’offre excédentaire de biens était bien là au cœur du problème.</p>
<p>On peut dire que la Seconde Guerre mondiale a été une bataille colossale entre <a href="http://lipietz.net/ALPC/LIV/LIV_MiragesMiracles/LIV_Mirages01.pdf">quatre modèles industriels</a> qui proposaient chacun leur propre solution à cette offre excédentaire :</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/453310/original/file-20220321-12763-mulh2b.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Joseph Stalin en 1925" src="https://images.theconversation.com/files/453310/original/file-20220321-12763-mulh2b.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/453310/original/file-20220321-12763-mulh2b.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=858&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/453310/original/file-20220321-12763-mulh2b.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=858&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/453310/original/file-20220321-12763-mulh2b.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=858&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/453310/original/file-20220321-12763-mulh2b.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1078&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/453310/original/file-20220321-12763-mulh2b.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1078&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/453310/original/file-20220321-12763-mulh2b.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1078&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Staline a refusé de s’associer au modèle impérial britannique.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://en.wikipedia.org/wiki/Joseph_Stalin#/media/File:Ordzhonikidze,_Stalin_and_Mikoyan,_1925.jpg">Wikimedia</a></span>
</figcaption>
</figure>
<ul>
<li><p>La solution britannique consistait à essayer de recréer l’économie impériale d’avant la Première Guerre mondiale, centrée sur la Grande-Bretagne, en imposant notamment des droits de douane élevés au-delà de l’empire pour se protéger.</p></li>
<li><p>Au début des années 1920, peu après la révolution russe, les Britanniques, pour lesquels l’Ukraine et la Russie jouaient jusqu’alors le rôle de producteurs de céréales, avaient offert aux Soviétiques la possibilité de réintégrer cette vision d’un système commercial mercantile. Cette proposition a finalement été rejetée lors du débat qui a suivi en Russie. Cependant, le débat a en partie conduit au modèle de socialisme « <a href="https://www.marxists.org/history/etol/writers/curtiss/1941/11/staltheory.html">dans un seul pays</a> » du dirigeant soviétique Joseph Staline (par opposition à l’opinion de Karl Marx selon laquelle le communisme nécessitait une révolution mondiale). Le système stalinien est en effet celui d’une économie planifiée où l’offre et la demande de biens industriels sont organisées par l’État.</p></li>
<li><p>En Allemagne, les national-socialistes ont développé un modèle différent : une <a href="https://www.nber.org/system/files/chapters/c9476/c9476.pdf">économie semi-planifiée</a>, essentiellement capitaliste, mais les industries clés étaient nationalisées, ainsi que les syndicats.</p></li>
<li><p>Une autre variante est venue des États-Unis, avec le <a href="https://www.khanacademy.org/humanities/us-history/rise-to-world-power/great-depression/a/the-new-deal">New Deal</a>. Ce modèle combinait des services publics, des systèmes de défense, d’éducation et de retraite nationalisés avec une économie d’entreprise planifiée gérée par de grands conglomérats, mais tous construits autour des droits de propriété privée. Il existe de nombreuses similitudes avec le modèle allemand, bien que le modèle américain soit finalement fondé sur la démocratie.</p></li>
</ul>
<p>En 1939, ces quatre systèmes différents sont entrés en guerre. La quatrième version a gagné. Elle a été quelque peu adaptée dans les années qui ont suivi, mais nous dire que cette victoire s’est traduite, en gros, par la mondialisation. Cette mondialisation est maintenant contestée, ce qui est au cœur de la lutte idéologique équivalente aujourd’hui.</p>
<h2>D’hier à aujourd’hui</h2>
<p>La crise de 2008 n’a pas été aussi dévastatrice que celle de 1929, mais elle a gravement endommagé le modèle dominant d’économie capitaliste dirigée par le marché. Pendant des décennies, ce modèle a été présenté aux électeurs comme étroitement lié à la notion de « liberté », c’est-à-dire à la primauté de la propriété privée associée à la liberté de choix des consommateurs. Ce modèle a conduit à un « marché libre » dominé par des conglomérats multinationaux se déplaçant librement dans le monde entier tout en évitant les impôts et les responsabilités des personnes et des entreprises.</p>
<p>Une autre forme de capitalisme apparue à la fin du XX<sup>e</sup> siècle ne partageait que quelques-unes de ces hypothèses. La Russie est revenue au capitalisme dominé par l’État après un flirt ruineux avec l’économie néolibérale dans les années 1990. Cette « solution » est devenue l’un des socles de la popularité et du pouvoir du président Vladimir Poutine.</p>
<p>La Chine, quant à elle, a <a href="https://www.cambridge.org/core/books/chinas-great-economic-transformation/BD126A197B16634501EA12F594D528DF">prudemment ouvert son économie</a> depuis la fin des années 1970 afin d’éviter l’effondrement. S’inspirant peut-être de l’expérience de la Russie dans les années 1990, elle s’est montrée beaucoup plus prudente, veillant à ce que sa version du capitalisme reste sous la tutelle du parti communiste.</p>
<p>Dans une troisième variante, les États du Golfe ont encouragé l’entreprise privée et des milliards de dollars d’investissements dans leurs pays, mais toujours sous le contrôle de quelques cheikhs et de leurs familles dirigeantes. Pour eux, cette approche autoritaire reflète fondamentalement ce qu’ils ont toujours été – et ce qu’ils seront certainement à l’avenir.</p>
<p>La crise financière mondiale de 2008 a ébranlé la conviction que les marchés avaient la capacité de résoudre les problèmes, sapant ainsi la confiance dans la classe politique et la démocratie elle-même. Les banques ayant été renflouées alors que la population subissait l’austérité, il était alors facile de penser, dans les années qui ont suivi, que la Chine, la Russie ou un certain populisme occidental pourrait représenter l’avenir.</p>
<p>Jusqu’à présent, chaque courant du capitalisme autoritaire ressemblait à un îlot isolé, ne se reliant qu’occasionnellement à un autre. Or, la guerre actuelle pourrait changer la donne si le conflit se transforme rapidement en une guerre par procuration entre les démocraties autocratiques et libérales. La Chine, les États du Golfe, peut-être l’Inde – et les républicains pro-Trump aux États-Unis – sont au mieux ambivalents face à la guerre en Ukraine, alors que le reste du monde ne l’est pas.</p>
<p>Qui va gagner ? La Russie rencontre peut-être des difficultés militaires en Ukraine, mais cette bataille par procuration pour l’avenir du capitalisme ne sera pas être remportée à coup de missiles Stinger.</p>
<p>Étrangement, le problème est que l’Occident, mené par les États-Unis et l’Union européenne, a réussi à faire en sorte que la crise de 2008 ne soit pas aussi dévastatrice qu’elle aurait pu l’être. Pour ce faire, les gouvernements ont combiné l’austérité, la réduction des taux d’intérêt à zéro et l’augmentation massive de la masse monétaire grâce aux politiques d’assouplissement quantitatif (quantitative easing).</p>
<p>Le prix à payer de ces politiques est aujourd’hui élevé. Les inégalités <a href="https://inequality.org/facts/income-inequality/">ne cessent de s’aggraver</a>, et la récente flambée de l’inflation les creuse encore davantage. Une fois de plus, nous sommes confrontés à un problème de demande : si les acteurs économiques n’ont pas les moyens d’acheter les biens et services que les producteurs vendent, l’instabilité s’accentuera.</p>
<p>Ainsi, si l’autoritarisme peut sembler moins attrayant maintenant que Poutine démolit l’Ukraine, les conditions qui favorisent le populisme ne font que se renforcer.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/179857/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Ronen Palan a reçu des financements du Conseil européen de la recherche. Il est conseiller principal du Réseau pour la justice fiscale.</span></em></p>Les blocs qui s'opposent aujourd'hui présentent des modèles de capitalisme spécifiques. Comme lors du krach de 1929, dix ans avant l'éclatement de la Seconde Guerre mondiale.Ronen Palan, Professor of International Politics, City, University of LondonLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1786902022-03-09T19:26:16Z2022-03-09T19:26:16ZLa guerre en Ukraine peut-elle déboucher sur un scénario à la 1973 ?<p>Alors que le monde sort tout juste de la pandémie liée au Covid-19, la guerre qui fait rage aux portes de l’Europe risque de faire rechuter l’économie mondiale. L’année 2021 reste pourtant marquée par une croissance du PIB qui a renoué avec ses niveaux de fin 2019 et une baisse du taux de chômage, aujourd’hui au plus bas depuis 2008.</p>
<p>Avant l’invasion russe du 24 février dernier, une ombre apparaissant déjà dans ce tableau presque parfait : le spectre de l’inflation, autrement dit, l’augmentation du niveau général des prix, portée principalement par la <a href="https://theconversation.com/linflation-reste-pour-linstant-tiree-par-les-prix-de-lenergie-170403">hausse des cours de l’énergie</a>. En France, elle atteignait les 3,4 % en décembre 2021 comparée à l’année précédente, un niveau cependant légèrement inférieur à celui enregistré dans les pays voisins : 5,7 % en Allemagne ou encore 6,6 % en Espagne. Outre-Atlantique, la hausse des prix atteint les 6,8 % en novembre 2021, en rythme annuel.</p>
<p><iframe id="oMBVm" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/oMBVm/2/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>La pénurie des matières premières post-crise sanitaire explique notamment le phénomène : le redémarrage rapide de l’économie mondiale a créé des tensions au niveau des approvisionnements, alors que les flux logistiques restaient entravés par les restrictions sanitaires et les pénuries de main-d’œuvre. La situation ainsi est venue ainsi confirmer les fondements de la théorie économique portée par le courant néoclassique, selon laquelle lorsque l’offre augmente moins vite que la demande, les prix augmentent.</p>
<h2>Dépendance énergétique</h2>
<p>Le choc pétrolier de 1973 est une autre parfaite illustration de ce principe. Cela n'a pas échappé au ministre de l'Économie Bruno Le Maire qui a estimé, le 9 mars en préambule d’une conférence sur l’indépendance énergétique, que la situation actuelle était « comparable en intensité, en brutalité ».</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1501516711975165953"}"></div></p>
<p>En réaction à la guerre du Kippour, les pays arabes membres de l’OPEP (l’Organisation des pays exportateurs de pétrole) avaient alors imposé un embargo pétrolier. La contraction de l’offre de pétrole avait généré une hausse du prix du baril et une inflation généralisée, mettant fin à la période des « trente glorieuses » : le prix du baril <em>Arabian light</em>, largement utilisé dans l’industrie, passait de <a href="https://www.cairn.info/revue-internationale-et-strategique-2013-3-page-139.htm">2,9 dollars à 11,60 dollars entre octobre et décembre 1973</a> et, dans les pays dits avancés, l’inflation avait atteint un niveau record, 14 % entre 1973 et 1974.</p>
<p>La crise politique qui se joue en ce moment entre la Russie et l’Ukraine risque de renforcer la hausse des prix et générer un choc d’offre négatif au même titre que le choc pétrolier de 1973. En effet, l’Ukraine et la Russie exportent massivement des matières premières et de l’énergie comme le gaz, indispensables pour le fonctionnement des entreprises européennes. La guerre risque donc d’impacter tous les secteurs de l’économie en créant une pénurie dans les approvisionnements d’autant plus que l’Europe reste largement dépendante du gaz russe. Moscou fournit <a href="https://www.bfmtv.com/economie/economie-social/union-europeenne/comment-l-europe-s-organise-pour-reduire-sa-dependance-au-gaz-russe_AV-202203020290.html">40 % du gaz naturel de l’Europe</a>, loin devant la Norvège (24 %) et l’Algérie (11 %).</p>
<p>Le cours du gaz naturel en Europe avait déjà <a href="https://www.lesechos.fr/finance-marches/marches-financiers/les-prix-du-gaz-poursuivent-leur-folle-envolee-1352515">commencé sa flambée en 2021</a>, passant de 40 à 116 euros par mégawattheures (marché TTF néerlandais) entre août et octobre 2021, obligeant l’État français a gelé temporairement les prix. Après une baisse, le cours du gaz a connu un pic en décembre dernier (près de 180 euros par mégawattheures) pour se stabiliser ensuite, jusqu’au jour où la Russie décide de frapper l’Ukraine, ce 24 février 2022 (134 euros par mégawattheures) et ne cesse d’augmenter depuis (un peu plus de 190 ce jour à la fermeture).</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/450645/original/file-20220308-13-14rytw3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/450645/original/file-20220308-13-14rytw3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/450645/original/file-20220308-13-14rytw3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=262&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/450645/original/file-20220308-13-14rytw3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=262&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/450645/original/file-20220308-13-14rytw3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=262&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/450645/original/file-20220308-13-14rytw3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=329&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/450645/original/file-20220308-13-14rytw3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=329&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/450645/original/file-20220308-13-14rytw3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=329&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Évolution du cours du gaz naturel, mesuré par l’indicateur Dutch TTF Natural Gas Calendar, depuis début 2021.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://finance.yahoo.com/quote/TTF%3DF/history?p=TTF%3DF">Yahoo ! Finance</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>En 1973, le choc énergétique avait débouché sur un ralentissement de la croissance (+6 % en 1973 versus -1 % en 1975), semant sur son passage chômage (<a href="https://www.franceculture.fr/emissions/entedez-vous-leco/entendez-vous-leco-emission-du-mercredi-19-mai-2021">3 % à 6 % de 1974 à 1980</a>), inflation (proche des 10 % par an) et forte augmentation des déficits budgétaires dans la plupart des pays. Deux ans plus tôt, le président américain Richard Nixon avait en outre mis fin à la convertibilité du dollar en or afin de lutter contre son déficit de la balance commerciale, imposant aux pays européens un régime des changes flottants. Cette décision s’est alors révélée source d’instabilité pour des économies parfois endettées en dollar.</p>
<h2>Tournant économique ?</h2>
<p>Avec la guerre en Ukraine, assiste-t-on aux prémices d’un même scénario de crise économique, qui va considérablement dégrader l’investissement des entreprises et la demande des ménages ? L’inflation va-t-elle se poursuivre entraînant dans son sillage un ralentissement économique, voire une nouvelle crise ? On peut également se poser la question des effets dits de second tour qui proviennent des tentatives, par les entrepreneurs et les salariés, de compenser la perte de revenus entraînée par l’inflation.</p>
<p>Outre la question énergétique, l’Ukraine et la Russie <a href="https://theconversation.com/penuries-agricoles-inflation-insecurite-alimentaire-les-repercussions-de-la-guerre-en-ukraine-178628">exportent en effet massivement des produits agricoles</a> (blé, maïs, orge, tournesol, etc.) et d’autres matières premières essentielles (titane, potasse, etc.) à la production des entreprises européennes. Un moindre approvisionnement signifierait un choc d’offre négatif, via une <a href="https://www.francetvinfo.fr/monde/europe/manifestations-en-ukraine/guerre-en-ukraine-les-petites-entreprises-francaises-salarment_4989862.html">hausse des coûts de production</a>.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1501107362215702532"}"></div></p>
<p>Les producteurs peuvent augmenter le prix de vente au consommateur pour compenser la hausse des coûts, et les salariés peuvent exiger une augmentation des rémunérations pour compenser la perte de pouvoir d’achat, renforçant ainsi encore le phénomène d’inflation. Les banques centrales seraient alors tentées d’élever leurs taux directeurs, pour contrer la progression des prix. Mais la contraction des crédits que cela entraînerait pénaliserait la demande de biens et services et <a href="https://theconversation.com/laisser-filer-linflation-ou-freiner-la-reprise-le-dilemme-des-banquiers-centraux-164813">contribuerait ainsi à un ralentissement économique</a>.</p>
<p>Lors de son allocution du mercredi 2 mars, le chef de l’État Emmanuel Macron n’a pas caché que les Français risquaient d’être « touchés dans leur quotidien ». Le président désormais candidat a promis un plan de résilience économique et social en accompagnant les entreprises françaises touchées tout en faisant face à la hausse des prix de l’énergie. Un plan dont les mesures seront dévoilées à la mi-mars. Après une guerre sanitaire, une guerre politique, un tournant économique ?</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/178690/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Fatmatül Pralong ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La pénurie dans les approvisionnements comme le gaz risque d’impacter considérablement les entreprises et les ménages tout en renforçant le phénomène d’inflation, à l’instar du choc pétrolier de 1973.Fatmatül Pralong, Professeur agrégé en sciences économiques, Sorbonne UniversitéLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1769202022-02-14T18:13:44Z2022-02-14T18:13:44ZPouvoir d’achat : quelques perspectives rassurantes pour 2022<p>À quelques semaines de l’élection présidentielle, les sondages indiquent que la question du pouvoir d’achat reste en tête des <a href="https://www.bfmtv.com/politique/elections/presidentielle/sondage-bfmtv-presidentielle-2022-le-pouvoir-d-achat-principale-preoccupation-des-francais_AN-202201260350.html">principales préoccupations des Français</a>. Cette tendance est renforcée par les tensions inflationnistes, entretenues en premier lieu par la <a href="https://theconversation.com/linflation-reste-pour-linstant-tiree-par-les-prix-de-lenergie-170403">hausse des prix de l’énergie</a> qui frappe les dépenses contraintes des ménages.</p>
<p>Pour l’année 2021, la <a href="https://ec.europa.eu/eurostat/documents/2995521/14083883/2-07012022-AP-FR.pdf/633e6191-cc43-7fce-3016-83a427bc8ace">hausse des prix en France a ainsi atteint 3,4 %</a> selon Eurostat, soit un taux inférieur à la moyenne de la zone euro, à savoir un peu plus de 5 %. Outre l’énergie, cette inflation s’explique par le redémarrage concomitant des grandes économies mondiales.</p>
<p><iframe id="oMBVm" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/oMBVm/2/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>La reprise économique se caractérise en effet par une forte demande, de matières premières tout particulièrement. Ce grand redémarrage a ainsi entraîné des défauts d’approvisionnement, des embouteillages dans les ports, des embouteillages d’acheminement. Cependant, l’on peut déjà constater un début de désengorgement des <a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2022/02/08/l-insee-prevoit-une-acceleration-de-l-inflation-qui-atteindrait-de-3-a-3-5-d-ici-a-juin-2022_6112835_3234.html">chaînes de production</a>. Cet embouteillage était en effet dû au fait que tout le monde s’était mis à consommer, des biens industriels notamment, au même moment.</p>
<p>Il s’agit là d’un premier indice qui peut nous laisser penser, même s’il faut être prudent, que les prix, qui continuent d’augmenter en janvier 2022, pourraient se stabiliser en cours d’année, <a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2022/02/08/l-insee-prevoit-une-acceleration-de-l-inflation-qui-atteindrait-de-3-a-3-5-d-ici-a-juin-2022_6112835_3234.html">voire même baisser quelque peu en fin d’année</a>.</p>
<h2>Relance post-crise</h2>
<p>Sur le front de l’énergie, l’augmentation du prix du gaz s’explique aujourd’hui par des raisons climatiques mais aussi par des raisons géopolitiques, notamment par notre dépendance à la Russie dont la position régionale et internationale est des plus instables en plein conflit avec l’Ukraine. Quant à l’électricité, pour des raisons légitimes d’ordre écologique, l’on a remplacé l’utilisation du charbon par le gaz, y compris dans les centrales de production d’électricité.</p>
<p>Puisque le prix du gaz augmente, le prix de l’électricité augmente mécaniquement. Il y a donc une forte interdépendance des prix dans cette hausse récente de l’inflation, qui concerne aussi, dans une moindre mesure, les services et l’alimentation. Enfin, lorsque l’inflation augmente les prix d’autres biens ou services vont augmenter car ils sont indexés, parfois en des termes juridiques, sur l’inflation. Ainsi il y a des contrats qui lient les sociétés d’<a href="https://www.20minutes.fr/dossier/autoroute">autoroutes</a> à l’État qui prévoient une augmentation automatique des tarifs des péages tous les ans au 1<sup>er</sup> février en fonction notamment de l’<a href="https://www.20minutes.fr/economie/inflation/">inflation</a>, ce qui explique la <a href="https://www.francetvinfo.fr/economie/autoroutes-les-tarifs-des-peages-vont-augmenter-d-environ-2-le-1er-fevrier_4934835.html">dernière hausse d’environ 2 %</a>.</p>
<p>Or, la hausse des prix du gaz devrait diminuer, voire s’arrêter en 2022. Certes le scénario ukrainien inquiète et crée une incertitude sur le prix du gaz russe. Mais l’on peut envisager aussi certaines nouvelles sources d’approvisionnement et, dans un scénario politique favorable, l’ouverture du nouveau gazoduc russe, Nord Stream 2, qui permettrait de réduire les coûts en acheminant des <a href="https://www.sudouest.fr/international/europe/gazoduc-nord-stream-2-l-operateur-se-dit-pret-a-livrer-du-gaz-7478897.php">volumes supplémentaires de gaz</a>.</p>
<p>En ce qui concerne les carburants, on a effectivement pu constater une baisse du prix du baril de pétrole au printemps 2020 car l’activité économique avait fortement ralenti. Les producteurs avaient alors baissé la production afin de stabiliser les cours. Avec la reprise économique, la demande de pétrole a augmenté fortement et les prix du Brent sont <a href="https://www.boursorama.com/bourse/matieres-premieres/cours/8xBRN/">revenus à leur niveau de 2018</a>, mais restent loin de ceux enregistrés entre 2012 et 2014.</p>
<p><iframe id="hUy9S" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/hUy9S/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>L’économie mondiale entre donc dans une phase de relance post-crise pour laquelle les entreprises, semble-t-il, sont prêtes. Les mesures sanitaires n’ont pas dégradé l’appareil productif et la stratégie du « quoi qu’il en coûte » et des plans relance mondiaux <a href="https://theconversation.com/covid-19-a-quoi-aurait-ressemble-leconomie-francaise-sans-les-mesures-de-soutien-175088">a été efficace</a>.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/covid-19-a-quoi-aurait-ressemble-leconomie-francaise-sans-les-mesures-de-soutien-175088">Covid-19 : à quoi aurait ressemblé l’économie française sans les mesures de soutien ?</a>
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<p>En 2020, l’on a connu une récession, <a href="https://theconversation.com/recession-economique-francaise-le-creux-est-passe-mais-les-effets-perdurent-172068">courte mais de grande ampleur</a>, de l’ordre de 8 % (tout en maintenant le pouvoir d’achat constant) et l’on ne craignait pas l’inflation, mais potentiellement une crise économique majeure avec une hausse du chômage.</p>
<h2>Le pouvoir d’achat toujours en hausse</h2>
<p>Or, deux ans plus tard, ce sont plutôt aussi les « vagues de grandes démissions » et les <a href="https://theconversation.com/le-mystere-de-la-grande-demission-comment-expliquer-les-difficultes-actuelles-de-recrutement-en-france-173454">difficultés de recrutement</a> dans certains secteurs qui préoccupent. La situation impose désormais aux entreprises de se remettre à la table des négociations et de prendre leur part en 2022. Le taux de chômage devrait en outre <a href="https://www.lesechos.fr/economie-france/social/le-taux-de-chomage-devrait-refluer-en-france-dici-a-lete-2022-1372535">rester à des niveaux bas</a>, et, d’après nos projections, l’on peut supposer que les salaires jusqu’à 1,7 fois le smic augmentent en moyenne en 2022, peut-être de 2 ou 2,5 %.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/le-mystere-de-la-grande-demission-comment-expliquer-les-difficultes-actuelles-de-recrutement-en-france-173454">Le mystère de la « Grande démission » : comment expliquer les difficultés actuelles de recrutement en France ?</a>
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<p>Dans ce contexte, il est alors loisible d’envisager un scénario de conjoncture économique positif pour la France en 2022. Dans ce scénario, la croissance serait autour de 3-3,5 % et le pouvoir d’achat pourrait encore progresser. Selon la direction générale du Trésor, cette hausse pourrait être de <a href="https://www.tresor.economie.gouv.fr/Articles/955572b2-749e-4e9f-9645-742bef30ff65/files/35e14352-1582-4d77-beef-75b8c7acebd0">1 % en 2022</a> après avoir atteint 2,2 % en 2021 et 0,4 % en 2020.</p>
<p><iframe id="FQj0A" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/FQj0A/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Cette mesure du pouvoir d’achat se fait de manière statistique à partir des comptes nationaux. Et l’on calcule l’évolution du pouvoir d’achat pour l’ensemble des ménages en tant que différence l’entre l’évolution du revenu des ménages et l’évolution de l’inflation, donc ce que l’on appelle en France l’indice des prix à la consommation.</p>
<h2>Des inégalités</h2>
<p>Cependant, si le pouvoir d’achat des ménages français a augmenté depuis 2017, l’on constate aussi que les gains qui en sont issus ne concernent pas tous les ménages de manière homogène. De manière complémentaire, l’Institut des politiques publiques estime dans une étude récente que pour les ménages les <a href="https://www.ipp.eu/actualites/resultats-les-impacts-du-budget-2022-sur-les-menages/">5 % les plus modestes, le niveau de vie a même très légèrement diminué</a>.</p>
<p>Ainsi, derrière nos statistiques nationales qui portent sur des moyennes, l’on doit prendre en compte la réalité que peuvent vivre les Français les plus modestes qui, en raison de leur mode de vie, peuvent connaître une baisse du pouvoir d’achat. En effet, si ces ménages modestes doivent utiliser très fréquemment leur voiture, se chauffent au gaz et habitent une passoire thermique, alors l’augmentation nominale de leurs dépenses contraintes est susceptible d’entraîner une perte de pouvoir d’achat en dépit des aides de l’État comme les chèques énergie et l’indemnité inflation.</p>
<p><em>A contrario</em>, un ménage au revenu confortable prenant les transports en commun et habitant un logement récent aura un gain de pouvoir d’achat davantage significatif. Même s’il ne reçoit pas les récentes aides de l’État, ses dépenses restent moins contraintes par la hausse des prix de l’énergie et il aura en outre pu bénéficier d’avantages fiscaux, comme la réduction ou la suppression de la taxe d’habitation, la défiscalisation des heures supplémentaires, etc.</p>
<h2>Le risque des taux</h2>
<p>Partant, le contexte actuel nous rappelle que nous sortons d’une crise économique, et que nos économies sont dans une phase de relance post-récession très particulière, dans laquelle les ménages les moins aisés ne doivent pas être les plus fragilisés. L’inflation est plutôt le marqueur d’une économie qui se porte bien et, en raison de ce contexte particulier, il faut dissiper, pour le moment au moins, les doutes sur les risques d’une spirale inflationniste (le fait que la hausse des prix implique une demande d’augmentation des salaires qui implique ensuite une nouvelle hausse des prix des entreprises qui veulent répercuter cette hausse des salaires, et ainsi suite) ainsi que ceux sur les risques d’une stagflation (coexistence de l’inflation et du chômage). </p>
<p>Cependant, une question importante qui se posera dans la deuxième partie de 2022 sera la remontée des taux d’intérêt. La Banque centrale européenne devra en effet gérer la “fin” de ses politiques monétaires accommodantes (<em>quantative easing</em>) en optant pour une remontée tardive et très progressive des taux d’intérêt, afin de ne pas pénaliser la reprise économique.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/176920/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Virgile Chassagnon ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Plusieurs indices laissent penser que la hausse des prix pourrait être contenue et que les salaires pourraient augmenter dans les prochains mois.Virgile Chassagnon, Professeur des Universités en Economie (FEG-CREG), Directeur de l'Institut de Recherche pour l'Economie Politique de l'Entreprise, Université Grenoble Alpes (UGA)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1750882022-01-19T18:31:49Z2022-01-19T18:31:49ZCovid-19 : à quoi aurait ressemblé l’économie française sans les mesures de soutien ?<p>La France a connu une récession sans précédemment avec la crise du Covid-19 : une chute de 17 points de son PIB au creux de la crise (au troisième trimestre 2020). La vitesse de la sortie de crise est aussi inédite : en sept trimestres seulement, le PIB a renoué avec son niveau d’avant-crise.</p>
<p>Cette résilience exceptionnelle de l’économie française reste fortement liée aux mesures de soutien de l’activité prises par le gouvernement depuis le début de la crise sanitaire : sans elles, la baisse du PIB aurait été de 37 points de PIB, et le niveau de PIB d’avant-crise aurait été retrouvé après 13,5 trimestres, selon nos <a href="http://www.cepremap.fr/2022/01/limpact-de-la-loi-de-finance-2022-sur-la-croissance-economique-et-la-dette-publique/">estimations</a> réalisées pour le Centre pour la recherche économique et ses applications (Cepremap). La combinaison de la hausse des dépenses publiques à court terme, relayée par une baisse de la pression fiscale à moyen terme, explique cette dynamique.</p>
<p>Ces mesures exceptionnelles ont eu pour contrepartie d’accroître le ratio de dette sur PIB, celui-ci atteignant 115 %. Toutefois, notre analyse montre que si le gouvernement n’avait pas pris ces mesures, alors le ratio de dette aurait pu atteindre 145 % compte tenu de l’effondrement de l’activité.</p>
<p>Enfin, la programmation des dépenses publiques et des allègements fiscaux prévus dans le <a href="https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/textes/l15b4482_projet-loi">projet de loi de finance (PLF) 2022</a> met la France sur une trajectoire de croissance du PIB plus forte (1,65 %) que celle observée lors des deux quinquennats précédents (1,5 %).</p>
<p>Cette relative bonne santé de l’économie française en fin d’année 2021 doit cependant s’apprécier avec prudence, la situation sanitaire n’étant pas stabilisée. Il reste néanmoins utile d’évaluer l’efficacité des mesures déjà prises et d’en déduire les perspectives de l’économie française dans la période à venir.</p>
<h2>Plus d’un an de gagné</h2>
<p>La crise sanitaire s’est traduite sur le plan économique par une restriction inédite des échanges nationaux, tant sur le marché des biens et services que sur celui du travail, et des échanges internationaux. Les mesures exceptionnelles de politique économique ont alors été prises, modifiant la consommation publique (emploi, éducation, santé, culture…), l’investissement public (R&D, armement, bâtiments et d’infrastructures), et la fiscalité (taxation des entreprises et des ménages).</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/441080/original/file-20220117-27-txaub2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/441080/original/file-20220117-27-txaub2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/441080/original/file-20220117-27-txaub2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=500&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/441080/original/file-20220117-27-txaub2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=500&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/441080/original/file-20220117-27-txaub2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=500&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/441080/original/file-20220117-27-txaub2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=629&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/441080/original/file-20220117-27-txaub2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=629&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/441080/original/file-20220117-27-txaub2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=629&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Graphique 1 : La crise du Covid-19 en l’absence des politiques macroéconomiques. Note : PIB réel par habitant observé (trait noir), prévu par le PLF 2022 (trait bleu) et simulé par le modèle CEPREMOD en l’absence des politiques macroéconomiques (trait rouge). Indice 100 en 2020 T1.</span>
<span class="attribution"><span class="source">PLF 2022 et calculs des auteurs</span></span>
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</figure>
<p>Le graphique 1 compare la trajectoire « réelle » de l’économie française (traits noirs et bleus) à un scénario où les mesures budgétaires et fiscales exceptionnelles prises par le gouvernement sont supprimées (trait rouge). Il montre comment ces politiques ont protégé l’économie française d’une crise qui aurait été encore plus ample.</p>
<p>Dans les deux cas, avec ou sans les politiques de soutien, le creux de l’activité économique se produit au troisième trimestre de 2020, à la suite du confinement de l’économie. La contraction observée est de – 17 % par rapport à la situation d’avant-crise, alors qu’en l’absence des mesures exceptionnelles, la chute de l’activité économique est estimée à – 37 %. Au plus fort de la crise, les politiques macroéconomiques auraient donc permis d’éviter des pertes de l’ordre de 20 points de pourcentage du PIB de 2019.</p>
<p>Sur les quatre années d’après-crise, les mesures ont permis d’éviter des pertes de PIB encore plus importantes. En effet, alors que le PIB observé a déjà quasiment retrouvé son niveau d’avant-crise (il est un point de pourcentage en dessous), il se situerait à près de 10 points de pourcentage en dessous de son niveau d’avant crise sans ces mesures exceptionnelles. Sans ces politiques, le niveau d’activité de 2019 ne serait rejoint qu’au premier trimestre 2023, soit avec plus d’une année de retard (5,5 trimestres).</p>
<p>La hausse de la consommation publique explique l’essentiel des pertes évitées durant les deux premières années suivant la crise (à hauteur de 85 % sur la période 2020-2021), tandis que les allègements fiscaux jouent un rôle prépondérant pour les années suivantes (à hauteur de 85 % sur la période 2022-2023). L’investissement public expliquant le reste (de l’ordre de 15 %), de manière homogène sur l’ensemble de la période.</p>
<h2>Une dette publique finalement contenue</h2>
<p>Les politiques macroéconomiques de soutien à l’activité économique ont représenté une charge financière importante pour l’État dans un contexte de recettes fiscales limitées du fait du ralentissement de l’activité économique. Elles ont par conséquent conduit à d’importants déficits publics, faisant progresser le niveau de la dette publique.</p>
<figure class="align-left zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/441082/original/file-20220117-15-12qvqa1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/441082/original/file-20220117-15-12qvqa1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/441082/original/file-20220117-15-12qvqa1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=483&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/441082/original/file-20220117-15-12qvqa1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=483&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/441082/original/file-20220117-15-12qvqa1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=483&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/441082/original/file-20220117-15-12qvqa1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=607&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/441082/original/file-20220117-15-12qvqa1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=607&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/441082/original/file-20220117-15-12qvqa1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=607&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Graphique 2 : évolution et simulation de la dette publique (en % du PIB) en l’absence des politiques macroéconomiques. Note : Dette au sens de Maastricht des administrations publiques en points de PIB observée (trait noir), prévue avant la crise du Covid-19 par le PLF 2019 (trait bleu) et simulée par le modèle Cepremod en l’absence des politiques macroéconomiques (trait rouge).</span>
<span class="attribution"><span class="source">Insee, PLF 2019 et calculs des auteurs</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Renoncer à ces politiques de soutien aurait-il permis de limiter la progression de l’endettement public ? Le graphique 2 compare l’évolution observée de la dette publique à ce qu’elle aurait été sans les mesures exceptionnelles de soutien à l’activité.</p>
<p>La dette publique en pourcentage du PIB a augmenté de plus de 20 points durant le quinquennat de Nicolas Sarkozy, principalement du fait de la crise financière de 2008-2009. Pendant le quinquennat de François Hollande, elle a lentement progressé, alors que cette période ne connaissait aucune crise majeure (pendant cette période, la dette allemande est passée de 88 % à 70 % du PIB), pour se stabiliser autour du niveau de 100 % du PIB au début du quinquennat d’Emmanuel Macron.</p>
<p>La gestion de la crise du Covid-19 a augmenté ce ratio de 15 points de pourcentage amenant la dette publique à un niveau de 115 % du PIB à la fin de l’année 2021. Sans les mesures de soutien à l’économie, l’aggravation de la crise économique aurait conduit à une hausse encore plus forte du ratio de dette publique. Selon nos simulations, ce ratio aurait en effet atteint un niveau de 145 % du PIB dès le troisième trimestre de 2020 (cf. la courbe rouge du graphique 2).</p>
<p>Cet écart de 30 points du ratio d’endettement entre les deux scénarios s’explique par la plus grande ampleur et la plus forte persistance de la crise qui aurait alors eu lieu sans les mesures de soutien (voir ci-dessus). En conclusion, la politique du « quoi qu’il en coûte » semble avoir été une meilleure opération pour les finances publiques qu’une politique de « laissez-faire », encadrée par les critères de Maastricht.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/441083/original/file-20220117-25-10q4w81.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/441083/original/file-20220117-25-10q4w81.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/441083/original/file-20220117-25-10q4w81.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=503&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/441083/original/file-20220117-25-10q4w81.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=503&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/441083/original/file-20220117-25-10q4w81.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=503&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/441083/original/file-20220117-25-10q4w81.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=632&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/441083/original/file-20220117-25-10q4w81.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=632&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/441083/original/file-20220117-25-10q4w81.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=632&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Graphique 3 : évolution depuis 2007 et prévisions jusqu’en 2025 du PIB par tête en France. Note : PIB réel par habitant observé (trait plein noir) et prévu par le PLF 2002 (trait plein rouge) à partir de 2021 T4 (indice 100 en 2017 T2). Tendances du PIB réel par habitant de 1,2 % à partir des débuts des mandants de M. Sarkozy (tirets noirs), M. Hollande (tirets bleus) et de 1,35 % pour le début du mandat de M. Macron (tirets roses).</span>
<span class="attribution"><span class="source">PLF 2022 et calculs des auteurs</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Le gouvernement a présenté ses politiques budgétaire et fiscale jusqu’en 2025 dans le PLF 2022. Sous l’hypothèse qu’il n’y aura pas de nouvelle vague épidémique, le graphique 3 montre que ces politiques ancrent la France sur un rythme de 1,35 % de croissance annuelle par tête (soit 1,65 % de croissance en ajoutant la croissance démographique). Cette croissance est donc plus élevée que lors des deux précédents quinquennats (croissance de 1,2 % par tête, soit 1,5 % en ajoutant la croissance démographique).</p>
<p>Au-delà de l’amortissement de la crise, la politique macroéconomique engagée, de par les réductions pérennes d’impôts et le soutien aux investissements publics, semble donc avoir des effets positifs à moyen terme sur le rythme de croissance.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/175088/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Selon les estimations du Cepremap, les politiques macroéconomiques mises en place à partir de 2020 ont non seulement limité la contraction du PIB mais également l’augmentation de la dette publique.François Langot, Professor in Economics, Le Mans UniversitéFabien Tripier, Professeur d'économie, Université Paris Dauphine – PSLLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1742932022-01-03T20:06:38Z2022-01-03T20:06:38ZLa crise du Covid-19 ouvre-t-elle la voie à une mondialisation moins débridée ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/439165/original/file-20220103-19-99cuyx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=346%2C208%2C1698%2C1152&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">La part des Français qui estiment que la mondialisation constitue une menace pour la France est passée de 49&nbsp;% en 2017 à 60&nbsp;% en septembre 2020.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/91261194@N06/49753752766">Jernej Furman / Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p><em>Isabelle Bensidoun, co-auteure de <a href="https://www.arenes.fr/livre/la-folle-histoire-de-la-mondialisation/">« La folle histoire de la mondialisation »</a> (Éditions Les Arènes) et adjointe au directeur du Centre d’études prospectives et d’informations internationales (CEPII), détaille l’impact du choc sanitaire sur la dynamique de la mondialisation après quasiment deux ans de crise. Elle répond aux questions de Jézabel Couppey-Soubeyran, maîtresse de conférences en économie (Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne).</em></p>
<hr>
<p><strong>La crise sanitaire a fait prendre conscience des vulnérabilités que nos interdépendances occasionnent. Cela va-t-il changer le cours de la mondialisation ?</strong></p>
<p>Lorsque la crise du Covid est venue braquer le projecteur sur notre dépendance pour des produits essentiels comme les médicaments ou les masques, que nos libertés et notre santé ont été percutées lorsque ces produits ont commencé à manquer, les interdépendances qui étaient autrefois louées sont effectivement apparues comme des sources de vulnérabilités à corriger.</p>
<p>D’ailleurs, la <a href="https://www.sciencespo.fr/cevipof/fr/content/les-fractures-francaises-2020.html">défiance à l’égard de la mondialisation s’est fortement accrue</a> : la part des Français qui estiment que la mondialisation constitue une menace pour la France est passée de 49 % en 2017 à 60 % en septembre 2020, et 65 % considèrent désormais que la France devrait se protéger davantage, contre 53 % en 2017.</p>
<p>Mais le cours de la mondialisation avait déjà changé avant la crise sanitaire.</p>
<p>À l’hypermondialisation, qui régnait dans les années 1990 et 2000, avait succédé depuis la crise financière de 2007-2009 une période que l’on qualifie de « moudialisation » : une période où la dynamique des flux commerciaux et surtout financiers a marqué le pas, comme le montre l’indicateur du taux d’ouverture dans le graphique ci-dessous. Les certitudes quant aux bienfaits de la mondialisation avaient aussi été déjà bousculées.</p>
<p><iframe id="hsgLN" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/hsgLN/5/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Ainsi en est-il de l’idée que les pertes d’emploi dans l’industrie étaient avant tout causées par le <a href="http://gc.cuny.edu/CUNY_GC/media/LISCenter/pkrugman/PK_globalization.pdf">progrès technique plutôt que par le commerce</a>. À cet égard, en montrant que les importations en provenance de Chine étaient responsables d’une part non négligeable des emplois détruits dans l’industrie américaine et que ces effets étaient <a href="https://www.brookings.edu/bpea-articles/on-the-persistence-of-the-china-shock/">durables</a>, les travaux de l’économiste américain David Autor et ses co-auteurs ont sérieusement changé la donne.</p>
<p>Ensuite, les inégalités, qui pendant longtemps étaient considérées comme <a href="https://www.academia.edu/15127821/Why_We_All_Do_Care_About_Inequality_But_Are_Loath_to_Admit_It_">secondaires par rapport à la pauvreté</a>, sont devenues un sujet de préoccupation pour les organisations internationales. Une évolution bienvenue, car si la mondialisation s’est traduite par une chute de la pauvreté dans le monde, elle s’est aussi accompagnée d’un <a href="http://www.cepii.fr/CEPII/fr/publications/panorama/abstract.asp?NoDoc=12184">accroissement des inégalités</a> dans de nombreux pays.</p>
<p>Quant à la présidence de Donald Trump aux États-Unis, elle a sérieusement secoué l’approche libre-échangiste en n’y allant pas de main morte <a href="http://www.cepii.fr/CEPII/fr/publications/em/abstract.asp?NoDoc=12311">avec le protectionnisme</a>. Le Brexit, tout comme la montée des votes populistes, a également souligné que la libéralisation commerciale était désormais perçue comme mettant en péril la souveraineté nationale et que la mondialisation n’avait pas été heureuse pour tout le monde.</p>
<p><strong>Si les années 2010 ont vu l’hypermondialisation s’interrompre et que la crise actuelle accentue la perception des fragilités que la mondialisation produit, est-ce à dire que l’on entre dans une nouvelle ère de la mondialisation, moins débridée, plus encadrée ?</strong></p>
<p>Assurément. Car la mondialisation est avant tout la résultante de choix politiques qui vont soit la stimuler, comme à partir du début des années 1980 lorsque s’est imposée l’idée qu’il n’y avait pas d’alternative à une libéralisation toujours plus poussée des flux commerciaux et financiers, soit, au contraire, l’encadrer.</p>
<p>Or, il me semble que le choix politique penche aujourd’hui vers plus d’encadrement ou, pour le dire autrement, que l’ordre des priorités est en train de changer. L’ouverture n’est plus considérée comme une fin en soi et plusieurs changements sont perceptibles.</p>
<p>D’abord, la refonte au niveau international de la fiscalité des entreprises multinationales, sur laquelle l’OCDE travaillait depuis qu’elle avait été mandatée par le G20 en 2013, a finalement aboutie.</p>
<p>Avec <a href="https://theconversation.com/pour-vraiment-taxer-les-entreprises-multinationales-une-reforme-suffit-elle-172417">l’accord sur la taxation des multinationales</a> signé en octobre 2021, les pratiques d’optimisation fiscale des multinationales, qui occasionnent des pertes annuelles de recettes budgétaires estimées à au moins <a href="https://taxjustice.net/reports/the-state-of-tax-justice-2020/">245 milliards de dollars</a> au niveau mondial, pourraient bien prendre du plomb dans l’aile. <a href="http://www.cepii.fr/CEPII/fr/publications/wp/abstract.asp?NoDoc=12643">L’un des moteurs de la mondialisation financière</a> pourrait ainsi se trouver sérieusement grippé.</p>
<hr>
<p>
<em>
<strong>
À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/pour-vraiment-taxer-les-entreprises-multinationales-une-reforme-suffit-elle-172417">Pour vraiment taxer les entreprises multinationales, une réforme suffit-elle ?</a>
</strong>
</em>
</p>
<hr>
<p>Ensuite, les politiques industrielles, largement décriées jusqu’il y a peu, reviennent sur le devant de la scène pour assurer <a href="http://www.cepii.fr/BLOG/bi/post.asp?IDcommunique=902">souveraineté économique</a>, autonomie stratégique et transition écologique.</p>
<p>Enfin, la pandémie a pu agir comme un accélérateur de changement face à l’urgence climatique. Parce qu’elle est venue souligner le dérèglement de nos rapports à la nature et nous rappeler notre vulnérabilité, elle a provoqué un tournant dans la prise de conscience qu’il fallait sauver le climat. Aussi, pour pouvoir mettre en œuvre des politiques climatiques ambitieuses, un <a href="https://ec.europa.eu/commission/presscorner/detail/fr/qanda_21_3661">mécanisme d’ajustement carbone aux frontières</a> a été proposé par l’Union européenne en juillet 2021, et le Canada, les États-Unis et le Royaume-Uni pourraient lui emboîter le pas.</p>
<p><strong>Sur quoi tout cela pourrait-il déboucher ?</strong></p>
<p>Il est encore trop tôt pour le savoir, mais on est clairement dans un nouveau moment de la mondialisation : celui où le consensus de Washington, qui privilégiait privatisations, libéralisation, moins d’État en quelque sorte, vacille.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/439164/original/file-20220103-19-1gn2ld9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/439164/original/file-20220103-19-1gn2ld9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/439164/original/file-20220103-19-1gn2ld9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=857&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/439164/original/file-20220103-19-1gn2ld9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=857&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/439164/original/file-20220103-19-1gn2ld9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=857&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/439164/original/file-20220103-19-1gn2ld9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1077&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/439164/original/file-20220103-19-1gn2ld9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1077&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/439164/original/file-20220103-19-1gn2ld9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1077&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.arenes.fr/livre/la-folle-histoire-de-la-mondialisation/">Éditions Les Arènes</a></span>
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<p>En juin 2021, le groupe d’experts du G7 a recommandé de le remplacer par le <a href="https://www.project-syndicate.org/commentary/cornwall-consensus-rebuilding-global-governance-by-mariana-mazzucato-2021-10">consensus de Cornwell</a>, <a href="https://www.g7uk.org/economic-resilience-panel/">fondé au contraire sur un renforcement du rôle des États</a> pour atteindre des objectifs sociétaux, renforcer la solidarité internationale et réformer la gouvernance mondiale dans l’intérêt du bien commun. Une approche bien différente de celle qui prévalait jusque-là, mais qui ne pourra vraiment se concrétiser que si la volonté politique est au rendez-vous.</p>
<p>Pour le moment, pas de déclarations fracassantes en ce sens ! La campagne présidentielle mériterait pourtant de placer ces sujets au cœur des débats. Car ce sont bien les engagements qui seront pris en la matière qui dessineront les contours de la mondialisation de demain et la place que la France y occupera.</p>
<hr>
<p><em>Cet article est publié dans le cadre de la série du CEPII « L’économie internationale en campagne » un partenariat CEPII – The Conversation</em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/174293/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jézabel Couppey-Soubeyran est membre de l'Institut Veblen. Elle a reçu des financements de la Chaire énergie et prospérité. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Isabelle Bensidoun ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Fiscalité, politique industrielle, climat… Les choix politiques actuels diffèrent de plus en plus de ceux qui favorisent les échanges internationaux depuis les années 1980.Isabelle Bensidoun, Adjointe au directeur, CEPIIJézabel Couppey-Soubeyran, Maître de conférences en économie, Université Paris 1 Panthéon-SorbonneLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.