tag:theconversation.com,2011:/ca-fr/topics/culture-scientifique-32846/articlesculture scientifique – La Conversation2022-01-09T17:15:36Ztag:theconversation.com,2011:article/1744822022-01-09T17:15:36Z2022-01-09T17:15:36ZLes Français et la chloroquine, une défaite de la culture scientifique ?<p>La nouvelle avait fait grand bruit alors que le Covid s’installait dans l’Hexagone : selon un sondage d’avril 2020, une majorité de Français considéraient l’hydroxychloroquine (dérivée de la chloroquine) comme un traitement efficace contre le coronavirus.</p>
<p>Les interprétations de tout poil ont aussitôt fusé pour disséquer ce résultat. Pour certains, il racontait la défaite de la culture scientifique en France, lors d’une crise qui aurait pourtant pu être éclairée par la raison. Pour d’autres, la question des « bons » traitements ne devrait pas être l’objet de sondages…</p>
<p>Dans notre analyse de cette période enflammée, nous allons au-delà des polémiques immédiates pour souligner l’importance de prendre du recul afin de mieux analyser et comprendre les perceptions du grand public sur la santé et les médicaments, passé la simple attribution des bons et mauvais points.</p>
<h2>Le sondage par qui le scandale arrive</h2>
<p>Les 3 et 4 avril 2020, l’institut de sondage Ifop réalise pour la société Labtoo une étude afin de connaître l’<a href="https://www.ifop.com/wp-content/uploads/2020/04/117231_rapport_Ifop_Labtoo_Cloroquine_2020.04.05.pdf">opinion des Français sur le traitement à base de chloroquine</a> (réalisée par questionnaire autoadministré en ligne auprès d’un échantillon de 1 016 personnes, représentatif de la population française âgée de 18 ans et plus, résidant en France métropolitaine). Ce <a href="https://www.leparisien.fr/societe/sante/covid-19-59-des-francais-croient-a-l-efficacite-de-la-chloroquine-05-04-2020-8294535.php">sondage, très commenté</a>, est publié par <em>Le Parisien</em> le 5 avril.</p>
<p>La période est alors très confuse et l’espoir de l’efficacité de la chloroquine partout, bien que les données objectives manquent encore. <a href="https://twitter.com/Ellibec/status/1247073849830670336">« Le Dr Raoult et son traitement sont dans le débat public depuis des jours »</a>, selon les mots d’un chargé d’étude de l’Ifop, mais les résultats de plusieurs études internationales chargées d’évaluer l’efficacité de l’(hydroxy)chloroquine contre le Covid-19 ne sont pas encore publiés – c’est une affaire de jours.</p>
<p>Presque tous les répondants au fameux sondage disent avoir connaissance du sujet, <a href="https://larevuedesmedias.ina.fr/etude-coronavirus-covid19-traitement-mediatique-raoult-chloroquine">très présent dans les médias</a> : pour 59 % d’entre eux, le traitement par (hydroxy)chloroquine est efficace, pas efficace pour 20 % d’entre eux ; 21 % des personnes sollicitées sont indécises.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1247137267837255682"}"></div></p>
<p>Le médiatique philosophe des sciences Étienne Klein, invité sur France inter en juillet 2020, se dit « traumatisé » par ce sondage (qu'il qualifie d'« abracadabrantesque » dans son ouvrage <em>Le Goût du vrai</em> paru au même moment), estimant que « tout le monde aurait dû dire “je ne sais pas” ». Il ajoute, relancé par le journaliste qui l’interroge, que « ça dit des choses des Français, de leur rapport à la croyance et de la promptitude avec laquelle ils se déclarent experts ». Et il conclut qu’un tel sondage, transposé à d’autres questions scientifiques, tel le boson de Higgs ou la rotondité de la Terre, serait absurde.</p>
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<p>En novembre 2021, invitée par le ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche au Forum national Sciences, recherche et société, la présidente du Comité d’éthique du CNRS et chercheuse en droit Christine Noiville revient sur le sujet. Elle estime à son tour que « le public […] s’est pris pour un spécialiste » lorsqu’il n’a pas répondu massivement que, « en l’état des connaissances scientifiques, il [n’]est juste pas possible de répondre à cette question ».</p>
<p>Allant plus loin qu’Étienne Klein, elle pointe du doigt le populisme scientifique : défiance vis-à-vis des experts proches du pouvoir et des élites scientifiques, fascination pour les personnalités scientifiques fortes, déni des preuves scientifiques… Le tout alimenté par des médias en quête de sensationnalisme et une information scientifique désintermédiée (sans sources, sans décryptage, sans analyse par un tiers) par les réseaux sociaux.</p>
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<h2>Un sondage à remettre en perspective</h2>
<p>Les sondages, largement associés à l’actualité politique, sont souvent critiqués pour leurs biais et leur impossibilité intrinsèque à rendre compte de l’état de l’<a href="https://www.acrimed.org/L-opinion-publique-n-existe-pas">opinion publique, qui dans certains cas ne préexiste même pas à la question</a>. Une manière de se prémunir est de considérer les sondages comme des expériences imparfaites dont les résultats doivent être reproduits et vérifiés.</p>
<p>Justement, plusieurs recherches en sciences sociales ont suivi la perception publique de la gestion de la crise et fourni des données plus fines. C’est le cas de <a href="https://www.ehesp.fr/2020/04/08/etude-coconel-un-consortium-de-chercheurs-analyse-le-ressenti-et-le-comportement-des-francais-face-a-lepidemie-de-covid-19-et-au-confinement/">COCONEL</a>, <a href="https://anr.fr/Projet-ANR-20-COVI-0102">TRACTRUST</a> ou <a href="http://www.orspaca.org/notes-strategiques/premiers-r%C3%A9sultats-de-l%E2%80%99enqu%C3%AAte-slavaco-vague-1-et-approfondissement-de-l%E2%80%99analyse">SLAVACO</a>. Et il ressort que la perception des Français de la chloroquine (puis de l’hydroxychloroquine) est bien plus nuancée que ce que laissait suggérer la première impression.</p>
<p><a href="http://www.orspaca.org/sites/default/files/note-n3-confinement-masques-chloroquine-vaccin.pdf">Dès le 7 avril 2020, ce n’était déjà plus 59 %, mais 35 % des personnes interrogées qui considéraient l’hydroxychloroquine comme un traitement efficace contre le Covid-19</a>. Cette proportion chuta ensuite à 20 % en juin 2020, pour rester à des niveaux bas, avec 14 % seulement de sondés convaincus de l’efficacité de l’(hydroxy)chloroquine en juin 2021 (voir graphique ci-dessous). La proportion de Français qui ont répondu qu’ils n’en savaient rien a varié d’abord à la baisse puis à la hausse, pour revenir en juin 2021 au même niveau qu’il était en avril 2020.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/439649/original/file-20220106-23-19yp5po.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="La confiance en l’(hydroxy)chloroquine en France s’est rapidement érodée, quand le niveau d’incertitude est resté élevé" src="https://images.theconversation.com/files/439649/original/file-20220106-23-19yp5po.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/439649/original/file-20220106-23-19yp5po.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=262&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/439649/original/file-20220106-23-19yp5po.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=262&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/439649/original/file-20220106-23-19yp5po.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=262&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/439649/original/file-20220106-23-19yp5po.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=329&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/439649/original/file-20220106-23-19yp5po.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=329&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/439649/original/file-20220106-23-19yp5po.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=329&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">L’opinion française sur l’efficacité de l’(hydroxy)chloroquine a évolué très rapidement d’après les enquêtes, avec notamment une chute de confiance de 59 à 35 % des répondants entre les 4 et 7 avril 2020, mais l’incertitude a toujours largement prévalu. Les marges d’erreur sont indiquées.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Figure adaptée de l’article « Does the public know when a scientific controversy is over ? Public perceptions of hydroxychloroquine in France between April 2020 and June 2021 », soumis</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
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<p>Est-il possible de passer en trois jours (entre le 4 et le 7 avril) de 59 % à 35 % de personnes convaincues de l’efficacité de la chloroquine ? La méthodologie des sondages étant similaire, une fois écartée l’option d’un problème technique, l’hypothèse la plus sérieuse est que le sondage de l’Ifop a donné une image transitoire de l’opinion des Français, comme une photo floue prise dans le mouvement turbulent du paysage médiatique saturé d’incertitudes des mois de mars et d’avril 2020.</p>
<h2>À contre-courant des discours d’indignation</h2>
<p>Tout aussi intéressante à observer, la vive indignation des spécialistes des relations science-société traduit leur attachement à un certain idéal de culture scientifique : un intérêt du grand public pour les connaissances produites par la science et réputées fiables (séparée des moments agités de la recherche), une confiance dans la méthode scientifique comme processus de certification des savoirs mis en œuvre par les chercheurs, la nécessité de maintenir un doute tant que la science n’a pas livré son verdict, etc. C’est cette conception qui aurait été ébranlée par le sondage d’avril 2020.</p>
<p>En réalité, les études qui s’accumulent sur la chloroquine, mais aussi sur la vaccination ou les masques, pointent le caractère central de la confiance dans les institutions et de politisation.</p>
<p>Les sympathisants de l’extrême gauche et de l’extrême droite sont ainsi plus susceptibles d’être convaincus par l’efficacité de l’(hydroxy)chloroquine, tandis que ceux qui ne sont pas politisés sont moins susceptibles de croire à cette efficacité <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0040595722000105">souligne notre nouvelle étude parue dans la revue Therapies</a>. Les personnes ayant une moindre confiance dans les institutions sont ainsi les plus susceptibles de croire en son efficacité. Christine Noiville a donc raison de ne pas concentrer ses critiques sur le manque de culture scientifique, mais d’évoquer plutôt le fonctionnement démocratique en général.</p>
<p>Pour autant, il serait faux de retenir que les Français se sont pris pour des experts : pour la majorité des répondants dominait l’incertitude (voir la courbe bleue ci-dessus), soit par ignorance soit par manque de données. Au moment où la controverse sur cette molécule battait son plein et où des bateleurs médiatiques redoublaient de promesses, l’opinion publique était, elle, moins polarisée. Les Français auraient donc mérité un prix du doute épistémique, contrairement à ce que pouvait affirmer Étienne Klein sur la base de données incomplètes !</p>
<p>La polarisation entre les certitudes fortes sur l’efficacité ou l’inefficacité est cependant plus facile à éditorialiser dans les différents médias et plates-formes d’information… La question se pose cependant des conséquences de la persistance de cette incertitude dans le temps long, une fois l’inefficacité prouvée.</p>
<h2>Un sondage d’une nature différente</h2>
<p>Enfin, un point mérite d’être souligné : la lecture de cet épisode sous l’angle de la culture scientifique dissimule le fait que le sujet est avant tout lié à la <a href="https://www.santepubliquefrance.fr/docs/la-litteratie-en-sante-un-concept-critique-pour-la-sante-publique">littératie en santé</a>. Sur les questions de vaccination comme sur l’(hydroxy)chloroquine, et à l’inverse du boson de Higgs ou de la rotondité de la Terre qui apparaissent bien dans certaines enquêtes sur la culture scientifique, l’opinion des Français n’est pas un jugement sur la véracité d’une affirmation scientifique : elle s’inscrit dans leur expérience du système de santé et de leur quotidien.</p>
<p>Or, la mise en œuvre de mesures de santé publique est marquée par l’évolution des controverses et leurs effets sur les représentations. En témoigne la défiance durable produite par les scandales sanitaires.</p>
<p>Cet épisode spectaculaire, dont on n’a pas fini de tirer des enseignements, attire donc l’attention sur le peu d’études portant sur la réception sociale des médicaments (le domaine de la <a href="https://bonusagedumedicament.com/wp-content/uploads/2020/03/La_Pharmacologie_sociale_nouvelle_branche_de_la_Pharmacologie_clinique.pdf">« pharmacologie sociale »</a>) et l’interdépendance forte entre les enjeux proprement politiques, la légitimité des savoirs scientifiques (dont la culture scientifique) et le rapport à la santé. Or, c’est peut être le propre de la médecine moderne de faire converger, sans pour autant les superposer d’une manière unique, l’<a href="https://www.routledge.com/The-Cultural-Authority-of-Science-Comparing-across-Europe-Asia-Africa/Bauer-Pansegrau-Shukla/p/book/9780367487027">autorité culturelle de la science</a> et <a href="https://doi.org/10.1177/00221465211010468">celle de la médecine</a>.</p>
<p>Ainsi, on peut regretter le manque de dialogue interdisciplinaire entre des domaines pourtant voisins. Un point encore illustré par le Comité d’éthique du CNRS dans son <a href="https://comite-ethique.cnrs.fr/avis-du-comets-communication-scientifique-en-situation-de-crise-sanitaire-profusion-richesse-et-derives/">Avis n°2021-42 « Communication scientifique en situation de crise sanitaire : profusion, richesse et dérives »</a>. Où il s’inquiète « que le choix d’un traitement puisse être décidé par l’opinion publique sur la base d’une pétition ou d’un sondage et que des décisions politiques puissent être prises en se fondant sur des croyances ou des arguments irrationnels, faisant uniquement appel à la peur ou l’émotion »…</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/174482/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Émilien Schultz est actuellement chercheur post-doctorant dans le projet TRACTRUST (financement ANR, dir. Laëtitia Atlani-Duault) qui porte sur la confiance dans l'espace public pendant l'épidémie de COVID-19. Une partie des résultats présentés dans cet article ont été obtenus en collaboration avec Jeremy K. Ward et Patrick Peretti-Watel.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Antoine Blanchard est membre du Conseil d'administration de l'association Traces. Il est consultant science ouverte et associé de la société coopérative Datactivist.</span></em></p>Avril 2020, hallali dans les médias : pour 59 % des Français, la chloroquine serait un traitement efficace du Covid… Mais derrière l’emballement des commentateurs, la population était moins polarisée.Émilien Schultz, Chercheur en sociologie des sciences et de la santé, Institut de recherche pour le développement (IRD)Antoine Blanchard, Chargé d'études données ACT, Université de BordeauxLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1553342021-02-22T17:42:19Z2021-02-22T17:42:19ZPari politique versus risques épidémiologiques : le quitte ou double d’Emmanuel Macron<p>Saisi, comme tous les dirigeants de la planète, par une pandémie non anticipée parce que nos sociétés avaient perdu toute culture épidémique depuis un siècle, le président Macron a d’abord calé son action sur les recommandations médicales.</p>
<p>Depuis la fin du confinement strict, et des dégâts économiques et sociaux qu’il a engendrés, il s’est éloigné du corps médical pour regagner en autonomie politique, en le justifiant par plusieurs arguments : volonté de promouvoir un discours optimiste, réaffirmation d’un pouvoir d’arbitrage, remettre les scientifiques à leur place.</p>
<p>Ce choix d’une politique dite de « contrôle de l’épidémie » (contre une stratégie d’éradication) est lourd d’incertitudes sur l’aptitude à vraiment maîtriser la dynamique épidémique et comporte un risque politique évident. En effet, son refus de prendre des mesures coercitives fortes pour casser la dynamique épidémique pourrait être jugé rétroactivement obstiné et ouvrir la voie à un procès en responsabilité sur la dégradation de l’épidémie, sur la saturation des hôpitaux, voire sur une hausse choquante du nombre de morts.</p>
<p>La polémique commence d’ailleurs à monter chez les enseignants et les scientifiques qui appellent à une <a href="https://www.lemonde.fr/idees/article/2021/02/15/viser-l-objectif-zero-covid-constitue-un-moyen-clair-de-traverser-la-pandemie-en-minimisant-les-degats_6070045_3232.html">gestion plus sévère de l’épidémie</a> en mobilisant des contre-arguments.</p>
<h2>L’optimisme politique contre l’alarmisme scientifique</h2>
<p>Les scientifiques fondent leurs préconisations sur des modélisations alors même que découvrant ce nouveau virus, leurs prévisions n’ont pas toujours été pertinentes. Ils avouent d’ailleurs en ce moment <a href="https://www.nouvelobs.com/coronavirus-de-wuhan/20210212.OBS40140/les-scientifiques-dans-l-incomprehension-face-a-l-amelioration-de-la-situation-epidemique.html">ne pas pouvoir s’expliquer la baisse des cas</a> en France.</p>
<p>De cette incertitude, le président de la République veut faire une force, en prenant ce qu’il nomme le « pari » de s’opposer aux discours scientifiques majoritaires, en <a href="https://www.lemonde.fr/politique/article/2021/02/10/covid-19-l-executif-insuffle-une-dose-d-optimisme_6069428_823448.html">jouant la carte de l’optimisme</a> contre les pessimistes excessifs, du soutien à l’économie contre les jusqu’au-boutistes de la protection sanitaire qui négligeraient les effets induits de leurs décisions trop radicales, et aux résultats jugés pas assez prouvés.</p>
<p>Le Président Macron tient donc à tout prix à sortir d’une posture défensive (confinement serré et réparation des dégâts occasionnés, par l’argent public) pour mettre en scène le gouvernement dans une posture offensive, faisant de la <a href="https://www.20minutes.fr/societe/2945683-20210105-vaccination-emmanuel-macron-devoile-elus-pistes-accelerer-strategie-france">stratégie vaccinale accélérée</a> l’alpha et l’oméga de la lutte contre l’épidémie, et en défendant que d’ici à l’immunité par le vaccin, il faut tenir sans confinement strict.</p>
<p>Plaider ainsi l’optimisme satisfait sans doute davantage une population exténuée que promettre du sang et des larmes.</p>
<h2>Le Président doit conserver son pouvoir d’arbitrage</h2>
<p>L’essence de la fonction politique c’est d’arbitrer entre des intérêts contraires. Le Président tient donc à réaffirmer ce qui fonde son autorité : le <a href="https://www.elysee.fr/la-presidence/le-president-dans-la-constitution">pouvoir d’arbitrage</a>. Celui que lui donne d’ailleurs la Constitution dans son article 5.</p>
<p>Le Président Macron se met donc en scène arbitrant entre les intérêts économiques. Un conseiller élyséen s’inquiète d’éventuelles « conséquences économiques et sociales dramatiques pour un résultat peut-être équivalent à un couvre-feu » nous dit <a href="https://www.lemonde.fr/politique/article/2021/01/25/covid-19-l-hypothese-d-un-nouveau-confinement-fait-debat-au-sein-de-l-executif_6067467_823448.html"><em>Le Monde</em></a>. Il débat aussi bien de la <a href="https://www.bfmtv.com/politique/sante-mentale-des-francais-emmanuel-macron-demande-au-gouvernement-de-preparer-une-strategie_AN-202011240406.html">santé psychique des Français</a> que de la réussite scolaire des élèves et donc la non-fermeture des écoles, « fierté française » selon le ministre de l’Éducation, et la sécurité sanitaire.</p>
<p>Cette dernière est donc ramenée au rang de variable à arbitrer, pas plus prioritaire qu’une autre, car tout doit tenir en équilibre.</p>
<h2>Remettre les scientifiques à leur juste place</h2>
<p>De plus en plus souvent invités dans les <a href="https://www.lejdd.fr/Medias/covid-19-quels-sont-les-medecins-les-plus-cites-a-la-tele-et-a-la-radio-depuis-un-an-4025030">médias</a>, les membres du Conseil scientifique créé par l’exécutif pour le guider dans son action, auraient fini par outrepasser leurs prérogatives en confondant, aux yeux de l’Élysée aide à la décision et injonction à agir. C’est ce que laisse entendre le Président en <a href="https://www.franceculture.fr/emissions/journal-de-22h/journal-de-22h-du-jeudi-10-septembre-2020">opposant la légitimité démocratique des élus au Conseil scientifique</a>. Et pour faire bonne mesure, le Conseil scientifique ne rend plus d’avis depuis le 13 janvier.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1360576888171859976"}"></div></p>
<p>En lieu et place, il alimente l’exécutif en « notes internes » comme l’<a href="https://www.francetvinfo.fr/sante/maladie/coronavirus/covid-19-ou-sont-passes-les-avis-du-conseil-scientifique_4299073.html">indique France Info</a>, ce qui est le moyen technique trouvé par l’exécutif pour contourner l’obligation légale prévue à <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000042522982/#:%7E:text=En%20cas%20de%20d%C3%A9claration%20de,du%20Pr%C3%A9sident%20de%20la%20R%C3%A9publique.">l’article L. 3131-19</a> du code de la santé publique s’appliquant en état d’urgence sanitaire, qui oblige à rendre publics « sans délai » les « avis » de ce conseil. Ses points de vue cessent ainsi de pouvoir être utilisés pour souligner d’éventuelles incohérences sanitaires avec les choix politiques.</p>
<h2>Gains politiques escomptés</h2>
<p>Le Président Macron espère ainsi gagner le soutien de tous ceux qui sont préoccupés d’abord par les intérêts économiques. Car les arbitrages rendus montrent que c’est bien le maintien de l’activité économique qui l’emporte dans la nouvelle hiérarchie des contraintes à tenter d’harmoniser.</p>
<p>Opportunément, cette priorité est défendue dans la frange de la population plutôt classée à droite (Medef, commerçants, artisans, petits patrons, retraités conservateurs). Électorat sur lequel le Président sortant compte beaucoup pour sa réélection.</p>
<p>De plus, dès lors qu’il affiche son refus de céder à tout appel au confinement, même à l’échelon local ou d’un département, comme la Moselle ou Dunkerque, il escompte que son ralliement, ultime, à la mesure la plus déstabilisante de l’ordre ordinaire de nos vies, fera du confinement une décision incontestable, acceptable.</p>
<p>Les lignes de force de la posture adoptée, avec désormais une certaine constance, par le Président Macron peuvent se retourner en points de faiblesse si son pari se transforme en catastrophe sanitaire dans les mois à venir. Car le président s’ancre dans l’ici et maintenant quand le monde scientifique s’alarme d’un futur certes incertain mais aux dégâts potentiels très lourds.</p>
<h2>La contre-argumentation scientifique</h2>
<p>La confrontation des points de vue qui est en train de se cristalliser peut s’interpréter comme un choc des temporalités. Les déclarations prospectives du monde scientifique sont trop convergentes et bruyantes pour que le pouvoir en place puisse avoir recours plus tard au classique discours autoprotecteur du « on ne pouvait pas savoir ».</p>
<p>C’est bien en cela que les choix gouvernementaux sont un immense pari politique. Car à la fin du match, l’un des deux « camps » aura eu tort et si c’est le pouvoir politique, il devra assumer de <a href="https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2021/01/27/covid-19-plus-les-mesures-de-lutte-contre-l-epidemie-sont-prises-tot-plus-elles-sont-efficaces_6067831_4355770.html">n’avoir pas agi à temps et efficacement pour sauver des vies</a>.</p>
<p>Un argument moral circule chez les médecins pour contester les choix gouvernementaux. Si le nombre de contaminations stagne depuis plus d’un mois sur un « plateau haut », cela induit de s’habituer à plus de 400 morts par jour et à des milliers de personnes en réanimation, avec les séquelles durables qui en découle. Il suffit de se remémorer le discours du Premier ministre Édouard Philippe début 2019, qui se <a href="https://www.francetvinfo.fr/societe/securite-routiere/limitation-de-la-vitesse-a-80-km-h/direct-edouard-philippe-gilets-jaunes-morts-tues-route-80-km-h-gouvernement-automobilistes-securite-routiere-limitation_3164681.html">réjouissait bruyamment d’avoir « sauvé 116 vies »</a> en six mois depuis le passage aux 80km/heure sur les routes départementales, pour constater que l’exécutif a adopté un nouveau seuil de tolérance à la mortalité collective que certains jugent choquant.</p>
<p>De plus, la défense de l’intérêt économique supérieur de la nation conduit l’exécutif à prêter le flanc à une nouvelle accusation de dissimulation. <a href="https://www.francetvinfo.fr/sante/maladie/coronavirus/coronavirus-les-trois-quarts-des-francais-pensent-que-le-gouvernement-leur-a-menti-sur-les-masques-selon-un-sondage_3907317.html">Plus des trois quarts des Français</a> pensaient au printemps 2020 que le discours officiel anti-masque des débuts était un mensonge pour cacher une situation de pénurie.</p>
<p>Or, au fil de la publication des études scientifiques sur la contamination dans les écoles, grandit le soupçon que le discours sur les élèves qui ne se contaminent pas entre eux, cachent mal le fait que la fermeture des écoles empêche les parents d’aller travailler. Le monde enseignant s’indigne de plus en plus des mesures annoncées qui sont mal appliquées, des refus officiels de tester les enfants comme s’il s’agissait <a href="https://www.liberation.fr/france/2020/10/26/covid-a-l-ecole-l-omerta-et-le-deni_1803450/">d’interdire les thermomètres à l’école pour pouvoir déclarer qu’aucune fièvre n’est signalée</a>. Et la <a href="http://www.cafepedagogique.net/LEXPRESSO/Pages/2021/02/12022021Article637487417571258240.aspx">dernière volte-face du ministère</a> (trois protocoles sanitaires dans les écoles différentes en 15 jours) sur les conditions de fermeture automatique des classes, qui écarte le variant britannique d’un risque de contagiosité plus élevée en classe, ne fait qu’accroître la colère.</p>
<p></p>
<h2>La crainte d’une stratégie de simple « contrôle de l’épidémie »</h2>
<p>Le refus, « quoi qu’il en coûte », de confiner, est un refus de casser la dynamique épidémique, <a href="https://www.aefinfo.fr/depeche/644576-la-france-et-l-europe-devraient-adopter-une-strategie-zero-covid-antoine-flahault-epidemiologiste">stratégie dite « zéro covid »</a>, comme l’ont fait avec autorité des régimes aussi différents que la Chine communiste ou les très démocratiques Nouvelle-Zélande et Australie, qui n’hésitent pas à confiner brutalement et durement un territoire donné à l’émergence de quelques cas seulement, mais pour un temps bref.</p>
<p>Dès lors que l’objectif avoué est que les urgences hospitalières ne soient pas obligées de trier entre les malades au point d’abandonner certains patients à leur funeste sort, les dégâts sanitaires seraient potentiellement considérables.</p>
<p>Laisser courir un niveau élevé de contamination favorise le maintien d’une <a href="https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2021/01/15/avec-667-400-deces-enregistres-la-france-a-connu-9-d-excedent-de-mortalite-en-2020_6066415_4355770.html">surmortalité</a>.</p>
<p>Laisser les urgences se remplir peu à peu, c’est infliger à un personnel hospitalier exsangue après un an d’épidémie, de long mois encore de pénibilité et de <a href="https://blogs.bmj.com/bmj/2021/01/29/up-the-line-to-death-covid-19-has-revealed-a-mortal-betrayal-of-the-worlds-healthcare-workers/">risque pour leur santé</a>. Laisser les lits des urgences mais aussi de tous les autres services se remplir de milliers de patients covid, c’est mettre les hôpitaux dans la <a href="https://www.lejdd.fr/Societe/Sante/info-jdd-covid-19-les-hopitaux-passent-en-organisation-de-crise-4025058">situation de crise</a> de n’avoir pas d’autres choix que de reporter des opérations chirurgicales, de dégrader l’accueil des patients avec d’autres pathologies, au risque d’induire une surmortalité évitable.</p>
<p>De même, s’affirme la problématique des effets durables de ce coronavirus sur les organismes des patients atteints (y compris sous des formes bénignes au départ). Sous le terme de <a href="https://www.sciencesetavenir.fr/sante/covid-19-un-pas-vers-la-reconnaissance-du-covid-long-chez-les-enfants_151725">covid-long</a>, se profilent de longs mois et peut-être <a href="https://professorsharonpeacock.co.uk/long-covid-the-nightmare-that-wont-end-a-first-hand-perspective/">longues années de malades chroniques</a>, essoufflés, épuisés, affaiblis immunitairement qu’il faudra prendre en charge.</p>
<p>En Grande-Bretagne, le covid long <a href="https://www.francetvinfo.fr/replay-radio/le-billet-vert/covid-long-les-enfants-et-adolescents-aussi-sont-touches_4280151.html">touche aussi des enfants et des adolescents</a>. Leurs parents désemparés se mobilisent et rompent ainsi avec un discours officiel faisant des enfants les épargnés des formes sévères de la maladie, alors qu’ils sont <a href="https://www.webmd.com/lung/news/20210209/covid-cases-among-children-hit-3-million-up-10-percent">touchés en nombre conséquent</a>.</p>
<p>Au jour du bilan global de tous ces prolongements pathologiques, l’exécutif pourra en être tenu comptable.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1361908397424140293"}"></div></p>
<h2>La circulation active du virus au risque de la propagation de variants</h2>
<p>C’est une loi épidémiologique implacable que plus un virus circule, plus s’accroît la probabilité que le virus rencontre des personnes au profil physiologique immunodéprimé, chez qui la <a href="https://www.latimes.com/science/story/2021-01-30/long-term-covid-19-patients-are-incubating-dangerous-new-coronavirus-strains">machine à recombinaison virale se met donc en branle</a>, provoquant l’émergence de « variants » aux capacités d’échappement immunitaire plus grandes. Voilà pourquoi certains médecins commencent à évoquer la nécessité de vacciner des personnes immunodéprimées en priorité. Surtout que le système immunitaire joue sans doute un <a href="https://www.cam.ac.uk/research/news/likelihood-of-severe-and-long-covid-may-be-established-very-early-on-following-infection">rôle important dans la chute vers des formes sévères</a> de la maladie.</p>
<p>Ces variants compétitifs sont bien plus contagieux (et <a href="https://assets.publishing.service.gov.uk/government/uploads/system/uploads/attachment_data/file/961042/S1095_NERVTAG_update_note_on_B.1.1.7_severity_20210211.pdf">peut-être plus néfastes</a>) et donc ils vont peu à peu supplanter dans la circulation virale le coronavirus souche originelle.</p>
<p>L’énorme risque serait donc que se mette en action une nouvelle épidémie, sous la première épidémie. La diminution relative du nombre de cas du moment, dont l’exécutif se réjouit, ne serait qu’une embellie provisoire, le calme qui procède la tempête d’une reprise épidémique plus virulente. C’est ce que craignent par exemple des <a href="https://www.sciencemag.org/news/2021/02/danish-scientists-see-tough-times-ahead-they-watch-more-contagious-covid-19-virus-surge">scientifiques danois</a>. Le point de rencontre entre une circulation descendante de l’ancien virus et une circulation ascendante du nouveau, serait le point de déclenchement d’une nouvelle épidémie.</p>
<p>Cette crainte des épidémiologistes émerge en France car le variant du Kent circule déjà vivement dans plusieurs régions françaises. Première semaine de février, le laboratoire biologique <a href="https://biogroup.fr/actualites/donnees-epidemiologiques-variants-covid19/">Biogroup l’identifie</a> dans les Yvelines dans 54 % de ses tests PCR positifs passés ensuite au criblage, dans 46 % dans le Val-de-Marne et les Alpes de haute Provence, et plus de 30 % dans le Var, les Alpes-Maritimes ou la Loire-Atlantique. Et le biologiste François Blanquart attribue à ce variant une <a href="https://www.lpsm.paris/smile/documents/Analyse%20de%20la%20transmissibilit%C3%A9%20du%20variant.pdf">transmissibilité supérieure de 41 %</a>.</p>
<p>Dans les scénarios les plus noirs, ces variants peuvent provoquer une nouvelle « vague » plus dévastatrice ; ils peuvent contribuer à recontaminer des gens qu’on croyait immunisés (comme cela s’est <a href="https://www.lemonde.fr/blog/realitesbiomedicales/2021/01/">vu dans la ville de Manaus</a>) ; ils peuvent <a href="https://www.biorxiv.org/content/10.1101/2021.02.12.430472v1">échapper en partie aux défenses immunitaires vaccinales</a>, obligeant alors à <a href="https://www.sciencemag.org/news/2021/01/new-coronavirus-variants-could-cause-more-reinfections-require-updated-vaccines">revoir le processus de vaccination</a> de la population.</p>
<h2>Un pari politique très risqué</h2>
<p>Que l’un de ces scénarios s’actualise dans notre pays alors des voix accuseront le refus du Président Macron d’avoir confiner à temps, d’être coupable d’avoir aggravé la situation, d’avoir mis en danger des vies humaines faute d’avoir su trancher dans le sens médical le plus protecteur.</p>
<p>Avec rappels aisés, par les journalistes et l’opposition parlementaire, des discours prospectifs du corps médical, interdisant la parade du « personne ne pouvait prévoir ».</p>
<p>Et le retour de bâton serait d’autant plus fort que tout ceci s’inscrirait dans un contexte où une solide défiance est déjà bien ancrée, comme en témoigne ce <a href="https://www.lefigaro.fr/politique/le-scan/covid-19-la-gestion-de-la-crise-par-emmanuel-macron-ne-convainc-toujours-pas-les-francais-20210204">sondage Odoxa Le Figaro</a> du 4 février :</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/384985/original/file-20210218-15-14vsuc1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/384985/original/file-20210218-15-14vsuc1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=363&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/384985/original/file-20210218-15-14vsuc1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=363&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/384985/original/file-20210218-15-14vsuc1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=363&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/384985/original/file-20210218-15-14vsuc1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=456&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/384985/original/file-20210218-15-14vsuc1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=456&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/384985/original/file-20210218-15-14vsuc1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=456&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Sondage Odoxa Le Figaro, infographie refaite par l’auteur.</span>
</figcaption>
</figure>
<p>Olivier Véran <a href="https://www.bfmtv.com/politique/gouvernement/olivier-veran-en-ne-decidant-pas-un-confinement-generalise-nous-avons-gagne-plusieurs-semaines_VN-202102110382.html">affirmait</a> le 11 février :</p>
<blockquote>
<p>« En ne décidant pas un confinement généralisé […] nous avons gagné plusieurs semaines. »</p>
</blockquote>
<p>La suite de l’épidémie dira si ce fut vraiment un gain de temps.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/155334/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Arnaud Mercier ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>De l'incertitude ambiante, le président de la République veut faire une force, en jouant la carte de l’optimisme.Arnaud Mercier, Professeur en Information-Communication à l’Institut Français de presse (Université Paris 2 Panthéon-Assas), Auteurs historiques The Conversation FranceLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1468052020-10-26T13:56:21Z2020-10-26T13:56:21ZLa science aurait tout intérêt à apprendre des savoirs traditionnels inuits<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/360456/original/file-20200929-24-ifhzc5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C6%2C4031%2C2257&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Un pêcheur inuit creuse la glace de façon traditionnelle afin d'installer ses filets.</span> <span class="attribution"><span class="source">Véronique Dubos</span>, <span class="license">Author provided</span></span></figcaption></figure><p>Il y a 30 ans, quand des scientifiques ont découvert au nord du Labrador un hybride d’omble chevalier et de touladi grâce à l’analyse génétique, ils ne se doutaient pas que cette « amitié » entre les deux espèces de poisson était non seulement déjà connue des Inuits, mais considérée comme naturelle !</p>
<p>Les <a href="https://mffp.gouv.qc.ca/faune/peche/poissons/omble-chevalier.jsp">ombles chevaliers</a> et les <a href="https://mffp.gouv.qc.ca/faune/peche/poissons/touladi.jsp">touladis</a> sont deux poissons qui se retrouvent souvent dans les mêmes lacs et rivières du nord du Canada. Les Inuits, qui pêchent de temps en temps des hybrides de ces deux espèces les connaissaient déjà sans s’en formaliser. Certains qualifient même ces deux poissons de « meilleurs amis ».</p>
<p>Cette relation de proximité, voire d’affinité entre les deux espèces, n’est pourtant pas évoquée par les scientifiques qui les étudient. Le vivant n’est pas observé sous la même lunette par les scientifiques et les Inuits.</p>
<p>Comme scientifique travaillant sur l’habitat des poissons, j’ai eu l’occasion d’interroger des aînés inuits sur le comportement de l’omble chevalier. Ils ont une grande connaissance des habitudes de ce poisson qui fait traditionnellement partie de leur culture et qui constitue toujours une <a href="https://www150.statcan.gc.ca/n1/pub/89-627-x/89-627-x2007001-eng.htm">part importante de leur alimentation</a>.</p>
<p>Je cherchais à déterminer les caractéristiques physiques des lacs que cette espèce utilise pour hiverner. Or, les aînés interrogés ont eu une réponse similaire : les poissons sont comme les Inuits, certains ont leur camp à un endroit et d’autres ailleurs, parce qu’ils préfèrent cet autre endroit. Et puis, on peut aussi changer de camp pour le plaisir de changer d’endroit.</p>
<p>Les ombles chevaliers changent bel et bien de lac d’un hiver à l’autre. Les observations des pêcheurs inuits le montrent et la <a href="https://mspace.lib.umanitoba.ca/xmlui/handle/1993/19912">littérature scientifique l’a également constaté</a>. Les observations concordent. Par contre, les scientifiques, dont je suis, cherchent encore la cause alors que pour les Inuits, les ombles choisissent simplement de changer de lac.</p>
<p>Pourquoi l’explication des Inuits ne serait-elle pas exacte et pourquoi cherche-t-on une explication rationnelle basée sur quelques variables mesurables au comportement du vivant ?</p>
<h2>Des savoirs complémentaires</h2>
<p>La science occidentale est elle-même le résultat d’une culture. Une culture qui teinte notre manière de poser des hypothèses et d’analyser les observations. En effet, elle prend la forme que nous connaissons à la Renaissance européenne (XVIe siècle), en grande partie grâce à (ou à cause de) <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Ren%C3%A9_Descartes">René Descartes</a>, philosophe, mathématicien et physicien. La science cartésienne, c’est lui. Elle prône la précision du raisonnement déterministe (dans des conditions similaires, une même cause produit le même effet) et l’exactitude du résultat.</p>
<p>À l’époque de Descartes, la science des « savants » cohabitait avec la religion chrétienne, en particulier catholique, et l’Église était encore toute puissante (elle a fait brûler vif <a href="https://www.franceculture.fr/emissions/la-methode-scientifique/giordano-bruno-la-terre-le-soleil-et-linfini-0">Giordano Bruno</a> et <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Proc%C3%A8s_de_Galil%C3%A9e">fait emprisonner Galilée</a> pour avoir affirmé que la terre tourne autour du soleil.</p>
<p>Ainsi, le nouveau courant de pensée scientifique de l’époque a intégré la notion de loi divine, qui ne pouvait pas être remise en cause. Tout devait être régi par des lois permettant l’ordre rationnel de l’univers, créé et ordonné par le divin. Ces lois sont devenues les « lois de la nature ». C’est ce que la science cherche généralement à découvrir : des lois objectives qui permettent d’expliquer l’ordre des choses.</p>
<p><a href="http://classiques.uqac.ca/classiques/Descartes/discours_methode/discours_methode.html">La méthode</a> consiste à diviser les problèmes en plus petits éléments que l’on peut expliquer de façon indépendante. Nous avons conservé ces principes de fragmentation jusqu’à aujourd’hui et les appliquons même au vivant. Nous avons cependant oublié qu’ils provenaient d’un contexte culturel particulier.</p>
<h2>Un savoir sous-estimé</h2>
<p>Le savoir traditionnel est encore méprisé par certains scientifiques ou trop souvent ignoré. Or, comme la science, il est issu d’observations détaillées, patientes, régulières et récurrentes. Comme elles sont faites à des fins de subsistance, elles sont généralement fiables et rigoureuses. Elles sont transmises sur plusieurs générations à travers l’expérience du territoire, et se retrouvent donc soit reproductibles, soit actualisées et <a href="https://www.taylorfrancis.com/books/9781315114644">évolutives</a>. Les savoirs traditionnels décrivent les interactions entre les éléments des écosystèmes et les êtres vivants (incluant les humains) dans leur complexité.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/les-savoirs-autochtones-pourraient-ils-nous-aider-a-affronter-les-prochaines-pandemies-135022">Les savoirs autochtones pourraient-ils nous aider à affronter les prochaines pandémies?</a>
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<p>Nous, les scientifiques, dans la quête d’obtenir des valeurs quantitatives, avons tendance à diminuer plutôt le nombre de variables. Par son essence même, la science occidentale a de la difficulté à appréhender la complexité des écosystèmes.</p>
<h2>Enrichir le point de vue</h2>
<p>Allen, un Inuit, porteur du savoir traditionnel — et qui a aussi une longue expérience de travail avec des scientifiques — m’a raconté une jolie histoire. Depuis plusieurs années, il ensemence de petits ombles chevaliers dans une rivière. En général, après avoir été relâchés en rive d’un lac, les petits alevins restent quelques temps immobiles, un peu perdus dans leur nouvel environnement. Mais une année, un omble chevalier adulte s’est approché et les a regardés. Allen a attendu de voir si l’adulte allait manger les petits et l’a observé, s’attendant à devoir le chasser. Or non seulement il n’a pas attaqué les petits, il a fait le tour du groupe une fois, deux fois et, au troisième tour, il s’est éloigné de la rive entraînant les petits à sa suite.</p>
<p>Cette observation, a priori anecdotique, illustre comment les poissons ne font pas que réagir à un stimulus. On peut interpréter l’intervention du poisson adulte comme une forme d’assistance, d’apprentissage par l’exemple, qui existe <a href="https://link.springer.com/chapter/10.1007/978-3-030-31011-0_4">même chez les poissons</a>. Or les scientifiques ne cherchent souvent qu’à trouver quel est le stimulus qui peut expliquer un comportement et comment on peut quantifier la réponse à ce stimulus.</p>
<p>Mon bagage culturel de scientifique occidentale m’amène à chercher les variables physiques et environnementales quantifiables pour expliquer le choix des ombles chevaliers pour un site plutôt qu’un autre. En revanche, intégrer au même plan le savoir traditionnel me permet de formuler de nouvelles hypothèses et d’accepter qu’avec le vivant, les variables explicatives ne déterminent pas tout.</p>
<p>Quelle que soit leur discipline, les scientifiques qui étudient des territoires où il existe un savoir traditionnel auraient avantage à l’écouter, ne serait-ce que pour se mettre au défi de voir les choses sous un angle nouveau. Comme scientifiques, nous avons beaucoup à y gagner. Non seulement des connaissances inconnues des scientifiques peuvent émerger, mais ces différentes façons de comprendre l’environnement contribuent surtout à enrichir nos points de vue et à nous rendre moins dogmatiques.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/146805/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Véronique Dubos ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les Inuits conçoivent que tous les êtres vivants ont un certain libre arbitre. Et si la rigide science cartésienne s’ouvrait un peu à cette vision du vivant ?Véronique Dubos, Ph.D student in fish habitat studies, Institut national de la recherche scientifique (INRS)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1375292020-05-06T18:44:59Z2020-05-06T18:44:59ZDébat : le savant et le politique en 2020, un attelage de fortune ?<p>Les images montrant M. Philippe ou M. Véran au côté de M. Delfraissy, le président du conseil scientifique français dédié au Covid-19, se sont multipliées ces dernières semaines. Elles avaient évidemment pour but de rassurer les Français sur la place que tient l’expertise scientifique dans les choix politiques et de crédibiliser la parole du politique dans une situation où les inconnues qui entourent le virus sont nombreuses. Pour autant qu’elle se conçoive naturellement, cette relation du politique au scientifique n’est pas sans dangers ni écueils. Cent ans après la parution de l’ouvrage <em>Le Savant et le politique</em> de Max Weber, il convient de s’interroger notre rapport à la science et au savoir et, plus profondément, sur leur statut dans nos sociétés.</p>
<h2>Les scientifiques de retour sur le devant de la scène</h2>
<p>Si la proximité du scientifique (historiquement du « savant ») et du politique n’est pas récente – que l’on pense à Sénèque et Néron ou à Voltaire et Frédéric II –, elle connaît aujourd’hui des temps difficiles. Les atermoiements de certains dirigeants autour du réchauffement climatique en ont fait la preuve. L’expertise scientifique est en perte de légitimité. La crise actuelle tend au contraire à remettre les scientifiques au premier plan.</p>
<p>Désemparés face à l’inconnu, nos dirigeants se sont entourés d’experts : Mme Merkel de la Leopoldina, M. Macron d’un conseil scientifique. Pourtant, en France, le rôle et la position de ce conseil n’ont pas été clairement posés. Résultat : on a entendu M. Delfraissy dire qu’« il faut que le confinement persiste plusieurs semaines » (France Inter, 8 avril), que si le confinement n’est pas respecté, « il sera prolongé ». Que les séniors « devront rester confinés plus longtemps », propos dont il s’est excusé par la suite. Pourtant ce n’est pas à l’indicatif, ni à l’impératif qu’il devrait s’exprimer, mais tout au plus au conditionnel. Même l’emploi du subjonctif, suggérant l’injonction (« il faut »), est plus qu’une faute de goût : c’est à la limite de l’abus d’autorité.</p>
<p>À l’inverse, on se rappellera que M. Macron a affirmé, le 12 mars, avoir pris la décision de maintenir le premier tour des municipales « avec l’autorisation du conseil scientifique ». De quel droit un conseil scientifique pourrait-il censurer les décisions d’un Président de la République ? Le mélange des genres est très dangereux : il en va de la crédibilité de la parole scientifique, du sens même de nos démocraties représentatives, et, dans le cas présent, de l’avenir du pays et des Français.</p>
<p>De l’autre côté du Rhin, la Leopoldina a aussi donné de la voix. Elle a par exemple préconisé que les théâtres et les stades restent fermés pendant 18 mois, provoquant une vague de réaction des milieux concernés. Pour autant, cela restait une préconisation. Mme Merkel, en dialogue avec les 16 ministres-présidents, a gardé la main sur la décision. Et le président fédéral, Frank-Walter Steinmeier, de rappeler, lors de son allocution pascale, les principes qui guident l’action politique : « Nous sommes une démocratie vivante, avec des citoyens conscients de leur responsabilité, nous écoutons les faits et les arguments, nous nous faisons confiance. »</p>
<h2>Vers une « neutralité augmentée » ?</h2>
<p>La confiance est une entrée intéressante, car aujourd’hui, le crédit accordé par nos concitoyens à la parole scientifique est bien faible. Et pour cause : elle est diluée dans un flot d’informations, d’affirmations, de déclarations en tous genres. Au-delà des fake news et autres rumeurs, la science est faite de controverses, qui permettent, dans la confrontation de différentes hypothèses et leur mise à l’épreuve méthodologique, de faire progresser la connaissance. Réservés aux experts, ces débats ne sont souvent pas bien compris quand ils entrent dans la sphère publique. Comme il n’est pas en capacité de juger, le citoyen se perd dans ce qu’il prend pour une cacophonie et finit par se faire lui-même sa propre opinion : d’un côté les « charlatans », de l’autre les « bons » savants. Le débat récent sur la chloroquine l’a montré. Le Pr Raoult avait, au sein de la population, autant de détracteurs que de thuriféraires dans une polémique qui, de contradictoire, est devenue passionnelle.</p>
<p>On ne restaurera pas la confiance dans la science en prenant parti dans ces controverses. On la restaurera en expliquant leurs natures, leurs légitimités et en distinguant clairement, dans la méthode, entre le temps de l’expertise et celui de la décision.</p>
<p>Pour ce faire, nous devons aussi repenser ce qui lie la science et le politique et, par ricochet, la société. Max Weber en avait défini les termes avec son principe de « neutralité axiologique » (<em>Le Savant et le politique</em>, 1920), qui postule l’objectivité du jugement scientifique comme condition de sa validité. Un siècle plus tard, il faut adapter ce concept à une société dans laquelle le niveau d’expertise général a augmenté et dans laquelle prévaut un certain relativisme de l’information. Il faut aussi le nourrir de l’expérience avérée que la science, lorsqu’elle est expliquée et partagée, est accessible au citoyen et peut contribuer à la compréhension de décisions relevant du politique. Bref, il faut renouer en profondeur et à tous les niveaux le dialogue entre sciences et société, du citoyen au dirigeant, et reconnecter la science avec les citoyens, au travers de programmes de recherche participative et d’un apprentissage par et à la recherche dès le plus jeune âge. Tout en garantissant l’indépendance et l’autonomie de la science, on devrait tendre vers une forme de « neutralité augmentée ».</p>
<h2>Déconstruire le mythe de la toute-puissance de la science</h2>
<p>Au-delà des problèmes qu’elle soulève, la proximité constatée entre science et politique est révélatrice des pouvoirs que nous attribuons à la science. Axel Kahn, président de la Ligue nationale contre le cancer, parlait à juste titre de la « toute-puissance de la science » (interview DNA 23 avril). L’homme occidental du XXI<sup>e</sup> siècle se croit protégé de la nature et de ses aléas par une science qui permettrait de la comprendre au point de la dominer. Il se pense à ce point supérieur à elle qu’il n’accepte plus qu’un cataclysme puisse le menacer, fût-il climatique ou biologique. Ou si elle le fait, c’est la faute à la science. Des morts dans une tempête ? La faute aux météorologues. Une éruption trop violente ? Mais qu’ont fait les sismologues ? Résultat : la fatalité a disparu et, avec elle, le sentiment d’humilité de l’homme.</p>
<p>La toute-puissance de la science est un mythe. Et je le dis avec le plus grand respect pour les chercheurs que je m’y inclus. Car si l’on peut croire en un progrès de la science, il faut aussi en accepter les limites, en ce qu’elles sont source de découvertes à venir. La science ne peut pas agir seule ; elle ne peut pas non plus tout résoudre. Or voilà ! On a beau dire aujourd’hui qu’en ayant soutenu plus massivement la recherche fondamentale, on n’aurait pu éviter la pandémie actuelle, je n’en reste que moyennement convaincu, car pour autant que la science progresse, elle n’éliminera jamais le risque. C’est ce risque aujourd’hui que nous devons apprendre à intégrer dans nos vies, plutôt que de vouloir l’ignorer ou le refouler. Car accepter le risque, c’est accepter la vie. S’en prémunir, c’est la refuser.</p>
<h2>Vers une prise de conscience collective ?</h2>
<p>Beaucoup pensent aujourd’hui que l’irruption des chercheurs dans la sphère médiatique est une prise de conscience de l’utilité de la science. J’y vois au contraire une manière d’interpeller les scientifiques sur ce qu’ils vont pouvoir faire (rapidement) pour nous sortir de là, voire, plus insidieusement, sur ce qu’ils auraient dû faire pour qu’on n’en arrive pas là.</p>
<p>Le politique, qui est aujourd’hui tenu par la société pour responsable d’évènements sur lesquels il n’a aucun contrôle, rejettera toujours plus la responsabilité sur ceux qui auraient pu les anticiper ou les prévoir. La pression sur la science et les chercheurs risque donc de s’accroître encore, et leur autonomie, pourtant nécessaire, de s’étioler.</p>
<p>Ce dangereux « attelage de fortune » du scientifique et du politique se fera au détriment de l’un comme de l’autre, et donc de la société.</p>
<p>« Science sans conscience n’est que ruine de l’âme », disait Rabelais. Or la conscience n’incombe pas qu’aux chercheurs ; elle incombe aussi à la société et à ses dirigeants, dans le statut et la mission qu’ils assignent à la science.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/137529/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Mathieu Schneider ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Cent ans après « Le Savant et le politique » de Max Weber, il convient de s’interroger notre rapport à la science et au savoir et, plus profondément, sur leur statut dans nos sociétés.Mathieu Schneider, Enseignant-chercheur en musicologie, vice-président Culture, sciences et société de l'université de Strasbourg, Université de StrasbourgLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1363092020-04-15T17:06:10Z2020-04-15T17:06:10ZLe coronavirus est-il moral ? Savant et politique face à la pandémie<p>Le Président de la République a cité les scientifiques à cinq reprises pour justifier ses décisions dans ces discours des 12 et 16 mars. Ils étaient absents de son discours du 13 avril. <a href="https://www.franceculture.fr/politique/emmanuel-macron-et-son-conseil-scientifique-histoire-secrete-dune-crispation">La lune de miel serait-elle terminée ?</a> Comment s’articule la relation complexe entre scientifiques et politiciens ? La parole scientifique peut-elle aller outre les convictions, l’idéologie, le jeu politique ?</p>
<p>Nous trouvons quelques clefs de lecture avec l’éminent sociologue allemand du début XX<sup>e</sup> siècle <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Max_Weber">Max Weber</a> et notre contemporain le philosophe <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Andr%C3%A9_Comte-Sponville">André Comte-Sponville</a>.</p>
<p>Le premier nous éclaire sur ce qui différencie les politiques des scientifiques, et le second, sur la signification de la soumission de l’un sur l’autre : l’angélisme ou la barbarie.</p>
<h2>Neutralité axiologique</h2>
<p>Dans <a href="http://classiques.uqac.ca/classiques/Weber/savant_politique/Le_savant_et_le_politique.pdf"><em>Le savant et le politique</em></a> (paru en 1919) Max Weber décrit les qualités essentielles du scientifique : <em>spécialisation dans son domaine, le travail, la passion, l’inspiration, l’intuition</em>. Weber y expose notamment la <em>neutralité axiologique</em> (ou <a href="https://agone.org/bancdessais/lascienceprofessionetvocation/">« non-imposition des valeurs »</a>) qui exige des scientifiques la plus grande neutralité. Il s’agit pour lui d’une condition fondamentale de l’activité scientifique sans quoi « il n’y a plus [de] compréhension intégrale des faits ».</p>
<p>Les qualités essentielles de l’homme politique sont quant à elles : <em>la passion, le sentiment de responsabilité et le coup d’œil</em>. Si le politique doit être mû par la passion, il doit garder la tête froide pour ne pas se laisser submerger par ses émotions. Aussi appelé homme d’action il fait face à :</p>
<blockquote>
<p>« une conjoncture singulière et unique, choisit en fonction de ses valeurs et introduit dans le réseau du déterminisme un fait nouveau ».</p>
</blockquote>
<p>C’est ici que Weber distingue deux formes d’éthique, bien résumées par le philosophe et sociologue Raymond Aron dans la préface de l’ouvrage :</p>
<blockquote>
<p>« [Dans l’éthique de conviction] j’obéis à mes convictions […] sans me soucier des conséquences de mes actes, [dans l’éthique de responsabilité] je me tiens pour comptable de ce que je fais, même sans l’avoir directement voulu, et alors les bonnes intentions et les cœurs purs ne suffisent pas à justifier les acteurs. »</p>
</blockquote>
<h2>Distinction d’accord mais hiérarchisation ?</h2>
<p>Nous avons vu avec Weber les valeurs propres aux mondes scientifique et politique. Mais comment qualifier les relations de pouvoir entre les deux ? André Comte-Sponville nous donne des clefs pour répondre à la question dans son livre <a href="https://www.albin-michel.fr/ouvrages/le-capitalisme-est-il-moral-9782226192912"><em>Le capitalisme est-il moral ?</em> (2004)</a>. Au préalable, il clarifie quatre domaines distincts (qu’il appelle des ordres) hiérarchisés entre eux.</p>
<ul>
<li><p>L’ordre techno-scientifique distingue le possible/impossible et le vrai/faux. L’économie en fait partie. Mais la techno-science a besoin d’être limitée car elle progresse selon ses propres règles comme le dit l’ingénieur et physicien Dennis Gabor <a href="https://www.philolog.fr/la-technique-est-elle-une-activite-neutre/">« ce qui peut être fait le sera »</a> ;</p></li>
<li><p>L’ordre juridico-politique distingue le légal/illégal et s’incarne dans la loi et l’État. Deux risques se posent s’il n’est pas limité de l’extérieur : au niveau individuel, le risque du « salaud légaliste » car aucune loi n’interdit le mensonge ou la méchanceté, et au niveau collectif celui d’un peuple qui aurait tous les droits ;</p></li>
<li><p>L’ordre moral distingue le bien/mal : « l’ensemble de nos devoirs, l’ensemble des obligations et des interdits que nous nous imposons a priori à nous-même » (Emmanuel Kant, <a href="http://classiques.uqac.ca/classiques/kant_emmanuel/fondements_meta_moeurs/fondem_meta_moeurs.pdf"><em>Fondement de la métaphysique des mœurs</em></a>). Mais il manquerait l’amour à celui qui suivrait à la lettre la morale sans y croire et sans réfléchir ;</p></li>
<li><p>L’ordre éthique distingue la joie/tristesse : tout ce qui se fait par amour. Cet ordre pourrait être limité par l’ordre divin.</p></li>
</ul>
<p>Que se passe-t-il si un ordre dicte sa loi à celui du haut ou du bas ? <a href="https://studylibfr.com/doc/3440853/la-hi%C3%A9rarchie-des-ordres-d-andr%C3%A9-comte">Barbarie et angélisme</a> répond Comte-Sponville.</p>
<h2>Barbarie ou angélisme : retour sur l’affaire Lyssenko</h2>
<p>La barbarie technocratique (ou tyrannie des experts) outrepasse la souveraineté du peuple au prétexte de sa non-compétence. L’angélisme politique prétend annuler les contraintes de l’ordre technico-scientifique par la volonté politique ou la loi.</p>
<figure class="align-left ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/328013/original/file-20200415-153302-1jzztcr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/328013/original/file-20200415-153302-1jzztcr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=900&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/328013/original/file-20200415-153302-1jzztcr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=900&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/328013/original/file-20200415-153302-1jzztcr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=900&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/328013/original/file-20200415-153302-1jzztcr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1131&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/328013/original/file-20200415-153302-1jzztcr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1131&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/328013/original/file-20200415-153302-1jzztcr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1131&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Portrait de Trofim Lyssenko, 1938.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Trofim_Lyssenko#/media/Fichier:Trofim_Lysenko_portrait.jpg">Wikimedia</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Prenons un exemple célèbre : <a href="https://www.larecherche.fr/lyssenko-ou-la-science-au-service-du-pouvoir">l’affaire Lyssenko</a>, qualifiée par Jacques Monod, prix Nobel de biologie d’« épisode le plus étrange et le plus navrant de toute l’histoire de la Science ».</p>
<p><a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Trofim_Lyssenko">Trofim Lyssenko (1898-1976)</a> était un scientifique soviétique qui affirmait pouvoir modifier les caractères d’une plante selon son milieu (théorie plus compatible avec la dialectique marxiste) et refusait la génétique de l’hérédité aux motifs qu’elle était une « science bourgeoise ». Il reçut le soutien de Staline et devint le maître de l’agronomie en URSS avec des conséquences désastreuses pour le monde intellectuel et scientifique ainsi que pour l’agroéconomie de l’époque. Jusqu’en France, le <a href="https://journals.openedition.org/chrhc/3346">PCF somma les scientifiques de défendre la génétique prolétarienne</a>. Ceux qui refusaient « de <a href="https://books.google.fr/books?id=l_3ADwAAQBAJ&pg=PA95">politiser les chromosomes</a> », expression du chercheur Jean Rostand, ont fini au Goulag. L’expression <a href="https://www.liberation.fr/sciences/2013/03/28/le-cnrs-menace-de-lyssenkisme_892063">lyssenkisme</a> désigne aujourd’hui une science corrompue par l’idéologie.</p>
<h2>Quand le politique se défend d’avoir le pouvoir</h2>
<p>L’actualité nous donne des exemples de tels angélismes. Quand le Président Bolsonaro annonce que le Covid-19 n’est qu’une <a href="https://www.ouest-france.fr/sante/virus/coronavirus/confinement/covid-19-twitter-supprime-deux-tweets-du-president-bresilien-jair-bolsonaro-contre-le-confinement-6795302">petite grippe sans égard pour les résultats scientifiques</a>, le Président Trump remet en cause l’injonction des chercheurs <a href="https://www.liberation.fr/direct/element/trump-veut-voir-les-eglises-pleines-pour-paques_111222">au confinement long pour lutter contre l’épidémie</a>.</p>
<p>En France, le Président Macron a créé le conseil scientifique (12 mars) et le comité « analyse, recherche et expertise » (24 mars) pour éclairer sa décision. Mais « Le président a été très clair, ces comités ne doivent pas conduire à la République des experts » confie un proche du chef de l’État cité par le journal <a href="https://www.lemonde.fr/politique/article/2020/03/26/coronavirus-comment-macron-s-appuie-sur-les-experts-pour-gouverner-en-temps-de-crise-sanitaire_6034458_823448.html"><em>Le Monde</em></a>.</p>
<p>Pourtant, le Président affirmait dans son allocution télévisée du 12 mars :</p>
<blockquote>
<p>« Un principe nous guide pour définir nos actions […] : c’est la confiance dans la science. C’est d’écouter celles et ceux qui savent. »</p>
</blockquote>
<p>Pour certains, le <a href="https://www.lefigaro.fr/vox/societe/eric-zemmour-quand-le-politique-se-cache-derriere-le-savant-afin-de-dissimuler-ses-propres-carences-20200410">politique cache ainsi ses carences</a> et se dédouane de ses responsabilités. Pour d’autres, il cherche une forme de légitimation car il ne peut pas s’appuyer sur son seul <a href="https://www.franceculture.fr/politique/benjamin-morel-il-appartient-toujours-au-politique-de-trancher-les-consequences-du-debat">crédit politique</a>. L’évolution des discours du Président montre un certain désenchantement du politique dans sa capacité à asseoir une décision en se fondant sur les seuls scientifiques. Les attentes de la population envers la sphère politique (donner un sens collectif) et la sphère scientifique (expliquer le monde objectivement) diffèrent. Ces derniers n’embrassant que les enjeux de leurs sphères (vrai/faux).</p>
<h2>Une opposition qui peut mener à la catastrophe</h2>
<p>La France a connu plusieurs décisions politiques allant contre les scientifiques. Comme la décision politicienne d’arrêter le prototype de réacteur nucléaire surgénérateur <a href="https://www.senat.fr/rap/l97-4392/l97-439230.html">Superphénix (capable de régénérer son combustible) en 1997</a> sur l’autel de l’alliance du PS et des Verts ou encore la fermeture de la centrale nucléaire de Fessenheim <a href="https://www.latribune.fr/opinions/tribunes/entre-les-politiques-et-les-scientifiques-rien-ne-va-plus-783409.html">contre l’avis de l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN)</a>.</p>
<p>Dans certains cas, l’opposition entre le décisionnaire (politique) et l’expert (technique) ont mené à de véritables catastrophes.</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/j4JOjcDFtBE?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">La navette <em>Challenger</em>, le 28 janvier 1986, CNN.</span></figcaption>
</figure>
<p>Ce fut le cas aux États-Unis, avec <a href="http://www.annales.org/gc/1998/gc09-98/69-77.pdf">l’explosion de la navette Challenger</a> le 28 janvier <a href="https://www.maxisciences.com/challenger/la-nasa-commemore-les-25-ans-de-l-explosion-de-la-navette-challenger_art12177.html">1986</a>. Le soir avant le lancement se tient une téléconférence tendue. Certains ingénieurs (technique) de l’entreprise Thiokol fabriquant les propulseurs de la navette souhaitent repousser le lancement alors que le manager (politique) de la NASA veut le maintenir : « Mon Dieu, Thiokol, quand voulez-vous que je lance, en avril ? ».</p>
<p>C’est alors que le vice-président (politique) de Thiokol dit à son ingénieur (technique) récalcitrant, cette phrase célèbre :</p>
<blockquote>
<p>« Enlève ta casquette de technicien, ta casquette d’ingénieur, et mets ta casquette de manager : tu vas comprendre qu’il faut avoir une position bien différente ».</p>
</blockquote>
<p>Nous en connaissons les conséquences : explosion de l’engin, décès des sept membres de l’équipage, émoi international, deux ans et demi de gel du programme spatial <a href="https://www.lepoint.fr/monde/il-y-a-trente-ans-la-navette-challenger-explosait-au-decollage-28-01-2016-2013651_24.php">et enfin perte de prestige international pour la NASA</a>.</p>
<h2>Un dialogue indispensable</h2>
<p>Pour gérer la complexité du monde, le dialogue, fut-il difficile, <a href="https://theconversation.com/le-dialogue-entre-scientifiques-et-politiques-difficile-mais-indispensable-89324">est indispensable</a>.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"960254559674425349"}"></div></p>
<p>Alors que diraient Weber et Comte-Sponville aujourd’hui ? Weber a <a href="https://agone.org/bancdessais/lascienceprofessionetvocation/">hésité toute sa vie entre les deux mondes</a>. Il figure parmi les universitaires les plus engagés dans la vie publique au travers de la presse et en raison de sa participation à la création du « parti démocratique allemand » (<em>DDP</em>) en novembre 1918 et à la genèse de la future Constitution de Weimar. Dès <em>Le savant et le politique</em>, il écrivait qu’un scientifique peut défendre :</p>
<blockquote>
<p>« des positions politiques […] la possession du savoir objectif, si elle n’est peut-être pas indispensable, est à coup sûr favorable à une action raisonnable ».</p>
</blockquote>
<p>N’appellerait-il pas à plus de vocations de <a href="https://theconversation.com/face-aux-crises-lavenement-du-chercheur-militant-127759">chercheurs-militants</a> ? Par exemple les <a href="https://www.lemonde.fr/idees/article/2020/02/20/l-appel-de-1-000-scientifiques-face-a-la-crise-ecologique-la-rebellion-est-necessaire_6030145_3232.html">1000 chercheurs français appelant à la rébellion</a> face à l’urgence écologique et climatique contre l’inaction des politiques.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1201280417346785280"}"></div></p>
<p>Quant à André Comte-Sponville, le plus efficace est encore de l’écouter. Le philosophe intervenait ce 14 avril sur <a href="https://www.franceinter.fr/idees/le-coup-de-gueule-du-philosophe-andre-comte-sponville-sur-l-apres-confinement">France Inter</a> avec l’alerte suivante : « Attention à ne pas faire de la santé la valeur suprême de notre existence ».</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/136309/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Marius Bertolucci ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Comment clarifier la relation complexe entre scientifique et politique ? Max Weber et André Comte-Sponville peuvent éclairer notre compréhension sur ce qui différencie fondamentalement ces postures.Marius Bertolucci, Maître de conférences spécialisé en management public. Membre de la Société de Philosophie des Sciences de gestion (SPSG), Aix-Marseille Université (AMU)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1352362020-04-01T19:03:31Z2020-04-01T19:03:31ZDébat : En confinement, réinventons la vulgarisation scientifique !<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/324465/original/file-20200401-66163-iih56t.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C137%2C1851%2C982&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">A travers "conférences confinées" et vidéos ludiques, un autre lien se noue entre chercheurs, médiateurs et internautes, qui découvrent une proximité nouvelle avec la science.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://pixabay.com/illustrations/social-media-structure-internet-1430527/">Gerd Altmann / Pixabay</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span></figcaption></figure><p>17 mars 2020, le confinement est décrété en France. Mes conférences de vulgarisation, mes interventions en milieu scolaire, en musées, en entreprise, tout est annulé. Pour ceux qui, comme moi, aiment la physique et la chimie en public, c’est le chômage technique !</p>
<p>Je pourrais bien sûr décider de poster des vidéos sur Internet, mais les Youtubeurs professionnels occupent le terrain avec brio, et mes activités d’enseignant-chercheur à l’Université m’occupent déjà bien. De plus, coincé dans mon appartement, je n’ai ni les caméras, ni le micro, ni les lumières, encore moins le décors, et surtout, aucune expérience technique.</p>
<p>C’est là que me revient en tête le film <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Soyez_sympas,_rembobinez"><em>Be Kind, Rewind</em></a> (« Soyez sympa, rembobinez »), où les héros tournent avec les moyens du bord d’improbables remakes de grands classiques du cinéma, chaque fois en moins d’une journée, à coup de papier aluminium et de scotch. Je décide alors de faire de même, d’utiliser justement cette contrainte du confinement pour en faire un format décalé où je pourrai poursuivre mes activités de vulgarisation face au public.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/324440/original/file-20200331-66125-1gwqff5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/324440/original/file-20200331-66125-1gwqff5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=512&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/324440/original/file-20200331-66125-1gwqff5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=512&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/324440/original/file-20200331-66125-1gwqff5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=512&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/324440/original/file-20200331-66125-1gwqff5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=644&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/324440/original/file-20200331-66125-1gwqff5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=644&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/324440/original/file-20200331-66125-1gwqff5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=644&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Conférence confinée, avec maquettes et « tableau noir ».</span>
<span class="attribution"><span class="license">Author provided</span></span>
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<h2>Un nouveau format, la « conférence confinée »</h2>
<p>J’annonce ma première <a href="https://www.youtube.com/watch?v=FRteNtwuaWg">« conférence confinée »</a> sur les réseaux sociaux. Avec l’aide de mon collègue Frédéric Bouquet, j’imagine deux ou trois expériences, quelques maquettes en papier alu et spaghettis, et un petit diaporama pour raconter des recherches contemporaines.</p>
<p>La première conférence a lieu le jeudi 26 mars, à 15h, en <a href="https://www.youtube.com/watch?v=FRteNtwuaWg">direct sur YouTube</a>. Elle ne ressemble pas à grand-chose, mélange étrange entre une conférence savante, un reportage en direct chez un physicien, et l’émission « C’est pas sorcier », le tout mâtiné d’imperfections techniques.</p>
<p>Pourtant, cette conférence trouve son public, des professeurs et leurs élèves d’abord, mais aussi des familles, des collègues, des amis. Pendant le live, 4 000 spectateurs la commentent en direct. D’autres la regarderont plus tard. L’audience, de l’ordre de 20 000 vues au bout d’une semaine, reste pour l’instant modeste si on la compare aux centaines de milliers de vues que j’ai pu recueillir pour d’autres conférences comme celles de <a href="https://www.youtube.com/watch?v=ZJbmN2WT6x8&t=3513s">l’Espace des Sciences de Rennes</a>.</p>
<p>Mais il se joue dans ce nouveau format quelque chose d’étonnant. Car les messages affluent, on me remercie chaleureusement. On reprend les expériences en famille. Des parents m’envoient, très fiers, les résultats obtenus avec leurs enfants. Une professeure en fait un TP pour ses élèves. La lecture des commentaires renvoie à un registre différent des vidéos habituelles, plus empathique, plus amical.</p>
<p>Le public est touché par mon engagement, comme en témoignent les commentaires reçus : « Bravo pour ce confinement intelligent, et merci de contribuer à rendre le nôtre beaucoup moins difficile à vivre… », me dit-on, « Merci Julien pour ce moment très agréable passé en s’amusant avec vous », ajoute un internaute, quand une autre personne précise que sa « fille de 9 ans a bien aimé et bien rigolé (les maquettes, la patate…) ».</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/FRteNtwuaWg?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">« Conférence confinée » de Julien Bobroff, le 26 mars 2020.</span></figcaption>
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<h2>Sortir d’un discours lisse</h2>
<p>Cette conférence m’a demandé autant de travail que les autres. Mais le confinement est là, et les gens se montrent reconnaissants de l’effort pour surmonter les difficultés du contexte. Eux-mêmes vivent aussi ce quotidien contraint et imaginent mes problèmes : demander à ma famille de rester cachée et silencieuse le temps du tournage, fabriquer des maquettes maison, mesurer la gravité avec un escabeau, transformer sa table à repasser en tableau noir…</p>
<p>Certains témoignent que l’horizontalité du dispositif, ancré dans le quotidien, d’égal à égal, rend la science moins distante, moins intimidante. Ils apprécient aussi peut-être que ce nouveau format « bricolo » échappe au carcan habituel des conférences grand public, une scène, un micro, un PowerPoint qui se déroule sans surprise. Un spectateur commente : « Plus l’expérience est pourrie et plus c’est amusant. Vive les spaghettis et le carton ! »</p>
<p>Voilà finalement la bonne nouvelle : le confinement m’a obligé à repenser ma façon de vulgariser, à sortir d’un discours lisse et rodé. C’est la même chose en enseignement, quand, toujours avec mon collègue Frédéric Bouquet, nous encadrons depuis le début du confinement des travaux pratiques pour nos étudiants de licence à l’Université Paris-Saclay.</p>
<p>Nous inventons de nouveaux exercices, de nouvelles modalités. Par exemple, nous proposons aux étudiants d’aller mesurer l’accélération centripète. Certains accrochent leur smartphone à une chaise qui tourne, d’autres le placent dans une essoreuse à salade, l’un d’eux utilise son vélo, une autre sa machine à laver. Le confinement, là encore, pousse à dépasser les pédagogies habituelles. Plus de salle de TP, il faut inventer !</p>
<h2>Macaronis, bulle de savon et trous noirs</h2>
<p>De nombreux collègues ont, eux aussi, exploré de nouvelles vulgarisations ces dernières semaines. Jean‑Michel Courty, professeur à Sorbonne Université, propose chaque jour depuis son appartement une <a href="https://www.youtube.com/channel/UCopqcajNZl96Oy3oeRQIk3g">petite vidéo drôle et ludique</a> avec une expérience de physique. Un téléphone à yaourt, un collier de macaronis qui s’échappe de son paquet, ou une balle de ping-pong en lévitation. Chaque effet appelle sa petite explication et donne l’envie de le refaire chez soi. Une fois encore, l’amateurisme dans le tournage est assumé, confinement oblige.</p>
<p>Hervé Dole, astrophysicien de l’Université Paris-Saclay, reprend le format de la conférence confinée centrée cette fois <a href="http://www.ias.u-psud.fr/dole/conferenceconfineeastro2020.php">sur l’astrophysique</a>, sans expériences mais avec un dialogue en direct avec les internautes notamment via l’outil Wooclap.</p>
<p>Frédéric Restagno, directeur de recherche au CNRS, est spécialiste de matière molle et complexe. Il propose sur <a href="https://twitter.com/frestagn">Twitter</a> des quiz sur ce domaine. Il a même inventé une expérience de science participative où chacun peut mesurer chez lui des bulles de savon suivant un <a href="https://framaforms.org/bubbles-at-homebulles-de-savon-1584898985">protocole précis</a>. La mise en commun des résultats permet de mieux comprendre quels paramètres permettent d’avoir de belles bulles et la physico-chimie associée.</p>
<p>Nous-mêmes, dans mon équipe <a href="http://www.vulgarisation.fr/">« La physique autrement »</a>, venons de lancer plusieurs autres initiatives. Nous avons initié un <a href="http://hebergement.u-psud.fr/supraconductivite/projet/cadavre_exquis/">Cadavre exquis</a> où des scientifiques et des créatifs se relaient chaque jour pour produire des images ou des vidéos, chacune répondant à la précédente. Avec un illustrateur de l’École Estienne, nous explorons comment vulgariser l’enchaînement de phénomènes physiques qui permet à des gens de parler à distance en confinement, acoustique, optique, électromagnétisme et quantique au service du dialogue numérique. Et je n’évoque là que quelques-unes des nombreuses initiatives issues du monde académique.</p>
<h2>Le rôle clé de la culture scientifique</h2>
<p>Le monde de la culture scientifique n’est pas en reste. Par exemple, des expos numériques comme celle sur le coronavirus du <a href="http://www.palais-decouverte.fr/lascienceestla/exposition-coronavirus/">Palais de la Découverte</a>, des défis scientifiques proposés par <a href="http://www.larotonde-sciences.com/sciences-a-la-maison/">La Rotonde</a> à mener chez soi, l’association <a href="https://parlons-maths.fr/">Animath</a> qui permet de dialoguer avec des chercheurs chaque jour pour découvrir les maths, etc. Les réseaux sociaux et l’AMCSTI relayent <a href="https://www.amcsti.fr/fr/bulletin/initiatives-confinees-reseau/">ces initiatives</a>, plus nombreuses chaque jour.</p>
<p>Toutes ces actions peuvent sembler anecdotiques. Pourtant, je crois qu’elles soulignent le rôle clé de la culture scientifique, en particulier en ces temps de crise. Le Covid-19, sa propagation, son traitement, sont des sujets scientifiques. Le rôle des vulgarisateurs spécialistes de ces domaines est bien sûr d’aider à les comprendre, et ils le font formidablement ces derniers temps. Mais les autres, ceux qui comme moi n’ont aucune compétence en la matière, peuvent contribuer à leur façon.</p>
<p>Les actions de vulgarisation que j’ai pu citer ont plusieurs vertus. D’abord, elles divertissent. Elles aident à sortir de la boucle médiatique et anxiogène sur le coronavirus. Elles proposent des activités ludiques et familiales qui peuvent réunir petits et grands hors du contexte scolaire, un retour au bricolage du dimanche.</p>
<p>Ces actions démontrent aussi l’universalité de la science, quand un enfant à Toulouse mesure exactement la même loi de gravité que moi à Paris, ou des collégiens à Tours. Elles offrent un autre regard sur la science, ludique, participatif, créatif, avec aussi son lot d’échecs et de galère, une façon de faire de la science finalement assez proche de celle des laboratoires.</p>
<p>Enfin, les vulgarisateurs eux-mêmes sont incités à se réinventer, moi et ma planche repasser, Jean‑Michel avec de la ficelle, Hervé et ses deux feutres, Frédéric et son produit vaisselle, tous nous tentons d’inventer de nouvelles situations pour dialoguer avec le public.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1244339770198761476"}"></div></p>
<h2>Contribution citoyenne</h2>
<p>J’espère que ces premières initiatives vont inspirer les acteurs de la culture scientifique. Je les appelle tous, collègues universitaires, médiateurs, professeurs, musées, associations, Youtubeurs, à se saisir de ce confinement comme d’une opportunité. Il offre un public nouveau, curieux, disponible, en famille, mais aussi – il faut en tenir compte – coincé chez lui, angoissé, parfois isolé, et, pour parents et enfants, tendu par le contexte scolaire à distance.</p>
<p>Ce confinement est une contrainte redoutable pour produire des contenus, entre mauvais son, mauvaise qualité de l’image, mauvaises connexions… Tous ces handicaps peuvent cependant être retournés à notre avantage, pour montrer justement que la science peut être racontée ou expérimentée partout, chez soi, sans labo, sans matériel de pointe, avec un simple téléphone ou une règle. Et surtout, personne, dans ce contexte, ne nous tiendra rigueur des petits ratés et des soucis techniques. Le public, j’ai pu le constater, est bienveillant et compréhensif.</p>
<p>Peut-être certains hésiteront, pensant qu’il faut donner priorité à la vulgarisation sur le virus, et laisser de côté quelque temps les autres domaines comme la physique. Ils auraient tort.</p>
<p>Même quand elle ne porte pas directement sur le Covid-19, toute vulgarisation en parle sans le dire. Car elle fournit des grilles de lecture aux citoyens, elle leur apprend à lire des figures, à comprendre ce qu’est un protocole et ses exigences, à décrypter la parole savante, autant d’aptitudes nécessaires pour trier soi-même dans les informations dont nous sommes submergés en ces temps d’épidémie.</p>
<p>Il ne nous reste que quelques semaines encore, alors ne ratons pas cette occasion ! Tous à vos webcams !</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/135236/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Julien Bobroff est professeur à l'Université Paris-Sud et anime l'équipe "La Physique Autrement" au Laboratoire de Physique des Solides. Il reçoit à ce titre des financements publics de l'Université Paris-Saclay et de sa Fondation, du CNRS et de l'ANR.</span></em></p>Malgré le confinement, les chercheurs ne renoncent pas au dialogue avec le grand public. Ils lancent de nouveaux formats sur le web, montrant que la science peut s’expérimenter et se raconter partout.Julien Bobroff, Physicien, Professeur des Universités, Université Paris-SaclayLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1214122019-08-27T20:15:03Z2019-08-27T20:15:03ZLa moulinette : « Hacher menu » les projets de culture scientifique<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/286798/original/file-20190803-117910-1pbkfzz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=11%2C253%2C3820%2C2425&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Séance de préparation du projet de médiation scientifique Yakaton'18 à la Haute Ecole Spécialisée de Suisse Occidentale (HES-SO) en juin 2018.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.yakaton.ch/homepage/">Richard-Emmanuel Eastes</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nd/4.0/">CC BY-ND</a></span></figcaption></figure><p>Depuis le printemps 2019, le <a href="http://www.rezoscience.ch/">Réseau romand Science et Cité</a> met à la disposition des acteurs et actrices de la culture scientifique un outil d’aide à la conception et au suivi de leurs projets : <a href="http://www.lamoulinette.ch">La moulinette</a>.</p>
<p>Cet outil inédit ne s’accompagne d’aucun conseil méthodologique, ne contient aucune recette toute faite. On pourrait s’en étonner, mais c’est ce qui constitue sa force et sa spécificité. La réflexivité et l’empowerment, tels sont en effet les objectifs de ses concepteurs.</p>
<p>Rappelons que la <a href="https://journals.openedition.org/culturemusees/749">médiation</a> n’est pas qu’une pratique d’éducation informelle d’un public béotien, consistant à simplifier des savoirs complexes. Il s’agit plus largement d’un ensemble de démarches et pratiques destinées à rapprocher la connaissance spécialisée des besoins auxquels elle pourrait répondre, à l’appliquer aux <a href="https://journals.openedition.org/dse/1593">questions socialement vives</a> et à favoriser l’élaboration commune de connaissances entre spécialistes et groupes de citoyens concernés.</p>
<h2>Réflexivité indispensable</h2>
<p>Pratiquer la médiation culturelle, c’est exercer un véritable <a href="https://www.letudiant.fr/metiers/secteur/culture/mediateur-culturel.html">métier</a>. Les connaissances techniques et académiques en sont l’un des piliers, certes. Mais la connaissance des publics, la maîtrise de la pédagogie et la compréhension des modes de production et de diffusion des savoirs y sont tout aussi essentielles. Ces missions nécessitent donc une démarche aussi <a href="https://journals.openedition.org/sociologie/1584">réflexive</a> que possible, interrogeant les objectifs de ses acteurs à l’aune des attentes et besoins de leurs publics.</p>
<p>Pourtant, cette réflexivité est difficile à atteindre, car cela suppose de remettre en question des approches intuitives, souvent mues par la passion et par le désir de partager ses propres connaissances. Pour ne pas être simplement égoïste ou prosélyte, voire condescendante et finalement contre-productive, elle doit donc miser sur une décentration radicale.</p>
<p>Dans le cas de la science et de la technologie, il est probable que le besoin de réflexivité soit encore plus fort que dans celui de toute autre forme de médiation culturelle, à proportion même de leur impact sur l’évolution de la société.</p>
<p>Tout « progrès » scientifique et technologique disruptif s’accompagne en effet de bouleversements de l’ordre social, de <a href="http://controverses.mines-paristech.fr/presentation/quappelons-nous-controverse-sociotechnique/">controverses sociotechniques</a>, d’effets secondaires d’ordres sanitaire ou environnemental, voire de questions éthiques qui interrogent <em>in fine</em> son <a href="https://journals.openedition.org/communiquer/584">acceptabilité sociale</a>.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/apprendre-a-construire-le-desaccord-pour-reinventer-le-dialogue-societal-68865">Apprendre à construire le désaccord pour réinventer le dialogue sociétal</a>
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<h2>Mission citoyenne</h2>
<p>Dans ce processus, la médiation scientifique et technique est un acteur déterminant, au sens où elle a tout autant pour mission de promouvoir les applications vertueuses des avancées de la science que d’en interroger les éventuels effets pervers. Sans compter qu’elle tire autant sa légitimité de sa capacité à écouter les peurs et objections de ses publics qu’elle doit souvent ses financements à sa capacité supposée à fabriquer de l’acceptabilité sociale, justement.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/les-jeux-de-discussion-comprendre-et-se-comprendre-67322">Les jeux de discussion : comprendre et se comprendre</a>
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<p>Face à tant de pressions et d’enjeux, les acteurs de la culture scientifique peuvent avoir besoin d’outils pour trouver la juste voie entre l’enthousiasme zélé qui les a probablement poussés dans cette voie professionnelle, et la prudence. Une prudence éminemment nécessaire, face à des publics qui ne souhaitent plus seulement collectionner des informations mais également les articuler à leurs valeurs, pour exercer leur pouvoir de citoyens et de consommateurs.</p>
<p>Dans ce contexte, il convient de promouvoir par tous les moyens une médiation scientifique autocritique et <a href="https://www.groupe-traces.fr/projet/manifeste-revoluscience/">responsable</a>. C’est dans cet esprit que <a href="http://www.lamoulinette.ch">« La moulinette »</a> a été élaborée par des spécialistes de la médiation scientifique <a href="http://www.lamoulinette.ch/fr/qui-sommes-nous-/">suisses et français</a>, universitaires comme acteurs de terrain.</p>
<p>Le résultat prend la forme d’un site web, structuré autour de 11 questions ou chapitres telles que : Pourquoi ? Comment ? Quand ? Avec quels risques ? Il propose à ses utilisateurs un cheminement à géométrie variable en fonction de leurs besoins.</p>
<p>Une fois les questions sélectionnées, le site génère automatiquement des fiches au format pdf, chacune comprenant à son tour des sous-questions qui invitent les utilisateurs à positionner leurs réponses sur différents diagrammes : sliders, pourcentages, matrices, QCM, etc.</p>
<h2>Accompagnement sur mesure</h2>
<p>En passant son projet au crible des catégories proposées par « La moulinette », on génère ainsi des réflexions précieuses concernant l’ensemble des facettes de l’action envisagée : de ses propres motivations initiales aux impacts escomptés et réels, de la nature des publics visés aux formes possibles de l’activité en passant par la recherche de fonds et les risques encourus.</p>
<p>Un effort particulier a notamment été porté sur l’analyse des motivations (individuelles ou institutionnelles) ayant présidé à la conception de l’activité de médiation et sur la réflexion relative à ses <a href="https://www.youtube.com/watch?v=NTih-l739w4">« non-publics »</a>, c’est-à-dire aux catégories de personnes s’en trouvant exclues pour des raisons conscientes ou inconscientes.</p>
<p>Par ailleurs, ce travail aidera les médiatrices et médiateurs scientifiques à mieux décrire leurs projets quand ils devront les présenter au grand public, à une structure de financement ou encore à un nouvel employeur. « La moulinette » est donc non seulement un outil de réflexivité, mais également un outil d’<a href="https://www.cairn.info/revue-tiers-monde-2009-4-page-735.htm">empowerment</a> des actrices et acteurs de la culture scientifique, comme doivent l’être leurs propres actions pour leurs publics.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/286800/original/file-20190803-117871-1nyd0q2.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/286800/original/file-20190803-117871-1nyd0q2.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=354&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/286800/original/file-20190803-117871-1nyd0q2.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=354&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/286800/original/file-20190803-117871-1nyd0q2.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=354&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/286800/original/file-20190803-117871-1nyd0q2.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=445&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/286800/original/file-20190803-117871-1nyd0q2.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=445&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/286800/original/file-20190803-117871-1nyd0q2.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=445&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">La moulinette, site web.</span>
</figcaption>
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<h2>Multiples usages</h2>
<p>Ces fiches imprimables ont été pensées pour répondre aux multiples situations auxquelles sont en général confrontés les professionnels de la médiation, seuls ou en groupes. La moulinette peut en effet être utilisée en tant qu’outil :</p>
<ul>
<li><p>d’aide à la conception d’un projet, pour n’oublier aucune de ses dimensions importantes (<em>check list</em>),</p></li>
<li><p>de suivi de projet, sous forme de <em>guidelines</em> permettant de conserver le cap initial,</p></li>
<li><p>d’évaluation <em>a posteriori</em> d’un dispositif, éventuellement par comparaison avec les réponses aux mêmes questions données lors de sa conception,</p></li>
<li><p>de formation initiale des médiateurs et médiatrices, dans leurs cursus de formation et/ou lors de leur arrivée dans une organisation de culture scientifique,</p></li>
<li><p>de documentation d’activités stabilisées, voire de formation des médiateurs et médiatrices sur un dispositif donné (rôle de transmission),</p></li>
<li><p>de formation continue pour se replacer de temps en temps dans une posture réflexive,</p></li>
<li><p>de communication avec l’équipe de médiation, la direction, les partenaires, les bailleurs de fonds… autour d’un dispositif de médiation donné.</p></li>
</ul>
<p>Mettre en pièces son projet de médiation et ses idées d’activités pour en interroger toutes les dimensions, en recenser les différentes facettes, les analyser et assumer ses choix en toute connaissance de cause, tel est le service que tente de rendre « La moulinette » à celles et ceux qui partagent leurs connaissances scientifiques au quotidien.</p>
<p>Mis gracieusement à disposition en échange de leurs retours sur <a href="http://moulinette.ch/fr/feedback/">leurs usages</a>, l’outil se veut collaboratif pour servir au mieux et le plus longtemps possible les intérêts de la communauté.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/121412/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<h4 class="border">Disclosure</h4><p class="fine-print"><em><span>Richard-Emmanuel Eastes conseille le Réseau Romand Science et Cité, association à but non lucratif, lequel a reçu des financements de la fondation Ernst Göhner et du canton de Vaud (Suisse) pour la réalisation de La moulinette. Cet outil est entièrement gratuit. Il est mis à disposition sans perspectives financières et ne collecte aucune information sur ses utilisateurs.</span></em></p>Pour aider le grand public à comprendre les dernières avancées de la recherche, mais aussi mesurer leurs impacts, la médiation scientifique doit faire du sur-mesure. Voici un outil qui peut y aider.Richard-Emmanuel Eastes, Head of the academic development : University of applied arts and sciences Western Switzerland (HES-SO, Suisse), Haute école spécialisée de Suisse occidentale (HES-SO)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1098922019-01-24T20:20:53Z2019-01-24T20:20:53ZQuand chercheurs et citoyens coopèrent<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/255033/original/file-20190122-100261-1xq35wh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=4%2C0%2C1011%2C672&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">ScienceShops</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.zbw-mediatalk.eu/2018/01/wissenschaftslaeden-neuer-schwung-fuer-und-durch-citizen-science/">ZBW Blog about Open Science</a></span></figcaption></figure><p><em>Cet article a été co-écrit par Bertrand Bocquet (Univ. Lille, CNRS, UMR 8026, Centre d’etudes et de recherches administratives, politiques et sociales, Lille), Mireille Havez (Maison régionale de l’environnement et des solidarités, Lille), Bénédicte Lefebvre (Univ. Lille, CNRS, UMR 8019, Centre lillois d’études et de recherches sociologiques et économiques) et Florence Ienna (COMUE Lille Nord de France, mission culture, patrimoine, société, F-59658 Villeneuve-d’Ascq).</em></p>
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<p>Les <em>science shops</em>, <a href="http://www.cue-lillenorddefrance.fr/?q=culture-patrimoine-societe/boutique-des-sciences">boutique des sciences</a> en français, sont des dispositifs indépendants qui permettent aux organisations de la société civile d’accéder à la recherche académique. Mais il ne s’agit pas ici de mobiliser les citoyens pour des projets de recherche. Ce sont les personnels de la recherche qui se mobilisent pour répondre aux demandes de la société. Une coopération fructueuse à la fois pour les citoyens qui développent leurs compétences et leur « pouvoir d’agir » et pour les scientifiques qui accèdent à des questions et des terrains d’études originaux tout en contribuant à résoudre des problèmes concrets. Comment organiser cette coopération ? C’est l’objet principal des <em>science shops</em>.</p>
<h2>De nouveaux rapports entre chercheurs et citoyens</h2>
<p>La vulgarisation scientifique est souvent vécue comme une communication des chercheurs vers le public. Mais face aux grands défis sociétaux, une demande de plus en plus forte émane de la société civile pour un dialogue bilatéral. La simple publication des résultats scientifiques et une communication à sens unique ne sont pas des réponses suffisantes à une telle demande.</p>
<p>Sous le double effet de la montée en puissance des dispositifs de démocratie participative, d’une part, et des politiques nationales et européennes d’ouverture de la recherche, d’autre part, on assiste aujourd’hui à de profondes transformations des rapports entre sciences et sociétés, qui se veulent plus coopératifs comme le souligne au niveau national le <a href="http://www.sciences-participatives.com/Rapport">rapport Houllier</a> sur les sciences et recherches participatives paru en février 2016. Dans ce rapport, les sciences participatives sont définies « comme les formes de production de connaissances scientifiques auxquelles des acteurs non-scientifiques-professionnels, qu’il s’agisse d’individus ou de groupes, participent de façon active et délibérée. »</p>
<p>Les sciences participatives ont pris un essor au cours des quinze dernières années notamment via des plates-formes numériques en ligne, permettant à tout un chacun de participer à des projets de recherche. Les participants sont mis à contribution pour la collecte de grande quantité de données (échantillons, photographies, informations géolocalisées) ou bien pour le traitement de données (par exemple via des jeux ou la mise à disposition d’une partie de la puissance de calcul de son ordinateur). Les <a href="https://www.nature.com/magazine-assets/d41586-018-07106-5/d41586-018-07106-5.pdf?fbclid=IwAR0nuaZ49WbQRMMg1QtfvbW5n7BqgfEJGXRp5HfDV5HlaNWwojGhazTa2OI">exemples</a> se multiplient.</p>
<p>Ces évolutions donnent lieu au développement de pratiques de recherches originales, mobilisant les énergies, savoirs et savoir-faire de la société civile aux côtés de la recherche académique. Ces partenariats suscitent aujourd’hui largement l’attention des pouvoirs publics et des instances de programmation de la recherche et font l’objet d’analyses à différents niveaux institutionnels (<a href="http://www.cocreate.brussels/">régional</a>, <a href="https://appelsaprojets.ademe.fr/aap/CO32018-67">national</a>, <a href="http://www.horizon2020.gouv.fr/pid29778/science-avec-et-pour-la-societe.html">européen</a>).</p>
<h2>Un concept qui n’est pas nouveau</h2>
<p>Il existe un format de coopération entre chercheurs et citoyens, peu connu en France, qui accompagne les parties prenantes dans un travail non plus seulement de participation mais sur la création des savoirs, sur le travail de recherche en lui-même : les boutiques des sciences. Celles-ci se positionnent en tant qu’interface entre des organisations de la société civile qui ont une visée d’intérêt général (collectifs de citoyens, associations, établissements scolaires, conseils de quartier…) et la recherche académique (enseignants-chercheurs, ingénieurs de recherche, doctorants, étudiants). Ces boutiques sont de petites entités, sans but lucratif, qui accompagnent les recherches quelles que soient les disciplines, gratuitement et sur demande des organisations locales. Le fait de répondre aux besoins de la société par un processus ascendant est un élément clé qui les distingue des autres mécanismes de transfert de connaissances.</p>
<p>Les demandes des organisations de la société civile sont de l’ordre de la méthodologie, de l’expertise et de la recherche scientifique. Les boutiques des sciences aident ces organisations à traduire leur demande afin qu’elles accèdent à la recherche académique dans le cadre d’un véritable partenariat, puis accompagnent les acteurs tout au long du processus de recherche. Dans la recherche collective pour trouver des réponses aux questions posées, de nouvelles connaissances sont générées ou bien les connaissances existantes sont combinées et adaptées pour répondre à des objets de recherche plus transversaux.</p>
<p>Le concept est né dans les années 70 aux Pays-Bas et aux États-Unis. Puis il se développe dans les années 80 dans huit autres pays en Europe, dont la France. Dans les années 90, le concept essaime dans le monde entier (Canada, Corée du Sud, Afrique du Sud, Nouvelle-Zélande, Malaisie). Il continue de se développer en Europe dans les années 2000. Aujourd’hui plus d’une quarantaine de pays sont concernés. En France le concept renaît en 2005 à l’ENS Cachan portée par des étudiants avec l’aide de l’<a href="https://sciencescitoyennes.org/">Association Sciences Citoyennes</a>.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/255030/original/file-20190122-100276-7na210.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/255030/original/file-20190122-100276-7na210.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=313&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/255030/original/file-20190122-100276-7na210.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=313&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/255030/original/file-20190122-100276-7na210.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=313&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/255030/original/file-20190122-100276-7na210.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=393&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/255030/original/file-20190122-100276-7na210.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=393&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/255030/original/file-20190122-100276-7na210.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=393&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="attribution"><span class="source">Boutique des sciences, nord de France</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
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<p>Puis grâce à l’action du réseau mondial des boutiques des sciences, <a href="https://www.livingknowledge.org/">Living Knowledge</a>, et du programme européen « Science with and for society » trois boutiques sont créées : la première en 2011 à Grenoble porté par une association, la seconde en <a href="http://boutiquedessciences.universite-lyon.fr/">2013 à Lyon</a> portée par l’Université de Lyon et la troisième en <a href="http://www.cue-lillenorddefrance.fr/?q=culture-patrimoine-societe/boutique-des-sciences">2015 à Lille</a> portée par la ComUE Lille Nord de France et la Maison européenne des sciences de l’homme et de la société (MESHS). Une nouvelle boutique est également en cours de création <a href="https://www.mshsud.org/valorisations/boutique-des-sciences">à Montpellier</a> portée par la MSH Sud.</p>
<p>Depuis les années 2000, les boutiques des sciences sont soutenues par la Commission européenne via les appels à projets. On peut citer dernièrement le projet InSPIRES du programme H2020 « Science with and for society ».</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/XNTFMv8hSZQ?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
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<h2>Des modèles adaptés aux contextes locaux</h2>
<p>Il existe de nombreux modèles dans la manière dont les boutiques des sciences sont organisées et fonctionnent puisqu’elles dépendent fortement des contextes locaux dans lesquels elles se situent. On peut néanmoins définir deux structures organisationnelles dominantes : celles portées par une association et celles portées par des structures universitaires. Les formats de projets mis en œuvre pour répondre aux demandes peuvent être des stages d’étudiants en master 2 recherche (Lyon, Lille), des projets intégrés dans les cours de l’université quel que soit le niveau (Québec), des recherche-action (Grenoble).</p>
<p>Le terme science est utilisé dans son sens le plus large, englobant les sciences sociales et humaines, ainsi que les sciences naturelles, physiques, de génie et techniques. Voici quelques exemples de sujets ayant été traités par les boutiques des sciences françaises : analyse des causes de mortalité hivernale des abeilles ; la trame verte et bleue dans le bassin minier : quelle appropriation par les habitants ; étude des nuisances sonores nocturnes d’éoliennes ; l’engagement associatif des femmes issues des migrations subsahariennes ; transmission de l’histoire des luttes des immigrations (et des quartiers populaires) ; les projets de coopération internationale : diagnostic d’une base de données associatives.</p>
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<h2>Un véritable travail de coopération où chacun apporte son expertise</h2>
<p>Comment induire une coopération entre des parties prenantes qui ont des fonctionnements, des cultures et des attentes très différents ? C’est toute l’originalité du travail d’accompagnement proposé par les équipes des boutiques des sciences. Nous prenons ci-dessous plus spécifiquement le cas de la boutique des sciences Lille Nord de France où les projets se formalisent par des stages d’étudiant en master 2 avec un double tutorat associatif/chercheur d’une durée de six mois. La coopération repose sur l’engagement à respecter les objectifs des différentes parties prenantes :</p>
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<li><p>offrir au chercheur un sujet de recherche original qui peut donner lieu à une publication,</p></li>
<li><p>offrir à l’étudiant un travail de stage de recherche, directement utile à la société et en lien avec des professionnels en dehors des laboratoires, qui valorise son projet professionnel,</p></li>
<li><p>offrir à l’association une méthodologie et des connaissances qui lui permettent une première réponse à la question posée, de mieux comprendre son terrain et de faire évoluer ses pratiques et ses activités.</p></li>
</ul>
<p>Tout d’abord un travail de sollicitation de la demande est nécessaire : rencontrer les acteurs associatifs pour faire connaître et expliquer le dispositif. Toutes les associations ne sont pas éligibles. Elles doivent servir l’intérêt général, être à but non lucratif et être en capacité d’accueillir un étudiant en stage pendant six mois. Ensuite lorsque des demandes sont formulées, des rencontres entre la boutique des sciences et les associations ont lieu pour comprendre les demandes et les traduire ensemble en questions de recherche. Cette première étape est enrichissante pour les associations qui découvrent alors un autre regard porté sur leur sujet d’étude leur permettant ainsi une prise de recul.</p>
<p>Une fois la question formulée, la boutique des sciences sollicite des équipes de recherche qui pourraient être concernées de par leur discipline. L’enseignant-chercheur intéressé par le sujet doit être en mesure d’encadrer un étudiant et de participer aux rencontres avec l’association.</p>
<p>Une fois tous les protagonistes trouvés, la boutique des sciences les accompagne et suit le projet jusqu’à la fin. L’étudiant s’engage à rédiger un document synthétique et accessible, destiné à l’appropriation des savoirs par les acteurs associatifs, en plus de son mémoire de recherche. Les parties prenantes s’engagent à organiser un rendu public des résultats.</p>
<p>Les résultats sont publics, accessibles à tous, pouvant ainsi être repris par d’autres organisations et d’autres chercheurs. À la fin de la collaboration, le demandeur doit être capable de s’approprier et d’utiliser les résultats.</p>
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<h2>Une recherche avec et pour la société</h2>
<p>Ce dispositif original est une opportunité pour le secteur associatif de mieux comprendre son terrain et donc de modifier son activité, de développer son « pouvoir d’agir ». Il lui permet également de mieux comprendre les démarches scientifiques, le champ d’action de la recherche et ses limites. Pour la communauté scientifique (chercheur·e·s et étudiant·e·s), c’est un moyen d’accéder à des terrains et des sujets de recherche encore peu étudiés, faisant ainsi évoluer leurs disciplines, tout en étant directement en lien avec les questions issues de la société. Les boutiques des sciences permettent un enrichissement croisé, et favorisent les approches interdisciplinaires. Elles reposent sur un engagement mutuel fondé sur le bien commun et basé sur une éthique de la recherche, qui met les différents types de connaissances en dialogue et les partenaires dans un rapport de parité.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/109892/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Bertrand Bocquet a reçu des financements du Conseil Régional Hauts-de-France jusque 2015. Il est membre de l'association Sciences Citoyennes.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Martine Legris ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Face aux défis sociétaux, une demande forte émane de la société civile pour un dialogue bilatéral et une coopération entre public et chercheurs. C’est l’objet des boutiques des sciences.Bertrand Bocquet, Professeur des Universités, Physique & Science, Technologie et Société, Université de LilleMartine Legris, Ingénieur de recherche en sciences sociales, Université de LilleLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1095252019-01-08T19:08:21Z2019-01-08T19:08:21ZDébat : en Italie, la santé publique victime des « fake news »<p>Les alertes se sont multipliées ces dernières années, dans la communauté scientifique et dans les médias, à propos du danger que constitue la diffusion de « fake news », expression traduite en français par le néologisme « infox ».</p>
<p><a href="https://www.franceculture.fr/emissions/le-journal-de-la-philo/lere-de-la-post-verite-0">L’ère de la « post-vérité »</a> fait depuis quelque temps l’objet d’un nombre croissant de colloques ou de tribunes. Aux États-Unis en particulier, depuis l’élection de Donald Trump à la Maison Blanche, la menace de décisions politiques prises en <a href="https://www.nytimes.com/2018/06/09/climate/trump-administration-science.html">dehors voire à l’encontre des connaissances scientifiques</a> est régulièrement brandie.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/fake-news-et-post-verite-20-textes-pour-comprendre-et-combattre-la-menace-97807">« Fake news et post-vérité : 20 textes pour comprendre et combattre la menace »</a>
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<p>Toutefois, malgré ces avertissements répétés, souvent formulés par des membres des milieux culturels ou scientifiques, la société peine à évaluer les conséquences de l’arrivée au pouvoir de ces forces politiques qui n’hésitent pas à s’appuyer sur des contrevérités scientifiques pour prendre des décisions. Elles constituent pourtant une véritable menace pour la santé publique.</p>
<h2>L’Europe n’est pas épargnée</h2>
<p>Un article publié en 2017 dans la revue de la célèbre École de santé publique d’Harvard était intitulé : <a href="http://harvardpublichealthreview.org/the-inauguration-of-donald-trump/">« President Donald Trump is a threat to public health »</a> (« Le président Trump est une menace pour la santé publique »). Mais il n’est pas besoin de porter son regard au-delà de l’Atlantique pour constater les effets délétères des politiques basées sur les <em>fake news</em>. En Europe, un cas récent vient de nous le rappeler.</p>
<p>Le 19 décembre dernier, le Dr Walter Ricciardi, président depuis 2015 de l’<em>Istituto superiore di sanità</em> à Rome – le plus grand institut de santé publique d’Italie – a démissionné de son poste. <a href="https://www.corriere.it/cronache/19_gennaio_01/difficile-collaborare-il-governo-4a6b4fba-0e01-11e9-991e-8333c5dc4514.shtml">Dans une interview</a> accordée au <em>Corriere de la Serra</em> le 1<sup>er</sup> janvier, ce professeur d’hygiène et de santé publique, reconnu sur le plan national et international (il fut, entre autres responsabilités, président de 2010 à 2014 de l’Association européenne de santé publique, EUPHA) précise les raisons qui l’ont conduit à renoncer à son poste. Et elles sont graves : il accuse le nouveau gouvernement italien d’avoir adopté des positions « non scientifiques, voire carrément anti-scientifiques ».</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1080224914060337153"}"></div></p>
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<h2>Pied de nez à l’expertise scientifique</h2>
<p>Pourquoi une telle prise de position ? Parce que, depuis l’avènement au pouvoir de la coalition formée par le Mouvement 5 étoiles et la Ligue, les déclarations tonitruantes et scientifiquement infondées se sont multipliées : caractériser les vaccins comme inutiles et dangereux ; qualifier de concept obsolète les usines d’incinération ; affirmer que la politique de restriction de l’accueil des migrants était justifiée par le fait que ces derniers apportent des maladies…</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/sante-des-migrants-les-prejuges-ont-la-vie-dure-87200">Santé des migrants : les préjugés ont la vie dure</a>
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<p>Plus inquiétant encore, cet éminent spécialiste en arrive à la conclusion que les experts et les scientifiques sont aujourd’hui dans l’impossibilité de travailler car ils se retrouvent en situation de devoir démentir et désavouer le gouvernement à tout instant.</p>
<p>Il faut dire que le gouvernement transalpin n’a pas chômé : en moins de 10 mois d’exercice du pouvoir, il a démontré qu’il pouvait mettre en place une nouvelle manière de gouverner, basée sur un pied de nez gigantesque à l’expertise scientifique. Et devenir une véritable menace en termes de santé publique.</p>
<h2>Un inquiétant manque de réaction</h2>
<p>La nouvelle de la démission de Walter Ricciardi a été reprise dans de nombreux journaux italiens, et dans quelques <a href="https://www.lequotidiendumedecin.fr/actualites/article/2019/01/04/en-italie-le-president-de-linstitut-superieur-de-la-sante-demissionnaire-denonce-les-positions-antiscientifiques-du-gouvernement_864533">revues spécialisées en Europe</a>. Mais elle n’a provoqué ni la vague d’indignation à laquelle on aurait pu s’attendre, ni de prise de position large afin, derrière le Dr Ricciardi, de défendre ce qu’ont apporté et apportent régulièrement les connaissances scientifiques pour participer à l’amélioration et la préservation de la santé.</p>
<p>Est-ce dû à la période à laquelle cet événement a eu lieu, peu avant Noël et la trêve des confiseurs ? Peut-être. Mais ce manque d’écho est une raison supplémentaire pour afficher, en ce début d’année, notre inquiétude et notre soutien sans faille à notre collègue italien. Car cette affaire est symptomatique de ce qui se passera si nous ne nous mobilisons pas. On peut imaginer, et craindre, que tous les efforts faits depuis le Siècle des Lumières puis les travaux de Louis Pasteur pour asseoir un certain nombre de pratiques en santé sur des faits (<em>evidence based practice</em>, pratique basée sur les preuves), finissent par être totalement discrédités. Comme n’hésite pas à le faire, régulièrement, le président des États-Unis.</p>
<p>Il ne s’agit évidemment pas de sacraliser la science, mais bien de défendre le rôle qu’elle peut, qu’elle doit jouer pour alimenter les débats autour de la santé et dans le processus de prise de décision. Le danger d’un retour à une forme d’obscurantisme n’est pas uniquement théorique. La situation italienne démontre que le danger est bien réel. Et il est à nos portes.</p>
<p>En cette année 2019 où auront lieu <a href="http://www.vie-publique.fr/actualite/faq-citoyens/elections-europeennes-2019/">des élections</a> qui décideront de l’avenir de l’Europe, nous ne pouvons laisser passer une telle situation sans réagir.</p>
<p>Les médias rapportent régulièrement des « problèmes de santé publique » ou des « scandales de santé publique ». N’est-il pas temps de s’insurger contre une volonté politique qui s’affranchit de toute connaissance, de tout rapport avec la science et qui, elle aussi, peut être qualifiée de « scandale de santé publique » ?</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/109525/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Laurent Chambaud est membre du board (conseil d'administration) de l'Association des Ecoles de Santé Publique de la Région Européenne (ASPHER)</span></em></p>En décembre, le président du plus grand institut de santé publique italien a démissionné, en raison des positions « non scientifiques » du gouvernement. Quand les fake news menacent la santé publique.Laurent Chambaud, Médecin de santé publique, École des hautes études en santé publique (EHESP) Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1068752018-11-20T19:37:52Z2018-11-20T19:37:52ZNovembre, mois de l’économie sociale et solidaire… donc de l’utopie ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/246179/original/file-20181119-119943-qmvxp0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=14%2C8%2C965%2C640&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le onzième mois de l'année célèbre les innovations citoyennes qui rendent le futur désirable.</span> <span class="attribution"><span class="source">Dragana Gordic/Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>Le centenaire du <a href="https://theconversation.com/fr/topics/centenaire-14-18-61970">11-Novembre</a> renvoie au passé. Il permet de garder en mémoire les horreurs que l’on voudrait ne plus vivre. Mais le onzième mois de l’année, c’est aussi celui de l’avenir, des innovations citoyennes qui rendent le futur désirable. En effet, novembre est le <a href="http://www.lemois-ess.org/accueil-decouverte/p2.html">mois de l’économie sociale et solidaire</a> (ESS). Cette dernière vise la démocratisation de l’économie en créant des activités fondées sur la réciprocité et la solidarité (<a href="https://www.kaizen-magazine.com/article/faire-reparer-objets-repair-cafe-ne-plus-jeter/">Repair cafés</a>, association pour le maintien de l’agriculture paysanne, commerce équitable, etc.). Ces activités sont qualifiées « d’<a href="http://www.seuil.com/ouvrage/utopies-realistes-rutger-bregman/9782021361872">utopies réalistes</a> » par l’écrivain et historien néerlandais Rutger Bregman, ou encore « d’<a href="https://www.editionsladecouverte.fr/catalogue/index-Utopies_relles-9782707191076.html">utopies réelles</a> » par le sociologue américain Erik Olin Wright.</p>
<p>Le mois de l’ESS serait ainsi le mois de l’utopie. Pourquoi pas ? À condition bien sûr de s’entendre sur la définition de ce terme. Dans le langage courant, l’utopie est un doux rêve irréalisable. En ce sens, l’ESS serait le rêve social inaccessible d’acteurs déconnectés du réel. Dans le langage scientifique, cette fois-ci, l’utopie se réfère généralement à deux traditions radicalement opposées. La première, purificatrice, veut que la force de l’utopie réside dans l’impossibilité même de sa réalisation. Position soutenue par le philosophe libertaire français Miguel Abensour dans son livre <a href="https://www.monde-diplomatique.fr/2001/10/TRUONG/7956">« Le procès des maîtres rêveurs »</a>. Pour lui, l’utopie est un écrit qui crée une double distanciation nécessaire à l’émancipation : rupture avec le réel, mais aussi prise de distance avec le contenu même du texte lié à la dimension critique de toute pratique de lecture. Dans cette perspective, l’ESS n’est pas une « utopie » émancipatrice, mais une action militante qui se soumet au réel.</p>
<h2>Projet fou</h2>
<p>La seconde tradition, virale, veut que l’utopie soit toujours un danger, un virus totalitaire. En voulant arrêter le temps, en se situant hors de l’espace, l’utopie est, en fait, un projet fou qui, en niant la complexité du social, conduit à enfermer l’homme dans une cité qui occulte la diversité des aspirations humaines.</p>
<p>Dans cette acception, l’ESS serait le ferment d’un totalitarisme qui avancerait masqué. Dans ces conditions, parler d’utopies « réalistes », « réelles », « en actes » ou « concrètes » pour qualifier les innovations sociales de l’ESS présente le grand avantage d’échapper à ces deux traditions opposées tout en se préservant de la disqualification sociale contenue dans le langage courant. Cependant, l’utilisation de ces vocables présente aussi un certain danger, celui de la résignation. En effet, ces épithètes ne sont pas neutres…</p>
<p>Ils signalent – peut-être – un nouvel âge de l’utopie qui, tirant les leçons de l’échec du communisme, voit dans l’expérimentation à petite échelle la voie la moins risquée de la transformation sociale. Mais ces vocables signalent – surtout – une nouvelle bataille politique. Toute bataille politique est, en effet, une bataille de sens, une bataille sur la définition même de ce qu’est la société, de ce qui la régit, de ce qui lui nuit et de ce qui peut la guérir. Toute bataille politique est une bataille sur le sens des mots parce que ce sont les mots qui nous aident à penser le sens du politique.</p>
<h2>Présupposé à remettre en cause</h2>
<p>Or, les vocables, « réaliste », « réelle », « en actes » « concrètes », accolés au mot utopie, semblent indiquer une réconciliation entre un rêve social et une rationalité pratique : la déraison séduisante, donc dangereuse (la transformation radicale du monde), pondérée par la sagesse rassurante du pragmatisme (l’amélioration ponctuelle de situation locale). Autrement dit, l’utopie serait un rêve social qui serait condamné à se soumettre au réel lors de sa matérialisation militante.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/ces-innovations-citoyennes-qui-montrent-la-voie-dune-societe-ecologique-et-solidaire-104016">Ces innovations citoyennes qui montrent la voie d’une société écologique et solidaire</a>
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<p>Ce présupposé mérite d’être remis en cause. Tout d’abord, la division entre, d’un côté, le projet intellectuel et, de l’autre, la tentative plus ou moins
maladroite de le concrétiser, condamne les utopistes : ils ne changent pas le monde, ils dégradent l’idéal dans une matière impure – celle de la <a href="https://www.lemonde.fr/livres/article/2010/09/30/uvres-de-maurice-merleau-ponty_1418096_3260.html">chair du monde</a>.</p>
<p>Ainsi, les militants de l’ESS seraient réduits au rang – peu enviable – de rêveurs concrets : des citoyens ni assez ancrés dans le réel pour être des entrepreneurs sérieux, ni assez plongés dans le rêve pour imaginer un monde radicalement nouveau. Il en va tout autrement si on s’efforce de penser l’utopie en effaçant la séparation entre projet et concrétisation.</p>
<h2>Est possible tout ce que l’on imagine possible</h2>
<p>L’utopie, c’est, à la fois, l’exploration du possible dans le présent (les innovations concrètes) et la poursuite d’un rêve social conduisant à un futur désirable (le projet politique). L’utopie est un processus qui ne sépare pas la fin (l’idéal) des moyens (l’expérimentation). L’utopie est, en même temps, une construction symbolique unique guidant les acteurs et une multitude de <a href="https://journals.openedition.org/apliut/4276">recherche-actions</a> redessinant sans cesse les contours de cette construction. Surtout, l’acceptation sociale de l’utopie n’est pas liée à sa soumission aux contraintes du réel. En effet, contraindre l’utopie à renoncer à sa radicalité, c’est lui demander de se plier aux dominations existantes, de renoncer à son idéal. Or, une telle renonciation n’est pas obligatoire. Nul n’est besoin de sacrifier ces rêves de ruptures radicales possibles sur l’autel du réel déjà là.</p>
<p>Comme le rappelle le philosophe allemand Ernst Bloch, le réel, c’est du possible, de l’insatisfaisant, qui débouche nécessairement sur la recherche d’une alternative. « Le réel est un processus ; celui-ci est lui-même médiation, aux ramifications profondes, entre le présent, le passé non liquidé et surtout le futur possible. Tout réel passe, au front de son processus, dans la sphère du possible, et est possible tout ce qui n’est encore que partiellement conditionné », écrit-il dans son essai <a href="http://www.gallimard.fr/Catalogue/GALLIMARD/Bibliotheque-de-Philosophie/L-Esprit-de-l-utopie">« L’esprit de l’utopie »</a>. Est possible tout ce que l’on imagine possible et non pas uniquement ce que l’on considère comme sage et raisonnable.</p>
<p>L’utopie d’un monde solidaire et durable n’est pas condamnée à se dégrader dans des initiatives ESS devant se soumettre à la réalité des marchés. Elle se précise et s’affine, ici et maintenant, dans les processus expérimentaux par lesquels les acteurs de l’ESS épargnent, entreprennent et consomment autrement. Comme le souligne le philosophe <a href="http://www.lechappee.org/collections/versus/utopie-et-socialisme">Martin Buber</a>, « l’utopie n’est pas le bout du chemin, elle est le chemin ».</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/106875/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Éric Dacheux ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les activités relatives à l’économie sociale et solidaire relèvent-elles de l’utopie ? Pourquoi pas, à condition de s’entendre sur le sens de ce terme.Éric Dacheux, Professeur en information et communication, Université Clermont Auvergne (UCA)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1033672018-09-20T20:58:49Z2018-09-20T20:58:49ZL’Université de Lorraine s’engage avec The Conversation<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/236899/original/file-20180918-158222-su3iik.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=49%2C0%2C8139%2C5340&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Vue aérienne du nouveau campus Brabois-Santé à Nancy.</span> <span class="attribution"><span class="source">crédit : Université de Lorraine</span></span></figcaption></figure><p>Si, depuis plusieurs mois, la montée en puissance du débat médiatique autour des <em>fake news</em>, doit inciter les universités à prendre leurs responsabilités, The Conversation France est le média qui traduit, depuis 3 ans, l’engagement stratégique de notre établissement dans le dialogue science/société. Nous en sommes <a href="http://factuel.univ-lorraine.fr/node/9233">membre fondateur depuis l’origine</a>, aux côtés notamment de la CPU et de l’IUF, et nous assurons pleinement notre rôle par une présence au conseil d’administration ainsi qu’au comité éditorial.</p>
<p>Parce qu’il propose chaque jour des articles d’expertise, d’analyse et de commentaire de l’actualité générale et scientifique qui se démarquent de l’information en continu, parce qu’il permet de mettre à la portée de tous la démarche de recherche et ses résultats, et parce qu’il offre des contenus gratuits, sans publicité et libres de republication, The Conversation <em>France</em> répond aux valeurs que l’Université de Lorraine s’est données lorsqu’elle s’engage ainsi dans une initiative innovante – avec sa part de risque – et d’ouverture des savoirs.</p>
<p>Donner aux universitaires et chercheurs une plus grande place dans le débat public, mettre toutes les disciplines à la portée des non-spécialistes pour permettre à tous les citoyens d’avoir accès à des clefs de compréhension du monde, relèvent de notre responsabilité sociétale.</p>
<p>Rejoindre The Conversation France, comme institution, comme auteur ou comme lecteur, c’est donner du sens à notre engagement universitaire.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/103367/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Pierre Mutzenhardt travaille à l'université de Lorraine.
Pierre Mutzenhardt est membre de la conférence des présidents d'université française (CPU)</span></em></p>Pourquoi l’université de Lorraine collabore à notre site depuis son lancement.Pierre Mutzenhardt, Président de l’Université de Lorraine, Université de LorraineLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1028882018-09-19T19:32:05Z2018-09-19T19:32:05ZLes parcs scientifiques doivent faire plus pour informer sur les catastrophes naturelles<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/235884/original/file-20180911-144479-pn5ltn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Vulcania, en Auvergne.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/lesmontsdore/5969772416/in/photostream/">marie/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-sa/4.0/">CC BY-NC-SA</a></span></figcaption></figure><p>Le 5 septembre 2018, un séisme de magnitude 6,6 frappait la grande île de Hokkaido au Nord du Japon, faisant une dizaine de morts. Evènement relativement modeste car ce n’est pas le premier séisme qui frappe Hokkaido, ce ne sera pas le dernier non plus. Pourquoi alors y revenir ? Cela nous permet de poser des questions de prévention et d’information du public, qui passe par des acteurs insuffisamment connus : les parcs scientifiques. Mais la France est-elle au niveau ?</p>
<p>Retour d’une visite à <a href="https://www.vulcania.com/">Vulcania</a>. Le parc auvergnat se targue de tout faire connaître à son public sur les désastres naturels, volcans, séismes, ouragans et autres. Techniquement c’est bien fait. Une série d’animations et de projections montrent les volcans, leur impact sociétal, la fascination qui s’en dégage ou leur avenir possible. Une information de prévention est-elle délivrée ? Ce que le public en retient, c’est la beauté des images, le plus souvent prises le soir lors du contraste entre laves incandescentes et ciel encore clair. Un procédé utilisé par de nombreux cinéastes de volcans, dont <a href="https://en.wikipedia.org/wiki/Katia_and_Maurice_Krafft">Maurice et Katia Krafft</a>, initiateurs du projet de Vulcania. On peut aussi ressentir l’effet terrifiant des projections, bombes ou cendres, dont le rendu est accentué par les effets spéciaux. Idem pour les séismes et la reconstruction du San Francisco-Oakland Bay Bridge.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/235885/original/file-20180911-144470-hfu9xk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/235885/original/file-20180911-144470-hfu9xk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/235885/original/file-20180911-144470-hfu9xk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/235885/original/file-20180911-144470-hfu9xk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/235885/original/file-20180911-144470-hfu9xk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/235885/original/file-20180911-144470-hfu9xk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/235885/original/file-20180911-144470-hfu9xk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Le Bay Bridge détruit en 1989.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Joe Lewis/Flickr</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
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</figure>
<p>Lors du <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/S%C3%A9isme_de_1989_%C3%A0_Loma_Prieta">séisme de Loma Prieta</a>, en octobre 1989, dans la baie de Santa Cruz au Sud, le Bay Bridge qui relie San Francisco à Oakland à l’Est a en effet subi de dramatiques dommages. Ce que montre Vulcania sur cet évènement est très cinématographique, mais comporte quelques arrangements avec la réalité. Par exemple, le pont ne s’est pas du tout comporté en torsion, mais a vu son tablier supérieur s’effondrer par mouvement vertical. On a beaucoup appris de ce séisme californien, qui a changé le regard des scientifiques et des autorités. Le séisme annoncé, « The Big One » est toujours dans les esprits. On a pu alors insister sur la nécessité de messages de prévention de telles catastrophes naturelles, et il en est de même pour les volcans.</p>
<figure class="align-left ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/236052/original/file-20180912-133880-1qnwkhl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/236052/original/file-20180912-133880-1qnwkhl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=367&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/236052/original/file-20180912-133880-1qnwkhl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=367&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/236052/original/file-20180912-133880-1qnwkhl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=367&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/236052/original/file-20180912-133880-1qnwkhl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=461&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/236052/original/file-20180912-133880-1qnwkhl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=461&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/236052/original/file-20180912-133880-1qnwkhl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=461&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Katia et Maurice Krafft.</span>
<span class="attribution"><span class="source">United States Geological Survey</span></span>
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</figure>
<p>C’était là la préoccupation principale de Maurice et Katia Krafft avec qui j’ai longuement discuté de ces sujets. Les deux volcanologues ont pu transmettre leur message avec quelques succès, en Indonésie notamment. La passion a animé Maurice et sa compagne jusqu’au terrible jour de juin 1991 où un collègue de l’Ifremer m’a téléphoné, m’annonçant la terrible nouvelle de leur décès accidentel sur les flancs du mont Unzen au Japon. Qu’aurait pensé Maurice de ce que l’on montre aujourd’hui à Vulcania ? On y met la main devant soi pour éviter la bombe volcanique, on crie de peur, et on attend la fin du film pour rentrer chez soi. J’en suis choqué. Et que l’on ne vienne pas dire que c’est faute de moyens.</p>
<h2>Un exemple au Japon</h2>
<p>La situation est bien différente au Japon. Je suis allé, lors d’une année sabbatique, à Tsukuba, au Geological Survey of Japan, à l’AIST, regroupement de laboratoires de recherche. Dans la même ville se trouvaient les bureaux de la <a href="http://www.bosai.go.jp/e/">National Earthquake Research Institute</a>. Je suis allé les visiter, c’était le début des études sur les « séismes silencieux ». J’y ai vu des informations scientifiques actualisées sur les systèmes de prévention et d’alerte. Des séismomètres à installer partout, de la taille d’un paquet de cigarette, à une vingtaine de dollars pièce. Des vidéos, hautement informatives, tant sur les propagations des ondes (et effet de site sur l’ile de Hokkaido), que sur la prévention, et l’expérimentation. Il existe des vidéos de simulations de dégâts sur immeubles. En particulier, une table vibrante de 15 m<sup>2</sup>, sur laquelle on peut construire un immeuble de 5 étages et le soumettre à des ondes, telles celles enregistrées lors du séisme de Kobé en 1995. Encore plus saisissant, la simulation de chambres d’hôpital, avec des lits et appareils roulants qui se déplacent. C’est autrement éducatif que les effets spéciaux ! Les gens sont informés de ce qu’il convient de faire (ou pas) en cas de catastrophe.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/235886/original/file-20180911-144473-vp1cnl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/235886/original/file-20180911-144473-vp1cnl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=428&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/235886/original/file-20180911-144473-vp1cnl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=428&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/235886/original/file-20180911-144473-vp1cnl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=428&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/235886/original/file-20180911-144473-vp1cnl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=538&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/235886/original/file-20180911-144473-vp1cnl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=538&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/235886/original/file-20180911-144473-vp1cnl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=538&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">des enfants japonais apprennent à se protéger en cas de tremblement de terre avec un simulateur.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Airman 1st Class Donald Hudson/Yokota Base, US Army</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Idem pour les tsunamis. Je me suis rendu au Chili en aout 2010, pour donner une conférence grand public pour le personnel de l’Université catholique, dans le cadre de la « Journée de Prévention des Risques ». Cet évènement est maintenant annuel. Il se fonde sur le modèle du <a href="https://www.shakeout.org/california/">« Big Shake Out »</a> des Etats Unis, où le 18 octobre est consacré chaque année aux questions de prévention en cas de séisme. Cette journée est maintenant également observée en Nouvelle-Zélande, Canada et Japon. Il en est de même pour les tsunamis, avec l’<a href="http://itic.ioc-unesco.org/index.php">« International Tsunami Information Center »</a> piloté par l’Unesco. En plus des alertes (Tsunami Warning System), surtout développées sur le pourtour du Pacifique, il existe de nombreuses simulations, selon le relief des côtes.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/236013/original/file-20180912-133883-1c14h0e.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/236013/original/file-20180912-133883-1c14h0e.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=404&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/236013/original/file-20180912-133883-1c14h0e.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=404&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/236013/original/file-20180912-133883-1c14h0e.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=404&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/236013/original/file-20180912-133883-1c14h0e.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=507&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/236013/original/file-20180912-133883-1c14h0e.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=507&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/236013/original/file-20180912-133883-1c14h0e.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=507&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Signe de risque Tsunami aux Etats-Unis.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://en.wikibooks.org/wiki/High_School_Earth_Science/Nature_of_Earthquakes#/media/File:Tsunami_hazard_zone_sign.jpg">debaird from So California</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>En parle-t-on à Vulcania, ne serait-ce que sous forme de panneaux ou affiches ? Quid de la recherche et surveillance, si ce n’est le panneau sur le laboratoire « Magma et Volcans » de l’Université de Clermont-Ferrand, coincé en haut d’un escalier ? Dans ce parc, on peut aussi expérimenter la plongée en bathyscaphe. C’est peut-être ce qui a provoqué ma réaction la plus négative. On y annonce une plongée sur une ride océanique, avec des fumeurs noirs et blancs. Parfait ! on va en apprendre sur l’évolution de la vie… Sauf que la descente est chaotique, et peu intéressante d’un point de vue scientifique. Par exemple, on distingue des archéobactéries ou vers tubicoles, sans explications associées. Le regard sur l’apparition de la vie n’est pas pédagogique.</p>
<p>Résultat de la visite. On en garde l’impression que tout est basé sur les effets spéciaux, comme dans un film d’Hollywood, dans un but uniquement commercial. Quel intérêt pour les écoliers ? Susciter des vocations, hors celles de cinéaste numérique ? Décidément, je ne reconnais pas là, la passion qui animait Maurice et Katia. Je n’ose espérer qu’ils aient imaginé un tel dévoiement de leurs idéaux.</p>
<p>Si la France n’est pas à la hauteur avec Vulcania, est-ce alors différent ailleurs ? Il existe des parcs au Japon, le <a href="https://www.gotokyo.org/en/kanko/koto/education/65.html">« Tokyo Rinkai Disaster Park »</a>, en Corée du Sud, le <a href="http://english.visitkorea.or.kr/enu/ATR/SI_EN_3_1_1_1.jsp?cid=1267846">« Daegu Safety Theme Park »</a> à quelques centaines de kilomètres au sud de Séoul, et bien entendu aux USA, notamment à Seattle. Ce sont donc des parcs installés dans des régions qui subissent séismes et volcans, avec des intensités plus fortes que celles enregistrées en France.</p>
<h2>Conseils de survie</h2>
<p>Au Japon, le Rinkai Disaster Park, situé dans le port de Tokyo a été conçu en 2001, et inauguré dix ans plus tard. Sur 13 hectares, il comporte des salles de projection, une librairie et des salles dédiées. Il y a notamment une exposition qui informe les dégâts probables, et surtout donne des conseils de survie pendant 72 heures à un séisme dans une région urbaine. Les dégâts sont examinés dans différents cas d’urbanisation avec les précautions à prendre (portes coupe feu, normes para sismiques, utilisation des transports et ascenseurs…). <a href="https://www.jishin.go.jp/main/pamphlet/brochures2014en/earthquake_awareness_low.pdf">Des conseils</a> sont fournis sur les précautions pratiques (eau potable, couvertures, lampes…). Une table vibrante simule les effets ressentis dans différents types d’immeubles et de nombreuses vidéos informent sur les conséquences dans les bâtiments et les précautions à prendre. D’autres parcs existent tels ceux de « Hikarigaoka Park », déjà conçu dans les années 1940 ou le « Nakano Central Park ». Ces parcs sont moins des endroits de simulation ou de présentation des dégâts, que de gigantesques salles de classes expérimentales.</p>
<p>En Corée, le parc de Daegu est construit sur un mode similaire, mettant l’accent sur la prévention plutôt que les dégâts potentiels. Des petits groupes de visiteurs sont ainsi guidés au travers une dizaine de scénarios-catastrophes. A Seattle, une dizaine d’ateliers simulent aussi bien les dégâts créés par les ouragans ou les tsunamis, que ceux générés par les volcans (le Mount St Helens n’est pas loin), ou les séismes.</p>
<p>On constate que ces parcs à contenu scientifique, sont à la fois des parcs d’attractions, dans la mesure où ils illustrent les dégâts des catastrophes naturelles, mais mettent aussi l’accent sur la prévention et les précautions à prendre en cas de catastrophes. Comme quoi le spectaculaire peut très bien s’accommoder du pédagogique !</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/102888/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jean Louis Vigneresse ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>L'éducation du public peut sauver nombre de vies en cas de catastrophe naturelle, séismes ou tsunamis. Les parcs scientifiques pourraient en faire plus en matière de prévention.Jean Louis Vigneresse, Géophysicien, Université de LorraineLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1019022018-09-04T19:10:55Z2018-09-04T19:10:55ZVulgarisation scientifique : une discipline émergente au Mexique<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/232835/original/file-20180821-30584-1hn3svy.JPG?ixlib=rb-1.1.0&rect=5%2C10%2C3637%2C2031&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Extraction d’ADN lors d’un atelier organisé à Mexico par l’association ADN Aprende y Descubre la Naturaleza (en français, ADN Apprends et Découvre la Nature).</span> </figcaption></figure><p><em><a href="https://theconversation.com/mediation-scientifique-le-reve-americain-99372">Après les États-Unis</a>, c’est au tour du Mexique d’être passé au crible par l’équipe de <a href="http://www.sciencevagabonde.com/">Science vagabonde</a>. Thibaud Sauvageon et Mariana Díaz nous livrent leurs impressions sur l’état de la communication des sciences dans ce pays en plein changement.</em></p>
<hr>
<p>Après la côte ouest mexicaine, les États-Unis et le Canada, nous avons repris la route vers le centre du Mexique. Heureux hasard, nous sommes passés par la ville de Guanajuato au moment où la <a href="http://somedicyt.org.mx/">Société mexicaine de la vulgarisation des sciences et techniques</a> y organisait son congrès bisannuel. Nous avons donc eu la chance et l’honneur d’assister à ce rassemblement de 300 vulgarisateurs venus de tout le pays. Conférences, tables rondes, débats… Cet événement hors du commun nous a permis de prendre la température de la vulgarisation des sciences au Mexique.</p>
<p>En 2011, le chimiste mexicain Aarón Pérez-Benítez présentait cette activité dans son pays comme <a href="https://ac.els-cdn.com/S0187893X18301484/1-s2.0-S0187893X18301484-main.pdf?_tid=1d9ec18b-556a-4f4b-8489-838c55bed382&acdnat=1534827941_59152275fbd170ad9d1dfb163b11c303">« une passion, un défi, un art… une activité incomprise »</a>. Sept ans plus tard, cette situation a-t-elle changé ?</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/234216/original/file-20180830-195316-1khfmsr.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/234216/original/file-20180830-195316-1khfmsr.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=337&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/234216/original/file-20180830-195316-1khfmsr.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=337&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/234216/original/file-20180830-195316-1khfmsr.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=337&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/234216/original/file-20180830-195316-1khfmsr.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=423&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/234216/original/file-20180830-195316-1khfmsr.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=423&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/234216/original/file-20180830-195316-1khfmsr.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=423&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Ouverture du congrès bisannuel de la Société mexicaine de vulgarisation des sciences et techniques.</span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Une activité très majoritairement bénévole</h2>
<p>La première chose qui nous frappe en observant la vulgarisation scientifique au Mexique, c’est son amateurisme. Non pas par sa qualité, mais par la situation économique et professionnelle de ceux qui la pratiquent ! D’après Jorge Padilla González, chercheur et co-auteur de l’étude <a href="http://www.redpop.org/wp-content/uploads/2017/06/Diagnostico-divulgacion-ciencia_web.pdf"><em>Diagnostic de la vulgarisation de la science en Amérique Latine : Un regard sur la pratique de terrain</em></a>, seul un vulgarisateur sur dix exerce cette activité de manière rémunérée. Dans l’immense majorité des cas, il s’agit d’une démarche totalement bénévole réalisée par des chercheurs, des étudiants ou de simples citoyens.</p>
<blockquote>
<p>« D’un côté on pourrait dire que c’est une bonne chose, que c’est de l’altruisme, que ça fait partie des responsabilités de la société… Mais si on va dans ce sens, la vulgarisation ne sera jamais professionnelle. Si un médecin a le droit légitime de gagner sa vie en exerçant son activité de médecin, un vulgarisateur devrait aussi pouvoir vivre de la vulgarisation. »</p>
</blockquote>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/234222/original/file-20180830-195331-4nedmp.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/234222/original/file-20180830-195331-4nedmp.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=337&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/234222/original/file-20180830-195331-4nedmp.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=337&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/234222/original/file-20180830-195331-4nedmp.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=337&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/234222/original/file-20180830-195331-4nedmp.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=423&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/234222/original/file-20180830-195331-4nedmp.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=423&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/234222/original/file-20180830-195331-4nedmp.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=423&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Rencontre avec Jorge Padilla González, co-auteur de l’étude « Diagnostic de la vulgarisation de la science en Amérique latine : Un regard sur la pratique de terrain ».</span>
</figcaption>
</figure>
<p>Le caractère non professionnel de la vulgarisation scientifique au Mexique, relevé par Jorge Padilla González, est facilement vérifiable. En discutant avec les participants du congrès, nous nous rendons compte que, malgré un coût relativement élevé, beaucoup ont payé l’inscription de leur poche ! Les budgets alloués à la communication des sciences sont extrêmement faibles et il est très courant de voir des professionnels investir leur propre argent dans des équipements de travail (caméras, micros…). Indéniablement, la vulgarisation scientifique au Mexique coûte beaucoup plus d’argent à ses acteurs qu’elle ne leur en rapporte.</p>
<p>Cette situation est dommageable, mais présente tout de même un avantage : le monde de la médiation scientifique au Mexique est pour l’essentiel constitué de passionnés. Les vulgarisateurs redoublent d’efforts et de créativité pour proposer une communication de qualité avec le public. Personne ne compte ses heures. Et dans un contexte institutionnel plutôt défavorable, l’ambiance n’est pas à la compétition, mais à la solidarité et à l’entraide. Tout le monde trouve sa place dans un milieu où les vulgarisateurs restent rares face à une population mexicaine très nombreuse. De plus, le très large éventail de médias possibles (musées, ateliers, conférences, blogs…) ne donne à personne l’impression d’empiéter sur un terrain déjà occupé.</p>
<h2>Une nouvelle vague de vulgarisateurs 2.0</h2>
<p>Depuis quelques années, l’utilisation massive et de plus en plus diversifiée d’Internet change également le visage de la vulgarisation des sciences. Si <a href="http://sciencedecomptoir.cafe-sciences.org/youtube-tournant-vulgarisation-scientifique/">ce phénomène peut être observé à l’échelle mondiale</a>, les jeunes Mexicains ne sont pas en reste. De nombreux projets sont montés de manière indépendante par des étudiants ou de simples passionnés qui voient en Internet une tribune ouverte et facilement accessible. Blogs, chaînes YouTube, réseaux sociaux… L’aisance de la jeune génération avec les nouvelles technologies a provoqué une production exponentielle de contenus scientifiques de qualité et touchant un public sans cesse plus nombreux.</p>
<p>Loin des milieux officiels, les jeunes YouTubeurs-vulgarisateurs mexicains sont parvenus à créer une communauté solide et montent de nombreux projets collaboratifs. À travers un groupe de discussion sur l’application WhatsApp et sur Facebook, ils échangent quotidiennement pour se tenir informés de l’avancée de leurs projets respectifs. Norberto Espíritu, doctorant en astrophysique et co-auteur de la chaîne YouTube <a href="https://www.youtube.com/channel/UCgmvxxs23lRBV9_zK-u9E4w">« Astrofísicos en Acción »</a> (Astrophysiciens en Action), nous parle de son rapport aux médias traditionnels :</p>
<blockquote>
<p>« Entre vulgarisateurs, il existe une sorte de compétition amusante. Nous ne sommes pas en compétition avec les médias de masse, mais entre YouTubeurs, pour voir qui sortira une info en premier. […] Avec Astrofísicos en Acción, notre objectif n’a jamais été de remplacer les médias traditionnels. Nous pensons que les réseaux sociaux et les médias traditionnels sont complémentaires, car nous avons des publics totalement différents. »</p>
</blockquote>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/234223/original/file-20180830-195313-1fmgd7p.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/234223/original/file-20180830-195313-1fmgd7p.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=336&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/234223/original/file-20180830-195313-1fmgd7p.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=336&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/234223/original/file-20180830-195313-1fmgd7p.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=336&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/234223/original/file-20180830-195313-1fmgd7p.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=422&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/234223/original/file-20180830-195313-1fmgd7p.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=422&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/234223/original/file-20180830-195313-1fmgd7p.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=422&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Norberto Espíritu, de la chaîne YouTube « Astrofísicos en Acción », nous raconte son expérience de YouTubeur.</span>
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</figure>
<p>Globalement, cette nouvelle vague de vulgarisateurs 2.0 est accueillie avec bienveillance par les professionnels du milieu. La différence générationnelle est bien présente, mais on perçoit une sincère reconnaissance mutuelle entre jeunes vulgarisateurs et communicants chevronnés. Que ce soit par l’expérience acquise au long des années ou par l’énergie créative de la jeunesse, tout le monde a quelque chose à apprendre de l’autre.</p>
<h2>« Nous ne sommes pas des supporters des sciences ! »</h2>
<p>Alors que les moyens de communication des sciences au Mexique se diversifient, la nature même des contenus doit être repensée. C’est en tout cas l’avis de la philosophe des sciences Aline Guevara Villegas, responsable de la communication de l’Institut des sciences nucléaires de l’Université nationale autonome du Mexique. Selon elle, le communicant des sciences n’a pas seulement un devoir d’informer. Il a aussi et surtout un rôle social et politique à jouer.</p>
<blockquote>
<p>« Le problème avec la vulgarisation scientifique traditionnelle, c’est qu’elle parle au nom de l’intérêt scientifique. Mais en réalité, nous devons aussi défendre l’intérêt public. Nous ne sommes pas des supporters des sciences ! Nous ne devons pas non plus lui mettre des bâtons dans les roues, mais nous devons avant tout jouer le rôle de médiateurs entre intérêt scientifique et intérêt public. »</p>
</blockquote>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/234225/original/file-20180830-195316-11zb7xg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/234225/original/file-20180830-195316-11zb7xg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=336&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/234225/original/file-20180830-195316-11zb7xg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=336&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/234225/original/file-20180830-195316-11zb7xg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=336&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/234225/original/file-20180830-195316-11zb7xg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=423&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/234225/original/file-20180830-195316-11zb7xg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=423&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/234225/original/file-20180830-195316-11zb7xg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=423&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Aline Guevara Villegas nous reçoit dans les locaux de l’Institut des sciences nucléaires de l’Université nationale autonome du Mexique.</span>
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</figure>
<p>Aline Guevara Villegas a travaillé comme médiatrice dans la mise en œuvre d’un projet scientifique international : l’<a href="https://www.hawc-observatory.org/">observatoire HAWC</a>. Cet observatoire de rayons cosmiques a été installé en 2009 sur le volcan Sierra Negra, dans l’état de Puebla. Cependant, lors de son installation, l’observatoire a été sujet à une forte réticence de la part des populations vivant sur place. Le volcan étant classé réserve naturelle et l’accès à l’eau étant difficile dans cette région asséchée, l’utilisation par les chercheurs de 54 000 m<sup>3</sup> d’eau cristalline nécessaires au fonctionnement de l’observatoire a du mal à passer… Dans un tel contexte, la communication des sciences n’a pas pour objectif de satisfaire la curiosité du public :</p>
<blockquote>
<p>« En tant que médiateurs scientifiques, nous devons identifier des points d’intérêt commun entre les scientifiques et les communautés locales ; des sujets qui pourraient générer des tensions, de potentiels conflits d’intérêts… Dans notre cas, un des sujets sensibles, c’est l’eau. […] Les sciences et les rayons cosmiques ont un lien avec cette thématique, mais notre fonction principale n’est pas de parler de rayons cosmiques. Notre rôle est de faire en sorte que chacun puisse comprendre quelles sont les nécessités de l’autre. »</p>
</blockquote>
<p>Dans ce cas, la communication n’est pas descendante du scientifique vers le public mais est menée de façon bilatérale. C’est pourquoi Aline Guevara Villegas veut impliquer les chercheurs dans la démarche de vulgarisation tout en militant pour une formation de professionnels de la communication scientifique. D’après elle, plus que le grand public, le premier sujet d’étude du médiateur des sciences est le chercheur lui-même…</p>
<h2>Un long chemin vers la professionnalisation</h2>
<p>Les différentes rencontres et observations que nous avons pu faire durant notre séjour au Mexique nous laissent entrevoir un véritable tournant dans la manière de communiquer les sciences. Il est de plus en plus question de créer des filières universitaires dédiées à la communication des sciences ; on voit apparaître des revues scientifiques spécialisées ; les réseaux de vulgarisateurs se densifient et s’organisent… La vulgarisation scientifique se consolide peu à peu comme une discipline à part entière. Et dans cette discipline en plein essor, le Mexique est généralement considéré comme <a href="http://noticias.universia.net.mx/en-portada/noticia/2012/05/04/927363/mexico-pionero-divulgacion-cientifica.html">« un pionnier » en Amérique Latine</a>.</p>
<p>Nous reprenons désormais la route vers le sud pour parcourir le reste du continent dans les mois à venir. Il est certain que la suite de notre voyage nous réservera des rencontres inattendues et de nouveaux éléments de réflexion. Comment les sciences se font-elles en Amérique Centrale ? Et comment sont-elles communiquées ? Pour le savoir, rendez-vous dans notre prochaine chronique !</p>
<p>Pour les plus impatients, n’oubliez pas que vous pouvez toujours suivre notre itinéraire en temps réel et nos reportages sur notre <a href="http://www.sciencevagabonde.com/">site Internet</a> et sur les réseaux sociaux (<a href="https://www.facebook.com/ScienceVagabonde/">Facebook</a>, <a href="https://twitter.com/Science_Vaga">Twitter</a>, <a href="https://www.instagram.com/sciencevagabonde/">Instagram</a>).</p>
<p>À bientôt !</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/101902/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
Après les États-Unis, c’est au tour du Mexique d’être passé au crible par l’équipe de Science vagabonde. Ses impressions sur l’état de la communication des sciences dans ce pays en plein changement.Thibaud Sauvageon, Reporter indépendant, cofondateur de Science vagabonde, correspondant du laboratoire CREM, Université de LorraineLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/993722018-07-11T23:35:50Z2018-07-11T23:35:50ZMédiation scientifique : le rêve américain ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/226082/original/file-20180704-73320-12wojjs.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C158%2C3648%2C2255&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Enregistrement d'une conférence à l'Université de Californie à Berkeley</span> </figcaption></figure><p><em>Thibaud Sauvageon et Mariana Díaz sillonnent le monde à la rencontre des acteurs du monde des sciences. Après une première partie de voyage en Amérique du Nord, ils nous livrent leur témoignage.</em></p>
<hr>
<h2>L’Amérique du Nord, terre de sciences</h2>
<p>En nous lançant dans le projet <a href="http://www.sciencevagabonde.com">Science vagabonde</a>, Mariana et moi souhaitions dresser un état des lieux des sciences dans le monde. Comment les différentes cultures du monde influencent-elles la manière de voir et de faire les sciences ? Et à l’inverse, comment le développement scientifique modifie-t-il les différentes cultures locales ? Pour tenter de répondre à ces questions, nous avons débuté <a href="https://theconversation.com/science-vagabonde-un-voyage-autour-des-sciences-94555">notre voyage</a> au mois d’avril. De notre point de départ sur la côte ouest mexicaine où <a href="http://www.sciencevagabonde.com/el-manglito-le-pari-dune-peche-durable/">nous étions allés à la rencontre de pêcheurs et de biologistes marins</a>, nous avons traversé, sac sur le dos, une partie des États-Unis et du Canada.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/226084/original/file-20180704-73312-10vjdnc.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/226084/original/file-20180704-73312-10vjdnc.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=395&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/226084/original/file-20180704-73312-10vjdnc.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=395&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/226084/original/file-20180704-73312-10vjdnc.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=395&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/226084/original/file-20180704-73312-10vjdnc.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=496&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/226084/original/file-20180704-73312-10vjdnc.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=496&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/226084/original/file-20180704-73312-10vjdnc.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=496&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Itinéraire suivi dans le cadre du projet Science vagabonde.</span>
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</figure>
<p>De San Diego à Washington, en passant par San Francisco, Montréal ou encore New York, nous avons poussé les portes d’universités, de centres de recherche et de musées des sciences. Nous avons également rencontré des chercheurs, des étudiants et des médiateurs scientifiques. Nous avons eu l’occasion de tourner quatre reportages à San Diego, Berkeley, Montréal et Sherbrooke, sur des thématiques aussi variées que la glycobiologie, la génétique ou la bioraffinerie. Mais au-delà de ces tournages, l’échange avec de nombreux acteurs du monde scientifique sur leur lieu de travail a été une véritable expérience en soi.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/226085/original/file-20180704-73312-u7m35e.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/226085/original/file-20180704-73312-u7m35e.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=212&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/226085/original/file-20180704-73312-u7m35e.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=212&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/226085/original/file-20180704-73312-u7m35e.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=212&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/226085/original/file-20180704-73312-u7m35e.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=267&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/226085/original/file-20180704-73312-u7m35e.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=267&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/226085/original/file-20180704-73312-u7m35e.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=267&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Visite du Laboratoire des Technologies de la Biomasse de l’Université de Sherbrooke.</span>
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<p>La notoriété des États-Unis en termes de sciences n’est plus à faire. <a href="https://atlasocio.com/classements/education/nobel/classement-etats-par-nombre-laureats-prix-nobel-monde.php">Ce pays aux 371 prix Nobel</a> est à la pointe dans de très nombreux domaines de recherche. Bien que pouvant être sujet à de nombreuses critiques, le système universitaire étatsunien, très élitiste, se révèle efficace dans la production de résultats scientifiques.</p>
<p>Mais qu’en est-il de la transmission des sciences vers le grand public ? La médiation scientifique est-elle à la hauteur des travaux menés dans les laboratoires étatsuniens ?</p>
<h2>Des chercheurs investis dans la médiation scientifique</h2>
<p>Nous avons tout d’abord été surpris par l’assez bonne qualité de vulgarisation dont a fait preuve la totalité des scientifiques rencontrés. Qu’il s’agisse de professeurs, de doctorants ou même de stagiaires, nous avons remarqué une certaine aisance à situer leurs recherches dans leur contexte.</p>
<p>Cette faculté à adapter son discours au public visé pourrait bien s’expliquer par un système éducatif très axé sur l’expression orale. À l’université, les étudiants enseignent dès la licence. Cette place accordée à l’enseignement dans la formation universitaire se perçoit très clairement dans leur prise de parole en public. L’Histoire des sciences n’est pas non plus négligée dans les différents cursus universitaires. On enseigne aux futurs scientifiques, de manière systématique, l’histoire de leur discipline. Selon nous, ce point est fondamental pour former non seulement de bons chercheurs, mais aussi de bons communicants.</p>
<p>N’oublions pas non plus que les États-Unis se sont fait une spécialité du spectacle ! Dans cette culture du « show » et de la mise en scène, on ne s’étonne pas de voir des scientifiques adopter un véritable jeu d’acteur le temps d’une animation auprès du grand public.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/226089/original/file-20180704-73300-1nkz1hm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/226089/original/file-20180704-73300-1nkz1hm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/226089/original/file-20180704-73300-1nkz1hm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/226089/original/file-20180704-73300-1nkz1hm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/226089/original/file-20180704-73300-1nkz1hm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/226089/original/file-20180704-73300-1nkz1hm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/226089/original/file-20180704-73300-1nkz1hm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Pascal Gagneux, chercheur à l’Université de Californie à San Diego, n’hésite pas à donner de sa personne lors de l’événement « Taste of Science », dans un bar de San Diego.</span>
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<h2>Une activité utile voire nécessaire</h2>
<p>Mais plus que par la manière de communiquer les sciences, nous avons avant tout été étonnés par l’importance accordée à cette communication. Les chercheurs que nous avons sollicités se sont montrés très disponibles, n’hésitant pas à nous accorder plusieurs heures de leur temps pour nous faire visiter leurs installations et échanger autour de leurs travaux. Les rencontres avec les universitaires vont souvent bien plus loin qu’une simple interview. Ils prennent le temps de vérifier que l’on a bien compris leur sujet et n’hésitent pas à nous expliquer dans le détail les concepts de base de leur discipline.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/226090/original/file-20180704-73300-q9vptb.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/226090/original/file-20180704-73300-q9vptb.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=337&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/226090/original/file-20180704-73300-q9vptb.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=337&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/226090/original/file-20180704-73300-q9vptb.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=337&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/226090/original/file-20180704-73300-q9vptb.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/226090/original/file-20180704-73300-q9vptb.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/226090/original/file-20180704-73300-q9vptb.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Johan Jaenisch, de l’Université de Californie à Berkeley, nous donne un cours de génétique.</span>
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</figure>
<p>Pascal Gagneux est chercheur en glycobiologie à l’Université de Californie à San Diego. Il nous confie que pratiquer la médiation peut avoir une utilité bien concrète :</p>
<blockquote>
<p>« La vulgarisation peut toujours apporter des gens qui vont te donner de l’argent. Il y a pas mal de recherches aux États-Unis qui profitent de la philanthropie de privés qui rencontrent un chercheur ou une chercheuse et qui disent “J’aime bien ce que tu fais. Fais plus !” »</p>
</blockquote>
<p>Il n’est effectivement pas rare de voir, dans les universités étatsuniennes, des amphithéâtres ou bâtiments portant le nom de donateurs. Dans ce contexte où le <a href="http://archives.lesechos.fr/archives/cercle/2013/02/12/cercle_65419.htm">mécénat est considéré comme une source de financement à part entière</a>, il est important de ne pas négliger les actions de médiation scientifique pour séduire de potentiels financeurs.</p>
<p>Mais outre cette utilité liée aux financements, on ressent presque une forme de militantisme à vulgariser les sciences. Car si les chercheurs peuvent être perçus par certains comme une élite, la proportion d’Étatsuniens mettant en doute certains principes scientifiques de base est déroutante. <a href="https://www.la-croix.com/Religion/Protestantisme/Aux-Etats-Unis-projets-pour-enseigner-creationnisme-lycee-2017-03-17-1200832743">4 Étatsuniens sur 10 seraient créationnistes</a>, alors que de <a href="http://www.lefigaro.fr/sciences/2017/12/29/01008-20171229ARTFIG00049-nouvelle-sortie-polemique-de-trump-sur-le-rechauffement-climatique.php">nombreuses personnes remettent en doute l’idée même du changement climatique</a>… Une grande partie des scientifiques que nous avons rencontrés se sentent investis d’une mission : celle de remettre un peu d’ordre dans cette société où scepticisme et déni scientifique sont trop souvent confondus.</p>
<p><a href="https://lacademie.tv/conferences/deni-science-scepticisme-nihiliste">Comme l’explique Alexandre Mauron</a>, professeur d’éthique à l’Université de Genève, il est nécessaire de savoir remettre en doute certains consensus scientifiques, du moment que cette remise en cause s’appuie sur la méthode scientifique et sur des arguments rationnels. Lorsque le rejet de certaines théories se base sur des opinions relevant de croyances irrationnelles, on peut alors parler de déni scientifique.</p>
<p>La lutte contre le déni scientifique semble donc être le cheval de bataille de nombreux chercheurs pratiquant la médiation scientifique aux États-Unis.</p>
<h2>La communication scientifique comme véritable enjeu politique</h2>
<p>Selon Yves Gingras, sociologue des sciences à l’Université du Québec à Montréal, informer le grand public fait partie intégrante du rôle du scientifique dans une société démocratique :</p>
<blockquote>
<p>« Aujourd’hui, nous vivons dans un monde essentiellement technoscientifique. Au XXI<sup>e</sup> siècle, une démocratie et un choix éclairé obligent la connaissance des éléments de base de la science. La fonction du scientifique est donc d’apprendre aux gens à réfléchir de façon rationnelle […] pour prendre des décisions éclairées sur les réacteurs nucléaires, sur les OGM, sur les pluies acides… »</p>
</blockquote>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/226092/original/file-20180704-73326-eqvy2i.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/226092/original/file-20180704-73326-eqvy2i.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=336&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/226092/original/file-20180704-73326-eqvy2i.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=336&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/226092/original/file-20180704-73326-eqvy2i.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=336&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/226092/original/file-20180704-73326-eqvy2i.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=423&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/226092/original/file-20180704-73326-eqvy2i.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=423&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/226092/original/file-20180704-73326-eqvy2i.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=423&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Rencontre avec Yves Gingras, sociologue des sciences à l’Université du Québec à Montréal.</span>
</figcaption>
</figure>
<p>Et si les chercheurs n’hésitent pas à utiliser personnellement la médiation comme outil de persuasion, les institutions et centres de recherche prennent également ce rôle très à cœur.</p>
<p>L’Innovative Genomics Institute, à Berkeley, a par exemple mis en place un programme de médiation intitulé <a href="https://innovativegenomics.org/resources/educational-materials/ask-a-scientist/">Ask a scientist</a> (en français, « Demande à un scientifique »). Sur simple inscription sur son site, l’institut propose une rencontre en visioconférence entre des élèves du monde entier et leurs chercheurs. En touchant directement le grand public, l’institut souhaite rompre avec des idées reçues sur l’édition génomique.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/226093/original/file-20180704-73329-1vv4lxs.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/226093/original/file-20180704-73329-1vv4lxs.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=448&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/226093/original/file-20180704-73329-1vv4lxs.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=448&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/226093/original/file-20180704-73329-1vv4lxs.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=448&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/226093/original/file-20180704-73329-1vv4lxs.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=563&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/226093/original/file-20180704-73329-1vv4lxs.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=563&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/226093/original/file-20180704-73329-1vv4lxs.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=563&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Rencontre entre Kevin Doxzen, chercheur de l’Innovative Genomics Institute, et des lycéens dans le cadre du programme « Ask a Scientist ».</span>
</figcaption>
</figure>
<p>Selon Yves Gingras, il faut néanmoins rester vigilants face à la communication scientifique officielle de certains centres de recherche. Ces derniers utiliseraient parfois communication et médiation dans un intérêt purement stratégique :</p>
<blockquote>
<p>« Les scientifiques vous promettent mers et mondes. Au début des années 70, j’étais allé à un congrès où le directeur d’un laboratoire nous disait “Le réacteur de fusion nucléaire, ça va être prêt dans les années 90.” On est en 2018, on n’a pas de réacteur à fusion nucléaire. Mais qu’est-ce qu’on nous annonce ? Des réacteurs à fusion nucléaire pour 2045 ! […] On prend les gens pour des naïfs. Il y a un lien entre la propagande scientifique, l’économie de la promesse et le déclin de la confiance envers les scientifiques. »</p>
</blockquote>
<p>Dans le but d’obtenir une large visibilité médiatique et d’augmenter les chances de financements, certains laboratoires seraient ainsi prêts à promettre des résultats qu’ils n’ont pourtant pas les moyens actuels d’obtenir. Cette communication émanant des institutions pourrait en fin de compte desservir leur cause lorsque des intérêts sous-jacents sont perceptibles par le grand public.</p>
<h2>Vers de nouveaux horizons</h2>
<p>Après notre voyage à la rencontre du monde scientifique aux États-Unis, nous avons finalement pu constater que la médiation est généralement considérée comme une activité utile par les chercheurs. Elle n’est, à ce titre, pas négligée.</p>
<p>Cependant, malgré ces efforts sincères de transmission de la connaissance, les médiateurs sont souvent rattrapés par une réalité difficile. Le déni de science est un phénomène bien présent auquel il est parfois dur de se confronter. Cette incompréhension du monde scientifique par le grand public est d’une complexité telle que la médiation des sciences ne suffira pas à inverser la tendance à elle seule. Il s’agit incontestablement d’un problème à dimension politique. Réconcilier l’ensemble de la société étatsunienne avec les sciences, voilà un véritable défi pour les années à venir.</p>
<p>Pour conclure, ajoutons qu’à l’issue de deux mois de voyage, nous n’avons bien sûr pu capter qu’une infime partie de ce que peut représenter le monde scientifique nord-américain. Pour nous permettre un parallèle avec la méthode scientifique, la comparaison est toujours plus aisée que la mesure absolue. Nous reprenons donc la route avec de nouveaux points de référence et avec une curiosité d’autant plus grande : celle de découvrir d’autres univers culturels et scientifiques. Après un deuxième passage par le Mexique, nous nous envolerons bientôt pour Cuba. Nous essayerons de comprendre comment ce pays a pu se maintenir à la pointe de la recherche en sciences médicales malgré un embargo économique d’un peu plus d’un demi-siècle…</p>
<p>En attendant, n’hésitez pas à réagir, retrouver nos reportages et suivre notre avancée sur notre site Internet : <a href="http://www.sciencevagabonde.com">sciencevagabonde.com</a>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/99372/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
Thibaud Sauvageon et Mariana Díaz sillonnent le monde à la rencontre des acteurs du monde des sciences. Après une première partie de voyage en Amérique du Nord, ils nous livrent leur témoignage.Thibaud Sauvageon, Reporter indépendant, cofondateur de Science vagabonde, correspondant du laboratoire CREM, Université de LorraineLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/946832018-04-26T21:44:55Z2018-04-26T21:44:55ZDévelopper l’éducation par la recherche avec un carnet numérique<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/215439/original/file-20180418-163986-yh4frk.JPG?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C4881%2C3092&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Élèves Savanturiers en pleine expérience, mai 2017.</span> <span class="attribution"><span class="source">Savanturiers</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-sa/4.0/">CC BY-NC-SA</a></span></figcaption></figure><p>Dans la plupart des pays développés, l’enseignement des sciences poursuit sa lente mutation. Les considérations méthodologiques occupent dans les discours une place croissante. Au moins sur le papier, les nouvelles générations d’enseignants sont encouragées à mettre davantage l’accent sur l’appropriation de la démarche scientifique, du raisonnement, et moins sur la mémorisation de faits ou de lois.</p>
<p>On rappelle à loisir que les enjeux dépassent la formation des futures générations de scientifiques, car il s’agit aussi, au travers de la maîtrise de la démarche scientifique, de développer l’esprit critique de chaque citoyen.</p>
<h2>Initier à la méthode scientifique</h2>
<p>Pour ce faire, il est utile de s’attacher à ce que les enseignements portent davantage sur la manière dont les savoirs ont été créés. On a longtemps véhiculé dans l’enseignement une vision dogmatique de la science – qui s’apparente pour beaucoup d’élèves à une collection de vérités gravées dans le marbre. Pour contrecarrer cette tendance, quoi de mieux que d’engager ces élèves dans une démarche de création de savoirs, par la conception d’un projet de recherche miniature.</p>
<p>C’est dans ce contexte de mutation de l’enseignement qu’a émergé l’idée du <a href="https://bit.ly/2qhZFN8">Cahier Numérique de l’Élève Chercheur</a> (CNEC), application qui vise à aider élèves et enseignants à structurer de petits projets scientifiques.</p>
<p>L’outil n’est encore qu’au stade du prototype. Il faudra encore une ou deux années supplémentaires avant qu’il ne soit pleinement opérationnel, mais dévoilons néanmoins quelques-unes de ses caractéristiques.</p>
<h2>« Les Savanturiers du numérique »</h2>
<p>L’application est développée au sein du consortium eFRAN « Les Savanturiers du Numérique », assemblage d’acteurs aux compétences diverses :</p>
<ul>
<li><p><a href="https://bit.ly/2II0WUx">Les Savanturiers</a>, programme fondée par une ancienne professeure des écoles qui revendique l’enseignement de la démarche scientifique au travers de projets d’une dizaine de séances, mentorés par des experts du domaine</p></li>
<li><p><a href="https://www.tralalere.com/">Tralalère</a>, entreprise spécialisée dans les ressources numériques pour l’éducation, qui assure la co-conception, le développement et le maintien de la technologie</p></li>
<li><p>Les Académies de Paris et de Créteil, qui apportent expertise et opportunités de mise à l’épreuve des prototypes</p></li>
<li><p><a href="http://eda.recherche.parisdescartes.fr/">EDA, laboratoire de sciences de l’éducation</a>, pour apporter l’éclairage de la recherche.</p></li>
</ul>
<p>Le CNEC vise à outiller les projets Savanturiers de bout en bout au travers d’une assez vaste palette d’outils. La Fiche Recherche structure la démarche, « étaye » les élèves dans le passage des différentes étapes du projet, de leur question de recherche aux conclusions finales en passant par la rédaction des hypothèses et du protocole.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/215440/original/file-20180418-163998-libyz7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/215440/original/file-20180418-163998-libyz7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/215440/original/file-20180418-163998-libyz7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/215440/original/file-20180418-163998-libyz7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/215440/original/file-20180418-163998-libyz7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/215440/original/file-20180418-163998-libyz7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/215440/original/file-20180418-163998-libyz7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/215440/original/file-20180418-163998-libyz7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Jeunes Savanturières présentant leur projet sur la glace (juin 2017).</span>
<span class="attribution"><span class="source">Savanturiers</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-sa/4.0/">CC BY-NC-SA</a></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Structurer une démarche de découverte</h2>
<p>À chaque étape, les points d’attention sont rappelés. Vous avez rédigé une question ? C’est parfait, mais est-ce une question dont la réponse appelle la mise en œuvre d’une démarche scientifique ? On évitera par exemple les questions qui appellent des réponses binaires : oui/non. Vous avez produit un protocole – très bien – mais que vouliez-vous tester ce faisant ? Vous aviez une hypothèse en tête n’est-ce pas ? De quel matériel allez-vous avoir besoin, quelles sont les différentes étapes ?</p>
<p>En somme, il s’agit de structurer la démarche sans pour autant donner aux élèves les réponses clefs en main – de toute façon, ces réponses n’existent pas toujours. L’élève n’a pas à se cantonner à suivre pas à pas une recette toute prête, sans comprendre les tenants et les aboutissants des choix expérimentaux effectués.</p>
<p>Les programmes encouragent l’élève à être plus investi dans la formulation des hypothèses, dans la conception expérimentale. Mais on ne peut pas le laisser seul face à une feuille blanche et quelques menus conseils, d’où l’importance de l’étayage. Que pensez-vous qu’il advienne sinon ? Ils se mettront éventuellement à manipuler le matériel qu’on leur aura fourni. Mais l’utiliser pour tester des hypothèses, pour s’insérer dans une démarche scientifique, il y a là un fossé qui ne peut être franchi seul.</p>
<p>Étayer la démarche d’un élève, voilà qui n’a rien de révolutionnaire me direz-vous ; c’est le pain quotidien de centaines de milliers d’enseignants en France. Certes, mais ceux qui utilisent le numérique pour le faire ne sont a priori pas monnaie courante. Par ailleurs, d’autres éléments sont intégrés dans l’application, comme des outils de brainstorming, qui facilitent la génération et la catégorisation d’idées.</p>
<h2>Du Carnet numérique aux travaux personnels encadrés ?</h2>
<p>Enfin, le CNEC est pensé pour être utilisé en groupe. Le travail en équipe reste encore peu développé dans nos enseignements, et il est temps que gagnent en importance les technologies éducatives qui facilitent les dynamiques de groupe. D’où l’importance donnée à la question dans l’outil, qui vise à aider la mise en place d’une alternance entre les différentes modalités de travail – seul, en groupe, en classe entière – après tout, la recherche est une œuvre collective, et il peut être bon que cela se reflète dans les projets qui ont vocation à initier à la démarche scientifique.</p>
<p>Qu’on se le dise, personne ne prétend qu’une technologie éducative permettra de produire à la chaîne de futurs scientifiques. Évidemment, l’outil ne se substitue pas au travail du professeur ; tout au plus accompagne-t-il la démarche, dont la qualité est fonction du niveau de formation des enseignants. Il est néanmoins indubitable que la technologie constitue une composante essentielle de toute stratégie visant à faire évoluer à grande échelle les pratiques sur le terrain.</p>
<p>Notons à ce propos que l’enjeu dépasse le seul cadre des projets Savanturiers. Les Travaux Personnels Encadrés – les fameux TPE – sont une autre application possible de l’outil, mais on peut en imaginer bien d’autres. De manière générale, toute pédagogie fondée sur les projets en équipe, en particulier dans le domaine des sciences, pourrait bénéficier du CNEC.</p>
<p>À bien des égards, sa vocation est de contribuer au développement d’approches pédagogiques, qui, si elles constituent sans aucun doute un défi pour l’enseignant tant l’orchestration de la pédagogie par projet comporte de difficultés, n’en ont pas moins de beaux jours devant eux. Du moins l’espère-t-on.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/94683/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Matthieu Cisel est l'un des porteurs du projet « Le Savanturiers du numérique ».</span></em></p>Le projet de Cahier Numérique de l’Élève Chercheur développe une application qui vise à aider élèves et enseignants à structurer des projets scientifiques miniatures.Matthieu Cisel, Post-doctorant en Sciences de l'éducation, Learning Planet Institute (LPI)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/945552018-04-10T19:36:09Z2018-04-10T19:36:09ZScience vagabonde, un voyage autour des sciences<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/213452/original/file-20180405-189824-1dj2typ.png?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C2%2C1812%2C1212&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Thibaud Sauvageon et Mariana Díaz, cofondateurs de Science vagabonde.</span> </figcaption></figure><p><em>Cette chronique est la première d’une série autour du projet de web-journalisme itinérant <a href="http://www.sciencevagabonde.com/">Science vagabonde</a></em>.</p>
<hr>
<h2>Vers une homogénéisation de la culture scientifique ?</h2>
<p>Tout scientifique est un voyageur dans l’âme.</p>
<p>Qu’il voyage physiquement ou à travers son écran, le scientifique a besoin de connaître le monde extérieur pour collecter ses données, les analyser et les diffuser.</p>
<p>Au cours des siècles, le développement technologique a amené les chercheurs à repousser leurs frontières de plus en plus loin. Jadis reclus dans des bibliothèques universitaires locales, Internet leur donne désormais accès à l’ensemble de la connaissance scientifique mondiale. L’automobile, le train, puis l’avion, offrent la possibilité de se rendre à des congrès aux quatre coins du monde.</p>
<p>Pour communiquer avec des chercheurs de plus en plus éloignés physiquement, mais aussi culturellement, le scientifique a de plus en plus recours au « globish », cette version rudimentaire de l’anglo-américain utilisée par des locuteurs de tous les pays. Comme l’explique <a href="https://gerflint.fr/Base/Europe8/Hamel.pdf">Rainer Enrique Hamel</a> :</p>
<blockquote>
<p>« Autour de l’an 2000, on établit que 82 % des publications en sciences sociales et humaines et 95 % des publications en sciences dites naturelles paraissent en anglais, à présent seule langue hypercentrale. »</p>
</blockquote>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/213454/original/file-20180405-189795-oqk4o1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/213454/original/file-20180405-189795-oqk4o1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=468&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/213454/original/file-20180405-189795-oqk4o1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=468&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/213454/original/file-20180405-189795-oqk4o1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=468&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/213454/original/file-20180405-189795-oqk4o1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=588&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/213454/original/file-20180405-189795-oqk4o1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=588&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/213454/original/file-20180405-189795-oqk4o1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=588&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Gravure sur bois de Flammarion, « L’atmosphère : météorologie populaire », par Camille Flammarion (1888).</span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Un monde de diversité et de spécificités</h2>
<p>Alors que nous nous trouvons à l’aube d’une ère nouvelle, où la communication permet à chaque individu d’être connecté au reste du monde, nos habitudes et notre mode de vie demeurent néanmoins tributaires de notre environnement culturel. Nous voyons et pensons le monde à travers notre culture. La production des connaissances scientifiques, oscillations permanentes entre observations et réflexions, est donc spécialement sujette à l’influence de nos propres codes culturels. Cette idée est clairement défendue par Thomas S. Kuhn, dans <a href="https://bit.ly/2pQONov"><em>La structure des révolutions scientifiques</em></a>. Selon lui, les opinions et choix des scientifiques seraient au contraire tributaires de leurs croyances, expériences et visions du monde.</p>
<p>Pourquoi le <a href="https://lexpansion.lexpress.fr/high-tech/robots-le-japon-fait-sa-troisieme-revolution-industrielle_1783223.html">Japon est-il à la pointe de la robotique</a> ? Pourquoi les <a href="https://blogs.mediapart.fr/pizzicalaluna/blog/250713/cuba-l-ile-de-la-sante">Cubains se sont-ils fait une spécialité des sciences médicales</a> ? Comment expliquer la <a href="http://smf.emath.fr/files/161-164.pdf">suprématie française dans le domaine des mathématiques</a> ?… Des spécialités scientifiques se sont établies dans chaque pays au cours du temps. Contexte géographique, organisation académique, héritage culturel… Autant de facteurs capables d’influencer l’orientation scientifique d’un pays.</p>
<p>Alors, dans un monde où l’ouverture sur le monde est boostée par les nouvelles technologies, dans quelle mesure restons-nous influencés par nos cultures respectives ?</p>
<h2>Le voyage comme outil de compréhension</h2>
<p>Répondre à cette question implique d’observer la manière dont se font les sciences en différents endroits du monde. En d’autres termes, il s’agirait de prendre les sciences comme constante et de faire varier le facteur culturel. C’est cette idée que Mariana Díaz et moi souhaitons mettre en pratique à travers le projet Science vagabonde.</p>
<p>Mariana, ma compagne, est journaliste. Après quelques expériences dans différents médias en France et au Mexique, son pays d’origine, elle s’est spécialisée dans le web-journalisme et les nouveaux formats numériques. Quant à moi, ingénieur de formation, j’ai eu l’occasion de connaître le monde de la recherche scientifique de l’intérieur en effectuant un doctorat en Sciences du Bois et des Fibres à l’Université de Lorraine. Nous nous sommes rencontrés en 2011, lors d’un semestre universitaire à Santiago du Chili. Tous deux passionnés de médiation scientifique, la question de la place des sciences dans la société est un sujet qui nous unit.</p>
<p>En créant Science vagabonde, nous avons décidé de nous lancer dans un tour du monde de plusieurs années qui nous permettra de rencontrer les acteurs de la culture scientifique des différents pays : ceux qui produisent le savoir scientifique (les chercheurs), ceux qui facilitent sa diffusion (les médiateurs scientifiques) et ceux qui en bénéficient (le grand public). Nous espérons ainsi dresser un état des lieux des relations sciences-sociétés à travers la planète.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/213477/original/file-20180405-189827-1g3qz98.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/213477/original/file-20180405-189827-1g3qz98.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=322&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/213477/original/file-20180405-189827-1g3qz98.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=322&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/213477/original/file-20180405-189827-1g3qz98.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=322&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/213477/original/file-20180405-189827-1g3qz98.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=405&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/213477/original/file-20180405-189827-1g3qz98.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=405&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/213477/original/file-20180405-189827-1g3qz98.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=405&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Itinéraire prévisionnel de Science vagabonde.</span>
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<h2>Une communauté autour des sciences</h2>
<p>Afin de partager notre expérience auprès du plus grand nombre, nous réaliserons des web-reportages tout au long du voyage. Ces contenus enrichis (vidéos interactives, photos 360°…) seront régulièrement diffusés sur <a href="http://www.sciencevagabonde.com">notre site Internet</a>.</p>
<p>Notre premier reportage est actuellement en cours de tournage à La Paz, dans le nord-ouest du Mexique. Une communauté de pêcheurs travaille en étroite collaboration avec des chercheurs pour apporter des réponses locales à un problème mondial : la protection des ressources marines. Ce reportage mettra en lumière la manière dont s’articulent les relations entre le monde de la pêche traditionnelle et celui de la recherche.</p>
<p>Outre ce partage d’expérience auprès de la communauté Internet, nous souhaitons également communiquer à échelle locale. Cette communication locale pourra prendre diverses formes : interventions dans des écoles, participation à des événements de médiation scientifique… Partager notre expérience auprès des locaux nous permettra non seulement d’émettre des informations, mais aussi d’en recevoir. <em>De quelle manière le grand public perçoit-il les sciences ? Quelle image se fait-il de la recherche ?</em> Ces différentes rencontres publiques enrichiront notre aventure.</p>
<p>La découverte de la médiation scientifique dans différents pays nous semble également être un point essentiel de Science vagabonde. Grâce au voyage, de nouvelles formes de partage des sciences vont s’ouvrir à nous. Nous souhaitons profiter de cette situation d’itinérance pour créer du lien entre médiateurs de différents horizons et, pourquoi pas, devenir catalyseurs d’idées et de rencontres !</p>
<p>Tout comme les sciences, le voyage réserve son lot de surprises et d’étonnements. Mes prochaines chroniques me permettront donc de partager avec vous nos ressentis et réflexions en tant que médiateurs scientifiques voyageurs.</p>
<p>En attendant, nous sommes ouverts à vos commentaires, questions et suggestions. Notre itinéraire prévisionnel est assez souple. N’hésitez pas à nous transmettre vos contacts scientifiques à l’étranger ! Retrouvez plus d’informations sur notre <a href="http://www.sciencevagabonde.com">site Internet</a> et suivez nos premiers pas dans ce voyage autour des sciences !</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/213478/original/file-20180405-189795-sygumx.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/213478/original/file-20180405-189795-sygumx.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=228&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/213478/original/file-20180405-189795-sygumx.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=228&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/213478/original/file-20180405-189795-sygumx.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=228&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/213478/original/file-20180405-189795-sygumx.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=287&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/213478/original/file-20180405-189795-sygumx.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=287&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/213478/original/file-20180405-189795-sygumx.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=287&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Tournage du premier reportage à La Paz, au Mexique.</span>
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</figure><img src="https://counter.theconversation.com/content/94555/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
Lancement d’un projet de web-journalisme scientifique innovant : un tour du monde de plusieurs années qui permettra de rencontrer les acteurs de la culture scientifique des différents pays visités.Thibaud Sauvageon, Reporter indépendant, cofondateur de Science vagabonde, correspondant du laboratoire CREM, Université de LorraineLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/895622018-01-03T22:44:25Z2018-01-03T22:44:25ZDix autres idées fausses sur la vulgarisation scientifique<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/200563/original/file-20180102-26151-ajyw6w.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Science.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://visualhunt.com/f2/photo/13233433785/7fa9917dfa/">steevithak / Flickr / on Visual hunt</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Les <a href="https://theconversation.com/dix-idees-fausses-que-se-font-les-scientifiques-de-la-vulgarisation-89191">idées fausses répertoriées par Julien Bobroff</a> dans un article publié par <em>The Conversation</em> sont importantes à combattre pour engager les chercheurs dans une démarche de vulgarisation qui ne leur est pas toujours naturelle. Restent cependant à traiter quelques questions épineuses de la diffusion des savoirs : pourquoi ? pour qui ? comment ? Questions toujours débattues, mais sur lesquelles nous éclairent les meilleurs spécialistes des études des sciences, et que je traite depuis 2006 <a href="http://www.enroweb.com/blogsciences/">sur mon blog</a>. En voici une sélection…</p>
<h2>« La vulgarisation est nécessaire tant l’inculture du public est grande »</h2>
<p>À l’origine de cette idée fausse, les chercheurs s’appuient sur l’ignorance qu’ils constatent autour d’eux ou sur les enquêtes qui interrogent à intervalles réguliers un panel de citoyens sur quelques connaissances scientifiques, comme le fait par exemple l’Eurobaromètre. C’est au mieux inutile (les scores n’ont pas bougé entre 1992 et 2001, comme sous l’effet d’un fond culturel à grande inertie) et au pire contre-productif : parce qu’un <a href="http://ec.europa.eu/commfrontoffice/publicopinion/archives/ebs/ebs1/22241/2report1/2en.pdf">tiers des sondés ne sait pas que la Terre tourne autour du soleil</a> alors il faudrait vulgariser des connaissances de niveau CE1-CE2 ? Quel ennui pour tout le monde, alors même que les personnes concernées se déplacent rarement à un événement de culture scientifique.</p>
<h2>« Une technologie vulgarisée est une technologie mieux acceptée »</h2>
<p>En général, les sachants et les gouvernants estiment qu’un peuple mieux informé prendra de meilleures décisions, c’est-à-dire celles que lui-même défend : « si on explique mieux et plus largement les nanotechnologies, alors on aura les citoyens derrière nous ». Sauf que, selon Joëlle Le Marec (<a href="http://bit.ly/2lEANNk">« Le public dans l’enquête, au musée, et face à la recherche »</a> dans <a href="http://bit.ly/2CFLd6C"><em>La publicisation de la science</em></a>, Presses universitaires de Grenoble, 2005) :</p>
<blockquote>
<p>Il existe certes une corrélation entre le degré de méfiance envers la science, et la catégorie socioprofessionnelle, et cette corrélation a peut-être contribué à renforcer le cadre d’interprétation issu du <em>deficit model</em>, selon lequel ce sont les représentants des catégories les moins diplômées qui sont nécessairement les plus méfiants à l’égard du développement scientifiques et techniques. Mais Daniel Boy (1999) a souligné l’évolution très significative de cette corrélation : actuellement, les plus diplômés partagent avec les autres une méfiance vis-à-vis des retombées du développement scientifique et technique, ce qui met en cause le stéréotype de la relation de causalité entre la méfiance (associée aux fameuses peurs irrationnelles) et le degré d’ignorance.</p>
</blockquote>
<h2>« Il faut vulgariser pour susciter des vocations scientifiques »</h2>
<p>C’est un objectif fréquemment rencontré, et comme l’explique la chercheuse en sciences de l’éducation (<a href="https://ec.europa.eu/research/research-eu/pdf/research-specedu_fr.pdf">Camilla Schreiner</a>) :</p>
<blockquote>
<p>« plus un pays est développé, moins ses étudiants souhaitent devenir scientifiques ou ingénieurs. Ces disciplines ne leur apparaissent pas suffisamment importantes et significatives. Elles semblent “hors du coup” et obsolètes. Mais il est intéressant de noter que des domaines mieux côtés – comme la biologie, la médecine et les études de vétérinaire, les sciences de l’environnement – ne souffrent pas du même manque d’étudiants. Pour ces jeunes, travailler sur des défis dans les domaines de la santé ou de l’écologie a plus de sens que de se plonger dans la physique, les maths ou la technologie. »</p>
</blockquote>
<p>Sur ce terrain de bataille des valeurs, il n’est pas certain que la vulgarisation soit la meilleure arme…</p>
<h2>« On vulgarise pour les bonnes raisons »</h2>
<p>Si ce n’est pas pour combattre l’inculture ou la méfiance, si ce n’est pas pour susciter des vocations, alors pourquoi vulgariser ? Il reste une bonne raison possible, celle qui vise à former des citoyens éclairés et critiques. Nous verrons par la suite que ce n’est pas inné dans la démarche de vulgarisation.</p>
<p>Osons donc une propositions iconoclaste : et si finalement la vulgarisation était surtout un prétexte à faire des activités, rencontrer du monde, échanger autour de questions et préoccupations communes – et finalement à faire société ?</p>
<p>Moins posé sur un piédestal, le savoir scientifique trouverait sa valeur sociale dans la curiosité, l’<a href="http://www.enroweb.com/blogsciences/index.php?post/2006/12/24/92-de-l-emerveillement-du-scientifique">émerveillement</a> et le lien social qu’il permet…</p>
<h2>« La vulgarisation doit se concentrer sur les faits »</h2>
<p>On attribue à Roland Barthes ce commentaire taquin : « Quand on m’explique les mathématiques, je perds pied dès le premier mot. En physique, je comprends la première phrase, en biologie j’ai compris l’essentiel du message et en sciences humaines, chacun donne son avis. » Toutes les sciences ne sont donc pas logées à la même enseigne : plus elles traitent d’objets abstraits et plus elles sont compliquées à vulgariser.</p>
<p>Le degré d’abstraction est un obstacle, mais aussi le formalisme et la « pureté » des lois de la discipline. La science livresque est souvent son propre ennemi, cette « empoisonnante et répétitive corvée qui consiste à frapper le pauvre dêmos indiscipliné avec le gros bâton des “lois impersonnelles” » comme la décrit le sociologue des sciences Bruno Latour (<a href="http://bit.ly/2CqLhdB"><em>L’espoir de Pandore. Pour une version réaliste de l’activité scientifique</em></a>, La Découverte, 2007). Le chercheur s’intéresse plutôt à ce qui n’est pas encore été prouvé, alors pourquoi vouloir sans arrêt y intéresser le public ?</p>
<h2>« Le public s’intéresse seulement à ce qui a été prouvé »</h2>
<p>Dans l’un de <a href="http://www.enroweb.com/blogsciences/index.php?post/2009/07/23/405-passee-la-porte-du-laboratoire-2">mes livres de vulgarisation préféré</a>, <em>Seed to Seed</em> (non traduit en français), le biologiste des plantes Nicholas Harberd explique ses travaux sur les protéines mais surtout, met en avant son questionnement scientifique, sa manière propre de faire des sciences. Ceci n’est pas naturel : le chercheur rechigne à révéler son fil de pensée, tout comme le cuisinier n’aime pas montrer ses cuisines.</p>
<p>Sauf que quand le secret du cuisinier participe au succès de son art et ne trompe personne sur la nature du travail accompli, la pudeur du chercheur a un effet néfaste sur la réception des sciences par la société… comme l’a montré le scandale du <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Incident_des_e-mails_du_Climatic_Research_Unit"><em>climategate</em></a>, et sur les doctorants qui réalisent douloureusement qu’« à l’opposé de toutes les images d’Épinal, qui montrent la recherche scientifique comme un archétype de travail méthodique, conquête systématique et contrôlée de l’inconnu, c’est l’errance et la contingence qui y sont la règle » (Jean‑Marc Lévy-Leblond, « Le chercheur, le crack et le cancre », dans <a href="http://bit.ly/2lDFiYq"><em>Impasciences</em></a>, Le Seuil, 2003). Le métier de chercheur n’est pas celui de guichetier ou de plombier. En tentant de faire bouger la frontière entre ce qu’on connaît et un peu d’inconnu (<a href="https://www.cairn.info/revue-anthropologie-des-connaissances-2009-2-page-349.htm">comme l’explique le physicien Stéphane Douady dans le film « Cherche toujours »</a>), le chercheur possède une part d’ombre, de doute, et verse d’un côté que peu de gens ont l’occasion de côtoyer.</p>
<p>Parce qu’il maîtrise un sujet sur le bout des doigts, il s’abstrait malgré lui de l’expérience quotidienne de la nature et voit avec d’autres yeux le monde qui nous entoure. En état permanent d’éveil et de curiosité par rapport à ce monde, il laisse parler l’imaginaire qu’il a en lui. En ce sens, le chercheur est très proche de l’artiste, dont la vision du monde est également singulière. Mais le chercheur a une responsabilité supplémentaire, celle de nous faire entrer dans le monde qu’il participe à construire et de nous en révéler la trame.</p>
<h2>« Il suffit de connaître la science pour vulgariser »</h2>
<p>Comme je l’indiquais avec les camarades du groupe Traces <a href="http://www.groupe-traces.fr/projet/manifeste-revoluscience/">dans notre manifeste « Revoluscience » en 2010</a> :</p>
<blockquote>
<p>Bien des aspects de la science moderne et de ses rapports à la société ne se comprennent qu’à travers une compréhension élaborée non plus depuis « l’intérieur » de la science, mais grâce à de multiples regards disciplinaires extérieurs. Comment démêler l’histoire du 1/2climategate1/2 à l’aide de ses connaissances en sciences du climat ? Le recours aux arguments purement scientifiques est‐il meilleur que le recours à l’épistémologie pour évaluer les degrés de scientificité respectifs de la théorie de l’évolution et de <em>l’intelligent design</em> ? […] En d’autres termes, pour comprendre et faire comprendre les controverses, les rapports entre savoir et pouvoir, la genèse des découvertes, les changements de paradigmes, les critères de scientificité, la question de la désaffection pour les études de science et autres mouvements antiscience, le médiateur scientifique devra parfois savoir se faire vulgarisateur de la sociologie des sciences, de l’histoire et de l’épistémologie.</p>
</blockquote>
<p>Et parfois même dans sa propre discipline, le chercheur peut être piégé par une méconnaissance de l’arrière-plan épistémologique de ses propres hypothèses et concepts. J’ai le souvenir d’une conférence du fameux biologiste et entomologiste Edward O. Wilson se faisant reprendre par la philosophe Gloria Origgi présente dans le public, et incapable de se positionner sur l’histoire des concepts qu’il manipulait, à commencer par l’altruisme qui fut introduit par Auguste Comte et <a href="https://www.cairn.info/revue-d-histoire-des-sciences-2012-2-page-287.htm">fortement teinté de catéchisme positiviste</a>.</p>
<h2>« La vulgarisation est destinée au grand public »</h2>
<p>L’un des pionniers de l’étude des modes de vulgarisation scientifique en France, Baudouin Jurdant, <a href="http://science-societe.fr/baudouin-jurdant-intervention-communication-scientifique-et-reflexivite-2009/">défend l’hypothèse</a> selon laquelle la diffusion du savoir remplirait une fonction d’oralisation de la science profitant aussi bien au scientifique qui vulgarise qu’au public qu’il est censé informer. Il s’agirait non pas d’une dégradation du savoir pur mais du cœur même du fonctionnement de la science moderne, la condition de son existence comme culture :</p>
<blockquote>
<p>Ce qui m’a mis la puce à l’oreille de cette réflexivité, c’est ce qui s’est passé un jour où, à une conférence sur la vulgarisation scientifique, on avait invité, certains d’entre vous l’ont peut-être connu, Michel Crozon. Michel Crozon est physicien des particules, grand vulgarisateur, homme tout à fait agréable et très intéressant. À la conférence, on lui a demandé « Pourquoi vulgariser ? », ce qui était le sujet même de la conférence. Et c’est lui qui était le premier interlocuteur. Et immédiatement, il a dit : « Pourquoi je vulgarise ? Voilà, c’est pour mieux comprendre ce que je fais. ». Et dans cette parole, ce qu’il exprime de façon absolument claire et évidente, c’est le désir d’une certaine réflexivité. « Pour mieux comprendre ce que je fais ». Ne soupçonnez pas Michel Crozon d’être un mauvais physicien ou un physicien qui ne comprenait pas ses formules, non, ce n’est pas du tout ça. La contrainte de parler, d’exposer, de présenter la science spécialisée dont il était porteur, à un public profane, à un public qui n’y connaît rien, c’est ça qui lui permettait à lui, de mieux comprendre ce qu’il faisait. C’est là le bénéfice que lui trouvait à vulgariser.</p>
</blockquote>
<h2>« Chercheurs et chercheuses sont égaux devant la vulgarisation »</h2>
<p>Dans ses travaux ayant pour terrain la Suisse, <a href="https://applicationspub.unil.ch/interpub/noauth/php/Un/UnPers.php?PerNum=9095&LanCode=37">Fabienne Crettaz Von Roten</a> a constaté que la structure pyramidale des rétributions et des ressources dans la communauté scientifique se retrouve dans les activités de médiation : les femmes participent moins que les hommes et leurs activités de vulgarisation sont perçues comme une perte de qualité scientifique lors des procédures de nomination, alors que chez les hommes la vulgarisation est valorisée comme moyen de toucher le grand public ! Chercheurs, pensez-y la prochaine fois qu’un média vous sollicitera en lieu et place d’une collègue tout aussi experte du sujet…</p>
<h2>« La vulgarisation par l’art ne peut pas être efficace sans vulgarisation scientifique »</h2>
<p>Les collaborations art-science sont à la mode, mais les chercheurs les réduisent souvent à des effets si elles ne sont pas accompagnées d’une vraie médiation scientifique. Dans une <a href="http://www.academia.edu/2418930/Quand1/2la1/2Mediation1/2Scientifique1/2sempare1/2de1/2la1/2Danse">étude menée au Jardin des plantes de Paris</a>, Joanne Clavel a étudié la réception par le public d’un spectacle de danse à contenu scientifique, pour comprendre comment il en construit le sens.</p>
<p>Où il s’avère que le prospectus “scientifique” qui accompagne le spectacle est finalement très peu lu : les spectateurs sont surpris par le spectacle de danse qui se déroule dans les allées de la ménagerie et s’arrêtent pour y assister. Une fois leur intérêt enclenché, ils comprennent ce qu’ils voient (plus de 80 % des spectateurs ont reconnu une interprétation d’oiseaux), et ressentent des émotions assez fortes (note moyenne de 3,5 sur une échelle allant de -5 à 5). Il s’agit clairement d’une approche alternative à la transmission de connaissances : la médiation par la danse renvoie aux dimensions esthétiques et sensibles de la biologie de la conservation et pas uniquement à sa dimension cognitive classique ; mais cette approche donne des résultats également valables.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/89562/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Antoine Blanchard est membre du groupe Traces et de l'association du Café des sciences.</span></em></p>Les chercheurs convaincus à vulgariser ne doivent pas pêcher par naïveté. En effet, la vulgarisation soulève d'autres questions compliquées.Antoine Blanchard, Chargé de cours en médiation des sciences, Université de BordeauxLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/891912017-12-19T20:38:52Z2017-12-19T20:38:52ZDix idées fausses que se font les scientifiques de la vulgarisation<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/199393/original/file-20171215-17878-aqwdvs.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">"Infiltrée chez les physiciens", Héloïse Chochois </span> <span class="attribution"><span class="source">www.chezlesphysiciens.fr</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Quand je demande à mes collègues physiciens ce qu’ils pensent de la vulgarisation, tous s’accordent sur sa nécessité. Mais quand il s’agit de savoir qui devrait vulgariser, comment s’y prendre, et pour quelles raisons, les opinions divergent : « il faut re-motiver les jeunes pour les carrières scientifiques », « le plus important, c’est la pédagogie », « il faut éviter la quantique »… J’avais moi-même des idées arrêtées sur le sujet quand, il y a 12 ans, j’ai commencé à participer à des actions de vulgarisation. Après <a href="http://www.vulgarisation.fr">des années</a> de conférences grand public, d’interventions scolaires, de fêtes des sciences, et de collaborations avec des musées, je dois l’avouer : mes certitudes sur le sujet se sont peu à peu effritées. Voici dix idées dont j’étais assez convaincu, mais qui ne résistent pas à l’épreuve du terrain et des chiffres.</p>
<p>Pour résumer mon propos : la vulgarisation met en jeu des ressorts et des relations au public plus complexes qu’il n’y paraît, et les scientifiques qui s’y intéressent doivent en prendre conscience, sans pour autant abandonner leurs ambitions et leurs idéaux !</p>
<h2>1. « Le public s’intéresse de moins en moins aux sciences ».</h2>
<p>Voilà une des idées que j’entends le plus souvent parmi les chercheurs : le grand public n’a pas assez de culture scientifique. En effet, à des questions de base, les français ne savent souvent pas bien répondre, par exemple <a href="http://www.ademe.fr/representations-sociales-leffet-serre-rechauffement-climatique">moins de 20 %</a> identifient les gaz et le CO<sub>2</sub> comme origine de l’effet de Serre. <a href="http://ec.europa.eu/commfrontoffice/publicopinion/archives/ebs/ebs_224_report_en.pdf">Un tiers des européens</a> ne savent pas que la Terre tourne autour du Soleil.</p>
<p>Mais ces mauvaises réponses sont-elles le symptôme d’un désintérêt pour les sciences ou juste d’une formation de départ insuffisante ? Car contrairement aux idées reçues, le grand public s’intéresse aux sciences et en a une bonne image. À la question : « la science et la technologie apportent-elles des solutions aux problèmes que nous rencontrons aujourd’hui ? », le oui remporte près de 84 % (Le Monde, 2016). Mieux, 93 % de la population exprime un désir de développer ses connaissances dans au moins un domaine scientifique (Credoc, 2013). Et chez les 15-25 ans, 76 % éprouvent de l’intérêt pour la science, et 95 % ont une opinion positive des chercheurs (CSA, 2014).</p>
<p>Enfin, quand on demande aux Français quelle activité fait partie de la culture, la science arrive en second <a href="http://www.culturecommunication.gouv.fr/content/download/147204/1581441/version/2/file/CE-2016-11/2Repr%C3%A9sentations%20de%20la%20culture%20dans%20la%20population%20fran%C3%A7aise.pdf">avec 77 % des suffrages</a>, seconde juste derrière la visite des musées et devant les voyages, le théâtre, la musique ou la lecture !. Près d’un Français sur deux a déjà visité un muséum d’histoire naturelle ou un centre de culture scientifique et le succès croissant des chaînes scientifiques sur YouTube confirme le constat.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/199396/original/file-20171215-17851-4x1u7e.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/199396/original/file-20171215-17851-4x1u7e.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/199396/original/file-20171215-17851-4x1u7e.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=190&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/199396/original/file-20171215-17851-4x1u7e.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=190&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/199396/original/file-20171215-17851-4x1u7e.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=190&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/199396/original/file-20171215-17851-4x1u7e.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=239&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/199396/original/file-20171215-17851-4x1u7e.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=239&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/199396/original/file-20171215-17851-4x1u7e.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=239&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">1/2Infiltrée chez les physiciens1/2, Héloïse Chochois, www.ChezLesPhysiciens.fr.</span>
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<h2>2. « Les jeunes ne veulent plus aller vers les carrières scientifiques ».</h2>
<p>Autre idée répandue, en particulier chez les universitaires : nous avons subi une forte désaffection ces dernières années dans les filières scientifiques, et la vulgarisation pourrait nous aider à y remédier. Pourtant, entre 2006 et 2016, le nombre d’étudiants a <a href="https://www.google.fr/url?sa=t&rct=j&q=&esrc=s&source=web&cd=1&cad=rja&uact=8&ved=0ahUKEwjwi87L1/24nYAhWHyKQKHWZiATEQFggqMAA&url=http%3A%2F%2Fcache.media.education.gouv.fr%2Ffile%2F2017%2F41%2F2%2Fdepp-RERS-2017-etudiants1/2824412.pdf&usg=AOvVaw3e1/2QXbx1vw-2wRxI15-uIn">augmenté de 23 %</a> dans les formations scientifiques contre 16 % pour les autres formations. Les sciences fondamentales à l’Université affichent un gain de 17,7 %, plus élevé là encore que la moyenne nationale. Plus près de la recherche, les effectifs augmentent également en Master 2, de près de 20 %. Du côté des thèses, le nombre de doctorats délivrés est à peu près constant pour les étudiants français et en constante hausse pour les étrangers.</p>
<p>Même si l’on oublie un instant ces bons chiffres, je me méfie de cette mission prosélyte qu’on voudrait confier aux vulgarisateurs. Une intervention ponctuelle lors d’une conférence ou d’une visite de labo peut-elle convaincre des élèves de changer d’avis sur leur avenir professionnel ? L’image qu’ont les jeunes de la science, c’est d’abord celle qui leur est enseignée. Et de ce point de vue, le constat est cruel pour ma propre discipline, la physique : quand on leur demande leurs trois matières préférées durant leurs études, les Français répondent français (42 %), histoire (38 %), maths (34 %), et la physique arrive seulement dixième du classement (10 %) (Credoc 2012). C’est là, à mon avis, que doivent porter les efforts.</p>
<h2>3.« La vulgarisation, c’est d’abord savoir bien expliquer ».</h2>
<p>La priorité du scientifique qui vulgarise, c’est la qualité et la précision de ses explications. Ne va-t-il pas trop approximer au risque de manquer de rigueur scientifique ? Mais la vulgarisation, ce n’est pas l’enseignement, et c’est un enseignant universitaire qui vous parle. Il est impossible d’être parfaitement rigoureux du début à la fin, et ce n’est pas grave, tant qu’on l’annonce clairement. Pour avoir fait de nombreuses <a href="http://hebergement.u-psud.fr/supraconductivite/conferences.html">conférences sur la physique quantique</a>, je sais bien les approximations « impardonnables » que je suis obligé de faire quand j’évoque la dualité onde-particule ou l’intrication. Mais à y réfléchir, c’est plus l’opinion du collègue ou du prof de physique caché dans l’audience qui me fait peur quand je fais des approximations.</p>
<p>Surtout, ce qui va vraiment toucher le public se joue souvent ailleurs que dans la qualité de l’explication scientifique : c’est le look du chercheur, c’est sa personnalité, c’est la tête du PowerPoint et le choix des couleurs, bref, le style. Il suffit de lire les résultats des enquêtes après nos passages en lycée : « le chercheur portait un jean ! », « un physicien, ça peut être une femme », « moi qui pensais que la physique c’était mort », etc. Très rares sont les commentaires sur l’explication elle-même !</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/199402/original/file-20171215-17851-194x0em.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/199402/original/file-20171215-17851-194x0em.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/199402/original/file-20171215-17851-194x0em.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=461&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/199402/original/file-20171215-17851-194x0em.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=461&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/199402/original/file-20171215-17851-194x0em.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=461&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/199402/original/file-20171215-17851-194x0em.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=580&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/199402/original/file-20171215-17851-194x0em.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=580&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/199402/original/file-20171215-17851-194x0em.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=580&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">1/2Infiltrée chez les physiciens1/2, Héloïse Chochois, www.ChezLesPhysiciens.fr.</span>
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<h2>4.« Dans un débat grand public, il suffit de montrer les preuves scientifiques pour convaincre ».</h2>
<p>J’irai vite sur cette idée là : de <a href="http://www.slate.com/articles/health_and_science/science/2017/04/explaining_science_won_t_fix_information_illiteracy.html">nombreuses études</a> ont fait la liste des biais cognitifs qui affectent les opposants dans un débat : biais de confirmation, de familiarité, modèle du déficit, retour de flamme, etc. Un raisonnement scientifique clair se basant sur des preuves objectives <a href="https://www.scienceetpartage.fr/2017/12/11/expliquer-n-est-pas-convaincre/">ne suffit pas à convaincre</a>, au contraire ! Pour avoir été souvent confronté à des débats sur les pseudo-sciences – médecine quantique, magnétiseurs ou médecine par les cristaux – j’ai moi-même tendance à ne plus m’opposer fermement aux défenseurs de ces pratiques comme je le faisais au début, mais plutôt à tenter une pédagogie sur la démarche scientifique, en visant en fait le reste de l’auditoire.</p>
<h2>5.« Certains sujets sont trop compliqués pour être vulgarisés ».</h2>
<p>Souvent, j’entends qu’il n’est pas possible d’expliquer certains sujets, par exemple la physique quantique : trop compliqué, trop abstrait, trop mathématique. Je suis assez d’accord, si il s’agit d’expliquer « proprement ». Mais, si l’on accepte de faire son deuil d’une certaine rigueur mathématique, il est possible de donner quelques éléments et intuitions, quel que soit le sujet. La preuve : le boson de Higgs ou les ondes gravitationnelles, deux sujets « terribles », ont pourtant été non seulement médiatisés mais aussi vulgarisés de façon remarquable lors de leur découverte récente. Les Nobels de Physique, attribués chaque année aux sujets les plus ardus, font l’objet d’excellentes vulgarisation sur le site même du Nobel. <a href="http://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/21548455.2011.611627">Une enquête</a> auprès d’experts de la vulgarisation indique que tous considèrent qu’il n’existe pas de problème assez complexe pour qu’on ne puisse en faire comprendre les grandes idées.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/199403/original/file-20171215-17854-1r6opt0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/199403/original/file-20171215-17854-1r6opt0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/199403/original/file-20171215-17854-1r6opt0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=546&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/199403/original/file-20171215-17854-1r6opt0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=546&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/199403/original/file-20171215-17854-1r6opt0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=546&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/199403/original/file-20171215-17854-1r6opt0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=686&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/199403/original/file-20171215-17854-1r6opt0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=686&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/199403/original/file-20171215-17854-1r6opt0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=686&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">1/2Infiltrée chez les physiciens1/2, Héloïse Chochois, www.ChezLesPhysiciens.fr.</span>
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<h2>6.« Il faut privilégier les sujets avec des applications concrètes ».</h2>
<p>Combien de fois m’a-t-on dit qu’il fallait, pour impliquer le public, démarrer une conférence de vulgarisation sur la supraconductivité plutôt par ses applications, l’imagerie médicale ou le train à lévitation. Ici, je n’ai pas d’étude à citer, juste une impression : le public n’aime pas toujours être ramené à son quotidien, et reste fasciné par les grands mystères et les questions fondamentales que pose la science. Il suffit de voir les succès d’édition scientifique : théorie des cordes, relativité générale, astronomie, physique quantique, cosmos… Aucun livre dans les premières ventes sur la physique pour le médical ou sur ses applications dans l’électronique !</p>
<h2>7.« Certains sujets seront toujours plus vendeurs parce qu’ils font rêver ».</h2>
<p>Au vu de l’idée précédente, on pourrait conclure que les sujets les plus fascinants, l’origine de l’Univers, les paradoxes quantiques ou relativistes, seront toujours plus fascinants que les sujets plus concrets. Par exemple, en physique, l’astronomie ou même la théorie des cordes semblent plus « vendeuses » que la matière condensée vu le territoire qu’elles occupent dans les médias. Un tel déséquilibre n’a pas seulement à voir avec l’attrait du sujet, mais aussi avec la mobilisation des scientifiques. Les théoriciens des cordes ont développé un véritable « lobbying » pour leur discipline à travers des formidables représentants médiatiques. Les astrophysiciens, de même, s’impliquent plus et mieux que d’autres. Au CNRS, ils sont <a href="http://journals.sagepub.com/doi/abs/10.1177/0963662510383632">cinq fois plus actifs</a> en vulgarisation que les physiciens de la matière condensée. La taille des structures de recherche aide aussi : le CERN pour la physique des particules ou l’ESA et la NASA pour le spatial ont une force de frappe formidable en comparaison des autres communautés éclatées en micro-équipes. Une source d’inspiration pour les autres disciplines !</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/199401/original/file-20171215-17851-8p5w8f.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/199401/original/file-20171215-17851-8p5w8f.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/199401/original/file-20171215-17851-8p5w8f.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=286&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/199401/original/file-20171215-17851-8p5w8f.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=286&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/199401/original/file-20171215-17851-8p5w8f.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=286&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/199401/original/file-20171215-17851-8p5w8f.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=360&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/199401/original/file-20171215-17851-8p5w8f.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=360&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/199401/original/file-20171215-17851-8p5w8f.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=360&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">1/2Infiltrée chez les physiciens1/2, Héloïse Chochois, www.ChezLesPhysiciens.fr.</span>
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<h2>8. « Pas besoin que les chercheurs vulgarisent, laissons cela aux professionnels ».</h2>
<p>Les chercheurs ont beaucoup de <a href="http://www.quae.com/fr/r5136-en-finir-avec-les-idees-recues-sur-la-vulgarisation-scientifique.html">bonnes raisons</a> pour ne pas participer aux actions de vulgarisation : manque de temps, manque de compétences, manque de reconnaissance. Pourquoi ne pas laisser les médiateurs des musées et associations de science faire le travail ? Là encore, notre expérience montre que la présence des chercheurs est irremplaçable, non pas pour la clarté de leurs explications, mais pour deux autres raisons : d’abord ils peuvent parler des recherches récentes et ancrer la science dans sa modernité.</p>
<p>Mais surtout, ils sont les acteurs de la recherche, et peuvent témoigner de cette pratique, de leur vécu, de leurs questionnements. Il suffit de voir le nombre de questions qu’on a sur le métier et les pratiques de la recherche pour se convaincre de la pertinence de leur présence. Je plaide pour une complémentarité et une collaboration entre professionnels de la médiation et scientifiques, que j’ai moi-même pu pratiquer par exemple avec les médiateurs de la Cité des Sciences.</p>
<h2>9. « Vulgariser prend trop de temps ».</h2>
<p>C’est vrai, si on part de zéro et qu’on vise d’écrire un article ou de faire une conférence grand public. Mais des « micro-actions » sont possibles, utiles et rapides : répondre à quelques <a href="https://physics.stackexchange.com">questions sur Internet</a>, contribuer à <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Aide:Premiers1/2pas">Wikipédia</a>, ou à <a href="http://www.lemonde.fr/sciences/article/2014/02/05/Twitter-et-les-chercheurs-l-exception-francaise1/243604911/21650684.html">Twitter</a>, répondre aux questions d’un groupe de lycéens pour un TPE, participer à un stand dans une fête de la science, écrire un petit « highlight » sur son dernier article scientifique, les occasions ne manquent pas, qui prennent au plus une ou deux heures.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/199394/original/file-20171215-17889-73n4bx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/199394/original/file-20171215-17889-73n4bx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/199394/original/file-20171215-17889-73n4bx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=195&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/199394/original/file-20171215-17889-73n4bx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=195&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/199394/original/file-20171215-17889-73n4bx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=195&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/199394/original/file-20171215-17889-73n4bx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=244&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/199394/original/file-20171215-17889-73n4bx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=244&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/199394/original/file-20171215-17889-73n4bx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=244&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">1/2Infiltrée chez les physiciens1/2, Héloïse Chochois, www.ChezLesPhysiciens.fr.</span>
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<h2>10. « La vulgarisation nuit à la carrière des chercheurs ».</h2>
<p>Là, je l’avoue, ce n’est pas une idée complètement fausse. La vulgarisation n’aide pas particulièrement les carrières dans le monde de la recherche publique en France. Il manque des outils d’évaluation sérieux et une vraie volonté politique pour en tenir compte dans les promotions. Mais elle ne nuit pas forcément non plus et présente plusieurs bénéfices auxquels on ne pense pas assez. Un bon vulgarisateur, et je parle d’expérience, recrutera plus facilement des doctorants car il présentera mieux son sujet de recherche. Il parlera mieux en conférence pour présenter ses résultats aux collègues. Il rédigera mieux les introductions de ses articles, les « highlights » associés, et surtout, ses demandes de financements, le nerf de la guerre !</p>
<p>Enfin, et surtout : la vulgarisation, c’est un formidable bol d’air, une façon de sortir de son laboratoire, de prendre du recul sur son propre travail, et d’aller à la rencontre d’un public rafraîchissant, enthousiaste et curieux !</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/89191/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Julien Bobroff est professeur à l'Université Paris-Sud et anime l'équipe "La Physique Autrement" au Laboratoire de Physique des Solides. Il reçoit à ce titre des financements publics de l'Université Paris-Sud et Paris-Saclay, du CNRS, du Labex PALM et de l'ANR.</span></em></p>La vulgarisation met en jeu des ressorts plus complexes qu’il n’y paraît. Les scientifiques qui s’y intéressent doivent en prendre conscience, sans pour autant abandonner leurs idéaux.Julien Bobroff, Physicien, Professeur des Universités, Université Paris-SaclayLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/884932017-12-19T20:35:56Z2017-12-19T20:35:56ZAmi·e·s scientifiques, un, deux, trois… Twittez !<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/199917/original/file-20171219-27607-h8rb4u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Plutôt que d'observer étoiles ou bactéries sur leurs écrans, les chercheurs pourraient utiliser Twitter pour communiquer et chercher des financements.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/esthervargasc/10363060043/in/photolist-gMKoH2-bKUVDn-7JKjPo-5CdSLs-cNL2w5-5VwCRW-8a7Y1J-5Cetqq-6sSQ1x-7JFp7M-5HoFdL-57LFTM-2xX8vp-827FPM-4DTLDP-4PRaZz-5UuWwg-5KRhMq-5vPHWT-5X1xMv-6f1oSS-4QCj86-T5hmzi-6TaS6s-5dYzWa-3KH4DG-5hKE9V-5CH3W2-9Vdo8Q-7enZHS-7GrpyB-8rK9Q4-79nrJJ-638ZMh-9iD9pN-797SHY-6K2C3h-5dwfx1-4QGw3C-UmZug-e8ujJb-d9KNRt-5Cv9nm-79N2VQ-dkDNkk-65nEuK-9VaxZK-4CDJF6-5xnpUX-87G6qd">Esther Vargas/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Comment obtenir un financement pour vos recherches ? Et si, au lieu de passer des jours et des jours à remplir des dossiers, vous écriviez simplement 140 caractères sur Twitter ? Vous pouvez, depuis peu, écrire jusqu’à 280 signes si vous vous sentez particulièrement loquace.</p>
<p>Nous venons, par ce biais, d’obtenir une bourse franco-américaine en échangeant via Twitter. Une rencontre en 140 caractères pour obtenir des fonds et développer des recherches internationales. C’est déjà très bien mais il existe de nombreuses autres raisons pour que les scientifiques se mettent à Twitter.</p>
<h2>Vous n’êtes pas seul !</h2>
<p>Beaucoup d’universitaires souffrent du <a href="http://cooperationuniversitaire.blogs.docteo.net/2016/05/08/le-syndrome-de-limposteur-chez-les-doctorants/">syndrome de l’imposteur</a>, et se rendre compte que nous ne sommes pas les seul·e·s à en souffrir permet de diminuer, sinon d’apprendre à vivre avec, ce phénomène. Pester collectivement contre <em>Reviewer 3</em> et ses acerbes commentaires, recevoir un câlin virtuel lorsqu’une bourse nous est refusée ou un papier rejeté ou encore pour apprendre à décrocher du travail perpétuel et des universitaires <em>workaholic</em>.</p>
<p>Cela permet de trouver des groupes de support, des gens qui partagent les mêmes joies, peines, frustrations… et constituer une communauté rapprochant des gens parfois éloignés physiquement sur ces préoccupations du quotidien universitaire. Au niveau professionnel, de nombreux outils, souvent en accès libre, sont régulièrement mis en avant : les logiciels statistiques (JASP, R ou jamovi), de mises en place d’expériences (<a href="http://www.psychopy.org/">PsychoPy</a>, <a href="http://osdoc.cogsci.nl/">OpenSesame</a>), les plateformes de dépôts de <em>pré-publication</em> (<a href="https://arxiv.org/">ArXiv</a>, <a href="https://hal.archives-ouvertes.fr/">HAL</a>) ou de projets, codes et données (<a href="https://www.opensocietyfoundations.org/">OSF</a>).</p>
<p>Les questions de la reproductibilité des sciences, les liens avec le grand public, les institutions et la vie au labo (encadrement des doctorants) sont également souvent abordées, parfois plus librement avec des collègues à l’autre bout du monde qu’avec ceux du bureau voisin.</p>
<p>Ces communautés peuvent se retrouver plus formellement autour de comptes collaboratifs (par exemple, <a href="http://endirectdulabo.tumblr.com/">Endirectdulabo</a> en français ou <a href="https://realscientists.wordpress.com/">Realscientists</a> en anglais) et de mettre en avant certains collègues avec le mot-dièse #ScholarSunday, équivalent scientifique et dominical du FollowFriday (#FF).</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"939522518834122754"}"></div></p>
<p>Au-delà de l’entre-soi et l’auto-confirmation dans lesquels nous pouvons facilement glisser au sein de nos niches de recherches et sur les réseaux sociaux, de nombreux débats émergent en confrontant nos points de vue à d’autres collègues d’autres pays, cultures et disciplines scientifiques. Cette ouverture permet une plus grande diversité que dans certains panels d’hommes blancs dégarnis.</p>
<p>La visibilité des femmes, qui parlent moins que les hommes dans les conférences, pourrait être plus importante sur le réseau social. En réalité, <a href="http://journals.sagepub.com/eprint/UfwgGSq9D5VavQQWawVb/full">elles tweetent moins que les hommes</a>, alors qu’elles sont tout aussi nombreuses. L’utilisation plus importante de réseaux sociaux, Twitter et blogs notamment, pourrait permettre d’améliorer la visibilité de scientifiques de qualité qui ne sont pas (encore) des stars. Une faible proportion des scientifiques mondiaux est sur Twitter et faire partie des actifs permet d’être distinctif et rejoindre une communauté grandissante, formidablement inter-connectée, dont les effets ne sont pas que virtuels.</p>
<h2>Devenez un bon <em>ScienceTwittos</em></h2>
<p>Débuter sur <a href="https://twitter.com/?lang=fr">Twitter</a> est généralement une expérience surprenante. On ne sait pas toujours qui suivre, comment trier l’information. Pour bien commencer dans le cadre d’un usage professionnel, le plus simple est de suivre les comptes institutionnels, des collègues et journaux scientifiques. Chacun partageant les messages des autres, une information pertinente finira toujours par remonter dans notre flux. Bref, même sans être actif, l’intérêt de la veille est important.</p>
<p>Devenir actif présente un avantage certain. A titre collectif où toutes les Universités disposent désormais d’un compte, suivies par de plus en plus d’unités de recherche. Cela permet d’annoncer et diffuser les événements importants au travers de live tweet <em>(#LT)</em> pour les absents et fédérer toutes les personnes intéressés autour d’un mot-dièse dédié : <a href="https://twitter.com/search?q=%23JIPA2017&src=typd&lang=fr"><em>#JIPA2017</em></a> pour une journée internationale sur la mémoire à Amiens par exemple ou <a href="https://twitter.com/search?q=%23SfN2017&src=typd&lang=fr"><em>#SfN2017</em></a> pour le dernier congrès mondial de la Society for Neuroscience.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/0hfh3tuQQM0?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Vidéo de présentation de l’association : les Savanturiers, visant à faire entrer la science dans les écoles sous de nouvelles formes.</span></figcaption>
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<p>Ce réseau a également l’avantage d’avoir des retours des participant·e·s aux communications dans les congrès et même de nos enseignements. Nos différentes tutelles, <a href="http://www.hceres.fr/">HCERES</a> en tête, sont sensibles à ces aspects de diffusion. On le sait grâce aux collègues ayant parlé de remarques positives dans leurs retours… sur Twitter !</p>
<p>Avoir un compte personnel actif permet aussi de diffuser ses travaux de recherche au plus grand nombre. Pour les scientifiques, le lien vers l’article original ; pour le grand public, un lien vers un billet de blog présentant les points principaux ou l’article dans un média grand public. Cette mesure d’impact prend de l’importance et il est possible de connaître la portée de nos articles scientifiques sur le web grâce à des outils comme <a href="https://www.altmetric.com/">Altmetric</a>, de plus en plus souvent présents sur les sites de journaux.</p>
<p>Sur la popularisation (ou vulgarisation) scientifique, de formidables initiatives comme <a href="https://pintofscience.fr/">Pint of Science</a> ou les <a href="https://les-savanturiers.cri-paris.org/">Savanturiers</a>, qui amènent les scientifiques respectivement dans les bars ou les écoles, sont également visibles et ont pu se faire connaître auprès des spécialistes et du grand public par ce biais. En rencontrant plus simplement d’autres publics que les scientifiques de notre niche, nous pouvons trouver de potentielles orientations de recherche après une question ou une anecdote du public.</p>
<h2>Trouvez votre intérêt professionnel</h2>
<p>Les <a href="http://www.learningscientists.org/"><em>Learning Scientists</em></a>, dont <a href="https://twitter.com/doctorwhy">Yana Weinstein</a> est cofondatrice, ont reçu des financements de la part de personnes ayant découvert leur existence sur Twitter. Elle est également invitée partout dans le monde pour des conférences sur les stratégies d’apprentissages efficaces et a développé des projets de recherches suite à des contacts via Twitter.</p>
<p>En restant en France, dans le cas de <a href="https://twitter.com/MHainselin">Mathieu Hainselin</a>, il est possible de nouer ou renforcer des contacts avec des collègues d’un même pays ou d’une même ville travaillant à quelques centaines de mètres sans les avoir rencontrés en chair et en os.</p>
<p>Si Twitter fait aujourd’hui un peu peur à certaines personnes conservatrices au sein du monde académique, les bénéfices peuvent être très importants, sans que le temps passé à gazouiller n’empiète sur notre productivité, bien au contraire.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/88493/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Mathieu Hainselin a reçu des financements de la Région Hauts-de-France, du FEDER et de la Thomas Jefferson Foundation. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Yana Weinstein receives funding from IDEA Education, Overdeck Foundation, Wellcome Trust, and Thomas Jefferson Foundation. She is affiliated with The Learning Scientists.</span></em></p>Beaucoup de scientifiques sont réfractaires à l'utilisation des réseaux sociaux. Pourtant, Twitter peut s'avérer être un excellent moyen de communiquer et même de trouver des financements.Mathieu Hainselin, Maître de Conférences en Psychologie Expérimentale, Université de Picardie Jules Verne (UPJV)Yana Weinstein, Professeure assistante en psychologie, UMass LowellLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/852192017-10-10T19:30:02Z2017-10-10T19:30:02Z(G)astronomie, ou la médiation scientifique revisitée<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/189518/original/file-20171010-17715-1nflxy1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C86%2C500%2C334&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Une brioche expansée.</span> <span class="attribution"><span class="source">Hervé Dole et Raphaël Haumont</span>, <span class="license">Author provided</span></span></figcaption></figure><p>Les chefs sont étoilés. De leurs fourneaux, ils rêvent de briller et repoussent sans cesse l’horizon culinaire. À bord de l’<a href="https://www.nasa.gov/mission_pages/station/main/index.html">ISS</a>, les astronautes mangent de la <em>comfort food</em> pour retrouver les petits bonheurs terrestres et ce lien social si fort qu’offre la nourriture. Plus haut encore, les étoiles de l’univers consomment leur <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Nucl%C3%A9osynth%C3%A8se_stellaire">hydrogène</a> pour briller : cuire un œuf, aller sur Mars ou former des étoiles demandent des conditions précises – et maîtrisées – de température et pression. Astronomie et Gastronomie sont finalement intimement liées, et les deux auteurs de cet article ont beaucoup à partager.</p>
<figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/189554/original/file-20171010-17680-2jkzlm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/189554/original/file-20171010-17680-2jkzlm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=437&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/189554/original/file-20171010-17680-2jkzlm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=437&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/189554/original/file-20171010-17680-2jkzlm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=437&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/189554/original/file-20171010-17680-2jkzlm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=549&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/189554/original/file-20171010-17680-2jkzlm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=549&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/189554/original/file-20171010-17680-2jkzlm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=549&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Une meringue sous vide.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Hervé Dole et Raphaël Haumont</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
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<p>L’un assiste aux conférences grand public de l’autre, et l’autre est fasciné par le sujet d’étude du premier. L’astrophysicien est un fin gourmet alors que le gastronome moléculaire s’inscrit à un vol parabolique pour expérimenter la microgravité… Dans son livre <em>Physiologie du goût</em>, Anthelme <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Jean_Anthelme_Brillat-Savarin">Brillat-Savarin</a> écrivait en 1825 que « la découverte d’un mets nouveau fait plus pour le genre humain que la découverte d’une étoile ». Au début du XX<sup>e</sup> siècle, le physicien Jean <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Jean_Perrin">Perrin</a> semblait lui <a href="http://www.persee.fr/doc/rhs_0151-4105_1971_num_24_2_3195">répondre</a> : « C’est une bien faible lumière qui nous vient du ciel étoilé. Que serait, pourtant, la pensée humaine si nous ne pouvions pas percevoir ces étoiles […] ? » Aujourd’hui, nous avons décidé de montrer que les deux domaines peuvent émerveiller… et pourquoi pas ensemble !</p>
<p>Quel rapport entre une mousse au chocolat et l’<a href="http://public.planck.fr/notre-univers/big-bang">expansion de l'univers</a> ? Entre la soupe primitive des <a href="http://www.cnrs.fr/cw/dossiers/dosbig/decouv/decouv.htm">premières minutes</a> de l’Univers et une sauce émulsionnée ? Entre la taille critique d’une planète et le croustillant d’une pâte sablée ? A priori aucun… Pourtant, de la microscopique suspension de notre crème anglaise à la naissance des amas de galaxies, il est question de pression, température, force centrifuge, gravité, énergie, interactions… Bref, de paramètres physiques. Les échelles de temps et d’énergie ne sont pas les mêmes, les objets ne sont évidemment pas de même taille, mais les lois physiques, elles, restent bien universelles ! Prenons quelques exemples.</p>
<h2>Expansion et vide</h2>
<p>Depuis quelques années, nous entendons les chefs parler de « cuisson sous vide » (à basse température). Il n’en est rien ! Ils ôtent l’air des préparations alimentaires en les plaçant dans des sacs étanches, mais ils cuisinent ensuite au bain-marie à pression atmosphérique. Quels seraient les impacts d’une véritable cuisson sous vide ? « Placez votre gâteau au chocolat thermostat 6 à 400 mbar » sera peut-être la consigne à suivre dans les recettes du futur. Nous testons déjà ce four prototype au Centre français d’innovation culinaire (<a href="https://raphaelhaumont.wordpress.com/cfic-orsay/">CFIC</a>) : nous obtenons des <em>ultra-sponge cakes</em>, des gâteaux sans levure chimique, ou encore des brioches ultra-aérées. Les bulles de gaz se dilatent sous l’effet de la dépression, et les gâteaux s’expansent… comme l’Univers, ou presque !</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/189444/original/file-20171009-6947-x71o3e.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/189444/original/file-20171009-6947-x71o3e.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/189444/original/file-20171009-6947-x71o3e.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/189444/original/file-20171009-6947-x71o3e.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/189444/original/file-20171009-6947-x71o3e.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/189444/original/file-20171009-6947-x71o3e.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/189444/original/file-20171009-6947-x71o3e.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Simulation (calculées en France) de la distribution de matière dans un carré d'environ 500 millions d'années-lumière. La structure ressemble à celle d'une mie de brioche ! .</span>
<span class="attribution"><span class="source">DEUS Collaboration</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>La différence vient du contenant : le gâteau s’expand dans son moule, alors que l’Univers, à la fois contenant et contenu, est en expansion « dans » rien. On comprend la structure de l’Univers ainsi : l’espace-temps se dilate (aux très grandes échelles, laissant notre quotidien inchangé) et l’énergie dans l’Univers se dilue jusqu’à sa mort thermique. Dilué, l’Univers est ultravide : la densité moyenne est de l’ordre de 6 protons par mètre cube. Nous vivons, sur notre planète dans le Système solaire et dans notre galaxie, dans un environnement infiniment surdense par rapport à la moyenne. À très grande échelle (plusieurs millions d’années-lumière), la structure de la matière, principalement sous forme de galaxies et filaments de matière noire, ressemble sur une image… à la mie d’une brioche !</p>
<figure class="align-left ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/189552/original/file-20171010-17676-1dcan2o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/189552/original/file-20171010-17676-1dcan2o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=492&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/189552/original/file-20171010-17676-1dcan2o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=492&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/189552/original/file-20171010-17676-1dcan2o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=492&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/189552/original/file-20171010-17676-1dcan2o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=618&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/189552/original/file-20171010-17676-1dcan2o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=618&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/189552/original/file-20171010-17676-1dcan2o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=618&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Une mousse au chocolat expansée.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Hervé Dole et Raphaël Haumont</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
</figcaption>
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<h2>Bulles et vibrations</h2>
<p>Espuma, mousse au chocolat, écume de lait… Autant de mousses alimentaires que l’on souhaite toujours plus légères et gourmandes. Un paradoxe car plus il y a d’air, moins il y a de molécules sapides à manger : une mousse très légère est condamnée à être insipide ! À moins que l’on utilise des gaz parfumés pour foisonner les liquides ou que l’on piège des molécules aromatiques (très souvent hydrophobes) dans le liquide, lesquelles se répartiront alors dans les interfaces.</p>
<p>Toujours est-il que nos mousses doivent « tenir » : faire survivre les bulles d’air au cœur du liquide est un vrai challenge physico-chimique. Un facteur mille sépare les densités de l’air et du liquide (le liquide draine et la mousse « retombe ») et un autre paramètre vient encore perturber l’affaire : l’agitation thermique ! Et là, ce sont les vibrations qui provoquent la coalescence des bulles.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/189514/original/file-20171010-17720-tcvyf7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/189514/original/file-20171010-17720-tcvyf7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=372&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/189514/original/file-20171010-17720-tcvyf7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=372&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/189514/original/file-20171010-17720-tcvyf7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=372&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/189514/original/file-20171010-17720-tcvyf7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=467&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/189514/original/file-20171010-17720-tcvyf7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=467&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/189514/original/file-20171010-17720-tcvyf7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=467&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Le rayonnement fossible (fond cosmologique) observé par le satellite européen Planck.</span>
<span class="attribution"><span class="source">D. Ducros/ESA/Planck</span></span>
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<p>Les vibrations sont fréquentes dans l’Univers, par exemple à la surface des étoiles. Il ne s’agit pas ici de mousse, mais de plasma chaud qui vibre, tiraillé entre gravité et radiation. Ces vibrations – qui avaient également lieu durant les premiers instants de l’Univers et dont on voit encore la trace aujourd’hui dans le <a href="http://www.esa.int/Our_Activities/Space_Science/Planck/Planck_and_the_cosmic_microwave_background">rayonnement fossile</a> – ressemblent étrangement aux vibrations d’une bulle de savon géante. Comme pour un tambour, une cloche ou un violon, ces vibrations ne se produisent pas au hasard : elles s’effectuent selon des « modes propres » caractéristiques du milieu ou du matériau. Étudier ces modes propres de vibration revient à obtenir une carte d’identité presque complète de notre objet d’étude. C’est ainsi que les vibrations des étoiles, ou de l’Univers lui-même <a href="http://public.planck.fr/resultats/202-le-rayonnement-fossile-vu-par-planck-la-nouvelle-reference-en-cosmologie">à ses débuts</a>, permettent de comprendre la nature et l’état de la matière bien enfouie et invisible au cœur. Mousse au chocolat, bulle de savon et étoile : même combat pour les scientifiques !</p>
<h2>Susciter la curiosité</h2>
<p>La cuisine est palpable, les échantillons se mangent, alors que l’astrophysique est plus formelle, peut-être plus conceptuelle et certainement moins propice aux interactions avec l’objet d’étude. Il n’en demeure pas moins que ces deux disciplines partagent de nombreux points communs – comme nous venons de l’illustrer – et plus encore, une même démarche scientifique : universalité des lois, reproductibilité, objectivité, réfutabilité, allers-retours incessants entre expérience (et/ou mesures) et modèles ou théorie. Elles partagent aussi le même moteur de la recherche : la curiosité. C’est la fibre même d’un chercheur. On ne doit pas l’oublier. Mieux même, il faut l’entretenir, rêver, être libre, tester, proposer de nouvelles choses et rêver encore.</p>
<p>Rêver aussi de partager ses passions, de les enseigner. Formidable métier que celui de « donner l’envie de ». En effet, peu importe si nos étudiants deviennent physico-chimistes de la matière molle ou experts de la matière noire. C’est en ce sens que nous travaillons, et c’est pourquoi nous oeuvrons aussi dans la médiation et la diffusion de la culture scientifique. En effet, cet état d’esprit ne doit pas se limiter à nos étudiants : il doit s’étendre à la société tout entière.</p>
<figure class="align-left ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/189445/original/file-20171009-6956-1gfoykp.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/189445/original/file-20171009-6956-1gfoykp.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=550&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/189445/original/file-20171009-6956-1gfoykp.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=550&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/189445/original/file-20171009-6956-1gfoykp.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=550&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/189445/original/file-20171009-6956-1gfoykp.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=691&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/189445/original/file-20171009-6956-1gfoykp.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=691&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/189445/original/file-20171009-6956-1gfoykp.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=691&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Hervé Dole et Raphaël Haumont durant leur conférence-démonstration-expérimentation .</span>
<span class="attribution"><span class="source">C. Pérol, Paris-Sud</span></span>
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<p>Desproges écrivit si justement que « l’ouverture d’esprit n’est pas une fracture du crâne ». Nous espérons que nos <a href="https://www.dunod.com/recherche?text=haumont%2C+dole">ouvrages</a> de vulgarisation, que nos conférences « (G)astronomie » et que toutes les actions de médiation scientifique que nous menons dans les écoles, collèges, lycées, médiathèques, associations, à l’occasion d’événements, etc. œuvrent dans ce sens : s’éveiller, susciter la curiosité, avoir envie d’en savoir plus, aller au-delà des apparences, se questionner sur le monde, créer des passerelles entre les domaines.</p>
<hr>
<p><em>Remerciements à Sophie Félix (Université Paris-Saclay) de nous avoir aidés dans la rédaction de cet article. Hervé Dole et Raphaël Haumont donneront leur conférence à deux voix « (G)astronomie » le <a href="http://www.actu.u-psud.fr/fr/science-et-societe/actualites-2017/l-universite-paris-sud-fete-la-science-les-13-et-15-octobre-2017.html">dimanche 15 octobre 2017 à 16h</a> à la Faculté des Sciences d’Orsay de l’Université Paris-Sud.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/85219/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Dans le cadre de la "Chaire Cuisine du Futur" gérée par la Fondation UPSUD, Raphaël Haumont recoit du mécénat (Danone, ECF Chomette, Cuisine Perène, Pulpe Boiron Frères)</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Hervé Dole est l'un des Vice-Présidents de l'université Paris-Sud, chargé de "médiation scientifique, art, culture, société" (il s'exprime ici à titre personnel). Il a reçu des financements du CNES, de la Région Ile-de-France (DIM-ACAV), du CNRS (PNCG) de l'IUF, et de l'ANR. Il est en auteur du livre "le coté obscur de l'univers" (2017, Dunod). </span></em></p>Quel rapport entre une mousse au chocolat et l’expansion de l’univers ? Entre la soupe primitive des premières minutes de l’Univers et une sauce émulsionnée ?Raphaël Haumont, Enseignant-chercheur, Science des matériaux, Université Paris-SaclayHervé Dole, Professeur (astrophysique et physique) - Institut d'Astrophysique Spatiale (CNRS & Univ. Paris-Sud), Université Paris-SaclayLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/853752017-10-09T19:19:42Z2017-10-09T19:19:42ZFaut-il convaincre les chercheurs de se lancer dans la médiation des sciences ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/189430/original/file-20171009-6971-2qygu1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=10%2C126%2C1407%2C920&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Vul-ga-ri-ser !
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="http://www.pebfox.com">PEB&Fox</a></span></figcaption></figure><figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/183036/original/file-20170822-1066-js7jb1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/183036/original/file-20170822-1066-js7jb1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=282&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/183036/original/file-20170822-1066-js7jb1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=282&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/183036/original/file-20170822-1066-js7jb1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=282&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/183036/original/file-20170822-1066-js7jb1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=355&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/183036/original/file-20170822-1066-js7jb1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=355&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/183036/original/file-20170822-1066-js7jb1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=355&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<p><em>Cet article est publié dans le cadre de la Fête de la Science 2017 dont The Conversation France est partenaire. Retrouvez tous les débats et les événements de votre région sur le site <a href="https://www.fetedelascience.fr">Fetedelascience.fr</a>.</em></p>
<hr>
<p>Conversation avec Nicolas Beck, l’auteur de « En finir avec les idées reçues sur la vulgarisation scientifique » (éditions Quae), questionné par la responsable du Master 2 « communication scientifique » de l’Université de Strasbourg.</p>
<ul>
<li><strong>Le mois d’octobre est riche en médiation des sciences : annonce des Nobels, fête de la science, etc. En dehors de cette période, les chercheurs ont-ils souvent des occasions de s’exprimer ? Sous quelle forme sont-ils le plus souvent sollicités pour intervenir ?</strong></li>
</ul>
<p>On ne peut pas dire que les scientifiques n’aient pas l’occasion de s’exprimer régulièrement, que ce soit dans les médias ou dans des interventions directes auprès du public comme des conférences. La plate-forme The Conversation est l’exemple parfait d’un support dans lequel les chercheurs écrivent directement et régulièrement, avec un succès croissant.</p>
<p>Pour intervenir dans les médias ou écrire un article, je pense qu’il y a peu de réticences de la part des scientifiques, pour lesquels ces outils sont relativement familiers. Par contre, on fait parfois appel aux chercheurs pour s’investir dans des projets qui nécessitent une préparation plus spécifique, comme une intervention face à une classe ou une visite de laboratoire pour le grand public.</p>
<p>Si les sollicitations peuvent sembler nombreuses, je pense qu’il faut à la fois comprendre que la médiation fait pleinement partie du métier de chercheur (comme la loi Fioraso l’a réaffirmé), et que ce temps passé à la culture scientifique ne représente, au final, qu’une partie infime du temps de travail des chercheurs, même si les plus réticents prétendent le contraire. Et en aucun cas ce n’est une perte de temps au détriment de la recherche… bien au contraire !</p>
<ul>
<li><strong>Un certain nombre de travaux réalisés ces dernières années tentent de déterminer quels sont les freins à l’engagement du chercheur dans la médiation vers le grand public. Vous semblez de votre côté penser qu’un ensemble d’idées reçues sur la vulgarisation est pour beaucoup responsable de l’absence d’investissement des chercheurs ? D’où viennent ces idées reçues et comment les combat-on ?</strong></li>
</ul>
<p>Je propose cette série d’idées reçues comme point de départ car ce sont des phrases que j’ai l’occasion d’entendre régulièrement dans les laboratoires de recherche. Bien sûr, cela ne concerne pas tous les chercheurs, mais il reste quelques irréductibles qui pensent encore que pratiquer la culture scientifique leur fera perdre du temps et n’aura aucun intérêt pour leur carrière… ce qui est faux sur le long terme.</p>
<p>Je pense que nous – médiateurs scientifiques – devons continuer à tenter de convaincre et surtout à accompagner les chercheurs pour qu’ils aient l’opportunité, régulièrement, d’avoir des moments d’échange avec le public et pour cela, de disposer des outils et du recul nécessaires pour le faire.</p>
<p>Tous les chercheurs qui ont pratiqué la médiation sont unanimes : ils ont apprécié et en redemandent ! On constate en effet que le dialogue entre scientifiques et public est bénéfique pour les deux parties. La prise de recul, la contextualisation des recherches, la formulation claire de la démarche scientifique apportent beaucoup aux acteurs de la recherche, qui ont besoin d’être compris du public, mais aussi d’autres collègues chercheurs ou encore de partenaires financiers par exemple.</p>
<p>Pour le public, le contact avec un chercheur est évidemment un moment de découverte et d’éveil à l’esprit critique. À ce sujet, il me semble que le foisonnement de théories douteuses sur l’évolution, le climatoscepticisme ou encore les campagnes de communication antivaccins doivent alerter la communauté scientifique, qui ne peut rester muette dans ce contexte de méfiance croissante vis-à-vis des sciences et des technologies.</p>
<p>Plutôt qu’un combat, je dirais donc que le véritable défi à relever, au quotidien, est de faire cogiter les chercheurs sur les enjeux de la culture scientifique et leur responsabilité, en tant que scientifique</p>
<ul>
<li><strong>Dans un article de 2006, JM Levy Leblond s’interrogeait sur la <a href="http://bit.ly/2y2yAmd">pertinence de la fete de la science</a> et émettait une réserve : « À la condition <em>sine qua non</em> de ne pas présenter et justifier l’activité scientifique en les seuls termes de son utilité et de son efficacité, ce qui est quand même, son image dominante… (il faudrait) trouver les moyens de (re)nouer avec les champs reconnus de la culture. Théâtre, cinéma, littérature, arts plastiques, musique même, autant de domaines où nombre d’œuvres, anciennes et modernes, pourraient venir donner aux célébrations de la science un caractère véritablement festif ». Dans ces conditions, quelle place peut occuper le chercheur ?</strong></li>
</ul>
<p>Dans un premier temps, je pense que les démarches culturelles artistique et scientifique ont un grand nombre de points communs : volonté d’aiguiser la curiosité, d’affiner l’esprit critique, d’ouvrir l’esprit du public pour mieux saisir le monde qui nous entoure.</p>
<p>Je rejoins donc complètement JM Levy Leblond dans sa mise en garde concernant la Fête de la Science, qui n’a certainement pas pour objectif de montrer combien la science serait utile et efficace !</p>
<p>L’invitation à un rapprochement – qui a déjà lieu – avec le théâtre ou la littérature me conforte dans l’idée que les chercheurs peuvent pleinement prendre part à ces dispositifs culturels divers et variés. Quand un chercheur contribue à l’écriture d’une pièce de théâtre scientifique, qu’il apporte son analyse sur le contenu d’un documentaire lors d’une projection-débat en public ou qu’il participe à une animation en bibliothèque autour d’un extrait de roman de science-fiction, sa place est bien au cœur du dispositif de médiation culturelle et scientifique.</p>
<ul>
<li><strong>Dans les fêtes de la science, sur les blogs spécialisés, on voit apparaître de plus en plus des médiateurs professionnels, qui connaissent les « trucs » qui touchent le public. Pour ce dernier qu’est-ce que cela change d’avoir affaire à un « vrai » chercheur ?</strong></li>
</ul>
<p>Je pense que l’impact de la rencontre est plus important si l’échange se fait entre le public et un chercheur plutôt qu’avec un médiateur professionnel. Certes, le médiateur dispose d’un savoir-faire et d’une expérience qui l’aident à faire passer des messages et à rendre une animation interactive, appréciée du public. Les médiateurs sont évidemment indispensables car ce sont eux qui assurent la majeure partie des liens avec le public lors d’événements de médiation scientifique ou dans les lieux dédiés.</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/189350/original/file-20171009-6990-1qlk4k6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/189350/original/file-20171009-6990-1qlk4k6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/189350/original/file-20171009-6990-1qlk4k6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=937&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/189350/original/file-20171009-6990-1qlk4k6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=937&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/189350/original/file-20171009-6990-1qlk4k6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=937&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/189350/original/file-20171009-6990-1qlk4k6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1178&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/189350/original/file-20171009-6990-1qlk4k6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1178&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/189350/original/file-20171009-6990-1qlk4k6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1178&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<p>Mais, pour le public, la rencontre avec un chercheur apportera toujours une valeur ajoutée qui donne tout son sens à la démarche de culture scientifique. Qui d’autre qu’un chercheur pourrait raconter son parcours, partager ses expériences ? Qui serait mieux placé qu’un scientifique pour évoquer des anecdotes de terrain et de laboratoire, en partageant sa passion pour la science ?</p>
<p>La Fête de la Science, qui doit permettre au public de « rencontrer les femmes et hommes qui font la science d’aujourd’hui », donne l’occasion de discuter avec de « vrais » chercheurs, ce qui constitue une aventure marquante, notamment pour le jeune public. L’implication physique des scientifiques dans des animations de médiation scientifique, génératrice de curiosité et d’émotions pour le public, me paraît donc indispensable.</p>
<hr>
<p><em><a href="http://bit.ly/2eleqIQ">« En finir avec les idées reçues sur la vulgarisation scientifique »</a>, par Nicolas Beck, préface de Mathieu Vidard, Éditions Quae, 2017.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/85375/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Elsa Poupardin ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Entretien autour de l’attitude des chercheurs face à la vulgarisation scientifique et comment la mettre en scène sans perdre son âme, ni tomber dans la démonstrations de « l’utilité » de la science.Elsa Poupardin, Maitre de conférences, Responsable du Master 2 "communication scientifique", Université de StrasbourgLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/852732017-10-06T13:07:24Z2017-10-06T13:07:24ZPodcast : La science face aux fake news<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/189039/original/file-20171005-9792-16m3xho.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C1%2C1024%2C616&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption"></span> </figcaption></figure><p>À l'occasion de la <a href="https://www.fetedelascience.fr">Fête de la Science 2017</a>, une émission sur l'importance de la médiation scientifique et de la culture scientifique, portées par les chercheurs, dans une époque marquée par la post-vérité, le climatoscepticisme, les débats sans fin sur les vaccins, etc.</p>
<p><strong>Gilles Bœuf</strong> parle de la poussée du climatoscepticisme, de la contestation des faits scientifiques, de la non-science et comment il y répond à son niveau.</p>
<p><strong>Samuel Guibal</strong> parle des attaques contre la science, de la manière dont il voit les aberrations actuelles (créationnistes, « platistes »), de ce qu'il y a à faire pour faire progresser la culture scientifique et des initiatives comme la fête de la science.</p>
<p><strong>Véronique Atger</strong> parle des chercheurs, de leur vie et leurs rôles ; comment faire vivre cette recherche à l'extérieur, la valorisation de la recherche et la fête de la science à Sorbonne Universités.</p>
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<p><em>Animation : Yves Bongarçon (Moustic the Audio Agency) et Didier Pourquery (The Conversation France). Réalisation : Joseph Carabalona (Moustic the Audio Agency).</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/85273/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Samuel Guibal est délégué régional adjoint, DRRT Ile de France, Ministère de l'enseignement supérieur de la recherche et de l'innovation</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Gilles Bœuf et Véronique Atger ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur poste universitaire.</span></em></p>À l'occasion de la Fête de la Science, une émission sur l'importance de la médiation scientifique et de la culture scientifique, portées par les chercheurs, dans une époque marquée par la post-vérité.Gilles Bœuf, Biologiste, océanographe, professeur, Sorbonne UniversitéSamuel Guibal, Chercheur au Laboratoire Matériaux et Phénomènes Quantiques, CNRS, Université Paris CitéVéronique Atger, Directrice de la recherche, Sorbonne UniversitéLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/805162017-07-06T00:03:24Z2017-07-06T00:03:24ZYouTube et la médiation des sciences, un mariage de raison ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/176807/original/file-20170704-29276-13fag8z.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Principe de précaution. La Philo en petits morceaux/YouTube</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.youtube.com/watch?v=q7ABuRwmtWw&feature=youtu.be">La Philo en petits morceaux/YouTube</a></span></figcaption></figure><p>De la science sur écran ? Allumez donc Internet. Alors que la vénérable émission <em>C’est Pas Sorcier</em> fait son retour sur le web (sous le nom de <a href="https://www.youtube.com/channel/UCH6rAZUDfVIoVSJjm3vlcnw">Esprit Sorcier</a>), le CNRS diversifie ses investissements audiovisuels et prépare sa propre chaîne vidéo en ligne. Le web de l’audiovisuel scientifique se structure, après qu’une poignée de YouTubeurs ont ouvert la voie. Le quatrième <a href="http://factuel.univ-lorraine.fr/node/6603">rendez-vous <em>Science & You</em></a> a été l’occasion de confronter le regard de plusieurs acteurs du petit monde de la vidéo scientifique.</p>
<h2>Un média peu soucieux de la culture scientifique</h2>
<p>Professeur documentaliste, Sandrine Philippe a consacré son mémoire de fin d’études à la place de YouTube dans le CDI. La soixantaine de collégiens et lycéens qu’elle a rencontrés en entretiens est unanime : pour regarder des vidéos sur Internet, YouTube est le point d’entrée principal. Voilà qui corrobore l’idée que Google se constitue en <a href="http://cfeditions.com/entonnoir/">entonnoir</a> des pratiques numériques.</p>
<p>Puisque tout le monde est sur YouTube et que tout le monde peut y publier des contenus vidéo, on y trouve de tout… Et même de la science. Des chaînes telles que <a href="https://www.youtube.com/channel/UCfGfdZuYifBYb1fmZcL1JBQ">Trash</a>, <a href="https://www.youtube.com/user/notabenemovies">Nota Bene</a>, <a href="https://www.youtube.com/user/experimentboyTV">Experiment Boy</a> ou <a href="https://www.youtube.com/user/dirtybiology">Dirty Biology</a> réunissent entre 500 000 à 1 million d’abonnés. Pour totaliser plusieurs centaines de milliers de vues, les vidéos recourent à des images et des titres parfois racoleurs. Il faut dire que la concurrence est rude face aux chaînes mode, <em>lifestyle</em> et autres vidéos de chatons.</p>
<p>La formule semble fonctionner auprès des lycéens. S’ils découvrent une chaîne scientifique au détour d’une vidéo consacrée à <a href="https://www.youtube.com/watch?v=6Aefzjs825k&feature=youtu.be">Pokemon</a>, ils s’y abonnent parce qu’elle pourra nourrir leurs révisions. Toutefois, Sandrine Philippe constate que l’image est souvent confondue par les adolescents avec une preuve et que, pour eux, la popularité d’une vidéo est souvent un argument d’autorité. En outre, Josselin Aubrée (Esprit Sorcier) et Thomas Durand (<a href="https://www.youtube.com/user/TroncheEnBiais">La Tronche en Biais</a>) témoignent des difficultés qu’ils rencontrent pour contrecarrer les discours idéologiques ou complotistes.</p>
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<figcaption><span class="caption">La Tronche en Biais répond à la vidéo d'une maman «antivax».</span></figcaption>
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<p>N’oublions pas que YouTube obéit à une tout autre motivation que celle de diffuser la culture, fût-elle scientifique. Reposant sur le modèle publicitaire, la plateforme vidéo cherche à maximiser le nombre d’affichages. C’est pourquoi ses algorithmes recommandent les contenus les plus populaires parmi ceux qui semblent pertinents au regard de l’historique de consultation de l’internaute. C’est ainsi que les algorithmes de YouTube sont <a href="https://framablog.org/2017/05/11/quand-les-recommandations-youtube-nous-font-tourner-en-bourrique/">soupçonnés</a> de favoriser les « faits alternatifs ».</p>
<h2>Cultiver l’esprit critique et la démarche scientifique</h2>
<p>Pour faire front, le <a href="http://www.cafe-sciences.org/">Café des Sciences</a> s’efforce de fédérer les producteurs de contenus de vulgarisation : vidéos, mais aussi billets de blogs, spots audio et illustrations. Le vulgarisateur en herbe désireux de rejoindre cette association doit soumettre sa candidature à l’évaluation de ses pairs. Les membres sont encouragés à se relire mutuellement et à partager entre eux l’accès aux ressources scientifiques. Pour Pierre Kerner, enseignant-chercheur et fondateur de la plateforme <a href="http://videosciences.cafe-sciences.org/">Vidéosciences</a>, il ne s’agit pas de promouvoir la science pour elle-même, mais de contribuer à diffuser la culture scientifique au sein de la société.</p>
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<figcaption><span class="caption">20questions à Pierre Kerner, fondateur de Vidéosciences.</span></figcaption>
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<p>Comme en témoigne le dernier épisode de la série animée <a href="https://www.youtube.com/channel/UCGXQ71ls-1oXj_YeCAhpFQg">La Philo en Petits Morceaux</a>, « avant les choses étaient plus simples » : les sciences engendraient, cautionnaient et contrôlaient le progrès technique. Désormais, principe de précaution oblige, les scientifiques doivent de plus en plus endosser le rôle de lanceurs d’alerte face à des technologies dont on mesure mal les conséquences.</p>
<p>Ce changement de rôle des sciences mine la confiance du public, pour qui la figure du chercheur n’est plus très loin de celle du pompier pyromane. Faut-il le déplorer ? Peut-être pas, si c’est l’occasion de prendre conscience que non, aucune science ne détient la vérité : chacune tente de l’éclairer en partie. Comme le souligne Thomas Durand, le propre de la science est de n’obliger personne à la croire.</p>
<p>Thomas Durand et Pierre Kerner s’accordent à déplorer que la science soit perçue comme un ensemble de vérités à apprendre et retenir. L’apprentissage et la reproduction de démonstrations permettent d’acquérir quelques dispositions au raisonnement scientifique, mais pas d’en faire l’expérience concrète. C’est pourquoi des initiatives telles que <a href="http://www.fondation-lamap.org/">La Main à la pâte</a> sont précieuses, de même que l’enseignement de l’histoire des sciences.</p>
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<figcaption><span class="caption">Le film d'animation «Principe de précaution» dans la série «La Philo en petits morceaux».</span></figcaption>
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<p>L’exercice de la vulgarisation favorise quant à lui l'apprentissage de la recherche. Sandrine Philippe anime un atelier vidéo auprès de ses élèves de collège. Ces derniers produisent des pastilles de vulgarisation scientifique sur des thèmes tels que le biomimétisme ou les textiles intelligents. Mais ne cherchez pas sur Youtube : ces productions ne sont pas destinées à y être publiées. </p>
<p>Pour ses étudiants de licence, Pierre Kerner anime un cours de vulgarisation scientifique dans le cadre duquel ils créent des blogs ou des vidéos, apprennent à chercher et sélectionner l’information. Au-delà de l’acquisition de compétences en communication, ce type d’expérience offre l’occasion de conjuguer <a href="http://eduscol.education.fr/cid107295/appel-a-contributions-sur-l-esprit-critique.html">esprit critique</a> et <a href="http://eduscol.education.fr/pid23341/culture-scientifique-et-technologique.html">démarche scientifique</a>. « Science sans conscience… » Vous connaissez la suite.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/80516/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Julien Falgas est chargé de communication scientifique à l'Université de Lorraine.</span></em></p>Les YouTubeurs scientifiques s’organisent pour cultiver esprit critique et démarche scientifique sur une plateforme où le clic est roi.Julien Falgas, Chercheur correspondant au Centre de recherche sur les médiations, Université de LorraineLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/787702017-06-06T20:23:00Z2017-06-06T20:23:00ZPourquoi apprendre à expliquer son travail de thèse en trois minutes<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/172140/original/file-20170604-20596-164pb7j.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Événement « Ma Thèse en 180 secondes » 2017.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://visualhunt.com/f/photo/33875542636/d3a2c24a9f/">Le Dôme via Visualhunt.com</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-sa/4.0/">CC BY-NC-SA</a></span></figcaption></figure><p>L’entretien d’embauche est un exercice qui concernera un grand nombre de nos doctorants. Ils ont suivi pour la plupart des formations qui les préparent à l’écriture d’un CV, d’une lettre de motivations, ils savent parfois établir un bilan de compétences. Mais peu en définitive sont capables de valoriser leur travail sous la forme d’une brève présentation de leur travail qui, au-delà du sujet lui-même, permet de révéler à l’employeur des capacités de synthèse, de mise à distance, d’esprit critique.</p>
<h2>Parler à des non-initiés</h2>
<p>Le doctorant devra apprendre à présenter en quelques secondes son travail avec l’objectif de démontrer que les connaissances et compétences acquises pendant ces trois ans peuvent être mises au service d’un questionnement différent.</p>
<p>Ce travail de vulgarisation est complexe et nécessite de s’être préparé : il ne s’agit pas de « professer » ou de montrer l’étendue de son savoir. On s’adresse ici à une personne qui ne possède sûrement pas les mêmes codes que nous, mais qui est cependant curieuse d’apprendre.</p>
<p>Plus largement, savoir expliquer à un public de non-initiés son travail de thèse facilite et ouvre le dialogue avec ses proches, sa famille, avec ses amis. On se souvient peut-être du film <em>On connaît la chanson</em>, et de l’intérêt vague (source de petite déprime) que l’entourage du personnage joué par Agnès Jaoui porte à son travail de thèse (« Les chevaliers paysans de l’an mil au lac de Paladru »).</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/7VEmNdJb9E4?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">La «thèse sur rien»</span></figcaption>
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<p>L’idée est qu’un doctorant sachant s’exprimer sera mieux écouté. Il éveillera naturellement une curiosité qui en retour lui donnera de la confiance, de l’estime de soi et de son travail, bref de la motivation.</p>
<h2>Expliquer son travail, ça s’apprend</h2>
<p>Apprendre à exprimer simplement et rapidement le contexte et les grandes problématiques de son travail de thèse nécessite une réflexion en amont qui obligera le doctorant à ralentir quelques instants sa course laborieuse, à lever un peu le nez du guidon. Il s’agira ici de s’extraire des préoccupations techniques de son travail, une tâche qui occupe en général son quotidien professionnel, mais dont la plupart des non-spécialistes se désintéressent, à juste titre.</p>
<p>Quel est le contexte général de mon travail ? Dans quelle histoire passée et actuelle des sciences, des techniques, des arts et des hommes s’inscrit-il ? Quel est l’enjeu de ce travail pour la société ? Pour répondre à ces questions, il faut accepter de sortir de son paradigme disciplinaire et thématique. Cet effort n’est pas inné, il s’apprend. Il faut s’exercer au regard de l’autre pour atteindre un niveau raisonnable de réflexivité, et finalement mieux comprendre ce que l’on fait et dans quel cadre.</p>
<p>Il faut transmettre à nos doctorants l’idée qu’un bon vulgarisateur est un bon chercheur. Le <a href="http://bit.ly/2qUUT5K">physicien Richard Feynman</a>, par exemple, prix Nobel en 1965 pour sa contribution majeure dans le développement de l’électrodynamique quantique, était aussi très bien connu pour refuser toute invitation à des séminaires et colloques de recherche, focalisant son effort de transmission au profit du « grand public », lors de conférences destinées à des non-spécialistes ou de livres passionnants, pleins d’humour, magnifiquement écrits.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/172143/original/file-20170604-20582-7dtm33.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/172143/original/file-20170604-20582-7dtm33.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/172143/original/file-20170604-20582-7dtm33.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=355&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/172143/original/file-20170604-20582-7dtm33.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=355&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/172143/original/file-20170604-20582-7dtm33.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=355&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/172143/original/file-20170604-20582-7dtm33.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=446&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/172143/original/file-20170604-20582-7dtm33.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=446&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/172143/original/file-20170604-20582-7dtm33.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=446&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Une citation de Richard Feynman.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://visualhunt.com/f/photo/9409678513/156ecd1635/">tlwmdbt/Visual Hunt</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
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<p>Par ailleurs, cette capacité à présenter son activité de recherche permet de mieux situer son travail lors d’une introduction à un article scientifique, une demande de financement, une présentation lors d’une conférence. C’est aussi un outil qui facilite l’échange interdisciplinaire entre collègues.</p>
<p>Enfin, il faut souligner qu’un exercice de ce type permet de rappeler aux doctorants de nos laboratoires et instituts que l’exercice de la diffusion des connaissances scientifiques, et plus précisément ici celui de leur travail de recherche, est une des missions statutaires de l’Université française.</p>
<h2>Pour une généralisation de MT180s !</h2>
<p>Ce <a href="http://mt180.fr/">concours est une manifestation</a> qui attire un grand public et qui est largement médiatisé. C’est une vitrine, un des outils efficaces que les <a href="https://competences.cuso.ch/activites/mt180/">universitaires ont à leur disposition</a> pour faire connaître aux plus grands nombres les enjeux et problématiques actuels des travaux de recherche (représentés ici par des jeunes qui attirent peut-être plus naturellement l’attention et la sympathie qu’un chercheur confirmé).</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/9H7UQds9XM8?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Mathieu Buonafine, 1erprix du jury, finale nationale 2016 de MT180s.</span></figcaption>
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<p>Cette réussite peut être généralisée à un plus grand nombre de doctorants (tous ?), en privilégiant l’aspect formation. L’idée ici serait, dans un premier temps, de s’extraire des contraintes imposées par la forte exposition publique du concours MT180s (prestation filmée et enregistrée en direct devant un public).</p>
<p>Cela étant, si elles ne visent pas nécessairement une participation à MT180s, les trois ou quatre séances d’information et d’exercices pourraient bien sûr aider ceux qui souhaiteront s’inscrire et représenter leur communauté de recherche.</p>
<p>Voici comment pourrait s’organiser une telle formation :</p>
<p><strong>Séance 1 :</strong> Information (cf texte présent pour les objectifs, fonctionnement de MT180s, répondre aux questions et aux inquiétudes, etc.).</p>
<p><strong>Séance 2 :</strong> Préparation à l’exercice de présentation (rencontres avec des anciens candidats de MT180s et/ou avec des comédiens professionnels, conseils sur comment présenter, le langage corporel, les écueils à éviter, le travail personnel à fournir, et visionnages vidéo).</p>
<p><strong>Séance 3 :</strong> Travail sur sa présentation en autonomie, par binôme constitué par des doctorants de domaines le plus éloignés possible.</p>
<p><strong>Séance 4 :</strong> Oral (auto- et interévaluation uniquement).</p>
<p>Ce genre d’approche aidera nos doctorants, au-delà d’un simple exercice, à éviter le syndrome (légèrement déprimant) de « la thèse sur rien ».</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/78770/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Frédéric Decremps ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Pour une généralisation de MT180s : cet exercice peut profiter à l’ensemble des doctorants pour leur insertion, fortifier les liens entre sciences et société et élaborer un savoir-faire.Frédéric Decremps, professeur de physique, Sorbonne UniversitéLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/768312017-05-02T21:43:16Z2017-05-02T21:43:16ZCulture scientifique : participation et engagement<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/167278/original/file-20170430-12970-17wy18x.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C54%2C1007%2C700&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Conférence de consensus sur la lecture organisée par l’IFÉ et le CNESCO en 2016 : phase du jury.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="http://eduveille.hypotheses.org/7913">Éduveille</a></span></figcaption></figure><p><em>Cet article est tiré du <a href="http://bit.ly/2oMDtaf">Dossier Culture scientifique</a>, produit par <a href="http://bit.ly/1fkQA7G">Découvrir #MagAcfas</a>. Les 12 textes en provenance de 10 pays ont été rassemblés par deux spécialistes du domaine, Joëlle Le Marec (Paris-Sorbonne) et Bernard Schiele (UQAM). Ce tour d’horizon accompagne les <a href="http://bit.ly/2ppox65">Journées internationales de la culture scientifique – Science & You</a>, tenues à Montréal, les 4, 5 et 6 mai 2017.</em></p>
<hr>
<p>C’est un certain monopole du droit de parole, réservé à quelques-uns, qui est aujourd’hui remis en question, en partie parce que les problèmes auxquels sont confrontées les sociétés contemporaines ne peuvent trouver de solution dans une perspective étroitement technoscientifique.</p>
<h2>La parole de tous</h2>
<p>Cette courte note explore les formes contemporaines de participation et d’engagement qui donnent voix au chapitre à ceux qui jusqu’à présent avaient été exclus des débats sur les enjeux qui les concernaient parce que leur savoir et leur expérience, acquis au cours de leur existence, dévalorisés et jugés inopérants, ne correspondaient pas aux critères d’une compétence reconnue, et les privaient ainsi d’un droit de prise de parole, réservé à ceux, seuls, qui pouvaient s’en réclamer, particulièrement dans les domaines qui convoquaient l’expertise en science et en technologie.</p>
<p>C’est un certain monopole du droit de parole, réservé à quelques-uns, qui est aujourd’hui remis en question, en partie parce que les problèmes auxquels sont confrontées les sociétés contemporaines ne peuvent trouver de solution dans une perspective étroitement technoscientifique.</p>
<p>Aussi, le mode d’interaction de ce que l’on qualifie maintenant de participation ou d’engagement public réfère à une communication à deux sens (two-way communication) entre les experts, les scientifiques, les décideurs… et les profanes, les non-initiés, les non-spécialistes, les citoyens… contrairement à la communication à sens unique (one-way science communication) qui, jusqu’à présent, a caractérisé et dominé les relations entre la communauté scientifique (ou ses représentants et porte-paroles) et le grand public.</p>
<p>Concrètement, la participation et l’engagement public désignent des processus de prise de décision sur des questions qui touchent une communauté (par exemple, les risques environnementaux) en réunissant autour de ces questions des acteurs aux compétences et intérêts divers, pour qu’ils interagissent les uns avec les autres, avec pour objectif d’en arriver à un consensus. L’engagement peut être direct : assemblées publiques, panels réunissant experts et citoyens, audiences publiques, instances délibérantes… ou indirectes : consultations publiques, groupes de discussion…</p>
<p>Le mouvement de la participation du public, pris dans son ensemble, est multiforme. Il va de la simple prise de parole dans les assemblées publiques locales à la coproduction des savoirs dans des recherches participatives. De fait, il renvoie à des modes distincts de participation, mobilisés en vue de l’atteinte d’objectifs différents. Bien que l’on puisse les qualifier tous de communication à deux sens entre experts et profanes, il n’existe pas de définition qui engloberait de manière satisfaisante tous les modes participatifs possibles. Cependant, on peut dire que le mouvement rassemble des acteurs sociaux, membres de communautés distinctes, ayant des intérêts propres, concernés par des problèmes, et qui se mobilisent ou sont mobilisés autour d’enjeux, avec pour objectif d’en débattre et souvent d’en dégager un consensus.</p>
<h2>Un changement de paradigme</h2>
<p><strong>Le <em>deficit model</em> : une communication à sens unique</strong></p>
<p>Le <em>deficit model</em> a longtemps été le paradigme dominant pour appréhender le rapport du public aux sciences, et en retour le rôle que devaient jouer les scientifiques. Avec le recul, on peut le concevoir comme une « idéologie à l’œuvre » (<a href="http://bit.ly/2qsq6xh">Schiele 2008</a>), tant il apparaissait comme une évidence, jamais remise en question, et tant il a marqué les pratiques de communication des sciences qui se sont développées après la fin de la Seconde Guerre mondiale.</p>
<p>En substance le <em>deficit model</em> reposait sur deux postulats : 1) le grand public, dans l’ensemble, manquait de culture scientifique, d’où l’idée de déficit ; en conséquence, 2) il n’était pas à même comprendre la portée du travail des scientifiques, et encore moins d’appréhender leur vision du monde ni de la partager. C’est pourquoi le grand public, affirmait-on, ne pouvait apprécier la valeur objective des sciences, ni évidemment débattre des enjeux qu’elles soulevaient. Voilà pourquoi, il était posé que le public dût d’abord acquérir un bagage de connaissances scientifiques avant de prétendre à une quelconque opinion sur les sciences. Bref : il lui fallait d’abord assimiler, avant d’être à même d’en juger.</p>
<p>Concrètement le <em>deficit model</em> perpétuait le modèle scolaire : celui qui sait transmet à celui qui ne sait pas. La communication est à sens unique. Et comme le public était réputé ignorant, les scientifiques ou les communicateurs scientifiques se retrouvaient dans le rôle du maître.</p>
<p>Par ailleurs, cette approche n’a jamais permis de combler l’écart entre le public et les scientifiques, un écart que le rythme de production des connaissances a continué de creuser malgré les efforts déployés par les intervenants (<a href="http://bit.ly/2qsxF7b">Schiele 2013</a>). Enfin, le <em>deficit model</em> confortait une approche technocratique qui voulait que seuls ceux qui savent soient habilités à aborder les questions de science et de technologie même si les retombées affectent la collectivité.</p>
<p><strong>Le dépassement du <em>deficit model</em></strong></p>
<p>À partir des années 1990, des expériences sont tentées pour dépasser le <em>deficit model</em>. On va dès lors favoriser les échanges entre les scientifiques et le public. En fait, c’est un changement radical de perspective qui se produit. Et ce changement dépasse – et de loin – la question de la transmission et de l’acquisition des connaissances, qui avait été jusque-là au centre de l’attention.</p>
<p>Il sera désormais moins question des connaissances que du droit de tout citoyen de s’exprimer, d’être entendu, et d’être écouté lorsque des effets avérés ou potentiels l’affectent ou risquent de l’affecter. En un mot, l’idée qui s’impose est celle qui affirme que les « citoyens ont le droit de s’exprimer sur les enjeux qui ont une incidence sur leur existence » (<a href="http://bit.ly/2oXLfz8">Einsiedel 2010</a>, p. 182), contrairement à la vision précédente qui voulait que seuls les spécialistes et les experts fussent à même de se prononcer sur ce qui impactait les populations.</p>
<p>Il est donc question, d’une part, de l’exercice de la démocratie bien plus que de la maîtrise des connaissances scientifiques. D’autre part, on observe aussi, en parallèle, une évolution des mentalités : on considère maintenant que « les profanes sont capables de saisir et d’aborder des matières techniques complexes et peuvent suggérer des approches qui autrement n’auraient pas été envisagées par les experts » (<a href="http://bit.ly/2oXLfz8">Einsiediel 2010</a>, p. 182). Ce qui implique une valorisation de leurs compétences, et la prise en compte de leur expérience.</p>
<p>Ce mouvement qui préconise la participation et l’engagement du public se structure autour du concept de <a href="http://bit.ly/2qsry2H">démocratie délibérative</a>. Il ne s’agit pas de prétendre que la compétence de tout un chacun peut se substituer à celle de quiconque. C’est plutôt la variation des compétences, et des perspectives d’approche qui compte dans la mise en commun des expériences distinctes pour résoudre des problèmes qui concernent tous les acteurs impliqués.</p>
<p>En substance, le déplacement vers un mode d’interactions à deux sens (a two-way mode of interactions) pour atteindre un objectif commun indique un changement profond dans la société. Il découle : 1) d’une transformation du rôle des institutions dans les sociétés complexes d’aujourd’hui ; et 2) d’une évolution de la relation au savoir. Ainsi, l’expertise est redéfinie : les formes de connaissances autrefois marginalisées – souvent situées et locales – sont maintenant reconnues et incorporées au processus de prise de décision.</p>
<h2>Aux fondements de la participation et de l’engagement</h2>
<p>Cette évolution entraîne une recomposition des dispositifs de communication scientifique. Ce qui implique à la fois une transformation du contenu des échanges et du jeu entre les acteurs engagés dans cet échange. Et les mots clés pour qualifier cette recomposition sont participation et engagement. Elle consiste pour l’essentiel à favoriser des relations symétriques entre des acteurs. Autrement dit : de substituer une relation entre égaux à ce qui était vu comme une situation d’échange inégal, où les savoirs invariablement transitaient unilatéralement de celui qui parlait à celui qui écoutait.</p>
<p>Mais comprenons-nous bien, la notion de symétrie dans les échanges et les relations ne présuppose pas que quiconque peut prétendre à une compétence qu’il n’a pas acquise. Le scientifique – physicien, chimiste, biologiste – restera bien un scientifique, et celui ou celle qui est comptable restera un comptable. Les rôles et les compétences ne sont pas permutables. Là n’est pas l’enjeu.</p>
<p>On qualifie souvent de « complexe » la société dans laquelle nous vivons aujourd’hui. En fait, on emploie ce qualificatif pour décrire une société moderne caractérisée par une interdépendance réciproque accrue entre tous les individus. Et cette interdépendance est telle qu’aucun individu, ou aucun groupe d’individus, ne puisse prétendre en occuper un centre quelconque.</p>
<p>C’est pourquoi les termes de collaboration, participation, concertation, engagement reviennent fréquemment dans les stratégies quand un changement d’importance est envisagé. Ceci vaut évidemment a fortiori chaque fois qu’il est question d’un impact des sciences et des technologies, car elles ont toujours une destination sociale.</p>
<p>Il faut aussi tenir compte d’un autre aspect : le paradigme du <em>deficit model</em> faisait référence au public. Mais il s’agissait d’un public indifférencié. On parlait de la science, des scientifiques et du public, comme s’il s’agissait d’entités homogènes. D’ailleurs, les techniques d’enquête pour mesurer le degré de culture scientifique du public reposent toutes sur cette prémisse, même si l’on raffine les analyses en tenant compte des variables sociodémographiques ou socioprofessionnelles.</p>
<p>C’est toujours l’idée d’un individu moyen qui prédomine en arrière-plan et qui renvoie à celle d’un public indifférencié. Or, le public n’est pas monolithique. « Les membres du public se distinguent les uns des autres tant par leurs expériences personnelles que par leurs connaissances, leur réussite scolaire, leur culture, leurs croyances et ainsi de suite » (<a href="http://bit.ly/2qskPFY">Allgaier 2010</a>, p. 132). En un mot : le public est hétérogène.</p>
<p>Finalement, il reste à mentionner que ces transformations reposent sur l’égalité entre les interlocuteurs et la réciprocité des échanges entre eux. Et l’on pourrait ajouter la transparence de part et d’autre, car ces trois éléments sont la condition même de la réussite de la participation et de l’engagement. Le modus operandi privilégié est la délibération entre les partenaires pour en arriver à une décision. Ce n’est évidemment pas la seule manière de procéder. De plus, et pour les mêmes raisons, il est souhaité que le plus grand nombre y prenne part.</p>
<p>Le tableau 1, ci-après, synthétise les transformations auxquelles nous assistons.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/167026/original/file-20170427-15112-dryjcs.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/167026/original/file-20170427-15112-dryjcs.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/167026/original/file-20170427-15112-dryjcs.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/167026/original/file-20170427-15112-dryjcs.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/167026/original/file-20170427-15112-dryjcs.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/167026/original/file-20170427-15112-dryjcs.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/167026/original/file-20170427-15112-dryjcs.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/167026/original/file-20170427-15112-dryjcs.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<h2>Trois catégories de pratiques participatives</h2>
<p>En conclusion nous dirons que les pratiques participatives peuvent être regroupées en trois catégories :</p>
<ul>
<li><p><strong>Les modes qui favorisent le dialogue</strong>. Ils vont de « la simple transmission d’informations à l’échange d’informations ou au dialogue critique » (Einsiedel 2014). Ils incluent les cafés scientifiques, les <em>town hall meetings</em>, mais aussi les festivals, certaines expositions et les discussions en ligne.</p></li>
<li><p><strong>Les modes qui favorisent l’engagement</strong>. Ils ont en commun de mettre de l’avant la délibération entre les citoyens pour en arriver à une décision. Plusieurs voient dans cette approche un renouveau de la démocratie ; dite alors délibérative par opposition au mode représentatif, caractéristique de la majorité des institutions politiques aujourd’hui, et dont les insuffisances sont dénoncées (Chambers 2003). Il s’agit donc d’une transposition dans le champ de la communication scientifique et technologique d’une théorie politique.</p></li>
<li><p><strong>Les modes qui favorisent la coproduction du savoir</strong>. Pour l’essentiel, ils réunissent des volontaires, souvent des amateurs, appelés aussi citoyens scientifiques, qui collaborent avec des chercheurs pour produire des connaissances nouvelles. Cette démarche est en phase avec une transformation plus profonde de la production des connaissances, qui tend maintenant à être orientée-objet, donc transdisciplinaire. Ces travaux sont souvent réalisés par des équipes éclatées dans différents lieux qui collaborent au moyen du numérique. Il fait fond aussi sur la capacité de mobiliser une main-d’œuvre, offrant un large éventail de compétences. La reconnaissance de la contribution du savoir traditionnel ou indigène s’inscrit dans le même mouvement, tout comme, par exemple, celle des associations de malades.</p></li>
</ul><img src="https://counter.theconversation.com/content/76831/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Bernard Schiele ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Face à la complexité des problèmes auxquels sont confrontés nos sociétés, un certain monopole du droit de parole, réservé à quelques-uns est aujourd’hui remis en question.Bernard Schiele, Professeur à la faculté de communication , Université du Québec à Montréal (UQAM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.