tag:theconversation.com,2011:/ca-fr/topics/fact-check-us-92744/articlesFact check US – La Conversation2021-02-03T20:23:45Ztag:theconversation.com,2011:article/1541342021-02-03T20:23:45Z2021-02-03T20:23:45ZFact check US : La gauche du parti démocrate peut-elle enfin impulser une réforme de l’assurance-santé ?<p>Les démocrates ont repris le pouvoir. De ce camp politique émanent des appels favorables à une transformation complète du système de protection maladie, notamment par la voix du sénateur progressiste Bernie Sanders. Celui-ci vient précisément d’être élu au poste stratégique de président du comité du Budget du Sénat. Faut-il comprendre que la gauche et le centre du parti démocrate vont réussir à s’entendre sur un programme d’assurance santé plus universel ?</p>
<p><a href="https://www.politico.com/news/2021/01/12/bernie-sanders-big-budget-plans-458461">Bernie Sanders</a> a déjà repris avec force son plaidoyer de campagne en faveur du « Medicare for All », un modèle d’assurance santé universelle et publique :</p>
<blockquote>
<p>« Je suis un ardent défenseur de “Medicare for All”. J’ai introduit le projet de loi au Sénat. Je pense qu’au bout du compte, les Américains comprennent que notre système de santé est si dysfonctionnel, si cruel, si cher, que nous devons faire ce que tous les autres grands pays sur cette planète font et proposer une protection santé à tout le monde. Ce qu’on va faire maintenant, c’est travailler dans le cadre défini par Biden. »</p>
</blockquote>
<p>Ce discours n’est pas étonnant. L’instauration d’un grand système public de santé proche des modèles de l’Europe continentale, notamment français, est un combat politique mené depuis de nombreuses années par l’élu de l’État progressiste du Vermont. Il s’inscrit au cœur de la pensée des <a href="http://www.pressesdesciencespo.fr/fr/book/?gcoi=27246100830610">élites progressistes du Wisconsin</a> à l’aube du <em>new deal</em> rooseveltien jusqu’aux partisans du « single payer » en 1993, au moment des débats sur la réforme de la santé voulue par Bill Clinton. L’aile gauche démocrate préconisait alors que l’État soit le « payeur unique », en lieu et place d’assurances privées.</p>
<h2>Sur fond de pandémie, la quête d’un système de santé plus juste</h2>
<p>Pour bien des observateurs américains, le débat reste le même : il s’agit toujours de choisir entre la « grande illusion » et la <a href="https://ajph.aphapublications.org/doi/10.2105/AJPH.2019.305315">« solution faisable »</a>. La catastrophe sanitaire liée aux effets de la pandémie Covid-19, avec plus de 400 000 décès, permet cependant aux partisans de l’établissement d’un système de santé publique de faire fortement entendre leur voix au moment même où l’administration de Joe Biden se met en place. Mais que faut-il attendre du président ?</p>
<p>Durant la campagne des primaires démocrates, Joe Biden, représentant de l’aile modérée du parti, était clairement opposé à « Medicare for All ». Il disait privilégier la voie d’une amélioration de l’Obamacare, surnom de la grande réforme du système de soin initiée par Barack Obama qui a permis d’élargir la couverture santé à des millions d’Américains en étant dépourvus. L’incitation à souscrire à une assurance privée, avec l’aide publique en cas de ressources insuffisantes, y complétait alors les deux grands programmes publics rigoureusement encadrés : Medicare (à destination des plus de 65 ans) et Medicaid (ciblant les mineurs et les femmes isolées).</p>
<p>Joe Biden a ainsi parlé d’un projet d’Affordable Care Act 2.0 (ACA 2.0), qui consisterait à augmenter les subventions publiques afin que tous les citoyens puissent payer leur prime d’assurance. Sans aller plus loin : le coût de Medicare for All pour les finances publiques – ajouté à l’attachement d’une bonne partie des citoyens américains à l’assurance maladie fournie par l’employeur (<em>employer based system</em>) – étant alors considéré comme rédhibitoire pour le sénateur du Delaware.</p>
<p>Ce n’est qu’avec le choix de Kamala Harris comme colistière, et afin de tendre une main à l’aile gauche du parti démocrate, qu’il a été amené à faire certaines concessions politiques. Entre autres, il a envisagé une réforme plus substantielle de l’Obamacare afin d’y introduire la possibilité de souscrire à une assurance maladie publique (<em>public option</em>). Prenant le sens inverse, Kamala Harris s’est, elle, dite partisane d’une version de Medicare for All « ouverte », incluant la possibilité de contracter une assurance privée complémentaire. L’un comme l’autre emprunte finalement une voie médiane autour d’un système mixant privé et public. Toutefois, ce type de réforme devant être intégrée à une loi budgétaire ne peut être votée à majorité simple (rappelons que les démocrates disposent en effet d’une majorité simple au Sénat). Il leur faudrait une majorité qualifiée de 60 voix pour y parvenir et échapper au pouvoir d’obstruction des élus républicains (le fameux <a href="https://theconversation.com/fact-check-us-lobstruction-parlementaire-lun-des-obstacles-majeurs-a-venir-pour-joe-biden-153902"><em>filibuster</em></a>).</p>
<p>De surcroît, avec la priorité absolue donnée à la lutte contre la pandémie de Covid-19, il n’est pas sûr que le président Biden fasse un pas supplémentaire vers la grande réforme voulue par l’aile gauche du parti démocrate. Si l’on regarde la composition de la nouvelle administration Biden, rien ne permet d’évaluer précisément l’importance que pourra prendre cet enjeu sur l’agenda politique à venir. Sur les <a href="https://www.washingtonpost.com/politics/interactive/2020/biden-appointee-tracker/">19 postes de direction</a> du ministère de la Santé en cours d’affectation et d’évaluation devant le Sénat, seul celui du directeur de National Institutes of Health est à ce jour confirmé (Dr Francis Collins). Celui de Xavier Becerra (ministre) et celui des numéros deux et trois du ministère de la Santé sont en attente d’approbation. </p>
<p>Si l’on compare avec la composition de l’administration Obama en 2008-09, on constate que ce dernier s’était alors entouré d’une sorte de <em>task force</em> composée de vétérans de l’administration Clinton. Ces conseillers présents en grand nombre à la Maison Blanche et au ministère de la Santé étaient porteurs d’un projet de réforme consensuel et attrape-tout de l’assurance maladie. Rien de cela n’est actuellement présent dans l’administration en cours de formation.</p>
<h2>Les limites de la majorité démocrate au Congrès</h2>
<p>Pour le président Biden, il s’agit avant tout de lutter contre la pandémie. Il a ainsi promis <a href="https://www.forbes.com/sites/roberthart/2021/12/29/biden-promises-100-million-covid-19-vaccinations-in-first-100-days-warning-that-trumps-approach-would-take-years/?sh=6efbc5892a97">« 100 jours 100 millions de vaccins »</a>. C’est dans ce sens qu’il a recruté un <em>chief of staff</em>, <a href="https://theconversation.com/fact-check-us-joe-biden-peut-il-arreter-le-virus-aux-etats-unis-comme-il-laffirme-et-comment-150558">Ron Klain</a>, ayant l’expérience de la gestion de l’épidémie Ebola sous l’administration Obama. La réponse au Covid-19 permet le retour en force au sein de l’administration des chercheurs qui sous l’administration Trump avaient été aussi maltraités que peu écoutés. </p>
<p>La sélection des 10 personnes formant la <a href="https://www.statnews.com/2021/01/21/the-10-biden-officials-to-watch-covid-19/">task force Biden</a> marque un profond changement de cap. La nomination de Jeff Zients, ex-conseiller de l’administration Obama, pour coordonner au niveau fédéral la politique de vaccination conforte ce choix. Cet économiste avait réparé le désastre du lancement du site web du marché fédéral d’assurance maladie sur lequel reposait la mise en œuvre de l’ACA.</p>
<p>Pour évaluer ses possibilités de réforme, il faut enfin faire une lecture attentive et nuancée du résultat des dernières élections. Certes, Joe Biden a été élu confortablement malgré les dénégations de Donald Trump. En revanche, il n’y a pas eu de « grande vague bleue » au Congrès. Les démocrates ont perdu des sièges à la Chambre de représentants, et la majorité au Sénat ne tient qu’à la voix de Kamala Harris. Tout projet de grande réforme du type Medicare for All tombera inévitablement sous le coup de la critique des républicains dénonçant alors la perspective de la mise en place d’une « médecine socialisée ». Thématique qui a permis aux Républicains de gagner des élections dans des États où ils n’étaient pas favoris dans les sondages, comme dans le Maine, la Caroline du Nord, l’Iowa et le Kansas entre autres. </p>
<p>De surcroît, pour lutter contre les effets de la Covid-19 le gouvernement a déjà – et projette encore – d’engager des sommes d’argent public importantes (1 900 milliards de dollars) qui feront gravement défaut pour le financement d’un passage au Medicare for All. Pour cette raison, il est fort probable que Biden fasse le choix de l’amélioration de l’ACA en introduisant des mesures via le vote d’une loi fiscale ou d’équilibre budgétaire que ne nécessite que la majorité relative au Sénat (50 voix).</p>
<p>Quant à la vice-présidente Kamala Harris, il y a fort à parier qu’elle laisse de côté ses convictions réformatrices sur l’assurance maladie pendant un temps. L’engagement d’une réforme de l’assurance maladie devant le Sénat en l’absence de 60 voix démocrates constitue un risque politique majeur à deux ans des élections de mi-mandat. Il y a certainement d’autres sujets comme le droit des minorités, la régularisation des 11 millions de sans-papiers ou encore de 700 000 « dreamers » (jeunes mineurs migrants nés sur le sol américain) que le président Trump n’a pas cessé de stigmatiser. Ces combats politiques, tout aussi symboliques que Medicare for All, sont aujourd’hui sûrement moins risqués pour la personnalité politique qui devrait incarner l’après-Biden au sein du parti démocrate.</p>
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<p><em>Ce Fact check a été réalisé avec Lydia Reynaud de l’École publique de journalisme de l’Université de Tours (EPJT).</em></p>
<p><em>La rubrique Fact check US a reçu le soutien de <a href="https://craignewmarkphilanthropies.org/">Craig Newmark Philanthropies</a>, une fondation américaine qui lutte contre la désinformation</em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/154134/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>De Kamala Harris à Bernie Sanders, des voix se sont élevées durant la campagne pour un système de santé plus universel. Qu’attendre de l’administration Biden ?William Genieys, Directeur de recherche CNRS au CEE, Sciences Po Larry Brown, Professeur invité au Laboratoire interdisciplinaire d'évaluation des politiques publiques (LIEPP), Sciences Po, Columbia UniversityLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1539022021-01-27T18:35:14Z2021-01-27T18:35:14ZFact check US : L’obstruction parlementaire, l’un des obstacles majeurs à venir pour Joe Biden ?<p>Le 6 janvier 2021, le Sénat américain a basculé à majorité démocrate avec l’obtention des deux sièges de l’État de Géorgie. Mais cette victoire ne protège pas le camp démocrate de l’usage par leurs opposants du « filibuster », processus d’obstruction législative dont il va être question ici. Les 51 voix du camp présidentiel, en comptant celle de la vice-présidente Kamala Harris, lui offrent en effet la majorité simple. C’est insuffisant pour contrer un filibuster, à savoir l’action d’un élu, appartenant à la minorité dans la plupart des cas, décidant de bloquer le processus d’adoption d’une loi par une prise de parole sans interruption. Il faut alors les voix de soixante sénateurs, sur les cent qui composent la chambre haute, afin de suspendre cette manœuvre.</p>
<p>Devant l’accroissement de l’usage du filibuster depuis les années 2000, les projets de loi sont peu nombreux à être actés et ce, quel que soit le président. Ainsi en 2009, l’administration Obama avait-elle abandonné toute tentative de faire adopter le Clean Energy and Security Act, visant à réduire les émissions de gaz à effet de serre, devant les obstacles sénatoriaux qu’elle anticipait et alors que le texte avait été adopté sans coup férir à la chambre basse (<a href="https://www.cnrseditions.fr/catalogue/sciences-politiques-et-sociologie/limpossible-presidence-imperiale/">nous y revenons en détail dans cet ouvrage</a>).</p>
<p>Cet état de fait a été <a href="https://www.nytimes.com/2020/12/08/us/politics/tom-udall-farewell-speech-senate.html">dénoncé par Tom Udall</a>, sénateur du Nouveau-Mexique lors de son discours de départ à la retraite le 8 décembre 2020. Il y qualifie le Sénat de « cimetière du progrès » et appuie sur « la réalité du filibuster [qui est] une paralysie, une profonde paralysie ». Ce phénomène de blocage est redouté par une partie des démocrates pour les quatre années à venir. Certains appellent donc Joe Biden à en finir avec le filibuster, à l’instar d’Harry Reid, ancien sénateur du Nevada, au micro d’Associated Press en octobre 2020 : « Le temps viendra où [Joe Biden] devra intervenir et se débarrasser du filibuster. » L’obstruction législative représente-t-elle bel et bien un obstacle pour Joe Biden et sa politique ? Ce dernier a-t-il la volonté de supprimer le filibuster et en a-t-il les pouvoirs en tant que président ? Légalement, il n’en a pas les moyens. En outre, il n’en montre pas la volonté.</p>
<h2>Courte histoire du filibuster</h2>
<p>Pour comprendre l’importance de l’obstruction législative, revenons sur sa genèse. Le filibuster est une spécificité du Sénat américain, qui n’a aucun équivalent ni dans une autre chambre, ni à l’étranger. Cette procédure, apparue de manière involontaire lors d’une réforme du Sénat, au début du XIX<sup>e</sup> siècle, permet à un sénateur de s’exprimer aussi longtemps qu’il le souhaite, sans être interrompu. </p>
<p>Légitimé comme un moyen de préservation de la parole des minorités, le filibuster donne son identité institutionnelle au Sénat. Chaque sénateur a ainsi l’impression d’être un homme ou une femme d’envergure car cela leur confère le pouvoir d’arrêter une loi, même si elle est soutenue par les 99 autres sénateurs. À l’issue du discours, il pourrait être envisageable de remettre le projet de loi sur la table. Toutefois, face à un blocage, le Sénat, débordé de travail et caractérisé par une culture du respect des prérogatives sénatoriales, préfère abandonner le projet de loi en cours et passer au suivant. Le filibuster fonctionne en cela comme un véritable veto sur une proposition législative.</p>
<h2>Que peut le président face à l’obstruction législative</h2>
<p>Face au filibuster, le président n’a, lui, aucun veto. En raison de la séparation des pouvoirs aux États-Unis, il ne peut agir sur les règlements intérieurs du Congrès. Ainsi, seuls les sénateurs peuvent modifier le filibuster. Joe Biden pourrait inciter Chuck Schumer, leader démocrate au Sénat, à se charger de cette procédure. Mais le président élu est un institutionnaliste. Après avoir passé 20 ans en tant que sénateur, il est <a href="https://www.nytimes.com/2021/01/23/us/politics/joe-biden-senate.html">attaché aux traditions</a> de cette chambre et se montre <a href="https://www.newsweek.com/video-joe-biden-saying-filibuster-about-compromise-moderation-resurfaces-1564276">peu favorable</a> à la suppression du filibuster. D’autant plus qu’il ne pourra pas se permettre de perdre son temps dans un débat procédural qui n’intéresse pas beaucoup les Américains, en dehors des spécialistes de la question. C’est pourquoi il s’occupera plutôt de mettre en avant son programme afin de le faire adopter par le Congrès.</p>
<p>Si une partie du camp Biden souhaite la suppression du filibuster, c’est qu’il y a toutes les chances que l’obstruction législative soit utilisée régulièrement en raison des équilibres au sein du 117<sup>e</sup> Congrès. Le Sénat va fonctionner avec autant de démocrates que de républicains. La vice-présidente devra voter à chaque fois pour donner la majorité aux démocrates. Alors en infériorité numérique, les républicains déclencheront un filibuster comme dernière arme de résistance. </p>
<p>Depuis les années 2000, la baisse du nombre de projets de loi devenus lois s’accroît, en même temps que la polarisation partisane s’affirme. <a href="https://www.americanprogress.org/issues/democracy/reports/2019/12/05/478199/impact-filibuster-federal-policymaking/">L’exception est presque que la loi soit adoptée</a>. Il est très difficile pour les deux partis de collaborer dans des projets communs. Totalement opposés en termes politiques, la plupart des républicains suivent une logique de refus absolu de la collaboration, ce qui compliquera le mandat de Joe Biden.</p>
<h2>Vers un dépassement du filibuster</h2>
<p>C’est en tout cas le constat qui pouvait être fait avant l’invasion du Capitole, le 6 janvier 2020. Depuis, le Parti républicain est en déconfiture. Même Mitch McConnell, leader du groupe au Sénat, a <a href="https://www.nytimes.com/2021/01/19/us/politics/mcconnell-trump-capitol-riot.html">pris ses distances avec Donald Trump</a>. Le sénateur pourrait se montrer bienveillant envers Joe Biden. En tant que démocrate centriste, le président élu va essayer de dépasser le clivage partisan, à l’instar de Barack Obama. Ce dernier s’était heurté au mur républicain, en vain. Aujourd’hui, devant l’éclatement des soutiens trumpistes, certains sénateurs républicains pourraient accepter la main tendue de Joe Biden, faisant naître l’espoir d’une volonté bipartisane et consensuelle. Cette politique de la main tendue ne se fait pas sans arrière-pensée. Joe Biden a conscience qu’il lui est impossible d’obtenir la super majorité à soixante voix par son propre parti.</p>
<p>Dans le cas où les républicains resteraient fermés à toute coopération avec la majorité présidentielle, les démocrates pourraient déclencher des moyens procéduraux pour les contrer, comme ils l’ont fait sous Barack Obama. En premier, ils disposent de la mesure dite de « réconciliation », utilisée pour faire adopter l’Obamacare en 2010. Elle permet de faire adopter toute loi qui a un impact sur le budget national par le vote d’une majorité simple au Sénat. En second, la manœuvre un peu brutale de l’« option nucléaire », souvent évoquée sous George W. Bush, offre la possibilité au chef de la majorité sénatoriale d’empêcher l’usage du filibuster pour un certain type de loi. </p>
<p>Une mesure similaire a été utilisée en 2013 afin d’abroger le filibuster pour les nominations institutionnelles, <a href="https://eu.usatoday.com/story/news/factcheck/2020/10/01/fact-check-gop-ended-senate-filibuster-supreme-court-nominees/3573369001/">sauf à la Cour suprême</a>. Puis en 2017, les républicains ont également recouru à cette version limitée de l’option nucléaire afin de supprimer le filibuster pour la nomination de Neil Gorsuch comme juge à la Cour suprême, sachant pertinemment qu’il serait le cas échéant utilisé par les Démocrates.</p>
<p>Au-delà de la question de l’adoption des mesures de Joe Biden, il faut noter que le filibuster entraîne un immobilisme patent de l’institution législative qui risque de faire de l’actuel Congrès l’un des moins productifs de l’histoire. Les sondages montrent à quel point l’institution est d’ailleurs détestée par les Américains, seulement 10 % se disent satisfaits du travail de leur Congrès.</p>
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<p><em>Ce Fact check a été réalisé avec Lucie Diat et Émilie Chesné de l’École publique de journalisme de l’Université de Tours (EPJT).</em></p>
<p><em>La rubrique Fact check US a reçu le soutien de <a href="https://craignewmarkphilanthropies.org/">Craig Newmark Philanthropies</a>, une fondation américaine qui lutte contre la désinformation</em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/153902/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>François Vergniolle de Chantal ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>L’usage immodéré du « filibuster », outil d’obstruction parlementaire, rend le Congrès américain inefficace. Est-ce, comme certains démocrates le craignent, l’un des obstacles majeurs face à Joe Biden ?François Vergniolle de Chantal, Professeur de civilisation américaine à l'Université de Paris (LARCA - CNRS/UMR 8225)., Université Paris CitéLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1533732021-01-15T13:14:49Z2021-01-15T13:14:49ZFact check US : La procédure d’impeachment à l’encontre de Trump peut-elle aboutir ?<p>Au lendemain de la <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2021/01/13/donald-trump-devient-le-premier-president-americain-a-faire-deux-fois-l-objet-d-une-procedure-de-destitution-apres-un-vote-historique-au-congres_6066173_3210.html">mise en accusation de Donald Trump pour incitation à l’insurrection</a> par la Chambre des représentants, le Sénat des États-Unis se trouve placé devant plusieurs dilemmes : s’il réussissait à le juger coupable <em>avant</em> la fin de son mandat officiel, le 20 janvier prochain, il le ferait au prix d’un procès ultra-expéditif qui alimenterait la rumeur de l’arbitraire. S’il proclamait la destitution <em>après</em> l’investiture de Joe Biden, ce serait au prix d’un sérieux ralentissement du contrôle des nominations de la nouvelle administration, et au prix, encore plus élevé, d’un temps exceptionnel pour la communication victimaire de Trump.</p>
<p>Dans un cas comme dans l’autre, le Sénat doit présenter pour le verdict final un front uni de deux tiers des cent sénateurs, ce qui signifie qu’au moins 17 Républicains devraient se joindre ouvertement aux Démocrates (il y a aujourd’hui 50 sénateurs démocrates et 50 sénateurs républicains). Ces derniers se sont hâtivement montrés confiants sur le ralliement des Républicains dans le cas de la Chambre, l’élu <a href="https://edition.cnn.com/2021/01/11/politics/house-democrats-impeachment-plans/index.html">David Cicilline déclarant</a> notamment qu’il s’attendait à « obtenir (leur) soutien » ; pourtant, le succès du deuxième impeachment au Sénat paraît en réalité assez peu probable.</p>
<h2>L’impossibilité d’un procès accéléré</h2>
<p>Alors que la Chambre des représentants s’est préparée à une vitesse record à mettre le président sortant en accusation, ce qui a été fait à travers une résolution adoptée par 232 voix contre 197 adoptée le mercredi 13 janvier, beaucoup de commentateurs considèrent qu’il sera <a href="https://www.francetvinfo.fr/monde/usa/presidentielle/donald-trump/etats-unis-tres-peu-de-chances-que-donald-trump-soit-destitue-avant-l-investiture-de-joe-biden_4253051.html">impossible de commencer et conclure le procès d’impeachment au Sénat avant la cérémonie d’inauguration</a>, en rappelant que rien n’empêche qu’elle ait lieu après, la certitude du procès étant en soi suffisamment infamante et son objectif final – l’inéligibilité – sauvegardé.</p>
<p>Le Sénat ne reprendra sa session que le 19 janvier, à la veille de l’investiture de Biden, et un procès sénatorial dure habituellement des semaines. Le manque de temps est donc un argument décisif. Or, pour le président Biden et le Sénat lui-même, un procès après le 20 janvier est un embarras. Il faudra, en effet, valider au plus vite la nomination des membres principaux de l’administration. Biden a bien proposé, en <a href="https://www.washingtonpost.com/politics/biden-trump-senate-impeachment/2021/01/11/22ff2c12-5427-11eb-a817-e5e7f8a406d6_story.html">marge de sa deuxième vaccination devant les caméras</a>, que le Sénat partage son temps, après le jour de l’investiture, à moitié pour le procès, à moitié pour l’examen des nominations. Mais chaque jour qui passera renforcera Trump dans son statut de héros « anti-système ». Plus le procès s’éternisera, plus ses <em>aficionados</em> et <em>desperados</em> se remobiliseront.</p>
<p>Un procès rapide devant le Sénat serait donc la meilleure solution. La Constitution ne l’interdit pas – pour autant, bien sûr, que la forme du procès soit respectée, et que les témoins et preuves flagrantes de l’incitation à l’insurrection soient présentés. Mais un procès court, même après le 20 janvier, signifierait que les éléments matériels et les auditions, en nombre et en temps limité, ne laissent aucun doute sur l’intentionnalité directe de Donald Trump dans le coup de force.</p>
<p>Hugh Hewitt, du <em>Washington Post</em>, considère qu’une telle rapidité <a href="https://www.washingtonpost.com/opinions/2021/01/08/fast-track-trump-impeachment-pointless-revenge/">serait hautement préjudiciable</a> et n’exprimerait qu’une rétorsion punitive. Elle provoquerait un ressentiment encore plus grave et peut-être indélébile dans une partie de la population.</p>
<h2>L’improbabilité d’un quorum suffisant</h2>
<p>Pour le précédent, pour l’histoire, pour l’exemple, Donald Trump doit être jugé coupable d’incitation à l’insurrection par le Sénat, même si visiblement le calendrier s’y prête mal. Le Sénat a été profondément atteint par l’incitation présidentielle à l’insurrection, en tant que deuxième poumon de l’institution du Congrès. Le quatrième président des États-Unis, James Madison, estimait, dans sa description de la séparation et de l’équilibre des pouvoirs (<em>checks and balances</em>), (<a href="https://www.gradesaver.com/the-federalist-papers/study-guide/summary-essay-50">essai n° 50 des <em>Federalist Papers</em></a>), que l’ambition des élus est compensée par l’importance de leur propre pouvoir. Les intérêts des Sénateurs sont liés à ceux de l’institution qu’ils représentent. L’empiètement et le piétinement du Congrès, physiquement et symboliquement, ont été une atteinte suffisamment évidente qu’elle exige sa réactivité.</p>
<p>Mais il n’y a, à l’heure actuelle, aucune certitude sur le nombre de sénateurs républicains susceptibles de se prononcer pour <em>l’impeachment</em>, lequel nécessite comme on l’a dit un verdict à deux tiers des voix. Au moment de la certification, avant l’assaut sur le Capitole, ils étaient 18 à vouloir poser des objections à la reconnaissance de la victoire de Biden en Arizona et en Pennsylvanie ; leur nombre est tombé à 8 après l’assaut. Mais à la Chambre, ce sont <a href="https://www.washingtonpost.com/graphics/2021/politics/congress-electoral-college-count-tracker/">139 représentants républicains</a>, soit les deux tiers d’entre eux, dont les leaders du groupe Kevin McCarthy (Californie) et Steve Scalise (Louisiane), qui ont finalement objecté. Et le 13 janvier, les <a href="https://www.pbs.org/newshour/politics/10-house-republicans-voted-to-impeach-trump-heres-what-they-said">Républicains de la Chambre n’ont été qu’une petite dizaine à se joindre à la mise en accusation</a> de Donald Trump, ce qui veut dire que 84 % ont voté contre.</p>
<p>Où trouver, alors, les 17 élus républicains prêts à voter le verdict de culpabilité au Sénat ? Les Républicains, nous l’avons dit, forment aujourd’hui la moitié exacte du Sénat (sur un total de 100 membres), si l’on décompte la voix complémentaire de la vice-présidente qui donne la majorité aux Démocrates. Un seul Républicain a voté en conscience le <a href="https://eu.usatoday.com/story/news/politics/2020/02/05/senate-impeachment-trial-mitt-romney-votes-remove-president-trump/4669734002/">premier <em>impeachment</em> du président en février dernier</a> : Mitt Romney (Utah), ex-adversaire républicain de Barack Obama à la présidentielle de 2012. Romney a été le <a href="https://thehill.com/homenews/senate/532955-romney-trump-caused-this-insurrection">premier, cette fois-ci encore</a>, à déclarer Trump responsable du coup de force et à prendre position pour l’<em>impeachment</em>.</p>
<p>D’autres sénateurs républicains se sont manifestés pour demander sa démission immédiate : les sénatrices Lisa Murkowski (Alaska), Susan Collins (Maine), Liz Cheney (Wyoming), les sénateurs Patrick J. Toomey (Pennsylvanie), Ben Sasse (Nebraska) et Roy Blunt (Missouri). Deux solides soutiens de Trump semblent avoir jeté l’éponge après les événements du 6 janvier : <a href="https://edition.cnn.com/videos/politics/2021/01/07/lindsey-graham-capitol-certification-sot-vpx.cnn">Lindsay Graham (Caroline du Sud)</a>, le fameux sénateur qui a déclaré « trop c’est trop ! » – mais on l’a vu <a href="https://www.forbes.com/sites/andrewsolender/2021/01/12/lindsey-graham-travels-with-trump-to-texas-a-week-after-renouncing-him/">accompagner le président dans l’Air Force One</a> pour son déplacement au Texas quelques jours plus tard –, et surtout Mitch McConnell (Kentucky), chef du groupe républicain au Sénat, qui avait refusé en décembre d’être dans le camp des objecteurs et <a href="https://www.youtube.com/watch?v=6PdjAuzszSc">a tenu le cap de la certification au 6-7 janvier</a>.</p>
<p>McConnell serait favorable à la procédure, selon les dires de son entourage à la presse. Mais lui-même a habilement noyé le poisson dans sa déclaration publique et <a href="https://edition.cnn.com/2021/01/12/politics/mcconnell-impeachment-trump-capitol-riot/index.html">n’a pas dit qu’il voterait la culpabilité</a>. Au total, ce sont donc 8 sénateurs potentiels qui pourraient voter cette culpabilité, dont 5 qui pourraient aussi quitter le groupe républicain et devenir indépendants.</p>
<p>C’est autant que les 8 autres qui ont au contraire dédouané Trump, des <a href="https://www.nytimes.com/2021/01/07/opinion/trump-consequences-republicans.html">élus en outre pointés du doigt</a> pour avoir relayé sans relâche le mensonge de la fraude électorale, pensant avoir derrière eux un potentiel de quelque 70 millions d’électeurs : le fort cynique Ted Cruz (Texas), le fort radical Josh Hawley (Missouri), et 6 autres de leur acabit, Rick Scott (Floride), John Neely Kennedy (Louisiane), Tommy Tuberville (Alabama), Cindy Hyde-Smith (Mississippi), Cynthia Lummis (Wyoming) et Roger Marshall (Kansas). Lequel de ces deux groupes incarne le mieux l’intime conviction d’une majorité de sénateurs républicains ? Sans doute le second, surtout si l’on considère qu’une vingtaine de sénateurs républicains doit être renouvelée en 2022.</p>
<p>Dans de telles conditions, les négociations nécessaires pour obtenir des Républicains du Sénat la dizaine de voix manquantes, indispensables au verdict de culpabilité (si l’on estime celles des 8 « opposants » à Trump comme acquises), risquent d’être fastidieuses, voire infructueuses.</p>
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<p><em>La rubrique Fact check US a reçu le soutien de <a href="https://craignewmarkphilanthropies.org/">Craig Newmark Philanthropies</a>, une fondation américaine qui lutte contre la désinformation</em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/153373/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Blandine Chelini-Pont ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Une seconde procédure de destitution de Donald Trump vient d’être déclenchée. Si les démocrates sont partis confiants, son succès est en réalité compromis par la posture des élus républicains.Blandine Chelini-Pont, Professeur des Universités en histoire contemporaine, Aix-Marseille Université (AMU)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1527102021-01-12T19:45:58Z2021-01-12T19:45:58ZFact check US : Les Américains se sont-ils vraiment enrichis depuis le début de la crise sanitaire ?<p>« À propos de ceux qui ont passé une année plutôt réussie », tel était le titre d’un <a href="https://www.nytimes.com/2020/12/14/opinion/sunday/the-people-who-actually-had-a-pretty-great-year.html">article d’opinion</a> publié dans le <em>New York Times</em>, en décembre dernier, dédié aux Américains n’ayant pas été impactés voire s’étant enrichis depuis le début de la crise sanitaire. De quoi nourrir la réflexion sur l’impact de la Covid-19 sur l’économie américaine. Quels sont ses effets à ce jour et se sont-ils vraiment avérés indolores pour toute une partie de la population ?</p>
<p>Il faut d’abord rappeler qu’à chaque nouvelle crise, les économistes <a href="https://www.bbc.com/news/business-52450854">réapprennent leur alphabet</a> en débattant de la forme qu’une reprise éventuelle pourrait prendre. La crise sanitaire aux États-Unis n’a pas échappé à la règle. Comme toujours, les plus optimistes <a href="https://www.reuters.com/article/us-health-coronavirus-usa-economy-idUSKBN2402TF">rêvaient</a> (et <a href="https://www.cnbc.com/2020/12/06/record-highs-are-justified-because-economy-will-boom-ed-yardeni.html">rêvent</a> encore) d’une reprise en « V », avec un rebond aussi rapide que la récession. D’autres <a href="https://www.cnbc.com/2020/07/17/rising-coronavirus-infections-risk-a-w-shaped-recovery-economists-warn.html">craignaient</a> que les possibles confinements à répétition aient pour effet une reprise en « W », avec des perspectives économiques pouvant s’améliorer avant de s’assombrir quand l’épidémie imposait de nouvelles restrictions.</p>
<p>D’autres encore mettaient l’accent sur les effets structurels durables de cette crise qui pourrait détruire le tissu économique américain dans la mesure où les petites et moyennes entreprises auraient du mal à se relever des confinements successifs. <a href="https://www.wsj.com/articles/why-the-economic-recovery-will-be-more-of-a-swoosh-than-v-shaped-11589203608">La reprise serait alors autrement plus longue</a> et exigerait des efforts de transformation de l’économie dans la durée. Ce scénario d’une reprise en « U », voire d’une reprise en « swoosh » – un rebond encore plus lent que celui en « U ». (Il est d’ailleurs remarquable que le scénario en « swoosh » ne corresponde plus à une lettre, mais au logo d’une grande marque de sport – suggérant ainsi que la complexité de cette crise ne peut plus se résumer à un élément de l’alphabet). Les plus pessimistes, eux, <a href="https://www.cnbc.com/2020/10/28/insana-likelihood-growing-for-an-l-shaped-economy-with-no-growth.html">pariaient</a> sur le « L », anticipant une stagnation durable de l’économie à l’image de ce que le Japon a pu connaître dans les années 1990, la « décennie perdue ».</p>
<h2>Des réalités américaines plurielles et le risque d’une reprise en « K »</h2>
<p>Dans les faits, l’espoir d’une reprise en « V » de l’économie américaine s’amenuise. Malgré l’amélioration des perspectives au troisième trimestre de 2020, la création d’emplois aux États-Unis <a href="https://www.nytimes.com/issue/todayspaper/2020/12/05/todays-new-york-times">s’est nettement ralentie à la fin de l’année</a>. Plus de 10 millions d’emplois détruits l’ont peut-être été de manière définitive. L’idée selon laquelle le rebond après cette crise serait rapide puisqu’elle était le résultat d’une volonté politique de fermer l’économie pour protéger la population de la pandémie, et non le résultat de fondamentaux économiques défaillants, reste encore à démontrer.</p>
<p>L’hypothèse d’une reprise en « swoosh » serait alors d’autant plus crédible. Pour autant, elle ne permet pas de comprendre pourquoi tant d’observateurs et d’acteurs économiques américains semblent penser qu’une large partie de la population et des secteurs économiques se portent bien.</p>
<p>Il existe en effet <a href="https://www.uschamber.com/series/above-the-fold/what-the-k-shaped-recovery">un contraste remarquable</a> entre les secteurs économiques qui ont subi de plein fouet les effets de la pandémie et des confinements, comme l’industrie du transport aérien, le tourisme, la restauration et l’hôtellerie, et les secteurs qui avaient déjà entamé leur adaptation aux exigences de la quatrième révolution industrielle et de la digitalisation, comme le secteur des nouvelles technologies et une partie du retail. <a href="https://www.wsj.com/articles/the-covid-economy-carves-deep-divide-between-haves-and-have-nots-11601910595">D’autres secteurs comme le bricolage ou la décoration ou la restauration en ligne</a> et, plus généralement, qui se concentrent sur le bien-être à la maison ont aussi connu un essor notable. Les Américains qui pouvaient continuer de consommer lors de la crise ont fait vivre et prospérer la deuxième catégorie sans jamais pouvoir bénéficier des services de la première, renforçant ainsi ce contraste.</p>
<p>De même, il existe un contraste frappant entre les Américains qui ont pu bénéficier de <a href="https://www.visualcapitalist.com/how-every-asset-class-currency-and-sp-500-sector-performed-in-2020/">la performance spectaculaire des marchés financiers</a> en pleine pandémie (grâce aux valeurs technologiques notamment qui, justement, ont su tirer leur épingle du jeu lors du confinement) ou qui ont pu conserver ou retrouver un emploi rapidement à la fin du printemps, à la faveur de la réouverture des économies locales, et ceux qui dépendaient de secteurs économiques laminés par la crise sanitaire. Ceux-là sont souvent <a href="https://www.wsj.com/articles/the-covid-economy-carves-deep-divide-between-haves-and-have-nots-11601910595">issus</a> de catégories défavorisées de la population ou des minorités, et n’ont souvent ni les diplômes ni les compétences adéquates pour surfer sur la vague de la reprise ou se réinventer une identité professionnelle. </p>
<p>Il faut d’ailleurs noter que depuis l’été, <a href="https://www.washingtonpost.com/business/2020/12/16/poverty-rising/">8 millions d’Américains ont sombré dans la pauvreté</a> et <a href="https://www.washingtonpost.com/business/2020/12/07/unemployed-debt-rent-utilities/">12 millions de locataires</a> ont accumulé une dette vis-à-vis de leurs propriétaires qui dépasse 5 000 dollars. Le rebond de la création d’emplois, <a href="https://www.nytimes.com/issue/todayspaper/2020/12/05/todays-new-york-times">effectif mais inachevé</a>, prend une toute autre dimension dans la mesure où il rappelle que toute une partie du marché du travail risque d’être transformée par cette pandémie. Le niveau d’exigence de cet effort de transformation ne sera pas le même selon que l’on parle de secteurs affectés durablement ou non par la pandémie.</p>
<p>Force est de constater, d’ailleurs, que ce ne sont pas uniquement les Américains les plus riches ou des classes moyennes supérieures qui ont su tirer leur épingle du jeu. Ce sont aussi les Américains qui, bénéficiant de la transformation de l’organisation du travail et des entreprises, ont pu <a href="https://www.nytimes.com/2020/12/14/opinion/sunday/the-people-who-actually-had-a-pretty-great-year.html">s’installer</a> dans d’autres villes du pays où le coût de la vie (notamment en matière de logement) est plus bas. Cette transformation de l’organisation du travail et des entreprises n’a pas eu lieu partout. Elle est le fait d’activités dans lesquelles le travail à distance est possible et dans des secteurs dans lesquels les entreprises et la force de travail se sont déjà adaptées aux nouveaux outils de la digitalisation par exemple.</p>
<p>Les <a href="https://www.axios.com/coronavirus-recession-stocks-housing-unemployment-1e26bba5-f800-4ff6-a615-7cfeb751ae81.html">inégalités de destins professionnels</a> au lendemain de cette crise sont flagrantes. La crise sanitaire n’est qu’en partie responsable, puisque les secteurs et les populations qui se portent le mieux avaient déjà entamé leur transformation avant la crise. Mais cette crise sanitaire a tout de même accentué ces différences entre certains secteurs et catégories de la population. C’est pourquoi une nouvelle lettre s’est invitée dans le débat portant sur la forme que prendra la prise : le « K » avec une partie de l’économie qui saura s’adapter, voire prospérer, même en période de crise, alors qu’une autre partie de l’économie risque de connaître des difficultés continues.</p>
<p>À l’image d’un pays politiquement divisé, l’économie américaine fait face au risque de polarisation croissante entre ces deux catégories de secteurs et de personnes.</p>
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<p><em>La rubrique Fact check US a reçu le soutien de <a href="https://craignewmarkphilanthropies.org/">Craig Newmark Philanthropies</a>, une fondation américaine qui lutte contre la désinformation</em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/152710/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jeremy Ghez ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Des gains boursiers, des secteurs économiques florissants… La crise sanitaire n’impacte pas négativement tous les Américains. Quelle part de population tire réellement son épingle du jeu ?Jeremy Ghez, Professor of Economics and International Affairs, HEC Paris Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1525392020-12-28T18:56:57Z2020-12-28T18:56:57ZFact check US : L’élection sénatoriale en Géorgie va-t-elle déterminer la présidence Biden ?<p>Toute l'Amérique a les yeux tournés vers la Géorgie. Ce week end, le <a href="https://www.washingtonpost.com/"><em>Washington Post</em></a> a révélé que Donald Trump avait tenté de faire pression sur le secrétaire d’État Brad Raffensperger afin de modifier le résultat du scrutin du 3 novembre 2020 et de lui «trouver 11 780 voix». L'affaire fait scandale Outre-Atlantique. </p>
<p>Et ce mardi 5 janvier, des élections décisives ont donc lieu en Géorgie. Elles détermineront la majorité au Sénat pour les années à venir. Si la victoire de Joe Biden et de Kamala Harris est actée au scrutin présidentiel et si les démocrates sont assurés de garder leur majorité à la Chambre des représentants, la bataille n'est en effet pas tout à fait terminée au Sénat. </p>
<p>Lors des élections de novembre, sur les 100 sièges de sénateurs, les républicains en ont remporté 50 et les démocrates 48, deux sièges de l’État de Géorgie restant à pourvoir. Cette situation, pour le moins inhabituelle, vient du fait qu’aucun candidat en Géorgie n’avait obtenu plus de 50 % des voix. La loi électorale géorgienne, <a href="https://theconversation.com/a-brief-history-of-georgias-runoff-voting-and-its-racist-roots-150356">legs de la résistance à la déségrégation</a> des années 1960, prévoit un second tour avec les deux candidats en tête dans chaque course.</p>
<p>Dans l’hypothèse où les démocrates gagnent ces deux sièges au Sénat, ils atteindront alors l’égalité des voix (50). Mais ils auront effectivement la majorité, puisqu’en cas d’égalité des votes, le vice-président, en la personne de Kamala D. Harris, a le droit de vote.</p>
<p>L’enjeu est donc de taille. Mais cette élection peut-elle, à elle seule, également déterminer la capacité de Joe Biden et des démocrates à gouverner ?</p>
<p>C’est l’impression que donne la couverture médiatique de ce nouveau scrutin. Le <a href="https://www.nytimes.com/2020/12/20/us/politics/georgia-senate-runoffs-ads.html"><em>New York Times</em></a> la qualifie ainsi d’« élection spéciale la plus exceptionnelle de l’histoire de l’Amérique ». La réalité est plus complexe et nuancée : le fonctionnement institutionnel des États-Unis laisse une marge de manœuvre, certes étroite mais réelle, au président, avec ou sans majorité parlementaire, et donne un rôle non négligeable à la minorité au Sénat.</p>
<p>Pour le comprendre, il faut regarder de plus près le pouvoir très particulier du Sénat américain. La Constitution américaine, basée sur le principe de la séparation des pouvoirs, définit un système fédéraliste de freins et contrepoids qui donne au Sénat un rôle majeur. En plus de sa fonction législative, il a ainsi le pouvoir de donner (ou non) son « consentement » aux nominations par le président des membres de son cabinet (postes ministériels, secrétaires adjoints, ou sous-secrétaires) ou des juges fédéraux (<a href="https://www.senate.gov/reference/reference_index_subjects/Judicial_Branch_vrd.htm">à la Cour suprême, dans les cours d’appel et dans les tribunaux de district</a>.)</p>
<h2>La confirmation des candidats aux postes ministériels</h2>
<p>Historiquement, les candidats aux postes les plus importants de la branche exécutive du gouvernement fédéral, du cabinet ou de la haute administration sont très majoritairement approuvés par le Sénat au début du premier mandat d’un président, avec un <a href="https://www.politifact.com/article/2020/dec/14/how-hard-will-it-be-joe-biden-get-his-cabinet-conf/">taux de confirmation de 95 % au cours des 28 dernières années</a>. Il y a, toutefois, peu de précédents historiques à un premier mandat présidentiel avec un Sénat dominé par l’autre parti. Pour cela, il faut remonter à 1989 avec l’élection de George H. Bush où, pour la première fois, un <a href="https://www.senate.gov/artandhistory/history/common/briefing/Nominations.htm">candidat au cabinet d’un futur président a été rejeté</a>. Or nous sommes, désormais, dans un contexte hyperpartisan.</p>
<p>D’ores et déjà, certains républicains ont exprimé leur <a href="https://www.npr.org/sections/biden-transition-updates/2020/12/03/941597232/why-biden-budget-pick-neera-tanden-already-faces-republican-opposition">opposition à certaines nominations</a>. Cependant, un simple vote majoritaire suffit à confirmer un candidat et le chef des républicains, Mitch McConnell, a envoyé <a href="https://www.politico.com/news/2020/12/22/mitch-mcconnell-biden-cabinet-nominees-449805">quelques signaux positifs</a>. On peut penser que même s’ils conservent le contrôle du Sénat, la plupart des sénateurs républicains ne s’opposeront qu’aux candidats qu’ils jugent réellement répréhensibles. Et, dans le pire des scénarios, Joe Biden pourrait éventuellement suivre l’exemple de Donald Trump et installer des membres de cabinet « intérimaires » (<em>acting secretaries</em>) qui n’ont pas besoin de confirmation.</p>
<h2>La confirmation des juges</h2>
<p>En revanche, un Sénat majoritairement républicain réduirait considérablement la marge de manœuvre pour la confirmation des juges. Au mieux, quelques juges modérés dans les tribunaux inférieurs pourraient alors être nommés. Cela ne permettrait donc pas de contrebalancer les nombreuses <a href="https://projects.propublica.org/trump-young-judges/">nominations de juges</a> effectuées par Donald Trump (près d’un <a href="https://www.pewresearch.org/fact-tank/2020/07/15/how-trump-compares-with-other-recent-presidents-in-appointing-federal-judges/">quart de tous les juges fédéraux en activité</a> et trois juges à la Cour suprême), souvent <a href="https://www.ft.com/content/032b3101-9b8b-4566-ace4-67b86f42370b">jeunes et très conservateurs</a>. Or le système de freins et contrepoids confère un grand pouvoir aux tribunaux fédéraux et à la Cour suprême.</p>
<p>Ainsi, quelle que soit la majorité au Sénat, la capacité des démocrates à mettre en œuvre des lois dans certains domaines (réglementation électorale, contrôle des armes à feu, extension des soins de santé, changement climatique, voire les mesures sanitaires contre le <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1752506/etats-unis-liberte-culte-juge-barrett-andrew-cuomo">coronavirus</a>), risque d’être sérieusement contrainte par ces juges conservateurs. Même avec une majorité démocrate au Sénat, les démocrates seront limités dans leur capacité de nomination de juges par le fait même qu’il y a beaucoup moins de postes de juges vacants.</p>
<p>Par ailleurs, une <a href="https://www.politico.com/news/2020/10/22/joe-biden-court-packing-judicial-reforms-commission-431157">réforme judiciaire d’ampleur</a> est peu susceptible de voir le jour faute, pour le président, d’un soutien de démocrates centristes, <a href="https://www.rollcall.com/2020/11/09/joe-manchin-kills-dreams-of-expanding-supreme-court-eliminating-the-filibuster/">comme Joe Manchin</a>, qui n’y seront pas favorables. Et, bien évidemment, si le contrôle du Sénat revient aux républicains, aucune réforme ne saurait être envisagée.</p>
<h2>Gouverner avec un Sénat du même bord politique</h2>
<p>Du point de vue législatif, une simple majorité de 51 voix suffit, en théorie, pour faire adopter une loi par le Sénat et le chef de la majorité a le pouvoir de décider si la Chambre se saisit d'une question ou d'un projet de loi. En réalité, en dehors de quelques législations spécifiques liées aux règles budgétaires, tout sénateur peut bloquer une loi en faisant de l’obstruction (<a href="https://www.senate.gov/artandhistory/history/common/briefing/Filibuster_Cloture.htm"><em>filibuster</em></a>). Il faut alors un vote de motion dit de « clôture » avec une super majorité de 60 voix pour lever cette obstruction, une procédure <a href="https://www.brookings.edu/policy2020/votervital/what-is-the-senate-filibuster-and-what-would-it-take-to-eliminate-it/">largement utilisée dans les dernières décennies</a>.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/376612/original/file-20201224-57963-19jge75.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/376612/original/file-20201224-57963-19jge75.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/376612/original/file-20201224-57963-19jge75.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=516&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/376612/original/file-20201224-57963-19jge75.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=516&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/376612/original/file-20201224-57963-19jge75.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=516&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/376612/original/file-20201224-57963-19jge75.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=648&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/376612/original/file-20201224-57963-19jge75.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=648&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/376612/original/file-20201224-57963-19jge75.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=648&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">La forte augmentation des méthodes d’obstruction parlementaire, empêchant le passage de lois au Sénat.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Brookings Institution</span></span>
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<p>Les règles procédurales du Sénat peuvent être modifiées par une majorité simple, comme en <a href="https://www.cairn.info/revue-civitas-europa-2017-2-page-235.htm">2013 et 2017</a>. Mais, avec un président démocrate, les républicains n’auront aucun intérêt à la faire et certains sénateurs démocrates plus conservateurs, tels que le sénateur <a href="https://www.nytimes.com/2020/11/30/us/politics/joe-manchin-interview.html">Joe Manchin</a>, ont déjà annoncé leur opposition à un vote mettant fin à l’obstruction parlementaire, même en cas de majorité démocrate.</p>
<p>Quelle que soit la majorité au Sénat, l’ambition affichée des démocrates pendant la campagne devra donc être revue à la baisse. Ils devront tenir compte d’un certain nombre de membres conservateurs dans leur propre camp, comme <a href="https://en.wikipedia.org/wiki/Joe_Manchin">Joe Manchin</a> ou la sénatrice <a href="https://en.wikipedia.org/wiki/Kyrsten_Sinema">Kyrsten Sinema</a>. D’un autre côté, ce sont ces mêmes sénateurs qui seront plus à même de coopérer avec les républicains les plus modérés. Le système législatif américain fait qu’en réalité très peu de lois sont adoptées sans le soutien des deux partis. <a href="https://press.uchicago.edu/ucp/books/book/chicago/L/bo51795068.html">L’analyse de deux chercheurs américains</a> en sciences politiques, James M. Curry and Frances E. Lee, remet en cause l’idée reçue selon laquelle une <a href="https://www.nytimes.com/2020/11/18/opinion/joe-biden-mitch-mcconnell-congress.html">majorité au Sénat est cruciale pour gouverner</a>.</p>
<h2>Le duo Mitch et Joe</h2>
<p>Comme souvent en politique, les relations interpersonnelles jouent un rôle majeur. La longue et bonne relation, <a href="https://www.npr.org/2020/11/08/932744275/how-biden-and-mcconnell-will-work-together">souvent qualifiée d’amitié</a>, qu’entretiennent Joe Biden et Mitch McConnell, est de bon augure pour que des compromis aient lieu sur un certain nombre de sujets, comme l’immigration (sur la <a href="https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2018/01/11/comprendre-la-situation-des-dreamers-jeunes-immigres-aux-etats-unis_5240502_4355770.html">régularisation des Dreamers</a> notamment). Mais il ne faut pas oublier que McConnell est déterminé à maintenir l’influence des républicains : il sera d’autant plus enclin à faire des compromis s’il ne contrôle pas le Sénat et n'a pas la majorité dans les puissantes commissions sénatoriales.</p>
<p>Tout ce que nous avons évoqué ici pourrait être suspendu au pouvoir de nuisance de Donald Trump. Si, en général, les présidents perdent rapidement leur influence lorsqu’ils quittent leurs fonctions, Trump est atypique. Il est impossible de savoir ce qu’il en sera après le 20 janvier, surtout s’il laisse planer l’idée qu’il se représentera en 2024 (et ce même s’il y a peu de chances qu’il se concentre sur les procédures législatives).</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/376667/original/file-20201228-15-svztqu.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/376667/original/file-20201228-15-svztqu.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/376667/original/file-20201228-15-svztqu.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=324&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/376667/original/file-20201228-15-svztqu.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=324&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/376667/original/file-20201228-15-svztqu.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=324&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/376667/original/file-20201228-15-svztqu.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=407&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/376667/original/file-20201228-15-svztqu.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=407&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/376667/original/file-20201228-15-svztqu.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=407&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<p>Les élections du 5 janvier en Géorgie seront un premier test : gagner les deux sièges dans cet État, qui demeure <a href="https://www.washingtonpost.com/politics/interactive/2020/georgia-senate-runoff-guide/">conservateur malgré une démographie changeante</a>, est un défi pour les démocrates mais pas impossible à atteindre. En effet, les fausses affirmations de Trump selon lesquelles l’élection a été truquée pourraient <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2020/12/14/etats-unis-comprendre-les-elections-en-georgie-qui-pourraient-faire-basculer-le-senat_6063273_3210.html">dissuader certains républicains de voter</a>, et ce d’autant qu’il tire à boulets rouges sur le gouverneur et le secrétaire d’État de Géorgie, tous deux républicains.</p>
<p>Mais Donald Trump est avant tout focalisé sur la confirmation officielle du résultat des élections du Collège électoral par les deux chambres du Congrès le 6 janvier, jusqu’ici une simple formalité. Si l’élection est contestée par des membres des deux Chambres, il faut en effet procéder à un nouveau vote dans chacune d’entre elles. Et c'est la voie que semblent vouloir emprunter certains élus républicains : quelques dizaines de représentants (jusqu’à <a href="https://edition.cnn.com/2020/12/31/politics/electoral-college-house-republicans/index.html">140 selon CNN</a>) et <a href="https://www.washingtonpost.com/politics/senators-challenge-election/2021/01/02/81a4e5c4-4c7d-11eb-a9d9-1e3ec4a928b9_story.html">une douzaine de sénateurs, dont les très ambitieux Ted Cruz et Josh Hawley</a>. Ils n’auront pas la majorité pour remettre en cause le résultat final. Mais ce vote forcera chaque élu républicain à se positionner. Cela pourrait diviser et affaiblir le parti, ce que ne voulait pas McConnell.</p>
<p>Pour Donald Trump, c’est un véritable <a href="https://www.nytimes.com/2020/12/13/us/politics/trump-allies-election-overturn-congress-pence.html">test de loyauté</a>, y compris pour son vice-président <a href="https://www.nytimes.com/2021/01/02/us/politics/gop-senators-josh-hawley-election.html">Mike Pence</a> qui doit faire l’annonce officielle des résultats de chaque État. Le président n’hésite pas à menacer publiquement de <a href="https://twitter.com/realDonaldTrump/status/1341547750710800385">mettre fin à la carrière politique</a> des membres de son parti qui ont déjà reconnu le résultat de l’élection présidentielle, en leur opposant d’autres candidats aux prochaines primaires en 2022. Il <a href="https://twitter.com/realDonaldTrump/status/1340185773220515840?ref_src=twsrc%5Etfw%7Ctwcamp%5Etweetembed%7Ctwterm%5E1340185773220515840%7Ctwgr%5E%7Ctwcon%5Es1_&ref_url=https%3A%2F%2Fwww.thetrumparchive.com%2F%3Fsearchbox%3D22wild22">en appelle même à la rue</a>, en demandant à ses partisans de venir manifester à Washington DC. Certains groupes extrémistes, comme <a href="https://www.washingtonpost.com/local/for-dc-protests-proud-boys-settle-in-at-citys-oldest-hotel-and-its-bar/2020/12/27/0eb6afcc-3fb0-11eb-8bc0-ae155bee4aff_story.html">les Proud Boys</a>, ont promis d’être présents et d’aucuns <a href="https://www.washingtonpost.com/local/washington-dc-protests/2021/01/01/da743c20-4a68-11eb-839a-cf4ba7b7c48c_story.html">craignent des violences</a>. Reste à savoir si les républicains se déplaceront en masse.</p>
<p>La difficulté principale pour Joe Biden pourrait ne pas venir de la couleur de la majorité au Sénat, mais plutôt de la remise en cause du processus démocratique par le président sortant. Une bonne partie des américains verront l’administration Biden comme illégitime : <a href="https://www.npr.org/2020/12/09/944385798/poll-just-a-quarter-of-republicans-accept-election-outcome">trois quarts des républicains, soit 60 millions d’Américains</a>, continuent de croire que les élections ont été truquées ou leur ont été volées.</p>
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<p><em>La rubrique Fact check US a reçu le soutien de <a href="https://craignewmarkphilanthropies.org/">Craig Newmark Philanthropies</a>, une fondation américaine qui lutte contre la désinformation</em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/152539/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jérôme Viala-Gaudefroy ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>On lit souvent que la capacité de Joe Biden à gouverner dépendra de l’issue de la double élection à venir en Géorgie, qui déterminera la couleur politique du Sénat. La réalité est plus nuancée.Jérôme Viala-Gaudefroy, Assistant lecturer, CY Cergy Paris UniversitéLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1524992020-12-27T22:39:01Z2020-12-27T22:39:01ZFact check US : Donald Trump a-t-il apaisé les tensions avec la Corée du Nord ?<p>Au cours de la campagne présidentielle, Donald Trump a affirmé que le président Obama lui avait laissé une situation très dangereuse avec la Corée du Nord qui <a href="https://time.com/5903268/donald-trump-north-korea-missiles-debates/">aurait même pu conduire à une guerre</a>. Selon ses dires, lui aurait au contraire contribué durant son mandat à apaiser les tensions entre les États-Unis et le régime nord-coréen en raison des relations personnelles qu’il a su créer avec son jeune dirigeant, Kim Jong‑un. Dès 2018, Donald Trump s’était d’ailleurs vanté sur Twitter d’avoir <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2018/06/13/washington-espere-desarmer-la-coree-du-nord-avant-la-fin-du-mandat-de-donald-trump_5314452_3210.html">réglé le problème</a>. À l’issue de sa première entrevue avec son homologue nord-coréen à Singapour, il déclarait en effet sur le réseau social :</p>
<blockquote>
<p>« Le président Obama disait que la Corée du Nord était notre plus gros et plus dangereux problème. Ce n’est plus le cas – dormez bien ce soir ! »</p>
</blockquote>
<p>Toutefois, si on peut admettre que Donald Trump a évité une crise majeure avec la Corée du Nord, il n’a pas su empêcher que celle-ci développe ses capacités nucléaires et balistiques et s’affirme, de fait, comme la cinquième puissance nucléaire du continent asiatique, après la Chine, la Russie, l’Inde et le Pakistan.</p>
<h2>Donald Trump, paradoxal « faiseur de paix » sur une péninsule nucléarisée</h2>
<p>Comme souvent s’agissant de Donald Trump, il y a une part de véracité dans ses déclarations. La situation lui permet de se positionner à son avantage, comme un pacificateur, et même de songer à recevoir un prix Nobel comme le président Obama avant lui. En 2019, il n’hésitait pas à faire mention des <a href="https://www.theguardian.com/us-news/2019/feb/15/trump-shinzo-abe-nominated-me-nobel-peace-prize">propositions de nomination</a> qu’auraient formulées en sa faveur le premier ministre japonais d’alors, Shinzo Abe, suivi par le président sud-coréen Moon Jae-in. Ceux-ci saluaient ainsi l’initiative, il est vrai courageuse et inattendue, d’un dialogue direct avec Kim Jong‑un et de rencontres « au sommet ». La rencontre de Singapour entre les deux dirigeants en juin 2018 avait en effet marqué les esprits par son caractère spectaculaire et prometteur. Elle mettait notamment fin à une <a href="https://theconversation.com/coree-du-nord-etats-unis-mettre-fin-a-la-diplomatie-des-extremes-82843">escalade verbale déclenchée à l’été 2017</a>, lorsque Donald Trump avait menacé de déchaîner « le feu et la fureur » et que son état-major n’écartait pas une option militaire contre la Corée du Nord.</p>
<p>Pour autant, la diplomatie « des sommets », aussi novatrice qu’elle ait pu paraître, n’a pas eu plus d’effet que les stratégies mises en œuvre avant elle, dont la « patience stratégique » de l’administration Obama, qui attendait que le régime s’effondre sous le poids des sanctions pour obtenir une dénucléarisation complète, vérifiable et irréversible de la Corée du Nord. Si Donald Trump a évité un conflit, il n’a pu empêcher qu’au terme de six essais nucléaires et de nombreux tirs de missiles balistiques jusqu’en 2017, la Corée du Nord revendique un statut de puissance nucléaire et dispose de <a href="https://www.cfr.org/backgrounder/north-koreas-military-capabilities">capacités de dissuasion crédibles</a>. À ce titre, elle reste une menace réelle et persistante tant pour les États-Unis, dont le territoire n’apparaît plus guère à l’abri de tirs nord-coréens de missiles balistiques intercontinentaux, que pour leurs deux plus proches alliés sud-coréens et japonais.</p>
<h2>Le nucléaire nord-coréen, outil de dissuasion</h2>
<p>Au demeurant, les motivations nucléaires de la Corée du Nord ont pu varier au cours du temps, sans que les administrations américaines successives ne se donnent les moyens de les comprendre. Lorsque le régime de Kim Jong-il effectue son premier essai souterrain en 2006, il le justifie par la « menace nucléaire » et les pressions exercées par l’administration Bush. Celle-ci vient de le labelliser « membre de l’axe du mal » aux côtés de l’Irak et de l’Iran dans le <a href="https://www.youtube.com/watch?v=YtuL3Wg2OUI&ab_channel=atelierdesarchivesHistory">célèbre discours sur l’état de l’Union</a> du président Bush en 2002. Après l’invasion de l’Irak et l’exécution de Saddam Hussein en 2006, George Bush est fortement soupçonné par Pyongyang de vouloir faire de même en Corée du Nord en provoquant un changement de régime par la force. Cette suspicion et le manque de confiance réciproque expliquent en partie les aléas des <a href="https://www.lemonde.fr/asie-pacifique/article/2007/02/14/l-accord-sur-le-nucleaire-nord-coreen-suscite-prudence-et-reserve_867231_3216.html">Pourparlers à Six</a>, un mécanisme de dialogue multilatéral rassemblant les six pays riverains de la péninsule coréenne mis en place en 2003. Tout en tergiversant, la Corée du Nord avait accepté le principe d’une dénucléarisation progressive, action par action, et exigé la construction d’un réacteur à eau légère et le versement d’un million de tonnes de fuel lourd. Elle s’en retirera en 2009, non sans avoir obtenu la livraison de 550 000 tonnes de fuel lourd de la part des États-Unis.</p>
<p>En mai 2009, un second tir nucléaire nord-coréen intervient après le lancement d’un satellite qui se révèle être un missile balistique, déclenchant un nouveau cycle de sanctions. On peut alors penser, comme l’administration Obama, qu’il s’agit de la poursuite d’une politique de provocation pour obtenir des concessions selon un cycle plus ou moins identifié : provocations, sanctions, négociations, concessions. L’arrivée de Kim Jong‑un à la tête du pays en 2011 voit le nucléaire devenir un outil de puissance et un marqueur identitaire du régime alors que celui-ci renforce ses capacités opérationnelles par des campagnes de tirs accélérées. <a href="https://theconversation.com/coree-du-nord-le-nucleaire-comme-pacte-social-54994">Le nationalisme nucléaire</a> de la Corée du Nord répond à un besoin tout autant politique que stratégique. Au plan intérieur, il renforce la légitimité et donc la pérennité du régime et au plan extérieur, il remplit une fonction de dissuasion face aux États-Unis et ses alliés sud-coréens et japonais qui ont, tous trois, renforcé leur défense antimissile.</p>
<h2>D’Obama à Trump, les limites d’une politique de pressions maximales et de sanctions</h2>
<p>À peu de variantes près, l’objectif d’une dénucléarisation de la Corée du Nord, largement popularisé sous son acronyme anglais CVID, pour « Complete, Verifiable, Irreversible Denuclearization », a constitué le mantra indépassable des politiques nord-coréennes des États-Unis depuis George W. Bush en 2001 jusqu’aux présidents Obama et Trump. Leur manque de flexibilité et l’impact de facteurs régionaux – dont le facteur chinois – en expliquent les échecs passés et sans doute à venir. En effet, si la Corée du Nord a pu se montrer disposée à accepter un processus de dénucléarisation, dans son esprit celui-ci devait être progressif, englober toute la péninsule coréenne, c’est-à-dire impliquer le retrait des troupes américaines présentes, et s’assortir de robustes garanties de sécurité de la part des États-Unis, notamment la signature d’un traité de paix.</p>
<p>On se rappelle que lors de la signature de l’Accord dit du Cadre Agréée en 1994 entre l’administration Clinton et la Corée du Nord de Kim Il-sung, grand-père de l’actuel dirigeant, la première s’engageait sur la construction de réacteurs à eau légère pour fournir à Pyongyang l’électricité nécessaire à son développement en échange du gel de son programme nucléaire alors embryonnaire. Au demeurant, la Corée du Nord n’a <a href="https://slate.com/news-and-politics/2018/06/bolton-pompeo-trump-and-kim-all-have-different-ideas-about-what-the-d-in-cvid-stands-for.html">jamais entériné ce concept de dénucléarisation</a>, lui préférant celui de démantèlement. Ce qui, dans son esprit, peut aboutir à déclasser et fermer certains sites, notamment celui de Yongbyon, sans pour autant renoncer à ses capacités nucléaires.</p>
<p>Déjà, en 2018, au lendemain de la première rencontre de Singapour entre un Donald Trump triomphant affirmant que le <a href="https://www.courrierinternational.com/article/en-direct-sommet-de-singapour-trump-pret-suspendre-les-exercices-militaires-avec-seoul">processus de dénucléarisation allait commencer « très vite »</a> et son homologue nord-coréen, l’accord signé entretenait l’ambiguïté sur les perspectives d’une dénucléarisation sur laquelle les deux parties avaient une conception très différente. D’après le <a href="https://www.whitehouse.gov/briefings-statements/joint-statement-president-donald-j-trump-united-states-america-chairman-kim-jong-un-democratic-peoples-republic-korea-singapore-summit/">document commun</a>, l’objectif de cette rencontre était « l’établissement de nouvelles relations » entre les deux pays et l’instauration d’un « régime de paix solide et durable sur la péninsule coréenne ». Pour ce faire, le président Trump s’engageait à fournir des « garanties de sécurité » à la Corée du Nord dont le dirigeant réaffirmait son « engagement ferme et inébranlable envers la dénucléarisation complète de la péninsule coréenne ». Faute de mieux, des gestes symboliques ont été faits. En réponse au moratoire sur les essais nucléaires observé par Pyongyang, à sa propre initiative, Donald Trump avait ainsi suspendu ou réduit l’ampleur de certaines manœuvres militaires américano-sud-coréennes, comme Ulchi Freedom Guardian, <a href="http://www.opex360.com/2018/07/10/coree-sud-annulant-lexercice-ulchi-freedom-guardian-pentagone-va-economiser-14-millions-de-dollars/">annulées</a> en septembre de la même année.</p>
<p>En 2019, une <a href="https://www.lefigaro.fr/international/2019/02/28/01003-20190228ARTFIG00220-sommet-de-hanoi-kim-et-trump-dans-l-impasse-nucleaire.php">nouvelle rencontre à Hanoï</a> révèle clairement le malentendu et tourne au fiasco, chacun protestant de sa bonne foi. Donald Trump a assuré que Kim Jong‑un souhaitait la levée de toutes les sanctions pesant sur son pays en contrepartie du démantèlement, déjà promis par le passé, de la centrale de Yongbyon. La partie nord-coréenne, pour qui le développement économique du pays est une priorité essentielle, a affirmé, quant à elle, n’avoir demandé, en échange de l’arrêt de la centrale, qu’une levée partielle des sanctions affectant le plus durement la population.</p>
<p>Quelques mois plus tard, la rencontre impromptue de Panmunjom entre les deux dirigeants, dans le périmètre de la zone démilitarisée (<em>Demilitarized Zone</em>, DMZ), entretient l’illusion qu’une négociation peut encore aboutir. Sur son compte Twitter, Donald Trump insiste en vain sur les avantages économiques qu’apporterait la dénucléarisation. S’accrochant aux perspectives d’une reprise du dialogue, en pensant que sa politique de maintien des sanctions fonctionnerait, la partie américaine a soigneusement évité tout au long de l’année 2019 et jusqu’en 2020 de renchérir sur les provocations nord-coréennes de tirs de missiles de courte portée.</p>
<p>Au final, Donald Trump a clairement échoué à faire du règlement de la question nucléaire nord-coréenne un succès personnel dû à ses talents de négociateur et à la proximité créée avec le dirigeant nord-coréen. En dépit de contacts directs et de l’envoi régulier de lettres – ils s’en seraient adressé 25 selon le journaliste américain Bob Woodward –, la personnalisation de leur relation, jouée ou réelle, s’est heurtée au réalisme stratégique nord-coréen. Si une guerre avec la Corée du Nord a été évitée, le pays dispose de capacités nucléaires et, en dépit des sanctions et de la pandémie, se serait doté de nouveaux missiles balistiques intercontinentaux. L’un de ceux-ci, <a href="https://www.38north.org/2020/10/melleman102120/">aux proportions impressionnantes</a>, porté sur un véhicule de 13 essieux a été complaisamment exposé lors de la grande parade militaire nocturne organisée à Pyongyang le 10 octobre 2020. Des questions se posent sur son opérationnalisation. Faut-il s’attendre à une nouvelle campagne de tirs nord-coréens en 2021 ?</p>
<hr>
<p><em>Cet article a été réalisé avec la collaboration de Bessma Sikouk de l’École supérieure de journalisme de Lille (ESJ Lille).</em></p>
<p><em>La rubrique Fact check US a reçu le soutien de <a href="https://craignewmarkphilanthropies.org/">Craig Newmark Philanthropies</a>, une fondation américaine qui lutte contre la désinformation</em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/152499/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Marianne Péron-Doise ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Donald Trump a évité une crise majeure avec la Corée du Nord. Mais la question du nucléaire nord-coréen reste entière, le pays continuant de développer ses capacités nucléaires et balistiques.Marianne Péron-Doise, Chercheur Asie du Nord et Sécurité maritime Internationale, chargé de cours Sécurité maritime, Sciences Po Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1521642020-12-16T19:16:46Z2020-12-16T19:16:46ZFact check US : Donald Trump a-t-il vraiment effectué une percée dans l’électorat latino ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/375504/original/file-20201216-19-1umefa5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=3%2C0%2C1019%2C705&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Des partisans de Donald Trump contestent sa défaite à Las Vegas, le 7 novrembre 2020.</span> <span class="attribution"><span class="source">Ethan Miller/Getty Images North America/Getty Images via AFP</span></span></figcaption></figure><p>Le 3 novembre dernier, le scrutin américain offrait son lot de surprises. Si les résultats affinés jour après jour donnaient bel et bien Donald Trump perdant, ce dernier enregistrait dans le même temps de nouvelles victoires. Plus de <a href="https://edition.cnn.com/election/2020/results/president">74 millions d’électeurs</a> ont porté leur voix sur le candidat républicain, contre quelque 63 millions en 2016. La marge de progression se situe dans diverses catégories d’électeurs dont les ruraux, les petites classes moyennes ou encore l’électorat hispanique – et ce, malgré les attaques du président sortant à l’encontre des Latino-Américains. Ce phénomène a suscité l’étonnement de nombreux observateurs. Un mois et demi plus tard, de quelles données dispose-t-on et quelle analyse pouvons-nous faire du comportement électoral des Américains d’origine hispanique ?</p>
<p>Revenons d’abord sur les chiffres. Nous ne disposons à ce jour que des <a href="https://www.nytimes.com/interactive/2020/11/03/us/elections/exit-polls-president.html">sondages de sortie des urnes</a> commandés par les médias américains, des outils intéressants tant à l’échelle locale que nationale. Ces derniers indiquent qu’il n’y a pas eu depuis 2016 de réelle percée de Donald Trump auprès de l’électorat hispanique. En 2016 comme en 2020, les deux tiers de cet électorat soutiennent d’abord le parti démocrate : à 63 % pour Hillary Clinton puis à 65 % pour Joe Biden. En outre, si l’on se réfère à l’<a href="https://electionstudies.org/">American National Election Studies</a>, on constate que ce soutien est assez stable depuis la fin des années 80 : 76 % pour Al Gore en 2000, 76 % pour Barack Obama en 2008 et 73 % en 2012. Le candidat républicain ayant enregistré les meilleurs scores est George W. Bush (autour de 40 %), probablement parce qu’il disposait d’un ancrage fort au Texas, dont la population est composée à 23 % de Latino-Américains.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/375417/original/file-20201216-21-1y9amr2.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/375417/original/file-20201216-21-1y9amr2.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=392&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/375417/original/file-20201216-21-1y9amr2.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=392&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/375417/original/file-20201216-21-1y9amr2.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=392&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/375417/original/file-20201216-21-1y9amr2.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=493&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/375417/original/file-20201216-21-1y9amr2.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=493&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/375417/original/file-20201216-21-1y9amr2.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=493&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Source : American National Election Studies.</span>
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</figure>
<h2>Distinguer la minorité afro-américaine de la minorité latino</h2>
<p>Mais le fait que le candidat Trump recueille 32 % du vote hispanique a surpris, d’une part parce que le président sortant a <a href="https://www.lemonde.fr/ameriques/article/2017/02/07/donald-trump-reveille-le-nationalisme-des-mexicains_5075644_3222.html">stigmatisé à plusieurs reprises les Hispaniques</a> (traitant les Mexicains d’assassins et de violeurs dès 2016) ; d’autre part parce qu’on a tendance à imaginer que les Hispaniques vont avoir le même comportement électoral que l’autre grande minorité, les Afro-Américains. Or ce ne sont pas les mêmes logiques à l’œuvre, le groupe latino étant beaucoup plus hétérogène : il inclut des migrants récents et de deuxième génération, des migrants économiques et des réfugiés, certains sont « visibles », d’autres non. Le détour par le vote afro-américain est donc utile pour appréhender le vote latino.</p>
<p>Les Afro-Américains votent en effet à plus de 90 % pour le parti démocrate depuis les années 1960. Cette stabilité est frappante quand on sait, comme le montrent les travaux du politiste <a href="https://press.princeton.edu/books/paperback/9780691025438/behind-the-mule">Michael Dawson</a>, que c’est un groupe hétérogène socialement depuis les années 1980. Ce chercheur met en évidence la notion d’un « destin lié » malgré cette hétérogénéité, à la différence des dynamiques à l’œuvre au sein de groupes historiquement issus de l’immigration. </p>
<p>En effet, les spécificités sociopolitiques de ces groupes s’estompent généralement au fur et à mesure que l’insertion dans la société américaine se produit, notamment parce que les préjugés à l’encontre des nouveaux venus sont transitoires (voir sur ce sujet les travaux de <a href="https://www.britannica.com/topic/Who-Governs-Democracy-and-Power-in-an-American-City">Robert Dahl</a>). Mais ce destin lié se maintient pour les Afro-Américains parce que la société américaine continue de discriminer. Et ces préjugés perdurent notamment parce que la « visibilisation », via la couleur de peau, joue à plein. <a href="https://www.cambridge.org/core/books/afrocaribbean-immigrants-and-the-politics-of-incorporation/81C4C0E89F50DE6C03D0A28D72BC5F32">Reuel Rogers</a> a ainsi montré que ces préjugés « s’imposaient » également aux Afro-Caribéens récemment arrivés aux États-Unis, alors qu’ils ne partageaient pas la même histoire.</p>
<p>Au sein de l’électorat hispanique, c’est plutôt la théorie du « pluralisme à plusieurs vitesses » développée par le politiste <a href="http://tupress.temple.edu/book/3295">Rodney Hero</a> qui s’applique. Celle-ci permet de montrer qu’une partie du groupe latino va se vivre comme latino, se sentir discriminée pour cette raison, et suivre les mêmes logiques de vote que les Afro-Américains. C’est le cas dans les États de New York ou de la Californie par exemple, qui sont fortement structurés par la lutte contre les inégalités raciales. Cela peut expliquer pourquoi, selon <a href="https://www.jstor.org/stable/pdf/30044225.pdf">David L. Leal, Matt A. Barreto et al</a>, l’appartenance au groupe des Hispaniques inhibe alors d’autres logiques sociales du vote, selon le revenu, l’âge, le diplôme ou la religion.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/375418/original/file-20201216-17-1u84zd7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/375418/original/file-20201216-17-1u84zd7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/375418/original/file-20201216-17-1u84zd7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=480&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/375418/original/file-20201216-17-1u84zd7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=480&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/375418/original/file-20201216-17-1u84zd7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=480&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/375418/original/file-20201216-17-1u84zd7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=603&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/375418/original/file-20201216-17-1u84zd7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=603&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/375418/original/file-20201216-17-1u84zd7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=603&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Source : The latino vote in the 2004 election, David Leal, Matt Barreto et al.</span>
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<h2>La spécificité cubaine</h2>
<p>D’autres Hispaniques en revanche vont s’intégrer à la société américaine sans problème parce que leur couleur de peau ne les singularise pas outre mesure, parce qu’ils ne sont pas renvoyés à leurs origines dans leurs interactions quotidiennes. Progressivement, leur solidarité avec le « groupe latino » va baisser, le destin lié s’effacer. Et d’autres logiques de vote vont alors se matérialiser. Les électeurs vont faire parler des choses différentes en fonction de leur histoire : leurs valeurs à l’égard de l’État social (qu’ils ne soutiennent pas forcément) ou leurs valeurs religieuses par exemple. Il y a ensuite l’exception cubaine, repérée par les chercheurs dès les années 1990. Les Cubains votent très majoritairement républicain (80 % en 2004) alors que les Latinos d’origine mexicaine votent démocrate (66 % en 2004).</p>
<p>Le poids des Cubains est devenu particulièrement important lors des élections présidentielles à cause de la Floride, un État tangent depuis plus de vingt ans. En 2020, parmi les électeurs d’origine cubaine, 56 % ont ainsi voté Trump contre 31 % des électeurs d’origine portoricaine. 2020 s’inscrit donc dans une dynamique connue. Plusieurs travaux analysent cette spécificité depuis 2004 et l’expliquent par le rapport conflictuel au régime castriste (ce qu’il inspire en matière de socialisme, de propriété privée, d’oppression, etc.). À noter que nous l’observons également chez les boat people vietnamiens arrivés aux États-Unis et en France : ce groupe se retrouve parfois plus à droite que l’ensemble de la population du pays d’accueil. En France, l’enquête <a href="https://www.ined.fr/fr/publications/editions/grandes-enquetes/trajectoires-et-origines/">Trajectoires et Origines</a> de l’INED et de l’Insee nous éclaire ainsi sur le positionnement plus à droite des immigrés venant du Laos, du Vietnam ou du Cambodge (ce qui n’est plus le cas de leurs descendants). Leur point commun est d’avoir quitté un régime communiste.</p>
<p>En conclusion, ces dynamiques ne sont pas en faveur du vote républicain. Si Donald Trump réussit, en usant d’une rhétorique très clivante et hostile aux immigrés, à mobiliser les Latino-Américains qui se sentent les « moins latinos » et les moins discriminés, la montée en puissance de l’électorat hispanique à l’échelle globale est plutôt en train de faire basculer des États républicains dans le camp démocrate. Ce fut le cas au Nouveau-Mexique sous Barack Obama. Cette année c’est l’Arizona, à 19 % hispanique, qui a basculé, et le Texas, à 23 %, n’est pas loin de devenir bleu.</p>
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<p><em>La rubrique Fact check US a reçu le soutien de <a href="https://craignewmarkphilanthropies.org/">Craig Newmark Philanthropies</a>, une fondation américaine qui lutte contre la désinformation</em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/152164/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Vincent Tiberj a reçu des financements de l'INJEP, de l'ANR, de la Région Nouvelle-Aquiatine. </span></em></p>Donald Trump a récolté plus de 30 % du vote latino lors de la dernière présidentielle. Un score important qui ne constitue pas pour autant une percée spectaculaire et s’explique par plusieurs facteurs.Vincent Tiberj, Professeur des universités, délégué recherche de Sciences Po Bordeaux, Sciences Po BordeauxLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1516372020-12-08T19:15:18Z2020-12-08T19:15:18ZFact check US : Le salaire minimum à 15 dollars de l’heure est-il un outil efficace d’aide aux précaires ?<p>Afin de lutter contre la précarité, Joe Biden propose d’augmenter le salaire minimum fédéral à 15 dollars de l’heure contre actuellement 7,25 dollars, un niveau inchangé depuis 2009. Il souhaite aussi en étendre l’application à des travailleurs non couverts par la réglementation actuelle, comme les employés agricoles et les employés à domicile, et l’indexer sur le salaire médian. En dépit d’un calendrier de mise en œuvre progressif jusqu’en 2025, l’ampleur de cette hausse interpelle.</p>
<p>Le débat sur les effets d’une hausse du salaire minimum a été particulièrement vif dans des années 1990 lorsque les économistes David Card et Alan Krueger ont mis en évidence qu’une hausse du salaire minimum dans le secteur de la restauration rapide du New Jersey pouvait <a href="https://www.nber.org/system/files/working_papers/w4509/w4509.pdf">ne pas avoir d’effet négatif sur l’emploi</a>. Au lieu de licenciements, les restaurants auraient partiellement compensé l’augmentation de leurs coûts par des prix plus élevés.</p>
<p>C’est encore dans ce secteur du fast-food, très concerné par le salaire minimum, que le mouvement <a href="https://fightfor15.org/about-us/">Fight for $15</a> a vu le jour en 2012. Si une hausse du salaire minimum peut s’avérer un outil de lutte efficace contre la précarité de ceux qui en bénéficient, elle peut également avoir des effets délétères sur le niveau de l’emploi si la hausse est trop importante au regard du coût supplémentaire qu’elle constitue pour les entreprises. L’hétérogénéité économique des États américains implique que cette hausse à 15 dollars de l’heure n’aurait pas partout les mêmes conséquences.</p>
<h2>Une histoire ancrée dans la crise</h2>
<p>À la suite de la Grande Dépression de 1929, Franklin D. Roosevelt, élu président en 1933, a introduit des règles de protection du travail afin d’établir un filet de sécurité pour les travailleurs précaires. Les protections de base, comme le salaire minimum et la rémunération des heures complémentaires, ont alors permis aux travailleurs de percevoir une part plus juste de la valeur ajoutée produite. Plus récemment, c’est aussi pour faire face aux conséquences économiques désastreuses de la crise des subprimes que Barack Obama a souhaité en 2014 <a href="https://www.theguardian.com/business/2016/sep/05/barack-obama-us-minimum-wage-republicans-tom-perez">augmenter le salaire minimum</a>, mesure qui a été <a href="https://www.reuters.com/article/us-usa-senate-minimumwage-idUSBREA3T0PT20140430">rejetée par le Congrès</a> dominé par les républicains.</p>
<p>Donald Trump s’est montré <a href="https://www.vox.com/2020/10/22/21529733/donald-trump-minimum-wage-debate">versatile sur cette question</a>, tantôt favorable à une hausse du niveau fédéral à 10 dollars de l’heure avant d’en laisser l’initiative aux États, pour finalement fustiger la mesure lors du dernier <a href="https://www.washingtonpost.com/business/2020/10/23/debate-minimum-wage-increase/">débat</a> présidentiel. En 2019, la Chambre des représentants à dominante démocrate <a href="https://www.nytimes.com/2019/07/18/us/politics/minimum-wage.html">votait une augmentation du salaire minimum fédéral</a> à 15$ de l’heure d’ici à 2025, décision sans effet du fait du rejet par un Sénat contrôlé par les républicains. Le vent semble cependant avoir tourné. La Floride, État remporté par Donald Trump, a ainsi organisé en même temps que le scrutin présidentiel une consultation sur une hausse du salaire minimum à 15 dollars. <a href="https://ballotpedia.org/Florida_Amendment_2,_%2415_Minimum_Wage_Initiative_(2020)">60 % des votants s’y sont déclarés favorables</a>.</p>
<h2>Un salaire minimum fédéral au pouvoir d’achat fluctuant</h2>
<p>Le salaire minimum fédéral fixé à 0,25 dollar de l’heure en 1938 a <a href="https://www.pewresearch.org/fact-tank/2017/01/04/5-facts-about-the-minimum-wage/">augmenté par palier</a> plus ou moins régulièrement jusqu’en 2009 pour atteindre 7,25 dollars de l’heure, niveau auquel il est resté bloqué depuis. Cette stagnation n’est qu’apparente : en raison de la hausse régulière des prix (inflation), ces 7,25 dollars correspondent à un pouvoir d’achat qui n’a cessé de <a href="https://fred.stlouisfed.org/graph/?g=ex3l">diminuer</a> depuis 2009.</p>
<p>Aujourd’hui, le pouvoir d’achat de ce salaire minimum fédéral est même inférieur à ce qu’il était à la fin des années 1990. C’est en réalité dans les années 1960 que le salaire minimum permettait d’avoir le pouvoir d’achat le plus élevé, avec un pic en 1968 où le niveau du salaire minimum équivalait en réalité à près de <a href="https://www.epi.org/blog/raising-the-minimum-wage-to-15-by-2025-will-restore-bargaining-power-to-workers-during-the-recovery-from-the-pandemic/">10 de nos dollars actuels</a>. Ce double constat justifie à lui seul l’augmentation du salaire minimum fédéral souhaitée par Joe Biden. L’importance de cette hausse reste cependant à discuter car elle n’impacte pas tous les États de la même manière.</p>
<h2>Un minimum fédéral qui couvre peu de salariés</h2>
<p>En 2019, le <a href="https://www.bls.gov/opub/reports/minimum-wage/2019/home.htm">Bureau of Labor Statistics</a> (BLS) estimait à 392 000 (un chiffre en baisse régulière depuis 2010) le nombre de travailleurs rémunérés au niveau du salaire minimum fédéral, soit moins de 0,5 % des travailleurs payés à l’heure, et 0,28 % de l’ensemble des salariés. À noter cependant que 1,2 million de travailleurs restaient rémunérés en dessous de ce salaire minimum, soit 1,47 % des travailleurs payés à l’heure (0,85 % des employés), mais ce chiffre comprend les travailleurs payés à la commission et au pourboire pouvant percevoir in fine un salaire total bien plus élevé. Le reste correspond à des salariés non couverts par la législation en vigueur (employés agricoles par exemple). À titre de comparaison, en France, c’est <a href="https://www.lefigaro.fr/conjoncture/la-part-des-salaries-remuneres-au-smic-au-plus-haut-depuis-11-ans-20191213">13,4 % de salariés</a> qui ont bénéficié directement de la revalorisation du salaire minimum en 2019.</p>
<p>En réalité, une grande partie du territoire américain est déjà <a href="https://www.dol.gov/agencies/whd/minimum-wage/state#wy">couvert par un niveau de salaire minimum bien supérieur</a> à celui fixé au niveau fédéral en raison de réglementations locales mieux-disantes. En effet, les États, comtés et villes peuvent fixer un salaire minimum supérieur au niveau fédéral. La règle générale est que le salaire minimum le plus élevé s’applique dans la zone géographique considérée. A contrario, lorsqu’il n’existe aucune réglementation locale plus favorable, les employeurs doivent appliquer les règles relatives au salaire minimum fédéral.</p>
<p>En Californie par exemple, le salaire minimum s’élevait à 12 dollars de l’heure au 1<sup>er</sup> janvier 2020. Depuis 2017, cet État a <a href="https://www.dir.ca.gov/dlse/faq_minimumwage.htm">programmé</a> une série d’accroissements afin d’atteindre 15 dollars de l’heure au 1<sup>er</sup> janvier 2023. La ville de San Francisco a quant à elle voté en 2014 une <a href="https://sfgov.org/olse/minimum-wage-ordinance-mwo">hausse du salaire minimum local</a> applicable à tous les salariés de la ville. Les 15 dollars de l’heure y ont été atteints en 2018 et son niveau est désormais indexé sur l’indice des prix à la consommation. Au 1<sup>er</sup> janvier 2020, le salaire minimum y était de 16,07 dollars de l’heure.</p>
<p>En 2020, une trentaine des cinquante États américains applique déjà un salaire minimum supérieur au niveau fédéral, et <a href="https://joinhomebase.com/blog/state-minimum-wage-2021/">10 États</a> (dont 3 républicains) ont d’ores et déjà prévu des hausses du salaire minimum leur permettant d’atteindre 15 dollars de l’heure dans les prochaines années.</p>
<h2>Quel impact d’une hausse à 15 dollars de l’heure au niveau fédéral ?</h2>
<p>Selon <a href="https://www.epi.org/publication/minimum-wage-15-by-2025/">l’Economic Policy Institute</a>, une hausse du salaire minimum fédéral à 15 dollars d’ici à 2025 permettrait d’accroître le salaire de 20 % de la main-d’œuvre salariée. Mais cette hausse pourrait également avoir un effet défavorable sur l’emploi. Un <a href="https://www.cbo.gov/system/files/2019-07/CBO-55410-MinimumWage2019.pdf">rapport</a> du CBO (Congressional Budget Office) conclut en effet à la fois à une baisse du nombre de personnes sous le seuil de pauvreté et à la destruction de 1,3 million d’emplois au niveau fédéral en raison du coût supplémentaire que ce salaire minimum fait supporter aux entreprises.</p>
<p>En réalité, ce risque n’est pas homogène sur le territoire et dépend des États, les plus éloignés des 15 dollars de l’heure étant les plus à risque. La situation économique des États est en effet très disparate. Par exemple en 2019, la Californie appliquait un salaire minimum de 12 dollars de l’heure, ce qui représentait 56 % du salaire médian. La Louisiane, dont la productivité moyenne du travail est <a href="https://www.bls.gov/lpc/state-productivity.htm">21 % plus faible</a> que celle de la Californie, n’appliquait que le minimum fédéral de 7,25 dollars, correspondant à 44 % de son salaire médian.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/373639/original/file-20201208-23-18vbb9y.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/373639/original/file-20201208-23-18vbb9y.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/373639/original/file-20201208-23-18vbb9y.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=403&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/373639/original/file-20201208-23-18vbb9y.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=403&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/373639/original/file-20201208-23-18vbb9y.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=403&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/373639/original/file-20201208-23-18vbb9y.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=507&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/373639/original/file-20201208-23-18vbb9y.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=507&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/373639/original/file-20201208-23-18vbb9y.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=507&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Source : BLS (OES survey), authors provided.</span>
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<p>Un constat plaide néanmoins pour une hausse du salaire minimum fédéral. Pour un emploi à plein temps, l’écart entre le salaire minimum et le salaire médian (salaire tel que 50 % des salariés gagnent moins et 50 % gagnent plus) est beaucoup plus faible aux États-Unis que dans la plupart des pays développés. Par exemple, en 2019 le salaire minimum fédéral ne représentait que 32 % du salaire médian américain alors qu’en France le salaire minimum représentait 61 % du salaire médian.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/373642/original/file-20201208-22-1yund4t.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/373642/original/file-20201208-22-1yund4t.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/373642/original/file-20201208-22-1yund4t.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=204&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/373642/original/file-20201208-22-1yund4t.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=204&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/373642/original/file-20201208-22-1yund4t.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=204&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/373642/original/file-20201208-22-1yund4t.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=257&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/373642/original/file-20201208-22-1yund4t.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=257&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/373642/original/file-20201208-22-1yund4t.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=257&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Source : OCDE, authors provided.</span>
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<p>Au sortir de la crise sanitaire, l’augmentation du salaire minimum fédéral pourrait constituer un soutien efficace aux travailleurs américains les plus modestes. Il n’est cependant pas certain qu’une proposition démocrate à 15 dollars de l’heure à l’horizon 2025 soit davantage validée par le Sénat républicain en 2021 qu’en 2019. Les augmentations planifiées dans plusieurs États républicains laissent toutefois espérer un accord sur une hausse plus limitée.</p>
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<p><em>La rubrique Fact check US a reçu le soutien de <a href="https://craignewmarkphilanthropies.org/">Craig Newmark Philanthropies</a>, une fondation américaine qui lutte contre la désinformation</em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/151637/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>L’augmentation du salaire minimum à 15 dollars de l’heure est une promesse de campagne de Joe Biden. Que sait-on de l’efficacité et des limites de cette mesure ?Thérèse Rebière, Maître de conférences en économie, Conservatoire national des arts et métiers (CNAM)Isabelle Lebon, Professeur des Universités, directrice adjointe du Centre de recherche en économie et management, Université de Caen NormandieLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1505582020-12-01T20:08:32Z2020-12-01T20:08:32ZFact check US : Joe Biden peut-il « arrêter le virus » aux États-Unis comme il l’affirme, et comment ?<p>La Covid-19 est la dernière d’une série de pandémies ayant perturbé le système de santé américain à la fin du XX<sup>e</sup> et au début du XXI<sup>e</sup> siècle. Le sida/VIH (depuis 1981), le SARS (2002-2003), la grippe porcine (2009-2010), le MERS (depuis 2015) et Ebola (2014-2016) ont tous posé leurs propres défis. Cependant, le virus Covid-19 est particulièrement déroutant et redoutable car il est très contagieux et parce que des porteurs asymptomatiques peuvent involontairement infecter des dizaines de personnes en plusieurs jours. La coïncidence de cette transmission en roue libre et de la difficulté à confiner rend la mise en œuvre d’une politique efficace délicate. De surcroît, la pandémie est devenue à la fois un enjeu et une clé de compréhension de l’élection du 46<sup>e</sup> président des États-Unis. Joe Biden, aujourd’hui président élu, doit, comme il s’y était engagé, tout faire pour juguler la pandémie.</p>
<p>Il a ainsi annoncé, dès le 9 novembre, la création d’une cellule de crise chargée de <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2020/11/09/joe-biden-se-met-au-travail-pour-lutter-contre-la-crise-sanitaire-en-faisant-fi-des-resistances-de-trump_6059147_3210.html">bâtir un plan</a> « pour endiguer la pandémie à compter du 20 janvier », date de son investiture. Tout au long du mois de novembre, il a fait de <a href="https://www.lepoint.fr/monde/etats-unis-joe-biden-denonce-l-incroyable-irresponsabilite-de-trump-19-11-2020-2401870_24.php">nouvelles déclarations</a> sur le sujet : « Je n’arrêterai pas l’économie, point. J’arrêterai le virus », a-t-il assuré le 19 novembre, écartant la solution d’un confinement national. Cette posture pose question. De quels moyens et de quels outils disposent vraiment Joe Biden et plus largement le gouvernement fédéral américain pour lutter contre la Covid-19 ?</p>
<p>Précisons d’abord que les politiques de lutte contre ce type de pandémie engagent trois séries de « protections » des citoyens : la production d’équipements médicaux (tests, masques, respirateurs, lits d’hôpitaux), la régulation des comportements afin de freiner la contagion (quarantaine, règles de distanciations sociales, interdiction de grandes réunions), et des efforts de communication pour légitimer ces mesures de protection et l’accroissement de l’empiétement temporaire de l’État sur les libertés publiques. Aux États-Unis, <a href="https://en.wikipedia.org/wiki/American_exceptionalism#:%7E:text=American%20exceptionalism%20is%20a%20view,new%20nation%22%20and%20developing%20a">l’exceptionnalisme américain</a> a conduit à une réponse politique asymétrique (opposition gouvernement central et gouverneurs) et déroutante dans la lutte contre la Covid-19. Le bilan de plus de 250 000 décès est là pour le rappeler.</p>
<h2>Une réponse politique anarchique</h2>
<p>Les États-Unis possèdent pourtant un système de santé publique construit autour d’agences fédérales jouissant d’une renommée mondiale pour leurs capacités scientifiques : les Centers for Disease Control and Prevention (CDC), la Federal Drug Administration (FDA), le Public Health Service (PHS), la Federal Emergency Management Agency (FEMA) et les National Institutes of Health (NIH). Ces institutions publiques dotées d’une puissance analytique sans équivalent, même en cas de crise – lorsque les risques sont élevés et que le temps presse –, auraient dû être en première ligne pour produire une réponse politique efficace. Mais étant considérées par Donald Trump comme l’incarnation même du <a href="https://aoc.media/analyse/2020/10/29/trump-lobamacare-et-le-deep-state/">« deep state »</a> dans le secteur de la santé, ces agences, comme leur personnel qualifié, ont été soumises à la volonté erratique du président. Donald Trump, en niant publiquement la réalité de l’épidémie, <a href="https://livre.fnac.com/a15121521/Bob-Woodward-Rage">malgré les informations dont il disposait</a>, a exacerbé la faiblesse du gouvernement central. Renforcer ce dernier sera donc un enjeu majeur pour l’administration Biden.</p>
<p>En attendant, face à l’inconsistante réponse du gouvernement central et en l’absence de normes nationales uniformes, chaque gouverneur a développé sa propre interprétation des mesures de protection. La rigueur dans l’application des différentes mesures entre les États « bleus » (démocrates) et les États « rouges » (républicains) fut tout simplement édifiante. Les gouverneurs démocrates de Californie (Gavin Newsom) ou encore de New York (Andrew Cuomo) ont rapidement appliqué les principales mesures barrières alors que les gouverneurs républicains des États du Sud et du Midwest ont prétexté de la primauté de la liberté individuelle et de l’impératif économique pour freiner la mise en place de ces mesures.</p>
<p>Cette réponse politique anarchique dans la lutte contre la pandémie a favorisé une circulation asynchrone du virus sur l’ensemble du territoire. Le contexte électoral de 2020 a en outre accru les disparités. La théorie de « <a href="https://www.amazon.fr/Congress-Electoral-Connection-David-Mayhew/dp/0300017774">the electoral connexion</a> » de David Mayhew permet de comprendre pourquoi, dans un contexte électoral tendu, la logique de la réélection l’emporte sur le choix de politiques publiques efficaces. Pour les républicains, cela s’est traduit par l’expression d’une loyauté sans faille au président sortant Donald Trump occultant alors le sort de la lutte contre la pandémie. Il faut ajouter à ce facteur la « <a href="https://www.researchgate.net/publication/15563275_It%E2%80%99s_the_Institutions_Stupid_Why_Comprehensive_Health_Insurance_Always_Fails_in_America">stupidité du jeu des institutions</a> », autrement dit la fragmentation organisationnelle du système de santé américain, afin de bien saisir pourquoi il fut toujours difficile aux États-Unis d’élaborer des politiques nationales efficaces. Pour ces raisons, l’élaboration d’un programme de grande ampleur de lutte contre la Covid-19 demeure un challenge pour la nouvelle équipe dirigeante.</p>
<h2>La voie des décrets présidentiels</h2>
<p>Les recherches sur la transition entre les administrations Obama et Trump ont montré que les fonctionnaires républicains ont explicitement ignoré les « briefing books » <a href="https://www.amazon.com/Fifth-Risk-Undoing-Democracy/dp/0393357457">élaborés avec diligence par leurs prédécesseurs</a>. Ainsi, cette administration a largement ignoré le « manuel de gestion des pandémies » rédigé par le Conseil national de Sécurité. Néanmoins, en affichant sa volonté de s’entourer d’experts compétents, le président Biden ne reproduira certainement pas la même erreur. Le débat non tranché à ce jour sur l’attribution d’un rôle à la coordinatrice actuelle de l’administration Trump de la lutte contre la Covid-19, <a href="https://www.politico.com/news/2020/11/18/biden-coronavirus-team-deborah-birx-437923">Deborah Birx</a> dans la future « task force Covid-19 » de Joe Biden illustre l’importance du transfert d’informations entre deux administrations présidentielles. Précisons qu’elle n’est pas une personnalité politique nommée par Donald Trump et qu’elle fut la coordinatrice mondiale aux États-Unis de la lutte contre le sida sous le président Obama. Ensuite, de par son expérience, elle a noué des relations avec les gouverneurs des États fédérés et les principaux hauts fonctionnaires des agences de santé précédemment listées.</p>
<p>Ce savoir-faire ne peut que bénéficier à la nouvelle task force de l’administration Biden, qui souhaite refondre totalement les efforts du gouvernement fédéral contre le coronavirus. Le docteur <a href="https://www.lejdd.fr/International/enquete-limmunologue-anthony-fauci-le-bon-docteur-de-lamerique-3994621">Anthony Fauci</a>, figure emblématique et directeur du département des maladies infectieuses au sein du National Institute of Health, est quasi certain d’y tenir un rôle. </p>
<p>Toutefois, celui-ci ne sera pas connu avant le 20 janvier 2021 dans la mesure où Anthony Fauci a toujours un rôle dans l’administration Trump à ce jour. Le choix d’un Chief of staff, <a href="https://www.politico.com/news/2020/11/11/biden-klain-chief-staff-436168">Ron Klain</a>, ayant l’expérience de la gestion de l’épidémie de virus Ebola sous l’administration Obama, marque une volonté politique forte. Cela devrait favoriser la mise en œuvre d’une stratégie de communication efficace au niveau national, évitant le déni et légitimant l’application des gestes barrières. Cela permettra d’éviter la pénurie de certains matériaux de protection tout comme la mise en place d’une politique de vaccination nationale efficace et coordonnée. Faudra-t-il encore qu’elle ne soit pas freinée par une interprétation tatillonne de la réglementation bureaucratique en vigueur.</p>
<h2>Un contexte de bipolarisation</h2>
<p>En revanche, bon nombre de mesures de précautions (fermeture des écoles, des lieux et administrations publiques, port du masque, etc.) dépendront toujours de décrets d’application promulgués par les gouverneurs des États fédérés ou autres édiles locaux. Or, dans le contexte politique actuel d’extrême bipolarisation, un certain nombre de <a href="https://www.politico.com/news/2020/11/13/republican-governors-reject-biden-mask-orders-436385">gouverneurs républicains d’États « rouges »</a> (16 sur les 27 affiliés au GOP), notamment ceux du Dakota du Sud et du Nebraska, ont d’ores est déjà fait savoir qu’ils n’imposeraient pas le port du masque, arguant que cette recommandation venant des Centers for Disease Control and Prevention ne constituait pas une obligation légale et qu’elle devait demeurer un choix personnel.</p>
<p>Dans une configuration où la majorité politique des deux Chambres serait démocrate, le Congrès pourrait être un relais majeur pour aider l’exécutif dans la mise en place d’une politique de santé publique de grande envergure, en appuyant les décrets présidentiels et en dégageant les crédits publics nécessaires. Toutefois, la polarisation partisane actuelle et la <a href="https://www.nytimes.com/2020/08/31/opinion/trump-coronavirus-economy.html">loyauté du bloc républicain</a> envers le président sortant Donald Trump rendent illusoire la possibilité d’un traitement de la pandémie via de vastes programmes bipartisans. Reste alors pour Joe Biden la voie étroite des décrets présidentiels. Il pourrait ainsi centraliser la production de masques, de tests, des vaccins et créer un corps spécial d’agents en charge du traçage des cas contacts. En revanche, imposer le port du masque reste une prérogative des gouverneurs et des autorités locales.</p>
<p>Le deuxième tour des élections sénatoriales en Géorgie le 5 janvier prochain s’avère crucial. Il permettra en effet d’attribuer les deux derniers sièges de sénateurs à Washington DC et ainsi de faire pencher la majorité du Sénat côté démocrate ou côté républicain. Les démocrates font campagne sur l’élargissement de l’accès au système de soin alors que les républicains dénoncent l’avènement d’une « <a href="https://www.politico.com/news/2020/11/15/georgia-runoffs-senate-health-care-436534">médecine socialiste</a> ».</p>
<p>Dans ce contexte politique, il est fort probable que la politique électorale l’emporte sur la volonté présidentielle de Joe Biden d’éradiquer la Covid-19. La route vers la fin de la pandémie s’annonce longue et tortueuse, même si l’on peut toujours espérer que les vaccins constituent de véritables « game changers ».</p>
<hr>
<p><em>Cet article a été écrit en collaboration avec Larry Brown, professeur à la Mailman School of Public Health, Columbia University, New York.</em></p>
<p><em>La rubrique Fact check US a reçu le soutien de <a href="https://craignewmarkphilanthropies.org/">Craig Newmark Philanthropies</a>, une fondation américaine qui lutte contre la désinformation</em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/150558/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Joe Biden a-t-il les moyens de résoudre la crise sanitaire, comme il le prétend ? Quelle est sa marge de manœuvre présidentielle en matière de santé publique ?William Genieys, Directeur de recherche CNRS au CEE, Sciences Po Larry Brown, Professeur invité au Laboratoire interdisciplinaire d'évaluation des politiques publiques (LIEPP), Sciences Po, Columbia UniversityLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1507652020-11-25T20:42:48Z2020-11-25T20:42:48ZFact check US : La transition chaotique de Trump affaiblit-elle vraiment la démocratie américaine ?<p>Alors que la victoire de Joe Biden ne fait plus de doute, Donald Trump continue de contester les résultats de l’élection. Dans la nuit de lundi à mardi, il a finalement permis à ses équipes d’entamer le processus de transition du pouvoir. Mais il affirma au même moment sur Twitter que ce n’était pas une concession et que ses recours légaux restaient nombreux :</p>
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<p>Depuis trois semaines, la situation reste donc chaotique et tendue. L’on se demande si Donald Trump peut <a href="https://theconversation.com/fact-check-us-donald-trump-peut-il-saccrocher-au-pouvoir-148040">mettre en péril la passation de pouvoir</a> comme il semble le suggérer. Le <em>New York Times</em> comme d’autres médias se demandent <a href="https://www.nytimes.com/2020/11/12/briefing/ron-klain-jeffrey-toobin-tropical-storm-eta.html">si la démocratie est en danger</a>. S’il n’est pas pertinent de se perdre en conjectures, il est en revanche utile de regarder dans le rétroviseur de l’histoire afin de comprendre jusqu’où un président peut aller et ce que la situation actuelle a de spécifique.</p>
<p>Avant d’entreprendre des comparaisons, rappelons le contexte. En 2016, Donald Trump gagne les élections avec 306 grands électeurs grâce à trois États : le Michigan, la Pennsylvanie et le Wisconsin avec une marge de 78 000 voix, tout en perdant le vote populaire par 2,8 millions de voix. Le jour suivant, Hillary Clinton concède l’élection à son adversaire qui parle alors de « raz-de-marée » électoral. En 2020, Joe Biden remporte à son tour les élections avec 306 grands électeurs et une avance de plus de 255 000 voix dans les mêmes trois États, gagnant par 6 millions de voix le vote populaire. Le président Trump refuse de concéder sa défaite, affirmant même avoir gagné en raison d’une « fraude électorale » de grande ampleur à la faveur de démocrates largement corrompus. Des accusations sans preuve qui ne visent ni les sénatoriales, ni les États ou les comtés gagnés par les républicains. Contesté par sa propre administration, <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2020/11/18/presidentielle-americaine-donald-trump-limoge-christopher-krebs-un-responsable-de-la-securite-des-elections_6060124_3210.html">il limoge le responsable de la sécurité des élections</a>, rattaché au Département de la Sécurité intérieure, Christopher Krebs. Ce dernier avait défié le président en déclarant que cette élection avait été « la plus sûre de l’histoire des États-Unis ».</p>
<p>Alors que les recours légaux s’épuisent, le président tente ensuite, vainement, d’utiliser le poids de sa fonction pour de mettre fin à la certification officielle du vote dans certains États clés. Ceci, par exemple, en <a href="https://www.washingtonpost.com/nation/2020/11/19/wayne-county-rescind-certifying-election/">convoquant des élus républicains locaux</a> afin de faire pression sur les assemblées législatives (à majorité républicaine) des États pour qu’elles annulent les résultats des élections sous prétexte de fraude. Simultanément, son équipe d’avocats, dirigée par Rudolph Giuliani, affirme dans une conférence de presse au siège du Comité national républicain à Washington DC qu’il s’agit <a href="https://www.journaldemontreal.com/2020/11/21/rudy-giuliani-du-maire-de-lamerique-aux-theories-complotistes">d’un complot</a> ourdi par le Venezuela, George Soros, la Chine, les antifas, et le parti démocrate.</p>
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<figcaption><span class="caption">« Accusations de fraude, imitation, complotisme : la surréaliste conférence de presse de Rudy Giuliani » (France 24).</span></figcaption>
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<h2>Les précédents d’élections sous tension</h2>
<p>L’histoire politique américaine est jalonnée d’élections sous tension ou contestées. <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89lection_pr%C3%A9sidentielle_am%C3%A9ricaine_de_2000">Celles de 2000 entre Gore et Bush</a> ont ainsi vu des résultats retardés jusqu’au 13 décembre, quand Al Gore a finalement concédé sa défaite après la décision de la Cour suprême de cesser le décompte des bulletins de vote en Floride. Un autre moment de tension, bien connu des historiens, est <a href="https://www.theatlantic.com/magazine/archive/2019/03/fdr-herbert-hoover-big-government/580456/">l’élection de 1932 perdue par Herbert Hoover face à Franklin Delano Roosevelt</a>. Même si la comparaison n’est jamais parfaite, il y a de nombreux points <a href="https://theconversation.com/scruter-lamerique-des-annees-1920-pour-comprendre-ses-divisions-daujourdhui-106975">communs intéressants entre ces deux époques</a> et ces deux présidents. Tout comme Donald Trump, Herbert Hoover était un riche homme d’affaires arrivé tardivement en politique. Il s’opposait à l’establishment de son parti, gouvernait en solitaire et balayait les dogmes du passé, faisant voler en éclat le consensus idéologique qui prévalait. Il soutenait également une politique isolationniste, protectionniste et nativiste, avec des déportations massives d’immigrés.</p>
<p>Enfin, il a tenté d’effrayer les électeurs au sujet du prétendu socialisme de son adversaire et il a perdu les élections en raison de son incapacité à résoudre la crise qui a suivi le krach de 1929. Malgré cela, il a continué de promettre qu’une reprise économique était en cours, utilisant la longue période entre l’élection et l’inauguration pour semer la discorde, saper l’économie et limiter les options de son successeur. C’est d’ailleurs à la suite de cette période de tension que <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Inauguration_Day">l’inauguration</a>, jusqu’alors fixée au 4 mars, a été avancée au 20 janvier. Mais deux différences majeures subsistent : le parti républicain avait, alors, subi une cuisante défaite dans les deux chambres du Congrès, et Hoover n’a jamais contesté le résultat des élections.</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/371362/original/file-20201125-15-1qdcvxq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/371362/original/file-20201125-15-1qdcvxq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/371362/original/file-20201125-15-1qdcvxq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=924&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/371362/original/file-20201125-15-1qdcvxq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=924&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/371362/original/file-20201125-15-1qdcvxq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=924&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/371362/original/file-20201125-15-1qdcvxq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1162&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/371362/original/file-20201125-15-1qdcvxq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1162&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/371362/original/file-20201125-15-1qdcvxq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1162&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Couverture du livre <em>Fraud of the Century</em> de Roy Morris Jr., consacré à l’élection de 1876, Simon and Schuster, 2003.</span>
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<p>Il nous faut remonter en <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89lection_pr%C3%A9sidentielle_am%C3%A9ricaine_de_1876">1876</a> pour trouver des élections qui ont fait l’objet de multiples allégations de fraude électorale, avec des litiges concernant 20 votes de grands électeurs dans quatre États. Le Congrès avait alors dû résoudre la crise constitutionnelle qui a suivi à l’aide d’une commission électorale bipartisane. Cette dernière a accouché de l’infâme <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Compromis_de_1877">compromis de 1877</a> : contre la présidence donnée à un parti, le retrait des troupes fédérales du Sud est acté, mettant ainsi fin à l’intégration des esclaves affranchis dans les États du sud lors de la période de <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Reconstruction_(%C3%89tats-Unis).">Reconstruction</a>. Ce développement a ouvert ultérieurement la voie aux « lois Jim Crow » empêchant, entre autres, les Noirs de voter.</p>
<h2>Les normes démocratiques de transition du pouvoir</h2>
<p>Malgré tout, il y a, depuis 1963, une <a href="https://www.brookings.edu/testimonies/implementation-of-the-1963-presidential-transition-act/">loi</a> qui vise précisément à cadrer les mécanismes facilitant une transition de pouvoir ordonnée et pacifique. Cette loi, plusieurs fois amendée, dit notamment qu’une agence gouvernementale (<a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Administration_des_services_g%C3%A9n%C3%A9raux">General Services Administration</a>, ou GSA) doit fournir aux équipes de transition du président-élu des moyens et un accès aux services gouvernementaux.</p>
<p>Or si, en règle générale, le chef de la GSA prend sa décision dès que les organismes de presse reconnus fiables ont déclaré le vainqueur, il n’y a pas de règles strictes sur la façon dont elle détermine qui est le président élu. Après plus de 3 semaines de refus, Donald Trump <a href="https://www.france24.com/fr/am%C3%A9riques/20201124-%C3%A9tats-unis-donald-trump-autorise-le-processus-de-transition-vers-une-administration-biden">a fini par autoriser à contrecœur Emily Murphy, l’administratrice de la GSA, à entamer la transition</a>, se pourfendant d’un tweet expliquant que ce n’était pas pour autant une concession.</p>
<p>Il est donc à craindre que Donald Trump rompe avec la tradition du « discours de concession » envers son adversaire. Une tradition qui n’a aucune base légale ou constitutionnelle mais qui permet, <a href="https://www.smithsonianmag.com/smart-news/why-defeated-presidential-candidates-deliver-concession-speeches-180976252/">depuis 1896</a>, d’apaiser les tensions éventuelles et d’unifier le pays, comme ce fût le cas en 2000. Il pourrait être, également, le premier président à ne pas assister à l’inauguration de son successeur depuis Andrew Johnson en 1869. Que ce soit dans la forme ou dans le fond, il n’y a donc aucun précédent historique aux actions du président Trump mettant en cause les élections.</p>
<h2>Quelle stratégie et quel but ?</h2>
<p>Son but est, avant tout, de rester une force omniprésente en politique et dans les médias. Pour cela, il a construit <a href="https://www.factcheck.org/2016/10/trumps-bogus-voter-fraud-claims/">au fil du temps</a> un récit alternatif sur la fraude. Ce qui lui permet de délégitimer son adversaire et de se placer en victime des forces malfaisantes de « l’État profond » et des « fake news », dit-il, alignés contre lui depuis sa prise de fonctions. Paradoxalement, il endosse également le rôle du héros qui, en refusant de céder, montre qu’il est plus fort que les autres et n’est donc pas un <em>loser</em>. Il protège ainsi sa marque de fabrique et s’assure de garder sa place dans l’imaginaire de ses partisans qui lui vouent un véritable <a href="https://www.amazon.com/Cult-Trump-Leading-Explains-President/dp/1982127333">culte de personnalité</a>. A ce stade, mais cela peut changer, ce récit semble porter ses fruits : environ 7 républicains sur 10 pensent que Joe Biden a gagné par la fraude (<a href="https://www.monmouth.edu/polling-institute/reports/monmouthpoll_us_111820/">ici</a> et <a href="https://www.politico.com/news/2020/11/09/republicans-free-fair-elections-435488">ici</a>).</p>
<p>C’est en partie pour cette raison que seule une <a href="https://www.nytimes.com/2020/11/21/us/politics/trump-vote.html">poignée d’élus républicains</a> a osé contredire le président. Un seul tweet de sa part peut détruire leur réputation auprès de la base au moment où se joue, en toile de fond, le contrôle du sénat qui dépendra du résultat des <a href="https://www.france24.com/fr/am%C3%A9riques/20201108-%C3%A9tats-unis-le-contr%C3%B4le-du-s%C3%A9nat-se-jouera-en-janvier-en-g%C3%A9orgie">élections sénatoriales en Géorgie en janvier</a>.</p>
<p>Si les institutions démocratiques des États, les freins et contrepoids, notamment judiciaires, ont fonctionné, ces élections ont mis en lumière les faiblesses du système électoral américain : l’absence de normes homogènes pour la certification des élections, l’incertitude sur la compétence juridique d’obscures commissions électorales (« <a href="https://www.nytimes.com/2020/11/23/us/politics/election-michigan-board-state-canvassers.html">canvassing board</a> ») ou sur le pouvoir des assemblées législatives des États à nommer leurs propres grands électeurs au mépris du vote populaire. Si la machine ne s’est pas grippée, c’est grâce à quelques fonctionnaires locaux, comme le secrétaire d’État en Géorgie, qui ont suffisamment foi dans le système pour suivre la loi et les règles. On peut se demander dès lors ce qui se serait passé avec un résultat plus serré, comme en 2000, ou bien avec un président plus rigoureux et plus stratège. Ce, d’autant que des millions d’électeurs et des dizaines d’élus restés fidèles au président sortant ont semblé plus intéressé par la victoire de leur camp que par les subtilités d’une procédure juridique et électorale complexe les laissant indifférents.</p>
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<p><em>La rubrique Fact check US a reçu le soutien de <a href="https://craignewmarkphilanthropies.org/">Craig Newmark Philanthropies</a>, une fondation américaine qui lutte contre la désinformation</em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/150765/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jérôme Viala-Gaudefroy ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La transition entre Donald Trump et Joe Biden est chaotique, le sortant refusant d’admettre sa défaite. Jusqu’où peut-il aller et a-t-on connu pareille situation dans l’histoire américaine ?Jérôme Viala-Gaudefroy, Assistant lecturer, CY Cergy Paris UniversitéLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1496652020-11-07T05:31:09Z2020-11-07T05:31:09ZFact check US : La Cour suprême peut-elle vraiment sauver Donald Trump ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/367977/original/file-20201106-15-1u66370.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C1022%2C682&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">La Cour suprême américaine, à Washington DC. </span> <span class="attribution"><span class="source">Al Drago/AFP</span></span></figcaption></figure><p>Les résultats de l’élection présidentielle américaine ont été extrêmement serrés jusqu’à la victoire annoncée de Joe Biden samedi 7 novembre, quatre jours après le scrutin.</p>
<p>Au début, alors que les États les moins disputés avaient rendu leurs résultats, le dépouillement avait tout d’abord été favorable à Donald Trump, dans les États clés de Pennsylvanie, Michigan et Wisconsin, qui lui avaient permis de devenir président en 2016.</p>
<p>Puis, au fur et à mesure que les bulletins par correspondance ont été dépouillés, le candidat démocrate a rattrapé son retard apparent et l’écart s’est réduit.</p>
<p>Dès que la tendance a commencé à s’inverser, Donald Trump a parlé haut et fort de fraude et de triche, répété que les <a href="https://www.youtube.com/watch?v=4g6NgoqEDOI&ab_channel=SkyNews">démocrates voulaient lui voler l’élection et annoncé</a> qu’il allait saisir la Cour suprême.</p>
<p>L’attitude du président sortant témoigne ainsi de sa méconnaissance de l’organisation judiciaire aux États-Unis et de son refus d’accepter l’existence de contre-pouvoirs, en l’occurrence le pouvoir judiciaire.</p>
<p>Donald Trump n’en a jamais fait mystère. S’il a poussé pour que la très conservatrice candidate <a href="https://www.franceculture.fr/emissions/revue-de-presse-internationale/la-revue-de-presse-internationale-emission-du-mardi-27-octobre-2020">Amy C. Barrett</a> soit confirmée en un temps record, en violation du principe édicté par les républicains eux-mêmes en 2016 (à savoir, d’attendre le résultat des prochaines élections avant de nommer un nouveau juge à vie afin que les électeurs puissent faire entendre leur voix), c’est parce qu’il voulait compter sur une Cour suprême comptant six juges conservateurs. Une cour ainsi susceptible de lui donner la présidence comme elle l’avait accordée à George W. Bush en 2000 dans la très contestée décision <a href="https://www.law.cornell.edu/supremecourt/text/00-949"><em>Bush v. Gore</em></a>.</p>
<h2>La Cour suprême n’est pas le bras armé de Trump</h2>
<p>Sauf pour les litiges entre États ou mettant en jeu un ambassadeur, la Cour suprême n’est pas une juridiction de premier ressort. Donald Trump ne peut donc la saisir directement, contrairement à ce qu’il laisse entendre. La Cour suprême est une cour d’appel qui statue en dernier ressort sur des litiges qui ont cheminé au sein des juridictions fédérales ou étatiques avant d’être renvoyés devant elle. La Constitution des États-Unis confie aux États le soin d’organiser leurs élections : ce sont eux qui déterminent le nombre de bureaux de vote, éventuellement le nombre de jours durant lesquels le vote anticipé est possible et le seuil à partir duquel il est possible de demander un nouveau décompte des bulletins de vote. En d’autres termes, le droit électoral est un droit qui relève des États fédérés et qui diffère selon que l’on se trouve en Pennsylvanie, en Géorgie, au Michigan ou au Wisconsin.</p>
<p>En principe, les litiges et contentieux électoraux commencent devant les juridictions de l’État, d’abord en première instance, puis au niveau de la cour d’appel et le cas échéant devant la Cour suprême de l’État. Mais ils peuvent commencer ou être renvoyés devant les juridictions fédérales dès lors que se pose une « question fédérale ».</p>
<h2>Il faut une « question fédérale »</h2>
<p>Pour qu’une affaire relève des juridictions fédérales, il faut qu’existe une « question fédérale », touchant à la Constitution ou au droit fédéral, puis il faut que la Cour accepte l’affaire. Or, le mode de saisine (<em>writ of certiorari</em>) de la Cour suprême lui donne toute latitude pour accepter ou refuser les demandes de réexamen. Quatre <em>justices</em> au moins doivent être d’accord pour que l’affaire soit examinée. En 2000, elle a accepté et il lui a été reproché de s’être <a href="https://www.nytimes.com/2001/02/20/us/bush-v-gore-a-special-report-election-case-a-test-and-a-trauma-for-justices.html">jetée dans le « maquis politique »</a> (<em>political thicket</em>) et d’avoir statué alors qu’elle pouvait très bien se tenir à l’écart et laisser s’appliquer les règles du jeu électoral prévues par la Constitution. Les juges majoritaires ont invoqué l’insécurité juridique et politique résultant du long contentieux en Floride mais les juges minoritaires dans leur opinion dissidente ont violemment critiqué cette décision « qui sera à jamais un coup porté à la légitimité de la Cour ». En 2000, la Cour a statué sur la base d’une violation du principe d’égalité devant la loi, l’« égale protection de la loi » du 14<sup>e</sup> amendement, pour faire droit à la demande de l’équipe républicaine que cesse le recompte des voix car les méthodes différaient selon les comtés.</p>
<p>En 2020, le président de la Cour, le Chief Justice John Roberts est tout à fait conscient que si à l’issue d’un long processus juridictionnel, la Cour suprême devait se saisir de l’affaire et remettre les clés de la Maison Blanche à Donald Trump pour un deuxième mandat, par une majorité de six conservateurs contre trois progressistes, la décision, quelle que soit sa base juridique, apparaîtrait comme partisane et idéologique et porterait un coup supplémentaire à la crédibilité et à la légitimité de la Cour. Or depuis que la juge Barrett a été confirmée quelques jours avant l’élection, Roberts n’est plus en position de juge pivot et ne pourra pas nécessairement empêcher quatre de ses collègues conservateurs de se saisir d’une affaire et cinq d’entre eux de statuer dans le sens du président en place.</p>
<h2>Donald Trump manque d’une base légale solide</h2>
<p>Le président Trump a annoncé qu’il allait contester tous azimuts dans les États qui peuvent faire basculer l’élection, demander l’interruption du dépouillement, « afin d’envoyer des observateurs » alors qu’il y a déjà des observateurs républicains dans les bureaux de vote, dans le Michigan par exemple. Dans un comté de Clark, Nevada, il voulait avoir accès au logiciel des machines à voter et a été <a href="https://eu.usatoday.com/story/news/politics/elections/2020/11/05/trump-election-lawsuits-recounts-pennsylvania-michigan-nevada-georgia/6172803002/">débouté deux fois</a>. Car pour agir en justice, il faut des faits avérés (erreur humaine, logiciel défaillant) et une base légale solide. Or, dans les diverses actions en justice que D. Trump a déjà intentées (se reporter, à cet égard, à <a href="https://theconversation.com/la-guerre-des-recours-de-donald-trump-149662">cette excellente mise au point</a>) ou menace d’intenter, celle-ci est inexistante ou « frivole » ; en conséquence, il n’a guère de chances d’obtenir satisfaction. </p>
<p>De même, lorsqu’il demande un nouveau décompte dans le Wisconsin ou en Géorgie et sans doute en Pennsylvanie, il sait que ce ne sera possible que lorsque les résultats seront certifiés. Il y a en outre très peu de chances que cela change les résultats finaux : les recomptages du passé, fréquents mais moins médiatisés, montrent que les erreurs sont rares, portent sur quelques centaines de voix au plus et <a href="https://www.nbcnews.com/politics/2020-election/could-recount-flip-key-battleground-history-says-don-t-count-n1246596">n’affectent jamais les résultats finaux</a>.</p>
<p>Mais ce qui compte est l’effet d’annonce afin de mobiliser ses troupes.</p>
<h2>Quid de la Pennsylvanie ?</h2>
<p>Il y a malgré tout une <a href="https://www.forbes.com/sites/alisondurkee/2020/11/05/pennsylvania-court-orders-state-to-segregate-some-mail-in-ballots-in-response-to-trump-challenge/?sh=4e138be530b6">affaire en Pennsylvanie</a> qui a déjà accompli le cheminement devant les juridictions étatiques : la question du sort réservé aux bulletins reçus trois jours après l’élection mais postés en temps voulu. La Cour suprême de l’État s’était prononcée en faveur de cet assouplissement afin de protéger le droit de vote des citoyens en période de pandémie, mais les républicains ont demandé à la Cour suprême des États-Unis d’intervenir en procédure d’urgence. Celle-ci a accepté l’affaire et s’est partagée à quatre voix contre quatre, laissant de fait la décision de la Cour suprême de l’État s’appliquer. Dès le 4 novembre, Donald Trump a de nouveau saisi la Cour suprême sur cette même question avec l’espoir que la Cour se prononce différemment. Mais ce n’est pas si simple.</p>
<p>Tout d’abord, cette affaire n’est importante que si Joe Biden a besoin de la Pennsylvanie pour l’emporter. Ensuite, il n’est pas certain qu’une Cour, même composée de six conservateurs et trois « libéraux », accepte d’entrer dans ce « maquis politique » et envisage de revenir sur une décision de la Cour suprême de Pennsylvanie alors que le droit électoral relève du droit étatique et que cette décision vise d’abord à protéger le droit de vote. Pourtant, le juge Alito, saisi en procédure d’urgence par les républicains, a pris une <a href="https://nypost.com/2020/11/06/justice-alito-orders-pennsylvania-officials-divide-late-ballots/">ordonnance de référé</a> ordonnant aux bureaux de vote de classer à part les bulletins arrivés après le jour de l’élection. C’est déjà ce que font les bureaux de vote et d’après le service postal, l’USPS, cela concernerait 4 900 bulletins. C’est donc négligeable mais un signal fort que les juges conservateurs (Alito, Gorsuch et Thomas), qui n’ont pas pu invalider ce délai supplémentaire, ne sont pas prêts à baisser les bras.</p>
<p>Si in fine la Cour suprême décidait de prendre l’affaire et d’invalider la décision de la Cour suprême de Pennsylvanie, elle jugerait sans doute que le pouvoir judiciaire (en accordait ce délai supplémentaire) a outrepassé ses pouvoirs et violé la Constitution fédérale qui confie aux Législatures des États le soin d’organiser les élections. Ce serait spécieux et en violation du principe de « reliance ». Alors que plusieurs centaines de milliers d’électeurs ont voté en se fiant (reliance) aux règles en vigueur, la décision les priverait de leur vote a posteriori. Même si certains des juges, dont Samuel Alito, seraient tentés d’aller dans ce sens, le Chief Justice leur expliquerait sans doute les dangers d’une décision de ce type pour la crédibilité et la légitimité de la juridiction suprême.</p>
<p>En conclusion, l’attitude d’un <a href="https://theconversation.com/fact-check-us-donald-trump-peut-il-saccrocher-au-pouvoir-148040">président déterminé à s’accrocher au pouvoir</a> en utilisant tous les moyens, y compris l’instrumentalisation des recours en justice, fragilise la présidence et la démocratie états-uniennes. Mais Donald Trump se semble pas s'en soucier. Ses annonces de contestations tous azimuts, qui ont donc peu de chances d’aboutir, associées à ses tweets mensongers repris dans la bulle médiatique de droite, ont un seul but : lui permettre de consolider son récit d’une élection truquée. Sa priorité est de sortir vainqueur de la bataille devant la cour de l’opinion publique. Avec, à la clé, des dommages considérables causés aux institutions américaines et un risque réel de violence.</p>
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<p><em>La rubrique Fact check US a reçu le soutien de <a href="https://craignewmarkphilanthropies.org/">Craig Newmark Philanthropies</a>, une fondation américaine qui lutte contre la désinformation</em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/149665/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Anne E. Deysine ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Donald Trump menace de saisir la Cour suprême et d’utiliser tous les recours légaux possibles pour remporter l’élection. Sauf que la justice américaine n’est pas l’arbitre dont il rêve.Anne E. Deysine, Professeur émérite juriste et américaniste, spécialiste Etats-Unis, questions politiques, sociales et juridiques (Cour suprême), Université Paris Nanterre – Université Paris LumièresLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1492002020-11-01T16:57:14Z2020-11-01T16:57:14ZFact check US : Existe-t-il une « menace antifa » aux États-Unis, comme l’affirme Donald Trump ?<p>C’est devenu une habitude au cours de l’année passée, plus vive encore après le <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2020/06/03/mort-de-george-floyd-de-nouvelles-manifestations-pacifiques-aux-etats-unis_6041569_3210.html">meurtre de George Floyd</a> par des policiers de Minneapolis et la vague de manifestations antiracistes qui s’en est suivie : Donald Trump désigne les « antifas » (abréviation d’« antifascistes ») comme une organisation terroriste et une menace pour la démocratie américaine. Les « antifas », le président l’a encore récemment déclaré dans sa prose habituelle, constituent <a href="https://www.whitehouse.gov/briefings-statements/remarks-president-trump-marine-one-departure-093020/">« un très mauvais groupe »</a> qui devrait selon lui être qualifié d’« organisation terroriste ».</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/366706/original/file-20201030-15-4j7fci.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/366706/original/file-20201030-15-4j7fci.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/366706/original/file-20201030-15-4j7fci.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=115&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/366706/original/file-20201030-15-4j7fci.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=115&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/366706/original/file-20201030-15-4j7fci.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=115&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/366706/original/file-20201030-15-4j7fci.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=144&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/366706/original/file-20201030-15-4j7fci.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=144&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/366706/original/file-20201030-15-4j7fci.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=144&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<h2>Le terme anfifa</h2>
<p>Examinons ces propos de plus près. Avant toute chose, qu’est-ce que le terme antifa désigne dans le contexte américain ? Si l’on veut aller au bout de la logique du président, est-ce une organisation clairement identifiable, avec une structure qui pourrait être démantelée ?</p>
<p>La réponse est un non catégorique. À bien des égards, l’étiquette « antifa » désigne une idéologie ou, si l’on préfère, une marque plus qu’un groupe politique. Les antifas sont très peu structurés, sans hiérarchie, statut ou organisation précise. Le terme renvoie plus à une nébuleuse qu’à une association : un <a href="https://www.nytimes.com/article/what-antifa-trump.html">réseau souple de militants</a>, partageant une philosophie générale, essayant parfois de coordonner leurs activités, mais opérant généralement de manière spontanée, réactive et à un niveau très local.</p>
<p>Les cellules locales sont autonomes, ont tendance à agir de manière secrète et le nombre de leurs membres varie, peuvent s’étendre ou se réduire selon les circonstances. Parfois, les antifas s’associent à d’autres organisations peu structurées, Black Lives Matter vient immédiatement à l’esprit. Dans d’autres cas, elles agissent de manière isolée, même si leurs techniques radicales et parfois violentes sont rejetées par une majorité de ceux qui organisent des manifestations et des protestations sur des sujets chers aux antifas : autoritarisme et antifascisme, racisme, homophobie ou xénophobie.</p>
<p>Pour toutes ces raisons, il est difficile d’identifier une généalogie précise du mouvement antifa ou de fournir une définition sociologique et démographique de ses militants. Nous savons que la plus ancienne cellule antifa encore active, dénommée <a href="https://rosecityantifa.org/">Rose City Antifa</a>, a été créée à Portland, Oregon, en 2007, dans le but de mettre fin à un festival néo-nazi organisé par des skinheads. Mais le mouvement, et la marque, n’ont vraiment pris leur essor que ces dernières années, en réponse à l’élection de Donald Trump et plus encore lors de manifestations contre le <a href="https://www.nytimes.com/2017/08/13/us/far-right-groups-blaze-into-national-view-in-charlottesville.html">rassemblement des nationalistes et suprémacistes blancs à Charlottesville</a>, en Virginie, en août 2017.</p>
<h2>Une menace ?</h2>
<p>Faut-il donc considérer qu’ils représentent une menace ? Nous disposons de <a href="https://www.csis.org/analysis/who-are-antifa-and-are-they-threat">données</a> prouvant que les militants antifas ont été impliqués dans un nombre relativement faible d’incidents et d’épisodes de violence. </p>
<p>Aux accusations de Donald Trump et de son procureur général William Barr selon lesquelles ils sont les principaux instigateurs de la violence, du pillage et des troubles à l’ordre public, ce qui justifierait qu’ils soient qualifiés d’« organisation terroriste nationale », on ne peut que répondre avec scepticisme et de façon critique, tant pour des raisons juridiques que politiques.</p>
<p>Tout d’abord, il n’existe pas de <a href="https://www.nytimes.com/2019/08/07/us/domestic-terror-law.html">loi sur le terrorisme intérieur</a> aux États-Unis, des élus venant à la fois de la gauche et de la droite s’y opposent. Afin de placer le mouvement antifa sur la seule liste officielle d’organisations terroristes (la liste <a href="https://www.state.gov/foreign-terrorist-organizations/">Foreign Terrorist Organizations</a>), il faudrait prouver ses liens et ses connexions avec les branches non américaines de l’organisation. Ce qui est difficile, voire impossible, à établir. </p>
<p>L’alternative serait de poursuivre un par un ses milliers de militants (dont beaucoup ne sont peut-être que des militants d’un jour, à l’occasion d’une manifestation), en criminalisant leurs convictions politiques et en violant leurs droits fondamentaux inscrits dans la Constitution.</p>
<h2>Une polarisation de la vie politique</h2>
<p>Alors, comment évaluer le danger que ferait peser cet activisme sur la démocratie américaine ? Pour répondre à cette question, il est pertinent d’observer plus largement le conflit partisan et politique qui s’exprime de plus en plus violemment dans le pays. La mouvance antifa participe d’une polarisation de la lutte politique qui érode les fondements mêmes de la République, à savoir la reconnaissance réciproque de la légitimité des deux camps politiques, la droite et la gauche. </p>
<p>Il faut donc l’examiner en parallèle avec d’autres groupes de gauche et de droite qui emmènent la lutte politique dans la rue, qui pensent nécessaire de déployer la violence contre leurs adversaires. Dans le cas des antifas, l’adversaire est le suprémacisme blanc, le néofascisme, le nationalisme de droite mais aussi, parfois, les <a href="https://www.washingtonpost.com/outlook/five-myths/five-myths-about-antifa/2020/09/11/527071ac-f37b-11ea-bc45-e5d48ab44b9f_story.html">grandes entreprises</a> qu’ils considèrent plus ou moins explicitement comme « fascistes », comme un danger pour les couches opprimées que compte la société américaine.</p>
<p>Une partie de la mouvance antifa concourt ainsi à une légitimation de la violence. Ce faisant, elle joue un rôle dans l’escalade de la conflictualité qui a marqué ces derniers mois de manifestations. </p>
<p>En outre, elle expose les manifestants pacifiques au danger et à la possibilité d’être injustement qualifiés de violents par l’autre partie. Cette légitimation de la violence – et, souvent, <a href="https://ijoc.org/index.php/ijoc/article/view/10076/2533">l’engouement pour celle-ci</a> – crée un environnement idéal pour les désordres et les pillages. Cela favorise aussi, comme le montre <a href="https://www.salon.com/2020/06/02/twitter-shuts-down-white-nationalist-group-posing-as-antifa-after-donald-trump-jr-shares-its-tweet/">cet exemple</a> d’un faux compte Twitter étiqueté antifa, l’infiltration des rangs antifas par des extrémistes de droite voulant jouer les agents provocateurs. Au bout du compte, comme l’a <a href="https://www.salon.com/2020/06/03/fbi-finds-no-evidence-indicating-antifa-involvement-in-dc-protest-despite-trumps-claims-document/">admis le FBI lui-même</a>, les antifas planifient rarement – et encore moins maîtrisent – la violence qui éclate parfois au cours des grandes manifestations ; mais ils contribuent à créer un environnement propice à cette violence.</p>
<h2>L'une des variables d'une équation complexe</h2>
<p>En conclusion, la mouvance antifa constitue bien un danger au sens où elle justifie le recours éventuel à la violence. Cette attitude exacerbe un conflit politique déjà très inflammable, elle empêche parfois les manifestants de préserver le caractère pacifique de leur action et les expose aux infiltrations d’agents provocateurs. </p>
<p>Mais dans cette optique, les antifas ne représentent que l’une des variables d’une équation impliquant de nombreux autres acteurs, dans un contexte propice à de violentes interactions entre différentes factions, notamment dans les espaces urbains. </p>
<p>En revanche, la mouvance antifa ne peut être appréhendée comme un danger au sens d’une organisation terroriste : elle n’a ni structure ni hiérarchie centralisées, elle ne vise pas à subvertir l’ordre démocratique, et elle n’est certainement pas la source première de la violence politique aux États-Unis. </p>
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<p><em>La rubrique Fact check US a reçu le soutien de <a href="https://craignewmarkphilanthropies.org/">Craig Newmark Philanthropies</a>, une fondation américaine qui lutte contre la désinformation</em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/149200/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Mario Del Pero ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La mouvance antifa a pris de l’ampleur aux États-Unis suite à l’élection de Donald Trump. Ses membres ne constituent toutefois pas une menace au sens où l’entend le président américain.Mario Del Pero, Professeur d’histoire internationale, Sciences Po Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1490242020-10-29T20:23:16Z2020-10-29T20:23:16ZFact check US : Est-il vrai que « dans un autre pays que les États-Unis, Joe Biden ne serait pas dans le même parti que la gauche démocrate » ?<p>Alexandria Ocasio-Cortez <a href="https://nymag.com/intelligencer/2020/01/aoc-first-year-in-washington.html">a déclaré</a> au cours de l’été que dans un autre pays que les États-Unis, elle et Joe Biden n’auraient jamais été dans le même parti et que le parti démocrate pouvait donc ressembler à « une maison trop grande ». Pour comprendre cette déclaration et l’analyser au regard du centrisme de la machine démocrate américaine, revenons d’abord sur le positionnement de la jeune élue, considérée comme l’icône de la gauche américaine.</p>
<h2>Le positionnement « dedans-dehors » de la gauche américaine</h2>
<p>Lorsqu’elle remporte la primaire démocrate du 14e district de l’État de New York en juin 2018, et fait une entrée remarquée sur la scène politique, « AOC » est à la fois membre du parti démocrate et de l’organisation activiste <a href="https://www.dsausa.org/">Democratic Socialists of America</a> (DSA), qui n’est pas un parti mais une structure militante politique de 45 000 membres, fondée en 1982. AOC gagne ensuite l’élection et devient la plus jeune représentante jamais élue du Congrès américain. Elle symbolise dès lors la <a href="https://www.dsausa.org/statements/npc-statement-on-2018-elections/">génération émergente des « Jeunes Turcs »</a> politiques, animés par la volonté de combattre l’injustice économique et sociale. Avec elle, trois autres jeunes femmes nouvellement élues en 2018 comme Démocrates sont proches des DSA : Ilhan Omer, Rashida Tlaib et Ayanna Pressley. Leur quatuor a été surnommé <a href="https://edition.cnn.com/2019/07/15/politics/who-are-the-squad/index.html">« the Squad » par la presse</a> et attaqué par Donald Trump.</p>
<p>AOC conserve, au Congrès, le « style » des militants DSA. En effet, cette mouvance se distingue par son positionnement « dehors-dedans » à l’égard du parti démocrate, tout comme Bernie Sanders, qui n’a jamais fait partie des DSA, mais que ces derniers ont fini par soutenir en tant que seul déclaré « socialiste démocrate » du parti. Longtemps indépendant, Bernie Sanders a êté obligé, une fois devenu sénateur en 2007, de se rattacher aux Démocrates car les commissions au Sénat se répartissent entre les deux grands partis.</p>
<p>Les militants de la mouvance DSA, tout comme Bernie Sanders, balancent entre plusieurs tentations : rester indépendants ; fonder leur propre parti ; et diffuser leurs idées à l’intérieur du parti démocrate. Les DSA veulent briser le centrisme : ils défendent, entre autres, le projet révolutionnaire-écologique du <a href="https://information.tv5monde.com/info/climat-le-green-new-deal-d-alexandria-ocasio-cortez-peut-il-changer-la-donne-322761">Green New Deal</a> porté par AOC, et celui d’une sécurité sociale universelle et publique (Medicare for All) issu du mouvement syndical et des <a href="https://www.medscape.com/viewarticle/906703">Doctors for Single Payer</a>, repris par le candidat Sanders. C’est en raison de leur existence que Donald Trump accuse la machine démocrate d’être « socialiste », les confondant sciemment avec les groupuscules radicaux Antifa (antifascistes) qui utilisent la violence de rue contre leurs vis-à-vis Alt-right suprémacistes.</p>
<p>En juillet 2020, dans un <a href="https://nymag.com/intelligencer/2020/01/aoc-first-year-in-washington.html">long entretien au <em>New York Magazine</em></a>, AOC a justifié sa présence chez les Démocrates en concédant que dans un autre pays, elle et Joe Biden n’auraient jamais été dans le même parti – ce que le magazine proche des DSA, <a href="https://www.jacobinmag.com/2020/01/aoc-joe-biden-alexandria-ocasio-cortez-same-party"><em>Jacobin</em></a>, s’est empressé de confirmer. AOC joue tout de même le jeu : elle est devenue <a href="https://insideclimatenews.org/news/13052020/biden-ocasio-cortez-kerry-climate-task-force">co-responsable</a> avec John Kerry du <em>Climate Task Force</em>, le groupe de réflexion sur le climat de Joe Biden lancé en fin de campagne. De même, rappelons que Bernie Sanders a jeté l’éponge en avril 2020 en appelant ses troupes à <a href="https://www.theguardian.com/us-news/2020/apr/15/bernie-sanders-joe-biden-irresponsible-not-support">soutenir et voter pour Joe Biden</a> et à ne pas recommencer le scénario de la division de 2016. Mais pour autant, jamais le parti n’ira défendre publiquement des idées socialistes.</p>
<h2>Les raisons du centrisme démocrate</h2>
<p>Le système électoral uninominal à un tour est la raison principale pour laquelle les DSA soutiennent les Démocrates lors des élections nationales. Sans doute, s’il était remplacé par un système proportionnel plurinominal (les partis présentent des listes et les candidats sont élus en fonction du nombre de voix recueillies comme aux élections européennes), la donne serait modifiée. Mais, <a href="https://foreignpolicy.com/2019/10/19/us-democracy-two-party-system-replace-multiparty-republican-democrat/">malgré les critiques constantes</a>, l’organisation bipartite n’est pas près d’être réformée. C’est donc en restant dans le système, même en étant de gauche, qu’il est possible d’obtenir des changements tangibles.</p>
<p>Il faut ensuite souligner le rôle que joue le financement privé des élections dans la modération du parti démocrate, qui dépend des dons des grandes entreprises. Il est révélateur que Joe Biden ait choisi comme colistière Kamala Harris plutôt que la tout aussi brillante Elizabeth Warren, candidate progressiste aux primaires sur un programme d’imposition forte des grandes fortunes et de régulation des marchés financiers. Harris, en plus d’être une femme et issue de deux minorités ethniques, est réputée très centriste. Tout comme Joe Biden qui vient du Delaware, un État <a href="https://www.lesechos.fr/2016/05/le-delaware-paradis-fiscal-made-in-usa-206698">à la fiscalité ultra-light</a> où les sièges sociaux d’entreprises sont plus nombreux que les habitants, <a href="https://www.nytimes.com/2020/08/12/business/dealbook/kamala-harris-finance-tech.html">Harris a le soutien de Wall Street</a>. Depuis son tournant néolibéral des années 1980, le parti démocrate n’a pas franchement défendu la demande des syndicats d’un <a href="http://www.ires.fr/index.php/publications/chronique-internationale-de-l-ires/item/5616-etats-unis-les-enjeux-de-la-revitalisation-syndicale-face-aux-transformations-de-l-emploi-et-aux-nouveaux-mouvements-sociaux">renforcement de la vie syndicale et des droits des salariés</a> notamment après la promesse non tenue de Barack Obama de soutenir l’Employee Free Choice Act qui aurait réformé la procédure complexe de syndicalisation en faveur des travailleurs.</p>
<p>Ensuite, l’électorat démocrate est <a href="https://covidam.institutdesameriques.fr/covid-19-et-vote-aux-etats-unis-le-college-electoral-contre-la-democratie/">bien plus disparate que celui du parti républicain</a>. Ce dernier a l’avantage d’être plus homogène et plus concentré géographiquement. Une <a href="https://www.nber.org/papers/w26247">étude de l’Université du Texas</a> montre en effet que le système des grands électeurs favorise, malgré sa proportionnalité démographique, les États les moins peuplés et les plus ruraux par rapport aux États les plus peuplés et les plus urbains. Si le parti démocrate veut gagner ou éviter de perdre aux élections nationales, il doit récupérer les voix les plus modérées des petits États. C’est ce qui s’est passé aux élections de mi-mandat de 2018. Un certain nombre de gouverneurs démocrates ont été <a href="https://www.thirdway.org/report/in-the-midwest-dem-districts-are-marching-to-the-suburbs">élus dans les États du Midwest</a>, justement du fait de leur discours modéré-centriste.</p>
<h2>Du centre droit au centre gauche : répondre au désarroi</h2>
<p>Néanmoins, les lignes ont bougé au sein du parti. <a href="https://www-cairn-info.lama.univ-amu.fr/revue-etudes-2019-10-page-7.htm">Comme l’écrit Laurence Nardon</a>, il est sorti de sa période néo-libérale qui a caractérisé l’ère Clinton et dont les défenseurs sont devenus l’establishment du parti au sein du Democratic National Committee.</p>
<p>Hillary Clinton a été la dernière et malheureuse candidate du règne des New Democrats. Le tournant a commencé avec la crise de 2008 et la nécessité pour Barack Obama de proposer plus de protection et de régulation. Les mannes du New Deal, programme de relance pensé par Roosevelt dans les années 1930, ont été ranimées avec l’<a href="https://theconversation.com/fact-check-us-lobamacare-est-il-dysfonctionnel-et-trop-cher-comme-laffirme-trump-148375">Obamacare</a>, loi permettant d’étendre la couverture maladie à des millions d’Américains. Même si, au même moment, le président Obama ne proposait pas de vraie réponse face aux mouvements sociaux tels qu’Occupy Wall Street (dénonçant l’impunité des marchés), ou <a href="https://fightfor15.org/">« Fight for 15 »</a> (défendant les travailleurs très précaires et revendiquant pour eux un salaire minimum à 15 dollars de l’heure.</p>
<p>La tragédie sociale engendrée par la pandémie en cours a accéléré la mue du parti. Désormais, devant l’évidence criante d’une concentration incontrôlée des richesses, devant la spirale de l’endettement privé et le <a href="https://www.francetvinfo.fr/monde/usa/presidentielle/grand-format-je-decouvre-la-faim-48heures-dans-le-new-jersey-sur-la-route-des-nouveaux-pauvres-americains_4144497.html">chômage dévastateur</a>, il n’est plus possible, même aux plus centristes des Démocrates, de négliger le besoin de régulation et de redistribution. Certes, le projet d’une sécurité sociale universelle défendu par Bernie Sanders ou AOC n’est pas retenu par Joe Biden. Ce dernier promet l’élargissement de l’assurance publique sans toucher au marché des assurances privées. Certes, le candidat retient seulement du Green New Deal la priorité à donner aux énergies propres. Mais le <a href="https://joebiden.com/joes-vision/">programme de Joe Biden</a> est le plus social jamais élaboré depuis 30 ans. Il reste cependant une marge infranchissable pour le taxer de socialiste.</p>
<hr>
<p><em>Ce Fact check a été réalisé avec la collaboration de Léo Durin de l’École supérieure de journalisme de Lille (ESJ Lille).</em></p>
<p><em>La rubrique Fact check US a reçu le soutien de <a href="https://craignewmarkphilanthropies.org/">Craig Newmark Philanthropies</a>, une fondation américaine qui lutte contre la désinformation</em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/149024/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Le système électoral américain et le système de financement des campagnes maintiennent le parti démocrate dans une dynamique centriste. Mais les idées de gauche s’y diffusent de plus en plus.Blandine Chelini-Pont, Professeur des Universités en histoire contemporaine, Aix-Marseille Université (AMU)Donna Kesselman, Professeure, Membre de l’IMAGER (EA 3958), Université Paris-Est Créteil Val de Marne (UPEC)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1488662020-10-28T22:05:27Z2020-10-28T22:05:27ZFact check US : L’Amérique s’est-elle appauvrie sous la présidence de Donald Trump, comme le dit Joe Biden ?<p>Lors du <a href="https://www.youtube.com/watch?v=K8Z9Kqhrh5c&ab_channel=SkyNews">premier débat télévisé</a> de la campagne présidentielle et à <a href="https://www.washingtonpost.com/politics/2019/06/20/joe-bidens-claim-that-almost-half-americans-live-poverty/">plusieurs reprises</a> ces derniers mois, Joe Biden a déclaré que « les États-Unis étaient devenus plus pauvres, plus faibles et plus violents » sous la présidence de Donald Trump.</p>
<p>Ses propos sur la pauvreté sont basés sur une <a href="https://static1.squarespace.com/static/5743308460b5e922a25a6dc7/t/5f87c59e4cd0011fabd38973/1602733471158/COVID-Projecting-Poverty-Monthly-CPSP-2020.pdf">étude</a> de chercheurs de l’université de Columbia qui analysent et modélisent le taux de pauvreté par mois de familles américaines avant, pendant et après la pandémie de Covid-19. Leurs conclusions sont que le taux de pauvreté mensuel passerait de 15 % à 16,7 % de février à septembre 2020, même dans les meilleurs scénarios. Autrement dit, la pauvreté augmenterait, et elle augmenterait considérablement comparativement au début du mandat de Donald Trump, en janvier 2017, en raison d’une situation sanitaire inédite qui <a href="https://www.banquemondiale.org/fr/news/press-release/2020/10/07/covid-19-to-add-as-many-as-150-million-extreme-poor-by-2021">fragilise toutes les nations</a>.</p>
<h2>Des définitions plurielles de la pauvreté</h2>
<p>Mais il est nécessaire de rappeler que la définition de la pauvreté ne fait pas l’unanimité auprès de la communauté internationale. En effet, les deux organisations internationales majeures de lutte contre la pauvreté, la <a href="https://www.banquemondiale.org/">Banque mondiale</a> (BM) et le <a href="https://www.undp.org/content/undp/fr/home.html">Programme des Nations unies pour le développement</a> (PNUD) s’accordent sur les causes de la pauvreté mais divergent sur sa définition même. La première adopte une approche monétaire de la pauvreté : elle se focalise sur le niveau de revenu nécessaire pour assurer la survie des individus. La pauvreté monétaire est caractérisée par un niveau de consommation inférieur à 1,90 dollar par jour. La deuxième, le PNUD, se réfère à trois notions : la pauvreté extrême, se matérialisant par l’absence de revenus nécessaires pour satisfaire les besoins alimentaires essentiels définis sur la base de besoins caloriques minimaux (1 800 calories par jour et par personne selon l’OMS) ; la pauvreté générale qui concerne les besoins essentiels non alimentaires ; et la pauvreté humaine qui porte sur des indicateurs tels que l’analphabétisme, la mauvaise santé maternelle, des maladies pouvant être évitées, etc.</p>
<p>On retiendra que le point commun entre ces définitions est l’accès aux ressources : plus il y aura de ressources, moins il y aura de pauvreté. En se basant sur ces définitions plurielles, observons donc l’évolution de la pauvreté sous le mandat de Donald Trump.</p>
<h2>Quand Donald Trump prend ses fonctions, l’économie en phase d’expansion</h2>
<p>Revenons d’abord sur l’état du pays quand il arrive au pouvoir. Le chômage a augmenté de façon spectaculaire pendant la crise financière de 2008, à la fin du mandat de George W. Bush et au début des mandats de Barack Obama, avant de baisser régulièrement à partir de 2012. Qui dit chômage dit diminution des ressources.</p>
<p>Le bilan de Barack Obama a été noirci par le renchérissement du système de santé, la montée de la pauvreté liée à la crise économique dont il héritait (3,3 millions d’individus supplémentaires sont touchés) et l’épidémie de drogues qui frappait les zones rurales. Les inégalités se sont creusées. La pauvreté a touché tous les groupes démographiques mais en particulier les Afro-Américains, <a href="https://www.lapresse.ca/affaires/2020-06-03/pourquoi-les-noirs-sont-10-fois-plus-pauvres-que-les-blancs-aux-etats-unis">dix fois plus pauvres</a> que les Blancs américains. Et l’espérance de vie des plus pauvres a baissé (suicide, overdose, alcoolisme, banditisme, etc.).</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/366111/original/file-20201028-23-djwwc9.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/366111/original/file-20201028-23-djwwc9.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=426&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/366111/original/file-20201028-23-djwwc9.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=426&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/366111/original/file-20201028-23-djwwc9.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=426&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/366111/original/file-20201028-23-djwwc9.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=535&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/366111/original/file-20201028-23-djwwc9.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=535&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/366111/original/file-20201028-23-djwwc9.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=535&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">L’évolution de la courbe du chômage après la crise de 2008.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.statista.com/chart/17878/unemployment-rate-in-the-united-states/">Stastita</a></span>
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</figure>
<p>Quand le président Trump prend ses fonctions en janvier 2017, l’économie américaine a été remise sur des rails, la reprise est là. Le pays est entré dans période d’expansion décrite comme la plus longue de son histoire. En décembre 2019, le taux de chômage est de 3,5 %, soit le plus bas depuis un demi-siècle. Malgré cela, cette même année 2019, les États-Unis sont classés <a href="https://data.oecd.org/fr/inequality/taux-de-pauvrete.htm">au quatrième rang</a> des pays de l’Organisation pour la coopération et le développement économique (OCDE) selon leur taux de pauvreté, qui y avoisine les 18 %. En parallèle, l’insécurité alimentaire touche alors plus d’un Américain sur dix et 37 millions d’Américains utilisent le programme fédéral d’aide alimentaire pour les pauvres. Cette précarité s’explique notamment par le fait que la moitié des ménages américains ne disposent pas de l’épargne suffisante pour faire face à des dépenses imprévues.</p>
<h2>Le creusement des inégalités, à la défaveur des minorités</h2>
<p>Dans ce contexte, quel est l’impact de la pandémie de Covid-19 ? D’après une <a href="https://www.urban.org/sites/default/files/publication/102605/2020-poverty-projections-assessing-three-pandemic-aid-policies-projections-of-heroes-act-policies-by-race-and-by-state-august-through-december.pdf">étude de l’Urban institute</a>, l’augmentation de la pauvreté aux États-Unis en 2020 ne toucherait pas les Américains de manière égale. Dans les ménages où au moins une personne a perdu son emploi à cause de la crise sanitaire, le taux de pauvreté entre août et décembre 2020 est estimé à 15,6 %, contre un taux annuel projeté de 9,1 %. Les familles afro-américaines et hispaniques qui auraient perdu au moins un emploi seraient touchées de manière disproportionnée. Le taux de pauvreté dans ces communautés serait proche de 20 % entre août et décembre 2020, creusant un peu plus les disparités.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/366114/original/file-20201028-21-iwms4x.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/366114/original/file-20201028-21-iwms4x.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=436&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/366114/original/file-20201028-21-iwms4x.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=436&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/366114/original/file-20201028-21-iwms4x.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=436&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/366114/original/file-20201028-21-iwms4x.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=548&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/366114/original/file-20201028-21-iwms4x.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=548&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/366114/original/file-20201028-21-iwms4x.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=548&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">En mars 2020, en raison de la crise sanitaire, le taux de chômage explose.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.bls.gov/news.release/pdf/empsit.pdf">Bureau of Labor Statistics</a></span>
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<p>D’après les prévisions de <a href="https://www.feedingamerica.org/research/coronavirus-hunger-research">Feeding America</a>,le plus grand réseau de banques alimentaires des États-Unis, près d’une personne sur six serait victime d’insécurité alimentaire, dont 18 millions d’enfants en 2020. L’organisation rapporte que 98 % de ses points de distribution ont été davantage sollicités depuis le début de la crise sanitaire en mars 2020 et que 37 % d’entre eux déclarent faire face à un manque immédiat de ressources. L’<a href="https://static1.squarespace.com/static/5743308460b5e922a25a6dc7/t/5f87c59e4cd0011fabd38973/1602733471158/COVID-Projecting-Poverty-Monthly-CPSP-2020.pdf">étude sur laquelle</a> s’est basé Joe Biden stipule également que l’augmentation des taux de pauvreté serait plus marquée pour les Afro-Américains et les Hispaniques, ainsi que pour les enfants.</p>
<p>Les aides et allocations de chômage prévus dans le cadre de la <a href="https://www.congress.gov/bill/116th-congress/senate-bill/3548/text">loi CARES</a>, plan de relance voté en mars 2020, ont permis à plus de 18 millions de personnes de sortir de la pauvreté mensuelle en avril, mais ce nombre est tombé à environ 4 millions d’individus en août et septembre après l’expiration du supplément d’aide aux chômeurs. En raison de la non-reconduction de ces mesures, le taux de pauvreté mensuel en septembre 2020 est donc au plus haut depuis le début de l’année.</p>
<p>Proportionnellement à l’enrichissement qu’elle a connu au début du mandat Trump, l’Amérique est bel et bien plus pauvre en fin de mandat. Ayant rongé ses filets de sécurité sociale, le pays ne dispose pas de leviers cruciaux de lutte contre la pauvreté, au moment où une crise sanitaire sans précédent la fait flamber.</p>
<hr>
<p><em>Ce Fact check a été réalisé en collaboration avec Ons Kaabia, Université de Sousse, Faculté de Médecine Farhat Hached Sousse, et avec Laura Alliche et Paul Boyer de l’École publique de journalisme de l'Université de Tours (EPJT) .</em></p>
<p><em>La rubrique Fact check US a reçu le soutien de <a href="https://craignewmarkphilanthropies.org/">Craig Newmark Philanthropies</a>, une fondation américaine qui lutte contre la désinformation</em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/148866/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Olfa Kaabia ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Assommés par la crise sanitaire, les États-Unis sont marqués par une forte hausse des inégalités. Entre le début et la fin de son mandat, Donald Trump aura bel et bien vu le pays s’appauvrir.Olfa Kaabia, Professeure Associée en Finance, INSEEC Grande ÉcoleLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1483752020-10-20T19:51:06Z2020-10-20T19:51:06ZFact check US : L’Obamacare est-il « dysfonctionnel et trop cher », comme l’affirme Trump ?<p>Lors du premier débat télévisé de la course à la présidentielle américaine de 2020, Donald Trump lançait à la figure de son challenger démocrate, Joe Biden : « Obamacare is too expensive ; it doesn’t work ». « L’Obamacare est trop cher ; cette loi ne fonctionne pas ». L’attaque n’avait rien d’étonnant sur le fond tant la grande réforme de l’assurance maladie, dite <a href="https://www.congress.gov/bill/111th-congress/house-bill/3590/text">Affordable Care Act (ACA)</a>, constitue une obsession politique.</p>
<p>Pour rappel, l’ACA fut initié par l’administration de Barack Obama afin d’étendre la couverture maladie à plus 20 millions de citoyens américains sur les 45 millions qui n’en disposaient pas en 2009. Si l’objectif de l’extension de la couverture est atteint, celui de la maîtrise du déficit du système d’assurance maladie ne l’est pas. Son coût est estimé à 940 milliards de dollars en 2010 sur dix ans ; il fut réévalué par le Congrès dès 2012 à 1 760 milliards de dollars.</p>
<h2>Effacer la trace politique d’Obama</h2>
<p>Derrière la critique émise par Donald Trump, on perçoit la permanence d’une volonté d’effacer la trace politique laissée par Barack Obama, à laquelle est associé l’ancien vice-président Joe Biden. Dès les cent premiers jours de sa présidence, Donald Trump a en effet lancé en grande pompe une procédure d’abrogation de l’ACA (<a href="https://ballotpedia.org/Timeline_of_ACA_repeal_and_replace_efforts"><em>repeal and replace</em></a>) devant le Congrès pour marquer son territoire. Bien que s’appuyant sur une majorité républicaine à la Chambre des représentants et au Sénat, cette stratégie politique fut mise en déroute. Après avoir obtenu péniblement une majorité de voix à la Chambre (4 mai 2017), le texte d’abrogation est rejeté le 28 juillet 2017 par le Sénat <a href="https://www.franceinter.fr/monde/l-obamacare-sauve-par-le-senateur-republicain-john-mccain">grâce au vote contre</a> de l’ancien candidat républicain à la Maison Blanche John McCain, aujourd’hui décédé.</p>
<p>Face à ce premier échec politique, le président Trump a <a href="https://ballotpedia.org/Federal_policy_on_healthcare,_2017-2020">continué de s’attaquer</a> à l’ACA en opérant des coupes dans certains impôts fédéraux finançant le développement du nouveau système d’assurance maladie, en incitant les gouverneurs républicains à ne pas activer certains leviers de mise en œuvre de la loi dans leur État, et en multipliant les recours devant les cours fédérales. </p>
<p>La Cour suprême aura le dernier mot sur le sujet, le 10 novembre prochain, dans le cadre de la décision <a href="https://www.brookings.edu/blog/usc-brookings-schaeffer-on-health-policy/2020/10/13/a-supreme-court-decision-to-strike-down-the-aca-would-create-chaos-in-the-health-care-system/">California v. Texas</a>. Sera alors étudié le recours de l’administration Trump et d’un groupe de procureurs généraux contestant la constitutionnalité de la loi. Si le risque d’annulation de l’ACA est réel en raison de la forte majorité républicaine à la Cour, la pandémie de Covid-19 tout comme l’absence d’un programme d’assurance maladie alternatif proposé par les républicains jouent contre ce type de décision.</p>
<h2>Large consensus</h2>
<p>Si la charge de Donald Trump contre l’ACA ne porte pas facilement ses fruits, c’est aussi parce que cette réforme fut maturée dans la durée et construite autour d’un large consensus politique des spécialistes des politiques de santé, tant démocrates que républicains. Il s’agit là non pas de fonctionnaires de carrière, mais d’<a href="http://www.pressesdesciencespo.fr/fr/book/?gcoi=27246100830610">experts des politiques d’assurance maladie</a> qui ont travaillé pendant des années au sein de l’État mais aussi à sa périphérie (think tanks, fondations, etc.) sur l’élaboration de ce programme. Concrètement, celui-ci repose sur un mélange subtil d’extension des programmes publics Medicare (ciblant les plus de 65 ans) et Medicaid (à destination des femmes isolées et enfants), et d’enrôlement des assureurs privés et des employeurs. Excessivement complexe pour le profane, la réforme a permis la mise en œuvre progressive d’un filet de protection santé beaucoup plus étendu.</p>
<p>Le nombre de citoyens américains sans couverture maladie était de 20,3 % en 2013, année de son lancement. Il se situe aujourd’hui légèrement au-dessus de 10 %. Au total, ce sont autour de 25 millions d’Américains qui accèdent au système de soins via l’ACA. Certes, le coût de la réforme pour les finances publiques dépasse les prévisions initiales. En 2010, on l’a dit, le coût prévisionnel à dix ans de l’ACA était évalué par l’administration Obama autour de 940 milliards de dollars. Il a été réévalué dès 2012 par l’agence budgétaire bipartisane du Congrès (le CBO) à 1 760 milliards de dollars. Ainsi, les États-Unis ont toujours un budget public consacré à la santé parmi les plus élevés dans le monde. Ils y consacrent 18 % de leur PIB pour une couverture maladie laissant de côté 8,9 % de la population (2016) alors que la France possède une assurance maladie universelle qui équivaut à 11 % de son PIB.</p>
<h2>Dimension hybride</h2>
<p>Pour ses opposants, c’est la dimension hybride de l’ACA, mixant programme public et assurance privée, qui favorise cette dérive des coûts. C’est sur ce point que Donald Trump s’appuie pour déclarer l’ACA « inopérante », exiger son retrait et repositionner au centre du jeu les assurances privées. Cela conduira à retrouver le système d’avant la réforme, en excluant du système 20 millions de citoyens modestes que le marché des assurances privées ne juge pas intéressants d’un point de vue commercial.</p>
<p>La pandémie du Covid-19 a permis de pointer certaines limites de l’ACA pour les citoyens américains qui ont été frappés par le chômage perdant ainsi l’assurance fournie par leur employeur. Ce constat a réactivé le débat autour d’un système d’assurance publique pour tous (Medicare for All) soutenu entre autres par l’aile gauche démocrate et Bernie Sanders lors des élections primaires du parti. Le candidat Joe Biden a, de son côté, toujours défendu le développement et l’extension de la logique de l’Obamacare. </p>
<p>En fin politicien, il essaye de faire le lien entre les démocrates favorables à l’extension progressive de l’éligibilité au programme Medicare (« Medicare like », un abaissement du seuil de 65 ans à 60 ans) tout en assumant l’héritage complexe et consensuel de l’ACA. Dans un <a href="https://www.nbcnews.com/politics/meet-the-press/blog/meet-press-blog-latest-news-analysis-data-driving-political-discussion-n988541/ncrd1029811#blogHeader">meeting du 13 octobre à Des Moines (Iowa)</a>, Joe Biden affirme : « J’estime que l’adoption de l’Affordable Care Act est l’une de nos réalisations les plus importantes ». Pour ces raisons, il est fort probable que si le candidat démocrate l’emporte lors de la prochaine élection présidentielle, l’ACA connaisse encore de beaux jours. </p>
<p>Même si elle est plus coûteuse que prévu, la loi atteint bien ses objectifs. Par conséquent, les assertions du candidat républicain sont fausses.</p>
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<p><em>Ce Fact check a été réalisé avec Manon Bernard de l’École publique de journalisme de l'Université de Tours (EPJT).</em></p>
<p><em>La rubrique Fact check US a reçu le soutien de <a href="https://craignewmarkphilanthropies.org/">Craig Newmark Philanthropies</a>, une fondation américaine qui lutte contre la désinformation</em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/148375/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>William Genieys ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Selon les républicains, la grande réforme du système de santé votée sous Barack Obama est dysfonctionnelle et trop coûteuse. Or malgré son coût élevé, cette loi a déjà atteint ses objectifs.William Genieys, Directeur de recherche CNRS au CEE à Sciences Po, Sciences Po Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1480402020-10-15T19:53:29Z2020-10-15T19:53:29ZFact check US : Donald Trump peut-il s’accrocher au pouvoir ?<p>C’est devenu un leitmotiv : Donald Trump met en doute la validité du processus électoral en cours, laisse entendre que le <a href="https://theconversation.com/fact-check-us-le-vote-par-correspondance-peut-il-faire-capoter-le-scrutin-americain-145341">vote par correspondance</a> – en forte hausse du fait de la crise sanitaire – va forcément s’accompagner de fraudes et que la <a href="https://www.huffpost.com/entry/trump-election-results-transfer-power_n_5f6bd70fc5b653a2bcaf9455">passation de pouvoir</a> ne pourra se faire tranquillement s’il a des soupçons sur le résultat. Pourtant, la fraude liée au vote par correspondance est quasi inexistante : seuls 1 298 cas de fraude ont été recensés en vingt ans (avec en moyenne un ou deux cas par an par État) et 1 121 condamnations prononcées, selon une étude de la <a href="https://www.heritage.org/voterfraud">Heritage Foundation</a>.</p>
<p>Analysons donc plusieurs scénarios de tensions autour du scrutin du 3 novembre et ce que peut le droit pour empêcher le président sortant de s’accrocher au pouvoir en cas de défaite – la situation actuelle ayant ceci d’exceptionnel que nous sommes en présence d’acteurs politiques dont on a pu constater qu’ils ne respectent pas nécessairement les règles du jeu démocratique.</p>
<p>Conscients des risques que l’attitude de Donald Trump fait peser sur le bon déroulé des élections 2020 et une passation pacifique du pouvoir, les membres du <a href="https://www.bostonglobe.com/2020/08/03/nation/transition-integrity-projects-full-report/">Transition Integrity Project</a>, projet ponctuel menée par un groupe bipartisan de responsables politiques et d’experts, créé par Rosa Brooks de la faculté de droit de Georgetown et Nils Gilman du Berggruen Institute, ont ainsi imaginé plusieurs hypothèses. Objectif : en tirer des mesures préventives destinées à garantir l’intégrité de l’élection et à minimiser la violence.</p>
<p>Selon eux, à l’exception d’une situation où Joe Biden remporterait largement le vote populaire et le collège électoral, les risques sont grands que Donald Trump tente d’interférer indirectement dans le processus électoral et le décompte des bulletins de vote par correspondance, qu’il conteste les résultats et refuse de concéder sa défaite. Cela pourrait se traduire par de nombreuses actions en justice et aboutir à des désordres publics de groupes suprémacistes blancs et milices d’extrême droite, encouragés par la tolérance du président à leur égard.</p>
<h2>Première hypothèse, l’incertitude l’emporte le 3 novembre</h2>
<p>Dans la première hypothèse, si les résultats sont très serrés et/ou ne prennent en compte qu’une faible proportion des bulletins de vote par correspondance, le président sortant peut apparaître comme le vainqueur dans certains États pivots car les républicains y auront davantage voté en personne (70 %) que les démocrates (entre 25 % et 45 %). Mais les résultats définitifs certifiés ne seront pas connus le 3 novembre au soir ni le 4 au matin en raison de la lenteur du dépouillement et du décompte des bulletins par correspondance. Le suspense peut durer plusieurs jours, comme ce fut le cas par exemple pour la primaire sénatoriale démocrate du Kentucky du 23 juin 2020 dont les résultats définitifs ne furent connus que le 30 juin, ou celle de New York, où il fallut attendre trois semaines. Les risques de désinformation sont donc sérieux, ce qui explique le nombre élevé de personnels recrutés pour tenir les bureaux de vote et dépouiller.</p>
<p>Les résultats définitifs vont en outre arriver au compte-gouttes en raison des multiples actions en justice qui risquent d’être intentées par les républicains dans les États pivots. En effet, les règles encadrant le dépouillement des bulletins par correspondance sont différentes selon les États et peuvent être contestées. Certains États spécifient que le bulletin doit parvenir au bureau de vote au plus tard le jour de l’élection et doit être comptabilisé le jour même. Dans d’autres États, les bulletins peuvent être comptabilisés plusieurs jours après le jour du scrutin, du moment qu’ils ont été postés le jour de l’élection au plus tard.</p>
<h2>Deuxième hypothèse : l’appel à la violence</h2>
<p>Dans un deuxième scénario, plus violent, Donald Trump annonce dès le soir du scrutin, urbi et orbi sur les réseaux sociaux, qu’il a gagné alors que les résultats définitifs et certifiés ne sont pas disponibles. Martelant leur récit de « fraude électorale », l’entourage de Donald Trump et des membres de la galaxie médiatique de droite pourraient l’inciter à mobiliser sa base électorale afin de prendre d’assaut des bureaux de vote et détruire des bulletins de vote en cours de dépouillement, de préférence dans des quartiers ayant tendance à voter démocrate. Ces pratiques sont illégales mais il n’existe pas de remède purement juridique pour les empêcher. L’envoi éventuel de la garde nationale ne réglerait pas tous les problèmes : même si des individus sont identifiés et poursuivis, la sanction sera décalée dans le temps et rien ne pourra remplacer des bulletins de vote détruits.</p>
<p>Pour parer à cette éventualité, les services électoraux et les polices locales – dont certaines <a href="https://www.theguardian.com/commentisfree/2020/aug/28/fbi-far-right-white-supremacists-police">noyautées par les milices d’extrême droite</a> – sont déjà mobilisés. Les réseaux sociaux, y compris Facebook, ont enfin admis les dangers que pose la mobilisation en ligne instantanée de ceux que le FBI qualifie de « terroristes intérieurs » et dont on a pu constater la radicalisation avec <a href="https://www.rtbf.be/info/societe/detail_usa-le-fbi-dejoue-un-attentat-et-une-tentative-d-enlevement-sur-la-gouverneure-du-michigan?id=10604281">l’attentat déjoué contre la gouverneure démocrate du Michigan, Gretchen Whitmer</a>. Facebook et Twitter ont retiré plusieurs centaines de comptes et pages complotistes. Twitter a annoncé à la mi-septembre qu’après avoir interdit les publicités politiques cet été, il interdirait et « couvrirait » d’un message rectificatif tout tweet annonçant prématurément une victoire alors que les résultats ne sont pas connus. Louable initiative, mais est-ce techniquement faisable ?</p>
<h2>Troisième hypothèse : la stratégie consistant à « jouer la montre »</h2>
<p>Même si des destructions de bulletins sont évitées, le camp républicain peut multiplier les démarches de contestation des résultats devant les tribunaux afin de retarder leur certification.</p>
<p>À ce jour, <a href="https://www.scotusblog.com/election-litigation/">plus de 400 actions en justice</a> ont déjà été intentées touchant aux modalités et conditions de vote. Des décisions sont rendues chaque jour, par exemple sur l’obligation de faire certifier son bulletin par un témoin ou encore sur les délais de réception des bulletins envoyés par correspondance. Toutes ces décisions accentuent l’incertitude et la méfiance des électeurs. On sait déjà qu’il y aura plusieurs dizaines d’autres actions en justice portant sur le dépouillement des bulletins, leur comptabilisation, le rejet de certains d’entre eux. Les républicains vont essayer d’en faire annuler le maximum dans les États clés et les démocrates vont saisir la justice pour obtenir la rectification ou la comptabilisation de bulletins rejetés.</p>
<p>Le temps judiciaire est long et l’attente risque de faire monter la tension dans les médias et sur les réseaux sociaux. Certaines juridictions peuvent en outre refuser de se prononcer, jugeant que l’affaire qui leur est soumise (par exemple le mauvais décompte ou le rejet de certains bulletins de vote) est une question politique et non pas juridique.</p>
<p>En 2020, l’enjeu ne consistera pas à recompter des bulletins comme en 2000 (où la question a finalement été réglée par la Cour suprême jugeant dans <a href="https://www.conseil-constitutionnel.fr/nouveaux-cahiers-du-conseil-constitutionnel/bush-contre-gore-trois-mauvais-coups-portes-a-la-constitution-a-la-cour-et-a-la-democratie">Bush v. Gore</a> qu’il fallait arrêter de recompter les bulletins). Il sera cette fois-ci demandé aux juridictions de distinguer les bulletins devant être rejetés – car arrivés trop tard ou bien ne comportant pas la signature d’un témoin ou une signature ne correspondant pas à celle du registre – de ceux devant être comptabilisés.</p>
<p>Le grand public risque alors de réaliser qu’il n’existe pas toujours de remède juridique pour déjouer les attaques contre le droit de vote et faire respecter l’intégrité d’un scrutin, quand bien même il s’agit d’une élection nationale majeure. Dans l’hypothèse où le litige principal irait jusqu’à la Cour suprême, il n’est pas certain qu’elle l’accepte et, si c’est le cas, que la décision rendue soit acceptée par l’opinion comme elle l’avait été en 2000, car beaucoup d’Américains sont aujourd’hui convaincus que la Cour est devenue une institution ouvertement partisane.</p>
<h2>Quatrième hypothèse : résistance des États républicains</h2>
<p>Dans le cas de résultats très serrés mais qui penchent en faveur de Joe Biden, la coloration politique des États où se joue l’élection va devenir un élément crucial. Dans certains États où les rênes du pouvoir sont entièrement aux mains des républicains (tant le gouverneur que le pouvoir législatif local), comme en Floride ou dans l’Ohio, les élus pourraient faire le choix d’envoyer des grands électeurs républicains les représenter au sein du collège électoral, en dépit d’une victoire de Joe Biden dans leur État. Dans les États où le pouvoir est partagé entre les républicains, majoritaires au congrès de l’État, et un gouverneur démocrate comme dans le Michigan, le Wisconsin, ou la Pennsylvanie, deux listes concurrentes de grands électeurs pourraient être envoyées à Washington.</p>
<p>La loi <a href="https://www.law.cornell.edu/uscode/text/3/15"><em>Electoral Count Act</em></a> (3 U.S.C. §5) de 1887, amendée en 1948, précise qu’il appartient au gouverneur de certifier l’élection et qu’en cas de litige, celui-ci doit être réglé au niveau de l’État avant la date butoir du 14 décembre (la loi impose que les résultats soient connus 41 jours après l’élection, soit cette année le 14 décembre au plus tard). Donc dans le cas des trois États pivots – Pennsylvanie, Wisconsin et Michigan –, le gouverneur démocrate devrait avoir le dernier mot, d’autant que la loi ne prévoit pas d’étape supplémentaire pour contester leur décision.</p>
<h2>Cinquième hypothèse : l’absence de majorité au collège électoral</h2>
<p>L’ouverture des listes et le décompte des grands électeurs sont effectués par les deux chambres le 6 janvier à Washington et ne sont généralement qu’une formalité. Ce ne sera peut-être pas le cas le 6 janvier 2021 quand « le président du Sénat, en présence du Sénat et de la Chambre des représentants, ouvrira toutes les listes certifiées » comme le stipule le XII<sup>e</sup> amendement. Parce que les deux chambres sont contrôlées par des partis différents, on ne peut exclure que chacune approuve « sa » liste ou que les deux chambres rejettent des listes de grands électeurs dans certains États… Les règles juridiques sont suffisamment floues pour qu’aucun dénouement évident ne s’impose.</p>
<p>Si aucune liste n’a obtenu la majorité nécessaire, le XII<sup>e</sup> amendement prévoit que la Chambre des représentants choisisse « immédiatement le président, les voix étant recueillies par État, la représentation de chacun ayant une voix ». Avec ce mode de calcul, en additionnant les délégations d’États et non les votes individuels des 435 représentants, les républicains auraient une majorité pour faire réélire leur candidat. Mais, là encore, tout dépend des résultats des élections à la Chambre et au Sénat du 3 novembre puisque ce sera le nouveau Congrès installé le 3 janvier dans sa nouvelle composition qui se prononcera. Notons que Nancy Pelosi, actuelle présidente de la Chambre des représentants et tacticienne hors pair, a déjà identifié les circonscriptions que le parti démocrate devait absolument récupérer le 3 novembre afin d’être majoritaire en sièges mais aussi en nombre d’États représentés à la chambre basse.</p>
<p>L’ensemble de ces tactiques et manœuvres en coulisses, la complexité et le flou qui les entoure, doivent nous pousser à réfléchir à la légitimé réelle du gagnant de l’élection. Dans un tel système, comment ne pas s’étonner de la désaffection des électeurs et de leur perte de confiance ?</p>
<p>Ce cycle électoral nous invite, plus largement, à réfléchir aux limites du droit et à l’importance du facteur humain. Si la loi prévoit de multiples situations de conflit et des solutions adaptées, tout repose sur l’hypothèse implicite que les acteurs politiques de premier plan jouent le jeu et respectent les règles. Ce n’est pas le cas en 2020. Les hommes et femmes formant le parti républicain ont la responsabilité, tant au niveau fédéral qu’au niveau des États, de refuser de suivre Donald Trump. Une nuance, enfin : nous pouvons aussi faire le pari, en nous basant sur les sondages disponibles à la mi-octobre et avec toutes les précautions nécessaires, que le candidat démocrate l’emporte avec une marge suffisante pour empêcher Donald Trump d’instiller le doute sur les résultats et provoquer le chaos.</p>
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<p><em>La rubrique Fact check US a reçu le soutien de <a href="https://craignewmarkphilanthropies.org/">Craig Newmark Philanthropies</a>, une fondation américaine qui lutte contre la désinformation</em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/148040/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Anne E. Deysine ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Analysons les scénarios de tensions autour du scrutin du 3 novembre et ce que peut le droit pour empêcher le président sortant de s’accrocher au pouvoir en cas de défaite.Anne E. Deysine, Professeur émérite juriste et américaniste, spécialiste Etats-Unis, questions politiques, sociales et juridiques (Cour suprême), Université Paris Nanterre – Université Paris LumièresLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1475852020-10-07T17:21:05Z2020-10-07T17:21:05ZFact check US : L’économie américaine repart-elle de plus belle, comme le prétend Donald Trump ?<p>Donald Trump répète à l’envi que l’économie se porte mieux et que la reprise post-Covid est là en raison du « travail incroyable » accompli par son administration. « Nous avons dû fermer l’économie à cause du virus chinois mais maintenant nous la rouvrons et nos entreprises battent des records d’activité », a-t-il défendu lors du <a href="https://eu.usatoday.com/story/news/politics/elections/2020/09/30/presidential-debate-read-full-transcript-first-debate/3587462001/">premier débat présidentiel</a> l’opposant à Joe Biden, le 29 septembre. Selon Donald Trump, son administration a remis au travail 10,4 millions d’Américains en l’espace de 4 mois seulement.</p>
<h2>Hausse des revenus et rebond des valeurs boursières</h2>
<p>L’affirmation est correcte : les chiffres, qui proviennent du <a href="https://data.bls.gov/pdq/SurveyOutputServlet">US Bureau of Labor Statistics</a>, nous rappellent qu’il y a bel et bien eu un tournant depuis le mois de mai. Ils laissent espérer que cette récession historique puisse être de courte durée.</p>
<p>Cet espoir se nourrit d’autres nouvelles encourageantes sur l’état de l’économie américaine. En 2019, avant le début de la pandémie, les États-Unis ont connu une <a href="https://www.wsj.com/articles/the-higher-wages-of-growth-11600298577?mod=MorningEditorialReport&mod=djemMER_h">hausse des revenus</a> du ménage médian américain – hausse qui a aussi bénéficié aux Américains les plus modestes. Les difficultés économiques actuelles ne devraient donc pas éclipser les progrès réalisés, en faveur des plus démunis en particulier – résultat, disent aujourd’hui les soutiens de Donald Trump, des efforts de cette administration en matière de dérégulation et de la réforme des impôts de 2017 qui a permis au secteur privé d’investir et d’entreprendre à nouveau.</p>
<p>À cela s’ajoute le rebond des valeurs boursières qui dope le moral d’une partie de la population. Lors du deuxième trimestre de 2020, la valeur du patrimoine des Américains a d’ailleurs connu un <a href="https://www.axios.com/americans-net-worth-increase-stock-prices-b35a85c3-e162-474b-a291-586bf888405b.html">rebond de près de 7 % au deuxième trimestre</a> – le plus important rebond de l’histoire du pays. Ce rebond de la valeur du patrimoine des Américains participe à l’optimisme, à un moment où la dette publique se creuse sous l’effet du plan de relance massif du printemps. On sait d’ailleurs aujourd’hui qu’une partie des Américains <a href="https://www.cnbc.com/2020/05/21/many-americans-used-part-of-their-coronavirus-stimulus-check-to-trade-stocks.html">ont utilisé l’argent qu’ils ont reçu du gouvernement fédéral pour investir en bourse</a>.</p>
<p>Mais cette affirmation sur la création d’emplois est également trompeuse, puisque d’après la même source, 22 millions d’emplois ont été détruits au printemps 2020, avec le début de la pandémie. Elle masque aussi le fait qu’un certain nombre d’emplois pourraient avoir été durablement, voire définitivement, détruits. <a href="https://www.axios.com/unemployment-open-jobs-every-state-48fd702c-146b-4d62-8088-16aa7c3463dc.html">D’après les calculs d’Indeed</a>, un cabinet de recrutement américain, les offres d’emploi dans les États clés de New York ou de Californie connaissent une chute de 30 % par rapport à 2019.</p>
<h2>La fin de la plus longue période d’expansion économique</h2>
<p>D’autres régions, qui avaient connu une embellie de courte durée, voient le nombre d’offres d’emploi chuter à nouveau. La mobilité des travailleurs américains, qui permettait autrefois de remédier aux déséquilibres du marché du travail, ne fonctionne plus comme avant, puisque la pandémie a frappé le pays dans son ensemble. La perspective d’un ralentissement durable de créations d’emplois est plus que plausible. Certains secteurs sont particulièrement affectés, comme celui des compagnies aériennes frappé par de nouvelles <a href="https://www.forbes.com/sites/danielreed/2020/10/01/airline-layoffs-american-united-southwest/#519e51ad6d27">vagues de licenciements</a> depuis la semaine dernière, ou du tourisme, <a href="https://www.cnbc.com/2020/09/30/disney-leads-companies-announcing-layoffs-big-airline-job-cuts-loom.html">comme le montre le licenciement de 28 000 personnes à Disney</a>.</p>
<p>Au bout du compte, un économiste de la banque UBS, Brian Rose, <a href="https://www.axios.com/september-jobs-report-coronavirus-7346c656-4278-4152-a455-7d3371f25891.html">estime</a> que le nombre d’Américains ayant perdu leur emploi de manière définitive pourrait atteindre 5 millions de personnes. Au mois d’octobre, l’économie américaine <a href="https://www.axios.com/september-jobs-report-coronavirus-7346c656-4278-4152-a455-7d3371f25891.html">a créé moins de 700 000 emplois</a>, signe d’un ralentissement indéniable de la vitalité du marché du travail que l’on a observé depuis le tournant de mai. Les effets du plan de relance qui a creusé la dette américaine montrent ainsi leurs limites.</p>
<p>C’est pourquoi l’enthousiasme de Donald Trump ne doit pas faire oublier que la reprise pourrait s’annoncer laborieuse, tant l’incertitude qui plane sur l’économie est significative : la stratégie consistant à rassurer l’opinion en s’appuyant sur un <a href="https://www.france24.com/fr/20200326-aux-%C3%A9tats-unis-le-s%C3%A9nat-adopte-un-plan-de-relance-massif-pour-faire-face-au-coronavirus">plan de relance massif</a> ne porte plus autant ses fruits dans un contexte de divisions politiques profondes et de crise sanitaire causée par un virus dont on ne comprend réellement pas le fonctionnement. Ceux qui espéraient une reprise en forme de « V », avec un rebond de l’économie réel et rapide une fois les restrictions sanitaires levées craignent désormais le scénario <a href="https://www.wsj.com/articles/why-the-economic-recovery-will-be-more-of-a-swoosh-than-v-shaped-11589203608">d’une reprise en « swoosh »</a> (le nom donné au logo d’une grande marque d’articles de sport), avec une récession de très courte durée, mais un rebond aussi lent que fragile.</p>
<p>Pire encore, la perspective d’une reprise en « K » : une partie de l’économie et de la population aisée, forte de ses économies et s’appuyant sur l’embellie boursière, parvient à tirer son épingle du jeu, tandis que d’autres secteurs et des minorités, plus vulnérables, voient leur sort durablement touché par les effets de la crise sanitaire. On peut notamment souligner que le secteur de la distribution et la tech ont largement bénéficié de la crise, alors que <a href="https://www.uschamber.com/series/above-the-fold/what-the-k-shaped-recovery">l’industrie aérienne et le tourisme en ont profondément pâti</a>. Les <a href="https://www.axios.com/retail-sales-recovery-coronavirus-pandemic-5de2395f-5c61-4bbf-9d1e-11dc208e4b58.html">chiffres du US Census Bureau</a> portant sur la vente de détail et la distribution alimentaire le confirment. De même, la <a href="https://www.visualcapitalist.com/understanding-the-disconnect-between-consumers-and-the-stock-market/">déconnexion entre l’indice de confiance des consommateurs américains et la progression boursière</a> laisse penser que cette reprise peut ne pas bénéficier à tout le monde.</p>
<p>La crise sanitaire a mis un terme à l’expansion économique la plus longue de l’histoire des États-Unis. Celle-ci a <a href="https://www.nber.org/cycles/june2020.html">officiellement pris fin</a> après <a href="https://www.nber.org/cycles/cyclesmain.html">128 mois de croissance</a> – soit huit de plus que le précédent record, entre la guerre froide et les attentats de septembre 2001. Cette récession est-elle à mettre sur le compte de l’exécutif ? Ou est-elle le fruit d’un choc extérieur, indépendant de l’action de l’administration Trump ?</p>
<h2>Quel impact sur l’élection ?</h2>
<p>La manière dont sera formulé l’enjeu de cette élection est fondamentale : sondage après sondage, on s’aperçoit que les Américains ont une <a href="https://www.nytimes.com/2020/09/29/us/politics/presidential-polls.html">image positive du bilan économique de Donald Trump</a>, mais restent autrement plus réservés par rapport à <a href="https://projects.fivethirtyeight.com/coronavirus-polls/">sa gestion de la crise</a>. </p>
<p>Un <a href="https://www.nytimes.com/2020/09/27/us/politics/poll-supreme-court-trump-biden.html">récent sondage</a> du <em>New York Times</em> le confirme. Et ces perceptions sont d’autant plus importantes que, dans la campagne électorale, les programmes auront très peu occupé le devant de la scène, comme on a pu le voir lors du premier débat présidentiel. Pour cette raison, si le bilan économique du président sortant revient au cœur de la campagne, la création de 10,4 millions d’emplois en l’espace de quatre mois peut favoriser Donald Trump. En revanche, si le débat porte avant tout sur la gestion de la crise sanitaire par le locataire de la Maison Blanche et sur l’avenir du système de santé, alors la reprise laborieuse, inégale et qui ne profite pas à tous les Américains risque de nuire profondément à ses chances de réélection.</p>
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<p><em>La rubrique Fact check US a reçu le soutien de <a href="https://craignewmarkphilanthropies.org/">Craig Newmark Philanthropies</a>, une fondation américaine qui lutte contre la désinformation.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/147585/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jeremy Ghez ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Donald Trump se réjouit d’un rebond de l’économie américaine, six mois après le début de la crise sanitaire. Si les chiffres indiquent bien une progression de l’emploi, l’optimisme n’est pas de mise.Jeremy Ghez, Professor of Economics and International Affairs, HEC Paris Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1471482020-09-29T21:06:43Z2020-09-29T21:06:43ZFact check US : Les démocrates vont-ils « ruiner les banlieues » comme l’affirme Donald Trump ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/364593/original/file-20201020-19-cdc619.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C190%2C3264%2C1905&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les lotissements du nord-est de Colorado Springs, dans le Colorado, sont typiques des banlieues axées sur l'automobile qui se sont développées aux États-Unis après la Seconde Guerre mondiale.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Suburbia_by_David_Shankbone.jpg">David Shankbone/Wikipedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span></figcaption></figure><p>« Si jamais il arrivait à diriger ce pays, nos banlieues disparaîtraient » <a href="https://www.rev.com/blog/transcripts/donald-trump-joe-biden-1st-presidential-debate-transcript-2020">a déclaré Donald Trump</a> dans le premier débat présidentiel de la campagne 2020, dans la nuit de mardi à mercredi 30 septembre, en parlant de son rival Joe Biden.</p>
<p>Depuis plusieurs semaines, dans ses meetings de campagne, Donald Trump accuse les démocrates, et Joe Biden en particulier, de vouloir « abolir » et « détruire » les <em>suburbs</em>, ces banlieues américaines pavillonnaires généralement associées à la classe moyenne et classe moyenne supérieure. « Ils veulent mettre des logements à bas prix dans les banlieues, et cela reviendrait à abolir, à ruiner les banlieues. Cela a déjà commencé. Ça fait des années que ça dure », affirmait-t-il ainsi le <a href="https://www.youtube.com/watch?v=gaOMuaNh5wQ">11 août dernier</a>.</p>
<p>Le 29 juillet 2020, dans un de ses nombreux tweets, il informe « toutes les personnes qui vivent leur vie rêvée en banlieue » qu’elles ne seront « plus gênées ou financièrement lésées par la construction de logements à loyers modérés dans [leur] quartier. »</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/360563/original/file-20200929-18-fu14r2.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/360563/original/file-20200929-18-fu14r2.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=276&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/360563/original/file-20200929-18-fu14r2.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=276&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/360563/original/file-20200929-18-fu14r2.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=276&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/360563/original/file-20200929-18-fu14r2.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=347&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/360563/original/file-20200929-18-fu14r2.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=347&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/360563/original/file-20200929-18-fu14r2.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=347&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<p>Il venait en effet de supprimer une <a href="https://www.allianceforhousingjustice.org/post/understanding-affh">réglementation de l’administration Obama</a> visant à diversifier l’offre de logements pour favoriser une certaine mixité sociale dans les <em>suburbs</em>. Cette réglementation prévoyait notamment de conditionner l’attribution des fonds fédéraux à l’élimination de barrières érigées par les plans locaux d’urbanisme, imposant par exemple la construction de maisons individuelles à tel ou tel endroit et excluant de fait des logements moins coûteux.</p>
<p>Depuis, Donald Trump se présente en <a href="https://www.youtube.com/watch?v=lh6iQP_TQz4">sauveur des banlieues</a> et du rêve américain : « J’ai donc entièrement mis fin au programme. », dit-il encore le <a href="https://factba.se/transcript/donald-trump-remarks-tele-rally-north-carolina-august-11-2020">11 août dernier</a>, ajoutant : « Les gens ne pouvaient pas croire que je l’avais fait, mais je l’ai fait, parce que les banlieues sont le rêve américain. »</p>
<p>Pour comprendre la stratégie de Donald Trump, il faut tout d’abord faire un bref retour historique sur le concept américain de la banlieue.</p>
<h2>Le péché originel des suburbs</h2>
<p>Si le terme « suburb » peut se traduire en français par « banlieue », son image bien différente de celle des banlieues européennes. Aux États-Unis, elle est associée à une population de classe moyenne ou plutôt aisée, majoritairement blanche, qui vit presque exclusivement dans des pavillons avec jardin.</p>
<p>Les <em>suburbs</em> ont commencé à se développer après la Première Guerre mondiale, mais c’est à partir des années 1940 et 1950 qu’elles se sont surtout étendues, grâce notamment à une loi fédérale (la <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/G.I._Bill">« GI Bill »</a>) qui favorise l’accès à la propriété aux soldats démobilisés. C’est ainsi que se sont créés les modèles de suburbs symboles du « rêve américain », comme les <a href="https://www.greelane.com/fr/sciences-humaines/la-g%C3%A9ographie/levittown-long-island-1435787/">Levittown</a>.</p>
<p>Mais la création de ces nouveaux quartiers résidentiels est intimement liée à la discrimination raciale qui existait alors non seulement dans le sud mais également dans les États du nord. Il s’agissait, pour beaucoup de Blancs, de fuir les centres urbains (le <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/White_flight">« white flight »</a>) à la suite de la migration des Noirs venus du sud. Comme l’ont montré <a href="https://journals.sagepub.com/doi/abs/10.1177/0885412204263509">plusieurs travaux universitaires</a>, les Noirs, en particulier, se sont trouvés systématiquement exclus des <em>suburbs</em>, en raison de discriminations à la fois individuelle et institutionnelle, que ce soit dans dans les secteurs immobilier, bancaire ou à travers les lois fédérales, y compris la GI Bill.</p>
<p>Dans <a href="https://www.epi.org/publication/the-color-of-law-a-forgotten-history-of-how-our-government-segregated-america/"><em>The Color of the Law</em></a>, l’historien Richard Rothstein montre combien la ségrégation raciale en matière de logement est le résultat de la politique gouvernementale à tous les niveaux – fédéral, étatique et local. Les <a href="https://www.liberation.fr/planete/2008/10/21/levittown-une-banlieue-americaine-ideale_187">Levittowns</a>, les lotissements de banlieue les plus célèbres de l’Histoire, qui serviront de modèles aux <em>suburbs</em>, seront à la fois le symbole du « rêve américain » et celui de la discrimination. Initialement réservés aux Blancs, les Noirs n’y représentent aujourd’hui encore qu’à peine <a href="https://projects.newsday.com/long-island/levittown-demographics-real-estate/">1 % de ses résidents</a>.</p>
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<h2>La fin de la discrimination ?</h2>
<p>En 1968, c’est finalement le passage d’une loi fédérale sur le logement équitable (Fair Housing Act) qui a permis de réduire cette discrimination au logement. Selon le démographe <a href="https://newrepublic.com/article/120385/black-white-segregation-steadily-declining">William Frey</a>, cette discrimination aurait diminué d’environ un <a href="https://www.brookings.edu/blog/the-avenue/2015/12/08/census-shows-modest-declines-in-black-white-segregation/">tiers</a> entre 1970 et 2010. Aujourd’hui, <a href="https://www.pewsocialtrends.org/2018/05/22/demographic-and-economic-trends-in-urban-suburban-and-rural-communities/">55 % de la population</a> vit dans les <em>suburbs</em>, dont environ un tiers de minorités ethniques. L’enjeu électoral est donc énorme.</p>
<p>Toutefois, derrière ces chiffres, se cache une réalité plus complexe. De nombreux chercheurs (<a href="https://www.brookings.edu/blog/the-avenue/2017/12/08/metro-areas-are-still-racially-segregated/">ici</a>, <a href="https://news.cornell.edu/stories/2015/07/racial-segregation-takes-new-forms-study-shows">ici</a> ou <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0049089X17305422">ici</a>) ont montré qu’il y avait une grande variabilité géographique et qu’il existait une nouvelle forme de ségrégation à l’intérieur des communautés suburbaines, entre les banlieues, où vivent des personnes de « races » différentes.</p>
<p>Le secrétaire d’État au logement et au développement urbain depuis 2017, le républicain Ben Carson, avait d’ailleurs lui-même <a href="https://abcnews.go.com/Politics/face-carson-backtracks-push-neighborhood-zoning/story?id=72425652">critiqué les zonages qui imposaient des maisons individuelles</a>, les accusant de rendre le logement trop cher et d’exacerber la crise des sans-abri, avant de professer exactement le contraire, notamment dans une <a href="https://www.wsj.com/articles/well-protect-americas-suburbs-11597608133">tribune</a> co-signée avec le président et intitulée « Nous protégerons les suburbs », publiée dans le <em>Wall Street Journal</em> en août dernier.</p>
<p>Comme Donald Trump le dit dans ses tweets, c’est au nom de la liberté, du marché et de la sécurité qu’il a tenu à éliminer la réglementation votée sous Obama qui avait pour but de renforcer la loi sur le logement équitable (<em>Affirmatively Furthering Fair Housing</em>, AFFH) de 1968. Quand bien même cette loi visait précisément à assouplir les règles de zonage et autoriser la libre construction de logements à bas prix.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/360564/original/file-20200929-20-1a707ql.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/360564/original/file-20200929-20-1a707ql.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=133&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/360564/original/file-20200929-20-1a707ql.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=133&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/360564/original/file-20200929-20-1a707ql.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=133&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/360564/original/file-20200929-20-1a707ql.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=167&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/360564/original/file-20200929-20-1a707ql.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=167&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/360564/original/file-20200929-20-1a707ql.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=167&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<h2>Une vision binaire, racialisée et mythifiée</h2>
<p>Citant en exemple la ville de Westchester, dans l’État de New York, Donald Trump construit un <a href="https://factba.se/transcript/donald-trump-interview-laura-ingraham-fox-news-august-31-2020">récit binaire</a> qui oppose la banlieue, « un endroit magnifique », celui du « rêve américain » aux « logements à bas prix [qui] viennent [avec] beaucoup d’autres problèmes, y compris la criminalité. » C’est, d’ailleurs, un endroit qu’il connaît bien puisque <a href="https://www.nytimes.com/2020/09/03/nyregion/trump-westchester-housing.html">son organisation y possède plusieurs propriétés</a>. Or, Westchester est depuis des années poursuivie par le gouvernement fédéral pour avoir <a href="https://www.nytimes.com/2009/02/27/nyregion/27westchester.html">failli dans sa politique de déségrégation</a>. Donald Trump a d’ailleurs lui-même été, dans sa jeunesse, en <a href="https://www.nytimes.com/2016/08/28/us/politics/donald-trump-housing-race.html">procès avec le gouvernement fédéral</a> qui accusait son père de discriminer les Noirs dans l’accès au logement. Par « logement à bas prix », il faut donc comprendre « logements occupés par des gens de couleurs », même si, en réalité, de <a href="https://nlihc.org/sites/default/files/HousingSpotlight2-2.pdf">nombreux blancs en bénéficient</a>.</p>
<p>Donald Trump oppose une vision idéalisée des <em>suburbs</em> aux villes, dirigées par les Démocrates, qui seraient des lieux de violence, d’émeute et de corruption :</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/360566/original/file-20200929-16-1lec071.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/360566/original/file-20200929-16-1lec071.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=278&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/360566/original/file-20200929-16-1lec071.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=278&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/360566/original/file-20200929-16-1lec071.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=278&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/360566/original/file-20200929-16-1lec071.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=350&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/360566/original/file-20200929-16-1lec071.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=350&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/360566/original/file-20200929-16-1lec071.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=350&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<p>Il puise ici dans un mythe fondateur américain, déjà présent chez Jefferson, qui oppose les villes, lieux du vice, à la ruralité, puis à l’Amérique des villages bucoliques (<a href="https://www.jstor.org/stable/23416170?seq=1">« small-town America »</a>), symbole de vertu, devenu aujourd’hui le <em>suburb</em>. Cette vertu est illustrée par l’association de la banlieue à la domesticité, à la beauté, et à la femme au foyer, forcément vulnérable, qu’il doit donc protéger, comme il l’explique dans une <a href="https://factba.se/transcript/donald-trump-interview-laura-ingraham-fox-news-august-31-2020">interview à Laura Ingraham</a> sur Fox News.</p>
<blockquote>
<p>« Les femmes, plus que toute autre chose, elles veulent de la sécurité. Elles doivent avoir la sécurité. Il y a un niveau de violence que vous ne voyez pas. Vous avez donc cette belle communauté dans les banlieues, y compris les femmes, n’est-ce pas ? Les femmes, elles veulent de la sécurité. »</p>
</blockquote>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/360568/original/file-20200929-14-1wowlkk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/360568/original/file-20200929-14-1wowlkk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=322&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/360568/original/file-20200929-14-1wowlkk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=322&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/360568/original/file-20200929-14-1wowlkk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=322&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/360568/original/file-20200929-14-1wowlkk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=405&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/360568/original/file-20200929-14-1wowlkk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=405&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/360568/original/file-20200929-14-1wowlkk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=405&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<p>L’usage du mot <em>housewives</em>, « femmes au foyer », un terme qui a connu son heure de gloire dans les années 1950, est d’ailleurs significatif et parfaitement assumé par le président qui <a href="https://factba.se/transcript/donald-trump-speech-oshkosh-wisconsin-august-17-2020">se réjouit d’utiliser des termes « politiquement incorrects »</a>.</p>
<p>Tout cela fait partie d’une stratégie de campagne basée sur le thème de la <a href="https://theconversation.com/trumps-law-and-order-campaign-relies-on-a-historic-american-tradition-of-racist-and-anti-immigrant-politics-145366">loi et de l’ordre</a>. Elle vise à susciter la peur des conservateurs nostalgiques d’une Amérique idéalisée, forcément blanche, qui était supposée exister avant les bouleversements des années 1960, et des lois des droits civiques et sur l’égalité d’accès au logement. Joe Biden a justement répondu lors du premier débat présidentiel que « ce ne sont plus les années 50 », mais l'image qu'il a présenté ensuite de la mixité ethnique que l'on trouverait en banlieue ressemble encore davantage à un idéal qu'à la réalité. </p>
<hr>
<p><em>La rubrique Fact check US a reçu le soutien de Craig Newmark Philanthropies, une fondation américaine qui lutte contre la désinformation.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/147148/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jérôme Viala-Gaudefroy ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Donald Trump accuse Joe Biden de vouloir détruire les banlieues pavillonnaires cossues en y injectant de la mixité sociale. Ce débat est crucial, les États-Unis étant devenus une nation de banlieues.Jérôme Viala-Gaudefroy, Assistant lecturer, CY Cergy Paris UniversitéLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1466412020-09-24T13:29:08Z2020-09-24T13:29:08ZFact check US : Joe Biden va-t-il « détruire » 10,3 millions d'emplois liés à l'industrie pétrolière et gazière ?<p>Le blog du compte de campagne de Donald Trump affirmait le 31 août que le plan pour une énergie propre de Joe Biden détruirait <a href="https://www.donaldjtrump.com/media/yes-joe-biden-will-eliminate-fracking-jobs/">10,3 millions d’emplois</a> liés à l’industrie pétrolière et gazière, soit <a href="https://www.bls.gov/news.release/archives/empsit_01102020.htm">6,5 % de l’emploi</a> total américain en décembre 2019. <a href="https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2018/02/12/petrole-de-schiste-comment-la-production-a-ete-decuplee-en-dix-ans-aux-etats-unis_5255531_4355770.html">L’extraction du pétrole de schiste</a> a certes permis aux États-Unis d’être en 2019 le <a href="https://www.latribune.fr/opinions/tribunes/petrole-americain-ce-que-l-on-nous-fait-croire-837645.html">premier producteur</a> du monde devant l’Arabie saoudite, l’importance de ce chiffre a de quoi surprendre. Il supposerait en effet la disparition de l’ensemble de la filière pétrogazière comme de la totalité de l’activité qui peut lui être associée. Cet argumentaire est révélateur des excès de langage de la campagne présidentielle américaine.</p>
<h2>L’histoire de ce chiffre</h2>
<p>Ce chiffre de 10,3 millions d’emplois repose sur une <a href="https://www.api.org/%7E/media/Files/Policy/Jobs/Oil-and-Gas-2015-Economic-Impacts-Final-Cover-07-17-2017.p">étude de l’API</a> (American Petroleum Institute) qui évalue l’importance économique du secteur en 2015. Cette étude identifie près de 2,8 millions d’emplois directs dans la filière pétrogazière en incluant les travailleurs ayant statut d’autoentrepreneurs, nombreux dans le domaine de l’extraction. Le reste sont des emplois indirects et induits. Il s’agit de 5,3 millions d’emplois dans d’autres entreprises mais déterminés par les achats des entreprises pétrogazières (emplois indirects) ou par les dépenses réalisées par leurs travailleurs (emplois induits), ainsi que de 2,2 millions emplois permis par les investissements en capital des entreprises bénéficiant de ces activités.</p>
<p>Certains États seraient plus particulièrement affectés par la disparition de cette filière. Au Texas par exemple, près de 2 millions d’emplois y seraient liés de près ou de loin, soit 12,2 % de l’emploi total de cet État. En Oklahoma, c’est 16,6 % des emplois qui seraient concernés. Au terme de cette étude, chaque emploi dans le secteur pétrogazier serait à l’origine de 2,7 emplois dans le reste de l’économie. Ce ratio est cohérent avec les <a href="https://www.epi.org/publication/updated-employment-multipliers-for-the-u-s-economy/">résultats</a> obtenus par l’Economic Policy Institute qui évalue pour 2019 à 3,9 le nombre d’emplois supplémentaires pour chaque emploi dans les activités d’extraction.</p>
<p>Cela valide-t-il la prévision d’une destruction de 10,3 millions d’emplois liés à la filière pétrogazière en cas de victoire de Joe Biden ? En aucun cas, et ce pour au moins 2 raisons.</p>
<h2>Des emplois qui continueraient d’exister</h2>
<p>Le chiffre avancé suppose la disparition d’emplois qui continueront d’exister quelle que soit l’énergie du futur aux États-Unis. Parmi les 2,8 millions d’emplois directs, plus de 1 million sont liés à la seule distribution du gaz ou de l’essence, d’autres à la fabrication de mélanges de pavage et de blocs d’asphalte pour la construction de routes ou des lubrifiants. Or le passage aux énergies vertes ne signifie pas qu’il n’y aura plus de routes ni de stations d’énergie, mais que ces stations devront adapter leur offre aux besoins des consommateurs en proposant des bornes électriques ou de l’hydrogène. En considérant les activités associées, seuls 6 millions d’emplois sur les 10,3 évoqués seraient donc spécifiquement liés à la production pétrogazière.</p>
<h2>Une économie à zéro émission à l’horizon 2050</h2>
<p>Le programme de Joe Biden ne prévoit pas l’arrêt de l’extraction des énergies fossiles, ni de se passer immédiatement de la fracturation hydraulique, mais d’enclencher leur remplacement par des énergies renouvelables <a href="https://www.lesechos.fr/2017/01/les-energies-renouvelables-creent-elles-plus-demplois-que-le-nucleaire-comme-le-dit-hamon-159862">génératrices d’emploi</a>. Ce <a href="https://joebiden.com/clean-energy/">programme</a> pour une économie à zéro émission à l’horizon 2050 prévoit 2 000 milliards dollars de dépenses, avec pour objectifs une réorientation des choix technologiques de l’industrie automobile, un accroissement de la production électrique à partir d’énergies propres et la remise en état des écosystèmes abîmés par l’extraction des ressources, volet consacré notamment aux millions de puits de gaz et de pétrole abandonnés non bouchés. Selon le programme démocrate, la remise en état des écosystèmes se traduirait à elle seule par la création de 250 000 emplois directs. Cet objectif suppose un investissement fédéral important qu’il sera difficile de faire supporter entièrement aux entreprises responsables des dommages.</p>
<p>Les destructions d’emplois qui interviendraient inévitablement dans le secteur des énergies fossiles doivent être mis en balance avec ceux que créerait le développement des énergies renouvelables. On est donc très loin de la destruction de 10,3 ou même de 6 millions d’emplois.</p>
<hr>
<p><em>La rubrique Fact check US a reçu le soutien de <a href="https://craignewmarkphilanthropies.org/">Craig Newmark Philanthropies</a>, une fondation américaine qui lutte contre la désinformation.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/146641/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Le programme énergétique démocrate prévoit-il la destruction de plus de 10 millions d'emplois liés au gaz et au pétrole ? Non, il parie sur une transition énergétique créatrice d'activité d'ici 2050.Thérèse Rebière, Maître de conférences en économie, Conservatoire national des arts et métiers (CNAM)Isabelle Lebon, Professeur des Universités, directrice adjointe du Centre de recherche en économie et management, Université de Caen NormandieLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1464472020-09-22T20:49:52Z2020-09-22T20:49:52ZFact check US : Joe Biden est-il « laxiste » en matière de sécurité ?<p>« Law and order » (la loi et l’ordre) : tel est le tweet le plus repris par le président des États-Unis depuis trois mois, un slogan de trois mots, martelé avec régularité et volontarisme et qui est peu à peu devenu son <a href="https://www.lecho.be/dossier/electionsusa/law-and-order-trump-place-la-securite-au-c-ur-de-sa-campagne/10248388.html">unique programme</a> pour porter sa réélection. Donald Trump a par conséquent pris l’habitude de reprocher à Joe Biden d’être <a href="https://justthenews.com/politics-policy/all-things-trump/biden-claims-redirecting-money-police-isnt-defunding-police-trump">« soft on crime »</a>, c’est-à-dire de se montrer indulgent face à la criminalité. Le vice-président Mike Pence a dépeint le candidat démocrate comme <a href="https://www.wpr.org/wisconsin-speech-pence-calls-biden-trojan-horse-socialism">« le cheval de Troie du socialisme »</a>, prêt à réduire le budget de la police. Sauf que Joe Biden a au contraire produit et défendu, tout au long de sa carrière, des lois sécuritaires. Revenons sur ce bilan qui, s’il s’avère gênant pour l’aile gauche du parti, place le camp démocrate au centre droit en matière de sécurité.</p>
<h2>L’histoire se répète</h2>
<p>En 2016, Donald Trump n’avait que le mot immigration à la bouche. Là résidait selon lui le fléau qui appauvrissait l’Amérique. En 2020, changement de registre : le danger viendrait cette fois de l’intérieur, sous la forme d’émeutiers qui, dans les grandes villes du pays, brûleraient et pilleraient sans que les démocrates ne soient capables d’empêcher <a href="https://www.courrierinternational.com/article/agents-federaux-face-aux-villes-democrates-le-coup-de-force-de-trump">« ces hordes sauvages »</a> de mettre le pays à feu et à sang.</p>
<p>Cette stratégie républicaine n’est pas nouvelle, elle date de 1968. Les républicains avaient alors retrouvé un poids considérable au Congrès et cherchaient à capitaliser sur les tensions raciales de l’époque ainsi que sur la hausse de la criminalité. Quand Martin Luther King a été assassiné, des <a href="https://www.lefigaro.fr/histoire/archives/2018/04/03/26010-20180403ARTFIG00245-il-y-a-50-ans-martin-luther-king-etait-assassine.php">émeutes ont éclaté dans une centaine de villes</a>. L’Amérique blanche a tendu une oreille attentive aux discours de <a href="https://www.al.com/news/erry-2018/08/937bc749e09952/george-wallace-1968-presidenti.html">George Wallace</a>, un homme politique radical qui proposait justement de ramener l’ordre, <a href="https://fivethirtyeight.com/features/from-wallace-to-trump-the-evolution-of-law-and-order/">quels que soient les moyens nécessaires</a>. Richard Nixon copia très vite la partie de son programme consacrée à la sécurité et y ajouta l’idée qu’il existait dans le pays une <a href="https://www.history.com/this-day-in-history/nixon-calls-on-the-silent-majority">majorité silencieuse</a>.</p>
<p>Donald Trump fait le même pari en 2020, en tentant de fédérer les Blancs qui ressentiraient aujourd’hui la même peur que leurs parents ou grands-parents à l’époque. Le président, comme Nixon en son temps, s’appuie sur des émeutes dont il exagère la portée, souligne les traits les plus angoissants, afin de fédérer les masses dites « silencieuses ». Mais Joe Biden n’est pas l’adversaire idéal pour un Trump qui veut capitaliser sur la question sécuritaire.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1268635752214208514"}"></div></p>
<p>Dès 1982, le candidat démocrate a travaillé sur ces questions et a tendu la main aux républicains pour combattre la criminalité. Il a conclu en 1984 une alliance étroite au sein de la commission judiciaire avec son président républicain conservateur, Strom Thurmond, ce qui permit la <a href="https://theintercept.com/2019/09/17/the-untold-story-joe-biden-pushed-ronald-reagan-to-ramp-up-incarceration-not-the-other-way-around/">promulgation d’un important projet de loi contre la criminalité</a>, qui renforçait les peines fédérales pour le trafic de drogue et préconisait la confiscation des biens de tout suspect, sans attendre son jugement. En 1986, il fut le rédacteur principal d’une <a href="https://www.washingtonpost.com/politics/how-an-early-biden-crime-bill-created-the-sentencing-disparity-for-crack-and-cocaine-trafficking/2019/07/28/5cbb4c98-9dcf-11e9-85d6-5211733f92c7_story.html">loi sur la lutte contre la toxicomanie</a>, renforçant les peines pour trafic ou possession de drogues. Les Afro-Américains furent les plus touchés par les effets de la loi.</p>
<h2>Le bilan sécuritaire du prolifique Joe Biden</h2>
<p>En 1988, Joe Biden co-parraina une autre loi anti-drogue, qui augmenta les peines d’emprisonnement pour trafic, renforça les peines pour le transport, et créa l’<a href="https://www.whitehouse.gov/ondcp/#:%7E:text=The%20Office%20of%20National%20Drug,assessment%20of%20U.S.%20drug%20policy.">Office of National Drug Control</a>, qui coordonne et dirige toujours les efforts fédéraux de lutte contre la drogue. En 1989, au plus fort de la politique punitive anti-drogue et des incarcérations de masse, Biden alla même à la télévision pour critiquer une proposition du président George H. W. Bush qui visait à intensifier cet effort. « Très franchement, le projet du président n’est pas assez dur, assez audacieux ou assez imaginatif pour faire face à la crise actuelle », affirma-t-il.</p>
<p>En 1994 encore, sa loi sur le contrôle des crimes violents – souvent surnommée <a href="https://www.vox.com/policy-and-politics/2019/6/20/18677998/joe-biden-1994-crime-bill-law-mass-incarceration">Biden Crime Bill</a> – a <a href="https://abcnews.go.com/Politics/joe-biden-pushed-police-now-confronts-challenge-police/story?id=71177383">ajouté plus de 100 000 policiers dans les rues américaines</a> et considérablement accru le soutien fédéral à la lutte contre la criminalité et à la guerre anti-drogue. La <a href="https://bioguideretro.congress.gov/Home/MemberDetails?memIndex=b000444">biographie officielle du démocrate éditée par le Sénat</a> présente d’ailleurs son travail législatif en des termes très flatteurs : « Le sénateur Biden est un chef de file important en matière de lutte contre le crime et les drogues. Il a joué un rôle déterminant dans l’élaboration de presque toutes les lois qui ont été marquantes en matière de criminalité au cours des deux dernières décennies », y lit-on.</p>
<p>Parmi toutes ces lois, c’est celle de 1994 qui fut particulièrement sujette à controverse au sein du camp démocrate ces derniers mois. Pour beaucoup de militants progressistes, la loi de Joe Biden sur la criminalité a en effet <a href="https://www.jacobinmag.com/2018/08/biden-crime-mass-incarceration-police-prisons">grandement contribué à l’incarcération massive</a>. Il est vrai que la loi de 1994 faisait de l’augmentation du nombre d’incarcérations un outil de lutte contre la criminalité, mais les statistiques font état d’une <a href="https://eu.usatoday.com/story/news/factcheck/2020/07/03/fact-check-1994-crime-bill-didnt-bring-mass-incarceration-black-people/3250210001/">réalité nuancée</a>,). Et ce, pour une raison simple : <a href="https://www.bjs.gov/index.cfm?ty=pbse&sid=5">92 prisonniers sur 100</a> – en 1994 comme aujourd’hui – sont enfermés dans une prison d’État et non dans une prison fédérale. Et même si la loi incitait les États à se montrer plus sévères, peu d’États américains suivirent les consignes fédérales. Autrement dit, les raisons de l’incarcération de masse sont plutôt à chercher du côté des politiques locales.</p>
<h2>Gagner à droite</h2>
<p>Il est enfin intéressant de rappeler le contexte dans lequel Joe Biden effectua ce travail législatif. Dans les années 1990, il devient urgent pour les élus de s’attaquer à la criminalité violente qui augmente de façon continue depuis les années 1960. Comme le souligna Michael Waldman, professeur de droit à NYU School of Law, dans une <a href="https://www.theatlantic.com/politics/archive/2019/09/joe-biden-crime-bill-and-americans-short-memory/597547/">enquête de <em>The Atlantic</em></a> :</p>
<blockquote>
<p>« Ce n’est pas seulement le parti démocrate qui changea à cette époque-là, ce sont tout le pays et le contexte qui changèrent aussi. Entre 1960 et 1990 la criminalité fut multipliée par trois. La panique que cela créa est difficile à comprendre aujourd’hui, parce que le taux de criminalité est retombé depuis. »</p>
</blockquote>
<p>Sur le plan politique, la loi de 1994 fut l’occasion pour les démocrates – et, en particulier, pour le président récemment élu, Bill Clinton – de subtiliser les questions de police et de justice aux républicains, qui en avaient fait leur chasse gardée. La victoire de George H. W. Bush contre Michael Dukakis lors de l’élection présidentielle de 1988 se joua ainsi en grande partie sur cette thématique, lorsque Bush dépeignit Dukakis comme un « laxiste en matière de criminalité ». En 1992, les démocrates étaient très inquiets que le même scénario se reproduise. La proposition de Biden permit de clamer que les démocrates imposeraient des peines de prison plus sévères au niveau fédéral et encourageraient les États à faire de même. La loi prévoyait un financement pour que les États construisent <a href="https://www.prisonlegalnews.org/news/1994/dec/15/federal-crime-bill-passes/">plus de prisons</a>, et pour l’embauche de 100 000 policiers supplémentaires.</p>
<p>Si l’attitude de Joe Biden était donc le reflet de la pensée générale au sein du parti démocrate, qui voulait s’attaquer au problème croissant de la criminalité, l’actuel candidat s’est depuis repenti pour une partie de son passé. Il a reconnu que la création de peines supplémentaires pour le crack était <a href="https://eu.delawareonline.com/story/news/2019/01/21/biden-says-he-regrets-1990-s-crime-bill-calls-big-mistake-mlk-day-event/2639190002/">« une grosse erreur »</a>. « Je n’ai pas toujours eu raison », expliqua-t-il à de nombreuses reprises, « mais j’ai toujours essayé de bien faire ». Joe Biden met en avant aujourd’hui les dispositions qui font consensus, telles que la <a href="https://www.chicagotribune.com/columns/heidi-stevens/ct-heidi-stevens-violence-against-women-act-joe-biden-dnc-0821-20200821-ryjkj24lkndpjafghfiyepl77u-story.html">loi sur la violence contre les femmes</a> ou encore le soutien au traitement de la toxicomanie. Néanmoins, la loi de 1994 reflète l’histoire pro-active de Biden à l’égard de la criminalité.</p>
<p>Une fois investi officiellement par son parti, Joe Biden a consacré son premier discours, prononcé à Pittsburgh, à la question sécuritaire alors que Donald Trump avait prétendu pendant sa propre convention que l’Amérique de Biden serait « sans loi ». « C’est lui qui encourage la violence », a affirmé le candidat démocrate au cours de son allocution. Et de renvoyer les Américains une question simple : <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2020/08/31/joe-biden-tente-de-retourner-contre-donald-trump-l-argument-de-la-securite_6050513_3210.html">« Vous sentez-vous en sécurité dans l’Amérique de Trump ? »</a></p>
<p>Joe Biden s’est depuis dit favorable à une <a href="https://theintercept.com/2020/06/11/defund-the-police-joe-biden-cops/">augmentation des moyens alloués à la police</a>, notamment pour développer les initiatives visant à renforcer les relations avec la communauté et pour les <a href="https://edition.cnn.com/2020/06/08/politics/joe-biden-defund-the-police/index.html">équiper de caméras portées sur le corps</a>. Les affirmations de Donald Trump, reprises dans ses publicités de campagne, selon lesquelles Joe Biden veut couper les financements de la police comme le réclament des militants du mouvement Black Lives Matter, sont donc erronées.</p>
<p>On peut d’ailleurs s’en convaincre en constatant que l’image de Joe Biden à gauche de son parti reste plus que jamais celle d’un homme qui fait passer les impératifs sécuritaires avant les revendications communautaires et du mouvement de défiance vis-à-vis de la police porté par de plus jeunes militants dans le sillage de Bernie Sanders. Son choix est donc clair : rester lui-même et cohérent avec ses idées, en faisant le pari que le rejet de Donald Trump suffira à faire voter en sa faveur cette gauche plus turbulente et qui ne lui est pas acquise.</p>
<hr>
<p><em>Jean‑Eric Branaa publie la biographie « Joe Biden », aux éditions Nouveau Monde, le 7 octobre.</em></p>
<p><em>La rubrique Fact check US a reçu le soutien de <a href="https://craignewmarkphilanthropies.org/">Craig Newmark Philanthropies</a>, une fondation américaine qui lutte contre la désinformation.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/146447/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jean-Éric Branaa ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Donald Trump fait campagne en revendiquant «la loi et l'ordre» et accuse son adversaire d'être laxiste en la matière. Des accusations fausses tant Joe Biden a signé de lois sécuritaires.Jean-Éric Branaa, Maître de conférences politique et société américaines (Paris 2 Panthéon-Assas), Auteurs historiques The Conversation FranceLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1462522020-09-17T17:19:03Z2020-09-17T17:19:03ZFact check US : Quel est le poids de l’ingérence russe dans l’élection présidentielle américaine ?<p>Accusations et rumeurs vont bon train : la Russie, mais aussi la Chine et l’Iran, tenteraient d’influencer la campagne présidentielle américaine. L’élection de 2016, fortement marquée par l’ingérence russe, a créé un tel précédent que l’inquiétude est justifiée. D’autant que des bots d’origine russe ont été déjoués ces dernières semaines.</p>
<p>Le contexte actuel est cependant distinct en cela que le président américain lui-même est un grand pourvoyeur de fake news. Dans ce climat propice à la désinformation, la Russie n’est pas forcément celle qui allume l’incendie mais celle qui jette de l’huile sur le feu, attisant toujours un peu plus encore les tensions américaines. Quels sont les outils de la désinformation russe en 2020 et que cela signifie-t-il pour le scrutin américain du 3 novembre prochain ?</p>
<h2>En 2016, des milliers de faux comptes russes</h2>
<p>Revenons sur le cycle électoral de 2016, crucial pour comprendre les inquiétudes qui planent sur 2020. Dès janvier 2017, un <a href="https://apps.washingtonpost.com/g/documents/national/read-the-declassified-report-on-russian-interference-in-the-us-election/2433/">rapport</a> conjoint de la CIA, du FBI et de la NSA confirme l’ingérence russe dans l’élection présidentielle de 2016.</p>
<p>L’objectif de la Russie était, selon ce document, de miner la confiance des Américains en leur système électoral et de dénigrer Hillary Clinton. À l’approche du scrutin du 3 novembre 2020, <a href="https://thehill.com/policy/national-security/511078-top-intelligence-official-warns-of-foreign-influence-ahead-of-2020">William Evanina</a>, directeur du National Counterintelligence and Security Center, pointe cette fois-ci la menace que représenteraient la Chine, l’Iran et la Russie. Selon lui, la Russie tente clairement de dénigrer Joe Biden, alors que la Chine ne souhaite pas que Donald Trump soit réélu car pour Pékin, le président actuel est imprévisible et pas fiable. À cet effet, une façon efficace de s’ingérer dans le processus électoral américain est de contrôler les informations circulant sur Internet au sujet de la campagne. Un art dans lequel les Russes sont devenus experts.</p>
<p>Entre janvier 2015 et août 2017, Facebook a relié <a href="https://www.govinfo.gov/content/pkg/CHRG-115shrg27398/pdf/CHRG-115shrg27398.pdf">80 000 publications</a> à l’entreprise russe Internet Research Agency, à travers plus de 470 comptes différents. Un total de <a href="https://blog.twitter.com/en_us/topics/company/2018/2016-election-update.html">50 258</a> comptes Twitter ont parallèlement été reliés à des <a href="https://theconversation.com/la-desinformation-russe-sur-les-reseaux-sociaux-au-temps-du-covid-19-141182">bots</a> – des faux comptes programmés pour partager les fausses nouvelles – russes pendant la période électorale de 2016. Les bots sont responsables de plus de <a href="https://firstmonday.org/article/view/7090/5653">3,8 millions</a> de tweets, soit environ 19 % du total des tweets concernant l’élection présidentielle américaine de 2016. Environ <a href="https://www.usatoday.com/story/opinion/2020/02/20/2020-russian-trolls-disrupt-social-media-how-to-fight-back-column/4749642002/">80 %</a> de ces bots étaient en faveur de Donald Trump, utilisant majoritairement les hashtags #donaldtrump, #trump2016, #neverhillary, #trumppence16 et #trump.</p>
<p>Pourquoi un tel biais en faveur du candidat républicain ? L’une des hypothèses pour expliquer le mépris de Vladimir Poutine envers Hillary Clinton remonte à <a href="https://www.reuters.com/article/us-russia/putin-says-u-s-stoked-russian-protests-idUSTRE7B610S20111208">décembre 2011</a>, lorsque des émeutes ont eu lieu à Moscou à la suite de l’annonce de la candidature de Poutine à la présidence russe en mars 2012. Le Kremlin accuse Hillary Clinton, alors secrétaire d'État, d’avoir encouragé les manifestations et de s’être ingérée dans le processus électoral russe.</p>
<p>Pour l’élection de 2020, la Russie semble favoriser une fois de plus l’élection de Donald Trump face à Joe Biden et à <a href="https://edition.cnn.com/2020/08/17/politics/trump-retweets-known-russian-disinformation-biden-derkach/index.html">l’establishment démocrate</a>, perçu comme largement antirusse. Rappelons que comme vice-président, <a href="https://fas.org/sgp/crs/row/IF10779.pdf">Joe Biden</a> a joué un rôle dans la politique des <a href="https://theconversation.com/a-quelles-conditions-les-sanctions-internationales-sont-elles-efficaces-145079">sanctions</a> contre la Russie en 2014 à la suite de l’annexion de la Crimée.</p>
<h2>La menace des bots en 2020</h2>
<p>À la lumière de ces informations, qu’est-ce qui attend les États-Unis au cours de ce nouveau cycle électoral ? <a href="https://about.fb.com/news/2020/09/august-2020-cib-report/">Facebook</a> a déjà démantelé à la fin du mois d’août 2020 trois réseaux de bots propageant de fausses informations. Deux d’entre eux étaient d’origine russe, l’un d’origine pakistanaise. Depuis 2017, Facebook a supprimé une douzaine de ces réseaux lié à l’Internet Research Agency qui a récemment créé un nouveau site, <a href="https://www.pbs.org/newshour/show/russia-leverages-fake-personas-u-s-writers-to-spread-disinformation">Peace Data</a>, se voulant une organisation de presse mondiale. Sur son site on retrouve de <a href="https://journalism.wisc.edu/wp-content/blogs.dir/41/files/2018/09/Uncover.Kim_.v.5.0905181.pdf">fausses informations</a> autant sur Joe Biden que sur Donald Trump, l’objectif principal étant de <a href="https://www-tandfonline-com.acces.bibl.ulaval.ca/doi/full/10.1080/09546553.2018.1555996">diviser</a> encore davantage les Américains.</p>
<p><a href="https://twitter.com/TwitterSafety/status/1300848632120242181">Twitter</a> a, pour sa part, annoncé que Peace Data serait banni de sa plate-forme en plus de fermer 5 comptes reliés à la Russie. Le 10 septembre, Microsoft a en outre alerté la campagne de Joe Biden que des hackers russes ont tenté d’accéder aux serveurs de l’agence de communication américaine <a href="https://www.reuters.com/article/us-usa-election-cyber-biden-exclusive/exclusive-russian-state-hackers-suspected-in-targeting-biden-campaign-firm-sources-idUSKBN2610I4">SKDKnickerbocker</a>, engagée par de nombreux candidats démocrates. C’est par un stratagème similaire que les e-mails d’Hillary Clinton avaient été rendus publics lors de la campagne de 2016. Mais pendant que les <a href="https://www.cnn.com/2020/09/03/politics/democrats-sanctions-russian-meddling/index.html">Démocrates</a> pressent la Maison Blanche de reconnaître l’ingérence russe et d’imposer des sanctions, le président Trump se détourne du problème et <a href="https://www.kten.com/story/42599156/trump-pushes-misleading-claim-china-is-stoking-protests-to-help-biden-win-election">accuse</a> les Chinois d’encourager les manifestations et les divisions raciales.</p>
<p>Si nous ne disposons pas encore des données et du recul suffisants pour analyser entièrement cette campagne présidentielle, il faut sérieusement considérer la menace que représentent les bots. Selon la sociologue diplômée d’Harvard <a href="https://www.cmu.edu/ideas-social-cybersecurity/research/coronavirus.html">Kathleen M. Carley</a>, une fausse nouvelle voyage six fois plus rapidement sur les médias sociaux qu’une information vérifiée. Les fausses nouvelles sont ainsi partagées rapidement et <a href="https://www.rand.org/pubs/perspectives/PE198.html">continuellement</a> par un réseau de faux comptes programmés à cet effet. La quantité importe plus que la qualité du message véhiculé, car l’un des objectifs est de noyer les vraies nouvelles sous un flot constant de fausses nouvelles.</p>
<p>Si une fausse nouvelle est mise à jour, si elle est <a href="https://www.rand.org/pubs/perspectives/PE198.html">supprimée</a>, les bots cessent de la faire circuler au profit d’une autre. Parallèlement, si un compte est désactivé, un autre sera créé pour le remplacer. Il s’agit donc d’un mouvement endémique qui se régénère de lui-même alors même que les plates-formes tentent de les éradiquer. Dans le contexte politique actuel, où le président Trump est lui-même un grand pourvoyeur de <a href="https://www.washingtonpost.com/politics/2020/07/13/president-trump-has-made-more-than-20000-false-or-misleading-claims/">fake news</a>, le travail des bots est facilité. Comme l’explique <a href="https://www.newyorker.com/contributors/joshua-yaffa">Joshua Yaffa</a>, les bots russes n’ont pas eu besoin de créer la polémique entourant le vote par la poste ou les manifestations liées au mouvement <em>Black Lives Matter</em> : ils n’ont eu qu’à partager massivement les nouvelles exacerbant des tensions créées par les Américains mêmes.</p>
<p>En avril 2018, le site de discussion <a href="https://www.engadget.com/2019-02-04-russia-spam-account-problem-reddit-propaganda.html">Reddit</a> a ainsi banni près de 1 000 bots russes. Le <a href="https://securingdemocracy.gmfus.org/hamilton-68-a-new-tool-to-track-russian-disinformation-on-twitter/">Hamilton 68 Project</a>, a quant à lui été mis en place pour repérer et répertorier les bots et les faux comptes, et pour apprendre aux citoyens à repérer ces faux comptes. Les thèmes habituellement abordés par les bots russes y sont listés afin que le grand public comprenne mieux leur fonctionnement.</p>
<h2>Les multiples relais de la désinformation</h2>
<p>Cependant, les bots ne se limitent pas aux discussions sur les médias sociaux. Les vidéos <a href="https://www.cmu.edu/ideas-social-cybersecurity/research/coronavirus.html">YouTube</a> peuvent également servir de vecteurs de propagation, ainsi que les images humoristiques communément appelées <a href="https://www.cmu.edu/ideas-social-cybersecurity/research/coronavirus.html">memes</a>.</p>
<p>En 2018, la Russie a été plus loin encore lors de l’élection présidentielle à <a href="https://www.foreignaffairs.com/articles/russian-federation/2020-08-11/putin-kremlins-plot-against-democracy">Madagascar</a>. Des agents russes y ont créé un nouveau journal et ont engagé des étudiants pour écrire des articles en faveur du président sortant. Ils ont acheté des encarts publicitaires, rémunéré des gens pour aller manifester ou encore des journalistes pour couvrir les manifestations.</p>
<p>Actuellement, rien ne prouve que ces méthodes plus poussées soient utilisées aux États-Unis. Il est en revanche avéré que les Russes sont passés maîtres dans l’art de créer des bots dédiés à la propagation de fausses informations.</p>
<p>De cette manière, l’ingérence russe continue d’attiser les tensions entre les Américains, d’ajouter de l’incertitude et de miner la confiance de l’opinion publique envers le processus électoral démocratique.</p>
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<p><em>La rubrique Fact check US a reçu le soutien de Craig Newmark Philanthropies, une fondation américaine qui lutte contre la désinformation.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/146252/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Sophie Marineau ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>L’ingérence russe a profondément marqué l’élection présidentielle américaine de 2016. Quatre ans plus tard, analysons la forme et l’impact de la désinformation en provenance de Russie.Sophie Marineau, Doctorante en histoire des relations internationales / phD candidate History, International relations, Université catholique de Louvain (UCLouvain)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1453412020-09-10T16:27:48Z2020-09-10T16:27:48ZFact check US : Le vote par correspondance peut-il faire capoter le scrutin américain ?<p>Donald Trump le répète à l’envi : le vote par voie postale favoriserait la fraude et serait bénéfique au candidat démocrate Joe Biden. Ce vote par correspondance pourrait donc, selon lui, entacher les résultats de l’élection présidentielle. </p>
<p>Comment fonctionne réellement le vote par correspondance et quelles difficultés peuvent se poser lors du scrutin du 3 novembre ? </p>
<p>Ce qui est clair, c’est que l’augmentation du nombre de bulletins envoyés par courrier postal en raison de la crise sanitaire risque de poser des problèmes logistiques et que le dépouillement sera long et complexe. Dans ce contexte, ce n’est pas la fraude qui est à redouter mais plutôt un retard dans l’annonce des résultats qui pourrait entraîner une exploitation politique défavorable aux démocrates.</p>
<h2>Règles électorales</h2>
<p>Au-delà des problèmes possibles d’acheminement des bulletins de vote par correspondance par la <a href="https://theconversation.com/pourquoi-la-poste-americaine-est-elle-devenue-un-enjeu-de-la-presidentielle-144918">Poste</a>, c’est surtout le traitement de ces bulletins qui va complexifier le scrutin américain. Si certains États (le <a href="https://ballotpedia.org/All-mail_voting">Colorado, Hawaï, l’Oregon, l’Utah, ou Washington</a>) pratiquent depuis longtemps presque exclusivement le vote par correspondance, ce cycle électoral est spécial : en raison de la Covid notamment, la plupart des États fédérés vont faciliter cette procédure. Or, selon le Centre de politique bipartisan (<a href="https://bipartisanpolicy.org/"><em>Bipartisan Policy Center</em>, BPC</a>), certains États n’auraient pas mis en place les mesures adéquates pour faire face à cette augmentation, comme le recrutement d’un nombre suffisant de fonctionnaires électoraux.</p>
<p>Chaque État a des règles électorales différentes, y compris en ce qui concerne le dépouillement des votes par correspondance. Mais, partout, la fiabilité du système repose sur la vérification des signatures. Aux États-Unis, il n’y a en effet pas de carte d’identité nationale, et selon une étude récente du <a href="https://www.brennancenter.org/">centre Brennan pour la Justice</a> de New York, jusqu’à 11 % des citoyens américains – plus de 21 millions d’individus – n’auraient pas de pièce d’identité officielle avec photo.</p>
<h2>Le casse-tête de la vérification des signatures des électeurs</h2>
<p>La première étape consiste donc à vérifier que la signature, qui se trouve sur l’enveloppe contenant le bulletin, correspond à celle de l’électeur, enregistrée lors de son inscription électorale. Dans certains États, cette base de données n’est pas régulièrement renouvelée et la signature peut ne plus correspondre à celle de l’électeur qui, au fil du temps, a parfois changé sa façon de signer. Certains États peuvent également exiger d’autres mesures comme la signature d’un témoin ou celle d’un notaire.</p>
<p>Selon le BPC, seuls 20 États prennent contact avec les électeurs pour leur signaler tout problème sur l’enveloppe (comme une signature manquante ou mal assortie) et leur permettre ensuite de remédier à toute insuffisance de signature, en renvoyant un formulaire au comité électoral de leur comté.</p>
<p>Le taux de rejet des bulletins de vote par correspondance semble faible : selon la <a href="https://www.eac.gov/documents/2017/10/17/eavs-deep-dive-early-absentee-and-mail-voting-data-statutory-overview">Commission américaine d’assistance électorale</a>, il serait de moins de 1 %. Mais une analyse du vote dans l’État de Géorgie lors des élections du mi-mandat de 2018 effectuée par le <a href="https://www.washingtonpost.com/politics/2020/05/21/heres-problem-with-mail-in-ballots-they-might-not-be-counted/">Washington Post</a> montre que ce taux de rejet peut atteindre 3 % et surtout qu’il affecte de façon disproportionnée les électeurs des minorités et les primovotants. Il a même été de 9 % dans le New Jersey lors de l’élection spéciale de mai 2020 (BPC). Or il ne faut pas oublier que l’élection de Donald Trump en 2016 s’est <a href="https://www.washingtonpost.com/news/the-fix/wp/2016/12/01/donald-trump-will-be-president-thanks-to-80000-people-in-three-states/">faite sur moins de 80 000 voix</a> dans trois États (Pennsylvanie, Wisconsin, et Michigan).</p>
<p>Deuxième étape du processus : les bulletins sont retirés de l’enveloppe, triés, placés par lots, parfois à l’aide d’un scanner de bulletin de vote. Ces machines de « tabulation à haute vitesse » réduisent le temps de dépouillement dans les États qui en sont équipés, mais c’est la partie manuelle du traitement qui prend beaucoup de temps.</p>
<p>Certains États (Arizona, Colorado, Floride, Géorgie, Iowa, Minnesota, Nevada, Caroline du Nord, Ohio et Texas) permettent de traiter ces bulletins <a href="https://www.eac.gov/documents/2017/10/17/eavs-deep-dive-early-absentee-and-mail-voting-data-statutory-overview">avant les élections</a>. Mais 15 États, dont les États clés du Michigan, du Wisconsin et de la Pennsylvanie devront attendre le 3 novembre. Or quoi qu’il en soit, il faut que tous les bulletins soient dépouillés pour le 14 décembre, date où les grands électeurs doivent élire le président.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/357518/original/file-20200910-15-131wjbf.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/357518/original/file-20200910-15-131wjbf.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=432&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/357518/original/file-20200910-15-131wjbf.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=432&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/357518/original/file-20200910-15-131wjbf.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=432&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/357518/original/file-20200910-15-131wjbf.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=543&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/357518/original/file-20200910-15-131wjbf.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=543&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/357518/original/file-20200910-15-131wjbf.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=543&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">L'un des tweets de Donald Trump sur le vote par correspondance.</span>
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<p>On le voit, le sujet central de ce scrutin n’est pas la fraude, comme la martèle pourtant le président, mais les questions de logistique et de moyens mis en place par chaque État.</p>
<p>Pour rassurer les électeurs, certains États, comme la Caroline du Nord, ont créé un <a href="https://www.newsobserver.com/news/politics-government/election/article245494895.html">système de traçage</a> qui permet de suivre l’acheminement de son bulletin de vote, comme on suit une commande en ligne. Et si tenter de voter deux fois, comme le suggère Donald Trump, est illégal, certains États comme la Caroline du Nord permettent à un électeur de déposer un bulletin provisoire en attendant de déterminer s’il doit être comptabilisé.</p>
<p>Les suggestions répétées du président que ses partisans devraient voter deux fois pour être certain que leur vote compte auront comme conséquence de mettre encore plus <a href="https://www.nytimes.com/2020/09/03/us/politics/people-voting-twice-trump.html">sous tension le système</a>.</p>
<h2>Suspense et tension autour des résultats préliminaires</h2>
<p>Il est donc possible, voire probable, qu’il n’y ait pas de résultats définitifs le soir des élections, ou même le 4 novembre au matin. Mais il y aura certainement des résultats initiaux, non officiels, le soir même, tant l’attente est grande. Ceux-ci seront vérifiés et ajustés dans les semaines qui suivront.</p>
<p>Mais ces résultats préliminaires, basés généralement sur des rapports de circonscriptions, risquent d’être bien moins fiables que lors des précédentes élections. D’autant que le <a href="https://bipartisanpolicy.org/report/accessing-the-vote-during-a-pandemic/">BPC estime que 50 à 70 %</a> des bulletins pourraient être des bulletins par correspondance. Or, il semblerait qu’une majorité de ces bulletins seraient utilisés par des électeurs démocrates, notamment dans les États clés. Ainsi, selon <a href="https://www.foxnews.com/politics/democrats-dominate-mail-in-ballot-requests-swing-states">FoxNews</a>, dans l’État clé de Floride, 47,5 % des demandes de vote par correspondance proviennent des démocrates et seulement 32 % des républicains. En Pennsylvanie ou en Caroline du Nord, ces demandes seraient trois fois plus nombreuses chez les démocrates que chez les républicains. Seul le Michigan ferait exception, avec davantage de votes par correspondance chez les républicains.</p>
<p>Si ces chiffres se vérifient, il est probable que le vote démocrate sera sous-estimé dans les résultats préliminaires. Donald Trump pourrait ainsi annoncer sa victoire et contester tout autre résultat ultérieur comme étant de la fraude et une tentative de le délégitimer. En juin dernier, le Projet d’intégrité de la transition (<a href="https://www.washingtonpost.com/outlook/2020/09/03/trump-stay-in-office/?arc404=true"><em>Transition Integrity Project</em></a>), un groupe d’universitaires, de journalistes, d’experts et d’anciens fonctionnaires, a mené plusieurs simulations. Leur conclusion : seul un raz de marée pour Joe Biden permettrait un transfert de pouvoir relativement ordonné. Tous les autres scénarios impliquaient de la violence de rue et une crise politique.</p>
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<p><em>La rubrique Fact check US a reçu le soutien de <a href="https://craignewmarkphilanthropies.org/">Craig Newmark Philanthropies</a>, une fondation américaine qui lutte contre la désinformation.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/145341/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jérôme Viala-Gaudefroy ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Le sujet central de ce scrutin n’est pas la fraude, comme la martèle pourtant le président, mais les questions de logistique et de moyens mis en place par chaque État.Jérôme Viala-Gaudefroy, Assistant lecturer, CY Cergy Paris UniversitéLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.