tag:theconversation.com,2011:/ca-fr/topics/dette-20647/articlesdette – La Conversation2024-03-20T15:59:03Ztag:theconversation.com,2011:article/2249902024-03-20T15:59:03Z2024-03-20T15:59:03ZCaraïbes, Amérique latine, Océan indien… Comment sortir de la double vulnérabilité climatique et financière ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/579518/original/file-20240304-30-vpv6r4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C74%2C1997%2C1299&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">La région des Caraïbes comportent plusieurs pays qui risquent de tomber dans une « spirale dette-climat ».
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://picryl.com/media/a-goes-satellite-image-of-hurricane-maria-in-the-caribbean-sea-taken-at-915-60da3d">Picryl/US Navy</a></span></figcaption></figure><p>Un certain nombre de pays en développement font actuellement face à d’importants enjeux de soutenabilité financière dans un contexte économique international dégradé. Un certain nombre d’entre eux sont par ailleurs particulièrement vulnérables au changement climatique, aux conséquences des évènements climatiques extrêmes d’une part, et à la dégradation chronique des conditions climatiques d’autre part (hausse du niveau de la mer et hausse des températures notamment).</p>
<p>Ces deux types de vulnérabilités, climatique d’un côté et macrofinancière de l’autre, peuvent, dans certains contextes, se renforcer mutuellement. Notre <a href="https://www.afd.fr/fr/ressources/spirale-dette-climat-une-approche-empirique-pour-detecter-les-situations-de-double-vulnerabilite">récente étude</a>, fondée sur une base de données interne prenant en compte des données historiques et projetées pour plus de 160 pays, se propose ainsi d’identifier ceux dans laquelle une spirale de dégradation des finances publiques risque d’apparaître en raison d’une exposition critique aux conséquences du changement climatique.</p>
<p>Cette notion de « double vulnérabilité » a notamment figuré au cœur de trois initiatives politiques récentes. D’une part, <a href="https://pmo.gov.bb/wp-content/uploads/2022/10/The-2022-Bridgetown-Initiative.pdf">l’initiative de Bridgetown</a>, lancée à la COP 26 en 2021, appelle à un allègement de la dette publique des pays les plus vulnérables et à la mobilisation massive de financements concessionnels pour aider ces économies à faire face au changement climatique. D’autre part, la création du fonds <a href="https://unfccc.int/news/cop27-reaches-breakthrough-agreement-on-new-loss-and-damage-fund-for-vulnerable-countries">Pertes et Dommages</a>, lancé lors de la COP27 et entériné à la COP28 fin 2023, devrait permettre de mobiliser des ressources financières pour les pays les plus affectés par le changement climatique. Enfin, en juin 2023, le <a href="https://theconversation.com/pays-en-developpement-un-sommet-a-paris-pour-relever-le-defi-de-la-dette-et-du-climat-208079">Sommet de Paris pour un nouveau pacte financier</a> a également appelé à une meilleure définition des vulnérabilités climatiques et financières.</p>
<h2>Une « spirale dette-climat »</h2>
<p>Chaque fois, l’idée sous-jacente est la même : les pays les plus vulnérables au changement climatique – ceux qui en subissent le coût humain et économique le plus élevé – sont aussi souvent les moins bien armés financièrement pour y faire face. Si la notion de vulnérabilité doit encore être définie avec précision au niveau international, un nombre croissant de <a href="https://ferdi.fr/publications/prendre-en-compte-la-vulnerabilite-dans-la-repartition-mondiale-des-financements-concessionnels">travaux</a> insistent sur l’importance de mesurer conjointement la vulnérabilité au changement climatique et la vulnérabilité macrofinancière :</p>
<ul>
<li><p>La <strong>vulnérabilité climatique</strong> se définit comme une situation dans laquelle un pays (i) est fortement exposé à des événements climatiques extrêmes et occasionnels, ou à une dégradation chronique des conditions climatiques, et (ii) est relativement plus sensible que d’autres pays à la matérialisation de ces chocs.</p></li>
<li><p>La <strong>vulnérabilité macrofinancière</strong>, quant à elle, est définie comme la capacité du gouvernement à mobiliser des ressources financières nationales ou internationales suffisantes pour éviter une dégradation excessive du solde budgétaire, et surtout, de la capacité de remboursement du service de la dette publique. Elle est mesurée à partir des notes de risque souverain produites par les trois principales agences de notation.</p></li>
</ul>
<p>En croisant ces deux catégories de vulnérabilité, on peut identifier les pays en situation de double vulnérabilité. Pour ces pays, le changement climatique est susceptible d’avoir des impacts multidimensionnels sur les populations, les écosystèmes et l’activité économique, entraînant une augmentation des déséquilibres budgétaires et une dégradation des indicateurs de soutenabilité de l’endettement public à court et moyen terme.</p>
<p>Réciproquement, cette dynamique défavorable limite la capacité du gouvernement à faire face efficacement aux conséquences du changement climatique, et en particulier à mobiliser des ressources supplémentaires pour financer les investissements destinés à l’adaptation au changement climatique. Ce cercle vicieux, supposé ou réel, est appelé « spirale dette-climat ».</p>
<h2>Deux groupes identifiés</h2>
<p>À partir de ces éléments, deux groupes de pays en situation de double vulnérabilité sont identifiés :</p>
<ul>
<li><p>Les pays les plus vulnérables aux <strong>phénomènes climatiques extrêmes et occasionnels</strong>, et qui présentent une vulnérabilité macrofinancière élevée (catégorie O++ dans le tableau ci-dessous). Cette catégorie comprend de nombreuses îles des Caraïbes, du Pacifique et de l’océan Indien. Certains pays très vulnérables aux phénomènes climatiques extrêmes, mais dont la vulnérabilité macrofinancière est moins forte (catégorie O+ voire O), peuvent également être mis en évidence. C’est par exemple le cas du Bangladesh, de la République dominicaine, de la Colombie ou du Vietnam.</p></li>
<li><p>Les pays les plus vulnérables à une <strong>dégradation chronique des conditions climatiques</strong>, et qui présentent une vulnérabilité macrofinancière élevée (catégorie C++ dans le tableau ci-dessous). Il s’agit notamment de certains pays insulaires des Caraïbes et de l’océan Indien qui sont vulnérables non seulement à l’élévation du niveau de la mer, mais aussi à une forte augmentation des températures. Cette catégorie comprend également certains pays côtiers d’Amérique latine, où l’activité économique et l’habitat sont parfois concentrés dans les zones côtières. Sont aussi concernés un certain nombre de pays de la région méditerranéenne particulièrement vulnérables à la hausse des températures et à la raréfaction des ressources en eau, ainsi que des pays de la zone côtière ouest-africaine exposés à l’élévation du niveau de la mer.</p></li>
</ul>
<p><strong>Récapitulatif des pays en situation de double vulnérabilité</strong></p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/579504/original/file-20240304-28-7v39u5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/579504/original/file-20240304-28-7v39u5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/579504/original/file-20240304-28-7v39u5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=390&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/579504/original/file-20240304-28-7v39u5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=390&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/579504/original/file-20240304-28-7v39u5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=390&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/579504/original/file-20240304-28-7v39u5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=490&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/579504/original/file-20240304-28-7v39u5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=490&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/579504/original/file-20240304-28-7v39u5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=490&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Lecture du tableau : Les pays en situation de vulnérabilité macrofinancière la plus élevée sont dans les catégories « ++ ». Les PMA et les PEID sont marqués en vert. Les pays à revenu intermédiaire (PRI) qui n’appartiennent pas au groupe des petits États insulaires en développement (PEID) sont indiqués en bleu. Les pays à risque élevé de surendettement public, ou en situation de défaut selon le FMI, sont soulignés. Note : les données sont actualisées à août 2023.</span>
<span class="attribution"><span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>À l’intersection de ces deux catégories, l’étude identifie les pays qui présentent une vulnérabilité aux deux types d’aléas climatiques (évènements ponctuels et dégradation chronique des conditions climatiques), ainsi qu’une vulnérabilité macrofinancière.</p>
<p>Entrent dans cette catégorie un certain nombre de pays insulaires des Caraïbes (Antigua-et-Barbuda, Barbade, Dominique, Cuba, Grenade, Haïti, Saint-Kitts-et-Nevis, Sainte-Lucie, Saint-Vincent-et-les-Grenadines), de l’océan indien (Comores, Madagascar, Maldives et Sri Lanka), ainsi que certains pays côtiers d’Amérique latine (Belize, Nicaragua).</p>
<h2>Des outils financiers à adapter au cas par cas</h2>
<p>À partir de l’analyse de la double vulnérabilité, l’étude identifie un certain nombre de stratégies et instruments financiers susceptibles d’atténuer les principales conséquences du changement climatique sur la dynamique des finances publiques.</p>
<p>Pour le groupe O++ (les pays les plus vulnérables aux phénomènes climatiques extrêmes et qui présentent par ailleurs une forte vulnérabilité macrofinancière), la priorité serait d’atténuer le coût associé à un choc climatique à court terme, tout en prévenant l’augmentation de la dette publique afin de préserver la solvabilité publique à moyen et long terme.</p>
<p>Pour ce faire, un système d’assurance publique internationale pourrait apparaître comme un instrument adapté pour amortir le coût des chocs climatiques sans dégrader la dynamique d’endettement public.</p>
<p>Les « Climate Resilience Debt Clause » (CRDC) seraient aussi utiles à condition d’être déployés par un large éventail de créanciers. Ces « Climate Resilience Debt Clause » désignent un mécanisme contractuel par lequel le créancier accepte de renoncer temporairement au remboursement des intérêts (et parfois du principal) d’un prêt en cas d’événement climatique extrême.</p>
<p>Un certain nombre d’autres outils, tels que les prêts de contingence, dont le(s) décaissement(s) est/sont déclenché(s) par la survenance d’un choc climatique, peuvent être particulièrement adaptés dans certains cas. Ils doivent toutefois être utilisés avec précaution, car ils sont susceptibles de générer un endettement supplémentaire qui augmenterait la vulnérabilité macrofinancière des pays qui en bénéficient.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/comment-financer-les-politiques-climatiques-en-amerique-latine-et-dans-les-cara-bes-220866">Comment financer les politiques climatiques en Amérique latine et dans les Caraïbes ?</a>
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<p>Pour les pays de la catégorie C++ (vulnérables à une dégradation chronique des conditions climatiques et qui présentent une vulnérabilité macrofinancière élevée), la stratégie se concentrerait en priorité sur la reconstitution d’une marge de manœuvre budgétaire à court terme pour soutenir les efforts d’adaptation au changement climatique.</p>
<p>Pour les États les plus vulnérables financièrement, un processus concerté de restructuration de la dette publique peut parfois être le seul moyen de retrouver une dynamique soutenable de la dette publique. Pour des États qui présentent une vulnérabilité financière plus modérée, les « swaps dette-climat », mais aussi les « sustainability-linked bonds », parmi d’autres instruments, peuvent permettre de soutenir l’effort d’investissement dans l’adaptation au changement climatique.</p>
<p>Le mécanisme le plus courant de « swap dette-climat » consiste en un rachat de dette (généralement des obligations souveraines) par l’émetteur à un prix réduit. La différence entre les flux de trésorerie attendus avant et après le rachat est allouée (partiellement ou totalement) aux investissements d’adaptation ou d’atténuation. Quant aux « sustainability-linked bond », il s’agit d’un financement obligataire accordé en contrepartie de l’atteinte d’indicateurs de performance de type « durable » ou « climat » par l’émetteur.</p>
<p>Ces différents instruments peuvent devenir une composante d’une stratégie financière globale pour le financement de la transition.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/224990/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Maxime Terrieux ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Une étude suggère une classification des pays en fonction de leur endettement et de leur exposition aux risques environnementaux pour adapter les outils financiers au cas par cas.Maxime Terrieux, Economiste risque pays, Agence française de développement (AFD)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2260012024-03-18T16:16:45Z2024-03-18T16:16:45ZAbus financier de la part d'un partenaire intime ? Trois façons de vous protéger<p>Il y a <a href="https://www.abus.ca/index3.html">abus financier</a> lorsqu'une personne prend le contrôle de la capacité d'une autre personne à acquérir, utiliser et conserver des ressources financières. Cela peut prendre la forme, par exemple, de se voir refuser l'accès à ses propres fonds ou d'être contraint de déposer son salaire sur un compte bancaire commun sans pouvoir y accéder. Cela peut également se produire lorsque des retraits importants sont effectués sur des comptes bancaires communs sans aucune explication. </p>
<p>Selon l’<a href="https://www.isdj.org.za/">Institut pour le développement social et la justice</a>, une société sud-africaine à but non lucratif, l'abus financier peut varier et changer de forme, mais elle se produit lorsque l'accès aux opportunités économiques est contrôlé ou restreint par un partenaire intime. </p>
<p>Cela peut se produire lorsque votre partenaire retient des informations financières ou vous cache de l'argent. Un autre exemple est celui où votre partenaire refuse de vous laisser travailler, contrôlant ainsi votre capacité à générer un revenu. Vous pouvez aussi être contraint de payer la plupart des dépenses du ménage lorsque vous gagnez moins que votre partenaire. Il peut également arriver que le coupable accumule des dettes sur une carte de crédit, sachant que la carte n'est pas à son nom. </p>
<p><a href="https://www.justice.gov.za/legislation/acts/2021-014.pdf">La loi sud-africaine sur la violence domestique</a> considère l'abus financier comme un acte criminel. Plusieurs autres pays africains, tels que le Ghana, le Kenya, l'Ouganda, la Zambie et le Zimbabwe, reconnaissent également qu'il s'agit d'une infraction pénale. Mais elle reste largement impunie.</p>
<p>Malheureusement, l'exploitation financière n'est pas un problème nouveau. Au fil des ans, mes <a href="https://researchprofiles.canberra.edu.au/en/persons/bomikazi-zeka">recherches</a> ont montré qu'une utilisation judicieuse des services financiers peut aider les personnes défavorisées à transformer leurs revenus en richesse. Mais lorsque l'argent est mêlé à des relations, la situation peut devenir difficile à gérer. </p>
<p>Les abus financiers peuvent toucher n'importe qui, indépendamment de l'âge, du sexe, de la situation matrimoniale, de la situation professionnelle ou du niveau de revenu. En cas d'abus financier, les femmes risquent le plus de voir leur sécurité financière menacée si la dynamique de la relation se détériore. Les femmes sont plus vulnérables aux abus financiers, car cela peut aller de pair avec <a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s10896-023-00639-y">d'autres formes d'abus</a>. </p>
<p>En identifiant les signaux, vous pouvez prendre les trois mesures suivantes pour renforcer votre sécurité financière : la prévention, la préparation et la protection. </p>
<h2>La prévention</h2>
<p>Se renseigner sur les antécédents financiers de votre partenaire est un premier pas important pour prévenir les abus financiers. Demandez-lui comment il a géré ses dettes dans le passé (et comment il s'est retrouvé dans cette situation) ou s'il épargne activement de l'argent. </p>
<p>Aborder le sujet sur l'argent peut être difficile, mais ces informations peuvent vous donner un aperçu de ses comportements financiers passés, qui pourraient influencer et expliquer ses comportements financiers futurs. </p>
<p>Une autre stratégie préventive consiste à interroger votre partenaire sur son attitude concernant de l'argent dans les relations. Par exemple, estime-t-il la façon de gérer l'argent varie selon qu'on est homme ou femme? Aborder ce sujet dès le début peut également vous aider à fixer des limites à la gestion de l'argent dans la relation. </p>
<h2>La préparation</h2>
<p>Se familiariser avec les signes des abus financiers peut vous aider à vous préparer. Si vous soupçonnez que des abus financiers commencent à se manifester, surveillez-les de près en consignant tous les éléments de preuve. C'est important, car les auteurs d'abus peuvent vous faire croire que vous exagérez, surtout si les signes sont subtils. Consignez autant de preuves que possible et assurez-vous d'avoir des copies de tous les documents juridiques importants, car cela vous sera utile si vous avez besoin d'une assistance juridique. </p>
<p>Si vous n'en avez pas encore, demandez à un conseiller financier comment vous pouvez protéger vos finances et vos biens. </p>
<h2>La protection</h2>
<p>Dans la mesure du possible, conservez une source de revenus indépendante, car cela réduit le risque de dépendance à l'égard d'un partenaire. La dépendance financière peut entraîner des sentiments d'isolement et de désespoir, ce qui rend plus difficile la possibilité de quitter votre bourreau parce qu'il contrôle les finances. </p>
<p>Une autre mesure pour protéger votre situation financière est de veiller à ne pas signer de documents que vous ne comprenez pas. Souvent, les auteurs d'abus financiers acquièrent des actifs au nom de leur partenaire et leur imposent la charge financière des remboursements, les piégeant ainsi dans un endettement.</p>
<h2>Obtenir de l'aide</h2>
<p>Bien que les mesures énumérées ici ne soient pas exhaustives, elles constituent un bon point de départ pour réfléchir lorsque vos finances sont fusionnées avec celles de quelqu'un d'autre. </p>
<p>Si vous vous inquiétez de votre sécurité financière, il existe des moyens d'obtenir de l'aide. FIDA-Kenya, une organisation de défense des droits des femmes au Kenya, propose une <a href="https://www.fida-kenya.org/">aide juridique gratuite</a>. Au Nigeria, la Women at Risk International Foundation gère une <a href="https://warifng.org/contact-us/">ligne d'assistance</a> gratuite et confidentielle fonctionnant 24 heures sur 24. </p>
<p>Vous pouvez obtenir des conseils gratuits auprès d'un travailleur social via le <a href="https://gbv.org.za/about-us/">site web</a> du ministère sud-africain du Développement social , qui met à votre disposition un centre d'appel 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, qui dispose d'un numéro d'urgence : 0800 428 428. Le centre d'appel dispose d'une ligne d'urgence au 0800 428 428. Vous pouvez visiter le <a href="https://thewarriorproject.org.za/helplines/">site web</a> du Warrior Project, une organisation à but non lucratif, pour plus d'informations sur les lignes d'assistance et les ressources.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/226001/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Bomikazi Zeka does not work for, consult, own shares in or receive funding from any company or organisation that would benefit from this article, and has disclosed no relevant affiliations beyond their academic appointment.</span></em></p>Lorsque l'argent est mêlé aux relations, les choses peuvent vite devenir compliquées.Bomikazi Zeka, Assistant Professor in Finance and Financial Planning, University of CanberraLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2254692024-03-11T16:12:40Z2024-03-11T16:12:40ZDépenses publiques : la fin de 44 années de hausse ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/580916/original/file-20240311-16-2ihkhg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=164%2C0%2C1763%2C1035&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le ministre de l'Économie et des Finances, Bruno Le Maire, a annoncé début mars que les recettes fiscales seraient moins élevées d'escomptées en 2024.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/iaea_imagebank/51716438624">Flickr/IAEA</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Le <a href="https://theconversation.com/comment-les-nouvelles-regles-budgetaires-europeennes-contraindront-les-depenses-publiques-francaises-223905">18 février 2024</a>, le ministre de l’Économie et des Finances, Bruno Le Maire, a annoncé revoir sa prévision de croissance de l’économie française à 1 % pour 2024. Le budget prévisionnel de l’État étant bâti sur une hypothèse de croissance de 1,4 % dans la <a href="https://www.vie-publique.fr/loi/291190-loi-du-29-decembre-2023-de-finances-pour-2024-budget-plf">loi de finances pour 2024</a> Bercy a en même temps décrété un gel de 10 milliards d’euros des dépenses étatiques pour compenser la perte de recettes fiscales et respecter l’engagement d’un déficit public de 4,4 % du PIB en 2024.</p>
<p>Auditionné par les commissions des finances de l’Assemblée nationale et du Sénat le 6 mars, Bruno Le Maire a dû reconnaître un déficit public 2023 <a href="https://www.budget.gouv.fr/reperes/loi_de_finances/articles/la-loi-de-finances-de-fin-de-gestion-2023">« significativement au-delà »</a> des 4,9 % du PIB inscrit dans la loi de finances de fin de gestion 2023 du fait de <a href="https://videos.assemblee-nationale.fr/video.14755974_65e87523b3d8e.commission-des-finances--m-bruno-le-maire-ministre-de-l-economie-des-finances-et-de-la-souverain-6-mars-2024">recettes fiscales moindres qu’espérées en fin d’année dernière</a>.</p>
<p>Pour respecter l’engagement européen d’un déficit limité à 3 % en 2027, la loi de finances pour 2025, qui vise un déficit de 3,7 %, devra présenter une réduction de l’ensemble des dépenses publiques non pas de 12 milliards mais de 20 milliards, soit 0,7 point de PIB.</p>
<h2>La fin des « Quarante-quatre dispendieuses » ?</h2>
<p>Dans une <a href="https://www.ericpichet.fr/assets/files/pdf/actualites/doctrine-du-quinquennat-RDF-25janvier-2017.pdf">étude</a> parue dans la Revue de droit fiscal de janvier 2018, nous avions qualifié les années 1981 à 2017 de « Trente-six dispendieuses », en prenant pour base l’exercice 1980, soit la dernière année de quasi-équilibre des finances publiques (avec un endettement de seulement 20 % du PIB).</p>
<p>Nous rappelions alors que les années 1980 avaient été marquées par une envolée des dépenses et des déficits publics, la dette publique montant à 35 % en 1990, les années 1990 par une douce insouciance budgétaire et les années 2000 par diverses stratégies de procrastination budgétaire. Enfin les années 2010 consécutives à la crise financière de 2008 ont encouragé un endettement public massif. Cette tendance a été favorisée par la diminution régulière de la charge de la dette, puisque les obligations qui arrivaient à échéance versant du 5 % d’intérêt étaient remplacées par de nouvelles obligations à intérêt nul, voire négatif.</p>
<p>Au tournant des années 2020, la crise du Covid a contraint les pouvoirs publics à soutenir l’activité « quoi qu’il en coute », en propulsant le déficit à un niveau jamais atteint en temps de paix de 9 % en 2020. Conséquence inévitable de cette envolée des déficits, l’endettement public a atteint un <a href="https://www.fipeco.fr/pdf/NiveauEvolutionDette.pdf">record de 115 du PIB %</a>, et a franchi la barre des 3 000 milliards d’euros en 2023. La dette publique par habitant de la France se situait alors au même niveau que celle de l’Italie, autour de 40 000 euros, et bien <a href="https://www.ifrap.org/budget-et-fiscalite/les-chiffres-de-la-dette-publique-depuis-1978">au-delà de la moyenne de l’Union européenne (UE) de 31 000 euros</a>.</p>
<p><iframe id="mH5tB" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/mH5tB/2/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Si 2023 a vu une réduction progressive des mesures de soutien au pouvoir d’achat des ménages, l’année a également connu la plus forte hausse de l’emploi public depuis 2013, avec la création de 60 000 postes (1 % des postes), soit <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/7929052">plus du double de l’augmentation de l’emploi privé à 91 000 emplois (0,4 %)</a>.</p>
<p>Les annonces de Bruno Le Maire laissent ainsi entendre que 2025 sera une année charnière qui pourrait mettre un terme à cette période des « quarante-quatre dispendieuses ». En effet, ne pas imposer de contraintes aux dépenses publiques aujourd’hui, c’est accepter de subir une inévitable contrainte qui nous sera demain imposée par Bruxelles et/ou par les marchés obligataires.</p>
<h2>Une prise de conscience de l’opinion publique</h2>
<p>Depuis deux ans les ménages ont constaté la fin de cette période d’« argent gratuit » (pour désigner des taux d’emprunt proches de zéro) avec la brutale remontée des taux des prêts immobiliers, passés de <a href="https://www.banque-france.fr/fr/publications-et-statistiques/statistiques/panorama-des-prets-lhabitat-des-menages">1 % fin 2021 à 4 % aujourd’hui</a>. Parallèlement, le taux des obligations d’État est passé de 0 % à 3 %, ce qui a accéléré la prise de conscience par l’opinion publique des dangers de la dette publique. De fait, un récent sondage indique que 80 % de Français considèrent désormais que la dégradation de la dette devient un sujet urgent (et même très urgent pour 32 % d’entre eux), soit un <a href="https://www.lesechos.fr/economie-france/budget-fiscalite/sondage-exclusif-pour-reduire-la-dette-les-francais-ciblent-les-depenses-chomage-et-les-allocations-familiales-2081254">bond de 8 points depuis juin 2023</a>.</p>
<p><iframe id="Z4ACz" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/Z4ACz/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Or, avec un déficit et un <a href="https://www.senat.fr/rap/l23-128-1/l23-128-12.html">endettement parmi les plus élevés de la zone euro</a> ainsi qu’un taux de prélèvement obligatoire de 46 % du PIB (soit le plus élevé des pays développés), envisager d’importantes hausses d’impôts n’est plus une option, d’autant plus qu’elles contribueraient à ralentir un peu plus la croissance et à réduire le taux d’emploi.</p>
<p>Comme le signale dans un récent entretien au <em>Monde</em> Olivier Blanchard, ancien chef économiste du Fonds monétaire international (FMI), réduire le déficit trop rapidement alors que l’activité freine risque d’accentuer le ralentissement la France mais on ne peut désormais plus échapper à « un <a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2024/03/04/olivier-blanchard-il-faut-etre-pret-a-soutenir-encore-l-economie_6219898_3234.html">plan crédible d’ajustement et de baisse des dépenses</a> sur cinq à huit ans ».</p>
<h2>Quelles coupes ?</h2>
<p>Comme nous le signalions dans un <a href="https://theconversation.com/comment-les-nouvelles-regles-budgetaires-europeennes-contraindront-les-depenses-publiques-francaises-223905">article</a> publié le 19 février, si les dépenses publiques françaises dépassent de 8 points (58 % du PIB contre 50 %) la moyenne de l’Union européenne (50 %) c’est principalement du fait des dépenses de protection sociale (33 % du PIB contre 27 %).</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/comment-les-nouvelles-regles-budgetaires-europeennes-contraindront-les-depenses-publiques-francaises-223905">Comment les nouvelles règles budgétaires européennes contraindront les dépenses publiques françaises</a>
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<p>Dans les prochaines années, les dépenses contraintes concerneront principalement la charge des intérêts car la facture continuera à gonfler mécaniquement sous le double effet de l’inertie des déficits publics et de la hausse des taux des obligations après la période d’« argent gratuit ». En outre, la transition écologique nécessitera de lourds investissements, de l’ordre de 2,3 % du PIB chaque année, et les dépenses militaires doivent atteindre au moins 2 % du PIB dès 2025 pour tenir compte du nouveau contexte géopolitique.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/ue-les-regles-budgetaires-sont-elles-compatibles-avec-les-objectifs-du-pacte-vert-222546">UE : les règles budgétaires sont-elles compatibles avec les objectifs du Pacte vert ?</a>
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<p>Pour atteindre le plein-emploi, soit un taux de chômage autour de 5 % visé par le président de la République Emmanuel Macron depuis 2017, le plan exposé par Bruno Le Maire le 6 mars dernier prévoit un <a href="https://www.lemonde.fr/politique/article/2024/03/06/bruno-le-maire-je-crois-a-un-etat-fort-mais-pas-a-un-etat-qui-se-disperse-et-devient-une-pompe-a-fric_6220387_823448.html">nouveau tour de vis sur les prestations chômage</a>. Ces économies permettront à L’Union nationale interprofessionnelle pour l’emploi dans l’industrie et le commerce (Unédic), qui administre le régime d’assurance chômage, de dégager les excédents destinés à rembourser une dette d’environ 60 milliards d’euros et à supporter les ponctions de l’État pour financer l’apprentissage et France travail (anciennement Pôle emploi).</p>
<p>Les actifs seront également mis à contribution probablement via un ticket modérateur de 100 euros sur l’utilisation de leur Compte personnel de formation (CPF). Une baisse des subventions aux centres d’apprentissage est également planifiée, sans toutefois remettre en cause un dispositif plébiscité par les étudiants et les employeurs qui s’avère in fine très rentable pour les bénéficiaires, l’économie et… les finances publiques.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/apprentissage-une-depense-publique-importante-pour-un-rendement-economique-et-social-eleve-220700">Apprentissage : une dépense publique importante pour un rendement économique et social élevé</a>
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<p>Dans le champ de l’assurance-maladie, une revue des dépenses de santé ciblera plus particulièrement les remboursements des transports médicaux (5,7 milliards par an). Le plan prévoit en outre un contrôle plus sévère des arrêts maladie (17 jours par an dans les collectivités locales contre 10 dans le privé). Bercy veut également s’attaquer à la prise en charge à 100 % des soins des affections de longue durée, qui coûtent 110 milliards à la Sécurité sociale, <a href="https://www.publicsenat.fr/actualites/sante/budget-2025-le-gouvernement-se-penche-sur-la-prise-en-charge-des-affections-longue-duree">soit 66 % des dépenses d’assurance maladie</a>.</p>
<p>Enfin le ministre de l’Économie a évoqué le chantier de la restructuration de la sphère publique à l’horizon 2032. Le gouvernement souhaiterait réduire l’empilement des échelons dans les administrations locales, la <a href="https://www.ccomptes.fr/fr/documents/63643">refonte des régions de 2015 n’ayant pas eu les effets budgétaires escomptés</a>. Une simplication massive des formalités administratives qui pèsent sur les entreprises et les ménages prévoit également la <a href="https://www.tf1info.fr/politique/administrative-choc-de-simplification-le-ministre-de-l-economie-bruno-le-maire-annonce-la-suppression-definitive-des-formulaires-cerfa-2288425.html">suppression de l’ensemble des 1800 formulaires Cerfa d’ici 2030</a> et un grand nettoyage dans les quelque 7 000 articles du code de commerce.</p>
<h2>Des ponctions à venir sur les retraites ?</h2>
<p>Plus généralement, le gouvernement s’interroge sur l’équité d’un système de sécurité sociale qui est aujourd’hui largement financée par les actifs. Pour limiter le coût des pensions dans le PIB, la solution est connue pour avoir été <a href="https://www.capital.fr/votre-retraite/comment-le-pouvoir-dachat-des-retraites-a-decroche-depuis-10-ans-1417342">pratiquée régulièrement dans le passé</a> : il suffit de limiter la hausse du coût des retraites en deçà de celle des salaires et de l’inflation pour réaliser des économies importantes et assez indolores.</p>
<p>Au nom de l’équité et malgré le <a href="https://www.lexpress.fr/societe/les-plus-de-60-ans-font-l-election-ils-ont-amene-emmanuel-macron-au-second-tour_2171565.html">poids électoral très lourd des retraités</a>, il semble, à notre sens, inévitable d’aligner le taux de CSG des inactifs sur celui des actifs rien ne justifiant qu’un retraité qui touche 6 000 euros par mois ne paie que 8,3 % de Contribution sociale généralisée (CGS) alors qu’une personne au smic paie 9,2 %. De même, le fameux <a href="https://theconversation.com/loi-pinel-fifa-et-titres-restaurant-trois-symboles-des-contradictions-de-la-gestion-des-niches-fiscales-218624">abattement pour « frais professionnels » (sic) des retraités devrait finir par être remis en cause</a>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/225469/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Éric Pichet ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La révision des prévisions de croissance à la baisse contraint Bercy à un nouveau tour de vis budgétaire dans un contexte où les marges de manœuvre apparaissent de plus en plus limitées.Éric Pichet, Professeur et directeur du Mastère Spécialisé Patrimoine et Immobilier, Kedge Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2239052024-02-19T14:54:18Z2024-02-19T14:54:18ZComment les nouvelles règles budgétaires européennes contraindront les dépenses publiques françaises<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/576491/original/file-20240219-20-cer2j3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=85%2C6%2C1952%2C1348&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Bercy a révisé à la baisse des prévisions de croissance à 1% pour 2024.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/iaea_imagebank/51716644575">Flickr/IAEA Imagebank</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Le ministre de l’Économie et des Finances, Bruno Le Maire, a annoncé sur TF1, le 18 février, que Bercy abaissait sa prévision de croissance à 1 % en 2024, soit le haut de la fourchette du consensus des analystes, tout en affirmant sa volonté d’économiser 10 milliards « sur le seul budget de l’État ».</p>
<p>Profitant du brutal retour de l’inflation qui a gonflé mécaniquement les recettes fiscales, les dépenses publiques françaises avaient baissé en volume en 2022 et 2023, malgré une forte progression en valeur. Le projet de loi de finances pour 2024 prévoyait la poursuite de cette tendance.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/GqhcZVCr6fE?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Croissance : la prévision pour 2024 révisée à 1 %, annonce Bruno Le Maire (TF1 Info, 18 février 2024).</span></figcaption>
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<p>La croissance alors anticipée de 1,4 % combinée à une prévision d’inflation de 2,6 % devaient assurer mécaniquement une hausse des recettes publiques de 4 % supérieures à celle des dépenses publiques limitées à 3,1 %, réduisant ainsi le déficit public de 0,5 % à 4,4 % du PIB et <a href="https://www.vie-publique.fr/loi/291190-loi-du-29-decembre-2023-de-finances-pour-2024-budget-plf">stabilisant la dette publique à 110 % du PIB</a>.</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/576495/original/file-20240219-22-6q3une.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/576495/original/file-20240219-22-6q3une.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/576495/original/file-20240219-22-6q3une.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=367&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/576495/original/file-20240219-22-6q3une.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=367&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/576495/original/file-20240219-22-6q3une.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=367&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/576495/original/file-20240219-22-6q3une.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=462&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/576495/original/file-20240219-22-6q3une.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=462&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/576495/original/file-20240219-22-6q3une.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=462&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Évolution annuelle des depenses publiques en volume, hors credits d’impot, hors soutien d’urgence et hors relance (en pourcentage). Note : les dépenses de soutien face à l’inflation ne sont pas retraitées en 2022 et 2023.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Rapport de l’Assemblée nationale sur le Projet de loi de finances 2024</span></span>
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</figure>
<p>Ce scénario favorable est malheureusement remis en cause par le ralentissement économique en cours, l’Organisation de coopération et de développement économique (OCDE) prévoyant désormais une croissance de seulement 0,6 % en France ce qui implique mécaniquement un <a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2024/02/05/bercy-s-apprete-a-revoir-ses-previsions-de-croissance-pour-2024_6214930_3234.html">manque à gagner de l’ordre 10 milliards</a> pour les comptes publics.</p>
<p>D’autant qu’à ce jour, les nouvelles dépenses sont d’ores et déjà d’environ 5 milliards, en additionnant les récentes aides aux agriculteurs de 400 millions d’euros, les primes aux policiers pour les JO de 600 millions d’euros, les pertes supplémentaires des hôpitaux publics d’un milliard et surtout la <a href="https://www.lefigaro.fr/international/aide-a-l-ukraine-zelensky-et-scholz-signent-un-pacte-de-securite-historique-20240216">nouvelle aide à l’Ukraine</a> annoncée à l’Élysée le 16 février de 3 milliards. Dans ces conditions on voit mal comment le gouvernement pourrait tenir son objectif d’un déficit de 4,4 % en 2024, un record partagé uniquement avec l’Italie dans la zone euro.</p>
<p>Quant à la dette publique, elle ne diminuerait plus et se stabiliserait autour de 111 % du PIB, soit très au-delà du seuil de 90 % qui correspond grosso modo à la moyenne de l’eurozone.</p>
<figure class="align-left zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/576496/original/file-20240219-16-th4i89.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/576496/original/file-20240219-16-th4i89.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/576496/original/file-20240219-16-th4i89.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=324&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/576496/original/file-20240219-16-th4i89.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=324&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/576496/original/file-20240219-16-th4i89.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=324&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/576496/original/file-20240219-16-th4i89.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=407&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/576496/original/file-20240219-16-th4i89.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=407&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/576496/original/file-20240219-16-th4i89.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=407&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Comparaison de l’évolution des ratios de dette publique de la France, de la zone euro et de l’Allemagne (en points de PIB).</span>
<span class="attribution"><span class="source">Rapport de l’Assemblée nationale sur le Projet de loi de finances 2024</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>On comprend dès lors les inquiétudes de Bercy quant à une prochaine dégradation de la note de la France. Si Standard and Poor’s avait maintenu sa note AA en décembre 2023 tout en la plaçant sous perspective négative, les 3 grandes agences doivent <a href="https://www.lemonde.fr/politique/article/2023/06/03/le-maintien-par-standard-poor-s-de-la-note-de-la-france-un-satisfecit-a-la-portee-limitee-pour-le-gouvernement_6175991_823448.html">rendre un nouveau verdict avant les élections européennes</a>.</p>
<h2>Des trajectoires budgétaires individualisées</h2>
<p>Adopté à Amsterdam le 17 juin 1997 en prévision de l’avènement de l’euro en 1999, le <a href="https://www.vie-publique.fr/fiches/21801-quest-ce-que-le-pacte-de-stabilite-et-de-croissance-psc">Pacte de stabilité et de croissance</a> imposait à tous les États membres de l’Union européenne (UE) de coordonner leur politique budgétaire en limitant leur déficit public à 3 % du PIB et leur dette publique à 60 % afin d’assurer leur solvabilité.</p>
<p>La violence de la crise économique générée par la pandémie de Covid-19, bien supérieure à celle de 2008, a contraint pour la première fois la Commission européenne à activer en mars 2020 une clause dérogatoire permettant de suspendre jusqu’au 31 décembre 2023 le Pacte en invoquant des circonstances exceptionnelles. Ce fut l’occasion d’un aggiornamento qui a abouti le 10 février 2024 à un accord entre le Parlement européen et les États membres pour le réformer.</p>
<p>Ce nouveau cadre de gouvernance doit entrer en vigueur le 1<sup>er</sup> janvier 2025 après validation définitive par le parlement européen au printemps. Fruit de laborieuses négociations, il reste complexe mais introduit une approche différenciée propre à chaque État pour assurer une trajectoire de soutenabilité de la dette plus souple sans entraver la croissance et fondée sur l’évolution d’un nouvel indicateur clé : les dépenses nettes.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1756207740500791661"}"></div></p>
<p>Ainsi, les États membres dont le déficit public dépasse les 3 % disposeront d’une période d’ajustement de quatre ans pour ramener leurs comptes publics sur une trajectoire budgétaire jugée « soutenable », cette période pouvant s’étendre jusqu’à sept ans s’ils adoptent des réformes ou effectuent des investissements stimulant la croissance dans les <a href="https://www.consilium.europa.eu/fr/policies/economic-governance-framework/reform/">transitions vertes, le numérique ou la défense</a>. Le déficit structurel reste un indicateur clé et devra diminuer de 0,5 % par an (avec une flexibilité de 2025 à 2027 pour tenir compte de la récente hausse du coût de la dette liée à l’augmentation des taux d’intérêt).</p>
<p>Une fois les déficits sous contrôle, les pays dont l’endettement dépasse 90 % du PIB devront le diminuer non plus de 5 % de l’écart entre celui-ci et le seuil de Maastricht de 60 % (soit pour la France dont la dette est de 111 % de 2,5 points de PIB par an) mais seulement d’un point de PIB chaque année. Des amendes plafonnées à 0,05 % du PIB restent théoriquement possibles mais il est très vraisemblable qu’elles ne seront pas plus exigées qu’auparavant…</p>
<h2>Quelles réformes envisageables ?</h2>
<p>Les marges de manœuvre budgétaires du président de la République, Emmanuel Macron, étaient déjà <a href="https://theconversation.com/les-marges-de-manoeuvre-budgetaires-particulierement-limitees-du-second-quinquennat-macron-181871">particulièrement faibles au début de son second mandat</a> : elles le sont encore plus aujourd’hui. Avec le taux de prélèvements obligatoires le plus élevé de l’OCDE à 46,1 % du PIB, <a href="https://www.oecd-ilibrary.org/taxation/statistiques-des-recettes-publiques_25227092">pour une moyenne de 34 %</a>, et face <a href="https://www.ccomptes.fr/fr/documents/68299">au refus de 75 % des Français d’augmenter les impôts</a>, on voit mal le gouvernement s’engager dans cette voie qui accentuerait en outre le ralentissement économique.</p>
<p>Cette stratégie serait d’ailleurs en contradiction avec le principal objectif de la politique économique menée depuis sept ans, qui consiste à augmenter le taux d’emploi actuellement de 68 % chez les 15-64 ans pour l’amener au niveau de nos voisins européens, entre 75 et 80 %. En effet, à taux d’imposition constant, un tel niveau d’emploi comblerait la totalité du déficit via les recettes supplémentaires d’impôts et de cotisations générées.</p>
<p>Pour réduire le déficit et la dette, il faut donc que les dépenses publiques progressent en volume bien moins rapidement que le PIB sur plusieurs années, stratégie singulièrement compliquée par quatre types de dépenses publiques en augmentation contrainte à moyen terme. Au premier rang de ces dépenses, on trouve la charge de la dette avec la fin de l’argent gratuit (c’est d’ailleurs la raison pour laquelle la nouvelle version du pacte prévoit d’exclure leur progression de celle des dépenses jusqu’en 2027).</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/576498/original/file-20240219-30-2pq4dc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/576498/original/file-20240219-30-2pq4dc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/576498/original/file-20240219-30-2pq4dc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=311&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/576498/original/file-20240219-30-2pq4dc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=311&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/576498/original/file-20240219-30-2pq4dc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=311&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/576498/original/file-20240219-30-2pq4dc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=391&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/576498/original/file-20240219-30-2pq4dc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=391&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/576498/original/file-20240219-30-2pq4dc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=391&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Charge de la dette et de la trésorerie de l’État (en milliards d’euros). Note : En charge budgétaire, retracée par les programmes 117 « Charge de la dette et de la trésorerie de l’État » et 355 « Charge de la dette de SNCF Réseau reprise par l’État ».</span>
<span class="attribution"><span class="source">Rapport de l’Assemblée nationale sur le Projet de loi de finances 2024</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Viennent ensuite deux domaines prioritaires qui concernent tous les pays européens : la transition écologique, qui nécessiterait des investissements de l’ordre de <a href="https://theconversation.com/ue-les-regles-budgetaires-sont-elles-compatibles-avec-les-objectifs-du-pacte-vert-222546">2,3 % du PIB chaque année</a> et les dépenses militaires qui doivent atteindre <a href="https://www.gouvernement.fr/actualite/la-loi-de-programmation-militaire-quest-ce-que-cest">2 % du PIB dès 2025</a> pour tenir compte du nouveau contexte géopolitique (dépenses déjà validées par <a href="https://www.gouvernement.fr/actualite/la-loi-de-programmation-militaire-definitivement-adoptee-par-le-parlement">la loi de programmation militaire pluriannuelle adoptée en 2023</a>). Enfin, le vieillissement démographique accroît tout à la fois les dépenses de santé et de retraite alors même que la récente réforme majoritairement rejetée par les actifs <a href="https://theconversation.com/la-reforme-des-retraites-un-court-repit-pour-les-finances-publiques-204384">ne suffira pas à répondre aux besoins</a>.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/la-reforme-des-retraites-un-court-repit-pour-les-finances-publiques-204384">La réforme des retraites, un court répit pour les finances publiques</a>
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<p>Lorsque l’on compare les dépenses publiques en France (58 % du PIB) au sein de l’Union européenne (50 %) on constate que celles de l’État et des collectivités locales atteignent 25 % du PIB soit seulement 2 points de plus que la moyenne : il est dès lors hautement improbable de pouvoir les réduire significativement au vu des contraintes relevées supra et de l’échec des tentatives de réformes de l’État des dernières années.</p>
<p>C’est donc bien sur les dépenses de protection sociale, qui sont de 33 % du PIB contre 27 % dans l’UE, que se fera l’ajustement. Outre les aides sociales, il faudra remédier au déficit chronique de la branche maladie de 0,5 % de PIB. Quant aux retraites qui pèse 14 % du PIB si celles du secteur privé sont très largement assurées par les cotisations des actifs, les subventions d’équilibre que verse directement le budget aux retraités de l’État, ou à <a href="https://theconversation.com/regimes-speciaux-quel-cout-pour-letat-128826">ceux des régimes spéciaux</a>, pèsent au moins 1,5 % du PIB.</p>
<p>En l’absence de maîtrise des dépenses publiques, ce seront les agences de notation et surtout les marchés obligataires plus sûrement que la Commission européenne qui rappelleront la nécessité d’un ajustement brutal et beaucoup plus douloureux.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/223905/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Éric Pichet ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Le ministre de l’Économie, Bruno Le Maire, a annoncé, le 18 février, un plan d’économies de 10 milliards d’euros. Or, les marges de manœuvre budgétaires apparaissent particulièrement limitées.Éric Pichet, Professeur et directeur du Mastère Spécialisé Patrimoine et Immobilier, Kedge Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2213542024-01-24T17:15:46Z2024-01-24T17:15:46ZL’économie africaine entre endettement excessif et investissements insuffisants<p>En 2023, le FMI estime le taux de croissance réel de l’économie africaine à +3,2 %. Cette croissance, certes supérieure à celle observée au niveau mondial (+3 %), est en baisse par rapport à 2022 (quand elle s’était élevée à +3,9 %).</p>
<p>Le ralentissement de la croissance de l’Afrique est imputable à plusieurs facteurs : l"essoufflement de l’activité économique mondiale, avec un ralentissement de la demande des économies à croissance élevée comme la Chine ; la réduction des marges de manœuvre budgétaires des États, qui pèse sur les dépenses publiques et donc sur la croissance ; sans oublier la menace de fragmentation géopolitique du continent accrue dans le contexte du conflit en Ukraine.</p>
<p>Par ailleurs, malgré un recul observé en 2023 dans la moitié des pays africains, l’inflation reste globalement très élevée dans la majeure partie d’entre eux. En moyenne, elle a atteint un pic historique en 2023, dépassant le seuil des 20 % (+5 points par rapport à 2022). Des différences de trajectoires entre les régions africaines sont à noter. Elles sont le reflet de la spécialisation des pays qui les composent.</p>
<p><iframe id="5yiHQ" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/5yiHQ/6/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Les pays à l’économie diversifiée restent les plus dynamiques, avec une croissance du PIB projetée à +3,6 % en 2023 et une croissance attendue de +4,6 % en 2024. Le Rwanda, l’Éthiopie, la Côte d’Ivoire et le Mozambique, pays relativement plus diversifiés que la moyenne des pays africains, affichent par exemple des taux de croissance compris entre +6 % et +7 % en 2023, qui figurent parmi les plus élevés au monde.</p>
<p>Le deuxième groupe de pays, qui rassemble les pays dépendant de ressources naturelles autres que le pétrole, a fortement pâti d’un contexte de demande défavorable en 2023 (+2,0 % de croissance seulement), mais devrait bénéficier dès 2024 du démarrage de nouveaux projets miniers (au Liberia, en Sierra Leone et en Ouganda par exemple).</p>
<p>La croissance des pays pétroliers a accéléré en 2023 (+3,5 %, après +2,5 % en 2022), malgré les fortes variations des cours pétroliers sur la période. Enfin, la croissance continue à se raffermir dans les pays touristiques, tels que Maurice, le Maroc et la Tanzanie.</p>
<h2>Un rattrapage qui marque le pas par rapport aux autres régions du monde</h2>
<p>Ce dynamisme doit cependant être relativisé par une croissance démographique qui reste prononcée et ne décroît que très progressivement, absorbant ainsi une bonne partie de la croissance économique. La fécondité reste en effet particulièrement élevée, notamment au Sahel et dans certains pays d’Afrique centrale, même si elle vient d’y enregistrer ses premiers reculs en raison de la progression des pratiques contraceptives.</p>
<p>Du fait de ce dynamisme démographique, le produit intérieur brut (PIB) par habitant en Afrique n’a retrouvé son niveau antérieur à la crise sanitaire qu’en 2023, plus tardivement que dans les autres grandes régions du monde. Son rythme de progression est proche de ceux observés en Amérique latine et dans les économies avancées, bien plus faible que dans les pays émergents et en développement d’Asie et d’Europe.</p>
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<h2>Un niveau d’endettement à nouveau préoccupant</h2>
<p>Le taux d’endettement public africain, ramené autour de 30 % du PIB à la veille des années 2010 à la suite de <a href="https://www.imf.org/external/np/hipc/prog2/fre/0499f.htm">l’initiative de désendettement des pays pauvres très endettés</a> (iPPTE), s’est à nouveau considérablement accru, doublant sur la période 2008‑2019. Il a culminé à plus de 66 % en 2020 et décroît progressivement depuis. Il devrait repasser sous le seuil de 60 % à l’horizon 2027, selon les projections actuelles du FMI.</p>
<p>L’accroissement régulier de l’endettement dans la région apparaît avant tout structurel, en lien notamment avec une mobilisation des ressources intérieures très insuffisante dans la plupart des pays et qui ne permet pas de couvrir des dépenses publiques élevées.</p>
<p>À cela s’ajoutent des dépenses fiscales généralement élevées et parfois mal contrôlées. De plus, les dépenses d’urgence engendrées par les crises successives constituent un facteur aggravant. Dans ce contexte de réendettement prononcé, plus aucun des trente-huit pays africains couverts par une analyse de viabilité de la dette n’est désormais classé en risque faible de surendettement.</p>
<p><iframe id="MWxUW" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/MWxUW/7/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p><iframe id="CVJgS" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/CVJgS/3/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p><em><strong>Note :</strong> en 2023, les dépenses publiques représentent 24,7 % du PIB, et sont couvertes à hauteur de 20,2 points de PIB par les recettes publiques et dons, et par le déficit public pour le solde (4,5 points de PIB).</em></p>
<p>Toutefois, il est à noter que cette crise de la dette dépasse très largement le cadre de l’Afrique, toutes les régions du monde faisant désormais face à la hausse de leur niveau d’endettement.</p>
<p>Dans un contexte inflationniste, les politiques monétaires restrictives, impliquant une hausse des taux directeurs des banques centrales afin de limiter l’inflation, ont eu un fort impact sur les marchés monétaires et financiers et sur le comportement des investisseurs.</p>
<p>Si un certain nombre de pays africains étaient devenus attractifs pour les investisseurs étrangers et avaient pu émettre des eurobonds au cours de la période 2008-2019, la récente baisse d’attractivité de ces pays, du fait de la hausse des taux directeurs, a conduit les investisseurs internationaux à se repositionner massivement sur les marchés d’émission historiques.</p>
<p>En conséquence, de nombreux pays africains n’ont plus accès aux marchés internationaux depuis le printemps 2022. De plus, la moindre implication de la <a href="https://theconversation.com/ou-vont-les-investissements-chinois-en-afrique-46759">Chine</a> dans l’octroi de prêts aux pays africains depuis 2020 et une tendance générale à la baisse du financement des bailleurs pèsent sur les conditions de financement des pays africains.</p>
<p>De fait, le retour de conditions de financement plus onéreuses renchérit fortement le coût de l’emprunt et le service de la dette publique. La part des recettes publiques (hors dons) allouées au remboursement de la dette est désormais supérieure à 15 % dans plus d’une vingtaine de pays du continent, obérant fortement les dépenses publiques à vocation sociale (santé et éducation) et les investissements publics.</p>
<hr>
<p><em>Pour une analyse plus détaillée de ces questions, lire <a href="https://www.editionsladecouverte.fr/l_economie_africaine_2024-9782348081903">« L’économie africaine 2024 »</a>, qui vient de paraître aux éditions La Découverte.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/221354/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>En 2023, l’économie africaine connaît un léger ralentissement de sa croissance économique, imputable au contexte géopolitique et aux politiques économiques nationales.Françoise Rivière, Responsable de la Cellule Economie et Stratégie, département Afrique, AFD, Agence française de développement (AFD)Matthieu Morando, Économiste, Agence française de développement (AFD)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2204062024-01-07T15:38:37Z2024-01-07T15:38:37ZMénages surendettés : comment la France a changé de philosophie<blockquote>
<p>« Que faire du crédit, sinon le risquer ? »</p>
</blockquote>
<p>La question posée par Jean-Paul Sartre dans <em>Le Diable et le Bon Dieu</em> en 1951 illustre bien la problématique qui anime chaque « homo consumericus » que nous sommes, contraints par notre pouvoir d’achat mais poussés aussi par notre vouloir d’achat et les tentations fortes de la société de consommation. L’offre de biens et services, et de <a href="https://theconversation.com/topics/credit-62431">crédits</a> pour les financer coûte que coûte, est toujours plus abondante.</p>
<p>L’<a href="https://theconversation.com/topics/dette-20647">endettement</a> est utile pour financer un logement ou un équipement coûteux, tant que l’équilibre entre les intérêts (ou charges financières) et le « reste à vivre » est assuré et que l’information est précise pour l’emprunteur. Néanmoins, à chaque époque, les situations de surendettement ont constitué un enjeu socio-économique majeur. Au niveau individuel d’abord, la situation est souvent associée à un sentiment d’échec et de honte qui pousse certains à ne pas en parler autour de soi, voire à ne pas même solliciter l’aide des pouvoirs publics.</p>
<p>Au niveau collectif ensuite, le sort réservé aux surendettés au travers des âges est un indicateur utile pour comprendre le rapport des hommes au matériel et aux plus faibles. Dans l’antiquité, tout débiteur indélicat devenait l’esclave de son créancier qui détenait sur lui droit de vie ou de mort. Au Moyen-Âge, la dette devient synonyme de faute et de péché et conduit à l’emprisonnement et au déclassement social. L’ère contemporaine voit la distinction entre la faillite d’entreprise et la faillite personnelle s’établir clairement, et l’on s’étonnera certainement que, jusqu’en 1989 et la loi dite <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/loda/id/JORFTEXT000000343019">« Neiertz »</a>, il n’existait en France aucun mode organisé de traitement et de protection des personnes surendettées.</p>
<p>En 2023, dans un <a href="https://theconversation.com/qui-paye-linflation-importee-217706">contexte inflationniste</a> et alors que les séquelles de la crise sanitaire se font encore ressentir, la Banque de France a enregistré <a href="https://www.rtl.fr/actu/debats-societe/info-rtl-economie-les-dossiers-de-surendettement-ont-augmente-de-8-en-2023-7900337052">8 % de dossiers de surendettement déposés en plus</a> par rapport à 2022. Celle-ci multiplie d’ailleurs les initiatives pour informer et prévenir à ce propos. Après la mise en place d’un numéro de téléphone dédié (le 34 14), elle déploie actuellement le <a href="https://www.banque-france.fr/en/node/2521#:%7E:text=Issu%20des%20travaux%20men%C3%A9s%20en,les%20publics%20en%20difficult%C3%A9%20financi%C3%A8re">dispositif test « Aide-Budget »</a> dans 11 départements avec les fournisseurs d’énergie et les bailleurs sociaux pour repérer les ménages fragiles dès les premiers impayés et les orienter vers un des 500 « Points Conseil Budget » en France. Ceux-ci délivrent des conseils confidentiels et personnalisés sur la gestion budgétaire du ménage.</p>
<p>La philosophie sous-jacente mais aussi les réalités de ce qu’est le surendettement ont néanmoins, même discrètement, radicalement évolué depuis 1989.</p>
<h2>À l’origine, un droit plus favorable aux prêteurs</h2>
<p>La procédure a beau être assez jeune, le législateur a fait preuve, en moins de 35 ans, d’une particulière nervosité juridique avec pas moins de sept réformes majeures (1995, 1998, 2003, 2005, 2010, 2014, 2018). Elles s’expliquent notamment par la forte progression du nombre de dépôts de dossiers de surendettement auprès de la Banque de France jusqu’en 2014 et par la proportion élevée de redépôts.</p>
<p><iframe id="BbCeJ" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/BbCeJ/2/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>À partir de 2014, le nombre de dossiers déposés suivait une tendance baissière particulièrement remarquable avant que la crise sanitaire ne marque une première rupture. Elle a été confirmée récemment par une hausse de 6 % des dépôts sur les neufs premiers mois de 2023. Dans l’attente d’une accalmie sur le front de l’inflation pour 2024 et d’un retour de taux d’intérêt directeurs stables, le <a href="https://www.latribune.fr/economie/france/surendettement-malgre-l-inflation-le-nombre-de-dossiers-augmente-legerement-980470.html">chiffre de 6 % a été qualifié de « modéré »</a> par la banque de France, ce qui paraît logique quand on sait qu’en l’espace de deux années et demi, l’inflation alimentaire a atteint près de 21 %.</p>
<p>Au-delà de l’aspect conjoncturel, les évolutions juridiques en la matière marquent en réalité un profond changement de philosophie dans l’appréhension du phénomène de surendettement des particuliers, passé relativement inaperçu, en 2004, alors même qu’il a connu un certain succès.</p>
<p>Au moment de leur institution en 1989, les commissions de surendettement avaient pour principal objectif de faire en sorte que les personnes en grandes difficultés financières (et de bonne foi) puissent bénéficier d’un délai pour payer leurs dettes. Elles visaient ensuite, à permettre aux prêteurs de récupérer tout ou partie de leurs fonds. Les autorités privilégiaient donc la conciliation et les biens nommés « plans conventionnels de redressement » incluant recommandations, réaménagement des dettes et patience afin de trouver une solution devant nécessairement conduire à un remboursement des fonds prêtés sans distinction de créances.</p>
<p>Dans un contexte de fort développement du crédit à la consommation, et donc d’un surendettement plus actif (ou provoqué) que passif (ou subi), cette orientation privilégiant l’intérêt des prêteurs n’a pas permis de contenir l’explosion du nombre de surendettés entre 1995 et 2004. Cela s’explique principalement par la longueur des procédures, le manque de moyens alloués et surtout par un fort taux d’échec des plans de redressement conclus, en dépit des modifications positives mais trop timides apportées par les réformes de 1995 et 1998.</p>
<h2>Une inversion des priorités</h2>
<p>C’est alors que la <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/loda/id/LEGIARTI000006826545/2003-08-02/">« loi Borloo »</a>, votée en août 2003 et appliquée à partir de 2004, institue la procédure de rétablissement personnel (PRP) aussi qualifiée de « droit à la seconde chance » pour les plus fragiles. Le changement d’approche puise son inspiration dans le régime de « faillite civile » du droit local d’Alsace et de Moselle. Est ainsi introduite une solution alternative aux plans conventionnels de redressement pour les ménages dont la situation est jugée « irrémédiablement compromise », c’est-à-dire sans espoir d’amélioration.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/567450/original/file-20231228-25-cemnu5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/567450/original/file-20231228-25-cemnu5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/567450/original/file-20231228-25-cemnu5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/567450/original/file-20231228-25-cemnu5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/567450/original/file-20231228-25-cemnu5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/567450/original/file-20231228-25-cemnu5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/567450/original/file-20231228-25-cemnu5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">C’est à Jean Louis Borloo, alors ministre de la Ville, que l’on doit une évolution légale majeure concernant les ménages surendettés.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Jacques Witt/Wikimedia</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
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<p>Pour ces derniers, il est possible de bénéficier d’un rétablissement personnel sous la forme d’un effacement total des dettes. Cela vaut à condition d’être de bonne foi. Celle-ci est présumée mais peut être remise en cause, par exemple, en cas d’endettement volontaire, de recours à de nouveaux crédits pendant la procédure, de dépenses superflues, somptuaires ou de gestion irresponsable.</p>
<p>Ce virage législatif va prendre quelques années à se manifester dans les chiffres. Près de vingt années après sa mise en place, il apparaît néanmoins clairement que la PRP s’est imposée comme une solution majeure à la détresse des ménages les plus endettés, au détriment des plans de redressement. Il peut s’interpréter comme une inversion de priorité des autorités publiques puisque cette procédure implique l’impossibilité définitive pour les créanciers de récupérer leur mise de fonds. Leurs pertes s’élèvent, pour l’exercice 2022, à 1,3 milliard d’euros au total, soit moins de 0,05 % du PIB, pour un montant moyen effacé de <a href="https://www.banque-france.fr/system/files/2023-02/suren-2022_enquete-typologique.pdf#page=23">20 224 euros par ménage ayant bénéficié d’une PRP</a>.</p>
<p><iframe id="scA8K" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/scA8K/2/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Les réformes suivantes (2010, 2014) vont renforcer et simplifier le dispositif pour lui donner plus de souplesse et de visibilité tout en limitant la publicité et les abus relatifs aux pratiques des sulfureux crédits renouvables.</p>
<h2>Un endettement de plus en plus passif</h2>
<p>Amorcée en 2014, la décrue du nombre de dossiers de surendettement s’explique par le renouveau du processus législatif qui pousse à une plus large prise en charge collective des situations les plus compromises, mais aussi par une modification substantielle de l’équilibre entre endettement actif et passif. En effet, au cours des quinze dernières années, on observe une progression de la part des ménages surendettés de façon passive, accumulant des dettes de la vie courante (loyers, énergie, communication, transport, assurance, santé, éducation, alimentation, fiscalité), souvent à la suite d’accidents de la vie (accident, décès d’un proche, séparation, pertes d’emplois).</p>
<p>Aussi, la plupart (56 %) des personnes déposant un dossier de surendettement sont des personnes vivant seules. 55 % sont des femmes âgées entre 18 à 54 ans. 25 % sont au chômage. Le niveau de vie médian des ménages ayant bénéficié d’une PRP est de 859 euros. À ce titre, il est à craindre que la crise sanitaire récente puisse encore se manifester dans les statistiques en 2024, notamment dans un contexte d’arrêt des aides publiques pour les ménages les plus modestes (bouclier tarifaire, chèque énergie, prime carburant), mais aussi en raison d’une inflation qui rogne l’épargne accumulée et d’un <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/7713975#tableau-chomage-g1-fr">chômage qui repart à la hausse</a>.</p>
<p>Les initiatives déployées par la Banque de France sont à encourager et à démocratiser auprès de tous et partout pour enrayer la spirale du surendettement des ménages. Le secteur associatif est aussi un relais important pour toucher tous les publics. En effet, l’éducation financière personnelle et la diffusion de l’information sur des procédures de plus en plus favorables aux débiteurs sont des vecteurs importants pour limiter les comportements dangereux, orienter efficacement les personnes concernées mais aussi mettre fin au sentiment de honte lié au phénomène de surendettement.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/220406/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Ydriss Ziane ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Le droit, hier plus favorable aux prêteurs, l’est aujourd’hui surtout pour les ménages, ce qui n’est pas neutre dans un contexte où l’endettement est de plus en plus subi.Ydriss Ziane, Maître de conférences de Finance, IAE Paris – Sorbonne Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2203992024-01-04T21:56:44Z2024-01-04T21:56:44ZUn retour à la normale pour l’économie grecque ?<p>Une croissance économique solide au premier trimestre 2023, un ratio <a href="https://theconversation.com/topics/dette-20647">dette publique</a>/PIB qui tombe en dessous de son niveau d’avant la pandémie, des risques de financement par emprunt qui sont contenus à moyen terme… L’économie grecque voit-elle enfin le bout du tunnel ? En 2010, le pays était frappé par une grave <a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2012/11/27/accord-pour-la-reduction-de-la-dette-de-la-grece_1796227_3234.html">crise de la dette publique</a>, qui intervenait consécutivement à celle des subprimes de 2008. Sa <a href="https://www.lejdd.fr/International/L-UE-semble-reflechir-a-une-sortie-de-la-Grece-de-la-zone-euro-513591-3268940">sortie de la zone euro</a> avait même un temps été envisagée.</p>
<p>Après une dépression historique au cours de laquelle son <a href="https://theconversation.com/topics/produit-interieur-brut-pib-48857">produit intérieur brut</a> (PIB) s’est effondrée de 28 %, la <a href="https://theconversation.com/topics/grece-20646">Grèce</a> semble avoir enfin ouvert un nouveau chapitre. Il y a eu d’abord la crise (2010-2013), puis la stabilisation (2014-2018), huit années où des plans d’austérité ont été imposés par les créanciers du pays, la BCE, l’Union européenne et le FMI, au chevet d’une économie qui ne pouvait plus se financer, privée d’accès aux marchés obligataires internationaux.</p>
<p>Le 20 octobre dernier, l’agence Standard & Poor’s a relevé sa notation de la dette grecque à BBB-. Celle-ci sort ainsi pour la première fois depuis 2010 de la catégorie « dette spéculative » (ou « obligation pourrie ») pour passer en catégorie « investissement ». Dans son édition de Noël, le prestigieux magazine britannique <em>The Economist</em> a même titré la Grèce « <a href="https://www.lefigaro.fr/conjoncture/la-revanche-de-la-grece-sacree-pays-de-l-annee-par-the-economist-20231221#:%7E:text=La%20Gr%C3%A8ce%20en%20t%C3%AAte%20des%20pays%20de%20l%E2%80%99ann%C3%A9e&text=Les%20agences%20n%E2%80%99en%20doutaient,site%20%C3%A9conomique%20grec%20OT.gr">Pays de l’année</a> ». En 2022, elle avait réussi a remboursé ses prêts accordés par le FMI avec <a href="https://www.latribune.fr/economie/union-europeenne/dette-la-grece-finit-de-rembourser-le-fmi-avec-deux-ans-d-avance-904069.html">deux ans d’avance</a>. Signes d’une économie en voie de rétablissement ?</p>
<h2>Des indicateurs macroéconomiques encourageants</h2>
<p>Avant la pandémie liée au coronavirus, le pays semblait déjà reprendre une trajectoire positive avec une nette augmentation de son PIB par habitant. Au premier semestre 2023, la croissance restait solide, tirée principalement par la consommation et les exportations nettes. La consommation privée a bénéficié d’une demande refoulée durant la période précédente, notamment dans le secteur des services, tandis qu’une baisse significative des importations a entraîné une contribution positive des exportations nettes qui avaient sous-performé ces derniers trimestres. L’activité d’investissement a, elle, cependant considérablement ralenti après un pic au dernier trimestre 2022.</p>
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<p>Grâce à l’augmentation de la demande intérieure liée à la reprise de l’activité du tourisme, la croissance du PIB réel pour le reste de l’année devrait être solide, s’établissant en moyenne à <a href="https://www.lefigaro.fr/conjoncture/la-revanche-de-la-grece-sacree-pays-de-l-annee-par-the-economist-20231221#:%7E:text=La%20Gr%C3%A8ce%20en%20t%C3%AAte%20des%20pays%20de%20l%E2%80%99ann%C3%A9e&text=Les%20agences%20n%E2%80%99en%20doutaient,site%20%C3%A9conomique%20grec%20OT.gr">2,3 % pour l’ensemble de 2023</a> alors qu’Athènes ne misait « que » sur 1,8 %. C’est plus que la moyenne de l’Union européenne (0,6 %). Les chiffres sont attendus du même ordre pour 2024 et 2025.</p>
<p>Autre indicateur macroéconomique témoin d’un retour à la normale, l’inflation globale devrait s’établir en moyenne à 4,3 % en 2023. Les chiffres mensuels récents pointent vers une légère hausse de l’inflation dans les secteurs de l’énergie et des services (sur une base mensuelle désaisonnalisée), tandis que les prix des denrées alimentaires sont impactés par les <a href="https://www.lalsace.fr/environnement/2023/09/10/14-morts-dans-les-inondations-en-thessalie#:%7E:text=Deux%20personnes%20restent%20port%C3%A9es%20disparues,secourues%20et%20mises%20en%20s%C3%A9curit%C3%A9.&text=Le%20bilan%20des%20inondations%20qui,15%20morts%2C%20selon%20les%20pompiers">inondations à la fin de l’été dans la région de Thessalie</a>, une zone clé pour la production agricole. L’OCDE prévoit pour 2023 que l’inflation grecque devrait <a href="https://data.oecd.org/fr/price/previsions-de-l-inflation.htm">rejoindre la moyenne des pays de la zone euro</a>. Le choix de son maintien dans cet espace économique a bien joué son rôle d’amortisseur face aux conséquences de la pandémie et de la poussée inflationniste. En Turquie voisine, l’inflation est attendue à <a href="https://www.latribune.fr/economie/international/turquie-l-inflation-grimpe-encore-et-atteint-presque-62-sur-un-an-984830.html">65 %</a> fin 2023.</p>
<p>Du côté du marché du travail, enfin, la croissance de l’emploi devrait se poursuivre, mais à un rythme plus lent. Le taux de chômage est tombé à 9,6 % en octobre 2023, son plus bas niveau depuis juin 2009, après avoir culminé à 28,1 % en septembre 2013. Sont même observés de premiers signes de <a href="https://www.courrierinternational.com/article/economie-la-grece-confrontee-a-un-manque-de-main-d-uvre-a-l-approche-de-la-saison-touristique#:%7E:text=%C3%89conomie.-,La%20Gr%C3%A8ce%20confront%C3%A9e%20%C3%A0%20un%20manque%20de%20main%2Dd%27%C5%93uvre,grecque%20se%20fait%20l%27%C3%A9cho">pénurie de main-d’œuvre</a> dans des secteurs clés tels que le tourisme. Avec la hausse des salaires nominaux et le ralentissement de l’inflation, les salaires réels devraient être mesurés à la hausse en 2023 après une contraction en 2022.</p>
<p><iframe id="CnAMo" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/CnAMo/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>En valeur absolue, le PIB grec est néanmoins loin d’avoir rattrapé son niveau de 2008. Les pertes ont été de <a href="https://donnees.banquemondiale.org/indicator/NY.GDP.MKTP.CD?end=2022&locations=GR&start=2008">70 milliards de dollars</a> (constants 2015) entre 2008 et 2015 dont seuls 16 milliards avaient été regagnés fin 2022. La bonne orientation des chiffres de la croissance masque en partie la <a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2023/10/30/le-ministre-grec-de-l-economie-se-felicite-du-redressement-de-son-pays_6197299_3234.html">faible marge de manœuvre</a> dont dispose le gouvernement grec et des réformes, notamment fiscales, restent nécessaires pour percevoir d’indispensables fonds européens.</p>
<h2>L’héritage contrasté de la rigueur</h2>
<p>Le ratio dette publique/PIB devrait <a href="https://issuu.com/oecd.publishing/docs/pe-juin-2023-grece?fr=xKAE9_zU1NQ">diminuer jusqu’en 2025</a> selon l’OCDE, en grande partie sous l’effet de la hausse du PIB nominal, mais également grâce aux excédents primaires. Ce ratio devrait baisser à 160,9 % en 2023, 151,9 % en 2024 et 147,9 % en 2025.</p>
<p>Le solde des comptes publics, lui, devrait rester globalement inchangé en 2023, et, selon les données de l’Eurostat, enregistrerait un <a href="https://www.touteleurope.eu/economie-et-social/le-deficit-public-des-etats-de-l-union-europeenne/">excédent de 1,6 % du PIB</a> cette année. Ce résultat repose sur une <a href="https://economic-research.bnpparibas.com/html/fr-FR/Europe-retablissement-comptes-publics-09/05/2023,48546">amélioration du solde primaire</a> (qui ne tient pas compte des intérêts versés sur la dette ni des revenus issus d’actifs financiers) ainsi qu’à la suppression progressive des mesures visant à atténuer, pour la population, les prix élevés de l’énergie et à des recettes fiscales meilleures que prévu, notamment celles provenant de la taxe sur la valeur ajoutée et des cotisations de sécurité sociale.</p>
<p>Cependant, l’économie reste malgré tout confrontée à des défis macrofinanciers dans un contexte de resserrement monétaire important, d’inflation sous-jacente persistante et de hausse des prix de l’immobilier. Les déséquilibres structurels dus à la faiblesse de l’épargne des ménages et à un niveau d’investissement encore faible ne sont guère étonnants : la quasi-mise sous tutelle par les institutions internationales (la troïka composée du FMI, de la BCE et de la Commission européenne) a certes rétabli les équilibres financiers fondamentaux mais à des niveaux beaucoup plus faibles. Les Grecs ont puisé pendant 10 ans dans leurs réserves afin de compenser la perte de pouvoir d’achat et, par exemple, <a href="https://read.oecd-ilibrary.org/social-issues-migration-health/greece-country-health-profile-2021_4ab8ea73-en#page3">continuer à se soigner</a>.</p>
<p>Tous les efforts consentis par la population ont par ailleurs certes permis une diminution sur les dernières années de la dette en pourcentage du PIB mais, en valeur absolue, la dette continue d’augmenter. Elle a plus que doublé en 15 ans.</p>
<p><iframe id="P87na" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/P87na/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p><iframe id="EhYQg" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/EhYQg/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Si sur les 15 dernières années, l’économie grecque est ainsi pour partie rentrée dans le rang, la puissance publique reste sous pression. <a href="https://www.latribune.fr/economie/union-europeenne/grece-le-port-du-piree-passe-officiellement-sous-pavillon-chinois-591870.html">Vente du port du Pirée</a>, d’une partie du <a href="https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/allo-l-europe/la-grece-vend-son-patrimoine-culturel-5841655">patrimoine culturel</a>, fragilisation des <a href="https://www.ouest-france.fr/europe/grece/collision-de-trains-en-grece-retour-en-onze-actes-sur-le-pire-accident-ferroviaire-du-pays-92356688-f0d3-455d-805c-5d6ecd8f60ce">infrastructures de transports</a>, faiblesse des moyens face aux <a href="https://www.francetvinfo.fr/faits-divers/incendie/reportage-lutte-contre-les-incendies-la-grece-compte-sur-une-cooperation-europeenne-croissante-car-la-crise-climatique-ne-va-pas-disparaitre_5986244.html">incendies</a>, elle ne sort de plus pas grandie de cette période.</p>
<hr>
<p><em>Vincent Monnier, enseignant-chercheur à l’École supérieure des professions immobilières a également contribué à la rédaction de cet article.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/220399/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Myriam Ben Saad ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Dette publique réévaluée, « pays de l’année » selon The Economist, les signaux positifs s’additionnent pour l’économie grecque. Les marges de manœuvre du gouvernement y restent toutefois limitées.Myriam Ben Saad, Kedge Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2151682023-10-09T17:44:45Z2023-10-09T17:44:45ZDéficit public : pourquoi les objectifs affichés ne sont jamais atteints<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/552495/original/file-20231006-25-jmy150.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=26%2C10%2C1171%2C786&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le gouvernement espère ramener le niveau de déficit public à 2,7&nbsp;points de PIB en 2027.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/129231073@N06/27734592992 ">Flickr/ Fred Romero</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Le déficit public français sera-t-il ramené à 2,7 points de PIB en 2027 ? C’est en tout cas l’objectif affiché par la loi de programmation des finances publiques (LPFP) qui définit la trajectoire pluriannuelle des <a href="https://theconversation.com/fr/topics/finances-publiques-24847">finances publiques</a> jusqu’à cette date et qui a finalement été <a href="https://www.vie-publique.fr/loi/286456-loi-programmation-des-finances-publiques-lpfp-2023-2027">adoptée le 29 septembre 2023</a> après avoir été retoquée par l’Assemblée nationale en décembre 2022.</p>
<p>On peut sérieusement en douter. En effet, de 2012 à 2021, aucune des cinq premières LPFP n’a atteint ses objectifs de réduction du <a href="https://theconversation.com/fr/topics/deficit-64087">déficit public</a> et la crise du Covid-19 en 2020 n’a fait qu’aggraver les choses puisque le déficit public est encore attendu à 4,9 % en 2023 bien au-delà du seuil de 3 %. En conséquence, la <a href="https://theconversation.com/fr/topics/dette-20647">dette publique</a> atteint 110 % du PIB, un niveau supérieur à la moyenne des pays de la zone euro et bien supérieur à celui de l’Allemagne.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/552716/original/file-20231009-19-cdwjey.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/552716/original/file-20231009-19-cdwjey.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/552716/original/file-20231009-19-cdwjey.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=352&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/552716/original/file-20231009-19-cdwjey.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=352&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/552716/original/file-20231009-19-cdwjey.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=352&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/552716/original/file-20231009-19-cdwjey.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=442&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/552716/original/file-20231009-19-cdwjey.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=442&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/552716/original/file-20231009-19-cdwjey.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=442&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Trajectoires de dette publique en zone euro (en points de PIB).</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.legifrance.gouv.fr/download/pdf?id=oqCXEq3EqMCYEYH9la0-QxF9OTeIbn7StRmyRcyIW_8=">Haut Conseil des finances publiques (septembre 2023)</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Cette fois-ci, assise sur des hypothèses de croissance que le Haut Conseil des finances publiques (HCFP) estime <a href="https://www.hcfp.fr/liste-avis/avis-ndeg2023-7-projet-de-loi-de-programmation-2023-2027-revise">trop optimistes</a>, la LPFP 2023-2027 prévoit, une fois encore, une décrue progressive du déficit, alors même que le poids de la charge d’intérêts va s’alourdir considérablement sur la période du fait de la <a href="https://www.latribune.fr/economie/france/la-hausse-brutale-des-taux-sur-les-marches-obligataires-menace-le-budget-francais-978714.html">remontée des taux d’intérêt</a>.</p>
<h2>Prévision de baisse de dépenses jamais vue</h2>
<p>Ce sont surtout les prévisions de dépenses de la LPFF qui sont irréalistes. Hors charges d’intérêts, elles seraient quasi stables en volume sur la période (+0,1 % par an), ce qui représente une trajectoire bien plus ambitieuse que celle réalisée par le passé, le plus bas jamais atteint étant +0,9 % entre 2010 et 2014. Mais même sur la base des prévisions de la LPFP, avec un déficit public attendu à 2,7 % en 2027, la France serait le <a href="https://www.lefigaro.fr/conjoncture/dette-pourquoi-la-france-decroche-par-rapport-a-ses-voisins-20230630">dernier pays de l’Union européenne à passer en dessous de 3 %</a>.</p>
<p>Comme les secteurs prioritaires que sont l’écologie, la défense, l’éducation nationale et la justice bénéficieront d’une hausse substantielle de leur budget, les crédits des autres programmes doivent baisser de 1,8 % en volume sur la période. Du jamais-vu.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/552717/original/file-20231009-19-9r6llw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/552717/original/file-20231009-19-9r6llw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/552717/original/file-20231009-19-9r6llw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=379&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/552717/original/file-20231009-19-9r6llw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=379&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/552717/original/file-20231009-19-9r6llw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=379&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/552717/original/file-20231009-19-9r6llw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=476&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/552717/original/file-20231009-19-9r6llw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=476&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/552717/original/file-20231009-19-9r6llw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=476&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Taux de croissance de la dépense publique (hors charges d’intérêts) en volume (en %).</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.legifrance.gouv.fr/download/pdf?id=oqCXEq3EqMCYEYH9la0-QxF9OTeIbn7StRmyRcyIW_8=">Haut Conseil des finances publiques (septembre 2023)</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Pour tenir cette trajectoire, il faudrait un audit déterminé des dépenses qui n’a pas encore débuté et qui trancherait avec les quatre démarches successives de modernisation de l’État depuis 20 ans, comme la Révision générale des politiques publiques de 2007-2011 ou la Modernisation de l’action publique de 2011-2016 qui avaient mobilisé d’onéreuses <a href="https://www.lemonde.fr/politique/article/2022/03/17/les-cabinets-de-conseil-une-machine-installee-au-c-ur-de-l-etat_6117909_823448.html">sociétés de conseil privées</a> <a href="https://www.fipeco.fr/fiche/Les-revues-des-d%C3%A9penses-publiques">sans réel impact sur les dépenses publiques</a>.</p>
<p>La première ministre Élisabeth Borne prépare une nouvelle procédure de revue des dépenses via des audits diligentés par les inspections administratives de l’État mais qui n’aura dans tous les cas pas d’impact avant 2025. Il serait question à ce stade de réduire le millefeuille territorial, de profiter de la baisse du nombre d’élèves scolarisés, de limiter le coût de l’apprentissage, de raboter le Crédit impôt recherche et les prestations sociales pour économiser 12 milliards d’euros par an sur la période.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1723972989018902965"}"></div></p>
<p>Première étape de la LPFP, le projet de budget pour 2024 n’annonce qu’une modeste diminution de 0,5 % du déficit public à 4,4 % du PIB. Pourtant, le taux de croissance retenu par le gouvernement en 2024, de 1,4 %, reste très <a href="https://www.hcfp.fr/liste-avis/avis-ndeg2023-8-lois-de-finances-2024">largement supérieur au consensus</a> des analystes qui est de 0,8 %.</p>
<p>En réalité, cette modeste réduction proviendrait uniquement de l’arrêt des mesures de soutien exceptionnelles au pouvoir d’achat pour environ 16 milliards d’euros (fin du bouclier tarifaire énergétique de 10 milliards et recentrage des aides aux entreprises de 4,4 milliards), les autres dépenses étant attendues en hausse de 4,8 % en valeur (2,2 % en volume) soit très loin de l’ambition de moyen terme.</p>
<h2>L’UE va-t-elle discipliner la France ?</h2>
<p>Comment amener le gouvernement à annoncer des objectifs plus réalistes ? En France, le Haut Conseil des finances publiques, en charge du suivi des LPFP depuis sa création en décembre 2012, n’a jamais vraiment contesté les évaluations souvent fantaisistes du déficit structurel (qui exclut les variations conjoncturelles de l’économie mais qu’il est impossible de mesurer directement) publiées par les gouvernements successifs.</p>
<p>Quid des contraintes de <a href="https://theconversation.com/fr/topics/union-europeenne-ue-20281">l’Union européenne</a> ? Face aux dérives budgétaires récurrentes des cigales, le Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance (TSCG) de 2012, ou <a href="https://www.touteleurope.eu/economie-et-social/qu-est-ce-que-le-pacte-budgetaire-europeen/">pacte budgétaire européen</a>, avait imposé aux 25 États signataires des règles budgétaires plus strictes. En France, la <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/loda/id/JORFTEXT000026785259">loi organique du 17 décembre 2012</a> a transposé dans la foulée le traité en renforçant le rôle d’un véhicule législatif introduit lors de la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 : les lois de programmation des finances publiques, chargées à l’origine de définir les orientations pluriannuelles (sur 3 ans minimum) des finances publiques dans un objectif d’équilibre des comptes des administrations publiques.</p>
<p>[<em>Plus de 85 000 lecteurs font confiance aux newsletters de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde</em>. <a href="https://memberservices.theconversation.com/newsletters/?nl=france&region=fr">Abonnez-vous aujourd’hui</a>]</p>
<p>Ces lois restent cependant budgétairement non contraignantes car elles n’ont pas la nature juridique des lois de finances. C’est pourquoi pour faire passer la LPFP 2023-2027 en usant du 49.3 le gouvernement a opportunément convoqué une très brève session extraordinaire de l’Assemblée nationale le 25 septembre 2023, soit juste avant la session ordinaire, s’épargnant ainsi une cartouche utile pour la session en cours.</p>
<p>Le texte ayant été une nouvelle fois <a href="https://www.senat.fr/leg/tas23-006.html">remanié par le Sénat</a> le 16 octobre 2023 avec un objectif de déficit plus ambitieux de -1,7% en 2027, il est revenu à l’Assemblée pour une ultime lecture le 13 novembre lors de la session budgétaire ordinaire ce qui a contraint le gouvernement à déclencher une nouvelle fois le 49.3 soulevant au passage un débat juridique dans l’hypothèse où le gouvernement souhaiterait <a href="https://www.lemonde.fr/politique/article/2023/11/13/le-gouvernement-declenche-une-nouvelle-fois-le-49-3-pour-la-loi-de-programmation-budgetaire_6199891_823448.html">user de nouveau de cet article</a> à propos du projet de loi sur l’immigration.</p>
<p>Par la grâce du TSCG, les LPFP sont ainsi devenues le support des engagements européens via le suivi du déficit structurel. Ce concept clé du pacte, malgré sa <a href="https://theconversation.com/letrange-estimation-gouvernementale-du-deficit-structurel-francais-en-2020-155089">délicate évaluation</a>, doit converger vers un maximum de 0,5 % du PIB (il est aujourd’hui proche de 5 % et le gouvernement vise un objectif de 2,7 % en 2027).</p>
<p>En raison de la pandémie de Covid-19, la Commission européenne avait déclenché en 2020 la clause dérogatoire du Pacte de stabilité et de croissance, qui permettait aux États membres de s’écarter temporairement de ses exigences en raison de circonstances exceptionnelles, mais cette <a href="https://france.representation.ec.europa.eu/informations/orientations-en-matiere-de-politique-budgetaire-pour-2024-favoriser-la-soutenabilite-de-la-dette-et-2023-03-08_fr">clause tombera à la fin de l’année 2023</a>.</p>
<p>Dans le même temps, Bruxelles propose une refonte des contraintes budgétaires qui abandonnerait la référence au déficit structurel mais renforcerait les sanctions financières en cas de déficit excessif, supérieur à 3 % du PIB. Nul ne sait aujourd’hui ce que les États signataires du Pacte accepteront, mais la renégociation du Pacte sera tendue entre les pays « frugaux » et bons élèves en matière de finances publiques emmenés par l’Allemagne et les cigales dont la France est devenue malgré elle le symbole.</p>
<h2>L’ombre des marchés financiers</h2>
<p>En l’absence de réelles sanctions européennes, les marchés financiers joueront sans doute le rôle de censeur des politiques budgétaires. La brutale hausse des taux longs qui a suivi la remontée des taux courts de la Banque centrale européenne (BCE) depuis plus d’un an renchérit significativement le coût de la dette publique, le taux de l’obligation allemande à 10 ans (la référence en zone euro) ayant franchi la barre des 3 % le 4 octobre dernier, une première depuis 2011.</p>
<p>Parallèlement en France, non seulement le taux de l’obligation assimilable du Trésor (OAT) à 10 ans a connu une hausse spectaculaire de 38 points de base en un mois pour atteindre 3,5 % (au-delà de la prévision gouvernementale de 3,4 %) mais le fameux « spread », qui désigne l’écart entre les taux français et allemand (soit le surcoût que l’État français doit payer pour emprunter) et que les marchés suivent avec attention tend à s’élargir et atteint aujourd’hui les 50 points de base.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1709614026978644461"}"></div></p>
<p>Pour assurer le rétablissement des finances publiques françaises, nous estimons donc que la seule solution efficace serait d’effectuer un saut vers un plus grand fédéralisme. En 1998 la création ex nihilo d’une banque centrale commune puis d’une monnaie unique par des États souverains constituait alors un défi monétaire historique qui dépassait le précédent américain : en 1792, les 13 États fondateurs avaient décidé, en même temps que le dollar, la création d’un État et d’un Trésor fédéral disposant d’une autonomie budgétaire et reprenant l’intégralité des dettes des États fédérés. Rien de tel dans la zone euro, puisque les 13 membres fondateurs de l’euro conservaient jalousement leur prérogative budgétaire et fiscale.</p>
<p>Dans un système plus fédéraliste, la souveraineté budgétaire de la zone euro pourrait ainsi être transférée à un organisme supranational s’inspirant du modèle de la BCE. Les États conserveraient toutefois, dans les nouvelles limites budgétaires européennes, leur sacro-sainte souveraineté fiscale.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/215168/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Éric Pichet ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Depuis leurs mises en place en 2012, les lois de programmation pluriannuelles des finances publiques ont toujours échoué à contenir la dette française.Éric Pichet, Professeur et directeur du Mastère Spécialisé Patrimoine et Immobilier, Kedge Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2134102023-09-28T19:14:31Z2023-09-28T19:14:31ZGestion de la dette publique : que retenir des expériences de John Law au XVIIIᵉ siècle ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/547787/original/file-20230912-26-b1v6iw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=589%2C388%2C1419%2C959&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Portait de John Law par Alexis Simon Belle
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://fr.wikipedia.org/wiki/John_Law_de_Lauriston#/media/Fichier:John_Law_by_Alexis_Simon_Belle.jpg">Londres, National Portrait Gallery / Wikimedia Commons</a></span></figcaption></figure><p>Une <a href="https://theconversation.com/topics/dette-20647">dette publique</a> proche de 120 points de PIB ? La France s’en est approchée à la sortie des confinements, jusque 117,8 points au premier trimestre 2021, une valeur redescendue à <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/7638614">112,5 au premier trimestre 2023</a>.</p>
<p>Par le passé, elle avait déjà atteint de tels sommets, notamment au début du XVIII<sup>e</sup> siècle. En 1715, à sa mort, Louis XIV laissait la France au bord de la faillite en raison, notamment, des guerres incessantes lancées par le Roi Soleil et de l’organisation fiscale du pays.</p>
<p>Nos <a href="https://hal.science/hal-04010978/">travaux</a> portent sur cette époque qui permet de nourrir une réflexion sur les enjeux d’aujourd’hui. Aux commandes du pays en attendant que grandisse le jeune Louis XV, le Régent, Philippe d’Orléans, fit appel à John Law (nom que ses contemporains français prononçaient « Lass ») et à ses idées audacieuses pour redresser les finances de la France. Né en 1671 à Édimbourg, il s’était intégré dans les milieux financiers londoniens avant de parcourir l’Europe et de s’établir à Paris.</p>
<h2>Un partenariat public/privé</h2>
<p>Le but du système de Law était, à la fois, d’assainir les <a href="https://theconversation.com/topics/finances-publiques-24847">finances publiques</a> et d’augmenter la <a href="https://theconversation.com/topics/monnaie-21214">masse monétaire</a> en circulation afin de permettre le financement de l’économie. À cette fin, le Régent a tout d’abord autorisé son futur Contrôleur général des Finances à fonder une banque privée garantie par l’État, le 10 mai 1716. Avec cette création, Law poursuivait deux objectifs. Le premier était de faire évoluer le financement de l’économie en augmentant la part des billets dans la masse monétaire globale. Le second était de gérer la dette publique. En 1718, cette banque privée est devenue la Banque Royale. Dans une lettre adressée au Régent en 1715, John Law écrit ; </p>
<blockquote>
<p>« La banque n’est pas la seule, ni la plus grande de mes idées ; je produirai un travail qui surprendra l’Europe par les changements qu’il portera en faveur de la France, des changements plus forts que ceux qui ont été produits par la découverte des Indes ou par l’introduction du crédit. »</p>
</blockquote>
<p>La seconde pièce du système portait sur la création d’une compagnie commerciale. Au gré d’acquisitions et de fusions d’entreprises exerçant un monopole sur une aire géographique, John Law donne vie à un ensemble puissant qui reprend le nom de la « Compagnie des Indes » (appelée parfois aussi « Compagnie du Mississippi »). Elle avait pour mission première non le négoce mais la gestion des dettes d’État, selon les modalités suivantes : la Compagnie procédait à des augmentations de capital successives pouvant être payées au moyen de titres de dettes d’État. </p>
<p>De ce fait, elle avait vocation à centraliser progressivement l’endettement public pour octroyer ensuite à l’État des prêts à des taux d’intérêt très inférieurs à ceux pratiqués avant l’opération. Les finances publiques étaient ainsi assainies au moyen d’un lien entre le secteur public et le secteur privé.</p>
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<p>La Compagnie n’avait cependant pas les fonds pour payer les titulaires des titres. Elle devait donc lever des capitaux à hauteur des demandes potentielles de remboursement. Elle le fit d’une part au moyen d’augmentations de capital incessantes. Cela fut d’abord un succès, le cours de l’action de la Compagnie n’arrêtait pas de grimper. D’autre part, elle avait recours à des prêts octroyés par la Banque Royale. Ceux-ci étaient gagés sur les titres de ladite Compagnie dont la valeur était volatile et soutenue par les crédits octroyés.</p>
<p>C’est ce lien entre création monétaire et cours de l’action qui allait faire courir le mécanisme à sa perte. L’ensemble était totalement artificiel.</p>
<h2>Une tentative de régulation du système</h2>
<p>Law, qui voyait bien la faiblesse potentielle de son système, tenta de l’enrayer en faisant baisser le poids de la monnaie métallique en circulation au profit de la monnaie fiduciaire sous format papier, qui devait ainsi permettre à cette dernière d’en sortir consolidée. Il élabora ainsi une réglementation restrictive (interdiction par exemple de posséder plus d’un certain montant de métaux et incitation aux dénonciations) et fixa le cours légal des billets sur tout le territoire, en janvier 1720. En imposant la monnaie fiduciaire, le but de Law était, à terme, de stabiliser le cours de l’action de la Compagnie des Indes et d’en faire également une monnaie. Il voulait donc créer une monnaie-action.</p>
<p>Law a ainsi réussi en trois ans à créer une Banque Royale permettant une création monétaire nécessaire à l’économie, une compagnie commerciale restructurant la dette d’État afin d’assainir les finances royales et à imposer la monnaie fiduciaire, qui était alors impopulaire (la masse monétaire fait <a href="https://www.radiofrance.fr/franceculture/john-law-l-aventure-des-finances-1051333">plus que doubler</a> au deuxième semestre 1719).</p>
<p>Pourtant, ce système va basculer très rapidement au cours du premier semestre 1720. À la fin de la même année, après des scènes d’émeutes et des morts rue Quincampoix à Paris où était installée la Banque Royale, John Law est contraint de s’enfuir du pays.</p>
<h2>Contradictions et délits d’initiés</h2>
<p>Comment expliquer cette issue ? On peut, d’une part, repérer des facteurs économiques. La spéculation exacerbée était un facteur de risque – on parlait alors d’agiotage –, alimentant le circuit financier sans profiter à l’économie réelle. Les deux sphères étaient totalement déconnectées. On est au cœur des contradictions du système : une volonté de stabiliser le cours de l’action de la Compagnie des Indes pour en faire une monnaie contrebalancée par une spéculation effrénée.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/547786/original/file-20230912-17-limj5h.JPEG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/547786/original/file-20230912-17-limj5h.JPEG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/547786/original/file-20230912-17-limj5h.JPEG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=446&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/547786/original/file-20230912-17-limj5h.JPEG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=446&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/547786/original/file-20230912-17-limj5h.JPEG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=446&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/547786/original/file-20230912-17-limj5h.JPEG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=560&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/547786/original/file-20230912-17-limj5h.JPEG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=560&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/547786/original/file-20230912-17-limj5h.JPEG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=560&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Rue Quinquempoix en l année 1720, gravure d’Antoine Humblot.</span>
<span class="attribution"><span class="source">gallica.bnf.fr/Bibliothèque nationale de France</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>On peut, d’autre part, repérer des facteurs sociologiques. Plus le système montait en puissance, plus la haute société a reçu des informations et des subventions pour spéculer sans risque. En revanche, quand le système fut menacé par l’excès de la spéculation, l’entourage de Law, dès l’été 1719, a vendu massivement des titres de la Compagnie des Indes, fragilisant encore davantage le système. On qualifierait ces opérations, en droit contemporain, de délits d’initiés.</p>
<p>Le renversement de cette folie spéculative eut lieu fin mai 1720. Cet épisode financier a marqué les esprits, a miné la confiance dans le système et freinera l’innovation dans ce domaine, pendant de longues décennies.</p>
<h2>Précurseur de la banque centrale</h2>
<p>En réalité, le système de Law a-t-il été si négatif ? Deux éléments permettent d’en douter.</p>
<p>D’une part, la Banque Royale est la première ébauche d’une banque centrale que Law voulait créer sur le modèle de la Banque d’Angleterre. Ce système était nouveau en France. Il avait non seulement pour finalité de créer de la monnaie permettant le soutien de l’économie mais également un rôle de régulateur financier. Law a ainsi établi un lien entre la <a href="https://theconversation.com/topics/politique-monetaire-39994">politique monétaire</a> et la politique économique. Son système a échoué non pas parce que la création d’une telle banque n’était pas une bonne idée mais du fait des excès de création monétaire. Celle-ci alimentait alors davantage la spéculation sur les actions de la Compagnie des Indes qu’il ne permettait à l’économie réelle de se développer. Par conséquent, l’excès de monnaie, permettant à une bulle spéculative d’exister, a entraîné la chute du système.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1640465175592464385"}"></div></p>
<p>Si nous transposons à l’époque contemporaine, les banques centrales sont solidement implantées mais depuis l’abandon du système de Bretton Woods, au début des années 1970, et à la suite des chocs pétroliers, nous avons connu une période d’inflation puis une déconnexion entre la création de liquidités et l’évolution de l’économie réelle d’une part et la constitution de bulles spéculatives, d’autre part.</p>
<p>Plus récemment, après la crise financière de 2008, les banques centrales, devenues libres de créer de la monnaie, ont mis en place des politiques de <a href="https://theconversation.com/topics/assouplissement-quantitatif-84573">« quantitative easing »</a> consistant en des achats massifs de titres de dette publique. Cela a pour effet d’augmenter la masse monétaire en circulation, d’abaisser les taux d’intérêt et d’augmenter le volume du crédit afin de relancer l’économie mais avec un risque de reprise de l’inflation. Or, les crises financières arrivent toujours avec l’éclatement de bulles spéculatives.</p>
<p>L’ébauche d’un système de banque centrale mis en place par Law était ainsi une idée fondatrice mais l’excès de création monétaire devait ruiner son entreprise. Ne vivons-nous pas également une période comparable marquée par une masse monétaire en circulation trop importante ? Law ne serait-il pas d’actualité ?</p>
<h2>Des idées et des erreurs qui font référence</h2>
<p>Schumpeter, dans son <a href="https://www.gallimard.fr/Catalogue/GALLIMARD/Tel/Histoire-de-l-analyse-economique"><em>Histoire de l’analyse économique</em></a>, considère par ailleurs John Law au premier rang des théoriciens de la monnaie de tous les temps. Ses idées et ses erreurs restent aujourd’hui présentes dans les discours qui analysent le <a href="https://www.banque-france.fr/la-banque-de-france/histoire/seminaire-de-la-mission-historique/la-credibilite-des-monnaies-de-john-law-au-bitcoin">développement des cryptomonnaies</a> par exemple.</p>
<p>L’Écossais voulait moderniser le système monétaire français par la création de la monnaie-papier et la Banque Royale devait permettre d’y parvenir. Il avait aussi une idée plus originale de faire des actions de la Compagnie des Indes, une nouvelle forme de monnaie.</p>
<p>La valeur fluctuante des actions n’a pas permis à cette idée de devenir réalité. Law pensait que la monnaie-action permettrait de supprimer la monnaie métallique. En revanche, il n’a sûrement pas assez pensé à un fondement suffisamment solide de la monnaie afin d’établir un lien entre celle-ci et l’économie réelle.</p>
<p>Par conséquent, même si le bilan est mitigé du fait de l’explosion du système et de ses conséquences, des mécanismes nouveaux ont été mis en place à cette époque et ont permis de renouveler, avec audace, les débats sur les problèmes monétaires et leurs structures qui sont toujours d’actualité.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/213410/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Annick Bienvenu-Perrot ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Le système mis en place par l’économiste écossais en France à partir de 1716 a échoué. Il portait néanmoins en germes des idées qui restent éclairantes pour la gestion actuelle des comptes publics.Annick Bienvenu-Perrot, Docteur en droit - HDR - Enseignant-chercheur en droit privé - Co-directrice du master Juriste Financier - Université Paris Dauphine-PSL, Université Paris Dauphine – PSLLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2123952023-09-21T12:04:43Z2023-09-21T12:04:43ZDégradation de la notation souveraine du Cameroun : quelles causes et quelles conséquences ?<p>Cet été aura été propice à l’annonce de deux mauvaises nouvelles pour le Cameroun, de nature à refroidir l’élan que manifesteraient d’éventuels investisseurs pour acheter de la dette du pays. </p>
<p>Fin <a href="https://www.journalducameroun.com/notation-financiere-moodys-a-retrograde-le-cameroun/#:%7E:text=sur%20Facebook%20Tweetez!-,L'agence%20de%20notation%20am%C3%A9ricaine%20Moody's%20Investors%20Service%20a%20baiss%C3%A9,Caa1%2C%20le%2027%20juillet%202023.">juillet 2023, Moody’s a rétrogradé de B2 à Caa1</a>, la notation des dettes de long terme libellées en devises étrangères et en franc CFA, ainsi que celles des dettes seniors, c'est-à-dire les obligations et emprunts qui ont une priorité de remboursement plus élevée par rapport à d'autres catégories de dettes de l'Etat non garanties par un collatéral (généralement des dettes bancaires). </p>
<p>Début août 2023, <a href="https://www.financialafrik.com/2023/08/10/notation-standard-poors-degrade-a-son-tour-la-note-du-cameroun/">Standard and Poor’s a abaissé de B- à CCC+</a> la note des dettes de long terme libellées en devises étrangères, en y ajoutant les dettes de court terme. </p>
<h2>Ce que cela signifie</h2>
<p>Concrètement, cela signifie que du point de vue d’un investisseur qui souhaiterait acheter sur les marchés de capitaux internationaux de la dette émise par l’Etat camerounais, ce type d’investissement doit désormais être vu comme présentant un risque de défaut substantiel. Il figurait déjà dans la catégorie des investissements très spéculatifs comportant un degré élevé de risque et d'incertitude. </p>
<p>Ces révisions sont-elles arbitraires ? Doit-on considérer, comme le <a href="https://www.lepoint.fr/afrique/enfin-une-agence-de-notation-financiere-africaine-16-05-2022-2475835_3826.php">suggérait</a> le président sénégalais Macky Sall en 2022, que les agences internationales de notation exagèrent le risque financier des pays africains ?</p>
<p>Ayant étudié <a href="https://link.springer.com/chapter/10.1007/978-3-031-15754-7_5">les marchés financiers</a>, <a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/00036846.2020.1808176">la dette extérieure</a> et <a href="https://shs.hal.science/halshs-02093938/">l'intégration financière des pays africains au reste du monde</a>, mon point de vue est que les agences de notation se fondent généralement sur la situation – et surtout sur les perspectives - budgétaire des pays, ainsi que sur les facteurs susceptibles de créer un risque pour leur situation macroéconomique, financière et sociale.</p>
<p>Dans le cas du Cameroun, l’opinion publique et la presse ont mis en avant l’une des causes de cette <a href="https://www.jeuneafrique.com/1469547/economie-entreprises/pourquoi-yaounde-fait-lautruche-face-a-la-degradation-de-sa-note/">dégradation, à savoir l’accumulation d’arriérés de paiement</a>. En effet, en plus d’un retard de paiement - de plus de 5 jours - du service d’une dette bancaire (remboursement des intérêts et d’une partie du principal dus à une filiale espagnole de la Deutsche Bank au cours de l’année 2022), le gouvernement n’a apuré qu’une partie de ses arriérés sur ses dettes non-commerciales.</p>
<p>Ces dettes non-commerciales sont celles qui n'ont pas été contractées auprès du système bancaire (ce qu'a <a href="https://www.imf.org/fr/News/Articles/2023/06/29/pr23250-cameroon-imf-executive-board-completes-reviews-of-ecf-and-eff-arrangements-for-cameroon">souligné</a>, au mois de juin, l’équipe du Fonds monétaire international (FMI) qui a effectué les quatrièmes revues d’un programme d’aide financière dont le Cameroun bénéficie actuellement au titre de la <a href="https://www.imf.org/fr/News/Articles/2023/01/30/pr2324-cameroon-imf-staff-cameroonian-authorities-reached-sla-third-review-ecf-eff">facilité élargie de crédit</a> et du <a href="https://minepat.gov.cm/fr/2023/05/08/revue-du-pef-2021-2024-la-mission-du-fmi-chez-le-minepat/">mécanisme élargi de crédit</a>. </p>
<h2>Conséquences de la révision des notes</h2>
<p>La décision des agences de notation doit être appréciée dans un contexte particulier. Pour commencer, l’aide dont bénéficie actuellement le Cameroun de la part du FMI est ciblée pour des pays dont l’économie présente de graves problèmes macroéconomiques structurels susceptibles de conduire à des crises de balance de paiement. Par exemple, les problèmes de gouvernance (perception de la corruption) freinent les entrées de capitaux sous la forme d’investissements directs étrangers et de portefeuille. </p>
<p>Les progrès dans l’achèvement des projets de réhabilitation des infrastructures dans les secteurs du transport et de l’énergie ne sont pas suffisamment rapides pour hausser le niveau de la productivité globale des facteurs. Par ailleurs, le pays peine à réduire son taux de pauvreté qui <a href="https://www.un.org/africarenewal/fr/derni%C3%A8re-heure/cameroun-cr%C3%A9er-des-opportunit%C3%A9s-de-croissance-inclusive-et-de-r%C3%A9duction-de-la">culmine autour de 40 %</a> et qui s’accompagne de grandes disparités régionales, mais aussi entre zones rurales et zones urbaines.</p>
<p>Au-delà des chiffres encourageants sur les perspectives de croissance, les équilibres budgétaires et les réformes menées par l’administration fiscale, la question importante porte sur la capacité de résilience de la situation macro-budgétaire - qui reste fragile – face à la multiplication des chocs. Ce sont des facteurs de risques : crise du Covid-19, guerre d’Ukraine, crise politique et insécurité dans <a href="https://theconversation.com/comprendre-le-conflit-meurtrier-en-cours-dans-les-regions-anglophones-du-cameroun-179849">les régions anglophones</a>, tensions inflationnistes, remontée des taux d’intérêt mondiaux, crise migratoire, etc. </p>
<p>Or, l’orientation actuelle de tous ces facteurs joue en défaveur du Cameroun. Ce qui explique que la moindre décision de reporter le règlement d’une échéance sur une dette soit lue comme un signe avant-coureur d’un possible défaut (même si, <em>in fine</em>, ce dernier ne se produit pas). Les agences de notation s’intéressent au fait de savoir si ces facteurs sont susceptibles de peser négativement sur les indicateurs macroéconomiques, budgétaires et financiers du Cameroun.</p>
<h2>Un signal envoyé par les marchés</h2>
<p>La réponse est, sans doute, positive. Tout d’abord, les chances que les dépenses publiques évoluent en-deçà des limites prévues dans son programme d’ajustement <a href="https://www.imf.org/fr/News/Articles/2023/06/29/pr23250-cameroon-imf-executive-board-completes-reviews-of-ecf-and-eff-arrangements-for-cameroon">conclu avec le FMI</a> sont jugées faibles au regard de plusieurs facteurs : </p>
<ul>
<li><p>probables hausses des subventions aux ménages et aux entreprises dont le niveau de pauvreté s’est accru en raison de l’inflation;</p></li>
<li><p>hausse des dépenses liées aux migrations provoquées par la <a href="https://theconversation.com/comprendre-le-conflit-meurtrier-en-cours-dans-les-regions-anglophones-du-cameroun-179849">crise sociopolitique avec les Etats anglophones</a> du Nord, et par la volatilité des prix du pétrole qui risque de renchérir les importations de pétrole raffiné;</p></li>
<li><p>hausse des taux d’intérêt mondiaux qui risque également de durcir les conditions de refinancement sur les marchés de capitaux mondiaux, en affectant donc directement le service de la dette. </p></li>
</ul>
<p>Par ailleurs, les réformes visant à améliorer des ressources budgétaires et le potentiel de croissance sont en cours et n’ont pas encore révélé leur pleine potentialité. <a href="https://www.imf.org/fr/News/Articles/2023/06/29/pr23250-cameroon-imf-executive-board-completes-reviews-of-ecf-and-eff-arrangements-for-cameroon">La dernière revue du FMI en juin 2023</a> souligne que les réformes structurelles progressent à un rythme lent. Ce dernier élément est susceptible de peser sur l’amélioration du climat des affaires. Il peut obérer les capacités du Cameroun à recevoir des investissements directs étrangers qui seraient nécessaires au financement de l’activité des secteurs non pétroliers. </p>
<p>Le Cameroun peut être classé parmi les pays dont <a href="https://www.imf.org/fr/News/Articles/2023/06/29/pr23250-cameroon-imf-executive-board-completes-reviews-of-ecf-and-eff-arrangements-for-cameroon">la balance des paiements et les soldes budgétaires</a> font apparaître des besoins de financement élevés. Au point que le pays est appuyé par un programme du FMI pour lui éviter une crise de liquidités. Dans ce contexte, une règle d’or est que les arriérés de paiement ne peuvent servir, même temporairement, à financer les dépenses. La décision de Moody’s et de Standard and Poor’s était donc attendue. </p>
<p>Les conséquences à court terme de la dégradation de la note souveraine sont imprévisibles. Mais on peut interpréter cette dégradation comme un signal envoyé par les marchés au gouvernement, au moment où ce dernier bénéficie d’un appui financier du FMI et doit engager des réformes structurelles pour accroître la productivité de son économie et dégager des ressources permettant de réduire la pauvreté.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/212395/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Gilles Dufrénot does not work for, consult, own shares in or receive funding from any company or organisation that would benefit from this article, and has disclosed no relevant affiliations beyond their academic appointment.</span></em></p>La dégradation de la note souveraine du Cameroun peut être interprétée comme un signal envoyé par les marchés au gouvernement, au moment où il bénéficie d’un appui financier du FMI.Gilles Dufrénot, Economiste, Chercheur associé au CEPII et Professeur à Aix-Marseille Université, Sciences Po AixLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2098672023-07-24T18:32:17Z2023-07-24T18:32:17ZMentez-vous à votre banquier pour obtenir un prêt ? Vous n’êtes pas les seuls…<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/537683/original/file-20230717-207908-66z7oo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=36%2C36%2C1078%2C770&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Un individu déjà endetté peut être tenté d'obtenir un nouveau prêt pour rembourser le premier, alimentant ainsi dette sa « roue de l'infortune ».
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://pxhere.com/en/photo/1328904">Pxhere/Mohamed Hassan</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Au début de l’année 2018, environ 45 % des ménages résidant en France étaient endettés, que ce soit pour des raisons privées ou professionnelles, pour un <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/5371255?sommaire=5371304">montant moyen 79 200 euros</a>. Cela représentait 13 % du montant total de leurs actifs. Plusieurs facteurs, sociétaux ou propres aux individus, favorisent l’endettement. Il y a, bien sûr, l’inflation, l’instabilité du taux directeur ou encore les inégalités sociales.Pour les 10 % des ménages les moins bien dotés, les dettes représentent jusqu’à 38 % de leurs actifs.</p>
<p><iframe id="thjJ0" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/thjJ0/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Au-delà de leur situation économique, certains types de personnes exhibent des tendances au surendettement du fait de leur profil. On peut les reconnaître à trois traits :</p>
<ul>
<li><p>Leur déconnexion envers leurs besoins, buts et préférences financiers : l’emprunteur perd contact avec la réalité notamment en raison du stress financier ou des pressions de l’environnement.</p></li>
<li><p>Leur manque de rationalité, qui décrit les décisions financières sous-optimales, tel le manque de diversification d’un portfolio d’investissements, le paiement de dettes à hauts taux d’intérêt au lieu de privilégier celles à bas taux d’intérêt, ou des achats compulsifs et superflus.</p></li>
<li><p>La tendance à adopter des comportements malhonnêtes pour obtenir des fonds, surtout quand la pression due à l’endettement devient insoutenable, ou alors lorsque prévaut une avidité attisée par un marché hautement spéculatif (<em>bull market</em>) qui fait miroiter des gains substantiels faciles et rapides.</p></li>
</ul>
<p>La combinaison de ces trois traits, que nous avons désignée dans une <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.1111/ijcs.12838">recherche</a> récente par le terme « dark financial profile » (profil financier obscur), ne peut conduire qu’au désastre (faillite, banqueroute, problèmes avec des usurpateurs ou des prêteurs illégaux). En effet, plus la dette devient insoutenable, plus le stress augmente, causant un fossé avec une réalité trop difficile à accepter. L’individu prend alors les mauvaises décisions financières, lesquelles accroissent sa dette.</p>
<h2>« Roue de l’infortune »</h2>
<p>Pour s’en sortir, il se précipite chez son banquier. Il ne lui dévoile pas l’entière vérité sur son souci financier, enjolive ses revenus, promet de respecter ses engagements, tout en sachant que cela est faux. S’il obtient le prêt convoité, ses mauvaises habitudes étant ancrées, il ne sortira pas plus de son pétrin, au contraire. L’argent obtenu servira à alimenter sa <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.1111/joca.12326">« roue de l’infortune »</a>. L’emprunteur devient un hamster qui tourne sa roue sans fin, dans la cage qui le confine, laquelle n’est autre que la trappe de sa dette.</p>
<p>Il faut rapprocher le triangle du <em>dark financial profile</em>, qui peut être circonstanciel (d’où le terme profil et non de personnalité) d’autres triades bien établies. Le <a href="https://ethicsncompliance.com/triangle-fraude/">triangle de la fraude</a> a pour arêtes le besoin (la pression), l’opportunité et la rationalisation. Ainsi, un conseiller financier voudra impressionner et jouir d’un niveau de vie richissime ; il misera sur la vulnérabilité des investisseurs qui croient en lui et justifiera ses actions prédatrices en blâmant leur naïveté et la faiblesse des régulateurs de marché (telle l’Autorité des marchés financiers, ou AMF, en France).</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Personne réalisant des achats en ligne" src="https://images.theconversation.com/files/537687/original/file-20230717-228067-g3zaz0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/537687/original/file-20230717-228067-g3zaz0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/537687/original/file-20230717-228067-g3zaz0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/537687/original/file-20230717-228067-g3zaz0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/537687/original/file-20230717-228067-g3zaz0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/537687/original/file-20230717-228067-g3zaz0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/537687/original/file-20230717-228067-g3zaz0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Plus la dette devient insoutenable, plus le stress augmente, causant un fossé avec une réalité trop difficile à accepter.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.pickpik.com/ecommerce-shopping-credit-card-payment-money-laptop-40680">Pickpik.com</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>De même, le <a href="https://www.cairn.info/la-boite-a-outils-du-coaching--9782100791408-page-58.htm">triangle de Karpman</a> (1968) qualifie les rapports de force transactionnels selon trois rôles : la victime (le prêteur qui se fait avoir par les mensonges de l’emprunteur), le persécuteur ou prédateur (l’emprunteur qui trompe consciemment le prêteur, ou le prêteur usurier qui cherche à se faire rembourser, et le sauveur (le prêteur/banquier qui croit bien faire).</p>
<p>Toutes ces triades ont en commun l’effet dévastateur sur autrui, et éventuellement sur soi-même, l’interdépendance des traits, lesquels se combinent donc pour former une personnalité toxique, parfois trompeuse et privée de remords.</p>
<h2>Un risque répandu</h2>
<p>Au moment d’accorder un prêt, la banque cherchera donc à reconnaître ces <em>patterns</em> comportementaux pour ne pas se retrouver avec un client insolvable. Pour informer au mieux le prêteur, j’ai développé une échelle de mesure qui mesure la possibilité de tromperie d’un emprunteur. Elle tient compte de l’historique de crédit (<em>credit score</em>), de son profil sociodémographique et de ses résultats à ce questionnaire (article de recherche à paraître dans la revue <em>Journal of Economic Issues</em>).</p>
<p>Dans celui-ci, à l’évidence, on ne peut poser directement la question : « êtes-vous malhonnête ? » Cependant, il est possible d’obtenir une approximation de la possibilité de recourir à des mensonges en utilisant la technique reconnue du <a href="https://www.researchgate.net/publication/246699633_Linguistic_inquiry_and_word_count_LIWC"><em>linguistic inquiry and word count</em></a> (LIWC). Cette méthode fut conçue pour évaluer des récits selon quatre critères clés : la pensée formelle, l’influence, l’authenticité (fausse) et le ton émotionnel. Mon questionnaire contient donc des questions développées sur cette base scientifique.</p>
<p>Mes recherches tendent à montrer que la probabilité de tromperie d’un emprunteur est accrue par la présence d’un mauvais historique de crédit et d’un niveau de dette élevé, ainsi que par l’existence de comportements à risque. Elles démontrent que la force sous-jacente derrière la tromperie est une boucle sous la forme de comportements à risque → déconnexion → irrationalité → comportements à risque. Ainsi, il est possible de se faire une idée relativement précise de l’intention réelle ou de la capacité réelle de remboursement des emprunteurs.</p>
<p>Plus surprenant, un nombre significatif de participants à mes recherches ont admis recourir à la tromperie ou ont choisi des récits suggérant la tromperie. Le <em>dark financial profile</em> constitue ainsi le révélateur d’un risque relativement répandu. Ce point prend une importance cruciale si l’on considère l’émergence des plates-formes de prêts en ligne entre particuliers (<em>peer-to-peer lending</em>) telles LendingClub ou Prosper, ou de financement participatif (crowdfunding), surtout que le contact face à face avec tout ce qu’il implique de langage corporel y est absent.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/209867/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Olivier Mesly ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Le risque de recourir à la tromperie face à un prêteur, relativement répandu, augmente notamment chez les emprunteurs pris dans la spirale du surendettement.Olivier Mesly, Enseignant-chercheur au laboratoire CEREFIGE, université de Lorraine, professeur de marketing, ICN Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2099832023-07-19T19:12:07Z2023-07-19T19:12:07ZLa Chine principal créancier mondial, une fragilité de plus pour les pays émergents et en développement<p>Au cours des deux dernières années, une <a href="https://www.fitchratings.com/research/sovereigns/sovereign-defaults-are-at-record-high-29-03-2023">nouvelle vague de défauts souverains</a> a vu le jour dans les économies émergentes et en développement (Argentine, Biélorussie, Équateur, Ghana, Liban, Sri Lanka, Suriname, Ukraine, Zambie). Avec <a href="https://www.imf.org/external/pubs/ft/ar/2022/in-focus/debt-dynamics/">25 % des économies émergentes et 60 % des économies en développement surendettées ou présentant un risque élevé de surendettement</a> pour l’année 2022, le risque d’une série de défauts dans les EMDE reste élevé.</p>
<p>Le <a href="https://theconversation.com/fed-et-bce-deux-rythmes-mais-une-meme-strategie-contre-linflation-185059">resserrement de la politique monétaire américaine</a>, la hausse des primes de risque sur les dettes souveraines, la réduction des perspectives de croissance mondiale, les tensions géopolitiques inhérentes à la guerre en Ukraine et un niveau d’endettement public élevé constituent autant de vulnérabilités augmentant le risque d’épisodes de tensions sur les dettes souveraines des EMDE.</p>
<p>L’émergence de la <a href="https://theconversation.com/fr/topics/chine-20235">Chine</a> comme créancier public de grande envergure constitue une vulnérabilité supplémentaire pour les EMDE. Depuis 2015, la Chine est en effet devenue le <a href="https://doi.org/10.1016/j.jinteco.2021.103539">principal créancier public des économies émergentes et en développement</a>.</p>
<p>Les prêts de la Chine s’opèrent par l’intermédiaire de différents créanciers, situés directement sous la supervision du conseil d’État chinois, dont les plus importants sont deux banques publiques : la Banque de développement de Chine et la Banque d’export-import de Chine. Ces deux banques ont, entre 2000 et 2017, réalisé à elles seules plus de 70 % des prêts transfrontaliers directs réalisés par la Chine à destination des EMDE dont plus de 90 % à destination d’États souverains ou d’entreprises d’État.</p>
<p>Alors qu’en 2000, la dette publique extérieure des EMDE détenue par les créanciers publics chinois s’élevait à moins d’un milliard de dollars, en 2017 c’est 355 milliards de dollars que les créanciers chinois détenaient (graphique 1).</p>
<p><iframe id="QKo06" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/QKo06/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>La politique de gestion des crises de la dette souveraine menée par la Chine dans les EMDE se fonde sur deux stratégies. La première consiste à restructurer la dette de ses débiteurs en la rééchelonnant s’ils sont proches du défaut ou en situation de défaut, tandis que la seconde repose sur l’octroi de « prêts de sauvetage » aux pays débiteurs en situation de grandes difficultés financières. Pour les EMDE, le fort endettement vis-à-vis des créanciers chinois les rend d’autant plus vulnérables que ces deux stratégies n’ont pas pour objectif de réduire le fardeau de leurs dettes.</p>
<h2>Des « prêts de secours » qui allongent la dette</h2>
<p>En effet, les créanciers publics chinois ont, sur la période 2000-2019, restructuré la dette publique extérieure de leurs débiteurs en recourant majoritairement, dans 92 % des cas, au rééchelonnement par extension de la maturité de la <a href="https://theconversation.com/fr/topics/dette-20647">dette</a> et/ou suspension temporaire des paiements (graphique 2).</p>
<p><iframe id="SYB4F" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/SYB4F/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Une politique similaire à celle suivie par le Club de Paris (groupe informel composé de 22 pays créanciers) sur la période 1970-1999 quand la quasi-intégralité des allègements de dette consistait en un rééchelonnement ayant pour objectif de <a href="https://doi.org/10.1016/j.worlddev.2018.07.003">garantir la valeur faciale des créances détenues</a> plutôt que restaurer la soutenabilité de la dette publique de ses débiteurs.</p>
<p>Ensuite, au cours des années 2000, le Club de Paris, ayant la volonté de restaurer la soutenabilité de ses débiteurs, a favorisé les rééchelonnements accompagnés d’une réduction de la valeur faciale de la dette (« haircut »), dans environ 70 % des restructurations. Une telle stratégie est plus favorable pour les économies en situation de défaut car, dans les années qui suivent, cette politique se traduit par une <a href="https://doi.org/10.1111/jeea.12166">croissance économique plus élevée, une amélioration de la notation de crédit</a> et une <a href="https://doi.org/10.1016/j.worlddev.2018.07.003">réduction de la pauvreté et des inégalités</a>, contrairement à une politique se fondant uniquement sur un rééchelonnement qui <a href="https://www.ifw-kiel.de/de/publikationen/journal-article/2023/debt-distress-on-chinas-belt-and-road-18013/">ne réduit pas le fardeau de la dette</a>.</p>
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<p>En revanche, pour les EMDE fortement endettées vis-à-vis de l’empire du Milieu et qui <a href="https://www.ifw-kiel.de/de/publikationen/journal-article/2023/debt-distress-on-chinas-belt-and-road-18013/">font face à des épisodes de « stress » sur leur dette</a>, la Chine leur vient en <a href="https://www.nber.org/papers/w31105">aide en leur fournissant des « prêts de secours »</a> afin d’éviter un défaut de paiement imminent. Du fait de leurs très courtes maturités, ces prêts sont très fréquemment réitérés ce qui se solde par un allongement de la dette.</p>
<p>Ces prêts sont également octroyés à des taux d’intérêt considérablement élevés par rapport à ceux pratiqués par les créanciers multilatéraux comme le <a href="https://theconversation.com/fr/topics/fonds-monetaire-international-fmi-54333">Fonds monétaire international</a> (FMI) ou la Banque mondiale : en moyenne 5 %, un <a href="https://www.nber.org/papers/w31105">taux presque deux fois plus élevés que celui proposé par le FMI</a>, alourdissant ainsi considérablement le fardeau des dettes. Ces renflouements répétés rappellent les <a href="https://doi.org/10.1111/jeea.12166">pratiques de « prêts en série » du FMI</a> au cours des dernières décennies et, plus généralement, les restructurations en série et les crédits-relais accordés par les créanciers privés <a href="https://www.aeaweb.org/articles?id=10.1257/mac.5.3.85">pendant la crise de la dette des années 1980</a>.</p>
<p>La stratégie consistant à procéder à des rééchelonnements de dette concerne principalement les économies en développement, tandis que la Chine recourt à l’octroi de prêts de sauvetage surtout dans les économies émergentes. Cette différence d’approche peut s’expliquer, en partie, par le niveau d’exposition différent des créanciers chinois aux emprunteurs souverains dans les deux groupes de pays : seuls 20 % des créances chinoises concernent les <a href="https://theconversation.com/fr/topics/pays-en-developpement-130323">pays en développement</a> (donc 80 % pour les <a href="https://theconversation.com/fr/topics/pays-emergents-26780">pays émergents</a>), ce qui peut expliquer que la Chine recourt pour eux à des rééchelonnements <a href="https://doi.org/10.1257/pandp.20231004">car un défaut de leur</a> part n’a qu’un impact limité sur les bilans des créanciers chinois contrairement à un défaut des économies émergentes.</p>
<h2>Une approche chinoise unilatérale</h2>
<p>Au niveau international et face à l’incapacité des EMDE à servir leurs dettes à la suite de la crise sanitaire, une initiative de suspension du service de la dette (DSSI, pour <em>debt service suspension initiative</em> en anglais) avait vu le jour le 15 avril 2020, en pleine pandémie. Celle-ci a permis aux 73 pays éligibles, qui le souhaitaient, de suspendre temporairement (jusqu’à fin 2021) les remboursements d’intérêts et de principal sur les prêts bilatéraux du G20.</p>
<p>À la recherche de solutions plus pérennes, le G20 et les 22 membres du Club de Paris ont approuvé en novembre 2020 un nouveau « Cadre commun pour le traitement de la dette au-delà de la DSSI » pour permettre une remise permanente de dette aux pays éligibles. Ce nouveau cadre suppose une adhésion au principe d’égal traitement des créanciers formalisé par le Club de Paris.</p>
<p>Les EMDE pourraient donc être rassurés par la volonté <em>de jure</em> de la Chine de se coordonner avec les autres créanciers mais, <em>de facto</em>, elle a jusqu’il y a peu privilégié une approche unilatérale dans ses restructurations, en ne prenant pas part <a href="https://doi.org/10.1016/j.inteco.2021.02.004">aux négociations multilatérales</a> organisées par le Club de Paris. De plus, une grande partie des contrats signés avec les créanciers publics chinois contiennent une <a href="https://doi.org/10.1093/epolic/eiac054">clause « No Paris Club »</a> visant à garder leurs dettes hors des restructurations collectives pour obtenir un remboursement préférentiel par rapport aux autres créanciers.</p>
<p>Le durcissement toujours en cours de la politique monétaire dans les pays avancés et les mauvaises perspectives de croissance pour l’économie mondiale font craindre de nouveaux épisodes de « stress » et défauts des EMDE sur leur dette extérieure. La situation pourrait être plus délicate encore dans ces pays si la Chine décidait de poursuivre sa politique de gestion des crises de la dette.</p>
<p>En donnant son accord de principe sur « des pertes » sur ses créances lors de la restructuration de la dette souveraine du Ghana le 17 mai 2023, la Chine a fait un premier pas dans la bonne direction. Mais lors de la décision finale sur la restructuration de la dette souveraine de la Zambie, le 23 juin 2023, après presque trois ans de négociations, elle a à nouveau opté pour sa stratégie antérieure : rééchelonnement avec une <a href="https://www.ft.com/content/e3b66798-1c5c-4c0c-8339-83a76e1e2c34">période de grâce de 3 ans sur les paiements d’intérêt et extension de la maturité de la dette</a>. Le début d’une nouvelle stratégie, que l’accord de principe pour le Ghana pouvait laisser espérer, reste encore à concrétiser.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/209983/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Contrairement à de nombreux prêteurs internationaux, Pékin prévoit des rééchelonnements de dette mais jamais de réduction faciale du montant à rembourser pour les pays en crise.Florian Morvillier, Économiste, CEPIIErica Perego, Économiste, CEPIILicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2090762023-07-05T17:32:29Z2023-07-05T17:32:29ZPourquoi le retour des politiques d’austérité peut être souhaitable<p>Que le <a href="https://theconversation.com/topics/budget-21031">budget</a> 2024 permette de réaliser « au moins 10 milliards d’euros d’économie » comme l’affirme le ministre de l’Économie et des Finances Bruno Le Maire, la Cour des comptes semble en <a href="https://www.lemonde.fr/politique/article/2023/06/29/finances-publiques-la-cour-des-comptes-sceptique-sur-les-objectifs-du-gouvernement_6179760_823448.html">douter</a>. Hypothèses économiques trop optimistes, <a href="https://theconversation.com/topics/fiscalite-23513">rentrées fiscales</a> qui diminuent, besoin de financer une transition verte, les magistrats financiers estiment les efforts promis insuffisants.</p>
<p>Quand on se penche sur les <a href="https://theconversation.com/topics/finances-publiques-24847">finances publiques</a> de la <a href="https://theconversation.com/topics/economie-francaise-20565">France</a>, le premier constat est l’accroissement spectaculaire du <a href="https://www.insee.fr/fr/outil-interactif/5367857/tableau/10_ECC/15_FIN">poids des dépenses dans le PIB</a>. Celui-ci est passé de 34,7 % en 1960 à 55,4 % en 2019, juste avant la pandémie de Covid-19 et à 59 % en 2021, année de l’après-confinement.</p>
<p>Cette hausse s’est accompagnée d’une détérioration régulière du solde budgétaire. Les périodes fastes des cycles économiques n’ont que partiellement été mises à profit pour apurer la situation. Lors de la récession de 1993, le déficit culminait à -6,3 % du PIB. Le redressement qui suit le ramène à -1,3 % en 2000. Puis la récession de 2009 le fait plonger à -7,2 %. Lors du redressement cyclique postérieur, il n’est ramené qu’à un niveau de -2,3 % en 2018. En 2020, il atteint -9 % du PIB et il reste à – 4,7 % en 2022.</p>
<p><iframe id="yV3dD" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/yV3dD/2/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Cela semble traduire un refus implicite de la population d’accepter la vérité de la facture publique ou tout au moins un refus explicite du gouvernement de la mettre face à la réalité. La conséquence la plus tangible est que la <a href="https://theconversation.com/topics/dette-20647">dette publique</a> ne cesse de s’accroître. Au premier trimestre 2023, elle a dépassé le seuil symbolique des <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/7638614">3 000 milliards d’euros</a>, soit 112 % du PIB. Au moment de l’entrée en vigueur de l’euro en 2002, elle était à 936 milliards ; elle a plus que triplé depuis.</p>
<p><iframe id="osvoS" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/osvoS/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<h2>Le keynésianisme en échec</h2>
<p>Or cette accumulation de dette n’a pas eu les effets positifs attendus. L’ <a href="https://www.lafinancepourtous.com/decryptages/politiques-economiques/theories-economiques/multiplicateur-budgetaire/">« effet multiplicateur »</a> mis en avant par les théories keynésiennes qui associent déficit budgétaire et croissance économique ne paraît pas avoir agi. L’idée est, en théorie, la suivante : une augmentation de la dépense publique va stimuler la demande et par voie de conséquence la production ; les producteurs auront alors des revenus supplémentaires qu’ils pourront redistribuer, augmentant la demande et ainsi de suite. Le mécanisme génèrerait des impôts excédant le déficit initial.</p>
<p>Néanmoins, ce n’est pas ce que l’on observe empiriquement. Alors que la dette s’est accrue en moyenne de 5,7 % par an entre 2002 et 2022, la croissance moyenne en valeur du PIB n’a été que 2,5 %.</p>
<figure class="align-left zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/535557/original/file-20230704-20-ujvwcw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/535557/original/file-20230704-20-ujvwcw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/535557/original/file-20230704-20-ujvwcw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=900&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/535557/original/file-20230704-20-ujvwcw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=900&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/535557/original/file-20230704-20-ujvwcw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=900&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/535557/original/file-20230704-20-ujvwcw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1131&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/535557/original/file-20230704-20-ujvwcw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1131&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/535557/original/file-20230704-20-ujvwcw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1131&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption"></span>
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<p>Sans doute la population a-t-elle compris qu’une hausse des dépenses publiques aujourd’hui devra être financée plus tard. S’en suit un réflexe d’épargne pour affronter cet avenir fiscal rendu incertain : mieux vaut avoir des provisions au moment où un effort sera demandé. Cela conduit à une augmentation du prix des actifs. Les bulles immobilières ou le retour en force de l’or en sont les traductions les plus manifestes. Le <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/2830268">taux d’épargne des ménages</a> qui était de 14,5 % en 2003 est désormais de 18,3 %.</p>
<p>Ce mécanisme, appelé « équivalence ricardienne », a été mis en évidence en 1974 par l’économiste américain Robert Barro dans un article intitulé <a href="http://piketty.pse.ens.fr/files/Barro1974.pdf">« Are Government Bonds Net Wealth ? »</a>. Il y énonce le « théorème de Barro-Ricardo » indiquant que « la désépargne publique – c’est-à-dire le déficit budgétaire – engendre un surcroît équivalent d’épargne privée ». Il conduit à anticiper un multiplicateur keynésien égal à 0.</p>
<h2>« Robin des bois à l’envers »</h2>
<p>L’endettement public ne semble ainsi pas avoir l’impact positif que certains lui attribuent. Il n’est pas neutre pour autant et présente deux principaux inconvénients.</p>
<p>Le premier tient à l’égalité entre l’offre et la demande. Toute dépense publique non financée par un prélèvement sur la dépense privée augmente la demande. Si cette augmentation se pérennise, elle entraîne soit un apport d’offre extérieure, c’est-à-dire un creusement du déficit de la balance des paiements courants, soit une possibilité offerte au système productif d’augmenter ses prix, c’est-à-dire une relance de l’inflation.</p>
<p>En pratique, la France a plutôt accumulé les déficits extérieurs. Son <a href="https://ec.europa.eu/eurostat/databrowser/view/tipsii10/default/table?lang=fr">avoir extérieur net</a>, c’est-à-dire la différence entre la valeur de ce que les Français détiennent à l’étranger et celle de ce que les étrangers détiennent en France, est de plus en plus négatif. Il est passé de – 40 milliards d’euros fin 2001 (2,7 % du PIB) à – 800 milliards fin 2021 (32 % du PIB). Cela induit une perte de souveraineté qui, bien que souvent ignorée, présente une menace sur la génération future.</p>
<p><iframe id="3OpQd" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/3OpQd/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Le second est que la dette publique s’avère un mécanisme anti-redistributif. On qualifie cette situation de « Robin Hood reversed », l’État jouant un rôle inverse de celui de Robin des Bois qui prend aux riches pour donner aux pauvres. Ici, l’ensemble de la population paie des impôts pour que l’État verse des intérêts aux détenteurs de titres publics qui comptent en général parmi les plus fortunés. Avec la hausse en cours des taux d’intérêt, ce mécanisme va s’accentuer.</p>
<p>À ces éléments on pourrait ajouter l’étouffement progressif des marges de manœuvre de l’État obligé de consacrer de plus en plus de moyens à payer des intérêts, la perturbation dans le financement de l’économie due à la ponction sur l’épargne opérée par l’État et la fragilisation de nos rapports avec nos partenaires européens due au non-respect des traités faisant de l’équilibre structurel la règle à respecter.</p>
<h2>Les politiques d’austérité sont-elles légitimes ?</h2>
<p>Faut-il alors en revenir aux politiques de rigueur ? Historiquement, c’est le premier ministre socialiste Pierre Mauroy qui introduit cette expression en mars 1983. Alors qu’il se voit reprocher d’abandonner les promesses de 1981 pour mener une politique identique à celle de Raymond Barre, son prédécesseur plus libéral, il prétend qu’il n’en est rien. Selon lui, « la rigueur, c’est l’austérité, plus l’espoir ».</p>
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<p>Pareilles mesures, autrement appelées d’« austérité » semblent s’imposer dans le contexte actuel. L’enjeu porte plus sur leur contenu que sur leur principe. En 2017, traçant les perspectives dans son document intitulé <a href="https://www.oecd.org/fr/innovation/47747305.pdf#page=16"><em>Des politiques meilleures pour une vie meilleure</em></a>, l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) écrivait :</p>
<blockquote>
<p>« L’assainissement budgétaire – le processus indispensable consistant à retrouver la maîtrise des budgets publics – implique des choix politiques difficiles concernant les dépenses et les recettes publiques. Cela signifie passer en revue les systèmes de protection sociale pour éviter les gaspillages et renforcer les incitations à travailler, et réduire les salaires des fonctionnaires. »</p>
</blockquote>
<p>Ayant étudié les redressements budgétaires de 24 pays entre 1978 à 2002 dans ses « <em><a href="https://www.oecd-ilibrary.org/economics/data/perspectives-economiques-de-l-ocde-statistiques-et-projections/perspectives-economiques-de-l-ocde-no-78_data-00088-fr">perspectives économiques</a></em> » de 2005, soit 85 périodes d’assainissement, l’OCDE constatait la chose suivante : si, en général, l’assainissement ralentit la croissance à court terme, elle se redresse assez vite tandis que la croissance de long terme s’améliore. Deux cas sont particulièrement mis en avant dans l’étude : le Danemark entre 1983 et 1986 et l’Irlande en 1987 pour lesquels l’assainissement s’est même accompagné d’emblée d’une accélération de la croissance.</p>
<p>Une des raisons de leur réussite est que l’austérité a été associée à des mesures en faveur de l’investissement privé qui a pris le relais de la dépense publique. Cela fonctionne à trois conditions. D’abord, il faut éviter de pénaliser les entreprises en augmentant leurs impôts. Cela vaut même aujourd’hui au moment de faire de l’outil fiscal un vecteur privilégié de la transition écologique : on doit alléger leur fiscalité tout en la « verdissant ». Ensuite, il faut compter sur les effets ricardiens concernant les ménages dont la volonté de désépargne se manifestera dès qu’ils auront conscience des effets positifs de la politique suivie. Enfin, la volonté de mener une politique d’assainissement budgétaire doit être suffisamment claire pour que la double dynamique de l’investissement des entreprises et de la désépargne des ménages s’affirme pleinement.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/209076/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jean-Marc Daniel ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La dette publique ne semble pas stimuler la croissance alors qu’elle pèse sur les déficits extérieurs de la France et accentue pour partie les inégalités.Jean-Marc Daniel, Emeritus associate Professor, Law Economics & Humanities, ESCP Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2080792023-06-20T17:40:05Z2023-06-20T17:40:05ZPays en développement : un sommet à Paris pour relever le défi de la dette et du climat<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/532882/original/file-20230620-3051-3stso2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C34%2C1278%2C839&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les événements climatiques extrêmes creusent les dettes des pays affectés et augmentent leurs coûts d’emprunt.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.pexels.com/photo/various-currencies-from-several-different-countries-4695995/">Pexels/Karthikeyan Perumal</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Les 22 et 23 juin prochain, la France organise un sommet pour « un nouveau pacte financier mondial » au palais Brogniart, à Paris. Ce rassemblement de chefs d’État et de gouvernements, de responsables d’organisations internationales ou encore de représentants de la société civile a notamment pour but de faire un point d’étape sur les voies et moyens d’accroître la solidarité financière entre pays. Il s’agit aussi de contribuer à l’agenda international en matière de <a href="https://theconversation.com/topics/finance-climat-60199">financement du développement et du climat</a>. Il se déroule quelques mois après la COP27 en Égypte, qui s’est achevée le 18 novembre 2022 sur un <a href="https://www.lepoint.fr/monde/la-cop27-se-termine-sur-un-bilan-contraste-20-11-2022-2498436_24.php">bilan contrasté</a>.</p>
<p>Le sommet intervient dans un contexte où les marges budgétaires et la soutenabilité de la <a href="https://theconversation.com/topics/dette-20647">dette</a> d’un certain nombre de pays ont été mises à mal par la succession des récents crises et événements mondiaux : pandémie, guerre en Ukraine, inflation, hausse de taux d’intérêt mondiaux… Or, les besoins de financement pour favoriser un développement qui soit aussi respectueux du climat autant qu’il s’adapte à ses évolutions restent toujours prégnants. De nombreux <a href="https://theconversation.com/topics/pays-en-developpement-130323">pays en développement (PED)</a> doivent en effet faire face à une augmentation des risques naturels dont la fréquence et la sévérité vont croissant, alors même que leurs vulnérabilités socioéconomiques s’accentuent.</p>
<p>Les situations financières des PED s’avèrent néanmoins hétérogènes : certains pays sont d’ores et déjà dans des situations de non-soutenabilité de leur dette publique comme le Sri Lanka, le Ghana ou le Suriname qui nécessitent une restructuration. D’autres peuvent encore accéder à des ressources de financement sans compromettre leur soutenabilité, comme l’Égypte.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/532883/original/file-20230620-23-veiebv.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Photo du palais Brogniart, à Paris" src="https://images.theconversation.com/files/532883/original/file-20230620-23-veiebv.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/532883/original/file-20230620-23-veiebv.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/532883/original/file-20230620-23-veiebv.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/532883/original/file-20230620-23-veiebv.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/532883/original/file-20230620-23-veiebv.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/532883/original/file-20230620-23-veiebv.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/532883/original/file-20230620-23-veiebv.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Le palais Brogniart, à Paris, accueille le sommet pour un nouveau pacte financier mondial les 22 et 23 juin 2023.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Ancienne_Bourse_%C3%A0_Paris.JPG">Wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
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</figure>
<p>Une <a href="https://www.imf.org/en/Publications/WP/Issues/2022/08/11/Debt-for-Climate-Swaps-Analysis-Design-and-Implementation-522184">étude</a> menée par le Fonds monétaire international (FMI) en 2022 sur 128 pays à revenus faibles ou moyens a mis en évidence une forte concordance entre exposition aux risques climatiques et capacités budgétaires limitées. Crise climatique et crise budgétaire ont bien des conséquences néfastes l’une sur l’autre : faire face à une crise pèse sur les finances publiques, et de nouveaux financements sont nécessaires pour s’adapter aux changements climatiques. S’endetter davantage, c’est aussi s’endetter à des coûts plus élevés. Les PED risquent donc d’entrer dans un véritable <a href="https://wedocs.unep.org/handle/20.500.11822/26007;jsessionid=B66C42EF4406FCFDC228C1BB61EBE218">cercle vicieux</a>.</p>
<h2>Des restructurations de dettes toujours plus complexes</h2>
<p>En dehors des restructurations dites « ad hoc » propres à des pays faisant face à des contraintes particulières, plusieurs initiatives de restructuration ou de suspension de la dette ont vu le jour à partir des années 2000 pour répondre à des situations d’endettement plus généralisées. L’<a href="https://www.banquemondiale.org/fr/news/press-release/2015/04/29/imf-world-bank-debt-relief-chad">initiative Pays pauvres très endettés (PPTE) lancée en 1996 et l’Initiative d’allègement de la dette multilatérale (IADM)</a> de 2005 (la seconde s’adresse aux pays arrivés au bout du premier mécanisme) en sont des exemples notables. À gros traits, il s’agit d’annuler un certain volume de dettes publiques contre l’engagement que les sommes dégagées soient redéployées afin d’aider les pays à atteindre leurs objectifs de développement, dans des domaines tels que la santé, l’éducation ou la réduction de la pauvreté.</p>
<p>Pendant la pandémie de Covid-19, les pays du G20 ont aussi adopté l’initiative de suspension de la dette (ISSD), visant à permettre les suspensions temporaires des remboursements de dette pour 73 pays parmi les plus pauvres du monde.</p>
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<p>L’initiative PPTE et l’ISSD ont notamment été mises en place par le <a href="https://clubdeparis.org/fr">Club de Paris</a> (CDP), groupe informel de 22 créanciers bilatéraux, principalement des pays développés, qui a élaboré, en collaboration avec le FMI et la Banque mondiale, un ensemble de règles visant à apporter des solutions coordonnées et adaptées aux besoins des pays en surendettement ayant besoin de renégocier leur dette publique externe. À l’heure actuelle cependant, les créanciers du CDP ne sont plus les acteurs les plus importants. Les « nouveaux » créanciers bilatéraux tels que la Chine et l’Inde, n’en sont effectivement pas membres.</p>
<p>En dehors des capacités budgétaires, c’est en effet aussi la <a href="https://www.afd.fr/fr/ressources/pays-emergents-et-en-developpement-letau-se-resserre">structure de l’endettement public de l’ensemble des PED qui a progressivement évolué</a>. En doublant sur la dernière décennie, les dettes des pays en développement se sont aussi ouvert à de nouveaux créanciers venus du secteur privé et de pays émergents comme la Chine, l’Inde, la Russie, la Turquie ou les États du Moyen-Orient. Le processus de restructuration est ainsi devenu encore plus complexe.</p>
<p><iframe id="sCw8j" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/sCw8j/3/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Pour répondre à ce nouveau contexte international, les pays du G20 ont mis en place un « Cadre commun pour le traitement de la dette », permettant aux pays éligibles à l’ISSD de demander une restructuration de leur dette en cas d’endettement insoutenable et de déficits de financement persistants. Cette nouvelle instance ouvre la voie à une meilleure coordination entre les créanciers bilatéraux membres et non membres du CDP.</p>
<p>Néanmoins, le cadre mondial de restructuration de la dette ne répond, pour l’instant, que peu aux enjeux climatiques. L’investissement climatique n’a joué, jusqu’à présent, qu’un rôle limité dans les restructurations de dette.</p>
<h2>Des pays vulnérables demandeurs</h2>
<p>Les instruments financiers innovants pour conjuguer finance et climat se multiplient. Les conversions de dette en faveur du climat (les <a href="https://publications.banque-france.fr/echanges-dette-nature-une-double-solution-pour-la-soutenabilite-environnementale-et-la-dette-des"><em>Debt for Climate Swap</em></a> par exemple) reviennent sur le devant de la scène depuis quelques années et se concentrent non seulement sur la lutte contre le réchauffement climatique, mais également sur la protection de la nature. L’idée est que, en échange de l’annulation partielle ou totale de la dette publique, le gouvernement du pays débiteur s’engage à mobiliser l’équivalent de l’annulation de dette pour financer des projets ou programmes de lutte contre le changement climatique, selon des conditions convenues entre les créanciers et le pays débiteur. De plus en plus de groupes de recherche, de groupes de la société civile et, dans une moindre mesure, d’institutions internationales, préconisent pareilles solutions pour lutter à la fois contre le changement climatique et l’augmentation de l’endettement public.</p>
<p>Les récents chocs mondiaux ont mené à un certain consensus sur le fait que le système financier international n’est peut-être plus adapté aux enjeux mondiaux actuels. Les efforts pour financer la décarbonation de l’économie et l’adaptation aux changements climatiques sont encore considérés comme insuffisants aux yeux de bon nombre d’acteurs. Plusieurs pays ont appelé à <a href="https://www.eurodad.org/un_general_assembly_2021_debt_highlights">réformer cette architecture financière</a> lors de l’assemblée générale de l’ONU en 2021, en demandant notamment à lier la restructuration de la dette aux objectifs climatiques.</p>
<p>Cet appel a été réédité à la COP26, à Glasgow, en novembre 2021, notamment par les <a href="https://usbeketrica.com/fr/article/les-nations-les-plus-vulnerables-au-rechauffement-climatique-pourraient-cesser-de-rembourser-leurs-dettes">pays du V20</a> (<em>vulnerable twenty group</em>). Il s’agit d’un groupe élargi aujourd’hui à <a href="https://www.v-20.org/members">58 États</a> représentant 5 % des émissions de gaz à effet de serre globales avec de fortes vulnérabilités au changement climatique. Ils demandaient alors la mise en place d’un DCS générique de grande ampleur.</p>
<p>En parallèle, la Première ministre de la Barbade a présenté le <a href="https://www.foreign.gov.bb/the-2022-barbados-agenda/">Programme de Bridgetown pour la réforme de l’architecture financière mondiale</a>, afin d’orienter les ressources financières mondiales vers un développement bas-carbone, résilient au changement climatique, et qui contribuerait à résoudre les crises de dettes souveraines des PED.</p>
<h2>Encore plus de complexité ?</h2>
<p>Les pays les plus riches ont eux aussi formulé des idées. À l’issue de la 76<sup>e</sup> édition des assemblées annuelles de la Banque mondiale et du FMI d’octobre 2022, le G7, rejoint par l’Australie, les Pays-Bas et la Suisse, a, lui aussi, précisé ses propositions de réforme de la Banque mondiale.</p>
<p>L’année 2023 se veut donc une année de réformes pour le financement du développement, avec de nombreux évènements organisés pour réfléchir à ces questions.</p>
<p>Pour autant, les appels à réformer le cadre mondial ne sont pas nouveaux et existent depuis la mondialisation des marchés financiers. Aucune institution n’a la responsabilité des mouvements financiers au niveau mondial. Il existe une multitude d’institutions, aussi bien internationales (FMI, Banque mondiale, OMC, etc.), que régionales (OCDE, Commission européenne, BRI, etc.), tandis que le secteur privé prend de l’ampleur, chacun jouant un rôle dans le cadre financier mondial.</p>
<p>Au-delà des divergences d’opinions sur le rôle que ces institutions devraient jouer et sur l’utilité ou non de mettre en place des normes et des contrôles au niveau international, la multiplication des innovations dans les instruments de financement du développement pourrait faire en sorte que toute transformation de l’architecture financière internationale, puisqu’elle doit être négociée et régulée, devienne rapidement à nouveau obsolète. L’enjeu est aussi que la mise en place de nouveaux instruments n’ajoute pas encore davantage de complexité à la gestion des dettes des PED.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/208079/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Le sommet pour un « nouveau pacte financier mondial », vise à répondre aux besoins des pays les plus vulnérables face au dérèglement climatique, pays qui sont aussi les plus endettés.Emmanuelle Mansart-Monat, Économiste risque pays, Agence française de développement (AFD)Djedjiga Kachenoura, Coordinatrice du projet de recherche sur la finance et le climat, Agence française de développement (AFD)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2080352023-06-19T17:50:45Z2023-06-19T17:50:45ZCasino : comment l’empire de la distribution s’est effondré<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/532655/original/file-20230619-15-e3anhs.JPG?ixlib=rb-1.1.0&rect=12%2C229%2C2020%2C1115&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">En 4&nbsp;ans, la part de marché du groupe Casino est passée de 11&nbsp;% à moins de 6&nbsp;%.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Enseigne_Casino.JPG">Wikimedia commons</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Le jeudi 23 mai 2019, le groupe Rallye, qui possède le groupe de distribution Casino, et ses principales holdings se plaçaient en <a href="https://theconversation.com/les-quatre-grandes-lecons-de-laffaire-casino-117844">procédure de sauvegarde</a> pour restructurer leurs dettes. Quatre ans plus tard, en mai 2023, toutes ces sociétés entraient en procédure de conciliation sous la houlette du président du tribunal de commerce de Paris.</p>
<p>Cette procédure marque une nouvelle étape cruciale dans l’effondrement de l’empire bâti par Jean‑Charles Naouri, placé en garde à vue le 1<sup>er</sup> juin dernier pour diverses infractions boursières.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/les-quatre-grandes-lecons-de-laffaire-casino-117844">Les quatre grandes leçons de l’affaire Casino</a>
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<p>Au cours des quatre dernières années, la part de marché de Casino, qui gère 12 400 magasins dont Monoprix, Franprix ou Cdiscount, n’a cessé de baisser. Elle est passée de 11 % <a href="https://www.capital.fr/entreprises-marches/grande-distribution-leclerc-grappille-des-parts-de-marche-casino-chute-encore-1467976">à moins de 6 % en mai 2023</a>, loin derrière Leclerc (23,1 %), Carrefour (20 %), Les Mousquetaires (16,2 %), Système U (12 %), ou encore Auchan (8,9 %). La société a été victime de trois grands chocs successifs : la guerre des prix déclenchée par Leclerc en 2014, le Covid en 2020 et 2021 et enfin la flambée de l’inflation – notamment des produits alimentaires – provoquée par la guerre en Ukraine. Pour ne rien arranger, le marché du bio sur lequel le groupe est leader avec Naturalia a connu en 2023 un <a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2023/06/01/le-marche-du-bio-plonge-dans-une-crise-profonde_6175707_3234.html">brutal retournement</a>.</p>
<p>Face à chacune de ces crises, Casino a réagi trop modérément et trop tardivement. La récente décision de <a href="https://www.capital.fr/entreprises-marches/pris-a-la-gorge-casino-baisse-le-prix-de-milliers-de-produits-pour-se-relancer-1471480">baisser de 10 % les prix de 10 000 références</a> de ses supermarchés apparaît par exemple largement insuffisante pour résorber une dette devenue insupportable de 6,4 milliards euros, dont 3,4 milliards envers les banques françaises.</p>
<h2>Poulies bretonnes déréglées</h2>
<p>C’est pourquoi une profonde restructuration de la société est en cours sous l’égide du Comité interministériel de restructuration industrielle, le ministère de l’Économie et des Finances ne pouvant se désintéresser d’une entreprise qui affichait en 2022 un chiffre d’affaires de 33,6 milliards euros et qui emploie encore 50 000 personnes en France (200 000 dans le monde).</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1669392893662855168"}"></div></p>
<p>L’ingénierie financière dite des « <a href="https://www.pimido.com/sciences-politiques-economiques-administratives/economie-generale/fiche/cascades-holdings-poulies-bretonnes-poupees-russes-162505.html">poulies bretonnes</a> » a été créée par l’homme d’affaires Vincent Bolloré en 1988 pour détenir le pouvoir chez Bolloré Technologies avec seulement… 1,3 % du capital. Ce mécanisme, archétype du capitalisme sans capital, a également été mis en place avec succès au sein du groupe de luxe LVMH par <a href="https://theconversation.com/bernard-arnault-vs-francois-pinault-quand-les-rivalites-deviennent-facteur-de-reussite-161506">Bernard Arnault</a>. Il permet de contrôler sans argent et d’emprunter sans surface financière via une cascade de holdings (et l’utilisation de droits de vote double à chaque échelon) en faisant entrer des actionnaires minoritaires et en levant de la dette à chaque niveau du meccano.</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/532639/original/file-20230619-15-t72v40.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/532639/original/file-20230619-15-t72v40.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/532639/original/file-20230619-15-t72v40.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=878&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/532639/original/file-20230619-15-t72v40.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=878&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/532639/original/file-20230619-15-t72v40.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=878&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/532639/original/file-20230619-15-t72v40.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1103&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/532639/original/file-20230619-15-t72v40.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1103&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/532639/original/file-20230619-15-t72v40.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1103&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Organigramme du groupe Rallye au 28 février 2023.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.rallye.fr/medias/editor/file/2023/Rallye_URD_2022.pdf#page=[34]">Extrait du Document d’enregistrement universel 2022</a></span>
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</figure>
<p>Au 28 février 2023, le groupe coté Casino était ainsi détenu à 52,3 % (et 64,4 % des droits de vote avec les droits de vote double) par la holding cotée Rallye, elle-même détenue par foncière Euris (cotée) à 57,6 % (71,5 % des droits de vote), elle-même contrôlée par Finatis (cotée) à 90,8 %, cette dernière étant possédée in fine à 92,6 % par Euris (non cotée), le holding personnel de Jean-Charles Naouri – qui ne détient pourtant que 25 % du capital de Casino.</p>
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<p>La réussite de ce montage financier, parfaitement légal, n’est toutefois possible que si la société contrôlée est en mesure de verser régulièrement des dividendes permettant de rembourser les dettes des holdings sans nuire à sa croissance.</p>
<p>Or, c’est cette belle horlogerie qui a commencé à se dérégler dès 2015 et qui a abouti en 2019 à un plan de sauvegarde laissant la direction de Casino à Jean-Charles Naouri mais en lui imposant des cessions d’actifs et de grosses échéances de remboursement – qui ont été repoussées le 26 octobre 2021 pour cause de Covid <a href="https://www.rallye.fr/medias/editor/file/2023/Rallye_URD_2022.pdf">jusqu’en 2032</a>.</p>
<h2>Conseil d’administration sous influence</h2>
<p>Face aux difficultés de son marché et à deux injonctions contradictoires, le conseil d’administration de Casino a trop longtemps privilégié l’intérêt de son actionnaire majoritaire Rallye au détriment de l’intérêt social du distributeur et des investissements à réaliser. Les revenus de Rallye proviennent en effet à 98 % des dividendes reçus de Casino. Il faut d’ailleurs souligner que, sur les 14 administrateurs de la société, <a href="https://www.rallye.fr/medias/editor/file/2023/Rallye_URD_2022.pdf">seuls 5 sont formellement indépendants</a>, les autres ayant des liens étroits avec le dirigeant du groupe.</p>
<p>Dans ce contexte, la décision du conseil d’administration de Casino de créer un dispositif spécifique de gouvernance destiné « à prendre des décisions de manière impartiale et objective pour préserver l’intérêt social » le 13 juin 2019, soit immédiatement après l’ouverture des procédures de sauvegarde des holdings toujours en vigueur, sonne <a href="https://www.rallye.fr/medias/editor/file/2023/Rallye_URD_2022.pdf">comme un aveu</a> du partage inéquitable de la valeur qui prévalait jusque-là.</p>
<h2>Une victoire des fonds activistes</h2>
<p>Dans son analyse financière publiée le 17 décembre 2015, le dirigeant du fonds spéculatif Muddy Waters dénonçait l’opacité des comptes et l’endettement excessif de l’ensemble du groupe. Il conseillait de faire comme lui : vendre (à découvert si possible) massivement les actions Casino qui cotaient alors autour de 97 euros avec un objectif de cours de… 7 euros.</p>
<p>Cette analyse s’est révélée néanmoins particulièrement pertinente et influente puisqu’elle a contribué à ramener les cours vers leur valeur réelle : en juin 2023, l’action a touché un point bas de 4,77 euros (soit une capitalisation boursière de seulement 600 millions d’euros).</p>
<p>Pourtant l’initiative de Muddy Waters avait déclenché à l’époque de très violentes réactions : Casino et Rallye saisirent l’Autorité des marchés financiers (AMF) pour diffusion d’informations fausses ou trompeuses précédées de ventes à découvert ayant entraîné une chute brutale du cours de bourse.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1136559623262081024"}"></div></p>
<p>Plus problématique, l’ensemble de la classe politique s’était indignée des pratiques immorales des vendeurs à découvert, le ministre de l’Économie Bruno Le Maire affirmant même le 4 avril 2019 : « les fonds activistes qui détruisent de la valeur doivent être combattus ».</p>
<p>Réagissant tardivement à la polémique, l’AMF avait de son côté fini par adresser en décembre 2019 <a href="https://www.amf-france.org/sites/institutionnel/files/pdf/62187/fr/L%E2%80%99Autorite%20des%20marches%20financiers%20(AMF) %%2020cloture %20l%E2%80%99enquete %20ouverte %20le %2012 %20fevrier %202016 %20portant %20sur %20l%E2%80%99information %20financiere %20et %20le %20marche %20des %20titres %20CASINO %20et %20RALLYE %20et %20sur %20les %20agissements %20de %20la %20societe %20MUDDY %20WATERS %20CAPITAL.pdf">deux lettres d’observation</a> : l’une à Casino, lui rappelant la nécessité de publier une information financière de qualité ; et l’autre au fonds activiste lui rappelant les obligations des acteurs émettant des recommandations d’investissement.</p>
<p>Restait à faire évoluer la doctrine du régulateur pour améliorer sa réactivité. La consultation ad hoc lancée le 28 avril 2020 avait abouti le 17 mars 2021 à l’instauration de modifications très marginales de cette doctrine destinées à améliorer la transparence du marché et à promouvoir le dialogue entre émetteurs et actionnaires mais <a href="https://www.amf-france.org/fr/actualites-publications/actualites/activisme-actionnarial-lamf-fait-evoluer-sa-doctrine">sans véritables contraintes pour les sociétés cotées</a>.</p>
<h2>Fuite en avant</h2>
<p>En 2023, le groupe Casino continue à affirmer que ce sont les campagnes de désinformation et les ventes à découvert de Muddy Waters capital qui ont fait chuter artificiellement la valeur des titres et déstabilisé l’ensemble des sociétés du groupe, <a href="https://www.rallye.fr/medias/editor/file/2023/Rallye_URD_2022.pdf">et non les errements du management et de la gouvernance</a>.</p>
<p>Le groupe a en outre engagé des actions en diffamation, dénonciation calomnieuse et tentative d’escroquerie à l’égard de deux actionnaires activistes qui avaient, en mars dernier, remis en cause la stratégie de Casino et les conventions de prestations de service entre Casino et ses holdings de tête.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1631189176262574080"}"></div></p>
<p>Il est vrai que le niveau du cours de Casino est crucial pour Rallye et les holdings de tête puisque ces actions servent de garantie à leurs dettes. Dans ces conditions, on comprend mieux l’objectif de faire remonter les cours coûte que coûte, quitte à prendre langue en 2018 avec Nicolas Miguet, sulfureux financier <a href="https://www.marianne.net/politique/affaire-casino-qui-est-nicolas-miguet-soupconne-dentente-avec-le-p-d-g-jean-charles-naouri">maintes fois condamné par l’AMF</a> pour des infractions boursières et des manipulations de cours.</p>
<p>C’en était trop pour le régulateur qui a signalé ces manœuvres au parquet national financier, ce qui a abouti à la garde à vue du dirigeant le 1<sup>er</sup> juin 2023 dans les locaux de la police judiciaire parisienne dans le cadre d’une enquête pour « <a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2023/06/01/le-pdg-de-casino-jean-charles-naouri-auditionne-dans-le-cadre-d-une-enquete-pour-manipulation-de-cours_6175719_3234.html">manipulation de cours en bande organisée</a>, corruption privée active et passive » et « délit d’initié » pour des faits commis courant 2018 et 2019.</p>
<p>Si le destin de Jean-Charles Naouri à la tête de Casino est sans doute définitivement scellé, les magasins ne devraient pas disparaître pour autant et les emplois devraient être en grande partie conservés.</p>
<p>Comme après chaque crise boursière médiatisée, les pratiques de gouvernance d’entreprise des sociétés cotées <a href="https://theconversation.com/pres-de-20-ans-apres-le-scandale-enron-ou-en-sont-les-normes-comptables-145416">pourraient en sortir améliorées</a> et l’activisme actionnarial, y compris celui des vendeurs à découvert, apparaîtra pour ce qu’il est vraiment : un <a href="https://theconversation.com/lactivisme-actionnarial-un-levier-de-creation-de-valeur-pour-les-entreprises-206802">rôle utile de lanceur d’alerte</a> pour stopper la destruction de valeur.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/208035/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Éric Pichet est membre de la Société française des analystes financiers (SFAF). </span></em></p>Partage de la valeur trop favorable aux actionnaires, difficultés conjoncturelles, erreurs stratégiques… le sort du groupe est aujourd’hui entre les mains du parquet national financier.Éric Pichet, Professeur et directeur du Mastère Spécialisé Patrimoine et Immobilier, Kedge Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2066452023-06-01T16:18:18Z2023-06-01T16:18:18ZPrésidentielle en Argentine : le programme économique libertarien du candidat Javier Milei fait recette<p>Supprimer la <a href="https://theconversation.com/topics/banque-centrale-45337">banque centrale</a>, <a href="https://theconversation.com/topics/dollar-85009">dollariser</a> l’économie, réduire drastiquement les dépenses publiques suivant un « plan tronçonneuse » qui verra notamment disparaître le ministère de la Femme, du Genre et de la Diversité, mais aussi faire machine arrière, sauf urgence, sur le droit à l’avortement obtenu en octobre 2020… Tel est le <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2023/04/19/en-argentine-un-candidat-ultraliberal-bouscule-la-campagne-presidentielle_6170092_3210.html">programme</a> de Javier Milei, candidat à la présidence de l’<a href="https://theconversation.com/topics/argentine-45194">Argentine</a> le 22 octobre prochain. Des idées qui semblent trouver un écho certain dans la population : à cinq mois de l’échéance, plusieurs sondages, et notamment celui du Celag (centre stratégique latino-américain de géopolitique), le donnent premier au soir du premier tour avec <a href="https://www.celag.org/encuesta-argentina-mayo-2023/">29 % des suffrages</a>.</p>
<p>Les différentes forces sont pour l’heure tournées vers le 13 août, date à laquelle se tiendront les primaires ouvertes, simultanées et obligatoires : les candidats de chaque camp s’y affrontent pour être investis, et ce même si un parti n’a qu’un candidat. Le vote sert en effet également de parrainages puisque seuls les partis ayant réuni 1,5 % des votants peuvent inscrire leur champion à l’élection.</p>
<h2>Des partis traditionnels en difficulté</h2>
<p>Le pays est déjà témoin de divisions intenses au sein des deux principales coalitions, à savoir le <em>Frente de Todos</em>, celle du président actuel Alberto Fernandez et de l’ancienne cheffe d’État Cristina Fernandez de Kirchner, issue du péronisme, et <em>Juntos por el Cambio</em>, groupe d’opposition. Ces divisions reflètent les différentes idéologies et visions politiques qui animent le pays. Même si toutes les deux ratissent large dans le spectre politique, la première reste plus marquée par l’interventionnisme, tandis que la deuxième est plus orientée vers une certaine libéralisation de l’économie argentine.</p>
<p>Chacune part avec un handicap au départ de la campagne, notamment en raison de leur bilan économique. La présidence de gauche s’achève avec une inflation sans précédent depuis 1991, <a href="https://www.courrierinternational.com/article/record-plus-de-100-d-inflation-l-infame-medaille-argentine">102,5 % sur un an en février 2023</a> (dit autrement, les prix ont doublé) ; la droite, au pouvoir avec Mauricio Macri entre 2015 et 2019, avait, elle, reconduit le pays au bord du <a href="https://www.lefigaro.fr/flash-eco/argentine-fmi-accord-sur-une-reduction-du-deficit-public-a-0-9-du-pib-en-2024-20220128">défaut de paiement</a> sur sa dette. M. <a href="https://elpais.com/argentina/2023-03-26/mauricio-macri-anuncia-que-no-sera-candidato-a-presidente-de-argentina.html">Macri</a> comme M. <a href="https://www.rfi.fr/fr/am%C3%A9riques/20230422-pr%C3%A9sidentielle-en-argentine-alberto-fernandez-ne-se-repr%C3%A9sentera-pas">Fernandez</a> ont annoncé qu’ils ne brigueraient pas de nouveau mandat.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1658253369490669570"}"></div></p>
<p>C’est dans ce panorama politique mouvementé qu’émerge Javier Milei, qui aura 53 ans le jour du premier tour. Cet acteur provocateur, aux prises de parole incendiaires et aux idées pour le moins tranchées, est aujourd’hui soutenu par la coalition <em>Libertad Avanza</em>. Scandant en meeting et sur les plateaux télé « la liberté, bordel ! », son approche populiste et anti-establishment semble attirer les électeurs, notamment la <a href="https://www.iprofesional.com/politica/378903-a-quien-votan-los-jovenes-esta-encuesta-sorprende-a-milei-y-cfk">jeunesse</a> et les <a href="https://www.cronista.com/economia-politica/elecciones-2023-el-inesperado-choque-entre-milei-y-patricia-bullrich/">quartiers pauvres</a>. Bien qu’il soit parfois considéré comme un simple <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2021/10/13/javier-milei-l-ultraliberal-qui-joue-les-trublions-de-la-politique-argentine_6098156_3210.html">« trublion politique »</a>, sa présence semble bouleverser le paysage traditionnel et stimuler les débats sur les politiques économiques et sociales en Argentine.</p>
<h2>Un « académique » libertarien</h2>
<p>La percée politique de Javier Milei a commencé avec son élection comme député de la ville autonome de Buenos Aires au Congrès national argentin en 2021. Avec 17,06 % des voix, il a été le député le mieux élu de la capitale.</p>
<p>Il est à l’origine économiste, diplômé de deux masters de l’Universidad Torcuato di Tella et de l’Instituto de Desarrollo Económico y Social, des établissements privés et réputés de la capitale argentine. Sa carrière académique demeure néanmoins relativement obscure. Les <em>curriculums vitae</em> que le candidat a postés sur ses réseaux sociaux font mention de professorats en Argentine et à l’étranger, mais <a href="https://archivo.consejo.org.ar/Cvs/milei_javier.html">aucun poste titulaire n’a pu être confirmé</a>.</p>
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<p>En outre, son CV liste une cinquantaine d’articles académiques, mais le candidat semble considérer de simples communications lors de conférences ou de réunions comme des articles. Il n’y en aurait <em>in fine</em> qu’une quinzaine, tous parus dans deux revues académiques hispanophones publiées par l’Universidad Nacional de Córdoba et à la portée relativement limitée. Les affiliations internationales affichées par Javier Milei ne semblent en outre que des abonnements payants à la portée de n’importe qui en ayant les moyens.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/528896/original/file-20230529-24-rvh7h2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/528896/original/file-20230529-24-rvh7h2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/528896/original/file-20230529-24-rvh7h2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=756&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/528896/original/file-20230529-24-rvh7h2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=756&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/528896/original/file-20230529-24-rvh7h2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=756&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/528896/original/file-20230529-24-rvh7h2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=950&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/528896/original/file-20230529-24-rvh7h2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=950&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/528896/original/file-20230529-24-rvh7h2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=950&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Murray Rothbard (1926-1995), source d’inspiration pour Javier Milei.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Murray_Rothbard.jpg">Mises Institute</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
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<p>En tant que champion du libertarianisme en Argentine, Javier Milei se déclare disciple de <a href="https://books.openedition.org/enseditions/28173?lang=fr">Murray N. Rothbard</a> (1926-1995), économiste américain représentant, à l’instar de Friedrich Hayek, de l’École autrichienne d’économie, qui défend une <a href="https://lafabrique.fr/la-societe-ingouvernable/">vision ultralibérale de la société</a>. M. Milei <a href="https://elpais.com/argentina/2023-05-18/libre-uso-de-armas-privatizaciones-y-el-fin-del-aborto-legal-el-programa-de-javier-milei-para-gobernar-argentina.html">prend donc position</a> pour des baisses drastiques des impôts ainsi que la privatisation et la libéralisation totale de l’économie, ce qui passe, par exemple, par la mise en pratique d’un marché d’organes, le libre port d’armes ou l’abolition de la banque centrale. Libertarien, il affirme la primauté des droits de propriété individuels, et se dit « pro-choice » concernant les unions matrimoniales entre individus (voire entre plusieurs individus) et l’euthanasie.</p>
<h2>Un élu difficilement classable</h2>
<p>Javier Milei a été expert pour des fondations d’analyse économique et des organes de prévoyance privée, mais surtout assesseur financier pour la Corporación América Internacional, holding possédant des moyens de communication où il a pu commencer sa carrière médiatique.</p>
<p>Il surgit ainsi dans le paysage audiovisuel argentin en 2014, mais c’est en 2017 que sa présence médiatique se généralise : il intervient sur plusieurs plateaux télé et radio, inaugure sa propre chaîne YouTube et joue même dans une pièce de théâtre. Sa rhétorique vulgaire sur les plateaux et ses positions parfois choquantes sur certains sujets lui ont valu d’être étiqueté de candidat d’extrême droite aussi bien par des proches du gouvernement que par des représentants de l’opposition. Il manie également volontiers l’insulte, taxant le maire de centre droit de Buenos Aires de « gauchiste de merde » ou de « ver de terre misérable » qu’il pourrait « écraser même en fauteuil roulant ».</p>
<p>Comme député et président honoraire du Parti libertarien d’Argentine, Milei a logiquement continué à défendre ses idées économiques radicales. Il s’est ainsi engagé à donner ses indemnités d’élu lors de tirages au sort mensuels, car il trouve incompatible d’être libertarien et de se faire financer par l’État. Il a également à cœur de ne voter aucune loi visant à renforcer la fiscalité ou la bureaucratie en Argentine.</p>
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<p>Néanmoins, Javier Milei a pris récemment des positions assez conservatrices sur la question de l’avortement, qu’il qualifie d’<a href="https://www.a24.com/politica/la-extrana-explicacion-javier-milei-rechazar-el-aborto-n869551">atteinte aux droits de propriété du fœtus</a>. Ce positionnement va à l’encontre de Rothbard, pour qui le fœtus n’a pas de droits, puisqu’incapable de les réclamer.</p>
<p>Les positionnements de M. Milei le placent plutôt dans une zone grise. Sa catégorisation en tant que populiste d’extrême droite paraît trompeuse. Certes, le candidat s’est dit proche de Donald Trump et Jair Bolsonaro (il a même refusé de féliciter Lula après son élection contre ce dernier). Néanmoins, à la différence du premier, il n’est ni protectionniste – au contraire, il est pour l’abolition totale des droits de douane – ni xénophobe – il ne s’oppose pas à l’immigration tant qu’elle demeure économique et non subventionnée. Par rapport à l’ancien président brésilien, Milei ne s’oppose pas aux droits individuels des LGBTQ+ et n’adopte pas de positionnement pro-religion. En fait, Javier Milei, en tant que bon libertarien, s’oppose surtout à tout financement public, qu’il se dirige vers des politiques favorisées par la droite comme la gauche.</p>
<h2>Un programme totalement saugrenu ?</h2>
<p>Son programme électoral se concentre donc principalement sur des propositions économiques. On y retrouve, pêle-mêle, la suppression des subventions aux services publics, la fin des contrôles de capitaux et sur le taux de change (depuis la présidence Macri, les Argentins doivent avoir l’accord de la banque centrale pour effectuer un virement à l’étranger ou acquérir des devises pour des montants de plus de 10 000 dollars), l’abolition de la banque centrale et la dollarisation de l’économie.</p>
<p>La première mesure peut paraître nécessaire étant donné que les subventions constituent une des principales causes du déficit budgétaire argentin. Leur baisse a d’ailleurs été entérinée avec le Fonds monétaire international (FMI) dans le cadre de la <a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2022/05/17/l-argentine-annonce-la-fin-des-subventions-energetiques-aux-foyers-les-plus-riches_6126458_3234.html">restructuration de la dette</a>. Mises en place par les gouvernements de Nestor et Cristina Kirchner, et réduisant par exemple les factures de gaz et d’électricité des ménages, elles étaient auparavant financées par les recettes de la <a href="https://www.lefigaro.fr/flash-eco/argentine-le-nouveau-president-durcit-les-taxes-a-l-exportation-de-produits-agricoles-20191214">fiscalisation des exportations</a> (l’Argentine étant l’un des <a href="https://donnees.banquemondiale.org/indicator/GC.TAX.EXPT.ZS">rares pays</a> à taxer directement ses exportations). Or, ces recettes ont énormément décru depuis la fin du <a href="https://www.capital.fr/entreprises-marches/or-argent-cafe-petrole-les-prix-des-matieres-premieres-bientot-partis-pour-un-nouveau-super-cycle-de-hausse-1468522">supercycle de matières premières</a>, avant même l’épidémie de Covid-19.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1388359917074096130"}"></div></p>
<p>Comme par ailleurs l’Argentine, encore <a href="https://www.rfi.fr/fr/am%C3%A9riques/20230326-argentine-le-cercle-vicieux-du-d%C3%A9faut-de-paiement-de-nouveau-en-vue">au bord du défaut de paiement</a>, ne peut toujours pas se financer à l’étranger, elle a souvent recours à la planche à billets, dont le corollaire est une inflation vertigineuse. C’est, en Argentine, un <a href="https://theconversation.com/argentine-inflation-incontrolee-et-incertitude-economique-198451">fléau chronique depuis la fin de la dictature</a> en 1982. Javier Milei propose d’éliminer le problème à la source en supprimant la banque centrale. Il faudrait alors une monnaie de remplacement au peso argentin, d’où le projet de dollarisation.</p>
<p>Tout gouvernement serait alors contraint de se discipliner pour ne pas épuiser ses réserves de devises en dehors de périodes d’urgence. Le souci aujourd’hui pour la mise en place d’une telle réforme est cependant justement le <a href="https://www.courrierinternational.com/article/monnaie-contre-la-crise-economique-l-argentine-invente-le-dollar-soja">manque de réserves de devises</a>.</p>
<p>En pratique, la candidat reste donc cohérent avec ses idées libertariennes à l’encontre de l’État. Pour le moment, les seuls facteurs pouvant mettre en doute son engagement libéral est l’ambiguïté de son CV académique, sa proximité déclarée avec Donald Trump et Jair Bolsonaro, ainsi que son activité passée comme ancien assesseur d’<a href="https://www.latimes.com/archives/la-xpm-2008-aug-29-fg-bussi29-story.html">Antonio Domingo Bussi</a>, général de la dictature, accusé et condamné pour crimes contre l’humanité (il est mort en prison en 2011), malgré ses différents postes élus en période démocratique. Reste donc à savoir si ses prises de position conservatrices à l’encontre de l’avortement, du wokisme ou des peuples natifs ne sont qu’un leurre visant à attirer des voix conservatrices ou le signe d’une vraie proximité auprès de cet électorat.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/206645/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Gabriel A. Giménez Roche ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Difficilement classable sur la scène politique argentine, l’économiste Javier Milei, en tête des sondages pour la présidentielle, propose notamment de supprimer la banque centrale.Gabriel A. Giménez Roche, Enseignant-chercheur en économie, Neoma Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2065522023-05-26T16:31:46Z2023-05-26T16:31:46ZDéfaut de paiement aux États-Unis : un enjeu plus politique qu’économique<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/528649/original/file-20230526-15-b73e42.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=7%2C0%2C1689%2C1071&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">L’exécutif américain sera-t-il autorisé à dépasser le plafond de la dette américaine, aujourd'hui fixé à 31 400 milliards de dollars (29 135 milliards d’euros) ?</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/stephenmelkisethian/10320387414">Flickr/Stephen Melkisethian</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Les marchés financiers ont aujourd’hui les yeux rivés sur le calendrier, et plus précisément sur la date du 1<sup>er</sup> juin prochain. À cette échéance, les <a href="https://theconversation.com/topics/etats-unis-20443">États-Unis</a> pourraient se retrouver en situation de défaut de paiement, c’est-à-dire dans l’incapacité à rembourser leurs emprunts. En cause : le plafond de la <a href="https://theconversation.com/topics/dette-20647">dette</a> qui désigne la somme, fixée par les parlementaires, que l’exécutif est autorisé à emprunter. Actuellement, ce plafond est fixé à <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2023/05/23/les-etats-unis-face-a-la-menace-du-defaut-de-paiement-cinq-questions-sur-le-plafond-de-la-dette_6174491_3210.html">31 400 milliards de dollars (29 135 milliards d’euros)</a>, un montant que les États-Unis ont atteint le 1<sup>er</sup> janvier dernier. Depuis, seules des mesures d’urgence ont permis de débloquer de nouveaux fonds.</p>
<p>Dans l’arène politique américaine, le plafond de la dette est devenu une sorte de <a href="https://www.degruyter.com/document/doi/10.1051/978-2-7598-2244-7.c030/html">« jeu de la poule mouillée »</a> entre démocrates et républicains, un terme emprunté à la théorie des jeux. Il désigne un dilemme de négociation dans lequel chacun des partis préfère ne pas céder, au risque d’un résultat mutuellement défavorable, car le premier à céder apparaît faible. Compte tenu des enjeux critiques que le plafond de la dette représente, chaque parti tente <a href="https://www.npr.org/2021/10/22/1048493458/two-indicators-congressional-game-theory-and-the-debt-ceiling">d’obtenir des concessions</a> significatives de l’autre qui voudrait éviter les conséquences potentiellement catastrophiques d’un défaut américain. Un <a href="https://www.lesechos.fr/monde/etats-unis/plafond-de-la-dette-americaine-un-accord-politique-se-dessine-1946752">accord semble se dessiner</a>, mais dans le climat politique polarisé actuel, il y a une prime à paraître le plus idéologiquement pur possible, ce qui rend tout compromis difficile dans ce bras de fer entre <a href="https://theconversation.com/topics/joe-biden-69955">Joe Biden</a> et ses opposants républicains.</p>
<p>Pris dans cette impasse, les démocrates sont tentés d’invoquer le <a href="https://www.lexpress.fr/monde/amerique/dette-aux-etats-unis-pourquoi-le-14e-amendement-pourrait-sauver-le-pays-YREE7NCWZZE2LF54VWNJVV5LMI/">14ᵉ amendement de la Constitution américaine</a>. Celui-ci, adopté en 1868, contient une clause, souvent appelée la « clause de la dette publique », qui stipule que « la validité de la dette publique des États-Unis […] ne sera pas remise en question ». Certains l'interprètent comme donnant au président le pouvoir de contourner le Congrès et de lever unilatéralement le plafond de la dette.</p>
<h2>Éviter la crise maintenant et la subir plus tard ?</h2>
<p>Cette lecture reste cependant très contestée et pourrait donner lieu à des litiges juridiques. Si cette bataille politique devenait juridique, il est fort à parier qu’elle s’inscrirait alors dans le temps long, ce qui contribuerait à davantage de confusion autour de la capacité de l’État fédéral américain à rembourser sa dette. Cela ne serait pas de nature à rassurer les marchés financiers habituellement à la recherche de prévisibilité.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1661878334408515585"}"></div></p>
<p>Il est aussi important de rappeler qu’une telle approche n’est pas sans risque politique. L’histoire récente offre un exemple éloquent des retombées potentiellement négatives de ce genre de stratégie. En 2013, sous la direction de Harry Reid, démocrate du Nevada qui était alors leader de la majorité au Sénat, les <a href="https://www.politico.com/story/2013/11/harry-reid-nuclear-option-100199">règles dans l’aile nord du Capitole ont été modifiées</a>. L’idée était de permettre la confirmation des juges fédéraux par une simple majorité, à l’exception des juges de la Cour suprême. Cette manœuvre, connue sous le nom de « <em>nuclear option</em> », a finalement eu des conséquences indésirables. En 2017, les républicains ont utilisé ce précédent pour étendre la règle de la majorité simple <a href="https://rollcall.com/2020/10/15/if-you-dont-like-the-supreme-court-blame-harry-reid/">aux juges de la Cour suprême</a>. Tant qu’ils détenaient cette majorité, ils ont pu transformer la composition de la plus haute juridiction.</p>
<p>Si les démocrates devaient adopter une approche semblable avec le 14<sup>e</sup> amendement et la question du plafond de la dette, ils pourraient se retrouver dans une situation similaire. Bien que cette stratégie puisse permettre d’éviter une crise immédiate, elle pourrait également ouvrir la porte à un usage homologue du 14<sup>e</sup> amendement par un futur président républicain au détriment du processus démocratique et de la consultation politique que les démocrates de l’opposition voudraient privilégier alors. Dans ce contexte, il est donc crucial que les dirigeants politiques pèsent soigneusement les conséquences à long terme de leurs actions, au-delà de la crise actuelle.</p>
<p>On peut imaginer qu’un accord entre républicains et démocrates sera trouvé <em>in extremis</em>, comme cela a souvent été le cas lors des crises précédentes. L’histoire récente peut même nous éclairer sur les caractéristiques majeures de cet accord : il sera probablement modeste et repoussera le plafond de la dette à un niveau suffisamment élevé pour éviter la crise à court terme et permettre à l’ensemble de la classe politique de se concentrer sur d’autres sujets… jusqu’à ce que le nouveau plafond soit atteint. C’est dans ce contexte que l’on peut comprendre le calme relatif des marchés financiers qui semblent <a href="https://edition.cnn.com/2023/05/24/business/debt-ceiling-stock-market/index.html">ignorer</a> la crise politique pour le moment.</p>
<h2>Mais si les États-Unis faisaient quand même défaut ?</h2>
<p>Il convient cependant de se demander combien de temps ce « jeu de la poule mouillée » peut continuer et si ce contexte peut justement favoriser un accident de paiement qui surviendrait à la suite d’une crise politique majeure et inédite.</p>
<p>En effet, les États-Unis n’ont jamais fait défaut sur leur dette de manière volontaire, si bien qu’un tel scénario reste difficile à décrire tant ses effets seraient sans précédent. Selon les <a href="https://www.npr.org/2023/05/21/1177203159/debt-limit-ceiling-default-wall-street-biden-mccarthy-economy">estimations de la banque UBS</a>, l’indice boursier S&P pourrait perdre 20 %. Une telle chute précipiterait une récession, notamment par le biais d’une baisse de la consommation des ménages américains – le fameux <a href="https://www.en-bourse.fr/boursopedia/effet-de-richesse-en-bourse-wealth-effect/">« effet richesse »</a> de la bourse qui explique que le niveau de consommation d’un agent suit le niveau de son patrimoine. D’après l’analyse de l’agence de notation Moody’s, reprise par la Maison Blanche comme argument supplémentaire dans ce bras de fer, un défaut pourrait notamment ralentir la croissance réelle américaine, détruire deux millions d’emplois et augmenter les taux d’intérêt que le pays doit payer sur sa dette.</p>
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<p>Un défaut pourrait aussi conduire à une récession mondiale à court terme et à des turbulences significatives sur les marchés de commodité, comme celui du pétrole, qui sont étroitement liés au dollar qui s’affaiblirait mécaniquement. C’est aussi la crédibilité financière américaine qui pourrait être <a href="https://www.thomsonreuters.com/en-us/posts/international-trade-and-supply-chain/global-trade-impacts-default/">remise en question</a>, compte tenu du rôle prédominant de sa devise dans le commerce international. Si les autres pays cherchaient à réduire leur dépendance sur les États-Unis, les échanges internationaux pourraient être ralentis et le commerce mondial davantage fragmenté.</p>
<p>Ce scénario est d’autant plus paradoxal que les fondamentaux économiques américains restent solides, compte tenu du dynamisme de l’activité économique du pays et de son marché du travail. En 2011, l’agence de notation S&P, pour justifier sa décision de dégrader la note souveraine des États-Unis, a fait part de ses doutes concernant « l’efficacité, la stabilité et la prévisibilité de la prise de décision politique américaine ». Critiquée à l’époque pour ne pas avoir suivi sa mission d’analyse des fondamentaux économiques, l’agence avait peut-être proposé une analyse annonciatrice de l’interférence accrue du politique dans l’économique, avec les conséquences que nous vivons aux États-Unis à l’heure actuelle.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/206552/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jeremy Ghez ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Ce qui se passe aux États-Unis ressemble à ce que la théorie économique a nommé « jeu de la poule mouillée » : aucun parti ne veut céder pour ne pas paraître faible, quitte à frôler le pire.Jeremy Ghez, Professor of Economics and International Affairs, HEC Paris Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2062272023-05-24T17:32:02Z2023-05-24T17:32:02ZDégradation de la note française : faut-il vraiment s’inquiéter du niveau de la dette ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/527738/original/file-20230523-28-qcb1ai.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C2048%2C1366&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Pour le ministre Bruno Le Maire, Fitch a fait preuve de pessimisme en dégradant la note de la dette française.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/worldeconomicforum/52638607928/in/photostream/">World Economic Forum / Flickr</a></span></figcaption></figure><p>Bercy semble avoir coché au marqueur dans son agenda la page du 2 juin, date à laquelle l’agence de notation Standard and Poor’s doit <a href="https://www.lesechos.fr/economie-france/budget-fiscalite/dette-bercy-suspendu-a-la-decision-de-standard-and-poors-1944717">actualiser son jugement sur la dette de la France</a>. Deviendra-t-il plus difficile pour le pays de se financer si son passif est jugé un peu moins soutenable ? La <a href="https://www.bfmtv.com/economie/dette-l-agence-fitch-abaisse-la-note-de-la-france-d-un-cran-a-aa_AD-202304280891.html">dégradation de la note</a> par une autre agence, Fitch, le 28 avril, à « AA- » avait déjà suscité des messages d’« <a href="https://www.lefigaro.fr/conjoncture/alerte-sur-la-dette-apres-la-sanction-de-fitch-20230501">alerte</a> »].</p>
<p>Certes, la <a href="https://theconversation.com/topics/dette-20647">dette</a> atteignait fin 2022 <a href="https://www.economie.gouv.fr/cedef/dette-publique">111,6 % du PIB</a> et suit une trajectoire ascendante depuis plusieurs années, avec une accélération pendant les crises des subprimes et du Covid. Pourtant, sans doute le gouvernement ne s’attendait-il d’ailleurs pas à pareille décision, Bruno le Maire, ministre de l’Économie, qualifiant l’appréciation de « <a href="https://www.bfmtv.com/economie/le-maire-regrette-l-appreciation-pessimiste-de-fitch-qui-sous-evalue-les-consequences-des-reformes_AD-202304280898.html">pessimiste</a> », « sous-évaluant les conséquences des réformes ».</p>
<p>La <a href="https://theconversation.com/topics/france-46334">France</a> a, de fait, voulu mettre en place des mesures pour assainir les <a href="https://theconversation.com/topics/finances-publiques-24847">finances publiques</a> et rendre la dette plus soutenable, en tête la <a href="https://theconversation.com/topics/reforme-des-retraites-82342">réforme des retraites</a> qui avait vocation à réaliser <a href="https://www.liberation.fr/checknews/reforme-des-retraites-combien-va-t-elle-rapporter-combien-va-t-elle-couter-20230306_YYILYTCIEND7RIEZS7ZOD7RAZM/">13,5 milliards</a> d’économies. Il y avait eu aussi quelques semaines auparavant l’entrée en vigueur de la réforme de l’assurance chômage pour économiser jusqu’à <a href="https://www.capital.fr/votre-carriere/assurance-chomage-un-excedent-de-pres-de-9-milliards-deuros-prevu-par-lunedic-pour-2025-1460893">4,5 milliards d’euros par an à partir de 2025</a>. Plus récemment, le 26 avril, a été présenté en conseil des ministres un <a href="https://www.tresor.economie.gouv.fr/Articles/2023/04/26/presentation-du-programme-de-stabilite-2023-2027">programme de stabilité</a> pour ramener la dette à 108,3 % du PIB en 2027.</p>
<p>L’argumentaire de Fitch semble en fait porter sur la <a href="https://www.lepoint.fr/economie/abaissement-de-la-note-de-la-france-la-sanction-et-l-avertissement-de-fitch-29-04-2023-2518294_28.php#11">méthode</a> : la manière dont tout cela est mis en place est sujet à de fortes tensions sociales, ce qui augmenterait le risque de récession, d’impasse politique et consécutivement les difficultés à rembourser la dette.</p>
<p>Il ne semble cependant pas y avoir matière à s’inquiéter outre mesure : la note reste bonne. Se demander pourquoi elle le reste nous rappelle ce qu’est véritablement la dette : un instrument qui s’avère pertinent lorsqu’il permet de constituer un actif dont les générations futures tireront un bénéfice, actif que l’on sous-estime d’ailleurs sans doute. C’est pour cela qu’il peut être légitime de leur demander une contribution.</p>
<h2>La France n’est pas en faillite</h2>
<p>Précisions tout d’abord que les agences de notations sont payées pour noter les titres des acteurs privés : elles ne sont pas rémunérées pour s’intéresser aux États. C’est une sorte de vitrine qui fait parler d’elles. Au-delà des décisions de Fitch, Standard and Poor’s ou Moody’s, la troisième grosse agence de notation, il faut aussi garder en tête que la France reste encore très bien notée, de façon absolue comme relative.</p>
<p><iframe id="F2GAE" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/F2GAE/2/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Si l’on convertit les notes usuellement composées de lettres et de « + » et de « - » dans un format scolaire, la France obtiendrait une note entre 17 et 18 sur 20, ce qui reste, en absolu, une très bonne note, même dégradée. En relatif aussi : très peu d’États ont ce résultat-là. La France est certes derrière l’Allemagne, les Pays-Bas ou les États-Unis, mais elle est au niveau du Royaume-Uni et de la Belgique et devance les pays méditerranéens, la Chine et le Japon.</p>
<p>Or, un investisseur qui veut du « sans risque » réfléchit bien de manière relative. Les titres de dettes souveraines comptent parmi les moins risqués et l’objectif est de rester dans les mieux notées même si la note descend. Voilà pourquoi la dégradation par Fitch n’a par exemple pas eu d’impact sur l’écart de taux avec l’Allemagne.</p>
<p><iframe id="7n9fU" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/7n9fU/2/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Si la France reste bien notée, c’est parce qu’il n’y a pas de récession en vue à court terme, que le pays sait lever l’impôt, qu’il n’y a pas de leader extrémiste au pouvoir… C’est aussi car elle n’a pas qu’une dette, qu’un passif : ses actifs aussi augmentent.</p>
<p>Ce fait semble trop souvent oublié. On mesure de manière courante la dette par son poids relatif au PIB, ce qui demeure une approche extrêmement discutable. On met en relation un stock avec un flux de revenus annuel. Il vaudrait mieux comparer un stock avec un stock.</p>
<p>La question qui devrait se poser est plutôt la suivante : la dette contractée a-t-elle permis d’augmenter les actifs ? S’endetter pour payer du fonctionnement ne laisse pas de trace pour l’avenir : je n’ai rien après avoir payé. Si, en revanche, l’opération a permis d’investir dans des infrastructures ou dans des entreprises, un actif se constitue en face. En raisonnant en dette sur PIB, on néglige totalement cet aspect. L’Insee nous en présente les évolutions dans les comptes de patrimoines des administrations.</p>
<p><iframe id="tF3kF" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/tF3kF/2/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>La photographie de l’économie va alors contre une idée reçue : les administrations publiques ont plus d’actifs que de passifs. On est loin, très loin d’une situation de faillite. Si l’on regarde un autre indicateur de soutenabilité, il apparaît que la France conserve d’ailleurs toujours une marge de manœuvre car le taux de croissance de l’économie additionné à l’inflation excède toujours les taux d’intérêt.</p>
<h2>Des actifs oubliés ?</h2>
<p>Une partie des actifs n’est d’ailleurs peut-être pas prise en compte au moment de dresser ce bilan. Dans l’exercice des comptes de patrimoine, l’Insee ne dénombre comme actif que ce qu’il peut valoriser. De l’immobilier, des titres financiers, des entreprises publiques, des stocks d’or, pour tout cela il existe un prix de marché. Quid d’un actif qui serait environnemental ?</p>
<p>Y faire figurer l’environnement implique de le monétiser, de le chiffrer en euros pour le comparer avec le passif dans une même unité. Même si les méthodes économiques de préférences déclarées ou révélées progressent, leurs résultats semblent encore assez insatisfaisants. Des investissements aujourd’hui qui développeraient un actif environnemental iraient au passif des comptes de patrimoine car on s’endette pour cela, mais pas dans l’actif car on ne sait pas le mesurer. Or, il y a sans doute là quelque chose de bénéfique pour les générations futures.</p>
<p>Il pourrait en être de même pour des dépenses plus souvent assimilées à des dépenses de fonctionnement comme l’éducation. Il existe un consensus autour d’une <a href="https://editions.flammarion.com/une-autre-voie-est-possible/9782081430150">règle d’or</a> chez les économistes qu’il n’est pas bon de s’endetter pour du fonctionnement pur, qui ne crée pas un actif pour l’avenir, sans accord néanmoins sur ce que l’on place derrière tous ces termes. Les dépenses d’éducation forgent pour l’avenir des citoyens éclairés, des salariés productifs qui pourront payer demain plus d’impôts. On pourrait imaginer laisser les générations futures en payer une partie car ils en ont bénéficié.</p>
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<p>D’autres éléments, qui pèsent déjà lourd sur le passif, peuvent de même être interrogés comme la dette Covid qui correspond à environ 20 points de PIB. Sans même se demander ce qui a été sauvé comme vies humaines, Joseph Stiglitz, lauréat du prix Nobel d’Économie en 2001, a invité ses confrères à mesurer le « missing capital » : si l’État ne s’était pas endetté, combien d’entreprises auraient fait faillite ? Combien aurait-il manqué de capital privé au tissu productif ? En contrepartie de la dette publique du Covid, il y a des actifs privés sauvegardés, ce qui n’apparaît pas dans les comptes de patrimoine des administrations.</p>
<h2>La dette, un instrument, pas un objectif</h2>
<p>Tout cela suggère qu’on ne se pose peut-être pas bien la question. Peut-être, plutôt que de fixer des objectifs de niveau de dette (viser x % du PIB par exemple), s’agit-il de fixer des objectifs sur son utilité. Plutôt que de considérer la dette comme un objectif, il faut rappeler qu’il s’agit d’un instrument et donc questionner l’objectif qu’il sert.</p>
<p>Je suis face à un déficit du système de retraite : la dette est-elle un bon instrument pour le combler ? Je suis face à une crise énergétique : la dette est elle un bon instrument pour sauvegarder le pouvoir d’achat ? Je suis face à une crise sanitaire : la dette est-elle un bon instrument pour maintenir un tissu productif ? Je suis face à une transition écologique nécessaire : la dette est-elle un bon instrument pour décarboner l’économie ? Je veux retrouver une souveraineté médicale : la dette est-elle un bon instrument pour réindustrialiser ? Je veux anticiper des attaques cyber : la dette est-elle un bon instrument pour se doter de protections ?</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/527733/original/file-20230523-20-hahkyt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/527733/original/file-20230523-20-hahkyt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/527733/original/file-20230523-20-hahkyt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=988&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/527733/original/file-20230523-20-hahkyt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=988&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/527733/original/file-20230523-20-hahkyt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=988&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/527733/original/file-20230523-20-hahkyt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1241&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/527733/original/file-20230523-20-hahkyt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1241&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/527733/original/file-20230523-20-hahkyt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1241&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption"></span>
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<p>Parfois oui, parfois non. L’idée est de se fixer un objectif de politique publique et de se demander, dans un second temps, si la dette est un instrument pertinent pour atteindre cet objectif, c’est-à-dire s’il est légitime de penser que les générations futures poursuivront aussi cet objectif et en bénéficieront.</p>
<p>Ce raisonnement semble devoir d’autant plus s’appliquer au moment où l’on sort d’une période d’argent gratuit, où les taux étaient nuls sinon négatifs. Puisque l’on va payer des intérêts sur notre dette, puisque la marge de manœuvre se réduit, va se poser de manière plus ténue encore la question de ce à quoi sert la dette. Si l’on s’engage dans une dépense publique non financée par un impôt, puisqu’elle coûte de l’argent, il faut qu’elle soit utile, que les générations futures y trouvent un actif.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/206227/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Éric Heyer ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Il ne s’agit sans doute pas tant de savoir à quel point la France est endettée mais à quel point la dette a pour corollaire des actifs, matériels ou non, dont les générations futures bénéficieront.Éric Heyer, Directeur à l'OFCE, Sciences Po Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2057112023-05-16T10:12:25Z2023-05-16T10:12:25Z« Controverses » : Repenser le travail<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/526274/original/file-20230515-26296-ummfq5.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Un agriculteur laboure un champ de vignes. </span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://pxhere.com/fr/photo/629583">Pxhere</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span></figcaption></figure><hr>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/518712/original/file-20230331-16-bbmx2i.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/518712/original/file-20230331-16-bbmx2i.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/518712/original/file-20230331-16-bbmx2i.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/518712/original/file-20230331-16-bbmx2i.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/518712/original/file-20230331-16-bbmx2i.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/518712/original/file-20230331-16-bbmx2i.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/518712/original/file-20230331-16-bbmx2i.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/518712/original/file-20230331-16-bbmx2i.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption"></span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://theconversation.com/fr/topics/controverses-133629">CC BY-NC-ND</a></span>
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<p><em><a href="https://theconversation.com/fr/topics/controverses-133629">« Controverses »</a> est un nouveau format de The Conversation France. Nous avons choisi d’y aborder des sujets complexes qui entraînent des prises de positions souvent opposées, voire extrêmes. Afin de réfléchir dans un climat plus apaisé et de faire progresser le débat public, nous vous proposons des analyses qui sollicitent différentes disciplines de recherche et croisent les approches</em>.</p>
<p><em>La série « travail » s’attache à décrypter des aspects improbables, parfois inconnus ou impensés autour de cette notion actuellement au cœur des débats politiques.</em></p>
<hr>
<h2><a href="https://theconversation.com/le-travail-pour-autrui-survivance-de-lesclavagisme-dans-nos-economies-150317">Le « travail pour autrui », survivance de l’esclavagisme dans nos économies</a></h2>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/529839/original/file-20230602-23-6srr7t.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/529839/original/file-20230602-23-6srr7t.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=435&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/529839/original/file-20230602-23-6srr7t.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=435&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/529839/original/file-20230602-23-6srr7t.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=435&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/529839/original/file-20230602-23-6srr7t.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=546&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/529839/original/file-20230602-23-6srr7t.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=546&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/529839/original/file-20230602-23-6srr7t.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=546&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Les associations que nous formons entre des phénotypes, des accents, des vêtements, et des emplois ou des places nous viennent largement de la formation de l’économie coloniale que les Européens ont développée, à partir du XVe siècle, en recourant à l’esclavage.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://fr.m.wikipedia.org/wiki/Fichier:Slavery_in_Brazil,_by_Jean-Baptiste_Debret_(1768-1848).jpg">J.B. Debret, « L'esclavage au Brésil », 1834. Wikipédia</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Nous attribuons, en permanence, des couleurs au travail. Or, si l’on reprend son histoire, c’est le travail lui-même qui produit des couleurs.</p>
<hr>
<h2><a href="https://theconversation.com/mon-salaire-est-il-vraiment-le-fruit-de-mon-travail-204833">Mon salaire est-il vraiment le fruit de mon travail ?</a></h2>
<figure class="align-center ">
<img alt="Kylan Mbappé assis sur un terrain de foot, ici en 2018" src="https://images.theconversation.com/files/526166/original/file-20230515-9834-7dmd16.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=2%2C21%2C939%2C901&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/526166/original/file-20230515-9834-7dmd16.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=592&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/526166/original/file-20230515-9834-7dmd16.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=592&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/526166/original/file-20230515-9834-7dmd16.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=592&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/526166/original/file-20230515-9834-7dmd16.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=744&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/526166/original/file-20230515-9834-7dmd16.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=744&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/526166/original/file-20230515-9834-7dmd16.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=744&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Un talent brut qui ne serait pas exploité par l’effort individuel n’aurait aucune valeur. Kylan Mbappé ici en 2018.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/5/52/Kylian_Mbapp%C3%A9_%282%29.jpg">Wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Un lien idéologique fort s’est noué entre travail et appropriation des ressources, dont la notion de propriété. Pourtant certains penseurs questionnent ce rapport entre revenu et travail.</p>
<hr>
<h2><a href="https://theconversation.com/la-dette-nouvelle-forme-de-travail-des-femmes-204323">La dette, nouvelle forme de travail des femmes</a></h2>
<p>Dans différentes régions du monde, la gestion des dettes au quotidien représente un réel travail, principalement assumé par les femmes.</p>
<hr>
<p><em>À lire aussi</em></p>
<ul>
<li><p><a href="https://theconversation.com/le-beau-travail-une-revendication-ouvriere-trop-souvent-oubliee-173446">Le beau travail, une revendication ouvrière trop souvent oubliée</a></p></li>
<li><p><a href="https://theconversation.com/le-travail-ultime-lieu-de-fabrique-de-la-politique-et-de-labstention-178668">Le travail, ultime lieu de fabrique de la politique et de l’abstention</a></p></li>
<li><p><a href="https://theconversation.com/penser-lapres-seule-la-reconversion-ecologique-pourra-eviter-la-deshumanisation-du-travail-138008">Penser l’après : seule la reconversion écologique pourra éviter la déshumanisation du travail</a></p></li>
<li><p><a href="https://theconversation.com/travailler-oui-mais-pour-pouvoir-aussi-se-realiser-en-dehors-199613">Travailler oui mais pour pouvoir aussi se réaliser en dehors</a></p></li>
</ul><img src="https://counter.theconversation.com/content/205711/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
La série « travail » s'attache à décrypter des aspects improbables, parfois inconnus ou impensés autour de cette notion actuellement au coeur des débats politiques.Clea Chakraverty, Cheffe de rubrique Politique + Société, The Conversation FranceLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2043232023-05-08T18:07:57Z2023-05-08T18:07:57ZLa dette, nouvelle forme de travail des femmes<hr>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/518712/original/file-20230331-16-bbmx2i.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/518712/original/file-20230331-16-bbmx2i.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/518712/original/file-20230331-16-bbmx2i.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/518712/original/file-20230331-16-bbmx2i.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/518712/original/file-20230331-16-bbmx2i.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/518712/original/file-20230331-16-bbmx2i.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/518712/original/file-20230331-16-bbmx2i.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/518712/original/file-20230331-16-bbmx2i.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption"></span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://theconversation.com/fr/topics/controverses-133629">CC BY-NC-ND</a></span>
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<p><em><a href="https://theconversation.com/fr/topics/controverses-133629">« Controverses »</a> est un nouveau format de The Conversation France. Nous avons choisi d’y aborder des sujets complexes qui entraînent des prises de positions souvent opposées, voire extrêmes. Afin de réfléchir dans un climat plus apaisé et de faire progresser le débat public, nous vous proposons des analyses qui sollicitent différentes disciplines de recherche et croisent les approches. La série « travail » s'attache à décrypter des aspects improbables, parfois inconnus ou impensés autour de cette notion actuellement au coeur des débats politiques</em>.</p>
<hr>
<blockquote>
<p>« Je passe mon temps à gérer et à faire tourner la dette. Comment voulez-vous que je travaille ? » (Pushpurani)</p>
</blockquote>
<p>Femme Dalit (ex-intouchable) d’un village du Tamil Nadu (Inde), Pushpurani jongle en permanence avec dix à vingt prêts, contractés auprès de compagnies financières, de prêteurs informels, de l’élite locale et de voisines.</p>
<blockquote>
<p>« Pourquoi autant de retraités retournent travailler ? À cause des dettes. » (Felipe, habitant d’une <em>favela</em> de Vitoria, Brésil)</p>
</blockquote>
<p>La mère de Felipe, Dona Gê, 74 ans, confectionne des vêtements et vend des gâteaux dans la rue depuis que le remboursement des crédits absorbe 70 % de sa pension de retraite.</p>
<p>Ces témoignages illustrent les répercussions concrètes, pour les femmes de milieux populaires, d’une évolution observée à l’échelle globale ces trois dernières décennies : l’explosion de l’endettement des ménages, tiré par un accès élargi au crédit et une vulnérabilité économique accrue.</p>
<p>Dans différentes régions du monde, la gestion de la dette au quotidien s’apparente à une réelle forme de travail ; or ce « travail de la dette » est en premier lieu déployé par les femmes. Trouver les fonds pour rembourser la dette entraîne ensuite de nouvelles formes de mise au travail, un « travail pour la dette » qui, là encore, touche bien souvent les femmes.</p>
<p>Le travail de la dette et pour la dette émerge ainsi comme une nouvelle forme de travail de l’ombre, gratuit et symptomatique d’économies financiarisées. Deux thèses récentes de doctorat, l’une en <a href="https://www.theses.fr/2021UNIP7255">économie</a>, l’autre en <a href="https://www.theses.fr/s185336">socio-anthropologie</a>, et un <a href="https://www.sup.org/books/title/?id=36559">ouvrage à paraître</a> rendent compte de cette réalité en Inde et au Brésil.</p>
<h2>L’ampleur de la dette</h2>
<p>Si l’endettement des ménages reste très inégal d’un pays à l’autre, son niveau moyen a quasi doublé entre 1995 et 2021 dans les pays de l’OCDE, passant ainsi de 68 à 127 % du revenu disponible (<a href="https://data.oecd.org/hha/household-debt.htm">OECD, 2023</a>. <a href="https://data.oecd.org/hha/household-debt.htm">L’accélération</a> est particulièrement manifeste dans les Suds. Selon la <a href="https://www.bis.org/statistics/about_credit_stats.htm">BRI</a>, l’endettement des ménages a bondi de 28 à 50 % du PIB dans les économies émergentes entre 2010 et 2022.</p>
<p>Mais tandis qu’au Nord les prêts immobiliers représentent le gros de l’endettement (<a href="https://abc-economie.banque-france.fr/sites/default/files/medias/documents/822050_endettement_des_menages.pdf">84 % en France en 2021</a>), son essor dans les Suds est surtout tiré par des formes variées de crédit à la consommation, que des politiques dites d’<a href="https://journals.openedition.org/lectures/17781">inclusion financière</a> ont démocratisé à partir des années 2000, ciblant en priorité les milieux populaires et en particulier les femmes.</p>
<p>Au Brésil, d’après les données de la Banque Centrale, la part des ménages endettés auprès des établissements de crédit est ainsi passée de 44 % à 55 % entre 2010 et 2015 – avant de grimper au cours de la pandémie de Covid-19 pour atteindre 80 % en 2021.</p>
<p>Au Tamil Nadu, à la suite de deux décennies de politiques de bancarisation et de développement du micro-crédit féminin, des <a href="https://www.emerald.com/insight/content/doi/10.1108/S1529-212620200000029008/full/html">données d’enquête en zone rurale</a> de <a href="https://odriis.hypotheses.org/who-we-are">l’Observatoire des dynamiques rurales et des inégalités en Inde du Sud</a> documentent une hausse de l’endettement moyen des ménages de 160 à 250 % de leur revenu annuel entre 2010 et 2016. Et la dette pèse plus lourdement sur les femmes, qui gagnent en moyenne <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0305750X20304915">22 % des revenus du ménage mais assument 37 % des dettes</a>.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/522979/original/file-20230426-1034-38efal.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/522979/original/file-20230426-1034-38efal.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/522979/original/file-20230426-1034-38efal.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/522979/original/file-20230426-1034-38efal.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/522979/original/file-20230426-1034-38efal.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/522979/original/file-20230426-1034-38efal.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/522979/original/file-20230426-1034-38efal.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/522979/original/file-20230426-1034-38efal.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Une correspondante bancaire (au milieu) entourée de femmes. Cette activité remplace en quelque sorte le « distributeur » d’argent dans les villages les plus reculés. Tamil Nadu, 2016.</span>
<span class="attribution"><span class="source">I.Guérin</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Dans leur vaste majorité, celles-ci visent à « joindre les deux bouts » : se nourrir, se soigner, se loger, payer les factures d’eau, de gaz et d’électricité. Elles permettent aussi de participer à des rituels, de s’équiper en biens de consommation… et de rembourser d’autres dettes.</p>
<p>À cet égard, si le <a href="https://www.odilejacob.fr/catalogue/sciences-humaines/economie-et-finance/vraie-revolution-du-microcredit_9782738132468.php">microcrédit</a> a longtemps été pensé comme une aide à la création d’entreprise et de sortie de la pauvreté, il se révèle être surtout un crédit à la consommation, permettant au mieux de lisser dans le temps recettes et dépenses, au pire agissant comme un facteur de <a href="https://www.routledge.com/Microfinance-Debt-and-Over-Indebtedness-Juggling-with-Money/Guerin-Morvant-Roux-Villarreal/p/book/9780367110840">surendettement</a>.</p>
<h2>Le travail de la dette</h2>
<p>Les femmes des milieux populaires sont en première ligne de nouvelles formes de mise au travail générées par ce recours accru à la finance. Gestionnaires des budgets familiaux, elles se voient accaparées par la gestion et le refinancement des dettes, celles contractées en leur nom propre mais aussi bien souvent celles de l’ensemble de la famille.</p>
<p>Dans le contexte français, les ethnographies d’Ana Perrin-Heredia et de Camille François le montrent bien : les femmes gèrent le <a href="https://www.cairn.info/revue-societes-contemporaines-2009-4-page-95.htm">manque et les découverts</a> et sont les <a href="https://www.editionsladecouverte.fr/de_gre_et_de_force-9782348074301">premières cibles des huissiers</a> face aux retards de loyer.</p>
<p>Gérer la dette est un réel travail : les tâches sont routinières, chronophages, et mobilisent des compétences bien spécifiques. Au Tamil Nadu, ce « travail de la dette » implique par exemple de prendre en charge des transactions de remboursement mensuelles, hebdomadaires, <a href="https://econpapers.repec.org/paper/solwpaper/2013_2f290603.htm">voire journalières</a>. Il s’agit de jongler avec cinq, dix, quinze prêts à la fois, et de suivre ces écheveaux de dettes par une incessante gymnastique mentale, qui nécessite des calculs complexes basés sur des critères de prix et de sentiments.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/522985/original/file-20230426-22-5dn7fm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/522985/original/file-20230426-22-5dn7fm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/522985/original/file-20230426-22-5dn7fm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/522985/original/file-20230426-22-5dn7fm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/522985/original/file-20230426-22-5dn7fm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/522985/original/file-20230426-22-5dn7fm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/522985/original/file-20230426-22-5dn7fm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Une responsable de groupe de microcrédit : ce travail implique de tenir à jour une multitude de documents administratifs, très souvent des archives « papiers » dans les villages.</span>
<span class="attribution"><span class="source">I.Guérin</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Il faut aussi négocier les montants, les prix et les délais de remboursement, afin de les adapter à l’irrégularité et à l’imprévisibilité des revenus, et ce avec un large éventail de prêteurs et de prêteuses. Outre les organisations de microcrédit et les compagnies financières, les prêts proviennent d’une myriade de prêteurs du quartier ou des bourgs voisins, qu’il s’agisse de prêteurs sur gage ou ambulants, de boutiquiers, de l’élite locale, d’amies et de voisines ou encore de parents.</p>
<p>Assurer le travail de la dette, c’est aussi faire face à des remarques désobligeantes ou méprisantes de la part des prêteurs, parfois à des insultes, tout en gardant son calme. Ne pas honorer sa dette est un signe d’irresponsabilité, de frivolité et de mauvaise gestion et empêche de s’endetter à nouveau. Pour les prêteurs, quel que soit leur profil, salir les réputations est une arme redoutable d’incitation au remboursement.</p>
<p>Il faut enfin soigner son apparence et son attitude, pour apparaître comme une femme forte et déterminée, capable de rembourser ses dettes. Et si les moyens matériels manquent, il s’agit de <a href="https://anthrosource.onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1111/amet.12912">monnayer son corps</a> et d’entrer dans une myriade d’échanges dette-sexe, du sourire et des attouchements à la pénétration.</p>
<h2>Travailler <em>pour</em> la dette</h2>
<p>Le travail de la dette va souvent de pair avec un travail pour la dette, visant à trouver les fonds nécessaires au paiement de dettes et d’intérêts souvent exorbitants. <a href="https://diplomatique.org.br/a-esquerda-brasileira-sobre-as-brasas-do-credito/">Dans les favelas brésiliennes</a>, cela se traduit par un allongement des journées de travail, débordant sur les soirées et les dimanches. On jongle avec deux ou trois activités pour assurer les entrées d’argent liquide. Pour les hommes, il s’agit surtout de travailler sur des chantiers dans des conditions dégradées, sans protection sociale et pour un salaire inférieur au minimum légal.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/523055/original/file-20230426-28-9lwn8p.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="18 heures : Luna étend le linge après avoir passé une journée bien remplie entre le restaurant où elle cuisine (en haut de la favela) et les agences bancaires où elle finance son activité (en bas de la favela). Brésil" src="https://images.theconversation.com/files/523055/original/file-20230426-28-9lwn8p.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/523055/original/file-20230426-28-9lwn8p.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=800&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/523055/original/file-20230426-28-9lwn8p.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=800&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/523055/original/file-20230426-28-9lwn8p.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=800&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/523055/original/file-20230426-28-9lwn8p.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1005&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/523055/original/file-20230426-28-9lwn8p.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1005&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/523055/original/file-20230426-28-9lwn8p.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1005&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">18 heures : Luna étend le linge après avoir passé une journée bien remplie entre le restaurant où elle cuisine (en haut de la favela) et les agences bancaires où elle finance son activité (en bas de la favela). Brésil.</span>
<span class="attribution"><span class="source">T.Narring</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Pour les femmes, il peut s’agir d’activités extérieures à la maison, comme femmes de ménage, ou d’activités domestiques, comme la confection de vêtements ou de gâteaux vendus ensuite sur les marchés. C’est en particulier le lot des <a href="https://www.cairn.info/revue-terrains-et-travaux-2022-2-page-181.htm">grands-mères</a>, qui continuent à travailler après leur retraite et utilisent leur accès au crédit pour aider leurs enfants au chômage.</p>
<p>Le travail de la dette et le travail pour la dette représentent une immense source de dépossession pour les milieux populaires et de profit pour l’industrie financière, qui s’appuie sur le travail gratuit des femmes comme sur la captation d’une part considérable du revenu des familles : la part des intérêts représente 30 % au Tamil Nadu en 2016 selon l’enquête citée plus haut, 12 % au <a href="https://www.fecomercio.com.br/noticia/em-seis-meses-familias-gastaram-com-juros-o-equivalente-a-73-do-auxilio-emergencial-pago-em-2020-1">Brésil</a> en 2021.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/522986/original/file-20230426-518-aybvbw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/522986/original/file-20230426-518-aybvbw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/522986/original/file-20230426-518-aybvbw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/522986/original/file-20230426-518-aybvbw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/522986/original/file-20230426-518-aybvbw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/522986/original/file-20230426-518-aybvbw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/522986/original/file-20230426-518-aybvbw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/522986/original/file-20230426-518-aybvbw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Cahier de gestion des comptes tenu par une femme dans un village au Tamil Nadu, Inde.</span>
<span class="attribution"><span class="source">I. Guérin, 2021</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Cette exploitation ne saurait toutefois se résoudre à des logiques de prédation financière. Elle prend sa source dans un régime d’accumulation incapable d’assurer la reproduction sociale des travailleurs, où se combine à la fois l’incapacité du capital privé à fournir des salaires de subsistance et l’inefficacité de l’État à fournir une véritable protection sociale.</p>
<h2>Résistances féminines</h2>
<p>Sous des formes atténuées et diverses, on retrouve ces caractéristiques en Europe. En France, les réformes des retraites et de baisse du « coût du travail », menées dans un contexte d’austérité budgétaire, amplifient les difficultés des milieux populaires à « joindre les deux bouts ». Face à <a href="https://www.puf.com/content/Gilets_jaunes_la_r%C3%A9volte_des_budgets_contraints">ces contraintes</a> croissantes, le mouvement des « gilets jaunes » a mis en évidence la place centrale des mères dans la gestion des dettes (factures et crédits immobiliers notamment). Ces mobilisations montrent aussi que le « travail de la dette » est le support de résistances féminines et d’une parole politique, ancrée dans le quotidien des milieux populaires.</p>
<p>Car si les femmes sont des <a href="https://www.sup.org/books/title/?id=36559">actrices de l’ombre de la finance</a>, elles en sont aussi de ferventes opposantes. En <a href="https://tintalimon.com.ar/libro/una-lectura-feminista-de-la-deuda/">Argentine</a>, dans différents pays d’<a href="https://www.lepassagerclandestin.fr/catalogue/essais/nos-vies-valent-plus-que-leurs-credits/">Europe</a>, mais aussi au <a href="https://www.cadtm.org/Caravane-Internationale-contre-le-microcredit">Maroc</a>, au <a href="https://www.ft.lk/opinion/%E2%80%9CLife-and-blood%E2%80%9D-of-our-country--but-we-only-have-debt/14-696863">Sri-Lanka</a>, en <a href="https://m.thewire.in/byline/isabelle-guerin-nithya-joseph-and-g-venkatasubrama">Inde</a>, et probablement ailleurs, elles s’élèvent contre la violence de la dette et son poids excessif sur leurs épaules. Ces femmes militent activement pour l’annulation de la dette mais aussi pour des politiques sociales permettant d’éviter cet endettement chronique. Il est temps de les entendre.</p>
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<p><em>À lire aussi</em></p>
<ul>
<li><p><a href="https://theconversation.com/le-beau-travail-une-revendication-ouvriere-trop-souvent-oubliee-173446">Le beau travail, une revendication ouvrière trop souvent oubliée</a></p></li>
<li><p><a href="https://theconversation.com/le-travail-ultime-lieu-de-fabrique-de-la-politique-et-de-labstention-178668">Le travail, ultime lieu de fabrique de la politique et de l’abstention</a></p></li>
<li><p><a href="https://theconversation.com/penser-lapres-seule-la-reconversion-ecologique-pourra-eviter-la-deshumanisation-du-travail-138008">Penser l’après : seule la reconversion écologique pourra éviter la déshumanisation du travail</a></p></li>
<li><p><a href="https://theconversation.com/travailler-oui-mais-pour-pouvoir-aussi-se-realiser-en-dehors-199613">Travailler oui mais pour pouvoir aussi se réaliser en dehors</a></p></li>
</ul><img src="https://counter.theconversation.com/content/204323/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Dans différentes régions du monde, la gestion des dettes au quotidien représente un réel travail, principalement assumé par les femmes.Isabelle Guérin, Directrice de recherche à l'IRD-Cessma (Université de Paris), affiliée à l’Institut Français de Pondichéry, Institut de recherche pour le développement (IRD)Elena Reboul, Post-doctorante, Centre d'études de l'emploi et du travail, Conservatoire national des arts et métiers (CNAM)Timothée Narring, ethnographe et sociologue de l'endettement des milieux populaires, Cessma, Université Paris CitéLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2043842023-04-25T22:49:32Z2023-04-25T22:49:32ZLa réforme des retraites, un court répit pour les finances publiques<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/522573/original/file-20230424-23-xm8aau.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=62%2C5%2C1113%2C792&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Des hausses d’impôt sont-elles à prévoir&nbsp;?
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/129231073@N06/27734592992">Fred Romero/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Après une longue séquence de manifestations très majoritairement soutenue par la population et un parcours législatif particulièrement chaotique, la <a href="https://theconversation.com/fr/topics/reforme-des-retraites-82342">réforme des retraites</a> a été validée dans ses grandes lignes le 14 avril 2023 <a href="https://www.conseil-constitutionnel.fr/actualites/loi-de-financement-rectificative-de-la-securite-sociale-pour-2023">par le Conseil constitutionnel</a>.</p>
<p>Le Conseil a d’abord jugé que le recours à un projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale (PLFRSS) n’était pas subordonné à l’urgence, à des circonstances exceptionnelles ou à un déséquilibre majeur des comptes sociaux. Sur le fond, concernant la mesure-phare du texte, le recul de l’âge légal de 62 ans à 64 ans, le <a href="https://theconversation.com/fr/topics/conseil-constitutionnel-25234">Conseil constitutionnel</a> a rappelé qu’en adoptant ces dispositions, le législateur a entendu assurer l’équilibre financier du système de retraite par répartition pour en garantir la pérennité.</p>
<p>Les « sages » de la rue de Montpensier ont également estimé que la réforme permettait des retraites anticipées pour les carrières longues, les personnes en incapacité au travail ou encore les travailleurs handicapés. Des mesures qui vont légèrement limiter la réponse au besoin de financement du système social français qui constituait l’un des objectifs de la réforme. Le président de la République, Emmanuel Macron, avait ainsi évoqué des « <a href="https://www.lemonde.fr/politique/article/2023/03/16/reforme-des-retraites-macron-invoque-des-risques-financiers-trop-grands-pour-justifier-le-49.3_6165798_823448.html">risques financiers trop grands</a> » pour justifier le recours au 49.3 mi-mars.</p>
<h2>Une réforme un peu plus équitable que le projet initial</h2>
<p>Preuve de l’utilité du travail parlementaire, les débats des deux assemblées ont permis d’amender le projet de loi vers un peu plus d’équité sans trop en perturber l’équilibre financier global. Ainsi la revalorisation des petites retraites s’appliquera non seulement aux nouveaux retraités mais également à tous les retraités actuels qui ont eu une carrière complète. Un retraité qui a travaillé au smic toute sa vie touchera donc une pension de près de 1 200 euros brut, soit 85 % du salaire minimum net (sachant qu’aux environs du smic il n’y a <a href="https://www.service-public.fr/particuliers/actualites/A15517">pas ou peu de différence entre le brut et le net</a>). Selon le Sénat, <a href="https://www.senat.fr/rap/l22-375/l22-3751.pdf">1,8 million de retraités</a>, dont 60 % de femmes, bénéficieront d’une majoration pour un gain mensuel moyen de 33 euros. Parmi ceux-ci 125 000 retraités obtiendront une hausse de 100 euros par mois.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/retraites-lallongement-de-la-duree-du-travail-la-moins-mauvaise-des-solutions-198519">Retraites : l’allongement de la durée du travail, la moins mauvaise des solutions ?</a>
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<p>L’amélioration la plus significative par rapport au projet initial concerne les carrières longues. Celles et ceux qui auront commencé à travailler avant 16 ans pourront partir à taux plein dès 58 ans, à 60 ans pour un début de carrière entre 16 et 18 ans et à 62 ans entre 18 et 20 ans.</p>
<p>Quant aux personnes handicapées, elles pourront désormais solder leur retraite à 55 ans à taux plein dès que leur taux de handicap dépasse les 50 % (<a href="https://www.faire-face.fr/2023/03/21/reforme-retraites-peu-changements-travailleurs-handicapes/">contre 80 % actuellement</a>). Les personnes invalides ou inaptes pourront toujours partir à 62 ans voire à 50 ans pour celles qui ont été reconnues exposées à l’amiante.</p>
<p>Au nom de la politique familiale, la majoration de pension pour familles nombreuses d’au moins trois enfants est étendue aux professions libérales et les mères qui auront atteint la durée de cotisation nécessaire pour partir à taux plein dès 63 ans bénéficieront après cet âge d’une surcote pouvant aller jusqu’à 5 %.</p>
<h2>Des inégalités persistantes selon les secteurs</h2>
<p>Après cette réforme, la classe politique bénéficie toujours d’avantages exorbitants du droit commun. Même si leur régime est depuis 2018 aligné sur celui des fonctionnaires, les députés continueront de bénéficier d’un <a href="https://www2.assemblee-nationale.fr/decouvrir-l-assemblee/folder/les-deputes/le-statut-des-deputes/la-remuneration-des-deputes2">droit à une pension mensuelle de 684 euros net</a> pour chaque mandat de 5 ans. Quant au président de la République, il touche dès la fin de son mandat une pension d’<a href="https://www.lopinion.fr/politique/retraite-macron-na-toujours-pas-mis-fin-au-privilege-presidentiel">environ 5 200 euros net mensuels</a>. Mais l’inéquité la plus extravagante est sans conteste la retraite des sénateurs qui reste une oasis intouchable. Leur régime est d’ailleurs tellement opaque que même les concernés <a href="https://www.mediapart.fr/journal/france/220323/retraite-secrete-des-senateurs-gerard-larcher-ne-lache-toujours-rien">ne peuvent en connaître les règles de calcul</a>.</p>
<p>D’autres corporations bénéficient également de régimes de faveur. C’est le cas du transport aérien, les contrôleurs aériens et les personnels navigants des compagnies aériennes ayant <a href="https://www.lesechos.fr/industrie-services/tourisme-transport/comment-le-gouvernement-a-lache-sur-les-retraites-dans-le-transport-aerien-pour-assurer-la-paix-sociale-1922050">obtenu des garanties gouvernementales en amont de la réforme</a>. Si les régimes spéciaux les plus importants (RATP, Industries électriques et gazières) sont désormais mis en extinction, les salariés embauchés avant le 1<sup>er</sup> septembre 2023 conserveront leurs avantages.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/regimes-speciaux-quel-cout-pour-letat-128826">Régimes spéciaux : quel coût pour l’État ?</a>
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<p>Enfin les transporteurs routiers garderont jusqu’en 2030 leur congé de fin d’activité permettant de cesser le travail cinq ans avant l’âge légal en conservant de 80 à 100 % de leur salaire, pour un coût de <a href="https://www.lesechos.fr/industrie-services/tourisme-transport/retraites-comment-le-gouvernement-a-evite-les-blocages-massifs-de-chauffeurs-routiers-1914033">l’ordre de 1 milliard d’euros par an</a>.</p>
<h2>Pas de forte réduction du déficit public</h2>
<p>Au bilan, selon l’analyse de l’Institut Rexecode publiée le 18 avril 2023, l’allongement de la durée du travail et l’accélération de la réforme de 2014 devraient réduire les dépenses des régimes de retraite de <a href="https://www.lesechos.fr/industrie-services/tourisme-transport/retraites-comment-le-gouvernement-a-evite-les-blocages-massifs-de-chauffeurs-routiers-1914033">14 milliards d’euros en 2030</a> et les mesures d’exemption et d’accompagnement coûter 7 milliards, soit une économie d’environ 7 milliards d’euros. Le surplus de recettes pouvant être estimé à 6 milliards, l’effet de la réforme serait donc de 13 milliards d’euros en 2030, soit 0,4 % du PIB, ce qui assurerait à peu près l’équilibre du système.</p>
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<p>La réforme des retraites améliorera également les recettes publiques d’environ 18 milliards d’euros soit, après prise en compte de moindres dépenses de retraite de 4 milliards, une réduction du déficit de 22 milliards en 2030 ou 0,6 % du PIB. Cette économie reste toutefois très insuffisante pour réduire significativement le déficit structurel actuellement à 5 % du PIB soit <a href="https://theconversation.com/letrange-estimation-gouvernementale-du-deficit-structurel-francais-en-2020-155089">l’un des niveaux plus élevés en Europe</a>.</p>
<h2>Inévitables hausses d’impôts à venir ?</h2>
<p>Dans ces conditions, les prochains gouvernements vont devoir à la fois limiter les dépenses publiques et trouver de nouveaux prélèvements obligatoires pour faire fondre le déficit. La piste la plus vraisemblable est celle de la réduction des niches fiscales illégitimes à commencer par celle des retraités qui n’ont pas été mis à contribution avec cette réforme alors même que <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/4922950">leur niveau de vie est supérieur à celui des actifs</a>.</p>
<p>Le relèvement de la CSG sur les pensions les plus élevées semble inévitable pour faire cesser l’injustice permettant à un retraité touchant une pension de 5 000 euros ou plus par mois de n’acquitter que 8,3 % de CSG alors qu’un salarié au smic verse 9,2 %. L’abattement pour frais professionnels (sic) de 10 % sur les pensions plafonné à 4 123 euros par foyer en 2022 est également une niche qui coûte 4,2 milliards d’euros par an à l’État, par nature régressive puisqu’elle ne profite qu’aux foyers imposables, et sans aucune légitimité.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/pourquoi-est-il-si-difficile-de-reformer-les-niches-fiscales-191801">Pourquoi est-il si difficile de réformer les niches fiscales ?</a>
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<p>Enfin, les pensions des retraités fiscalement domiciliés hors de France qui échappent aux prélèvements sociaux (jusqu’à 10,1 % de la pension brute) pourraient voir leur cotisation d’assurance maladie (COTAM) actuellement de 3,2 % augmenter.</p>
<p>Concernant les actifs, déjà mis à contribution par la réforme, l’exonération fiscale et sociale des heures supplémentaires (environ 2 milliards de pertes de recettes publiques par an) dont la légitimité est plus que douteuse pourrait être remise en cause. Il en est de même de l’exonération des sommes versées au titre de la participation et de l’intéressement (également 2 milliards).</p>
<p>Quelles que soient les hypothèses démographiques et économiques, le maintien d’un très haut niveau de protection sociale voulu par les Français et qui se traduit toujours par l’espérance de vie en retraite la <a href="https://www.economist.com/graphic-detail/2023/03/27/retirement-has-become-much-longer-across-the-rich-world">plus élevée au monde</a> a un prix qu’il faudra bien payer.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/204384/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Éric Pichet ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les nouvelles mesures devraient engendrer une réduction du déficit public de 0,6 % du PIB, bien loin des 5 % de déficit structurel qu’enregistre aujourd’hui la France.Éric Pichet, Professeur et directeur du Mastère Spécialisé Patrimoine et Immobilier, Kedge Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1970782023-01-03T20:09:23Z2023-01-03T20:09:23ZFinance : pourquoi les obligations protégées de l’inflation souffrent quand même de la hausse des prix<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/502677/original/file-20221227-89077-t5j4h9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=5%2C5%2C1270%2C896&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">L'inflation monte en flèche, mais les investisseurs ne semblent pas pour autant demandeurs sur les marchés secondaires des obligations qui la prennent en considération.</span> <span class="attribution"><span class="source">Gerd Altmann / Pixabay</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>La chose semble paradoxale. L’inflation a augmenté de manière inédite, à un <a href="https://www.francetvinfo.fr/economie/inflation/l-inflation-va-grimper-a-7-en-debut-d-annee-2023-selon-l-insee_5546121.html">taux annuel de 6,2 %</a> en 2022 en France (l’Insee anticipe même 7 % sur un an en janvier 2023) : on pourrait alors penser que des titres un peu particuliers, les obligations indexées sur cet indicateur, suivent le mouvement. Puisque leur valeur est protégée de la hausse des prix, elles devraient logiquement être plus demandées et voir leur prix augmenter.</p>
<p>Et pourtant c’est le contraire que l’on observe. L’<a href="https://www.aft.gouv.fr/en/oatis-key-figures">indice global</a> des cours des obligations publiques françaises indexées sur l’inflation, a baissé de 8,45 % depuis le début de l’année. Sur la même période, le même indice aux États-Unis a lui baissé de 11,17 %.</p>
<p><iframe id="gcV23" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/gcV23/3/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Comment l’expliquer ? Pour comprendre, ce qu’il se passe, il est tout d’abord utile d’examiner le cas plus simple des obligations ordinaires.</p>
<p>Une obligation est un titre de dettes, valable un temps donné, distribué lorsqu’un investisseur prête de l’argent. Elle confère à son détenteur le droit de recevoir une somme périodique nommée « coupon » et, à la maturité, le remboursement de ce que l’on appelle le « principal ».</p>
<h2>Des paramètres fixes dans le temps, mais des exigences qui évoluent</h2>
<p>Lorsque les perspectives d’inflation augmentent, l’investisseur exige des taux de rendement plus élevés pour plusieurs raisons.</p>
<p>D’une part, il essaie de préserver le pouvoir d’achat des capitaux qu’il prête. Au moment où la dette lui est remboursée, il ne faut pas qu’il puisse acheter moins avec son argent par rapport au moment où il l’a prêté, ce qui est le cas quand les prix augmentent et que le montant de cet argent reste le même.</p>
<p>D’autre part, en période d’inflation, il s’attend à ce que les banques centrales augmentent les taux courts pour lutter le phénomène. L’estimation de ce qu’il obtiendrait par une succession de placements à court terme augmente, ce qui le conduit à hausser le rendement qu’il exige sur les obligations à long terme.</p>
<p>Une obligation est souvent émise « au pair », c’est-à-dire à un prix initial égal au principal. Dans ce cas, le coupon est calibré pour qu’il représente, en pourcentage du principal, le taux de rendement exigé par l’investisseur lors de l’émission. Ce taux de rendement exigé d’une obligation ordinaire est nominal. Ce rendement est obtenu en additionnant un taux réel exigé et une perspective d’inflation.</p>
<p>Cependant, alors que ces paramètres, les montants du coupon et du principal, sont calibrés une fois pour toutes, les exigences de l’investisseur, elles, vont évoluer au cours de la durée de vie de l’obligation. La solution pour lui est alors de se tourner vers les marchés secondaires, là où les investisseurs se rachètent et revendent des titres entre eux.</p>
<p>La variable qui y permettra un ajustement aux exigences de l’investisseur est le prix de l’obligation. Pour que le coupon et le principal, qui sont tous les deux fixes, produisent le taux de rendement exigé quand celui-ci augmente, alors le cours de l’obligation doit baisser. En effet, si l’on souhaite obtenir une différence relative plus importante entre son investissement au départ et ce que l’on touche à l’arrivée, et si ce que l’on touche à l’arrivée ne peut varier, alors il faut que ce que l’on investit au départ diminue.</p>
<p>On comprend donc pourquoi, lorsque les rendements exigés par les investisseurs augmentent suite à une hausse de l’inflation, les prix des anciennes obligations diminuent sur le marché secondaire.</p>
<h2>Quand l’inflation engendre une baisse des prix</h2>
<p>Revenons maintenant à notre cas plus spécifique, celui d’une obligation indexée. Elle est également émise avec un principal et un coupon décidés à l’avance et inchangés ultérieurement mais son fonctionnement diffère d’une obligation ordinaire de plusieurs manières. D’abord, à la maturité, les détenteurs sont remboursés du principal augmenté de l’inflation cumulée depuis l’émission. Le coupon de chaque période est lui augmenté de l’inflation cumulée jusqu’alors. Un coupon réel en pour cent est en effet appliqué au principal indexé de l’obligation.</p>
<p>Pour le cas simple d’une inflation annuelle constante, cela implique que le taux de rendement nominal d’une obligation indexée est égal à l’addition du coupon réel en pour cent et du taux d’inflation réalisée, quelle qu’elle soit. Le coupon réel en pour cent, décidé à l’émission, est donc un taux de rendement réel garanti, quelle que soit l’inflation ultérieure. Il est choisi pour correspondre au taux de rendement réel exigé par les investisseurs lors de l’émission.</p>
<p>En France, environ <a href="https://www.ouest-france.fr/economie/budget/pourquoi-l-etat-a-12-de-ses-dettes-indexees-sur-l-inflation-aa83af82-3a71-11ed-b21b-a9a4fa94aa00">12 % de la dette publique</a> est émise sous cette forme, ce qui explique en partie que les intérêts à payer, le « service de la dette », aient significativement augmenté en 2022.</p>
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<p>Aussi longtemps que le taux de rendement réel exigé par les investisseurs se trouve inchangé, et quelles que soient les variations de l’inflation, le prix de l’obligation indexée va donc rester constant sur le marché secondaire. Mais évidemment le taux de rendement réel exigé par les investisseurs évolue de manière continue en fonctions de toute une série de facteurs autres que l’inflation. Et comme le principal à indexer et le coupon réel en pour cent restent inchangés jusqu’à la maturité, c’est une nouvelle fois le prix de l’obligation sur le marché secondaire qui s’ajustera.</p>
<p>Si le taux de rendement réel exigé était resté constant depuis le début de l’année, le cours des obligations indexées serait resté inchangé, alors même que l’inflation a fortement augmenté. Si les obligations indexées ont baissé depuis le début de l’année, c’est parce que le taux de rendement réel exigé par les investisseurs a augmenté.</p>
<p>L’augmentation du taux de rendement réel exigé par les investisseurs peut s’expliquer partiellement par un effet indirect de l’inflation qui a détérioré les perspectives de croissance. Les investisseurs sont devenus plus sensibles au risque, les dettes des États moins solides et les taux à court terme réels attendus à la suite de la réaction des banques centrales plus élevés. Il y a bien sûr d’autres causes que l’inflation, mais cet effet paradoxal, une inflation qui engendre une baisse de prix, méritait d’être signalé.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/197078/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Eric Dor ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Le contexte actuel devrait favoriser les produits financiers censés comporter des protections face à la flambée des prix. Or, leurs cours ne cessent de baisser. Pourquoi ?Eric Dor, Director of Economic Studies, IÉSEG School of ManagementLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1932362022-10-27T17:42:16Z2022-10-27T17:42:16ZFosun : la maison mère du Club Med face au mur de la dette<p>Connu en France pour ses participations dans le Club Méditerranée, le groupe de luxe Lanvin (qui comprend également les maisons Sergio Rossi ou Wolford) ou la margarine Saint-Hubert, Fosun, le conglomérat du milliardaire chinois Guo Guangchang, connaît des <a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2022/09/15/doutes-sur-la-solidite-financiere-du-chinois-fosun-le-proprietaire-du-club-med_6141703_3234.html">difficultés financières majeures</a>. Ces difficultés récentes se sont d’ailleurs traduites par une dégradation importante de son cours boursier (<a href="https://finance.yahoo.com/quote/0656.HK/">-45 % en un an</a> quand l’indice Hang Seng de la bourse de <a href="https://theconversation.com/fr/topics/hongkong-35661">Hongkong</a> <a href="https://fr.finance.yahoo.com/quote/%5EHSI/">baissait de 34 %</a>).</p>
<p><iframe id="Plu0J" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/Plu0J/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p><iframe id="82wyp" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/82wyp/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Fondé en 1992 avec un siège social à Shanghai, une cotation boursière à Hongkong et une holding de tête dans les îles Vierges britanniques, le groupe s’est constitué par rachats successifs. Il est aujourd’hui présent dans de très nombreux domaines d’activité : finance, banque, assurance, sidérurgie, divertissement, tourisme, santé, etc. et emploie près de <a href="https://www.fosun.com/fr/about/">96 000 personnes</a>.</p>
<h2>Une dégradation importante de la solvabilité</h2>
<p>L’origine de ses difficultés est à rechercher du côté de la dégradation de sa situation financière avec une érosion de sa marge d’exploitation. Ce ratio, qui rapporte le résultat d’exploitation (issu de la production seulement) au chiffre d’affaires et mesure ainsi la performance opérationnelle devient négatif à partir de 2019. La rentabilité du conglomérat apparaît ainsi davantage d’ordre financier qu’économique, celle-ci étant dopée par un effet de levier, c’est-à-dire à un recours à l’endettement plutôt qu’aux capitaux propres pour financer ses investissements.</p>
<p><iframe id="X27St" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/X27St/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Cette situation se combine avec un chiffre d’affaires en forte croissance (+18 % en 2021). Cette hausse de l’activité nécessite d’accroître le recours à la dette et accentue la détérioration de la solvabilité de Fosun. La capacité de remboursement ne cesse ainsi de se dégrader avec une dette financière nette représentant 14,3 années d’ebitda (bénéfice avant intérêts, impôts, dépréciation et amortissement) à la fin 2021, bien au-delà des 3 à 5 ans communément admis comme un maximum.</p>
<p><iframe id="84qQ0" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/84qQ0/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Cela a d’ailleurs conduit les agences de notation à placer les émissions de dettes de Fosun dans la catégorie spéculative, voire hautement spéculative : B1 pour Moody’s et BB – pour Standard & Poor’s. Comme le note Bloomberg, cela s’est traduit par une <a href="https://www.bloomberg.com/news/articles/2022-10-17/fosun-intl-halts-trading-pending-inside-information-release?leadSource=uverifywall">dégradation nette de la valorisation</a> de certaines des émissions obligataires de Fosun qui pour certaines sont cotées à moins de 60 % de leur valeur faciale.</p>
<p>En outre, la liquidité même de Fosun pourrait être compromise selon Bloomberg car à la mi-septembre, Fosun International et les entités liées faisaient face à quelque 8 milliards de dollars d’obligations à échéance d’ici la fin de 2023. L’annonce, le 24 octobre, que Fosun mettait <a href="https://en.fosun.com/content/details74_6968.html">fin à sa relation avec Moody’s</a> n’est pas non plus de nature à rassurer les investisseurs car ce n’est pas en cassant le thermomètre que l’on fait chuter la température.</p>
<h2>La fin de l’effet de levier</h2>
<p>Au cours de l’année 2022, Fosun s’est séparé de nombreux actifs pour un montant estimé à <a href="https://www.ft.com/content/1d8dfd40-5302-4f14-a673-3aad425ee49a">près de 5 milliards de dollars</a>, selon le Financial Times. Fosun a ainsi annoncé le 19 octobre se séparer de sa participation de 60 % dans le groupe sidérurgiste Nanjing Iron & Steel Co pour 16 milliards de yuans, soit <a href="https://www.lesechos.fr/industrie-services/services-conseils/en-difficultes-fosun-le-proprietaire-du-club-med-accelere-ses-cessions-dactifs-1871210">2,26 milliards d’euros</a>.</p>
<p>Dans sa dernière mise sous surveillance, Moody’s signale d’ailleurs la <a href="https://www.moodys.com/research/Moodys-places-Fosuns-B1-rating-on-review-for-downgrade--PR_469984">nécessité pour Fosun de lever des fonds</a> soit par le biais de banques ou de ventes d’actifs pour répondre adéquatement à ses besoins de refinancement avec le risque de se séparer à prix cassés d’actifs intéressants dans une période économique incertaine. Et le groupe serait en négociation avec des banques chinoises pour obtenir une <a href="https://www.ft.com/content/1d8dfd40-5302-4f14-a673-3aad425ee49a">ligne de crédit de 2 milliards de dollars</a>.</p>
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<p>Comme l’indique le <a href="https://www.ft.com/content/1d8dfd40-5302-4f14-a673-3aad425ee49a">Financial Times</a>, Fosun est devenu un exemple des problèmes des entreprises qui sont surendettées. Le levier financier qui permettait jusqu’ici d’optimiser la rentabilité financière grâce à la dette pourrait se transformer en effet de massue et mettre en danger la pérennité des entreprises qui y ont eu trop recours.</p>
<p>En effet, ces entreprises ont bénéficié de deux phénomènes concomitants qui ont favorisé leur propension à l’endettement. D’une part, une croissance économique solide jusqu’à la pandémie du Covid-19 leur permettant de dégager des marges et une rentabilité confortables. D’autre part, des taux d’intérêt très faibles et un accès aisé à l’endettement favorisés par les politiques accommodantes des banques centrales. Mais cette situation a pris fin avec la dégradation généralisée des perspectives économiques et un <a href="https://theconversation.com/fed-et-bce-deux-rythmes-mais-une-meme-strategie-contre-linflation-185059">resserrement des politiques monétaires</a> pour lutter contre l’inflation se traduisant par un durcissement des conditions de financement, une hausse des taux d’intérêt et donc du coût de l’endettement.</p>
<p>On avait déjà pu constater que, parmi les entreprises les plus touchées par la crise du Covid-19, certaines avaient eu du mal à s’en relever en raison d’un <a href="https://theconversation.com/pour-les-fonds-vautours-le-black-friday-cest-maintenant-150853">usage intensif du levier financier</a>. Ce problème pourrait s’étendre aujourd’hui à beaucoup plus d’entreprises qui font face à un effet ciseau. D’un côté, l’ensemble des secteurs sont touchés notamment par le renchérissement du prix de l’énergie qui dégrade leurs fondamentaux et de l’autre les conditions de financement se sont également détériorées pour toutes.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/193236/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jérôme Caby est Délégué Général de la FNEGE (Fondation Nationale pour l'Enseignement de la Gestion des Entreprises)</span></em></p>Les déboires du conglomérat chinois illustrent les difficultés actuelles des entreprises qui ont misé ces dernières années sur le levier financier en s’endettant lourdement.Jérôme Caby, Professeur des Universités, IAE Paris – Sorbonne Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1926912022-10-20T15:11:06Z2022-10-20T15:11:06ZBonnes feuilles : « Déclin et chute du néolibéralisme »<p><em>Depuis la crise de 2008, l’idée selon laquelle les banques centrales peuvent se limiter à des interventions monétaires dépolitisées a complètement été remise en cause. Les politiques de taux zéro adoptées dans les pays développés à la suite de la crise financière de 2008, mais surtout les pratiques non conventionnelles dites de « quantitative easing » (<a href="https://theconversation.com/fr/topics/assouplissement-quantitatif-84573">« assouplissement quantitatif »</a>) ont permis aux banquiers centraux d’intervenir directement au sein des marchés financiers et les ont transformés en véritables acteurs politiques.</em></p>
<p><em>Dans ce texte, extrait de</em> <a href="https://www.deboecksuperieur.com/ouvrage/9782807338616-declin-et-chute-du-neoliberalisme">Déclin et chute du néolibéralisme</a> <em>(De Boeck Supérieur, 2022), l’économiste David Cayla étudie le renouveau des théories monétaires dans le monde académique. Il s’interroge sur l’affaiblissement de la pensée monétariste développée dans les années 1960 par Milton Friedman et Anna Schwartz et sur les difficultés des approches hétérodoxes à s’imposer. Selon lui, le problème réside dans la difficulté qu’elles rencontrent à concevoir un cadre économique plus général sur lequel s’appuyer.</em></p>
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<p>Depuis quelques années, les questions monétaires ont été remises sur le devant de la scène par de <a href="https://www.veblen-institute.org/La-monnaie-helicoptere-contre-la-depression-dans-le-sillage-de-la-crise.html">nombreux chercheurs</a>. C’est une conséquence de la crise financière. Avec la faillite de Lehman Brothers, en septembre 2008, les économistes se sont trouvés confrontés à un évènement de « crise systémique », une situation théorique qui ne s’était encore jamais produite à une telle échelle.</p>
<p>L’apparition des cryptomonnaies ou le développement des monnaies complémentaires locales ont montré que la nature de la monnaie pouvait être questionnée et que d’autres mécanismes de paiement ou d’épargne pouvaient apparaitre et concurrencer les systèmes bancaires traditionnels. Plus largement, le monde académique prit conscience, dans les années 2010, que les systèmes monétaires soulevaient de nombreuses questions qui avaient été négligées par la pensée monétariste.</p>
<p>Au sein des économistes hétérodoxes, ce regain d’intérêt intellectuel pour les questions monétaires prit la forme d’une nouvelle approche, la « théorie monétaire moderne » soit, en version originale, la « modern monetary theory » (MMT).</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/490160/original/file-20221017-8454-sx0w56.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/490160/original/file-20221017-8454-sx0w56.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/490160/original/file-20221017-8454-sx0w56.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=891&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/490160/original/file-20221017-8454-sx0w56.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=891&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/490160/original/file-20221017-8454-sx0w56.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=891&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/490160/original/file-20221017-8454-sx0w56.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1119&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/490160/original/file-20221017-8454-sx0w56.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1119&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/490160/original/file-20221017-8454-sx0w56.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1119&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<p>Telle qu’elle est formulée par l’économiste américaine Stephanie Kelton dans <a href="http://www.editionslesliensquiliberent.fr/livre-Le_mythe_du_d%C3%A9ficit-9791020909732-1-1-0-1.html">Le Mythe du déficit</a>, paru en 2021, la MMT relève davantage d’une nouvelle façon de présenter la relation entre État et monnaie que d’une <a href="https://blogs.mediapart.fr/henri-sterdyniak/blog/170321/propos-de-l-ouvrage-de-stephanie-kelton-le-mythe-du-deficit">théorie originale</a>. Pour la présenter brièvement, cette approche repose sur deux grands principes. Le premier est que la monnaie contemporaine n’étant plus indexée sur un actif réel tel que l’or, il n’y a plus de limite au pouvoir de création monétaire. Le second principe est que l’émetteur exclusif de cette monnaie est la banque centrale, c’est-à-dire l’État. Il résulte de ces deux principes qu’un État ne peut faire faillite et qu’il n’a pas besoin de trouver des recettes pour couvrir ses dépenses puisqu’il peut se financer lui-même via sa propre banque centrale.</p>
<p>Dès le début de son ouvrage, Kelton précise toutefois que sa théorie n’est valable que pour les États monétairement souverains, c’est-à-dire qui sont essentiellement financés par de l’épargne domestique, ce qui exclut les pays en voie de développement dont les systèmes financiers sont dépendants de l’extérieur et les pays de la zone euro. Elle précise également qu’affirmer que l’État peut se financer lui-même sans limite ne signifie pas qu’il n’y aurait aucune contrainte à la dépense publique. Seulement, cette limite n’est pas financière mais réelle. En effet, si un État dépense trop, il détourne des emplois et des ressources de la sphère privée vers la sphère publique, ce qui peut avoir pour effet de diminuer la disponibilité de l’offre marchande et des biens de consommation.</p>
<h2>Réhabiliter la dépense publique</h2>
<p>Lorsqu’on va au bout de la logique de la MMT, on comprend que la dette et les déficits publics n’ont pas l’importance qu’on leur accorde dans le débat public. La dette publique, explique Kelton, n’est pas d’une nature profondément différente de la monnaie publique. C’est seulement une forme de monnaie qui rapporte des intérêts à son détenteur.</p>
<p>La MMT renverse la logique et les raisonnements monétaristes. Elle affirme que ce n’est pas la <a href="https://theconversation.com/fr/topics/politique-monetaire-39994">politique monétaire </a>qui est à l’origine de l’inflation mais la politique budgétaire ; que le problème n’est pas tant l’accroissement de la masse monétaire que la raréfaction de l’offre de marchandises. De même, l’effet d’éviction entre les secteurs public et privé ne relèverait pas d’un problème financier, mais de l’économie réelle. En effet, du point de vue de la MMT, tant qu’il y a des chômeurs à employer, la dépense publique ne risque pas de se faire au détriment du secteur privé puisque l’existence du chômage démontre que des ressources productives disponibles n’ont pas été utilisées par le secteur marchand.</p>
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<p>Finalement, ce que permet la MMT c’est surtout de réhabiliter la politique budgétaire et de montrer l’importance des interventions discrétionnaires publiques dans l’économie. Ainsi, à l’opposé des principes monétaristes, Kelton défend l’utilité de l’interventionnisme et affirme la nécessité de piloter politiquement l’économie.</p>
<h2>Une approche théorique incomplète</h2>
<p>Si les propositions de la MMT sont intellectuellement stimulantes dans leur manière de renverser la logique monétariste, elles ne font <a href="https://blogs.mediapart.fr/henri-sterdyniak/blog/170321/propos-de-l-ouvrage-de-stephanie-kelton-le-mythe-du-deficit">pas l’unanimité</a>, y compris parmi ceux qui sont opposés aux monétaristes. Ainsi, l’économiste keynésien Henri Sterdyniak, membre du collectif des Économistes atterrés, en fait une <a href="https://blogs.mediapart.fr/henri-sterdyniak/blog/170321/propos-de-l-ouvrage-de-stephanie-kelton-le-mythe-du-deficit">analyse critique</a> intéressante sur son blog. Selon lui, Stephanie Kelton omet de préciser que sa théorie n’est valable qu’en période de sous-emploi.</p>
<p>De plus, il apparait très compliqué d’utiliser l’emploi public comme un mécanisme de stabilisation du chômage. Cela supposerait qu’on recrute en période de sous-emploi, mais qu’en période de plein-emploi et de tension inflationniste, l’État devrait se séparer d’une partie des personnes embauchées précédemment afin de permettre au secteur privé de les recruter.</p>
<p>Plus fondamentalement, Sterdyniak note que la vision proposée par Kelton est incomplète. En premier lieu, en se focalisant sur le rôle de la banque centrale en tant qu’institution émettrice de monnaie, elle oublie le rôle pourtant central des banques et du crédit bancaire dans le processus de création monétaire. De même, le rôle des marchés financiers et les contraintes liées à la mondialisation sont sous-estimés.</p>
<p>Enfin, la dernière limite de la MMT concerne le souverainisme monétaire. Kelton le pose comme principe de sa théorie, mais elle n’en explique pas toutes les conditions. La tâche fondamentale incombant à la MMT ne devrait pas être de résoudre des problèmes de financement public dont elle affirme qu’ils n’existent pas. Elle devrait être d’expliquer comment créer les conditions d’une véritable souveraineté monétaire dans tout pays dont la monnaie n’est pas le dollar américain. Cette tâche est théoriquement simple, mais pratiquement très délicate. Il faudrait limiter le taux d’ouverture des économies, c’est-à-dire instaurer des politiques protectionnistes pour diminuer les échanges commerciaux avec l’étranger et produire davantage localement.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/490159/original/file-20221017-6604-nghkc3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/490159/original/file-20221017-6604-nghkc3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/490159/original/file-20221017-6604-nghkc3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=880&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/490159/original/file-20221017-6604-nghkc3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=880&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/490159/original/file-20221017-6604-nghkc3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=880&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/490159/original/file-20221017-6604-nghkc3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1106&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/490159/original/file-20221017-6604-nghkc3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1106&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/490159/original/file-20221017-6604-nghkc3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1106&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<p>Il faudrait aussi instaurer un contrôle des changes pour éviter toute fuite des capitaux et orienter prioritairement l’épargne nationale vers des investissements intérieurs. Il faudrait, en somme, démondialiser, isoler en partie les économies des circuits commerciaux et financiers internationaux. Sans un relatif isolement économique, il est difficile de faire de la MMT une solution praticable pour la plupart des pays.</p>
<p>Ce qu’il faut retenir de ce qui précède n’est pas que la MMT serait sans intérêt pratique ou théorique, mais plutôt qu’elle ne constitue pas une réponse magique qui permettrait de résoudre par miracle toutes les difficultés économiques d’un pays. Elle n’est, en vérité, qu’une réponse partielle qui suppose des conditions tout à fait particulières pour être mise en œuvre. C’est d’ailleurs le cas de toutes les politiques alternatives au monétarisme. Aucune n’est entièrement satisfaisante. Toutes manquent, pour être vraiment opérationnelles et crédibles, d’un élément dont seul le monétarisme dispose : une relation symbiotique avec le mode de fonctionnement général de la société.</p>
<h2>Le poids des institutions</h2>
<p>Une politique n’est réellement praticable que si elle est menée dans un cadre institutionnel adapté, c’est-à-dire si elle est cohérente avec l’ensemble des règles formelles et informelles qui participent à l’organisation des comportements sociaux.</p>
<p>Le rôle des institutions est d’organiser la coordination des comportements dans la durée. Les institutions sont premières. Elles définissent les limites et les conditions de tous les comportements possibles. Les individus choisissent par la suite leurs comportements dans le cadre et les limites ainsi posées.</p>
<p>La pensée néolibérale est non seulement inscrite dans les institutions formelles, c’est-à-dire dans les textes de loi, dans les constitutions et le fonctionnement de certaines administrations, mais elle est encore plus fortement incrustée dans les habitudes, les représentations et les idéologies.</p>
<p>Le problème avec les politiques alternatives qui entendent rompre avec le monétarisme, c’est que ceux qui les ont conçues n’ont pas de théorie globale leur permettant de comprendre le fonctionnement des institutions. De ce fait, ils ne parviennent ni à articuler leurs propositions dans le cadre actuel ni à proposer un discours clair sur la manière de transformer ce cadre pour rendre leurs politiques possibles.<a href="https://theconversation.com/fr/topics/monnaie-21214">link text</a> </p>
<h2>Le monétarisme : un élément du système néolibéral</h2>
<p>La grande force idéologique des néolibéraux vient du fait <em>qu’ils ont pensé les institutions</em>, et que leur pensée inclut non seulement des réflexions sur le cadre légal et formel au sein duquel les marchés doivent fonctionner, mais qu’ils sont également parvenus à changer en profondeur les manières de voir, les idéologies et les modes de pensée.</p>
<p>Dans le mode de pensée néolibéral, le monétarisme tient une place essentielle. Mais il ne représente, en fin de compte, que l’un des éléments d’une pensée plus globale. Le monétarisme est un rouage – mais il n’est qu’un rouage – d’une machinerie bien plus vaste. De ce fait, si l’on suit les recommandations des économistes hostiles au monétarisme et que l’on retire ce rouage sans remplacer l’engrenage dans son ensemble, on casse la machine sans être capable d’y substituer une machine alternative.</p>
<p>Le monétarisme est, en fin de compte, une doctrine qui vise à faire de l’État l’arbitre neutre de la politique monétaire. Le problème est que sortir du monétarisme sans penser plus largement le rôle de l’État et sans réfléchir aux manières alternatives d’organiser l’économie n’est pas possible. À partir du moment où l’on admet que l’État ne doit pas simplement être un superviseur neutre de la monnaie, mais que le pouvoir politique peut utiliser l’outil monétaire pour agir de manière discrétionnaire sur l’économie, il faut admettre que l’État pourrait avoir le droit d’agir de la même façon sur bien d’autres marchés. Pourquoi les taux d’intérêt devraient-ils être décidés de manière politique mais pas les autres prix ? Et si l’on admet que le rôle de l’État peut être d’établir des prix à la place des marchés, jusqu’où va-t-on dans cette logique ?</p>
<p>Cette question est d’autant plus importante que nos institutions et la manière de penser des experts et des économistes ont intégré le principe qu’une économie de marché n’est pas un simple espace où l’on échange librement, mais que c’est surtout un système au sein duquel les prix sont déterminés par des marchés en concurrence. Cela n’a pourtant pas toujours été le cas. En fait, on pourrait même affirmer qu’avant les années 1970, ce n’était pas du tout le cas. Beaucoup de prix étaient alors largement administrés par les autorités politiques et cela ne posait aucun problème à personne. Ce n’est qu’à partir des années 1970, et plus encore dans les années 1980 et 1990, que la logique s’est inversée.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/192691/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>David Cayla est économiste à l'Université d'Angers et chercheur au Granem. Il est membre du CA du collectif des économistes atterrés.</span></em></p>Monnaie « hélicoptère », annulation des dettes publiques… Pourquoi les approches monétaires hétérodoxes ne parviennent-elles pas à remplacer la doxa monétariste ?David Cayla, Enseignant-chercheur en économie, Université d'AngersLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1916402022-10-05T15:23:05Z2022-10-05T15:23:05ZPLF 2023 : jusqu’à quel point pouvons-nous vivre à crédit ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/487738/original/file-20221003-14-6r6og2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C35%2C1180%2C862&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">En 10 ans, les dépenses publiques sont passées de 56,3% à 59% du PIB.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/luc/398921997">Luc Legay/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>À la suite de la présentation en conseil des ministres, le 26 septembre, du <a href="https://www.vie-publique.fr/loi/286445-projet-de-loi-de-finances-2023-plf-budget-2023">projet de loi de finances (PLF) 2023</a> et des projections 2023-27, l’opposition – a priori insoluble – entre les tenants d’une gestion budgétaire saine et le gouvernement a refait surface. Le débat se cristallise une nouvelle fois sur deux chiffres : le déficit budgétaire – 5 % et le niveau d’endettement – 111,2 %, tous deux rapportés au PIB. Au point que désormais, même la sensible réforme des retraites apparaît comme un levier pour réduire le poids de la dette par rapport au PIB.</p>
<p>Pour les premiers, la <a href="https://www.medef.com/fr/communique-de-presse/article/projet-de-loi-de-finances-plf-2023-le-mouvement-des-entreprises-de-france-regrette-le-manque-dambition-en-matiere-de-baisse-des-depenses-publiques-et-appelle-a-une-sobriete-budgetaire">trajectoire n’est pas soutenable</a> et ne peut conduire tôt ou tard, qu’à un manque structurel de ressources de l’État, voire à sa défaillance. Pour le second, il s’agit de souligner la stabilisation des soldes avant le retour à une situation « normale » en 2027 et la capacité à mobiliser des ressources suffisantes pour répondre de manière pertinente aux priorités auxquelles doit faire face le pays.</p>
<p><iframe id="e39wv" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/e39wv/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Pour y parvenir, l’agence France Trésor prévoit, entre autres, de <a href="https://www.lesechos.fr/finance-marches/marches-financiers/la-france-va-emprunter-le-montant-record-de-270-milliards-deuros-sur-les-marches-1851744">lever 270 milliards</a>, par un programme d’émission de titres d’État, dont 159 pour financer le déficit. Or, comme l’a montré <a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2022/09/28/au-royaume-uni-la-banque-d-angleterre-agit-en-urgence-pour-enrayer-la-panique-financiere_6143605_3234.html">l’exemple britannique récent</a>, tout émetteur peut se retrouver rapidement confronté à l’impossibilité de lever de nouvelles ressources, indépendamment du taux exigé. Si cela devait arriver, il y aurait un risque majeur pour la stabilité financière du pays.</p>
<h2>Recettes éculées</h2>
<p>Notre propos n’est pas de prédire l’avenir, exercice d’autant plus périlleux que la multiplication des risques a fortement réduit la visibilité. Nous cherchons à reposer un cadre d’analyse, autour des questions des besoins de financement, d’une part, et des ressources durablement mobilisables – donc de la dette – d’autre part, dans un contexte de marché où l’aversion au risque s’est fortement appréciée.</p>
<p>Quels sont les enjeux de ce PLF 2023 ? Encore plus qu’au cours des 10 dernières années, de dégager les moyens de financer : des projets à long terme – tels que l’évolution du mix énergétique ; les déficits courants sachant que sur la dernière décennie les <a href="https://www.ofce.sciences-po.fr/pdf/pbrief/2022/OFCEpbrief108.pdf">dépenses publiques sont passées de 56,3 % à 59 % du PIB</a> alors que les recettes sont passées de 51,1 % à 52,6 % du PIB ; à défaut de rembourser la dette publique, préserver a minima la confiance des préteurs dans la qualité de la notation de la France ; enfin, au vu du contexte, pouvoir mettre en œuvre une politique conjoncturelle, nécessaire pour éviter la récession annoncée.</p>
<p>Les principales recettes auxquelles l’État a habituellement recours sont bien connues. Mais qu’en est-il de leur efficacité ?</p>
<p>S’agissant d’une reprise durable de la croissance, cette option constitue le fondement même du modèle dominant depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale et fait systématiquement partie des hypothèses prises en compte dans les modèles utilisés dans le cadre de la politique économique. Cependant, une analyse des données macro-économiques démontre la baisse tendancielle de la croissance potentielle de l’économie française (de 1,2 % à 1 % en 2025 sans réforme des retraites et de 1.5 % à 1.3 % avec une réforme, selon l’OFCE), et ce d’autant plus si l’on intègre les changements structurels dans le fonctionnement de notre économie, nés du retour de l’instabilité géopolitique en Europe combinée à une modification durable de la structure des échanges commerciaux.</p>
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<p>S’agissant d’une réduction des dépenses courantes, la combinaison entre l’accroissement de l’amplitude des chocs conjoncturels et la baisse de l’acceptabilité des conséquences de ces chocs par les agents économiques – en particulier les ménages – la rend ce type de décision politique impraticable sur le plan social.</p>
<p>L’exécutif peut alors chercher à récolter les bénéfices de l’inflation – partant du principe simple selon lequel, en gonflant les recettes de l’État, plus rapidement que ses dépenses – y compris le coût de la dette publique – l’inflation permet de dégager des recettes supplémentaires, de financer les dépenses courantes et d’amorcer un remboursement de la dette, sans effort. Toutefois, l’inflation impacte également les dépenses et le coût de la dette (à terme), ne crée malheureusement pas de richesse et confisque une partie de l’épargne.</p>
<h2>Valeur du patrimoine</h2>
<p>Nous arrivons ici au cœur de la polémique : le recours à la dette de manière structurelle semble donc par élimination le levier le plus simple à actionner. Rappelons que notre propos n’est pas ici de prendre parti pour ou contre l’usage de la dette mais d’explorer les voies permettant de financer – sous contrainte – les besoins que nous avons déterminés au début de cet article.</p>
<p>Si nous reprenons le PLF 2023, il est prévu que la dette rapportée au PIB atteigne 111,2 %. Avant de s’en alarmer, deux constats s’imposent. Tout d’abord, un prêteur appréhende son risque sous deux angles : la valeur des actifs financés et les flux de trésorerie (cash-flows) susceptibles d’être affectés au remboursement de la dette. Nous en déduisons aisément que le ratio de la dette est loin d’être un indicateur pertinent. En effet, le niveau de PIB ne présume ni des cash flows (l’excédent primaire) nécessaires au service de la dette, ni de la valeur des actifs (le patrimoine).</p>
<p>Or si à l’évidence le budget de <a href="https://www.lefigaro.fr/conjoncture/2013/09/25/20002-20130925ARTFIG00004-le-dernier-budget-excedentaire-remonte-a8230-1974.php">l’État ne dégage plus d’excédents depuis longtemps</a>, la valeur de son patrimoine est en revanche de nature à conserver la confiance des prêteurs. Sur les 10 dernières années, sa croissance moyenne en valeur a été plus rapide que celle du PIB et le patrimoine net des agents économiques (ménages, entreprises et État) représentait 9,6 fois la valeur du <a href="https://www.insee.fr/fr/metadonnees/definition/c1690">produit intérieur net</a> (PIN) à fin 2020, soit un taux d’endettement net associé relativement bas à hauteur de 16 %.</p>
<p><iframe id="NYrZd" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/NYrZd/2/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Si l’on complète cette analyse avec des éléments relatifs à la qualité des actifs, on peut comprendre le maintien de la confiance des prêteurs, même si évolution de l’écart entre les taux auxquels s’endettent aujourd’hui l’Allemagne et la France (le « spread ») souligne la <a href="https://fr.investing.com/rates-bonds/de-10y-vs-fr-10y">vigilance des investisseurs</a>.</p>
<p>Si elle ne règle pas la question d’un niveau de dette supportable, cette approche semble donc de nature à rassurer quant à la capacité de la France à mobiliser des ressources supplémentaires pour financer les besoins définis au début de cet article. Deux ombres au tableau subsistent néanmoins : d’abord, la valeur du patrimoine national peut diminuer sous l’effet de la résurgence de l’inflation ; d’autres part, et de manière plus problématique, la dette est désormais principalement détenue par l’État – conséquence directe des deux dernières crises (2009 puis 2020) – alors que l’essentiel des actifs est détenu par les ménages.</p>
<h2>Efficience de la dépense</h2>
<p>Dès lors, dans la mesure où les patrimoines ne sont pas fongibles et où il apparait socialement insupportable d’augmenter les prélèvements, deux voies nous semblent devoir être privilégiées :</p>
<ul>
<li><p>Un <a href="https://theconversation.com/une-solution-a-la-japonaise-pour-eviter-la-crise-des-dettes-souveraines-137264">scénario à la japonaise</a>, dans lequel l’État incite les ménages à acheter de la dette domestique. Toutefois, il reste à savoir si, à l’heure d’internet, le patriotisme économique sera suffisant pour mobiliser des montants significatifs, et si les conditions financières proposées ne reviendront pas à créer un prélèvement volontaire déguisé.</p></li>
<li><p>Un appel accru au privé pour financer en particulier les infrastructures et les grands projets. Les outils existent et peuvent s’avérer d’autant plus intéressants sur un plan budgétaire qu’ils peuvent permettre de monétiser des actifs « incorporels ». Ces actifs prennent alors la forme de droits à acquérir pour opérer dans un secteur, voire à renouveler périodiquement, comme c’est le cas des fréquences dans la téléphonie mobile.</p></li>
</ul>
<p>Vivre à crédit apparaît donc comme la solution la plus consensuelle : simple à mettre en œuvre y compris sur le plan social. Une condition est néanmoins indispensable pour que l’État puisse continuer à mobiliser cette ressource à bon marché et à hauteur de ses besoins : qu’elle soit potentiellement créatrice de richesse nette. Il n’est alors pas tant question de niveau de déficit que d’efficience des dépenses et des investissements et de la capacité à piloter les politiques budgétaires sur le long terme.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/191640/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Le budget prévisionnel pour l’année prochaine affiche un déficit de 5 % et niveau d’endettement de 111,2 % rapporté au PIB. Une situation (pour l’instant) soutenable. Décryptage.Jean Pascal Brivady, Professeur, EM Lyon Business SchoolAbdel Mokhtari, Economiste, Chargé de cours, EM Lyon Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.