tag:theconversation.com,2011:/ca-fr/topics/electricite-23762/articlesélectricité – La Conversation2024-01-17T16:46:16Ztag:theconversation.com,2011:article/2181582024-01-17T16:46:16Z2024-01-17T16:46:16ZComment électrifier l’Afrique à bas coûts et bas carbone ?<p>600 millions de personnes <a href="https://www.iea.org/reports/africa-energy-outlook-2022">n’ont pas accès à l’électricité</a> en Afrique Sub-Saharienne, soit 43 % de la population. Les Nations unies ont placé cette problématique au cœur de l’un de leurs objectifs du développement durable : assurer un <a href="https://sdgs.un.org/goals/goal7">accès universel à une énergie propre, durable et abordable d’ici 2030</a>. Pour atteindre cet objectif, le Programme des Nations unies pour le Développement (PNUD) <a href="https://www.undp.org/energy/our-flagship-initiatives/africa-minigrids-program">promeut le développement de mini-réseaux isolés</a> pour électrifier des communautés souvent éloignées des réseaux électriques nationaux. Ce serait, développe l’Agence Internationale de l’Énergie, <a href="https://www.iea.org/reports/africa-energy-outlook-2022">l’option la moins coûteuse</a> pour plus d’un tiers des futures connexions en <a href="https://theconversation.com/fr/topics/afrique-subsaharienne-33937">Afrique Subsaharienne</a> d’ici à 2030.</p>
<p>Ces mini-réseaux isolés sont des systèmes électriques constitués d’un ou plusieurs moyens de production (panneaux photovoltaïques, groupe électrogène utilisant du diesel) avec ou sans stockage (batteries) et d’un réseau de distribution qui fonctionne indépendamment du réseau national. Ils permettent ainsi de fournir un accès à l’électricité, sans recourir à l’extension souvent lente et coûteuse des réseaux nationaux.</p>
<p>Si la majorité des mini-réseaux installés au cours des dernières décennies s’appuyaient sur des groupes électrogènes, de plus en plus de mini-réseaux <a href="https://www.seforall.org/system/files/2020-06/MGP-2020-SEforALL.pdf">intègrent aujourd’hui des panneaux photovoltaïques et des batteries</a> pour réduire leur consommation de diesel et minimiser leurs coûts, on parle alors de mini-réseaux hybrides solaire/diesel. Ainsi, ces mini-réseaux s’appuyant de plus en plus sur l’énergie solaire semblent une solution prometteuse pour accélérer l’électrification rurale tout en conciliant un faible coût de l’énergie et de faibles émissions de gaz à effet de serre. Mais de la théorie à la pratique, qu’en est-il vraiment ?</p>
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<img alt="Exemples de mini-réseaux isolés au Kenya : à gauche, les groupes électrogènes du mini-réseau de Mfangano, à droite l’installation solaire du mini-réseau de Talek" src="https://images.theconversation.com/files/560372/original/file-20231120-26-hvidqs.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/560372/original/file-20231120-26-hvidqs.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=178&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/560372/original/file-20231120-26-hvidqs.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=178&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/560372/original/file-20231120-26-hvidqs.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=178&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/560372/original/file-20231120-26-hvidqs.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=223&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/560372/original/file-20231120-26-hvidqs.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=223&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/560372/original/file-20231120-26-hvidqs.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=223&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Exemples de mini-réseaux isolés au Kenya : à gauche, les groupes électrogènes du mini-réseau de Mfangano, à droite l’installation solaire du mini-réseau de Talek.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Emilie Etienne</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<h2>Les avantages de l’énergie solaire pour les mini-réseaux</h2>
<p>Le choix entre les différentes solutions d’électrification est généralement dicté par des contingences économiques. Les coûts de production du <a href="https://theconversation.com/fr/topics/panneaux-solaires-46527">solaire photovoltaïque</a> ont été divisés par 5 en 10 ans, passant ainsi sous les coûts moyens de production des groupes électrogènes dans de nombreux pays, à quelques exceptions près, comme le Nigeria où les combustibles fossiles sont subventionnés. Le remplacement d’une partie de la production d’un groupe électrogène par de l’énergie solaire permet ainsi de réduire les coûts de l’électricité, d’où l’essor actuel des mini-réseaux hybrides solaire/diesel.</p>
<p>En plus de réduire les coûts des mini-réseaux, intégrer de l’énergie solaire permet aussi de réduire la dépendance des populations à une ressource fossile dont le prix varie fortement et dont l’approvisionnement n’est pas toujours garanti dans les zones reculées où ces systèmes sont installés, avec, par exemple, de grandes incertitudes sur l’arrivée de diesel lorsque de fortes pluies rendent certaines routes inutilisables.</p>
<p>Cette réduction de la consommation de diesel s’accompagne aussi d’une réduction des émissions de gaz à effet de serre. Bien que les pays d’Afrique Sub-Saharienne aient des niveaux d’émissions très inférieurs à ceux des pays industrialisés, ceux-ci se sont aussi engagés dans le développement des énergies renouvelables et dans des <a href="https://www.iea.org/reports/africa-energy-outlook-2022">trajectoires de neutralité carbone</a>.</p>
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<h2>Les mini-réseaux 100 % solaires : une solution sans émission ?</h2>
<p>Mais lorsque l’on s’intéresse aux émissions de gaz à effet de serre d’un système énergétique, il est important de prendre en compte les émissions sur l’ensemble du cycle de vie de ce système, c’est-à-dire son empreinte carbone. En effet, si les émissions liées à un groupe électrogène se font principalement lors de son utilisation, les émissions associées aux panneaux photovoltaïques ou aux batteries <a href="https://pastel.hal.science/tel-02732972">proviennent au contraire de leur fabrication</a> (extraction des matières premières, transformation des matériaux, assemblage). Dans le cas des mini-réseaux 100 % solaires, <a href="https://meetingorganizer.copernicus.org/EGU23/EGU23-3367.html">ces émissions indirectes sont loin d’être négligeables</a> : elles représentent environ un quart de l’empreinte carbone d’un mini-réseau fonctionnant exclusivement avec des groupes électrogènes.</p>
<p>Ces émissions relativement élevées malgré l’absence de ressources fossiles viennent du besoin pour ces mini-réseaux de gérer la co-variabilité entre la ressource solaire locale intermittente et la demande électrique. Pour fournir de l’électricité la nuit ou par des temps nuageux, sans accès à une source d’énergie pilotable et bas carbone (hydroélectricité par exemple), il est nécessaire de stocker l’énergie solaire dans des batteries.</p>
<p>Il est aussi possible <a href="https://hal.science/hal-03740059v1">d’installer plus de panneaux photovoltaïques</a> pour produire davantage d’énergie et réduire ce besoin en stockage, notamment pour de longues périodes de faible ressource solaire. Les émissions indirectes liées à ce stockage et à ces panneaux supplémentaires augmentent l’empreinte carbone des mini-réseaux 100 % solaire qui est alors équivalente, <a href="https://ourworldindata.org/grapher/carbon-intensity-electricity">voire même supérieure</a>, pour de nombreux pays d’Afrique, à l’empreinte carbone de leur mix électrique sur le réseau national.</p>
<p>Ce besoin en stockage ou en panneaux supplémentaires est d’autant plus grand que la demande électrique est forte pendant ces périodes de faible ressource solaire. D’où l’importance pour les développeurs de mini-réseaux de bien connaître la variabilité de la ressource solaire locale, mais aussi de la demande électrique pour correctement dimensionner le système, c’est-à-dire le nombre de panneaux et de batteries à installer. Actuellement, on peut avoir une assez bonne estimation de la ressource solaire grâce à des mesures in situ ou <a href="https://globalsolaratlas.info/map">à des données satellites</a>, mais il n’en est pas de même pour l’estimation de la demande électrique.</p>
<h2>L’adaptation à la demande : l’un des enjeux majeurs des mini-réseaux</h2>
<p>C’est de fait un problème de taille :comment estimer la demande électrique d’une communauté qui n’a pas accès à l’électricité ? On peut d’abord en avoir une idée en observant les caractéristiques de la communauté : nombre d’habitants, activités déjà présentes (pêche, agriculture, artisans, etc.), types d’habitations, etc. Pour une vision plus complète, on questionne les habitants sur leur volonté de se connecter, sur les équipements électriques qu’ils souhaiteraient avoir, sur leurs revenus, sur leurs usages actuels d’énergie – lampes à kérosène ou solaire, groupe électrogène individuel, bois/charbon pour la cuisson, solar home systems (constitué d’un panneau et d’une batterie pouvant alimenter des éclairages, chargeurs de téléphone, radio, etc.).</p>
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<img alt="À gauche, une lampe à kérosène utilisé par les pêcheurs de Mfangano (Kenya). A droite, des panneaux solaires sur une toiture à Kisii (Kenya)" src="https://images.theconversation.com/files/560374/original/file-20231120-17-uixdlk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/560374/original/file-20231120-17-uixdlk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=237&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/560374/original/file-20231120-17-uixdlk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=237&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/560374/original/file-20231120-17-uixdlk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=237&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/560374/original/file-20231120-17-uixdlk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=298&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/560374/original/file-20231120-17-uixdlk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=298&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/560374/original/file-20231120-17-uixdlk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=298&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">A gauche, une lampe à kérosène utilisé par les pêcheurs de Mfangano (Kenya). À droite, des panneaux solaires sur une toiture à Kisii (Kenya).</span>
<span class="attribution"><span class="source">Photos : Emilie Etienne, Avril-Mai 2022</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Mais ces méthodes restent très peu précises. Face à de nouveaux usages, certains habitants peuvent <a href="https://strathprints.strath.ac.uk/61818/1/Blodgett_etal_ESD2017_Accuracy_of_energy_use_surveys_in_predicting_rural_mini_grid.pdf">surestimer leur capacité</a> à se procurer certains équipements ou à payer pour leur utilisation. Le remplacement de certaines sources d’énergie existantes par l’électricité du mini-réseau dépend de plusieurs facteurs qui <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0305750X00000760">ne sont pas toujours correctement identifiés</a> par les développeurs de mini-réseaux. Les sondages sont le plus souvent réalisés sur une courte période et <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0960148120310739">ne prennent pas en compte les variations de revenus et d’habitudes de la population sur l’année</a> (périodes de récolte, dépenses scolaires, etc.). De plus, ces études ne permettent pas d’estimer quelle sera l’évolution de cette demande dans les années à venir.</p>
<p>Dans le cas d’un mini-réseau diesel, ces difficultés à prédire la demande ne sont pas critiques : l’opérateur du mini-réseau peut s’adapter relativement facilement à une demande mal estimée. Les coûts d’investissements dans les groupes électrogènes sont faibles, on peut en installer plus que nécessaire au départ ou en rajouter a posteriori au cas où la demande serait plus grande que prévu. Et si celle-ci est plus faible que prévu, la consommation de diesel sera plus faible, réduisant les coûts de production pour l’opérateur.</p>
<p><a href="https://hal.science/hal-03896359v1">En revanche, il n’en est pas de même pour les mini-réseaux solaires</a>. Les panneaux photovoltaïques et les batteries ont des coûts de fonctionnements faibles mais demandent un investissement très important au départ, qui repose en grande partie sur des crédits. Le remboursement de ces crédits représente des coûts fixes, indépendant de la consommation électrique et qui s’étalent souvent sur <a href="https://mdpi.com/1996-1073/14/4/990">plus d’une dizaine d’années</a>.</p>
<p>Ainsi, si la demande a été surestimée, l’opérateur ne tire pas assez de revenus du mini-réseau pour assurer le remboursement des crédits, la maintenance, et le remplacement des équipements, notamment des batteries. Cela entraîne une dégradation plus ou moins lente du mini-réseau et réduit la disponibilité et la fiabilité de l’électricité (coupures fréquentes, plages horaires de fonctionnement limitées).</p>
<p>Un résultat similaire peut être obtenu lorsque la demande a été sous-estimée : le délai nécessaire pour retrouver des fonds et agrandir le système n’est souvent pas suffisant pour éviter une surcharge des équipements et une dégradation des équipements qui met en péril la fiabilité du mini-réseau. Dans ces deux cas, les utilisateurs finissent souvent par se détourner du mini-réseau en revenant à leurs anciennes sources d’énergie (lampes à kérosène, etc.) ou en investissant dans des systèmes individuels.</p>
<p>Ce risque sur la demande conduit les investisseurs à demander des rendements bien plus élevés, menant à une forte augmentation des coûts du capital <a href="https://www.nature.com/articles/s41560-022-01041-6">qui impacte le coût de l’électricité</a>. Il mène aussi certains opérateurs à développer des business model basés sur des stratégies marketing plus ou moins agressives : les usagers du mini-réseau sont régulièrement sollicités par des envois de SMS ou par la visite « d’ambassadeurs » (des usagers qui bénéficient d’avantages en échange de la promotion de l’électricité auprès de la communauté) pour les inciter à augmenter leur consommation ou à acheter à crédit des appareils de cuisson électriques.</p>
<p>À ce risque majeur viennent s’ajouter d’autres obstacles, comme l’arrivée du réseau national, les démarches pour l’obtention des licences, le choix du tarif et le monopole du réseau national, qui réduisent l’attractivité de ces projets d’électrification et <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S136403211500800X">ralentissent leur développement</a>.</p>
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<img alt="A gauche, des batteries usagées du mini-réseau de Talek (Kenya). A droite, un cuiseur électrique vendu à crédit par un opérateur de mini-réseaux à Kisii (Kenya)" src="https://images.theconversation.com/files/560377/original/file-20231120-23-askaeu.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/560377/original/file-20231120-23-askaeu.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=262&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/560377/original/file-20231120-23-askaeu.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=262&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/560377/original/file-20231120-23-askaeu.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=262&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/560377/original/file-20231120-23-askaeu.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=329&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/560377/original/file-20231120-23-askaeu.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=329&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/560377/original/file-20231120-23-askaeu.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=329&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">A gauche, des batteries usagées du mini-réseau de Talek (Kenya). A droite, un cuiseur électrique vendu à crédit par un opérateur de mini-réseaux à Kisii (Kenya).</span>
<span class="attribution"><span class="source">Photos : Emilie Etienne, Avril-Mai 2022</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<h2>Une situation qui peut s’améliorer</h2>
<p>Ainsi, les mini-réseaux solaires ne tiennent pour l’instant pas leurs promesses de solution à faible coût et faibles émissions pour électrifier rapidement l’Afrique Subsaharienne. Et cela sans même parler des autres impacts environnementaux <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0973082622001405">liés aux batteries</a> ou aux <a href="https://link.springer.com/chapter/10.1007/978-3-031-13825-6_1">enjeux de justices énergétiques associés à ces systèmes</a>. Néanmoins, sous leur forme hybride solaire/diesel, ils constituent actuellement un compromis intéressant pour répondre à certains besoins vitaux des populations éloignées des réseaux nationaux tout en limitant l’impact de l’utilisation des groupes électrogènes massivement répandus sur le continent.</p>
<p>Plusieurs pistes restent à explorer pour accroitre le potentiel de ces solutions en réduisant à la fois leurs coûts et leurs impacts environnementaux. Une piste importante est celle de l’augmentation de la durée de vie de ces mini-réseaux, <a href="https://energypedia.info/images/1/17/Livrable_1_%C3%A9tudeERIL_Note_de_cadrage_m%C3%A9thologique.pdf">qui est souvent plus courte que prévu</a>. Cela demande d’étendre les recherches sur les questions de maintenance, de gouvernance et sur les modes de financement de ces projets qui peuvent notamment affecter la capacité d’adaptation de ces mini-réseaux aux évolutions des besoins de la communauté.</p>
<p>On peut par ailleurs espérer que les coûts et l’empreinte carbone des technologies utilisées dans ces mini-réseaux décroissent avec le temps. L’empreinte carbone d’un panneau ou d’une batterie est très variable et dépend en grande partie du mix énergétique <a href="https://pastel.hal.science/tel-02732972">avec lequel ces composants sont produits</a>. La décarbonation des mix énergétiques et les potentiels gains d’efficacité dans les processus d’extraction et de fabrication de ces composants pourraient au moins diviser par deux l’empreinte carbone des mini-réseaux solaires. De même, le déploiement massif de ces technologies dans le monde pourrait favoriser l’émergence de filières de recyclage des composants qui représente aujourd’hui un enjeu important du développement des mini-réseaux.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/218158/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Théo Chamarande a reçu des financements du Ministère de l'Enseignement Supérieur, de la Recherche et de l'Innovation, et de Schneider Electric dans le cadre d'une CIFRE. </span></em></p>Pour permettre aux 43 % d’habitants d’Afrique subsaharienne vivant sans électricité d’y avoir accès, il faudra déjà évaluer les besoins en électricité de populations qui ne l’ont jamais eue.Théo Chamarande, Postdoctorant, Université Grenoble Alpes (UGA)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2158452023-11-01T17:16:27Z2023-11-01T17:16:27ZLes réseaux électriques de futures générations permettront-ils d’ajuster offre et demande ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/554294/original/file-20231017-27-pxpvuv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C2397%2C1473&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Un réseau électrique intelligent articule infrastructures traditionnelles et télécommunications.
</span> <span class="attribution"><span class="source">Pok Rie / Pexels</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Le <a href="https://theconversation.com/topics/electricite-23762">secteur électrique</a> constitue un des secteurs énergétiques les plus polluants, responsable de <a href="https://www.planete-energies.com/fr/media/article/production-delectricite-ses-emissions-co2#:%7E:text=Electricit%C3%A9%20et%20gaz%20%C3%A0%20effet,une%20centrale%20au%20gaz3.">42,5 % des émissions mondiales de CO₂</a>. S’il doit travailler à devenir plus propre et à faire face à la précarité énergétique, il se voit également confronté à de nouvelles contraintes, telles qu’une demande croissante, particulièrement en période de pointe, mais aussi en raison de nouveaux usages comme les véhicules électriques. Il lui faut aussi composer avec le vieillissement des infrastructures des réseaux.</p>
<p>Les acteurs du secteur se tournent donc désormais vers le déploiement des <a href="https://theconversation.com/topics/energies-renouvelables-22981">ressources renouvelables</a>. Néanmoins, certains inconvénients inhérents à ces ressources, comme leur <a href="https://www.lemonde.fr/idees/article/2021/11/24/si-les-energies-renouvelables-intermittentes-etaient-soumises-aux-lois-du-marche-ni-eoliennes-ni-centrales-solaires-ne-verraient-le-jour_6103382_3232.html">caractère intermittent</a> et les problématiques d’occupation spatiale, requièrent le développement d’un mécanisme efficace de gestion de l’énergie. De <a href="https://www.revolution-energetique.com/voici-la-carte-des-6-futurs-reacteurs-nucleaires-epr-prevus-en-france/">nouveaux réacteurs nucléaires EPR</a> doivent également sortir de terre en France pour renouveler le parc existant mais, hormis Flamanville sur le Cotentin, ne sont pas attendus avant 2035. C’est pourquoi les ingénieurs travaillent d’autre part à développer des technologies de pointe pour rendre la demande d’électricité plus flexible.</p>
<p>Actuellement, la demande en électricité est considérée comme <a href="https://www.connaissancedesenergies.org/fiche-pedagogique/tarification-de-lelectricite">aléatoire</a> : c’est à l’offre de s’adapter pour trouver un équilibre. Dans le réseau de demain, l’intermittence des énergies renouvelables déplacera vraisemblablement le caractère aléatoire de la consommation vers la production. La demande devra donc être flexible et maitrisée grâce à des programmes de gestion spécifiques.</p>
<p>En remodelant la demande, le parc de production pourrait être géré efficacement, et les coûts lissés. En outre, le dimensionnement du parc s’ajustant à la demande maximale d’électricité, la capacité totale et le coût d’investissement seront atténués en réduisant cette demande maximale.</p>
<h2>Lisser les pics</h2>
<p>Des <a href="https://pastel.hal.science/pastel-00959266">recherches</a> ont montré que les programmes de pilotage de demande agissent sur l’allure de la courbe de charge d’électricité de trois manières : en décalant les charges (<em>Load shifting</em>), en écrêtant les pointes (<em>peak clipping</em>) et en remplissant les creux (<em>valley filling</em>). Le déplacement de la demande décale l’usage d’un appareil électrique, c’est-à-dire reporte ou avance une demande d’une tranche horaire à une autre. La réduction du pic de demande électrique est atteinte grâce à la diminution ou la coupure ponctuelle d’un usage électrique. Cette solution réduit la puissance électrique en période de pointe et induit ainsi une baisse de consommation. C’est par exemple inciter les consommateurs à diminuer la température de leur chauffage.</p>
<p>Tandis que ces deux premières techniques visent à égaliser la courbe de charge en s’intéressant aux pics de demande, le « valley filling » s’applique, lui, à augmenter la charge durant les périodes où elle est moins importante. C’est programmer son lave-linge ou son lave-vaisselle en période creuse par exemple.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1686465752373612545"}"></div></p>
<p>Il convient de noter que ces programmes énergétiques contribuent aux baisses des pics de consommation. On parle parfois d’« effacement de consommation ». Ils pèsent actuellement pour environ <a href="https://www.eqinov.com/eqilibreblogenergie/appel-offres-effacement-aoe/">3 900 MW mobilisables en France en 2023</a>, encore loin de l’objectif de 6 500 MW inscrit dans la Programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) à horizon 2028. 6 500 MW, c’est à peu près l’équivalent de ce que peuvent fournir <a href="https://www.edf.fr/la-centrale-nucleaire-de-flamanville-3-epr/les-actualites-de-la-centrale-nucleaire-de-flamanville-3-epr/lepr-de-flamanville-debute-ses-essais-de-requalification-densemble">quatre réacteurs nucléaires de type EPR</a> comme celui actuellement en phase d’essai à Flamanville.</p>
<p>Dans ce contexte, nos <a href="https://ieeexplore.ieee.org/document/8923214">recherches</a> soulèvent deux problématiques inhérentes à la gestion énergétique dans le réseau électrique intelligent. Comment aider le propriétaire d’une maison à prendre une décision d’adhésion à un programme énergétique dans le but de réduire sa consommation énergétique ? Et comment répartir l’énergie d’une manière équitable entre les consommateurs tout en prenant en compte les contraintes d’énergie des sources renouvelables et en répondant aux besoins énergétiques variés des consommateurs ?</p>
<h2>Au carrefour des systèmes électriques et des télécommunications</h2>
<p>Une des pistes pour pouvoir répondre à ces nouvelles problématiques est de développer les technologies de réseaux électriques intelligents de future génération (<em>Next Generation Smart Grids, NGSG</em>). Il s’agit des systèmes énergétiques qui évoluent d’une structure monodirectionnelle des flux énergétiques et informationnels (de la production vers la consommation), à une structure fondée sur des interactions bidirectionnelles.</p>
<p>L’objectif des NGSG est de fusionner les technologies de télécommunication et le système électrique géré par les opérateurs de production énergétique. Il est judicieux de noter qu’ils ne visent pas une conversion radicale des technologies mais une évolution des réseaux actuels dans le but d’assurer une communication entre les différents acteurs.</p>
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<p>Bien que des éléments rendant le réseau intelligent existent déjà, la différence entre les NGSG et les réseaux électriques actuels se situe dans leur <a href="https://ieeexplore.ieee.org/document/6690098">capacité à gérer plus de complexité</a>. En effet, ces réseaux intelligents devraient évoluer pour permettre une gestion en temps réel de la consommation électrique : prédiction, équilibrage de charge, détection, surveillance des pannes et aide à la prise de décision du programme énergétique.</p>
<p>Avec les NGSG, tous les appareils électriques devraient être connectés et contrôlés dans le but de gérer et surveiller la consommation électrique et afin de remonter des informations et recevoir des commandes de contrôle. La prolifération significative d’objets connectés localisés dans les maisons requiert en effet un mécanisme de gestion efficace.</p>
<p>Ce dernier peut prendre appui sur les réseaux mobiles 5G avec notamment la <a href="https://www.redhat.com/fr/topics/hyperconverged-infrastructure/what-is-software-defined-networking">technique SDN</a> (Software Defined Network). Cette dernière s’avère particulièrement prometteuse. Elle prodigue une architecture qui sépare les fonctions de transport des fonctions de contrôle du réseau. Elle fournira ainsi l’équilibrage de charge, le déplacement de charge électrique, l’ajustement dynamique des chemins de routage suite aux commandes de contrôle, la détection rapide des pannes, l’autoréparation et la surveillance et la planification des flux de trafic électriques critiques.</p>
<p>Par ailleurs, les objets connectés dans les NGSG sont capables de générer, collecter et traiter des quantités massives de données. Ces sources de données ouvrent de nouvelles pistes pour concevoir de façon fiable et efficace les réseaux électriques. Les réseaux futurs proposeront en effet l’intégration des techniques d’apprentissage automatique pour le traitement en temps réel des données et la prise de décision du meilleur programme énergétique. Celles-ci seraient puisées tant du côté de l’offre que de la demande.</p>
<p>Dans ce contexte, l’utilisation d’un algorithme d’apprentissage automatique contribuera à l’optimisation de la consommation énergétique. Celui-ci prendra en considération les diverses variables impliquées dans la distribution d’énergie renouvelable et la consommation d’énergie, afin de maximiser l’énergie de production durant les jours nuageux et sans vent. Cet algorithme interprète les fluctuations de la demande et l’évolution des conditions météorologiques afin de prévoir l’énergie demandée, et d’anticiper les problèmes inhérents aux réseaux électriques avec pour objectif de mettre en place des moyens d’amélioration des lignes de distribution.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/215845/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Rola Naja ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La transition énergétique nécessite des modes de production propre de l’électricité mais aussi de mieux maîtriser la demande.Rola Naja, Enseignante chercheuse dans le domaine de l'informatique et réseaux, ECE ParisLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2105032023-07-31T16:18:39Z2023-07-31T16:18:39ZUnion européenne et marché de l'électricité : des principes à revoir pour rester compétitive<p>La modification du contexte géopolitique et la perspective d’un monde moins ouvert ont remis sur le devant de la scène le concept de <a href="https://theconversation.com/batteries-lue-cherche-lequilibre-entre-ouverture-aux-marches-et-souverainete-technologique-210005">souveraineté</a>. <a href="https://theconversation.com/topics/reindustrialisation-86098">Relocaliser</a> de nombreuses <a href="https://theconversation.com/topics/industrie-21143">productions industrielles</a>, considérées comme stratégiques (molécules pharmaceutiques ou chimiques, semi-conducteurs, construction automobile, voire certaines matières premières comme le lithium par exemple) fait partie de l’agenda public. Les groupes industriels concernés ne seront cependant enclins à rapatrier leur production que dans la mesure où les investissements permettent de rester <a href="https://theconversation.com/topics/competitivite-21451">compétitif</a> sur leurs marchés.</p>
<p>Stabilité de l’environnement règlementaire, qualité des infrastructures, niveau d’éducation de la population, possibilité de disposer de subventions, tous ces paramètres entrent en ligne de compte au moment de prendre pareille décision. D’autres facteurs sont de nature plus économique, parmi lesquels, dans le cas précis de l’industrie, le coût de l’<a href="https://theconversation.com/topics/electricite-23762">électricité</a> et sa maîtrise sur le long terme.</p>
<p>La France et l’Allemagne l’avaient bien compris en optant chacun pour une solution garantissant sur plus de 20 ans, des prix bas de l’électricité via la construction du parc électro nucléaire en France et l’accès au gaz russe en Allemagne. Cet équilibre a été brutalement rompu par le déclenchement de la guerre en Ukraine.</p>
<p>Or, le conflit ne semble pas une simple parenthèse : deux tendances de fond sont en effet d’ores et déjà à l’œuvre. D’une part, la transition écologique accélérée dans laquelle s’est engagée l’<a href="https://theconversation.com/topics/union-europeenne-ue-20281">Europe</a> va entrainer une <a href="https://www.lesechos.fr/industrie-services/energie-environnement/pourquoi-la-demande-delectricite-devrait-exploser-dici-a-2050-1358134">hausse de 35 % environ de la demande au-delà de 2030</a>, ce qui suppose à la fois une augmentation des capacités, le passage à une production décarbonée, et une adaptation du réseau de transport.</p>
<p>D’autre part, les concurrents économiques de l’Europe investissent massivement pour garantir la compétitivité de leurs industries. Les États-Unis ont, par exemple, opté pour l’option la plus simple qui consiste à attribuer des subventions massives, dans le cadre notamment de <a href="https://theconversation.com/inflation-reduction-act-comment-lunion-europeenne-peut-elle-repondre-aux-incitations-fiscales-americaines-201425">l’<em>Inflation Reduction Act</em></a>. Pour rester dans le jeu, l’Union européenne est donc aujourd’hui contrainte de réagir.</p>
<h2>Plusieurs composantes de prix</h2>
<p>Plusieurs facteurs déterminent le prix de l’électricité. Une partie a trait aux infrastructures. On note, par exemple, un effet d’expérience en cas de passage du prototype à un ensemble d’unités. Dans le cas des réacteurs pressurisés européens (EPR), l’Ademe estime le coût du mégawattheure à <a href="https://www.europeanscientist.com/fr/opinion/nucleaire-vs-eolien-offshore-quest-ce-qui-coute-le-moins-cher/">110-120 euros pour le seul site de Flamanville</a>, susceptible d’être ramené à 70 euros à compter de la 4<sup>e</sup> unité mise en service.</p>
<p>L’innovation intervient également. Par exemple, l’évolution technologique des éoliennes a permis de multiplier leur puissance par 60 entre 1985 et 2015. Il en résulte une baisse régulière du prix de production moyen de <a href="https://www.connaissancedesenergies.org/etat-des-lieux-du-marche-de-leolien-offshore-220218">130-190 euros en 2000 à 60-110 euros actuellement</a>.</p>
<p>Outre le coût des matières premières, l’état de santé financière des opérateurs joue également. Ce sont néanmoins des évolutions de nature fiscale qui ont le plus fait varier le prix du mégawattheure au cours de la dernière décennie.</p>
<p><iframe id="8H6i6" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/8H6i6/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>À 15 ans, les <a href="https://www.europarl.europa.eu/ftu/pdf/fr/FTU_2.1.9.pdf">différents scénarios</a> anticipent une accélération de la croissance de la demande en électricité résultant d’une part de la transition énergique (habitat, transport) et d’autre part de la relocalisation industrielle. De là résulterait une inadéquation durable entre l’offre et la demande compte tenu des incertitudes inhérentes au déploiement des nouvelles infrastructures (en termes de coûts et de délais), d’autant plus que la transition énergétique requiert principalement de l’électricité décarbonée.</p>
<h2>Limiter la volatilité</h2>
<p>Ces scénarios laissent anticiper à la fois une hausse tendancielle des prix mais également une forte augmentation de la volatilité. Mettre en place les conditions d’une offre d’électricité durablement compétitive suppose donc de maîtriser ces deux risques.</p>
<p>Une faible volatilité des prix permet aux producteurs de pouvoir garantir sur le très long terme le remboursement des dettes destinées à financer les infrastructures. Il s’agirait donc d’une invitation à investir, notamment pour une transition verte. Pour les clients consommateurs, cela permet de mieux prévoir et donc de maîtriser leurs dépenses.</p>
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<p>Pour la limiter, plusieurs options sont ouvertes : diversifier le mix de production en faveur des capacités dont la part de coût variable est la plus faible possible, développer des solutions de « stockage » de l’électricité, ou surdimensionner la capacité de production par rapport à la demande attendue. Toutes ont en commun une mise en œuvre longue et complexe, et le risque d’accroitre sensiblement les coûts de production. La meilleure solution consiste donc à améliorer les mécanismes du marché actuel, en particulier avec le développement sa composante à long terme (maturités supérieures à 2 ans)</p>
<h2>Deux postulats à revoir</h2>
<p>Pour ce qui est du niveau des prix, deux aspects nous paraissent source de réflexion. Le premier a trait à l’<a href="http://ses.ens-lyon.fr/articles/une-analyse-de-la-politique-europeenne-de-la-concurrence-i-du-traite-de-rome-au-marche-unique">ouverture à la concurrence</a>, impulsée par une directive de 1996. Le postulat consiste à considérer qu’une concurrence accrue présente un impact positif sur les prix à long terme. Il a poussé à réduire la position des opérateurs historiques pour faire place à de nouveaux entrants. En France, par exemple, avec <a href="https://theconversation.com/electricite-pourquoi-une-telle-flambee-des-prix-malgre-louverture-a-la-concurrence-183751">« l’accès régulé à l’électricité nucléaire historique »</a> (Arenh), les concurrents d’EDF peuvent accéder à la rente issue de la production des centrales nucléaires à des conditions fixées par l’administration.</p>
<p>Le bilan s’avère globalement négatif. En premier lieu, l’évolution du prix moyen de vente du mégawattheure à l’industrie en Europe depuis 1991 démontre qu’il n’y a pas de relation significative entre niveau de la concurrence et prix, puisque ce dernier reste avant tout conditionné par des facteurs de nature conjoncturelle. Ensuite, en cas de crise, la volatilité est hors de contrôle. Enfin, la situation financière de l’opérateur historique est fortement pénalisée et handicape d’autant sa capacité à investir.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1552641963983265792"}"></div></p>
<p>L’autre postulat suppose une optimisation de la capacité de production, donc que la réponse à une demande supplémentaire provienne de la dernière unité mise en production – en l’espèce pour des raisons techniques, des centrales thermiques et soit donc valorisée sur la base du coût marginal de cette dernière unité. Or c’est justement ce mode de calcul qui est à l’original de l’envolée du prix du mégawattheure et de l’explosion de la volatilité. Il convient donc de mettre en œuvre un autre mode de calcul à défaut de quoi le coût de la volatilité viendra gonfler de manière disproportionnée, l’inflation induite par la hausse de la demande.</p>
<h2>Pour une rémunération au coût réel</h2>
<p>Parmi les solutions envisageables, outre les changements relatifs à l’organisation de la production décrits précédemment, certains acteurs ont formulé des propositions au moment de l’invasion de l’Ukraine. Le gouvernement grec, notamment, a soumis en juillet 2022 à l’Union européenne, un modèle visant à <a href="https://www.euractiv.fr/section/energie-climat/news/les-grecs-proposent-un-nouveau-modele-de-marche-europeen-de-lelectricite/">segmenter le marché de gros en deux compartiments distincts</a>.</p>
<p>D’un côté, il y aurait les centrales à coûts marginaux faibles mais à coûts fixes élevés, produisant lorsqu’elles sont disponibles (nucléaires et énergie renouvelables). De l’autre côté, les centrales à coûts variables élevés (qui produisent à partir des combustibles fossiles), qui produiraient à la demande et contribueraient à équilibrer le marché en complément des productions évoquées précédemment. Les premières ne seraient plus rémunérées sur la base des coûts marginaux, mais recevraient un prix couvrant leur coût moyen de long terme, appelé Levelized Cost of Electricity. Le prix payé par le consommateur résulterait d’une moyenne pondérée des prix observés dans chacun des deux compartiments du marché.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/batteries-lue-cherche-lequilibre-entre-ouverture-aux-marches-et-souverainete-technologique-210005">Batteries : l’UE cherche l’équilibre entre ouverture aux marchés et souveraineté technologique</a>
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<p>Ce système présente l’avantage de rémunérer les producteurs en fonction de leur coût réel de production, plutôt que de se baser sur le coût des centrales fossiles et provoquer ainsi une baisse du coût moyen de l’électricité. De plus, en lissant les anticipations des prix futurs, elle devrait mécaniquement réduire la volatilité potentielle.</p>
<p>Voilà pourquoi, pour faire de la maîtrise du prix de l’énergie un socle de la compétitivité industrielle, il parait nécessaire de remettre en cause des postulats qui ont prévalu à l’organisation de la production sur les 20 dernières années et qui ont eu pour effet d’affaiblir les anciens monopoles sans véritable contrepartie mesurable sur le plan économique. Et ce alors que le défi de la transition énergétique passe par un effort d’investissement colossal, dont le succès repose, au-delà du cadre que nous venons de décrire, sur une parfaite coordination sur les plans technique, industriel et institutionnel. Si les acteurs privés ont leur place dans le dispositif, le rôle du maître d’œuvre sera déterminant.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/210503/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Attirer des industriels requiert des prix de l’électricité stables et peu élevés, ce que la libéralisation et la tarification au coût marginal, piliers de la politique de l’UE, ne garantissent pas.Jean Pascal Brivady, Professeur, EM Lyon Business SchoolAbdel Mokhtari, Economiste, Chargé de cours, EM Lyon Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1973702023-01-16T15:06:26Z2023-01-16T15:06:26ZVoici comment votre tasse de café contribue aux changements climatiques<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/503446/original/file-20230106-18-tfcw43.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&rect=29%2C0%2C4876%2C3260&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les scientifiques affirment que le gaspillage de café et d'eau lors de la préparation d'une tasse de café a une empreinte carbone plus importante que l'utilisation de capsules de café.</span> <span class="attribution"><span class="source">(Unsplash)</span></span></figcaption></figure><p>La consommation mondiale de café n’a cessé d’augmenter <a href="https://coffee-rank.com/world-coffee-consumption-statistics/">depuis près de 30 ans</a>. On estime qu’environ <a href="https://britishcoffeeassociation.org/coffee-consumption/">deux-milliards de tasses de café</a> sont consommées quotidiennement dans le monde. Avec une consommation moyenne quotidienne de <a href="https://coffeeassoc.com/wp-content/uploads/2021/06/CAC-Coffee-Consumption-and-COVID19-Infographic-2020.pdf">2,7 tasses de café par personne</a>, le café est sans contredit la boisson la plus populaire auprès des Canadiens.</p>
<p>Parallèlement à cette augmentation soutenue de la consommation, le marché des cafetières s’est beaucoup diversifié. Parmi elles, les cafetières à capsules connaissent un grand succès, <a href="https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2018/12/16/oui-les-dosettes-de-cafe-en-aluminium-sont-cheres-polluantes-et-peu-recyclees_5398374_4355770.html">divisant l’opinion publique</a>. Ce mode de préparation est en effet considéré comme un non-sens écologique, en raison de l’importante quantité d’emballages individuels à usage unique utilisée.</p>
<p>En tant que chercheurs travaillant sur l’évaluation des impacts environnementaux des produits et services, les questions sur les impacts environnementaux causés par la consommation de café en capsule nous sont souvent adressées. Nous avons donc décidé de faire une compilation de plusieurs études scientifiques portant sur l’empreinte carbone de la préparation d’un café.</p>
<p>Dans cet article, nous présentons l’empreinte carbone de différentes manières de préparer un café et donnons également quelques conseils pour réduire leur impact.</p>
<h2>Le cycle de vie de la préparation d’une tasse de café</h2>
<p>La pollution causée par la préparation de notre tasse de café à la maison n’est que la partie émergée de l’iceberg.</p>
<p>Avant de pouvoir déguster une tasse de café, <a href="https://www.visualcapitalist.com/from-bean-to-brew-the-coffee-supply-chain/">plusieurs étapes sont nécessaires</a>, telles que la production agricole des grains de café vert, leur transport, la torréfaction et la mouture des grains, le chauffage de l’eau pour le café et le lavage des tasses.</p>
<p>Ces étapes, communes à tous les modes de préparation de café, consomment des ressources et émettent des gaz à effet de serre (GES).</p>
<p>Pour comparer d’une manière adéquate l’empreinte carbone de plusieurs modes de préparation d’un café, il est impératif de prendre en compte <a href="https://www.oregon.gov/deq/filterdocs/pef-coffee-fullreport.pdf">l’ensemble de leur cycle de vie</a> ; depuis la production du café, en passant par la fabrication des emballages et des machines, jusqu’à la préparation du café et la fin de vie des déchets.</p>
<h2>Comparaison de quatre méthodes de préparation d’un café</h2>
<p>Nous avons comparé quatre méthodes de <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/epdf/10.1111/jiec.12487">préparation de café (280 ml)</a> (les quantités de café entre parenthèses indiquent la quantité de café utilisée au cours du cycle de vie complet de chaque préparation. En effet, il y a des pertes associées, par exemple, aux étapes de mouture et de torréfaction des grains de café) :</p>
<ul>
<li><p>Café filtre traditionnel (25 grammes de café)</p></li>
<li><p>Café encapsulé (14 grammes de café)</p></li>
<li><p>Café infusé – presse française (17 grammes de café)</p></li>
<li><p><a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0959652609001474?via%3Dihub">Café soluble ou café instantané</a> (12 grammes de café)</p></li>
</ul>
<p>Les résultats de notre analyse indiquent clairement que le café filtre traditionnel a l’empreinte carbone la plus élevée, en raison d’une plus grande quantité de café utilisée. L’empreinte carbone du mode de préparation est en fait fortement influencée par la quantité de café utilisée et l’intensité carbone de l’électricité nécessaire au fonctionnement des appareils électriques (cafetière, bouilloire et lave-vaisselle).</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/505238/original/file-20230118-23-bgzrro.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="graphique" src="https://images.theconversation.com/files/505238/original/file-20230118-23-bgzrro.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/505238/original/file-20230118-23-bgzrro.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=355&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/505238/original/file-20230118-23-bgzrro.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=355&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/505238/original/file-20230118-23-bgzrro.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=355&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/505238/original/file-20230118-23-bgzrro.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=446&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/505238/original/file-20230118-23-bgzrro.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=446&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/505238/original/file-20230118-23-bgzrro.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=446&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">L’empreinte carbone de plusieurs manières de préparer un café à la maison.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Luciano Rodrigues Viana)</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Lorsque les consommateurs utilisent les quantités recommandées de café et d’eau, le café soluble semble être l’option la plus sobre en carbone. Cela est dû à la plus faible quantité de café utilisée par tasse, à la plus faible consommation électrique d’une bouilloire, par rapport à une cafetière, et à l’absence de déchets devant être traités en fin de vie.</p>
<p>En revanche, le café en capsule ne s’avère pas être une option si désastreuse pour l’environnement.</p>
<p>Pourquoi ? Parce que les capsules permettent de réduire les quantités de café, d’électricité et d’eau utilisées lors de la préparation d’un café. Boire un café en capsule permet d’économiser entre 11 et 13 grammes de café par rapport à un café filtre traditionnel. Or, la production de 11 grammes de café Arabica au Brésil émet, en moyenne, <a href="https://ecoinvent.org/the-ecoinvent-database/">environ 59 grammes d’éq. CO₂</a> (équivalent CO<sub>2</sub>). Cette valeur est bien plus élevée que les 27 grammes d’éq. CO<sub>2</sub> émis lors de la fabrication et l’enfouissement d’une capsule en plastique. Ces chiffres donnent une idée de l’importance d’éviter la surconsommation et le gaspillage de café.</p>
<h2>Chiffres en perspective</h2>
<p>L’empreinte carbone de la consommation de café est non négligeable. En effet, le budget carbone disponible pour chaque habitant de la terre, établi dans le but de respecter les accords climatiques, est de <a href="https://www.unep.org/emissions-gap-report-2020">2,1 t éq. CO₂ par an</a>.</p>
<p>À titre comparatif, les émissions liées à la consommation de 152 litres de café annuellement, <a href="https://www.cbc.ca/news/business/canada-coffee-tim-hortons-1.3745971">moyenne canadienne</a>, représentent 3-5 % de ce budget au Québec et 4-8 % en Alberta (où l’électricité est très carbonée).</p>
<h2>Production de grains de café vert</h2>
<p>Quel que soit le mode de préparation de votre café, la production des grains est la phase la plus émettrice de GES. Elle contribue de 40 à 80 % des émissions totales. Il y a plusieurs raisons à cela.</p>
<p><a href="https://www.coffeehabitat.com/2006/02/what_is_shade_g/">Le caféier est un arbuste</a> qui est traditionnellement cultivé à l’ombre du couvert forestier. Néanmoins, avec l’augmentation de la demande et la modernisation du secteur, de nombreuses plantations traditionnelles ont été transformées en vastes champs entièrement exposés au soleil. Ces champs nécessitent des systèmes d’irrigation et un épandage de fertilisants et de pesticides intensifs.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Une plantation de café" src="https://images.theconversation.com/files/503164/original/file-20230105-64877-jn7odg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/503164/original/file-20230105-64877-jn7odg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/503164/original/file-20230105-64877-jn7odg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/503164/original/file-20230105-64877-jn7odg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/503164/original/file-20230105-64877-jn7odg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/503164/original/file-20230105-64877-jn7odg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/503164/original/file-20230105-64877-jn7odg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Le processus de production du café contribue largement à l’empreinte carbone du café en raison de l’irrigation intensive, des systèmes de fertilisation et des pesticides adoptés.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(AP Photo/Moises Castillo)</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p><a href="https://link.springer.com/article/10.1065/lca2006.01.230">Les travaux agricoles, l’irrigation et l’utilisation d’engrais azotés</a> – dont la production nécessite de grandes quantités de gaz naturel et dont l’utilisation émet du protoxyde d’azote, un puissant GES – contribuent de manière significative à l’empreinte carbone de la production des grains de café.</p>
<h2>Comment réduire l’empreinte carbone de notre tasse de café ?</h2>
<p>Au niveau du consommateur, éviter le gaspillage de café et d’eau est le moyen le plus efficace de réduire l’empreinte carbone des cafés filtres traditionnels, infusés et solubles. Dans ce sens, il convient d’opter pour des préparations de café plus petites, comme les espressos de 50 ou 100 ml.</p>
<p>Les machines à capsules présentent l’avantage d’éviter une préparation excessive de café et d’eau. Toutefois, si la commodité des machines à capsules incite les consommateurs à doubler leur consommation, elles perdent alors toute pertinence environnementale. Les consommateurs doivent également s’informer à propos des possibilités de recyclage des capsules dans la ville où ils habitent afin d’éviter qu’elles ne soient envoyées dans des sites d’enfouissement. Mieux encore, les amateurs de ce style de café peuvent opter pour des <a href="https://www.capsme.fr/">capsules réutilisables</a>.</p>
<p>Si vous habitez dans une province où la production d’électricité est très carbonée, il convient de ne pas utiliser la plaque chauffante des cafetières et de rincer votre tasse de café à l’eau froide.</p>
<p>L’électricité utilisée pour laver une tasse de café en Alberta, province où la production d’électricité est basée sur le <a href="https://www.cer-rec.gc.ca/en/data-analysis/energy-commodities/electricity/report/canadas-renewable-power/provinces/renewable-power-canada-alberta.html">charbon et le gaz naturel</a>, émet plus de GES (29 grammes d’éq. CO<sub>2</sub>) que la fabrication d’une capsule de café et son envoi à l’enfouissement (27 grammes d’éq. CO<sub>2</sub>). Au Québec, <a href="https://www.cer-rec.gc.ca/en/data-analysis/energy-commodities/electricity/report/canadas-renewable-power/provinces/renewable-power-canada-quebec.html">grâce à l’hydroélectricité</a>, laver sa tasse au lave-vaisselle a un impact négligeable (0,7 gramme d’éq. CO<sub>2</sub> par tasse).</p>
<h2>Remettre en question nos raisonnements intuitifs pour mieux agir</h2>
<p>Ne pas utiliser des capsules nous donne bonne conscience en tant que consommateur de café. Mais concentrer le débat autour des capsules est contre-productif, car cela occulte les gestes les plus efficaces pour réduire l’empreinte carbone associée à la consommation de café à l’échelle individuelle. Les analyses de cycle de vie (ACV) présentent l’intérêt d’identifier les phases les plus polluantes de la chaîne de production et leurs résultats remettent parfois en question nos raisonnements intuitifs, qui sont de temps à autre trompeurs.</p>
<p>Il est avant tout important de limiter le gaspillage et la préparation excessive de café, d’autant plus que la production de café sera probablement affectée dans le futur. Les changements climatiques pourraient en effet réduire la superficie mondiale de terres propices à la <a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s10584-014-1306-x">production du café d’environ 50 %</a> d’ici à 2050, et ce, dans un contexte où la <a href="https://www.sustaincoffee.org/assets/resources/ci-report-coffee-in-the-21st-century.pdf">demande va tripler</a>.</p>
<p>Même si les consommateurs de café ont un rôle à jouer dans la réduction de leur empreinte carbone, c’est principalement les gouvernements des pays producteurs de café et des entreprises multinationales qui doivent créer des conditions économiques et techniques nécessaires à l’émergence d’une <a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s11027-013-9467-x">production de café moins dépendante</a> des systèmes d’irrigation, d’engrais et de pesticides, et ce, tout en évitant la déforestation.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/197370/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Luciano Rodrigues Viana a reçu des financements du Conseil de Recherches en Sciences Naturelles et en Génie du Canada (CRSNG).</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Jean-François Boucher est financé par le Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada (CRSNG).</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Charles Marty et Pierre-Luc Dessureault ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur poste universitaire.</span></em></p>L’empreinte carbone du mode de préparation est fortement influencée par la quantité de café utilisée et l’intensité carbone de l’électricité nécessaire au fonctionnement des appareils électriques.Luciano Rodrigues Viana, Doctorant en sciences de l'environnement, Département des sciences fondamentales, Université du Québec à Chicoutimi (UQAC)Charles Marty, Adjunct professor, Université du Québec à Chicoutimi (UQAC)Jean-François Boucher, Professeur, Eco-consulting, Université du Québec à Chicoutimi (UQAC)Pierre-Luc Dessureault, Assistant researcher, Université du Québec à Chicoutimi (UQAC)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1971712023-01-09T14:17:51Z2023-01-09T14:17:51ZEnvoyer moins de courriels : un geste symbolique, mais inefficace, pour le climat<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/503112/original/file-20230104-22-6oo46p.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&rect=23%2C7%2C5106%2C3872&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">L'utilisation de l'électricité pour supprimer manuellement les courriels pourrait avoir un impact carbone plus important que leur simple stockage.</span> <span class="attribution"><span class="source">(Unsplash)</span></span></figcaption></figure><p>L’empreinte carbone présumée gigantesque des courriels est un <a href="https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/la-chronique-environnement/contre-le-merci-envoye-par-courrier-electronique-4486436">sujet traité fréquemment dans les médias</a>, mais souvent de manière exagérée ou même erronée.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/cadeaux-de-noel-la-fabrication-de-nos-appareils-numeriques-a-une-enorme-empreinte-carbone-196620">Cadeaux de Noël : la fabrication de nos appareils numériques a une énorme empreinte carbone</a>
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<p>Selon eux (et même selon la <a href="https://twitter.com/AgnesRunacher/status/1529025579386867712">ministre française de la Transition énergétique</a>), réduire la quantité de courriels envoyés et les effacer serait des mesures importantes pour réduire notre empreinte carbone.</p>
<p>L’impact des services numériques (regarder des films et des séries en continu, écouter de la musique, envoyer des courriels, faire des rencontres en visioconférence, etc.) est bel et bien réel et en croissance depuis plusieurs années. Le secteur des technologies de l’information et de la communication (TIC) représente <a href="https://arxiv.org/abs/2102.02622">2,1-3,9 % des émissions mondiales</a> annuelles de gaz à effet de serre (GES) d’origine anthropique. Cependant, l’empreinte carbone exagérée des courriels est trompeuse vis-à-vis <a href="https://theconversation.com/cadeaux-de-noel-la-fabrication-de-nos-appareils-numeriques-a-une-enorme-empreinte-carbone-196620">d’autres leviers d’action qui permettraient de réduire substantiellement l’impact des utilisateurs associés aux TIC</a>.</p>
<p>En tant que chercheurs travaillant sur la quantification des émissions de GES anthropiques, <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S2352550922002652">dont celles provenant de l’utilisation des TIC</a>, nous pensons qu’il est important de déboulonner ce mythe, qui perdure depuis plusieurs années, afin que nous puissions nous concentrer sur la réduction des sources les plus importantes de GES dans le secteur des TIC.</p>
<h2>L’origine de la popularité de l’empreinte carbone des courriels</h2>
<p>Avant d’entrer dans le vif du sujet, il convient de comprendre l’origine des premiers chiffres ventilés par les médias à propos de l’impact de courriels.</p>
<p>L’idée qu’envoyer moins de courriels permettrait de réduire une quantité importante de GES a été popularisée par Mike Berners-Lee dans son livre <a href="https://www.amazon.com/How-Bad-Are-Bananas-Everything/dp/1553658310">How Bad Are Bananas ? The Carbon Footprint of Everything</a>, publié en 2010. Pour la petite histoire, l’auteur est frère de <a href="https://www.capital.fr/entreprises-marches/tim-berners-lee-lhistoire-meconnu-du-pere-du-web-1321749">Tim Berners-Lee</a>, créateur de la navigation via les adresses web (www, URL) et l’un des précurseurs de l’Internet.</p>
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<img alt="Deux mains tapant sur un ordinateur portable" src="https://images.theconversation.com/files/501132/original/file-20221214-14933-cj9xs2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/501132/original/file-20221214-14933-cj9xs2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=401&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/501132/original/file-20221214-14933-cj9xs2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=401&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/501132/original/file-20221214-14933-cj9xs2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=401&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/501132/original/file-20221214-14933-cj9xs2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/501132/original/file-20221214-14933-cj9xs2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/501132/original/file-20221214-14933-cj9xs2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Quantifier l’empreinte carbone de l’envoi de courriels, ou de tout autre service numérique, n’est pas une tâche facile.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Unsplash)</span></span>
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<p>Les chiffres mentionnés dans ce livre ont été repris par plusieurs médias autour du globe, <a href="https://unpointcinq.ca/comprendre/face-cachee-du-courriel/#:%7E:text=Un%20seul%20courriel%20a%20un,peser%20dans%20la%20balance%20climatique.">même au Canada</a>, ce qui a contribué à renforcer cette idée.</p>
<p>Par ailleurs, <a href="https://www.ft.com/content/592e2903-a6af-4600-8987-3ea4b60b723b">dans une déclaration pour le Financial Times en 2020</a>, Mike Berners-Lee s’est montré prudent par rapport à l’interprétation de ses calculs. Il a déclaré que ses estimations étaient utiles pour lancer des conversations plus larges, mais qu’il était essentiel de mettre l’accent sur des questions plus importantes liées aux TIC.</p>
<h2>Envoyer moins ou supprimer des courriels n’est qu’un geste symbolique</h2>
<p>Que se passerait-il si nous décidions d’envoyer significativement moins de courriels ou encore de supprimer nos courriels qui ne sont plus utiles ? À part libérer un peu de place dans les serveurs qui les hébergent, rien ne laisse croire que cela pourrait réduire de manière importante la consommation énergétique des infrastructures numériques. Voici pourquoi :</p>
<p>1) Les systèmes de stockage et de transmission de données numériques <a href="https://www.carbontrust.com/our-work-and-impact/guides-reports-and-tools/carbon-impact-of-video-streaming">fonctionnent 24 heures sur 24, 7 jours sur 7</a> avec une consommation d’énergie de base plus ou moins constante, même lorsqu’ils ne sont pas sollicités. En effet, les réseaux sont dimensionnés pour faire face aux demandes de pointe. Que le courriel soit envoyé ou pas, les réseaux utiliseront à peu près la même quantité d’énergie.</p>
<p>2) Il est vrai qu’une quantité incroyable de pourriels (<a href="https://dataprot.net/statistics/spam-statistics/">122 milliards en 2022</a>) et de courriels authentiques (<a href="https://dataprot.net/statistics/spam-statistics/">22 milliards</a>) sont envoyés par jour. Même si ces chiffres semblent inquiétants, l’échange de courriels ne représente que <a href="https://www.sami.eco/post/empreinte-carbone-email">1 % du trafic Internet</a>. À titre de comparaison, les services de vidéo représentent environ <a href="https://3dhost.me/#:%7E:text=En%205%20ans%2C%20le%20trafic,et%20le%20gaming%20environ%204%25.">82 % du trafic Internet</a> et pourraient encore augmenter dans les années à venir.</p>
<p>3) Sachant que 85 % du trafic des courriels sont en fait des pourriels, envoyer moins de courriels à l’échelle individuelle a une influence limitée pour diminuer la quantité de courriels qui circulent sur le web.</p>
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<img alt="un router" src="https://images.theconversation.com/files/501143/original/file-20221214-15254-f7lpo7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/501143/original/file-20221214-15254-f7lpo7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/501143/original/file-20221214-15254-f7lpo7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/501143/original/file-20221214-15254-f7lpo7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/501143/original/file-20221214-15254-f7lpo7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/501143/original/file-20221214-15254-f7lpo7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/501143/original/file-20221214-15254-f7lpo7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">La consommation d’électricité associée aux appareils électroniques reste plus ou moins la même, car nos ordinateurs et nos routeurs restent souvent allumés.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Unsplash)</span></span>
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<p>4) Que le courriel soit envoyé ou pas, nos ordinateurs et routeurs seront toujours allumés. La consommation d’électricité associée aux appareils électroniques sera donc plus ou moins toujours la même. Il est très rare que nous allumions un ordinateur uniquement pour envoyer un courriel.</p>
<p>5) L’impact associé à l’utilisation des centres de données et les réseaux de transmission est extrêmement faible lors de l’envoi des courriels. Pour avoir un ordre d’idée, parcourir 1 km avec une voiture compacte émet autant de GES que l’électricité utilisée pour transférer et stocker 3 500 courriels de 5 Mo. Un autre exemple, l’électricité nécessaire pour chauffer une tasse de thé dans une bouilloire consomme autant d’électricité que le transfert et le stockage de 1 500 courriels d’un Mo.</p>
<p>6) Dépendamment du temps nécessaire pour trier et effacer des courriels, l’empreinte carbone de l’utilisation de l’ordinateur et l’impact imputé à sa fabrication peuvent être plus importants que ce qu’on pourrait éventuellement réduire en les supprimant. Par exemple, effacer 1 000 courriels aurait un bénéfice carbone d’environ 5 g d’éq. CO<sub>2</sub>. En se basant sur le bouquet électrique de la province de l’Alberta (<a href="https://www.cer-rec.gc.ca/fr/donnees-analyse/produits-base-energetiques/electricite/rapport/electricite-renouvelable-canada/provinces/electricite-renouvelable-canada-alberta.html">électricité très carbonée</a>), l’impact d’utiliser un ordinateur portable pour 30 minutes émet 28 g d’éq. CO<sub>2</sub> (fabrication + électricité). Dans un contexte québécois (<a href="https://www.cer-rec.gc.ca/fr/donnees-analyse/produits-base-energetiques/electricite/rapport/electricite-renouvelable-canada/provinces/electricite-renouvelable-canada-quebec.html">électricité bas carbone</a>), ce chiffre baisse à 5 g d’éq. CO<sub>2</sub>. En résumé, supprimer manuellement ses courriels peut entraîner plus d’impact que de simplement les stocker, puisque cela représente du temps passé devant l’ordinateur.</p>
<h2>Comment réduire l’empreinte carbone de nos courriels ?</h2>
<p>Pour quantifier l’empreinte carbone d’un courriel, il faut prendre en compte l’ensemble des étapes impliquées dans son cycle de vie ; depuis l’écriture jusqu’à la réception et lecture de courriels.</p>
<p>L’empreinte carbone des courriels est principalement associée à la fabrication des appareils électroniques qui sont utilisés pour les écrire et les lire (environ 70-90 %). La phase d’utilisation gagne de l’importance, et peut être même supérieure à la fabrication, lorsque l’électricité utilisée pour alimenter les appareils électroniques est majoritairement produite à partir de combustibles fossiles (comme en Alberta).</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1288015223799058433"}"></div></p>
<p>La meilleure manière de réduire l’empreinte carbone des courriels consiste à allonger la durée de vie des appareils électroniques et à utiliser ceux moins gourmands en électricité.</p>
<h2>Choisissons nos batailles</h2>
<p>Il s’avère ainsi plus judicieux de concentrer notre temps et notre énergie dans des actions qui sont vraiment efficaces pour réduire notre empreinte carbone associée à l’utilisation de services numériques (acheter moins de produits électroniques et surtout prolonger leur durée de vie) et à d’autres activités quotidiennes à fort impact (transport, alimentation et le chauffage).</p>
<p>En somme, vous pouvez supprimer vos courriels pour gagner de la place de stockage ou pour trouver ce que vous cherchez plus rapidement… mais pas nécessairement pour sauver la planète !</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/197171/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Luciano Rodrigues Viana a reçu des financements du Conseil de Recherches en Sciences Naturelles et en Génie du Canada (CRSNG).</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Jean-François Boucher a reçu des financements du Conseil de Recherches en Sciences Naturelles et en Génie du Canada (CRSNG).</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Mohamed Cheriet a reçu des financements du Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada (CRSNG).</span></em></p>Les activités numériques, comme l’envoi de courriels, contribuent de façon marginale à l’empreinte carbone annuelle des utilisateurs des technologies de l’information et de la communication.Luciano Rodrigues Viana, Doctorant en sciences de l'environnement, Département des sciences fondamentales, Université du Québec à Chicoutimi (UQAC)Jean-François Boucher, Professeur, Eco-consulting, Université du Québec à Chicoutimi (UQAC)Mohamed Cheriet, Full Professor, System Engineering Department & General Director, CIRODD: Interdisciplinary Research Centre on the Opérationnalisation of Sustainability Development, École de technologie supérieure (ÉTS)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1966202022-12-21T18:19:42Z2022-12-21T18:19:42ZCadeaux de Noël : la fabrication de nos appareils numériques a une énorme empreinte carbone<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/502191/original/file-20221220-26-ecence.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=5%2C0%2C992%2C667&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Si vous tenez absolument à offrir des produits électroniques à vos proches,
cherchez des informations environnementales et sociales sur les produits que vous souhaitez acheter.</span> <span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span></figcaption></figure><p>La période des fêtes arrive à grands pas et vous cherchez à offrir des appareils électroniques à vos proches ? Téléphones intelligents, consoles vidéos, tablettes, liseuses, montres connectées, ordinateurs, batteries externes ; le moins qu’on puisse dire, c’est que les options sont nombreuses.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/en-construction-mieux-vaut-preconiser-le-bois-pour-reduire-lempreinte-carbone-des-batiments-180752">En construction, mieux vaut préconiser le bois pour réduire l’empreinte carbone des bâtiments</a>
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<p>Mais, en tant que consommateurs de ces produits, sommes-nous vraiment conscients de l’énorme coût carbone associé à tout le cycle de vie de notre cadeau, de la fabrication, à l’utilisation et à la fin de vie de ces appareils électroniques ? Dans un <a href="https://doi.org/10.1016/j.spc.2022.09.025">article publié récemment</a>, mes collègues et moi avons montré que l’empreinte carbone associée à l’utilisation des services numériques (regarder des films et de séries en diffusion en continu, écouter de la musique, envoyer des courriels, faire des rencontres en visioconférence) est dominée par la fabrication des appareils électroniques.</p>
<p>En tant que chercheurs travaillant sur les impacts environnementaux des systèmes économiques, nous pensons qu’il est important d’alerter les utilisateurs de services numériques sur les enjeux associés à la production de leurs appareils électroniques. Nous fournissons également quelques trucs et astuces à celles et ceux qui souhaitent offrir un produit électronique comme cadeau.</p>
<h2>Une production effrénée de produits électroniques et de déchets</h2>
<p>Le trafic de données numériques est passé de <a href="https://twiki.cern.ch/twiki/pub/HEPIX/TechwatchNetwork/HtwNetworkDocuments/white-paper-c11-741490.pdf">100 Go par jour en 1992 à 46 000 Go par seconde en 2017, et pourrait atteindre 150 000 Go par seconde avant la fin de 2022</a>. La numérisation de notre société s’est également accompagnée d’une utilisation intensive d’appareils électroniques.</p>
<p>En 2019, les quatre milliards d’utilisateurs de services numériques dans le monde possédaient <a href="https://www.greenit.fr/empreinte-environnementale-du-numerique-mondial/">34 milliards d’appareils numériques</a>. Le nombre d’appareils électroniques connectés à l’internet devrait atteindre <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0959652621031577">200 milliards d’unités d’ici 2030</a>.</p>
<p>La production effrénée d’appareils électroniques produite chaque année génère aussi une quantité importante de déchets électroniques à traiter en fin de vie. On estime que le monde a généré <a href="https://ewastemonitor.info/gem-2020/">53 millions de tonnes de déchets électroniques en 2019, dont seulement 17 % ont été recyclés</a>. En moyenne, un Canadien génère <a href="https://globalewaste.org/map/">20 kg de déchets électroniques par an</a>.</p>
<h2>L’empreinte carbone des appareils électroniques</h2>
<p><a href="https://doi.org/10.1016/j.spc.2022.09.025">Dans un article publié récemment</a>, nous avons créé plusieurs profils d’utilisation de services numériques (intensif, modéré et consciencieux) afin de comparer l’empreinte carbone des utilisateurs en fonction d’un certain nombre de paramètres. On parle notamment du nombre d’appareils électroniques achetés, le modèle et le temps que les consommateurs décident de les garder.</p>
<p>Uniquement à cause de la fabrication des appareils électroniques, l’empreinte carbone varie de <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S2352550922002652">90 kg à 327 kg d’éq. CO₂ par an</a>.</p>
<p>Pour mettre ces chiffres en perspective, il suffit de les relativiser par rapport au budget carbone disponible pour chaque habitant de la terre (<a href="https://www.unep.org/emissions-gap-report-2020">2,1 t éq. CO₂ par an</a>) afin de respecter les accords climatiques. À titre comparatif, les émissions par personne des Québécoises et Québécois représentent en moyenne <a href="https://unfccc.int/documents/194925">près de 10 t éq. CO₂ par an</a>. On estime ainsi que le poids annuel de la fabrication des appareils électroniques dans le budget carbone des utilisateurs varie entre 4 % (utilisateur consciencieux) à 16 % (utilisateur intensif).</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/502181/original/file-20221220-6047-ko0oa2.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/502181/original/file-20221220-6047-ko0oa2.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=343&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/502181/original/file-20221220-6047-ko0oa2.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=343&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/502181/original/file-20221220-6047-ko0oa2.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=343&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/502181/original/file-20221220-6047-ko0oa2.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=431&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/502181/original/file-20221220-6047-ko0oa2.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=431&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/502181/original/file-20221220-6047-ko0oa2.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=431&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Empreinte carbone de la fabrication des appareils électroniques en fonction des profils des utilisateurs.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Luciano Rodrigues Viana), Fourni par l’auteur</span></span>
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<p>Le budget carbone des utilisateurs peut être encore plus compromis lorsqu’on y ajoute la consommation d’électricité des appareils électroniques. Un utilisateur intensif en Alberta consommerait ainsi 25 % de son budget carbone (électricité très carbonée). <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S2352550922002652">Ces chiffres s’élèvent à 17 % pour le même profil d’utilisation au Québec (électricité bas carbone)</a>.</p>
<p>N’oublions pas qu’il faut également ajouter à ce budget carbone ce que nous mangeons, les transports que nous utilisons, nos vacances, nos voyages d’affaires, nos vêtements, le chauffage de notre maison, et j’en passe. Bref, vous avez compris que chaque choix de consommation est important dans l’équation de notre budget carbone, budget que nous souhaitons respectueux des objectifs climatiques mondiaux.</p>
<p>À la lumière de ces résultats, acheter moins de produits électroniques et surtout prolonger leur durée de vie sont les deux actions les plus efficaces pour réduire l’empreinte carbone des utilisateurs des services numériques.</p>
<p>Bien que cette solution semble triviale, l’obsolescence technologique rapide et les pressions sociales incitent les utilisateurs à acheter régulièrement de nouveaux appareils électroniques au lieu de les conserver plus longtemps.</p>
<p>Aux États-Unis, par exemple, les téléphones intelligents sont remplacés, en moyenne, <a href="https://www.statista.com/statistics/619788/average-smartphone-life/">après 2,75 ans d’utilisation</a>. À l’échelle mondiale, <a href="https://librairie.ademe.fr/cadic/7327/guide-longue-vie-smartphone.pdf">1,43 milliard de téléphones intelligents</a> ont été vendus en 2021. Ces chiffres renforcent la nécessité d’une utilisation plus raisonnée des produits numériques.</p>
<h2>D’où provient cette empreinte carbone aussi élevée ?</h2>
<p>L’impact carbonique élevé des produits électroniques provient notamment de <a href="https://librairie.ademe.fr/consommer-autrement/1190-modelisation-et-evaluation-du-poids-carbone-de-produits-de-consommation-et-biens-d-equipement.html">la production de cartes et de composants électroniques de puissance et de contrôle, ainsi que de la production d’écrans pour les produits concernés</a>.</p>
<p>L’extraction et la transformation de minéraux indispensables à la fabrication des produits électroniques (or, argent, cuivre, cobalt, lithium, terres rares et autres) nécessitent une grande quantité d’énergie.</p>
<p>En outre, la production de composants et l’assemblage de produits finis sont en grande partie réalisés en Chine (<a href="https://arxiv.org/abs/2102.02622">61 % de la production du secteur des technologies de l’information et de la communication (TIC) pour 2015</a>), où la production d’électricité est très carbonée.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/502182/original/file-20221220-20-zxuzeo.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/502182/original/file-20221220-20-zxuzeo.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=266&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/502182/original/file-20221220-20-zxuzeo.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=266&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/502182/original/file-20221220-20-zxuzeo.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=266&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/502182/original/file-20221220-20-zxuzeo.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=334&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/502182/original/file-20221220-20-zxuzeo.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=334&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/502182/original/file-20221220-20-zxuzeo.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=334&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Empreinte carbone de la fabrication de certaines marques et modèles de téléphones intelligents. Le transport, l’utilisation et les étapes de fin de vie ne sont pas inclus dans l’évaluation.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Luciano Rodrigues Viana), Fourni par l’auteur</span></span>
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</figure>
<h2>Au-delà de la culpabilisation des utilisateurs des TIC</h2>
<p>Si l’action individuelle peut réduire notre empreinte écologique liée à la fabrication des appareils électroniques, elle est largement insuffisante pour l’émergence d’une industrie numérique compatible avec les limites planétaires. Les États et les entreprises ont donc un rôle fondamental à jouer.</p>
<p>Les gouvernements doivent, entre autres, créer des lois pour lutter contre le gaspillage de ressources matérielles et énergétiques. Par exemple, <a href="https://www.ecologie.gouv.fr/indice-reparabilite">exiger que les fabricants des produits électroniques affichent le niveau de réparabilité de leurs produits</a> et même interdire la commercialisation des produits non réparables et non recyclables.</p>
<p>Les entreprises doivent d’adopter des modèles économiques cohérents avec les enjeux environnementaux et sociaux de notre époque.</p>
<p>Aujourd’hui, le modèle économique utilisé par la plupart des fabricants des appareils électroniques est largement basé sur <a href="https://www.qqf.fr/infographie/49/obsolescence-programmee">l’obsolescence programmée (technique, esthétique et logicielle)</a>. En d’autres mots, c’est une stratégie qui vise à créer, chez les consommateurs, un besoin constant l’amenant à racheter de nouveaux biens.</p>
<p>Ces pratiques sont vraisemblablement en contradiction avec les efforts actuels pour développer une industrie numérique cohérente avec une trajectoire de neutralité carbone.</p>
<h2>Offrir des produits numériques</h2>
<p>Si vous tenez absolument à offrir des produits électroniques à vos proches, n’oubliez pas de considérer au moins trois aspects dans votre décision.</p>
<p>En premier lieu, assurez-vous que votre cadeau sera réellement utilisé. Il est dommage de mobiliser autant de matières premières et d’énergie pour fabriquer des appareils qui seront très peu, voire jamais utilisé. <a href="https://librairie.ademe.fr/dechets-economie-circulaire/5942-evaluation-de-l-impact-environnemental-de-la-digitalisation-des-services-culturels.html">L’empreinte carbone d’une liseuse</a>, par exemple, est amortie entre 50 et 100 livres lus. Ainsi, pour une personne qui lit, disons cinq livres par an, il faut garder la liseuse de 10 à 20 ans pour que chaque livre électronique supplémentaire ait moins d’impact carbone que le format papier.</p>
<p>Deuxièmement, achetez de préférence des produits reconditionnés. Par exemple, en moyenne, un téléphone intelligent reconditionné est <a href="https://librairie.ademe.fr/cadic/7327/guide-longue-vie-smartphone.pd">jusqu’à 8 fois moins impactant pour l’environnement que le neuf</a> (82 kg de matières économisées et 87 % de gaz à effet de serre en moins). C’est bon pour la planète, mais aussi pour le porte-monnaie !</p>
<p>Enfin, cherchez des informations environnementales et sociales sur les produits que vous souhaitez acheter. Il faut choisir ceux qui sont <a href="https://tcocertified.com/fr/criteria-overview/">plus facilement réparables</a>, <a href="https://www.ecoconso.be/fr/content/label-ange-bleu-blauer-engel-pour-le-materiel-informatique">efficaces d’un point de vue énergétique</a>, émettent moins de carbone et fabriqués dans le <a href="https://www.francetvinfo.fr/replay-radio/nouveau-monde/nouveau-monde-fairphone-2-le-smartphone-anti-geek_2383230.html">respect des droits de l’humain</a>.</p>
<p>La prochaine fois que quelqu’un vous offrira un produit électronique, vous saurez désormais qu’il a un impact très important sur la planète. Assurez-vous au moins de lui donner la plus longue vie possible !</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/196620/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Luciano Rodrigues Viana a reçu des financements du Conseil de Recherches en Sciences Naturelles et en Génie du Canada (CRSNG). </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Jean-François Boucher a reçu des financements du Conseil de Recherches en Sciences Naturelles et en Génie du Canada (CRSNG).</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Mohamed Cheriet ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>L’empreinte carbone associée à l’utilisation des services numériques est dominée par la fabrication des appareils électroniques. À l’approche de Noël, une prise de conscience s’impose.Luciano Rodrigues Viana, Doctorant en sciences de l'environnement, Département des sciences fondamentales, Université du Québec à Chicoutimi (UQAC)Jean-François Boucher, Professeur, Eco-consulting, Université du Québec à Chicoutimi (UQAC)Mohamed Cheriet, Full Professor, System Engineering Department & General Director, CIRODD: Interdisciplinary Research Centre on the Opérationnalisation of Sustainability Development, École de technologie supérieure (ÉTS)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1944142022-12-16T14:40:28Z2022-12-16T14:40:28ZVoici pourquoi il est déconseillé de prendre une douche pendant un orage<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/495156/original/file-20221114-18-q4e8bi.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=8%2C2%2C989%2C663&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">En règle générale, si vous pouvez entendre le tonnerre au loin, alors vous êtes suffisamment proche de l’orage pour que la foudre vous atteigne, même s’il n’y a pas de pluie.</span> <span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span></figcaption></figure><p>Le <a href="https://www.metoffice.gov.uk/">Met Office</a>, service national britannique de météorologie, a émis plusieurs « alertes d’orages jaunes » pour le Royaume-Uni, soulignant le <a href="https://www.metoffice.gov.uk/about-us/press-office/news/weather-and-climate/2022/days-of-thunder-ahead-for-some">potentiel d’éclairs fréquents</a>. Bien que la probabilité que vous soyez frappé par un éclair soit faible, il est important de savoir comment demeurer en sécurité pendant un orage. Chaque année dans le monde, environ 24 000 personnes sont <a href="https://www.vaisala.com/sites/default/files/documents/Annual_rates_of_lightning_fatalities_by_country.pdf">tuées par la foudre</a> et 240 000 autres sont blessées.</p>
<p>La plupart des gens connaissent les règles de sécurité de base en cas d’orage, comme éviter de se tenir sous les arbres ou près d’une fenêtre, et ne pas utiliser un téléphone filaire (les téléphones cellulaires sont sans danger).</p>
<p>Mais saviez-vous que vous devriez vous abstenir de prendre une douche, un bain ou de laver la vaisselle pendant un orage ?</p>
<p>Pour en comprendre la raison, il faut d’abord expliquer un peu comment fonctionnent les orages et les éclairs.</p>
<p>Deux éléments fondamentaux favorisent le développement d’un orage : l’humidité et l’air chaud ascendant, qui vont bien sûr de pair avec la saison estivale. Les températures élevées et l’humidité créent de grandes quantités d’air humide qui s’élève dans l’atmosphère ; cette masse d’air peut alors se transformer en orage.</p>
<p>Les nuages contiennent des millions de gouttelettes d’eau et de glace et leur interaction est à l’origine de la <a href="https://www.weather.gov/safety/lightning-science-electrification">foudre</a>. Les gouttes d’eau qui montent entrent en collision avec les gouttes de glace qui tombent, leur transmettant une charge négative et repartant avec une charge positive. Lors d’un orage, les nuages agissent comme d’énormes générateurs Van de Graaff, séparant les charges positives et négatives pour créer de gigantesques différences de charge à l’intérieur des nuages.</p>
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<figcaption><span class="caption">Le fonctionnement d’un générateur de Van de Graaff.</span></figcaption>
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<p>Lorsque les nuages orageux se déplacent au-dessus de la Terre, ils génèrent une charge contraire dans le sol, et c’est ce qui attire l’éclair vers celui-ci. L’orage cherche l’équilibre et il le trouve en se déchargeant entre les régions positives et négatives. Le trajet de moindre résistance est généralement emprunté par ce courant ; les objets offrant une plus grande conductivité (comme le métal) sont plus susceptibles d’être frappés pendant une tempête.</p>
<p>Le meilleur conseil en cas d’orage est le suivant : lorsque le tonnerre gronde, rentrez sans perdre une seconde. Toutefois, cela ne signifie pas que vous êtes totalement à l’abri. Certaines activités à l’intérieur peuvent être presque aussi risquées que de rester dehors pendant la tourmente.</p>
<h2>Trajet de moindre résistance</h2>
<p>À moins que vous ne soyez assis dans un bain à l’extérieur ou que vous ne preniez une douche sous la pluie, il est incroyablement peu probable que vous soyez frappé par la foudre. Mais si un éclair atterrit sur votre maison, l’électricité empruntera le trajet de moindre résistance jusqu’au sol. Des éléments tels que des fils métalliques ou de l’eau dans vos canalisations constituent un chemin conducteur idéal que le courant peut suivre pour rejoindre la terre.</p>
<p>La douche fournit ces deux choses (eau et métal), ce qui en fait un itinéraire parfait pour l’électricité. Une bonne douche apaisante pourrait se transformer en quelque chose de beaucoup moins relaxant. Aux États-Unis, les <a href="https://www.cdc.gov/disasters/lightning/safetytips.html">Centres pour le contrôle et la prévention des maladies (Centers for Disease Control and Prevention)</a> encouragent fortement les gens à éviter toute activité en rapport avec l’eau pendant un orage – même la vaisselle – afin de réduire le risque d’être touché.</p>
<p>D’autres dangers sont à craindre pendant un orage. L’un d’entre eux, qui peut ne pas sembler évident, consiste à s’appuyer sur un mur en béton. Bien que ce matériau ne soit pas lui-même très conducteur, s’il a été renforcé par des poutres métalliques (appelées « barres d’armature »), celles-ci peuvent représenter un bon chemin pour la foudre. Évitez également d’utiliser tout ce qui est branché sur une prise électrique (ordinateurs, téléviseurs, machines à laver, lave-vaisselle), car tous ces appareils peuvent constituer des voies d’accès pour l’éclair.</p>
<p>En règle générale, si vous pouvez entendre le tonnerre au loin, alors vous êtes suffisamment proche de l’orage pour que la foudre vous atteigne, même s’il n’y a pas de pluie. Les foudroiements peuvent se produire jusqu’à seize kilomètres de l’orage dont ils sont issus. En principe, une demi-heure après avoir entendu le dernier coup de tonnerre, on peut retourner sous la douche en toute sécurité.</p>
<p>Les orages aiment généralement une finale en apothéose, et la dernière chose que vous souhaitez, c’est faire partie du feu d’artifice !</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/194414/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>James Rawlings ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La foudre tue 24 000 personnes chaque année. Voici comment rester en sécurité pendant un orage.James Rawlings, Hourly Paid Lecturer in Physics, Nottingham Trent UniversityLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1946852022-11-24T22:30:26Z2022-11-24T22:30:26ZFixer les prix de l’énergie : les leçons de l’après-guerre<p>Depuis 18 mois, l’<a href="https://theconversation.com/fr/topics/inflation-28219">inflation</a> fait un retour tonitruant en Europe. La hausse spectaculaire des tarifs de l’<a href="https://theconversation.com/fr/topics/energie-21195">énergie</a> (+20 % pour les produits pétroliers et +34 % pour le gaz <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/6657910">sur un an en octobre</a>) notamment, rejaillit sur d’autres secteurs, en particulier les transports. L’Insee relevait par exemple en mai dernier une <a href="https://www.francetvinfo.fr/economie/transports/sncf/sncf-linsee-revele-une-augmentation-de-15-du-prix-des-billets-de-train_5154514.html">hausse de 15 %</a> du prix des billets de train SNCF sur un an, même si l’entreprise avance, elle, une baisse de 7 %.</p>
<p>Certes, la situation s’explique notamment par des raisons conjoncturelles avec les conséquences de la guerre qui sévit en Ukraine. La structure reste cependant peu interrogée et il ne semble pas inintéressant, comme nous le faisons dans nos recherches, de revenir sur les principes fondamentaux de la <a href="https://theconversation.com/fr/topics/tarification-33727">tarification</a> de services qui ont de particulier de dépendre de coûts fixes extrêmement importants. Ceux de la construction d’une ligne de chemin de fer ou d’une centrale nucléaire par exemple.</p>
<p>Au cœur de ces enjeux, on retrouve un concept central, celui de la tarification marginale. À l’heure où la sobriété énergétique est mise en avant par les pouvoirs publics face à des risques de pénuries et de défauts d’approvisionnement, il semble prendre une pertinence nouvelle.</p>
<h2>Les grands prêtres</h2>
<p>En France, les bases furent posées après-guerre. À la Libération, l’<a href="https://theconversation.com/fr/topics/electricite-23762">électricité</a> et le ferroviaire, domaines hautement stratégiques au moment de reconstruire le pays, étaient complètement gérés par la puissance publique. La question de la fixation du prix de ces services publics fut principalement prise en main par des ingénieurs-économistes tels Roger Hutter à la SNCF ou Marcel Boiteux et Gabriel Dessus à <a href="https://theconversation.com/fr/topics/edf-22275">EDF</a>.</p>
<p>Tous participaient d’une même communauté de pensée, amenée à échanger et à débattre fréquemment sur un plan théorique comme pratique. Dans son <a href="https://www.odilejacob.fr/catalogue/documents/temoignages-actualite-enquetes/haute-tension_9782738102249.php">autobiographie</a> publiée en 1993, Marcel Boiteux parle de « grands prêtres » du calcul économique « touchés par la grâce marginaliste » qui leur avait été principalement insufflée par Maurice Allais, qui reçut le prix Nobel d’économie en 1988.</p>
<p>Dès 1945 en effet, Allais avait été chargé par Raoul Dautry, alors ministre de la Reconstruction et de l’Urbanisme, d’étudier le modèle économique de la SNCF. L’objectif ? Viser l’intérêt général, c’est-à-dire pour Allais fournir un service public maximal tout en minimisant le coût pour la collectivité.</p>
<p>À cette époque, la politique tarifaire de la jeune SNCF (créée le 1<sup>er</sup> janvier 1938) était guidée par deux règles principales : d’une part, appliquer une discrimination multitarifaire, c’est-à-dire des prix différents selon que l’on voyage en première, deuxième ou troisième classe ; d’autre part, suivre le principe d’égalité de tous devant les services publics, c’est-à-dire un prix au kilomètre égal pour tous les consommateurs appartenant à la même classe.</p>
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<p>En première approximation, il pourrait être tentant de faire payer le service à son coût moyen. On prend le coût total que l’on divise par le nombre d’unités produites. La solution a l’avantage pour l’entreprise publique d’éviter le déficit budgétaire : les usagers paient les coûts qu’ils engendrent pour la communauté. Néanmoins, des prix élevés vont en conséquence décourager l’usage des services publics, une option dont Allais va souligner l’inefficacité du point de vue du bien-être social.</p>
<h2>Une méthode qui s’impose</h2>
<p>Allais et ses confrères vont proposer une tarification basée sur ce que l’on appelle le coût marginal, c’est-à-dire le coût de production d’une unité supplémentaire d’un bien. Par exemple, le coût marginal de l’électricité est le coût d’un kilowatt-heure en plus, par rapport à la production déjà en cours. Le coût marginal du train est le coût d’un voyageur en plus sur ce train. L’idée, vue autrement, est que passer de zéro à un voyageur n’implique pas le même coût que de passer de 999 à 1 000 voyageurs.</p>
<p>C’est ce prix-là que l’on va tenter de faire payer au passager qui souhaite monter sur le train. Sur un marché classique, c’est l’un des effets de la concurrence que de converger vers ce chiffre. Reste que la SNCF et EDF étaient des monopoles publics, par définition largement exempts des pressions concurrentielles. Allais en concluait alors que la solution la plus efficace économiquement était de mimer des prix de marché libres en les imposant.</p>
<p>La solution marginaliste est en quelque sorte une méthode intermédiaire entre le coût moyen qui fait peser sur les voyageurs tous les investissements initiaux massifs, et la gratuité, c’est-à-dire le cas où le service est financé collectivement par l’impôt. Elle pose cependant des difficultés redoutables en termes d’application.</p>
<h2>Diminuer la taille de la forêt</h2>
<p>Pourquoi un prix fixé au coût marginal serait-il souhaitable par rapport aux alternatives ? L’un des pères de la mise en pratique de cette tarification, le polytechnicien Gabriel Dessus, a proposé un <a href="https://tel.archives-ouvertes.fr/tel-00011560/file/annexes_These.PDF">exemple fictif</a> destiné à donner à voir les avantages de la tarification marginaliste qu’il tâcha lui-même de mettre en place en tant que directeur commercial d’EDF. Reprenons librement les grandes lignes de son propos.</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/495619/original/file-20221116-12-cjw67u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/495619/original/file-20221116-12-cjw67u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/495619/original/file-20221116-12-cjw67u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=778&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/495619/original/file-20221116-12-cjw67u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=778&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/495619/original/file-20221116-12-cjw67u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=778&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/495619/original/file-20221116-12-cjw67u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=978&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/495619/original/file-20221116-12-cjw67u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=978&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/495619/original/file-20221116-12-cjw67u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=978&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">L’ingénieur Raoul Dautry, ministre de la Reconstruction à la Libération arpès avoir été, dans les années 1930 directeur général de l’administration des chemins de fer de l’État, est à l’origine des réflexions sur la tarification.</span>
<span class="attribution"><span class="source">BNF via Wikimedia</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Imaginons un village d’irréductibles Gaulois dans lequel deux sources d’énergie sont exploitables : le bois, qui se trouve tout autour du village et une mine de charbon, qui se trouve au centre du village. Imaginons aussi que chaque villageois soit tout à fait capable d’aller chercher au choix du minerai ou du bois.</p>
<p>Il faut, pour se chauffer à son aise, une heure de travail à la mine, ou bien une demi-heure de travail de coupe. Les villageois préféreront donc se chauffer au bois, et bénéficier d’une demi-heure de loisir supplémentaire. Cependant, à force de couper, la distance à parcourir avant d’atteindre la forêt ira en augmentant. Au bout d’un certain temps, l’effort d’aller chercher du bois dépassera celui pour creuser la mine et les villageois finiront par choisir de travailler à la mine, puisque cette solution s’avère plus économe en temps.</p>
<p>Supposons que des raisons logistiques obligent la municipalité à fixer les prix. Comment pourrait le chef du village, dont le souci est l’intérêt public, fixer un prix optimal ?</p>
<h2>Un prix, c’est aussi de l’information</h2>
<p>Imaginons que la municipalité fixe le prix du bois, en début de chaque année, avec un prix intermédiaire entre le coût en début d’année et le coût à la fin, lorsqu’il faudra se rendre plus loin. Ce prix fixe amènera les villageois à exploiter la forêt sur toute l’année, alors même qu’il aurait été raisonnable, du point de vue de l’effort collectif, de s’arrêter avant. Ils auraient passé moins de temps au travail en exploitant aussi un peu la mine.</p>
<p>À la différence d’un prix fixe, la tarification marginale évite le gaspillage de temps en « informant » les consommateurs du coût effectif de la ressource qu’ils utilisent au moment où ils l’emploient. Les villageois sont alors incités par les prix à exploiter les alternatives possibles d’une manière qui minimise leurs efforts. C’est en fait un peu pareil pour la question des transports en commun et de la fourniture d’électricité.</p>
<h2>Plus cher à l’heure de pointe</h2>
<p>La tarification au coût marginal a été mise en place en France avec, entre autres, l’ambition d’offrir aux consommateurs un choix « informé ». Il fallait qu’ils puissent prendre une décision optimale en termes d’usage des ressources du point de vue de la communauté.</p>
<p>Par exemple, le tarif heures pleines/heures creuses est notamment basé sur une tarification au coût marginal : un kWh de plus la nuit, lorsque la demande est faible, ne coûte presque rien. Mais le jour, alors que l’industrie demande de l’énergie, les centrales risquent d’être surchargées et de ne plus parvenir à répondre à la demande.</p>
<p>Le tarif heures pleines/heures creuses informe les usagers qu’il vaut mieux, dans l’intérêt public, consommer dans la mesure du possible durant la nuit. Ceux qui peuvent, moyennant un effort, décaler leur consommation, sont encouragés à le faire par le prix, et ce décalage évite de construire un parc électrique surdimensionné et bien trop coûteux.</p>
<p>La tarification marginale suggère également de faire payer plus cher les trains à l’heure de pointe, lorsqu’ils risquent d’être bondés au-delà de la capacité d’accueil. Elle incite ceux qui en ont la possibilité à se déplacer à un autre moment et rend service à la communauté entière, à la fois par des infrastructures de bonne taille et des conditions de voyage moins désagréables.</p>
<p>« L’information par les prix » permet aussi de s’adapter aux nouvelles technologies et aux contraintes sociopolitiques, d’une manière rapide et capable de revenir sur ses choix : dans ces temps de crise du gaz, par exemple, des prix en hausse encouragent les consommateurs à se rabattre sur des sources alternatives, ou faute de mieux sur un usage parcimonieux de la ressource.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/194685/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>La tarification marginale, modulée selon la demande, guide depuis la Libération les prix des transports ou de l’électricité. Ce concept prend aujourd’hui une pertinence nouvelle.Thomas Michael Mueller, Maître de conférence HDR en histoire de la pensée économique à l'Université Paris 8, Université catholique de Louvain (UCLouvain)Raphaël Fèvre, Maître de conférences en Sciences économiques, Université Côte d’AzurLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1939912022-11-11T14:30:04Z2022-11-11T14:30:04ZLa crise inflationniste, une opportunité pour la transition écologique<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/494760/original/file-20221110-16-htwzt.JPG?ixlib=rb-1.1.0&rect=14%2C44%2C4977%2C3278&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le premier ministre Justin Trudeau et la vice-première ministre et ministre des Finances Chrystia Freeland se rendent à la Chambre des communes sur la Colline du Parlement pour le dépôt de l'Énoncé économique d'automne à Ottawa, le 3 novembre 2022. </span> <span class="attribution"><span class="source">LA PRESSE CANADIENNE/Justin Tang</span></span></figcaption></figure><p>Dans son plus récent <a href="https://www.budget.gc.ca/fes-eea/2022/report-rapport/toc-tdm-fr.html">Énoncé économique</a>, publié le 3 novembre dernier, la ministre fédérale Chrystia Freeland réitère l’engagement de son gouvernement dans la lutte aux changements climatiques.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/decarbonisation-dici-2030-un-objectif-quasi-impossible-mais-necessaire-184502">Décarbonisation d’ici 2030 : un objectif quasi impossible, mais nécessaire</a>
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<p>Elle y propose des mesures ayant pour but de stimuler les investissements, notamment par la création d’un fonds de croissance de 15 milliards de dollars pour appuyer le <a href="https://www.budget.gc.ca/fes-eea/2022/doc/gf-fc-fr.pdf">déploiement des technologies nécessaires à la décarbonisation</a>. Ce faisant, elle profite de la crise inflationniste pour promouvoir des mesures visant à accélérer la transition énergétique.</p>
<p>Professeur de management à HEC Montréal et responsable pédagogique de la maîtrise en management et développement durable, je m’intéresse au processus de la transition écologique. Dans cet article, j’explique comment la crise inflationniste actuelle ouvre une fenêtre d’opportunité pour créer un nouveau paradigme technico-économique avantageant les technologies vertes.</p>
<h2>Économie verte : un changement de paradigme technico-économique</h2>
<p>Le développement d’une économie verte passe par l’émergence d’un nouveau paradigme technico-économique. Ce type de paradigme peut être défini comme un environnement relativement stable qui favorise le déploiement d’une technologie à grande échelle, menant à une période de croissance.</p>
<p>Pour qu’un changement de paradigme s’impose, une révolution technologique est une <a href="https://carlotaperez.org/wp-content/downloads/publications/theoretical-framework/StructuralCrisesOfAdjustment.pdf">condition nécessaire, mais pas suffisante</a> : il faut également un cadre institutionnel favorable à la diffusion des nouvelles technologies. Cela passe par des changements qui amènent les entreprises à modifier leurs paramètres de décision pour que ceux-ci soient <a href="https://carlotaperez.org/wp-content/downloads/publications/theoretical-framework/StructuralCrisesOfAdjustment.pdf">davantage en adéquation avec le nouveau paradigme</a>.</p>
<p>Un changement de paradigme n’est pas simple, puisqu’il implique des changements institutionnels profonds qui passent, notamment, par l’adoption de mesures qui favorisent certaines technologies au détriment des autres. Du même coup, on modifie la valorisation des compétences en favorisant les connaissances et les compétences rattachées au nouveau paradigme. On pourrait donc valoriser, par exemple, les compétences rattachées à la filière des batteries électriques, au détriment de celles rattachées à l’extraction du pétrole.</p>
<p>Considérant que ces changements risquent d’entraîner de la résistance de la part des entreprises, voire des employés ou de la société civile en raison de ses effets destructeurs pour certaines industries, des conditions favorables à l’adoption des nouvelles mesures sont nécessaires pour espérer un changement durable.</p>
<p>C’est ce qu’on appelle une <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S221042241200069X">fenêtre d’opportunité</a>.</p>
<h2>Une crise peut créer des opportunités</h2>
<p>Les crises économiques représentent une bonne fenêtre d’opportunité, puisqu’elles amènent de l’incertitude. Et cette incertitude ouvre la porte à différentes interprétations sur les actions à entreprendre afin de renouveler avec la croissance. Ces circonstances, bien que temporaires, sont favorables au changement.</p>
<p>Lors d’une crise, <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S221042241200069X">deux effets sont possibles</a>. D’une part, une crise peut avoir un effet positif, où elle sert de catalyseur à la transition. D’autre part, la crise peut affaiblir l’attention du public, de la classe politique et du milieu des affaires aux problèmes environnementaux.</p>
<p>L’effet positif de la crise vient du fait qu’elle ouvre la porte au développement de solutions conjointes, permettant de résoudre à la fois des problèmes liés à la crise économique et des problèmes liés à la crise environnementale.</p>
<p>Bien qu’une crise crée un contexte favorable à une transition, toutes les crises ne mènent pas à un changement de paradigme. Alors que la crise financière de 2009 a été initialement favorable au <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S221042241200069X">développement d’une économie verte</a>, la fenêtre d’opportunité s’est rapidement refermée lorsque l’attention du public s’est détournée des changements climatiques <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S221042241200069X">pour se concentrer sur des préoccupations davantage économiques</a>.</p>
<h2>Des préoccupations environnementales</h2>
<p>Le contexte actuel est différent. Il y a donc des raisons d’être optimiste. Premièrement, les conséquences de la crise environnementale sont de plus en plus alarmantes et les appels à l’action sont de plus en plus nombreux et diversifiés. On observe donc un fort appui pour des mesures favorisant l’adoption de technologies davantage soucieuses de l’environnement.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/494764/original/file-20221110-25-qh9jz8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="voiture électrique branchée à une borne" src="https://images.theconversation.com/files/494764/original/file-20221110-25-qh9jz8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/494764/original/file-20221110-25-qh9jz8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/494764/original/file-20221110-25-qh9jz8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/494764/original/file-20221110-25-qh9jz8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/494764/original/file-20221110-25-qh9jz8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/494764/original/file-20221110-25-qh9jz8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/494764/original/file-20221110-25-qh9jz8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Une transition énergétique s’appuyant sur l’électricité produite à parties d’énergies renouvelables permettrait de diminuer notre consommation et notre dépendance aux énergies fossiles.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span>
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</figure>
<p>Deuxièmement, en faisant la promotion de technologies vertes qui diminuent notre consommation d’énergies fossiles, on vient à la fois répondre à la crise inflationniste et la crise environnementale. La crise actuelle étant en partie causée par l’augmentation des prix du pétrole et du gaz causée par le conflit ukrainien, une transition énergétique s’appuyant sur l’électricité produite à partir d’énergies renouvelables permettrait de diminuer à la fois notre consommation et notre dépendance aux énergies fossiles, en plus de favoriser des filières en développement, telles que celle des véhicules électriques.</p>
<h2>Comprendre le cycle du changement</h2>
<p>Il faut savoir que la transition énergétique s’inscrit dans une <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S221042241200069X">séquence de changements en plusieurs étapes</a>. Et nous nous trouvons présentement à une étape critique de la transition, soit celle du déploiement des actifs manufacturés, tels que des véhicules électriques et des panneaux solaires. Le principal défi est désormais de mobiliser suffisamment de capitaux pour financer l’achat des actifs associés aux nouvelles technologies, et ce, dans un volume suffisant <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S221042241200069X">pour permettre d’en abaisser les coûts de production</a>.</p>
<p>Pour réussir la transition, les autorités devront toutefois changer le cadre législatif, afin que les paramètres d’évaluation des décisions d’investissements favorisent les technologies vertes. Ces mesures vont au-delà des subventions.</p>
<ul>
<li><p>Elles incluent un changement dans la politique fiscale, pour que celle-ci prenne en compte l’impact environnemental, ce qu’on appelle <a href="https://doi.org/10.1787/9789264025554-fr">l’écofiscalité</a> ;</p></li>
<li><p>l’élimination des subventions à des industries ayant un impact négatif sur l’environnement, par exemple <a href="https://www.iisd.org/system/files/2020-11/g20-scorecard-report.pdf">celles aux énergies fossiles</a> ;</p></li>
<li><p>l’adoption de nouveaux instruments de marchés, tels que des obligations vertes, des taxes sur la pollution, ou des systèmes de plafonnement et d’échanges de droits d’émissions pour financer les investissements requis ;</p></li>
<li><p>ainsi que des <a href="https://www.oecd.org/greengrowth/48012345.pdf">investissements gouvernementaux ciblés aux secteurs verts</a>.</p></li>
</ul>
<h2>Vers un nouveau paradigme</h2>
<p>Certaines de ces mesures se retrouvent dans le fonds pour la croissance de la ministre Freeland et d’autres existent déjà. Mais des mesures plus contraignantes, par exemple une <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0959652616302736">taxe carbone équivalente au coût marginal de réduction</a>, n’ont pas encore été adoptées ou ont mené à des exclusions pour certaines industries, grâce à des clauses échappatoires, ce qui ralentit la diffusion des nouvelles technologies.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/494761/original/file-20221110-19-n2ez0w.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="FEMME SERT LA MAIN D’UN EMPLOYÉ" src="https://images.theconversation.com/files/494761/original/file-20221110-19-n2ez0w.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/494761/original/file-20221110-19-n2ez0w.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=438&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/494761/original/file-20221110-19-n2ez0w.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=438&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/494761/original/file-20221110-19-n2ez0w.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=438&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/494761/original/file-20221110-19-n2ez0w.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=551&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/494761/original/file-20221110-19-n2ez0w.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=551&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/494761/original/file-20221110-19-n2ez0w.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=551&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">La ministre des Finances, Chrystia Freeland, salue des travailleurs lors d’une visite d’Énergir, la société de gaz naturel du Québec, à Montréal, le 8 novembre 2022.</span>
<span class="attribution"><span class="source">LA PRESSE CANADIENNE/Paul Chiasson</span></span>
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</figure>
<p>Le Canada enregistre d’ailleurs un retard sur les autres pays de l’OCDE en <a href="https://energie.hec.ca/wp-content/uploads/2020/06/RAPPORT_Ecofiscalit%C3%A9_web.pdf">matière d’écofiscalité</a>.</p>
<p>Aujourd’hui, les conditions sont réunies pour adopter les mesures nécessaires pour le développement d’un nouveau paradigme. Il faudra toutefois avoir le courage de profiter de la crise pour aller jusqu’au bout et aller de l’avant avec les mesures plus contraignantes.</p>
<p>Pour y parvenir, l’appui des entreprises et du public à la cause environnementale pourrait jouer un rôle critique, puisque celui-ci donne la légitimité nécessaire au gouvernement <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0040162510002878">pour agir</a>.</p>
<h2>Pour une transition durable</h2>
<p>Avec le nombre grandissant de pays et d’entreprises avec des <a href="https://www.un.org/en/climatechange/net-zero-coalition">cibles de zéro émission nette</a>, nous transitons actuellement vers un <a href="https://academic.oup.com/icc/article/29/5/1193/6137243">nouveau paradigme technico-économique à l’échelle mondiale</a>. Une transition précoce offre à la fois des bénéfices environnementaux et économiques, <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0305750X20302102">qui échapperont aux économies qui s’enferment dans des technologies conventionnelles</a>.</p>
<p>La crise inflationniste actuelle offre une opportunité d’accélérer la transition. Pour que le changement s’opère avec succès, il faudra un régime d’écofiscalité efficace, autant dans sa conception que dans sa mise en œuvre, afin que les paramètres d’investissements favorisent davantage les technologies vertes. Cela passe par des subventions, mais également par le retrait de subventions à des industries polluantes, et l’élaboration d’un régime fiscal favorisant le déploiement de technologies vertes à grande échelle.</p>
<p>La fenêtre est ouverte. Aurons-nous le courage d’en profiter ?</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/193991/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Yves Plourde ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La crise inflationniste actuelle ouvre une fenêtre d’opportunité pour créer un nouveau paradigme technico-économique qui avantage les technologies vertes.Yves Plourde, Professeur agrégé de management, HEC MontréalLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1938592022-11-07T19:52:27Z2022-11-07T19:52:27ZAccès à l’électricité des pays en développement : la solution des mini-réseaux ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/493330/original/file-20221103-26-qtjp7h.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=48%2C79%2C1269%2C701&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Exemple de panneaux solaires (en bas) alimentant un mini-réseau électrique dans le village de Ziga, dans le nord du Burkina Faso.
</span> <span class="attribution"><span class="license">Fourni par l'auteur</span></span></figcaption></figure><p>L’accès à l’<a href="https://theconversation.com/fr/topics/electricite-23762">électricité</a> reste problématique en <a href="https://theconversation.com/fr/topics/afrique-20142">Afrique</a> où, selon l’Agence internationale de l’énergie, près de 600 millions de personnes, soit <a href="https://www.connaissancedesenergies.org/sites/default/files/pdf-actualites/AfricaEnergyOutlook2022.pdf">43 % de la population</a>, n’en bénéficiaient toujours pas en 2021. La qualité de l’approvisionnement par le réseau est en outre limitée, avec de fréquentes coupures de courant, notamment dans les zones rurales.</p>
<p>Les bénéfices apportés par l’accès à l’électricité paraissent pourtant évidents, que ce soit pour l’éclairage public et privé, les conditions sanitaires ou les activités économiques. Substituer l’électricité à l’usage de combustibles traditionnels participe aussi à la protection de l’environnement.</p>
<p>Ainsi, l’amélioration de l’accès à l’électricité fait maintenant partie des priorités du développement, à travers l’objectif du développement durable (ODD) n°7 des <a href="https://theconversation.com/fr/topics/organisation-des-nations-unies-onu-20684">Nations unies</a> : garantir l’accès de tous à des services énergétiques fiables, durables et modernes, à un coût abordable.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/457705/original/file-20220412-17-bq1vpg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/457705/original/file-20220412-17-bq1vpg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/457705/original/file-20220412-17-bq1vpg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=309&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/457705/original/file-20220412-17-bq1vpg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=309&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/457705/original/file-20220412-17-bq1vpg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=309&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/457705/original/file-20220412-17-bq1vpg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=388&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/457705/original/file-20220412-17-bq1vpg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=388&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/457705/original/file-20220412-17-bq1vpg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=388&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Les 17 ODD de l’ONU.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:17-objectifs-odd-unicef.png">Wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Pendant longtemps, les politiques d’électrification menées dans les pays en développement ont été calquées sur celles des pays développés, à savoir la construction de grands réseaux électriques nationaux, voire continentaux. Cette politique apparaît inadaptée pour les zones rurales des pays en développement, en raison des coûts démesurés de l’extension des réseaux liée à la dispersion de la population mais aussi du fait de la faible qualité de services qu’ils sont à même d’offrir.</p>
<p>La solution préconisée face à ces défis a été pendant un temps la diffusion de solutions individuelles isolées, dont les plus connues sont les <a href="https://www.sciencedirect.com/topics/engineering/solar-home-systems"><em>solar home systems</em></a> (SHS). Mais ces solutions, même parées des mérites de l’utilisation de ressources locales renouvelables, ont trouvé leurs limites, car apportant une puissance électrique trop faible pour soutenir des usages productifs significatifs. L’éclairage électrique apporte du confort, mais ne crée que peu d’impacts favorables avérés.</p>
<h2>Manque de données</h2>
<p>Les espoirs pour l’avenir reposent à présent sur le développement de mini-réseaux, c’est-à-dire des installations comprenant un générateur électrique de puissance modérée (le plus souvent moins de 1 MW), et fournissant du courant à travers un réseau câblé local. Quand la source d’énergie est intermittente (solaire, éolien), on lui adosse des batteries, voir un générateur auxiliaire le plus souvent diesel. Cela facilite aussi l’équilibrage du mini-réseau, à savoir la réalisation de l’équilibre indispensable à tout moment entre la charge appelée et la charge produite.</p>
<p>Ainsi, en 2019, la Banque mondiale a estimé que le développement massif de projets de mini-réseaux <a href="https://www.banquemondiale.org/fr/news/press-release/2019/06/25/mini-grids-have-potential-to-bring-electricity-to-half-a-billion-people">pourrait apporter l’électricité à un demi-milliard de personnes</a> d’ici 2030. D’autres agences de développement comme l’Agence française de développement et la Banque africaine de développement lui ont emboité le pas dans le soutien aux <a href="https://www.afd.fr/fr/carte-des-projets/electricite-renouvelable-et-mini-reseaux-projet-dhybridation-des-mini-reseaux-de-kenya-power">programmes</a> mobilisant cette technologie.</p>
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<p>Cette volonté est louable et doit être soutenue. Cependant, comme souvent, la réorientation des politiques menées a été décidée sans évaluation approfondie des impacts que l’on peut en attendre. Grâce à Abhijit Banerjee, Esther Duflo et Michael Kremer, récipiendaires du <a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2019/10/14/le-nobel-d-economie-attribue-a-esther-duflo-michael-kremer-et-abhijit-banerjee-pour-leurs-travaux-sur-la-lutte-contre-la-pauvrete_6015436_3234.html">prix « Nobel » d’économie en 2019</a> pour leurs travaux sur l’évaluation des politiques de développement, la préconisation d’évaluation d’impacts préalable à la généralisation de nouvelles politiques reste admise par la plupart des chercheurs, mais n’est clairement pas toujours mise en œuvre par les décideurs opérationnels dont le discours face aux interrogations des chercheurs est de dire : nous, nous agissons, nous évaluerons après.</p>
<p>Pourtant, suffisamment de mini-réseaux ont déjà été installés pour que cette politique puisse être évaluée. Ce qui manque, ce sont des données évaluatives solides, répétées et pertinentes.</p>
<h2>Luminosité nocturne</h2>
<p>Notre proposition pour relever ce défi est simple : elle consiste à utiliser des données distantes, provenant d’<a href="https://theconversation.com/fr/topics/imagerie-satellite-102611">images satellitaires</a>, qui sont largement disponibles et qui ont déjà été utilisées dans d’autres domaines de la recherche en économie.Par exemple, les données de luminosité nocturne (dites NTL pour <em>Night-time light</em>) qui fournissent une indication pertinente de l’accès à l’énergie.</p>
<p>Ces données ont aussi le grand mérite d’être observables presque en temps réel, et donc de permettre de suivre l’évolution dans le temps des localités électrifiées. La précision de ces données est telle qu’on peut mesurer l’évolution de la NTL après l’arrivée de l’électricité à un niveau de granularité très fin, celui de petits villages ruraux de quelques centaines à quelques milliers d’habitants.</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/493214/original/file-20221103-17-4s8fkw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/493214/original/file-20221103-17-4s8fkw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/493214/original/file-20221103-17-4s8fkw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=442&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/493214/original/file-20221103-17-4s8fkw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=442&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/493214/original/file-20221103-17-4s8fkw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=442&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/493214/original/file-20221103-17-4s8fkw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=555&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/493214/original/file-20221103-17-4s8fkw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=555&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/493214/original/file-20221103-17-4s8fkw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=555&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Localisation de la province du Yatenga (en rouge) au Burkina Faso.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Yatenga_(province)#/media/Fichier:Burkina_Faso_-_Yatenga.svg">Wikimedia</a></span>
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<p>Considérons à titre d’exemple le village de Ziga, dans la province de Yatenga dans le nord du Burkina Faso. Ce village de quatre milliers d’habitants en 2006 a bénéficié de la construction d’un micro-réseau alimenté par une centrale de production électrique de source solaire d’une puissance maximale de 69kW. Il s’agit donc d’un projet de taille modeste, mais décisif localement.</p>
<p>L’installateur SINCO a publié des <a href="https://www.facebook.com/sincoburkina/posts/pfbid021LG6Mk5NtcYyedFEdcguGafsp9PugRyhUkUjkwD3fjdBGKFitcB7TKMqQzXBDR5el?__cft__%5B0%5D=AZXHS5l8Fv30mqs0iTjkRiKgZ9uSBhGigNtciVvXgGRknbIw06mxesGPxBYSXpHSUkJd_8VHw-5selZLXocK1pcVgE0ma860JEJjh0_XN3K-UyqE1c6TCJ-WshMWsIlhAN_BvmKjvyIFwhlDR0yoc7MQdMAtAmI0KyNV12yy5CwXJHW9SPvYZlW_zRk1VExTuur2y10fGhPjykgER15EuHwckTj5RJjB7V6NJN1dX735kg&__tn__=%2CO%2CP-R">témoignages</a> d’habitants de Ziga et de responsables du mini-réseau confirmant tout le bien que cette installation a apporté au village. En 2019, une <a href="https://start.org/news/lequipe-progreen-burkina-faso-lance-une-collecte-de-donnees-terrain/">enquête de terrain indépendante de l’équipe PROGREEN du Burkina Faso</a> dans plusieurs projets dont celui de Ziga a révélé que les gains ressentis par la population ne sont pas seulement associés à l’éclairage électrique mais aussi au développement de petits usages productifs et à l’alimentation électrique de pompes à eau pour l’agriculture. Néanmoins, le prix de l’électricité reste cher, ce qui entrave son accès par les plus pauvres.</p>
<p>Les gains de croissance économique cités sont parfaitement corroborés par l’évolution de la NTL, qui part de pratiquement 0 en 2014-2016 puis augmente régulièrement, à la fois de manière extensive et intensive.</p>
<p><strong>Évolution de la luminosité nocturne (NTL) entre 2014 et 2021 à Ziga</strong></p>
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<span class="caption">2014-2016.</span>
<span class="attribution"><span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<span class="caption">2017.</span>
<span class="attribution"><span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<span class="caption">2018.</span>
<span class="attribution"><span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<span class="caption">2019.</span>
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<span class="caption">2020.</span>
<span class="attribution"><span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<span class="caption">2021.</span>
<span class="attribution"><span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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</figure>
<p><em>Cartes préparées par Olivier Santoni (CERDI et FERDI) à partir des <a href="https://eogdata.mines.edu/products/vnl/">données VIIRS</a>.</em></p>
<p>Les données de NTL permettent ainsi de mesurer les progrès dans l’accès à l’énergie, et les progrès économiques qui leur sont associés, pratiquement à tout moment et en tout lieu, y compris, et même surtout, dans des localités isolées.</p>
<h2>Un taux d’échec élevé</h2>
<p>Nous avons réalisé, dans le cadre d’un programme de recherche de la FERDI soutenu par l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (<a href="https://theconversation.com/institutions/ademe-agence-de-la-transition-ecologique-2357">Ademe</a>), une première tentative concluante de <a href="https://papers.ssrn.com/sol3/papers.cfm?abstract_id=4207842">mobilisation de ces données</a> pour étudier l’impact potentiel d’une politique d’électrification rurale par mini-réseau. Nous avons à cet effet exploité une base de données originale de la FERDI, la <a href="https://ferdi.fr/en/indicators/data-collaborative-smart-mapping-of-mini-grid-action-cosmma">CoSMMA – Collaborative Smart Mapping of Mini-grid Action</a>, qui recense de nombreuses données évaluatives sur des projets d’électrification décentralisée. Nous avons pu identifier la localisation précise de ces projets pour une cinquantaine d’entre eux, et ainsi mettre en face les données d’évolution de la NTL dans leurs localités respectives.</p>
<p>Malgré un nombre d’observations encore limité, elle révèle des premiers résultats prometteurs. Dans l’ensemble, la construction de mini-réseaux a un impact positif sur l’a réalisation de l’ODD n°7 ; mais une proportion élevée des projets étudiés, proche de la moitié, a échoué au regard du critère de croissance de la NTL. La politique envisagée aujourd’hui est donc tout sauf une panacée, même si les taux d’échec sont à la baisse.</p>
<p>Il faudra rassembler plus de données pour identifier de manière rigoureuse les causes des échecs. Quelques conclusions, en accord avec des observations de terrain factuelles, s’imposent néanmoins.</p>
<p>D’abord, il n’est pas toujours possible de construire pour ces projets un modèle économique viable. On ne peut pas montrer d’impact positif dans des localités caractérisées par une grande pauvreté énergétique ou fortement isolées, alors que des impacts positifs sont observés dans des situations inverses ; il faut donc concevoir des modèles intermédiaires de pré-électrification dans ces circonstances, qui sont plus souvent la norme que l’exception dans les zones rurales en Afrique.</p>
<p>En outre, même si le modèle économique du projet est viable, sa gouvernance est un facteur décisif de son impact. Il n’est pas possible de trouver un impact positif des projets de mini-réseaux quand les projets sont conçus et gérés sans une approche inclusive, prenant en compte toutes les parties prenantes. À l’inverse, les projets à gouvernance inclusive présentent un impact positif. Ce point de vue n’est pas toujours, loin s’en faut, partagé par les grandes agences de développement habituées, surtout dans le secteur de l’énergie, à une approche de type « top-down ».</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/193859/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jean-Claude Berthelemy ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>L'exploitation de données satellitaires montre qu'un projet sur deux d'électrification au travers un générateur de puissance modérée n'engendre pas les gains économiques attendus.Jean-Claude Berthelemy, Professeur émérite d'économie, Université Paris 1 Panthéon-SorbonneLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1906182022-10-27T17:40:13Z2022-10-27T17:40:13ZNucléaire : les cases manquantes de la BD à succès « Le Monde sans fin »<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/490188/original/file-20221017-26-5vnie5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Détail de la couverture de la BD « Le Monde sans fin », parue en octobre 2021 aux éditions Dargaud. </span> <span class="attribution"><span class="source">Dargaud</span></span></figcaption></figure><p>Dans <a href="https://jancovici.com/publications-et-co/livres/le-monde-sans-fin/"><em>Le Monde sans fin</em></a>, la bande dessinée de Christophe Blain autour des thèses de Jean-Marc Jancovici, parue fin 2021 et qui connaît un retentissant succès, on peut lire la conclusion suivante :</p>
<blockquote>
<p>« Le nucléaire est un parachute pour amortir la décroissance. »</p>
</blockquote>
<p>Face aux limitations en énergie, en matériaux, et en surface disponible, face aux <a href="https://www.science.org/doi/10.1126/science.1259855">multiples atteintes</a> à l’environnement, <a href="https://timotheeparrique.com/degrowth-in-the-ipcc-ar6-wgii/">il est urgent de réduire la consommation d’énergie</a>, à commencer par celle de pétrole, de gaz et de charbon qui ont le plus d’impact sur le <a href="https://www.ipcc.ch/">climat</a>, soulignent les auteurs de la BD.</p>
<p>La <a href="http://classiques.uqac.ca/contemporains/georgescu_roegen_nicolas/decroissance/decroissance.html">« décroissance »</a>, rappelons-le, vise à utiliser moins de ressources et à les répartir de façon solidaire. Ses <a href="https://ladecroissance.xyz/2022/04/05/sortie-le-10-juin/">partisans</a> prônent de <a href="https://doi.org/10.1080/14747731.2020.1812222">diminuer la taille et la puissance des processus industriels, la consommation et l’accaparement des ressources, les inégalités à l’intérieur et entre les pays</a>.</p>
<p>Les décroissants <a href="https://www.editionsladecouverte.fr/la_croissance_verte_contre_la_nature-9782348067990">dénoncent le mirage de la « croissance verte »</a> et du « développement durable », qui promettent de faire croître la consommation en diminuant l’impact sur l’environnement et les ressources. Une proposition dénoncée comme ne reposant sur <a href="https://doi.org/10.1080/13563467.2019.1598964">aucune observation empirique convaincante</a> ni <a href="https://eeb.org/wp-content/uploads/2019/07/Decoupling-Debunked.pdf">aucun fondement théorique robuste</a>.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/imo11PBTexo?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Rencontre avec Christophe Blain et Jean-Marc Jancovici (Dargaud/Youtube, 2021)</span></figcaption>
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<h2>Rendre la transition acceptable</h2>
<p>Si l’on veut une décroissance choisie plutôt que subie, la première étape est de l’annoncer explicitement, et d’en montrer les <a href="https://doi.org/10.1080/14747731.2020.1812222">aspects désirables et émancipateurs</a>, peu développés dans la bande dessinée. La seconde consiste à discuter collectivement la répartition des efforts, la vitesse de changement, les méthodes et conséquences pratiques.</p>
<p>Pour que ce sevrage soit une transition acceptable, <a href="https://theshiftproject.org/plan-de-transformation-de-leconomie-francaise-focus-sur-lenergie/">Jean-Marc Jancovici préconise</a> la construction de nouveaux équipements de production d’électricité, minoritairement solaires ou éoliens, majoritairement nucléaires.</p>
<p>Ici, un <a href="https://theconversation.com/how-to-make-up-your-mind-about-the-pros-and-cons-of-nuclear-power-172474">rappel du bilan</a> du nucléaire civil s’impose.</p>
<p>Ses <a href="https://www.refletsdelaphysique.fr/articles/refdp/abs/2018/05/contents/contents.html">avantages</a> ? Comme les hydrocarbures, c’est une source d’énergie de stock qu’il est possible de piloter en choisissant le rythme d’utilisation, contrairement au solaire ou à l’éolien dont la puissance est fixée par le flux disponible.</p>
<p>La matière première, l’uranium, relativement disponible, est dense en énergie <a href="https://energyeducation.ca/Encyclopedie_Energie/index.php/Densit%C3%A9_%C3%A9nerg%C3%A9tique">(cent mille fois plus que les hydrocarbures)</a>, ce qui facilite son transport. En phase de fonctionnement, une centrale nucléaire occupe peu d’emprise au sol comparé au solaire et à l’éolien, et dégage <a href="https://www.economiedenergie.fr/les-emissions-de-co2-par-energie/">peu de carbone par kWh produit</a>.</p>
<p>Ses <a href="https://www.refletsdelaphysique.fr/articles/refdp/abs/2018/05/contents/contents.html">inconvénients</a> ? Le coût environnemental est à prendre en compte avec tous les impacts, lors du cycle de vie complet de la mine au démantèlement.</p>
<p>Comme pour les centrales à hydrocarbures, l’utilisation d’eau pour le refroidissement engendre une <a href="https://www.oecd-nea.org/jcms/pl_61802/climate-change-assessment-of-the-vulnerability-of-nuclear-power-plants-and-approaches-for-their-adaptation">vulnérabilité au réchauffement climatique</a> : effet de la montée du niveau de l’eau et des tempêtes pour les centrales en bord de mer, et pour les centrales en bord de fleuve la baisse du débit de l’eau et la hausse de sa température. </p>
<p>Les <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Accident_nucl%C3%A9aire#Principaux_accidents_nucl%C3%A9aires">accidents éventuels</a> ont une échelle de taille importante. La maintenance, le <a href="https://www.larevueparlementaire.fr/articles-revue-parlementaire/1053-demantelement-des-centrales-nucleaires-un-rapport-critique-l-optimisme-affiche-d-edf">démantèlement</a> des centrales et la gestion des déchets sur le très long terme soulèvent des difficultés, sur lesquelles nous reviendrons.</p>
<h2>Le nucléaire et le récit de l’énergie illimitée</h2>
<p>Au niveau mondial, le nucléaire représente <a href="https://www.statistiques.developpement-durable.gouv.fr/edition-numerique/chiffres-cles-energie-2021/11-international">5 % de la consommation mondiale d’énergie primaire</a>. Donc pour qu’il produise une part non négligeable, disons 50 %, de la consommation actuelle, sans augmenter la consommation totale, il faudrait décroître les autres productions de moitié (passer de 95 % à 50 %) et multiplier par 10 le nucléaire.</p>
<p>Sur le papier, une telle réorientation des investissements n’est pas impossible. Les États-Unis ont prouvé qu’ils pouvaient massivement agir sur leur secteur énergétique même sans objectif immédiat de rentabilité, lorsqu’ils ont <a href="https://www.nytimes.com/2022/07/27/opinion/environment/energy-crisis-oil-gas-fracking.html">développé l’extraction des gaz de schiste</a>. À noter que la motivation concernait l’indépendance énergétique <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Gaz_de_schiste#Aspects_environnementaux">et non la protection de l’environnement</a>.</p>
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<p>En pratique, un parc significativement croissant de centrales nucléaires, c’est plus d’énergie maintenant au prix de contraintes considérables pour les générations futures. Celles-ci devront disposer du temps, de l’argent, du savoir-faire, des ressources en énergie et matériaux nécessaires au <a href="https://www.refletsdelaphysique.fr/articles/refdp/abs/2018/05/refdp201860p14/refdp201860p14.html">démantèlement</a>, et à la gestion des déchets. Or, à la lumière des perturbations environnementales grandissantes, on ne peut avoir l’assurance que les générations futures vont disposer de tels moyens.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/climat-le-quinquennat-de-la-bifurcation-ecologique-184517">Climat : le quinquennat de la bifurcation écologique ?</a>
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<p>Dans le raisonnement global, n’oublions pas un argument évident : construire de nouveaux équipements consomme de l’énergie, émet du carbone. Il s’agit d’une sorte de coût environnemental fixe. Le fait que le coût environnemental en fonctionnement soit plus faible n’est écologiquement rentable que si le temps d’utilisation est suffisamment long.</p>
<p>Pour raisonner de façon encore plus générale, rappelons que les <a href="https://theconversation.com/penser-lapres-les-limites-physiques-de-la-planete-138842">trois limites de la planète : matière, énergie, environnement, forment un triptyque interconnecté et indissociable</a>. Or remplacer l’énergie carbonée par l’énergie nucléaire prolonge notre perception de l’énergie comme ressource disponible à tout moment.</p>
<p>Et tant que l’on profite d’une telle abondance, on accumule les transformations de la planète et les effets délétères de nos activités sur les écosystèmes. Cela pénalise l’environnement bien au-delà du seul réchauffement climatique, et retarde d’autant les débats collectifs indispensables.</p>
<h2>Accidents et déchets, les questions qui fâchent</h2>
<p>Si la priorité est de diminuer la consommation d’énergie, tout en minimisant les risques de rupture d’approvisionnement, que décide-t-on pour les centrales nucléaires existantes ? En France, il y en a 18 – soit 56 réacteurs, une centrale en possédant plusieurs. Faut-il respecter leur durée de vie prévue, l’abréger, la prolonger ?</p>
<p>« Rajeunir » les centrales existantes pour prolonger leur fonctionnement aussi longtemps que possible représente une option. Elle a des adeptes <a href="https://www.mothersfornuclear.org/">motivés</a> dont certains, <a href="https://www.monde-diplomatique.fr/2022/08/ROBIN/64951">certes minoritaires, au sein de mouvements écologistes</a>. Pourquoi ? Parce que les infrastructures du réseau de distribution actuel sont conçues et réalisées pour des sources d’énergie pilotables en fonction de la demande.</p>
<p>Si on ajoute massivement des sources d’énergie non pilotables, comme le solaire ou l’éolien, la production impose ses contraintes et cela rend instable le réseau. On pourrait repenser et remplacer toutes les infrastructures du réseau électrique, mais cela aurait un coût élevé (estimé par exemple <a href="https://oilprice.com/Energy/Energy-General/US-Electric-Grid-Could-Cost-5-Trillion-To-Replace.html">à 5000 milliards de dollars pour les États-Unis</a>). À la place, le caractère pilotable du nucléaire lui permettrait en principe d’aider les régions riches de la planète à augmenter la quantité de solaire ou d’éolien.</p>
<p>Cependant, deux des inconvénients du nucléaire croissent avec la durée d’exploitation : les risques d’accident et les problématiques de stockage des déchets (un <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Catastrophe_nucl%C3%A9aire_de_Kychtym">site de stockage pouvant subir un accident</a>). L’actualité rappelle d’autre part que la <a href="https://www.asn.fr/l-asn-informe/actualites/etat-de-la-surete-de-la-centrale-nucleaire-de-zaporizhzhya-analyse-de-wenra">guerre</a> contribue au risque.</p>
<p>Concernant les déchets, même en France qui est l’un des rares pays où la politique des déchets est <a href="https://www.refletsdelaphysique.fr/articles/refdp/abs/2018/05/refdp201860p13/refdp201860p13.html">anticipée sur le long terme</a>, les obstacles sont nombreux.</p>
<p>Outre l’ancien <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Centre_de_stockage_de_la_Manche">centre de stockage de la Manche</a> saturé en 1994, il existe actuellement deux <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Centre_de_stockage_de_l%27Aube">centres de stockage dans l’Aube</a>. La situation de cet entreposage en surface s’annonce <a href="https://www.acro.eu.org/saturation-des-entreposages-de-combustibles-uses-une-situation-alarmante">alarmante dès 2024</a>.</p>
<p>Quant à <a href="https://www.cigeo.gouv.fr/">l’enfouissement envisagé</a>, l’éthique de son principe même est <a href="https://www.futuropolis.fr/9782754829212/le-droit-du-sol.html">contestée</a>. De plus, le lieu de dépôt envisagé n’est adapté qu’à la <a href="https://www.cigeo.gouv.fr/quels-dechets-seront-stockes-cigeo-140">taille et à la durée du parc nucléaire actuel</a> (existant et en cours de construction).</p>
<p>En outre, il nécessite de disposer d’énergie pour pomper l’eau et l’air dans les galeries <a href="https://www.monde-diplomatique.fr/2022/05/GOUVERNEUR/64628">sans aucune interruption de plus de deux semaines</a>, et ce pendant plus d’un siècle. Enfin, l’incendie dans un <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/StocaMine">enfouissement de déchets chimiques</a> (non nucléaire, mais comparable sur plusieurs points) a montré que des facteurs humains peuvent mettre en péril l’ensemble de ce type de projet.</p>
<h2>Et pourquoi pas une décroissance sans nucléaire ?</h2>
<p>Par conséquent, si la priorité est la protection de l’environnement au sens global, ce qui nécessite de limiter les accidents, de limiter la génération de déchets et d’éviter l’enfouissement, d’utiliser moins d’eau, de limiter le nombre de mines… la stratégie à l’échelle de la décennie peut être de réduire le nombre de centrales existantes.</p>
<p>Il existe aujourd’hui des <a href="https://hal-mines-paristech.archives-ouvertes.fr/hal-01329470">scénarios de transformation du système énergétique</a> qui supposent la sortie du nucléaire en France, tout en intégrant les <a href="https://www.theses.fr/2016PSLEM025">contraintes liées au réseau de distribution</a>.</p>
<p>Ils se basent par exemple sur le <a href="https://negawatt.org/Scenario-negaWatt-2022">triplement du solaire et de l’éolien</a> ; ou bien sur l’amélioration de l’<a href="https://assets.rte-france.com/prod/public/2021-12/Futurs-Energetiques-2050-principaux-resultats.pdf">efficacité et de la sobriété</a> ; ou bien, plus globalement, sur une authentique <a href="https://www.refletsdelaphysique.fr/articles/refdp/abs/2018/05/refdp201860p49/refdp201860p49.html">décroissance</a>.</p>
<p>Si on prend comme point de départ du raisonnement le fait que l’énergie est en quantité limitée, et donc qu’il est normal d’avoir des interruptions de fourniture d’électricité, les principaux arguments en faveur du nucléaire tombent. Les changements portent alors sur l’adaptation des modes de vie des pays riches, remettant en cause les fondements de la société de consommation, au <a href="https://reporterre.net/La-decroissance-profitera-aux-pauvres">bénéfice de ceux qui en sont actuellement exclus</a>, notamment en <a href="https://doi.org/10.1080/14747731.2020.1812222">décolonisant les flux de matière et d’énergie internationaux</a>.</p>
<p>Si, dans leur BD, Jean-Marc Jancovici et Christophe Blain offrent un diagnostic juste de la crise actuelle et de la nécessité de la décroissance, ils passent à côté de plusieurs points cruciaux, tout particulièrement au sujet de ces transformations nécessaires en matière d’organisation sociale et d’usages énergétiques.</p>
<p>La narration attractive qu’offrent les bulles et les cases réclamait sans doute d’exposer parfois plus simplement les choses. Cela ne justifie toutefois pas de sous-évaluer les graves inconvénients du nucléaire ni de passer sous silence les propositions alternatives.</p>
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<p><em>Cet article a bénéficié de discussions avec François Briens (économiste et ingénieur systèmes énergétiques), Jean-Manuel Traimond (auteur et conférencier), Aurélien Ficot (formateur et ingénieur sciences environnementales), Roland Lehoucq (astrophysicien).</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/190618/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Le nucléaire est-il la seule voie vers la décroissance ? Quelles sont les conséquences de telles questions sur nos modes de vie ?François Graner, Directeur de recherche CNRS, Université Paris CitéEmmanuelle Rio, Enseignante-chercheuse, Université Paris-SaclayLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1915972022-10-02T16:31:53Z2022-10-02T16:31:53ZInflation : pourquoi la France résiste (pour l’instant) mieux que ses voisins<p>La pandémie de Covid, suivie de turbulences géopolitiques qui ont entraîné une crise énergétique, a placé la stabilité financière mondiale dans une position peu enviable. Un tel environnement a créé une grande incertitude, conduisant les décideurs politiques du monde entier à imposer diverses politiques et restrictions. Ces actions ont entraîné des interruptions considérables dans le monde des affaires, créant une rupture de la chaîne d’approvisionnement et une profonde contraction économique.</p>
<p>En raison de la convergence de déficits économiques importants et de <a href="https://www.lesechos.fr/finance-marches/marches-financiers/la-dette-des-entreprises-francaises-atteint-des-niveaux-record-1000308">niveaux historiques d’endettement des entreprises</a>, outre les mesures de stimulation adoptées par les gouvernements, les pays se retrouvent aujourd’hui à lutter contre l’<a href="https://theconversation.com/fr/topics/inflation-28219">inflation</a>. L’inflation, dans sa définition la plus simple, est une hausse des prix et peut se traduire par une baisse du pouvoir d’achat. En effet, elle est une réaction à différents facteurs de la conjoncture économique.</p>
<p>En matière d’inflation, la France semble mieux résister que ses voisins. En août 2022, le taux d’inflation (mesuré par l’indice des prix à la consommation) en <a href="https://www.bfmtv.com/economie/economie-social/france/france-l-inflation-ralentit-au-mois-d-ao%C3%BBt-a-5-8-sur-un-an_AD-202208310177.html">France était de 5,8 %</a>, contre <a href="https://www.latribune.fr/economie/international/allemagne-l-inflation-a-bien-augmente-en-ao%C3%BBt-a-7-9-932385.html">7,9 % en Allemagne</a>, <a href="https://www.bfmtv.com/economie/economie-social/union-europeenne/zone-euro-l-inflation-bat-un-nouveau-record-en-ao%C3%BBt-a-9-1-sur-un-an_AD-202208310250.html">9,1 % en Italie</a> et <a href="https://www.bfmtv.com/economie/international/royaume-uni-l-inflation-ralentit-a-9-9-en-ao%C3%BBt-mais-reste-au-plus-haut-depuis-40-ans_AD-202209140181.html">9,9 % au Royaume-Uni</a>.</p>
<h2>Bouclier tarifaire et nucléaire</h2>
<p>Le principal défi auquel les pays sont confrontés, et qui contribue à l’inflation, ou à la <a href="https://theconversation.com/inflation-croissance-nulle-et-plein-emploi-bienvenue-dans-la-stagflation-2-0-182780">stagflation</a> (qui désigne une combinaison de l’inflation avec une faible croissance économique) pour certains pays, est l’immense augmentation des prix de l’énergie. Face à cette hausse, le gouvernement français est intervenu par ses dépenses massives pour atténuer les coûts énergétiques pour les ménages, avec des dispositifs comme le <a href="https://www.francetvinfo.fr/economie/energie/crise-energetique-hausse-des-prix-du-gaz-et-de-l-electricite-nouveau-cheque-energie-aides-aux-entreprises-ce-qu-il-faut-retenir-des-annonces-du-gouvernement_5360650.html">chèque-énergie ou le bouclier tarifaire</a>.</p>
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<p>Ces actions ont permis de maintenir un taux d’inflation bien inférieur à celui de la plupart des économies européennes. En outre, les sources d’énergie ont rendu la France moins dépendante des produits liés aux combustibles fossiles, et donc moins influencée par les fluctuations des prix de l’énergie.</p>
<p>Par exemple, la figure 1 présente les données à partir de 2021 qui montrent que 69,33 % de l’électricité française proviennent de l’énergie nucléaire, contre 14,8 % au Royaume-Uni et 11,8 % en Allemagne.</p>
<p><iframe id="Jhp1E" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/Jhp1E/2/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Parallèlement, nous pouvons voir dans la figure 2 comment l’Italie, l’Allemagne et le Royaume-Uni dépendent des combustibles fossiles pour leur production d’électricité. C’est pourquoi nous constatons que la contribution de l’énergie à l’inflation en France moins lourde que dans les autres pays européens.</p>
<p><iframe id="3uuc1" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/3uuc1/3/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<h2>Hausse des taux</h2>
<p>Cependant, en dehors des questions liées à l’énergie, <a href="https://link.springer.com/article/10.1023/A:1009782809329">tout pays est influencé par le marché mondial</a>, tout comme les <a href="https://journals.openedition.org/fcs/8844">entreprises sont influencées par leur environnement institutionnel</a>. En conséquence, les évolutions prochaines pourraient conduire à des évolutions dans les politiques publiques qui pourraient avoir une influence sur le taux d’inflation, dont personne ne sait encore s’il a atteint son pic.</p>
<p>Par exemple, le récent mouvement de hausse des taux de la <a href="https://theconversation.com/fr/topics/banque-centrale-europeenne-bce-24704">banque centrale européenne</a>, enclenché pour la première fois depuis une décennie en juillet dernier pour ralentir l’inflation, pourrait peser sur la balance des paiements des pays, détériorer les soldes publics et offrir un ainsi moins de marge de manœuvre aux États dans leurs politiques pour contenir la hausse des prix.</p>
<p>À moins d’atteindre une sorte de stabilité régionale en termes de politique et d’économie, nous ne pouvons donc pas garantir que la France pourra continuer à faire mieux que ses voisins dans les prochains mois.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/le-resserrement-monetaire-de-la-bce-une-mauvaise-nouvelle-pour-les-cigales-europeennes-190462">Le resserrement monétaire de la BCE, une mauvaise nouvelle pour les « cigales » européennes</a>
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<img src="https://counter.theconversation.com/content/191597/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>La moindre exposition à la flambée des prix de l’énergie fossile et les dispositifs publics de soutien aux ménages ont notamment permis de limiter la hausse des prix.Mohamad Hassan Shahrour, Maître de Conférences en Finance, Université Côte d'Azur, IAE Nice - Université Côte d'AzurAymen Smondel, Maître de conférences en finance, IAE de Nice, IAE Nice - Université Côte d'AzurLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1905022022-09-19T18:41:01Z2022-09-19T18:41:01ZDécryptage : L’ouverture à la concurrence en Europe, aux racines de la flambée des prix de l’électricité<p>Depuis quelques mois, la flambée des prix de l’électricité suscite légitimement de fortes <a href="https://www.ladepeche.fr/2022/09/06/flambee-des-prix-de-lelectricite-a-cazeres-ce-nest-pas-mieux-avec-la-regie-municipale-delectricite-10525001.php">réactions</a> des populations et des entreprises qui voient leurs factures énergétiques exploser. Elle appelle également des analyses des experts du secteur électrique qui avancent de <a href="https://www.ouest-france.fr/economie/energie/entretien-crise-de-l-energie-pourquoi-l-electricite-et-le-gaz-sont-ils-devenus-si-chers-3c868818-2f79-11ed-9e2e-941646c9f304">nombreux facteurs</a> pour expliquer cette augmentation. Il y a la guerre en Ukraine, la flambée des prix des combustibles fossiles, la forte croissance des <a href="https://www.vie-publique.fr/questions-reponses/282323-co2-le-marche-du-carbone-dans-lunion-europeenne">prix du carbone</a> sur le marché du CO<sub>2</sub>, la <a href="https://www.francetvinfo.fr/societe/nucleaire/nucleaire-la-moitie-du-parc-francais-a-l-arret-emmanuel-macron-et-edf-se-renvoient-la-balle_5349400.html">faible disponibilité du nucléaire</a> pour des raisons de maintenance, ou encore le <a href="https://www.lefigaro.fr/societes/secheresse-les-barrages-hydroelectriques-fragilises-20220815">déficit hydrique</a> dans les barrages…</p>
<p>Ces raisons sont certes indiscutables et un plan d’urgence est en <a href="https://www.latribune.fr/economie/union-europeenne/bruxelles-un-plan-d-urgence-en-cinq-points-pour-endiguer-la-flambee-des-prix-de-l-electricite-929422.html">discussion à Bruxelles</a>, mais au-delà de la conjoncture, il existe aussi des explications à plus long terme. Elles tiennent aux réformes mises en place dans le cadre de l’ouverture à la concurrence des marchés européens de l’électricité au début des années 2000, objet de nos <a href="https://livre.fnac.com/a4683637/Francois-Mirabel-La-dereglementation-des-marches-de-l-electricite-et-du-gaz">travaux</a> depuis plusieurs années.</p>
<h2>Aux racines d’un grand chamboulement</h2>
<p>Il y a plus de 20 ans maintenant, le marché de l’électricité s’ouvrait à la concurrence en France. <a href="https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/PDF/?uri=CELEX:11957E/TXT&from=CS">L’article 90</a> du traité de Rome de 1957 imposait cette ouverture, finalement formalisée dans le cadre d’une <a href="https://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=CELEX:31996L0092:fr:HTML">directive européenne de 1996</a>. Cette directive prévoyait une mise en concurrence progressive et actait la fin du monopole d’EDF : d’autres fournisseurs doivent pouvoir vendre de l’électricité aux particuliers comme aux entreprises.</p>
<p>Très rapidement, la Direction générale de la concurrence de la Commission européenne a considéré qu’il n’y avait pas suffisamment de concurrence, avec un nombre trop réduit de fournisseurs alternatifs d’électricité. Particulièrement pointée du doigt, la France a réagi en votant en 2010 la loi Nouvelle organisation du marché de l’électricité, ou <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000023174854">loi Nome</a> dont Bercy, piloté alors par Christine Lagarde, se <a href="https://www.bfmtv.com/immobilier/renovation-travaux/electricite-lagarde-defend-la-loi-nome_AN-201011260127.html">félicitait</a>. Deux dispositifs apparaissent alors dans l’hexagone : l’Accès régulé à l’énergie nucléaire historique, ou <a href="https://www.edf.fr/entreprises/electricite-gaz/le-benefice-arenh">ARENH</a>, et une nouvelle méthode de calcul des Tarifs réglementés de vente de l’électricité, les TRVE, qui sont les prix auxquels doit vendre l’opérateur historique EDF.</p>
<p>Leur raison d’être puise dans les travaux des économistes William Baumol, John Panzar et Robert Willig, et dans <a href="https://books.google.fr/books/about/Contestable_Markets_and_the_Theory_of_In.html?id=hHdgAAAAIAAJ&redir_esc=y">l’ouvrage</a> qu’ils publient en 1982 sur la « contestabilité » des marchés. L’idée ? S’il n’est pas possible de contester à un acteur, la domination d’un marché, les prix resteront plus haut qu’à l’optimum que l’on atteint en situation concurrentielle. La priorité serait donc de s’assurer que l’entrée (de même que la sortie) sur les marchés reste libre et gratuite et que les concurrents potentiels bénéficient des mêmes conditions économiques de production que les entreprises en place.</p>
<h2>Vision idyllique</h2>
<p>Pour beaucoup, la transposition de cette analyse dans le secteur électrique semblait évidente : pour assurer la contestabilité des marchés, les concurrents doivent bénéficier d’un accès à l’électricité nucléaire produite par EDF, électricité produite à un coût nettement inférieur à la concurrence. C’est là qu’intervient l’ARENH : EDF doit céder à ses concurrents chaque année environ un quart de sa production d’électricité nucléaire (100 TWh/an) à un prix fixé à 42 euros par MWh, proche du coût de production des centrales nucléaires d’EDF. Ce dispositif était vu, notamment par les auteurs du <a href="https://www.vie-publique.fr/rapport/30427-rapport-de-la-commission-sur-organisation-du-marche-de-electricite">rapport de la commission Champsaur</a>, comme la condition permettant l’entrée de nouveaux concurrents et, à terme, une baisse des prix pour les consommateurs.</p>
<p>Cette vision idyllique de l’ARENH reste cependant très discutable si on évalue le dispositif du point de vue d’un autre phénomène bien connu que les économistes appellent la « double marge ». EDF vendait dans le passé son électricité directement aux consommateurs à un prix reflétant les coûts de production. Maintenant, EDF vend son électricité aux fournisseurs, première marge, qui la revendent à leur tour aux consommateurs, deuxième marge, ce qui semble clairement source d’inefficacités.</p>
<p>En mettant en place ce nouveau dispositif, le régulateur a certainement fait le pari que les bienfaits supposés de la concurrence l’emporteraient à terme pour faire baisser les prix ; cela ne s’est malheureusement pas produit.</p>
<h2>Des prix déconnectés des coûts</h2>
<p>Ce n’est pas tout : la loi NOME de 2010 imposait d’aller plus loin en définissant un nouveau mode de calcul des TRVE, toujours afin de faciliter l’entrée des concurrents sur le marché.</p>
<p>Historiquement, les tarifs étaient fondés sur les coûts de production d’EDF : la Commission de régulation de l’énergie (CRE) évaluait les coûts comptables d’EDF puis les répartissait sur le parc d’abonnés. La loi NOME est ensuite intervenue avec un objectif clair rappelé par le Juge des référés du Conseil d’État dans une décision du <a href="https://www.conseil-etat.fr/decisions-de-justice/dernieres-decisions/juge-des-referes-7-janvier-2015-association-nationale-des-operateurs-detaillants-en-energie-anode">7 janvier 2015</a> :</p>
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<p>« La contestabilité économique que le nouveau mode de fixation des tarifs est destiné à garantir, consiste en la faculté pour un opérateur concurrent d’EDF présent ou entrant sur le marché de la fourniture d’électricité de proposer, sur ce marché, des offres à prix égaux ou inférieurs aux tarifs réglementés. »</p>
</blockquote>
<p>Est conçu un nouveau mode de calcul des TRVE, dit par « empilement ». Il s’agit d’intégrer dans le calcul le coût d’approvisionnement des fournisseurs alternatifs d’électricité et donc, de faire dépendre les TRVE des prix de l’électricité sur les marchés de gros. Cela revient à calculer indirectement les augmentations des TRVE nécessaires pour que les concurrents puissent être compétitifs et rentrer sur le marché.</p>
<p>Autrement dit, les TRVE qu’EDF propose à ses clients deviennent déconnectés de ses coûts de production et sont à présent liés aux coûts d’approvisionnement des concurrents. Les TRVE deviennent ainsi en quelques sortes un prix fixé pour que la concurrence puisse être compétitive par rapport à ce même prix (on parle de « contestabilité des tarifs »). Cela ressemble à une anomalie.</p>
<h2>Réforme profonde ou bien rustines ?</h2>
<p>Devant l’explosion des prix de l’électricité depuis juin 2022, d’autres mesures ont été mises en place pour sauver ce marché. Le dispositif ARENH a été <a href="https://www.cre.fr/Actualites/mise-en-aeuvre-des-20-twh-additionnels-d-arenh-au-1er-avril-2022">étendu</a> au 1<sup>er</sup> avril et ce sont à présent 120 TWh qu’EDF doit céder aux concurrents (soit un tiers de sa production nucléaire). Parallèlement, l’État a mis un bouclier tarifaire qui permet de <a href="https://www.latribune.fr/economie/france/sans-le-bouclier-tarifaire-les-prix-de-l-energie-doubleraient-en-2023-bruno-le-maire-928970.html">limiter l’augmentation des TRVE à 4 %</a> seulement, avec un coût pour les finances publiques estimé à plus de 20 milliards d’euros.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/electricite-pourquoi-les-tarifs-augmentent-et-devraient-encore-augmenter-183751">Électricité : pourquoi les tarifs augmentent (et devraient encore augmenter)</a>
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<p>Reste que le système nous semble avoir montré de grandes limites. Les consommateurs s’avèrent soumis à la <a href="https://www.france24.com/fr/europe/20220826-flamb%C3%A9e-du-prix-de-l-%C3%A9lectricit%C3%A9-en-france-les-prix-sont-compl%C3%A8tement-d%C3%A9mentiels">volatilité</a> d’un prix de marché de gros qui peut passer en un an de 80 euros/MWh à des pics à plus de 1000 euros/MWh pour un bien essentiel. Il nous semble souhaitable de revenir à une organisation beaucoup plus centralisée du secteur électrique où les TRVE seraient à nouveau calés sur les coûts de production.</p>
<p>Des questions cruciales relatives aux missions de service public concernant les prix, la sécurité d’approvisionnement, l’indépendance énergétique, à la réduction des émissions de CO<sub>2</sub>, à la promotion des énergies renouvelables paraissent nécessiter un encadrement et une planification forte de l’État. Ces exigences sont au cœur des contestations citoyennes pour une électricité sécurisée, à prix régulés et équitables.</p>
<p>Dans ce contexte, une réforme profonde de l’organisation du secteur de l’électricité doit être engagée. Les ministres chargés de l’énergie dans les États membres de l’Union européenne ont tout récemment <a href="https://www.latribune.fr/economie/union-europeenne/bruxelles-un-plan-d-urgence-en-cinq-points-pour-endiguer-la-flambee-des-prix-de-l-electricite-929422.html">entamé des discussions</a>. À voir s’il n’en sortira que de nouvelles rustines.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/190502/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>François Mirabel ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les dispositifs qui devaient favoriser la concurrence en Europe et une baisse des prix pour les consommateurs semblent aujourd'hui avoir manqué leurs objectifs.François Mirabel, Professeur en économie de l'énergie et des transports, Université de MontpellierLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1906982022-09-14T18:09:17Z2022-09-14T18:09:17ZFermeture des piscines municipales, ou quand le droit fait de la brasse coulée<p>Le lundi 5 septembre, le concessionnaire Vert Marine, société leader de la délégation de service public dans le domaine du sport en France, a annoncé unilatéralement sa décision de <a href="https://www.lepoint.fr/societe/crise-de-l-energie-fermeture-coup-de-poing-d-une-trentaine-de-piscines-06-09-2022-2488727_23.php">suspendre l’exploitation d’une trentaine de contrats</a> relatifs à l’exploitation de piscines municipales.</p>
<p>La cause ? Une hausse du coût d’achat électrique de + de 650 %, illustration d’une crise énergétique désormais déclarée dans le pays qui a abrité durant cinq décennies l’un des fleurons des producteurs et distributeurs électriques.</p>
<p>Le problème ? Cette suspension a été décidée unilatéralement organisant une rupture du principe de continuité de ces services publics. La situation ne paraît pas isolée et pourrait être annonciatrice de bouleversements majeurs.</p>
<p>Si les soubresauts d’exploitation sont légion en matière de droit des contrats publics, l’étonnement saisit nécessairement le praticien à l’annonce dans la presse d’une suspension d’exploitation unilatérale d’une délégation de service public à l’initiative du cocontractant.</p>
<h2>Considérations économiques</h2>
<p>Certes le <a href="https://theconversation.com/fr/topics/droit-21145">droit</a> organise de telles hypothèses. Il est par exemple possible de suspendre unilatéralement une exploitation pour des raisons techniques, en respectant toutefois un délai de prévenance. De même, une telle suspension peut être motivée pour un motif impérieux ; on pense ici au cas d’espèce des piscines au risque sanitaire pour les baigneurs par exemple. Bien évidemment aussi, la force majeure est également invocable, mais à la condition seulement qu’elle rende impossible l’exécution du contrat.</p>
<p>En revanche, il est rare pour ne pas dire plus que la continuité de service public qui a <a href="http://www.lex-publica.com/jurisprudence-et-textes/ce-13-juin-1980-madame-bonjean-17995-v">valeur de principe fondamental</a> et de principe à <a href="https://www.conseil-constitutionnel.fr/decision/1979/79105DC.htm">valeur constitutionnelle</a> soit contrariée, et même contrecarrée, par une situation de marché exogène <em>stricto sensu</em> à l’activité. C’est pourtant ce qui vient de se produire avec l’affaire Vert Marine à la suite de l’envolée d’une charge de fonctionnement (coût de l’<a href="https://theconversation.com/fr/topics/electricite-23762">électricité</a> nécessaire à l’exploitation).</p>
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<p>La communication du groupe a en effet délivré les éléments contextuels suivants : la fermeture intervient « pour une durée temporaire », les salariés concernés sont placés en chômage partiel, parce que [Vert Marine] ne peut faire face à l’explosion du prix de l’énergie et en particulier du gaz. La société explique que sa facture énergétique est passée <a href="https://www.20minutes.fr/planete/3346235-20220905-prix-energie-trentaine-piscines-publiques-fermees-lundi-selon-vert-marine">« de 15 à 100 millions d’euros »</a>, ce qui représente « la totalité de [son] chiffre d’affaires annuel », et qu’elle préfère fermer des équipements plutôt que de « multiplier les tarifs par trois ». Pourtant, le principe de continuité semble ici prévaloir et ne pas devoir s’effacer au profit de ces considérations économiques.</p>
<h2>La porte ouverte à une sanction</h2>
<p>La société Vert Marine semble donc, de prime abord, avoir commis une faute en suspendant unilatéralement l’exécution des contrats de DSP dont elle est titulaire. Les conséquences ne sont pas neutres et elles peuvent être de divers ordres.</p>
<p>On pense immédiatement à la sanction financière attachée généralement, dans les contrats, à la faute du concessionnaire. Bien évidemment, même dans le silence du contrat, on ne voit pas très bien comment le délégataire pourrait faire valoir une absence de sanction financière. En effet, dans ce cas, serait certainement opposable à la société Vert Marine <a href="https://www.revuegeneraledudroit.eu/blog/decisions/conseil-detat-31-mai-1907-deplanque-c-ville-de-nouzon-publie-au-recueil/">l’arrêt Deplanques</a> du nom de l’entrepreneur qui, en 1907, avait été condamné pour non-respect de ses obligations d’assurer l’éclairage de la ville de Nouzon (devenue Nouzonville, dans les Ardennes). Plus épineuse est la question (non résolue à ce jour selon nous) où l’autorité concédante ne procéderait pas à une telle sanction alors qu’elle le devrait au vu des circonstances de l’espèce.</p>
<p>Une sanction se justifierait d’autant plus que les contrats de parcs aquatiques confiés en gestion à la société Vert Marine ont parfois fait l’objet de versement de compensations forfaitaires annuelles destinées à couvrir des obligations de <a href="https://theconversation.com/fr/topics/service-public-44670">service public</a>. Ne sont-elles pas justement destinées à couvrir de tels coûts et ne permettaient-elles pas aux parties de se réunir préalablement à une fermeture ?</p>
<h2>Soubresauts à venir</h2>
<p>Par ailleurs, le délégataire a toujours la possibilité d’optimiser ses coûts, que ce soit par une rationalisation de ses charges, une remise à plat des horaires d’ouvertures (en accord avec l’autorité délégante) ou encore par la recherche d’optimisation sur la taxe intérieure de consommation finale d’électricité (T.I.C.F.E) proposé par nombre de cabinet de conseil ; même si le délégataire demeure de manière indiscutable tributaire du coût d’achat d’énergie.</p>
<p>L’ensemble des principes ou des considérations de forme, de fond et contextuelles invalide donc très largement la fermeture unilatérale de la société Vert Marine. La problématique de fond relève finalement d’une exploitation non pas impossible, mais juste plus onéreuse.</p>
<p>Quand on sait que le risque dans ces contrats a changé de visage (l’aléa d’une perte n’étant plus à exclure), on imagine que les mois à venir vont donner lieu à de nombreux soubresauts, y compris dans d’autres services publics que celui des <a href="https://theconversation.com/fr/topics/piscine-118365">piscines</a>.</p>
<p>Dans le même temps, une autre question sera à résoudre : comment concilier les principes juridiques avec un enjeu de réalité environnemental ? Les piscines, les pistes de ski indoor dans des hangars, patinoires, ou encore de façon moins ludique la gestion de crématoriums, des réseaux de chaleurs, d’eau ou encore d’assainissement, qui sont des services publics, ne sont-elles pas antinomiques avec les problématiques actuelles ? </p>
<p>C’est là un autre débat qui n’est assurément pas que juridique et qui mobilisera juristes, législateur, juridictions et administrations.</p>
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<p><em>Cette contribution s'appuie sur l'article publié par les auteurs dans la revue « <a href="https://www.lexiskiosque.com/catalog/jcp-a">La Semaine juridique Administrations et Collectivités territoriales</a> » publiée le 19 septembre 2020.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/190698/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>La suspension de l’exploitation d’une trentaine de contrats de délégation de service public depuis début septembre ne peut se justifier juridiquement par l’envolée des coûts de l’énergie.Jean-Baptiste Vila, Maître de conférences en droit public, Université de BordeauxYann Wels, Directeur juridique SPL, enseignant vacataire, Aix-Marseille Université (AMU)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1899972022-09-11T16:19:11Z2022-09-11T16:19:11ZDes ions aux « supercondensateurs » : le numérique à la rescousse du stockage d’électricité<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/483009/original/file-20220906-14-iitb96.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=1%2C13%2C1020%2C677&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Pour développer les dispositifs de demain, il faut comprendre les phénomènes du stockage d'électricité aux différentes échelles. Ici, une électrode oxyde de fer/oxyde de graphène vue par microscopie.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/cambridgeuniversity-engineering/18856526285/">Dilek Ozgit, Department of Engineering, University of Cambridge</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span></figcaption></figure><p><em>Un nouvel « Entretien autour de l’informatique » en collaboration avec <a href="https://www.lemonde.fr/blog/binaire/">Binaire</a>, le blog pour comprendre les enjeux du numérique.</em></p>
<p><em>Céline Merlet est une chimiste, chercheuse CNRS au Centre Inter-universitaire de Recherche et d’Ingénierie des Matériaux (CIRIMAT) de Toulouse. C’est une spécialiste des modèles multi-échelles destinés à décrire les matériaux de stockage d’énergie. Le stockage d’énergie (solaire ou éolienne par exemple) devient un défi scientifique majeur. Céline Merlet nous parle des supercondensateurs, une technologie pleine de promesses.</em></p>
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<p><strong>Binaire : Pourrais-tu nous raconter brièvement la carrière qui t’a conduite à être chercheuse en chimie et médaille de bronze du CNRS 2021</strong></p>
<p><strong>Céline Merlet :</strong> Au départ je n’étais pas partie pour faire de la chimie mais de la biologie. J’ai fait une prépa et je voulais devenir vétérinaire, mais pendant la prépa, je me suis rendu compte que je m’intéressais de plus en plus à la chimie. J’ai aussi fait un projet de programmation et j’y ai trouvé beaucoup de plaisir. Je suis rentrée, dans une école d’ingénieur, Chimie ParisTech. En 2<sup>e</sup> année, j’ai fait un stage de trois semaines sur la modélisation de sels fondus, des sels qui deviennent liquides à très hautes températures. J’y ai découvert la simulation numérique de phénomènes du monde réel, j’ai compris que j’avais trouvé ma voie. Après l’école de chimie, je suis retournée faire un doctorat dans ce même labo où j’avais réalisé le stage. Un postdoctorat en Angleterre, et j’ai été recrutée au CNRS en 2017.</p>
<h2>B : Pourquoi n’es-tu pas restée en Angleterre ?</h2>
<p><strong>CM :</strong> Avec la difficulté d’obtenir un poste en France et le fait que j’étais bien installée en Angleterre, j’ai aussi candidaté là-bas. Mais, il y a eu le Brexit et cela a confirmé ma volonté de rentrer en France.</p>
<p><strong>B : Tu es chimiste, spécialiste des systèmes de stockage électrochimique de l’énergie qui impliquent des matériaux complexes. Pourrais-tu expliquer aux lecteurs de binaire ce que cela veut dire ?</strong></p>
<p><strong>CM :</strong> Le stockage électrochimique de l’énergie concerne l’utilisation de réactions électrochimiques pour stocker de l’énergie. Les systèmes qu’on connaît qui font ça sont les batteries dans les téléphones et les ordinateurs portables, et les voitures. Les batteries utilisent des matériaux complexes avec certains éléments comme le lithium, le cobalt, et le nickel. On charge et décharge le dispositif en le connectant à un circuit électrique. Les matériaux sont modifiés au cours des charges et décharges. C’est ça qui leur permet de stocker de l’énergie.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/482724/original/file-20220905-2314-9vo37n.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Schéma d’un supercondensateur déchargé : pas de charges sur les électrodes, des ions entre les deux" src="https://images.theconversation.com/files/482724/original/file-20220905-2314-9vo37n.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/482724/original/file-20220905-2314-9vo37n.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=288&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/482724/original/file-20220905-2314-9vo37n.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=288&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/482724/original/file-20220905-2314-9vo37n.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=288&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/482724/original/file-20220905-2314-9vo37n.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=361&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/482724/original/file-20220905-2314-9vo37n.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=361&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/482724/original/file-20220905-2314-9vo37n.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=361&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Schéma d’un supercondensateur déchargé.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Céline Merlet</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
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<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/482725/original/file-20220905-2253-gzydxs.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Schéma d’un supercondensateur chargé : il y a des charges + et -- sur les éléctrodes" src="https://images.theconversation.com/files/482725/original/file-20220905-2253-gzydxs.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/482725/original/file-20220905-2253-gzydxs.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=226&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/482725/original/file-20220905-2253-gzydxs.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=226&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/482725/original/file-20220905-2253-gzydxs.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=226&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/482725/original/file-20220905-2253-gzydxs.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=284&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/482725/original/file-20220905-2253-gzydxs.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=284&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/482725/original/file-20220905-2253-gzydxs.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=284&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Schéma d’un supercondensateur chargé.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Céline Merlet</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Ma recherche porte sur les supercondensateurs. Dans ces systèmes-là, on a deux matériaux poreux qui sont des électrodes qu’on connecte entre elles via un circuit extérieur. Quand on charge (ou décharge), des molécules chargées vont se placer dans des trous ou au contraire en sortent. Un stockage de charge au sein du matériau en résulte. Mais d’une manière très différente de celle des batteries. Il n’y a pas de réaction chimique. C’est une simple adsorption des molécules chargées.</p>
<h2>B : Tu travailles sur la modélisation moléculaire, en quoi est-ce que cela consiste ?</h2>
<p><strong>CM :</strong> J’ai parlé des deux électrodes qui sont en contact avec cette solution d’ions chargés. Souvent pour les supercondensateurs, ce sont des carbones nanoporeux. Les pores font à peu près la taille du nanomètre (1 millionième de millimètre) : c’est quelque chose qu’on ne peut pas observer à l’œil nu. Pour comprendre comment les ions entrent et sortent de ces pores de carbone, au lieu de faire des expériences physiques, des mélanges dans un laboratoire, je fais des expériences numériques, des mélanges dans l’ordinateur. J’essaie de comprendre comment les ions bougent et ce qui se passe, à une échelle qu’on ne peut pas atteindre expérimentalement.</p>
<h2>B : Ça exige de bien comprendre les propriétés physiques ?</h2>
<p><strong>CM :</strong> Oui pour modéliser la trajectoire des ions, la façon dont ils se déplacent, il faut bien comprendre ce qui se passe. Quand on lance une balle, si on donne les forces qu’on applique au départ, on peut en déduire la trajectoire. Pour les ions c’est pareil. On choisit le point de départ. On sait quelles forces s’appliquent, les forces d’attraction et de répulsion. On a des contraintes comme le fait qu’une molécule ne peut pas pénétrer à l’intérieur d’une autre. Cela nous permet de calculer l’évolution du système de molécules au cours du temps. Parfois, on n’a même pas besoin de représenter ça de manière très précise. Si une modélisation même grossière est validée par des expériences, on a le résultat qu’on recherchait. Dans mon labo, le CIRIMAT, il y a principalement des expérimentateurs. Nous sommes juste 4 ou 5 théoriciens sur postes permanents. Dans mon équipe, des chercheurs travaillent directement sur des systèmes chimiques réels et on apprend beaucoup des échanges théorie/expérience.</p>
<h2>B : Typiquement, combien d’atomes sont-ils impliqués par ces simulations ?</h2>
<p><strong>CM :</strong> Dans ces simulations numériques, on considère de quelques centaines à quelques milliers d’atomes. Dans une expérience réelle, c’est au moins 10<sup>24</sup> atomes. (Un millilitre d’eau contient déjà 10<sup>22</sup> molécules.)</p>
<h2>B : Et malgré cela, vous arrivez à comprendre ce qui se passe pour de vrai…</h2>
<p><strong>CM :</strong> On utilise des astuces de simulation pour retrouver ce qui se passe dans la réalité. Une partie de mon travail consiste à développer des modèles pour faire le lien entre l’échelle moléculaire et l’échelle expérimentale. Quand on change d’échelle, ça permet d’intégrer certains éléments mais on perd d’autres informations de l’échelle moléculaire.</p>
<p><strong>B : Dans ces simulations des électrodes de carbone au sein de supercondensateurs modèles en fonctionnement, quels sont les verrous que tu as dû affronter ?</strong></p>
<p><strong>CM :</strong> Au niveau moléculaire, il y a encore des progrès à faire, et des ordinateurs plus puissants pourraient aider. Les matériaux conduisent l’électricité, les modèles considèrent que les carbones sont parfaitement conducteurs, mais en réalité ils ne le sont pas. Pour une meilleure représentation, il faudrait tenir compte du caractère semi-conducteur de ces matériaux et certains chercheurs travaillent sur cet aspect en ce moment.</p>
<p>Pour obtenir des matériaux qui permettraient de stocker plus d’énergie, il nous faudrait mieux comprendre les propriétés microscopiques qui ont de l’influence sur ce qui nous intéresse, analyser des résultats moléculaires pour essayer d’en extraire des tendances générales. Par exemple, si on a deux liquides qui ont des ions différents, on fait des mélanges ; on peut essayer brutalement plein de mélanges et réaliser des simulations pour chacun, ou on peut en faire quelques-unes seulement et essayer de comprendre d’un mélange à un autre pourquoi le coefficient de diffusion par exemple est différent et prédire ainsi ce qui se passera pour n’importe quel mélange. Mieux on comprend ce qui se passe, moins il est nécessaire de faire des modélisations moléculaires sur un nombre massif d’exemples.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/482726/original/file-20220905-2277-6wubbf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Les électrodes de carbone sont en bleu, les anions en vert et les cations en violet" src="https://images.theconversation.com/files/482726/original/file-20220905-2277-6wubbf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/482726/original/file-20220905-2277-6wubbf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=397&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/482726/original/file-20220905-2277-6wubbf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=397&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/482726/original/file-20220905-2277-6wubbf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=397&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/482726/original/file-20220905-2277-6wubbf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=499&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/482726/original/file-20220905-2277-6wubbf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=499&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/482726/original/file-20220905-2277-6wubbf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=499&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Configuration extraite de la simulation d’un supercondensateur modèle par dynamique moléculaire. Les électrodes de carbone sont en bleu, les anions en vert et les cations en violet.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Céline Merlet</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p><strong>B : Tu as reçu le prix « 2021 Price Ada Lovelace » de calcul haute performance (HPC). Est-ce que tu te présentes plutôt comme chimiste, ou comme une spécialiste du HPC ?</strong></p>
<p><strong>CM :</strong> Je ne me présente pas comme une spécialiste du calcul HPC mais mes activités nécessitent un accès à des ordinateurs puissants et des compétences importantes dans ce domaine. Une partie de mon travail a consisté en des améliorations de certains programmes pour pouvoir les utiliser sur les supercalculateurs. Rendre des calculs possibles sur les supercalculateurs, cela ouvre des perspectives de recherche, et c’est une contribution en calcul HPC.</p>
<h2>B : Quelles sont les grandes applications de ton domaine ?</h2>
<p><strong>CM :</strong> Concernant les supercondensateurs, c’est déjà utilisé dans les systèmes start-and-stop des voitures. C’est aussi utilisé dans les bus hybrides : on met des supercondensateurs sur le toit du bus, et à chaque fois qu’il s’arrête, on charge ces supercondensateurs et on s’en sert pour faire redémarrer le bus. On peut ainsi économiser jusqu’à 30 % de carburant. Des questions qui se posent : Est-ce qu’on pourrait stocker plus d’énergie ? Est-ce qu’on pourrait utiliser d’autres matériaux ?</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/482727/original/file-20220905-2277-83cd0a.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/482727/original/file-20220905-2277-83cd0a.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=444&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/482727/original/file-20220905-2277-83cd0a.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=444&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/482727/original/file-20220905-2277-83cd0a.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=444&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/482727/original/file-20220905-2277-83cd0a.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=557&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/482727/original/file-20220905-2277-83cd0a.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=557&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/482727/original/file-20220905-2277-83cd0a.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=557&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Bus hybride utilisant des supercondensateurs.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Muséum de Toulouse</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p><strong>B : On sait que les batteries de nos téléphones faiblissent assez vite. Pourrait-on les remplacer par des supercondensateurs ?</strong></p>
<p><strong>CM :</strong> Si les batteries stockent plus d’énergie que les supercondensateurs, elles se dégradent davantage avec le temps. Au bout d’un moment le téléphone portable n’a plus la même autonomie que quand on a acheté le téléphone. Un supercondensateur peut être chargé et déchargé très vite un très grand nombre de fois sans qu’il soit détérioré. Pourtant, comme les quantités d’énergie qu’ils peuvent stocker sont bien plus faibles, on n’imagine pas que les supercondensateurs standards puissent remplacer les batteries. On voit plutôt les deux technologies comme complémentaires. Et puis, la limite entre supercondensateur et batterie peut être un peu floue.</p>
<p><strong>B : Tu es active dans « Femmes et Sciences ». Est-ce que tu peux nous dire ce que tu y fais et pourquoi tu le fais ?</strong></p>
<p><strong>CM :</strong> J’observe qu’on est encore loin de l’égalité femme-homme. En chimie, nous avons une assez bonne représentativité des femmes. Dans mon laboratoire, qui correspond bien aux observations nationales, il y a 40 % de femmes. Mais en sciences en général, elles sont peu nombreuses.</p>
<p>Un but de « Femmes et Sciences » est d’inciter les jeunes, et particulièrement les filles, à s’engager dans des carrières scientifiques. Je suis au conseil d’administration, en charge du site web, et je coordonne avec d’autres personnes les activités en région toulousaine. Je suis pas mal impliquée dans les interventions avec les scolaires, dans des classes de lycée ou de collège : on parle de nos parcours ou on fait des ateliers sur les stéréotypes, de petits ateliers pour sensibiliser les jeunes aux stéréotypes, pour comprendre ce que c’est et ce que ça peut impliquer dans les choix d’orientation.</p>
<p>Nous avons développé en 2019 un jeu, Mendeleieva, pour la célébration des 150 ans de la classification périodique des éléments par Mendeleïev. Nous l’utilisons pour mettre en avant des femmes scientifiques historiques ou contemporaines : on a un tableau et on découvre à la fois l’utilité des éléments et les femmes scientifiques qui ont travaillé sur ces éléments. Nous sommes en train de numériser ce jeu.</p>
<p>L’association mène encore beaucoup d’autres actions comme des expos, des livrets, etc.</p>
<h2>B : La programmation est un élément clé de ton travail ; est-ce que tu programmes toi-même ?</h2>
<p><strong>CM :</strong> J’adore programmer. Mais comme je passe pas mal de temps à faire de l’encadrement, à voyager et à participer à des réunions, j’ai moins de temps pour le faire moi-même. Je suis les doctorants qui font ça. Suivant leur compétence et leur appétence, je programme plus ou moins.</p>
<p><strong>B : D’où viennent les doctorants qui passent dans ton équipe ? Sont-ils des chimistes au départ ?</strong></p>
<p><strong>CM :</strong> Ils viennent beaucoup du monde entier : Maroc, Grèce, Inde. Ils sont physiciens ou chimistes. J’ai même une étudiante en licence d’informatique en L3 qui fait un stage avec moi.</p>
<p><strong>B : Est-ce que certains thèmes de recherche en informatique sont particulièrement importants pour vous ?</strong></p>
<p><strong>CM :</strong> En ce moment, on s’interroge sur ce que pourrait apporter l’apprentissage automatique à notre domaine de recherche. Par exemple, pour modéliser, on a besoin de connaître les interactions entre les particules. Des collègues essaient de voir si on pourrait faire de l’apprentissage automatique des champs de force. Nous ne sommes pas armés pour attaquer ces problèmes, alors nous collaborons avec des informaticiens.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/189997/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Céline Merlet est affiliée au Réseau sur le Stockage Électrochimique de l'Énergie (<a href="https://www.energie-rs2e.com/fr">https://www.energie-rs2e.com/fr</a>) et membre du conseil d'administration de l'association Femmes & Sciences (<a href="https://www.femmesetsciences.fr/">https://www.femmesetsciences.fr/</a>). Elle a reçu des financements européens avec l'ERC Starting Grant SuPERPORES (<a href="https://cordis.europa.eu/project/id/714581/fr">https://cordis.europa.eu/project/id/714581/fr</a>).
</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Claire Mathieu et Serge Abiteboul ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur poste universitaire.</span></em></p>Comment les supercondensateurs peuvent nous aider à stocker l'électricité.Serge Abiteboul, Directeur de recherche à Inria, membre de l'Académie des Sciences, InriaCéline Merlet, Chercheuse au Centre Inter-universitaire de Recherche et d’Ingénierie des Matériaux (CIRIMAT) de Toulouse, Toulouse INP, Université Toulouse III-Paul Sabatier, Centre national de la recherche scientifique (CNRS)Claire Mathieu, Directrice de recherche CNRS, Paris, École normale supérieure (ENS) – PSLLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1858042022-09-06T21:40:12Z2022-09-06T21:40:12ZRendre les modèles économiques « durables » attrayants : le cas de l’électricité néerlandaise<p><a href="https://www.vie-publique.fr/en-bref/284713-nouveau-rapport-du-giec-des-solutions-face-au-rechauffement-climatique">Rendre l’économie plus durable</a> afin d’éviter les effets désastreux du changement climatique est devenu une nécessité indiscutable. Or une transition vers une économie « net zéro » implique un changement fondamental dans la manière dont les <a href="https://theconversation.com/comment-les-grandes-entreprises-prennent-elles-en-compte-les-enjeux-climatiques-183739">entreprises fonctionnent</a> et gagnent de l’argent.</p>
<p>Par conséquent, les modèles économiques actuels, axés uniquement sur la réalisation de bénéfices, ne sont plus viables dans un avenir « net zero ». Comment alors les remplacer ? À quoi ressembleront les modèles économiques de l’avenir ? Et comment convaincre les leaders du marché de changer une recette gagnante ? Sachant qu’il est peu probable qu’ils puissent maintenir les mêmes flux de revenus avec un modèle durable.</p>
<p>Il existe de nombreuses options, mais <a href="https://doi.org/10.1016/j.jbusvent.2009.07.005">seules quelques-unes</a> sont jusqu’à présent parvenues à s’imposer dans un monde où l’essentiel de l’argent est encore gagné par des entreprises qui polluent la planète et n’ont pas à payer pour cela. Comment les entrepreneurs qui conçoivent ces modèles réussissent-ils à faire accepter leurs idées, quand bien même elles remettent en cause les idées reçues sur ce que les consommateurs aiment et sont prêts à payer ?</p>
<h2>Mettre en avant d’autres avantages</h2>
<p>Dans notre <a href="https://journals.sagepub.com/doi/full/10.1177/10860266221079406">dernière publication</a>, nous montrons comment des entrepreneurs du secteur néerlandais de l’électricité ont réussi à rallier le public à leur modèle de vente d’électricité verte. Pendant des décennies, le secteur de l’électricité a été dominé par un modèle dans lequel des entreprises verticalement intégrées produisaient de l’électricité dans de grandes centrales utilisant des combustibles fossiles.</p>
<p>Mais les pressions en faveur de la décarbonation, de la numérisation et de la déréglementation du secteur ont permis à de nouveaux acteurs d’entrer sur le marché avec une proposition différente. Comment ont-ils su se rendre attractifs ?Les modèles classiques de vente d’électricité reposent sur l’idée que « l’argent est roi ». Le prix et la fiabilité déterminent le choix des clients, rien d’autre.</p>
<p>C’est en changeant cette perception de ce qui fait la valeur de l’électricité verte que les entrepreneurs néerlandais ont su rendre leur modèle attrayant. Sans ignorer l’importance du prix et de la fiabilité, ils mettent également en avant d’autres avantages à choisir l’électricité verte. Certains arguments de vente consistent à laisser les clients choisir la provenance de leur électricité (elle est produite dans mon village), qui produit leur électricité (elle est produite par mes amis et ma famille) et comment leur électricité est produite (je peux décider comment elle est produite).</p>
<p>Toutefois, mettre l’accent sur ces aspects n’a pas suffi à généraliser les modèles de l’électricité verte.</p>
<h2>Décrédibiliser les acteurs classiques</h2>
<p>Les entrepreneurs, ainsi que les ONG, ont également dû changer la perception des clients sur les offres des leaders du marché en montrant que ces offres n’étaient pas vraiment vertes. En partie grâce à un <a href="https://www.youtube.com/watch?v=7bJcHMsPrl4">marketing non conventionnel</a>, ils ont fait germer dans l’esprit des gens l’idée que l’on ne pouvait pas faire confiance aux grandes compagnies d’électricité pour mener à bien la transition vers une consommation nette zéro.</p>
<p>Une start-up influente, Vandebron, a ainsi proposé d’acquérir une centrale électrique au charbon <a href="https://cleantechnica.com/2017/03/24/energy-start-up-vandebron-bids-dutch-coal-power-plant-turn-theme-park/">pour un million d’euros</a>, avec l’intention de la transformer en parc d’attractions. Elle a tenté de prouver que le propriétaire actuel, Nuon, n’était pas disposé à mettre fin à ses activités liées aux combustibles fossiles.</p>
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<p>Les entrepreneurs ont également fait prendre conscience aux gens que la plupart de l’électricité verte proposée n’était pas produite aux Pays-Bas, mais qu’elle était simplement le résultat d’un <a href="https://theconversation.com/label-vertvolt-vers-une-prise-en-compte-de-ladditionnalite-dans-les-offres-delectricite-verte-173277">exercice sur papier</a> où les entreprises achètent des certificats verts pour affirmer que leur électricité sale est verte.</p>
<p>En faisant honte aux entreprises existantes, les entrepreneurs ont créé un espace pour leur propre offre, car les consommateurs ont commencé à chercher des fournisseurs alternatifs, vendant de l’électricité réellement verte. Ils ont également fait pression sans relâche pour obtenir des changements réglementaires permettant de déployer d’autres modes d’approvisionnement en électricité, tels que la livraison de pair-à-pair et les micro-réseaux communautaires.</p>
<h2>Déboulonner le mythe du prix bas</h2>
<p>En faisant comprendre aux gens que l’électricité verte présente de nombreux avantages et que l’on ne peut pas faire confiance aux leaders du marché pour atteindre le net zéro, les entrepreneurs ont réussi à montrer qu’il est possible de faire les choses différemment et que cela peut être source de succès économique.</p>
<p>Ils ont démantelé l’idée selon laquelle les entreprises ne peuvent réussir dans ce secteur que si elles proposent un prix bas : au contraire, ils ont révélé que les citoyens sont prêts à payer un peu plus si l’électricité est produite localement, s’ils peuvent l’acheter directement à leurs voisins, leur famille ou leurs amis, ou si cela signifie qu’un prix équitable est versé à ceux qui produisent l’électricité.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/oYFjAV5Esq8?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">« Les business models de l’innovation sociale » avec Thibault Daudigeos et Caroline Gauthier (Xerfi Canal, 21 janv. 2019).</span></figcaption>
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<p>Même si l’électricité elle-même a exactement la même fonction, à savoir alimenter nos appareils, les entrepreneurs ont montré que les gens accordent de l’importance à la provenance de leur électricité et à la manière dont elle est produite. Déboulonner les mythes sur la réussite dans le secteur a ouvert les yeux des leaders du marché qui ont commencé à acquérir des start-up dont les <em>business model</em> durables ont fait leurs preuves.</p>
<p>Alors, ces modèles durables dominent-ils désormais le secteur ? Malheureusement, non. Il reste encore beaucoup de chemin à parcourir. Mais les entrepreneurs et les ONG ont réussi à prouver qu’il était possible de créer de la valeur autrement, et ils ont aidé les leaders du marché à se diversifier, en proposant une électricité véritablement verte, livrée de différentes manières, notamment par des plates-formes d’échange d’énergie de pair-à-pair. Les gens ont désormais beaucoup plus de choix pour passer au vert.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/185804/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>C’est désormais l’un des principaux défis auxquels sont confrontées les entreprises : construire des modèles économiques à la fois durables, rentables et attractifs pour le grand public.Anne-Lorène Vernay, Associate professor, Grenoble École de Management (GEM)Jonatan Pinkse, Professor, University of ManchesterMélodie Cartel, Lecturer in organization theory, UNSW SydneyLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1859242022-08-28T18:10:34Z2022-08-28T18:10:34Z« Pile microbienne » : utiliser les bactéries de la mangrove pour produire de l’électricité<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/479599/original/file-20220817-15-qgbmhl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=6%2C3%2C2038%2C1358&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">La mangrove martiniquaise accueille des bactéries qui peuvent transformer des composés organiques en courant électrique.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/christelle-s/31155350327/in/photolist-cHenB7-QVcjqY-4xiY7f-Pt6jdx-d47jGQ-xuR4b7-xwg1Gp-xR8k5Y-ow5Hff-2mdvmaQ">schmitt.stelle, Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span></figcaption></figure><p>À l’heure du changement climatique, la recherche sur de nouveaux types d’énergies renouvelables bat son plein. La diminution des ressources fossiles ainsi que l’augmentation des prix des carburants incitent à la diversification énergétique.</p>
<p>Plusieurs équipes internationales et françaises travaillent au développement de nouveaux dispositifs. Parmi eux, une innovation peu connue : la « pile microbienne », ou « pile à bactérie », qui utilise des bactéries pour dégrader des composés organiques et récolter un courant électrique. Ce dispositif présenterait l’avantage d’être peu onéreux et de pouvoir utiliser des eaux usées comme combustible. Il permettrait aussi, une fois optimisé, de limiter l’utilisation de piles chimiques contenant des produits toxiques pour l’environnement. Ces piles à bactérie fournissent de faibles puissances, et permettraient par exemple d’alimenter des LED ou des capteurs de température.</p>
<p>Cette technologie fait véritablement l’objet de recherche depuis le début des années 2000 après la découverte de bactéries très spéciales capables de <a href="https://doi.org/10.1073/pnas.0604517103">transférer des électrons à des surfaces solides conductrices</a>. La production électrique pourrait être couplée à d’autres fonctions de cette pile : le <a href="https://www.hevs.ch/media/document/3/epargner-et-produire-de-l-electricite-tout-en-epurant-les-eaux-usees-le-potentiel-des-piles-a-combustible-microbienne.pdf">traitement d’eaux usées</a> par exemple, en diminuant leur charge organique, mais aussi la décontamination en polluants d’eaux riches en pesticides, ou encore la synthèse de molécules d’intérêts comme le phosphate, intéressant pour l’agriculture.</p>
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<img alt="microscopie de bactéries sur une électrode conductrice" src="https://images.theconversation.com/files/479600/original/file-20220817-18-teipxa.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/479600/original/file-20220817-18-teipxa.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=362&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/479600/original/file-20220817-18-teipxa.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=362&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/479600/original/file-20220817-18-teipxa.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=362&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/479600/original/file-20220817-18-teipxa.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=455&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/479600/original/file-20220817-18-teipxa.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=455&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/479600/original/file-20220817-18-teipxa.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=455&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Des bactéries <em>Rhodopseudomonas palustris</em>, en rouge, colonisent une électrode conductrice à base de graphène.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/cambridgeuniversity-engineering/29762292672/">Toby Call, Department of Engineering, University of Cambridge, Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
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<p>Mais pour améliorer cette technologie, il est notammenécessaire d’identifier des bactéries capables de vivre dans les conditions très particulières de la pile à bactérie : absence d’oxygène, pH neutre, conductivité élevée… Un des enjeux est de trouver des bactéries qui sont adaptées à des milieux très salés, qui permettent aux ions, et donc au courant électrique, de bien circuler.</p>
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<h2>La mangrove martiniquaise, milieu source de bactéries électroactives</h2>
<p>Les chercheurs du Laboratoire des matériaux et molécules en milieu agressif (L3MA) évaluent le potentiel pour la pile microbienne d’un environnement particulier : la mangrove.</p>
<p>La mangrove est un environnement humide tropical, un écosystème très particulier présent en Martinique et dans les littoraux des régions tropicales en général. La forêt de mangrove joue un rôle très important pour les territoires comme la Martinique : en plus de leur fonction nourricière et d’habitat pour nombre d’espèces animales, elles constituent également une barrière naturelle protectrice de l’île limitant l’érosion des côtes par exemple et la protégeant des catastrophes naturelles.</p>
<p>La mangrove présente des conditions idéales pour la croissance de bactéries uniques… et contient des <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1002/er.3270">espèces bactériennes électroactives</a> qui peuvent être utilisée dans les piles à bactéries. Les salinités y sont très importantes en raison de l’entrée de l’eau de mer, et les <a href="https://hal.univ-antilles.fr/hal-03544404">communautés bactériennes qui y vivent sont adaptées à ces concentrations importantes</a>.</p>
<h2>Certaines bactéries peuvent transférer des électrons à des métaux</h2>
<p>Une bactérie « électroactive » est capable d’extraire les électrons dont elle a besoin pour respirer (c’est-à-dire transformer du dioxygène dissous dans l’eau, lieu de vie des bactéries, en dioxyde de carbone) à partir d’un matériau conducteur solide comme du fer ou du manganèse présent dans son environnement, grâce à ce que l’on appelle le <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0045653517304290">« transfert électronique extracellulaire »</a>.</p>
<p>Ainsi, la bactérie <em>Geobacter metallireducens</em> a été découverte en 1987 dans le lit sédimentaire de la rivière Potomac, aux États-Unis. Cette bactérie utilise des poils sur sa surface pour « respirer » des oxydes de fer (hématites) présents dans son milieu de vie.</p>
<p>Les bactéries électroactives peuvent aussi bien extraire des électrons de matériaux solides qu’en fournir à ces mêmes matériaux.</p>
<h2>Le fonctionnement de la pile microbienne</h2>
<p>La « pile à combustible microbienne » est un dispositif capable de convertir directement l’énergie chimique contenue dans des composés organiques en énergie électrique, grâce au travail des bactéries électroactives.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/479597/original/file-20220817-24-zih2b5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="schéma d’une pile à bactérie" src="https://images.theconversation.com/files/479597/original/file-20220817-24-zih2b5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/479597/original/file-20220817-24-zih2b5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=398&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/479597/original/file-20220817-24-zih2b5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=398&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/479597/original/file-20220817-24-zih2b5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=398&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/479597/original/file-20220817-24-zih2b5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=500&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/479597/original/file-20220817-24-zih2b5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=500&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/479597/original/file-20220817-24-zih2b5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=500&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Schéma d’une pile microbienne à double compartiment doté chacun d’une bioélectrode (électrode + biofilm bactérien). En jaune et vert sont représentés les agrégats (biofilms) de bactéries électroactives à la surface des électrodes solides en gris. Un biofilm récupère les électrons du milieu pour les transférer au circuit électrique via l’anode, l’autre biofilm récupère les électrons provenant du circuit électrique pour les transférer au milieu.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Paule Salvin</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Son schéma le plus classique prévoit deux compartiments séparés par une membrane, qui permet d’échanger les ions entre les compartiments. Dans le compartiment anodique de la pile, les composés organiques sont dégradés par les bactéries pour récolter les électrons qui sont ensuite transférés à l’anode solide. Un flux d’électrons est alors possible dans le circuit électrique reliant l’anode à la cathode : c’est le courant électrique que l’on pourra utiliser.</p>
<p>Pour équilibrer le flux de charge électrique, les protons migrent de la borne « moins » à la borne « plus » en traversant la membrane échangeuse de protons.</p>
<p>Dans l’exemple présenté ici, les deux électrodes de la pile sont dites « biologiques », car elles sont couvertes par des biofilms bactériens : agrégats de bactéries électroactives adhérées à la surface des électrodes et engluées dans une substance à base de polymères qu’elles ont sécrétée. Les biofilms des deux électrodes peuvent être composés des mêmes bactéries ou de communautés distinctes. En effet, certaines bactéries sont préférentiellement actives sur une anode alors que d’autres préféreront le fonctionnement cathodique.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/479598/original/file-20220817-12-73kr31.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/479598/original/file-20220817-12-73kr31.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=277&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/479598/original/file-20220817-12-73kr31.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=277&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/479598/original/file-20220817-12-73kr31.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=277&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/479598/original/file-20220817-12-73kr31.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=348&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/479598/original/file-20220817-12-73kr31.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=348&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/479598/original/file-20220817-12-73kr31.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=348&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Photographie par microscopie électronique à balayage d’un biofilm électroactif à la surface d’une anode en graphite. On peut observer les bactéries à la surface d’une anode en graphite immergée dans un milieu sédimentaire : les bactéries sont les petits bâtonnets lumineux et la matrice est floutée au-dessus de ces bâtonnets.</span>
<span class="attribution"><span class="source">L3MA</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>L’atout majeur de cette pile électrochimique réside dans le contrôle des réactions chimiques par les bactéries. Mais ce n’est pas son seul atout. En effet, on peut aussi grâce à cette pile éviter l’utilisation de produits chimiques toxiques ou agressifs pour l’environnement, comme c’est le cas dans les piles chimiques classiques. De fait, il existe de nombreuses sources contenant tous les éléments nécessaires au fonctionnement des piles microbiennes et on retrouve des bactéries électroactives dans les eaux de mer, les sédiments marins ou de rivière, les eaux usées domestiques ou industrielles, le système digestif humain ou de souris, les plaques dentaires…</p>
<p>On peut <a href="https://www.nature.com/articles/s41579-019-0173-x">alimenter les bactéries de la pile – et donc la pile</a> – grâce à des substrats organiques simples comme de l’acétate ou encore du glucose, ou plus d’autres plus complexes comme des effluents domestiques ou industriels, par exemple. Tout ceci permettrait de concevoir ces dispositifs à moindre coût.</p>
<p>La pile à combustible microbienne n’a pas encore montré tout son potentiel. En effet, pour optimiser les échanges électroniques des bactéries et ainsi booster les performances des piles, il sera nécessaire de mieux comprendre ces mécanismes.</p>
<p>De plus, les bactéries électroactives découvertes peuvent être impliquées dans d’autres processus, et aider à produire des molécules d’intérêt, comme le phosphate, le méthane ou encore l’hydrogène. Ainsi, dans l’avenir, pourraient être proposées des solutions d’alimentation en énergie utilisant les déchets – eaux usées domestiques ou industrielles – qui permettraient un cercle plus vertueux de consommation.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/185924/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Paule Salvin a reçu des financements de Ministère de Enseignement Supérieur, de la Recherche et de l'Innovation, de l'Europe, de la Collectivité Territoriale de Martinique. </span></em></p>Dans la mangrove martiniquaise, on trouve des bactéries adaptées pour préparer des « piles microbiennes ».Paule Salvin, Maîtresse de Conférences, spécialiste des biofilms électro-actifs issus des zones humides, Université des AntillesLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1850562022-06-14T22:24:29Z2022-06-14T22:24:29ZPouvoir d’achat : le bouclier tarifaire, un soutien de 100 euros par trimestre<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/468714/original/file-20220614-12-kovned.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=13%2C21%2C1264%2C829&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Selon l’Insee, le bouclier tarifaire a permis une réduction de l’inflation d’environ un point entre février 2021 et février 2022.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://pixabay.com/fr/photos/argent-en-espèces-euro-entreprise-6952006/">Alexandr Podvalny/Pixabay</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>La forte reprise amorcée à la fin de la crise sanitaire a été stoppée par la guerre en Ukraine. L’arrêt des importations en provenance de Russie et d’Ukraine créée un risque de stagflation, c’est-à-dire un moment de faible de croissance accompagné d’une forte inflation.</p>
<p>Ce contexte nourrit les préoccupations de recul du pouvoir d’achat. Alors que les prix de vente augmentent, une activité au ralenti ne peut générer que de faibles progressions de revenu, rendant donc les fins de mois plus difficiles. Ces problèmes touchant tous les pays du monde, les baisses de pouvoir d’achat seraient alors partagées par tous.</p>
<p>Toutefois, les chiffres montrent que certains pays résistent mieux que d’autres. C’est en particulier de cas de la France.</p>
<p>Avant l’invasion russe de l’Ukraine, les prévisions de croissance française étaient de 4 % pour 2022 et 2 % pour 2023 ; selon la Banque de France, elles pourraient chuter <a href="https://www.latribune.fr/economie/france/la-banque-de-france-prevoit-moins-de-croissance-et-plus-d-inflation-a-cause-de-la-guerre-en-ukraine-906043.html">à 2,8 % pour 2022 et 1,3 % pour 2023</a>. Du côté de l’inflation, le scénario s’inverse : les prévisions étaient de 1,2 % pour 2022 et 2023, elles seraient maintenant de 4 % et 2,5 % pour 2022 et 2023 (prix à la production mesurés pas le déflateur du PIB). Cette dégradation de la situation en France contraste avec ce que l’on observe ailleurs.</p>
<p>En Allemagne, selon les chiffres de la Banque centrale allemande (Bundesbank), la <a href="https://www.challenges.fr/finance-et-marche/allemagne-la-bundesbank-abaisse-ses-previsions-de-croissance-releve-celles-sur-l-inflation_816571">prévision de croissance pour 2022 passe de 4,9 % à 1,9 %</a> et celle de l’inflation passerait de 3,6 % à 7,1 % (indice des prix à la consommation). Aux États-Unis pour l’année 2022, les prévisions de croissance ont été révisées de <a href="https://www.lemoci.com/conjoncture-les-previsions-de-croissance-de-locde-en-baisse-pour-2022-et-2023/">3,7 % à 2,5 %</a>, alors que les dernières prévisions de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) feraient passer l’inflation de 4,6 % à 5,9 %.</p>
<p><iframe id="fnAf9" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/fnAf9/2/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Le choc économique étant lié à la forte hausse des prix de l’énergie, la meilleure résilience de l’économie française peut s’expliquer, en partie, par le bouclier tarifaire mis en place en octobre 2021 par le gouvernement français.</p>
<h2>Un point d’inflation en moins</h2>
<p>Ce bouclier tarifaire fige les tarifs réglementés de vente du gaz à leur niveau d’octobre 2021 et limite à 4 % la revalorisation de ceux de l’électricité de février 2022. Ces tarifs réglementés concernent près de 70 % de la consommation d’électricité des ménages et 30 % de celle de gaz. La Commission de régulation de l’énergie (CRE) a calculé que, sans le bouclier tarifaire, les prix auraient progressé de <a href="https://www.expertise-energie.fr/trv-du-gaz-naturel-la-cre-maintient-les-tarifs/">66,5 % entre octobre 2021 et février 2022</a>. Quant à ceux de l’électricité, ils auraient augmenté de 35,4 % le 1<sup>er</sup> février 2022.</p>
<p>Face à l’envol des prix de l’énergie, l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee) indique que <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/6215309?sommaire=6215395">l’inflation aurait été de 5,1 %</a> entre février 2021 et février 2022 « sans bouclier tarifaire », alors qu’elle n’a été que de 3,6 % dans les faits, soit 1,5 point d’inflation en moins grâce au bouclier tarifaire. Si le gouvernement, <a href="https://www.gouvernement.fr/communique/12687-le-gouvernement-etend-le-bouclier-tarifaire-sur-le-gaz">comme il l’a annoncé</a>, étend sur l’année 2022 ce bouclier, alors nous pouvons anticiper, en restant mesurés, une réduction d’un point de l’inflation sur l’année à venir.</p>
<p><strong>Inflation contrefactuelle estimée sans bouclier tarifaire et inflation d’ensemble finalement observée</strong></p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/468709/original/file-20220614-18-9v7jbm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/468709/original/file-20220614-18-9v7jbm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/468709/original/file-20220614-18-9v7jbm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=201&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/468709/original/file-20220614-18-9v7jbm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=201&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/468709/original/file-20220614-18-9v7jbm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=201&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/468709/original/file-20220614-18-9v7jbm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=252&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/468709/original/file-20220614-18-9v7jbm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=252&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/468709/original/file-20220614-18-9v7jbm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=252&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Inflation en glissement annuel, en %, contributions en points. Lecture : sans mesures limitant les hausses des prix énergétiques, l’inflation d’ensemble aurait été de 5,1 % sur un an en février, contre 3,6 % observé en réalité. L’énergie aurait contribué à hauteur de 3,2 points à cette inflation contrefactuelle, contre 1,6 point dans l’inflation réalisée.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/6215309?sommaire=6215395">Insee (mars 2022)</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Pour évaluer l’impact de la hausse des prix de l’énergie sur le pouvoir d’achat des Français, nous sommes partis de prévisions de prix du baril de pétrole pour les années 2022 à 2024. Le pétrole est généralement retenu comme indicateur du prix des énergies, les contrats de vente de gaz incluant des clauses d’indexation sur le cours du baril de pétrole, le prix de l’électricité étant quant à lui fortement dépendant de celui du gaz.</p>
<p>Trois scénarios sont comparés afin d’apprécier l’effet de la hausse des prix de l’énergie et d’évaluer l’impact du bouclier tarifaire :</p>
<ul>
<li><p>le premier retrace l’évolution de l’économie française avec un prix du pétrole se stabilisant 98 % de son prix du quatrième trimestre 2019, qui correspond aux prévisions économiques avant l’invasion russe de l’Ukraine ;</p></li>
<li><p>le second intègre un doublement du prix du baril à l’horizon du premier trimestre 2024 ;</p></li>
<li><p>et un troisième où le doublement des prix de l’énergie est partiellement amorti par le bouclier tarifaire. Ce dernier scénario est calibré pour que l’inflation soit réduite de 1 point de pourcentage par rapport au scénario sans bouclier tarifaire.</p></li>
</ul>
<p>Bien entendu, face à ces très fortes hausses des prix des produits énergétiques, les entreprises adaptent leurs politiques tarifaires pour ne pas perdre trop de clients. Les baisses de marges estimées sont de 12 points de pourcentage en moyenne entre fin 2021 et début 2024.</p>
<h2>Un point de PIB par tête en plus</h2>
<p>Avec ces ajustements de marge, les prédictions d’inflation sont en accord avec celles de la Banque de France jusqu’au premier trimestre 2024, soit 4 % par an en moyenne sur ces deux années à venir, ce qui est beaucoup plus élevé que ce qui était prévu avant l’invasion russe de l’Ukraine (2,5 % par an en moyenne). Sans le bouclier tarifaire, le taux d’inflation aurait été de 5 % par an. À court terme, cette inflation réduit la demande et donc la production.</p>
<p>Nos estimations indiquent que la France perdra chaque trimestre, entre début 2022 et début 2024, une richesse de l’ordre de 1,6 % du PIB par habitant par rapport à fin 2019. Ceci représente une perte de 221 euros par trimestre et par habitant. Sans bouclier tarifaire, les baisses de pouvoir d’achat étant plus importantes, la perte trimestrielle serait de 2,5 %, soit 345 euros par trimestre et par habitant. C’est donc 1 point de PIB par tête qui est gagné grâce au bouclier tarifaire, soit plus de 220 euros par trimestre.</p>
<p>Toutefois, la production totale qui représente l’ensemble des revenus, qu’ils soient issus du travail ou des placements financiers, peut sembler être un mauvais indicateur du pouvoir d’achat, le plus souvent entendu comme une mesure de la capacité de consommation des salariés. Il est alors préférable de mesurer les gains de pouvoir d’achat en se limitant aux variations des revenus du travail.</p>
<p>Sans bouclier tarifaire, la réduction des revenus du travail aurait été de 2,1 % par trimestre par rapport à ceux de fin 2019, soit 148 euros par trimestre et par personne. Le bouclier tarifaire permet de limiter ces pertes à 0,6 %, soit 42 euros par trimestre. Ce sont donc un peu plus de 100 euros par trimestre de pouvoir d’achat qui sont gagnés grâce au bouclier tarifaire.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/185056/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>François Langot ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La mesure, en vigueur depuis octobre 2021, a permis de limiter à 0,6 % au lieu de 2,1 % les pertes des revenus des ménages engendrées par la crise du Covid et la guerre en Ukraine.François Langot, Professeur d'économie, Chercheur à l'Observatoire Macro du CEPREMAP, Le Mans UniversitéLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1837512022-05-29T15:39:08Z2022-05-29T15:39:08ZÉlectricité : pourquoi les tarifs augmentent (et devraient encore augmenter)<p>Entre 2007, date symbolique en France puisqu’elle marque l’éligibilité de l’ensemble des consommateurs aux tarifs de marché, et 2022, le prix moyen du mégawatt-heure (MWh) de l’électricité pour les ménages est passé de 114 euros à 207 euros, soit 93 euros par MWh d’augmentation. Ce sera encore 20 euros de plus à partir du 1er février. </p>
<p>Malgré une stabilisation des marchés de gros, le ministre de l'Économie Bruno Le Maire a annoncé une augmentation à partir de cette date-là entre 8,6% et 9,8% selon les contrats, sur TF1 le dimanche 21 janvier. Cette nouvelle hausse porte l'augmentation totale du tarif de base sur les deux dernières années à <a href="https://www.lemonde.fr/politique/article/2024/01/21/les-tarifs-de-l-electricite-augmenteront-de-8-6-a-9-8-au-1er-fevrier-annonce-bruno-le-maire_6212134_823448.html">44 %</a> après les révisions de février 2022 (+4%), février 2023 (+15%) et août 2023 (+10%). </p>
<p>La taxe intérieure sur la consommation finale d'électricité (TICFE) qui avait été limitée à 1 euro par Mwh dans le cadre du bouclier tarifaire <a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2024/01/22/electricite-le-gouvernement-met-fin-progressivement-au-bouclier-tarifaire-les-tarifs-en-hausse-en-fevrier_6212147_3234.html">passera en effet à 21 euros</a>. Celle-ci retrouvera le niveau qu'elle avait avant la mise en place de ce bouclier au 1er février 2025 (<a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2024/01/22/electricite-le-gouvernement-met-fin-progressivement-au-bouclier-tarifaire-les-tarifs-en-hausse-en-fevrier_6212147_3234.html">32,44 euros du MWh</a>). Autrement dit, hors retournement politique, on peut s'attendre à une nouvelle annonce d'augmentation de 11 euros/MWh l'année prochaine.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/KjvSVGNTLL4?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Hausse du prix de l'électricité : Bruno Le Maire invité du 20H (TF1 Info, le 21 janvier 2024)</span></figcaption>
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<p>À première vue, le constat est donc sans appel : l’ouverture à la concurrence ne semble pas avoir rempli son objectif de baisse des tarifs pour le consommateur.</p>
<p>Les deux finalistes de la dernière élection présidentielle, Emmanuel Macron et Marine Le Pen, en avaient d’ailleurs ouvertement <a href="https://www.youtube.com/watch?v=PVfAv5dbaUk">débattu durant l’entre-deux-tours</a> et, si les remèdes proposés différaient, tous deux s’accordaient sur le fait que le marché européen de l’énergie était inefficient et concourrait, sous sa forme actuelle, à l’augmentation des prix. C’est également la conclusion du comité social et économique central d’Électricité de France (EDF) qui avait lancé une <a href="https://energie-publique.fr/">pétition</a> pour la sortie du marché européen de l’électricité et le retour à un service public de l’énergie. Celle-ci a recueilli plus de 250 000 signatures.</p>
<p><iframe id="CnC2C" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/CnC2C/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Mais cette envolée des prix est-elle réellement liée à la libéralisation du secteur, qui était justement supposée stimuler la concurrence et donc l’innovation, notamment dans le déploiement des énergies renouvelables (EnR), et la baisse des prix ? En réalité, le constat apparaît plus nuancé.</p>
<p>Tout d’abord, une partie de cette augmentation s’explique <a href="https://www.ecologie.gouv.fr/commercialisation-lelectricite">par les taxes</a> qui pesaient pour 25 % sur la facture du consommateur en 2007 (soit 31 euros/MWh, en euros 2020), et pour 34 % en 2020 (soit 61,5 euros/MWh). Autrement dit, sur le relèvement des taxes explique à lui seul 31,5 euros/MWh sur les 57 euros/MWh d’augmentation des prix moyens constatée (soit 55,3 % du total).</p>
<h2>Les tarifs s’envoleraient si la France s’isolait</h2>
<p>Une autre partie de l’augmentation repose sur les coûts inhérents aux réseaux de transport qu’il a fallu à plusieurs reprises réévaluer pour tenir compte des nécessaires investissements dans la maintenance, mais aussi la modernisation de ces infrastructures essentielles. Cette modernisation apparaît d’autant plus nécessaire que la production d’électricité se décentralise (notamment avec le déploiement des EnR), et que les nouveaux usages se développent. Ces tarifs d’acheminement de l’électricité (Turpe) sont ainsi passés de <a href="https://www.enedis.fr/sites/default/files/documents/pdf/enedis-brochure-tarifaire-turpe6.pdf">41 euros/MWh en 2007 à 53,5 euros/MWh en 2020</a>, soit 21,9 % de l’augmentation totale constatée.</p>
<p>Un rapide calcul nous permet donc de déduire que les coûts de fourniture, ou dit autrement, les facteurs de marché, n’expliquent en moyenne que 22,8 % (100 %-55,3 %-21,9 %) de l’augmentation des prix constatée sur la période, soit environ 13 euros/MWh. Pour les opposants au marché européen de l’énergie, ces 22,8 % résiduels résonneraient donc comme un constat d’échec et justifieraient un retour à des marchés de nationaux.</p>
<p><iframe id="bZ9Sl" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/bZ9Sl/2/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Cependant, selon les <a href="https://assets.rte-france.com/prod/public/2022-02/BP50_Principaux%20re%CC%81sultats_fev2022_Chap11_analyse%20economique.pdf">projections de RTE</a> (gestionnaire du réseau national de transport d’électricité haute tension), une France isolée à horizon 2050-2060 coûterait plusieurs milliards supplémentaires par an aux contribuables. En effet, pour réduire nos émissions de CO<sub>2</sub> et notre dépendance aux fossiles, nous avons déjà fermé <a href="https://www.strategie.gouv.fr/sites/strategie.gouv.fr/files/atoms/files/fs-2021-na-99-approvisionnement-electricite-janvier.pdf">et planifié la fermeture</a> de l’équivalent de près de 10 gigawatts (GW) de centrales thermiques. De plus, nos centrales nucléaires vieillissantes connaissent des <a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2022/04/21/edf-de-plus-en-plus-inquiet-pour-son-parc-nucleaire-en-raison-de-problemes-de-corrosion_6123074_3234.html">périodes d’arrêts et de surveillance prolongées</a> qui ne permettent pas leur pleine exploitation.</p>
<p>Tout cela fait de la France un importateur d’électricité, notamment pour couvrir ses pics de consommation. En <a href="https://www.rte-france.com/actualites/bilan-electrique-2022">2022</a>, RTE nous rappelle d'ailleurs que la France aura « a été importatrice nette (plus d'importations que d'exportations) d’électricité pour la première fois depuis 1980 (bilan net de 16,5 TWh en import) » !</p>
<p>Cela ne peut signifier que deux choses : la France a de plus en plus de difficultés à couvrir ses besoins énergétiques intérieurs et/ou il lui est parfois profitable d’importer de l’énergie, notamment quand les prix de marché sont bas.</p>
<h2>Le paradoxe EDF</h2>
<p>Au milieu de cette dynamique de marché, EDF est l’objet d’un curieux paradoxe. Il faut comprendre que le principal acteur du marché de la production d’électricité en France reste tenu de céder à ses concurrents un plafond de 100 TWh/an d’énergie nucléaire à un tarif « Arenh » (accès régulé à l’énergie nucléaire historique) fixé depuis 2012 à 42 euros/MWh. Cette disposition, qui engage à peu près le quart de la capacité de production nucléaire d’EDF, a permis l’instauration d’une concurrence sur le marché de la fourniture, l’électricité d’origine nucléaire étant fortement compétitive, notamment pour couvrir les besoins « de base ». Elle est d’ailleurs <a href="https://alliancedesenergies.fr/arenh-2022/">très fortement demandée actuellement</a> du fait de l’envolée des prix de marché.</p>
<p>L’Arenh, qui n’a pas été révisé depuis 2012 malgré des <a href="https://www.bfmtv.com/economie/entreprises/energie/edf-le-regulateur-revise-a-la-hausse-le-cout-du-nucleaire_AD-202309190846.html">velléités de réformer ce cadre</a>, est supposé couvrir les coûts de production en électricité d’origine nucléaire d’EDF. Or, ce n’est plus le cas si l’on en croit la Commission de régulation de l’énergie (CRE) et l’opérateur historique, qui estiment respectivement ces coûts de production à <a href="https://investir.lesechos.fr/actions/actualites/la-cre-evalue-le-cout-du-mwh-d-electricite-nucleaire-pour-edf-a-48-36-euros-1926120.php">48,36 euros/MWh et 53 euros/MWh</a>. Autrement dit, EDF cède une partie de sa production nucléaire à perte… ce qui, du point de vue du contribuable français qui a participé à la constitution du parc d’EDF et figure à son actionnariat, s’apparente à une double peine puisque, dans le même temps, il est également percuté par l’augmentation des prix.</p>
<p><iframe id="aOikv" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/aOikv/3/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Cependant, il ne faut pas occulter qu’EDF est à la fois un leader de la fourniture d’électricité, mais aussi un très important <a href="https://bilan-electrique-2021.rte-france.com/synthese-les-faits-marquants-de-2021/">exportateur</a>. Et s’il perd de l’argent sur les 100 TWh concédés au tarif Arenh, il en gagne sur le reste de sa production, à plus forte raison quand les prix de marché s’envolent ! Par ailleurs, son coût de revient reste très compétitif, du fait notamment de sa rente de nucléaire et hydraulique.</p>
<p>Au bilan, malgré le paradoxe de l’Arenh, cette situation lui permet de générer des gains importants qui bénéficient à l’État actionnaire… et, d’une manière ou d’une autre, au contribuable. Les mesures de type « bouclier énergétique », par exemple, n'étaient-elles pas indirectement <a href="https://www.lesechos.fr/idees-debats/crible/energie-edf-le-bouclier-les-fleches-et-le-boomerang-1371350">prélevés sur les bénéfices d’EDF</a> ?</p>
<h2>Le lourd financement du renouvelable</h2>
<p>Enfin, il faut garder à l’esprit que l’ouverture à la concurrence répondait à d’autres objectifs que la seule baisse des prix. Il s’agissait aussi de réagir face à une série de problématiques identifiées <a href="https://www.europarl.europa.eu/factsheets/fr/sheet/45/marche-interieur-de-l-energie">dès le milieu des années 1990</a>. À cette époque, déjà, l’Union européenne avait anticipé une forte augmentation de la demande mondiale en énergie, et les tensions subséquentes sur l’accès aux ressources fossiles dont l’Europe reste fortement dépendante. La souveraineté énergétique européenne ne peut, dans ce contexte, faire l’économie d’une réelle politique de l’énergie unifiée qui permette à la fois de peser sur les marchés, mais aussi de planifier la sortie progressive des énergies fossiles. Le mode de financement des énergies renouvelables (EnR) et de leurs coûts associés à leur intégration au réseau explique ainsi en partie les hausses de prix.</p>
<p>En effet, les financements privés se réalisent à un taux de marché généralement compris entre 4 % et 7 % quand l’État pourrait bénéficier de conditions de financement nettement plus avantageuses. Dit autrement, la transition énergétique revient plus cher – toutes choses égales par ailleurs – quand elle fait l’objet d’investissements privés plutôt que publics. Certes, mais ce serait oublier un peu vite que les États européens, déjà lestés de dettes souveraines très importantes pour certains, ont de multiples arbitrages budgétaires à effectuer (sous contraintes de se conformer, en temps normaux, au Pacte de stabilité et de croissance). Or, ils subventionnent directement et indirectement déjà beaucoup les EnR, par le biais d’obligations d’achat à un tarif régulé ou de complément de rémunération au bénéfice exclusif des producteurs d’EnR. Ces <a href="https://www.cre.fr/Transition-energetique-et-innovation-technologique/soutien-a-la-production/dispositifs-de-soutien-aux-enr">dispositifs de soutien aux EnR</a> auraient permis de subventionner, pour la France et sur seule année 2020, la production de 79 TWh d’énergies renouvelables, à hauteur de 6,2 milliards d’euros (<a href="https://www.statistiques.developpement-durable.gouv.fr/edition-numerique/bilan-energetique-2020/pdf/bilan-energetique-de-la-france-pour-2020.pdf">selon le ministère de la Transition écologique</a>).</p>
<p>Les EnR ont de surcroît le désavantage d’être intermittentes, mais surtout décentralisées et générées par de multiples producteurs hétérogènes. Cette dispersion rend le réseau plus délicat à piloter et équilibrer et nécessite des investissements massifs pour adapter les lignes à cette nouvelle donne. Par exemple, Réseau de transport d’électricité (RTE), qui assure le transport de l’électricité en France, prévoit quelque 33 milliards d’euros d’investissements à horizon 2035 (<a href="https://www.usinenouvelle.com/editorial/comment-les-reseaux-electriques-font-face-au-defi-de-l-integration-des-energies-renouvelables.N1787337">dont 13 milliards pour la seule absorption des EnR</a>), et une <a href="https://www.usinenouvelle.com/article/pourquoi-construire-des-epr-couterait-moins-cher-que-le-tout-renouvelables-selon-rte.N1153292">progression exponentielle au-delà</a> en fonction de la part des renouvelables dans le mix énergétique français.</p>
<p>En contrepartie, ces investissements ouvrent la voie à un pilotage plus intelligent de l’énergie, et le développement des usages qui vont de pair, qu’il s’agisse de l’électrification massive des flottes de véhicules, les réseaux électriques « intelligents » (<em>smart grids</em>) permettant une production/injection d’énergie ajustable en temps réel, le pilotage distant de la demande… En bref, une optimisation qui permettra, à terme, une meilleure efficience énergétique. Et de continuer à réduire, par la densification de notre parc EnR, nos émissions de CO<sub>2</sub>. L’évolution des tarifs à l’avenir reflétera donc en partie nos choix politiques concernant l’environnement.</p>
<p>On comprend à la lecture de ce bref panorama que, certes, on reste loin des promesses d’une concurrence modératrice en prix, mais que l’ensemble des hausses de prix ne découlent pas des imperfections du marché libéralisé, et que les nombreux bénéfices liés à la construction du marché européen de l’énergie ne peuvent être totalement occultés. Reste que les marges de manœuvre pour protéger le portefeuille des consommateurs et assurer la transition énergétique demeurent limitées.</p>
<p>Sauf à miser sur la sobriété énergétique, voir émerger des innovations radicales dans la génération d’énergie, ou à espérer des conditions macro plus favorables, la hausse des prix ne semble pas pouvoir être endiguée sur le court terme. Et ce, même s’il était décidé de <a href="https://www.lefigaro.fr/conso/2015/10/20/05007-20151020ARTFIG00008-les-fournisseurs-d-energie-de-plus-en-plus-agressifs-aupres-des-consommateurs.php">plafonner les dépenses marketing des fournisseurs</a>, EDF et ses rivaux apparus depuis 2007…</p>
<p>En outre, avec l'électrification à marché forcée de l'économie, et notamment la mobilité électrique, il est illusoire de penser que la facture d'électricité baissera dans les prochaines années. Les raisons sont multiples, entre des besoins en énergies qui <a href="https://www.lesechos.fr/industrie-services/energie-environnement/electricite-les-besoins-massifs-de-la-france-inquietent-les-experts-1949926">augmentent plus vite que nos capacités de production</a> et le <a href="https://www.ouest-france.fr/economie/entreprises/nucleaire-les-quatre-plus-gros-reacteurs-francais-a-l-arret-09dde3be-5e7f-11ec-b2cb-afc8b04d8652">vieillissement du parc nucléaire</a>. Sur un plan fiscal, il s'agira également pour l'État de compenser le manque à gagner des taxes sur les énergies fossiles à mesure que le thermique cèdera du terrain.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/183751/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Julien Pillot ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les taxes et les coûts de transport mais aussi le financement de la transition énergétique expliquent notamment pourquoi la libéralisation n’a pas, comme attendu, conduit à une baisse des prix.Julien Pillot, Enseignant-Chercheur en Economie (Inseec) / Pr. associé (U. Paris Saclay) / Chercheur associé (CNRS), INSEEC Grande ÉcoleLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1821582022-05-18T17:58:57Z2022-05-18T17:58:57ZCentrales hydroélectriques : comprendre la fissuration des turbines pour prolonger leur durée de vie<p>En 2021, 12 % de la production électrique en France a été assuré par les 2 300 <a href="https://bilan-electrique-2021.rte-france.com/production_totale/">centrales hydroélectriques présentes sur le territoire</a>. Pour soutenir la transition énergétique et suivre les recommandations du dernier rapport du GIEC, la part de l’énergie hydroélectrique doit être plus importante.</p>
<p>Dans ce contexte, les installations hydroélectriques vont devoir travailler davantage hors des conditions optimales initialement prévues. L’évolution de ces conditions vers des plages de fonctionnement étendues (débit, hauteur de chute) entraîne des sollicitations mécaniques plus importantes sur les différents équipements, en particulier sur la turbine.</p>
<p>De nombreuses recherches scientifiques sont donc menées pour mieux sélectionner les matériaux des turbines afin d’augmenter leur durée de vie. Il faut également <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0043164811003358">développer des revêtements protecteurs</a> qui permettraient de retarder l’apparition de fissures dans les aubes de turbines, dont une des causes est l’implosion de bulles de vapeur d’eau générées par le mouvement de la turbine.</p>
<p>Les turbines de type Francis, équipant par exemple la centrale des Brévières en aval du barrage de Tignes, en Savoie, sont particulièrement sujettes à la « cavitation », qui peut créer ces fissures.</p>
<h2>Qu’est-ce qu’est la cavitation ?</h2>
<p>Lorsque l’on chauffe un liquide, des bulles apparaissent : c’est l’« ébullition ». De façon similaire, l’eau liquide se transforme en vapeur lorsque l’on diminue la pression, et des bulles de vapeur apparaissent : ce phénomène est appelé « cavitation ». À proximité d’une turbine, l’apparition de ces bulles de vapeur d’eau est causée par la chute locale de la pression, provoquée par la rotation de la turbine couplée à la rapide vitesse d’écoulement de l’eau.</p>
<p>Les bulles sont libres de se déplacer dans le liquide. Lorsqu’elles atteignent une région où la pression de l’eau est plus importante, elles implosent violemment. Si la bulle est éloignée de la surface de la turbine, son implosion s’effectue de manière symétrique et la bulle rétrécit jusqu’à disparaitre.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/460259/original/file-20220428-22-s9sx53.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/460259/original/file-20220428-22-s9sx53.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/460259/original/file-20220428-22-s9sx53.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=244&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/460259/original/file-20220428-22-s9sx53.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=244&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/460259/original/file-20220428-22-s9sx53.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=244&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/460259/original/file-20220428-22-s9sx53.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=307&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/460259/original/file-20220428-22-s9sx53.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=307&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/460259/original/file-20220428-22-s9sx53.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=307&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">La baisse de pression provoque l’apparition d’une bulle d’eau vapeur dans l’eau liquide. Quand la bulle arrive dans une zone de forte pression, elle implose. À proximité d’une surface, comme une pale de turbine par exemple, cela provoque un jet d’eau et des ondes de choc qui créent des dommages sur le matériau.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Julien Hofmann</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>En revanche, si la bulle se trouve proche de la surface de la turbine, son implosion, équivalente à un effondrement, s’effectue en direction de la turbine. Cette implosion génère un jet de liquide et des ondes de choc. L’interaction de ces deux phénomènes frappant la surface provoque la détérioration de la turbine habituellement fabriquée en acier inoxydable : piqûres, fissuration, arrachement de matière.</p>
<h2>Des turbines aux essais en laboratoire</h2>
<p>Afin de comprendre les détériorations provoquées par la cavitation sur les turbines, différents équipements sont développés en laboratoire. Deux d’entre eux permettent d’accélérer le processus d’endommagement par rapport aux conditions réelles.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/460763/original/file-20220502-21-xj6od4.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/460763/original/file-20220502-21-xj6od4.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/460763/original/file-20220502-21-xj6od4.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/460763/original/file-20220502-21-xj6od4.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/460763/original/file-20220502-21-xj6od4.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/460763/original/file-20220502-21-xj6od4.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/460763/original/file-20220502-21-xj6od4.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Turbine Francis aux aubes érodées par la cavitation, après de précédentes réparations par apport et soudage d’acier inoxydable.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Turbine_Francis#/media/Fichier:Turbine_Francis_Worn.JPG">Wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
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<p>Le premier outil est un « tunnel d’essais » : l’eau est accélérée à plusieurs dizaines de mètres par seconde afin de produire la chute de pression nécessaire à l’apparition des bulles. Du fait de l’importante vitesse d’écoulement de l’eau, ce type d’essais est qualifié d’« hydrodynamique ».</p>
<p>Le second type d’équipement est un processeur à ultrasons, très utilisé dans le cadre des études sur la cavitation. Les ondes générées dans l’eau font chuter la pression du liquide et des bulles de cavitation naissent : ces essais sont de type « vibratoire ».</p>
<p>Les deux équipements utilisés engendrent des conditions extrêmes d’érosion par cavitation qui permettent d’encadrer les conditions dans un écoulement réel : trous de faibles profondeurs (quelques centaines de nanomètres) et grande fréquence d’apparition (plusieurs milliers par seconde par millimètre carré) pour les essais vibratoires contre des trous de fortes profondeurs (quelques microns) et à basse fréquence (quelques centaines par seconde par millimètre carré) pour l’essai hydrodynamique.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/460261/original/file-20220428-20-42jk0m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/460261/original/file-20220428-20-42jk0m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=393&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/460261/original/file-20220428-20-42jk0m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=393&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/460261/original/file-20220428-20-42jk0m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=393&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/460261/original/file-20220428-20-42jk0m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=493&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/460261/original/file-20220428-20-42jk0m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=493&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/460261/original/file-20220428-20-42jk0m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=493&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Image par microscopie électronique à balayage de fissures de cavitation sur de l’acier inoxydable. Le matériau a été soumis à des essais de cavitation vibratoire pendant 9h.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Julien Hofmann</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Après plusieurs dizaines de minutes d’exposition, les aciers inoxydables, principaux matériaux utilisés pour la fabrication des turbines, se fissurent. Les conditions d’essais en laboratoire sont évidemment plus agressives que les endommagements réels sur les turbines !</p>
<h2>Observer la formation de fissures</h2>
<p>Les fissures sont observées à la surface des matériaux grâce à la microscopie électronique, afin d’en déterminer leur dimension et leur orientation, l’influence de la nature chimique du matériau, la perte de matière, le type de sollicitations mécaniques, etc.</p>
<p>L’observation « en volume » est quant à elle réalisée grâce à la tomographie aux rayons X : cette technique d’imagerie, équivalente à un scanner médical dans des gammes d’énergies différentes, permet d’obtenir des informations de l’intérieur du matériau.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/460764/original/file-20220502-14592-rqqhx1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/460764/original/file-20220502-14592-rqqhx1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=452&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/460764/original/file-20220502-14592-rqqhx1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=452&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/460764/original/file-20220502-14592-rqqhx1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=452&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/460764/original/file-20220502-14592-rqqhx1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=568&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/460764/original/file-20220502-14592-rqqhx1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=568&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/460764/original/file-20220502-14592-rqqhx1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=568&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Tunnel d’essais hydrodynamiques, où les matériaux sont endommagés par la cavitation avant d’être analysés par microscopie électronique et par tomographie aux rayons X.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Julien Hofmann</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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</figure>
<p>Pour suivre la propagation de ces fissures dans l’espace et dans le temps, nous développons un appareil capable de générer des bulles de cavitation s’insérant au sein de grands instruments, tel que l’European Synchrotron Radiation Facility (ESRF, Grenoble). Nous pourrons ainsi observer des fissures submicroniques.</p>
<p>Les résultats issus des essais en laboratoire vont permettre dans un premier temps de mieux sélectionner les matériaux pour la fabrication des turbines en fonction de la vitesse d’écoulement de l’eau et de la hauteur de l’installation hydroélectrique, puis, dans un second temps, de développer des revêtements protecteurs pour les turbines du futur.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/182158/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Julien Hofmann a reçu des financements de la Fondation Grenoble INP.
Ce projet a été financé par la Chaire Hydro'like portée par la Fondation Grenoble INP grâce au mécénat de General Electric.</span></em></p>Les pales des turbines hydroélectriques sont sujettes à des dommages, notamment liés à la cavitation. Comment les étudier ?Julien Hofmann, Doctorant en science des matériaux, Institut polytechnique de Grenoble (Grenoble INP)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1823062022-05-17T13:21:49Z2022-05-17T13:21:49ZEt si nos oreilles pouvaient remplacer les piles électriques ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/463319/original/file-20220516-19-7lkjwj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=4%2C1%2C992%2C739&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Lorsque l’on mange, parle ou baille, les mouvements de la mâchoire déforment le conduit auditif. Après conversion en énergie électrique, ces déformations pourraient alimenter tout type de technologie intra-auriculaire.</span> <span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span></figcaption></figure><p>Essentielles aux personnes souffrant de déficience auditive, les prothèses auditives ont pourtant un talon d’Achille : leur dispositif d’alimentation énergétique dispendieux et peu écologique. Bonne nouvelle, des chercheurs ont trouvé une source d’énergie alternative.</p>
<p>L’originalité de cette source ? L’énergie est produite à l’intérieur de l’oreille et récupérée par un bouchon équipé de capteurs.</p>
<p>Mon projet de doctorat consiste à modéliser les déformations du conduit auditif en fonction des mouvements de la mâchoire. Mes résultats contribueront à mieux évaluer le potentiel énergétique des déformations du conduit auditif.</p>
<h2>Le problème avec les prothèses auditives</h2>
<p>Pour illustrer le problème des prothèses auditives, je vous emmène découvrir le quotidien de ma petite sœur Clara. Étudiante en architecture de 24 ans, elle est appareillée depuis l’âge de 8 ans. Quand la pile qui alimente sa prothèse est vide, Clara se retrouve dépourvue de l’ouïe et coupée du monde. Pour éviter ce problème, un coin de son cerveau est toujours en alerte pour vérifier qu’une boîte de piles de rechange est à portée de main. En plus d’être contraignante, la pile est un fardeau économique. En effet, en tenant compte de sa consommation de piles et de leur prix unitaire, Clara estime que sa facture en consommable a dépassé le coût d’achat de sa paire de prothèses auditives après 15 années d’utilisation.</p>
<p>Il en va de même pour l’environnement. C’est autant de piles qui finissent enfouies dans la nature puisque les <a href="https://theconversation.com/demand-for-rare-earth-metals-is-skyrocketing-so-were-creating-a-safer-cleaner-way-to-recover-them-from-old-phones-and-laptops-141360">métaux rares</a> qui les composent ne sont pas recyclables.</p>
<p>Pourtant, on constate que la batterie rechargeable s’est démocratisée pour tous les écouteurs sans fil. Il est donc étonnant que les prothèses résistent encore à ce progrès technologique. Vous pensez peut-être qu’un écouteur sans fil et une prothèse auditive ne sont pas comparables ? Et bien, les écouteurs les plus sophistiqués n’ont rien à envier aux prothèses auditives, excepté leur amplificateur audio qui permet d’augmenter le volume sonore dans l’oreille.</p>
<p>En revanche, les prix ne sont pas comparables, car celui d’une seule prothèse auditive dépasse grandement celui d’une paire d’écouteurs sans fil (1 000-2 000$ par oreille pour une prothèse auditive contre 100-300$ pour une paire d’écouteurs). <a href="http://www.nickhunn.com/wp-content/uploads/downloads/2016/11/The-Market-for-Hearable-Devices-2016-2020.pdf">Les modèles commerciaux impliquant les fabricants, les assureurs médicaux, les audioprothésistes et enfin les consommateurs en seraient la cause</a>.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/tGx1syJpp5k?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Comment fonctionne notre système auditif ?</span></figcaption>
</figure>
<p>Bref, autant dire que les bilans financier et écologique de Clara ne sont pas positifs. Mais la révolution se prépare ! Bientôt, elle pourra alimenter ses prothèses auditives grâce aux mouvements de sa mâchoire.</p>
<h2>Nos conduits auditifs créent de l’énergie</h2>
<p>Je vous propose une petite expérience : insérez votre petit doigt dans l’oreille, puis ouvrez et fermez la bouche. Sentez-vous cette pression sur votre doigt ? Lorsqu’on bouge notre mâchoire, celle-ci comprime les tissus autour du conduit auditif, modifiant ainsi sa forme. C’est cette déformation à l’intérieur de l’oreille que les chercheurs proposent de convertir en énergie électrique.</p>
<p>Plusieurs études ont évalué la quantité d’énergie provenant de cette déformation et ont obtenu des résultats encourageants. L’<a href="https://ieeexplore.ieee.org/document/9018039/">étude la plus récente</a> rapporte que pendant une pause dîner de 10 minutes, il est possible de générer jusqu’à 22 % de l’<a href="https://doi.org/10.1016/S0378-7753(00)00378-5">énergie nécessaire pour le fonctionnement quotidien d’une prothèse auditive</a>. Autrement dit, l’action de manger pendant 50 minutes suffirait à générer la totalité de l’énergie nécessaire pour une journée de fonctionnement ! Pour cette expérience, les chercheurs ont disposé un bouchon rempli d’eau dans l’oreille des participants. Puis, ils ont mesuré la pression dans le bouchon pendant les mouvements de mâchoire. Ils ont finalement traduit les variations de pression en déformations du conduit auditif.</p>
<h2>Les mystères du corps humain</h2>
<p>Le corps humain réserve encore beaucoup de surprises. Il est notamment une source d’énergie durable et disponible à chaque instant. Tout comme les panneaux photovoltaïques utilisent l’énergie solaire, il existe aujourd’hui des technologies qui récupèrent l’énergie provenant du corps humain. C’est le cas des montres automatiques fonctionnant avec l’énergie cinétique produite par les mouvements du poignet.</p>
<p>Dans le cas des prothèses auditives, des études ont tenté de <a href="http://ieeexplore.ieee.org/document/5167942/">convertir l’énergie thermique proche de l’oreille</a> ou encore de placer un mini panneau solaire dans le pavillon de l’oreille. C’est l’énergie provenant des déformations du conduit auditif qui a suscité le plus d’intérêt.</p>
<h2>À la recherche du convertisseur idéal</h2>
<p>Une question reste néanmoins en suspens ; comment stocker l’énergie récupérée à l’intérieur de l’oreille ? Les déformations du conduit auditif représentant une énergie mécanique, cette dernière ne peut être stockée dans une batterie qu’après avoir été transformée en énergie électrique. Pour répondre à cette problématique, des chercheurs ont disposé des <a href="https://ieeexplore.ieee.org/document/6420936/">rubans en matériaux piézoélectriques sur le pourtour de bouchons d’oreille</a>. Ces matériaux ont la particularité de créer un signal électrique quand ils sont déformés. Ils permettent ainsi de convertir les déformations du conduit auditif en énergie électrique.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/463327/original/file-20220516-13-i6i454.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="différents types de prothèses auditives" src="https://images.theconversation.com/files/463327/original/file-20220516-13-i6i454.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/463327/original/file-20220516-13-i6i454.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/463327/original/file-20220516-13-i6i454.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/463327/original/file-20220516-13-i6i454.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/463327/original/file-20220516-13-i6i454.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/463327/original/file-20220516-13-i6i454.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/463327/original/file-20220516-13-i6i454.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Essentielles aux personnes souffrant de déficience auditive, les prothèses auditives ont pourtant un talon d’Achille : leur dispositif d’alimentation énergétique.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span>
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</figure>
<p>Malheureusement, les prototypes testés ne permettent pas de convertir une quantité d’énergie suffisante. Certains dispositifs réussissent à avoisiner la quantité cible, mais ils ne sont pas encore assez miniaturisés pour être intégrés dans un bouchon. Le développement des circuits imprimés flexibles pouvant s’ajuster aux formes précède l’arrivée prochaine d’implants médicaux autoalimentés. Grâce à ces progrès, nul doute que des convertisseurs plus performants vont voir le jour.</p>
<h2>Le marché des prothèses auditives bientôt chamboulé ?</h2>
<p>Finalement, imaginez que les bouchons des prothèses de Clara intègrent un matériau piézoélectrique permettant de convertir les déformations de son conduit auditif en énergie électrique. Clara pourra aborder son quotidien sans penser constamment à la recharge de ses appareils. Elle saura qu’en cas de panne électrique, il lui suffira de mâcher une gomme ou de fredonner sa chanson préférée. On peut même imaginer que cette technologie puisse contribuer à réduire le coût des prothèses auditives. Cela bénéficierait spécialement aux <a href="https://www150.statcan.gc.ca/n1/pub/11-627-m/11-627-m2019025-eng.htm">200 000 Canadiens ayant une déficience auditive qui n’utilisent pas de prothèses auditives en raison de leur coût élevé</a>.</p>
<p>D’ailleurs, cette technologie pourrait s’étendre à toutes les technologies qui se portent près ou dans l’oreille, telles que les écouteurs ou les casques sans fils, les protections auditives numériques, les capteurs intra-auriculaires, ou bientôt les lunettes de réalité augmentée.</p>
<p>Après tout, ça ne coûte rien de rêver ! Peut-être même que dans 10 ans, la combustion des énergies fossiles sera supplantée par la mastication intensive des troupeaux de ruminants.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/182306/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Michel Demuynck a reçu une bourse de recherche provenant d'une subvention à la découverte obtenue par son directeur de thèse auprès du CRSNG. En parallèle de sa thèse, Michel a notamment travaillé pour EERS Global, entreprise partenaire de la chaire de recherche industrielle CRITIAS, qui développe des technologies pour la protection auditive et la communication dans le bruit.</span></em></p>Le potentiel énergétique de nos oreilles est sous-estimé : les déformations du conduit auditif pourraient alimenter les technologies intra-auriculaires.Michel Demuynck, Candidat au doctorat en biomécanique, École de technologie supérieure (ÉTS)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1787282022-04-14T18:28:44Z2022-04-14T18:28:44ZUn nouveau programme électronucléaire est-il justifié pour la France ?<p>En octobre 2021, RTE (le gestionnaire du réseau de transport d’électricité) a dévoilé le très attendu rapport <a href="https://www.rte-france.com/analyses-tendances-et-prospectives/bilan-previsionnel-2050-futurs-energetiques">« Futurs énergétiques 2050 »</a> sur l’avenir du système électrique français.</p>
<p>Le rapport fournit de précieux éclairages sur de nombreux sujets techniques et les tendances futures, notamment à propos du coût des technologies émergentes, du potentiel d’électrification des différents secteurs, de la stabilité du réseau et des besoins de réserve dans un système électrique hautement renouvelable ; des gains d’efficacité possibles par l’électrification et des gains que la sobriété peut apporter à la transition énergétique.</p>
<p>Il conclut qu’un développement important des énergies éolienne et solaire est indispensable.</p>
<p>Selon les scénarios, en 2060, la part des énergies renouvelables dans la production d’électricité ira de 50 % à 100 %, le reste étant assuré par le nucléaire. Tous ces scénarios atteignent la neutralité carbone et le même niveau de fiabilité dans la fourniture d’électricité.</p>
<h2>À l’horizon 2050, le renouvelable, pas plus cher</h2>
<p>Cette étude confirme, après celle de <a href="https://librairie.ademe.fr/energies-renouvelables-reseaux-et-stockage/1173-trajectoires-d-evolution-du-mix-electrique-a-horizon-2020-2060-9791029711732.html">l’Ademe</a> et celle <a href="https://doi.org/10.1016/j.eneco.2020.105004">que nous avons publiée en mars 2021</a>, que le coût d’un système électrique 100 % renouvelable à l’horizon 2050-2060 est proche de celui d’un système avec de nouvelles centrales nucléaires.</p>
<p>Elle réfute donc les affirmations largement diffusées (mais non basées sur des travaux scientifiques) selon lesquelles le premier coûterait <a href="https://jancovici.com/transition-energetique/renouvelables/100-renouvelable-pour-pas-plus-cher-fastoche/">plusieurs fois plus cher</a> que le second.</p>
<p>Cependant, ce rapport aboutit, sous ses hypothèses centrales, à un écart de coût en faveur des scénarios comprenant la construction de nouveaux réacteurs, de l’ordre de 15 % entre le scénario N2 (avec 23 GW de nouveau nucléaire, soit 14 centrales de type EPR, en 2050) et le scénario M23 (sans nouveau nucléaire). Certains observateurs en tirent la conclusion – non endossée par les auteurs de l’étude – que ce rapport fournit une justification économique pour lancer un programme de construction de centrales EPR en France.</p>
<p>Nous pensons, à l’inverse, qu’étant donné les incertitudes, le critère économique n’est pas discriminant entre les scénarios. Autrement dit, les estimations que l’on peut faire aujourd’hui du coût global du système électrique à l’horizon 2060 ne permettent pas de décider s’il est justifié ou non de lancer un nouveau programme nucléaire en France. En effet, plusieurs hypothèses, qui participent à l’obtention de l’écart de coût susmentionné, méritent d’être remises en cause.</p>
<h2>Pour l’éolien terrestre, un facteur de charge très bas</h2>
<p>Le facteur de charge désigne le ratio entre ce que l’éolien produit sur une période donnée et sa production s’il fonctionnait à 100 % de sa capacité.</p>
<p>Dans le rapport de RTE, ce ratio est de 23 % pour l’éolien terrestre, chiffre beaucoup plus faible que ceux (30 à 32 %) obtenus dans d’autres prospectives comme celles de l’Ademe, de <a href="https://negawatt.org/Scenario-negaWatt-2022">négaWatt</a> ou <a href="https://doi.org/10.1016/j.eneco.2020.105004">dans nos travaux</a>.</p>
<p>Or, pour une prospective à 2050-2060, il serait trompeur de se baser sur les facteurs de charge du parc actuel (22 à 26 % selon les années). Les machines qu’on installe aujourd’hui balayent une plus grande surface par unité de puissance, ce qui leur permet de mieux capter les vents modérés.</p>
<p>Cette « révolution éolienne silencieuse », pour reprendre l’expression de Bernard Chabot, un des pionniers du développement de l’éolien en France, apparaît clairement dans les données d’<a href="https://www.irena.org/publications/2021/Jun/Renewable-Power-Costs-in-2020">Irena</a> (l’Agence internationale des énergies renouvelables) qui présente les facteurs de charge selon l’année d’installation de l’éolienne (voir le graphique ci-dessous).</p>
<p>Dans tous les pays étudiés, ce facteur a augmenté rapidement au cours des dernières années. En France, pour les éoliennes installées au cours des trois dernières années, il est en moyenne de 32 % pour une année météorologique standard (voir le graphique ci-dessous).</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/457465/original/file-20220411-18-d7x9n2.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/457465/original/file-20220411-18-d7x9n2.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/457465/original/file-20220411-18-d7x9n2.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=377&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/457465/original/file-20220411-18-d7x9n2.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=377&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/457465/original/file-20220411-18-d7x9n2.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=377&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/457465/original/file-20220411-18-d7x9n2.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=473&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/457465/original/file-20220411-18-d7x9n2.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=473&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/457465/original/file-20220411-18-d7x9n2.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=473&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption"></span>
<span class="attribution"><span class="source">Auteurs</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Certes, cette estimation pessimiste du facteur de charge dans le rapport RTE est dans une certaine mesure compensée par une hypothèse de coût unitaire moindre que dans d’autres études, comme celle de l’Ademe ou nos travaux.</p>
<p>Cependant, pour une capacité installée donnée, elle réduit la production de l’éolien terrestre et augmente les capacités nécessaires dans d’autres technologies plus coûteuses et les <a href="https://doi.org/10.1016/j.eneco.2016.02.016">besoins de flexibilité</a>, renchérissant les scénarios 100 % renouvelables.</p>
<h2>Le coût du nucléaire sous-estimé</h2>
<p>Concernant le coût du nouveau nucléaire, RTE reprend les conclusions d’audits réalisés par l’État à partir d’éléments fournis par EDF. À l’horizon 2050, ce coût atteindrait 4,7 euros par watt, soit une baisse de 40 % par rapport à celui estimé pour les EPR de Flamanville et d’Hinkley Point (<a href="https://alaingrandjean.fr/2022/01/10/lecons-tirees-travaux-recents-de-prospective-energetique/">7,8 à 8,1 €/W</a>).</p>
<p>Or, premièrement, les générations précédentes de centrales n’ont pas montré une baisse aussi élevée entre les têtes de série industrielles et les centrales suivantes : parfois ces dernières se sont avérées plus coûteuses, parfois légèrement moins, que ce soit <a href="https://doi.org/10.1016/j.joule.2020.10.001">aux États-Unis</a> ou en <a href="http://dx.doi.org/10.5547/2160-5890.4.2.lran">France</a>.</p>
<p>D’ailleurs, pour son projet d’EPR à Sizewell (en Angleterre), EDF estime le coût à <a href="https://infrastructure.planninginspectorate.gov.uk/wp-content/ipc/uploads/projects/EN010012/EN010012-001678-SZC_Bk4_4.2_Funding_Statement.pdf">« environ » 20 milliards de livres</a>, soit 7,4 €/W. On est loin de la tête de série puisqu’il s’agirait des 7<sup>e</sup> et 8<sup>e</sup> EPR construits et, pourtant, le coût (annoncé) n’est guère plus faible que celui des premiers EPR.</p>
<p>Deuxièmement, les études prospectives passées ont généralement massivement sous-estimé le coût du nucléaire, comme le souligne un <a href="https://doi.org/10.1073/pnas.1917165118">article publié récemment dans la revue <em>PNAS</em></a>.</p>
<p>Inversement, et toujours selon ce dernier article, ces études prospectives ont généralement surestimé le coût du solaire photovoltaïque, de l’éolien et de l’électrolyse, trois technologies clés pour assurer une électricité 100 % renouvelable.</p>
<h2>Un même coût du capital pour toutes les technologies</h2>
<p>Comme l’indique RTE, la méthode utilisée pour l’analyse économique des scénarios « implique de préciser le coût du capital associé à chaque technologie » et ces hypothèses « peuvent être différenciées afin de refléter le coût du capital observé pour chaque technologie ».</p>
<p>En effet, plus un projet est jugé risqué par les investisseurs, plus le coût du capital est élevé. Or, le risque de surcoût et de dépassement du temps de construction est bien plus élevé pour le nucléaire que pour les renouvelables.</p>
<p>Pourtant, arguant des difficultés (réelles) pour déterminer un coût du capital spécifique à chaque technologie, <a href="https://threadreaderapp.com/thread/1453414785765216270.html">RTE utilise des taux identiques dans le scénario de référence du rapport</a>.</p>
<p>La possibilité de taux différenciée est <a href="https://www.vie-publique.fr/sites/default/files/rapport/pdf/282232.pdf#page=493">traitée comme une variante</a>, qui montre que si l’on prend un coût du capital de 7 % pour le nouveau nucléaire et 4 % pour les autres technologies, la différence de coût entre les scénarios M23 et N2 disparaît.</p>
<p>Une telle différenciation n’a rien d’extrême puisque <a href="https://www.iea.org/reports/net-zero-by-2050">l’AIE</a> retient, pour l’Europe, 8 % pour le nouveau nucléaire contre 3,2 à 4 % pour les renouvelables. Pour les EPR en construction à Hinkley Point, ce taux est entre 7 et 8 % selon <a href="https://www.edf.fr/groupe-edf/espaces-dedies/journalistes/tous-les-communiques-de-presse/precisions-sur-le-projet-hinkley-point-c-1">EDF</a>, malgré un tarif d’achat de l’électricité produite garanti sur 35 ans.</p>
<p>Un écart énorme avec le taux de la dernière émission obligataire de RTE : <a href="https://www.rte-france.com/actualites/premiere-emission-obligataire-verte-levee-850-millions-euros">0,75 % sur douze ans</a>, pour 850 millions d’euros dédiés entre autres au raccordement des parcs éoliens maritimes.</p>
<h2>Un recours très modéré au biogaz</h2>
<p>Un système électrique largement renouvelable nécessite des options pilotables d’approvisionnement en énergie et des options de stockage. Le biogaz, utilisé dans des centrales électriques, constitue l’une des sources d’énergie pilotables pour gérer la variabilité à long terme des énergies renouvelables (afin d’assurer l’approvisionnement en électricité lors des journées d’hiver avec peu de soleil et de vent). Le potentiel de biogaz est fixé à 150 TWh, suivant la <a href="https://www.ecologie.gouv.fr/strategie-nationale-bas-carbone-snbc">Stratégie nationale bas carbone</a>.</p>
<p>Dans l’industrie, RTE modélise un remplacement du gaz naturel par l’électricité et l’hydrogène, d’où une plus grande disponibilité du biogaz dans les autres secteurs, dont l’électricité. Pourtant, la production d’électricité à partir des bioénergies est plafonnée, dans la plupart des scénarios de l’étude, à seulement 12 TWh. Un plus grand recours au biogaz pourrait réduire le coût du système électrique en ajoutant plus de flexibilité à coût relativement modéré.</p>
<p>Pour toutes ces raisons, nous considérons qu’en toute rigueur, on ne peut pas conclure quant au coût relatif, à l’horizon 2060, d’un système électrique 100 % renouvelable et d’un système mixte, comportant également de nouvelles centrales nucléaires.</p>
<p>Le choix doit donc également s’appuyer sur d’autres critères, à commencer par la contribution aux Objectifs de développement durable de l’ONU – point sur lequel les énergies renouvelables présentent un bilan nettement plus favorable que le nucléaire, selon le <a href="https://www.ipcc.ch/site/assets/uploads/sites/2/2019/05/SR15_Chapter5_Low_Res.pdf">rapport « 1,5 » du GIEC</a>.</p>
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<p><em><a href="https://fr.linkedin.com/in/behrang-shirizadeh">Behrang Shirizadeh</a> est co-auteur de cet article.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/178728/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Philippe Quirion préside bénévolement l'association Réseau Action Climat France. </span></em></p>En octobre 2021, RTE a fait paraître un document de référence sur l’avenir du système électrique français. Retour sur ses principales conclusions concernant les options nucléaires et renouvelables.Philippe Quirion, Directeur de recherche, économie, Centre national de la recherche scientifique (CNRS)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1768452022-03-16T21:02:50Z2022-03-16T21:02:50ZCyber World Cleanup Day : faisons la chasse à ces « données zombies » qui polluent<p>L’accord de Paris nous incite – si l’on veut rester <a href="https://unfccc.int/fr/processus-et-reunions/l-accord-de-paris/l-accord-de-paris">sous les 2 degrés d’augmentation</a> de température – à diminuer par deux nos émissions de gaz à effet de serre avant 2030, et par cinq avant 2050. Comment le numérique peut-il participer à relever ce défi ? Et comment supprimer des données devenues « zombies » peut-il partiellement y contribuer ?</p>
<p>C’est l’objectif du <a href="https://cyberworldcleanupday.fr/a-propos/">Cyber World Cleanup Day</a> qui aura lieu ce samedi 19 mars 2022.</p>
<p>Cette initiative cherche à créer les conditions d’une prise de conscience globale de l’impact environnemental du numérique. Elle sensibilise au <a href="https://institutnr.org/charte-numerique-responsable">numérique responsable</a> de façon très concrète, en partant d’une action simple : « nettoyer » ses propres données.</p>
<h2>L’impact environnemental du numérique</h2>
<p>De plus en plus d’utilisateurs du numérique, cela signifie à la fois de plus en plus d’appareils fabriqués, mais aussi de plus en plus de données produites.</p>
<p>Dans le domaine du numérique, la fabrication constitue de loin le poste le plus impactant en termes de réchauffement climatique ; viennent ensuite l’utilisation puis le recyclage.</p>
<p>Les nombreuses données disponibles (<a href="https://data.ademe.fr/">Ademe</a>, <a href="https://theshiftproject.org/lean-ict/">Shift Project</a>, <a href="https://greenspector.com/fr/accueil/">Greenspector</a>, <a href="https://www.economie.gouv.fr/numerique-quotidien">economie.gouv.fr</a>, etc.) convergent pour nous montrer que :</p>
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<li><p>L’impact environnemental du numérique dépasse désormais celui de l’aviation civile. Certains travaux classent par exemple l’Internet comme troisième pays consommateur d’électricité au monde, après les États-Unis et la Chine. Environ <a href="https://lejournal.cnrs.fr/articles/numerique-le-grand-gachis-energetique">10 % de l’électricité mondiale</a> serait ainsi consommée pour son seul usage. Et <a href="https://www.greenit.fr/2020/10/06/4-des-emissions-de-ges/">4 % des émissions de gaz à effet de serre</a> y seraient associées selon des chiffres de 2020.</p></li>
<li><p>L’impact <a href="https://www.greenit.fr/wp-content/uploads/2019/10/2019-10-GREENIT-etude_EENM-rapport-accessible.VF_.pdf">environnemental du numérique</a> est avant tout lié à la fabrication des matériels ; elle est coûteuse en eau douce, sable, terres rares, énergies primaires, ressources non renouvelables et engendre de multiples pollutions (des sols notamment). On compte aujourd’hui environ 5 équipements par personne en moyenne, soit <a href="https://www.grizzlead.com/lincroyable-impact-de-la-pollution-numerique-et-les-bonnes-pratiques-a-adopter-tres-vite/">34 milliards de smartphones, ordinateurs, consoles de jeux, tablettes et autres téléviseurs</a>. De plus, la fabrication d’un seul gramme de smartphone <a href="https://youmatter.world/fr/impact-environnement-smartphone-numerique-ecologie/">dépense 80 fois plus d’énergie</a> que celle d’un gramme de voiture.</p></li>
<li><p>L’impact de l’utilisation des matériels s’avère plus faible, mais il croît rapidement au fur et à mesure de la <a href="https://lesenjeux.univ-grenoble-alpes.fr/2018/articles-revue/dossier-2018-production-des-donnees-production-de-la-societe-les-big-data-et-algorithmes-au-regard-des-sciences-de-linformation-et-de-la-communication/">production – souvent mécanique – et du traitement des données</a> au sein d’écosystèmes de plus en plus interconnectés et énergivores. L’essentiel de l’usage se fait désormais en mobilité : en France, un smartphone est par exemple utilisé <a href="https://www.frandroid.com/produits-android/smartphone/756115_combien-dheures-par-jour-passez-vous-sur-votre-ecran-de-smartphone-en-moyenne">plus de 50 heures par mois</a>… essentiellement pour Internet.</p></li>
<li><p>La piste du recyclage reste décevante, avec moins de 1 % des métaux qui seraient recyclés et <a href="https://www.lajauneetlarouge.com/comment-recycler-les-dechets-du-numerique/">moins de 20 % des déchets d’équipements électriques et électroniques</a> dont on peut documenter effectivement le recyclage. Le numérique constitue ainsi l’un des mauvais élèves et du recyclage et du réemploi.</p></li>
<li><p>L’impact du stockage de données reste le moins perceptible, mais il est considérable. La capacité de stockage mondiale <a href="https://fr.statista.com/infographie/17800/big-data-evolution-volume-donnees-numeriques-genere-dans-le-monde/">a atteint 6,7 zettaoctets en 2020</a>. De plus, <a href="https://fr.statista.com/infographie/17800/big-data-evolution-volume-donnees-numeriques-genere-dans-le-monde/">elle va continuer de croître</a> en moyenne de près de 20 % par an jusqu’à 2025, notamment pour accueillir le volume de données des objets connectés et de <a href="https://theshiftproject.org/article/impact-environnemental-du-numerique-5g-nouvelle-etude-du-shift/">la 5G</a>.</p></li>
</ul>
<h2>Données zombies et serveurs comateux</h2>
<p>La durée de vie de nos appareils ainsi que leur consommation électrique pourrait être aisément améliorée en supprimant les données qui ne sont plus utilisées. Car ces données inutilisées – parfois <a href="https://www.bfmtv.com/economie/entreprises/services/70-des-donnees-stockees-par-les-entreprises-sont-inutilisables_AN-201506190173.html">même inutilisables</a> – continuent à prendre de la place sur les terminaux personnels, sur des serveurs dédiés ; elles sont également dupliquées dans les data centers.</p>
<p>Dormantes, latentes, cachées… Ces données massives constituent un gaspillage insidieux.</p>
<p>Nous les nommerons <a href="https://www.komprise.com/blog/is-zombie-data-haunting-you/">« données zombies »</a> : il s’agit de données codées et placées dans des gabarits de tout format (son, vidéo, <a href="https://www.capital.fr/conso/cest-le-moment-de-trier-vos-photos-voici-les-bons-outils-1367761">image</a>, page, texte, etc.) dont le volume est d’au moins 10,00 Ko et dont la durée d’inactivité est d’au moins 3 années.</p>
<p>Photos ratées, brouillons, applications obsolètes, factures de 2012, trajets de 2014, vidéos de 2018 tombées dans les oubliettes : autant de « données zombies » qui alourdissent notre pollution numérique.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/teletravail-en-confinement-sept-conseils-pour-alleger-les-reseaux-136570">Télétravail en confinement : sept conseils pour alléger les réseaux</a>
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<p>Si le coût du stockage des données est faible – ce qui n’incite nullement les entreprises et les particuliers à faire le ménage –, la chasse à ces données zombies représente une action aussi facile qu’efficace dont il ne faut pas se priver.</p>
<p>Ces données sont à la fois <a href="https://www.linkedin.com/pulse/ces-donn%C3%A9es-qui-ne-meurent-jamaisvive-les-zombidata-marc-bidan/?originalSubdomain=fr">volumineuses, dangereuses et coûteuses</a>. Volumineuses : même s’il est difficile de les évaluer, elles représenteraient, selon les études, entre 20 % à 30 % de la volumétrie totale des données du système d’information (SI).</p>
<p>Dangereuses : elles constituent clairement une faille de sécurité (une porte d’entrée, une information dormante, une version ancienne d’un fichier pas forcément obsolète, des fichiers d’anciens mots de passe toujours actifs, des anciens comptes professionnels avec « log in », mais <a href="https://dywidag.com/fr-FR/privacy">sans « log off »</a>, etc.) souvent mal prise en compte notamment au sein des PME dont le stockage des données n’est pas sécurisé.</p>
<p>Enfin, elles sont coûteuses en matière de stockage.</p>
<p>Il faut également ici mentionner les <a href="https://www.lemagit.fr/definition/Serveur-zombie">serveurs zombies</a> ou encore les « serveurs comateux ». Ces <a href="https://whatis.techtarget.com/fr/definition/Serveur">serveurs</a> physiques hébergent données et applications, mais ne communiquent plus, et consomment donc de l’électricité pour rien. <a href="https://www.anthesisgroup.com/report-zombie-and-comatose-servers-redux-jon-taylor-and-jonathan-koomey/">Une étude de 2017</a> évalue à environ 3,6 millions le nombre de serveurs zombies aux États-Unis et à 10 millions sur la planète. Plus nous stockons de données, plus nous maintenons d’applications, plus nous générons de serveurs comateux.</p>
<h2>Des données à supprimer… et à ne pas produire</h2>
<p>Que l’on soit un particulier ou une entreprise, pour participer au Cyber World Cleanup Day, voici la marche à suivre.</p>
<p>Il s’agit d’une part d’identifier les zombies – en utilisant le tri par « modifié le » ou par « taille » – puis de les traiter. Cela s’avère relativement aisé en utilisant <a href="https://www.avg.com/fr/signal/how-to-get-rid-of-unnecessary-apps-on-your-pc">certaines applications</a> qui proposent un archivage non énergivore ou carrément une destruction ; sachant que ce processus reste le fruit d’une démarche volontaire et explicite et non d’un paramétrage par défaut.</p>
<p>Nous abordons ici l’une des <a href="https://theshiftproject.org/category/thematiques/numerique/">dérives de nos écosystèmes data centrés</a> : ces derniers postulent que toutes les données sont à conserver, car, un peu comme les malles et bibelots qui encombrent nos caves et greniers, elles « peuvent » se révéler utiles une « prochaine fois »…</p>
<p>La réalité montre qu’il n’en est rien. Pour les directions SI des entreprises, disposant en général de moyens, d’informations et de compétences, le <a href="https://www.lemondeinformatique.fr/actualites/lire-nettoyage-des-donnees-un-travail-ingrat-mais-vital-en-datascience-83779.html">travail de nettoyage et de chasse aux données</a> zombies est paradoxalement plus facile que pour les utilisateurs particuliers pouvant se satisfaire d’un illusoire statu quo. Le <a href="https://www.cnil.fr/fr/rgpd-de-quoi-parle-t-on">RGPD</a> a également largement aidé les entreprises à monter en compétences sur les questions liées <a href="https://www.riskinsight-wavestone.com/2018/06/3-idees-recues-sur-les-obligations-du-rgpd-23/">à leurs données stockées</a>.</p>
<p>En effet, pour les professionnels des SI et de leur <a href="https://fnege-medias.fr/fnege-video/quest-ce-que-le-management-des-systemes-dinformation/">management</a>, il existe depuis quelques années des applications, des ESN et des plates-formes (<a href="https://www.komprise.com">komprise.com</a>, <a href="https://greenspector.com/fr/category/zone-technique/">greenspector.com</a>, <a href="https://www.easyvirt.com/">easyvirt.com</a>).</p>
<p>Ces solutions peuvent par exemple identifier les données non sollicitées depuis X années, les données issues de comptes Y qui ne feraient plus partie de l’organisation, puis ces solutions Z vont « dénicher » ces données et proposer de les supprimer. Des solutions – <a href="https://cyberworldcleanupday.fr/cleanup/un-grand-coup-de-balais-dans-vos-donnees-zombies/">mais aussi des ateliers</a> – peuvent ainsi proposer de les identifier, de les détruire ou de les déplacer vers le cloud ou la corbeille… qu’il faudra bien penser à vider !</p>
<h2>De la responsabilité à la sobriété numérique</h2>
<p>L’idéal serait bien sûr de ne pas produire de tels volumes de données et d’aller vers une plus grande sobriété numérique.</p>
<p>Il est en effet regrettable que la <a href="https://management-datascience.org/articles/16254/">dématérialisation annoncée des contenus</a> s’accompagne d’une matérialisation toujours plus massive des contenants. Les modèles d’affaires data centrés des géants de l’Internet ont ici une grande part de responsabilité. Il faut bien que l’utilisateur produise des données – gratuitement ou pas – pour qu’un opérateur les collecte, les stocke, les traite et les revende. La maîtrise du cycle de vie des données constitue le cœur de leur position dominante.</p>
<p>Le volume produit n’est donc pas une contrainte, mais une aubaine pour ces acteurs. C’est bien là l’écueil du <a href="https://cyberworldcleanupday.fr/annuaire-des-cyber-cleanups/">Cyber World Cleanup Day</a> qui ne doit pas cacher la forêt des <a href="https://www.statista.com/statistics/871513/worldwide-data-created/">données produites</a> derrière l’arbre des données nettoyées.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/176845/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Marc Bidan est directeur du laboratoire d’Économie et de Management de Nantes Atlantique (LEMNA). </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Christophe Benavent ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Le volume des données quasiment « mortes » ne cesse de croître. À l’occasion du Cyber World Cleanup Day, nous montrons qu’il est possible d’agir pour identifier et supprimer ces données zombies.Marc Bidan, Directeur du laboratoire LEMNA - Professeur en Management des systèmes d’information - Polytech Nantes, Auteurs historiques The Conversation FranceChristophe Benavent, Professeur en sciences de gestion, Université Paris Dauphine – PSLLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1759012022-03-01T20:12:51Z2022-03-01T20:12:51ZIndustrie nucléaire : le grand jeu géopolitique<p>L’invasion de l’Ukraine par la Russie et la <a href="https://www.leparisien.fr/international/guerre-en-ukraine-5-minutes-pour-comprendre-ce-qui-se-joue-a-tchernobyl-25-02-2022-DXDFMYBS2ZCXFN5BGGGN54UH5Q.php">prise rapide de Tchernobyl</a> ont mis un coup de projecteur sur le secteur nucléaire ukrainien.</p>
<p>Stratégiques pour Kiev, les 15 réacteurs en fonction fournissent encore la moitié de la production électrique ukrainienne. Tandis que le pays exploite ses ressources en uranium, il n’a pas les capacités industrielles pour les transformer en combustibles nécessaires pour alimenter ses centrales de technologie soviétique.</p>
<p>Suite à la révolution de 2014, le gouvernement ukrainien a <a href="https://www.kernd.de/kernd-wAssets/docs/fachzeitschrift-atw/2015/atw2015_03_kirst_vver_fuel.pdf">cherché à rompre sa dépendance</a> à l’importation de combustible de Russie. Cette stratégie est partiellement couronnée de succès : en 2021, <a href="https://www.neimagazine.com/news/newswestinghouse-increases-fuel-supplies-to-ukraine-8160077">6 des 15 réacteurs étaient fournis par des combustibles produits par l’Américain Westinghouse</a> dans son usine suédoise de Västerås.</p>
<p>Avant l’Ukraine, suite aux manifestations de janvier 2022 au Kazakhstan, la presse s’était fait l’écho de <a href="https://lexpansion.lexpress.fr/actualite-economique/crise-au-kazakhstan-menace-sur-l-uranium-et-le-nucleaire-mondial_2165654.html">craintes concernant la sécurité d’approvisionnement</a> en combustible de l’industrie nucléaire ; le Kazakhstan concentre <a href="http://www.world-nuclear.org/information-library/nuclear-fuel-cycle/mining-of-uranium/world-uranium-mining-production.aspx">41 % de la production mondiale d’uranium</a>.</p>
<p>À l’inverse du pétrole ou du gaz, et en dehors des <a href="https://bit.ly/3HaNwhL">questions de prolifération</a>, le nucléaire est fréquemment présenté comme <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S2211467X20300444">épargné par les risques géopolitiques</a>.</p>
<p>La faible part de l’uranium dans le coût de l’électricité, de <a href="https://www.ccomptes.fr/sites/default/files/EzPublish/20140527_rapport_cout_production_electricite_nucleaire.pdf">l’ordre de 5 % à 7 %</a>, limiterait sa sensibilité aux aléas politiques. La répartition des réserves, identifiées dans <a href="https://www.oecd-nea.org/jcms/pl_52718/uranium-2020-resources-production-and-demand">52 pays</a>, préserverait de tout risque de dépendance. De plus, la densité énergétique de l’uranium permettrait de constituer des stocks de combustibles.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/PpODWSJmgYE?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Vidéo expliquant le cycle du combustible nucléaire. (IAEA/Youtube, 2022).</span></figcaption>
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<h2>Le rôle clé de la Russie et de la Chine</h2>
<p>Les reconfigurations de la filière révèlent les limites de cette analyse, comme le souligne le <a href="https://www.iris-france.org/wp-content/uploads/2020/12/OSFME-Rapport-5-VF-avec-biographie.pdf">rapport « Les stratégies nucléaires civiles de la Chine, des États-Unis et de la Russie »</a> de l’Observatoire de la sécurité des flux et des matières énergétiques paru en septembre 2020.</p>
<p>La croissance des publications par les <em>think tanks</em> français (<a href="https://www.iris-france.org/wp-content/uploads/2020/12/OSFME-Rapport-5-VF-avec-biographie.pdf">IRIS</a>, <a href="https://www.ifri.org/sites/default/files/atoms/files/merlin_petits_reacteurs_2019.pdf">IFRI</a>, <a href="https://www.frstrategie.org/sites/default/files/documents/publications/recherches-et-documents/2020/202014-2.pdf">FRS</a>) et anglophones (<a href="https://www.csis.org/analysis/changing-geopolitics-nuclear-energy-look-united-states-russia-and-china">CSIS</a>, <a href="https://www.iiss.org/blogs/analysis/2018/12/geopolitics-nuclear-energy">IISS</a>, <a href="https://carnegieendowment.org/2018/05/14/future-of-nuclear-power-in-china-pub-76311">Carnegie</a>) témoigne également de cette prise de conscience. Et tous s’attardent sur le rôle structurant de la Chine et de la Russie.</p>
<p>L’industrie nucléaire russe a été <a href="https://www.academia.edu/download/30296429/foir3049.pdf">réorganisée en 2007</a> par Vladimir Poutine dans une unique société, Rosatom. L’objectif était double : atteindre 45 % d’électricité nucléaire dans le mix national en 2050, mais surtout, créer un <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S2211467X17300305">géant tourné vers l’export</a>.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/plus-de-trois-decennies-apres-tchernobyl-la-russie-joue-cranement-la-carte-nucleaire-159574">Plus de trois décennies après Tchernobyl, la Russie joue crânement la carte nucléaire</a>
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<p>Côté chinois, la filière s’est <a href="https://academic.oup.com/jwelb/article/13/1/23/5818940?login=true">structurée autour de trois groupes</a> – la China National Nuclear Corporation, la China General Nuclear Power Corporation et la State Power Investment Corporation. Cette organisation a nourri des <a href="https://www.cambridge.org/core/books/abs/policy-regulation-and-innovation-in-chinas-electricity-and-telecom-industries/capability-upgrading-and-catchup-in-civil-nuclear-power-the-case-of-china/3ADDC51E436AA6C386AB2AB9497ED818">rivalités à l’international</a>, en dépit des tentatives d’apaisement du gouvernement : fondation d’une coentreprise pour déployer un réacteur commun, division du monde en zone d’intervention.</p>
<p>Russes et Chinois ont rempli le vide laissé par le retrait des anciennes puissances industrielles, États-Unis en tête. Dans ce pays, <a href="https://www.aspeninstitute.org/wp-content/uploads/2017/02/2016-Nuclear-Energy-Forum-1-30-17.pdf">l’effondrement du marché intérieur</a> et le renforcement des réglementations sur la non-prolifération ont marqué le tissu industriel. Deux entreprises, Westinghouse et General Electrics-Hitachi, disposent de réacteurs à la vente.</p>
<h2>Le Kazakhstan, cœur de l’industrie uranifère</h2>
<p>Les réserves mondiales d’uranium restent importantes, <a href="https://www.oecd-nea.org/jcms/pl_52718/uranium-2020-resources-production-and-demand">estimées à 8 millions de tonnes</a>, soit 135 années de la consommation annuelle (sur la base de 2020). Toutefois, le recul des prix depuis 2011, tombant sous les 90 $/kg avant la crise du Covid, a recentré l’attention sur quelques pays disposant de ces ressources à faible coût.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1220987251485806592"}"></div></p>
<p>Cette dynamique a fait du Kazakhstan, qui détient 31 % des réserves mondiales exploitables à moins de 80 $, le cœur de l’industrie uranifère.</p>
<p>Le secteur états-unien est la première victime de ces prix. Depuis 2014, la <a href="https://sgp.fas.org/crs/nuke/R45753.pdf">production d’uranium y a été divisée par 24</a>, rendant le pays dépendant à 94 % des importations. Poussée par le lobbying des États uranifères républicains (Wyoming, Texas et Nebraska), l’administration Trump a publié en avril 2020 un <a href="https://www.energy.gov/sites/default/files/2020/04/f74/Restoring%20America%27s%20Competitive%20Nuclear%20Advantage_1.pdf">plan pour contrer l’influence chinoise et russe</a> en quatre points : création de réserves à partir des mines américaines, prolongement des quotas sur l’achat d’uranium russe à 20 % des importations, interdiction d’importation d’uranium transformé de Chine et de Russie, suppression des réglementations limitant l’ouverture de mines. La victoire des Démocrates en 2021 et les divergences sur le nucléaire au sein du parti ont stoppé son application.</p>
<h2>L’Afrique au centre des convoitises</h2>
<p>Les <a href="https://www.files.ethz.ch/isn/185558/diisreport2014-19.pdf">réserves russes</a> sont importantes (8 % des gisements mondiaux), mais seuls 6 % sont exploitables à moins de 80 dollars. De fait, la production (2846 t en 2021) ne permet ni de couvrir les besoins intérieurs (5000 t), ni de répondre aux ambitions d’exportations (20 000 t).</p>
<p>La <a href="https://www.ndc.nato.int/research/research.php?icode=584">stratégie d’expansion russe</a> repose donc sur le développement d’exploitations à l’étranger, via Uranium One, filiale de Rosatom. Si le Kazakhstan reste l’unique source, <a href="https://uranium1.com/upload/iblock/365/36550a33c6649bed14a59494a6de94a6.pdf">Uranium One</a> a fait de l’Afrique, et particulièrement de la Tanzanie, une zone de développement prioritaire.</p>
<p>Cette orientation pourrait créer des tensions avec la Chine, dont la <a href="https://www.files.ethz.ch/isn/178281/RP2014-03_Uranium-China_Patton-Schell_cve_1703_web.pdf">consommation d’uranium</a> représente 15 % du total mondial. L’approvisionnement chinois suit la <a href="https://www.belfercenter.org/sites/default/files/legacy/files/chinasaccesstoruraniumresources.pdf">stratégie des « trois tiers »</a> visant à augmenter la production nationale, acquérir des ressources à l’étranger et acheter sur le marché. Mais la faiblesse de ses ressources ne lui permet que de couvrir 20 % des besoins.</p>
<p>La filière conduit une stratégie de rachat de mines à l’étranger <a href="https://www.sipri.org/publications/2013/sipri-policy-papers/africa-and-global-market-natural-uranium-proliferation-risk-non-proliferation-opportunity">prioritairement en Afrique</a>. Si la Chine s’est d’abord dirigée vers le Niger, les <a href="https://ctc.usma.edu/china-uranium-comparative-possibilities-agency-statecraft-niger-namibia/">efforts</a> se sont depuis portés sur la Namibie où l’industrie uranifère est entièrement contrôlée par les industriels chinois depuis 2019.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"903921375206887424"}"></div></p>
<h2>Comment Rosatom est devenu incontournable</h2>
<p>Pour rappel, les centrales ne s’alimentent pas d’uranium, mais de combustibles dont la production change selon la technologie des réacteurs. Ceux à eau légère, qui constituent <a href="https://pris.iaea.org/PRIS/WorldStatistics/OperationalReactorsByCountry.aspx">85 % du parc mondial</a>, nécessitent trois étapes de fabrication : la conversion de l’uranium, l’enrichissement et la fabrication des assemblages. Cinq pays (France, Chine, Canada, Russie et États-Unis) contrôlent la conversion. Le risque de dépendance y est limité par les <a href="https://world-nuclear.org/information-library/nuclear-fuel-cycle/conversion-enrichment-and-fabrication/conversion-and-deconversion.aspx">surcapacités structurelles</a>, seuls 55 % des moyens étant mobilisés.</p>
<p>Il en va de même pour l’<a href="http://www.world-nuclear.org/information-library/nuclear-fuel-cycle/conversion-enrichment-and-fabrication/uranium-enrichment.aspx">enrichissement</a>, réalisé dans 13 pays, et dont le taux d’utilisation n’était que de 86 % en 2020.</p>
<p>Rosatom est devenu le principal acteur de la production de combustible, dominant la conversion (35 % des parts du marché) ainsi que l’enrichissement (36 %). C’est toutefois <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S2211467X17300305">dans l’exportation de combustibles assemblés</a> que son influence est la plus sensible. Un réacteur sur six dans le monde consomme des assemblages russes.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"909175890596302850"}"></div></p>
<p>Cette position résulte de l’existence d’un marché captif auprès des <a href="https://mitpress.universitypressscholarship.com/view/10.7551/mitpress/9780262515788.001.0001/upso-9780262515788-chapter-6">exploitants de réacteurs de technologie soviétiques et russes</a>, appelés VVER. En 2019, 100 % de l’électricité nucléaire produite en Hongrie, en Slovaquie, en République tchèque, en Bulgarie et en Arménie était générée avec du combustible russe.</p>
<p>Ce contrôle constitue-t-il un <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S2211467X16300372">risque géopolitique</a> ?</p>
<p>L’Américain Westinghouse a développé des assemblages pour réacteurs VVER dès les années 1990 et a agrandi son usine de fabrication suédoise pour répondre aux <a href="https://digital.lib.washington.edu/researchworks/handle/1773/33531">demandes des exploitants ukrainiens</a>.</p>
<p>Mais ces solutions de diversification se heurtent à des obstacles techniques. Westinghouse a connu plusieurs défaillances décourageant les nouveaux importateurs. L’adaptation des combustibles aux caractéristiques de chaque réacteur limite les possibilités de changement rapide de fournisseur. Il en va de même pour les processus d’obtention de licence d’exploitation. La faible concurrence sur ce marché constitue un enjeu majeur, particulièrement au regard des exportations à venir.</p>
<h2>Les enjeux stratégiques de l’exportation des réacteurs</h2>
<p><a href="https://www.sipri.org/publications/2019/eu-non-proliferation-and-disarmament-papers/russias-nuclear-energy-exports-status-prospects-and-implications">Rosatom est le premier exportateur mondial de centrales</a> et contrôle 30 % du marché. Cette réussite relève d’une <a href="https://www.tandfonline.com/doi/full/10.1080/15387216.2017.1396905">diplomatie nucléaire proactive</a> épaulée par un <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0301421518308231">réseau commercial implanté dans 60 pays</a>.</p>
<p>Mais sa principale force réside dans la <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0301421518304245">capacité à proposer des solutions de financement</a>. Le modèle dit <a href="https://digital.lib.washington.edu/researchworks/handle/1773/42155">« Build, Own, Operate »</a> (BOO), appliqué à Akkuyu (Turquie), en est le paroxysme. Ici, Rosatom construit la centrale, en devient le propriétaire et l’exploite en se remboursant par la vente d’électricité.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/iUsYYXnxql4?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Centrale d’Akkuyu en Turquie : Poutine et Erdogan affichent leur « amitié ». (Euronews/Youtube, 2021).</span></figcaption>
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<p>La Chine reste loin derrière. Face au <a href="https://www.mdpi.com/2071-1050/10/6/2086">retard pris sur les objectifs d’extension</a> du parc national, l’export est devenu un impératif pour les industriels chinois. À ce jour, la Chine n’a vendu que quatre tranches en dehors de ses frontières, au Pakistan, et les contrats espérés dans les pays de la Belt and Road Initiatives <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0301421516305031">sont loin d’être concrétisés</a>.</p>
<p>Les <a href="https://accf.org/wp-content/uploads/2017/03/ACCF_China_paper_03.pdf">tensions avec l’administration Trump</a> ont ralenti les projets européens, à l’image de la Roumanie, où le gouvernement a retiré sous pression américaine la participation chinoise au projet de Cernavoda à l’été 2019.</p>
<p>Les prochaines années verront ainsi se tenir des débats grandissants sur l’avenir du nucléaire, à mesure que les réacteurs existants vieilliront. Comme tout système énergétique, le nucléaire n’est pas épargné d’enjeux géopolitiques. Parallèlement aux questions économiques et environnementales, ces éléments devront informer les décisions.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/175901/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les recherches ayant mené à cet article ont été financées par l’Observatoire de la sécurité des flux et des matières énergétiques de l’Institut des relations internationales et stratégiques (IRIS). </span></em></p>Le nucléaire civil est fréquemment présenté comme épargné par les risques géopolitiques. Mais l’actualité et les reconfigurations de la filière révèlent les limites de cette analyse.Teva Meyer, Maître de conférences en géopolitique et géographie, Université de Haute-Alsace (UHA)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1758942022-02-14T18:12:49Z2022-02-14T18:12:49ZÉnergies renouvelables : jusqu’où l’autonomie énergétique des territoires ?<p>Les coopératives citoyennes <a href="https://theconversation.com/energies-renouvelables-les-cooperatives-citoyennes-gagnent-du-terrain-88725">gagnent du terrain aujourd’hui en Europe</a> en matière de production d’énergie renouvelable et décentralisée.</p>
<p>Elles <a href="https://www.ouest-france.fr/pays-de-la-loire/nantes-44000/cop26-solaire-eolien-les-citoyens-prennent-des-initiatives-96de374c-38d6-11ec-8684-5212e81a2886">sont plutôt vantées</a> face aux « mégaprojets » industriels comme les <a href="https://www.capital.fr/entreprises-marches/nucleaire-risque-de-nouveaux-retards-sur-lepr-de-flamanville-alerte-lasn-1404527">EPR</a> ou les <a href="https://www.liberation.fr/environnement/parc-eolien-de-saint-brieuc-la-justice-refuse-de-suspendre-larrete-conteste-par-les-pecheurs-20211014_4TQNODJTLFGSFH2GXJ222VXYJU/">grandes fermes éoliennes offshore</a>.</p>
<h2>Revisibiliser l’énergie</h2>
<p>Ce phénomène se caractérise par un <a href="http://pus.unistra.fr/livre/?GCOI=28682100503460">double balancement</a>. Le premier tient aux ancrages locaux des adhérents, habitant près des sites de production (éoliens, solaires, etc.), afin de « revisibiliser » le circuit de l’énergie (en dépassant ainsi le sens commun de la <a href="http://www.urbanisme-puca.gouv.fr/anthropologie-des-usages-de-l-energie-dans-l-a173.html">prise de courant dans le logement</a> !), en regard de mises en réseau nationales (telle <a href="https://www.enercoop.fr/">Enercoop</a> ou les <a href="https://www.centralesvillageoises.fr/">Centrales villageoises</a> pour la France) voire internationales, à l’instar de la fédération européenne <a href="https://www.rescoop.eu/">Rescoop.eu</a>.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1129123339270799367"}"></div></p>
<p>Le second distingue deux catégories de coopératives : celles qui sont uniquement productrices d’énergie – qu’elles revendent ensuite au réseau, c’est-à-dire aux énergéticiens « traditionnels » (EDF en France, EnBW, E.ON, RWE et Vattenfall en Allemagne, etc.), à travers un tarif de rachat, garanti ou non selon les pays et avec une éventuelle durée d’engagement – et celles qui sont elles-mêmes fournisseurs d’électricité.</p>
<p>Il a été montré, notamment en Belgique, que la taille des structures, la concentration territoriale et les motivations des adhérents diffèrent selon le cas : la fourniture d’électricité se comprend à des échelles élargies et correspond davantage à des <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0301421519301570">motifs financiers qu’environnementaux</a>.</p>
<h2>Autonomie énergétique et renouvelables</h2>
<p>Que signifie alors l’autonomie énergétique des territoires fréquemment associée à l’idée de développer les sources renouvelables ?</p>
<p>Au temps de la consomm’action et autres néologismes « verdis », les <a href="https://www.cairn.info/revue-communications-2011-1-page-131.htm">logiques de <em>prosumers</em></a> (contraction de producteur <em>et</em> consommateur) se font entendre. Du point de vue des régulations, elles posent la double question de l’auto-consommation et de la revente de l’énergie produite (totale ou en surplus après auto-consommation), au réseau de distribution existant, d’autant que les cycles de consommation et les contraintes d’intermittence voire de saisonnalité des énergies renouvelables ne peuvent complètement coïncider.</p>
<p>Les dispositifs nationaux sont relativement complexes et évolutifs. Par exemple, en Allemagne, s’il est possible de fournir à d’autres consommateurs de l’énergie produite par ses propres installations, un <a href="https://www.klimareporter.de/strom/kluge-politik-setzt-sich-an-die-spitze-der-erneuerbaren-bewegung">cadre précis est à respecter</a> : le producteur devient fournisseur d’énergie, ce qui entraîne des coûts supplémentaires, au point que la revente n’est pas forcément intéressante économiquement.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"940189240071213056"}"></div></p>
<p>En Suisse, les communautés d’autoconsommateurs prennent la forme de contrats entre le propriétaire de l’installation et plusieurs consommateurs, à condition d’habiter en proximité ; les pratiques et périmètres concrets demeurent <a href="https://www.vese.ch/fr/gesetzliche-grundlagen/">matières à controverses</a>.</p>
<p>En France, la loi du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte et l’ordonnance du 27 juillet 2016 relative à l’autoconsommation d’électricité imposent des tarifs réseau aux « prosumers collectifs ».</p>
<h2>Pourquoi continuer à payer pour le réseau ?</h2>
<p>Le <a href="https://www.res-tmo.com/fr/translate-to-french-about-us/translate-to-french-project-outputs">projet trinational RES-TMO</a> – dont nous avons porté le volet sociologique en Alsace, Bade-Wurtemberg et Suisse du nord – a précisément montré une controverse par rapport à la façon de répercuter les coûts de réseau.</p>
<p>Que ce soit la coopérative allemande fesa Energie Geno près de Freiburg ou Énergies partagées en Alsace, le discours est le même : si, en auto-consommant, l’on n’utilise pas ou moins le réseau de distribution, pourquoi payer pour cela ?</p>
<p>D’autres témoignages sont parlants :</p>
<blockquote>
<p>« Pour moi, c’est comme lorsque vous faites pousser de la laitue dans votre jardin, que vous la récoltez et que vous devez en donner la moitié à quelqu’un d’autre » (entretien, Bernhard Mertel, dirigeant de l’entreprise allemande EnergieSüdwest Projektentwicklung).</p>
</blockquote>
<p>Et :</p>
<blockquote>
<p>« Si on consomme moins, après une rénovation énergétique d’un bâtiment, on ne vous demande pas de payer pour ce qu’on consomme moins » (atelier, Rémi Bastien, cofondateur de la start-up française Enogrid).</p>
</blockquote>
<p>Les principes de décentralisation et de territorialisation de l’énergie qui légitiment les coopératives citoyennes interrogent ainsi sur le rapport individuel/collectif.</p>
<h2>L’intérêt général questionné par la transition</h2>
<p>Le rôle de l’État et des collectivités est requestionné, la puissance publique étant historiquement associée à la garantie de l’« intérêt général » face aux acteurs privés mus par le profit.</p>
<p>Les coopératives viennent revisiter ce paysage en termes de <a href="https://www.deboecksuperieur.com/ouvrage/9782807328242-gouvernance-et-developpement-durable">gouvernance de la transition écologique</a> dans la <a href="http://www.lecavalierbleu.com/livre/fabrique-contemporaine-territoires/">gestion des territoires</a>. L’appréhension et la portée donnée à la transition énergétique varient en fonction des échelles, selon que l’on évoque le niveau d’un ménage, d’un collectif regroupé au sein d’une coopérative, ou d’une entité territoriale (locale, régionale, nationale) plus largement.</p>
<hr>
<p>
<em>
<strong>
À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/pourquoi-parle-t-on-de-transition-ecologique-154104">Pourquoi parle-t-on de « transition » écologique ?</a>
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</em>
</p>
<hr>
<p>Parler d’autonomie croissante peut avoir deux sens : celui d’une alternative vis-à-vis des énergéticiens actuels et/ou des sources d’énergie carbonée ou nucléaire, ou celui d’une sortie de tout réseau.</p>
<p>La seconde hypothèse représenterait certes une alternative à la dualité de l’État et du marché, mais où le troisième terme ne serait pas tant le <a href="http://tristan.u-bourgogne.fr/CGC/publications/essor-biens-communs/Philippe-Hamman.html">collectif du <em>faire commun</em></a> qu’une approche individuelle qui peut déborder le slogan de la mise en durabilité « penser global, agir local ».</p>
<p>Le point est d’autant plus important à mesure qu’il est question du stockage des énergies renouvelables avec des batteries et de la <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0301421517307619">technologie <em>vehicle-to-grid</em></a> consistant à mobiliser la batterie d’un véhicule électrique pour pallier les effets d’intermittence, ainsi que le met d’ores et déjà en avant un constructeur comme <a href="https://www.renaultgroup.com/news-onair/actualites/quel-est-le-principe-du-v2g-ou-vehicle-to-grid/">Renault</a>.</p>
<h2>Quatre points clés</h2>
<p>C’est pourquoi <a href="https://www.routledge.com/Cross-Border-Renewable-Energy-Transitions-Lessons-from-Europes-Upper-Rhine/Hamman/p/book/9781032059389">l’analyse sociologique</a> des coopératives énergétiques citoyennes dans le Rhin supérieur a mis en avant quatre principaux enjeux de l’autonomie énergétique des territoires.</p>
<p>D’abord, s’entendre sur la signification de la transition énergétique : est-ce faire mieux, au sens de plus d’efficience technologique, de remplacer des sources fossiles par des renouvelables, etc. ; ou moins, au sens d’une réduction de la production et de la consommation, avec un mot d’ordre de sobriété ?</p>
<p>Ensuite, d’associer à cette transition l’ensemble des parties prenantes territorialement (collectivités et structures en régie, collectifs et associations, habitants…) et pas seulement les acteurs historiques du secteur (producteurs, fournisseurs, gestionnaires de réseau), mais sans non plus prétendre à une autarcie vis-à-vis de ces derniers.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1485526534467301378"}"></div></p>
<p>Penser également ensemble la relocalisation de l’énergie et les réseaux, c’est-à-dire aussi une solidarité entre territoires compte tenu de situations matérielles distinctes dans les potentiels de production d’énergie renouvelable (ensoleillement, vent, cours d’eau…) et des incidences concrètes comme le prix de l’énergie.</p>
<p>Enfin, ne pas oublier que la capacité d’action renvoie aux positions sociales : si l’on souhaite installer des panneaux photovoltaïques sur son logement, il faut être propriétaire et non locataire ; et, sous une affirmation plus collective, l’engagement au sein d’une coopérative citoyenne est synonyme d’achat d’actions, ce qui suppose d’en avoir les moyens, et se révèle, du moins pour les principaux animateurs, lié à des capitaux sociaux identifiables (éducatifs, professionnels, culturels, etc.).</p>
<h2>Autonomie énergétique, démocratisation énergétique</h2>
<p>Au final, une question sociétale se pose, tant sur un plan politique qu’éthique : à quoi participe-t-on, avec qui et avec quelle visée dans des projets de reterritorialisation de l’énergie ?</p>
<p>D’une initiative à l’autre, le curseur peut être placé diversement entre mise en responsabilité individuelle – y compris la métaphore du colibri (<a href="https://www.colibris-lemouvement.org/">faire chacun sa part</a>) chère à Pierre Rabhi et régulièrement reprise par des coopérateurs interviewés – et mise en commun des ressources et/ou des infrastructures.</p>
<p>Ce qui fait alternative est l’objet de <a href="https://www.mdpi.com/2673-4931/11/1/12/htm">transactions permanentes</a> (économiques, techniques, écologiques…) bel et bien ancrées dans l’épaisseur du social : pas plus que les valeurs coopératives et environnementales <a href="https://theconversation.com/difficile-de-concilier-valeurs-cooperatives-et-environnementales-92747">ne se superposent forcément</a>, le registre de l’autonomie n’est pas mécaniquement synonyme de <a href="https://www.pressesdesciencespo.fr/fr/book/?gcoi=27246100294160">démocratisation de l’énergie</a>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/175894/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Philippe Hamman est titulaire de la Chaire Jean Monnet «Governance of Integrated Urban Sustainability in Europe (GoInUSE) : Scales, Actors and Citizenship» (2020-2023), financée par la Commission européenne (Réf. : 619635-EPP-1-2020-1-FR-EPPJMO-CHAIR) et dont un axe porte sur la transition énergétique : <a href="https://sage.unistra.fr/membres/enseignants-chercheurs/chaire-goinuse/">https://sage.unistra.fr/membres/enseignants-chercheurs/chaire-goinuse/</a>
Il a également a reçu des financements de l'Union européenne dans le cadre du projet RES-TMO (Réf. : 4726/6.3.), cofinancé par le programme communautaire Interreg V Rhin supérieur et le Fonds européen de développement régional (FEDER) pour la période du 01/02/2019 au 31/07/2022. </span></em></p>Si les projets coopératifs se multiplient pour produire de l’électricité grâce aux renouvelables, autonomie énergétique ne rime pas toujours avec démocratisation.Philippe Hamman, Professeur de sociologie, Université de StrasbourgLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.