tag:theconversation.com,2011:/ca-fr/topics/forets-22969/articles
forêts – La Conversation
2024-03-27T16:48:52Z
tag:theconversation.com,2011:article/224565
2024-03-27T16:48:52Z
2024-03-27T16:48:52Z
Préserver l’avenir de nos forêts : ce que peut apporter la recherche
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/579184/original/file-20240301-20-3g2ric.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=59%2C9%2C3007%2C2032&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Pour penser l'avenir des forêts, il faut intégrer leurs dimensions environnementales, mais également économiques et sociales.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://unsplash.com/fr/photos/arbres-a-feuilles-vertes-pendant-la-journee-HEHSE12vXSg">Nadia Ivanova / Unsplash</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-sa/4.0/">CC BY-NC-SA</a></span></figcaption></figure><p>La question de l’avenir de nos forêts taraude la société dans son ensemble, des forestiers aux industriels de la transformation du bois en passant par les citoyens et usagers des forêts.</p>
<p>Avec l’accélération du changement climatique, qui se traduit en France <a href="https://esd.copernicus.org/articles/13/1397/2022/">par une trajectoire de réchauffement à +4 °C en 2100</a>, les superpouvoirs des forêts – sources de matières premières, puits de carbone, fonctions de régulation et de protection, réservoir de biodiversité, espace de bien-être – sont de plus en plus mis à mal.</p>
<p>À titre d’exemple, la séquestration du CO<sub>2</sub> par les arbres – qui contribue à réduire les effets du changement climatique via la photosynthèse – <a href="https://www.ign.fr/espace-presse/les-donnees-de-linventaire-forestier-national-confirment-limpact-du-changement-climatique-sur-la-sante-des-forets-francaises">a fortement diminué</a>.</p>
<hr>
<p>
<em>
<strong>
À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/un-autre-regard-sur-levolution-contemporaine-de-la-foret-francaise-207398">Un autre regard sur l’évolution contemporaine de la forêt française</a>
</strong>
</em>
</p>
<hr>
<p>Dans ce contexte, l’État lance un programme de recherche <a href="https://www.pepr-forestt.org/">sur la résilience des forêts</a>, qui vise à accroître les connaissances pour accompagner la conception et l’expérimentation – sur la base de travaux scientifiques – de trajectoires d’adaptation flexibles afin d’améliorer la résilience des socio-écosystèmes forestiers.</p>
<p><a href="https://anr.fr/en/france-2030/programmes-et-equipements-prioritaires-de-recherche/">Cette programmation scientifique</a> interroge le rôle de la recherche face aux défis de l’accélération des changements globaux. En effet, les forêts sont des <a href="https://sitesweb-tmp35.dsi.sorbonne-universite.fr/sites/default/files/media/2022-01/Couvet_socio%C3%A9cosyst%C3%A8me.pdf">socio-écosystèmes</a> (<em>c’est-à-dire, des systèmes complexes impliquant des composantes biophysiques et écologiques, mais également sociétales, et notamment politiques et <a href="https://theconversation.com/les-forets-reserve-nourriciere-face-aux-aleas-climatiques-209432">économiques</a>, ndlr</em>). Sous l’effet de facteurs d’origine climatique et anthropique, mais aussi des évolutions des attentes et besoins de la société, ces socio-écosystèmes sont mis sous tension.</p>
<p><a href="https://www.seuil.com/ouvrage/agir-dans-un-monde-incertain-essai-sur-la-democratie-technique-yannick-barthe/9782020404327">« Agir dans un monde incertain »</a> implique de redéfinir la place des connaissances et des activités scientifiques. De quoi accompagner de nouveaux modes de gouvernance des forêts, l’évolution de la trajectoire climatique et les processus de décision en matière de gestion forestière.</p>
<h2>« Socio-écosystèmes »</h2>
<p>La forêt a longtemps été considérée comme un <a href="https://journals.openedition.org/lectures/62909">objet technico-administratif</a> : son sort devait échapper aux vicissitudes d’une société dominée par des aspirations de court terme. L’expertise technique détenue par les professionnels et organismes de gestion forestière avait le monopole « du dire et du faire » et les organes administratifs maintenaient un certain cloisonnement du débat forestier.</p>
<p>À l’évidence, ce cadrage ne répond plus aux attentes ni aux aspirations d’une société qui souhaite <a href="https://theconversation.com/assises-de-la-foret-et-du-bois-les-trois-dilemmes-de-la-politique-forestiere-francaise-172363">se réapproprier les enjeux forestiers</a>.</p>
<p>[<em>Plus de 85 000 lecteurs font confiance aux newsletters de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde.</em> <a href="https://memberservices.theconversation.com/newsletters/?nl=france&region=fr">Abonnez-vous aujourd'hui</a>]</p>
<p>Dans le domaine scientifique, l’objet forestier est encore souvent appréhendé de façon mono disciplinaire, ce qui donne une vision partielle et restreinte des enjeux associés aux forêts. Par exemple, la vulnérabilité des forêts est en général étudiée sans prendre en compte les interactions entre aléas, et sans couplage avec les enjeux sociaux et économiques. De plus en plus de travaux cherchent néanmoins à développer des approches plus intégrées en articulant les regards disciplinaires.</p>
<p>Le <a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s11625-019-00731-7">concept de « socio-écosystème »</a> est ainsi utilisé pour étudier les multiples interactions et interdépendances, à différentes échelles spatio-temporelles, qui déterminent l’avenir du secteur forêt-bois. Celles-ci s’opèrent entre, d’une part les dynamiques écologiques des arbres et des peuplements forestiers, de l’autre les représentations, comportements, pratiques, organisations et institutions des acteurs intéressés et concernés par les enjeux forestiers.</p>
<p>Voilà donc la première mission de la recherche : aider à penser le monde dans sa complexité, et dans le cas présent, aider à appréhender la forêt comme un « objet » ancré dans la société.</p>
<ul>
<li><p>D’un côté, la forêt ne peut être réduite à des considérations sociotechniques et à des intérêts particuliers ;</p></li>
<li><p>de l’autre, il n’est pas possible de penser son avenir en se limitant à ses dynamiques naturelles et à sa contribution au bien commun.</p></li>
</ul>
<p>Par conséquent, s’appuyer sur des approches scientifiques diverses permet d’élargir l’espace du débat public et de décloisonner les enjeux forestiers.</p>
<h2>Conservation, atténuation… et adaptation</h2>
<p>Depuis les débuts de l’ère industrielle, les forêts font l’objet de préoccupations environnementales en raison des conséquences, directes ou indirectes, des activités humaines.</p>
<p>Le paradigme conservationniste s’est alors développé, de manière progressive, autour des logiques de protection, de restauration et de limitation des impacts des activités humaines. À partir des années 1990, le <a href="https://theconversation.com/faut-il-commencer-a-sacclimater-au-rechauffement-ou-redoubler-defforts-pour-le-limiter-218187">paradigme de l’atténuation</a> s’est aussi imposé dans beaucoup de régions du monde, et notamment en Europe : les forêts doivent soutenir les actions de réduction des émissions de gaz à effet de serre en stockant du carbone et en offrant des ressources alimentant une économie décarbonée.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="photo prise dans une forêt avec un vieux tronc au premier plan" src="https://images.theconversation.com/files/579485/original/file-20240304-28-7rnpm2.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/579485/original/file-20240304-28-7rnpm2.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/579485/original/file-20240304-28-7rnpm2.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/579485/original/file-20240304-28-7rnpm2.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/579485/original/file-20240304-28-7rnpm2.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/579485/original/file-20240304-28-7rnpm2.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/579485/original/file-20240304-28-7rnpm2.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">La forêt de Bialowieza, en Pologne, l’une des dernières forêts primaires d’Europe.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/4/4b/Bialowieza_National_Park_in_Poland0029.JPG">Wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-sa/4.0/">CC BY-NC-SA</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Depuis quelques années, ces orientations paraissent toutefois incompatibles avec la dynamique d’évolution des forêts. La stratégie conservationniste ne peut pas être la réponse unique aux transformations profondes des socio-écosystèmes forestiers qui se profilent.</p>
<p>Et l’heure n’est plus à considérer les forêts comme des <a href="https://theconversation.com/planter-des-arbres-venus-de-regions-seches-la-migration-assistee-une-fausse-bonne-idee-221340">variables d’ajustement des stratégies d’atténuation</a>, mais à envisager comme problème central les conditions de leur <a href="https://www.lepoint.fr/environnement/forets-francaises-limiter-l-usage-du-bois-est-une-fausse-bonne-idee-01-01-2024-2548771_1927.php">adaptation au changement climatique et du développement d’une bioéconomie forestière qui accompagne cet effort</a>.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="photo prise dans une forêt avec un vieux tronc au premier plan" src="https://images.theconversation.com/files/579485/original/file-20240304-28-7rnpm2.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/579485/original/file-20240304-28-7rnpm2.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/579485/original/file-20240304-28-7rnpm2.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/579485/original/file-20240304-28-7rnpm2.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/579485/original/file-20240304-28-7rnpm2.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/579485/original/file-20240304-28-7rnpm2.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/579485/original/file-20240304-28-7rnpm2.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">La forêt de Bialowieza, en Pologne, l’une des dernières forêts primaires d’Europe.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/4/4b/Bialowieza_National_Park_in_Poland0029.JPG">Wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-sa/4.0/">CC BY-NC-SA</a></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Un enjeu à mettre à l’agenda</h2>
<p>Dans la perspective d’opérer cette transition vers le paradigme de l’adaptation, il est attendu de la recherche qu’elle contribue à objectiver les enjeux et accompagne le développement d’alternatives.</p>
<p>La science joue un rôle décisif dans la mise à l’agenda du défi de l’adaptation et de son urgence. En complément des constats empiriques (<a href="https://theconversation.com/fr/topics/feux-de-forets-93185">incendies</a>, dépérissements, tempêtes, etc.), les <a href="https://www.science.org/doi/full/10.1126/science.aaz7005">travaux académiques sur la dynamique d’évolution des socio-écosystèmes</a> offrent une capacité de <a href="https://theconversation.com/forets-en-peril-comment-limagerie-et-la-big-data-peuvent-contribuer-a-les-proteger-191321">suivi</a> et une vision dynamique, dans le temps et dans l’espace, du changement et de ses déterminants. Par exemple, le croisement des outils de monitoring (suivis terrain, télédétection) permet de suivre l’évolution de l’état de santé des forêts.</p>
<p>En situation de crise, les tensions entre les différents intérêts socio-économiques et écologiques sont exacerbées et un travail d’objectivation par la démarche scientifique peut contribuer à dépasser ces tensions pour partager une vision commune des problèmes.</p>
<h2>Passer des solutions tactiques aux solutions stratégiques</h2>
<p>L’adaptation doit aussi reposer sur une capacité à définir des trajectoires. La recherche est alors souvent mise à contribution pour proposer des solutions de court terme et des innovations « clés en main ».</p>
<p>Dans ce contexte d’incertitude, il faut changer la logique d’articulation entre connaissance et action. La recherche a dorénavant vocation à s’inscrire dans une dynamique d’expérimentation et de transformation des pratiques qui garantisse une <a href="https://theconversation.com/un-autre-regard-sur-levolution-contemporaine-de-la-foret-francaise-207398">capacité de</a> <a href="https://theconversation.com/un-autre-regard-sur-levolution-contemporaine-de-la-foret-francaise-207398">résilience à long terme des socio-écosystèmes</a>.</p>
<p>Sans abandonner les adaptations ponctuelles « tactiques » en réaction aux bouleversements, il faut glisser vers une adaptation « stratégique » qui assume une trajectoire de transformation de l’ensemble des composantes des socio-écosystèmes.</p>
<p>Nous devons partir du principe que la connaissance ne précède pas l’action, mais que l’une et l’autre s’alimentent grâce à une proximité plus forte entre les acteurs de la recherche et les acteurs de la forêt.</p>
<h2>Des processus de décision dépassés</h2>
<p>Comme évoqué, l’expertise technique de la « science forestière » a dirigé depuis le XIX<sup>e</sup> siècle les décisions en matière de gestion des parcelles et d’aménagement des propriétés forestières. Les fondements de ce processus de décision sont remis en question pour plusieurs raisons.</p>
<p>Il n’existe tout d’abord plus de corps socio-professionnel unifié porteur d’une expertise commune, mais une grande diversité de prescripteurs techniques qui développent leurs propres référentiels et orientations sylvicoles.</p>
<p>Les enjeux forestiers actuels impliquent en outre des processus de décision qui ne peuvent se limiter à un raisonnement à l’échelle de la parcelle ou la propriété mais doivent intégrer les échelles « fonctionnelles » (massifs forestiers, paysages, territoires, bassins d’approvisionnement, etc.).</p>
<hr>
<p>
<em>
<strong>
À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/pourquoi-la-foret-francaise-a-besoin-dun-traitement-de-fond-177006">Pourquoi la forêt française a besoin d’un traitement de fond</a>
</strong>
</em>
</p>
<hr>
<p>Enfin, l’accélération brutale du changement climatique rend obsolète une part importante des connaissances empiriques existantes.</p>
<p>Dans ce contexte incertain qui expose le décideur à une prise de risque face à un futur inconnu, il est nécessaire de développer <a href="https://theconversation.com/pourquoi-la-foret-francaise-a-besoin-dun-traitement-de-fond-177006">des</a> <a href="https://theconversation.com/pourquoi-la-foret-francaise-a-besoin-dun-traitement-de-fond-177006">processus de décision davantage fondés sur la connaissance</a>.</p>
<h2>Fonder les décisions sur la connaissance</h2>
<p>Dans ce contexte, les travaux scientifiques peuvent d’une part servir de support à l’élaboration d’outils d’aide à la décision pour offrir à la diversité des prescripteurs techniques un socle commun de connaissances pour concevoir leurs référentiels de gestion.</p>
<p>La science a d’autre part vocation à fournir des éléments de caractérisation des différentes variables et de leurs interactions afin qu’elles soient prises en compte dans des modèles explicatifs, puis des outils d’aide à la décision multi-échelles.</p>
<p>La science doit finalement permettre d’intégrer la culture de l’incertitude et des risques multiples dans la décision, en encourageant le développement de connaissances sur la base de l’expérimentation et de la modélisation, en élargissant par la prospective le champ des possibles en matière de gestion et valorisation des forêts.</p>
<p>Un plan d’adaptation stratégique est donc une urgence absolue pour accélérer les transitions des forêts, favoriser leur résilience et assurer le maintien de leurs fonctions écologiques tout en accompagnant l’industrie face à un afflux de bois dépérissant aux propriétés potentiellement dégradées. Agir sans attendre, s’appuyer sur la science et la nature, suivre les évolutions en continu et construire des solutions collectives, constituent les quatre principes d’un plan d’action ambitieux pour la forêt et le bois.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/224565/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Arnaud Sergent est membre du bureau du pôle de compétitivité Xylofutur. Il a reçu des financements de la région Nouvelle Aquitaine, de l'ANR et de l'Union Européenne.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Christophe Plomion a reçu des financements de la Région Nouvelle Aquitaine, de l'ANR et de l'Union Européenne.</span></em></p>
Pour répondre aux défis des forêts, la science ne doit plus seulement les considérer comme des objets technico-administratifs, mais comme des pourvoyeurs de services économiques et écosystémiques.
Arnaud Sergent, Ingénieur de recherche en sciences politiques, Inrae
Christophe Plomion, Chercheur en génétique, Inrae
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/221374
2024-03-21T15:41:48Z
2024-03-21T15:41:48Z
Au Mexique, comment une épidémie du caféier a accéléré la déforestation
<p>Le café et le <a href="https://theconversation.com/quand-le-boom-du-cacao-au-liberia-pousse-a-la-deforestation-212576">cacao</a> font aujourd’hui partie de notre quotidien, mais la hausse de la demande mondiale pour ces deux produits tropicaux a des conséquences environnementales majeures. Traditionnellement cultivés au sein même de la forêt tropicale, dans des systèmes agroforestiers où les arbres fournissent aux plants de café l’ombre nécessaire à leur développement, café et cacao <a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s11625-014-0282-4">contribuent désormais de manière importante à la déforestation</a>.</p>
<p>Dans les tropiques, <a href="https://www.cifor.org/knowledge/publication/5167/">l’extension des zones agricoles est la première cause de déforestation</a>. Or les régions tropicales hébergent la majeure partie des <a href="https://esajournals.onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1890/070193">espèces animales et végétales</a> sur notre planète : la perte de forêts tropicales a bien entendu un impact sur le réchauffement climatique, mais elle représente aussi une érosion irrémédiable de la biodiversité.</p>
<hr>
<p>
<em>
<strong>
À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/quand-le-boom-du-cacao-au-liberia-pousse-a-la-deforestation-212576">Quand le boom du cacao au Liberia pousse à la déforestation</a>
</strong>
</em>
</p>
<hr>
<p>Les agroforêts <a href="https://www.profor.info/sites/profor.info/files/Coffee_Case%20study_LEAVES_2018.pdf">reculent depuis plusieurs décennies devant l’extension des monocultures</a>. Ces écosystèmes qui concilient production agricole et <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0167880913001424">préservation d’une partie de la forêt et de la biodiversité</a> qu’elle héberge, sont-ils donc voués à disparaître ? Comprendre les menaces qui pèsent sur ces systèmes culturaux est essentiel afin de limiter la déforestation en zone tropicale, mais les politiques agricoles ont aussi une responsabilité dans ces évolutions.</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/570573/original/file-20240122-15-qbmsk7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="photo de traces oranges sur une feuille de café" src="https://images.theconversation.com/files/570573/original/file-20240122-15-qbmsk7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/570573/original/file-20240122-15-qbmsk7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=474&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/570573/original/file-20240122-15-qbmsk7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=474&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/570573/original/file-20240122-15-qbmsk7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=474&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/570573/original/file-20240122-15-qbmsk7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=596&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/570573/original/file-20240122-15-qbmsk7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=596&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/570573/original/file-20240122-15-qbmsk7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=596&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">La rouille du caféier.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Rouille_du_caf%C3%A9ier#/media/Fichier:Hemileia_vastatrix_uredinial_pustules.png">Par Carvalho et al./Wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-sa/4.0/">CC BY-NC-SA</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>La crise de la rouille du caféier au Mexique est une illustration de la vulnérabilité des systèmes agroforestiers et des conséquences environnementales parfois malheureuses de politiques agricoles. <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1111/ajae.12441">Dans une étude récente</a>, nous nous sommes penchés sur les conséquences de cette maladie causée par un champignon microscopique (Hemileia vastatrix), sur la déforestation au Mexique, qui a augmenté en moyenne de 32 % par an entre 2012 et 2018, en particulier dans les zones où était pratiquée l’agroforesterie.</p>
<p>Mais la maladie n’est pas seule en cause : la déforestation accrue est aussi pour partie la conséquence de la stratégie de lutte sponsorisée par le gouvernement, qui repose sur le remplacement des caféiers traditionnels par des hybrides robustes à la rouille.</p>
<h2>Une épidémie massive</h2>
<p>Pour le comprendre, revenons sur la culture du café au Mexique. 9<sup>e</sup> producteur mondial en 2011, le pays produit principalement du café de qualité, de type arabica. Contrairement à ses voisins passés massivement à la monoculture de café de type robusta, le Mexique <a href="https://academic.oup.com/bioscience/article/64/5/416/2754235">comptait encore en 2012 80 % de plantations de café sous couvert arboré</a>, les plans d’arabica craignant le soleil à l’inverse des caféiers robusta.</p>
<p><a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s12571-015-0446-9">En 2012, une épidémie de rouille massive</a> a affecté le pays, probablement favorisée par des <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0261219419303928">températures minimales élevées</a> et un mauvais état d’entretien des plantations alors que les prix internationaux du café étaient très bas.</p>
<p>Le champignon pathogène était présent au Mexique depuis plusieurs décennies, mais son évolution était jusqu’alors contenue : la violence de l’épidémie de 2012 a pris de court l’ensemble des acteurs. Entre 2012 et 2018 la rouille a gagné la quasi-totalité des exploitations du pays. Cette maladie ne tue pas les caféiers mais réduit drastiquement et durablement leur production en limitant leur capacité de photosynthèse.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/571464/original/file-20240125-23-wcfkkt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/571464/original/file-20240125-23-wcfkkt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/571464/original/file-20240125-23-wcfkkt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=424&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/571464/original/file-20240125-23-wcfkkt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=424&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/571464/original/file-20240125-23-wcfkkt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=424&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/571464/original/file-20240125-23-wcfkkt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=533&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/571464/original/file-20240125-23-wcfkkt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=533&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/571464/original/file-20240125-23-wcfkkt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=533&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Propagation de l’épidémie au niveau des municipalités, à partir de 2012.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://doi.org/10.1111/ajae.12441">Calculs des auteurs à partir de statistiques fournies par le SIAP, Mexique.</a>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Des cultivars résistants pour répondre à la crise</h2>
<p>Face à la crise du secteur, la réponse du gouvernement mexicain a consisté à promouvoir, à partir de 2014, le remplacement des caféiers traditionnels de type arabica, sensibles à la rouille, par des cultivars issus de croisement d’arabica et de robusta. Ces hybrides héritent des robusta la caractéristique de résister à la rouille.</p>
<p>Dans le cadre de ce programme nommé PROCAFE, des aides financières ont été versées aux producteurs afin de subventionner l’achat de plans, et aux pépinières pour qu’elles produisent en masse les cultivars résistants.</p>
<p>Mais ce programme mis en place pour répondre à l’urgence présente deux limites majeures : d’une part la résistance des nouveaux cultivars peut être contournée par la rouille, comme cela <a href="https://apsjournals.apsnet.org/doi/10.1094/9780890546383.009">a déjà été observé au Honduras et au Costa Rica</a>, d’autre part ces caféiers croisés de robusta sont mieux adaptés aux conditions de plein soleil qu’au couvert arboré.</p>
<p>Le programme a ainsi contribué à l’accélération de la déforestation au sein des agroforêts et leur transition vers la monoculture.</p>
<h2>Estimation de l’infestation</h2>
<p>En théorie, un choc négatif sur la production agricole, climatique ou épidémique comme dans le cas de la rouille, a un effet ambigu sur la déforestation. Il peut dans certains contextes <a href="https://www.jstor.org/stable/26269558">limiter la pression sur les forêts</a> en réduisant la profitabilité des exploitations agricoles et en induisant plus d’exode rural, ou à l’inverse <a href="https://www.pnas.org/doi/10.1073/pnas.1910719117">inciter les agriculteurs à accroître la surface de leurs exploitations</a> pour retrouver un niveau de production comparable à celui d’avant le choc.</p>
<p>Pour montrer l’effet causal de l’épidémie de rouille sur la déforestation au Mexique, nous avons utilisé dans notre étude la variabilité locale et temporelle du déclenchement de l’épidémie.</p>
<p>Nous avons également exploité le délai de mise en place du programme PROCAFE afin de tenter de cerner la responsabilité de cette politique agricole dans la transformation des zones de production de café.</p>
<h2>Déforestation accrue</h2>
<p>Nous avons utilisé les données statistiques sur le volume de production de café par municipalité pour détecter le déclenchement local de l’épidémie, en l’absence de données de suivi phytosanitaire. Nous avons pris comme signal d’infestation le constat de deux années consécutives de production anormalement basse, puis avons mesuré la déforestation à l’aide de <a href="https://www.science.org/doi/10.1126/science.1244693">données satellites renseignant l’évolution du couvert forestier</a> à une résolution fine de 30m par 30m, et croisé ces données avec une carte d’utilisation des sols produite par l’institut national statistique mexicain.</p>
<p>Les données de déforestation utilisées définissent un seuil de 5 mètres de hauteur pour distinguer un arbre d’autres types de végétation. Les plants de café en monoculture ne dépassent pas 5 mètres et ne peuvent être confondus avec des forêts. En revanche, les agroforêts denses traditionnelles où les caféiers sont cultivés sous couvert arboré, sont considérées comme de la forêt.</p>
<p>Nos résultats révèlent une progression de la déforestation plus forte dans les municipalités affectées par l’épidémie. Elle ne s’accompagne pas d’une hausse de la superficie agricole, mais a lieu pour partie au sein de zones boisées déjà consacrées à l’agriculture, c’est-à-dire très probablement des agroforêts… de café.</p>
<p>La déforestation est plus marquée dans l’État de Oaxaca qui comptait avant la crise une plus forte proportion de café cultivé en agroforesterie. Il semble donc que la crise de la rouille ait contribué à la diminution du couvert forestier dans les agroforêts de café.</p>
<h2>Politiques agricoles et incitations</h2>
<p>La responsabilité du programme PROCAFE est difficile à quantifier, mais différents éléments convergent pour établir sa contribution dans l’accélération de la transition des systèmes de culture traditionnels vers de la monoculture.</p>
<p>La diminution de couvert forestier est plus marquée à partir de 2014, soit après le lancement du programme PROCAFE, et touche à partir de cette date toutes les municipalités dans lesquelles la culture du café est pratiquée, qu’elles soient ou non touchées par l’épidémie.</p>
<p>Sachant que les subventions du programme visaient aussi le remplacement préventif des plants de café arabica susceptibles d’être infectés, la promotion et la subvention de cultivars hybrides a ainsi sans doute contribué à intensifier la production caféière et la déforestation dans les zones de café.</p>
<p>Les épidémies frappant les cultures agricoles sont vouées à se multiplier avec le changement climatique, qui diminue les défenses naturelles des organismes en les soumettant à un stress accru. Pour protéger les agroforêts, il est nécessaire de mieux prendre en compte les conséquences de long terme et les effets environnementaux des politiques agricoles, et donc d’anticiper les prochaines crises.</p>
<p>Notre étude illustre la fragilité des systèmes agroforestiers, menacés par le développement des monocultures industrielles. Les agroforêts permettent pourtant de concilier agriculture et préservation d’une partie de la biodiversité et constituent une source de <a href="https://www.pnas.org/doi/10.1073/pnas.2023212118">moyens de subsistance diversifiés</a> pour les populations autochtones. Leur préservation va donc au-delà des aspects environnementaux.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/221374/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>
L’épidémie de rouille de 2012 et la stratégie de lutte du gouvernement ont accru la déforestation dans le sud du pays, en accélérant la transition des agroforêts de café vers la monoculture.
Isabelle Chort, Professeur d'économie, Université de Pau et des pays de l'Adour (UPPA)
Berk Öktem, Doctorant en sciences économiques, Université de Pau et des pays de l'Adour (UPPA)
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/222320
2024-02-15T10:46:24Z
2024-02-15T10:46:24Z
Comment mesure-t-on la perte de biodiversité ? L’exemple de l’Afrique
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/575668/original/file-20240214-28-o5b6x2.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">La biodiversité africaine est aujourd'hui menacée par les crises climatiques et environnementales.</span> <span class="attribution"><span class="source">Emmanuel Fourmann</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span></figcaption></figure><p>À l’échelle planétaire, les messages d’alerte se multiplient quant au déclin de la diversité biologique des espèces. Une crise qui touche les habitats et les pools génétiques et qui résulte de la dégradation des écosystèmes, ces lieux où le vivant interagit avec son environnement. <a href="https://www.wwf.fr/rapport-planete-vivante">75 % des milieux terrestres et 40 % des milieux marins sont touchés</a>. <a href="https://www.ecologie.gouv.fr/biodiversite-presentation-et-informations-cles">Un million d’espèces</a> sont menacées d’extinction dans le monde.</p>
<p><a href="https://www.collectionreperes.com/l_economie_africaine_2024-9782348081903">Une étude menée en 2023</a> par les experts de l’AFD et de l’Observatoire du Sahel et du Sahara (OSS) confirme cette dégradation écologique en Afrique, avec des zones particulièrement préoccupantes dans le nord-ouest et le sud du continent, ainsi que dans plusieurs régions de Madagascar. Mais pour parvenir à cette conclusion, il faut d’abord se mettre d’accord sur les bonnes façons de mesurer la perte de biodiversité, une question loin d’être triviale.</p>
<h2>Afrique : une biodiversité remarquable</h2>
<p>Avec plus de 50 000 espèces végétales, 1100 espèces de mammifères (dont près de 200 variétés de primates), environ 2500 espèces d’oiseaux et une riche diversité d’amphibiens et de reptiles, l’Afrique abrite des <a href="http://www.oss-online.org/sites/default/files/2022-06/OSS-LivreEcosystemesAfrique.pdf">écosystèmes variés</a>.</p>
<p>Elle compte également huit des 34 <a href="https://www.cnrs.fr/cw/dossiers/dosbiodiv/index.php?pid=decouv_chapA&zoom_id=zoom_a1_4">« réserves critiques de biodiversité »</a> listées en 1989 par Conservation International, telles que la forêt côtière de l’Ouest africain ou l’ensemble formé par Madagascar et les îles de l’océan Indien.</p>
<hr>
<figure class="align-left zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption"></span>
</figcaption>
</figure>
<p><em>Pour suivre au plus près les questions environnementales, retrouvez chaque jeudi notre newsletter thématique « Ici la Terre ». <a href="https://theconversation.com/fr/newsletters/la-newsletter-environnement-150/">Abonnez-vous dès aujourd’hui</a>.</em></p>
<hr>
<p>Au-delà de son rôle fondamental dans le fonctionnement et la résilience des écosystèmes, la biodiversité est le socle de la subsistance et de l’existence des communautés humaines. Et notamment celles des ménages ruraux pauvres, qui dépendent très directement des écosystèmes.</p>
<p>Comment mesurer cette érosion de la biodiversité ?</p>
<h2>Une méthode pour mesurer la dégradation écologique</h2>
<p>En 2022, <a href="http://www.oss-online.org/">l’Observatoire du Sahara et du Sahel</a> (OSS) a compilé selon la méthode ENCA les informations provenant de bases de données internationales selon une approche <a href="https://www.cbd.int/doc/publications/cbd-ts-77-fr.pdf">développée sous l’égide de la Convention pour la diversité biologique</a>.</p>
<p>Cette méthode <a href="https://unece.org/fileadmin/DAM/stats/documents/ece/ces/ge.33/2018/mtg2/COPERNICEA_document.pdf">ENCA</a> a été mise en œuvre par différentes équipes (WWF, UICN, Université d’Antananarivo, OSS) dans différentes zones et pays (Afrique, Amérique latine, Asie, France), ce qui a permis d’en apprécier la faisabilité, l’intérêt et la fiabilité.</p>
<p><em>[Plus de 85 000 lecteurs font confiance aux newsletters de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde. <a href="https://memberservices.theconversation.com/newsletters/?nl=france&region=fr">Abonnez-vous aujourd’hui</a>]</em></p>
<p>Les comptes ENCA utilisent une unité non monétaire, l’ECU (<em>Ecosystem Capability Unit</em>, unité de capabilité écosystémique), qui a un statut comparable à celui de la <a href="https://theconversation.com/reduction-des-emissions-du-bon-usage-du-cout-de-la-tonne-de-co-evitee-207509">« tonne-équivalent CO<sub>2</sub> »</a> dans la comptabilité du carbone : c’est une valeur conventionnelle virtuelle permettant de quantifier les responsabilités des divers acteurs économiques.</p>
<p>Pour chaque écozone, s’appuyant sur les données consolidées provenant d’une quarantaine de bases de données internationales en accès libre, les comptes ENCA intègrent la mesure du carbone organique de la biomasse et du sol, de l’eau et de l’intégrité de la biodiversité. De quoi fournir un indicateur synthétique de la « capabilité écosystémique totale » locale (ou CET), définie comme le potentiel des écosystèmes à fournir des services au cours du temps et à se renouveler durablement.</p>
<p>Les comptes <a href="http://oss-online.org/sites/default/files/2023-05/ArfikENCA.pdf">AfrikENCA</a> couvrent ainsi le continent africain et l’île de Madagascar, de 2001 à 2020 et à l’échelle de 200 874 zones écologiques (écozones) d’une taille d’environ 12 x 12 km, <a href="http://www.oss-online.org/sites/default/files/2023-07/AfrikENCA.pdf">agrégées par bassins versants</a>.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/574751/original/file-20240210-22-ezl961.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/574751/original/file-20240210-22-ezl961.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/574751/original/file-20240210-22-ezl961.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=146&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/574751/original/file-20240210-22-ezl961.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=146&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/574751/original/file-20240210-22-ezl961.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=146&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/574751/original/file-20240210-22-ezl961.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=184&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/574751/original/file-20240210-22-ezl961.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=184&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/574751/original/file-20240210-22-ezl961.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=184&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Carte Afrique.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Base de données AfrikENCA, calculs F. Mar, A. Ben Romdhane, T. Tapsoba, J.L. Weber et E. Fourmann</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>La diminution de la valeur en ECU du CET d’une écozone reflète donc une détérioration de son capital naturel. Si elle est stable ou s’améliore sur une période assez longue, c’est le signe du bon état probable de l’écosystème. On peut additionner la CET des écozones, lesquelles peuvent être regroupées selon une approche écologique (bassin versant, aire protégée, corridor écologique) ou administrative (commune, district, pays, région).</p>
<h2>Forte dégradation</h2>
<p>Ces comptes ont déjà permis d’offrir un regard sur <a href="http://www.oss-online.org/sites/default/files/2023-07/AfrikENCA.pdf">l’évolution de la couverture forestière</a>, sur les aires protégées abritant des espèces menacées, sur la dynamique des écosystèmes au sein de la <a href="https://theconversation.com/grace-a-la-grande-muraille-verte-une-meilleure-qualite-de-vie-dans-le-sahel-205421">Grande muraille verte</a> et sur les enjeux du stress hydrique affectant l’Afrique du Nord.</p>
<p>Tandis que la population en Afrique a crû de 35 % entre 2010 et 2019, la production a quant à elle augmenté de 40 % et le revenu moyen par tête est resté assez stable, avec des gains modestes (+5 % en 2019 par rapport à 2005) probablement effacés par la pandémie de Covid-19.</p>
<p>Sur la même période, la CET par habitant a fortement décru (-30 %), ce qui signifie à la fois une perte de ressources pour les populations dont les moyens d’existence sont très dépendants des services écosystémiques et une dégradation du potentiel des écosystèmes à se maintenir, à s’adapter au changement climatique et à fournir des services à l’avenir.</p>
<p>Ce constat rejoint celui formulé en 2021 par un <a href="https://www.gov.uk/government/publications/final-report-the-economics-of-biodiversity-the-dasgupta-review">rapport indépendant sur l’économie de la biodiversité</a>.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/574750/original/file-20240210-24-zsag4j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/574750/original/file-20240210-24-zsag4j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/574750/original/file-20240210-24-zsag4j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=328&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/574750/original/file-20240210-24-zsag4j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=328&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/574750/original/file-20240210-24-zsag4j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=328&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/574750/original/file-20240210-24-zsag4j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=412&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/574750/original/file-20240210-24-zsag4j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=412&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/574750/original/file-20240210-24-zsag4j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=412&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Afrique : Produit intérieur brut, Démographie et Capital écosystémique 2010-2020 (base 100 en 2010).</span>
<span class="attribution"><span class="source">PIB : Banque Mondiale (PPA, prix constants 2017) ; Population : WorldPOP ; CET : OSS AfrikENCA</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>60 % des écozones en situation « non soutenable »</h2>
<p>La CET de certaines écozones baisse continûment sur les quinze dernières années (de 2005 à 2019) et de façon accélérée sur les cinq dernières années (2015 à 2019), indiquant une dégradation des écosystèmes liée notamment à leur surexploitation. Ces écozones en dégradation écologique « continuelle » sont qualifiées de non soutenables et cela pose la question de l’avenir des 750 millions d’Africains qui y vivent.</p>
<p>Plus de 60 % des écozones sont en situation non soutenable et, dans la base AfrikENCA, 36 % (un tiers !) ont perdu plus de 10 % de leur capabilité écosystémique totale sur les cinq dernières années. Par contraste, les autres écozones sont réputées soutenables. Mais sur les 200 874 écozones du continent, elles ne représentent que 39 %.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/574753/original/file-20240210-20-2hol5d.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/574753/original/file-20240210-20-2hol5d.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/574753/original/file-20240210-20-2hol5d.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=361&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/574753/original/file-20240210-20-2hol5d.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=361&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/574753/original/file-20240210-20-2hol5d.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=361&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/574753/original/file-20240210-20-2hol5d.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=454&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/574753/original/file-20240210-20-2hol5d.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=454&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/574753/original/file-20240210-20-2hol5d.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=454&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Situation des écozones de la base AfrikENCA (*ppa = parité de pouvoir d’achat).</span>
<span class="attribution"><span class="source">AfrikENCA, calcul des auteurs</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>La carte ci-dessous montre la proportion des écozones soutenables dans chacun des sous-bassins versants. Les zones les plus rouges sont composées à plus de 90 % d’écozones en situation non soutenable, caractérisant un risque pour la croissance économique. À l’inverse, les zones les plus vertes abritent peu d’écozones non soutenables.</p>
<p>Cette première vue d’ensemble montre l’étendue du problème, la disparité des situations et les zones où des investigations doivent être poursuivies, afin d’affiner l’analyse et confirmer par des études de terrain, le lieu, les causes et l’intensité de la dégradation écosystémique constatée.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/575646/original/file-20240214-22-c30cpe.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/575646/original/file-20240214-22-c30cpe.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/575646/original/file-20240214-22-c30cpe.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=647&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/575646/original/file-20240214-22-c30cpe.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=647&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/575646/original/file-20240214-22-c30cpe.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=647&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/575646/original/file-20240214-22-c30cpe.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=813&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/575646/original/file-20240214-22-c30cpe.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=813&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/575646/original/file-20240214-22-c30cpe.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=813&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Localisation des écozones non-soutenables par sous-bassins versants (période 2005-2020).</span>
<span class="attribution"><span class="source">AfrikENCA, calcul des auteurs</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Des populations rendues vulnérables</h2>
<p>En croisant avec les données spatialisées de production et de population, on observe que les écozones non soutenables concentrent 55 % du PIB de l’Afrique et 57 % de sa population. On peut légitimement s’interroger sur l’avenir à moyen terme de la production, notamment agricole, au regard de l’évolution du capital naturel qui le sous-tend plus ou moins directement, et par extension sur l’avenir des communautés elles-mêmes.</p>
<hr>
<p>
<em>
<strong>
À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/changement-climatique-et-agriculture-les-economistes-alertent-sur-la-necessite-dintensifier-les-efforts-dadaptation-en-afrique-subsaharienne-218184">Changement climatique et agriculture : les économistes alertent sur la nécessité d'intensifier les efforts d'adaptation en Afrique subsaharienne</a>
</strong>
</em>
</p>
<hr>
<p>Pour les populations pauvres et rurales qui dépendent fortement des ressources naturelles, leur exposition aux risques environnementaux est forte et leur vulnérabilité s’accroît. Plus de 750 millions de personnes vivent ainsi sur des écozones non soutenables, dont 157 millions dans des écozones en très forte dégradation écologique (perte de capital naturel supérieure à 25 % depuis 2015).</p>
<p>En filigrane, on peut imaginer que les populations habitant dans des écozones en voie de dégradation importante vivront moins bien et devront à terme migrer vers d’autres lieux.</p>
<h2>Des outils pour s’adapter</h2>
<p>Ces résultats montrent qu’un travail important s’annonce pour adapter les territoires et les économies, pour tenter de ralentir leur « désertification » écologique et économique. Or, les décisions économiques continuent à être prises sur la base d’analyses <a href="https://www.cairn.info/apprehender-les-trajectoires-de-developpement-a-l---1000000148984-page-1.htm?contenu=resume">qui n’intègrent pas les limites biophysiques des écosystèmes et leur résilience</a>.</p>
<p>Mesurer l’état des écosystèmes – une préoccupation qui anime économistes et écologues – est effectivement loin d’être simple. Pourtant, les premières applications d’outils de comptabilité environnementale (comme ENCA) montrent qu’ils peuvent fournir des analyses intégrant les limites biophysiques des écosystèmes.</p>
<p>S’ils sont bien évidemment perfectibles, ces outils peuvent permettre d’éclairer les acteurs concernés – gouvernements, société civile, entreprises et institutions financières – et peuvent contribuer à inventer de nouvelles politiques publiques <a href="https://www.youtube.com/watch?v=3lYClDIBcWQ">conciliant les dimensions économique, sociale et environnementale</a> dans une perspective de soutenabilité forte.</p>
<hr>
<p>
<em>
<strong>
À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/pourquoi-doit-on-prendre-soin-de-la-biodiversite-220563">Pourquoi doit-on prendre soin de la biodiversité ?</a>
</strong>
</em>
</p>
<hr>
<img src="https://counter.theconversation.com/content/222320/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Emmanuel Fourmann ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>
La méthode ENCA consiste à mesurer l’état de santé des écosystèmes d’un territoire et de fournir une métrique comparable à celle de la « tonne équivalent CO₂ » dans la comptabilité du carbone.
Emmanuel Fourmann, Chargé de recherche, Agence française de développement (AFD)
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/221340
2024-01-25T14:47:32Z
2024-01-25T14:47:32Z
Planter des arbres venus de régions sèches : la « migration assistée », une fausse bonne idée ?
<p>Il n’y a pas que les humains et les animaux qui migrent. <a href="https://theconversation.com/avec-le-changement-climatique-la-migration-silencieuse-des-especes-189017">Les arbres le font aussi naturellement</a>, à une vitesse <a href="https://journals.plos.org/plosone/article?id=10.1371/journal.pone.0105380">estimée à quelques kilomètres par siècle</a>. Ainsi, via la dispersion de graines, certaines espèces ont pu migrer vers des latitudes plus clémentes, lors des grands changements climatiques passés. Mais face à la rapidité du changement climatique actuel, cette vitesse semble bien trop lente, puisqu’il faudrait que les arbres se déplacent de plusieurs centaines de kilomètres par siècle pour faire face au changement climatique. De ce constat est né le concept de migration assistée.</p>
<h2>Qu’est-ce que la migration assistée ?</h2>
<p>À l’origine, la migration assistée consiste à <a href="https://jem-online.org/index.php/jem/article/view/91">déplacer des espèces pour les préserver de l’extinction</a>. Dans le contexte actuel de dérèglement climatique et des besoins d’adaptation des forêts à ce dérèglement, ce concept a été élargi à la plantation d’espèces d’arbres de régions chaudes ou sèches en lieu et place d’espèces de régions plus froides et humides, comme depuis l’Afrique du Nord vers la France. Cette pratique permet d’aménager les forêts en devançant les effets du changement climatique pour <a href="https://journals.plos.org/plosone/article?id=10.1371/journal.pone.0222207">ainsi préserver les niveaux de productions de bois</a>. Certains évoquent un procédé permettant la <a href="https://nsojournals.onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1111/oik.10248">« résilience socio-économique »</a> de l’industrie du bois.</p>
<p>La migration assistée est généralement mise en œuvre une fois les arbres coupés ou lors de transformation de zones agricoles en zones forestières par plantations de jeunes plants forestiers venant de pépinières, le plus souvent, ou parfois de semis.</p>
<p>Mais cette migration d’espèces d’arbres n’a rien de naturelle ; elle est forcée. Elle peut induire des dommages environnementaux collatéraux et, potentiellement, entraîner un emballement climatique comme nous avons pu le montrer à travers l’étude de <a href="https://nsojournals.onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1111/oik.10248">106 espèces d’arbres d’Europe, d’Afrique du Nord et d’Amérique du Nord</a>.</p>
<h2>Un vieux processus forestier devenu une pratique opportuniste</h2>
<p>En France, la migration assistée se traduit par des plantations d’espèces provenant du Sud méditerranéen comme le pin maritime – <a href="https://inventaire-forestier.ign.fr/IMG/pdf/if40_plantations.pdf">principale espèce plantée en France</a> – dont l’aire de distribution naturelle se concentre en Espagne et au Portugal. La migration assistée englobe souvent la translocation, terme désignant l’action de déplacer des espèces par-delà les barrières naturelles (montagnes, mers) comme le pin laricio endémique de la Corse de plus en plus planté sur le continent, le cèdre de l’Atlas provenant d’Afrique du Nord et planté jusque dans le grand est, ou des sapins de Turquie plantés dans les Alpes. Ces arbres ont un intérêt économique.</p>
<p>Cette migration forcée d’arbres se manifeste aussi par des translocations intercontinentales, impossibles par voie naturelle sinon en réécrivant la tectonique des plaques : par exemple, le cyprès d’Arizona planté en Lorraine, ou les <a href="https://www.fcba.fr/wp-content/uploads/2020/10/fcbainfo-2018-10-eucalyptus-france-production-plantation-rotation-melun.pdf">eucalyptus d’Australie plantés en Aquitaine ou Occitanie</a>.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/569873/original/file-20240117-29-tdx7ov.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/569873/original/file-20240117-29-tdx7ov.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=368&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/569873/original/file-20240117-29-tdx7ov.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=368&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/569873/original/file-20240117-29-tdx7ov.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=368&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/569873/original/file-20240117-29-tdx7ov.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=463&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/569873/original/file-20240117-29-tdx7ov.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=463&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/569873/original/file-20240117-29-tdx7ov.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=463&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Principe de la migration assistée.</span>
<span class="attribution"><span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>La migration assistée n’est pas une nouveauté. C’est une ancienne pratique sylvicole d’utilisation d’espèces pour favoriser l’industrie du bois. Dès le XVI<sup>e</sup> siècle, il y a ainsi eu des plantations de pin sylvestre sur les sables de Fontainebleau bien connues des habitants d’Île-de-France. Au XIX<sup>e</sup>, les plantations massives et réussies de pin noir venant de Serbie, dit « d’Autriche », sont réalisées pour protéger les sols des Alpes soumis à une terrible érosion. À la même époque, des plantations de pin maritime visent à valoriser les plaines sableuses d’Aquitaine et, plus tard, à produire des bois de mines et de la glue à partir de sa résine, générant ces paysages si familiers des vacanciers des plages aquitaines et des habitants du massif des Landes de Gascogne. Enfin, au XX<sup>e</sup>, le <a href="https://www.cnpf.fr/sites/socle/files/2023-03/FE253_bdef.pdf">Douglas d’Oregon</a> est devenu l’espèce la plus appréciée des forestiers au point de représenter ~30 % du résineux produit en France d’ici 2035 ; c’est la <a href="https://inventaire-forestier.ign.fr/IMG/pdf/if40_plantations.pdf">seconde espèce la plus plantée en France</a></p>
<p>La différence avec les pratiques anciennes, c’est qu’on lui revêt désormais un argument logique « d’adaptation au changement climatique ». À ce titre, les espèces candidates listées par l’<a href="https://revueforestierefrancaise.agroparistech.fr/article/view/7600">ONF</a> ou le <a href="https://nouvelle-aquitaine.cnpf.fr/sites/nouvelle-aquitaine/files/2023-06/Brochure%20Changement%20Climatique%20en%20Nouvelle-Aquitaine%20-%20Juin%202023.pdf">CNPF</a> sont nombreuses (<a href="https://www.onf.fr/+/5b2::les-ilots-davenir-des-plantations-pour-lutter-contre-le-changement-climatique.html">plus de 200</a>) et ne semblent limitées que par la productivité et l’acclimatation.</p>
<p>On trouve par exemple <a href="https://www.onf.fr/onf/+/c5b::adapter-les-forets-publiques-au-changement-climatique-en-provence-alpes-cote-dazur-guide-de-gestion-des-peuplements-de-production-vulnerables-et-deperissants.html">dans ces listes</a> le séquoia de Californie, le sapin de Céphalonie venant de Grèce, le sapin de Nordmann issu de Turquie et bien connu sous l’appellation de « sapin de Noël », le calocèdre originaire de l’ouest de la Californie, le pin de Brutie commun en Syrie et Turquie mais cousin du pin de Provence pourtant naturel en France, le cèdre originaire des montagnes du Maroc ou d’Algérie, du chêne vert planté en provenance d’Italie, le pin de Macédoine recherché pour sa croissance très rapide, ou encore le robinier faux acacia originaire de l’est des États-Unis qui est aussi une espèce envahissante. Leurs surfaces restent modestes, mais les <a href="https://revueforestierefrancaise.agroparistech.fr/article/view/7600">plantations expérimentales</a> en <a href="https://youtu.be/XYfrtugjksI">« îlots d’avenir »</a>, ou déjà <a href="https://www.onf-agirpourlaforet.fr/agir/recherche/+/17d::un-bebe-un-arbre-plantation-en-foret-domaniale-de-phalsbourg.html">opérationnelles</a> se répandent rapidement.</p>
<p>La migration assistée d’espèces suit donc une logique de tentative de maintien de la productivité des forêts face à l’inquiétude climatique. Mais elle manque d’une évaluation objective quant à ses potentialités et conséquences négatives sur le fonctionnement <a href="https://societebotaniquedefrance.fr/livre-blanc-sur-lintroduction-dessences-exotiques-en-foret/">et la santé</a> des forêts, et les risques d’<a href="https://theconversation.com/les-invasions-biologiques-un-fardeau-economique-pour-la-france-165119">invasions biologiques</a>.</p>
<h2>Des transformations du couvert forestier</h2>
<p>La migration assistée d’espèces peut avoir des conséquences écophysiologiques, microclimatiques, écologiques, sanitaires et environnementales dans les régions de productions de bois. Le choix des espèces transloquées depuis des régions plus méridionales repose sur leurs propriétés de résistance à la sécheresse et à la chaleur. Or ces propriétés impliquent des modifications importantes de hauteur des arbres, de type de feuillage, et de fonctionnement des forêts.</p>
<p>Sous climat chaud et sec, l’adaptation à la sécheresse réduit la hauteur des arbres, et les feuilles sont souvent plus petites, plus épaisses et persistantes. Car plus l’arbre est grand, <a href="https://www.pnas.org/doi/abs/10.1073/pnas.0710418105">plus il lui est difficile de faire circuler sa sève</a>. Aussi, les feuilles épaisses et petites <a href="https://www.nature.com/articles/nature02403">limitent les pertes d’eau par la transpiration</a>.</p>
<p>Le feuillage des arbres dominants dans une forêt a un <a href="https://www.nature.com/articles/s41559-019-0842-1">rôle essentiel pour tamponner et atténuer – « rafraîchir » – l’effet des vagues de chaleur et de sécheresse</a>. Le feuillage moins dense des arbres plus petits venant du sud atténuerait moins les extrêmes climatiques. Le microclimat de sous-bois sera plus chaud, plus sec et moins rafraîchi que celui des sous-bois naturels des forêts dominées par les arbres à feuilles larges des régions tempérées comme le hêtre, le chêne rouvre ou le chêne tauzin. Si la migration assistée devait se répandre sur de vastes territoires, cela dégraderait donc le bilan énergétique à l’interface atmosphère-canopée et pourrait finalement être néfaste pour lutter contre le réchauffement climatique.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Différences d’interception de la lumière entre une canopée de pin maritime (gauche) et celle de chênes rouvre (droite)" src="https://images.theconversation.com/files/569871/original/file-20240117-19-un5o36.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/569871/original/file-20240117-19-un5o36.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=397&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/569871/original/file-20240117-19-un5o36.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=397&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/569871/original/file-20240117-19-un5o36.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=397&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/569871/original/file-20240117-19-un5o36.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=499&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/569871/original/file-20240117-19-un5o36.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=499&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/569871/original/file-20240117-19-un5o36.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=499&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Différences d’interception de la lumière entre une canopée de pin maritime (gauche) et celle de chênes rouvre (droite).</span>
<span class="attribution"><span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Le rafraîchissement que l’on constate en forêt est apprécié des humains quand il fait chaud. Il en va de même pour la biodiversité végétale et animale, sans compter les champignons et bactéries essentiels aux écosystèmes. Si cet effet tampon est réduit, potentiellement de plusieurs degrés Celsius, certaines espèces des sous-bois seront impactées par ce microclimat plus chaud, voire exclues, <a href="https://www.science.org/doi/10.1126/science.aba6880">érodant ainsi la biodiversité</a>.</p>
<p>Le risque d’incendie pourrait également être accru avec la migration assistée des espèces, et ainsi augmenter les émissions de CO<sub>2</sub>. Les feuilles des espèces transloquées étant souvent plus épaisses, plus sèches, et plus riches en molécules volatiles, cela implique un feuillage et un tapis de feuilles mortes et de brindilles plus inflammables. En outre, ces arbres se sont adaptés au cours de leur évolution en perdant les feuilles les moins efficaces au début de l’été. Cela augmente donc l’épaisseur des tapis de feuilles mortes et de brindilles, ce qui nourrit les feux. Enfin, sous un microclimat plus chaud et sec, les communautés de plantes de sous-bois deviennent souvent elles-mêmes plus inflammables.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Feu dans une forêt plantée de pin sylvestre en Sologne, Loir-et-Cher" src="https://images.theconversation.com/files/569870/original/file-20240117-25-jgyj7x.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/569870/original/file-20240117-25-jgyj7x.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=355&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/569870/original/file-20240117-25-jgyj7x.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=355&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/569870/original/file-20240117-25-jgyj7x.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=355&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/569870/original/file-20240117-25-jgyj7x.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=446&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/569870/original/file-20240117-25-jgyj7x.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=446&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/569870/original/file-20240117-25-jgyj7x.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=446&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Feu dans une forêt plantée de pin sylvestre en Sologne, Loir-et-Cher (31 août 2020).</span>
<span class="attribution"><span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>La généralisation de la migration assistée risquerait de mettre à mal divers services écosystémiques rendus par les forêts tels que la régulation du cycle de l’eau, le stockage du carbone, la préservation de la biodiversité. Plus grave, cela pourrait même contribuer à accélérer le réchauffement global. Pour résumer, le seul bénéfice à court terme semble être celui de la production de bois, qui est l’objectif affiché par les promoteurs de la migration assistée.</p>
<h2>Penser autrement la forêt de demain, respecter les équilibres écologiques</h2>
<p>Mais alors que faire ? Peut-être plutôt que de faire migrer de nouvelles espèces, privilégier la migration de spécimens appartenant à des espèces déjà présentes en France ? Car la migration assistée concerne aussi les <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/D%C3%A9m%C3%A9cologie">populations et les génotypes</a> au sein des espèces (diversité intraspécifique), et pas seulement les espèces elles-mêmes.</p>
<p>Ainsi, on peut privilégier la migration, non pas de nouvelles espèces censées être plus résistantes à la chaleur, mais de populations des espèces d’arbres déjà présentes sur notre territoire. <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S037811271400231X">En sélectionnant les génotypes</a> de populations provenant de territoires plus chauds et secs au sein de l’aire de répartition naturelle d’une espèce donnée, on favorise les arbres qui présentent les plus grandes aptitudes génétiques de résistance à la chaleur et la sécheresse sans modifier le cortège d’espèces, donc en minimisant le risque d’effets indésirables.</p>
<p>L’option choisie pendant des décennies de préférer des lignées de pin maritime originaires du Portugal dans les plantations de Nouvelle Aquitaine permettrait de favoriser au nord, dans les Landes de Gascogne, des populations de pin les plus résistantes au climat. Cependant elles ont dépéri avec l’hiver 1985 et, désormais, ces lignées ne sont plus autorisées. <a href="https://agriculture.gouv.fr/sites/default/files/151218_ppa_fiche.pdf">Mais des lignées marocaines sont expérimentées</a>. On pourrait faire de même avec les génotypes les plus méridionaux des chênes rouvres et pédonculés, ou les hêtres de nos plaines, ou encore les sapins blancs des Alpes pour les planter plus au nord, ou plus haut en altitude.</p>
<p>Mais cela ne suffira pas. Car le modèle de la forêt cultivée monospécifique, n’est plus soutenable. Les boisements composés d’espèces différentes et de classes d’âges variées, en associant des espèces complémentaires et des générations différentes, <a href="https://besjournals.onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1111/1365-2745.13658">échangeant des services entre-elles</a> qui permettent de réduire les écarts thermiques, et d’optimiser l’utilisation des ressources, et d’accroître la résilience des forêts. Enfin, la gestion du territoire doit être repensée en évitant l’uniformisation sylvicole ; <a href="https://theconversation.com/les-forets-de-pins-maritimes-daquitaine-des-nids-a-incendie-193094">morceler les paysages de boisements et de cultures diverses</a> permet de réduire le risque de mégafeux ou <a href="https://theconversation.com/pourquoi-la-foret-francaise-a-besoin-dun-traitement-de-fond-177006">d’autres perturbations</a> comme des attaques d’insectes ravageurs très dommageables pour le producteur sylvicole et aussi la société.</p>
<p>La migration assistée, et surtout la translocation, d’espèces n’est donc pas la panacée. Même si l’idée de base part d’une volonté de mieux faire pour adapter nos forêts au climat, les effets attendus pourraient être moins bénéfiques en générant à long terme des problèmes plus grands. L’histoire a souvent montré que la nature ne se dompte pas facilement ; elle doit être comprise. Nous devons nous y adapter de façon ingénieuse en favorisant ce qu’elle sait faire de mieux.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/221340/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Christopher Carcaillet a reçu des financements de l'Agence Nationale de la Recherche, de l'Association Nationale pour la Recherche et la Technologie et de la DREAL-Corse (CorsicanFires) et du CNRS (IEA MedFires) ; il est membre de Conseil Scientifique (Parc naturel régional, Réserve MAB/UNESCO, Réserve Naturelle).</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Guillaume Decocq est vice-président de la Société botanique de France, administrateur de l'International Association for Vegetation Science, membre du GT Forêt du Comité français de l'UICN.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Jean-Christophe Domec a reçu des financements de l'Agence nationale de la recherche (projet PHYDRAUCC; ANR-21-CE02-0033-02) ainsi que de la Région Aquitaine (projets VITIPIN et IMPACTS; AAPR2023-2023-24940910). </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Jonathan Lenoir a reçu des financements de l'Agence nationale de la recherche (ANR), dans le cadre des projets IMPRINT (ANR-19-CE32-0005-01) et MaCCMic (ANR-21-CE32-0012-03), ainsi que de la Région Hauts-de-France et du Ministère de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche dans le cadre du Contrat de plan état-région (CPER) ECRIN.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Florian Delerue et Richard Michalet ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur poste universitaire.</span></em></p>
Sur le papier, planter des arbres issus de régions sèches dans nos forêts pour les rendre plus résilientes aux sécheresses semble une bonne idée. En pratique, cela risque de poser quelques problèmes.
Christopher Carcaillet, Directeur d’études (professeur), écologie et sciences de l'environnement, Université Paris Dauphine – PSL
Florian Delerue, Maître de conférences en Ecologie, Université de Bordeaux
Guillaume Decocq, Professeur en sciences végétales et fongiques, directeur de l’UMR EDYSAN, Université de Picardie Jules Verne (UPJV)
Jean Christophe Domec, Professeur en Gestion Durable des Forets, Bordeaux Sciences Agro, Duke University
Jonathan Lenoir, Senior Researcher in Ecology & Biostatistics (CNRS), Université de Picardie Jules Verne (UPJV)
Richard Michalet, Professeur en écologie, Université de Bordeaux
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/220691
2024-01-21T07:07:13Z
2024-01-21T07:07:13Z
Au Sénégal, les petits exploitants d'or utilisent encore du mercure toxique : comment réduire les dégâts ?
<p>“Ne pas pêcher dans ces eaux.” “Contient des niveaux élevés de mercure”. Ces mises en garde sont placardées devant des milliers de lacs et de rivières dans le monde, ainsi que sur de nombreux produits halieutiques. </p>
<p>Mais la consommation de poissons contaminés n'est pas la seule source d'exposition au mercure. L'inhalation de vapeurs de mercure, libérées lors de l'extraction d'un autre oligo-élément, l'or, est encore plus dangereuse. Les mineurs qui inhalent des vapeurs de mercure peuvent subir les mêmes <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0013935116302754?via%3Dihub">effets toxiques</a> que les personnes qui consomment des aliments contaminés par le mercure : tremblements des membres, vision trouble, perte de fonctionnalité des membres, voire la mort. Dans le monde, <a href="https://chemistry-europe.onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1002/chem.201704840">entre 10 et 19 millions de personnes</a> travaillent dans les mines d'or artisanales et à petite échelle.</p>
<p>J'ai <a href="https://gersonlab.weebly.com/people.html">étudié</a> l'impact du mercure sur l'environnement au niveau mondial au cours des huit dernières années. Mes <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S2666791623000234?utm_campaign=STMJ_AUTH_SERV_PUBLISHED&utm_medium=email&utm_acid=278782186&SIS_ID=&dgcid=STMJ_AUTH_SERV_PUBLISHED&CMX_ID=&utm_in=DM431241&utm_source=AC_">récentes recherches</a> ont permis de trouver un moyen efficace de réduire les émissions de mercure provenant de l'exploitation artisanale et à petite échelle de l'or au Sénégal grâce à l'éducation et à la distribution d'équipements.</p>
<p>Nous avons organisé des séances d'information sur les dangers du mercure et sur l'utilisation d'équipements permettant de réduire les émissions de mercure et l'exposition à cette substance. Les séances ont été tenues par des membres respectés de la communauté, dans les langues locales, à l'aide de graphiques simples. Les communautés ont également reçu des équipements : des cornues (dispositifs de capture du mercure) fabriquées par des artisans locaux à l'aide de matériaux disponibles localement. Ils ont mis ces articles en vente dans les magasins locaux. </p>
<h2>Utilisation du mercure dans l'exploitation artisanale et à petite échelle de l'or</h2>
<p>L'extraction artisanale et à petite échelle de l'or <a href="https://www.nrdc.org/sites/default/files/investing-artisanal-gold-summary.pdf">produit environ 20 %</a> de tout l'or vendu sur le marché mondial. Le processus est loin d'être respectueux de l'environnement. De vastes zones de <a href="https://www.scientificamerican.com/article/gold-mining-is-poisoning-amazon-forests-with-mercury/">forêts</a> sont déboisées pour faire place à l'équipement minier. La terre ou les sédiments sont extraits des puits ou des rivières. Le mercure est ensuite mélangé aux sédiments. </p>
<p>Le mercure est utilisé dans l'extraction de l'or parce qu'il est bon marché, facile à obtenir et efficace pour séparer l'or. Il forme une un revêtement autour de l'or, créant un amalgame mercure-or. Cet amalgame est ensuite brûlé, laissant derrière lui de l'or qui peut être vendu pour de gros bénéfices. Au cours de ce processus, d'énormes quantités de mercure sont <a href="https://www.nature.com/articles/s41467-022-27997-3.epdf?sharing_token=SS0Zinmr3e4M1-5aak8Bn9RgN0jAjWel9jnR3ZoTv0ONl2tI5_r4OiC9PdUUQEvMoaD1-h16KJeqDvTzKEwqGXAvIDzbqW8cy_8HXy476nR8mcArSl4R0Ner2eUgks4pc7tNG75xFgkKVFQi42HTyITvkyHNHuLo5ayV_WRtsj4%3D">libérées</a> dans l'atmosphère.</p>
<p>L'extraction artisanale et à petite échelle de l'or est la plus grande source de <a href="https://www.unep.org/explore-topics/chemicals-waste/what-we-do/mercury/global-mercury-assessment">pollution par le mercure au niveau mondial</a>, émettant plus de mercure que la combustion du charbon. Elle est présente <a href="https://www.unep.org/resources/publication/global-mercury-assessment-technical-background-report?_ga=2.52038313.1887903477.1676509867-1079977290.1676509867">dans plus de 70 pays</a>, dont la plupart en Afrique subsaharienne, en Asie du Sud-Est et en Amérique du Sud. La Convention de Minamata sur le mercure du Programme des Nations unies pour l'environnement <a href="https://minamataconvention.org/en">est entrée en vigueur en 2017</a> afin de réduire la production, le commerce et l'utilisation du mercure au niveau mondial. L'article 7 traite spécifiquement du mercure dans l'extraction artisanale et à petite échelle de l'or.</p>
<hr>
<p>
<em>
<strong>
Read more:
<a href="https://theconversation.com/artisanal-gold-mining-in-south-africa-is-out-of-control-mistakes-that-got-it-here-188038">Artisanal gold mining in South Africa is out of control. Mistakes that got it here</a>
</strong>
</em>
</p>
<hr>
<h2>Stratégies de réduction des émissions de mercure provenant de l'extraction de l'or</h2>
<p>Malgré la Convention, la réduction de l'utilisation du mercure et des émissions provenant de l'extraction artisanale et à petite échelle de l'or n'a guère été couronnée de succès. De nombreux chercheurs et organisations ont tenté de former les utilisateurs aux dangers du mercure ou ont introduit des technologies sans mercure. Ces interventions permettent parfois de réduire l'utilisation du mercure dans un premier temps, mais ces nouvelles pratiques ne perdurent pas toujours.</p>
<p>Les interventions de santé publique nous enseignent que la connaissance ne conduit pas toujours à un changement de comportement. Par exemple, nous savons qu'il est dangereux de fumer, mais de nombreuses personnes continuent à le faire. Et les technologies sans mercure sont <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S2666791623000234#bib49">souvent coûteuses</a>, produites avec des matériaux qui ne peuvent pas être obtenus localement, et très techniques.</p>
<h2>Intervention au Sénégal</h2>
<p>Dans une <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S2666791623000234?utm_campaign=STMJ_AUTH_SERV_PUBLISHED&utm_medium=email&utm_acid=278782186&SIS_ID=&dgcid=STMJ_AUTH_SERV_PUBLISHED&CMX_ID=&utm_in=DM431241&utm_source=AC_">étude récente</a>, j'ai travaillé avec des collaborateurs au Sénégal pour réduire les émissions de mercure provenant de l'extraction artisanale et à petite échelle de l'or. Ensemble, nous avons associé une campagne éducative à la distribution d'équipements sur une période de six mois. Des enquêtes menées avant et après l'intervention ont montré que celle-ci avait permis d'améliorer les connaissances sur les dangers du mercure et d'accroître l'utilisation des technologies améliorées.</p>
<p>Des membres dignes de confiance de la communauté ont mené des séances d'éducation dans les langues locales. Les supports visuels ont été créés en tenant compte des commentaires des collaborateurs sénégalais locaux afin de garantir leur adéquation culturelle. La population locale a été formée pour présenter les informations aux mineurs et aux membres de la communauté et pour répondre aux questions. Ces membres de la communauté ont été rémunérés pour participer à cette formation.</p>
<p>Les formateurs ont ensuite organisé des sessions formelles pour discuter de ces sujets. D'autres séances éducatives informelles ont eu lieu autour d'un thé dans les communautés, dans les langues locales. Elles ont mis l'accent sur les dangers du mercure et prodigué des conseils sur l'utilisation de cornues et d'équipements de protection individuelle pour réduire les émissions de mercure et l'exposition à cette substance. Les chefs de village, les imams, les élus, les mineurs, les vendeurs, les groupes de femmes et les jeunes ont tous été ciblés par les séances d'information. L'information a également été diffusée par la radio locale, <a href="https://aiccra.cgiar.org/publications/assessing-reach-climate-and-agricultural-related-content-community-radio-stations">une technique efficace</a> pour atteindre un public plus large au Sénégal. </p>
<p>Des équipements ont été distribués dans les magasins locaux, afin de les rendre disponibles à l'achat. L'objectif était d'accroître l'accès aux équipements susceptibles de réduire l'exposition au mercure, tout en demandant aux gens de payer pour cela, réduisant ainsi la dépendance à l'égard d'organisations extérieures pour la continuité du programme.</p>
<p>La distribution d'équipements s'est concentrée sur les cornues, des dispositifs qui agissent comme un couvercle sur une marmite. Dans les méthodes traditionnelles à flamme nue, l'amalgame mercure-or libère du mercure directement dans l'air. Dans une cornue, le mercure libéré se condense sur le couvercle de la cornue et passe dans un tube jusqu'à un seau d'eau, où il peut être recueilli. Cela réduit les émissions de mercure dans l'air et le mercure peut être réutilisé.</p>
<p>Les cornues ont été fabriquées par des forgerons locaux à l'aide d'équipements disponibles sur place. La conception a tenu compte des besoins des mineurs et de leurs commentaires. La première série d'équipements a été fournie gratuitement aux magasins, qui ont acheté du matériel de réapprovisionnement avec les bénéfices de la vente de la première série. Les cornues ont été vendues au prix de 15 000 CFA (environ 24,70 USD).</p>
<hr>
<p>
<em>
<strong>
Read more:
<a href="https://theconversation.com/ghanas-artisanal-miners-are-a-law-unto-themselves-involving-communities-can-help-fix-the-problem-192256">Ghana's artisanal miners are a law unto themselves: involving communities can help fix the problem</a>
</strong>
</em>
</p>
<hr>
<h2>Les conséquences de cette intervention</h2>
<p>L'exploitation artisanale de l'or est un <a href="https://www.tandfonline.com/doi/full/10.1080/08941920.2016.1273417">moyen de subsistance important</a> pour de nombreuses personnes au Sénégal et dans le monde. Étant donné les dangers de la toxicité du mercure, il est nécessaire de réduire l'exposition élevée des mineurs et de leurs communautés. Notre étude fournit un mécanisme pour y parvenir.</p>
<p>Elle a suscité des réactions positives, ce qui laisse penser que des interventions similaires pourraient être efficaces dans d'autres pays où l'on pratique l'extraction artisanale et à petite échelle de l'or.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/220691/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jacqueline Gerson reçoit des fonds de World Connect et de l'Université de Duke.</span></em></p>
Compte tenu des dangers de la toxicité du mercure et de la forte exposition des mineurs et de leurs communautés, des solutions sont nécessaires pour réduire une telle exposition.
Jacqueline Gerson, Assistant professor, Michigan State University
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/217133
2023-11-23T09:28:46Z
2023-11-23T09:28:46Z
Le lierre « tueur d’arbre » : entre préjugés, ignorance et réalité
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/559361/original/file-20231114-27-ysrjkm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=12%2C31%2C4220%2C2792&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le nom savant du lierre est Hedera Helix</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://unsplash.com/fr/photos/plante-verte-et-brune-en-photographie-rapprochee-CadWmqaZCr4">Benjamin Huggett/Unsplash</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Le procès du lierre semble avoir été rendu il y a bien longtemps. Dès 77 après Jésus-Christ, Pline l’Ancien assurait au <a href="https://remacle.org/bloodwolf/erudits/plineancien/livre16.htm">livre XVI</a> de son <em>Histoire naturelle</em> « Le lierre tue les arbres ». Dont acte, déplorent aujourd’hui certains acteurs de la protection de la biodiversité par exemple l’office national des forêts qui alertait en <a href="https://x.com/ONF_Officiel/status/1711765741261693378?s=20">octobre 2023</a> sur le nombre de personnes coupant les tiges de lierres en forêt, privant ainsi les écosystèmes d’une plante jouant plusieurs rôles bénéfiques pour les écosystèmes. Alors, ce lierre, on le coupe ou on le garde ? Faisons le point.</p>
<h2>Le lierre tue-t-il les arbres ?</h2>
<p>Le lierre n’est pas un parasite. C’est une liane, il n’a donc pas de tronc et, incapable de porter son propre poids, il a besoin d’un support. Il rampe ainsi au sol pendant la première partie de sa vie, puis s’approche de la lumière en grimpant sur un support, arbre ou autre, et seulement alors il fleurit et fructifie. Il s’accroche à son support par de petites racines collantes courtes et brunes, qui n’absorbent ni eau ni nourriture.</p>
<p>Le lierre n’enserre pas non plus les arbres à la manière d’un figuier étrangleur, car ses tiges qui grimpent sur un même tronc sont peu liées les unes aux autres. Les figuiers dits étrangleurs, eux, vivent dans la forêt équatoriale, où la compétition pour la lumière est beaucoup plus intense que dans la forêt tempérée. À la mort de l’arbre porteur, le figuier, qui peut soutenir son propre poids, hérite de sa place au soleil dans la canopée et de l’apport nutritif lié à la décomposition de son tronc.</p>
<p>Le lierre, au contraire, a tout à perdre de la mort de son support, puisqu’il se retrouve alors, sauf exception, précipité à terre et dans l’impossibilité de continuer son cycle de croissance et de reproduction.</p>
<p>Cependant le lierre peut peser très lourd, contraignant l’arbre à produire davantage de bois, ce qui lui coûte des ressources. Et la présence de lierre augmente beaucoup la surface de feuillage sur laquelle le vent appuie, comme sur une voile: cette prise au vent peut devenir importante au point de briser ou déraciner l’arbre.</p>
<h2>Compétition pour l’eau et les sels minéraux du sol ?</h2>
<p>Le lierre peut-il nuire aux arbres, même s’il ne s’en nourrit pas ? Il puise l’eau et les sels minéraux par les racines de sa partie rampante qui, contrairement aux racines de la partie grimpante, ne sont pas transformées en crampons. Il pourrait donc être en compétition avec les arbres dans le sol pour ces ressources. Mais le lierre garde son feuillage toute l’année, et une <a href="https://doi.org/10.1007/s00425-011-1363-6">étude</a> a montré qu’il utilise l’eau surtout lors des journées douces de fin d’hiver et de printemps, quand les arbres à feuilles caduques n’en ont pas besoin parce qu’ils sont en repos hivernal. De plus, le lierre perd ses feuilles tout au long de l’année, et non pas en une seule fois comme les arbres à feuilles caduques. En se décomposant ces feuilles <a href="https://iris.unipv.it/handle/11571/571105">apportent dans le sol</a> des minéraux qui semblent pouvoir être utilisés rapidement par les arbres voisins et favoriser leur croissance.</p>
<h2>Compétition pour la lumière ?</h2>
<p>C’est la lumière qui permet la <a href="https://theconversation.com/fr/topics/photosynthese-63763">photosynthèse</a>, unique source de matière et d’énergie des plantes. Les feuilles des arbres et celles du lierre sont en compétition pour la lumière dans les parties hautes des arbres. Cependant, le lierre, dont les feuilles sont plutôt situées près du tronc et des grosses branches de l’arbre, supporte en outre très bien l’ombre. Les feuilles de l’arbre sont davantage situées sur les extrémités des rameaux, en pleine lumière. Cette compétition est donc plutôt en faveur de l’arbre, sauf si son feuillage est déjà très clairsemé, comme c’est le cas pour les arbres affaiblis par l’âge ou la maladie.</p>
<div style="position: relative; width: 100%; height: 0; padding-top: 56.2500%; padding-bottom: 0; box-shadow: 02px 8px 0 rgba(63,69,81,0.16); margin-top: 1.6em; margin-bottom: 0.9em; overflow: hidden; border-radius: 8px; will-change: transform;">
<iframe loading="lazy" style="position: absolute; width: 100%; height: 100%; top: 0; left: 0; border: none; padding: 0;margin: 0;" src="https://www.canva.com/design/DAFzYtQwEi0/view?embed" allowfullscreen="allowfullscreen" allow="fullscreen" width="100%" height="400"> </iframe>
</div>
<p><a href="https://www.canva.com/design/DAFzYtQwEi0/view?utm_content=DAFzYtQwEi0&utm_campaign=designshare&utm_medium=embeds&utm_source=link" target="_blank" rel="noopener"></a></p>
<h2>Bilan des relations entre l’arbre et le lierre</h2>
<p>On a du mal à savoir ce qui l’emporte, l’aspect bénéfique ou les dommages, car si le lierre peut être l’objet de beaucoup d’émois et de discussions, évaluer la balance bénéfice-risque de sa présence sur le long terme et dans différents cas de figure serait méthodologiquement long et difficile. Peu de publications scientifiques sont disponibles pour jauger cela.</p>
<p>Une étude conduite en <a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/11263500902722428">Turquie</a> indique cependant que les arbres qui portent du lierre ont une croissance moindre que ceux qui n’en portent pas. Les auteurs interprètent cette corrélation en concluant que le lierre est nuisible aux arbres. Mais comme pour toute corrélation, on peut envisager la causalité inverse (le lierre s’installerait de préférence sur les arbres qui poussent moins vite), ou l’absence de causalité, ce que les auteurs n’ont pas fait. Notons aussi que les conditions climatiques de la Turquie ne sont pas les mêmes que celles de la France, et on ne sait pas si ces résultats seraient transposables avec des rythmes de croissance et un effet de l’éclairement susceptibles d’être différents.</p>
<p>Une <a href="http://www.arborecology.com/article_forf.htm">étude</a> rapportée dans l’excellente revue <a href="https://www.lahulotte.fr/index.php"></a> <a href="https://www.lahulotte.fr/index.php"><em>La Hulotte</em></a>, qui consacre ses numéros 106 et 107 au lierre, porte quant à elle sur la qualité du bois : un propriétaire forestier avait fait éliminer systématiquement le lierre sur une de ses parcelles pendant 75 ans, et était arrivé à la conclusion que la qualité de bois n’était pas différente entre les parcelles avec lierre et les parcelles sans lierre. Ce qui ne nous renseigne pas sur les différences de mortalité entre les arbres, mais donne pour indication que les forestiers n’ont pas d’intérêt à arracher le lierre pour favoriser la vente du bois.</p>
<p>Alors le lierre tue-t-il les arbres ? Ça arrive, mais pas systématiquement, et, en tous cas, il ne les parasite pas. Parfois le lierre favorise son arbre support. Lierre et arbre entretiennent des interactions complexes, comme le sont les interactions dans les écosystèmes, pas entièrement nuisibles, pas entièrement bénéfiques… Avant donc de détruire le lierre voyons un peu s’il est utile à d’autres espèces de l’écosystème.</p>
<hr>
<figure class="align-left zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption"></span>
</figcaption>
</figure>
<p><em>Pour suivre au plus près les questions environnementales, retrouvez chaque jeudi notre newsletter thématique « Ici la Terre ». <a href="https://theconversation.com/fr/newsletters/la-newsletter-environnement-150/">Abonnez-vous dès aujourd'hui</a>.</em></p>
<hr>
<h2>D’autres arguments pour défendre le lierre ?</h2>
<p>Oui ! Il suffit d’observer un lierre en fleur en octobre-novembre pour constater la présence abondante d’abeilles, nourries par le nectar de la plante. Dernière plante à fleurir avant l’hiver dans bien des endroits, le lierre favorise la survie hivernale de très nombreux insectes pollinisateurs, dont une visiteuse spécialisée, l’abeille du lierre. Pierre Deom dans <a href="https://www.lahulotte.fr/index.php"><em>La Hulotte</em> n°106</a> « Les trois vies du Lierre » rapporte qu’au moins 200 espèces d’insectes se nourrissent du nectar des fleurs du lierre. En automne, le lierre peut constituer <a href="https://doi.org/10.1038/srep40568">jusqu’à 90 % des ressources</a> alimentaires des abeilles.</p>
<p>Après la floraison vient la fructification, toujours à contre-saison par rapport aux plantes dominantes : les fruits sont à maturité en décembre-janvier. Ils sont comestibles pour les oiseaux, bien que pas très recherchés. Mais quand l’hiver est rude et que les autres sources de nourriture sont épuisées, les merles, grives et autres passereaux y trouvent de quoi survivre. Attention cependant, les fruits du lierre sont toxiques pour les humains !</p>
<p>Et même quand il n’offre rien à manger, le lierre offre l’abri de son feuillage toujours vert et de ses branches enchevêtrées, un bon endroit pour se cacher, faire son nid <a href="https://www.jstor.org/stable/3599428">pour des dizaines d’espèces d’oiseaux et d’insectes</a>.</p>
<p>Les lianes jouent d’autres rôles importants dans les écosystèmes forestiers. Comme suggéré <a href="https://iris.unipv.it/handle/11571/571105">pour le lierre</a>, il a été <a href="https://doi.org/10.1007/s11434-011-4690-x">montré en forêt subtropicale</a> que la chute des feuilles des lianes fournissait proportionnellement plus de litière, et une litière de meilleure qualité que celle des arbres. La litière est le tapis de feuilles mortes et autres débris qui tombent au sol et y sont décomposés. Cette décomposition permet de séparer les éléments minéraux des molécules organiques, et de les recycler lors de la nutrition minérale des plantes. De plus, en raison de leur croissance à l’horizontale, les lianes prélèvent les éléments minéraux loin des troncs, et la chute des feuilles relocalise ces minéraux au pied des arbres.</p>
<p>Qu’elles aident à nourrir les arbres ou qu’elles en fassent tomber certains, ouvrant ainsi la place pour d’autres, les lianes ont une influence considérable sur l’écologie forestière, et les spécialistes estiment que leur action est globalement favorable à la biodiversité forestière. On peut vouloir éliminer le lierre sur des arbres de parc, pour mieux les admirer, c’est une question de goût… Mais en dehors de ces considérations esthétiques, respecter le lierre c’est favoriser des centaines d’espèces qui en vivent ou s’y abritent, et, sauf cas particuliers, sans nuire aux arbres.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/217133/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Agnès Schermann Legionnet a reçu des financements de l’Union Européenne et de l’état français pour ses recherches. </span></em></p>
Parasite, tueur d'arbre, toxique… Le lierre pâtit d'une bien mauvaise réputation. À raison ?
Agnès Schermann Legionnet, Maîtresse de conférences, Université de Rennes
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/216396
2023-10-25T16:05:43Z
2023-10-25T16:05:43Z
Sommet des Trois Bassins : que peut-on attendre d’une « OPEP des forêts » ?
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/555849/original/file-20231025-25-rjaoix.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=15%2C23%2C5284%2C2749&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les forêts du bassin du Congo, ici celle de Bwindi, sont aujourd'hui celles qui séquestrent le plus de carbone, mais également celles qui subissent la plus rapide déforestation.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/fr/image-photo/landscape-southwestern-uganda-bwindi-impenetrable-forest-1281443353">Travel Stock/Shutterstock</a></span></figcaption></figure><p>Certains l’ont déjà surnommé l’<a href="https://www.theguardian.com/environment/2022/nov/05/brazil-indonesia-drc-cop27-conservation-opec-rainforests-aoe">« OPEP des forêts »</a>. Ce jeudi 26 octobre 2023 à Brazzaville, les pays des trois principaux bassins de forêts primaires de la planète (forêt Amazonienne, bassin du Congo, forêt de Bornéo et du Mékong) se réunissent. Le secrétaire général de l’ONU, António Guterres, le président brésilien Lula, et bon nombre d’élus, scientifiques et représentants des peuples autochtones des trois continents ont fait le déplacement.</p>
<p>Un des objectifs affichés de la rencontre : la création d’une « l’Alliance Mondiale des Trois Bassins ». Si une telle organisation serait inédite, à l’heure où la déforestation est <a href="https://www.lemonde.fr/planete/article/2023/10/23/en-depit-de-multiples-engagements-internationaux-la-deforestation-a-encore-augmente-de-4-en-2022_6196014_3244.html">repartie à la hausse</a>. Que pourrait permettre une telle alliance ?</p>
<h2>Des maux communs mais des causes parfois différentes</h2>
<p>Avant même d’interroger son efficacité, on peut d’abord se pencher sur la raison d’être d’une coopération entre ces régions du monde. Ces trois bassins forestiers regroupent l’essentiel des forêts tropicales du monde, et, par là, « 80 % des poumons verts et trois quarts de la biodiversité mondiale » <a href="https://www.thethreebasinsummit.org/fr/accueil/?gclid=CjwKCAjw1t2pBhAFEiwA_-A-NDB9dJ2SbqXPx8rK0FEJolFSh3xL-PNLNNI1BThMHf-oLvkM2QuEQxoCu9IQAvD_BwE">rappelle le sommet</a>. À cet égard, l’alliance semble des plus pertinentes, surtout pour faire face à un mal qui les touche tous : celui de la déforestation. Car ces trois plus grands bassins forestiers sont aussi les <a href="https://www.science.org/doi/10.1126/science.aau3445">trois plus grands bassins de déforestation</a>. Un fléau qui a augmenté de 4 % en 2022 et qui a pour principal responsable le changement d’occupation des terres, la transformation de forêt en terrains d’élevage ou en terres agricoles.</p>
<p>Néanmoins, la déforestation n’a pas toujours les mêmes visages ni les mêmes causes dans ces trois bassins et dépend fortement du contexte socio-économique. Elle demeure déjà un phénomène plus ancien en Amazonie et en Asie du Sud-Est. Le bassin du Congo a lui commencé à être massivement défriché plus récemment, mais aujourd’hui c’est l’endroit où le déboisement est le plus rapide.</p>
<p>Toujours dans le bassin du Congo, c’est plutôt l’agriculture vivrière qui grignote aujourd’hui la forêt primaire, tandis que les activités principales à blâmer pour cela en Amazonie demeurent celles de l’agriculture et de l’élevage tournés vers l’exportation. En Asie du Sud-Est, l’huile de palme reste encore une des premières causes de perte du couvert forestier, notamment à Bornéo et en Papouasie. Les leviers d’action peuvent donc être sensiblement différents d’un pays ou d’une région à l’autre.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Partie de forêt déboisée par une jeune plantation d'huile de palme." src="https://images.theconversation.com/files/555860/original/file-20231025-25-wdbbch.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/555860/original/file-20231025-25-wdbbch.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/555860/original/file-20231025-25-wdbbch.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/555860/original/file-20231025-25-wdbbch.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/555860/original/file-20231025-25-wdbbch.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=565&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/555860/original/file-20231025-25-wdbbch.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=565&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/555860/original/file-20231025-25-wdbbch.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=565&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Les plantations d'huile de palme, une des principales causes de déforestation en Asie du Sud Est.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/fr/image-photo/drone-view-deforestation-caused-by-palm-762549322">Richard Whitcombe/Shutterstock</a></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Éviter la concurrence entre pays</h2>
<p>Néanmoins, au vu de la cadence toujours grandissante de la déforestation, cette alliance reste des plus pertinentes et les pays concernés peuvent avoir plusieurs intérêts précis à coopérer. D’abord, afin d'éviter une <a href="https://www.lesechos.fr/monde/enjeux-internationaux/cop27-100-milliards-de-dollars-au-c%C3%BAur-des-negociations-1875619">concurrence</a> entre pays pour l’obtention des financements provenant du Nord. </p>
<p>Une rivalité qui n’est pas étonnante dans un contexte où la lutte contre la déforestation nécessite des transferts financiers importants pour aider les pays à se prémunir du déboisement et où les aides internationales pour protéger ou restaurer la biodiversité demeurent trop faibles, peu efficaces et <a href="https://www.lemonde.fr/idees/article/2023/01/12/l-aide-internationale-pour-le-climat-est-faible-peu-efficace-et-inequitablement-attribuee_6157515_3232.html">inéquitablement distribuées</a>, avec les pays les plus vulnérables moins bien dotés que les pays émergents ces dernières décennies, et beaucoup de promesses non tenues. </p>
<p>Ainsi, à la COP15 de Copenhague, en 2009, les pays développés s’étaient engagés à réunir 100 milliards de dollars par an afin d’aider les pays les moins développés à faire face au dérèglement climatique. Mais seulement 83,3 milliards ont été mobilisés, et seulement 68,3 milliards d’argent public.</p>
<h2>Empêcher les effets de fuite</h2>
<p>Un autre intérêt qu’il aurait, pour ces trois bassins forestiers, à faire front commun serait d’éviter ce qu’on appelle des <a href="https://climatestrategies.org/deforestation-leakage-policy-spill-overs-and-the-case-for-integrated-management/">effets de fuite</a>. Car si une partie des pays fait des efforts pour réduire la déforestation, alors que d’autres ne font rien, la déforestation peut alors tout simplement <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0928765516301737">se déplacer</a> des pays qui font des efforts vers ceux qui n’en font pas.</p>
<p>Cet effet s’explique notamment par un mécanisme économique : admettons qu’une région du monde parvienne à réduire fortement sa déforestation. Il est probable que cette politique entraîne des contraintes fortes sur le secteur agricole local, et augmente ainsi le coût des denrées agricoles. Il est alors à craindre qu’une partie de la demande internationale se reporte vers des régions où la protection des forêts est moins forte, pour l’obtention de produits à moindres coûts. Ce qui peut de ce fait augmenter la déforestation dans ces régions.</p>
<p>Cela revient en quelque sorte à une situation de passager clandestin : tout le monde a intérêt à agir collectivement, mais personne ne veut agir seul. Il y a donc un intérêt à agir ensemble, afin d’éviter ces mécanismes.</p>
<h2>Toujours plus de crédits carbone ou de nouveaux crédits carbone ?</h2>
<p>Mais protéger les forêts, ce n’est pas la même chose que vendre du pétrole, et la métaphore d’une « OPEP des forêts » semble atteindre rapidement ses limites. Car là où les pays pétroliers, unis ensemble, peuvent jouir d’une influence mondiale en modulant l’offre et les prix d’une commodité encore incontournable, les forêts et leur protection, malgré leur importance pour espérer atténuer les effets du dérèglement climatique, ne jouissent pas du tout du même statut. De plus, pour l’instant, la monétisation de leur protection prend encore, le plus souvent, la forme des crédits carbone volontaires, qui, en plus d’être <a href="https://theconversation.com/credits-carbone-et-deforestation-evitee-impact-reel-ou-risque-de-greenwashing-174078">très critiqués</a>, agissent de manière décentralisée, avec des fonds privés participant au financement de projets très localisés et à l’efficacité discutable.</p>
<p>[<em>Plus de 85 000 lecteurs font confiance aux newsletters de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde</em>. <a href="https://memberservices.theconversation.com/newsletters/?nl=france&region=fr">Abonnez-vous aujourd’hui</a>]</p>
<p>On peut donc voir également ce sommet comme une volonté des États de reprendre la main sur ces questions de financement et d’action pour la protection des forêts, au risque de servir de <a href="https://www.linkedin.com/pulse/le-greenwashing-%C3%A0-grande-%C3%A9chelle-des-emirats-alain-karsenty/">caution au greenwashing de certains États</a> à l’impact climatique très important. Le <a href="https://www.zegreenweb.com/2023/09/08/le-suriname-premier-pays-a-vendre-des-credits-carbone-dans-le-cadre-de-laccord-de-paris/">Suriname</a> est ainsi le premier pays à vendre des crédits carbone issus de la conservation de ses forêts ; et le Gabon, lors du <a href="https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/journal-de-18h/one-planet-summit-des-solutions-concretes-pour-limiter-le-rechauffement-climatique-5500990">One Forest Summit</a> a-t-il annoncé avoir 90 de tonnes à vendre, afin de se faire récompenser pour la capture du CO<sub>2</sub> dans ses forêts.</p>
<p>Le sommet revendique effectivement comme <a href="https://www.thethreebasinsummit.org/fr/accueil/?gclid=CjwKCAjw-eKpBhAbEiwAqFL0mirveLn04LxpVuawwx7pxgcf8M0pg3lmsH-Gsoq-yfPntbfX5pHoxxoCjNUQAvD_BwE">autre objectif</a> celui de « signer des conventions de financement avec les bailleurs de fonds bilatéraux et multilatéraux, la philanthropie mondiale et développer des mécanismes financiers avec le secteur privé, notamment avec la création d’un marché carbone souverain pour assurer le financement pérenne des Trois Bassins. »</p>
<p>Mais ce type de mécanisme suscite encore une fois <a href="https://www.lemonde.fr/planete/article/2023/08/25/la-credibilite-de-plusieurs-programmes-de-compensation-carbone-mise-en-doute-par-des-chercheurs_6186554_3244.html">beaucoup de scepticisme</a> au vu de son manque de transparence et d’efficacité. En début d’année 2023, le journal britannique <em>The Guardian</em>, avait ainsi prouvé que plus de 90 % des crédits carbone censés protéger les forêts n’avaient eu, en fait, <a href="https://www.theguardian.com/environment/2023/jan/18/revealed-forest-carbon-offsets-biggest-provider-worthless-verra-aoe">aucune action vertueuse pour la planète</a>.</p>
<h2>La déforestation : un enjeu pour les pays du nord</h2>
<p>Enfin, concentrer seulement le champ d’action de lutte contre la déforestation dans les pays des trois bassins forestiers, ce serait occulter la part de responsabilité non négligeable des pays développés dans la perte de couvert forestier, via la déforestation importée, avec 29 à 39 % des émissions de la déforestation tropicale <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0959378018314365">attribuables au commerce international</a>.</p>
<p>En Amazonie, et au <a href="https://theconversation.com/deforestation-au-bresil-que-fait-vraiment-la-france-123031">Brésil</a> particulièrement les écosystèmes sont détruits en grande partie par la mise en place de cultures de soja destiné à l’export, en Europe notamment, où elles servent principalement à l’alimentation du bétail. De la même manière, l’huile de palme, produite à 85 % en Malaisie et Indonésie sur d’anciennes terres forestières, se retrouve dans la <a href="https://www.greenpeace.fr/greenpeace-huile-de-palme/">moitié des produits</a> d’un supermarché lambda européen et dans bon nombre d’agrocarburants. Il est ainsi difficile de penser réussir à réduire massivement la déforestation tropicale sans une modération importante de nos modes de vie, dans la consommation de viande et d’autres denrées à forts impacts (cacao, huile de palme…).</p>
<p>Le fait que le parlement européen ait adopté en 2022 un <a href="https://www.lemonde.fr/planete/article/2022/09/14/deforestation-importee-usage-du-bois-des-avancees-au-parlement-europeen-pour-l-avenir-des-forets_6141632_3244.html">règlement contre la déforestation importée</a> est, à cet égard, un bon début, mais a pu manquer d’ambition en excluant certains écosystèmes fragiles tels que les savanes du Cerrado brésilien, fortement touchées par la <a href="https://www.lemonde.fr/planete/article/2023/06/21/bunge-principal-importateur-de-soja-en-europe-accuse-de-contribuer-a-la-deforestation-au-bresil_6178526_3244.html">déforestation liée au soja</a>, et l’on peut également craindre que la question de la difficile traçabilité des données puisse permettre à certains acteurs économiques d’entretenir un certain flou et de pas rentrer dans les clous.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/216396/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Philippe Delacote a reçu des financements de Chaire Economie du Climat. </span></em></p>
Les pays de l'Amazonie, du bassin du Congo, du Mékong et de Bornéo se réunissent pour faire front commun et protéger leurs forêts, qui renferment les trois quarts de la biodiveristé mondiale.
Philippe Delacote, Directeur de recherche en économie à l'INRAE et Chaire Economie du Climat, Inrae
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/213418
2023-10-04T13:37:12Z
2023-10-04T13:37:12Z
Comprendre le rôle du couvert de neige en forêt pour mieux prédire le risque d’inondation
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/550430/original/file-20230926-17-3adew2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=23%2C5%2C3914%2C2964&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Une connaissance accrue des interactions entre le couvert de neige et la forêt aideront à améliorer les modèles hydrologiques et ainsi assurer la protection du public face aux inondations.</span> <span class="attribution"><span class="source">(Benjamin Bouchard)</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span></figcaption></figure><p>Un couvert de neige tapisse la forêt boréale du Québec pendant plus de six mois par année. Bien qu’il soit essentiel pour l’équilibre de nos écosystèmes, il peut cependant représenter une véritable épée de Damoclès pour les populations en aval des bassins versants forestiers.</p>
<p>Les inondations majeures du printemps 2023 dans la région de Charlevoix en sont un bon exemple. </p>
<p>L’hiver dernier, le bassin versant de la rivière du Gouffre, <a href="https://charlevoixmontmorency.ca/l-obv-cm/territoire/">recouvert à près de 75 % de forêts</a>, a accumulé pendant tout l’hiver une quantité importante de neige. Combinée à un événement de pluie extrêmement intense, la fonte de ce couvert de neige a contribué à faire sortir la rivière de son lit, causant des <a href="https://www.lapresse.ca/actualites/2023-05-03/baie-saint-paul/inondes-en-un-temps-record.php">inondations sans précédent à Baie-Saint-Paul</a>.</p>
<p>Dans le cadre de mon doctorat à l’Université Laval, en collaboration avec <a href="https://sentinellenord.ulaval.ca/">Sentinelle Nord</a>, je m’intéresse à l’impact des propriétés du couvert de neige sur l’hydrologie des bassins versants en forêt boréale.</p>
<hr>
<figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/523895/original/file-20230502-16-gbwpsg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/523895/original/file-20230502-16-gbwpsg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/523895/original/file-20230502-16-gbwpsg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/523895/original/file-20230502-16-gbwpsg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/523895/original/file-20230502-16-gbwpsg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/523895/original/file-20230502-16-gbwpsg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/523895/original/file-20230502-16-gbwpsg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption"></span>
</figcaption>
</figure>
<p><strong>Cet article fait partie de notre série <a href="https://theconversation.com/ca-fr/topics/foret-boreale-138017">Forêt boréale : mille secrets, mille dangers</a></strong></p>
<p><br><em>La Conversation vous propose une promenade au cœur de la forêt boréale. Nos experts se penchent sur les enjeux d’aménagement et de développement durable, les perturbations naturelles, l’écologie de la faune terrestre et des écosystèmes aquatiques, l’agriculture nordique et l’importance culturelle et économique de la forêt boréale pour les peuples autochtones. Nous vous souhaitons une agréable – et instructive – balade en forêt !</em></p>
<hr>
<h2>La pluie comme vecteur d’énergie</h2>
<p>Comme nous l’avons vu au printemps 2023, les épisodes de pluie en présence d’un couvert de neige peuvent mener à une augmentation soudaine du niveau d’eau des rivières. Une raison expliquant ce phénomène est que l’eau de pluie transfère de la chaleur vers la neige. </p>
<p>Un échange de chaleur survient entre la pluie et la neige lorsque leur température est différente. La neige se réchauffe alors, et la pluie se refroidit. Une fois que la neige a atteint une température de 0 °C, toute chaleur additionnelle provenant de la pluie provoque de la fonte.</p>
<p>Ainsi, un couvert de neige près de 0 °C, fréquent au printemps, et une forte pluie à température élevée sont des conditions propices à ce que l’eau de fonte et l’eau de pluie contribuent à augmenter le débit ainsi la probabilité d’une inondation. Ceci ne peut toutefois survenir que si l’eau ainsi produite peut s’écouler facilement dans le couvert de neige. </p>
<p>Au contraire, un couvert de neige froid combiné à une faible pluie à basse température peut mener au gel de l’eau de pluie dans la neige. Cette eau restera donc piégée dans la neige et ne présentera pas un risque d’inondation. </p>
<p>Après tout, les échanges de chaleur vont dans les deux sens !</p>
<h2>Le couvert de neige, un milieu à la structure complexe</h2>
<p>Le couvert de neige est un milieu poreux loin d’avoir des propriétés physiques uniformes. Celui-ci correspond plutôt à un empilement de couches de neige qui représentent l’historique des événements météorologiques de l’hiver. L’eau de pluie doit percoler à travers toutes les couches de neige pour se rendre au sol, et éventuellement atteindre le cours d’eau.</p>
<p>Certaines couches limitent l’écoulement d’eau dans la neige, comme les couches de grains fins ou les couches de glace. En revanche, les couches de grains grossiers facilitent l’écoulement en raison de la présence de pores plus gros. Ils permettent ainsi à l’eau de pluie et de fonte d’atteindre rapidement le sol.</p>
<h2>Le rôle de la forêt</h2>
<p>La structure du couvert neigeux influence le risque d’inondation. Mais quel est l’effet de la forêt sur la structure de la neige ? </p>
<p>En interceptant une partie des précipitations solides, les arbres limitent l’accumulation de neige au sol, ce qui contribue à la <a href="https://doi.org/10.1029/JC088iC09p05475">croissance des grains et des pores du couvert neigeux au sol</a> par flux de vapeur d’eau. De plus, la décharge de neige interceptée par les arbres sous forme solide ou liquide <a href="https://doi.org/10.1016/j.foreco.2019.01.052">augmente l’hétérogénéité du couvert neigeux</a>. Ces processus favorisent un écoulement rapide de l’eau dans le couvert de neige se formant sous les arbres.</p>
<h2>Partout pareil ?</h2>
<p>Or, la couverture forestière est loin d’être uniforme en forêt boréale. Elle s’apparente davantage à une végétation clairsemée avec des zones dépourvues d’arbres que l’on nomme trouées. Dans ces trouées, la structure du couvert neigeux est fortement contrastée à ce que l’on retrouve sous les arbres.</p>
<p>Une accumulation de neige plus importante dans les trouées favorise le tassement des couches de neige et la formation de grains fins. De plus, des cycles journaliers de regel en surface mènent à la formation de couches de glace peu perméables. </p>
<p>Le couvert neigeux dans les trouées est donc moins favorable <a href="https://doi.org/10.1002/hyp.14681">que celui sous les arbres</a> à la percolation d’eau vers le sol.</p>
<p>Mais cela signifie-t-il pour autant que la présence de trouées réduit le risque d’inondations ? Pas tout à fait.</p>
<h2>La neige fond plus vite dans les trouées</h2>
<p>La structure du couvert de neige est un facteur parmi d’autres qui influent sur les inondations. Un sol gelé, qui limite l’infiltration, ainsi qu’une fonte rapide de la neige, contribuent également à augmenter le risque d’inondation. </p>
<p>Dans les forêts boréales du Québec, bien que le sol ne gèle pas dans les trouées en raison du caractère isolant du couvert de neige, le <a href="https://doi.org/10.5194/hess-2023-191">taux de fonte y est largement supérieur</a> car le rayonnement solaire y est plus fort que sous les arbres, particulièrement au printemps. </p>
<p>Malgré qu’il y ait davantage de neige qui s’accumule dans les trouées, celle-ci prendrait donc moins de temps à fondre et atteindrait le cours d’eau plus rapidement que celle sous les arbres, ce qui augmente le débit de crue et donc… le risque d’inondation.</p>
<p>Un couvert neigeux plus épais dans les trouées, et des couches de neige plus perméables sous les arbres ont donc contribué à ce que la rivière du Gouffre inonde Baie-Saint-Paul lors de la pluie extrême du printemps 2023.</p>
<p>Les épisodes de pluie comme celui-ci <a href="https://www.ouranos.ca/fr/precipitations-changements-projetes">continueront d’augmenter en fréquence avec le réchauffement climatique</a>. Une connaissance accrue des interactions entre le couvert de neige et la forêt aideront à améliorer les modèles hydrologiques et ainsi assurer la protection du public face aux inondations.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/213418/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Benjamin Bouchard a reçu des financements du Fonds de recherche Nature et technologie du Québec (FRQNT), du Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada (CRSNG) ainsi que de Sentinelle Nord.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Daniel Nadeau a reçu des financements d'Environnement et Changement Climatique Canada, ainsi que du Conseil de Recherche en Sciences Naturelles et en Génie du Canada. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Florent Domine a reçu des financements du Conseil de Recherche en Sciences Naturelles et Génie du Canada</span></em></p>
Mieux comprendre les interactions entre la forêt boréale et la neige permet d’améliorer les modèles hydrologiques assurant ainsi une gestion optimale de la ressource.
Benjamin Bouchard, Étudiant-chercheur au doctorat en génie des eaux, Université Laval
Daniel Nadeau, Professeur titulaire en hydrologie des régions froides, Université Laval
Florent Domine, Professeur, chimie, Université Laval
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/214094
2023-10-03T16:35:09Z
2023-10-03T16:35:09Z
La mer en feu : les effets des vagues de chaleur marines sur les forêts de gorgones méditerranéennes
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/549981/original/file-20230925-21-e96mgq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=20%2C8%2C1964%2C1320&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Lors d'une plongée, les scientifiques estiment la partie encore vivante des gorgones et les parties «brûlées» en conséquence de vagues de chaleur marines.</span> <span class="attribution"><span class="source">©Alexis Rosenfeld avec l'UNESCO</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span></figcaption></figure><p>Sur cette image, nous pouvons observer les effets dévastateurs d’une vague de chaleur marine sur une forêt méditerranéenne de gorgone rouge (<em>Paramuricea clavata</em>). Tout comme les incendies de forêt détruisent les forêts d’arbres, les vagues de chaleur marines « brûlent » les forêts de gorgones, entraînant la perte d’un habitat d’une grande valeur écologique.</p>
<p>Les gorgones sont des coraux, c’est-à-dire des animaux (et non des plantes) composés de centaines de petits polypes munis de tentacules urticants qui capturent leurs proies dans la colonne d’eau. Elles se distinguent des coraux des récifs coralliens par leurs polypes à huit tentacules (au lieu de six) et par leur squelette flexible, composé non de carbonate de calcium, mais d’une protéine appelée gorgonine.</p>
<h2>Mais si les gorgones sont des animaux, pourquoi parlons-nous de forêts ?</h2>
<p>Les gorgones se caractérisent par une morphologie arborescente et ramifiée, et lorsqu’elles se trouvent en densités suffisamment élevées, elles forment de véritables forêts, très semblables aux forêts d’arbres, à la différence qu’il s’agit d’animaux. C’est pourquoi nous avons dû inventer le terme de <a href="https://doi.org/10.1007/978-3-319-21012-4_1">« forêts animales »</a>.</p>
<p>Ce <a href="https://doi.org/10.1007/978-3-030-57054-5_12">parallélisme avec les forêts d’arbres</a> nous permet, d’une part, d’expliquer au grand public les effets dévastateurs des mortalités massives qui touchent ces organismes. En effet, lorsque nous parlons d’une forêt qui brûle, tout le monde comprend la gravité de l’événement, liée à la perte non seulement des arbres qui composent la forêt, mais aussi de toutes les espèces qui y vivent. Tout le monde sait qu’une forêt est un habitat qui abrite de nombreuses espèces animales grâce à ses conditions microclimatiques favorables.</p>
<p>En revanche, lorsque nous parlons d’une mortalité massive de gorgones due au réchauffement de la colonne d’eau, le message est moins efficace car personne ne tient compte du fait que ce ne sont pas seulement les gorgones qui meurent, mais que toute la biodiversité associée est perdue, c’est-à-dire tous les animaux qui trouvent refuge au sein des forêts de gorgones.</p>
<p>Ainsi, pour comprendre l’ampleur des dégâts causés par les vagues de chaleur marines, il faut imaginer un instant ces forêts sous-marines, un monde foisonnant de vie et de couleurs, abritant une multitude de créatures fascinantes. Tout comme une forêt terrestre offre refuge à une variété d’animaux, les gorgones servent de maison à un éventail diversifié d’espèces marines, des poissons aux crustacés en passant par les invertébrés. Ces précieuses communautés marines prospèrent au sein de ces forêts animales, chacune jouant un rôle crucial dans l’équilibre délicat de l’écosystème.</p>
<p>Du point de vue scientifique, le parallélisme avec les forêts d’arbres nous permet d’utiliser tous les outils intellectuels et pratiques développés par l’écologie forestière et de les appliquer à l’étude de l’environnement marin.</p>
<h2>Comment les vagues de chaleur marines provoquent-elles la mort des coraux ?</h2>
<p>Sur la photo, on voit que la vague de chaleur provoque des nécroses tissulaires qui affectent une partie ou la totalité de la gorgone. Les petites parties encore violettes sont les rares parties vivantes d’une gorgone, tandis qu’à côté, on peut voir les squelettes nus d’autres gorgones ayant perdu tout leur tissu vivant.</p>
<p>[<em>Plus de 85 000 lecteurs font confiance aux newsletters de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde</em>. <a href="https://memberservices.theconversation.com/newsletters/?nl=france&region=fr">Abonnez-vous aujourd’hui</a>]</p>
<p>Les mortalités massives de gorgones rappellent le phénomène plus connu de blanchissement des coraux, qui entraîne la [perte de vastes portions des récifs coralliens]. Ces deux phénomènes sont liés à l’augmentation de la température de l’eau… mais la similitude s’arrête là, car les mécanismes sous-jacents sont très différents : le blanchiment des coraux est lié à la <a href="https://doi.org/10.1007/978-94-007-0114-4_23">perte d’algues photosynthétiques vivant en symbiose avec les coraux</a>, qui ne peuvent pas survivre longtemps sans cette symbiose ; tandis qu’en Méditerranée, la mortalité des gorgones est due à une <a href="https://doi.org/10.1111/j.1365-2486.2007.01423.x">infection bactérienne déclenchée par une température trop élevée</a>.</p>
<p>Les <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0079661116000057">vagues de chaleur marines</a> sont des périodes relativement courtes au cours desquelles la température de la mer est extrêmement élevée. En <a href="https://doi.org/10.5194/os-19-629-2023">juillet et août 2022</a>, la température de surface de la Méditerranée occidentale a atteint des valeurs extrêmes (jusqu’à 30 °C dans la partie septentrionale) pendant 45 jours, une durée sans précédent. C’est l’effet combiné de la haute température et de la longue durée qui a provoqué l’incendie dévastateur des forêts de gorgones, avec une <a href="https://doi.org/10.1111/gcb.16931">mortalité estimée 142 % plus importante qu’en 2003</a>, la précédente vague de chaleur d’une telle envergure.</p>
<h2>Les conséquences pour les écosystèmes marins</h2>
<p>Avec la disparition des gorgones, toutes les espèces qui en dépendent sont condamnées. Les poissons perdent leurs abris, les crustacés perdent leurs cachettes, et les autres invertébrés perdent leurs refuges. La biodiversité de ces zones marines exceptionnelles s’effondre rapidement, laissant un vide où autrefois régnait une profusion de vie.</p>
<p>Les conséquences de cette perte de biodiversité sur l’écosystème marin sont incommensurables. Les interactions complexes entre les espèces sont perturbées, les <a href="https://doi.org/10.1016/j.ocecoaman.2013.07.004">chaînes alimentaires brisées</a>, et la stabilité de tout l’écosystème est mise en péril. Les <a href="https://journals.plos.org/plosone/article?id=10.1371/journal.pone.0102782">effets se propagent bien au-delà des limites des forêts de gorgones, affectant l’ensemble de la biodiversité marine</a>.</p>
<p>Dans ce contexte, il est impératif que nous comprenions l’urgence de préserver ces écosystèmes précieux et de prendre des mesures pour atténuer les effets du changement climatique. L’avenir de nos forêts sous-marines et de la diversité marine qui les habite dépend de notre engagement collectif à préserver la santé de notre planète et de ses océans.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/214094/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Lorenzo Bramanti a reçu des financements de Fondation BNP PARIBAS (DEEPLIFE); Fondation Prince Albert II de Monaco (ROMERO); COST Action CA20102 Marine Animal Forests of the World (MAF-WORLD)</span></em></p>
Les gorgones forment de véritables forêts animales qui abritent tout un écosystème. Quand elles sont touchées par la chaleur, c’est l’ensemble de la communauté qui en pâtit.
Lorenzo Bramanti, Chargé de Recherches CNRS à l'Observatoire Océanologique de Banyuls, au Laboratoire d'écogéochimie des environnements benthiques, Sorbonne Université
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/210995
2023-10-01T15:40:47Z
2023-10-01T15:40:47Z
Forêts et parasites invasifs : et si on se trompait de suspect ?
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/549774/original/file-20230922-15-3qdnpv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">L'orme est un arbre particulièrement vulnérable à certains parasites invasifs venus d'ailleurs.</span> <span class="attribution"><span class="source">Pexels/Tonia Kraakman</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span></figcaption></figure><p>L’utilisation d’espèces d’arbres exotiques en forêt apparaît à certains <a href="https://www.onf.fr/+/5b2::les-ilots-davenir-des-plantations-pour-lutter-contre-le-changement-climatique.html">comme une solution incontournable</a> pour faire face à un <a href="https://theconversation.com/secheresses-incendies-et-maladies-les-risques-en-cascade-qui-menacent-les-forets-francaises-157448">changement climatique rapide</a>. Plus résistantes à des températures élevées, elles rendraient nos forêts moins fragiles, par exemple face aux <a href="https://theconversation.com/secheresse-lindispensable-adaptation-des-forets-francaises-128404">épisodes de sécheresse</a>.</p>
<p>Cette pratique est pourtant controversée à plusieurs titres. Non seulement parce que ces espèces se révèlent parfois invasives, se dispersant alors de façon incontrôlée. Mais aussi parce que les flores et faunes associées à ces espèces sont souvent pauvres, d’autant plus qu’elles sont généralement plantées en monoculture en France.</p>
<p>Au-delà de ces risques pour les écosystèmes, cette pratique serait aussi responsable de l’introduction de microorganismes pathogènes et d’insectes ravageurs. Le <a href="https://societebotaniquedefrance.fr/2021/12/14/la-societe-botanique-de-france-publie-un-livre-blanc-sur-lintroduction-dessences-exotiques-en-foret/#:%7E:text=Ce%20livre%20blanc%20de%20pr%C3%A8s,d%E2%80%99en%20accro%C3%AEtre%20la%20r%C3%A9silience">livre blanc de la Société botanique de France</a> sur l’introduction d’espèces d’arbres exotiques en forêt développe cette idée, l’illustrant en particulier avec le cas de la chalarose du frêne, une maladie qui a émergé ces dernières décennies.</p>
<p>Si cela était avéré, cette stratégie soulèverait une menace très sérieuse : les agents pathogènes invasifs représentent en effet environ 50 % des cas de maladies signalées par le <a href="https://annforsci.biomedcentral.com/articles/10.1007/s13595-015-0487-4">Département de la santé des forêts</a>, et cette proportion s’accroît.</p>
<p>Mais cette affirmation est-elle fondée ? Sait-on précisément comment les microorganismes attaquant les arbres s’introduisent dans les forêts ? Penchons-nous sur trois cas emblématiques.</p>
<h2>La graphiose de l’orme</h2>
<p>Parmi les épidémies les plus sévères ayant affecté la forêt européenne, la graphiose de l’orme arrive en tête. Deux épisodes successifs ont en fait été induits par deux espèces de champignon voisines (<em>Ophiostoma ulmi</em> et <em>O. novo-ulmi</em>).</p>
<p>La première épidémie est survenue au début du XX<sup>e</sup> siècle. Son mode d’introduction reste inconnu, même s’il a parfois été évoqué que l’empaquetage en bois du matériel militaire américain arrivant sur le front pendant la Première Guerre mondiale pourrait en avoir été responsable.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/152770/original/image-20170115-11822-1jn3eqb.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/152770/original/image-20170115-11822-1jn3eqb.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/152770/original/image-20170115-11822-1jn3eqb.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=451&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/152770/original/image-20170115-11822-1jn3eqb.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=451&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/152770/original/image-20170115-11822-1jn3eqb.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=451&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/152770/original/image-20170115-11822-1jn3eqb.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=567&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/152770/original/image-20170115-11822-1jn3eqb.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=567&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/152770/original/image-20170115-11822-1jn3eqb.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=567&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Flétrissement de branches d’ormes dû à la graphiose.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Inrae Grand-Est-Nancy</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>La seconde, causée par <em>O. novo-ulmi</em>, a engendré beaucoup plus de dommages, puisqu’elle élimine largement l’orme des haies et forêts de France. En Europe de l’Ouest, son origine est mieux connue : le <a href="https://ui.adsabs.harvard.edu/abs/1973Natur.242..607B/abstract">champignon est arrivé d’Amérique du Nord</a>, qui avait précédemment été envahie. On ne connaît pas précisément la source initiale de l’introduction du parasite. L’épidémie a démarré autour de quelques grands ports du sud de l’Angleterre : une inspection au port de Southampton en 1973 a démontré que le parasite était présent sur des grumes d’ormes nord-américains venues de l’Ontario.</p>
<p>D’après une étude rétrospective, des importations de ces dernières étaient déjà survenues dans les années 60, justement dans les zones où les premiers foyers de graphiose étaient apparus.</p>
<h2>La chalarose du frêne</h2>
<p>Intéressons-nous maintenant à la <a href="https://theconversation.com/chalarose-du-frene-et-autres-maladies-invasives-il-est-possible-de-mieux-proteger-les-forets-71203">chalarose du frêne</a>, qui affecte fortement les frênes communs à travers l’Europe. Signalée pour la première fois en Pologne dans les années 90, la maladie a pour responsable un champignon, <em>Hymenoscyphus fraxineus</em>, qui n’a été identifié qu’en 2006.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Branche envahie de champignons" src="https://images.theconversation.com/files/542892/original/file-20230815-25-gdgafs.png?ixlib=rb-1.1.0&rect=21%2C12%2C1408%2C1054&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/542892/original/file-20230815-25-gdgafs.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=448&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/542892/original/file-20230815-25-gdgafs.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=448&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/542892/original/file-20230815-25-gdgafs.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=448&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/542892/original/file-20230815-25-gdgafs.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=563&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/542892/original/file-20230815-25-gdgafs.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=563&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/542892/original/file-20230815-25-gdgafs.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=563&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">La chalarose, champignon qui menace les frênes européens.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Auteurs</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Quelques années plus tard, il est démontré que ce champignon invasif est originaire d’Extrême-Orient, où son hôte indigène est le frêne de Mandchourie. Son arrivée serait ici liée, <a href="https://www.researchgate.net/publication/271630133_Introduction_of_Mandshurian_ash_Fraxinus_mandshurica_Rupr_to_Estonia_Is_it_related_to_the_current_epidemic_on_European_ash_F_excelsior_L">selon des scientifiques estoniens</a>, aux introductions répétées de frênes de Mandchourie dans les pays baltes durant la période soviétique – en général dans des jardins botaniques, des arboretums ou des parcs.</p>
<p>Mais il s’agissait le plus souvent d’importations de graines de frênes. Or, le risque d’introduction de parasites à travers les graines est très faible : dans le cas de la chalarose, il est impossible que le pathogène ait été véhiculé de cette façon. En 1975, une introduction de plants venus de Mandchourie soviétique dans le Jardin botanique de Tallin pourrait en revanche en être responsable, l’agent pathogène ayant en outre été détecté là-bas sur un échantillon d’herbier de frêne asiatique en 1978. C’est la <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/35822887/">première présence connue</a> du parasite en Europe.</p>
<p>Le délai entre la première présence connue (1978) et le déclenchement de l’épidémie (années 1990) peut sembler très long, mais il correspond au temps mis par l’agent pathogène pour s’adapter à un hôte et à un environnement nouveau. Et si l’on peut pointer du doigt le Jardin botanique de Tallin, c’est grâce au travail consciencieux de traçabilité menée par son équipe – ce qui s’est passé là est sûrement survenu dans d’autres jardins ou arboretums. Soulignons néanmoins que le frêne de Mandchourie n’a jamais été utilisé en forêt en Europe.</p>
<h2>La mort subite du chêne</h2>
<p>La voie d’introduction de <em>Phytophthora ramorum</em> en Europe est nettement mieux connue. Dans les années 90, cette maladie désastreuse affectant des chênes américains est signalée en Californie, et baptisée la mort subite des chênes. À la même période, un nouveau <em>Phytophthora</em> affectant les rhododendrons est décrit en Allemagne. Les scientifiques montreront dans la foulée que les deux maladies sont causées par le même microorganisme, <em>P. ramorum</em>, rapidement <a href="https://www.anses.fr/fr/system/files/SANTVEG2017SA0259Ra.pdf">retrouvé sur des rhododendrons en Californie</a>.</p>
<p>En Europe grandit alors la crainte de voir se développer la maladie sur nos chênes locaux : on constate rapidement la large dissémination du parasite sur le rhododendron et le laurier-tin dans les jardineries et pépinières ornementales de toute l’Europe, mais aussi parfois dans les parcs, en particulier les jardins patrimoniaux britanniques.</p>
<p>[<em>Plus de 85 000 lecteurs font confiance aux newsletters de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde</em>. <a href="https://memberservices.theconversation.com/newsletters/?nl=france&region=fr">Abonnez-vous aujourd’hui</a>]</p>
<p>Ce ne sont finalement pas les chênes qui seront impactés en Europe : en 2010, les Britanniques rapportent que le parasite est la cause d’une épidémie sévère en forêt sur mélèze, avant de signaler quelques années plus tard qu’il peut aussi se développer sur châtaignier. En France, un premier foyer est signalé en 2017 sur des mélèzes dans le Finistère par le <a href="https://agriculture.gouv.fr/premiere-observation-de-phytophthora-ramorum-sur-meleze-en-france">Département de la santé des forêts</a> : une procédure d’éradication est menée dans les peuplements atteints et le foyer apparaît, pour l’instant, sous contrôle.</p>
<p>Les modalités d’introduction de <em>P. ramorum</em> sont aussi bien mieux connues grâce à la caractérisation moléculaire du parasite : deux variants du pathogène circulaient initialement sur la côte pacifique des États-Unis, tandis que deux autres différents circulaient en Europe. Après quelques années, le principal variant nord-américain est retrouvé dans des pépinières de rhododendrons de la côte est des États-Unis. Quant au principal variant européen, il fait son apparition en Oregon sur le rhododendron dans des pépinières, puis dans des zones urbaines et enfin sur des essences forestières natives en milieu naturel proche des zones urbaines.</p>
<p>Peu de doutes donc sur la dissémination de ce microorganisme, visiblement causée par le commerce international de rhododendrons. Selon des études génétiques, il serait originaire des montagnes du nord du Vietnam <a href="https://www.mdpi.com/1999-4907/11/1/93">où il a été trouvé récemment</a>, infectant des espèces de rhododendrons locales.</p>
<h2>Le rôle des plantes ornementales</h2>
<p>Pour chacun de ces trois exemples, la plantation d’espèces d’arbres exotiques dans les forêts n’est pas responsable de l’introduction de parasites, contrairement à ce que soutient la Société botanique de France. Ce qui est assez logique : les espèces exotiques sélectionnées pour un usage forestier ont généralement déjà fait longuement la preuve de leur adaptation au climat et de leur bonne croissance dans nos régions, par le biais de tests menés dans des jardins botaniques ou des arboretums. Si un parasite invasif devait être introduit par cette voie, le mal aurait déjà été fait…</p>
<p>Ne dégageons pour autant pas les forestiers de toute responsabilité. Une fois qu’un parasite exotique est introduit et s’est adapté à une essence locale, il sera plus aisément dispersé en forêt par plantation de celle-ci – comme dans le cas de la chalarose du frêne. Même si la maladie se disperse naturellement par le vent, il a été démontré que l’introduction du pathogène dans les îles britanniques s’est en partie faite par plantation du frêne commun européen.</p>
<p>Certaines maladies peuvent en outre être introduites par les forestiers, en particulier lorsqu’elles se disséminent par les graines. C’est le cas par exemple du chancre poisseux du pin, en Afrique du Sud. Absente dans les forêts françaises, elle a été détectée épisodiquement en pépinière et est présente en Espagne. D’autres cas sont connus, tels que les eucalyptus dans la zone de l’océan Indien.</p>
<p>Plus généralement, soulignons le rôle joué par le commerce de plantes ornementales dans la dispersion mondiale des parasites des arbres – c’est le cas de la pyrale du buis. Les villes européennes abritent en effet plusieurs milliers d’espèces ligneuses, dont de nombreuses espèces exotiques, ce qui représente une diversité sans commune mesure avec celle présente dans nos forêts.</p>
<p>Les microorganismes pathogènes exotiques trouvent là non seulement une possible voie d’introduction, mais aussi un riche choix d’hôtes potentiels pour pouvoir s’établir.</p>
<hr>
<p><em>Claude Husson, Département de la santé des forêts, ministère de l’Agriculture et de la Souveraineté alimentaire – DGAL, a contribué à la rédaction de cet article.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/210995/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Benoit Marçais ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>
On entend souvent que l’utilisation d’espèces d’arbres exotiques en forêt y introduit des maladies. Mais les principaux exemples d’épidémies montrent que les parasites arrivent par d’autres voies.
Benoit Marçais, Directeur de recherche, unité de recherche « Interactions arbres-microorganismes », INRAE - Grand Est - Nancy, Inrae
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/209432
2023-09-17T14:43:08Z
2023-09-17T14:43:08Z
Les forêts : réserve nourricière face aux aléas climatiques
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/548390/original/file-20230914-27-zvzgau.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=241%2C431%2C5509%2C3397&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Face aux épisodes de sécheresse ou d'inondations qui mettent à mal les récoltes, la forêt peut devenir nourricière </span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/africa-rising/16589536194">IITA/Jonathan Odhong</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-sa/4.0/">CC BY-NC-SA</a></span></figcaption></figure><p>On ne compte plus les bienfaits des forêts : barrière contre l’érosion des sols, réserve de biodiversité, puits de carbone… À cette liste doit également être ajouté un bénéfice plus méconnu : les forêts peuvent en dernier recours nourrir des populations vulnérables, tout particulièrement celles dépendantes du secteur agricole dans les pays du Sud, qui sont très exposées aux sécheresses, inondations ou <a href="https://theconversation.com/avec-le-changement-climatique-des-cyclones-et-des-ouragans-plus-intenses-66862">tempêtes</a>.</p>
<p>Ces événements météorologiques extrêmes ont un impact direct sur les rendements agricoles, la mortalité du bétail, et la dégradation des écosystèmes. Face à ces nombreux risques, les populations rurales mettent en place un grand nombre de <a href="https://www.cambridge.org/core/journals/environment-and-development-economics/article/abs/agricultural-households-adaptation-to-weather-shocks-in-subsaharan-africa-implications-for-landuse-change-and-deforestation/BEAD864121951D697AECC927D4DC8624">stratégies d’adaptation</a><a href="https://www.cambridge.org/core/journals/environment-and-development-economics/article/abs/agricultural-households-adaptation-to-weather-shocks-in-subsaharan-africa-implications-for-landuse-change-and-deforestation/BEAD864121951D697AECC927D4DC8624"></a> de court ou moyen terme, comme le recours au crédit, la migration et la diversification des cultures.</p>
<h2>Fruits, racines, champignons, chasse…</h2>
<p>Parmi ces stratégies, les forêts peuvent également faire office de filet de sécurité important. Car les forêts tropicales sont riches en produits susceptibles d’être collectés, afin d’être vendus sur les marchés locaux ou consommés directement : fruits, racines, plantes médicinales, champignons, produits de la chasse… Les possibilités de collecte sont importantes et <a href="https://www.jstor.org/stable/3146943">peu corrélées aux rendements agricoles</a>. Ainsi, un ménage dont la production agricole chute à cause d’une sécheresse pourra toujours se procurer des produits forestiers.</p>
<p>Cette activité a également le grand bénéfice d’être accessible à la majorité des ménages, même les plus démunis, car elle nécessite peu d’investissement et ne requiert pas de compétence particulière. Ainsi la collecte de produits forestiers est souvent décrite comme une option de dernier recours, pour les ménages ayant peu ou pas d’accès aux marchés de l’assurance et du crédit, et peu d’alternatives de gestion du risque agricole (manque d’opportunités de travail en dehors du secteur agricole, freins aux migrations…).</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="hommes assis au sommet d’une petite colline, regardant les champs secs qui ont été préparés en vue des pluies à venir" src="https://images.theconversation.com/files/548396/original/file-20230914-1089-4g31dt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/548396/original/file-20230914-1089-4g31dt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/548396/original/file-20230914-1089-4g31dt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/548396/original/file-20230914-1089-4g31dt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/548396/original/file-20230914-1089-4g31dt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/548396/original/file-20230914-1089-4g31dt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/548396/original/file-20230914-1089-4g31dt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Au Malawi, des agriculteur attendent la pluie qui permettra d’irriguer leurs cultures.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/fr/image-photo/dedzamalawi-november-10-2019-panorama-view-1618565824">Julian Lott</a></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>350 millions de personnes dont la subsistance dépend des forêts</h2>
<p>Au total, la <a href="https://www.worldbank.org/en/news/feature/2020/03/19/forests-for-people-the-planet-and-climate">Banque Mondiale</a> estime que 350 millions de personnes dans le monde dépendent des forêts pour leur subsistance. Cependant, si cette collecte de produits forestiers peut s’avérer un bon filet de sécurité face au risque agricole, cette activité demeure trop peu productive et rentable pour devenir l’activité principale des ménages agricoles, au risque de les <a href="https://www.cambridge.org/core/journals/environment-and-development-economics/article/abs/commons-as-insurance-safety-nets-or-poverty-traps/1205B6E179CEF98EED73A39394591442">piéger dans un état de pauvreté permanente</a>.</p>
<p>En outre, la capacité des forêts à fournir un filet de sécurité efficace dépend du niveau de pression qui s’exerce sur les ressources forestières. Une exploitation excessive des produits forestiers pourrait compromettre ce rôle des forêts, voire engendrer une dégradation des ressources.</p>
<p>[<em>Plus de 85 000 lecteurs font confiance aux newsletters de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde</em>. <a href="https://memberservices.theconversation.com/newsletters/?nl=france&region=fr">Abonnez-vous aujourd’hui</a>]</p>
<h2>La compilation de diverses données</h2>
<p>Pour évaluer l’efficacité de ce filet de sécurité que peuvent être les forêts, un <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0305750X23001250?dgcid=author">article récent</a> de Jessica Meyer analyse comment l’alimentation des ménages évolue lorsqu’un choc météorologique survient, et dans quelle mesure la présence des forêts permet de tempérer ce choc. Pour ce faire, l’analyse se base sur le cas du Malawi et combine trois ensembles de données :</p>
<ul>
<li><p>la <a href="https://www.worldbank.org/en/programs/lsms/initiatives/lsms-ISA#3">base LSMS-ISA de la Banque Mondiale</a> sur les caractéristiques des ménages : statut socioéconomique, consommation alimentaire, activités agricoles et non-agricoles.</p></li>
<li><p>Les <a href="https://catalogue.ceda.ac.uk/uuid/bbdfd09a04304158b366777eba0d2aeb">données de pluviométrie et d’évapotranspiration</a> pour décrire les chocs météorologiques qui sont définis comme des écarts importants par rapport à la moyenne des années qui précèdent.</p></li>
</ul>
<figure class="align-center ">
<img alt="Trois cartes montrant l’évolution des précipitations au Malawi" src="https://images.theconversation.com/files/536624/original/file-20230710-17202-nd4o45.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/536624/original/file-20230710-17202-nd4o45.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=420&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/536624/original/file-20230710-17202-nd4o45.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=420&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/536624/original/file-20230710-17202-nd4o45.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=420&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/536624/original/file-20230710-17202-nd4o45.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=528&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/536624/original/file-20230710-17202-nd4o45.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=528&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/536624/original/file-20230710-17202-nd4o45.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=528&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Répartition des précipitations au Malawi. Moyenne des valeurs de l’indice standardisé de précipitation et d’évapotranspiration (SPEI) calculée pour chaque localité, et pour chaque vague d’enquête sur les ménages. Les valeurs positives du SPEI correspondent à des conditions locales plus humides par rapport à la moyenne des années passées, alors que les valeurs négatives du SPEI correspondent à des conditions plus sèches.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Jessica Meyer</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<ul>
<li>Les données de couvert forestier provenant du programme de <a href="https://cmr.earthdata.nasa.gov/search/concepts/C1452975608-LPDAAC_ECS.html">télédétection de la NASA</a></li>
</ul>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/536627/original/file-20230710-25-ooq806.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Trois cartes montrant l’évolution du couvert forestier" src="https://images.theconversation.com/files/536627/original/file-20230710-25-ooq806.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/536627/original/file-20230710-25-ooq806.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=383&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/536627/original/file-20230710-25-ooq806.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=383&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/536627/original/file-20230710-25-ooq806.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=383&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/536627/original/file-20230710-25-ooq806.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=481&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/536627/original/file-20230710-25-ooq806.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=481&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/536627/original/file-20230710-25-ooq806.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=481&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Couvert forestier au Malawi. Moyenne des valeurs de la couverture forestière, exprimée en pourcentage, calculée pour chaque localité et pour chaque vague d’enquête sur les ménages. Les points rouges correspondent aux zones d’énumération utilisées par la Banque Mondiale pour collecter les données sur les ménages.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Jessica Meyer</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Le cas du Malawi se révèle particulièrement pertinent pour examiner le rôle des forêts en tant que filet de sécurité face aux aléas météorologiques. Avec <a href="https://climateknowledgeportal.worldbank.org/sites/default/files/2019-06/CSA%20_Profile_Malawi.pdf">80 % de sa population qui dépend de l’agriculture pluviale</a>, le secteur agricole du pays, et son économie en général, sont fortement vulnérables face aux épisodes météorologiques extrêmes, tels que les sécheresses, les précipitations intenses et les inondations, qui deviennent de plus en plus fréquents.</p>
<h2>Le Malawi : un cas particulièrement probant</h2>
<p>Durant la période 2015-2016, le Malawi a été touché par une inondation, suivie d’une sécheresse, entraînant des pertes cumulées estimées à 700 millions de dollars selon la <a href="https://climateknowledgeportal.worldbank.org/sites/default/files/2019-06/CSA%20_Profile_Malawi.pdf">Banque Mondiale</a>. En 2019, le Malawi a subi de graves inondations après le passage du <a href="https://www.lemonde.fr/afrique/article/2019/03/26/mozambique-malawi-et-zimbabwe-idai-le-cyclone-sans-frontieres_5441612_3212.html">cyclone Idai</a>, et en 2023, le <a href="https://earthobservatory.nasa.gov/images/151111/freddy-delivers-another-blow">cyclone Freddy</a> a provoqué des pluies torrentielles et des inondations importantes à travers le pays.</p>
<p>De plus, le Malawi est l’un des pays les plus pauvres au monde. Selon le <a href="https://www.imf.org/en/Publications/CR/Issues/2017/07/05/Malawi-Economic-Development-Document-45037">FMI</a>, 50,7 % des habitants vivent en dessous du seuil de pauvreté, et 25 % des Malawites sont caractérisés d’extrêmement pauvres. Il est également l’un des pays les plus touchés par l’insécurité alimentaire, se classant au 91ème rang sur 113 selon <a href="https://impact.economist.com/sustainability/project/food-security-index/explore-countries/malawi">l’indice mondial de la sécurité alimentaire en 2022</a> et avec près de 18 % de la population souffrant de sous-nutrition.</p>
<p>Dans ce contexte de vulnérabilité climatique et économique couplé à une grande insécurité alimentaire, l’exploitation des produits forestiers peut donc s’avérer cruciale pour réduire l’exposition et la sensibilité aux risques des communautés agricoles au Malawi. Les forêts de type <a href="https://www.sanbi.org/gardens/lowveld/nursery-forests-biodiversity-education-empowerment-centre/miombo-woodland/">Miombo</a>, qui s’étendent sur une grande partie de l’Afrique centrale et australe, renferment de surcroît une diversité de ressources telles que des fruits, des champignons, du miel, des chenilles, etc., qui peuvent offrir un filet de sécurité efficace en cas de choc.</p>
<p>Au Malawi, dans de nombreuses zones, l’accès aux forêts et l’utilisation des produits forestiers sont régis par le <a href="https://landwise-production.s3.us-west-2.amazonaws.com/2022/03/USAID_Land-Tenure-Malawi-Profile-2010-1.pdf">droit coutumier et les pratiques traditionnelles</a>. Il est aussi important de souligner que les forêts ont la capacité de contribuer directement à l’atténuation des épisodes de sécheresse et d’inondation de par leur <a href="https://www.un.org/esa/forests/wp-content/uploads/2019/03/UNFF14-BkgdStudy-SDG13-March2019.pdf">influence sur le climat</a>.</p>
<h2>Chocs climatiques et perte d’alimentation diversifiée</h2>
<p>Les résultats de l’analyse ont pu montrer que les ménages qui subissent des chocs météorologiques ont une alimentation moins diversifiée : les sécheresses et excès de pluie ont des impacts négatifs sur leurs activités agricoles, ce qui réduit leurs moyens de subsistance et contraint donc la qualité de leur alimentation. Cependant, la présence de forêts à proximité tend à limiter la portée négative de ces chocs sur l’alimentation, en particulier quand il s’agit de sécheresses.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/536629/original/file-20230710-16408-z4w1ia.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Graphique montrant que la présence de forêts réduit l’impact des chocs météorologiques sur la diversité alimentaire" src="https://images.theconversation.com/files/536629/original/file-20230710-16408-z4w1ia.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/536629/original/file-20230710-16408-z4w1ia.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=212&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/536629/original/file-20230710-16408-z4w1ia.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=212&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/536629/original/file-20230710-16408-z4w1ia.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=212&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/536629/original/file-20230710-16408-z4w1ia.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=266&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/536629/original/file-20230710-16408-z4w1ia.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=266&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/536629/original/file-20230710-16408-z4w1ia.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=266&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">En.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Jessica Meyer</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Face aux chocs climatiques, certains ménages demeurent cependant mieux lotis que d’autres : ceux qui possèdent du bétail peuvent reconstituer en partie leur revenu grâce à la vente de produits issus de l’élevage. Pour ces ménages, le recours aux ressources forestières est ainsi moins nécessaire.</p>
<p>D’autres options de gestion du risque sont également étudiées, comme la possession de biens durables (qui peuvent aussi être revendus en cas de pertes de revenus) ou le <a href="https://odi.org/en/publications/ganyu-labour-in-malawi-and-its-implications-for-livelihood-security-interventions-an-analysis-of-recent-literature-and-implications-for-poverty-alleviation/">ganyu</a>, c’est-à-dire la possibilité de travailler ponctuellement dans les champs voisins. Ici, les résultats sont moins contrastés : la présence de forêts permet de réduire l’impact négatif des chocs météorologiques sur l’alimentation, que les ménages soient en possession ou non de biens durables, qu’ils puissent avoir ou non recours au ganyu.</p>
<h2>Des forêts nourricières mais menacées</h2>
<p>Au total, ce travail montre l’importance des ressources forestières pour les populations rurales, en particulier dans un contexte climatique où les événements météorologiques extrêmes deviennent de plus en plus prégnants. Ainsi la préservation des forêts est nécessaire non seulement d’un point de vue global, pour la conservation du carbone et la conservation des écosystèmes et de la biodiversité, mais elle est aussi essentielle pour la résilience des populations du sud.</p>
<p>Les forêts au Malawi sont cependant soumises à d’importantes pressions. En 1990, la <a href="https://donnees.banquemondiale.org/indicateur/AG.LND.FRST.ZS?locations=MW">surface forestière</a> du pays représentait 37,1 % de son territoire, alors qu’en 2020, ce chiffre était descendu à 23,8 %. La perte du couvert forestier au Malawi peut principalement être attribuée à <a href="https://www.mdpi.com/2073-445X/8/3/48">l’expansion agricole et à la surutilisation de la biomasse</a>, comme le bois, le charbon et les résidus agricoles utilisés notamment pour la cuisson et le chauffage. Réussir à combiner la préservation des ressources forestières tout en permettant un accès aux populations les plus vulnérables représente donc un enjeu majeur pour le pays.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/209432/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Philippe Delacote a reçu des financements de la Chaire Economie du Climat. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Jessica Meyer et Julie Lochard ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur poste universitaire.</span></em></p>
350 millions de personnes dans le monde dépendent des forêts pour leur subsistance. Face aux aléas climatique notamment, les forêts peuvent jouer un rôle nutritif important.
Jessica Meyer, Doctorante en Sciences Économiques , Université Paris-Est Créteil Val de Marne (UPEC)
Julie Lochard, Professeure des Universités en Économie, Université Paris-Est Créteil Val de Marne (UPEC)
Philippe Delacote, Directeur de recherche en économie à l'INRAE et Chaire Economie du Climat, Inrae
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/212903
2023-09-06T17:34:05Z
2023-09-06T17:34:05Z
Histoire des crédits carbone : vie et mort d'une fausse bonne idée ?
<p>C’est une métaphore peu flatteuse qui colle à la peau des crédits carbone. Ces derniers seraient de véritables « indulgences des temps modernes ». De la même façon que l’Église catholique a pu promettre l’absolution des péchés à ses fidèles mettant la main au porte-monnaie pour acheter ces fameuses indulgences, les crédits carbone seraient largement inutiles pour le climat. Achetés par des industries parmi les plus gros émetteurs de gaz à effet de serre, ils permettraient de s’acheter une bonne conscience écologique sans avoir à se remettre en question car, quelque part sur la planète, un projet qu’ils soutiennent en achetant des crédits carbone se charge, par exemple, de planter des arbres, ou bien d’éviter de la déforestation.</p>
<p>Récemment, des révélations du <em>Guardian</em> ont entaché plus encore la réputation de ces fameux crédits en révélant qu’en plus de permettre à de gros émetteurs de gaz à effet de serre de ne rien changer ou presque à leur manière de produire, la plus grande partie des crédits carbone achetés et censés contrebalancer les émissions de gaz à effet de serre, <a href="https://www.theguardian.com/environment/2023/jan/18/revealed-forest-carbon-offsets-biggest-provider-worthless-verra-aoe">n’avait eu aucune action vertueuse pour la planète</a>.</p>
<p>Avant que ne soit donc planté le dernier clou du cercueil des crédits carbone, tâchons de comprendre comment l’idée de commercialiser quelque chose d’aussi intangible que les émissions carbone a pu émerger puis se développer et générer autant de dérives.</p>
<h2>Avant les crédits carbone, un système pensé autour de quotas carbone</h2>
<p>Pour cela, il faut remonter au vieux débat sur les outils économiques pour protéger l’environnement. L’un des premiers penseurs de la question, Arthur Pigou (1877-1959) était partisan du principe du pollueur-payeur, et de taxes sur les activités néfastes pour l’environnement.</p>
<p>Mais une taxe agit sur les prix. Or il est difficile de savoir à quel niveau de taxation les quantités de polluants commencent à baisser. En réponse, le principe du <em>cap and trade</em>, (en français « plafonnement et échange ») est mis en avant dans les années 1960. C’est une régulation par les quantités, en principe plus adaptée à des situations où certaines limites ne doivent pas être dépassées. En fixant un seuil, une autorité locale ou nationale distribue ou fait payer à un ensemble d’agents économiques des quotas, qui peuvent ensuite se revendre entre différents acteurs. C’est une logique de rationnement.</p>
<p>Une de ses premières concrétisations émerge en Nouvelle-Zélande avec, dès 1986, des quotas de pêche nationaux, censés éviter la surpêche. Dans les années 1990, un système de <em>cap and trade</em> est mis en place aux États-Unis pour réduire les émissions de dioxyde de soufre, issues de centrales à charbon.</p>
<p>Plusieurs paramètres étaient alors réunis pour le bon fonctionnement du système : les autorités américaines disposaient d’informations fiables pour fixer des limites et imposer des sanctions. Des technologies étaient disponibles, et le coût de réduction des émissions n’était pas trop éloigné d’une entreprise à l’autre.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Sur l'image de gauche, un filet de pêche rempli de poisson. Sur l'image de droite, une cheminée de centrale à charbon" src="https://images.theconversation.com/files/546406/original/file-20230905-25-r2654n.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/546406/original/file-20230905-25-r2654n.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=196&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/546406/original/file-20230905-25-r2654n.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=196&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/546406/original/file-20230905-25-r2654n.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=196&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/546406/original/file-20230905-25-r2654n.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=246&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/546406/original/file-20230905-25-r2654n.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=246&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/546406/original/file-20230905-25-r2654n.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=246&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">En Nouvelle-Zélande, dès 1986, des quotas de pêche nationaux sont établis afin d'éviter de mettre en péril le renouvellement du stock de poisson.
Les résultats apparaissent satisfaisants même si la revente de ces quotas de pêche entre acteurs de l’industrie semble propice à la disparition des petites structures au profit de grandes. En 1990 aux États-Unis le Clean Air Act est promulgué pour lutter contre les pluies acides causées par l’émission du dioxyde de soufre. Afin de fixer un seuil à ne pas dépasser d’émission de ce gaz toxique pour la santé et les écosystèmes, les autorités divisent ce plafonnement d’émissions en quotas distribués aux acteurs de l’industrie émettrice de ce gaz : les usines produisant de l’électricité à partir de charbon. Chaque usine a ainsi son propre seuil à ne pas dépasser.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/fr/image-photo/on-fisherman-boatcatching-fish-513364243">Watchares Hansawek / Shutterstock et Petr Kratochvil</a></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>L’impossible <em>cap and trade</em> mondial du carbone ?</h2>
<p>Lors du protocole de Kyoto, cet exemple va servir d’argument aux partisans d’un système de <em>cap and trade</em> plutôt que de taxes carbone pour limiter les émissions de CO<sub>2</sub> à l’échelle planétaire. Pourtant, d’emblée, des limites à l’établissement d’un système mondial de <em>cap and trade</em> du carbone étaient perceptibles. Quelle gageure, en effet, que de passer d’un exemple local à un dispositif mondial, et d’une pollution émise par un seul secteur industriel aisé à surveiller à un gaz émis par tous les acteurs de l’économie planétaire, sans véritable gouvernance mondiale. Les coûts de réduction des émissions de CO<sub>2</sub> sont très hétérogènes entre secteurs économiques et pays. Et surtout, les pays en développement (dont la Chine et l’Inde) refusent de prendre des engagements quantitatifs, au nom de leur « droit au développement ».</p>
<p>Les pays industrialisés prêts à limiter leurs émissions de CO<sub>2</sub> craignent, eux, que l’instauration de quotas ne soit trop contraignante pour leurs entreprises. Émerge alors l’idée de leur permettre, dans une certaine mesure, de dépasser les plafonds alloués en finançant des projets de réduction des émissions en dehors de leur périmètre, voire de leur pays.</p>
<p>La suggestion paraît cohérente dans la mesure où toutes les émissions de CO<sub>2</sub> se diffusent dans l’atmosphère et où certaines réductions d’émission sont moins coûteuses que d’autres, par exemple dans des pays moins développés où des rénovations du parc industriel ou énergétique sont les bienvenues. Cette idée, à la genèse des crédits carbone, est aussi perçue par certains pays du Sud, comme l’opportunité d’attirer des investissements pour un développement durable financé par des industries du Nord en quête de gisements de réduction d’émissions bon marché.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Vision aérienne de la mine de sables bitumineux de Syncrude," src="https://images.theconversation.com/files/546423/original/file-20230905-24-y4h1jt.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/546423/original/file-20230905-24-y4h1jt.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=449&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/546423/original/file-20230905-24-y4h1jt.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=449&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/546423/original/file-20230905-24-y4h1jt.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=449&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/546423/original/file-20230905-24-y4h1jt.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=565&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/546423/original/file-20230905-24-y4h1jt.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=565&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/546423/original/file-20230905-24-y4h1jt.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=565&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">L'absence de régulation et de sanctions véritables a considérablement affaibli les ambition du système de quotas carbone du protocole de Kyoto.
En 2011 par exemple, le Canada à voulu éviter de payer une amende de 14 milliards de dollars dont il aurait dû s’acquitter en 2012 pour non-respect des objectifs qu’il s’était fixé, et s'est donc retiré du protocole.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Syncrude_oil_sands_mine_works,_Mildred_Lake,_Alberta.jpg">Dicklyon/Wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-sa/4.0/">CC BY-NC-SA</a></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>L’émergence du Mécanisme de Développement Propre</h2>
<p>Ainsi naît, à l’issue du protocole de Kyoto, le principal système onusien de crédit de compensation carbone dit MDP, pour Mécanisme de Développement Propre. En théorie, il a l’ambition d’être complémentaire au système de quotas établis par les pays ayant pris des engagements quantifiés de plafonnement des émissions. Mais en réalité, il en dénature quelque peu les ambitions.</p>
<p>Car, pour que le système des quotas soit efficace, il faut que le prix du quota soit élevé, afin d’inciter les acteurs de l’économie à faire évoluer en profondeur leur modèle économique. Or, alors que les quotas participent d’une logique de rationnement appelée à se durcir avec le temps, les projets de réduction d’émissions existent potentiellement en nombre quasi illimité sur la planète, et le nombre de crédits mis en marché également. L’inverse, donc, de la logique de rationnement.</p>
<p>L’offre de crédits carbone va ainsi s’accroitre plus que la demande ne peut absorber, car les entreprises concernées, surtout européennes, ne peuvent utiliser qu’un pourcentage maximum de crédits pour remplir leurs engagements. Et l’abondance de ces crédits va contribuer à retarder la hausse du « prix du carbone ». Or si celui-ci reste peu élevé, les entreprises ont tout avantage à acheter des crédits carbone plutôt qu’à agir significativement pour la baisse de leur empreinte carbone.</p>
<p>Autre enjeu des crédits carbone : ils doivent respecter un critère d’additionnalité. Il faut démontrer que c’est la perspective de vente des crédits carbone qui a déclenché la décision d’entreprendre le projet. Un projet intrinsèquement rentable sans vente de crédits carbone n’est pas éligible. Mais très vite, une partie des promoteurs des projets s’emploient à dissimuler la rentabilité potentielle d’investissements déjà programmés dans, par exemple, les énergies renouvelables, pour contourner cette règle. Une très large partie des crédits issus du MDP est probablement non-additionnelle, même s’il est très difficile de savoir combien, du fait de l’asymétrie d’information entre les promoteurs de projet (qui, seuls, connaissent leurs véritables coûts et marges… et leurs intentions) et les évaluateurs. Le MDP ayant généré environ 2,4 milliards de crédits (chacun correspondant à une tonne de CO<sub>2</sub> équivalent évitée), le problème n’est pas anecdotique.</p>
<p><em>L’article que vous parcourez vous est proposé en partenariat avec <a href="https://shows.acast.com/64c3b1758e16bd0011b77c44/episodes/64f885b7b20f810011c5577f?">« Sur la Terre »</a>, un podcast de l’AFP audio. Une création pour explorer des initiatives en faveur de la transition écologique, partout sur la planète. <a href="https://smartlink.ausha.co/sur-la-terre">Abonnez-vous !</a></em></p>
<iframe name="Ausha Podcast Player" frameborder="0" loading="lazy" id="ausha-6ilQ" height="220" style="border: none; width:100%; height:220px" src="https://embed.acast.com/64c3b1758e16bd0011b77c44/64f88694aa4e5a0011d2f295" width="100%"></iframe>
<h2>Débats autour de possibles crédits carbone forestiers</h2>
<p>Si, à l’origine, le MDP était conçu pour financer des rénovations industrielles ou thermiques, rapidement des projets concernant les forêts vont donner lieu à des discordes : à la COP 6 de La Haye, en 2000 ont lieu de vives discussions autour de possibles crédits carbone de « déforestation évitée », visant à protéger des forêts de la déforestation qui représente entre 10 et 13 % des émissions annuelles anthropiques de CO<sub>2</sub>.</p>
<p>Vendre des crédits carbone de « déforestation évitée » implique de démontrer qu’en l’absence de projet une forêt sera déboisée. Or, cette proposition ne fait que déplacer le problème. Car, si une forêt est protégée de la déforestation par un projet local, la perte de couvert forestier aura simplement lieu ailleurs car les moteurs de la déforestation (demande de terres agricoles, pression des marchés mondiaux, démographie…) n’auront eux pas disparu.</p>
<p>Reste la possibilité de crédits carbone pour la plantation de nouvelles forêts. Mais les scientifiques soulignent qu’une grande partie du CO<sub>2</sub> reste des siècles dans l’atmosphère (et contribue au réchauffement durant tout ce temps) tandis qu’il est impossible de garantir qu’une forêt plantée pourra subsister et séquestrer du carbone sur une aussi longue durée. Le compromis trouvé est celui de « crédits temporaires », qui seront boudés par le marché puisque les crédits carbone « permanents », sans date de péremption, sont largement disponibles.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/546392/original/file-20230905-25-nvcumd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/546392/original/file-20230905-25-nvcumd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/546392/original/file-20230905-25-nvcumd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/546392/original/file-20230905-25-nvcumd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/546392/original/file-20230905-25-nvcumd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/546392/original/file-20230905-25-nvcumd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/546392/original/file-20230905-25-nvcumd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">À l'heure où de plus en plus de méga-feux font les titre de l'actualité, la non-permanence des crédits carbone forestiers parait de plus en plus évidente.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/fr/image-photo/wildfire-british-columbia-canada-forest-fire-2324666211">Fernando Astasio Avila/ Shutterstock</a></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Émergence du marché volontaire et de ses dérives</h2>
<p>Au final, le MDP ne produira donc qu’un infime nombre de crédits forestiers. Mais, en parallèle, émerge un nouveau marché : celui de la compensation carbone. Sur ce marché volontaire, on trouve les entreprises ambitionnant de devenir « neutre en carbone » pour améliorer leur image. Cette fois, les projets de déforestation évitée, écartés du mécanisme onusien, se taillent la part du lion : environ 45 % des crédits du marché volontaire.</p>
<p>Mais avec le développement de ces projets surgit un nouveau problème : leur effet sur la baisse des émissions est souvent invérifiable. Car l’absence ou la réduction de la déforestation qu’ils promettent sont souvent mesurées en comparant les résultats attendus, soit à un niveau de déforestation passée (en supposant que l’avenir sera une redite du passé), soit à un scénario du niveau le plus probable (« <em>business as usual</em> ») de déforestation en l’absence de projet. Ces scénarios « contrefactuels » sont invérifiables, puisque le projet sera réalisé. Il est donc tentant de construire un « scénario du pire » pour maximiser le nombre de crédits potentiels. Ainsi, une augmentation relative de la déforestation (inférieure à la prévision) est assimilée à une « réduction »</p>
<p>Début 2023, <em>The Guardian</em> et <em>Die Zeit</em> affirmaient que plus de 90 % des crédits certifiés par VERRA, le plus grand standard de certification des crédits carbone forestiers « ne valent rien ». Un des articles scientifiques sur lequel s’appuient les journalistes a examiné plusieurs projets de protection de forêts en Amazonie brésilienne depuis la fin de la décennie 2000. Les niveaux de référence de ces projets étaient de simples prolongements de la moyenne de la déforestation passée, censée figurer les niveaux futurs « sans projet ». Or les chercheurs ont analysé les dynamiques de déforestation de zones comparables mais sans projet, et ont trouvé que la déforestation a baissé partout durant cette période, avec ou sans projet, et ce dans des proportions comparables. Ils ont donc conclu à une absence d’effet net des projets.</p>
<h2>Le MDP est mort, vive le nouveau MDP !</h2>
<p>Malgré tous ces écueils, les négociateurs de la Convention Climat n’ont pas renoncé à l’utilisation de crédits carbone, y compris forestiers. Si le mécanisme onusien du MDP est arrivé à son terme en 2020, des centaines de millions de crédits MDP sont encore à vendre, et l’Article 6 de l’Accord de Paris (2015) a posé les bases d’un nouveau marché international des « réductions d’émissions ».</p>
<p>Cet article prévoit un « ajustement » entre vendeurs et acheteurs. Cela pour prévenir un risque nouveau, celui du double comptage des réductions d’émissions, à la fois dans les pays vendeurs de crédits et dans les inventaires des pays acheteurs – ceci lié au fait que tous les pays ont maintenant, peu ou prou, des engagements sur leurs niveaux d’émission futurs. Les pays qui vendront des « réductions d’émissions » ne pourront se prévaloir de ces réductions dans leurs bilans nationaux – contrairement aux acheteurs.</p>
<p>L’article 6.4 en particulier, dont les modalités ne sont pas encore finalisées, reprend, lui, globalement le principe du MDP, avec toutefois, une mise à l’écart des projets de déforestation évitée ne réduisant pas de manière absolue la déforestation, afin d’éviter les « baisses relatives » par rapport à un scénario invérifiable.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Panorama d'une forêt du Libéria" src="https://images.theconversation.com/files/546416/original/file-20230905-29-iobscx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/546416/original/file-20230905-29-iobscx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/546416/original/file-20230905-29-iobscx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/546416/original/file-20230905-29-iobscx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/546416/original/file-20230905-29-iobscx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/546416/original/file-20230905-29-iobscx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/546416/original/file-20230905-29-iobscx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Le Libéria s'apprête à céder des droits exclusifs de 10% de son territoire à une société émiratie qui commercialise les créditscarbone obtenus à partir de projets de conservation ou de reforestation, rapportaient divers titres de presse en août 2023. Grand client de crédits carbone, les Émirats-Arabes-Unis continuent d'assurer vouloir atteindre la neutralité carbone, et ce, sans arrêter leurs investissements pétroliers.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/tlupic/7975993144">Travis Lupick/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-sa/4.0/">CC BY-NC-SA</a></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Passer d’une logique de compensation à une logique de contribution ?</h2>
<p>Les crédits carbone sont aujourd’hui à la croisée des chemins. Contrairement à ce que beaucoup d’analystes prédisaient, leur prix restent bas, voire baissent (beaucoup sont à moins d’un ou deux euro), avec une offre toujours plus grande, sans que la demande ne suive. Suite aux révélations du <em>Guardian</em>, le prix des crédits de déforestation évitée ont baissé de 40 %. Une partie du public a compris ce qu’est le <em>greenwashing</em>, et le principe de compensation apparaît de plus en plus suspect.</p>
<p>Il est possible que la logique de compensation cède progressivement le pas à une logique de contribution à l’effort collectif pour lutter contre les changements climatiques pour que les acheteurs de crédits carbone ne s’autorisent plus à déduire ces crédits de leurs propres émissions et que les consommateurs ne se donnent pas l’illusion qu’ils peuvent « effacer » leur empreinte carbone découlant de leurs choix de consommation. Quelle que soit la sémantique adoptée, un nombre croissant d’acteurs converge sur l’idée de viser des impacts et non des compensations. Certains experts proposent d’envisager des certificats d’impact positif, portant sur le carbone, la biodiversité, l’eau et les bénéfices apportés aux communautés locales. Cette clarification serait bienvenue. Mais est-ce que les entreprises auront la même appétence pour des certificats d’impact ? Combien seront-elles à accepter de sortir de l’ambiguïté ?</p>
<hr>
<p><em>Cet article s’inscrit dans le cadre d’un projet associant The Conversation France et l’AFP audio. Il a bénéficié de l’appui financier du Centre européen de journalisme, dans le cadre du programme « Solutions Journalism Accelerator » soutenu par la Fondation Bill et Melinda Gates. L’AFP et The Conversation France ont conservé leur indépendance éditoriale à chaque étape du projet.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/212903/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Alain Karsenty est membre du Conseil Scientifique de la Fondation pour la Nature et l'Homme</span></em></p>
Les crédits carbone forestiers sont désormais considérés par diverses études scientifiques comme sans effet positif pour le climat. Retour sur l'avènement de cet outil de compensation carbone et ses limites vite atteintes.
Alain Karsenty, Économiste de l’environnement, chercheur et consultant international, Cirad
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/211961
2023-09-03T14:23:39Z
2023-09-03T14:23:39Z
Climat et biodiversité, les deux jambes de la transition écologique
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/544213/original/file-20230823-17-fvjmxw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=23%2C16%2C1115%2C776&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">La déforestation entraîne une perte de l’absorption du CO<sub>2</sub> en raison de la disparition de puits de carbone.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.rawpixel.com/image/3326154/free-photo-image-garden-reforestation-asheville-field-office">Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Du fait de ses impacts croissants sur les sociétés, le réchauffement climatique s’est imposé au cœur du débat public. Si la majorité des citoyens n’a pas lu les <a href="https://www.ipcc.ch/report/ar6/syr/">rapports</a> du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), les vagues de chaleur, l’intensification des tempêtes, la multiplication des évènements extrêmes se chargent de leur rappeler l’ampleur des dérèglements climatiques et l’urgence de l’action.</p>
<p>Malgré sa documentation par la Plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la <a href="https://theconversation.com/fr/topics/biodiversite-20584">biodiversité</a> et les services écosystémiques (<a href="https://www.ipbes.net/about">IPBES</a>), l’équivalent du GIEC pour la biodiversité, les risques induits par l’érosion de la biodiversité restent de leur côté moins bien perçus. Leurs liens avec les changements climatiques sont sous-estimés, comme si climat et biodiversité pouvaient faire l’objet de traitements séparés. Cette vision dichotomique est trompeuse. On ne peut agir efficacement face au réchauffement climatique sans s’occuper de biodiversité, et vice-versa.</p>
<h2>Carbone fossile, carbone vivant</h2>
<p>Les scientifiques du GIEC nous l’expliquent depuis leur <a href="https://www.ipcc.ch/site/assets/uploads/2018/05/ipcc_90_92_assessments_far_full_report_fr.pdf">premier rapport d’évaluation</a> (1990). Le climat est un problème de stock. Pour enrayer le réchauffement de la planète, il ne suffit pas d’abaisser les émissions de gaz à effet de serre. Il faut stabiliser leur stock dans l’atmosphère. Autrement dit, atteindre la <a href="https://christiandeperthuis.fr/n-comme-neutralite-climatique/">neutralité climatique</a> en réduisant les émissions – le flux entrant dans le stock – jusqu’au niveau du flux sortant, constitué de l’absorption du CO<sub>2</sub> par les <a href="https://theconversation.com/fr/topics/puits-de-carbone-24700">puits de carbone</a> (forêts et océans) et de l’élimination des autres gaz à effet de serre en fin de vie.</p>
<p>Pour nos sociétés, cette marche vers la neutralité implique une double transformation :</p>
<ul>
<li><p>Selon les données du GIEC, environ <a href="https://www.ipcc.ch/report/ar6/wg3/downloads/report/IPCC_AR6_WGIII_Chapter02.pdf">70 % des rejets de gaz à effet de serre</a> dans le monde proviennent de l’usage de trois produits : le charbon, le pétrole et le gaz naturel. Il n’y a pas de chemin possible vers la neutralité sans une transformation profonde de nos sociétés consistant à nous affranchir en quelques décennies de cette dépendance au carbone fossile. C’est l’enjeu de ce qu’on appelle la <a href="https://www.iea.org/topics/global-energy-transitions-stocktake">transition énergétique</a>.</p></li>
<li><p>Pour un quart, les rejets de gaz à effet de serre proviennent du « carbone vivant », principalement du fait des émissions spécifiques agricoles (non liées à l’usage des énergies fossiles) et de la déforestation tropicale et autres usages des sols qui érodent le puits de carbone continental. Il n’y a pas non plus de chemin vers la neutralité sans une transformation profonde de l’usage des ressources vivantes assurant le reflux des émissions agricoles et une meilleure protection des puits de carbone. C’est l’enjeu de ce qu’on peut appeler la <a href="https://www.frontiersin.org/articles/10.3389/fsufs.2021.709401/full">transition agroclimatique</a>.</p></li>
</ul>
<p><iframe id="Opoba" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/Opoba/2/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>L’une des difficultés majeures de la transition est de mener de front ces deux transformations qui renvoient à des mécanismes économiques distincts. Pour le carbone fossile, il faut introduire de la rareté en réduisant à la portion congrue l’usage du charbon, du pétrole et du gaz naturel. Pour le carbone vivant, il faut réinvestir dans la diversité des écosystèmes pour réduire les émissions agricoles et protéger les puits de carbone dans une logique de bioéconomie.</p>
<h2>De l’addition à la soustraction</h2>
<p>Depuis le début de la révolution industrielle, les transitions énergétiques se sont succédé. Elles ont toutes consisté à ajouter de nouvelles sources énergétiques à un système reposant initialement sur l’usage de la biomasse. Il en a résulté un accroissement massif de l’énergie utilisée dans le monde.</p>
<p>Le climat nous contraint à rompre avec cette logique. Ce qui fait baisser les émissions, ce n’est pas d’ajouter des sources décarbonées au système énergétique. C’est de retirer des sources fossiles : il faut basculer d’une logique de l’addition à une logique de soustraction.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/544215/original/file-20230823-27-kbjahm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Tracteur soviétique dans un champ en Éthiopie" src="https://images.theconversation.com/files/544215/original/file-20230823-27-kbjahm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/544215/original/file-20230823-27-kbjahm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/544215/original/file-20230823-27-kbjahm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/544215/original/file-20230823-27-kbjahm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/544215/original/file-20230823-27-kbjahm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/544215/original/file-20230823-27-kbjahm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/544215/original/file-20230823-27-kbjahm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">La déforestation et l’agriculture sont à l’origine des émissions de carbone « vivant ».</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/ifpri/14328252948">Ifpri/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Sous l’angle économique, cela implique de reconvertir massivement les actifs « bruns » liés à la production ou à l’utilisation d’énergie fossile, par un double mouvement d’investissement dans le vert et de désinvestissement dans le brun. Le coût le plus lourd pour le système économique n’est pas celui des centaines de milliards investis dans les parcs éoliens ou solaires, les giga-usines de batteries ou les électrolyseurs fabricant l’hydrogène. C’est le coût du désinvestissement qui contraint à déclasser ou reconvertir les actifs bruns : les actifs financiers, bien sûr, mais aussi les actifs physiques et surtout les actifs humains sur lesquels repose avant tout la transition énergétique.</p>
<p>De multiples instruments devront être mobilisés pour opérer une telle transformation. Parmi eux, la <a href="https://theconversation.com/fr/topics/taxe-carbone-23007">taxation du carbone fossile</a> n’a pas d’équivalent. Qu’elle soit obtenue par l’impôt ou par un mécanisme d’échange de quotas, cette taxation renchérit le coût d’usage de l’énergie fossile sans restituer à ses producteurs les rentes en résultant comme le font par exemple les envolées du prix du pétrole sur les marchés énergétiques. Du côté de la demande, elle constitue un puissant stimulant à la sobriété énergétique ; du côté de l’offre, elle incite à se détourner des actifs carbonés.</p>
<p>La difficulté principale de la taxation du carbone fossile réside dans la maîtrise de ses impacts distributifs. Comme l’a montré l’épisode des « gilets jaunes » en France, une taxation du carbone fossile sans redistribution vers les plus vulnérables pose plus de problèmes qu’elle n’en résout. Seule une <a href="https://theconversation.com/comment-reconcilier-taxe-carbone-et-pouvoir-dachat-111019">taxation carbone redistributive</a> sera acceptée socialement. De même, pour élargir la tarification carbone à l’échelle internationale, il convient de procéder à une restitution massive de son produit aux pays du Sud.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Yellow vests protest in Paris in January 2019" src="https://images.theconversation.com/files/543741/original/file-20230821-17-rfxvjq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/543741/original/file-20230821-17-rfxvjq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/543741/original/file-20230821-17-rfxvjq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/543741/original/file-20230821-17-rfxvjq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/543741/original/file-20230821-17-rfxvjq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/543741/original/file-20230821-17-rfxvjq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/543741/original/file-20230821-17-rfxvjq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Yellow vests’ protest in Paris in January 2019.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/thumb/3/34/Paris%2C_Gilets_Jaunes_-_Acte_IX_%2846724068321%29.jpg/1024px-Paris%2C_Gilets_Jaunes_-_Acte_IX_%2846724068321%29.jpg">Wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>De même, si la taxation du carbone fossile accélère la transition énergétique, les taxes carbone négatives, autrement dit les <a href="https://www.iea.org/reports/fossil-fuels-consumption-subsidies-2022">subventions aux énergies fossiles</a>, la retardent. Or, à la suite du déclenchement de la guerre en Ukraine en février 2022, ces subventions ont atteint un niveau inédit dans l’Union européenne avec la multiplication des « boucliers tarifaires » érigés en urgence pour éviter la casse sociale. Pour contrer ces effets indésirables, il convient de changer de méthode pour protéger les plus vulnérables face aux chocs énergétiques.</p>
<p>Autre forme pernicieuse de subvention aux énergies fossiles : la distribution gratuite de quotas de CO<sub>2</sub> dans le système d’échange européen, ce qui freine l’émergence d’une industrie verte, levier de la compétitivité de l’Europe de demain.</p>
<h2>Investir dans la diversité du vivant</h2>
<p>Imaginons un instant que le monde ait éradiqué tout recours aux énergies fossiles en 2050. Serions-nous automatiquement en situation de neutralité climatique ? Tout dépend de ce qui aura été réalisé sur le deuxième front de la transition, celui du carbone vivant, à l’origine du quart des rejets mondiaux de gaz à effet de serre.</p>
<p>La taxation du carbone fossile n’est guère utile pour la transition agroclimatique. Pire, elle pourrait même s’avérer contreproductive : en utilisant un prix du CO<sub>2</sub> basé sur des critères énergétiques, il deviendrait rentable de transformer la forêt amazonienne (ou les chênes séculaires de la forêt du Tronçay) en taillis à courte rotation pour produire de l’énergie ! La raison en est simple. La transformation agroclimatique consiste à trouver les voies du réinvestissement dans la diversité biologique, autrement dit l’abondance du vivant. Or le prix du CO<sub>2</sub> ne reflète pas la valeur de cette diversité. Il faut donc utiliser d’autres instruments, plus complexes à mettre en œuvre.</p>
<p>[<em>Plus de 85 000 lecteurs font confiance aux newsletters de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde</em>. <a href="https://memberservices.theconversation.com/newsletters/?nl=france&region=fr">Abonnez-vous aujourd’hui</a>]</p>
<p>Sur les continents, les forêts constituent le principal puits de carbone. Leur capacité à stocker le CO<sub>2</sub> atmosphérique est affaiblie par une combinaison de facteurs climatiques et anthropiques. En <a href="https://www.citepa.org/wp-content/uploads/publications/secten/2023/Citepa_Secten_ed2023_v1.pdf">France</a>, la capacité de stockage du CO<sub>2</sub> des forêts a par exemple été divisée par trois depuis 2005, principalement à cause du facteur climatique. Il y a donc urgence à adapter les modes de gestion forestière en anticipant la sévérité des climats de demain. Dans le monde, la principale empreinte anthropique sur la forêt concerne la déforestation tropicale. Sa cause majeure est l’extension des terres pour la culture et l’élevage. C’est pourquoi la clef de l’arrêt de la déforestation, en zone sèche comme en zone humide, réside dans les changements de pratiques agricoles.</p>
<h2>Les enjeux clefs de l’agriculture et de l’alimentation</h2>
<p>L’impact des systèmes agricoles sur le bilan net des émissions de gaz à effet de serre ne se limite pas à la <a href="https://theconversation.com/fr/topics/deforestation-23274">déforestation</a>. Suivant les techniques retenues, les systèmes agricoles peuvent eux-mêmes rejeter du carbone dans l’atmosphère (labours profonds, drainages de sols humides, etc.) ou au contraire en stocker dans les sols vivants (agriculture de conservation, agroforesterie, etc.). Les premiers érodent la biodiversité en spécialisant les agriculteurs suivant des logiques de type industriel. Les seconds utilisent la diversité du vivant pour intensifier les productions et régénérer le milieu naturel.</p>
<p>Ces techniques agroécologiques permettent également de mieux résister au durcissement des conditions climatiques tout en réduisant les émissions de méthane et de protoxyde d’azote d’origine agricole. Au plan économique, leur promotion passe par un investissement en recherche et développement, par la mise en place de réseaux dédiés de conseil agricole et surtout par la valorisation par les agriculteurs des services écosystémiques apportés à la société. Cette valorisation ne s’opère pas spontanément sur les marchés. Elle requiert des interventions publiques et des financements dédiés.</p>
<p>Comme pour l’énergie, la transition agroclimatique implique, côté demande, une transformation des comportements vers plus de sobriété. Les aliments composant notre assiette ont des empreintes climatiques contrastées. Les produits transformés de façon industrielle, plus encore les produits animaux, surtout ceux issus des ruminants, ont une empreinte particulièrement élevée. Il n’y aura pas de transition agroclimatique réussie sans une limitation de ces produits dans les rations alimentaires, ce que recommandent par ailleurs toutes les autorités sanitaires dans le monde.</p>
<h2>L’océan, ce grand oublié</h2>
<p>La transition agroclimatique devra enfin intégrer la question de la gestion des océans et de la biodiversité marine, aujourd’hui véritables angles morts des politiques climatiques. Le réchauffement global comme certaines pratiques anthropiques (surpêche, écoulement des polluants, etc.) altèrent la biodiversité marine, composante cruciale du stockage du CO<sub>2</sub> par les océans. La protection des puits océaniques est primordiale pour stabiliser les climats de demain : on estime que la biosphère continentale contient <a href="https://www.ipcc.ch/report/ar6/wg1/downloads/report/IPCC_AR6_WGI_Chapter05.pdf">4 fois plus de carbone que l’atmosphère</a>. Pour les océans, c’est 47 fois.</p>
<hr>
<p><em>La Chaire Économie du Climat de l’université Paris Dauphine-PSL organise, en partenariat avec l’École d’Économie de Toulouse et le Muséum national d’histoire naturelle, la 24<sup>e</sup> Conférence mondiale sur la fiscalité environnementale mondiale (<a href="https://www.gcet24.fr/">24th Global Conference on Environmental Taxation</a>), qui se déroulera du 6 au 8 septembre 2023 et qui aura pour thème « Climat et biodiversité : une empreinte écologique mondiale » (Climate and Biodiversity : Tackling Global Footprints)</em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/211961/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>
Pour viser la neutralité climatique, il faut simultanément sortir des énergies fossiles et investir dans la biodiversité pour protéger les puits de carbone et réduire les émissions agricoles.
Christian de Perthuis, Professeur d’économie, fondateur de la chaire « Économie du climat », Université Paris Dauphine – PSL
Édouard Civel, Chercheur au Square Research Center et à la Chaire Economie du Climat, Université Paris Dauphine – PSL
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/211301
2023-08-09T15:00:32Z
2023-08-09T15:00:32Z
La réconciliation avec les peuples autochtones doit aussi passer par la protection des plantes boréales
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/541956/original/file-20220902-19-pnlr93.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C4594%2C3456&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le thé du Labrador est l'une des plantes boréales considérées comme nuisible. Cette plante est importante pour les communautés autochtones en raison de ses propriétés curatives.</span> <span class="attribution"><span class="source">(J. Baker)</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span></figcaption></figure><p>Le thé du Labrador, l’épilobe, le cerisier de Virginie et le framboisier comptent parmi les plantes de la forêt boréale considérées comme des <a href="https://weedscience.ca/biology-of-canadian-weeds/">« mauvaises herbes »</a> par la Société canadienne de malherbologie. Ces plantes sont traitées aux herbicides par les entreprises d’exploitation forestière dans l’ensemble de la forêt boréale canadienne.</p>
<hr>
<figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/523895/original/file-20230502-16-gbwpsg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/523895/original/file-20230502-16-gbwpsg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/523895/original/file-20230502-16-gbwpsg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/523895/original/file-20230502-16-gbwpsg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/523895/original/file-20230502-16-gbwpsg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/523895/original/file-20230502-16-gbwpsg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/523895/original/file-20230502-16-gbwpsg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption"></span>
</figcaption>
</figure>
<p><strong>Cet article fait partie de notre série <a href="https://theconversation.com/ca-fr/topics/foret-boreale-138017">Forêt boréale : mille secrets, mille dangers</a></strong></p>
<p><br><em>La Conversation vous propose une promenade au cœur de la forêt boréale. Nos experts se penchent sur les enjeux d’aménagement et de développement durable, les perturbations naturelles, l’écologie de la faune terrestre et des écosystèmes aquatiques, l’agriculture nordique et l’importance culturelle et économique de la forêt boréale pour les peuples autochtones. Nous vous souhaitons une agréable – et instructive – balade en forêt !</em></p>
<hr>
<p>Cependant, ces espèces de plantes boréales sont des plantes traditionnelles importantes pour de nombreuses communautés autochtones au Canada et dans le monde entier. Outre leur <a href="https://www.fao.org/3/ai215e/ai215e.pdf">utilisation alimentaire</a>, ces plantes indigènes traditionnelles ont une énorme importance <a href="https://doi.org/10.1186/1746-4269-8-7">médicinale, culturelle et matérielle</a>.</p>
<p>Ces espèces végétales ont prospéré avant l’arrivée des Européens et sont respectées et entretenues par les communautés autochtones, ce qui contribue à accroître la <a href="https://www.cbd.int/portals/culturaldiversity/docs/north-american-regional-declaration-on-biocultural-diversity-en.pdf">diversité bioculturelle</a>.</p>
<p>En tant qu’anthropologue de la culture et de l’environnement, je travaille depuis 2006 pour et avec les communautés des Premières Nations dans la forêt boréale albertaine. Dans l’article que j’ai récemment publié, je révèle comment l’appropriation indue de ces plantes sur les territoires traditionnels est <a href="https://doi.org/10.1215/22011919-9712467">fondée sur un préjugé colonial quant à la valeur économique des plantes</a>.</p>
<h2>La forêt boréale est menacée</h2>
<p>Au cours des dernières décennies, les plantes boréales ont été soumises à de nombreuses menaces, notamment des tentatives d’extraction à des fins commerciales ou <a href="https://hdl.handle.net/10214/27311">d’éradication à l’aide d’herbicides</a>.</p>
<p>Le problème réside dans ce que l’on appelle le <a href="https://open.alberta.ca/publications/timber-harvest-planning-and-ogr-2023">« bois d’œuvre »</a>, en comparaison à l’abondance des plantes de la forêt boréale qui couvrent le sol sous les arbres.</p>
<p>Lorsque les agences gouvernementales et les entreprises d’exploitation forestière respectent leur <a href="https://www.alberta.ca/indigenous-consultations-in-alberta.aspx">obligation de consulter les Premières Nations</a>, elles ont tendance à ignorer les préoccupations exprimées au sujet de la destruction des plantes traditionnelles qui poussent en abondance.</p>
<p>Par exemple, les peupliers baumiers et peupliers faux-trembles, les bouleaux, le thé du Labrador, les bleuets et la menthe sauvage sont des plantes qui poussent en abondance dans la forêt boréale et qui ont une grande importance culturelle.</p>
<p>Au cours du processus de consultation, lorsqu’un aîné ou un membre de la communauté identifie les plantes à protéger, les représentants des entreprises forestières répondent souvent que ces plantes poussent abondamment dans toute la forêt et que leur destruction n’a donc <a href="https://doi.org/10.1016/j.exis.2017.12.008">aucune incidence significative</a> sur les droits inhérents protégés par le traité.</p>
<p>Cette décision externe peut compromettre l’accès des membres des Premières Nations à leur territoire ancestral.</p>
<p>La perte d’accès à des plantes qui peuvent paraître abondantes est exacerbée par l’utilisation de <a href="https://open.alberta.ca/dataset/2008d812-65eb-4608-9c00-54999149c2a1/resource/2a40a300-d391-4440-b870-e3b632588e92/download/af-forest-management-herbicide-reference-manual-2021-01.pdf">l’herbicide glyphosate lors du reboisement</a>, ainsi que par la présence de pipelines et de lignes électriques le long des routes.</p>
<p>Les plantes à forte valeur nutritionnelle et médicinale, comme le thé du Labrador, sont éliminées afin qu’elles n’interfèrent pas avec les pratiques de reboisement en monoculture axées sur le bois d’œuvre. Cette pratique témoigne d’un intérêt commercial marqué, au détriment d’une <a href="https://mothertreeproject.org/mother-tree-experiment/">forêt saine et diversifiée</a>.</p>
<hr>
<p>
<em>
<strong>
À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/plantes-de-la-foret-boreale-de-la-medecine-traditionnelle-autochtone-a-la-medecine-moderne-200154">Plantes de la forêt boréale : de la médecine traditionnelle autochtone à la médecine moderne</a>
</strong>
</em>
</p>
<hr>
<h2>La destruction de la forêt boréale a un impact sur les communautés autochtones</h2>
<p>Lorsque les communautés perdent leurs territoires de cueillette, elles doivent se tourner vers des zones plus vastes. Ce compromis implique de demander l’accès aux terres d’autres communautés, en plus de risquer de récolter des plantes contaminées par des composés organiques volatils, des métaux lourds ou des herbicides.</p>
<p>Des recherches menées dans la forêt boréale ont révélé que le <a href="https://doi.org/10.1016/j.foreco.2021.119259">glyphosate persiste dans les tissus végétaux pendant au moins une décennie</a>. Les communautés avec lesquelles je collabore dans le cadre de mes recherches demeurent très préoccupées par l’utilisation d’herbicides sur leur territoire, et ce à juste titre.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/541815/original/file-20230808-17-jgodur.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="rangées de feuilles séchant sur une surface plane" src="https://images.theconversation.com/files/541815/original/file-20230808-17-jgodur.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/541815/original/file-20230808-17-jgodur.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/541815/original/file-20230808-17-jgodur.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/541815/original/file-20230808-17-jgodur.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/541815/original/file-20230808-17-jgodur.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/541815/original/file-20230808-17-jgodur.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/541815/original/file-20230808-17-jgodur.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">De la menthe sauvage de la forêt boréale - utilisée comme aliment et comme médicament - qui est en train de sécher.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(J. Baker)</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Les aînés des communautés des Premières Nations sont également préoccupés par les effets de la bioaccumulation, c’est-à-dire l’accumulation progressive de substances telles que les pesticides ou d’autres produits chimiques dans la chaîne alimentaire. Ces préoccupations sont fondées sur leurs systèmes de droit naturel, leurs traditions orales et leur <a href="https://doi.org/10.1080/00141844.2020.1765829">respect et réciprocité dans leur lien à la forêt</a>.</p>
<h2>La réconciliation passe aussi par les plantes</h2>
<p>Alors que le Canada tente de se réconcilier avec les communautés autochtones par l’intermédiaire de la <a href="https://www2.gov.bc.ca/assets/gov/british-columbians-our-governments/indigenous-people/aboriginal-peoples-documents/calls_to_action_english2.pdf">Commission de vérité et de réconciliation du Canada</a>, la reconnaissance des espèces végétales ayant une valeur traditionnelle est essentielle.</p>
<p>Les appels à l’action pour l’amélioration de l’éducation portant sur les peuples autochtones, des programmes pour la jeunesse, de la langue et de la culture, et des soins de santé sont directement liés à la participation à des activités axées sur le territoire. Les espèces végétales doivent être présentes pour que de telles activités soient possibles.</p>
<p>La disponibilité de ces espèces signifie qu’elles doivent être respectées et conservées sur la base des <strong>approches autochtones et du savoir écologique traditionnel</strong>.</p>
<p>Négliger les espèces végétales, dans le contexte des systèmes juridiques naturels autochtones, revient à ignorer l’intendance autochtone, ancestrale et actuelle. Ignorer les espèces indigènes mène à l’appropriation indue et répétée des territoires traditionnels, une plante à la fois.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/211301/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Janelle Marie Baker reçoit des fonds de l'ECCC, de l'Arctic Connections Fund, des IRSC, du CRSH, du CRSNG et de l'Université d'Athabasca.</span></em></p>
Certaines espèces de plantes boréales sont considérées – et traitées – comme des mauvaises herbes, impactant l’accès des communautés autochtones à d’importantes ressources médicinales et culturelles.
Janelle Marie Baker, Associate professor, Anthropology, Athabasca University
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/205311
2023-07-24T18:35:01Z
2023-07-24T18:35:01Z
Quel rôle de la biomasse dans la transition écologique ?
<p>Depuis plusieurs années, les épisodes de sécheresse se multiplient et s’intensifient en Europe, charriant leurs conséquences dramatiques sur la production agricole, comme <a href="https://www.lemonde.fr/planete/article/2023/05/11/l-espagne-debloque-deux-milliards-d-euros-pour-faire-face-en-urgence-aux-effets-de-la-secheresse_6172998_3244.html">actuellement en Espagne</a>.</p>
<p>L’impact du changement climatique <a href="https://theconversation.com/secheresse-lindispensable-adaptation-des-forets-francaises-128404">sur les forêts</a> dans le monde est également renforcé par la mortalité accrue des arbres, une dégradation de leur état sanitaire et une réduction de leur vitesse de croissance <a href="https://www.academie-sciences.fr/pdf/rapport/060623_foret.pdf">notamment en lien avec les parasites et les incendies</a>.</p>
<p>Dans ce contexte, la place à octroyer à la biomasse dans la transition écologique et énergétique est au cœur d’un dilemme : on attend beaucoup d’elle pour lutter contre le changement climatique et en particulier pour contribuer à l’objectif de neutralité carbone, mais elle est aussi dès à présent impactée par l’accélération de ce même changement climatique.</p>
<p>Rappelons en premier lieu que la biomasse, souvent évoquée en matière d’énergie, couvre en fait l’ensemble de la matière organique d’origine végétale ou animale présente dans un espace donné : elle comprend donc à la fois les ressources venues du monde agricole et agroalimentaire (sa production, ses résidus, ses effluents d’élevage, ses biodéchets industriels…), des haies, des forêts et leurs filières de transformation (grumes, bûches, plaquettes forestières…), des <a href="https://theconversation.com/preserver-les-herbiers-de-posidonie-ces-precieux-puits-de-carbone-sous-marins-190199">productions issues de l’eau</a> (algues) et des divers biodéchets collectés.</p>
<p>En partie valorisée dans les filières, la biomasse reste pour une autre partie dans les écosystèmes, notamment pour le maintien de la biodiversité.</p>
<h2>Des ressources et des usages</h2>
<p>En France, elle constitue une ressource importante très diverse dans ses gisements et ses caractéristiques. <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/5039859?sommaire=5040030">45 % de la surface du pays</a> est dédiée à l’agriculture et <a href="https://franceboisforet.fr/la-foret/la-foret-francaise-en-chiffres/">31 % à la forêt</a> – la France détient le 3<sup>e</sup> plus grand massif d’Europe. Plus méconnue, la biomasse issue du monde de l’eau est une voie émergente mais dynamique en recherche et innovation.</p>
<p>L’ensemble de ces ressources constitue un atout pour la transition écologique du pays et une richesse majeure pour la bioéconomie – ensemble des activités, des produits et services issus du monde du vivant.</p>
<p>[<em>Plus de 85 000 lecteurs font confiance aux newsletters de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde</em>. <a href="https://memberservices.theconversation.com/newsletters/?nl=france&region=fr">Abonnez-vous aujourd’hui</a>]</p>
<p>On distingue trois grands types d’usages de la biomasse. Le volume le plus important de la biomasse agricole est dédié à la production alimentaire. Les produits biosourcés, fabriqués entièrement ou partiellement à partir de matière issue du vivant, couvrent un champ très large – allant des matériaux de construction et d’isolation aux composites utilisées dans l’automobile, aux matières utilisées dans l’habillement ou dans le monde de la chimie (peintures ou solvants par exemple).</p>
<p>Son troisième grand usage, historique, est la production d’énergie : de chaleur renouvelable, de biogaz, de biocarburants et d’électricité en cogénération, par exemple. Le <a href="https://theconversation.com/comment-ameliorer-limpact-environnemental-du-bois-energie-175975">bois énergie</a>, qui représente <a href="https://www.statistiques.developpement-durable.gouv.fr/chiffres-cles-des-energies-renouvelables-edition-2022">35,1 % en 2021 de la production primaire d’énergie renouvelable</a>, constitue la première des énergies renouvelables en France.</p>
<h2>Stockage du carbone et effets de substitution</h2>
<p>Les scénarios prospectifs pour atteindre la neutralité carbone en 2050 – comme <a href="https://www.ademe.fr/les-futurs-en-transition/">ceux élaborés par l’Ademe</a> – donnent ainsi à la biomasse un rôle clé : aucun des quatre ne parvient à un résultat sans une contribution forte au monde du vivant. Sur le plan climatique, elle prend deux formes principales, le stockage du carbone et la substitution des ressources fossiles.</p>
<p>La biomasse étant constituée par nature de carbone capté par la photosynthèse, elle a une capacité à stocker massivement du carbone. Elle offre ainsi la possibilité de maintenir une quantité de carbone hors de l’atmosphère, et en augmentant ce stock de créer un puits de carbone, donc une absorption. Le carbone est principalement stocké dans trois grands compartiments – les sols, les arbres et les produits biosourcés.</p>
<p>À l’échelle mondiale, le carbone stocké dans les arbres et les sols est au moins trois fois plus important que celui stocké dans l’atmosphère. Toute variation de la quantité stockée affecte donc le bilan, positivement ou négativement. D’où la nécessité de maintenir les stocks et de mettre en place des stratégies visant à les augmenter, <a href="https://www.inrae.fr/actualites/stocker-4-1-000-carbone-sols-potentiel-france">comme le retour au sol de la matière organique, le maintien des prairies ou l’agroforesterie</a>.</p>
<p>L’effet de substitution consiste de son côté à remplacer l’usage de ressources fossiles par de la biomasse renouvelable avec le développement des produits biosourcés et des bioénergies. Compte tenu de son potentiel, son rôle est déterminant pour sortir de notre dépendance aux ressources fossiles non renouvelables et renforcer notre autonomie énergétique.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/536519/original/file-20230710-25-pfhwi8.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="algues au fond de la mer" src="https://images.theconversation.com/files/536519/original/file-20230710-25-pfhwi8.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/536519/original/file-20230710-25-pfhwi8.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=398&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/536519/original/file-20230710-25-pfhwi8.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=398&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/536519/original/file-20230710-25-pfhwi8.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=398&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/536519/original/file-20230710-25-pfhwi8.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=500&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/536519/original/file-20230710-25-pfhwi8.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=500&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/536519/original/file-20230710-25-pfhwi8.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=500&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Les herbiers de Posidonies (Posidonia oceanica), ici sur le littoral de la Corse, sont de précieux puits de carbone.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Gérard Pergent</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-sa/4.0/">CC BY-NC-SA</a></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Biodiversité, cycle de l’eau, paysage…</h2>
<p>Au-delà de ces deux enjeux, la biomasse et les écosystèmes rendent évidemment de nombreux autres services à ne pas négliger. L’enjeu est d’utiliser cette biomasse renouvelable en veillant à ne pas dégrader la biodiversité, et quand cela est possible, de trouver des synergies positives permettant au contraire de la renforcer.</p>
<p>Le développement des haies et de l’agroforesterie répond par exemple à ce double enjeu de biomasse et de renforcement de la résilience des écosystèmes. Ces milieux jouent également d’autres rôles dans le cycle de l’eau, les paysages, sans oublier leur fonction récréative.</p>
<p>Tous ces enjeux étant étroitement liés, il est indispensable d’aborder la question des usages de la biomasse, et plus largement de nos besoins et niveaux de consommation, avec une vision systémique afin de définir le juste équilibre entre ces fonctions, la biomasse étant certes une richesse mais aussi une ressource limitée.</p>
<p>Ces multiples facettes expliquent que la place qu’elle doit occuper dans la transition fasse l’objet de nombreux débats. Il ressort de notre point de vue, trois défis majeurs : adapter les systèmes agricoles et forestiers, objectiver les bilans environnementaux et renforcer l’analyse systémique.</p>
<h2>Adapter l’agriculture et les forêts</h2>
<p>En tête des enjeux figure celui de préserver la qualité de nos écosystèmes dans ce contexte d’accélération des effets du changement climatique. La fréquence accrue des sécheresses, des canicules et des incendies affectent directement les écosystèmes agricoles et forestiers et génèrent une incertitude croissante sur les services attendus de ces milieux.</p>
<p>Tout affaiblissement des systèmes de production de biomasse compliquera l’atteinte de la neutralité carbone par une baisse du potentiel de stockage de carbone et par une réduction du potentiel de substitution.</p>
<p>L’adaptation des systèmes agricoles et forestiers au changement climatique est donc un axe prioritaire d’action pour les années à venir, en anticipant l’évolution du climat dans les investissements et les orientations des systèmes de production.</p>
<p>Aussi, l’adaptation des écosystèmes forestiers au changement climatique pour lutter contre le dépérissement des massifs et le renforcement de leur résilience constitue une priorité absolue. C’est tout l’enjeu du dispositif de renouvellement forestier de France 2030, <a href="https://agirpourlatransition.ademe.fr/entreprises/aides-financieres/20230413/renouvellement-forestier">qui vise à améliorer la résilience des forêts au changement climatique</a>.</p>
<p>Sur le plan agricole, il s’agit de mobiliser les indicateurs agroclimatiques pour anticiper l’impact de l’évolution du climat sur les productions agricoles <a href="https://canari-france.fr/">dans chaque territoire</a>, et construire des stratégies d’adaptation pour chaque filière. Des démarches qui visent à aider la prise de décision afin que les investissements et les orientations de productions réalisés aujourd’hui soient cohérents avec le climat que nous aurons dans le futur.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/536521/original/file-20230710-16123-w7ak16.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="main touchant un arbre abîmé" src="https://images.theconversation.com/files/536521/original/file-20230710-16123-w7ak16.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/536521/original/file-20230710-16123-w7ak16.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/536521/original/file-20230710-16123-w7ak16.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/536521/original/file-20230710-16123-w7ak16.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/536521/original/file-20230710-16123-w7ak16.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/536521/original/file-20230710-16123-w7ak16.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/536521/original/file-20230710-16123-w7ak16.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Dans la forêt de Villiers-les-Nancy, un épicéa dépérissant.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Marielle Brunette</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-sa/4.0/">CC BY-NC-SA</a></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Objectiver les bilans environnementaux</h2>
<p>Le fait d’avoir recours à de la matière issue du monde du vivant ne suffit pas à garantir un service environnemental optimal. Les avancées sur la compréhension des services rendus des usages de la biomasse montrent la nécessité de prendre toute la chaîne de l’amont à l’usage final du produit.</p>
<p>La contribution du bois énergie à la lutte contre le changement climatique est par exemple dépendant <a href="https://librairie.ademe.fr/cadic/6687/3070-ademe-acv-bois-energie-synthese.pdf">du type de ressource utilisé</a>.</p>
<p>Aussi, pour objectiver les services environnementaux rendus par les usages de la biomasse, il est indispensable de tenir compte de son origine, de l’impact potentiel des prélèvements sur le puits de carbone, des pratiques sur la biodiversité, de la préservation de la qualité des sols, des effets de l’utilisation des intrants pour les productions agricoles ou de la gestion de la fin de vie des produits.</p>
<p>Compte tenu des enjeux environnementaux en cours et de la complexité de la biomasse, il est donc nécessaire de continuer à investir pour objectiver et quantifier les services environnementaux rendus par la biomasse, et notamment dans la science pour mieux comprendre les mécanismes à l’œuvre.</p>
<p>Il s’agit aussi, pour les projets de taille importante, de renforcer la traçabilité des produits en remontant jusqu’à la parcelle (et aux pratiques mises en place à cette échelle) pour avoir une garantie sur la plus-value environnementale des services rendus à la population.</p>
<h2>Prévenir les conflits d’usage</h2>
<p>Enfin, l’interconnexion des filières et des enjeux implique de repenser la gouvernance de la biomasse pour permettre une vision plus systémique et sortir d’une vision en silo, filière par filière.</p>
<p>Il s’agit de veiller par un suivi global de la biomasse à une cohérence et une compatibilité entre la diversité des ressources disponibles, l’état des écosystèmes, les niveaux attendus des usages prévus sur les bioénergies et les produits biosourcés. La ressource étant renouvelable mais limitée, cette analyse doit aider à définir des règles de priorisation et de partage. Plus généralement, il faut trouver des compromis entre les objectifs de substitution, de stockage de carbone, de préservation de la biodiversité ou de gestion de l’eau. Le suivi de la ressource biomasse et des usages est aussi à renforcer au niveau local à travers la planification territoriale, pour tenir compte de la diversité des milieux.</p>
<p>Indispensable à la transition écologique du pays, la biomasse demeure complexe à appréhender, avec de multiples dimensions environnementales, sociales et économiques. Le défi est de rechercher en permanence les équilibres entre ses différentes fonctions.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/205311/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jérôme Mousset ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>
La biomasse a une place à jouer dans la transition écologique, mais ne négligeons pas les autres fonctions qu’elle occupe et anticipons sa fragilisation par le changement climatique.
Jérôme Mousset, Directeur bioéconomie et énergies renouvelables, Ademe (Agence de la transition écologique)
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/203743
2023-07-19T13:08:30Z
2023-07-19T13:08:30Z
Cent ans d’exploitation forestière au sein du Nitassinan de Pessamit
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/527843/original/file-20230523-23-facbrj.JPG?ixlib=rb-1.1.0&rect=7%2C0%2C5168%2C3453&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Caribous forestiers de la harde du Pipmuacan. La pression de prédation et la perte d'habitats ont fortement contribué au déclin du caribou dans le sud du Nitassinan.</span> <span class="attribution"><span class="source">(Stéphane Bourassa, Service canadien des forêts)</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span></figcaption></figure><p>« Nutshimit », l’intérieur des terres, est le <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1178729/mot-prefere-innu-josephine-bacon">mot préféré de la poète innue Joséphine Bacon</a>, car il est intimement lié à l’identité innue. Nutshimit, là où se dépose l’âme innue, a permis de tisser les liens assurant la survie et l’épanouissement culturel et social de ce peuple au fil des millénaires. </p>
<hr>
<figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/523895/original/file-20230502-16-gbwpsg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/523895/original/file-20230502-16-gbwpsg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/523895/original/file-20230502-16-gbwpsg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/523895/original/file-20230502-16-gbwpsg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/523895/original/file-20230502-16-gbwpsg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/523895/original/file-20230502-16-gbwpsg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/523895/original/file-20230502-16-gbwpsg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption"></span>
</figcaption>
</figure>
<p><strong>Cet article fait partie de notre série <a href="https://theconversation.com/ca-fr/topics/foret-boreale-138017">Forêt boréale : mille secrets, mille dangers</a></strong></p>
<p><br><em>La Conversation vous propose une promenade au cœur de la forêt boréale. Nos experts se penchent sur les enjeux d’aménagement et de développement durable, les perturbations naturelles, l’écologie de la faune terrestre et des écosystèmes aquatiques, l’agriculture nordique et l’importance culturelle et économique de la forêt boréale pour les peuples autochtones. Nous vous souhaitons une agréable – et instructive – balade en forêt !</em></p>
<hr>
<p>Atik, le caribou forestier, constitue l’élément le plus important ayant facilité le développement de ces liens entre l’innu et le territoire. Malheureusement, l’intérieur des terres subit des transformations majeures depuis plusieurs années. </p>
<p>À un point tel que dans le sud du Nitassinan des Innus de Pessamit, sur la Côte-Nord, ce lien millénaire avec le territoire s’efface au gré des coupes forestières qui progressent inexorablement vers le nord. </p>
<p>En tant que chercheur, biologistes (dont un d’origine innue) et ingénieur forestier, nous sommes à l’interface des savoirs scientifiques et autochtones. L’environnement forestier se transforme sous l’action humaine et nous tentons de mieux en comprendre les manifestations afin de guider nos actions futures pour préserver l’ensemble des valeurs que représente la forêt, dont la culture innue. </p>
<h2>Le Nitassinan de Pessamit</h2>
<p>Le Nitassinan de Pessamit est un vaste territoire au sein de la forêt boréale de l’est du Québec. </p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/527846/original/file-20230523-17-1xn7rl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="carte géographique" src="https://images.theconversation.com/files/527846/original/file-20230523-17-1xn7rl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/527846/original/file-20230523-17-1xn7rl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=1100&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/527846/original/file-20230523-17-1xn7rl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=1100&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/527846/original/file-20230523-17-1xn7rl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=1100&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/527846/original/file-20230523-17-1xn7rl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1382&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/527846/original/file-20230523-17-1xn7rl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1382&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/527846/original/file-20230523-17-1xn7rl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1382&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Limites du Nitassinan de Pessamit.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(David Gervais)</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Ce territoire s’étend des berges du golfe du Saint-Laurent jusqu’aux confins du réservoir Caniapiscau. </p>
<p>On y retrouve trois domaines bioclimatiques (association végétale en équilibre avec le climat régional) : la sapinière à bouleau blanc dans la frange sud, la pessière à mousses au centre et la pessière à lichens au nord. </p>
<p>L’île René-Levasseur correspond approximativement à la limite nord de l’exploitation commerciale des forêts. Au nord de cette limite, les forêts ne sont généralement pas assez productives pour permettre de l’aménagement forestier. Les opérations forestières se concentrent donc dans la portion sud du Nitassinan, un territoire d’environ 60 000 km<sup>2</sup>, soit deux fois la superficie de la Belgique. </p>
<h2>Un paysage forestier en évolution</h2>
<p>Les feux de forêts et, dans une moindre mesure, les perturbations par les insectes ravageurs, contribuent à régénérer les forêts du Nitassinan. À cause du climat maritime et du relief accidenté, les feux, bien que présents, ne sont pas très <a href="https://cdnsciencepub.com/doi/10.1139/X07-201">fréquents</a> sur le territoire. Ceci permet le développement des forêts sur de très longues périodes en l’absence de perturbation.</p>
<p>Ainsi, le paysage précolonial du Nitassinan était fortement dominé par les vieilles forêts. On estime que plus de 70 % du territoire forestier était dominé par des forêts de plus de 100 ans, dont 50 % dépassaient 200 ans. On peut imaginer une matrice de vieilles forêts qui constituait la trame de fond du paysage forestier, à laquelle se superposaient des îlots de forêts plus jeunes résultant du passage du feu. </p>
<p>Depuis que la forêt a colonisé la Côte-Nord à la suite du retrait des glaciers, la proportion de vieilles forêts a varié dans le temps en fonction des fluctuations du climat, tout en demeurant la composante dominante du paysage. C’est dans ce type de paysage que la culture innue s’est épanouie.</p>
<h2>Des forêts vieilles, mais riches</h2>
<p>Contrairement à ce qui est souvent véhiculé dans le milieu forestier, les vieilles forêts en zone boréale ne sont pas des peuplements en déclin, en proie aux insectes et aux maladies. En réalité, l’absence de feu sur de très longues périodes permet aux forêts d’acquérir des caractéristiques qui sont absentes des forêts plus jeunes. Par exemple, les vieilles forêts possèdent typiquement une diversité dans la taille et l’âge des arbres. </p>
<p>Avec le passage du temps, ces forêts deviennent des réservoirs de bois mort et de carbone dans les sols. Plusieurs des espèces qu’on y retrouve sont souvent inféodées aux vieilles forêts, en étant associées à ces caractéristiques ou parce qu’elles nécessitent beaucoup de temps en l’absence de perturbation majeure avant de s’établir. </p>
<h2>La forêt se rajeunit du sud vers le nord</h2>
<p>Depuis le début des années 1970, le Québec procède périodiquement à un inventaire écoforestier afin d’obtenir les connaissances requises pour <a href="https://mffp.gouv.qc.ca/les-forets/inventaire-ecoforestier/">planifier un aménagement durable des forêts</a>). </p>
<p>Une partie des données est obtenue à l’aide de photographies aériennes de l’ensemble du territoire forestier du Québec méridional. Ces photos sont interprétées et les limites des peuplements forestiers sont tracées en tenant compte de plusieurs variables, dont la composition en espèces, la hauteur des arbres, la densité du couvert forestier, l’âge des forêts et les perturbations naturelles et anthropiques. </p>
<p>Ainsi, pour la portion méridionale du Nitassinan, nous avons documenté la progression des coupes et des feux de forêts afin d’en évaluer l’impact sur l’état de la forêt, dont principalement la disparition des vieilles forêts.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/527838/original/file-20230523-15-i7karo.gif?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/527838/original/file-20230523-15-i7karo.gif?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=776&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/527838/original/file-20230523-15-i7karo.gif?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=776&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/527838/original/file-20230523-15-i7karo.gif?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=776&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/527838/original/file-20230523-15-i7karo.gif?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=976&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/527838/original/file-20230523-15-i7karo.gif?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=976&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/527838/original/file-20230523-15-i7karo.gif?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=976&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Progression des coupes et des feux de forêt dans la partie méridionnale du Nitassinan de Pessamit. (David Gervais), Fourni par l’auteur.</span>
</figcaption>
</figure>
<p>Bien que la coupe n’engendre pas de déforestation, son impact sur les paysages forestiers résulte du taux de prélèvement et de l’ampleur spatiale des interventions, <a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s10980-015-0220-6">qui excèdent les perturbations naturelles</a>. </p>
<p>Ainsi, un aménagement écosystémique, où <a href="https://esajournals.onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.1890/080088">l’empreinte des coupes sur la forêt s’inscrirait dans les limites de la variabilité imposée par les perturbations naturelles</a>, serait garant du maintien de la biodiversité et des pratiques culturelles autochtones. </p>
<h2>Le taux de coupe s’accélère</h2>
<p>Contrairement aux feux de forêt, la coupe vise exclusivement les peuplements forestiers matures, dont les vieilles forêts. </p>
<p>En comparant les données de l’inventaire forestier de la fin des années 1980 à celles de la période actuelle (2019), on constate le déclin des vieilles forêts au sud du 50<sup>e</sup> parallèle nord. Le début de l’exploitation forestière étant antérieur aux années 1980, on y constatait déjà une proportion réduite des vieilles forêts, comparativement au nord du 50<sup>e</sup> parallèle (21 % des forêts anciennes subsistent au sud du 50e parallèle nord, contre 57 % au nord).</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/527839/original/file-20230523-15345-o3zyyd.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/527839/original/file-20230523-15345-o3zyyd.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=484&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/527839/original/file-20230523-15345-o3zyyd.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=484&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/527839/original/file-20230523-15345-o3zyyd.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=484&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/527839/original/file-20230523-15345-o3zyyd.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=608&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/527839/original/file-20230523-15345-o3zyyd.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=608&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/527839/original/file-20230523-15345-o3zyyd.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=608&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Taille moyenne des îlots de forêts continus selon la classe d’âge. (David Gervais), Fourni par l’auteur.</span>
</figcaption>
</figure>
<p>Bien que la coupe soit plus récente dans le nord, les grands massifs de vieilles forêts de plus de 1 000 km<sup>2</sup> occupent aujourd’hui à peine 20 % du paysage, alors qu’ils représentaient le double 30 ans auparavant. Ces grands massifs sont essentiels au maintien d’espèces vulnérables, comme le caribou forestier. </p>
<h2>Des conséquences dévastatrices</h2>
<p>Le déploiement des opérations forestières vers le nord, le taux de coupe qui s’est accéléré et qui s’additionne aux perturbations naturelles, ainsi que la fragmentation des massifs de vieilles ont des conséquences directes sur la biodiversité et les pratiques culturelles des Innus. </p>
<p>Par exemple, la progression constante de l’orignal et son prédateur principal, le loup, depuis les années 1990, est une répercussion directe des opérations forestières et du rajeunissement des forêts. Les conséquences de l’arrivée de l’orignal et du loup dans l’habitat du caribou forestier ont été dévastatrices pour ce dernier. La pression de prédation et la perte d’habitats ont fortement contribué au déclin du caribou dans le sud du Nitassinan. </p>
<p>L’effet a également été majeur pour la culture traditionnelle innue, étant donné le lien millénaire qu’ils entretiennent avec le caribou forestier. Depuis plus de quinze ans maintenant, les Innus de Pessamit ont cessé de chasser le caribou dans l’espoir de contribuer à son rétablissement. Ils investissent également dans la protection du territoire dans le but de protéger la harde de Pipmuacan.</p>
<p>Malgré les transformations majeures qu’a subit le Nitassinan depuis les dernières décennies, il est encore temps de préserver et restaurer le territoire, sa biodiversité, le caribou forestier et la culture innue, tout en conservant une activité économique qui sera cette fois, réellement durable. </p>
<p>C’est le pari que fait ce peuple millénaire.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/203743/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>
Éclairage réaliste de l’aménagement forestier sur le Nitassinan de Pessamit, s’appuyant sur les données des inventaires forestiers du gouvernement du Québec.
Louis De Grandpré, Chercheur en écologie forestière, Conseil des Innus de Pessamit et professeur associé, Université du Québec à Montréal (UQAM)
David Gervais, Biologiste Forestier, Conseil des Innus de Pessamit
Éric Kanapé, Biologiste, Conseil des Innus de Pessamit
Marie-Hélène Rousseau, Ingénieure forestière, Conseil des Innus de Pessamit
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/207095
2023-07-12T15:16:56Z
2023-07-12T15:16:56Z
Des feux « zombies » aux conséquences incertaines de plus en plus fréquents dans les forêts boréales
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/536829/original/file-20230711-30-wdudrx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C1920%2C1440&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Fumée s'élevant d'un incendie actif dans les Territoires du Nord-Ouest.</span> <span class="attribution"><span class="source">(Sander Veraverbeke)</span>, <span class="license">Author provided</span></span></figcaption></figure><p>Les « feux zombies » sont des incendies qui se déclarent pendant une saison des feux, couvent pendant les mois d’hiver sous la neige et <a href="https://doi.org/10.1038/s41561-020-00645-5">réapparaissent au printemps avant que la foudre et les incendies d’origine humaine ne se manifestent à nouveau</a>.</p>
<p>Les gestionnaires des feux de végétation basés au nord préfèrent le terme « feu hibernant », qui est techniquement plus précis. Cela évite également d’alimenter les perceptions négatives omniprésentes à l’égard des feux de forêt qui, dans la région boréale, sont un <a href="https://doi.org/10.1126/science.aaa9092">agent essentiel du renouvellement et de la santé de la forêt</a>.</p>
<hr>
<figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/523895/original/file-20230502-16-gbwpsg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/523895/original/file-20230502-16-gbwpsg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/523895/original/file-20230502-16-gbwpsg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/523895/original/file-20230502-16-gbwpsg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/523895/original/file-20230502-16-gbwpsg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/523895/original/file-20230502-16-gbwpsg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/523895/original/file-20230502-16-gbwpsg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption"></span>
</figcaption>
</figure>
<p><strong>Cet article fait partie de notre série <a href="https://theconversation.com/ca-fr/topics/foret-boreale-138017">Forêt boréale : mille secrets, mille dangers</a></strong></p>
<p><br><em>La Conversation vous propose une promenade au cœur de la forêt boréale. Nos experts se penchent sur les enjeux d’aménagement et de développement durable, les perturbations naturelles, l’écologie de la faune terrestre et des écosystèmes aquatiques, l’agriculture nordique et l’importance culturelle et économique de la forêt boréale pour les peuples autochtones. Nous vous souhaitons une agréable — et instructive — balade en forêt !</em></p>
<hr>
<p>Mais il est difficile de résister à l’utilisation d’une expression dont le message est si fort. Faut-il s’inquiéter des feux « zombies » ? En tant que membres d’une équipe de scientifiques ayant consacré leur carrière à la compréhension de l’évolution des régimes d’incendies boréaux, <a href="https://www.cbc.ca/radio/quirks/sep-10-our-summer-in-the-field-special-1.6577787">nous avons décidé de vérifier par nous-mêmes</a>.</p>
<h2>Comportement inhabituel des feux</h2>
<p>Le comportement du feu fait référence à la façon dont il brûle. Ce comportement apparemment inhabituel des incendies était auparavant peu préoccupant, car les feux hibernants sont difficiles à détecter et <a href="https://www.scientificamerican.com/podcast/episode/a-growing-force-of-fiery-zombies-threatens-cold-northern-forests/">nous pensons qu’ils étaient relativement rares</a>. Nous ne savons donc que très peu de choses sur ces incendies et leurs effets potentiels.</p>
<p>Toutefois, comme le réchauffement rapide du climat entraîne des périodes de feux de forêt plus importantes, plus longues et plus intenses dans le biome boréal, les <a href="https://doi.org/10.1038/s41586-021-03437-y">feux hibernants se multiplient</a>, et les <a href="https://polarjournal.ch/en/2021/06/07/heat-waves-wild-fires-and-zombie-fires-in-the-arctic/">inquiétudes des gestionnaires des feux de végétation et des scientifiques</a> augmentent.</p>
<p>La réinflammation de feux hibernants déclenche la saison des incendies plus tôt que par le passé, ce qui accroît la charge de travail des équipes d’incendie et de pompiers, déjà soumis à de fortes pressions.</p>
<hr>
<p>
<em>
<strong>
À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/les-forets-boreales-nord-americaines-brulent-beaucoup-mais-moins-quil-y-a-150-ans-198635">Les forêts boréales nord-américaines brûlent beaucoup, mais moins qu’il y a 150 ans</a>
</strong>
</em>
</p>
<hr>
<p>Par exemple, la saison des incendies exceptionnellement hâtive et intense cette année en Alberta peut avoir été alimentée en partie par des allumages précoces de feux hibernants, en raison des brûlages de fin de saison dans tout l’ouest du Canada à l’automne dernier.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1582868467812044801"}"></div></p>
<p>Il est clair que des recherches supplémentaires sont nécessaires pour connaître précisément la contribution actuelle ou future des feux hibernants à ces saisons d’incendies intenses.</p>
<h2>Étude des feux dans les régions éloignées</h2>
<p>L’été dernier, notre équipe a visité des sites dans le sud des Territoires du Nord-Ouest qui s’étaient enflammés en 2014, avaient connu un feu hibernant et s’étaient rallumés en 2015. Ces sites ont été associés à des emplacements voisins issus du même feu de 2014 qui n’avaient subi qu’une seule saison d’incendie.</p>
<p>Ce travail a nécessité un groupe interdisciplinaire composé de plusieurs spécialistes. Les experts en télédétection ont identifié nos sites et nous y ont guidés, les spécialistes du carbone du sol ont élaboré les protocoles d’échantillonnage requis pour quantifier les différences dans les pertes de carbone sur les sites de feux saisonniers et hibernants, et les écologistes des forêts qui ont mesuré les effets des feux hibernants sur la structure et la composition de la forêt.</p>
<p>Avec ces emplacements à notre disposition et le soutien considérable de nos partenaires du gouvernement des Territoires du Nord-Ouest, nous avons recueilli les premières données de terrain sur les feux hibernants. Tous les sites potentiels étaient incroyablement éloignés et n’étaient accessibles que par hélicoptère ; notre équipe a pu utiliser un appareil qui se tenait prêt à intervenir en cas d’incendie, la saison des feux se révélant relativement calme.</p>
<h2>Émissions de carbone</h2>
<p>Certaines préoccupations ont été exprimées quant aux répercussions potentielles de ces incendies sur l’écologie et le carbone, mais nous ne disposons actuellement d’aucune donnée à ce sujet. La question la plus pertinente sur le plan social concerne les émissions de carbone et les rétroactions possibles sur le réchauffement climatique.</p>
<p>Une grande partie du biome boréal est caractérisée par des <a href="https://doi.org/10.1038/ngeo2325">sols tourbeux profonds créés par des conditions froides et un drainage déficient</a>. Ces paramètres ralentissent la décomposition et favorisent l’accumulation de matières végétales, souvent de la mousse de tourbe ou <em>Sphagnum</em>, sous forme d’épaisses couches de sol riche en carbone reposant sur le matériel parental sous-jacent. Dans certains endroits, cette épaisseur peut atteindre plusieurs mètres.</p>
<p>On pense que les tourbières boréales emmagasinent <a href="https://doi.org/10.1016/j.gloplacha.2015.02.004">jusqu’à 30 %</a> des stocks de carbone terrestre de la planète. Les menaces qui pèsent sur ces régions risquent donc d’aggraver l’augmentation déjà rapide des concentrations de dioxyde de carbone dans l’atmosphère, qui est à l’origine du réchauffement climatique.</p>
<p>Lorsque ces sols organiques épais sont secs, ils peuvent supporter la combustion profonde et soutenue, nécessaire à la survie hiémale. Les scientifiques considèrent que ces tourbières <a href="https://doi.org/10.1038/s41561-020-00645-5">abriteront la plupart des feux hibernants</a>.</p>
<p>Les feux de végétation menacent également la résilience des forêts boréales. En effet, les brûlages plus profonds et la fréquence accrue des feux entraînent des <a href="https://doi.org/10.1073/pnas.2024872118">changements dans la composition des forêts et, dans certains cas, leur conversion en couvertures terrestres non boisées</a>.</p>
<h2>Absence de renouvellement</h2>
<p>La deuxième préoccupation majeure concerne les résultats de la reconstitution des forêts dans les peuplements forestiers qui sont touchés par des feux hibernants, qui, dans certains cas, brûlent deux fois en autant d’années. Nous pensons que les feux « zombies » conduiront plus souvent à un échec de la régénération — conversion de la forêt en une zone non forestière — pour trois raisons principales.</p>
<p>Premièrement, le réchauffement continu ou répété des semences d’arbres sur le site <a href="https://doi.org/10.1186/s13595-022-01166-4">pourrait entraîner la réduction ou l’absence de sources de semences pour soutenir le renouvellement</a>.</p>
<p>Deuxièmement, l’échauffement ou la combustion des structures racinaires souterraines (appelées rhizomes) qui favorisent la reprise rapide de la végétation après un incendie risque de ralentir la régénération des plantes au sol ou altérer complètement les espèces qui <a href="https://doi.org/10.1371/journal.pone.0056033">se renouvellent dans ces zones</a>.</p>
<p>Enfin, il est possible que le brûlage continu des sols tourbeux engendre une combustion plus profonde modifiant profondément les conditions du lit de semence avec des <a href="https://doi.org/10.1007/s10021-004-0042-x">conséquences pour les processus de régénération forestière</a>.</p>
<p>Entre autres effets, les changements de type de forêt ou l’incapacité de celles-ci à se régénérer affectent la disponibilité de l’habitat de la faune sauvage. Il s’agit d’une question de plus en plus inquiétante, en particulier dans le contexte du <a href="https://wildlife-species.canada.ca/species-risk-registry/virtual_sara/files/plans/Rs-CaribouBorealeAmdMod-v01-2020Dec-Fra.pdf">déclin des populations de caribous en Amérique du Nord</a>.</p>
<h2>Les progrès de la télédétection</h2>
<p>Ce ne sont toutefois que des prévisions. Jusqu’à l’été 2022, il n’existait aucune mesure directe des feux hibernants, étant donné leurs difficultés de détection et d’accès ainsi que du peu d’intérêt qu’ils suscitaient jusqu’à présent pour les gestionnaires.</p>
<p>Cependant, les progrès de la télédétection spatiale ont rendu possible la détection des reprises de feu dès le début du printemps, ce qui, combiné aux informations sur les périmètres des incendies de l’année précédente, <a href="https://doi.org/10.1038/s41586-021-03437-y">permet de détecter et de cartographier avec précision la réinflammation des feux hibernants</a>.</p>
<p>Notre équipe a tiré parti de ces outils pour identifier les sites de feux hibernants qui se sont rallumés en 2015, après la saison des feux de 2014 qui a battu tous les <a href="https://www.cbc.ca/news/canada/north/2014-n-w-t-fire-season-report-what-you-need-to-know-1.3061930">records dans les Territoires du Nord-Ouest</a>.</p>
<p>Nos travaux permettront de savoir où et comment ces incendies sont alimentés dans le paysage boréal. Ils permettront également d’obtenir des informations importantes sur les pertes de carbone dues à ce comportement fascinant, bien que mal compris, des feux de végétation. Parmi celles-ci figurent le potentiel de <a href="https://doi.org/10.1038/s41586-019-1474-y">perte de carbone hérité</a> et les résultats de la régénération forestière altérée, dont les conséquences se répercutent sur les futurs régimes d’incendie et sur la santé de la forêt boréale.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/207095/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jennifer Baltzer reçoit un financement du Programme des chaires de recherche du Canada, du Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada, de Polar Knowledge Canada, de Global Water Futures et du gouvernement des Territoires du Nord-Ouest pour étudier les impacts des perturbations induites par le réchauffement climatique dans les forêts nordiques.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Merritt R. Turetsky reçoit des fonds de la National Science Foundation, de la NASA, du Cold Regions Research and Engineering Lab et du programme Multidisciplinary University Research Initiatives (MURI). Ces subventions et contrats de recherche soutiennent la recherche fondamentale sur la réaction des écosystèmes des hautes latitudes nordiques au dégel du pergélisol et aux incendies de forêt.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Sander Veraverbeke reçoit un financement du Conseil néerlandais de la recherche (NWO) par le biais d'une subvention Vidi (subvention n° 016.Vidi.189.070) et du Conseil européen de la recherche (ERC) par le biais d'une subvention consolidée dans le cadre du programme de recherche et d'innovation Horizon 2020 de l'Union européenne (subvention n° 101000987) afin d'étudier les relations entre le changement climatique et les incendies dans le Nord.</span></em></p>
Les feux « zombies » couvent tout au long de l’hiver et se rallument au printemps. Leur comportement reste peu connu, mais ils peuvent contribuer à une saison des incendies plus précoce et plus longue.
Jennifer Baltzer, Professor and Canada Research Chair in Forests and Global Change, Wilfrid Laurier University
Merritt R. Turetsky, Professor, University of Colorado Boulder
Sander Veraverbeke, Associate Professor, Faculty of Science, Earth and Climate, Vrije Universiteit Amsterdam
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/207398
2023-07-02T16:10:46Z
2023-07-02T16:10:46Z
Un autre regard sur l’évolution contemporaine de la forêt française
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/532486/original/file-20230617-29-bp3zen.JPG?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C1024%2C768&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Des mortalités d’arbres ont été observées de manière récurrente à la suite des sècheresses ou d’autres événements extrêmes. L’expérience montre que ces dépérissements sont rarement totaux : une fraction d’arbres survit à la crise et contribue à la restauration du peuplement quelques décennies après.</span> <span class="attribution"><span class="source">Antoire Kremer</span>, <span class="license">Author provided</span></span></figcaption></figure><p>Les forêts sont aujourd’hui au centre des préoccupations écologiques planétaires. D’une part, elles sont invoquées comme une des solutions au réchauffement climatique grâce à leur capacité de séquestrer du carbone. D’autre part, <a href="https://theconversation.com/climat-dici-2050-71-des-especes-darbres-en-situation-de-risque-a-paris-bordeaux-montpellier-grenoble-et-lyon-190511">leur exposition accrue aux stress</a> engendrés par l’évolution climatique en cours soulève des interrogations.</p>
<p>Cette apparente antinomie sème inquiétudes et angoisses dans nos sociétés, pour qui les forêts représentent le dernier refuge de nature auquel elles ont facilement accès. Ces tensions soulèvent par ailleurs controverses et polémiques dans le débat public et les médias, dont l’écho tend bien souvent à privilégier un diagnostic négatif de l’état actuel des forêts, alimenté par une appréciation plus négative encore de l’action humaine.</p>
<p>Sans préjuger de l’issue de la crise climatique, il nous paraît important de rappeler que des éléments factuels passés et présents témoignent de la <a href="https://theconversation.com/changement-climatique-la-diversite-genetique-a-lorigine-de-ladaptation-des-arbres-203093">résilience des forêts</a>. Notre perception est que l’état actuel des forêts, fruit de l’héritage de l’évolution naturelle et de l’action humaine, ainsi que les connaissances scientifiques acquises sur leur fonctionnement, sont de nature à construire des solutions maintenant leur résilience et répondant aux attentes de la société.</p>
<h2>Des forêts résilientes et en évolution</h2>
<p>Incendies, tempêtes, dépérissements, maladies : la forêt est-elle vraiment dans un état plus déplorable que par le passé ?</p>
<p>L’histoire nous rappelle que les forêts françaises étaient dans des situations bien pires à l’issue des défrichements massifs du Moyen Âge, à la suite des grands froids ou des sécheresses du <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Petit_%C3%A2ge_glaciaire">petit âge glaciaire</a>, ou lors des surexploitations de l’ère industrielle. À des temps plus récents, elles ont souffert d’<a href="https://www.persee.fr/doc/geo_0003-4010_1993_num_102_572_21157">événements extrêmes récurrents</a> (sécheresses de 1921 et 1976, froids de 1956 et 1963, tempêtes de 1999 et 2009).</p>
<p>Ces rappels historiques montrent aussi que les forêts ont à chaque occasion récupéré de ces crises, faisant ainsi preuve de <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0378112717321503">résilience</a> grâce à <a href="https://www.inrae.fr/actualites/levolution-suit-climat-chenes-se-sont-rapidement-adaptes-aux-variations-climatiques-lanthropocene">l’évolution naturelle</a> et à l’intervention humaine.</p>
<p>Toutes ces références historiques, certes rassurantes, ne doivent pas se substituer aux données objectives du présent.</p>
<p>Aujourd’hui, les forêts sont soumises <a href="https://agriculture.gouv.fr/la-lettre-du-dsf-bilan-de-la-sante-des-forets-202">à des contraintes nouvelles</a>, générant des altérations accélérées auxquelles notre société n’était pas préparée : dépérissements chroniques, mortalités diffuses, colonisations d’espaces nouveaux. Mais il s’agit là de trajectoires évolutives attendues en pareilles circonstances ; elles ont déjà marqué l’histoire passée des forêts.</p>
<p>Il faudra s’accommoder de forêts en mouvement et quitter l’idée peut-être rassurante, mais illusoire, d’évolution vers un état d’équilibre. Ces perturbations sont souvent perçues comme l’annonce d’une catastrophe imminente. Mais elles sont surtout la manifestation des capacités des forêts à évoluer, à générer de nouvelles forêts dont la composition en espèces sera différente.</p>
<p>Là encore, l’histoire nous rappelle qu’au cours de changements environnementaux antérieurs (comme ceux qui ont marqué la dernière colonisation post-glaciaire il y a 12 000 ans), la résilience des forêts leur ont permis, non seulement d’éviter toute extinction d’espèce ligneuse au cours de cette période, mais aussi de <a href="https://www.gbv.de/dms/goettingen/239575741.pdf">générer une forêt nouvelle</a> dont nous avons hérité à l’issue de plusieurs millénaires d’évolution et d’intervention humaine et que nous considérons aujourd’hui comme une référence.</p>
<p>Cependant, ces rappels historiques ne rassurent pas pour autant sur l’issue de l’évolution en cours. La rapidité et l’intensité du changement climatique, dont les références historiques sur les conséquences forestières font défaut, amplifient l’incertitude portant sur l’avenir des forêts.</p>
<p>Et si les réponses adaptatives des forêts au changement climatique seront marquées d’une certaine inertie liée à leurs capacités intrinsèques d’évolution, un accompagnement de l’adaptation par l’intervention humaine s’avérera nécessaire pour éviter un scénario de rupture.</p>
<h2>Un autre regard sur l’action humaine</h2>
<p>Ce bref aperçu historique des forêts métropolitaines et de leur évolution actuelle interroge sur la contribution des humains. Quel regard porter sur son action passée ?</p>
<p>L’<a href="https://www.ign.fr/reperes/la-foret-en-france-portrait-robot">institut forestier national</a> nous rappelle que la forêt française est parmi les plus diversifiées en Europe, non seulement en espèces d’arbres, mais aussi en méthodes de sylviculture. C’est cette diversité qui a permis de répondre aux multiples services écosystémiques attendus des forêts.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/532487/original/file-20230617-19-trjnc2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Photo a : arbres assez écartés, pas de couverture végétale au sol ; photo b : arbres moins bien alignés, plus de couverture végétale au sol" src="https://images.theconversation.com/files/532487/original/file-20230617-19-trjnc2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/532487/original/file-20230617-19-trjnc2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=227&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/532487/original/file-20230617-19-trjnc2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=227&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/532487/original/file-20230617-19-trjnc2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=227&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/532487/original/file-20230617-19-trjnc2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=285&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/532487/original/file-20230617-19-trjnc2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=285&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/532487/original/file-20230617-19-trjnc2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=285&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Cette figure illustre deux types de sylviculture, régulière (a) et irrégulière (b), qui ont souvent été opposées, mais qui toutes deux ont leurs mérites au regard de la durabilité et du renouvellement des forêts, et méritent d’être explorées dans le contexte du changement climatique.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Antoine Kremer</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>À titre d’exemple, l’action très volontariste de reconstitution de forêts par plantation pour lutter contre l’érosion (<a href="https://www.onf.fr/vivre-la-foret/+/fb4::la-grande-histoire-des-forets-episode-le-reboisement-des-massifs-montagneux-salvateur-et-protecteur.html">restauration de terrains de montagne</a>) ou d’installation de novo de forêts sur des milieux très appauvris (<a href="https://www.onf.fr/vivre-la-foret/raconte-moi-la-foret/lhistoire-des-forets/+/ff5::la-grande-histoire-des-forets-episode-landes-de-gascogne-sologne-contre-le-paludisme-des-forets-pour-assainir.html">Landes de Gascogne ou de Sologne</a>, dunes atlantiques) a non seulement contribué à la protection des milieux, mais a aussi considérablement renforcé le puits de carbone que nous revendiquons aujourd’hui, et répondu aux besoins de matière première (bois et fibres).</p>
<p>[<em>Plus de 85 000 lecteurs font confiance aux newsletters de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde</em>. <a href="https://memberservices.theconversation.com/newsletters/?nl=france&region=fr">Abonnez-vous aujourd’hui</a>]</p>
<p>Ce tableau n’occulte pas les actions qui ont pu au contraire amplifier l’exposition des forêts aux crises écologiques actuelles (abus de reboisement de conifères dans des zones inappropriées dans le cadre du <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Fonds_forestier_national">Fonds Forestier National</a>, <a href="https://hal-agroparistech.archives-ouvertes.fr/hal-03035102/document">introductions de bioagresseurs invasifs</a>).</p>
<p>Mais le bilan de l’action anthropique au regard des capacités de résilience des forêts est sans doute plus positif que celui régulièrement véhiculé par les médias.</p>
<p>Dans une vision plus large, on peut également mettre au crédit de l’action humaine l’enrichissement, ou la restauration de la diversité spécifique de nos forêts, considérablement affectée par les extinctions qui ont marqué l’histoire du quaternaire.</p>
<p>Alors que les introductions d’arbres sont souvent perçues comme des expositions accrues à des risques écologiques nouveaux (invasibilité, introduction de maladies), une vision alternative considère l’introduction comme une restauration d’une diversité perdue, et sa contribution potentielle à la résilience face au défi climatique.</p>
<p>Il ne s’agit pas là d’une appropriation de toutes les introductions d’espèces, faites souvent de manière aveugle et anarchique. Mais d’un enrichissement basé sur une évaluation et une sélection antérieure faites dans des collections ou des expérimentations sur le long terme (arboretums ou essais de provenances) ayant abouti à des populations désormais acclimatées et adaptées à nos territoires. À titre d’exemples, on peut citer les cèdres du Liban et de l’Atlas, le Mélèze du Japon, le Douglas originaire d’Amérique du Nord.</p>
<h2>Accompagner l’évolution actuelle en assurant une pluralité des sylvicultures</h2>
<p>Le regard sur l’action humaine passée conduit inévitablement à celui de ses initiatives sur l’évolution contemporaine et future des forêts. Depuis sa présence en Europe, son empreinte a été continue pour répondre à ses besoins, aboutissant in fine à la multifonctionnalité des forêts aujourd’hui revendiquée par nos sociétés.</p>
<p>Mais les enjeux et les attentes se sont accrus au point de devenir antinomiques en termes de gestion. Comment satisfaire, par exemple, à la fois ceux pour qui la forêt représente un <a href="https://theconversation.com/la-vie-des-arbres-un-debat-a-revoir-en-ligne-151427">idéal de naturalité</a>, et ceux qui la considèrent comme une ressource indispensable à l’économie ou à la transition écologique ?</p>
<p>Face à la disparité des enjeux et à l’incertitude relative aux mutations en cours, l’inaction conduirait inévitablement à contraindre l’évolution et à limiter les solutions. Au contraire, l’intervention humaine peut faciliter l’adaptation des forêts, en particulier en garantissant une pluralité des modes de gestion, c’est-à-dire accepter que certaines forêts favorisent un service écosystémique au détriment d’un autre.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/532488/original/file-20230617-17-ceqfg4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Mosaïque de paysages vus du ciel" src="https://images.theconversation.com/files/532488/original/file-20230617-17-ceqfg4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/532488/original/file-20230617-17-ceqfg4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=311&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/532488/original/file-20230617-17-ceqfg4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=311&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/532488/original/file-20230617-17-ceqfg4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=311&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/532488/original/file-20230617-17-ceqfg4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=391&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/532488/original/file-20230617-17-ceqfg4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=391&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/532488/original/file-20230617-17-ceqfg4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=391&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">La pluralité des sylvicultures revendiquée dans le texte se comprend également au niveau spatial. Conjuguée à la diversité des espèces ligneuses, elle maintient des interfaces variées entre écosystèmes différents (paysages agricoles et forestiers) favorables à la biodiversité tout en assurant la multifonctionnalité des forêts.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.geoportail.gouv.fr/carte">IGN</a>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Le pin maritime offre un excellent exemple à cet égard : cultivé de manière intensive en plantations artificielles dans les landes de Gascogne, il répond principalement à la séquestration de carbone et à la production de matière première (bois, fibre). Mais régénéré de manière naturelle dans les dunes atlantiques, il contribue à la préservation des milieux et à la fixation des dunes.</p>
<p>Dans son acception la plus large, le terme d’intervention doit être compris depuis l’absence d’action anthropique (évolution libre) jusqu’à une domestication accrue (sylviculture intensive). Pour cela, des sylvicultures variées doivent être encouragées et non opposées. Aucune sylviculture n’est meilleure qu’une autre dans l’absolu, en particulier dans un contexte changeant, et il serait illusoire d’essayer d’identifier une sylviculture qui permettrait de répondre à l’ensemble des enjeux.</p>
<p>C’est donc cette mosaïque de forêts, dont l’agencement doit être pensé à différentes échelles spatiales pour prendre en compte les interfaces avec les autres milieux, qui sera porteuse d’une diversité utile pour affronter le défi climatique.</p>
<p>Nous avons les atouts pour mettre en œuvre des politiques publiques volontaristes en ce sens, à savoir une diversité de forêts façonnées par des générations de forestiers et un corpus de connaissances scientifiques et empiriques accumulées durant ces dernières décennies. Enfin, la société elle-même manifeste un intérêt réel à s’approprier cette réflexion.</p>
<p>Le temps n’est plus à des décisions verticales et dirigistes, mais à des politiques publiques démocratiquement consenties après un débat éclairé. Notre espoir est qu’il y ait un véritable débat public au niveau national autour de cette pluralité aboutissant à des choix démocratiquement acceptés.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/207398/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>
Incendies, sécheresses… Les dommages forestiers sont au centre des préoccupations actuelles. Mais les forêts sont capables de survivre, surtout si elles sont aidées par l’action humaine.
Antoine Kremer, Directeur de recherches émérite, Inrae
Laurent Bouffier, Chercheur en génétique forestière, Inrae
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/201435
2023-06-15T07:11:27Z
2023-06-15T07:11:27Z
Le réchauffement climatique modifie la forêt boréale et la toundra canadiennes
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/515587/original/file-20230315-2597-i6ezz2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C5447%2C3059&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les effets des changements climatiques sur la forêt boréale canadienne sont complexes.</span> <span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span></figcaption></figure><p>Le réchauffement climatique a des effets sur la forêt boréale – l’évolution de la situation dépendra du climat, de la végétation et de la fréquence et de l’intensité des feux de forêt. Le Nord peut connaître différents changements, comme une augmentation et une diminution de la croissance des feuilles, appelées <a href="https://www.nature.com/articles/s41558-019-0688-1">verdissement et brunissement arctiques</a>, une <a href="https://www.arctictoday.com/shrubification-mean-arctic/">croissance accrue des arbustes</a> et un <a href="https://doi.org/10.1007/s11629-020-6221-1">déplacement de la limite des arbres</a>. C’est l’interaction entre le feu, le climat et le temps qui détermine la nature de la toundra forestière d’aujourd’hui et la façon dont elle évolue en réponse à la variabilité climatique.</p>
<h2>Paysages qui s’enflamment et fronts météorologiques</h2>
<p>Les incendies constituent un élément important de la région boréale, car ils brûlent les vieux arbres et permettent la régénération de la forêt. Après un feu, les arbustes et les arbres feuillus poussent rapidement et forment la canopée, avant d’être remplacés par des épinettes à croissance plus lente. Il en résulte un paysage constitué d’une mosaïque de parcelles, chacune de la taille d’un incendie.</p>
<p>Une augmentation du nombre d’incendies pourrait faire en sorte qu’une plus grande partie du paysage se trouve à un stade précoce de la croissance post-incendie, avec notamment des arbustes et des arbres feuillus qui sont moins inflammables. À l’heure actuelle, la forêt est davantage inflammable, car le passé récent fait en sorte que le paysage est majoritairement dominé par les épinettes.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/513485/original/file-20230304-2482-h5a5e1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="une rangée d’arbres sur une colline" src="https://images.theconversation.com/files/513485/original/file-20230304-2482-h5a5e1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/513485/original/file-20230304-2482-h5a5e1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/513485/original/file-20230304-2482-h5a5e1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/513485/original/file-20230304-2482-h5a5e1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/513485/original/file-20230304-2482-h5a5e1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/513485/original/file-20230304-2482-h5a5e1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/513485/original/file-20230304-2482-h5a5e1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">On peut voir à l’arrière-plan les séquelles d’un incendie récent.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Konrad Gajewski)</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>La nature de la toundra forestière dépend de la variabilité de la position du front arctique et de l’historique des feux de forêt de la région, mais aussi de son histoire des derniers millénaires.</p>
<h2>La toundra forestière québécoise</h2>
<p>La limite des arbres, c’est-à-dire l’endroit où la forêt rencontre la toundra, peut s’étendre sur des dizaines, voire des centaines de kilomètres. Son emplacement correspond à la <a href="https://doi.org/10.1002/joc.1940">position moyenne du front arctique</a> – une zone de transition entre une masse d’air arctique froide et de l’air plus chaud.</p>
<p>Dans le nord du Québec, la <a href="https://doi.org/10.1641/0006-3568(2001)051%5B0709:TSFTTS%5D2.0.CO;2">zone de toundra forestière est vaste</a>. Dans la <a href="https://cwfis.cfs.nrcan.gc.ca/renseignements/fueltypes/c1">pessière à lichens</a>, les arbres croissent sur l’ensemble du territoire. Après un incendie, les arbres repoussent, car la saison de croissance est suffisamment longue pour permettre aux jeunes plants de survivre.</p>
<p>Plus au nord, le sommet des collines n’a plus d’arbres et l’altitude où commence la végétation de la toundra est de plus en plus basse, couvrant de plus en plus le paysage. Les arbres poussent encore à basse altitude et se régénèrent après un incendie.</p>
<p>Si on continue vers le nord, la toundra couvre encore davantage le paysage, et les épinettes ne poussent plus qu’autour des lacs ou dans les vallées. Elles prennent une forme rabougrie, qu’on appelle <a href="https://doi.org/10.2307/3673062">krummholz</a>, car leur croissance est ralentie par les conditions froides et venteuses. Les épinettes adoptent cette forme arbustive lorsqu’elles sont soumises à un stress, les branches restant près du sol et seules quelques pousses dépassant le niveau de la neige.</p>
<p>Une petite colonie de krummholz peut se maintenir pendant des siècles dans des conditions qui ne sont pas optimales. Après un incendie, les épinettes meurent et il n’y a pas de reproduction, de sorte qu’au fil des siècles, cette zone devient progressivement déboisée. Toutefois, si le climat change favorablement, les arbres reprennent une croissance normale et peuvent établir de nouvelles populations par le biais de graines.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/513483/original/file-20230304-26-58pqx7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="un groupe d’épicéas poussant de manière rabougrie" src="https://images.theconversation.com/files/513483/original/file-20230304-26-58pqx7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/513483/original/file-20230304-26-58pqx7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=404&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/513483/original/file-20230304-26-58pqx7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=404&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/513483/original/file-20230304-26-58pqx7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=404&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/513483/original/file-20230304-26-58pqx7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=508&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/513483/original/file-20230304-26-58pqx7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=508&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/513483/original/file-20230304-26-58pqx7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=508&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Épinettes dans une colonie de krummholz dans le nord du Québec.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Konrad Gajewski)</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Histoire des changements climatiques</h2>
<p>De longues périodes de refroidissement ou de réchauffement entraînent le déplacement de différentes zones vers le sud ou vers le nord. Quand le climat se réchauffe, les arbres poussent plus au nord, ce qui n’est pas le cas pendant les périodes froides.</p>
<p>Lorsque la calotte glaciaire qui recouvrait la quasi-totalité du Canada a fondu, il y a entre 20 000 et 6 000 ans, les plantes ont migré vers le nord. Dans la région du delta du Mackenzie, dans les Territoires du Nord-Ouest, la glace s’est retirée relativement tôt et les arbres sont arrivés il y a plus de 10 000 ans.</p>
<p>À mesure que la calotte glaciaire poursuivait sa fonte, dénudant le centre du Canada, le <a href="https://doi.org/10.1016/j.gloplacha.2015.02.003">climat se refroidissait dans le nord du Yukon et dans la région du delta du Mackenzie, mais se réchauffait dans le centre du Canada</a>, il y a entre 8 000 et 5 000 ans. Les arbres ne pouvant survivre dans la région la plus au nord du delta du Mackenzie, la limite des arbres s’est déplacée vers le sud. Dans la partie centrale du Canada, les arbres pouvaient désormais pousser plus au nord. Plus tard, lorsque la glace a disparu au Québec, les arbres y ont migré vers le nord. Ce mouvement a été rapide, et les changements dans les différentes régions se sont produits de manière synchronisée, mais déphasée.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/509571/original/file-20230211-14-z6pigq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="ALT" src="https://images.theconversation.com/files/509571/original/file-20230211-14-z6pigq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/509571/original/file-20230211-14-z6pigq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=413&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/509571/original/file-20230211-14-z6pigq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=413&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/509571/original/file-20230211-14-z6pigq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=413&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/509571/original/file-20230211-14-z6pigq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=519&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/509571/original/file-20230211-14-z6pigq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=519&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/509571/original/file-20230211-14-z6pigq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=519&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">La toundra forestière (limite des arbres) dans le nord du Québec. En haut à gauche : forêt à lichens. En haut à droite : sous-zone arborée du sud de la toundra forestière. En bas à gauche : sous-zone arbustive du nord de la toundra forestière. En bas à droite : toundra arbustive.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Konrad Gajewski)</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Migration des plantes et déplacement de la limite des arbres</h2>
<p>La migration des plantes en réponse aux changements climatiques fonctionne de deux façons. Le réchauffement peut occasionner une lente migration vers le nord. Les graines sont dispersées loin de la plante mère et, si les conditions climatiques sont favorables, chaque génération peut s’établir un peu plus au nord. Comme le climat est toujours variable, ce phénomène se produit par à-coups.</p>
<p>Un deuxième mécanisme – plus important – est la migration sur une longue distance. Le transport de graines ou d’arbres entiers par les rivières, la neige ou la glace, ou par des oiseaux ou des animaux, permet une migration pouvant aller jusqu’à des milliers de kilomètres en très peu de temps. <a href="https://doi.org/10.1016/j.gloplacha.2015.09.006">C’est ce qui semble s’être produit dans le passé</a>, et ce processus assure une migration rapide vers de nouvelles zones sous l’effet d’un réchauffement climatique.</p>
<h2>Réchauffement actuel</h2>
<p>Au cours des 4 000 dernières années, un refroidissement de longue durée, appelé néoglaciation, est <a href="https://doi.org/10.1016/j.quascirev.2018.12.025">à l’origine de la nature de la toundra forestière d’aujourd’hui</a>. Auparavant, les populations d’arbres étaient plus abondantes dans le nord du Québec. Avec le refroidissement, les arbres sont devenus des arbustes et ont cessé de se reproduire. Les incendies en ont éliminé une partie et, comme il n’y avait pas de reproduction, la région a pris son aspect actuel.</p>
<p>Aujourd’hui, à mesure que le climat se réchauffe, les krummholz vont s’étendre, croître et se reproduire. Il existe donc une vaste zone que les arbres peuvent coloniser, ce qui laisse supposer que la limite des arbres pourrait se déplacer rapidement vers le nord. Le transport de graines sur de longues distances dans le nord du Canada permettra également une migration rapide.</p>
<p>Il convient toutefois de tenir compte de l’incidence relative du réchauffement climatique et de l’augmentation des incendies. Ainsi, le réchauffement actuel du nord du pays aura des effets complexes sur la végétation nordique, les régions n’y réagissant pas toutes de la même façon, certains processus se produisant rapidement et d’autres beaucoup plus tard.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/201435/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Konrad Gajewski a reçu des financements du CRSNG.</span></em></p>
La forêt boréale canadienne est affectée par le réchauffement de la planète, le changement climatique et la fréquence des feux de forêt.
Konrad Gajewski, Professor, Geography, Environment and Geomatics, L’Université d’Ottawa/University of Ottawa
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/195341
2023-06-14T17:32:11Z
2023-06-14T17:32:11Z
Le changement climatique rend les arbres plus grands, mais plus faibles
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/532037/original/file-20230614-19-8c08cr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=62%2C0%2C7008%2C4668&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Des températures plus chaudes pourraient allonger la saison de croissance des arbres et, conséquemment, augmenter leur taux de croissance.</span> <span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span></figcaption></figure><p>Alors que les <a href="https://public.wmo.int/fr/medias/communiqu%C3%A9s-de-presse/aggravation-des-impacts-du-changement-climatique-dans-le-contexte-des">températures de la planète augmentent</a>, les arbres des zones froides peuvent profiter d’une <a href="https://www.nature.com/articles/ncomms5967">saison de croissance prolongée</a>. Une période de croissance plus longue se traduit par des cernes de croissance plus épais et, par le fait même, par une accumulation de bois plus élevée. </p>
<hr>
<figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/523895/original/file-20230502-16-gbwpsg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/523895/original/file-20230502-16-gbwpsg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/523895/original/file-20230502-16-gbwpsg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/523895/original/file-20230502-16-gbwpsg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/523895/original/file-20230502-16-gbwpsg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/523895/original/file-20230502-16-gbwpsg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/523895/original/file-20230502-16-gbwpsg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption"></span>
</figcaption>
</figure>
<p><strong>Cet article fait partie de notre série <a href="https://theconversation.com/ca-fr/topics/foret-boreale-138017">Forêt boréale : mille secrets, mille dangers</a></strong></p>
<p><br><em>La Conversation vous propose une promenade au cœur de la forêt boréale. Nos experts se penchent sur les enjeux d’aménagement et de développement durable, les perturbations naturelles, l’écologie de la faune terrestre et des écosystèmes aquatiques, l’agriculture nordique et l’importance culturelle et économique de la forêt boréale pour les peuples autochtones. Nous vous souhaitons une agréable – et instructive – balade en forêt !</em></p>
<hr>
<p>Cependant, des études suggèrent que des saisons de croissance plus longues affaiblissent le bois, ce qui rend les arbres plus faibles au niveau structurel. Le tronc se casserait donc plus facilement à cause du bois de moins bonne qualité.</p>
<p>En tant qu’écologistes forestiers spécialisés dans l’anatomie et la croissance du bois, nous citons dans cet article les études scientifiques les plus récentes dans l’optique de tenter de dessiner l’avenir de nos forêts et d’analyser les relations entre le calendrier des saisons de croissance et la manière dont elles définissent les caractéristiques du bois produit.</p>
<h2>Le bois : qu’est-ce que c’est ?</h2>
<p><a href="https://doi.org/10.1093/aob/mcac110">Le bois</a> est le résultat de l’accumulation progressive de cellules – cellules du xylème – dans les arbres. Cette accumulation a pour but de renouveler le système de transport de la sève et d’assurer un support mécanique à la tige, aux branches et aux feuilles. </p>
<p>Un cerne est le produit d’une <a href="https://theconversation.com/les-changements-climatiques-modifient-le-rythme-saisonnier-du-cycle-de-vie-des-plantes-181812">saison de croissance</a> qui, dans les milieux tempérés et boréaux, s’étale entre le printemps et l’automne. Chaque année, un nouveau cerne de croissance se forme. L’<a href="https://doi.org/10.1093/aob/mcac110">épaisseur d’un cerne</a> dépend d’un ensemble de facteurs inhérents à l’arbre (espèce, génétique) et de facteurs environnementaux (le type de sol, l’exposition au soleil, le climat et la compétition entre arbres avoisinants). </p>
<p>Chez certaines espèces, notamment chez les conifères, il est souvent facile de distinguer les cernes les uns des autres. Cela s’explique par le fait que, lors de la saison de croissance, l’arbre produit deux types de bois caractérisés par des cellules de forme et fonction différentes.</p>
<p>Au printemps, l’arbre produit de nombreuses cellules de grande taille et de couleur pâle en raison d’une paroi cellulaire mince. Cette partie du cerne annuel est appelée « bois initial ». À la fin de l’été, la croissance ralentit. Les cellules deviennent plus petites, mais leurs parois plus épaisses. Ce « bois final » constitue la portion foncée du cerne annuel. </p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/514939/original/file-20230313-23-18zjsu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Grand morceau circulaire de coupe de bois avec motif de texture des anneaux d’arbre et fissures, gros plan" src="https://images.theconversation.com/files/514939/original/file-20230313-23-18zjsu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/514939/original/file-20230313-23-18zjsu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/514939/original/file-20230313-23-18zjsu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/514939/original/file-20230313-23-18zjsu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/514939/original/file-20230313-23-18zjsu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/514939/original/file-20230313-23-18zjsu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/514939/original/file-20230313-23-18zjsu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">L’épaisseur d’un cerne dépend d’un ensemble de facteurs inhérents à l’arbre (espèce, génétique) et de facteurs environnementaux (le type de sol, l’exposition au soleil, le climat et la compétition entre arbres avoisinants).</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Les caractéristiques des cellules du bois sont particulièrement importantes et présentent un intérêt écologique et économique. Tout d’abord, les <a href="https://www.nature.com/articles/nplants2015160">parois des cellules du bois reçoivent la plupart du carbone séquestré de l’atmosphère</a> par les arbres. Ainsi, une paroi plus épaisse correspond à une plus grande quantité de carbone accumulé. Ensuite, le rapport entre le nombre de cellules du bois initial et celui du bois final est une caractéristique qui définit la densité du bois et, par conséquent, son utilisation potentielle et sa valeur matérielle.</p>
<h2>Les arbres poussent plus vite</h2>
<p>Au cours du dernier siècle, dans les <a href="https://www.nature.com/articles/s41467-022-33196-x">régions tempérées d’Amérique du Nord</a> et <a href="https://www.nature.com/articles/ncomms5967">d’Europe</a>, les arbres ont montré un taux de croissance plus rapide, jusqu’à 77 % supérieur à celui du siècle précèdent. Cette augmentation est liée à la production de cernes de croissance plus épais.</p>
<p>À première vue, une croissance plus rapide pourrait être interprétée comme une plus grande production de biomasse, ce qui entraînerait une plus grande capacité de stockage de carbone et, par conséquent, une plus grande contribution de nos forêts à la lutte contre les changements climatiques. En d’autres termes, un taux de croissance plus élevé pourrait indiquer que davantage de bois serait disponible pour nos besoins les plus variés. </p>
<p>Mais <a href="https://docplayer.fr/85611-Tout-est-bien-qui-finit-bien-william-shakespeare.html">comme écrivait William Shakespeare</a>, « souvent, l’attente échoue là même où elle promet le plus ». </p>
<h2>Les arbres meurent plus jeunes</h2>
<p><a href="https://doi.org/10.1016/j.foreco.2018.07.045">Une étude de l’Université technique de Munich</a> en Allemagne a analysé le taux de croissance des arbres et les caractéristiques de leur bois au cours du dernier siècle. Ils ont constaté que, lors d’une augmentation du taux de croissance, la densité du bois chutait de 8 à 12 %. </p>
<p>De plus, à mesure que la densité de bois diminuait, la teneur en carbone <a href="https://doi.org/10.1016/j.foreco.2018.07.045">diminuait également d’environ 50 %</a>. Cela suggérait que les arbres ont extrait moins de dioxyde de carbone (CO<sub>2</sub>) de l’atmosphère.</p>
<p>Au-delà d’une capacité réduite à absorber et à accumuler le carbone atmosphérique, un bois à densité réduite <a href="https://doi.org/10.1016/j.foreco.2008.06.025">peut affaiblir la résistance structurelle des tiges</a>. Le bois remplit la fonction importante de support des arbres. La réduction de sa densité s’accompagne donc d’une <a href="https://doi.org/10.1016/j.foreco.2008.06.025">moindre résistance aux sollicitations mécaniques</a> comme, par exemple, l’action du vent ou l’effet de la gravité dans les pentes escarpées.</p>
<p>Pour compliquer davantage les choses, une autre étude récente a démontré l’existence d’une association entre <a href="https://www.nature.com/articles/s41467-020-17966-z">croissance et durée de vie dans les arbres</a> : les individus à croissance rapide ont une espérance de vie plus courte.</p>
<hr>
<p>
<em>
<strong>
À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/les-changements-climatiques-modifient-le-rythme-saisonnier-du-cycle-de-vie-des-plantes-181812">Les changements climatiques modifient le rythme saisonnier du cycle de vie des plantes</a>
</strong>
</em>
</p>
<hr>
<h2>Trop, c’est comme pas assez</h2>
<p>Dans <a href="https://www.nature.com/articles/s41598-023-31336-x">notre dernière étude</a>, nous avons quantifié les relations entre la durée de la saison de croissance, la productivité et les caractéristiques des cellules du bois du sapin baumier.</p>
<p>L’<a href="https://www.nature.com/articles/s41598-023-31336-x">étude</a> a confirmé que les arbres ayant une saison de croissance plus longue produisent davantage de cellules de bois et un cerne de croissance plus épais. Cependant, une croissance plus élevée correspond également à une modification du rapport entre la quantité de bois initial et final. Pour chaque jour d’augmentation de la durée de la saison de croissance, les arbres produisaient une cellule supplémentaire de bois initial.</p>
<p>L’augmentation du ratio entre bois initial et bois final se traduit par la diminution de la densité du bois. Cela démontre qu’une augmentation de la croissance en volume ne correspond pas nécessairement à une plus grande production de biomasse.</p>
<h2>Quel avenir pour nos forêts ?</h2>
<p>La température <a href="https://public.wmo.int/fr/medias/communiqu%C3%A9s-de-presse/aggravation-des-impacts-du-changement-climatique-dans-le-contexte-des">globale moyenne a dépassé d’environ 1,15 °C la moyenne préindustrielle</a> (1850-1900). Et elle devrait encore augmenter dans les années à venir. Des températures plus chaudes pourraient allonger la saison de croissance des arbres et, conséquemment, augmenter leur taux de croissance.</p>
<p>Alors que, d’une part, nous pourrions assister à l’expansion de nos forêts au niveau mondial, le taux d’absorption de carbone des forêts pourrait être susceptible de diminuer. </p>
<p>Même si nos forêts apporteront une <a href="https://www.nature.com/articles/s41467-022-33196-x">contribution substantielle à la lutte contre le changement climatique</a>, les résultats de ces études sont une preuve supplémentaire que la résolution des problèmes environnementaux ne peut se passer d’une action directe sur les causes qui déclenchent les changements globaux. </p>
<p>Dans le contexte du changement climatique, une réduction des émissions anthropiques qui causent le réchauffement de notre planète n’est plus une option à négocier ou à reporter.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/195341/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Roberto Silvestro a reçu la bourse d'excellence pour les doctorants internationaux (PBEEE) attribuée par le Fonds de Recherche du Québec - Nature et Technologies (FRQNT).</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Sergio Rossi a reçu des financements de CRSNG, FRQNT, MFFP </span></em></p>
Une augmentation de la période de croissance des arbres, en raison du réchauffement planétaire, ne correspond pas nécessairement à une plus grande production de biomasse de bois.
Roberto Silvestro, PhD Candidate, Biology, Université du Québec à Chicoutimi (UQAC)
Sergio Rossi, Professor, Département des Sciences Fondamentales, Université du Québec à Chicoutimi (UQAC)
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/196624
2023-06-07T15:21:52Z
2023-06-07T15:21:52Z
Les effets invisibles des activités humaines sur la nature
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/508427/original/file-20230206-29-7cs1ui.JPG?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C4608%2C3373&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Lac entourant un site minier au Nord-du-Québec.</span> <span class="attribution"><span class="source">(Maxime Thomas)</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span></figcaption></figure><p>Les discussions tenues lors de la récente COP15 ont permis, encore une fois, de mettre en lumière les <a href="https://naturequebec.org/finalement-une-bonne-ou-une-bad-cop-la-cop15/">conséquences des activités humaines sur la faune et la flore</a>. De nombreuses espèces sont <a href="https://doi.org/10.1016/j.scitotenv.2022.158038">forcées de migrer</a>, <a href="https://www.un.org/sustainabledevelopment/blog/2019/05/nature-decline-unprecedented-report/">voient leurs populations décliner, ou, pire, sont en voie d’extinction</a>. Par exemple, les populations de caribou forestier (<em>Rangifer tarandus</em>) sont en déclin en <a href="https://www.canada.ca/en/environment-climate-change/services/species-risk-public-registry/cosewic-assessments-status-reports/caribou-specific-populations-2014/part-2.html">raison de la dégradation de leurs habitats par les coupes forestières</a>.</p>
<hr>
<figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/523895/original/file-20230502-16-gbwpsg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/523895/original/file-20230502-16-gbwpsg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/523895/original/file-20230502-16-gbwpsg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/523895/original/file-20230502-16-gbwpsg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/523895/original/file-20230502-16-gbwpsg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/523895/original/file-20230502-16-gbwpsg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/523895/original/file-20230502-16-gbwpsg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption"></span>
</figcaption>
</figure>
<p><strong>Cet article fait partie de notre série <a href="https://theconversation.com/ca-fr/topics/foret-boreale-138017">Forêt boréale : mille secrets, mille dangers</a></strong></p>
<p><br><em>La Conversation vous propose une promenade au cœur de la forêt boréale. Nos experts se penchent sur les enjeux d’aménagement et de développement durable, les perturbations naturelles, l’écologie de la faune terrestre et des écosystèmes aquatiques, l’agriculture nordique et l’importance culturelle et économique de la forêt boréale pour les peuples autochtones. Nous vous souhaitons une agréable – et instructive – balade en forêt !</em></p>
<hr>
<p>Cependant, les conséquences des activités humaines ne sont pas toujours visibles. Avant d’être poussées au déclin, <a href="https://doi.org/10.1111/j.1365-294X.2007.03484.x">certaines espèces peuvent s’adapter aux perturbations de leur habitat</a>, mais jusqu’à un certain point. C’est notamment le cas des plantes, qui n’ont pas l’option d’éviter les perturbations de leur environnement en se déplaçant, et doivent donc subir les conséquences des activités humaines. </p>
<p>Nos travaux en écologie forestière, réalisés à l’Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue (UQAT), nous permettent de faire la démonstration des effets invisibles des activités humaines sur la flore boréale. </p>
<h2>S’adapter, mais pas sans conséquences…</h2>
<p>La capacité d’adaptation des plantes est une arme à double tranchant. D’un côté, elle permet de retarder le déclin des populations dû aux activités humaines. De l’autre, elle peut nous conduire à sous-estimer les conséquences des activités humaines sur l’environnement. Ni vu, ni connu !</p>
<p>Lorsqu’une espèce s’adapte aux perturbations de son habitat, ses propriétés nutritionnelles et médicinales peuvent changer. En effet, les plantes produisent des composés chimiques en réaction aux perturbations de leur habitat. <a href="https://www.canada.ca/fr/sante-canada/services/aliments-nutrition/rapports-publications/salubrite-aliments/glyco-alcaloides-aliments.html">Certains de ces composés peuvent avoir des effets nocifs sur la santé des personnes qui consomment les plantes</a>. Les toxines contenues dans les graines de <a href="https://m.espacepourlavie.ca/flore-biodome/if-du-canada-buis-de-sapin-sapin-trainard">l’if du Canada</a> et dans les feuilles du <a href="https://espacepourlavie.ca/flore-biodome/kalmia-feuilles-etroites">kalmia à feuilles étroites</a> en sont de bons exemples en forêt boréale.</p>
<p><a href="https://doi.org/10.1016/j.jarmap.2018.11.004">D’autres composés sont, au contraire, recherchés pour leurs vertus sur la santé humaine</a>. Par exemple, les antioxydants, très prisés dans l’alimentation pour leurs effets bénéfiques sur la santé, ont comme fonction première de <a href="https://doi.org/10.1007/978-981-10-5254-5_1">protéger les plantes du soleil et de divers polluants</a>. On peut penser par exemple aux <a href="http://www5.agr.gc.ca/resources/prod/doc/misb/fb-ba/nutra/pdf/polyphenols_fra.pdf">polyphénols contenus dans certains petits fruits de la forêt boréale, comme le bleuet et la canneberge</a>.</p>
<h2>… en particulier pour les communautés autochtones</h2>
<p>Les personnes dont l’alimentation est constituée de plantes sauvages sont particulièrement touchées par les changements de composition chimique induits par leur adaptation aux perturbations. C’est le cas des communautés autochtones, qui <a href="https://mackiki.uqat.ca/index.php">cueillent des dizaines d’espèces sur leurs territoires traditionnels pour usages alimentaires et médicinaux</a>.</p>
<p>Pour étudier les conséquences de l’adaptation des plantes sur leurs propriétés chimiques, nous avons réalisé un projet en partenariat avec trois communautés autochtones du nord-ouest du Québec. Les membres de ces communautés nous ont suggéré de travailler sur le <a href="https://espacepourlavie.ca/flore-biodome/du-labrador-ledon-du-groenland">thé du Labrador</a>, en raison de son importance culturelle pour la consommation et de ses usages médicinaux. Les feuilles du thé du Labrador sont <a href="https://doi.org/10.1186/1746-4269-8-7">utilisées sous forme d’infusion pour traiter de nombreux maux, tels que l’arthrose, le diabète ou les problèmes rénaux</a>. <a href="https://doi.org/10.1016/j.jep.2015.12.021">Ces vertus sont attribuables à des antioxydants</a> présents en <a href="https://doi.org/10.1002/pca.1203">grande quantité dans les feuilles de thé du Labrador</a> : les flavonoïdes.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Plants de thé du Labrador en forêt" src="https://images.theconversation.com/files/508419/original/file-20230206-21-5q16bp.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/508419/original/file-20230206-21-5q16bp.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/508419/original/file-20230206-21-5q16bp.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/508419/original/file-20230206-21-5q16bp.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/508419/original/file-20230206-21-5q16bp.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/508419/original/file-20230206-21-5q16bp.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/508419/original/file-20230206-21-5q16bp.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Le thé du Labrador est une plante de sous-bois, de 30 à 120 cm de hauteur. Elle se trouve dans les environnements forestiers humides au Canada et dans le Nord des États-Unis.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Maxime Thomas), Fourni par l’auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Des perturbations aux effets contrastés</h2>
<p>Les membres des communautés rencontrées nous ont fait part de leurs inquiétudes concernant les conséquences de deux perturbations humaines sur leurs territoires : le passage de lignes de transport hydroélectrique, et l’exploitation de sites miniers. Les lignes de transport hydroélectrique provoquent une ouverture artificielle de la forêt, qui surexpose les plantes au soleil. Les sites miniers <a href="https://doi.org/10.1007/s11157-017-9453-y">génèrent quant à eux une pollution aux métaux lourds</a>. Dans les deux cas, le <a href="https://doi.org/10.1155/2013/162750">thé du Labrador s’adapte en produisant des flavonoïdes</a>.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Plants de thé du Labrador sous une ligne de transport hydroélectrique" src="https://images.theconversation.com/files/508420/original/file-20230206-21-nh0rng.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/508420/original/file-20230206-21-nh0rng.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/508420/original/file-20230206-21-nh0rng.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/508420/original/file-20230206-21-nh0rng.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/508420/original/file-20230206-21-nh0rng.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/508420/original/file-20230206-21-nh0rng.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/508420/original/file-20230206-21-nh0rng.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Les plantes sous les lignes hydroélectriques sont bien plus exposées au soleil que dans la forêt avoisinante.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Maxime Thomas), Fourni par l’auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Après avoir analysé la composition chimique de plants de thé du Labrador échantillonnés sur les territoires des trois communautés autochtones, nous avons trouvé un effet contrasté des perturbations humaines. D’un côté, les plantes sous les lignes de transport hydroélectrique produisaient davantage de flavonoïdes pour se protéger du soleil. De l’autre côté, les plantes près des sites miniers produisaient moins de flavonoïdes, en raison d’une dégradation de leur métabolisme par les métaux lourds.</p>
<p>Avant de conclure hâtivement que les plantes sous les lignes de transport hydroélectrique sont meilleures pour la santé, il faut prendre d’autres facteurs en considération. Par exemple, des produits chimiques potentiellement néfastes pour la santé humaine peuvent être utilisés pour entretenir les lignes de transport hydroélectrique, tels que le <a href="https://doi.org/10.1093/annhyg/meh106">triclopyr</a> ou le <a href="https://ici.radio-canada.ca/tele/la-semaine-verte/site/segments/reportage/142159/capsule-chiffree-glyphosate-foresterie">glyphosate</a>.</p>
<p>L’analyse des flavonoïdes ne fournit qu’une partie de l’histoire, et d’autres analyses, notamment sur la teneur en polluants des plantes, doivent être réalisées pour avoir un portrait complet des effets des perturbations sur les propriétés des plantes.</p>
<p>La biodiversité est importante pour le fonctionnement des écosystèmes, et aussi pour les services qu’elle rend aux humains. Les peuples autochtones <a href="https://theconversation.com/les-savoirs-autochtones-pourraient-ils-nous-aider-a-affronter-les-prochaines-pandemies-135022">possèdent des connaissances pointues sur les plantes et leur environnement</a>, qu’on aurait avantage à valoriser. </p>
<p>Les perturbations humaines affectent à la fois les plantes, les bénéfices qu’elles fournissent et les savoirs autochtones qui en dépendent.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/196624/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>
Les activités humaines peuvent affecter les plantes, ce qui a des conséquences pour les populations humaines qui les consomment.
Maxime Thomas, Doctorant en sciences de l'environnement, Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue (UQAT)
Hugo Asselin, Professeur titulaire, Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue (UQAT)
Mebarek Lamara, Professeur, Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue (UQAT)
Nicole Fenton, Professeure, écologie végétale/Professor, plant ecology, Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue (UQAT)
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/203093
2023-05-31T16:21:34Z
2023-05-31T16:21:34Z
Changement climatique : la diversité génétique à l’origine de l’adaptation des arbres ?
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/519937/original/file-20230407-217-21m4xw.JPG?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C1024%2C768&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les arbres font parfois preuve d'une résilience étonnante face aux changements climatiques, grâce à leur très grande diversité génétique. Une illustration de leur diversité est la grande variation de leur stade de développement au printemps lors de la reprise de la végétation.</span> <span class="attribution"><span class="source">Jean-Marc Louvet</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span></figcaption></figure><p>L’accélération des effets du changement climatique et son lot d’aléas extrêmes (canicules, tempêtes, incendies, orages de grêles…), combinés à l’arrivée de nouvelles maladies et insectes ravageurs, représentent de vraies sources d’incertitudes et donc d’inquiétudes <a href="https://theconversation.com/comment-le-changement-climatique-va-redessiner-les-forets-51454">sur l’avenir de nos forêts</a>.</p>
<p>Dans un <a href="https://www.ign.fr/reperes/bilan-de-sante-des-forets-francaises">récent bilan de santé des forêts françaises</a>, l’IGN faisait état d’une augmentation de 30 % du stock d’arbres de moins de 5 ans morts sur pied, c’est-à-dire d’arbres debout qui ne présentent plus aucun signe de vie. Ces dépérissements sont observés à l’échelle <a href="https://www.nature.com/articles/s41467-021-21399-7">européenne</a> et même <a href="https://www.nature.com/articles/s41467-022-29289-2">mondiale</a>.</p>
<p>Une question majeure émerge alors : les espèces d’arbres seront-elles en mesure de s’adapter à ces nouvelles menaces ?</p>
<p>Avant d’étudier ce point plus en détail, il est opportun de rappeler que les dépérissements antérieurs, <a href="https://hal.science/hal-03423759/document">documentés notamment chez les chênes</a>, ont rarement abouti à des extinctions locales de peuplement, ce qui témoigne implicitement des capacités d’adaptation des chênes.</p>
<h2>Le Graal de la valeur adaptative</h2>
<p>La plupart des forêts actuelles <a href="https://theconversation.com/comment-les-forets-tropicales-parviennent-a-se-regenerer-rapidement-175535">se reconstituent par régénération naturelle</a>, c’est-à-dire que le renouvellement est effectué par les graines produites par les arbres avant leur mort naturelle ou leur abattage.</p>
<p>Avant de devenir un majestueux spécimen, un arbre a été une simple graine, parmi des centaines de milliers d’autres. Pourquoi cette graine est-elle devenue un arbre adulte alors que d’autres n’ont pas survécu ?</p>
<p>Une réponse tangible à cette question est que cet individu a pris le dessus sur les autres, par une meilleure croissance vers la lumière, ou par une meilleure résistance aux maladies fongiques et insectes ravageurs, et sans doute aussi parce qu’il a eu beaucoup de chance. Toujours est-il que la sélection naturelle a fait son œuvre : elle a éliminé les individus les moins adaptés, parmi un très grand nombre de candidats.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Parcelle forestière en cours de renouvellement, vue depuis un champ" src="https://images.theconversation.com/files/518807/original/file-20230331-24-5lnt9l.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/518807/original/file-20230331-24-5lnt9l.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=224&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/518807/original/file-20230331-24-5lnt9l.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=224&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/518807/original/file-20230331-24-5lnt9l.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=224&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/518807/original/file-20230331-24-5lnt9l.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=282&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/518807/original/file-20230331-24-5lnt9l.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=282&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/518807/original/file-20230331-24-5lnt9l.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=282&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Le renouvellement des peuplements se fait dans de très nombreux cas par le croisement au hasard d’arbres maintenus comme semenciers. Ce brassage entre de nombreux parents garantit une diversité génétique élevée dans la population de graines issues de la régénération.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Antoine Kremer</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Une réponse moins perceptible est que les arbres possèdent une grande <a href="https://theconversation.com/proteger-la-diversite-genetique-pour-mieux-faire-face-a-ladversite-180917">diversité génétique</a>. Or, la capacité d’adaptation d’une population est fortement dépendante de ce niveau de diversité génétique (qui varie selon deux composantes principales, le taux de mutation et le nombre d’individus de la population). Chaque variation de l’ADN provient d’une mutation qui est apparue à un moment donné chez un arbre, puis a été transmise à un ou plusieurs descendants génération après génération, et ensuite disséminée par flux de pollen. La diversité génétique est donc façonnée sur le temps long, sur des centaines de milliers, voire des millions d’années d’évolution.</p>
<p>C’est sur la base de cette diversité que les individus les plus adaptés sont sélectionnés. La propagation de cette diversité à la génération suivante reste donc un point crucial. D’un point de vue de la gestion forestière, cela consiste à laisser un nombre d’arbres (appelés « semenciers ») suffisamment important pour produire le pollen et les ovules de la génération suivante et ainsi garantir cette transmission de la diversité.</p>
<p>[<em>Plus de 85 000 lecteurs font confiance aux newsletters de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde</em>. <a href="https://memberservices.theconversation.com/newsletters/?nl=france&region=fr">Abonnez-vous aujourd’hui</a>]</p>
<p>Pour illustrer combien cette diversité est grande chez les arbres, remarquons que deux glands de chêne d’une même parcelle diffèrent par environ 7 millions de différences génétiques simples dans leurs séquences d’ADN ! À l’échelle d’un peuplement en régénération, et de ses centaines de milliers de glands, cela constitue autant de combinaisons génétiques uniques, conférant aux nouvelles plantules une plus ou moins bonne capacité d’adaptation à leur environnement.</p>
<p>Une mesure (difficile à appréhender en forêt) permettant de savoir si certaines combinaisons génétiques sont plus favorables que d’autres, consiste à étudier, pour un individu de la génération n, le nombre de ses descendants en vie à la génération suivante n+1 : c’est ce qu’on appelle la valeur adaptative.</p>
<p>Dans une <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1111/eva.13082">étude récente que nous avons menée sur les chênes</a>, nous avons montré que la variation génétique de la valeur adaptative des chênes était parmi les plus élevées du règne végétal. Certaines combinaisons génétiques ont ainsi varié en fréquence plus que d’autres entre deux générations successives. Concrètement, cela indique que certains arbres possèdent dans leur génome des combinaisons génétiques qui ont été plus favorables à la survie des graines qui les portaient, d’où une augmentation de la fréquence de ces allèles favorables entre deux générations, selon le principe de la <a href="https://planet-vie.ens.fr/thematiques/evolution/le-tri-sur-la-diversite-derive-et-selection">sélection naturelle</a>.</p>
<h2>Une grande diversité génétique favorise une adaptation rapide</h2>
<p>Le contexte du changement climatique actuel représente une nouvelle épreuve dans la vie de ces jeunes arbres. Les jeunes plantes vont en particulier faire face à des périodes plus fréquentes et plus prononcées de sécheresse.</p>
<p>Dans une <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1002/evl3.269">autre étude</a>, nous avons analysé l’évolution des chênes de trois forêts françaises au cours des trois derniers siècles, de la période froide du petit âge glaciaire à celle du réchauffement dû aux activités humaines. Nous avons montré qu’ils avaient évolué de manière concordante dans les trois forêts, pour s’adapter à cette transition climatique qui s’est déroulée sur quelques décennies.</p>
<p>De manière surprenante, <a href="https://www.inrae.fr/actualites/levolution-suit-climat-chenes-se-sont-rapidement-adaptes-aux-variations-climatiques-lanthropocene">l’adaptation à cette transition climatique</a> (froid -> chaud), a été quasi « immédiate ». Ce résultat contre-intuitif s’explique par le très grand nombre de combinaisons génétiques uniques formées à chaque génération lors de la régénération naturelle, ce qui permet à la sélection naturelle d’être très efficace dans son tri des plus aptes à survivre et se reproduire.</p>
<p>L’analyse de l’ADN de ces chênes a d’ailleurs permis de constater que ces changements génétiques ont concerné un très grand nombre de régions du génome, et non juste quelques gènes.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Gros plan sur des dizaines de très jeunes chênes (semis naturel)" src="https://images.theconversation.com/files/518809/original/file-20230331-18-746co7.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/518809/original/file-20230331-18-746co7.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/518809/original/file-20230331-18-746co7.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/518809/original/file-20230331-18-746co7.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/518809/original/file-20230331-18-746co7.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/518809/original/file-20230331-18-746co7.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/518809/original/file-20230331-18-746co7.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Les méthodes de régénération naturelle contribuent à la production d’un grand nombre de descendants (plus de 100 000/hectare). Hors perturbation anthropique, il n’en reste guère que 4000/ha après 10 ans, soit une réduction de plus de 95 % des effectifs ! La sélection naturelle a donc au cours de cette période éliminé les combinaisons génétiques les moins bien adaptées au milieu local.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Antoine Kremer</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>En résumé, cette étude a clairement montré que l’adaptation actuelle des populations est liée à de très nombreuses variations génétiques, chacune de faible effet, et ayant une origine évolutive ancienne.</p>
<h2>Les mutations somatiques comme moteur de l’adaptation : une vraie fausse piste</h2>
<p>Plusieurs articles de vulgarisation récents comme <a href="https://societebotaniquedefrance.fr/livre-blanc-sur-lintroduction-dessences-exotiques-en-foret/">celui-ci</a> publié par la société botanique de France et <a href="https://www.uniqueheritage.fr/fr/epsiloon-le-nouveau-magazine-dactualite-scientifique-en-kiosque-le-23-juin-2021/">celui-ci</a> publié par le magazine <em>Epsiloon</em> se sont fait l’écho du rôle adaptatif que pourraient jouer les mutations nouvelles accumulées au cours de la croissance d’un arbre (on parle de mutations somatiques, à l’inverse de la diversité génétique préexistante décrite ci-dessus).</p>
<p>Pourquoi s’agit-il là d’une fausse piste pour l’adaptation ?</p>
<p>Parce que si ces mutations existent bien, elles sont très peu fréquentes : 17 pour un <a href="https://www.nature.com/articles/s41477-017-0066-9">chêne suisse de 230 ans environ</a>, 46 pour un <a href="https://www.nature.com/articles/s41477-018-0172-3">chêne français de 100 ans</a>. Même si le nombre de mutations a été <a href="https://www.inrae.fr/actualites/detecter-mutations-arbres-laide-dune-methode-utilisee-medecine-humaine">sous-estimé</a> à cause de la complexité de leur détection, cette diversité reste ridiculement faible au regard de la diversité présente dès la formation du gland : les 7 millions de différences indiquées précédemment. On parle de quelques dizaines de nouveaux variants d’un côté, des millions préexistants de l’autre !</p>
<p>De plus, ce n’est pas une mutation seule qui procure l’adaptation du chêne à l’environnement, mais toute une combinaison génétique.</p>
<p>Par ailleurs, même si ces mutations avaient un effet sur la survie de l’individu qui les portent, encore faudrait-il qu’elles puissent être transmises aux autres arbres pour qu’elles aient un effet au niveau de l’ensemble de la population. Sans compter que la diffusion des mutations (éventuellement favorables) par flux de pollen nécessite plusieurs générations avant qu’elles puissent alimenter l’adaptation de la population…</p>
<p>En tant qu’auteurs de l’étude sur le chêne centenaire français, nous avions nous-mêmes explicitement émis des réserves sur les interprétations adaptatives de ces mutations. Ce discours a malheureusement été très largement détourné pour alimenter des scénarios d’adaptation rapide au changement via ces mutations somatiques, bien que cette hypothèse semble extrêmement peu probable.</p>
<h2>Quelles applications concrètes pour les forestiers ?</h2>
<p>Ces rappels sur la nature et l’origine de la diversité génétique contribuant à l’adaptation des arbres conduisent inévitablement à évoquer les interventions humaines permettant d’en valoriser les bénéfices.</p>
<p>Tout d’abord, il semble vain de proposer un vieillissement des peuplements, sous le seul prétexte que ceux-ci produiraient plus de mutations somatiques. La préconisation serait plutôt de faire l’exact opposé. La sélection naturelle ayant surtout lieu au stade jeune, des cycles plus rapides de régénération seraient vraisemblablement plus favorables à une adaptation rapide.</p>
<p>D’ailleurs, le fait de favoriser une régénération naturelle abondante, en cumulant plusieurs années de floraison et de fructification des semenciers, permet de maintenir un bon niveau de diversité génétique au sein des plantules et en conséquence de renforcer l’action de la sélection naturelle.</p>
<p>S’assurer de la production d’un très grand nombre de plantules lors de la régénération naturelle permettra par ailleurs de bénéficier d’une intensité de sélection plus élevée au stade juvénile. Le maintien des peuplements sera d’autant plus facilité que le « semis » sera dense. En effet, la sélection naturelle sera plus efficace pour sélectionner – au sein d’un très grand nombre d’individus – ceux qui sont les mieux adaptés au changement de l’environnement.</p>
<p>Diversité génétique et intensité de la sélection naturelle constituent donc les deux facteurs principaux de l’adaptation et de la résilience de nos forêts.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/203093/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>
Changement climatique, maladies, ravageurs… De nombreuses menaces pèsent sur les arbres. Heureusement, ceux-ci peuvent compter sur leur forte diversité génétique pour s’adapter et survivre.
Antoine Kremer, Directeur de Recherches Emérite, Inrae
Christophe Plomion, Chercheur en génétique, Inrae
Thibault Leroy, Biologiste, chercheur en génétique des populations, Inrae
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/196715
2023-05-24T13:42:12Z
2023-05-24T13:42:12Z
Un avenir très incertain pour les dernières vieilles forêts boréales
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/510897/original/file-20230217-20-mwbasv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=11%2C0%2C3870%2C2590&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Vieille forêt d'épinettes et de sapins, âgée de plus de 300 ans.</span> <span class="attribution"><span class="source">(Maxence Martin)</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span></figcaption></figure><p>En parcourant la route Transcanadienne, on peut avoir l’impression que notre pays regorge de forêts, alors qu’épinettes, trembles, sapins et bouleaux défilent presque à l’infini. </p>
<hr>
<figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/523895/original/file-20230502-16-gbwpsg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/523895/original/file-20230502-16-gbwpsg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/523895/original/file-20230502-16-gbwpsg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/523895/original/file-20230502-16-gbwpsg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/523895/original/file-20230502-16-gbwpsg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/523895/original/file-20230502-16-gbwpsg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/523895/original/file-20230502-16-gbwpsg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption"></span>
</figcaption>
</figure>
<p><strong>Cet article fait partie de notre série <a href="https://theconversation.com/ca-fr/topics/foret-boreale-138017">Forêt boréale : mille secrets, mille dangers</a></strong></p>
<p><br><em>La Conversation vous propose une promenade au cœur de la forêt boréale. Nos experts se penchent sur les enjeux d’aménagement et de développement durable, les perturbations naturelles, l’écologie de la faune terrestre et des écosystèmes aquatiques, l’agriculture nordique et l’importance culturelle et économique de la forêt boréale pour les peuples autochtones. Nous vous souhaitons une agréable – et instructive – balade en forêt !</em></p>
<hr>
<p>Même si on peut voir quelques coupes forestières et traces de feux çà et là, l’idée que ces forêts puissent disparaître de nos paysages nous traverse rarement l’esprit. Mais la réalité pourrait bien être toute autre. </p>
<p>L’enjeu ne concerne pas tout à fait la perte des forêts, mais plutôt la perte des forêts intactes, soit des forêts où n’ont jamais eu lieu d’activités de récolte. Il s’agit d’un enjeu majeur, encore <a href="https://www.cbd.int/conferences/2021-2022/cop-15/documents">souligné</a> par la conférence sur la biodiversité de l’ONU, qui s’est tenue à Montréal en 2022. Le Canada se retrouve d’ailleurs au <a href="https://www.ledevoir.com/environnement/773621/biodiversite-le-canada-decrie-pour-la-gestion-de-ses-forets">3ᵉ rang mondial</a> pour la perte de ses forêts intactes. Un classement peu glorieux.</p>
<p>Les recherches que nous avons réalisées ces dernières années sur l’écologie des forêts boréales, ainsi que sur l’impact de l’aménagement forestier, démontrent toutefois qu’une attention toute particulière doit être apportée à la protection des vieilles forêts au sein des forêts intactes. </p>
<h2>Vieilles forêts, une règle ignorée au profit de l’exception</h2>
<p>Les feux sont la principale perturbation naturelle en forêt boréale. Bien qu’ils soient impressionnants, d’un point de vue relatif à l’immensité de ces territoires, leur impact n’est que modéré. Une grande partie des paysages boréaux intacts du Canada étaient, avant la révolution industrielle, dominés par des forêts <a href="https://doi.org/10.14214/sf.72">n’ayant pas brûlé depuis des siècles</a>. On appelle souvent ces dernières les « vieilles forêts ». L’adjectif « vieille » cause toutefois un biais, puisqu’il laisse croire qu’elles sont mourantes ou en déclin. Mais c’est loin d’être le cas : les vieilles forêts boréales restent généralement très dynamiques et résilientes <a href="https://doi.org/10.1111/j.1365-2699.2010.02332.x">au cours des siècles</a>. Une vieille forêt n’est ainsi pas plus fatiguée ou fragile qu’une forêt que l’on qualifierait de « jeune » ou « mature ». Gare à l’anthropomorphisme donc !</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/510920/original/file-20230217-361-darzns.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="forêt de conifères" src="https://images.theconversation.com/files/510920/original/file-20230217-361-darzns.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/510920/original/file-20230217-361-darzns.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/510920/original/file-20230217-361-darzns.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/510920/original/file-20230217-361-darzns.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/510920/original/file-20230217-361-darzns.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/510920/original/file-20230217-361-darzns.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/510920/original/file-20230217-361-darzns.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Vieille forêt d’épinette, âgée de 200 ans.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Maxence Martin)</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Pour le forestier, dont l’une des principales tâches est de récolter du bois, laisser vieillir une forêt est en revanche perçu comme une perte de bois. Il est plus efficace de couper une forêt tôt et souvent pour profiter de la forte croissance des jeunes arbres. Depuis le début de l’ère industrielle, la majorité des récoltes réalisées au sein des forêts boréales intactes ont ainsi <a href="https://doi.org/10.1186/s40663-018-0148-9">visé les vieilles forêts</a>, pour les remplacer par des forêts plus jeunes, réduisant drastiquement leurs surfaces et leur connectivité. Ainsi, alors qu’elles formaient initialement de vastes massifs continus, les vieilles forêts résiduelles dans les territoires aménagés forment désormais des petits agglomérats séparés les uns des autres.</p>
<h2>Une dégradation massive des paysages forestiers, et non une déforestation</h2>
<p>Récolter régulièrement des forêts jeunes est pertinent dans des forêts déjà aménagées (soit des forêts qui ont été modifiées par de précédentes coupes), afin d’optimiser la récolte du bois, matériau aux <a href="https://doi.org/10.1016/j.rser.2016.09.107">multiples bénéfices</a>. Réaliser des coupes dans les forêts intactes mène au contraire à une dégradation des paysages via la perte des vieilles forêts. Ces dernières offrent des habitats et des services écologiques très différents des forêts jeunes et aménagées. Le bois mort est par exemple un <a href="https://doi.org/10.1017/CBO9781139025843">habitat essentiel</a> pour de très nombreuses espèces forestières. Or, c’est dans les vieilles forêts qu’il est le <a href="https://doi.org/10.1016/j.ecolind.2021.107813">plus abondant et diversifié</a> en termes de dimensions ou de stades de dégradation. </p>
<p>En Suède, la disparition des vieilles forêts a ainsi mené à <a href="https://doi.org/10.1046/j.1523-1739.1994.08030718.x">l’effondrement des populations</a> de nombreuses espèces forestières. Au Canada, le déclin du Caribou forestier est considéré comme le <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1876097/sauver-caribou-forestier-biologiste">« canari dans la mine »</a>, soit un signal avant-coureur d’une crise écologique bien plus vaste, résultant en partie de la perte des vieilles forêts. </p>
<p>Parler de déforestation pour les forêts boréales est toutefois inexact, car la forêt repousse après la coupe. On observe au contraire une <a href="https://www.ledevoir.com/environnement/779861/environnement-consommer-ici-entraine-la-perte-de-forets-intactes-ailleurs">dégradation</a>. En remplaçant les vieilles forêts par des forêts plus jeunes qu’on ne laissera pas vieillir, nous dégradons les habitats forestiers. </p>
<p>Présenter le faible taux de déforestation des forêts boréales canadiennes est ainsi souvent un moyen d’éviter de parler de leur dégradation, pourtant largement <a href="https://www.ledevoir.com/environnement/774114/environnement-nos-forets-agees-sont-en-peril">documentée</a> depuis des décennies. </p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/510921/original/file-20230217-411-ga9m2c.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="souche d’arbre mort" src="https://images.theconversation.com/files/510921/original/file-20230217-411-ga9m2c.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/510921/original/file-20230217-411-ga9m2c.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/510921/original/file-20230217-411-ga9m2c.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/510921/original/file-20230217-411-ga9m2c.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/510921/original/file-20230217-411-ga9m2c.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/510921/original/file-20230217-411-ga9m2c.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/510921/original/file-20230217-411-ga9m2c.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Le bois mort est un habitat essentiel pour de nombreuses espèces.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Maxence Martin)</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Savons-nous ce que nous sommes en train de perdre ?</h2>
<p>Arrêter la dégradation des vieilles forêts boréales est un enjeu environnemental majeur du Canada, ce à quoi doit s’ajouter une politique de restauration des paysages déjà dégradés. Heureusement, ces objectifs ne sont pas <a href="http://www.cef-cfr.ca/uploads/Actualit%e9/MemoireCEF_CC.pdf">incompatibles</a> avec la production de bois. Cette dernière devant se centrer sur des forêts aménagées dans cet objectif, plutôt que sur des forêts intactes. </p>
<p>Nous devons néanmoins reconnaître notre manque de connaissances vis-à-vis des vieilles forêts et des enjeux qui en découlent. Ces forêts montrent une forte hétérogénéité <a href="https://doi.org/10.1016/j.ecolind.2021.107813">d’histoires, de dynamiques et d’habitats</a>, qu’il est très difficile d’identifier et de <a href="https://doi.org/10.1139/cjfr-2019-0177">cartographier</a>. Encore aujourd’hui, il semble impossible de proposer un portrait satisfaisant des vieilles forêts du Canada. </p>
<p>La biodiversité boréale est elle aussi encore méconnue, en partie parce qu’elle est dominée par des espèces peu visibles et bien moins attrayantes qu’un grand mammifère comme le caribou, telles des <a href="https://doi.org/10.14214/sf.82">mousses</a>, lichens, insectes, champignons ou même bactéries. </p>
<p>Une politique de conservation efficace doit être tant quantitative que qualitative, protégeant les habitats naturels dans toute leur diversité. Les cibles de protection actuelles sont toutefois essentiellement quantitatives. Elles sont, par exemple, basées sur des pourcentages de surfaces à protéger. Pourtant, les coupes forestières se concentrent surtout sur les vieilles forêts <a href="https://doi.org/10.3389/ffgc.2021.639397">plus riches en bois</a>. </p>
<p>Plus globalement, le choix récent de la province du Québec d’annuler <a href="https://www.ledevoir.com/environnement/595022/environnement-l-industrie-avant-la-protection-du-territoire">83 projets d’aires protégées</a> dans la forêt commerciale, pour les remplacer par des zones situées au nord sans impact sur l’industrie forestière, démontre le risque des critères purement comptables à l’efficacité écologique limitée.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/510922/original/file-20230217-22-mwbasv.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="coupe forestière" src="https://images.theconversation.com/files/510922/original/file-20230217-22-mwbasv.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/510922/original/file-20230217-22-mwbasv.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/510922/original/file-20230217-22-mwbasv.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/510922/original/file-20230217-22-mwbasv.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/510922/original/file-20230217-22-mwbasv.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/510922/original/file-20230217-22-mwbasv.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/510922/original/file-20230217-22-mwbasv.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Coupe forestière au sein d’une forêt boréale pluricentenaire.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Maxence Martin)</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>La lumière mise sur l’urgence de protéger les dernières forêts intactes est donc une bonne nouvelle, mais il conviendra de rester prudent et critique afin de s’assurer de l’efficacité réelle de toute politique de conservation. Au Québec, un taux de dégradation de 75 % des vieilles forêts commerciales reste, par exemple, malheureusement « <a href="https://www.google.com/url?sa=t&rct=j&q=&esrc=s&source=web&cd=&cad=rja&uact=8&ved=2ahUKEwisiuao5pz9AhU8FVkFHS3YCkkQFnoECAsQAQ&url=https%3A%2F%2Fcdn-contenu.quebec.ca%2Fcdn-contenu%2Fforets%2Fdocuments%2Fplanification%2FAbitibi-Temiscamingue%2FPL_PAFIT_Abitibi_UA082-51_MFFP.pdf&usg=AOvVaw0S9feRbECqSLBqK2eJhOXd">acceptable</a> ». </p>
<p>Face à l’urgence climatique et environnementale actuelle, nous pouvons certainement mieux faire.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/196715/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Maxence Martin a reçu des financements du Fonds de Recherche du Québec, de l'Université du Québec à Chicoutimi et de l'Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Nicole Fenton a reçu des financements de la Conseil de Recherche sur les Sciences Naturelles et de Génie du Canada (CRSNG), la Fonds de recherche du Québec- Nature et Technologies (FRQNT), le Plan Nord du Québec, Environnement Canada, en découverte et en partenariat avec des compagnies forestiers et minières. </span></em></p>
L’éloignement et les dimensions modestes des arbres des vieilles forêts boréales ne doivent pas nous faire oublier leur haute importance écologique, ainsi que les nombreuses menaces pesant sur elles.
Maxence Martin, Écologie et aménagement forestiers, Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue (UQAT)
Nicole Fenton, Professor, Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue (UQAT)
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/196850
2023-05-17T13:40:29Z
2023-05-17T13:40:29Z
Ce que la drave nous apprend sur les forêts d’hier et de demain
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/509535/original/file-20230210-24-1s6llw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=4%2C0%2C992%2C504&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">En Amérique du Nord, la drave aurait pris fin avant la fin du 20e siècle, à l’exception de la Colombie-Britannique, où la drave est encore utilisée à petite échelle.</span> <span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span></figcaption></figure><p>La drave fait partie intégrante de la <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1730827/25-ans-fin-drave-metier-quebec-pates-papiers">culture québécoise</a>. </p>
<hr>
<figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/523895/original/file-20230502-16-gbwpsg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/523895/original/file-20230502-16-gbwpsg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/523895/original/file-20230502-16-gbwpsg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/523895/original/file-20230502-16-gbwpsg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/523895/original/file-20230502-16-gbwpsg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/523895/original/file-20230502-16-gbwpsg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/523895/original/file-20230502-16-gbwpsg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption"></span>
</figcaption>
</figure>
<p><strong>Cet article fait partie de notre série <a href="https://theconversation.com/ca-fr/topics/foret-boreale-138017">Forêt boréale : mille secrets, mille dangers</a></strong></p>
<p><br><em>La Conversation vous propose une promenade au cœur de la forêt boréale. Nos experts se penchent sur les enjeux d’aménagement et de développement durable, les perturbations naturelles, l’écologie de la faune terrestre et des écosystèmes aquatiques, l’agriculture nordique et l’importance culturelle et économique de la forêt boréale pour les peuples autochtones. Nous vous souhaitons une agréable – et instructive – balade en forêt !</em></p>
<hr>
<p>L’exploitation intensive des forêts au Québec a entraîné des <a href="https://doi.org/10.1038/s41467-019-09265-z">changements majeurs</a> au niveau de leur structure et de leur dynamique depuis la colonisation. Aujourd’hui, peu de forêts vierges sont encore accessibles, ce qui limite l’étude des conditions des forêts préindustrielles. Ces connaissances sont pourtant essentielles pour l’aménagement durable des forêts. </p>
<p>Les billots de bois qui ont coulé au fond des lacs à l’époque de la drave renferment des informations inédites sur l’histoire des forêts québécoises. En tant qu’étudiante au doctorat en paléoécologie et écologie historique au <a href="https://www.uqat.ca/recherche/grema/">Groupe de Recherche en Écologie de la MRC Abitibi (GREMA)</a> de l’<a href="https://www.uqat.ca/">Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue (UQAT)</a>, les vestiges de la drave représentent une opportunité inouïe pour moi de reconstituer l’historique de l’exploitation et la dynamique des forêts préindustrielles au Québec. </p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/508121/original/file-20230203-20-srd12l.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="carte" src="https://images.theconversation.com/files/508121/original/file-20230203-20-srd12l.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/508121/original/file-20230203-20-srd12l.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/508121/original/file-20230203-20-srd12l.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/508121/original/file-20230203-20-srd12l.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/508121/original/file-20230203-20-srd12l.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/508121/original/file-20230203-20-srd12l.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/508121/original/file-20230203-20-srd12l.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Localisation de l’utilisation de la drave à travers le monde.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Amélie Bergeron et Julie-Pascale Labrecque-Foy)</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Une pratique qu’on retrouve dès le Xᵉ siècle</h2>
<p>Au cours des derniers siècles, l’exploitation forestière a occupé un rôle central dans le développement économique de plusieurs pays, notamment pour la construction d’infrastructures et pour le commerce. Puisque l’accès aux routes et aux chemins de fer pour transporter les billots de bois coupés était ardu et coûteux, les compagnies forestières avaient recours à la drave. Plus précisément, la drave fait référence à l’utilisation des cours d’eau pour faire flotter et acheminer les billots de bois des sites de coupes vers les moulins à scie ou vers les ports pour leur exportation. </p>
<p>Les billots de bois étaient coupés, mis à l’eau et guidés le long des cours d’eau par des draveurs. Une fois arrivés aux moulins à scie, les billots pouvaient être entreposés plusieurs mois à la surface des lacs avant d’être pris en charge. </p>
<p>La drave aurait débuté au X<sup>e</sup> siècle en <a href="https://doi.org/10.1016/j.jas.2018.05.002">Espagne</a>, s’est étendue en Europe au fil des siècles, et est apparue seulement au XIX<sup>e</sup> siècle en <a href="https://doi.org/10.1007/s10021-005-0030-9">Scandinavie</a>, et en <a href="https://doi.org/10.3390/f7110257">Russie</a>. C’est à la même époque qu’elle débute en Amérique du Nord, notamment au <a href="https://www.erudit.org/en/journals/hq/2001-v6-n3-hq1057791/11343ac/">Québec</a>, où elle s’est étendue à l’ensemble de ses régions. La drave aurait pris fin avant la fin du XX<sup>e</sup> siècle sur ce dernier continent, à l’exception de la Colombie-Britannique, où elle est encore utilisée à petite échelle.</p>
<h2>La forêt québécoise d’aujourd’hui</h2>
<p>À l’époque de la colonisation au Québec (1800-1950), les faibles coûts de transport associés à la drave ont permis aux compagnies forestières d’exploiter de façon intensive les forêts. Cela a eu comme résultat de <a href="https://doi.org/10.1016/j.foreco.2009.06.037">modifier de façon considérable les écosystèmes forestiers</a> en termes de structure et de dynamique.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/509537/original/file-20230210-409-7zl61t.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Rivière fourmillant de billots" src="https://images.theconversation.com/files/509537/original/file-20230210-409-7zl61t.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/509537/original/file-20230210-409-7zl61t.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=463&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/509537/original/file-20230210-409-7zl61t.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=463&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/509537/original/file-20230210-409-7zl61t.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=463&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/509537/original/file-20230210-409-7zl61t.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=581&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/509537/original/file-20230210-409-7zl61t.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=581&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/509537/original/file-20230210-409-7zl61t.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=581&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">À l’époque de la drave, environ 15 % du bois transporté sur les cours d’eau était perdu au fond des lacs et des rivières.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Bibliothèque et Archives Canada/PA-165128</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Les coupes sélectives effectuées au XIX<sup>e</sup> siècle, qui visaient principalement les conifères, ont entraîné de graves changements au niveau de la <a href="https://doi.org/10.1111/1365-2745.13474">composition des forêts</a>. En effet, ces dernières sont passées d’une dominance de conifères à une dominance de feuillus. Au niveau du <a href="https://doi.org/10.1641/B580207">régime des perturbations</a>, puisque les feuillus sont moins inflammables que les conifères, on observe une diminution majeure de l’occurrence des feux dans les forêts québécoises depuis la colonisation. Ces changements au niveau de la composition et la dynamique des forêts ont entraîné une diminution de la <a href="https://doi.org/10.1146/annurev.ecolsys.31.1.425">résilience des forêts</a>. En d’autres termes, la capacité des forêts à retourner à leur état initial après une perturbation est désormais compromise.</p>
<p>En contexte de changements climatiques, cette perte de résilience est inquiétante, puisque les forêts risquent d’être soumises à des conditions sans précédent. Afin de prévoir comment les forêts pourraient être modifiées dans le futur, il est nécessaire d’étudier comment elles ont réagi aux modifications du climat dans le passé. </p>
<p>Ce type d’étude peut être réalisé grâce à la <a href="http://www.grdh-dendro.com/en-savoir-plus-sur-la-dendrochronologie.html">dendrochronologie</a>, c’est-à-dire l’étude de la formation des cernes de croissance des arbres. Or, au Québec, les études dendrochronologiques et nos connaissances sur les forêts préindustrielles sont limitées par l’âge des arbres, qui ont rarement plus de 200 ans. Il est donc nécessaire d’élaborer de nouvelles manières de découvrir les secrets cachés de notre forêt du passé. </p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/508122/original/file-20230203-12399-4dxg4v.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/508122/original/file-20230203-12399-4dxg4v.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/508122/original/file-20230203-12399-4dxg4v.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=498&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/508122/original/file-20230203-12399-4dxg4v.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=498&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/508122/original/file-20230203-12399-4dxg4v.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=498&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/508122/original/file-20230203-12399-4dxg4v.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=626&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/508122/original/file-20230203-12399-4dxg4v.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=626&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/508122/original/file-20230203-12399-4dxg4v.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=626&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Les conditions anoxiques, le manque de lumières et les températures fraîches favorisent la conservation des billots de bois issus de la drave au fond des lacs. Photo par Nathalie Lasselin (www.aquanat.com) au Parc National de la Mauricie dans le cadre du projet « Cinéma Submergé » (a). Une fois retirés du fond des lacs par des plongeurs (b), les tranches transversales des billots présentent des cernes de croissance bien délimités et des cicatrices de feux (identifiées par les flèches rouges) qui permettent de dater les incendies dans le passé (c). Photos par Julie-Pascale Labrecque-Foy (b) et Amélie Bergeron (c).</span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Voyager dans le temps grâce aux vestiges de la drave</h2>
<p>À l’époque de la drave, environ 15 % du bois transporté sur les cours d’eau était perdu au fond des lacs et des rivières. Par exemple, pour la région de la Mauricie uniquement, cela représente plus de <a href="https://savoirs.usherbrooke.ca/bitstream/handle/11143/10556/Lemay_Maud_MEnv_2017.pdf">13 millions de mètres cubes de bois</a>. Les conditions anoxiques (absence d’oxygène), le manque de lumière et les températures fraîches (5 °C) ont fait en sorte que ce bois est toujours bien préservé de nos jours. Conséquemment, ce bois issu de la forêt préindustrielle représente une opportunité unique d’étudier le passé de nos forêts.</p>
<p>Entre autres, les caractéristiques de ces billots de bois (espèce, diamètre, nombre de cernes de croissance) nous informent sur les caractéristiques des forêts préindustrielles et sur les critères de coupes de l’époque. Le passage d’un feu laisse également des cicatrices sur les arbres survivants. Il est possible de dater ces cicatrices par dendrochronologie et de reconstituer le régime naturel des feux à l’époque préindustrielle. </p>
<p>Enfin, l’analyse des <a href="https://doi.org/10.5194/cp-11-1153-2015">isotopes stables</a> retrouvés dans les cernes de croissance des billots de drave, permet de reconstituer le climat du passé. Nous pourrons ainsi déterminer comment le climat aurait influencé les feux dans le passé, et prévoir comment cette perturbation pourrait être modifiée dans le futur en raison des changements climatiques. En effet, les études qui tentent de prédire comment le régime des feux pourrait être modifié en contexte de changements climatiques ne font pour l’instant pas consensus. Cela nécessite donc davantage d’études à ce sujet. </p>
<p>Notre projet de recherche apportera de nouvelles connaissances sur les forêts préindustrielles et sur comment elles ont réagi aux changements climatiques dans le passé, ce qui permettra de guider les pratiques pour un aménagement forestier durable.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/196850/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Julie-Pascale Labrecque-Foy a reçu des financements par la Bourse doctorale Vanier du Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada (CRSNG), et du Fonds de recherche du Québec, Nature et technologies (FRQNT). </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Miguel Montoro Girona a reçu des financements du conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada (CRSNG) - subvention à la découverte, ainsi que de Parcs Canada (Parc National de la Mauricie) pour la réalisation de cette recherche.</span></em></p>
L’exploitation forestière des deux derniers siècles a eu un impact majeur sur les forêts québécoises, mais les traces qu’elle a laissées guideront dans l’adoption d’un aménagement forestier durable.
Julie-Pascale Labrecque-Foy, Étudiante au doctorat en paléoécologie et écologie historique, Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue (UQAT)
Miguel Montoro Girona, Professeur d'écologie forestière, Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue (UQAT)
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/202927
2023-05-11T10:38:52Z
2023-05-11T10:38:52Z
Recréer une forêt primaire en Europe de l’Ouest, un rêve fou qui questionne les politiques publiques
<p>La question d’un renversement radical de notre rapport à la nature, centré davantage sur le <a href="https://theconversation.com/le-reensauvagement-ce-sujet-explosif-199553">réensauvagement</a> que sur l’exploitation, est à l’ordre du jour – illustré notamment par les débats vifs autour du retour de populations sauvages au sein des territoires.</p>
<p>Pensé comme une alternative aux politiques en vigueur, ce concept mobilise avant tout parmi les cercles de réflexion et les acteurs de la société civile.</p>
<p>Relevant de cette dynamique citoyenne, le projet porté par <a href="https://www.foretprimaire-francishalle.org/">l’Association Francis Hallé pour la forêt primaire</a>, vient interpeller directement les politiques publiques quant à leur capacité à intégrer cette perspective du <a href="https://theconversation.com/a-la-recherche-des-derniers-lieux-sauvages-de-la-planete-111446">réensauvagement</a>.</p>
<p>Cette association souhaite créer les conditions favorables au développement d’une forêt primaire (de plaine) de 70 000 hectares en zone transfrontalière en Europe de l’Ouest.</p>
<h2>Des initiatives surtout citoyennes</h2>
<p>Depuis la fin des années 2000, des initiatives en faveur de la nature sauvage (<em>wilderness</em>) <a href="https://www.europarl.europa.eu/doceo/document/TA-6-2009-0034_EN.html">émergent en Europe</a>. Du fait de l’absence de stratégie commune et de la diversité des contextes culturels et socioécologiques, différents concepts sont développés à travers l’Europe : le <a href="https://www.epflpress.org/produit/1061/9782889154777/reensauvager-la-nature-pour-sauver-la-planete"><em>rewilding</em></a>, la <a href="https://journals.openedition.org/cybergeo/34986"><em>wild land</em> ou encore la libre évolution</a>.</p>
<p>Ces démarches apparaissent comme de nouvelles approches dans le domaine de la conservation pour contribuer à la lutte contre le changement climatique et l’érosion de la biodiversité. Et elles se déclinent de plusieurs manières : allant de projets encourageant la réintroduction de dynamiques naturelles via le retour d’espèces dites « clés de voûte » (en Europe, surtout des <a href="https://www.annualreviews.org/doi/abs/10.1146/annurev-environ-102014-021406">grands herbivores</a>), aux principes de non-intervention visant à <a href="https://theconversation.com/la-plus-ancienne-foret-deurope-attaquee-par-des-ravageurs-laissons-faire-la-nature-57243">« laisser faire la nature »</a>.</p>
<p>À l’inverse des pratiques interventionnistes de gestion de la nature, ces initiatives entendent développer des processus spontanés dans les écosystèmes. L’objectif est ici de retrouver un plus haut niveau de naturalité, compris comme la qualité d’un écosystème, caractérisé par le degré d’intégrité écologique variant en fonction de l’intensité des interférences anthropiques.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/518948/original/file-20230403-20-jik04h.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/518948/original/file-20230403-20-jik04h.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/518948/original/file-20230403-20-jik04h.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/518948/original/file-20230403-20-jik04h.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/518948/original/file-20230403-20-jik04h.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/518948/original/file-20230403-20-jik04h.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/518948/original/file-20230403-20-jik04h.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Forêt primaire en Colombie.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Nolwenn Jaumouillé</span></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>En France, la libre évolution en plein essor</h2>
<p>En France, c’est surtout le concept de libre évolution, attaché aux <a href="https://revueforestierefrancaise.agroparistech.fr/issue/view/561">milieux forestiers</a>, qui est mobilisé. Sans toutefois ignorer l’impact des activités humaines passées, la libre évolution encourage le retour de dynamiques dans des milieux ayant subi des perturbations anthropiques.</p>
<hr>
<figure class="align-left zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption"></span>
</figcaption>
</figure>
<p><em>Pour suivre au plus près les questions environnementales, retrouvez chaque jeudi notre newsletter thématique « Ici la Terre ». <a href="https://theconversation.com/fr/newsletters/la-newsletter-environnement-150/">Abonnez-vous dès aujourd’hui</a>.</em></p>
<hr>
<p>La libre évolution s’intègre à des réflexions pluridisciplinaires et provoque des débats d’ordre à la <a href="https://www.actes-sud.fr/catalogue/sciences-humaines-et-sociales-sciences/raviver-les-braises-du-vivant">fois éthique, culturel</a>, politique et scientifique, et prend de plus en plus d’ampleur dans le monde de la conservation de la nature en France.</p>
<p>Les stratégies de réensauvagement en Europe suscitent l’intérêt d’acteurs variés (scientifiques, gestionnaires de l’environnement, société civile), comme le montre la <a href="https://www.mdpi.com/1424-2818/14/10/819">multiplicité des initiatives</a> développées. Ces projets sont majoritairement portés par des associations ou des acteurs privés, quelle que soit l’échelle considérée (européenne, nationale, locale).</p>
<h2>Une autre gouvernance de la nature ?</h2>
<p>En l’absence de stratégies et outils spécifiques pour favoriser des espaces de nature sauvage, les acteurs déploient leurs propres démarches. On peut distinguer celles visant à définir et promouvoir les concepts et celles ayant recours à une diversité de dispositif de « gestion » sur un espace donné (systèmes de contrats, conventions, maîtrise foncière).</p>
<p>Par exemple, dans le contexte français de logique de libre évolution, il est possible de différencier les organismes travaillant à la définition et promotion du concept (<a href="https://uicn.fr/aires-protegees/wilderness/">UICN France</a>, <a href="https://www.coordination-libre-evolution.fr/libre-evolution-en-france/">CLE</a>) ; et ceux développant des projets sur des espaces donnés – principalement sur de petites surfaces très localisées – (<a href="https://aspas-reserves-vie-sauvage.org/les-reserves-de-vie-sauvage/">ASPAS</a>, CEN (<a href="http://cen-normandie.fr/les-programmes-et-projets/programmes-regionaux-d-actions/programme-regional-d-espaces-en-libre-evolution">PRELE</a>, <a href="https://reseau-cen.org/fr/les-programmes/sylvae-reseau-de-vieilles-forets-des-conservatoires-d-espaces-naturels">SYLVAE</a>), réseau <a href="http://refora.online.fr/FRENE/Presentation_Frene_L.pdf">FRENE</a>).</p>
<p>Le portage de ces initiatives par des acteurs non institutionnels contribue à repenser les modes de gouvernance de la nature en décentralisant la prise de décision et en répartissant les responsabilités. La nature sauvage devient alors l’objet d’initiatives citoyennes alternatives, en dehors du cadre et des normes induites par les politiques publiques.</p>
<h2>Un projet fou</h2>
<p>À première vue, le projet de renaissance d’une forêt primaire en Europe de l’Ouest, tel que porté par Francis Hallé et l’association éponyme, s’inscrit dans une perspective similaire, tant sur le fond – la libre évolution – que sur la forme, une initiative émanant de la société civile.</p>
<p>Mais son ampleur territoriale (70 000 hectares <em>a minima</em> de zone protégée, dans un espace transfrontalier) en change la nature. La concrétisation d’un tel projet nécessite l’accord et l’intervention des pouvoirs publics à toutes les échelles, du local à l’Europe : foncier, réglementation, compensations diverses…</p>
<p>De là découle une interrogation quant au sens de ce projet. Deux lectures sont possibles. Il s’agit en fait d’une utopie, d’un <a href="https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/la-chronique-environnement/recreer-une-foret-primaire-le-projet-fou-de-francis-halle-7378541">« rêve fou »</a> dont la fonction sociale et politique est avant tout mobilisatrice.</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/ixVh_F87x5A?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Faire renaître une forêt primaire en Europe, projet utopique (Crédits : TEDx Talks, 18 août 2022).</span></figcaption>
</figure>
<p>La puissance évocatrice de ce projet permet de susciter une double prise de conscience, d’une part celle d’une rupture avec notre attitude prédatrice vis-à-vis de la nature, d’autre part celle d’une impérative réinscription de nos choix sociétaux, dans le temps long, en l’occurrence celui des sept siècles nécessaires à la renaissance d’une forêt primaire sous nos latitudes.</p>
<h2>Repenser la protection de la nature</h2>
<p>Mais on peut aussi considérer qu’il s’agit d’un projet à même de s’inscrire sur le registre des politiques publiques et d’incarner leur nécessaire transformation. La concrétisation de ce projet pourrait enclencher en effet au moins quatre dynamiques de bifurcation.</p>
<p>La première a trait au modèle qui régit depuis plus d’un demi-siècle nos politiques dites de protection de la nature. Ce dernier différencie ce qui relève de la protection proprement dite (les Parcs nationaux en particulier) de ce qui tient davantage d’une valorisation responsable (les Parcs naturels régionaux).</p>
<p>Cette distinction a de <a href="https://www.cairn.info/revue-pour-2022-2-page-171.htm">moins en moins de sens</a>. Les catégories et modes d’action se brouillent autour d’une question transversale : vivre avec la nature. Par son ampleur, c’est cette question que soulève le projet de forêt primaire : étendre et intensifier la protection tout en intégrant la libre évolution des milieux dans notre vie en société.</p>
<h2>Une impossible planification</h2>
<p>Avec l’impératif de transition environnementale, la <a href="https://theconversation.com/amenagement-du-territoire-le-temps-long-de-la-planification-a-t-il-encore-un-avenir-88029">planification</a> est de retour. Les Trente glorieuses nous ont habitués à la considérer comme un exercice de programmation pluriannuelle des investissements collectifs, sur le mode du rétroplanning, de l’objectif à atteindre à son phasage dans le temps.</p>
<p>La transition écologique nous impose d’inverser la perspective : il nous faut amorcer des bifurcations dans une incertitude absolue quant aux effets induits, à leurs interactions dans le temps et dans l’espace. Le projet de forêt primaire incarne de façon radicale ce renversement de perspective.</p>
<p>Nul d’entre nous ne sera là pour voir la réalité de l’atteinte de l’objectif dans cinq siècles et il faudra au moins deux générations pour installer les conditions de cette bifurcation. D’une certaine manière, la dynamique engagée – la libre évolution à grande échelle – prévaut sur le résultat attendu, la renaissance d’une forêt primaire.</p>
<h2>Faire coopérer les territoires</h2>
<p>En dépit du succès des travaux de Bruno Latour et de ses mises en garde, soulignant combien nous sommes aujourd’hui plus proches de ce dont nous dépendons que de ce qui <a href="https://rencontredescontinents.be/Ou-atterrir.html">nous entoure</a>, l’heure est au triomphe du localisme et à l’apologie de la proximité.</p>
<p>Face à un monde dérégulé dont le fonctionnement nous échappe, le local constitue à la fois une valeur refuge et un potentiel espace d’alternatives. Là encore, le projet de forêt primaire s’inscrit en faux contre cette attitude. Il ne s’agit ni d’un projet local ni d’un projet supranational, mais bien d’une démarche multiscalaire.</p>
<p>Pour engager un processus de libre évolution à grande échelle, il faut penser la complémentarité des ressources et des fonctions entre les territoires et organiser sur cette base les transactions et compensations de tous ordres à même de les réguler. C’est une bascule du localisme à la gestion de systèmes interterritoriaux coopératifs qui est en jeu.</p>
<h2>Un autre développement territorial</h2>
<p>C’est ainsi notre conception du développement territorial, indexée sur la croissance (population, emplois…) qui est interpellée. Peut-on imaginer que la libre évolution de la forêt constitue une ressource motrice pour un développement plus fondé sur l’innovation que sur la croissance ? Le projet de l’Association Francis Hallé pour la forêt primaire pourrait par exemple générer la création d’un pôle de recherche sur de nouvelles pratiques sylvicoles. Une filière de production sylvicole de haute qualité pourrait aussi être créée.</p>
<p>Avec le projet de renaissance d’une forêt primaire en Europe de l’Ouest, Francis Hallé et l’association qui s’est déployée autour de ce projet ont mis sur la place publique une proposition que seule une initiative citoyenne était à même de porter.</p>
<p>Ils ouvrent ce faisant un espace à même de transformer radicalement un vaste champ de politiques publiques et d’accélérer leur transition, à condition d’inventer un mode de construction collective, loin des formes en vigueur de prise de décision publique.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/202927/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Alexandra Locquet a reçu, dans le cadre de ses recherches post-doctorales, des financements des fondations IRIS et Nature & Découverte, ainsi que de l’Association Francis Hallé Pour la Forêt Primaire</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Daniel Behar ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>
Ce projet de réensauvagement, qui dépasse l’initiative citoyenne, vient bousculer les politiques publiques de la conservation.
Daniel Behar, Géographe Professeur des Universités, Université Paris-Est Créteil Val de Marne (UPEC)
Alexandra Locquet, Chercheuse en géogaphie, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.