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géologie – La Conversation
2024-01-23T16:27:39Z
tag:theconversation.com,2011:article/220232
2024-01-23T16:27:39Z
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Anthropocène… ou anthro-problème ? Une question d’étymologie et surtout d’échelle
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/567422/original/file-20231228-17-5rhoj4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les points stratigraphiques mondiaux (ou « clous d'or ») sont utilisés par les géologues pour identifier les limites entre deux étages géologiques distincts, représentant deux unités temporelles distinctes à l'échelle des temps géologiques.</span> <span class="attribution"><span class="source">James St John / Flickr</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span></figcaption></figure><p>C’est l’un des nouveaux mots qui s’est frayé un chemin, de la communauté scientifique jusqu’aux médias : « anthropocène ». Ce dernier entend décrire les modifications profondes que les activités humaines ont provoquées dans le fonctionnement de notre planète, et baptiser ainsi l’avènement d’une nouvelle ère géologique. Sauf que cette dénomination pose problème.</p>
<p>D’abord au niveau étymologique puisque ce mot a été créé de toute pièce par des chercheurs extérieurs aux sciences de la Terre, puisant à dessein dans le lexique géologique. L’enthousiasme immodéré que ce mot-valise suscite ne doit pas nous empêcher de porter un regard critique sur les façons dont il pourrait être mal interprété, en particulier en surestimant les pouvoirs de l’humanité.</p>
<p>Certes, les perturbations anthropiques sont bien réelles et mesurables à l’échelle de nos vies humaines. Mais leur juste place dans l’échelle des processus et des temps géologiques doit être questionnée avec davantage de modestie pour éviter de tomber, une fois de plus – et une fois de trop – dans le piège de l’anthropocentrisme.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/567426/original/file-20231228-29-l66ea2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/567426/original/file-20231228-29-l66ea2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/567426/original/file-20231228-29-l66ea2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/567426/original/file-20231228-29-l66ea2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/567426/original/file-20231228-29-l66ea2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/567426/original/file-20231228-29-l66ea2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/567426/original/file-20231228-29-l66ea2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Couche de détritus coincés entre une couche de calcaire et une couche de marne après l’effondrement d’une falaise.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Fmichaud76/Flickr</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
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<p>Le consensus est d’ailleurs loin d’être atteint parmi les scientifiques puisque factuellement, l’anthropocène ne figure pas – tout du moins pas encore – dans l’échelle des temps géologiques. La Commission internationale de stratigraphie , après que le groupe de travail sur l’anthropocène <a href="https://theconversation.com/voici-comment-le-lac-crawford-en-ontario-a-ete-choisi-pour-marquer-le-debut-de-lanthropocene-209454">a choisi un site pilote au Canada à l’été 2023</a>, a récemment <a href="https://www.nature.com/articles/d41586-024-00675-8?WT.ec_id=NATURE-202403&sap-outbound-id=6ACB62CD96157D29763AF16B937CD8E5804215D6">rejeté l'Anthropocène</a> – mais des irrégularités de procédure ont été soulevées, et certains demandent déjà l'annulation du vote.</p>
<p>Ce questionnement ne doit pas être réduit à un débat obscur entre spécialistes. Il sous-tend des conceptions radicalement différentes des enjeux auxquels l’humanité est confrontée et des réponses qu’elle devra y apporter.</p>
<h2>Une rupture étymologique</h2>
<p>Le terme d’anthropocène a été inventé <a href="https://www.nature.com/articles/415023a">par le chimiste de l’atmosphère et prix Nobel Paul Crutzen en 1995</a>, avant d’être largement <a href="https://www.radiofrance.fr/franceinter/qu-est-ce-que-l-anthropocene-cette-possible-epoque-geologique-de-l-humain-3965362">popularisé par les médias comme « ère de l’Homme »</a>. Pourtant, l’étymologie de ce nom qui associe les racines grecques anthropos (homme) et kainos (nouveau) signifie seulement… « homme nouveau ».</p>
<p>Le désaccord flagrant entre l’étymologie du mot et sa lecture courante résulte de l’inscription maladroite de ce néologisme dans la continuité des noms donnés en géologie aux différentes époques de l’ère Cénozoïque (anciennement « Tertiaire »).</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/569788/original/file-20240117-15-mhmpqv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/569788/original/file-20240117-15-mhmpqv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=472&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/569788/original/file-20240117-15-mhmpqv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=472&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/569788/original/file-20240117-15-mhmpqv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=472&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/569788/original/file-20240117-15-mhmpqv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=593&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/569788/original/file-20240117-15-mhmpqv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=593&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/569788/original/file-20240117-15-mhmpqv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=593&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Le mammouth est l’un des mammifères emblématiques du Cénozoïque.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Etienne Mahler/Flickr</span></span>
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<p>En effet, du Paléocène à l’Holocène, ces noms utilisent tous la racine « cène », choisie par les géologues pour traduire l’augmentation progressive de la ressemblance entre les faunes fossiles et les faunes modernes, d’où le recours au mot grec « kainos » (nouveau), comme le montre le tableau ci-dessous.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/566857/original/file-20231220-23-4f12xg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/566857/original/file-20231220-23-4f12xg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/566857/original/file-20231220-23-4f12xg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=535&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/566857/original/file-20231220-23-4f12xg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=535&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/566857/original/file-20231220-23-4f12xg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=535&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/566857/original/file-20231220-23-4f12xg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=672&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/566857/original/file-20231220-23-4f12xg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=672&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/566857/original/file-20231220-23-4f12xg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=672&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Les différentes époques de l’ère Cénozoïque (anciennement tertiaire) et leurs origines étymologiques.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Vincent Huault</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Le mot anthropocène rompt donc avec cette logique. Cette tentative ratée de greffe sémantique est le résultat d’un choix délibéré – en témoignent les <a href="https://www.degruyter.com/document/doi/10.12987/9780300188479-041/html">propres mots de Crutzen</a> – d’ancrer ce concept dans la géologie et non pas seulement dans l’histoire de l’humanité où il aurait pourtant trouvé une place plus naturelle. Son but étant d’abord l’inscription, au propre comme au figuré, dans le marbre de l’histoire géologique.</p>
<p>Et tant pis si cette étymologie incohérente passe par un sacrifice délibéré du sens au profit du symbole.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/lanthropocene-et-lechelle-des-temps-geologiques-73330">L’Anthropocène et l’échelle des temps géologiques</a>
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<p>On n’accorderait sans doute pas d’importance à ce défaut si le concept ainsi désigné enrichissait la connaissance de l’histoire de la Terre, son vocabulaire étant puisé sciemment dans le lexique de la géologie. Malheureusement, l’anthropocène apporte surtout un supplément de confusion sur les échelles des temps. Et brouille davantage la compréhension de la place que prennent les perturbations anthropiques dans l’histoire géologique de notre planète.</p>
<p>Une confusion dont nous n’avons pas besoin pour sensibiliser nos contemporains aux enjeux des changements planétaires en cours et pour leur faire ressentir l’urgence qu’il y a à agir.</p>
<h2>Si l’échelle des temps était une feuille A4, l’anthropocène ne ferait que quelques microns</h2>
<p>Je ne reviendrai pas en détail sur les <a href="https://theconversation.com/anthropocene-une-nouvelle-ere-geologique-73336">problèmes de définition de l’anthropocène</a> en tant qu’unité géologique. Quoi qu’en disent ses partisans, l’anthropocène n’est <a href="https://stratigraphy.org/chart#latest-version">toujours pas reconnu</a> par la Commission internationale de stratigraphie.</p>
<p>Voici les deux principaux points qui s’opposent à sa reconnaissance :</p>
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<li><p>Sa délimitation : le choix de l’événement qui doit marquer le début de l’anthropocène fait toujours débat entre ses défenseurs. Faut-il choisir le début de la révolution industrielle, celui de la première explosion atomique, l’apparition de l’agriculture, ou encore la <a href="https://theconversation.com/et-los-de-poulet-devint-le-symbole-de-lanthropocene-108857">multiplication des os de poulet</a> ? L’absence de délimitation consensuelle réduit l’anthropocène à un concept flou dont la mesure est insatisfaisante à tout point de vue : ni assez précise, ni suffisamment importante pour permettre une intégration harmonieuse au sein de l’échelle des temps géologiques.</p></li>
<li><p>Sa durée : quel que soit le choix qui sera fait pour le délimiter, l’intervalle de temps correspondant (quelques millénaires tout au plus) restera infinitésimal à l’échelle des 4,5 milliards d’années de l’histoire de la Terre. Songez simplement que si l’anthropocène était ajouté à une échelle des temps géologiques imprimée sur une feuille A4, il vous faudrait un microscope électronique à balayage pour distinguer ses quelques microns de hauteur !</p></li>
</ul>
<p>On est donc en droit de s’interroger sur l’intérêt à placer le concept dans le champ de la géologie auquel il s’intègre si mal dans l’état actuel de sa définition. Cela ne revient nullement à remettre en cause la réalité de l’impact des activités humaines sur l’environnement et ses potentielles répercussions dans l’enregistrement géologique.</p>
<p>Mais l’illusion d’une humanité régnant sans partage sur la nature (<a href="https://www.vie-publique.fr/parole-dexpert/271086-terre-climat-quest-ce-que-lanthropocene-ere-geologique">« maître des phénomènes géologiques »</a> ou nouvelle <a href="https://www.lemonde.fr/planete/article/2011/01/14/bienvenue-dans-une-nouvelle-ere-geologique-l-anthropocene_5981957_3244.html">« force géophysique »</a>) doit être rejetée comme une vision anthropocentrique peu crédible, en particulier après la claque infligée par la crise sanitaire de 2020.</p>
<p>Car si elle est capable de perturber les cycles naturels, l’humanité ne les maîtrise pas pour autant. Parce que nous risquons de ne pas savoir en gérer les conséquences, les perturbations observées, aussi intenses soient-elles, risquent de s’inscrire dans des échelles de temps humainement significatives, mais insignifiantes à l’échelle des temps géologiques.</p>
<h2>Le mythe de la toute-puissance humaine</h2>
<p>Si on s’en tient à l’étymologie, l’anthropocène devrait être une époque, comme l’Holocène auquel il est censé succéder. Pourtant, ses promoteurs le présentent tantôt comme une ère, tantôt comme une période ou une époque, montrant la difficulté qu’ils éprouvent à estimer la place de leur concept dans la hiérarchie des temps géologiques.</p>
<p><a href="https://theconversation.com/lanthropocene-et-lechelle-des-temps-geologiques-73330">Les ères, époques et périodes des temps géologiques</a> sont pourtant aussi distinctes les unes des autres que le sont les mois, les semaines et les jours de notre calendrier ou encore les chapitres, les paragraphes ou les lignes de cet article…</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/lanthropocene-et-lechelle-des-temps-geologiques-73330">L’Anthropocène et l’échelle des temps géologiques</a>
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<p>Cette question n’est pas anecdotique. Ériger l’anthropocène en intervalle de temps géologique, quel que soit son rang, c’est assumer à la fois un pari et une contradiction : le pari que les perturbations engendrées à l’échelle globale par les activités humaines sont suffisamment extrêmes pour laisser des traces définitives dans le registre géologique et que, malgré cela, elles vont perdurer suffisamment longtemps pour constituer une tranche du temps long géologique, mesurée en millions d’années.</p>
<p>Pour résoudre ce dilemme, il suffirait pourtant d’abandonner le mythe de la puissance humaine promise à un avenir infini, et d’accepter l’idée que l’anthropocène n’est rien d’autre qu’un moment de bascule vers une nouvelle époque géologique, un événement ponctuel plutôt qu’un intervalle de temps géologique, idée qui <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1002/jqs.3416">commence d’ailleurs à émerger chez certains partisans de l’anthropocène</a>.</p>
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<p>Il existe dans la terminologie stratigraphique des termes plus appropriés pour désigner de tels événements brefs – à l’échelle géologique cela peut correspondre à quelques milliers d’années – qui sont autant de repères temporels précieux. L’impact de l’astéroïde impliqué dans la <a href="https://theconversation.com/avant-la-chute-de-lastero-de-qui-a-cause-leur-extinction-les-especes-de-dinosaures-etaient-deja-sur-le-declin-163547">grande extinction des dinosaures qui marque la fin du Crétacé</a> est ainsi nommé « astroblème » – « blêma » signifiant « coup » en grec.</p>
<p>L’impact de l’humanité sur la planète peut être vu comme un événement affectant de façon significative le fonctionnement du système Terre, mais instantané à l’échelle géologique : un « anthropoblème » (« impact de l’Homme »).</p>
<p>La proximité entre anthropoblème et anthro-problème, qui fonctionne également en anglais, est bien plus responsabilisante que la vision anthropocentrique de l’anthropocène, qui érige l’être humain en aboutissement et en métronome des temps géologiques.</p>
<h2>Deux visions entre continuité et rupture</h2>
<p>À travers ce choix entre l’anthropocène « ère de l’Homme » et l’anthropoblème qui décrit son impact sur la planète, ce sont deux visions de l’avenir qui s’opposent.</p>
<p>On peut considérer qu’entrer dans l’anthropocène, « l’ère de l’Homme », c’est comme rentrer chez soi. La maison est un peu en désordre, mais la technologie va nous aider à faire le ménage. Dans ses travaux sur la chimie de l’atmosphère, Crutzen prônait la géo-ingénierie pour <a href="https://www.europarl.europa.eu/news/fr/headlines/society/20110103STO11194/paul-crutzen-prix-nobel-et-partisan-d-une-troisieme-voie-pour-sauver-le-climat">« corriger » sa composition</a> et pour <a href="https://www.nature.com/articles/415023a">« optimiser »</a> le climat.</p>
<p>Elon Musk de son côté <a href="https://theconversation.com/la-rhetorique-des-conquerants-de-mars-creer-le-reve-111315">promet un avenir martien à l’humanité</a>. Ces exemples de technosolutionniste font le pari d’une continuité humaine, portée à bout de bras par la technologie. Ce faisant, ils évitent soigneusement les questions cruciales sur les changements de nos systèmes de production, de pensée ou encore de nos modes de vie qui barrent pourtant l’horizon.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/pourquoi-vouloir-imposer-lanthropocene-73456">Pourquoi vouloir imposer l’anthropocène ?</a>
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<p>A l’opposé, si l'on admet que la technologie ne suffira pas à garantir indéfiniment notre sécurité face à des phénomènes naturels toujours plus violents, on peut faire le choix radical de maîtriser nos émissions de gaz à effet de serre pour ne pas provoquer une tempête qui risque d’emporter le toit, la maison… et ses habitants.</p>
<p>Il s’agit là d’un modèle de rupture qui reconnaît le risque d’un basculement dans l’inconnu : il faut habiter autrement la Terre, parce que l’anthropoblème ouvre sur un agnostocène – « nouvel inconnu » – dans lequel l’avenir de l’humanité n’est pas garanti si elle n’agit pas fortement et rapidement pour se reconnecter au monde qui l’entoure.</p>
<p>Les connotations véhiculées par l’anthropocène font donc obstacle à la responsabilisation et flattent notre propension à résister à des changements auxquels l’humanité devra pourtant faire face dans des délais qui n’ont rien de géologique. Or, nous n’avons plus le temps ni les moyens d’entretenir des illusions sur la puissance de l’humanité.</p>
<p>Si nous échouons à mener cette nouvelle révolution copernicienne et à maîtriser nos influences délétères sur les grands cycles du système Terre, rétablir le bel alignement des mots et de leur sens deviendra superflu, puisque le débat autour de l’anthropocène n’aura simplement plus d’objet.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/220232/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Vincent Huault ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>
L'anthropocène, cette possible nouvelle ère géologique où l’influence humaine aurait surpassé les forces naturelles, est loin de faire consensus chez les géologues. Certains en déplorent l'anthropocentrisme.
Vincent Huault, Maître de conférence en paléontologie et stratigraphie, Université de Lorraine
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/219982
2023-12-26T16:58:08Z
2023-12-26T16:58:08Z
Quoi qu’il en croûte ! Le puzzle d’une carte géologique de France haute en couleurs
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/566008/original/file-20231215-19-8vpgpr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Connaît-on bien le passé géologique de la France métropolitaine ? Visite guidée de quelques singularités de notre territoire.</span> <span class="attribution"><span class="source">BRGM</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span></figcaption></figure><p>L’histoire de notre planète est jalonnée de nombreux événements : éruptions volcaniques, formation de montagnes, érosion, accumulation de sédiments, évolution du climat, fluctuations du niveau marin, apparitions d’espèces, crises biologiques majeures, voire chutes d’astéroïdes.</p>
<p>Pour aider le grand public à comprendre cette histoire longue et accidentée, le BRGM <a href="https://www.calameo.com/read/00571912113904a57d058">propose une carte géologique sous forme de puzzle</a>. De quoi voyager partout en France… et <a href="https://www.brgm.fr/fr/actualite/communique-presse/voyage-temps-geologiques">à travers les temps géologiques</a> ! Visite guidée.</p>
<p>Au départ, il faut comprendre comment ont été établies les <a href="https://theconversation.com/de-la-pierre-au-papier-une-carte-innovante-du-sous-sol-de-paris-et-ses-environs-182160">cartes géologiques</a> dont le but principal est de comprendre l’organisation du sous-sol en trois dimensions. Il est donc fondamental de disposer de repères chonologiques. Pour déterminer la succession et la durée des événements, les géologues se sont d’abord attelés à étudier les traces de vie fossilisées dans les sédiments. Par la suite, d’autres techniques basées sur la physique et la chimie ont permis de quantifier et d’affiner l’échelle des temps.</p>
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<p>Initialement, il s’agissait surtout de repérer des substances utiles qu’offre la croûte terrestre : fer, charbon… D’abord indiquées de manière ponctuelle par de simples observations écrites, les représentations ont vite évolué vers des plages de couleur. Le plus simple était de reporter la véritable couleur des cailloux. Les premières sont l’œuvre d’ingénieurs des mines en Saxe à la fin du XVIII<sup>e</sup> siècle.</p>
<figure class="align-center ">
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<span class="caption">Carte géologique ancienne gravée par Charpentier.</span>
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<h2>Couleurs des roches, couleurs du temps</h2>
<p>Le fait de représenter la véritable couleur des roches a continué au XIX<sup>e</sup> siècle. </p>
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<span class="caption">Le jaune du Miocène.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Frédéric Simien, Brgm, DR</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Par exemple, le jaune généralement utilisé pour décrire le Miocène rappelle la pierre du Midi visible dans de nombreux monuments (remparts d’Aigues-Mortes, pont du Gard, Palais des Papes, arènes d’Arles…), le vert du Crétacé correspond aux sables verts situés dans l’Aube, le bleu du Jurassique fait écho aux marnes bleues du Jura, et le mauve du Trias se rapporte au grès des Vosges (utilisé pour la cathédrale Notre-Dame de Strasbourg).</p>
<figure class="align-left ">
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<figcaption>
<span class="caption">Le rouge du Permien.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Frédéric Simien, Brgm, DR</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Pour sa part, le rouge du Permien concorde avec les argiles et grès rouges (maisons de Collonges-la-Rouge). Le Carbonifère, enfin, est représenté en gris pour rappeler les couches riches en carbone (charbon) qui sont abondantes pour cette période.</p>
<p>C’est bien l’accumulation de connaissances sur les fossiles qui a permis d’établir une chronologie entre les couches sédimentaires et de faire évoluer la représentation des roches sur les cartes. Pour les roches sans fossiles, c’est toutefois la nature des roches qui a été conservée. Ainsi, le mauve foncé rappelle la couleur des basaltes, et le rouge des granites a été choisi pour illustrer la fusion du magma dont il est issu.</p>
<p>Bien que l’on sache aujourd’hui <a href="https://www.insu.cnrs.fr/fr/datation-des-roches-et-des-fossiles">dater des roches sans fossiles</a>, on retrouve encore cette dichotomie entre représentation temporelle pour les roches qui ont des fossiles et représentation de la nature des roches pour celles qui n’en contiennent pas.</p>
<p>Les cartes géologiques sont donc des documents complexes dont la lecture nécessite des connaissances particulières. La forme du puzzle permet d’en rendre la lecture plus ludique.</p>
<h2>Les roches les plus anciennes de France</h2>
<p>Il faut dire que notre territoire métropolitain présente une diversité géologique remarquable. Âgées d’environ deux milliards d’années, les plus anciennes roches affleurent de la Bretagne à la Normandie en passant par les îles Anglo-Normandes.</p>
<p>Ensuite, les « vieux » vestiges suivants sont datés entre 600 et 250 millions d’années. Ces roches sont visibles dans les massifs dits « anciens », qui forment le « socle » (Massif armoricain, Massif central, cœur des Pyrénées, partie occidentale de la Corse, massif des Maures, certaines parties des Alpes, Vosges et Ardennes).</p>
<figure class="align-right ">
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<span class="caption">La Côte de granit rose doit sa couleur à l’oxydation du fer.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Pierrick Graviou/DR</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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</figure>
<p>Ces roches sont principalement représentées dans des tons « chauds » (rouge, orange, rose), couleurs historiques pour rappeler le feu des magmas originels et sombres (marron, vert et gris) pour illustrer d’anciennes roches sédimentaires plus ou moins transformées.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/de-la-pierre-a-la-rose-du-magma-au-chaos-163761">De la pierre à la rose, du magma au chaos</a>
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<p>Il existe aussi un vert plus lumineux qui correspond à des vestiges d’un ancien océan qui se trouvait avant la collision des plaques tectoniques. Ces chocs ont entraîné la formation des granites et la transformation de ces roches, le tout formant le socle. Ainsi, on peut retrouver en même temps, des roches déposées en surface et d’autres en cours de fusion dans les profondeurs.</p>
<h2>Les grands bassins sédimentaires chamboulés par les Pyrénées et les Alpes</h2>
<p>De manière chronologique viennent ensuite les grands bassins sédimentaires, notamment présents en Aquitaine, et sur une grande partie au centre du pays, de même que dans l’Est et au Nord en se prolongeant en Angleterre. Ils présentent tous la même succession d’auréoles de couleur mauve, bleu, vert, orange et jaune.</p>
<p>Le bassin du Sud-Est présente la même suite de couleurs, mais de manière plus désordonnée à cause des bouleversements tectoniques engendrés par les <a href="https://www.futura-sciences.com/planete/questions-reponses/geologie-sont-formees-pyrenees-16406/">Pyrénées</a> et les <a href="https://www.futura-sciences.com/planete/questions-reponses/alpes-sont-formees-alpes-16171/">Alpes</a>. En effet, ces montagnes, qui restent jeunes au plan géologique, ont permis de faire réapparaître le socle ancien.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/des-roches-plus-vieilles-que-ce-que-lon-pensait-au-coeur-des-alpes-200116">Des roches plus vieilles que ce que l’on pensait au cœur des Alpes</a>
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<p>Suite aux compressions qui ont donné naissance à ces reliefs, la croûte terrestre s’est étirée, principalement au cours de l’Oligocène (il y a 34 à 23 millions d’années), créant des fossés d’effondrement dans le Massif central (Limagnes et plaine du Forez), sur l’axe Saône-Rhône (Bresse) et dans la plaine d’Alsace.</p>
<p>D’autres phases de compression ont suivi, et les séismes contemporains, des <a href="https://france3-regions.francetvinfo.fr/occitanie/hautes-pyrenees/tarbes/les-pyrenees-une-mysterieuse-zone-sismique-sous-surveillance-internationale-2833685.html">Pyrénées</a> aux <a href="https://www.irma-grenoble.com/05documentation/04dossiers_articles.php?id_DTart=50&id_DT=5">Alpes</a> démontrent que cela continue de bouger.</p>
<h2>La tectonique à distance et en profondeur</h2>
<p>Notre pays est jalonné de failles dont certaines se remarquent sur des centaines de kilomètres comme le Sillon houiller qui traverse le Massif central entre les départements de l’Aveyron et de l’Allier. Ces failles représentent des vestiges de déformations passées et certaines peuvent encore encaisser des mouvements.</p>
<p>Les chaînes de montagnes « jeunes » ne se limitent pas aux Pyrénées et aux Alpes, auquelles il faudrait d’ailleurs ajouter la <a href="https://www.pourlascience.fr/sd/geosciences/l-autonomie-geologique-de-la-corse-4448.php">Corse</a>. Le résultat des déformations géologiques occasionnées s’observe à des centaines de kilomètres, comme en témoignent les plissements visibles dans le pays de Bray et dans le Boulonnais, où le Jurassique (bleu) refait surface !</p>
<p>Des vues en section (coupes) permettent de mieux comprendre l’organisation des roches en profondeur. Par exemple, les roches du socle sont présentes sur l’ensemble du territoire. Lorsqu’elles n’affleurent pas, elles se rencontrent en profondeur sous les bassins sédimentaires. Cela peut aller jusqu’à trois kilomètres sous Paris et un peu plus de 10 kilomètres dans le sud de l’Aquitaine ou bien dans le Vaucluse.</p>
<h2>L’énigme des roches en position « anormale »</h2>
<p>Revenons-en à nos sédiments. Il ne faut pas s’imaginer les accumulations sédimentaires de manière statique. Si l’on suit la succession temporelle du mauve au jaune, on pourrait penser que la mer s’est retirée de ces zones géographiques dans le passé, or c’est loin d’être le cas.</p>
<p>Pour ne donner qu’un seul exemple, au Crétacé (vert) la mer recouvrait entièrement le Massif armoricain et une bonne partie du Massif central. Ainsi, les limites des bassins sont des limites d’érosion (ce qu’il en reste après l’épreuve du temps) et non des limites d’extension des sédiments déposés.</p>
<p>Au nord-ouest de Toulon, une « tâche » mauve posée sur du vert représente en quelque sorte une anomalie, puisque dans une succession chronologique normale le vert (Crétacé, il y a 65 à 145 millions d’années) doit être au-dessus du bleu (Jurassique, -145 à -201 millions d’années) qui lui-même doit recouvrir du mauve (Trias, -201 à -252 millions d’années).</p>
<p>Cela a donné beaucoup de fil à retordre aux géologues, qui ont imaginé un îlot composé de roches du Trias (mauve) émergeant d’une mer du Crétacé, ou encore un pli en forme de champignon dans lequel le Trias aurait transpercé le Crétacé…</p>
<p>Finalement, c’est en progressant dans une mine de lignite (intermédiaire entre la tourbe et la houille) contenue dans des terrains du Crétacé que Marcel Bertrand (initiateur de la tectonique moderne) a réalisé qu’il y avait toujours du Trias au-dessus de lui. Pas l’îlot ou de pli en champignon, donc ! L’observation réalisée en 1884 montrait que le recouvrement de terrains par d’autres était possible. Ce charriage donnait une vision complètement nouvelle de la formation des montagnes.</p>
<p>La majorité des roches volcaniques jeunes se trouvent au centre de notre pays. Le massif du Cantal est le plus grand volcan d’Europe avec 60 kilomètres de diamètre. Si le Plomb du Cantal culmine aujourd’hui à 1 855 m d’altitude, le sommet du stratovolcan atteignait probablement 4 000 m il y a environ 8 millions d’années. De l’Auvergne au Languedoc, les manifestations volcaniques se sont étalées entre le Miocène et le Quaternaire. Le <a href="https://ens.puy-de-dome.fr/fileadmin/user_upload/Pavin_numerique_web.pdf">plus jeune volcan de France se trouve au lac Pavin</a> en Auvergne (environ 6 000 ans avant notre ère).</p>
<h2>Tombé du ciel !</h2>
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<figcaption>
<span class="caption">Dans le limousin, ces roches étonnantes trouvent leur origine dans l’impact d’un astéroïde il y a 207 millions d’années.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Philippe Chèvremont, DR</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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</figure>
<p>La carte de France présente une auréole singulière dans le Limousin. Il s’agit des roches résultant de l’impact d’un astéroïde, il y a 207 millions d’années (Trias). Ces impactites, puisque tel est leur nom, sont présentes sur un diamètre d’une vingtaine de kilomètres. L’astéroïde, qui mesurait environ un kilomètre et demi de diamètre (six milliards de tonnes !) est arrivé à la vitesse de 20 kilomètres par seconde. Cela a déformé les roches sur plus de cinq kilomètres de profondeur et perturbé les environnements de l’époque sur de très grandes distances.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/quest-ce-quune-meteorite-je-visite-et-jetudie-les-crateres-quelles-ont-laisses-sur-notre-planete-207207">Qu'est-ce qu'une météorite ? Je visite et j'étudie les cratères qu'elles ont laissés sur notre planète</a>
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<p>Assembler le puzzle de 1 000 pièces de la carte de France métropolitaine permet de toucher du doigt la géologie de notre pays. Cela permet également de percevoir la diversité des roches qui composent nos paysages ainsi que nos monuments et maisons composées de vieilles pierres. À vous de juger sur pièces…</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/219982/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Frédéric Simien travaille au BRGM.</span></em></p>
Connaissez-vous bien l’histoire géologique de la France ? Le BRGM propose de revenir sur ce passé méconnu de notre pays à l’aide d’une carte ludique et pédagogique présentée sous forme de puzzle.
Frédéric Simien, Responsable des Éditions, BRGM
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/220292
2023-12-21T17:42:46Z
2023-12-21T17:42:46Z
Pourquoi l'éruption volcanique en Islande n'a rien d'une surprise : les explications d’un géologue
<p>Le 18 décembre 2023, la lave a jailli d’une fissure dans la péninsule de Reykjanes, en Islande, s’élevant à <a href="https://en.vedur.is/about-imo/news/a-seismic-swarm-started-north-of-grindavik-last-night">près de 30 mètres</a> dès les premières heures de la journée.</p>
<p>Les Islandais anticipaient une éruption dans la région depuis des semaines, après qu’un <a href="https://en.vedur.is/about-imo/news/a-seismic-swarm-started-north-of-grindavik-last-night">essaim de milliers de petits tremblements de terre</a> a commencé le 23 octobre au nord-est de la ville de pêcheurs de Grindavík, signalant une activité volcanique en contrebas.</p>
<p><em>[Plus de 85 000 lecteurs font confiance aux newsletters de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde. <a href="https://memberservices.theconversation.com/newsletters/?nl=france&region=fr">Abonnez-vous aujourd’hui</a>]</em></p>
<p>Dans les jours qui ont suivi ces premiers grondements, une série de petites failles se sont ouvertes sous la ville, fracturant des rues, brisant des lignes électriques et faisant basculer des maisons. Les stations GPS ont détecté l’<a href="https://en.vedur.is/about-imo/news/earthquake-activity-in-fagradalsfjall-area">affaissement et l’élévation du sol</a> sur une vaste zone.</p>
<p>Les géologues du <a href="https://en.vedur.is/about-imo/news/a-seismic-swarm-started-north-of-grindavik-last-night">bureau météorologique islandais</a> ont interprété ces événements comme la preuve qu’un dyke de basalte (c’est-à-dire le magma sous pression qui se fraye un chemin dans une fracture) s’était infiltré sous Grindavík. L’activité avait diminué début décembre, mais à quatre kilomètres au nord de la ville, le sol sous la centrale géothermique de <a href="https://www.verkis.com/projects/energy-production/geothermal-energy/nr/936">Svartsengi</a> était en mouvement.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/566683/original/file-20231219-19-6waspp.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Une carte montre l’emplacement de la fissure." src="https://images.theconversation.com/files/566683/original/file-20231219-19-6waspp.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/566683/original/file-20231219-19-6waspp.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/566683/original/file-20231219-19-6waspp.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/566683/original/file-20231219-19-6waspp.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/566683/original/file-20231219-19-6waspp.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/566683/original/file-20231219-19-6waspp.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/566683/original/file-20231219-19-6waspp.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Emplacement de la fissure où le magma est entré en éruption le 18 décembre 2023, à quelques kilomètres de la ville de Grindavík et juste à l’est de la centrale électrique de Svartsengi et de la station thermale Blue Lagoon adjacente.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://en.vedur.is/about-imo/news/a-seismic-swarm-started-north-of-grindavik-last-night">Bureau météorologique islandais</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Le sol a baissé de 25 centimètres au fur et à mesure que la digue de basalte se remplissait, mais a ensuite commencé à s’élever en un large dôme, ce qui indique que le magma regonflait et repressurisait la chambre magmatique. Il en a résulté l’éruption du 18 décembre.</p>
<p>Si la fissure continue à se propager vers le sud, ou si un volume important de lave entre à nouveau en éruption, la ville évacuée de Grindavík, qui compte environ 3 500 habitants, pourrait être en danger. La lave pourrait également se déverser vers le nord-ouest en direction de la centrale électrique, bien que la compagnie d’électricité ait construit des murs de roche pour tenter de détourner les coulées de lave.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Une vue aérienne montre les lumières de Grindavík et la lueur de l’éruption très proche." src="https://images.theconversation.com/files/566707/original/file-20231219-25-zfbj7a.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/566707/original/file-20231219-25-zfbj7a.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=396&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/566707/original/file-20231219-25-zfbj7a.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=396&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/566707/original/file-20231219-25-zfbj7a.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=396&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/566707/original/file-20231219-25-zfbj7a.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=498&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/566707/original/file-20231219-25-zfbj7a.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=498&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/566707/original/file-20231219-25-zfbj7a.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=498&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">La ville de Grindavík, qui a été évacuée, et une centrale géothermique située à proximité sont toujours menacées.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.gettyimages.com/detail/news-photo/the-evacuated-icelandic-town-of-grindavik-is-seen-as-smoke-news-photo/1860420658?adppopup=true">Viken Kantarci/AFP</a></span>
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</figure>
<p>Ce n’est pas pour rien que l’Islande est surnommée « la terre de feu et de glace ». Ses habitants ont appris au fil des siècles à vivre avec sa géologie hyperactive.</p>
<p>La raison du volcanisme islandais est double : l’une est liée à ce que les géologues appellent sans imagination un <a href="https://oceanexplorer.noaa.gov/facts/volcanic-hotspot.html">point chaud</a>, et l’autre concerne les plaques tectoniques géantes qui se séparent juste sous l’île. En tant que <a href="https://scholar.google.com/citations?user=r8FqGBEAAAAJ&hl=fr">géologue</a>, j’étudie les deux.</p>
<h2>Volcanisme et puzzle tectonique</h2>
<p>Lorsque la <a href="https://www.iris.edu/hq/inclass/animation/plate_tectonic_theorya_brief_history">théorie de la tectonique des plaques</a> est apparue dans les années 1960, les géologues ont réalisé que de nombreux volcans se situent dans des zones où les plaques tectoniques se rencontrent. Les plaques tectoniques sont de gigantesques morceaux de la couche externe rigide de la Terre qui supportent à la fois les continents et les océans, et qui sont constamment en mouvement. Elles <a href="https://www.usgs.gov/media/images/tectonic-plates-earth">recouvrent la planète</a> comme les grandes pièces d’un puzzle sphérique.</p>
<p>Beaucoup de ces volcans se trouvent dans des zones de subduction, comme le <a href="https://education.nationalgeographic.org/resource/plate-tectonics-ring-fire/">Cercle de feu du Pacifique</a>, où des plaques océaniques plus minces s’enfoncent lentement dans le <a href="https://education.nationalgeographic.org/resource/mantle/">manteau terrestre</a>. Ce sont les stratovolcans de carte postale, comme le mont Fuji, au Japon, ou le mont Rainier, près de Seattle. En raison de leur forte teneur en gaz, ils ont tendance à entrer en éruption de manière catastrophique, projetant des cendres dans l’atmosphère avec l’énergie d’une bombe nucléaire, comme l’a fait le <a href="https://www.usgs.gov/volcanoes/mount-st.-helens/science/1980-cataclysmic-eruption">Mont Saint Helens en 1980</a>.</p>
<p>Un deuxième type de volcan, généralement plus silencieux, se forme <a href="https://oceanexplorer.noaa.gov/facts/mid-ocean-ridge.html">lorsque les plaques se séparent</a>.</p>
<p>L’activité volcanique près de Grindavík est directement liée à ce type de mouvement tectonique des plaques. La dorsale médio-atlantique, qui sépare les plaques eurasienne et nord-américaine, traverse cette partie de l’île.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/559688/original/file-20231115-22-mdyae8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Une carte montre où les tremblements de terre se produisent dans une péninsule du sud-ouest et où les plaques tectoniques se rencontrent." src="https://images.theconversation.com/files/559688/original/file-20231115-22-mdyae8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/559688/original/file-20231115-22-mdyae8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=780&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/559688/original/file-20231115-22-mdyae8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=780&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/559688/original/file-20231115-22-mdyae8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=780&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/559688/original/file-20231115-22-mdyae8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=980&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/559688/original/file-20231115-22-mdyae8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=980&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/559688/original/file-20231115-22-mdyae8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=980&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">L’Islande est située au point de rencontre de deux plaques tectoniques, la nord-américaine à l’ouest et l’eurasienne à l’est, comme l’indique la ligne rouge qui traverse l’île. Les cartes montrent la succession de tremblements de terre du 12 au 14 novembre 2023.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.gettyimages.com/detail/news-photo/an-infographic-titled-iceland-prepares-for-volcanic-news-photo/1782148842?adppopup=true">Yasin Demirci/Anadolu via Getty Images</a></span>
</figcaption>
</figure>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/559732/original/file-20231115-27-7uf0ky.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Une carte montre les détails des dorsales médio-océaniques qui ressemblent aux coutures d’une balle de baseball et qui serpentent à travers les principaux océans." src="https://images.theconversation.com/files/559732/original/file-20231115-27-7uf0ky.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/559732/original/file-20231115-27-7uf0ky.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=330&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/559732/original/file-20231115-27-7uf0ky.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=330&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/559732/original/file-20231115-27-7uf0ky.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=330&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/559732/original/file-20231115-27-7uf0ky.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=415&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/559732/original/file-20231115-27-7uf0ky.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=415&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/559732/original/file-20231115-27-7uf0ky.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=415&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Dans les années 1950, la cartographe Marie Tharp a utilisé les échosondages recueillis par les navires pour élaborer la première carte détaillée des fonds océaniques. Celle-ci met clairement en évidence les dorsales médio-océaniques. Cette version peinte à la main de sa carte comporte des annotations montrant les traces de points chauds liés au mouvement des plaques.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.loc.gov/">Heinrich C. Berann via Library of Congress ; annotations by Jaime Toro</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>En fait, au <a href="https://guidetoiceland.is/connect-with-locals/jorunnsg/ingvellir-national-park">Parc national de Thingvellir</a>, vous pouvez littéralement marcher entre les deux plaques tectoniques. Les cicatrices topographiques du rift sont visibles dans les longues vallées linéaires qui s’étendent au nord-est de Grindavík. Elles répondent à la succession de séismes, à la <a href="https://en.vedur.is/about-imo/news/bigimg/4511?ListID=0">déformation du sol</a> et à l’éruption fissurale observés en 2023.</p>
<p>Lorsque les plaques s’écartent l’une de l’autre, le manteau terrestre sous-jacent remonte vers la surface pour combler l’espace, transportant de la chaleur avec lui et se déplaçant dans une zone de pression plus basse. Ces <a href="https://www.e-education.psu.edu/rocco/node/1988">deux processus</a> provoquent la fusion des roches en profondeur et l’activité volcanique à la surface.</p>
<p>Il s’agit du <a href="https://en.wikipedia.org/wiki/Sheeted_dyke_complex">même processus que celui qui crée une nouvelle croûte océanique</a> sous l’eau au niveau des dorsales médio-océaniques. Une fois que le magma s’est solidifié sous forme de basalte, il ressemble à des murs verticaux.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/566733/original/file-20231219-19-4i4dgz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Le soulèvement concerne une vaste zone qui comprend une centrale électrique proche et la station thermale Blue Lagoon." src="https://images.theconversation.com/files/566733/original/file-20231219-19-4i4dgz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/566733/original/file-20231219-19-4i4dgz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=552&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/566733/original/file-20231219-19-4i4dgz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=552&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/566733/original/file-20231219-19-4i4dgz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=552&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/566733/original/file-20231219-19-4i4dgz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=694&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/566733/original/file-20231219-19-4i4dgz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=694&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/566733/original/file-20231219-19-4i4dgz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=694&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Une carte montre le soulèvement du sol (en rouge vif) au nord de Grindavík avant l’éruption du 18 décembre 2023, ainsi que l’étendue de la nouvelle coulée de lave (en noir).</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://en.vedur.is/">Bureau météorologique islandais</a></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>L’Islande assise sur un point chaud</h2>
<p>En Islande, les grands volcans de l’intérieur <a href="https://doi.org/10.1016/j.epsl.2013.02.022">semblent également se trouver au-dessus d’un panache de manteau terrestre</a>, <a href="https://theconversation.com/where-mauna-loas-lava-is-coming-from-and-why-hawaiis-volcanoes-are-different-from-most-195633">comme à Hawaï</a>.</p>
<p>Ce type de volcan émet généralement de la lave basaltique, qui fond à très haute température et a tendance à s’écouler facilement. Les éruptions ne sont généralement pas explosives car la lave qui coule permet aux gaz de s’échapper.</p>
<p>Les causes exactes de la remontée de matière chaude dans les points chauds sont encore débattues, mais l’idée la plus communément admise est qu’elles sont provoquées par des panaches de roches surchauffées qui prennent naissance à la transition <a href="https://doi.org/10.1126/science.349.6252.1032">entre le noyau métallique de la Terre et le manteau terrestre</a>. Les points chauds sont un mécanisme permettant à la Terre d’évacuer une partie de sa <a href="https://www.sciencealert.com/earth-s-insides-are-cooling-faster-than-we-thought-and-it-will-mess-things-up">chaleur interne</a>.</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/Hl1gfV-TdU0?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Comment les points chauds se développent. Vidéo par Volcano Museum.</span></figcaption>
</figure>
<p>En règle générale, les éruptions fissurales ne sont pas explosives. Cependant, lorsque de la lave à 1 000 °C entre en contact avec de l’eau, la transformation de la lave en vapeur peut provoquer des explosions susceptibles de disperser des cendres sur une zone plus étendue.</p>
<h2>Les bons côtés du volcanisme islandais</h2>
<p>Vivre dans une région volcanique active présente certains avantages, notamment sur le plan énergétique.</p>
<p>L’Islande tire 30 % de son électricité de sources géothermiques qui utilisent la chaleur du sous-sol pour actionner des turbines et produire de l’énergie. Si l’on veut, c’est quasiment la version contrôlée d’une coulée de lave frappant la mer, et cela contribue à faire de l’Islande <a href="https://www.volts.wtf/p/whats-the-deal-with-iceland#details">l’une des économies les plus propres de la planète</a>.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/559465/original/file-20231114-21-f3fk7c.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Des personnes sont assises dans un lac bleu entouré de roches de lave noires. De la vapeur s’élève à l’arrière-plan." src="https://images.theconversation.com/files/559465/original/file-20231114-21-f3fk7c.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/559465/original/file-20231114-21-f3fk7c.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=758&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/559465/original/file-20231114-21-f3fk7c.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=758&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/559465/original/file-20231114-21-f3fk7c.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=758&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/559465/original/file-20231114-21-f3fk7c.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=953&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/559465/original/file-20231114-21-f3fk7c.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=953&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/559465/original/file-20231114-21-f3fk7c.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=953&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">L’Islande possède de nombreuses sources d’eau chaude naturelles, mais son Lagon bleu a une origine inhabituelle liée à l’énergie géothermique.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://unsplash.com/photos/people-swimming-on-hot-spring-near-mountain-during-daytime-jTeQavJjBDs">Jeff Sheldon/Unsplash</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nd/4.0/">CC BY-ND</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>La centrale hydrothermale <a href="https://www.verkis.com/projects/energy-production/geothermal-energy/nr/936">Svartsengi</a> utilise ainsi la chaleur souterraine de la même chambre magmatique qui est actuellement en éruption pour fournir de l’eau chaude à plusieurs milliers de foyers, ainsi que 75 mégawatts d’électricité.</p>
<p>Cette centrale est aussi l’une des raisons pour lesquelles le <a href="https://www.bluelagoon.com/">Lagon bleu</a> est si populaire. Lorsque la centrale a été construite en 1976, il était prévu de déverser ses eaux usées encore chaudes dans une zone basse adjacente, en espérant qu’elles s’infiltreraient dans le sol. Cependant, l’eau géothermique était chargée de silice dissoute, qui s’est transformée en minéraux solides lorsque l’eau s’est refroidie, créant ainsi une couche imperméable. Un petit lac a commencé à se former.</p>
<p>En raison de sa forte teneur en silice, l’eau de ce lac a une couleur bleue spectaculaire qui a inspiré la création de la station thermale. Le lagon bleu est l’une des principales attractions touristiques du pays.</p>
<p>Aujourd’hui, le lagon bleu est menacé : parfois le volcan donne, parfois il reprend.</p>
<hr>
<p><em>Ceci est une version mise à jour d’un <a href="https://theconversation.com/volcanic-iceland-is-rumbling-again-as-magma-rises-a-geologist-explains-eruptions-in-the-land-of-fire-and-ice-217671">article publié le 15 novembre 2023</a>.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/220292/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jaime Toro travaille pour l'Université de Virginie occidentale (Etats-Unis). Dans le passé, il a reçu des financements de la NSF, de l'USGS et du DOE.</span></em></p>
Que se passe-t-il en Islande ? Un géologue revient sur l'éruption du 18 décembre, ses signes avant-coureurs et les particularités uniques du volcanisme islandais.
Jaime Toro, Professor of Geology, West Virginia University
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/219666
2023-12-20T19:54:58Z
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Une forêt tropicale à Paris
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/566323/original/file-20231218-28-xc0jy3.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&rect=8%2C35%2C2939%2C2913&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Paris a déjà connu un climat tropical, il y a plusieurs dizaines de millions d’années. Attention aux marécages en allant au travail&nbsp;!</span> <span class="attribution"><span class="source">Sophie Fernandez, MNHN</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span></figcaption></figure><p>Avec l’augmentation moyenne des températures à la surface de la Terre, Paris verra-t-elle un climat tropical et des jungles marécageuses s’installer ?</p>
<p>Si, dans l’histoire de la Terre, Paris a déjà été une zone tropicale, les causes du réchauffement étaient alors extrêmement différentes, et les changements climatiques beaucoup plus lents, étalés sur quelques milliers ou millions d’années.</p>
<p>Je vous propose de mieux comprendre comment des plantes tropicales en sont venues à dominer la végétation du Bassin parisien il y a des dizaines de millions d’années, pour comprendre comment la situation est différente aujourd’hui.</p>
<h2>Un réchauffement brutal et sans précédent</h2>
<p>À la fin du Paléocène, il y a 56 millions d’années, il faisait déjà plutôt chaud sur la Terre par rapport à aujourd’hui. La <a href="https://doi.org/10.5252/geodiversitas2020v42a11">moyenne annuelle des températures avoisinait alors les 20 °C dans le nord de la France</a> et la moyenne des précipitations annuelles était supérieure à 1200 millimètres, contre environ 10 °C et 630 millimètres en moyenne aujourd’hui.</p>
<p>Puis, un relargage massif de carbone dans l’atmosphère, probablement d’origine volcanique, a provoqué une instabilité du cycle du carbone. Il aurait été suivi de la fonte du permafrost (partie du sol qui reste gelée pendant plus de deux ans), provoquant un autre relargage massif de dioxyde de carbone dans l’atmosphère, ce qui aurait provoqué un emballement.</p>
<p>L’augmentation de la quantité de dioxyde de carbone dans l’atmosphère a alors provoqué un réchauffement climatique sans précédent, global et « brutal » — brutal à l’échelle géologique, j’entends.</p>
<p>En quelques milliers d’années, au début de l’Éocène — époque géologique qui succède au Paléocène, et qui s’étend entre 56 et 47,8 millions d’années — on aurait enregistré jusqu’à 8 °C d’augmentation des températures continentales à l’échelle mondiale !</p>
<h2>Les forêts parisiennes s’adaptent au réchauffement</h2>
<p>À la fin du Paléocène, avant le réchauffement, la végétation autour de Paris était très différente de ce que l’on connaît actuellement : il s’agissait d’une mosaïque écologique fossile où les groupes tropicaux à subtropicaux dominent, tandis que les familles aujourd’hui dominantes des milieux tempérés (par exemple les <em>Fagaceae</em>, la famille du chêne) semblent être secondaires.</p>
<p>C’est le paléobotaniste Gaston de Saporta (1823-1895) qui l’a mis en évidence, à travers l’étude des feuilles fossilisées dans des <a href="https://patrimoine.sorbonne-universite.fr/fonds/item/3091-prodrome-d-une-flore-fossile-des-travertins-anciens-de-sezanne">travertins anciens, dits « de Sézanne »</a>, dans la Marne.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/565738/original/file-20231214-29-she0di.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="un fossile et une feuille actuelle" src="https://images.theconversation.com/files/565738/original/file-20231214-29-she0di.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/565738/original/file-20231214-29-she0di.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=323&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/565738/original/file-20231214-29-she0di.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=323&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/565738/original/file-20231214-29-she0di.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=323&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/565738/original/file-20231214-29-she0di.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=406&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/565738/original/file-20231214-29-she0di.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=406&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/565738/original/file-20231214-29-she0di.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=406&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Un fossile de feuille de <em>Quercites</em> (famille du chêne) retrouvé dans les travertins de Sézanne dans la Marne, et un analogue, <em>Quercus glauca</em>, observé aujourd’hui au Japon.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.inaturalist.org/observations/193862334">RECOLNAT (ANR-11-INBS-0004) — Jocelyn FALCONNET — 2017, MNHN (gauche) et renshuchu, iNaturalist (droite)</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc/4.0/">CC BY-NC</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>De fait, la végétation et la faune ont réagi au bouleversement climatique. Mais celui-ci n’a pas représenté une crise de la biodiversité à proprement parler : certains groupes se sont réduits, tandis que d’autres se sont largement diversifiés. Côté animal, des groupes mammifères dits « modernes », comme les périssodactyles (l’ordre du zèbre ou du rhinocéros) et les primates, sont apparus et se sont diversifiés.</p>
<p>Chez les plantes, dans le Bassin parisien, les forêts subtropicales sont devenues plus riches en éléments tropicaux, avec en particulier la diversification des groupes lianescents — du style de celles que l’on trouve aujourd’hui dans les tropiques américains et les régions subtropicales africaines et asiatiques.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/566269/original/file-20231218-25-fcjdpq.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/566269/original/file-20231218-25-fcjdpq.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/566269/original/file-20231218-25-fcjdpq.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/566269/original/file-20231218-25-fcjdpq.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/566269/original/file-20231218-25-fcjdpq.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/566269/original/file-20231218-25-fcjdpq.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/566269/original/file-20231218-25-fcjdpq.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/566269/original/file-20231218-25-fcjdpq.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Une forêt subtropicale lianescente humide d’aujourd’hui, à Xishuangbanna dans le Yunnan, en Chine.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Cédric Del Rio</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Une flore similaire au Sud-Est asiatique d’aujourd’hui</h2>
<p>L’étude de l’Éocène, la période qui fait suite à ce réchauffement soudain, débute avec Adolphe Watelet (1839-1899). À partir de feuilles, de fruits et de graines, celui-ci a délimité 52 familles et 103 genres de végétaux, mais sans pour autant en déduire quoi que ce soit sur le climat et le type de flore présente à cette époque.</p>
<p>Puis, Paul-Honoré Fritel (1867-1927) a repris les études de Watelet en les critiquant sévèrement — les conflits scientifiques ne datent pas d’hier ! Il a ainsi pu réduire drastiquement le nombre d’espèces décrites par Watelet, mais a aussi augmenté son analyse avec les découvertes de feuilles de Sabal (palmiers) ainsi que d’inflorescences d’Aracées (la famille des arums).</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/566273/original/file-20231218-20-k6ox1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="comparaison d’un fossile de palme et d’un palmier actuel" src="https://images.theconversation.com/files/566273/original/file-20231218-20-k6ox1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/566273/original/file-20231218-20-k6ox1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=335&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/566273/original/file-20231218-20-k6ox1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=335&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/566273/original/file-20231218-20-k6ox1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=335&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/566273/original/file-20231218-20-k6ox1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=421&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/566273/original/file-20231218-20-k6ox1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=421&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/566273/original/file-20231218-20-k6ox1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=421&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Un fossile de palme retrouvé dans le Bassin parisien et provenant de l’Éocène (gauche). À droite, un palmier Sabal — un analogue actuel — pris en photo en 2023 en Floride.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.inaturalist.org/observations/193524095">Cédric Del Rio (MNHN) et ryanhodnett, iNaturalist</a>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Paul-Honoré Fritel <a href="https://patrimoine.sorbonne-universite.fr/fonds/item/2898-etude-sur-les-vegetaux-fossiles-de-l-etage-sparnacien-du-bassin-de-paris?offset=17">a exploité ces données ainsi que de nouvelles découvertes paléobotaniques</a> pour obtenir une approximation du climat de l’époque et de sa paléobiogéographie à l’aide d’une « approche actualiste » : il compare les tolérances climatiques des proches parents actuels des groupes éteints qu’il décrit.</p>
<p>Il en conclut que les analogues des fossiles présents durant l’Éocène sont à chercher dans les flores actuelles tropicales et subtropicales d’Amérique (<em>Sabal</em>, <em>Taxodium</em>, <em>Sequoia</em>) ainsi qu’Africaines et Asiatiques (<em>Asplenium</em>, <em>Salvinia</em>).</p>
<p>Avec les <a href="https://doi.org/10.5252/geodiversitas2020v42a2">études suivantes</a>, autant en botanique qu’en <a href="https://doi.org/10.1016/j.revpalbo.2005.02.005">paléobotanique</a>, les chercheurs contemporains ont conclu que les flores Éocène du bassin de Paris étaient finalement plutôt similaires aux flores actuelles du Sud-Est asiatique.</p>
<p>En somme, le réchauffement Paléocène-Éocène a vu la transition d’une végétation mosaïque qui incluait déjà des espèces tropicales et subtropicales, vers une végétation plus strictement tropicale.</p>
<h2>L’apport des pollens</h2>
<p>Si les premiers paléobotanistes nous ont appris ainsi quelles plantes étaient présentes à cette époque à partir de sites isolés, c’est l’avènement dans les années 1950 des études des grains de pollen et des spores, ou « palynologie », qui a permis d’avoir une vue régionale des écosystèmes présents au niveau du Bassin de Paris.</p>
<p>Au niveau du Bassin parisien, l’étude des grains de pollen a montré qu’<a href="https://www.abebooks.fr/Etude-palynologique-gisements-sparnacien-Bassin-Paris/16351549141/bd">on retrouvait essentiellement des forêts subtropicales à tropicales marécageuses et humides durant l’Éocène</a> à l’issue du réchauffement.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/565813/original/file-20231214-29-tayvs1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="une fleur conservée dans de l’ambre et une liane actuelle de la même famille" src="https://images.theconversation.com/files/565813/original/file-20231214-29-tayvs1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/565813/original/file-20231214-29-tayvs1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=331&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/565813/original/file-20231214-29-tayvs1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=331&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/565813/original/file-20231214-29-tayvs1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=331&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/565813/original/file-20231214-29-tayvs1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=415&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/565813/original/file-20231214-29-tayvs1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=415&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/565813/original/file-20231214-29-tayvs1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=415&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Une fleur retrouvée dans de l’ambre, de l’espèce <em>Icacinanthium tainiaphorum</em> (gauche). Si cette fleur appartient à un groupe éteint, on retrouve aujourd’hui des plantes de la même famille en Asie du Sud Est — ici une plante du genre <em>Iodes</em>.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.inaturalist.org/observations/83583160">Cédric Del Rio, MNHN (gauche) et inaturalist (droite)</a>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>En particulier, le site de Le Quesnoy, découvert en 1999 dans l’Oise, contient du pollen, ainsi que des fruits, graines, bois et <a href="https://www.nature.com/articles/s41598-017-11536-y">même de l’ambre</a> (résine fossile produite par des conifères ou plantes à fleurs). Ce site, daté du début de l’Éocène, enregistre une palynoflore (flore décrite à partir du pollen) associée à des prairies et forêts marécageuses (par exemple <em>Gyptostrobus</em>, <em>Restionaceae</em>, <em>Sabal</em>) ainsi qu’à des forêts denses humides (par exemple <em>Icacinaceae</em>, <em>Sapotaceae</em>, <em>Myricaceae</em>).</p>
<h2>Réaction des flores au changement climatique</h2>
<p>Après le réchauffement, la forêt locale ne semble pas avoir de différences majeures dans sa composition. L’<a href="https://www.journals.uchicago.edu/doi/10.1086/723841">étude récente des noyaux de fruits d’Icacinaceae et d’Anacardiaceae (la famille du manguier)</a> a mis en évidence, au regard d’autres gisements plus anciens, une continuité des flores au niveau du bassin de Paris avant et après la limite Paléocène-Éocène/le réchauffement : l’évolution de la biodiversité dans le temps s’est faite sans rupture majeure.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/565816/original/file-20231214-19-56ft3e.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="fossile de fruit et lame mince pour voir graine, noyau, et pulpe" src="https://images.theconversation.com/files/565816/original/file-20231214-19-56ft3e.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/565816/original/file-20231214-19-56ft3e.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/565816/original/file-20231214-19-56ft3e.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/565816/original/file-20231214-19-56ft3e.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/565816/original/file-20231214-19-56ft3e.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/565816/original/file-20231214-19-56ft3e.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/565816/original/file-20231214-19-56ft3e.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Fossile de fruit d’<em>Anacardiaceae du genre _Cyrtocarpa</em>_, à droite. La lame mince présentée à gauche permet de distinguer la graine en blanc au centre, le noyau qui l’entoure en noir, et, sur la périphérie, les cellules blanches et allongées montrent la pulpe du fruit. Un représentant de la famille moderne est la mangue.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.journals.uchicago.edu/doi/10.1086/723841">Cédric Del Rio, MNHN</a>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Ainsi, les flores tropicales et subtropicales parisiennes, déjà adaptées à des climats tropicaux durant le Paléocène, n’ont pas particulièrement souffert du réchauffement brutal du début de l’Éocène. On observe même une légère tendance — à confirmer quantitativement par des études plus nombreuses — à l’accroissement de la diversité spécifique locale.</p>
<h2>Aujourd’hui, des impacts climatiques très différents</h2>
<p>Ce constat n’est pas transposable à la situation actuelle. Le réchauffement brutal du climat arrive dans un tout autre contexte floristique, où Paris et sa région sont dominés par une flore tempérée, adaptée aux périodes froides.</p>
<p><a href="https://hal.science/hal-00756083/">Notre flore est donc plus fragile aux chaleurs excessives</a>. C’est alors bien une <a href="https://www.onf.fr/vivre-la-foret/raconte-moi-la-foret/comprendre-la-foret/foret-et-changement-climatique">perte et non un gain de biodiversité</a> qu’attendent nos flores dans les années à venir, comme le <a href="https://www.ign.fr/files/default/2023-10/memento_oct_2023.pdf">montre déjà le dépérissement des arbres dans nos forêts</a>.</p>
<p>De nos jours, la végétation du Bassin parisien ne comprend pas d’espèces tropicales — pas à l’état sauvage du moins. La flore d’aujourd’hui est le résultat d’une histoire évolutive longue, marquée par une sélection positive des groupes tempérés au cours des refroidissements durant la fin du Paléogène, du Néogène (entre 23,03 et 2,58 millions d’années) et du Quaternaire (de 2,58 millions d’années à nos jours). Les températures excessives, ce n’est pas leur fort !</p>
<p>De plus, le réchauffement observé actuellement est bien plus brusque que le réchauffement considéré comme « brutal » par les géologues. Les changements climatiques de la limite Paléocène-Eocène, quoique rapides, permettent la mise en place de dynamiques de transitions au sein des écosystèmes à travers les générations. Le changement climatique actuel s’effectue, lui, à l’échelle d’une seule génération pour un arbre commun tel que le chêne ou le hêtre.</p>
<hr>
<p><em>Le dessin illustrant la tête de cet article est de Sophie Fernandez, illustratrice scientifique au Centre de recherche en Paléontologie-Paris, MNHN. L’auteur souhaite saluer le travail de ses collègues illustrateurs, qui permettent de donner vie à des données scientifiques parfois un peu brutes.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/219666/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Cédric Del Rio ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>
Il était une fois, il y a bien longtemps, une jungle tropicale à Paris. Partez à la découverte de ses fleurs, ses fruits, et ses lianes.
Cédric Del Rio, Maître de conférences en Paléobotanique, Muséum national d’histoire naturelle (MNHN)
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/218626
2023-12-04T16:55:10Z
2023-12-04T16:55:10Z
Les politiques et le stockage souterrain du CO₂ : je t’aime, moi non plus ?
<p>C’est maintenant un fait tenu pour acquis depuis l’<a href="https://unfccc.int/fr/a-propos-des-ndcs/l-accord-de-paris">accord de Paris</a> : quel que soit le chemin suivi pour atténuer l’impact du changement climatique, il faudra, pour compenser les émissions que l’on n’aura pas su éviter, retirer du CO<sub>2</sub> de l’atmosphère, que ce soit par le recours à des solutions fondées sur la nature (piégeage de CO<sub>2</sub> dans les sols ou la végétation) ou des solutions technologiques comme le stockage géologique de CO<sub>2</sub>, abrégé CSC en français pour « capture et stockage du carbone ».</p>
<p>Le CSC est en fait un assemblage de technologies qui comprend le captage et l’épuration sur des sites industriels des émissions de carbone, le transport du carbone et son stockage géologique. Le stockage cible principalement des réservoirs d’hydrocarbures épuisés, des aquifères salins ou des veines de charbon. Le CSC est d’abord utilisé pour réduire des émissions de CO<sub>2</sub>, en captant par exemple le CO<sub>2</sub> des centrales thermiques à charbon. Mais il est également utilisé pour produire des « émissions négatives », en associant par exemple stockage du CO<sub>2</sub> et production de bioénergie.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/pieger-le-carbone-dans-le-sol-ce-que-peut-lagriculture-216768">Piéger le carbone dans le sol : ce que peut l’agriculture</a>
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<p>Le CSC reste toutefois une solution d’importance relative par rapport à d’autres solutions de décarbonation. Les rapports du GIEC proposent différents scénarios d’utilisation du CSC. <a href="https://www.ipcc.ch/report/ar6/wg3/">À court terme (2030)</a>, le stockage géologique est considéré par le GIEC comme une technologie coûteuse et lente à déployer, avec une capacité de stockage estimée à 0,84 Gt par an, loin des 8,35 Gt du déploiement de l’énergie solaire et éolienne ou des 6,24 Gt des solutions fondées sur la nature (WPIII, 2022). À long terme (2050) cependant, le CSC est présent dans 7 des 8 scénarios pour <a href="https://www.ipcc.ch/site/assets/uploads/sites/2/2019/09/SR15_Summary_Volume_french.pdf">maintenir le changement climatique en dessous de 1,5 degré</a>, avec une place estimée à 3 Gt par an dans le scénario qui fait le plus appel aux énergies renouvelables.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/561848/original/file-20231127-26-6glkuc.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/561848/original/file-20231127-26-6glkuc.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=391&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/561848/original/file-20231127-26-6glkuc.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=391&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/561848/original/file-20231127-26-6glkuc.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=391&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/561848/original/file-20231127-26-6glkuc.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=492&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/561848/original/file-20231127-26-6glkuc.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=492&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/561848/original/file-20231127-26-6glkuc.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=492&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Estimation du potentiel des différentes solutions de stockage de CO₂ en Giga tonne par an à échéance 2030 (Source : Groupe 3 du GIEC, 2022).</span>
<span class="attribution"><span class="source">Xavier Arnauld De Sartre</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<h2>Une solution d’atténuation du changement climatique au soutien fluctuant</h2>
<p>Du fait de ce caractère nécessaire mais non prioritaire, la filière du CSC a bien du mal à trouver sa place comme solution d’atténuation du changement climatique. Elle s’est d’abord développée aux États-Unis dans les années 1970 comme technique de stimulation pétrolière, c’est-à-dire comme une façon d’améliorer l’extraction d’hydrocarbures en injectant un fluide dans une couche géologique afin de faire monter la pression.</p>
<p>En Europe, c’est ensuite un pays pétrolier, la Norvège qui, le premier, met en œuvre cette technique dès 1996 sur une plate-forme d’extraction du <a href="https://www.lemonde.fr/planete/article/2008/05/19/la-plate-forme-norvegienne-sleipner-pionniere-de-la-capture-du-co2_1046813_3244.html">champ gazier de Sleipner</a>. L’Union européenne soutient ensuite une politique de projets pilotes destinés à démontrer la viabilité de la technique à la fin des années 2000. Mais la crise financière de 2008-2009 douche rapidement les espoirs de la filière. La plupart des projets envisagés échouent à cause d’un mélange de facteurs : absence de modèle économique, manque de continuité dans l’investissement des industriels et oppositions des riverains ou de la société civile. Ces échecs révèlent surtout le faible portage politique de ces technologies. Il faudra donc attendre l’Accord de Paris et la mise en place par les États de stratégies de neutralité carbone pour remettre à l’agenda cet assemblage de technologies.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/la-capture-et-le-stockage-du-carbone-comment-ca-marche-192673">La capture et le stockage du carbone, comment ça marche ?</a>
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<p>En France, cette histoire est déclinée d’une manière particulière : le CSC y est longtemps envisagé comme une filière d’export, et non comme une filière de décarbonation de l’économie. Si la France investit très tôt dans la filière, l’objectif est initialement de développer une expertise qui serait exportée internationalement, sur un modèle au fond identique à la filière pétrolière (la France exploitant du pétrole mais en produisant peu sur son sol). La mise en place du Club CO<sub>2</sub> en 2002 par l’Ademe permet de structurer une coalition d’acteurs de la recherche et d’industriels qui participe à la dynamique européenne en faveur du CSC. Des projets se développent sur les différents éléments de la filière. Mais le seul projet de stockage géologique qui, en 2013, arrive à terme, est celui de <a href="https://www.lemonde.fr/planete/article/2009/06/10/dans-le-bearn-total-experimente-l-enfouissement-du-gaz-carbonique_1205068_3244.html">Chapelle-de-Rousse</a>, dans le Béarn. Opéré par Total, ce projet permet de stocker 50 000 de tonnes de CO<sub>2</sub>. Mais l’expérimentation reste sans lendemain.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/561868/original/file-20231127-15-xmdgss.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/561868/original/file-20231127-15-xmdgss.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=620&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/561868/original/file-20231127-15-xmdgss.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=620&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/561868/original/file-20231127-15-xmdgss.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=620&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/561868/original/file-20231127-15-xmdgss.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=779&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/561868/original/file-20231127-15-xmdgss.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=779&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/561868/original/file-20231127-15-xmdgss.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=779&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="attribution"><span class="source">BRGM BLCom</span></span>
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<h2>Des technologies qui restent au stade de Recherche et Développement ?</h2>
<p>Alors qu’un projet baptisé Ulcos était lancé pour décarboner les hauts fourneaux de Lorraine, une cartographie géologique du Nord de la France révèle l’absence de gros sites de stockage, et le projet est <a href="https://www.lejdd.fr/Economie/ArcelorMittal-retire-le-projet-Ulcos-a-Florange-579549.3207233">abandonné</a> en 2013. Comme ailleurs en Europe, le manque de soutien politique est patent. Jusqu’à très récemment, le sujet n’intéressait aucun ministre ou gouvernement. Rattaché au ministère en charge de l’Environnement, la thématique était, durant les années 2000 et 2010, jugée peu porteuse par les ministres successifs et malgré un soutien administratif continu, le CSC demeurait cantonné dans l’antichambre de la Recherche et Développement. Aucun stockage géologique n’est opéré sur le territoire français ; tout au plus la France participe-t-elle, au travers de TotalEnergies, à un projet de stockage géologique au large de la Norvège actuellement en cours d’exploitation.</p>
<p>Le sujet revient toutefois progressivement à l’ordre du jour depuis 2015. Des projets de capture de CO<sub>2</sub> sont testés, notamment à <a href="https://www.bfmtv.com/economie/arcelor-mittal-va-decarboner-le-site-de-dunkerque-pour-1-4-milliard-d-euros_VN-202211240182.html">Dunkerque</a>, et <a href="https://librairie.ademe.fr/changement-climatique-et-energie/69-avis-de-l-ademe-captage-et-stockage-geologique-de-co2-csc-en-france.html">l’ADEME s’est positionnée sur cette technologie</a>. En 2022 et 2023, des études sismiques ont été entreprises dans le Bassin parisien pour estimer le potentiel de stockage et un projet de stockage géologique dans le <a href="https://reporterre.net/Dans-les-Pyrenees-des-industriels-veulent-capturer-des-millions-de-tonnes-de-CO%E2%82%82">bassin de Lacq</a> (Pyrénées-Atlantiques) a de nouveau fait parler de lui localement. C’est dans ce contexte qu’il faut comprendre le regain d’attention politique inédit depuis un an de ces technologies. Dans son <a href="https://www.elysee.fr/emmanuel-macron/2023/09/25/conseil-de-planification-ecologique">discours</a> du 25 septembre 2023, Emmanuel Macron a déclaré :</p>
<blockquote>
<p>« le deuxième chantier sur lequel on va accélérer en matière d’industrie, c’est celui des technologies de rupture, en particulier hydrogène et capture et séquestration de carbone. Et sur ce dernier sujet, une consultation est en cours et à l’issue, il faut que nous soyons capables de développer au moins un site en France, là aussi pour réduire notre dépendance à l’extérieur. »</p>
</blockquote>
<p>Le discours a été très bien accueilli par les acteurs du secteur. Mais si l’objectif assigné par le président parait être de revenir à la situation du milieu des années 2000, en quinze ans, bien des choses ont évolué. Il ne s’agit plus d’expérimenter une technique, mais de développer une filière. Et quand bien même le soutien politique devrait être au rendez-vous, ce qui – l’histoire le montre – n’est pas acquis, le passage du projet expérimental à la filière opérationnelle pose quatre défis.</p>
<h2>Quatre défis pour le déploiement de la filière CSC</h2>
<p>Le premier est celle de la fiabilité des technologies CSC. Certes, en situation expérimentale, les résultats sont considérés comme concluants. Mais les expérimentations ont été mises en place dans des contextes géologiques particuliers en maîtrisant un certain nombre de paramètres. Si demain le stockage se déploie à grande échelle, dans des configurations géologiques moins optimales, le risque de fuite ne pourra être totalement écarté. De même, l’injection rapide de grandes quantités de CO<sub>2</sub> dans des réservoirs d’hydrocarbure épuisés pourrait induire une sismicité dont il faudra s’assurer qu’elle ne dépasse pas les seuils acceptables.</p>
<p>Le second défi est interne à la filière. Pour l’instant, plusieurs solutions sont en compétition : le stockage massif offshore est actuellement préférée avec des projets opérationnels (au large des côtes norvégiennes) ou sur le point de l’être (au large des Pays-Bas). Mais pour passer à un stockage continental à grande échelle, il faudra faire des choix sur les quantités à stocker, les formations géologiques à préférer, les associations de technologies à éventuellement opérer – choix qui pour l’heure ne sont pas faits et donnent l’impression d’un certain flou qui n’est pas pour rassurer.</p>
<p>Le troisième enjeu, celui du modèle économique, est au moins aussi important. L’importance des infrastructures à déployer, notamment pour le transport du CO<sub>2</sub>, le coût combiné des opérations, reconnu par le GIEC comme étant le plus élevé des techniques de décarbonation, pose la question de savoir qui va payer pour le CO<sub>2</sub>. On estime actuellement le coût de la tonne stockée entre 77 et 143 euros en offshore et 69 à 110 à terre (<a href="https://librairie.ademe.fr/changement-climatique-et-energie/69-avis-de-l-ademe-captage-et-stockage-geologique-de-co2-csc-en-france.html">estimation de l’Ademe</a>), soit plus que le prix maximal atteint par la tonne de CO<sub>2</sub> sur les marchés carbone (et bien plus que le prix le plus souvent constaté). Rentabiliser le stockage géologique est possible, mais cela passera à la fois par de très nettes améliorations technologiques et un soutien politique sur les prix qui a jusqu’ici été plutôt défaillant.</p>
<p>Tant que ces questions ne sont pas résolues, le quatrième défi, celui de l’accueil qui sera réservé par les publics à cette solution restera en suspens. Pour l’instant, la position des publics a été ambivalente : certains projets ont échoué du fait d’oppositions importantes, notamment aux Pays-Bas et en Allemagne, mais ailleurs – en Allemagne encore, et en France – les projets ont pu être menés à terme. Il est évident que le CSC bénéficie a priori de l’image peu favorable des technologies de compensation. Mais c’est surtout le caractère non prioritaire de cette solution et le soutien aléatoire des pouvoirs publics qui a jusqu’ici limité le développement du CSC.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/218626/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Sébastien Chailleux a reçu des financements de l'Agence Nationale pour la Recherche (ANR). </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Arnauld de Sartre a reçu des financements de France 2030 pour coordonner un projet de recherche sur le déploiement du stockage géologique de CO2 (Projet SESAME, dans le cadre du PEPR SPLEEN Décarbonation de l'économie). Il est aussi titulaire d'une chaire industrielle cofinancée par l'ANR et TotalEnergies sur les débats autour des énergies renouvelables.</span></em></p>
Stocker le CO₂ de l’atmosphère sous terre. C’est une réponse au changement climatique souvent considérée comme chimérique : coûteuse, toujours en développement mais également sans réel soutien politique.
Sébastien Chailleux, Maître de conférences en science politique, Sciences Po Bordeaux
Arnauld de Sartre, Didrecteur de recherches en géographie, Centre national de la recherche scientifique (CNRS)
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/217976
2023-11-17T19:41:56Z
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La répartition géographique des poissons d’eau douce, nouveau marqueur de l’anthropocène ?
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/560005/original/file-20231116-17-iwx39x.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=9%2C15%2C2035%2C1345&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le poisson rouge est l'une des nombreuses espèces de poissons d'eau douce introduites par les humains dans les milieux naturels, bouleversant durablement leur aire de répartition naturelle.</span> <span class="attribution"><span class="source">Watts / Flickr / Creative Commons</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span></figcaption></figure><p>Est-on entré dans l’ère géologique de l’anthropocène, une « époque de l’homme » où l’humain serait devenu la principale force de changement planétaire, surpassant les forces géologiques naturelles ? La question est débattue par la communauté scientifique, en particulier au sein de la Commission internationale de stratigraphie, qui travaille sur le sujet depuis 2009. En juillet dernier, l’enregistrement sédimentaire pressenti pour faire figure de référence et définir la transition de l’holocène à l’anthropocène avait été <a href="https://theconversation.com/voici-comment-le-lac-crawford-en-ontario-a-ete-choisi-pour-marquer-le-debut-de-lanthropocene-209454">sélectionné en Ontario, au Canada</a>.</p>
<p>Quels sont les indices qui peuvent témoigner de l’entrée dans l’anthropocène ? Les géologues et paléontologues <a href="https://theconversation.com/la-terre-a-lepoque-de-lanthropocene-comment-en-est-on-arrive-la-peut-on-en-limiter-les-degats-206523">accumulent toutes sortes de preuves</a> : traces visibles dans les couches sédimentaires telles que la pollution plastique ou la radioactivité, ou encore les changements dans les fossiles à cause de la crise de la biodiversité. Ainsi certains chercheurs proposent même de considérer, comme marqueur les <a href="https://theconversation.com/et-los-de-poulet-devint-le-symbole-de-lanthropocene-108857">os des poulets que nous consommons</a>, qui deviendront fossiles d’ici quelques millions d’années.</p>
<p>Mais ce n’est pas la seule façon dont notre espèce a bouleversé la biodiversité planétaire. Avec une équipe internationale, qui réunissait notamment le laboratoire BOREA du Muséum national d’histoire naturelle (MNHN), le CNRS et l’IRD, nous avons montré comment les sociétés humaines ont redessiné la géographie de la biodiversité des poissons d’eau douce.</p>
<p>Nous postulons qu’il s’agit là de changements majeurs, qui constituent une nouvelle preuve de l’entrée dans l’anthropocène. Nos travaux ont été publiés ce 17 novembre dans la revue <a href="https://doi.org/10.1126/sciadv.adi5502"><em>Science Advances</em></a>.</p>
<h2>Comment la tectonique des plaques a isolé les poissons d’eau douce</h2>
<p>Pour bien comprendre ces résultats, il faut remonter un peu dans l’histoire de la planète. Les 11 000 espèces de poissons d’eau douce qui peuplent la planète sont cantonnées à leurs milieux d’eau douce : rivières et lacs. Ils ne tolèrent pas l’eau salée, et pour eux, les collines, les montagnes, ou les océans représentent des barrières infranchissables.</p>
<p>Ce sont les forces géologiques naturelles qui ont toujours dicté leur évolution au cours de l’histoire de la Terre. La tectonique des plaques, en isolant les continents, <a href="https://doi.org/10.1111/jbi.13674">a séparé les poissons d’eau douce en six grandes régions géographiques</a>. Chaque région a évolué isolément pendant des dizaines de millions d’années, jusqu’à disposer d’un cortège d’espèces unique.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/560189/original/file-20231117-17-55jvwp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/560189/original/file-20231117-17-55jvwp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/560189/original/file-20231117-17-55jvwp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=372&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/560189/original/file-20231117-17-55jvwp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=372&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/560189/original/file-20231117-17-55jvwp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=372&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/560189/original/file-20231117-17-55jvwp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=467&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/560189/original/file-20231117-17-55jvwp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=467&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/560189/original/file-20231117-17-55jvwp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=467&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Carte des régions biogéographiques naturelles de poissons d’eau douce.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Boris Leroy/MNHN</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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</figure>
<p>Ces grandes régions sont appelées « régions biogéographiques », et elles possèdent toutes un taux d’endémisme – c’est-à-dire une proportion d’espèces que l’on ne trouve nulle part ailleurs – exceptionnellement élevé, de l’ordre de 96,7 à 99,7 %. Ce chiffre est beaucoup plus élevé que chez les autres groupes de vertébrés.</p>
<p>Chaque région possède donc des poissons d’eau douce qui lui sont propres, et, depuis des millions d’années, à leur mort, ces poissons forment des restes fossiles que l’on ne retrouve pas ailleurs dans le monde.</p>
<h2>Nos sociétés ont changé les règles du jeu</h2>
<p>Cette tranquille évolution orchestrée par la tectonique des plaques a très récemment été bouleversée à par les activités humaines. Pour la première fois dans l’histoire de la Terre, il est devenu possible pour les poissons d’eau douce de traverser les océans et les montagnes.</p>
<p>Au XIX<sup>e</sup> siècle, des <a href="https://doi.org/10.1146/annurev-ecolsys-032522-015551">« sociétés d’acclimatation » s’étaient fixé l’objectif</a> d’établir des peuplements de poissons familiers dans les colonies, et de poissons exotiques dans les eaux européennes. Ces sociétés ont ainsi introduit de nombreuses espèces européennes en Australie, Nouvelle-Zélande, ou encore ont introduit des espèces nord-américaines en Europe ou en Russie.</p>
<p>Rapidement, d’autres motifs sont apparus pour justifier l’introduction d’espèces hors de leurs aires natives. La lutte biologique par exemple, avec l’introduction des petites gambusies d’Amérique du Nord partout dans le monde pour manger les larves de moustiques. La construction de canaux connectant différents fleuves a également permis aux espèces d’atteindre des zones auparavant inaccessibles.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/560177/original/file-20231117-15-92jrjj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/560177/original/file-20231117-15-92jrjj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/560177/original/file-20231117-15-92jrjj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=300&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/560177/original/file-20231117-15-92jrjj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=300&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/560177/original/file-20231117-15-92jrjj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=300&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/560177/original/file-20231117-15-92jrjj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=377&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/560177/original/file-20231117-15-92jrjj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=377&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/560177/original/file-20231117-15-92jrjj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=377&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Évolution des régions naturelles de répartition des poissons d’eau douce en fonction du temps.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Boris Leroy/MNHN</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Mais c’est surtout au milieu du XX<sup>e</sup> siècle que nous avons commencé à massivement déplacer les espèces entre les continents. À partir de 1947, on a observé une <a href="https://doi.org/10.1111/geb.13714">accélération exponentielle des introductions</a>, avec une globalisation des origines et des destinations des espèces introduites. Ce phénomène s’explique par l’explosion et la globalisation des échanges commerciaux à partir de cette date.</p>
<p>Les espèces ont alors été transportées entre continents pour <a href="https://doi.org/10.1146/annurev-ecolsys-032522-015551">l’aquaculture ou pour le commerce ornemental (aquariophilie)</a>, et trop souvent elles se sont échappées, accidentellement ou intentionnellement. Par exemple, les tilapias d’Afrique ont été introduits partout dans le monde pour l’aquaculture, et se sont rapidement échappés des élevages pour s’établir dans de nouvelles zones. Les poissons des aquariums comme les guppys, les poissons rouges ou encore les carpes se sont, eux aussi, échappés pour coloniser les milieux naturels.</p>
<p><iframe id="3IBEv" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/3IBEv/4/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>En parallèle de ces introductions accidentelles, les hommes ont introduit de nombreuses espèces volontairement dans les milieux sauvages, pour la pêche récréative ou la pêche de subsistance. L’usage de poissons exotiques comme appât pour la pêche ou pour empoissonner les milieux naturels s’est développé et a causé de nombreuses introductions dans le monde entier, comme le goujon asiatique ou la perche-soleil en Europe.</p>
<p>Au total, ce sont 453 espèces qui ont été introduites hors de leur aire naturelle, entre les continents, ce qui a profondément redessiné la géographie de la biodiversité des poissons d’eau douce.</p>
<h2>L’humain a recréé la Pangée</h2>
<p>Pour étudier les conséquences de ces introductions, nous avons comparé la géographie naturelle de la biodiversité par rapport à la géographie modifiée par les introductions avec la même méthode d’analyse, appelée <a href="https://www.nature.com/articles/s41559-017-0114">« biorégionalisation »</a>.</p>
<p>Nos résultats ont été sans appel. Nous avons observé l’émergence inédite d’une super-région qui couvre tous les continents : Amérique du Nord, Europe, Asie de l’Est, Océanie, et une petite partie de l’Afrique et de l’Amérique du Sud. Cette nouvelle répartition illustre de toute évidence le lien entre introductions d’espèces exotiques et commerce international, car <a href="https://viz.ged-project.de/">elle connecte les pays du monde ayant les plus grands échanges commerciaux</a>.</p>
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<p>Nous avons appelé cette super-région « PAGNEA » pour Pan-Anthropocenian Global North and East Asia. L’acronyme de PAGNEA est volontairement évocateur de la Pangée (Pangea en anglais), qui est le dernier supercontinent de la planète à avoir existé il y a plus de 200 millions d’années.</p>
<p>À l’époque, les organismes avaient la possibilité de disperser sur toute la Pangée, car les océans ne constituaient pas encore une barrière. Ce que la région PAGNEA nous montre aujourd’hui, c’est que les sociétés humaines recréent artificiellement les conditions de la Pangée, en permettant aux organismes de se disperser sur tous les continents.</p>
<h2>Une uniformisation des couches fossiles</h2>
<p>Avant les activités humaines, chaque continent avait ses fossiles uniques, qu’on ne trouvait nulle part ailleurs. Désormais, à cause des introductions, nous aurons des fossiles partagés entre les différents continents de la région PAGNEA. La carte ci-dessous illustre les changements attendus dans les couches fossiles du monde entier, et en particulier pour plusieurs bassins versants notables.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/560190/original/file-20231117-21-qrks15.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/560190/original/file-20231117-21-qrks15.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/560190/original/file-20231117-21-qrks15.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/560190/original/file-20231117-21-qrks15.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/560190/original/file-20231117-21-qrks15.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/560190/original/file-20231117-21-qrks15.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/560190/original/file-20231117-21-qrks15.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/560190/original/file-20231117-21-qrks15.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Carte des régions de l’Anthropocène, avec des exemples de changements attendus dans les bassins versants qui se répercuteront sur les fossiles.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Boris Leroy/MNHN</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Ces changements dans la distribution des fossiles à l’échelle planétaire sont un critère déterminant pour la reconnaissance de l’anthropocène. Il s’agit ici de la première cartographie qui montre une telle ampleur dans les changements attendus, tout en utilisant une grande masse de données quantitatives sur les répartitions de poissons d’eau douce.</p>
<p>Cette découverte contribuera donc probablement aux travaux <a href="http://quaternary.stratigraphy.org/working-groups/anthropocene/">du Groupe de Travail sur l’Anthropocène</a>, qui étudie les éléments de preuves accumulés par les scientifiques et décidera dans le futur d’entériner le passage à l’Anthropocène.</p>
<h2>Message aux paléontologues du futur</h2>
<p>Au-delà de l’anthropocène, cette démonstration de l’ampleur de l’effet des introductions d’espèces à l’échelle globale doit nous pousser à réfléchir sur deux conséquences majeures.</p>
<p>Tout d’abord, l’introduction d’espèces non natives pose le risque de créer de nouvelles invasions biologiques dont les <a href="https://zenodo.org/records/10127924">conséquences peuvent être dramatiques pour les écosystèmes</a> et les <a href="https://doi.org/10.1038/s41586-021-03405-6">économies</a>, d’autant plus que les principales espèces introduites sont très abondantes et déjà connues pour être envahissantes.</p>
<p>Il est donc absolument nécessaire de <a href="https://invacost.fr/wp-content/uploads/2021/08/RapportCoutsFrance.pdf">prévenir les nouvelles introductions</a>, en s’inquiétant tout particulièrement des <a href="https://doi.org/10.1007/s10750-020-04407-7">menaces émergentes comme le commerce en ligne d’espèces vivantes</a>.</p>
<p>La seconde raison est presque d’ordre philosophique : elle nous aide à réaliser que nos actions, sur une échelle de temps très courte – à peine 70 ans – auront des répercussions visibles dans les couches fossiles qui seront étudiées par les paléontologues du futur. Mais ces impacts seront non seulement d’ampleur, mais aussi irréversibles, car nous sommes en train d’altérer durablement la trajectoire évolutive de la biodiversité sur la planète en créant de nouveaux points de départ évolutifs pour les lignées du futur.</p>
<p>Dans plusieurs millions d’années, la biodiversité portera encore l’empreinte évolutive d’une époque où la dispersion des organismes est à nouveau devenue possible entre les continents. Le propre de cette époque, de notre époque, réside bien là : les forces géologiques naturelles ont été surpassées par une nouvelle force de changement planétaire, l’espèce humaine.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/217976/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Boris Leroy ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>
Les introductions de poissons d'eau douce, à travers le commerce, mais aussi l'ouverture de nouvelles voies de navigation, ont bouleversé la géographie de ces espèces. Un nouveau marqueur de l'Anthropocène ?
Boris Leroy, Maître de conférences en écologie et biogéographie, Muséum national d’histoire naturelle (MNHN)
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/215750
2023-10-26T17:57:44Z
2023-10-26T17:57:44Z
Cascade de séismes en Afghanistan : une séquence jamais vue ?
<p>Depuis le 7 octobre 2023, plusieurs séismes de magnitude 6,3 ont frappé la région d’Hérat, troisième plus grande ville d’Afghanistan, non loin de la frontière iranienne. Cette séquence de séismes destructeurs a fait <a href="https://www.unicef.fr/article/afghanistan-les-enfants-sont-en-danger-apres-un-tremblement-de-terre-de-magnitude-63/">près de 1400 victimes</a>. Quatre séismes majeurs ont frappé la région en 8 jours et les secousses liées à des séismes plus petits se font encore sentir aujourd’hui.</p>
<p>Ces quatre événements étant de magnitudes presque identiques, les scientifiques font face à une curiosité statistique, dont l’origine physique reste à expliciter. D’habitude, un séisme de forte magnitude est suivi d’une séquence de réplique de magnitudes inférieures (pour un séisme de magnitude 6, la réplique la plus forte attendue est de magnitude 5). Quatre séismes de forte magnitude à la suite, c’est très inhabituel, voire jamais vu. Un second mystère réside dans le fait qu’aucun événement avec une magnitude si élevée n’était recensé de mémoire humaine sur ces failles actives.</p>
<p>Sur le découpage de notre globe en plaques tectoniques, ces séismes ont frappé la large frontière sud de la plaque eurasienne en collision le long de la chaîne de montagnes alpino-himalayenne s’étendant des contreforts des Pyrénées au Myanmar. Au niveau de l’Afghanistan, les plaques Inde et Arabie sont en collision avec l’Eurasie, à des vitesses relatives de quelques centimètres par an. Ces mouvements relatifs peuvent être mesurés grâce à des stations GPS ou à des images satellites.</p>
<p>C’est à 11h11 le samedi 7 octobre que la terre a tremblé une première fois, puis cela s’est reproduit 30 min plus tard et à nouveau 4 et 8 jours après, les 11 et 15 octobre. À première vue, rien ne permettait d’anticiper cet enchaînement dramatique d’événements. Est-ce parce que cette région reculée n’a pas été scrutée aussi attentivement que d’autres régions, par exemple l’ouest des États-Unis bien connu pour la faille de San Andreas ? L’anticipation des séismes reste une question délicate, et c’est souvent au vu des événements passés que les sismologues peuvent (ou non) reconstituer l’enchaînement entre les causes et les conséquences, reliées par les lois de la Physique.</p>
<h2>Des séismes d’une taille sans précédent dans la région</h2>
<p>Des sources historiques remontant au IX<sup>e</sup> siècle attestent qu’Hérat, ville aux origines antiques située le long de la route de la soie, a été endommagée par des séismes par le passé, mais les magnitudes qu’on leur associe n’atteignent <a href="https://doi.org/10.1785/gssrl.74.2.107https://doi.org/10.1785/gssrl.74.2.107">pas plus de 5,9</a>. Si la différence avec les quatre séismes d’octobre de magnitude 6,3 peut paraître faible, c’est parce que l’échelle de magnitude de moment est une mesure logarithmique. Ces séismes sont en fait chacun 4 fois plus gros, que ce soit en termes d’énergie libérée ou de taille de la zone affectée.</p>
<p>Ainsi, cette région relativement stable, comparée à l’est de l’Iran ou les hauteurs himalayennes, n’éveillait pas de grandes suspicions. C’est dans les <a href="https://doi.org/10.1111/j.1365-246X.2010.04591.x">tracés des rivières</a> et les dépôts sédimentaires que l’on retrouve le plus de signes d’une activité sismique récente à l’échelle des temps géologiques.</p>
<p>Les séismes correspondent au relâchement brutal de l’énergie accumulée depuis le dernier séisme dans la région, à la manière d’un élastique que l’on aurait étendu progressivement, qui aurait tenu jusque-là et se relâche tout à coup. La petite goutte de trop qui fait craquer l’élastique est soit une question de temps, soit la conséquence d’une perturbation, par un autre séisme par exemple. C’est pour cela qu’un séisme se produit rarement seul et les perturbations qu’il génère dans son environnement entraînent une cascade d’autres séismes. En général, ces événements, appelés répliques, sont de tailles décroissantes au cours du temps.</p>
<p>Néanmoins, dans la séquence sismique d’Herat, la désescalade ne fut pas immédiate. La cascade a mené à d’autres séismes aussi gros que le premier, et ceci par trois fois. Pourquoi ces ruptures ne se sont pas faites toutes d’un coup suite à la première rupture ? Quel est l’agencement géométrique des différentes ruptures ? Les premières observations géophysiques nous renseignent sur le sujet.</p>
<h2>Un soulèvement de 80 centimètres</h2>
<p>Au-delà des destructions qu’elles engendrent, les ondes sismiques portent des informations sur l’origine et la nature du séisme jusqu’aux stations sismologiques à proximité ou à des milliers de kilomètres de là, et cela, en quelques dizaines de minutes.</p>
<p>C’est donc dans les heures qui suivent que les agences comme l’<a href="https://earthquake.usgs.gov/earthquakes/eventpage/us6000lfn5/executive">USGS</a> (service géologique des États-Unis) ont pu déterminer que le premier séisme correspondait à un glissement essentiellement vertical vers le haut le long d’une faille inclinée à environ 30 degrés par rapport à l’horizontale et orientée est-ouest. Les trois autres séismes principaux qui ont suivi semblent avoir des géométries de rupture similaires.</p>
<p>Par ailleurs, l’imagerie satellitaire nous donne des informations sur ce qu’il se passe en surface dans cette région reculée. Ainsi, on peut cartographier l’étendue des destructions ou bien mesurer le déplacement du sol à proximité de la faille.</p>
<p>Des résultats préliminaires nous indiquent que le sol s’est élevé de quelques dizaines de centimètres sur une zone de 30 km par 10 km (une surface de l’ordre de celle occupée par la métropole de Lyon). Ce mouvement nécessite donc une énergie colossale, mais fidèle à ce qui est attendu pour une telle magnitude. Les séismes de la séquence semblent adjacents les uns aux autres avec une propagation vers l’est et un soulèvement maximal de 80 cm. C’est la méthode d’interférométrie radar par satellite, sur des images de la mission Sentinel-1 délivrées par l’Agence spatiale européenne (ESA), qui nous permet d’estimer ces chiffres au centimètre près et avec une haute résolution spatiale.</p>
<p>L’interférométrie se base sur la comparaison d’images du même endroit, prises depuis le même point de vue, afin de quantifier la déformation du sol accumulée entre les deux prises de vue. Attention, avec cette méthode, on ne voit que la déformation qui est permanente et non le mouvement du sol pendant le séisme du fait du passage des ondes ; cause de l’endommagement de nombreux bâtiments à des distances supérieures à notre rayon de 30 km.</p>
<p>Comment est-ce que cet instantané rare et catastrophique s’inscrit dans l’histoire géologique de la région ?</p>
<h2>Un fragment de la longue histoire géologique</h2>
<p>Ces premières observations semblent en accord avec le système de failles cartographié dans la région qui s’étend d’est en ouest sur 700 km, nommé Hari Rud. Ces failles prennent en charge un mouvement décrochant, décalage latéral sur l’horizontale (cf. article de <a href="https://theconversation.com/ce-que-le-seisme-en-afghanistan-nous-apprend-de-la-tectonique-des-plaques-dans-la-region-186321">juin 2022</a>), entre la plaque eurasienne et le bloc afghan central. Ce mouvement est lent et ne dépasse pas quelques millimètres tous les ans, si bien que le bloc afghan central est souvent considéré solidaire avec l’Eurasie. En effet, la frontière de plaque tectonique la plus active (et la plus récente) séparant l’Inde et l’Arabie de l’Eurasie se trouve au sud, dans le golfe d’Oman.</p>
<p>Ce mouvement décrochant horizontal change d’orientation localement produisant des soulèvements et des affaissements et ceci particulièrement lorsque différentes failles se rejoignent et se coupent. Les séismes compressifs (mouvement de soulèvement dominant) comme ceux de cette séquence d’Herat créent du relief. Au fil des millions d’années, la topographie monte progressivement et des montagnes se forment, à la condition que l’érosion n’agisse pas plus vite. Il semble donc que ces séismes participent à la construction des montagnes.</p>
<p>Nos analyses ne font que commencer. Il s’agira de reconstituer les événements et forces en jeu, et d’essayer de déceler les signaux précurseurs, s’il y en a, qui auraient pu nous mettre sur la piste de cette séquence avant son initiation. Les scientifiques se retrouvent comme face à une scène de crime qu’il est question de décoder pour mieux comprendre pourquoi de tels événements se sont produits, pourquoi à cet endroit, pourquoi maintenant…</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/215750/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Manon Dalaison a reçu des financements de l'ERC. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Bryan Raimbault a reçu des financements de l'ERC, de l'ENS-PSL et du Ministère français de lʼEnseignement supérieur, de la Recherche et de lʼInnovation (MESRI) pour la réalisation de son contrat doctoral.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Romain Jolivet est membre de l'Institut Universitaire de France et a reçu des financements de l'ERC, de l'ANR ainsi que du CNRS.</span></em></p>
Quatre séismes majeurs ont frappé l’Afghanistan, causant la mort de près de 1 400 personnes. Les géologues peinent à expliquer les causes de cette catastrophe.
Manon Dalaison, Maître de Conférences, Institut de physique du globe de Paris (IPGP)
Bryan Raimbault, Doctorant en géosciences, École normale supérieure (ENS) – PSL
Romain Jolivet, Professeur des Universités, École normale supérieure (ENS) – PSL
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/214997
2023-10-11T17:23:20Z
2023-10-11T17:23:20Z
Ce que les sédiments au fond d’un lac finlandais révèlent de la pollution aux microplastiques
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/552075/original/file-20231003-25-ks87tq.JPG?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C5472%2C3596&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Des chercheurs sur le lac Kallavesi (gelé) en Finlande afin de réaliser un prélèvement.</span> <span class="attribution"><span class="source"> Timo Saarinen</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span></figcaption></figure><p>Le soleil brille et l’air semble étonnamment chaud alors que nous marchons sur les 35 cm de glace qui recouvrent un lac gelé du centre de la Finlande. Derrière nous, les lourds traîneaux se déplacent aisément, car il n’y a pas beaucoup de neige sur la glace aujourd’hui. Le trajet n’est pas long : nous sommes près de la ville de Kuopio, qui est entourée par le dixième plus grand lac du pays. Malgré une température de -10 °C, je dois enlever mon chapeau – le soleil de ce début mars est déjà chaud.</p>
<p>Nous ne réalisons pas cette traversée pour le plaisir du sport ou de la randonnée, mais dans le cadre d’un projet de recherche. Nous nous dirigeons avec détermination jusqu’au cœur de l’étendue gelée afin de prélever, au fond du lac, une carotte de sédiments. Cette boue – que les géologues appellent sédiments – s’y dépose lentement. La vitesse d’accumulation de la boue varie considérablement en fonction de la masse d’eau, mais dans cette baie du lac Kallavesi, environ un centimètre de sédiments se dépose chaque année. En toute logique, les nouveaux sédiments se déposent sur les anciens. À la manière d’une machine à remonter le temps, plus on creuse, plus on remonte dans le passé. On peut considérer les sédiments comme des bibliothèques contenant les histoires non racontées d’un lac. Et si l’on peut lire les mots de la carotte sédimentaire, ils racontent des histoires étonnantes.</p>
<p>Le lac Kallavesi possède un type de sédiments rare et particulier, appelés sédiments laminés annuellement, ou encore <a href="https://link.springer.com/referenceworkentry/10.1007/978-1-4020-4411-3_226">sédiments varvés</a>. Ils se composent d’une alternance successive de bandes claires et sombres, comme les cernes d’un arbre, qui peuvent être comptés à rebours du plus récent au plus ancien. On peut y retrouver celui de son année de naissance – ou celle de votre grand-mère. Ces couches de sédiments permettent de remonter à des milliers d’années en arrière.</p>
<h2>L’histoire des plastiques enterrée dans la boue</h2>
<p>Mais nul besoin de voyager aussi loin dans l’histoire : c’est la présence de <a href="https://theconversation.com/pourquoi-la-pollution-plastique-des-cotes-est-largement-sous-estimee-147269">particules de plastique dans les sédiments naturels</a> que nous souhaitons étudier, dans la lignée de nos recherches en cours, notamment publiées dans le <em>Journal of Soils and Sediments</em> en <a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s11368-023-03465-3">février 2023</a>.</p>
<p>Le recours massif au plastique a commencé il y a environ 70 ans. Depuis, neuf milliards de tonnes du matériau ont été produites, dont <a href="https://www.science.org/doi/10.1126/sciadv.1700782">seuls 12 % sont incinérés</a>, ce qui signifie que 7,5 milliards de tonnes se trouvent encore en circulation : recyclées et réutilisées dans le meilleur des cas, mais on les retrouve également dans des décharges ou enfouies sous terre. Et, au bout du compte, dans la nature et dans les cours d’eau.</p>
<p>Le poids de tout ce plastique est supérieur à celui de tous les habitants de la planète : il y a environ 1000 kg de plastique pour chacun d’entre nous, principalement sous forme de déchets.</p>
<p>Que ferions-nous, vous et moi, si nous devions chacun prendre en charge notre part de plastique ? Voilà à quoi je pense alors que je fore la glace. La glace épaisse nous sert de plate-forme stable, et nous permet de répartir autour de nous tous nos carottiers, scies, traîneaux, tubes, fils électriques et autres casseroles d’eau chaude. Nous utilisons des tiges métalliques pour pousser les tubes de carottage sur onze mètres au fond du lac, jusqu’aux sédiments. Quelques minutes plus tard, nous soulevons les tubes de prélèvement à la surface. Il est connu que la baie est polluée, mais nous sommes surpris par la forte odeur de pétrole qui se dégage de la carotte.</p>
<p>Le plastique étant un matériau très durable, il convient parfaitement comme tube de carottage. Cet avantage représente aussi le pire aspect du plastique : rejeté dans l’environnement, il ne se décompose pas, mais se brise en morceaux de plus en plus petits. <a href="https://oceanservice.noaa.gov/facts/microplastics.html">Les particules de moins de 5 mm sont appelées microplastiques</a>. Elles ne sont étudiées que depuis 2004, après que Richard Thompson a <a href="https://www.science.org/doi/10.1126/science.1094559">accidentellement noté leur présence</a> dans les sédiments côtiers près de Plymouth, en Angleterre. Bien qu’il s’agisse d’un domaine de recherche relativement nouveau, nous savons déjà que les microplastiques sont des polluants nocifs qui mettent en danger la vie animale, y compris la nôtre, et qu’ils sont présents partout, du sommet de l’Himalaya aux océans les plus profonds.</p>
<p>Comme les particules naturelles, les microplastiques sont transportés vers les lacs par les rivières, les pluies et le vent. Ils peuvent flotter à la surface, mais finissent par couler au fond. Là, ils seront lentement enfouis sous de nouvelles couches de sédiments. De quelle proportion a augmenté la quantité de microplastiques présents dans la nature au cours des 70 dernières années ? Pour le savoir, il faut se plonger dans les sédiments.</p>
<h2>L’art de déchiffrer les couches sédimentaires</h2>
<p>La carotte de sédiments de deux mètres est désormais posée sur la table métallique de notre laboratoire. Lorsque nous ouvrons la carotte à l’aide d’une scie, j’en ai la chair de poule : on ne sait jamais à l’avance à quoi ressembleront les sédiments.</p>
<figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/551740/original/file-20231003-15-ga6eip.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/551740/original/file-20231003-15-ga6eip.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=768&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/551740/original/file-20231003-15-ga6eip.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=768&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/551740/original/file-20231003-15-ga6eip.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=768&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/551740/original/file-20231003-15-ga6eip.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=965&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/551740/original/file-20231003-15-ga6eip.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=965&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/551740/original/file-20231003-15-ga6eip.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=965&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">La carotte du sédiment lacustre révèle des bandes plus claires et plus sombres qui nous permettent de remonter dans le temps.</span>
<span class="attribution"><span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Les sédiments sont constitués à la fois de matériaux naturels et de polluants. Les matériaux détritiques (<em>c’est-à-dire provenant de la désagrégation d’une roche préexistante, ndlt</em>) tels que l’argile, le limon et le sable sont entraînés dans le lac par les crues printanières qui suivent la fonte des neiges – c’est la couche claire des sédiments du lac Kallavesi. Plus la couche claire est épaisse, plus la crue printanière a été intense et plus il y a eu de neige pendant l’hiver.</p>
<p>Les sédiments contiennent également beaucoup de matière organique, non seulement des plantes déplacées par les rivières et du pollen transporté à travers de longues distances par le vent, mais aussi des algues. Les jours d’été ensoleillés, elles fleurissent à la surface du lac et servent ainsi de buffet au zooplancton qui prospère à la surface. Lorsque ces organismes microscopiques meurent, ils coulent eux aussi au fond de l’eau et se fondent dans la vase.</p>
<p>Les sédiments témoignent également des activités humaines. Pour construire un pont ou une route, il faut creuser, ce qui peut accélérer l’érosion des sols. De fait, nos sédiments montrent des couches claires qui peuvent atteindre plusieurs centimètres d’épaisseur. On retrouve aussi de nombreux polluants enfouis dans les sédiments : nous avons découvert des traces de métaux tels que le mercure, le cuivre, le plomb et le zinc, ainsi que des <a href="https://wwwn.cdc.gov/TSP/ToxFAQs/ToxFAQsDetails.aspx?faqid=423&toxid=75">fractions d’hydrocarbures</a> et des <a href="https://www.cdc.gov/biomonitoring/PAHs_FactSheet.html">hydrocarbures aromatiques polycycliques</a> (HAP), qui présentent un risque écologique et sont potentiellement dangereux pour la santé. Nombre d’entre eux sont liés à la combustion de combustibles fossiles. En plus de ce cocktail chimique, les sédiments ont aussi été nourris par de grandes quantités de microplastiques.</p>
<p>Parfois, j’ai l’impression de retomber en enfance : jouer dans l’eau et la boue était mon plus grand plaisir pendant les vacances d’été. Aujourd’hui, mes activités ne sont pas très différentes : récolter de la boue, la traiter de différentes manières, la mettre dans toutes sortes de tasses et de machines. Je rentre souvent à la maison avec des vêtements couverts de taches. La différence, c’est que désormais je planifie mes sessions de jeu plus en détail, après avoir passé des semaines en laboratoire à préparer l’analyse des sédiments.</p>
<h2>Deux pas en avant, un pas en arrière</h2>
<p>Nos résultats préliminaires montrent que les quantités de métaux lourds et de fractions pétrolières ont considérablement diminué depuis les années 1970. C’est une bonne nouvelle, car cela signifie que nous avons compris la dangerosité de ces produits chimiques et que nos actions en faveur de la préservation de la nature ont porté leurs fruits. Malheureusement, ce n’est pas le cas des microplastiques : leur présence dans les sédiments augmente avec le temps.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/551742/original/file-20231003-21-d0cx0j.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Gros plan sur des particules microplastiques" src="https://images.theconversation.com/files/551742/original/file-20231003-21-d0cx0j.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/551742/original/file-20231003-21-d0cx0j.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=444&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/551742/original/file-20231003-21-d0cx0j.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=444&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/551742/original/file-20231003-21-d0cx0j.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=444&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/551742/original/file-20231003-21-d0cx0j.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=558&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/551742/original/file-20231003-21-d0cx0j.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=558&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/551742/original/file-20231003-21-d0cx0j.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=558&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Gros plan sur des sédiments lacustres révélant un nombre élevé de particules microplastiques. Nombre d’entre elles proviennent de plastiques à usage unique qui se retrouvent dans l’environnement.</span>
<span class="attribution"><span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Les matériaux les plus souvent retrouvés sont le polyéthylène, le polypropylène et le polystyrène, souvent utilisés pour les produits dits à usage unique tels que les emballages. Dans les couches annuelles, on distingue immédiatement les années 2011-2013, qui ont été marquées par d’importants travaux de construction et de dragage dans le port. Durant cette période, un grand nombre de microplastiques sont présents, avec une grande diversité dans les matériaux.</p>
<p>Avec des informations aussi détaillées, nous commençons à comprendre comment les activités humaines ont une influence directe sur les microplastiques dans l’eau. À l’avenir, nous voulons comprendre comment toutes sortes de polluants déjà présents dans la nature peuvent se fixer sur les particules de microplastiques, et ce qui se passe lorsque ces particules sont consommées par le plancton, le zooplancton et la faune qui vit au fond des lacs.</p>
<p>Il y a encore beaucoup de choses que nous ne comprenons pas sur les microplastiques et les risques qu’ils posent, mais nos connaissances s’améliorent avec chaque carotte de sédiments. Ce n’est pas du gâteau. Sauf à considérer qu’il s’agit d’un gâteau de boue…</p>
<hr>
<figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/308798/original/file-20200107-123373-wmivra.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/308798/original/file-20200107-123373-wmivra.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=337&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/308798/original/file-20200107-123373-wmivra.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=337&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/308798/original/file-20200107-123373-wmivra.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=337&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/308798/original/file-20200107-123373-wmivra.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/308798/original/file-20200107-123373-wmivra.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/308798/original/file-20200107-123373-wmivra.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption"></span>
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<p><em>Créé en 2007 pour accélérer et partager les connaissances scientifiques sur les grands enjeux sociétaux, le Fonds Axa pour la Recherche a soutenu près de 700 projets dans le monde entier, menés par des chercheurs originaires de 38 pays. Pour en savoir plus, consultez le site Axa Research Fund ou suivez-nous sur Twitter @AXAResearchFund.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/214997/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Saija Saarni a reçu des financements de AXA Resesarch Fund. </span></em></p>
Depuis les années 50, on a produit des milliards de tonnes de plastique, dont la majeure partie se retrouve dans l’environnement, jusqu’au fond des lacs finlandais.
Saija Saarni, Senior research in geology, University of Turku
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/209538
2023-09-05T17:04:50Z
2023-09-05T17:04:50Z
Une chasse au trésor pour retrouver des restes de Néandertal dans le Bassin parisien
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/545236/original/file-20230829-29-t0yocw.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C12%2C4031%2C3005&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Pour trouver des restes de Néandertal ici, vous commenceriez où ?</span> <span class="attribution"><span class="source">Léa Beaumont</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span></figcaption></figure><p>Vous rêvez de creuser au hasard au fond d’un jardin et de faire une découverte archéologique, ou de trouver un trésor grâce à un manuscrit laissé par des ancêtres ? Moi aussi.</p>
<p>Mais lorsqu’une <a href="https://www.lgp.cnrs.fr/le-terrain-se-poursuit-a-resson/">équipe de géologues et d’archéologues</a> s’est penchée sur des archives de <a href="https://patrimoine.mines-paristech.fr/document/G%C3%A9ol_Aube_1846_texte#?c=0&m=0&s=0&cv=0&z=0%2C-1472.03%2C5610%2C5307.06">Alexandre Leymerie de 1846</a>, d’<a href="https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k58187693.texteImage">Eugène Belgrand de 1869</a>, et un <a href="https://data.bnf.fr/temp-work/c71c4c062019aa1a1fb66f11b9d09334/">inventaire de Fliche de 1884</a>, qui décrivent des restes d’hommes de Néandertal dans le Bassin parisien – alors que lesdits restes ont disparu – les choses se sont corsées.</p>
<p>L’équipe est donc partie à la chasse au trésor dans la région désignée par les archives. C’est non loin de Provins, que les archives mènent. Si le nom du village d’où ils proviennent, Resson, a été mentionné dans les archives, la carrière n’avait pas été précisément localisée. Il a donc fallu chercher une ancienne carrière dont le profil semble correspondre à la coupe géologique crayonnée par J.-P. Michel en 1967.</p>
<p>Après quelques missions de repérage, l’équipe a retrouvé une carrière de tuf creusée sur 10 mètres de haut, large d’une vingtaine de mètres, correspondant à ces indications. <a href="https://doi-org.inee.bib.cnrs.fr/10.4000/quaternaire.13778">Elle a pu confirmer</a> que cette ancienne carrière d’exploitation de tuf est riche en ossements de grands mammifères (mammouth, cerf…), en coquilles de mollusques et en restes végétaux – une partie de ces restes de mollusques et de végétaux exhumés par Belgrand, Fliche, Leymerie et de Mortillet à la fin du XIX<sup>e</sup> siècle est bien <a href="https://doi-org.inee.bib.cnrs.fr/10.4000/quaternaire.15923">présente au Musée d’histoire naturelle de Troyes</a>.</p>
<p>Les restes paléontologiques de mollusques présents dans le tuf ont permis d’estimer l’âge du site à <a href="https://journals.openedition.org/quaternaire/13778">il a environ 125 000 ans</a>. Cette période géologique appelée l’Éemien fut une période chaude, assez similaire à la nôtre, à laquelle vivaient en Europe les hommes de Néandertal.</p>
<p>Si l’âge des roches correspond bien à la période où ont vécu les Néandertaliens, il est plus délicat de trouver des outils en silex de type moustérien et des restes humains mentionnés dans les archives et les synthèses de Fliche.</p>
<p>Heureusement, il est possible d’affiner la zone de recherche grâce à la géologie.</p>
<h2>Le tuf, une roche d’eau</h2>
<p>En effet, le tuf est une roche calcaire qui se dépose dans les cours d’eau : si des Néandertaliens ont bien occupé le site, il est peu probable qu’ils y aient vécu au moment du développement du tuf, puisqu’avoir les pieds dans l’eau n’est pas vraiment un lieu d’occupation confortable ou pratique. Mon rôle a été de guider mes collègues archéologues vers des niveaux dans la roche où il est plus plausible de trouver des restes de Néandertal… une telle découverte permettrait de mieux comprendre les populations de Néandertal, leur mode de vie et l’environnement dans lequel ils ont vécu.</p>
<p>Nous avons remarqué au sein du tuf certaines couches géologiques un peu différentes, des niveaux « gris », qui sont très riches en matière organique et sont généralement signe de périodes d’assèchement. Ce serait donc plutôt dans ces couches-ci qu’il faudrait chercher les restes archéologiques.</p>
<p>Pour en être sûr, nous avons coupé de très fines tranches de roches dans ces niveaux gris, des lames minces, que nous avons observées au microscope pour révéler en détail leur contenu minéralogique et paléontologique. Celles-ci servent à déterminer quel était l’environnement à cette époque et s’il était gorgé d’eau ou accessible à pied sec, ce qui aurait permis aux Néandertaliens d’occuper le site.</p>
<p>Dans certaines d’entre elles, nous avons retrouvé des « granules de vers de terre », qui sont de petites sphères en calcite, qui attestent de périodes d’assèchement permettant le développement de « petits » sols (car l’épaisseur du sol « fossile » est petite, 5 à 10 centimètres environ), qui auraient donc accueilli des vers de terre.</p>
<p>Nous pensons que c’est dans ces niveaux à granules de vers de terre qu’il faut chercher pour trouver des preuves de la présence de Néandertal. Les recherches sont encore en cours !</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/209538/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>A reçu des financements du LabEx DYNAMITE, du DIM MAP et de la Région Île-de-France.</span></em></p>
Des archives font état de restes de Néandertal à côté de Provins. Enquête géologique et archéologique pour les retrouver.
Léa Beaumont, Doctorante en Géographie physique au Laboratoire de Géographie Physique, CNRS, Inrap, UPEC, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/210015
2023-08-17T20:53:34Z
2023-08-17T20:53:34Z
Fiables alliés ou affreux méchants ? Les géologues et James Bond
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/538074/original/file-20230718-8443-j1whqx.png?ixlib=rb-1.1.0&rect=4%2C12%2C2865%2C1178&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">James Bond (Daniel Craig) lui-même a endossé le rôle d’un géologue… à son insu, dans un quiproquo de «&nbsp;Quantum of Solace&nbsp;» (2008).</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.youtube.com/watch?v=co_-kuXZNO0&t=163s">Quantum of Solace</a></span></figcaption></figure><p>« C’était le violon d’Ingres de Strangways, la géologie ? » Une question que se pose James Bond dans <em>Dr. No</em> (1962) alors qu’il mène l’enquête en Jamaïque sur l’assassinat de son collègue, ledit Strangways. Tout porte à croire qu’un géologue est impliqué… Ça commence plutôt mal pour l’image de ce scientifique du sous-sol dans les aventures du plus célèbre agent secret de Sa Majesté !</p>
<p>De fait, le professeur R.J. Dent (Anthony Dawson), géologue et minéralogiste, est un sbire de Dr No (Joseph Wiseman) qui a fait assassiner l’espion John Strangways (Timothy Moxon).</p>
<p>Celui-ci lui avait envoyé des roches prélevées sur l’île de Crab Key, le repaire de son patron. Le géologue Dent essaie alors de cacher à 007 l’origine des échantillons : « pauvre Strangways, c’était une de ses marottes, la géologie en amateur. Il m’a apporté des bouts de roches pour faire des analyses, convaincu que cela valait quelque chose. Ça ne valait rien, un minerai faible en sulfure de fer ». Bond insiste, déterminé à trouver où se cache son ennemi : « à Crab Key peut-être bien ? », et le géologue répond : « certainement pas, du point de vue géologique c’est impossible ».</p>
<p>Ici, le géologue est présenté sous un angle négatif, usant de son expertise au service du méchant, et cachant la vérité à 007.</p>
<p>Les <a href="https://www.onisep.fr/ressources/Univers-Metier/Metiers/geologue">géologues</a> sont assez présents dans la saga James Bond. Ils ne jouent pas toujours un aussi mauvais rôle. Alors, qui sont ces experts du sous-sol qui gravitent autour de 007 ?</p>
<h2>Géologues : des spécialistes du sous-sol, un ressort scénaristique récurrent dans James Bond</h2>
<p>Souvent cantonnée aux dinosaures et aux volcans, la géologie demeure une science méconnue du grand public. Les sciences de la Terre englobent pourtant tout un ensemble de thématiques largement connectées à notre quotidien :</p>
<ul>
<li>Trouver des <a href="https://mineralinfo.fr/fr">ressources minérales</a> : des métaux, dont certains indispensables aux <a href="https://theconversation.com/pourquoi-parle-t-on-de-criticite-des-materiaux-105258">transitions énergétique</a> et numérique ; des roches et minéraux industriels ; de l’uranium (pour le nucléaire civil et militaire) ; du pétrole, gaz et charbon ; de la <a href="https://theconversation.com/il-existe-plusieurs-types-de-geothermie-comment-marchent-ils-et-quels-sont-les-risques-153923">chaleur, exploitable avec des centrales géothermiques</a> ;</li>
</ul>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/538073/original/file-20230718-29-19622i.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="géologue dans une rivière" src="https://images.theconversation.com/files/538073/original/file-20230718-29-19622i.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/538073/original/file-20230718-29-19622i.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/538073/original/file-20230718-29-19622i.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/538073/original/file-20230718-29-19622i.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/538073/original/file-20230718-29-19622i.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/538073/original/file-20230718-29-19622i.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/538073/original/file-20230718-29-19622i.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Géologue faisant des relevés de terrain au Malawi pour établir une carte géologique (dans la vraie vie).</span>
<span class="attribution"><span class="source">Nicolas Charles</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<ul>
<li><p>Estimer et gérer les ressources en <a href="https://theconversation.com/reserves-deau-souterraine-des-cartes-pour-mieux-comprendre-la-secheresse-143154">eau souterraine</a> ;</p></li>
<li><p>Comprendre et gérer les <a href="https://www.georisques.gouv.fr/">risques géologiques</a> (séismes, volcanisme, mouvements de terrain, <a href="https://theconversation.com/la-perception-des-risques-derosion-cotiere-et-de-submersion-marine-par-la-population-du-littoral-les-cas-de-wissant-et-oye-plage-147074">érosion littorale</a>, radon, etc.) ;</p></li>
<li><p>Appuyer l’<a href="https://www.brgm.fr/fr/actualite/video/geologie-urbaine-enjeu-majeur-avenir-villes">aménagement du territoire</a> (géotechnique et génie civil, cartographie, etc.).</p></li>
</ul>
<h2>Une géologue pour alliée</h2>
<p>Dans <em>Dangereusement vôtre</em> (1985), c’est un personnage du géologue bien plus positif qui est mis en avant. Il s’agit de Stacey Sutton (Tanya Roberts), qui, ayant hérité de l’entreprise pétrolière familiale, a suivi des études de géologie, avant d’être employée à la Direction des hydrocarbures et des mines de l’État de Californie.</p>
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<p>Stacey Sutton apporte à James Bond (Roger Moore) une expertise géologique sur la compréhension du système de failles de San Andreas et de Hayward : elle lui explique quelles seraient les conséquences d’un séisme majeur dans la zone. En effet, Maximilian Zorin (Christopher Walken) entend détruire la Silicon Valley en déclenchant un <a href="https://www.georisques.gouv.fr/minformer-sur-un-risque/seisme">« séisme induit »</a>, par l’explosion d’une bombe et l’injection d’eau de mer le long des couloirs de faille : c’est l’opération « Le Filon » – ce nom lui-même est un clin d’œil à la géologie, puisqu’il s’agit d’un terme désignant un gisement de minerai (métaux ou minéraux), en masse allongée, recoupant d’autres roches.</p>
<p>D’ailleurs, le passage du film qui montre la bombe devant exploser se déroule dans une ancienne mine d’argent – selon Stacey Sutton. Dans la réalité, l’entrée de la mine correspond à une ancienne carrière de craie localisée à Amberley… dans le Sussex de l’Ouest, en Angleterre ! Ce lieu de tournage est aujourd’hui un <a href="https://www.amberleymuseum.co.uk/explore/explore-industry/chalk-pits/">musée dédié à l’ancienne extraction de la craie</a> entre les années 1840 et 1960.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/538078/original/file-20230718-17-q8zypn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="carte géologique et légendes" src="https://images.theconversation.com/files/538078/original/file-20230718-17-q8zypn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/538078/original/file-20230718-17-q8zypn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=641&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/538078/original/file-20230718-17-q8zypn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=641&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/538078/original/file-20230718-17-q8zypn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=641&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/538078/original/file-20230718-17-q8zypn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=806&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/538078/original/file-20230718-17-q8zypn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=806&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/538078/original/file-20230718-17-q8zypn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=806&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Une carte géologique à 1/50 000 de Loma Prieta en Californie, autour de la faille de San Andreas, un document semblable à ceux apparaissant dans « Dangereusement vôtre » (1985) et établi grâce aux relevés des géologues.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://ngmdb.usgs.gov/Prodesc/proddesc_68889.htm">USGS ; McLaughlin et coll., 2004</a>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Autre clin d’œil au travail des géologues, des cartes géologiques de la Californie sont affichées au mur de la salle des archives où Stacey Sutton et James Bond consultent des documents pour mieux comprendre l’opération « Le Filon ».</p>
<p>La <a href="https://www.brgm.fr/fr/actualite/video/histoire-carte-geologique-france">carte géologique</a> est un document capital pour comprendre le sous-sol, elle est réalisée par le géologue au bout d’un long travail d’acquisition et de synthèse de données sur le terrain et en laboratoire.</p>
<h2>Hydrogéologue : le scientifique des eaux souterraines</h2>
<p>Autre opus bondien où le personnage du géologue est évoqué, c’est <em>Quantum of Solace</em> (2008), où la course-poursuite de l’introduction traverse les carrières du célèbre marbre de Carrare, en Italie.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/538079/original/file-20230718-29-ml0b22.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Carrière de marbre" src="https://images.theconversation.com/files/538079/original/file-20230718-29-ml0b22.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/538079/original/file-20230718-29-ml0b22.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/538079/original/file-20230718-29-ml0b22.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/538079/original/file-20230718-29-ml0b22.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/538079/original/file-20230718-29-ml0b22.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/538079/original/file-20230718-29-ml0b22.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/538079/original/file-20230718-29-ml0b22.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Carrière de marbre de Carrare, en Italie.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Blocks_of_marble_in_Carrara_marble_quarry_6386.jpg">Vmenkov, Wikipedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
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</figure>
<p>Dans ce film, James Bond (Daniel Craig) passe même pour géologue sans le savoir durant quelques minutes en Haïti : alors qu’il monte dans la voiture de l’espionne bolivienne Camille Montes Rivero (Olga Kurylenko), elle le confond avec le géologue duquel elle devait récupérer des informations secrètes… un géologue que le méchant Dominic Greene a fait tuer (bien que, avoue-t-il, « ça tombe mal, c’était un de mes meilleurs géologues »), et a remplacé par un faux géologue, un tueur engagé par le méchant pour éliminer l’espionne. Le nom de ce faux géologue aurait peut-être dû mettre la puce à l’oreille de nos héros : s’appeler Edmund Slate, alors que « <em>slate</em> » signifie « ardoise » en anglais, semble un hasard trop bien ficelé.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/538076/original/file-20230718-7745-k0vy8y.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="le désert de l’Atacama" src="https://images.theconversation.com/files/538076/original/file-20230718-7745-k0vy8y.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/538076/original/file-20230718-7745-k0vy8y.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/538076/original/file-20230718-7745-k0vy8y.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/538076/original/file-20230718-7745-k0vy8y.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/538076/original/file-20230718-7745-k0vy8y.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/538076/original/file-20230718-7745-k0vy8y.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/538076/original/file-20230718-7745-k0vy8y.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Le désert d’Atacama, au Chili, où a été tourné une partie de « Quantum of Solace » (2008).</span>
<span class="attribution"><span class="source">E. Beaufils (BRGM)</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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</figure>
<p>Dans <em>Quantum of Solace</em>, Dominic Greene acquiert d’immenses étendues de terre en Bolivie, qui, selon les recherches de Camille Montes Rivero, « ne recèlent aucune richesse, mais les géologues avaient des preuves contraires ». En fait, il s’agit d’une richesse du sous-sol autre que le pétrole ou les métaux : de l’eau souterraine. Dans la réalité, le lieu de tournage pour illustrer le désert bolivien est celui d’Atacama, au Chili, près d’Antofagasta.</p>
<p>Dans le cinéma, le rôle du géologue est souvent positif, il apporte son expertise et concourt alors à améliorer une situation donnée ou à en comprendre les enjeux (par exemple le risque volcanique dans <em>Le Pic de Dante</em> de Roger Donaldson, 1997). Le géologue peut aussi utiliser son savoir à des fins moins positives, souvent comme assistant corrompu du méchant principal, comme on l’a vu ici.</p>
<p>Ce constat sur le personnage du scientifique n’est pas propre au géologue, d’autres disciplines scientifiques sont représentées au sein des 27 films où apparaît l’agent secret britannique : physicienne nucléaire (Christmas Jones (Denise Richards) dans <em>Le Monde ne suffit pas</em>), biologiste marin (Dexter Smythe (Lew Hooper) dans <em>Octopussy</em>), généticien (Dr Alvarez (Simón Andreu) dans <em>Meurs un autre jour</em>), informaticien (Boris Grishenko (Alan Cumming) dans <em>Goldeneye</em>), mathématicien (Le Chiffre (Mads Mikkelsen) dans <em>Casino Royale</em>), chimiste (Lyutsifer Safin (Rami Malek) dans <em>Mourir peut attendre</em>), pour ne citer qu’eux !</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/210015/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Nicolas Charles ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>
Une série estivale sur la sulfureuse et insoupçonnée liaison entre James Bond et la géologie… et plus précisément, avec les géologues.
Nicolas Charles, Géologue, PhD, BRGM
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/209900
2023-08-16T18:38:29Z
2023-08-16T18:38:29Z
Diamants, eau, volcans : James Bond entre ressources et risques naturels
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/538023/original/file-20230718-19-9pa3o5.png?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C8%2C2865%2C1181&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Explosion de la base du méchant Blofeld, sur une plate-forme pétrolière, dans «&nbsp;Les diamants sont éternels&nbsp;» (1971).</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.youtube.com/watch?v=95Ews4WxDXM">Diamonds are forever, 1971</a></span></figcaption></figure><p>Crise énergétique, accès aux ressources naturelles, course à l’innovation, spéculation et déstabilisation financière ou encore catastrophe naturelle rythment les scénarios bondiens. Dès le premier opus (<em>Dr. No</em>, 1962), les aventures de 007 reposent sur une base scénaristique intégrant la science et la technologie alliées aux enjeux géopolitiques mondiaux au gré des différentes époques de la saga. Et bien souvent, les géosciences ne sont pas loin…</p>
<p>Parmi les éléments scénaristiques, le cadre de l’action peut avoir un lien avec la géologie. Dans <em>On ne vit que deux fois</em> (1967), la base secrète de Spectre est localisée dans le cratère d’un volcan au Japon.</p>
<p>Il s’agit dans la réalité du volcan Shinmoe, sur l’île de Kyūshū, âgé d’environ 18 600 ans et dont la dernière éruption date de <a href="https://volcano.si.edu/volcano.cfm?vn=282090">2018</a>. Gaz toxiques, séismes et éboulements, chaleur intense et ennoiement du cratère avec la possible formation d’un lac aux eaux acides, tout ceci est peu compatible avec l’établissement d’une base secrète souterraine, même temporaire.</p>
<p>Du point de vue géologique, il s’agit d’un volcan andésitique avec des éruptions explosives (type <a href="https://www.vulcania.com/science/volcans/differents-types-deruptions/eruption-vulcanienne/">vulcanienne</a> et <a href="https://www.vulcania.com/science/volcans/differents-types-deruptions/eruption-vulcanienne/">plinienne</a>). Le magma est assez visqueux (enrichi en silice) et les gaz se retrouvent piégés, la pression monte et des panaches, des pluies de cendres, des bombes et de rares coulées de lave se forment. À la fin du film, il s’agit en revanche d’une éruption effusive (coulées de lave très fluide (type <a href="https://www.vulcania.com/science/volcans/differents-types-deruptions/eruption-vulcanienne/">hawaïen</a>) et quelques explosions modérées de type <a href="https://www.vulcania.com/science/volcans/differents-types-deruptions/eruption-strombolienne">strombolien</a>).</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/538021/original/file-20230718-17-hleg11.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="volcan avec un lac" src="https://images.theconversation.com/files/538021/original/file-20230718-17-hleg11.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/538021/original/file-20230718-17-hleg11.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/538021/original/file-20230718-17-hleg11.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/538021/original/file-20230718-17-hleg11.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/538021/original/file-20230718-17-hleg11.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/538021/original/file-20230718-17-hleg11.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/538021/original/file-20230718-17-hleg11.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Le volcan Shinmoe (Japon) où s’est formé un lac de cratère, lieu de tournage dans <em>On ne vit que deux fois</em> (1967).</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Mount_Shinmoe_20031020.jpg">Official website of Hydrographic and Oceanographic Department, Japan Coast Guard (JHOD)</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Dans <em>Meurs un autre jour</em> (2002), le scénario axé géopolitique (réunification des deux Corée) repose sur l’usage d’une arme spatiale financée par les revenus de la vente de <a href="https://www.kimberleyprocess.com/fr">diamants de conflit</a> par Gustav Graves. Officiellement, Graves possède une mine de diamants qui finance une action louable d’éradication de la famine dans le monde. Jusqu’ici, cela semble cohérent si ce n’est que la mine est localisée dans le film en… Islande ! Or, aucun gisement de diamants n’existe en Islande, tout simplement car le contexte géologique n’y est pas favorable.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/537808/original/file-20230717-233077-gwfd9c.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="diamant sur roche beige" src="https://images.theconversation.com/files/537808/original/file-20230717-233077-gwfd9c.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/537808/original/file-20230717-233077-gwfd9c.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=390&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/537808/original/file-20230717-233077-gwfd9c.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=390&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/537808/original/file-20230717-233077-gwfd9c.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=390&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/537808/original/file-20230717-233077-gwfd9c.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=490&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/537808/original/file-20230717-233077-gwfd9c.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=490&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/537808/original/file-20230717-233077-gwfd9c.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=490&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Diamant sur kimberlite (collection du Muséum national d’histoire naturelle), une roche volcanique ayant permis la remontée de la pierre précieuse formée dans le manteau terrestre.</span>
<span class="attribution"><span class="source">N. Charles</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>En effet, les diamants se forment à grande profondeur (manteau terrestre) et remontent dans la croûte terrestre par l’intermédiaire de violentes éruptions volcaniques. Les <a href="https://mrnf.gouv.qc.ca/mines/industrie-substance-exploitees/industrie-pierres-gemmes/gemmes-proprietes-diamant">diamants</a> se retrouvent piégés dans des roches nommées kimberlites qui sont exploitées aujourd’hui en Afrique du Sud, Australie, Canada, Russie ou encore au Botswana. Lorsque ces roches sont altérées et érodées, les diamants, très résistants, peuvent se retrouver piégés dans les sédiments des rivières.</p>
<p>En Islande, les seuls « diamants » visibles sont les blocs de glace échoués, entre autres, sur la plage de Fjellsfjara, au débouché de la vallée glaciaire de Breiðamerkursandur !</p>
<h2>Solaire, pétrole : d’où vient l’énergie dans James Bond</h2>
<p>Un autre élément scénaristique récurrent est l’accès aux matières premières ou à l’énergie. <em>L’Homme au pistolet d’or</em> est sorti en 1974, soit juste après le choc pétrolier de 1973 et les difficultés d’indépendance énergétique européenne, sujet toujours d’<a href="https://theconversation.com/guerre-en-ukraine-50-ans-apres-un-choc-energetique-de-lampleur-des-chocs-petroliers-178627">actualité</a>… Le scénario repose sur l’intrigue visant à retrouver une technologie nommée « agitateur Sol-X ». Elle permettrait de capter l’énergie solaire avec un rendement de 90 % (quantité d’énergie lumineuse transformée en électricité), de quoi faire pâlir les actuels panneaux solaires dont les rendements sont plutôt de l’ordre de 10 à 25 %.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/537810/original/file-20230717-218013-whmtu8.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="silicim metéal, galets et filon de quartz" src="https://images.theconversation.com/files/537810/original/file-20230717-218013-whmtu8.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/537810/original/file-20230717-218013-whmtu8.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=426&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/537810/original/file-20230717-218013-whmtu8.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=426&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/537810/original/file-20230717-218013-whmtu8.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=426&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/537810/original/file-20230717-218013-whmtu8.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=536&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/537810/original/file-20230717-218013-whmtu8.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=536&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/537810/original/file-20230717-218013-whmtu8.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=536&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Silicium métal, utilisé dans les cellules photovoltaïques qui convertissent l’énergie solaire en électricité. Il est produit à partir de quartz très pur (filon de quartz, galets de silex). Cette énergie est l’une des bases du scénario de « L’Homme au pistolet d’or » de 1974.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Nicolas Charles</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Cette technologie utilise l’<a href="https://expertises.ademe.fr/energies/energies-renouvelables-enr-production-reseaux-stockage/passer-a-laction/produire-lelectricite/solaire-photovoltaique">effet photovoltaïque</a> découvert par Henri Becquerel en 1839. En effet, certains matériaux semi-conducteurs génèrent de l’électricité une fois soumis à la lumière du soleil, c’est le cas du <a href="https://www.mineralinfo.fr/fr/ecomine/silicium-un-element-chimique-tres-abondant-un-affinage-strategique">silicium cristallin</a> produit à partir de <a href="https://mineralinfo.fr/sites/default/files/documents/2020-12/fichecriticitesiliciummetal-publique20190729.pdf">silicium métal</a>, lui-même obtenu grâce à la transformation (à environ 2000 °C) de galets de quartz, de grès, de silex ou de quartzite très purs (> 98 % de silice).</p>
<p>[<em>Plus de 85 000 lecteurs font confiance aux newsletters de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde</em>. <a href="https://memberservices.theconversation.com/newsletters/?nl=france&region=fr">Abonnez-vous aujourd’hui</a>]</p>
<p>Très loin du scénario bondien, le <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Rendement_d%27une_cellule_photovolta%C3%AFque">rendement théorique maximal de cellules photovoltaïques simples</a> est d’environ 33 % (on peut « empiler » des cellules et concentrer le rayonnement solaire – en théorie, avec une infinité de cellules, ceci permettrait de monter jusqu’à environ 68 %, ce qui est bien sûr infaisable en pratique).</p>
<p>Toujours dans l’accès aux ressources, <em>Le monde ne suffit pas</em> (1999) nous plonge dans le milieu du pétrole. Elektra King (Sophie Marceau), héritière d’une entreprise pétrolière, construit un pipeline pour concurrencer l’or noir venu de Russie et qui alimente l’Europe. Pour ce faire, le scénario s’oriente vers l’explosion d’un sous-marin nucléaire dans le détroit du Bosphore visant à générer une instabilité sur les approvisionnements pétroliers du Vieux Continent.</p>
<p>Autre clin d’œil à l’or noir, la base du méchant Blofeld dans <em>Les diamants sont éternels</em> (1971) se localise sur une plate-forme pétrolière.</p>
<p>Il faut rappeler que le pétrole, le charbon et le gaz naturel demeurent encore aujourd’hui les ressources minérales les plus utilisées pour produire l’énergie consommée dans le monde (<a href="https://www.iea.org/reports/key-world-energy-statistics-2021/supply">80 % en 2019</a>). La transition énergétique qui tend à se défaire des ressources carbonées fossiles se fera par la consommation d’autres ressources minérales comme certains <a href="https://www.mineralinfo.fr/fr/securite-des-approvisionnements-pour-leconomie/substances-critiques-strategiques">métaux stratégiques</a> (lithium, terres rares, cobalt, nickel, etc.).</p>
<h2>Accès à l’eau, problème majeur du XXIᵉ siècle… et de <em>Quantum of Solace</em></h2>
<p>Une autre ressource minérale, vitale, c’est l’eau. En 2022, les Nations-Unies estimaient qu’<a href="https://unesdoc.unesco.org/ark:/48223/pf0000380723">environ 99 % des réserves en eau douce liquide de la planète résidaient dans les nappes</a> phréatiques (entre 11,1 et 15,9 millions de kilomètres cubes<sup></sup>), autrement dit le sous-sol, domaine de l’<a href="https://www.brgm.fr/fr/tag/siges-systemes-information-gestion-eaux-souterraines">hydrogéologue</a>.</p>
<p>La thématique de l’accès à l’eau sert de base au scénario de <em>Quantum of Solace</em> (2008). L’intrigue prend place en Bolivie, où James Bond (Daniel Craig) découvre des lacs souterrains que Dominic Greene (Mathieu Amalric) a créés en faisant construire des barrages pour priver les populations locales d’accès à l’eau, faisant main mise sur les ressources hydrogéologiques du pays.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/537812/original/file-20230717-243941-ap8f50.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="schéma de différents types de réservoirs" src="https://images.theconversation.com/files/537812/original/file-20230717-243941-ap8f50.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/537812/original/file-20230717-243941-ap8f50.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=272&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/537812/original/file-20230717-243941-ap8f50.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=272&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/537812/original/file-20230717-243941-ap8f50.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=272&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/537812/original/file-20230717-243941-ap8f50.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=341&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/537812/original/file-20230717-243941-ap8f50.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=341&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/537812/original/file-20230717-243941-ap8f50.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=341&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Les différents types de réservoirs d’eau souterraine.</span>
<span class="attribution"><span class="source">BRGM ; modifié d’après Collin, 1992</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>L’image de grands lacs souterrains pour matérialiser les nappes est souvent utilisée auprès du grand public, or c’est largement trompeur. Dans l’immense majorité des cas, les nappes phréatiques ne sont ni des lacs ni des rivières souterraines ! Il s’agit d’eau contenue dans les pores ou les fissures des roches saturées par les eaux de pluie qui se sont infiltrées. Les <a href="https://planet-terre.ens-lyon.fr/ressource/erosion-karstique.xml">rivières et les lacs souterrains demeurent donc une exception et se rencontrent dans certains massifs calcaires où se développe un karst</a>.</p>
<h2>Quand James Bond provoque des séismes</h2>
<p>Pour finir, <em>Dangereusement vôtre</em> (1985) repose sur un scénario s’inspirant du risque sismique. Maximilian Zorin (Christopher Walken) entend détruire la Silicon Valley, poumon économique des technologies du numérique aux États-Unis. Zorin compte déclencher un séisme par une forte explosion en profondeur et en injectant de l’eau dans les failles de San Andreas et de Hayward.</p>
<p>Les géologues parlent de <a href="https://www.georisques.gouv.fr/minformer-sur-un-risque/seisme">« séisme induit »</a>, à savoir un séisme déclenché par une activité humaine, comme la fracturation hydraulique (par exemple à cause de l’extraction des gaz de schiste), les mines ou carrières, les barrages, la <a href="https://www.ecologie.gouv.fr/sites/default/files/Guide-geothermie.pdf">géothermie profonde</a>, ou le stockage souterrain.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/537813/original/file-20230717-184356-d0d6b6.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="A certains endroits, le sol change de nature lors de séismes" src="https://images.theconversation.com/files/537813/original/file-20230717-184356-d0d6b6.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/537813/original/file-20230717-184356-d0d6b6.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=560&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/537813/original/file-20230717-184356-d0d6b6.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=560&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/537813/original/file-20230717-184356-d0d6b6.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=560&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/537813/original/file-20230717-184356-d0d6b6.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=704&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/537813/original/file-20230717-184356-d0d6b6.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=704&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/537813/original/file-20230717-184356-d0d6b6.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=704&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Risque de liquéfaction en cas de séisme dans la région de San Francisco.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://usgs.maps.arcgis.com/apps/webappviewer/index.html">USGS-California Geological Survey</a>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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</figure>
<p>Le scénario est ici poussé à l’extrême avec un séisme majeur alors même que les <a href="https://inducedearthquakes.org/">séismes induits</a> sont de faible à moyenne intensité dans l’immense majorité des cas. La Californie se situe à la limite entre deux plaques tectoniques (Pacifique à l’ouest et Amérique du Nord à l’est) qui coulissent l’une par rapport à l’autre, générant des séismes naturels le long d’un système de failles actives dont celles de San Andreas et de Hayward.</p>
<p>Si le scénario prévoit la submersion de la zone, dans la réalité, le risque majeur en cas de séisme est en fait le <a href="https://georisques.gouv.fr/articles-risques/seismes/effets-et-consequences-dun-seisme">« phénomène de liquéfaction »</a>. La Silicon Valley repose en effet sur des sols sablo-argileux qui, lorsqu’ils sont saturés en eau et soumis à un séisme, perdent leur portance causant de graves dommages aux bâtiments, c’est ce que l’on appelle un « effet de site ». Ce fut le cas à Mexico en 1985, et peut-être également à <a href="https://theconversation.com/que-sait-on-du-seisme-de-la-laigne-en-charente-maritime-208521">La Laigne en Charente-Maritime</a>, lors du séisme du 16 juin 2023.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/209900/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Nicolas Charles ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>
Une série estivale sur la sulfureuse et insoupçonnée liaison entre James Bond et la géologie. On décrypte le plausible du surréaliste, géologiquement parlant, dans les scénarios.
Nicolas Charles, Géologue, PhD, BRGM
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/209743
2023-08-15T21:06:12Z
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Mais où James Bond va-t-il chercher tous ces gadgets ?
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/537345/original/file-20230713-15-u5em9p.png?ixlib=rb-1.1.0&rect=17%2C8%2C1880%2C804&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Chez Q bien sûr&nbsp;! Mais celui-ci ne les sort pas de sa manche. Dans Spectre (2015), Daniel Craig et Ben Whishaw incarnent le fameux espion et son fournisseur de gadgets.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.youtube.com/watch?v=SzvxegcZzPU">Spectre</a></span></figcaption></figure><p>Montre-laser, pistolet à empreintes digitales, explosifs et bien sûr voitures suréquipées… les gadgets sont un des symboles de James Bond. Leur inventeur génial s’appelle « Q ». Si certains de ces gadgets ont réellement existé (laser, reconnaissance d’empreintes digitales, réacteur dorsal), d’autres sont, comme on va le voir, plus fantaisistes. </p>
<p>Mais tous reposent sur un socle commun, les matières premières nécessaires à leur fabrication, et en particulier les <a href="https://mineralinfo.fr/fr">ressources minérales</a>, que les géologues contribuent à trouver dans la croûte terrestre. De tout temps, les humains ont utilisé les <a href="https://theconversation.com/connais-tu-le-lien-entre-ton-telephone-portable-et-les-cailloux-132894">ressources minérales pour créer et utiliser des technologies</a>, du silex préhistorique au lithium des batteries actuelles. Le plus célèbre agent secret de Sa Majesté ne fait pas exception.</p>
<h2>Les voitures rapides et peu discrètes de l’agent secret le plus célèbre du monde</h2>
<p>En 1964 dans <em>Goldfinger</em>, James Bond (Sean Connery) doit abandonner sa Bentley pour une Aston Martin DB5 modifiée par l’ingénieux Q (l’inoubliable Desmond Llewelyn). C’est la première des huit apparitions du bolide désormais indissociable de 007.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="L’aston Martin DB5, voiture historique de James Bond" src="https://images.theconversation.com/files/537729/original/file-20230717-138681-wy16lv.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/537729/original/file-20230717-138681-wy16lv.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=371&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/537729/original/file-20230717-138681-wy16lv.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=371&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/537729/original/file-20230717-138681-wy16lv.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=371&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/537729/original/file-20230717-138681-wy16lv.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=466&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/537729/original/file-20230717-138681-wy16lv.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=466&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/537729/original/file-20230717-138681-wy16lv.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=466&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">L’Aston Martin DB5, apparue pour la première fois dans Goldfinger en 1964. Ce bolide fait la part belle à l’aluminium extrait du minerai de bauxite.</span>
<span class="attribution"><span class="source">N. Charles</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>L’automobile est un bon exemple de la complexification des produits et de l’augmentation de la diversité des matières premières utilisées au cours du temps. </p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/537731/original/file-20230717-248129-ixx1gi.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="zoom sur un minéral rose à taches rosées et blanchâtres" src="https://images.theconversation.com/files/537731/original/file-20230717-248129-ixx1gi.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/537731/original/file-20230717-248129-ixx1gi.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/537731/original/file-20230717-248129-ixx1gi.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/537731/original/file-20230717-248129-ixx1gi.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/537731/original/file-20230717-248129-ixx1gi.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/537731/original/file-20230717-248129-ixx1gi.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/537731/original/file-20230717-248129-ixx1gi.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Bauxite : principal minerai d’aluminium, métal utilisé dans la DB5 de 007 qui tire son nom des Baux-de-Provence.</span>
<span class="attribution"><span class="source">N. Charles</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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</figure>
<p>La DB5 recèle ainsi divers métaux et minéraux à commencer par l’aluminium, un métal permettant de gagner en légèreté. Il est extrait de la bauxite, un minerai notamment exploité en Jamaïque aux environs d’Ocho Rios… qui a servi de décor pour l’île Crab Key, repaire du Dr. No, en 1962.</p>
<p>La carrosserie de la DB5 est un ensemble de plaques en alliage d’aluminium et de magnésium reposant sur une structure en tubes d’acier. Le bloc-moteur est en aluminium à l’instar des pistons et de la culasse. Les bielles et le vilebrequin sont constitués d’un acier dopé au chrome et au molybdène qui assurent une meilleure résistance. Les jantes en aluminium reposent sur des moyeux en acier chromé tout comme les rayons.</p>
<p>Il ne faut bien entendu pas oublier la <a href="https://mineralinfo.fr/sites/default/files/documents/2021-03/silice_industrielle_rp-66167-fr_2016revise2020.pdf">silice des vitrages</a>, le <a href="http://infoterre.brgm.fr/rapports/RP-69037-FR.pdf">cuivre du câblage électrique</a>, le plomb de la batterie ou les carbonates et le <a href="https://mineralinfo.fr/sites/default/files/documents/2021-03/kaolin_argiles_kaoliniques_rp-67334-fr_2018.pdf">kaolin dans la peinture</a>, et le pétrole pour faire rouler l’ensemble à vive allure !</p>
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<p>L’industrie automobile a largement évolué depuis 1964 et les innovations se succèdent, augmentant la diversité des ressources minérales utilisées. Plusieurs dizaines sont nécessaires aujourd’hui pour un véhicule standard – et que dire des derniers bolides pilotés par 007 depuis les années 2000 comme la BMW Z3 ou l’Aston Martin Valhalla. </p>
<p>Cela se poursuit avec les véhicules électriques qui voient intervenir <a href="https://theconversation.com/relocaliser-lextraction-des-ressources-minerales-en-europe-les-defis-du-lithium-138581">lithium</a>, cobalt, graphite, <a href="https://mineralinfo.fr/fr/ecomine/sulfate-de-nickel-un-ingredient-cle-des-batteries-li-ion">nickel</a> et <a href="https://mineralinfo.fr/fr/ecomine/marche-des-terres-rares-2022-filieres-dapprovisionnement-aimants-permanents">terres rares</a> dans les batteries. D’ailleurs en 1971, dans <em>Les diamants sont éternels</em>, James Bond vole et conduit un module lunaire électrique ! Plus récemment dans <em>Mourir peut attendre</em> (2021), l’Aston Martin Valhalla est un bolide hybride rechargeable, mais James Bond n’est pas encore passé au tout électrique.</p>
<h2>Des armes en or… trop mou ?</h2>
<p>Autre objet culte, le Walther PPK, pistolet allemand qu’utilise 007 dans bon nombre d’opus de la saga. C’est une arme faite d’un alliage d’acier inoxydable. Bien que l’acier soit principalement constitué de fer, il contient aussi d’autres éléments en fonction de l’utilisation et des propriétés recherchées : chrome, molybdène, nickel, manganèse, carbone, silicium, cuivre, soufre, azote, phosphore, bore, titane, niobium, tungstène, vanadium, cérium.</p>
<p>Beaucoup plus précieux, le pistolet de Francisco Scaramanga (Christopher Lee) est en or massif et se présente sous la forme d’un assemblage d’objets du quotidien afin de ne pas être repéré lors des contrôles : briquet, boutons de manchette, stylo-plume et étui à cigares. Limité à un coup, ce pistolet tire des balles d’un calibre de 4,2 mm, pesant 30 g, et surtout en or 23 carats avec des traces de nickel. Voilà pour la fiction…</p>
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<img alt="pistolet d’or au musée" src="https://images.theconversation.com/files/537734/original/file-20230717-129345-k99hdj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/537734/original/file-20230717-129345-k99hdj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/537734/original/file-20230717-129345-k99hdj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/537734/original/file-20230717-129345-k99hdj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/537734/original/file-20230717-129345-k99hdj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/537734/original/file-20230717-129345-k99hdj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/537734/original/file-20230717-129345-k99hdj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Le pistolet d’or de Francisco Scaramanga, l’or massif étant ici peu réaliste pour l’utilisation dédiée… La balle, en or elle aussi, est gravée « 007 ». Exposition au « International Spy Museum ».</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://flickr.com/photos/66857806@N02/14592496766">Gareth Milner, Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
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</figure>
<p>Il est difficile en effet d’imaginer un pistolet entièrement constitué d’or, un métal très dense et surtout très mou, qui ne résisterait pas longtemps à la puissance répétée d’un coup de feu. En bijouterie, l’or, pour pouvoir être porté, est souvent d’ailleurs allié à l’argent, au cuivre ou au zinc. Au 1<sup>er</sup> juillet 2023, un kilogramme d’or se négociait environ 56 500 euros. Pas étonnant, l’or est depuis l’Antiquité un métal précieux, inaltérable et brillant avec une couleur jaune soutenue qui suscite convoitise et sert de valeur refuge.</p>
<p>Ainsi, dans <em>Bons baisers de Russie</em> (1963), James Bond reçoit 50 souverains britanniques en or dissimulés dans une mallette truffée de gadgets. Attiré par les pièces d’or, l’ennemi Grant ouvre la mallette piégée alors qu’il tient en joue 007. Du gaz lacrymogène s’en échappe, ce qui sauvera la vie de Bond.</p>
<h2>James Bond et ses ennemis équipés de technologies de pointe</h2>
<p>La saga est aussi l’occasion de mettre en avant des technologies de pointe peu connues du grand public au moment de la sortie d’un film. Des technologies qui reposent sur des matières premières.</p>
<p>Quel meilleur exemple que le <a href="https://www.sfpnet.fr/le-laser-principe-de-fonctionnement">laser</a> (de l’anglais « <em>light amplification by stimulated emission of radiation »</em> et signifiant « amplification de lumière par émission stimulée de rayonnement »). Pistolet, montre, voiture, satellite… Dans un scénario, tout est « mieux » équipé d’un laser !</p>
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<img alt="pistolet laser en plastique" src="https://images.theconversation.com/files/537736/original/file-20230717-243941-ymm8xc.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/537736/original/file-20230717-243941-ymm8xc.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=259&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/537736/original/file-20230717-243941-ymm8xc.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=259&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/537736/original/file-20230717-243941-ymm8xc.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=259&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/537736/original/file-20230717-243941-ymm8xc.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=326&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/537736/original/file-20230717-243941-ymm8xc.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=326&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/537736/original/file-20230717-243941-ymm8xc.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=326&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Des pistolets laser (en plastique !) de la base spatiale dans Moonraker, 1979.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Nicolas Charles</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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</figure>
<p>Dans <em>Goldfinger</em> (1964), James Bond est menacé par un laser – qui remplace la scie sauteuse imaginée dans le roman éponyme de Ian Flemming. Le laser sera également mis en avant dans d’autres épisodes : satellite dans <em>Les diamants sont éternels</em> (1971) et <em>Meurs un autre jour</em> (2002) ; pistolets-laser dans <em>Moonraker</em> (1979) ; montre-laser dans <em>Jamais plus jamais</em> (1983) ou <em>Goldeneye</em> (1995) ; voiture équipée d’un laser dans <em>Tuer n’est pas jouer</em> (1987)…</p>
<p>Au final, les applications réelles des lasers sont entre autres : télémétrie, découpe, projection lumineuse. Le premier laser opérationnel date de mai 1960 – le physicien Théodore Maiman l’introduit tout juste avant James Bond. Ce premier laser fonctionnait à l’aide d’un rubis, minéral de la famille du corindon (oxyde d’aluminium), comme le saphir. Mais il s’agit d’un <a href="https://www.gemsociety.org/article/understanding-gem-synthetics-treatments-imitations-part-4-synthetic-gemstone-guide/">rubis synthétique</a> créé à partir d’oxyde d’aluminium (issu de la <a href="https://lelementarium.fr/element-fiche/aluminium/">bauxite</a>) mélangé à une infime quantité de <a href="https://lelementarium.fr/element-fiche/chrome-2/">chrome</a> (principalement produit à partir de la chromite). Selon les applications, il existe différents types de lasers :</p>
<ul>
<li><p>Lasers cristallins : constitués d’un verre siliceux (à partir de quartz très pur) ou de cristaux synthétiques de rubis ou de saphir (oxyde d’aluminium dopé au <a href="https://mineralinfo.fr/sites/default/files/documents/2020-12/fichecriticitetitane171017.pdf">titane</a>, au <a href="https://mineralinfo.fr/sites/default/files/documents/2020-12/fichecriticitechrome171003.pdf">chrome</a> ou aux terres rares : néodyme, ytterbium, praséodyme, erbium ou thulium) ;</p></li>
<li><p>Lasers à fibre : composés de fibre optique à base de silice (issue d’un quartz ultra-pur) et dopée aux <a href="http://infoterre.brgm.fr/rapports/RP-65330-FR.pdf">terres rares</a> (métaux principalement extraits de minéraux comme la bastnaésite, la monazite ou le xénotime) ;</p></li>
<li><p>Lasers à gaz : fonctionnant avec de l’hélium (extrait des gisements de gaz naturel) et du néon (extrait des gaz de l’air atmosphérique) ou du CO<sub>2</sub> ;</p></li>
<li><p>Lasers à colorants organiques.</p></li>
</ul>
<p>Le faisceau lumineux de couleur rouge dans <em>Goldfinger</em> a été émis à partir d’un laser (probablement à rubis) dont la luminosité a été amplifiée par effets spéciaux.</p>
<p>En revanche, le caractère destructeur du laser n’est que pure fiction. Lors du tournage, un opérateur a utilisé un chalumeau à acétylène sous la table prédécoupée alors même que Sean Connery y était allongé !</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/537735/original/file-20230717-210016-ygo2ez.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/537735/original/file-20230717-210016-ygo2ez.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=398&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/537735/original/file-20230717-210016-ygo2ez.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=398&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/537735/original/file-20230717-210016-ygo2ez.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=398&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/537735/original/file-20230717-210016-ygo2ez.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=500&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/537735/original/file-20230717-210016-ygo2ez.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=500&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/537735/original/file-20230717-210016-ygo2ez.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=500&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Les dents de Requin (« L’espion qui m’aimait » de 1977 et « Moonraker » de 1979) sont en acier inoxydable de qualité chirurgicale. Exposées au « International Spy Museum ».</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/111748974@N02/26039238632/">Shaun Versey, Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Pour finir, puisque les méchants ont toujours une dent contre James Bond, évoquons la mâchoire en acier chirurgical de l’impressionnant Requin (Richard Kiel) dans <em>L’espion qui m’aimait</em> (1977) et <em>Moonraker</em> (1979). C’est un acier inoxydable qui limite les risques de réactions allergiques lorsqu’il est en contact avec la peau (très pauvre en carbone, c’est un alliage fer-nickel-chrome-manganèse-molybdène résistant à la corrosion).</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/209743/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Nicolas Charles ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>
Une série estivale sur la sulfureuse et insoupçonnée liaison entre James Bond et la géologie. Entre voitures mythiques et lasers à gogo, les gadgets de 007 reflètent notre utilisation du monde minéral.
Nicolas Charles, Géologue, PhD, BRGM
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/209727
2023-08-13T13:42:05Z
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James Bond est-il vraiment là où il prétend être ? Enquête géologique au service secret de Sa Majesté
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/537301/original/file-20230713-29-8tqdxr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=12%2C8%2C2683%2C1785&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">L’île de Khao-Phing-Kan, repaire de Francisco Scaramanga dans «&nbsp;L’homme au pistolet d’or&nbsp;» (1974) -- réputée en mer de Chine méridionale dans le film, elle se situe en réalité en Thaïlande.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/dlbezaire/431098835/in/album-72157600017248568/">Dave Bezaire, Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Soudain, un coup de feu suivi d’un voile rouge lance une nouvelle aventure du plus célèbre des agents secrets : Bond, James Bond. Intrigues, paysages spectaculaires, méchants et gadgets ont fait la recette de la plus ancienne franchise du cinéma. James Bond parcourt le monde au gré de ses missions au service de Sa Majesté et les réalisateurs ont compris dès 1962, l’intérêt du public pour les voyages de l’espion.</p>
<p>Mais les lieux de tournage, souvent sélectionnés sur des critères esthétiques, ne correspondent pas toujours aux lieux des scénarios. Partons sur les traces de l’espion le plus célèbre du monde pour une enquête géologique.</p>
<h2><em>L’homme au pistolet d’or</em> est en Thaïlande, pas en Chine !</h2>
<p>Dans <em>L’homme au pistolet d’or</em>, sorti en 1974, le repaire du tueur à gages Francisco Scaramanga, interprété par Christopher Lee, est une île somptueuse. Elle se situe soi-disant en mer de Chine du Sud. Or, l’île de Scaramanga est en fait… l’île Khao-Phing-Kan, située en Thaïlande, au nord de la baie de Phang Nga, à plus de 2 000 kilomètres au sud-ouest !</p>
<p>Alors que la côte de Chine méridionale où est censée se dérouler l’histoire de <em>L’homme au pistolet d’or</em> est principalement composée de granites et de roches volcaniques datant du Jurassique au Crétacé, avec peu de roches sédimentaires, l’île de Scaramanga est iconique pour son piton calcaire – sédimentaire, donc – qui émerge de l’eau.</p>
<p>L’île est un des nombreux pitons calcaires, érodés autour de leur base et recouverts de végétation, de la région : l’ensemble, absolument remarquable, évoque une forêt d’arbres de pierre flottant sur la mer. Ce calcaire a été déposé au fond d’une mer peu profonde il y a environ 270 millions d’années, au Permien.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/537814/original/file-20230717-27-v7so63.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="où est réellement l’île de Scaramanga ?" src="https://images.theconversation.com/files/537814/original/file-20230717-27-v7so63.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/537814/original/file-20230717-27-v7so63.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=531&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/537814/original/file-20230717-27-v7so63.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=531&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/537814/original/file-20230717-27-v7so63.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=531&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/537814/original/file-20230717-27-v7so63.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=668&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/537814/original/file-20230717-27-v7so63.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=668&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/537814/original/file-20230717-27-v7so63.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=668&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Carte géologique de l’Asie. L’île de Francisco Scaramanga est dans le film située en Chine du Sud alors que dans la réalité, le tournage s’est déroulé en Thaïlande sur l’île de Khao-Phing-Kan.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://ccgm.org/">Nicolas Charles, modifié à partir de CCGM</a>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>La particularité de la baie de Phang Nga est d’être structurée le long de l’importante faille de Khlong Marui, toujours active, et témoignant d’épisodes tectoniques majeurs au cours des temps géologiques (collision <a href="https://www.sciencedirect.com/journal/comptes-rendus-geoscience/vol/340/issue/2">indosinienne</a>, puis himalayenne). Lors de ces collisions, les roches se sont déformées, créant des plis et des failles, ce qui facilite l’infiltration des eaux de pluie au sein du calcaire. Celui-ci se dissout peu à peu, ce qui conduit à un paysage <a href="https://digitalcommons.usf.edu/cgi/viewcontent.cgi?article=5720&context=kip_articles#page=30">« karstique »</a> remarquable avec ses grottes et pitons.</p>
<p>Rien à voir, donc, avec les roches de la côte de Chine du Sud…</p>
<h2><em>Spectre</em> est bien au Maroc, mais…</h2>
<p>Dans <em>Spectre</em> (2015), bien que l’action se déroule au Maroc tout comme les prises de vue réelles, l’interprétation géologique faite du repaire du cynique Ernst Stavro Blofeld (Christopher Waltz), n°1 de l’organisation terroriste a de quoi heurter la sensibilité du géologue !</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/537297/original/file-20230713-15-95drbc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="photo du Massif de Mdouar Gara au Maroc" src="https://images.theconversation.com/files/537297/original/file-20230713-15-95drbc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/537297/original/file-20230713-15-95drbc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=296&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/537297/original/file-20230713-15-95drbc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=296&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/537297/original/file-20230713-15-95drbc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=296&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/537297/original/file-20230713-15-95drbc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=372&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/537297/original/file-20230713-15-95drbc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=372&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/537297/original/file-20230713-15-95drbc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=372&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Massif de Mdouar Gara, imaginé comme un ancien cratère de météorite abritant la base secrète de Blofeld dans Spectre (2015), mais qui n’a rien à voir dans la réalité avec la chute d’un corps céleste !</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/95012335@N02/24930021057/">Piefke La Belle, Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc/4.0/">CC BY-NC</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>En effet, la base secrète qui sera totalement détruite par 007 se veut être construite au sein d’un ancien cratère de météorite – le corps céleste fait d’ailleurs l’objet d’une pièce dédiée dans le film et est présenté à James Bond (Daniel Craig) et Madeleine Swann (Léa Seydoux).</p>
<p>Le lieu de tournage correspond au massif de Gara Medouar (ou Jebel Mudawwar), un relief isolé en fer à cheval au sud-ouest d’Erfoud dans l’Anti-Atlas oriental. Mais rien à voir avec un astroblème (témoin d’un ancien impact de météorite) ou même un cratère volcanique ! Il s’agit tout simplement d’une forme d’érosion au sein d’une pile d’anciens sédiments marins déformés par un pli, où les flancs s’inclinent de part et d’autre pour former une dépression concave (les géologues parlent de pli synclinal).</p>
<p>Plus précisément, le massif constitue l’endroit où la courbure du pli est maximale (la charnière) et recoupe la surface topographique (la surface de la terre, donc). En géologie, il s’agit d’une terminaison périclinale.</p>
<p>Cette géomorphologie sert de gouttière aux eaux de pluie qui accentuent la forme en fer à cheval. Les roches armant le relief, car plus résistantes à l’érosion, sont des calcaires gris à <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Goniatite">goniatites (des fossiles d’animaux proches des ammonites)</a> âgés du <a href="https://www.researchgate.net/profile/Christian-Klug/publication/257985730_Quantitative_stratigraphy_and_taxonomy_of_late_Emsian_and_Eifelian_ammonoids_of_the_Anti-Atlas_Morocco/links/02e7e5268c4a5238e0000000/Quantitative-stratigraphy-and-taxonomy-of-late-Emsian-and-Eifelian-ammonoids-of-the-Anti-Atlas-Morocco.pdf">Dévonien moyen</a> (environ 388 millions d’années) et surmontant des argiles grises à bleutées riches en <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Orthoceras_(animal)">orthocères (des céphalopodes)</a>âgéesduDévonieninférieur(entre393-408millionsd’années). Les forces telluriques exprimées au cours des temps géologiques, ainsi que le pouvoir d’érosion des eaux tombées du ciel, sont la clé de compréhension de la forme de cette curiosité géologique désormais célèbre.</p>
<p>Rien à voir avec un épisode cataclysmique donc, quoique… Lors du tournage de <em>Spectre</em> (2015), la scène de la destruction de la base secrète a nécessité près de 70 tonnes d’explosifs <a href="https://www.guinnessworldrecords.com/news/corporate/2022/1/no-time-to-die-breaks-explosive-new-record-689830">inscrivant un temps au Livre Guinness des records cette explosion comme la plus importante de l’histoire du septième art</a>, record toujours détenu par la saga dans <em>Mourir peut attendre</em> (2021) avec… 136 tonnes d’explosifs !</p>
<h2>Moonraker, le Pain de Sucre de Rio – ou « Pot de beurre »</h2>
<p>Dans <em>Moonraker</em> (1979), James Bond (Roger Moore) affronte dans une scène mémorable Requin (Richard Kiel), l’homme de main aux dents d’acier de l’industriel mégalomane Hugo Drax (Michael Lonsdale).</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/537299/original/file-20230713-29-fn0yq9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Le pain de sucre à Rio de Janaiero et son téléphérique" src="https://images.theconversation.com/files/537299/original/file-20230713-29-fn0yq9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/537299/original/file-20230713-29-fn0yq9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/537299/original/file-20230713-29-fn0yq9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/537299/original/file-20230713-29-fn0yq9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/537299/original/file-20230713-29-fn0yq9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/537299/original/file-20230713-29-fn0yq9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/537299/original/file-20230713-29-fn0yq9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Le Pain de sucre (Pao de Açúcar) à Rio de Janeiro, scène de la confrontation entre James Bond et Requin dans Moonraker (1979). C’est une forme d’érosion récente, un inselberg constitué d’un gneiss œillé âgé de 560 millions d’années.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/nicolas_vollmer_photo/16633005430/">Nicolas Vollmer, Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Le duel se déroule dans et sur le téléphérique du Pain de Sucre à Rio de Janeiro, au Brésil. Un paysage iconique dans l’une des plus belles baies du monde. Le Pain de Sucre (<em>Pao de Açúcar</em> en portugais) est depuis 2022 classé par l’Union internationale des Sciences géologiques comme un <a href="https://iugs-geoheritage.org/geoheritage_sites/the-sugar-loaf-monolith-of-rio-de-janeiro/">site géologique mondial pour sa géodiversité remarquable</a>, en plus d’être inscrit au patrimoine mondial de l’<a href="https://whc.unesco.org/fr/list/1100/">Unesco depuis 2012</a>.</p>
<p>En effet, le monolithe carioca de 396 mètres de haut à l’entrée de la baie Guanabara constitue une référence mondiale de la forme d’érosion dite « en pain de sucre ». Ce pinacle rocheux, à l’instar du Corcovado, est constitué d’un ancien granite transformé dans les profondeurs de la Terre en une autre roche appelée gneiss œillé. Cette roche rose à grise, dite métamorphique (transformée par une augmentation de pression et de température), est constituée de minéraux dont des grands cristaux de feldspath potassique en forme d’amande inclus dans une matrice de quartz, plagioclase et biotite. Cette roche à gros grains a été largement utilisée comme <a href="https://www.episodes.org/journal/view.html">pierre ornementale pour les monuments de Rio</a>, d’où son surnom de « la plus carioca des roches » !</p>
<p>Plus précisément, il s’agit d’un ancien granite formé dans les profondeurs de la croûte terrestre par la solidification d’un magma sous un archipel volcanique, il y a environ 560 millions d’années (Édiacarien), puis déformé lors de la formation de la chaîne de montagnes de <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0895981118301937">Ribeira-Araçuaí</a>, lorsque l’Amérique du Sud et l’Afrique centrale ne faisaient qu’une.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/537817/original/file-20230717-230575-7vj16h.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="carte de la position des continents il y a 500 millions d’années" src="https://images.theconversation.com/files/537817/original/file-20230717-230575-7vj16h.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/537817/original/file-20230717-230575-7vj16h.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=404&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/537817/original/file-20230717-230575-7vj16h.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=404&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/537817/original/file-20230717-230575-7vj16h.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=404&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/537817/original/file-20230717-230575-7vj16h.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=508&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/537817/original/file-20230717-230575-7vj16h.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=508&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/537817/original/file-20230717-230575-7vj16h.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=508&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Il y a 500 millions d’années, l’Amérique du Sud et l’Afrique ne faisait qu’une. Le cadre rouge indique la position géographique de Rio de Janeiro.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.episodes.org/journal/view.html?doi=10.18814/epiiugs/2020/0200s13">Castro et coll., 2021</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc/4.0/">CC BY-NC</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>La plus grande résistance à l’altération et à l’érosion de ce gneiss par rapport aux roches environnantes explique les pitons rocheux isolés émergeant dans la baie. Il s’agit d’« inselbergs », mot dérivé de l’allemand <em>insel</em> et <em>berg</em> signifiant « montagne-île », un relief isolé aux parois abruptes que l’on retrouve principalement dans les granites et les gneiss.</p>
<p>Ainsi, James Bond mène un duel suspendu au-dessus des racines d’une ancienne chaîne de montagnes, sculptée par une érosion relativement récente sous climat tropical. Ces formes coniques majestueuses ont intrigué les premiers explorateurs au XVI<sup>e</sup> siècle à l’instar du français <a href="https://pur-editions.fr/product/9337/jean-de-lery-le-premier-ethnologue">Jean de Léry</a>, qui nommait ce rocher le <a href="https://hal.science/hal-02089840/document">« Pot de Beurre »</a>… on reste pour ce monument naturel, dans le champ lexical culinaire !</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/209727/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Nicolas Charles ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>
Une série estivale sur la sulfureuse et insoupçonnée liaison entre James Bond et la géologie. On part en voyage pour ce premier épisode.
Nicolas Charles, Géologue, PhD, BRGM
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/210835
2023-08-09T15:00:02Z
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Mars : découverte d’un ancien environnement propice à l’émergence de la vie
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/541713/original/file-20230808-15-xypnhp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C6857%2C4534&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le Rover Curiosity de la mission Mars Science Laboratory explorant les strates sédimentaires du cratère Gale </span> <span class="attribution"><span class="source">NASA/JPL-Caltech/MSSS</span></span></figcaption></figure><p>Notre groupe de recherche <a href="https://doi.org/10.1038/s41586-023-06220-3">publie</a> aujourd'hui dans <em>Nature</em> les premières preuves tangibles de l’existence passée et durable d’environnements à la surface de Mars particulièrement favorables à la synthèse spontanée des premières molécules de la biologie nécessaires à l'émergence de la vie. </p>
<p>Nous avons découvert des structures fossiles témoins de cycles répétés et durables de séchage-mouillage de sédiments très anciens de la surface de Mars. Ce mode alternatif sec-humide promeut la concentration et polymérisation de molécules organiques simples (sucres ou acides aminés) qui pourraient avoir été contenues dans les sédiments. Ces processus constituent une <a href="https://www.nature.com/articles/s41467-017-02639-1">étape fondamentale vers la synthèse de molécules biologiques</a> tels que les acides nucléiques (ADN ou ARN).</p>
<p>La question qui préoccupe les scientifiques n’est pas tant de savoir si la vie a existé sur une autre planète que la Terre, mais bien de connaître où et comment la vie telle que nous la connaissons sur Terre s’est construite.</p>
<p>Depuis le milieu des années 1980, les biochimistes ont reconnu que le <a href="https://www.nature.com/articles/418214a">monde ARN fut une étape préliminaire</a> fondamentale sur la route de la vie. L’ARN aurait constitué la molécule originale autocatalytique et porteuse de l’information génétique, avec des fonctions enzymatiques assurées par les ARNs courts. Les protéines auraient ensuite supplanté les ARNs comme enzymes en raison d’une plus grande diversité, et l’ADN remplacé l’ARN comme molécule porteuse de l’information génétique en raison d’une meilleure stabilité.</p>
<p>Pour accéder au monde ARN qui est une molécule complexe il a été nécessaire de construire un enchaînement de type polymère de ribonucléotides, chacun étant composé d’un groupe phosphate, d’un sucre (le ribose) et d’une base azotée (adénine par exemple).</p>
<p>Ainsi, l’émergence de formes de vie primitives telle qu’elle est conçue actuellement par les scientifiques, nécessite d’abord des conditions environnementales favorables à l’agencement spontané de molécules organiques simples en molécules organiques plus complexes. </p>
<h2>Des structures datées de 3,7 milliards d’années</h2>
<p>Nous rapportons dans cet article des observations inédites transmises par l’astromobile (ou « rover ») Curiosity qui, équipé d’instruments analytiques des paysages et de la chimie et minéralogie des roches, explore depuis 2012 les pentes du Mont Sharp à l’intérieur du cratère Gale.</p>
<p>Lors des « sols » (jours martiens) 3154 à 3156 en juin 2021, nous avons découvert des structures singulières, exhumées au toit d’anciennes couches sédimentaires datées d’environ 3,7 milliards d’années.</p>
<p>Ces structures sont des rides rectilignes qui apparaissent en relief de quelques centimètres à la surface supérieure de strates sédimentaires. Ces rides vues par le haut sont jointives et sont organisées selon une géométrie parfaitement polygonale. Elles sont constituées dans le détail par l’alignement de petits nodules plus ou moins attachés les uns aux autres de roches essentiellement sulfatées. Un nodule est une petite bille qui apparaît en relief dans et à la surface des strates.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/541740/original/file-20230808-11343-3o2u50.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/541740/original/file-20230808-11343-3o2u50.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/541740/original/file-20230808-11343-3o2u50.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=274&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/541740/original/file-20230808-11343-3o2u50.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=274&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/541740/original/file-20230808-11343-3o2u50.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=274&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/541740/original/file-20230808-11343-3o2u50.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=345&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/541740/original/file-20230808-11343-3o2u50.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=345&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/541740/original/file-20230808-11343-3o2u50.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=345&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Motif fossile de rides polygonales observées et analysées par Curiosity au 3154ᵉ jour de sa progression dans les strates sédimentaires du cratère de Gale sur Mars.</span>
<span class="attribution"><span class="source">NASA/JPL-Caltech/MSSS/IRAP/LGL-TPE</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Ces structures polygonales représentent fondamentalement des « fentes de dessiccation », structures ô combien familières aux géologues, et similaires à celles que chacun a observées sur le fond d’une flaque d’eau boueuse asséchée. L'eau initialement contenue dans les sédiments s’évapore sous l’effet du vent et de la chaleur. Les sédiments se déshydratent et se contractent alors, engendrant ce système de fentes de retrait qui s’organise en polygones jointifs.</p>
<p><a href="https://pubs.geoscienceworld.org/gsa/geology/article/46/6/515/530329/Desiccation-cracks-provide-evidence-of-lake-drying">Des fentes de dessiccation fossiles</a> ont déjà été ponctuellement documentées à la surface de Mars. Mais celles découvertes ici sont clairement différentes du fait de trois « détails » particuliers :</p>
<ul>
<li><p>Le motif polygonal est un motif en Y, formant des hexagones jointifs de type « tomette », avec des angles avoisinant 120° aux points de jonction des fentes ;</p></li>
<li><p>Les fentes de retrait sont ici remplies de minéraux sulfatés (sulfate de calcium et magnésium) ;</p></li>
<li><p>Ces motifs polygonaux s’observent de manière récurrente sur une épaisseur totale de 18 mètres de la colonne sédimentaire.</p></li>
</ul>
<h2>De nombreux cycles de mouillage-séchage</h2>
<p>Selon <a href="https://pubs.rsc.org/en/content/articlelanding/2010/sm/b922206e">divers travaux expérimentaux</a> menés dans les laboratoires terrestres sur des bacs à boue, ce motif en Y des jonctions des fentes est caractéristique de cycles répétés de séchage-mouillage du sédiment. Au premier séchage, les fentes de retrait s’organisent en T, formant un motif de type « carreau » avec des angles d’environ 90° aux points de jonction. Au fur et à mesure des cycles expérimentaux mouillage-séchage, les fentes se « fatiguent », et montrent des angles typiquement en Y à 120° au bout du 10e cycle.</p>
<p>Les sulfates sont des roches sédimentaires chimiques dites évaporitiques, c’est-à-dire résultant de la précipitation de saumures associée à l’évaporation d’eau saline. Leur présence au sein des fentes de retrait conforte l’interprétation de celles-ci en termes de fentes de dessiccation. Les nodules qui portent les sulfates sont très irréguliers en morphologie et en composition chimique, ce qui suggère également plusieurs phases de précipitation (séchage) - dissolution (mouillage) partielle des nodules.</p>
<p>Le fait que l’on retrouve à plusieurs reprises ces motifs polygonaux sur une épaisseur de 18 mètres d’empilement vertical des strates sédimentaires indique que cet ancien environnement de dépôt, sujet à des cycles climatiques certainement saisonniers de mouillage-séchage, s’est maintenu sur une période de plusieurs centaines de milliers d’années.</p>
<h2>Le sens ultime de la découverte</h2>
<p>Ces cycles climatiques saisonniers de mouillage-séchage des sédiments ont potentiellement permis aux molécules simples contenues dans ces mêmes sédiments d’interagir à différentes concentrations dans un milieu salin, et ce de manière répétée et durable.</p>
<p>Ce potentiel de polymérisation des molécules simples au sein des sédiments montrant les structures polygonales prend un sens particulier sachant que celles-ci contiennent d’une part des minéraux argileux de la famille des smectites et d’autre part une quantité significative de matière organique. Les smectites sont des argiles dites « gonflantes » pour lesquelles <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S001670371500719X?via%3Dihub">il a été montré expérimentalement</a> qu’elles ont la faculté d’adsorber et de concentrer les nucléotides entre leurs feuillets constitutifs. L’instrument SAM (Sample at Mars) a par ailleurs révélé la présence au sein de ces mêmes strates de <a href="https://www.pnas.org/doi/10.1073/pnas.2201139119">composés organiques simples</a> tels que des chlorobenzènes, des toluènes ou encore différents alcanes. Ces composés sont probablement d’origine météoritique, et leur quantité résiduelle peut atteindre environ 500 g. par m<sup>3</sup> de sédiments. Ces molécules ont pu dès lors servir comme certaines des « briques de base » de molécules plus complexes telles que l’ARN.</p>
<p>En résumé, nous déduisons de nos observations, de nos mesures sur Mars, et des différents concepts et expériences terrestres, que le bassin évaporitique de Gale a constitué un environnement très favorable et durable au développement de ce processus de polymérisation des molécules organiques simples en molécules plus complexes nécessaires à l’émergence de la vie. </p>
<p>Nous savons enfin que les structures ici étudiées se situent dans une unité géologique de transition verticale depuis une formation plus ancienne riche en argiles vers une formation plus récente riche en sulfates, et que cette même transition a été détectée par voie orbitale en de nombreux cratères et plaines de Mars. </p>
<p>En conséquence, il apparaît désormais que la probabilité que des précurseurs moléculaires biotiques aient pu se former et être fossilisés à la surface de Mars il y a environ 3,7 milliards d’années au cours de l’Hespérien n’est plus négligeable.</p>
<h2>Vers un retour des échantillons martiens ?</h2>
<p>Le paradigme actuel pour la vie terrestre est celui d’une émergence dans l’Hadéen, période de temps initiale comprise entre la formation de la Terre il y a environ 4,6 milliards d’années (Ga) par l’accrétion des météorites primitives et environ 4,0 - 3,8 Ga. Mais le plus vieux et seul témoin d’un possible processus biologique hadéen est un graphite (carbone) inclus dans un minéral de zircon daté à 4,1 Ga, ou encore un schiste noir métamorphisé, daté à 3,8 - 3,7 Ga. De plus, l’Hadéen ne comporte actuellement qu’une infime proportion de représentants rocheux à la surface de la Terre en raison de la tectonique des plaques, et en tous cas aucune roche sédimentaire intacte, non métamorphisée. Ceci rend cette quête sous nos pieds d'une vie terrestre primitive a priori vaine.</p>
<p>Contrairement à la surface de la Terre, celle de la planète Mars n’est pas renouvelée, ni transformée par la tectonique des plaques. La surface de Mars a ainsi préservé quasi intactes des roches très anciennes, incluant celles formées dans un environnement et un climat propices à la construction spontanée de précurseurs moléculaires biotiques. En conséquence, autant il semble très peu probable que la vie ait pu évoluer sur Mars aussi fertilement que sur Terre – à ces environnements favorables à l’émergence de la vie à l’Hespérien ont fait suite des environnements arides et froids de l’Amazonien), autant il apparaît désormais possible et opportun d’y explorer l’origine de la vie, et d’y rechercher des composés biotiques précurseurs par le biais de retours d’échantillons prélevés dans le futur par des robots ou des astronautes sur des sites tels que ceux étudiés ici.</p>
<p>Notre découverte ouvre de nouvelles perspectives de recherche sur l’origine de la vie, y compris (surtout) sur d’autres planètes que la nôtre. Elle est à même également de faire reconsidérer les objectifs premiers des missions d’exploration de la planète Mars et celles en particulier du retour d’échantillons.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/210835/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Gilles Dromart a reçu des financements du CNES (Centre National des Etudes Spatiales) sur de l'accompagnement scientifique</span></em></p>
Une toute nouvelle étude vient de détecter des structures géologiques propices à l’émergence de la vie sur Mars. Cela permet de mieux comprendre comment la vie serait apparue sur Terre.
Gilles Dromart, Professeur de géologie, ENS de Lyon
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/209454
2023-07-27T13:56:55Z
2023-07-27T13:56:55Z
Voici comment le lac Crawford, en Ontario, a été choisi pour marquer le début de l’anthropocène
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/536605/original/file-20230710-25-4rzp1j.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C2%2C1920%2C1270&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Lac Crawford, Ontario.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/es/image-photo/crawford-lake-one-few-meromictic-lakes-145107226">SF photo / Shutterstock</a></span></figcaption></figure><p>Vivons-nous vraiment dans l’anthropocène, la période géologique marquée par l’impact global de l’activité humaine ? Et si oui, quand a-t-elle commencé et où sur Terre peut-on le mieux comprendre ses débuts ? </p>
<p>Telles sont les questions auxquelles tente de répondre le <a href="http://quaternary.stratigraphy.org/working-groups/anthropocene/">Groupe de travail sur l’anthropocène</a> (AWG), créé en 2009 par la Sous-commission sur la stratigraphie du Quaternaire pour proposer une définition de ce concept et estimer son potentiel en tant qu’unité de temps géologique.</p>
<p><a href="https://www.shh.mpg.de/2331855/press-conference">Le 11 juillet 2023</a>, le groupe a annoncé que le lac Crawford, en Ontario, avait été choisi comme le site où se trouve l’enregistrement sédimentaire qui servira à définir le début de l’anthropocène.</p>
<p>Mais qu’est-ce que ce lac a de si particulier pour être ainsi proclamé comme une sorte de ligne de démarcation entre différentes époques géologiques ?</p>
<h2>L’empreinte de la Grande accélération</h2>
<p>Depuis sa création, le groupe de travail sur l’anthropocène a évalué divers types de preuves physiques, chimiques et biologiques préservées dans les sédiments et les roches, et a publié de nombreux <a href="https://journals.sagepub.com/doi/full/10.1177/20530196221136422quiontexplor%C3%A9leurnatureetleurpertinence.Depuissamiseenplace,l%E2%80%99AWGa%C3%A9valu%C3%A9lespreuvesphysiques,chimiquesetbiologiquesdistinctespr%C3%A9serv%C3%A9esdansless%C3%A9dimentsetlesrocheslesplusr%C3%A9cents,enpubliant">articles scientifiques</a> explorant leur nature et leur pertinence. </p>
<p>Ces études ont conclu que l’anthropocène est significatif à l’échelle géologique en raison de la rapidité et de l’ampleur des impacts récents de l’humain sur les processus opérant à la surface de la Terre. Nombre de ces perturbations ont généré des changements irréversibles qui surpassent ceux, plus modestes, survenus durant l’holocène — la dernière phase climatique interglaciaire — qui a débuté il y a 11 700 ans.</p>
<p>Dans les strates géologiques, l’AWG a identifié un ensemble important d’indicateurs qui coïncident avec ce que l’on appelle la <a href="https://doi.org/10.18814/epiiugs/2021/021031">« Grande accélération »</a> du milieu du XX<sup>e</sup> siècle. Elle désigne la période qui a suivi la Seconde Guerre mondiale, marquée par une augmentation sans précédent de la population humaine, de la consommation d’énergie, de l’industrialisation et de la mondialisation. Ces indicateurs sont les suivants :</p>
<ul>
<li><p>Les radio-isotopes provenant des armes thermonucléaires dans l’atmosphère (tel le plutonium).</p></li>
<li><p>Les particules carbonées originant de la combustion à hautes températures d’énergies fossiles.</p></li>
<li><p><a href="https://theconversation.com/fr/topics/microplastiques-58606">Les microplastiques</a>.</p></li>
<li><p>Les changements dans la biodiversité, notamment l’extinction, le déplacement d’espèces hors de leur aire de répartition naturelle et la forte expansion des organismes domestiqués.</p></li>
</ul>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/530979/original/file-20230608-16881-hfat5o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/530979/original/file-20230608-16881-hfat5o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/530979/original/file-20230608-16881-hfat5o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/530979/original/file-20230608-16881-hfat5o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/530979/original/file-20230608-16881-hfat5o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/530979/original/file-20230608-16881-hfat5o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/530979/original/file-20230608-16881-hfat5o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/530979/original/file-20230608-16881-hfat5o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Vue partielle du dépôt géologique à la plage Tunelboca (Getxo, Espagne), un dépôt formé de résidus de fer, de briques réfractaires, de plastiques et d’autres technofossiles de l’Anthropocène.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Roberto Martínez</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Qu’est-ce qu’un « clou d’or » ?</h2>
<p>Au fil des ans, le groupe de travail sur l’anthropocène a largement convenu que l’anthropocène est géologiquement réel et qu’il devrait être formellement considéré comme une unité indépendante au sein de l’échelle internationale des temps géologiques. Son début se situerait au milieu du XX<sup>e</sup> siècle, dans les années 1950, d’après les signaux simultanés et globaux enregistrés dans les sédiments depuis lors. </p>
<p>Le groupe de travail sur l’anthropocène a établi qu’il était nécessaire de déterminer son lieu de référence au moyen d’une limite matérielle et temporelle appelée « point stratotypique mondial » (GSSP) — communément appelée « clou d’or ». Il s’agit de la méthode la plus largement acceptée pour formaliser les unités géologiques des 540 derniers millions d’années.</p>
<h2>Les critères de sélection</h2>
<p>Depuis 2019, un projet de collaboration entre le groupe de travail sur l’anthropocène et de nombreux laboratoires de recherche est en cours dans le cadre d’une initiative internationale appelée <a href="https://www.anthropocene-curriculum.org/">Anthropocene Curriculum</a>, promue par la <a href="https://www.hkw.de/en">Maison des cultures du monde (Haus der Kulturen der Welt)</a> et <a href="https://www.mpiwg-berlin.mpg.de/">l’Institut Max Planck pour l’Histoire de la science (Max Planck Institute for the History of Science)</a>, tous deux en Allemagne.</p>
<p>Douze propositions détaillées ont été initialement soumises pour différentes sections géologiques susceptibles d’accueillir ce GSSP, situées sur cinq continents et dans huit environnements géologiques différents. Toutes ces propositions ont été publiées en 2023 dans la revue scientifique <a href="https://journals.sagepub.com/toc/anra/10/1"><em>Anthropocene Review</em></a>. Ces articles ont constitué la principale source d’information pour les membres votants du groupe de travail sur l’anthropocène au cours du processus de sélection.</p>
<p>Après en avoir éliminé plusieurs, le groupe de travail sur l’anthropocène <a href="https://journals.sagepub.com/doi/full/10.1177/20530196221136422">a finalement examiné en détail neuf sites</a>. Les candidats appropriés étaient ceux qui contenaient de fines couches de sédiments pouvant être analysées d’année en année et dont l’âge pouvait également être corroboré par la présence d’éléments radioactifs afin de garantir un enregistrement sédimentaire complet.</p>
<p>Les procédures stratigraphiques établies pour décider d’un GSSP sont déjà normalisées en géologie et sont communes pour la définition de tout temps géologique. Ainsi, un « clou d’or » nécessite la présence locale d’un marqueur physique visible à l’œil nu et d’au moins un signal indicateur, tel qu’un changement géochimique, que l’on retrouve dans les sédiments et les roches du même âge et sur l’ensemble du globe.</p>
<p>La plupart des propositions ont identifié le plutonium comme l’indicateur principal et ont proposé le début de l’anthropocène à partir d’une augmentation du signal de cet élément radioactif.</p>
<h2>Et le gagnant est…</h2>
<p>Une première discussion sur les forces et les faiblesses de chaque site a débuté en octobre 2022, et la liste a été réduite à trois à la fin de l’année.</p>
<p>D’après les résultats, les sections géologiques les plus pertinentes étaient situées dans la <a href="https://doi.org/10.1177/20530196221135077">baie de Beppu</a> (Japon), <a href="https://doi.org/10.1177/20530196231167019">au lac Sihailongwan</a> (Chine) et <a href="https://doi.org/10.1177/20530196221149281">au lac Crawford</a> (Canada). Après une analyse détaillée de la nature de leur signal plutonium et un nouveau vote, les sites des lacs chinois et canadien ont été retenus comme finalistes.</p>
<p>Finalement, le <a href="https://doi.org/10.1177/20530196221149281">lac Crawford</a> a reçu 61 % des votes et a donc été choisi comme site pour accueillir la proposition GSSP pour l’époque de l’anthropocène.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/532654/original/file-20230619-19-57piop.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/532654/original/file-20230619-19-57piop.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/532654/original/file-20230619-19-57piop.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=435&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/532654/original/file-20230619-19-57piop.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=435&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/532654/original/file-20230619-19-57piop.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=435&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/532654/original/file-20230619-19-57piop.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=547&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/532654/original/file-20230619-19-57piop.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=547&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/532654/original/file-20230619-19-57piop.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=547&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Localisation du lac Crawford.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://doi.org/10.1177/20530196221149281">Francine MG McCarthy et ses collègues. Sage Journal, 2023</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Les couches de sédiments du lit du lac, à l’ouest de Toronto, ont été étudiées à l’origine pour démontrer l’occupation sporadique de la région par les peuples autochtones et la colonisation subséquente par les Européens. La nouvelle étude géologique a permis d’augmenter le nombre d’indicateurs préservés dans les différentes couches annuelles, formées d’une alternance de calcite pâle, déposée en été, et de lamines organiques foncées, accumulées en hiver.</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/532734/original/file-20230619-22-63rdeh.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/532734/original/file-20230619-22-63rdeh.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/532734/original/file-20230619-22-63rdeh.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=1059&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/532734/original/file-20230619-22-63rdeh.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=1059&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/532734/original/file-20230619-22-63rdeh.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=1059&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/532734/original/file-20230619-22-63rdeh.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1331&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/532734/original/file-20230619-22-63rdeh.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1331&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/532734/original/file-20230619-22-63rdeh.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1331&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Photo de la carotte ou de l’échantillon CL-2011 avec des détails sur la profondeur et l’âge des différentes couches annuelles, indiquant la position de la limite proposée en 1950.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://doi.org/10.1177/20530196221149281">Francine MG McCarthy et ses collègues. Sage Journal, 2023</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>La couche proposée comme marqueur visuel pour le GSSP a une profondeur de 6,1 pouces (15,6 centimètres) à la base d’une couche de calcite déposée au cours de l’été 1950. Elle a été choisie en raison de l’augmentation rapide du plutonium par la suite. Ce signal coïncide également avec une augmentation des particules carbonées et un changement majeur de l’écosystème identifié par une diminution du pollen d’orme et un remplacement des espèces de diatomées, un type d’algues.</p>
<h2>On dit « adieu » à l’Holocène</h2>
<p>Il est très important de ne pas confondre le début de l’activité humaine et l’anthropocène. L’anthropocène ne comprend pas l’impact initial de l’humain, qui était régional et s’est accru avec le temps, mais il est défini comme une conséquence de la réponse planétaire à <a href="https://doi.org/10.1038/s43247-020-00029-y">l’énorme impact de la Grande accélération</a>.</p>
<p>L’anthropocène s’inscrit dans les temps géologiques et, malgré sa courte durée, bénéficiera d’une éventuelle formalisation qui en déterminera précisément le sens et l’usage dans toutes les sciences et autres disciplines académiques. La fin d’une époque relativement stable de l’histoire de la Terre, l’holocène, sera ainsi reconnue.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/209454/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Alejandro Cearreta reçoit un financement pour ses recherches sur l'Anthropocène de la part des projets Harea-Grupo de Geología Litoral (Gouvernement basque, IT1616-22) et Antropicosta-2 (RTI2018-095678-B-C21, MCIN/AEI/10.13039/501100011033 et ERDF A way of making Europe et Union européenne).</span></em></p>
Le lac Crawford a été choisi pour identifier le début de l’anthropocène, l’époque géologique caractérisée par l’impact de l’activité humaine. La présence de plutonium a été déterminante dans ce choix.
Alejandro Cearreta, Catedrático de Paleontología, Universidad del País Vasco / Euskal Herriko Unibertsitatea
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/208521
2023-06-28T20:06:35Z
2023-06-28T20:06:35Z
Que sait-on du séisme de La Laigne, en Charente-Maritime ?
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/534546/original/file-20230628-19-tdlq97.JPG?ixlib=rb-1.1.0&rect=10%2C10%2C2399%2C2034&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Dégâts sur la commune de La Laigne.</span> <span class="attribution"><span class="source">JC Audru, BRGM </span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span></figcaption></figure><p>Un fort séisme est survenu le 16 juin à 18h38, à 11 kilomètres au nord de Surgères et à 35 km à l’est de La Rochelle. Ce séisme a été ressenti dans une grande partie de l’ouest de la France, de Bordeaux au sud à Caen au nord, et jusqu’à Clermont-Ferrand à l’est. Plusieurs répliques ont été enregistrées à ce jour, les deux plus importantes ayant eu lieu le 17 juin à 04h27 et 09h31.</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/534303/original/file-20230627-17-nwkae3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="mur effondré" src="https://images.theconversation.com/files/534303/original/file-20230627-17-nwkae3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/534303/original/file-20230627-17-nwkae3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=905&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/534303/original/file-20230627-17-nwkae3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=905&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/534303/original/file-20230627-17-nwkae3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=905&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/534303/original/file-20230627-17-nwkae3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1137&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/534303/original/file-20230627-17-nwkae3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1137&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/534303/original/file-20230627-17-nwkae3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1137&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Des dommages structuraux et non-structuraux ont été infligés par le séisme de La Laigne sur les bâtiments de la région.</span>
<span class="attribution"><span class="source">BRGM-JC Audru</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>La magnitude de moment du séisme est évaluée entre 4,8 et 4,9 d’après l’<a href="https://www.oca.eu/fr/">Observatoire de la Côte d’Azur</a> et l’<a href="https://www.ipgp.fr/">Institut de Physique du Globe de Paris</a>. Cette magnitude relativement importante du séisme, combinée à une très faible profondeur du foyer estimée à <a href="https://renass.unistra.fr/fr/evenements/fr2023lznjuc/">seulement 3 kilomètres</a>, s’est traduite par une forte intensité des secousses dans la région épicentrale : à ce jour, le Bureau central sismologique français estime l’<a href="https://www.franceseisme.fr/nseisme.php?IdSei=1192">intensité épicentrale à 7 sur une échelle 12</a> (communication personnelle des auteurs).</p>
<p>Ce niveau d’intensité correspond au niveau à partir duquel des dommages modérés peuvent apparaître sur les bâtiments les plus vulnérables. Et effectivement, les <a href="https://www.brgm.fr/fr/actualite/actualite/seisme-laigne-charente-maritime-premieres-analyses">remontées de terrain montrent des dommages dans la zone épicentrale</a> autour de la commune de La Laigne en Charente-Maritime.</p>
<p>La communauté scientifique est fortement mobilisée et des <a href="https://www.resif.fr/blog/2023/06/19/seismes-de-la-laigne-un-week-end-tres-actif-pour-la-communaute-terre-solide/">déploiements instrumentaux sont en cours depuis le 17 juin</a> sur la zone épicentrale pour enregistrer les répliques et améliorer la compréhension du phénomène. Ces travaux permettront de mieux comprendre les mécanismes en jeu au niveau de la faille qui a rompu et les impacts liés au séisme.</p>
<h2>Des failles et des sédiments</h2>
<p>La région touchée par le séisme se situe sur la bordure nord du bassin d’Aquitaine au sud des reliefs du massif sud-armoricain. La zone épicentrale se situe approximativement à mi-distance entre La Rochelle et Niort.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/534339/original/file-20230627-15-w4qdi6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Reliefs du Massif armoricain, recoupés par les grands systèmes de failles" src="https://images.theconversation.com/files/534339/original/file-20230627-15-w4qdi6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/534339/original/file-20230627-15-w4qdi6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=424&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/534339/original/file-20230627-15-w4qdi6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=424&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/534339/original/file-20230627-15-w4qdi6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=424&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/534339/original/file-20230627-15-w4qdi6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=533&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/534339/original/file-20230627-15-w4qdi6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=533&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/534339/original/file-20230627-15-w4qdi6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=533&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Reliefs du Massif armoricain traversé par des grands accidents tectoniques hercyniens, recoupés par les grands systèmes de failles.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Isabelle Thinon, topographie via l’IGN ; bathymétrie via Emodnet</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Les formations géologiques du sous-sol sont constituées d’une couche sédimentaire de calcaires marneux et argileux d’environ 150 à 200 mètres d’épaisseur, qui datent du Jurassique (c’est-à-dire entre environ 175 et 150 millions d’années). Cette couche est faiblement plissée vers le sud-sud-ouest. Ces sédiments sont recouverts localement par au moins 2 à 10 mètres d’argiles (illite et kaolinite dominantes) d’origine fluvio-marine, déposées il y a 19 000 ans lors de la remontée du niveau marin dans les dépressions du marais poitevin. Ce niveau superficiel d’argiles a pu induire un « effet de site » amplificateur du mouvement sismique : en présence d’une couche de terrain meuble en surface, les ondes sismiques peuvent être piégées, ce qui amplifie le mouvement sismique.</p>
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<p>Ce type d’effets s’est produit par exemple lors du séisme de Michoacán le 19 septembre 1985, séisme qui a produit des dommages considérables sur la ville de Mexico, pourtant située à plus de 350 kilomètres de l’épicentre.</p>
<p>Si le contexte géodynamique est <a href="https://convergent-margins.com/orogen/">globalement connu à l’échelle des plaques lithosphériques</a>, la connaissance géologique du sous-sol à l’échelle de la région des Charente-Maritime et régions avoisinantes, à la fois sur terre et en mer, ne permet pas aujourd’hui d’affilier ce séisme à une faille précise.</p>
<p>Plusieurs équipes à <a href="https://www.franceseisme.fr/donnees/intensites/2023/230616_1638/xy_p_wpinversion.pdf">Strasbourg</a>, à <a href="https://twitter.com/umrGeoazur/status/1671814993937924097">Nice</a> et en <a href="https://geofon.gfz-potsdam.de/">Allemagne</a> ont déterminé les géométries possibles du plan de faille responsable du séisme à partir des ondes sismiques enregistrées à distance sur des sismomètres : on parle de <a href="https://eduterre.ens-lyon.fr/thematiques/terre/montagnes/extension/meca%20foyer">« mécanismes au foyer »</a>.</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/534302/original/file-20230627-21-vo0b2n.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="schéma de faille en décrochement" src="https://images.theconversation.com/files/534302/original/file-20230627-21-vo0b2n.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/534302/original/file-20230627-21-vo0b2n.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=427&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/534302/original/file-20230627-21-vo0b2n.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=427&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/534302/original/file-20230627-21-vo0b2n.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=427&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/534302/original/file-20230627-21-vo0b2n.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=536&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/534302/original/file-20230627-21-vo0b2n.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=536&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/534302/original/file-20230627-21-vo0b2n.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=536&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Faille en décrochement.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:FailleDecrochement.png">R. Lacassin/Wikipedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Pour le séisme de La Laigne, les résultats indiquent un mécanisme en « décrochement », c’est-à-dire un mouvement relatif ou un glissement entre les deux bords d’une faille verticale ou quasiment verticale. L’orientation de ces plans renseigne les scientifiques sur la faille à l’origine de la rupture sismique.</p>
<p>La région étant historiquement sismique, des études à terre comme en mer au BRGM en collaboration avec des équipes universitaires, initiées il y a quelques années, sont encore en cours pour compléter la connaissance du schéma structural, c’est-à-dire la distribution et le <a href="https://hal.science/insu-01916071/">fonctionnement des failles dans le passé et potentiellement actives dans la région</a>.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/534304/original/file-20230627-15-hl1r78.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="carte des séismes historiques dans la région" src="https://images.theconversation.com/files/534304/original/file-20230627-15-hl1r78.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/534304/original/file-20230627-15-hl1r78.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=426&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/534304/original/file-20230627-15-hl1r78.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=426&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/534304/original/file-20230627-15-hl1r78.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=426&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/534304/original/file-20230627-15-hl1r78.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=535&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/534304/original/file-20230627-15-hl1r78.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=535&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/534304/original/file-20230627-15-hl1r78.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=535&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Carte représentant les séismes historiques connus dans la région du séisme de La Laigne du 16 juin 2023. Les couleurs indiquent l’intensité macrosismique des séismes historiques. Les lignes noires indiquent la position des failles actives connues dans la région.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Johanna Vieille, base de données SisFrance et BDFA</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Cependant, localement, certaines failles n’ont pas encore été cartographiées car non observables en surface, parce qu’elles sont recouvertes par des terrains sédimentaires récents ou la végétation. C’est possiblement le cas pour la faille responsable du séisme de La Laigne. Des investigations avec acquisitions de données plus ciblées (structurale, géophysique, géomorphologique, etc.) seraient nécessaires pour comprendre plus finement le contexte du séisme de La Laigne.</p>
<h2>Des séismes historiques dans la région</h2>
<p>La région est associée à une sismicité modérée, induite par la réactivation d’anciennes failles dans le contexte actuel de convergence des plaques Afrique et Europe. Elle est marquée par des événements historiques dont les plus importants ont généré des dommages, comme l’attestent les études menées par les historiens sur les écrits et documents anciens.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="carte d’isoséistes" src="https://images.theconversation.com/files/534307/original/file-20230627-15-qco6bk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/534307/original/file-20230627-15-qco6bk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=307&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/534307/original/file-20230627-15-qco6bk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=307&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/534307/original/file-20230627-15-qco6bk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=307&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/534307/original/file-20230627-15-qco6bk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=386&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/534307/original/file-20230627-15-qco6bk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=386&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/534307/original/file-20230627-15-qco6bk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=386&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Les intensités recensées pour les séismes d’Oléron de 1972 et de Luçon de 1780 dans la base de données de sismicité historique Sisfrance (BRGM/EDF/IRSN). L’échelle compte 12 niveaux, le violet représente la fourchette 2-3 ; le rouge la fourchette 7-8. Le séisme de juin 2023 est pour l’instant évalué au niveau 6.</span>
<span class="attribution"><span class="source">base de données SisFrance</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Les séismes de <a href="https://www.sisfrance.net/seismes/details/170079">1972 à l’île d’Oléron</a>, de <a href="https://www.sisfrance.net/seismes/details/790006">1772 à Parthenay</a>, de <a href="https://www.sisfrance.net/seismes/details/860007">1780 vers Luçon</a>, ou de <a href="https://www.sisfrance.net/seismes/details/170047">1835 dans le Haut Poitou</a>, sont les événements répertoriés les plus importants de la zone. Lors du séisme d’Oléron en 1972 par exemple, les journaux de l’époque font état de <a href="https://www.sudouest.fr/charente-maritime/saint-pierre-d-oleron/seisme-quand-l-ouest-de-la-france-et-la-charente-maritime-tremblerent-le-7-septembre-1972-10370822.php">dégâts sur les phares de Chassiron et d’Antioche</a>.</p>
<p>Ces événements historiques, emblématiques du potentiel sismogène de la zone, sont distribués dans un périmètre d’une cinquantaine de kilomètres autour de la zone épicentrale. Comme le séisme du 16 juin 2023, ils sont associés à des <a href="https://www.sisfrance.net/glossaire">« intensités macrosismiques »</a> témoignant de dégâts dans la zone épicentrale. L’intensité macrosismique est la quantification de la puissance d’un tremblement de terre en un point particulier de la surface du sol sur les personnes, les constructions et l’environnement, à partir d’une estimation statistique des effets engendrés en ce lieu.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/536034/original/file-20230706-15-1emwuj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="tableau des séismes historiques" src="https://images.theconversation.com/files/536034/original/file-20230706-15-1emwuj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/536034/original/file-20230706-15-1emwuj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=163&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/536034/original/file-20230706-15-1emwuj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=163&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/536034/original/file-20230706-15-1emwuj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=163&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/536034/original/file-20230706-15-1emwuj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=205&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/536034/original/file-20230706-15-1emwuj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=205&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/536034/original/file-20230706-15-1emwuj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=205&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Les séismes historiques dans la région. Les magnitudes de moment estimées Mw sont extraites de l’article de Manchuel et collaborateurs, et les intensités épicentrales I0 sont issues du catalogue Sisfrance (BRGM/EDF/IRSN), sauf celle du séisme de 2023, communication personnelle de auteurs.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Elsa Couderc et Anne Lemoine</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Les séismes d’Oléron de 1972 ou de Luçon de 1780 semblent avoir été d’une <a href="https://www.franceseisme.fr/nseisme.php?IdSei=1192">ampleur équivalente à celui du 16 juin 2023</a>, aussi bien en termes de magnitude, d’intensité épicentrale que de distribution spatiale des intensités macrosismiques, comme indiquées sur le tableau.</p>
<p>Notons que des séismes similaires aux séismes de magnitude supérieure ou égale à 5 mentionnés ci-dessus peuvent se produire dans l’ensemble de la région, y compris autour de la commune de La Laigne, où seuls des événements plus modérés avaient été répertoriés jusqu’au 16 juin dernier – par exemple le <a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s10518-017-0236-1">séisme du 5 avril 1950 associé à une magnitude de moment Mw 3,4</a> et à une <a href="https://www.sisfrance.net/seismes/details/170075">intensité épicentrale 5</a>.</p>
<p>Quatre ans après le <a href="https://theconversation.com/ce-que-le-seisme-du-teil-nous-apprend-sur-le-risque-sismique-en-france-metropolitaine-150988">séisme qui a frappé la commune du Teil</a>, le séisme de La Laigne nous rappelle l’importance de mieux comprendre le comportement des failles actives dans les régions associées à une sismicité modérée. L’évaluation de l’aléa sismique dans un tel contexte reste complexe mais primordiale.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/208521/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>
Le 16 juin, un séisme a frappé l’ouest de la France, dans une région dont la sismicité modérée est assez bien connue.
Agathe Roullé, Responsable de l'Equipe Risques Sismique et Volcanique, BRGM
Anne Lemoine, Chercheure en sismologie, BRGM
Caterina Negulescu (BRGM), ingénieur génie civil et risques, BRGM
Isabelle Thinon, Chercheur géologue-géophysicienne marine, BRGM
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/204283
2023-04-23T15:01:28Z
2023-04-23T15:01:28Z
Le rover émirati Rashid doit se poser sur la Lune pour une mission éphémère
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/522307/original/file-20230421-3841-jvrxfx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=1%2C5%2C1196%2C792&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Une première pour les Émirats Arabes Unis -- et un grand retour sur la Lune pour des instruments français... les premiers depuis Apollo.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.esa.int/ESA_Multimedia/Images/2022/12/Rashid_rover">© Mohammed Bin Rashid Space Centre, via ESA</a></span></figcaption></figure><p><em>Mise à jour du 27 avril: Le 25 avril dernier, après un voyage de presque cinq mois, la sonde Hakuto-R de la société privée japonaise ispace a entamé sa descente vers la surface lunaire. Durant la manœuvre, les ingénieurs d’ispace ont constaté un niveau de carburant très faible et le contact avec la sonde a été perdu. Les premières analyses concluent à une chute libre de la sonde et un atterrissage violent.</em></p>
<hr>
<p>La mission Hakuto-R doit atterrir sur la Lune le 25 avril 2023. Cette mission est une grande première à plusieurs égards. Le premier rover émirati, nommé Rashid, doit alunir grâce à un atterrisseur japonais réalisé par la société privée ispace, qui a été lancé vers la Lune le 11 décembre 2022 à l’aide d’une fusée Falcon 9 de SpaceX. Cette mission est donc un nouvel exemple de partenariat public-privé qui est au cœur de la philosophie moderne des missions spatiales, le <a href="https://theconversation.com/lespace-pour-tous-ou-seulement-pour-quelques-uns-143020">« new space »</a>. À travers Hakuto-R, c’est aussi une nation qui affirme ainsi sa présence dans l’espace, les Émirats arabes unis.</p>
<figure class="align-right ">
<img alt="pas de tir et fusée" src="https://images.theconversation.com/files/522309/original/file-20230421-18-sko2lp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/522309/original/file-20230421-18-sko2lp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=900&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/522309/original/file-20230421-18-sko2lp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=900&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/522309/original/file-20230421-18-sko2lp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=900&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/522309/original/file-20230421-18-sko2lp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1131&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/522309/original/file-20230421-18-sko2lp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1131&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/522309/original/file-20230421-18-sko2lp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1131&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Une fusée Falcon9 de SpaceX décolle en 2020 de la base de Vandenberg en Californie.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.esa.int/var/esa/storage/images/esa_multimedia/images/2020/11/copernicus_sentinel-6_lifts_off_on_a_spacex_falcon_9_rocket/22340698-1-eng-GB/Copernicus_Sentinel-6_lifts_off_on_a_SpaceX_Falcon_9_rocket.jpg">SpaceX/ESA</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>En cas de succès, cette mission serait la première où une société privée se pose sur un corps céleste. Seules des agences comme la <a href="https://theconversation.com/dossier-perseverance-aller-sur-mars-revenir-sur-terre-159499">NASA</a>, <a href="https://theconversation.com/retour-des-humains-sur-la-lune-artemis-figure-de-proue-dune-competition-globale-150153">l’agence spatiale russe Roscosmos</a> ou <a href="https://theconversation.com/pourquoi-la-chine-tient-tant-a-gagner-la-nouvelle-course-aux-etoiles-155581">l’ agence spatiale chinoise CNSA</a> se sont posées sur la Lune et Mars. Les enjeux de la mission Hakuto-R sont donc immenses du point de vue commercial : il s’agit de valider la preuve de concept de l’alunissage privé et de l’utilisation de nombreuses technologies commerciales de pointe.</p>
<p>Pour la France, il s’agit d’un grand retour sur la Lune : les caméras CASPEX sont les premiers instruments français envoyés sur la Lune depuis 50 ans.</p>
<p>L’<a href="https://cnes.fr/fr/rover-rashid-une-cooperation-internationale-au-service-de-la-science">enjeu scientifique est également majeur</a> : Rashid va évoluer sur la surface de la lune dans le cratère Atlas, avec de nombreux instruments permettant une analyse géologique et minéralogique extrêmement précise.</p>
<p>Enfin, l’atterrisseur Hakuto-R va également déposer sur le sol lunaire <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Sora-Q">Sora-Q, un petit robot transformable</a> ovale de 250 grammes et 8 centimètres de long, qui dispose d’une caméra et peut se déplacer avec des extrémités qui peuvent servir de roues.</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/_5NuRBGXdd8?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Le Japon et son robot spatial qui ressemble à BB-8 de <em>Star Wars</em> (Le Huffington Post).</span></figcaption>
</figure>
<h2>Les Émirats arabes unis dans l’espace</h2>
<p>Peu de pays sont présents sur la Lune – les Émirats arabes unis pourraient bientôt faire partie des quelques nations sur le sol lunaire. Mais le pays a déjà une présence dans l’espace assez affirmée et une industrie spatiale forte.</p>
<p>Leur mission phare orbite autour de Mars : il s’agit de <a href="https://www.emiratesmarsmission.ae/">« Hope »</a>, qui est <a href="https://theconversation.com/retour-sur-objectif-mars-du-decollage-aux-sept-minutes-de-terreur-155324">arrivée autour de la planète rouge en même temps que la très médiatisée mission américaine Mars2020</a> – qui a déposé le <a href="https://theconversation.com/dossier-perseverance-aller-sur-mars-revenir-sur-terre-159499">rover Perseverance</a> et que la mission chinoise Tianwen-1. Hope est, elle, restée en orbite autour de la planète Mars, où elle étudie son atmosphère et comment l’oxygène et l’hydrogène s’en échappent vers l’espace.</p>
<hr>
<p>
<em>
<strong>
À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/a-qui-appartiennent-mars-la-lune-et-leurs-ressources-naturelles-141406">À qui appartiennent Mars, la Lune et leurs ressources naturelles ?</a>
</strong>
</em>
</p>
<hr>
<p>Autour de la Terre cette fois, les Émirats arabes unis ont plusieurs satellites en orbite basse, qui permettent d’observer la Terre en haute résolution – de ce point de vue, ils ont réussi à développer en une vingtaine d’années des systèmes quasiment aussi perfectionnés que les systèmes français. La <a href="https://u.ae/en/about-the-uae/strategies-initiatives-and-awards/strategies-plans-and-visions/industry-science-and-technology/national-space-programme">politique spatiale émirati embrasse les 100 prochaines années</a>, contrairement à celles d’autres pays qui envisagent des échelles de temps beaucoup plus courtes (une vingtaine d’années pou le programme Artemis de la NASA).</p>
<h2>Les missions scientifiques du rover Rashid</h2>
<p>Côté Lune, les Émirats se préparent aujourd’hui à alunir grâce à une collaboration exemplaire du new space. Leur rover Rashid, développé au <em>Mohammed Bin Rashid Space Centre</em>, fait 70 centimètres de haut (mât déployé) et 50 centimètres de côté et contient plusieurs instruments scientifiques.</p>
<p>Tout d’abord, trois caméras « CASPEX » développées en France, permettant d’obtenir des images de haute résolution (full HD) qui vont imager la texture du sol lunaire (le « régolithe »). L’une d’elles est équipée d’un microscope de moins de 100 micromètres de résolution, et les trois caméras verront le sol en couleur, dans les longueurs d’onde visibles, fournissant des briques d’informations spectrales à une distance d’un mètre seulement.</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/gw2lBEyAfWc?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">CASPEX : objectif Lune ! (CNES).</span></figcaption>
</figure>
<p>Ensuite, Rashid contient une caméra infrarouge pour l’imagerie thermique : il s’agit d’imager la température du sol est ses variations pour mieux comprendre les inhomogénéités de températures dans le cratère Atlas.</p>
<p>Il s’agit ensuite d’étudier les <a href="https://hal.science/tel-02507924/document">poussières lunaires qui décollent de la surface</a> à cause du vent solaire et des rayonnements électromagnétiques – un phénomène appelé « décollement électrostatique » qui a affecté les missions Apollo car la poussière lunaire s’infiltre partout. Des <a href="https://nyuscholars.nyu.edu/en/publications/a-langmuir-probe-system-on-board-the-emirates-lunar-mission-s-ras">« sondes de Langmuir »</a>, ou sondes électrostatiques, vont mesurer donc la densité électronique du plasma qui provoque le décollement de ces poussières.</p>
<p>Enfin, des polymères sont attachés aux roues du rover. Le régolithe lunaire doit adhérer à ces « pneus », ce qui permettra de l’analyser plus en détail grâce aux caméras.</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/522310/original/file-20230421-17-9f1h5w.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="image en couleur du cratère atlas" src="https://images.theconversation.com/files/522310/original/file-20230421-17-9f1h5w.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/522310/original/file-20230421-17-9f1h5w.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=556&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/522310/original/file-20230421-17-9f1h5w.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=556&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/522310/original/file-20230421-17-9f1h5w.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=556&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/522310/original/file-20230421-17-9f1h5w.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=699&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/522310/original/file-20230421-17-9f1h5w.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=699&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/522310/original/file-20230421-17-9f1h5w.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=699&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Le cratère Atlas est le site d’alunissage principal de la mission. De 87 kilomètres de diamètre, il présente un sol fracturé en raison d’une intrusion de magma à faible profondeur. La zone d’alunissage est indiquée en rose et se situe sur des dépôts volcaniques.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://cnes.fr/fr/rover-rashid-une-cooperation-internationale-au-service-de-la-science">CRPG/MBRSC/TUD</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>La mission de Rashid est une <a href="https://cnes.fr/fr/rover-rashid-une-cooperation-internationale-au-service-de-la-science">mission éphémère</a>. En effet, une journée lunaire dure 14 jours terrestres, suivis de 14 jours pendant lesquels il fait nuit, et on n’est pas sûrs que les instruments se « réveilleront » après avoir été privés d’énergie solaire pendant deux de nos semaines terrestres.</p>
<p>La mission est coordination au sol par le Mohammed Bin Rashid Space Centre, d’où des scientifiques, notamment français, travailleront avec des ingénieurs pour sélectionner les terrains géologiques à étudier. De son côté, le centre d’opération du CNES à Toulouse a mis en place un « segment sol » pour la mission afin de traiter des images du rover, permettant aux experts qualité image de calibrer les images pour fournir des données optimisées à la communauté scientifique.</p>
<h2>Trois caméras françaises sur le rover émirati, l’histoire d’une rupture technologique de l’imagerie spatiale</h2>
<p>Au début des années 2000, le CNES constate que la technologie phare des capteurs d’images utilisée pour les missions d’imagerie spatiale, les <em>charge coupled devices</em> (CCD), devient de moins en moins pérenne face à la montée des capteurs d’images CMOS qui ont aujourd’hui envahi le marché commercial (smartphone, vision industrielle et automotive). L’<a href="https://arxiv.org/abs/1904.08405">avantage de la technologie CMOS</a> réside dans sa miniaturisation, leur faible consommation électrique et la possibilité d’ajouter des fonctions de traitement avancées en périphérie des pixels.</p>
<p>Pour <a href="https://ieeexplore.ieee.org/abstract/document/8570838">qualifier la technologie CMOS en environnement spatial</a>, de nombreuses années de test ont été nécessaire. Une à une les étapes sont validées et les capteurs d’images CMOS s’imposent pour les futures missions spatiales. En 2014, les scientifiques sont convaincus est soutiennent le CNES dans la réalisation de caméras génériques et très intégrées utilisant les capteurs d’images CMOS. En moins de trois ans, une nouvelle génération de caméras voit le jour, du prototype jusqu’au modèle de vol. C’est la naissance de CASPEX : <em>CAmera for SPace EXploration</em>.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/522320/original/file-20230421-28-fbyrtd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="photo de la caméra" src="https://images.theconversation.com/files/522320/original/file-20230421-28-fbyrtd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/522320/original/file-20230421-28-fbyrtd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/522320/original/file-20230421-28-fbyrtd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/522320/original/file-20230421-28-fbyrtd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/522320/original/file-20230421-28-fbyrtd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/522320/original/file-20230421-28-fbyrtd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/522320/original/file-20230421-28-fbyrtd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Une caméra CASPEX.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://phototheque.cnes.fr/cnes/search.do;jsessionid=FCCD85D918EC7860722EAD752BB01A3F?q=caspex">CNES/Thierry de Prada</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
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</figure>
<p>Cette caméra équipe l’instrument optique du premier <a href="https://theconversation.com/les-nanosatellites-permettent-aussi-de-faire-de-la-science-136274">nanosatellite</a> du CNES, Eyesat, lancé fin 2019.</p>
<p>L’<a href="https://theconversation.com/une-nouvelle-camera-pour-traquer-des-traces-de-vie-sur-mars-132784">instrument SuperCam</a> du rover Perseverance de la NASA est aussi équipé d’une caméra CASPEX à base de capteurs CMOS. Et avec Rashid, CASPEX pourrait bientôt être la première caméra française à prendre des clichés de haute résolution sur la Lune.</p>
<p>Vers 2024, la <a href="https://mmx.cnes.fr/fr">mission franco-germano-japonaise MMX</a> va partir pour chercher à se poser sur l’une des lunes de Mars, Phobos. Son rover sera équipé de quatre caméras CASPEX, deux caméras pour la navigation par stéréovision et deux autres pour scruter le sol.</p>
<p>Enfin, des versions multispectrales (avec 9 et 25 canaux de couleur) équiperont le futur rover Rashid2 qui devrait aller sur la Lune en 2025. Une nouvelle version de CASPEX avec un capteur 4K est également en cours de développement aujourd’hui et une version infrarouge de CASPEX verra même le jour en 2023 pour équiper de futures missions spatiales.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/204283/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Cédric Virmontois ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>
Avec l’alunissage d’ispace et du rover Rashid, les partenariats public-privé arrivent sur la Lune.
Cédric Virmontois, Ph.D. microélectronique, Centre national d’études spatiales (CNES)
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tag:theconversation.com,2011:article/200116
2023-03-13T19:55:29Z
2023-03-13T19:55:29Z
Des roches plus vieilles que ce que l’on pensait au cœur des Alpes
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/510574/original/file-20230216-18-d24d0p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=21%2C56%2C4648%2C4025&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les Alpes vue par le satellite Sentinel</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.esa.int/ESA_Multimedia/Images/2019/03/The_Alps">©Copernicus Sentinel data (2018), processed by ESA</a></span></figcaption></figure><p>Sur les hauteurs de la station de Serre Chevalier dans les Hautes-Alpes, nous <a href="https://rst2020-lyon.sciencesconf.org/data/pages/livre_resumes_RSTLYON2021.pdf">venons de dater</a> un ensemble rocheux : il a environ 600 millions d’années. Il s’agit des roches les plus anciennes découvertes à ce jour dans les Alpes occidentales.</p>
<p>En effet, si l’on savait que les Alpes s’étaient formées lors de deux cycles géologiques, ces vestiges encore plus anciens proviennent d’un cycle antérieur, appelé le précambrien – c’est-à-dire qu’ils reculent l’âge des roches de cette partie des Alpes de plus de 60 millions d’années vers le passé.</p>
<p>La contribution du cycle précambrien est déjà bien connue dans d’autres régions françaises (Massif armoricain et Pyrénées par exemple) et en Afrique. Mais il était jusqu’alors inconnu dans les Alpes françaises.</p>
<h2>Comment naissent les montagnes ?</h2>
<p>Depuis l’<a href="https://www.deboecksuperieur.com/ouvrage/9782311000122-histoire-de-la-tectonique">avènement de la « tectonique des plaques » (et même avant)</a>, on sait que les continents ne sont pas fixes, mais migrent en s’éloignant ou se rapprochant au gré de mouvements agitant les parties profondes de la Terre.</p>
<p>Schématiquement, une chaîne de montagnes se forme au cours d’un cycle qui débute par l’ouverture d’un océan où se déposent des sédiments, et c’est quand l’océan se referme et que les continents entrent en collision que les forces gigantesques qui les poussent l’un contre l’autre font naître les montagnes.</p>
<p>C’est en réalité un peu plus complexe. Dans ce processus de migration, de multiples blocs (on parle de « microcontinents ») se détachent de leur continent d’origine, et ce sont généralement ces blocs qui entrent en collision et forment les montagnes. Chaque bloc a ses propres caractéristiques et, parmi elles, l’âge des roches est le plus déterminant. L’âge précambrien des roches de Serre Chevalier pose donc la question de la diversité et de l’origine des blocs constituant des Alpes.</p>
<h2>Comment déterminer l’âge des roches ?</h2>
<p>Pour déterminer l’âge d’une formation géologique (ensemble de roches), on utilise des méthodes différentes selon le type de roche. S’il s’agit de roches « sédimentaires », c’est-à-dire issues du lent dépôt de sédiments au fond d’une mer ou d’un lac, on utilise généralement les fossiles. Ceux-ci sont les vestiges des organismes qui peuplaient le milieu aquatique et peuvent fournir des indications précises.</p>
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<p>Pour les roches dites « cristallines », c’est-à-dire issues de magmas nés dans les profondeurs de la Terre et remontés vers la surface, la datation requiert l’utilisation de méthodes de laboratoire basées sur les propriétés des éléments radioactifs, la « radiochronologie ». Les éléments utilisés sont toujours peu abondants – le <a href="https://www.researchgate.net/publication/234288836_Composition_of_the_Continental_Crust_Treatise_Geochem_31-64">plus fréquent est l’uranium</a>.</p>
<p>Au fil des ans, ces méthodes sont devenues de <a href="https://timslab.princeton.edu/sites/g/files/toruqf2276/files/schoene-treatisegeochemistry-2014.pdf">plus en plus performantes et de plus en plus accessibles</a> ; désormais, elles sont systématiquement utilisées pour des travaux de cartographie géologique. Ceci concerne en particulier tous les massifs anciens, tels le Massif armoricain ou le Massif central, particulièrement riches en roches cristallines.</p>
<p>C’est également le cas dans les Alpes, connues en France comme des montagnes « jeunes », mais qui comportent de vastes massifs de roches cristallines anciennes comme le Mont-Blanc, les Écrins ou la chaîne de Belledonne. Depuis une vingtaine d’années, ces massifs anciens ont fait l’objet de très nombreuses <a href="https://timslab.princeton.edu/sites/g/files/toruqf2276/files/schoene-treatisegeochemistry-2014.pdf">datations par radiochronologie</a>.</p>
<p>Mais l’âge des roches cristallines de Serre Chevalier, un ensemble plus modeste, restait totalement inconnu.</p>
<h2>La formation des Alpes</h2>
<p>Dans les Alpes, les sédiments se sont déposés en s’accumulant en couches, qui donneront plus tard les reliefs de la chaîne actuelle : falaises calcaires du Vercors et Chartreuse, ou dépressions marneuses de la région de Serre-Ponçon.</p>
<p>Ces sédiments se déposaient sur un socle fait de granites et autres roches cristallines. Celles-ci se trouvaient initialement en dessous, mais ont été expulsées vers le haut lors de la collision continentale formant désormais la plupart des plus hauts sommets – Mont-Blanc et mont Pelvoux en France, ou Grand Paradis en Italie.</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/FNl53XZhh-w?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Comment la tectonique des plaques a façonné les Alpes Source : HES-SO.</span></figcaption>
</figure>
<p>Ces roches cristallines sont en fait des fragments de continents que la tectonique des plaques a assemblés pour créer la chaîne des Alpes actuelle. Elles sont nées de la collision entre l’Europe et une microplaque venue d’Afrique appelée l’Apulie. La partie européenne occupe toutes les Alpes françaises et l’Apulie occupe l’actuelle Italie. D’Afrique, l’Apulie a migré vers le nord pour percuter l’Europe au cours du Tertiaire, il y a environ 35 millions d’années.</p>
<h2>Un océan « fossile » et des rives bien cristallisées</h2>
<p>Dans le détail, cette histoire s’avère relativement complexe, mais l’océan qui séparait initialement les deux blocs continentaux a laissé de nombreux indices et peut être partiellement reconstitué malgré une histoire géologique mouvementée qui l’a fait plonger sous l’Apulie lors du rapprochement Afrique-Europe. Ces indices sont un ensemble de roches spécifiques des fonds océaniques que l’on retrouve désormais à l’est des Alpes françaises, du Queyras à la Vanoise, et qui se poursuit au nord vers l’Italie et la Suisse.</p>
<p>À l’écart de cet océan « fossile », les massifs cristallins sont autant de témoins des continents initiaux. Connaître l’âge d’un massif peut permettre de déterminer son continent d’origine. S’agit-il d’un fragment d’Europe ou d’un fragment d’Afrique, voire même d’Ibérie, puisque celle-ci constituait une plaque particulière avant que sa collision avec la plaque Europe n’engendre les Pyrénées ?</p>
<p>Jusque dans les années 80, les méthodes de datation étaient encore peu répandues et les cartes géologiques des Alpes, souvent levées dans les années 60 et 70, ne donnaient que des informations imprécises et qualitatives sur l’âge des massifs cristallins. De <a href="https://www.researchgate.net/publication/228676754_The_Variscan_evolution_in_the_External_massifs_of_the_Alps_and_place_in_their_Variscan_framework">très nombreux travaux scientifiques</a>, menés postérieurement aux levés des cartes, ont partiellement comblé cette lacune et un important corpus de données s’est constitué. Il en est ressorti que les massifs cristallins des Alpes occidentales, qui constituent le socle sur lequel se sont déposés les sédiments alpins, n’étaient jamais plus anciens que -520 millions d’années, ce qui les situait dans l’ère primaire, comme l’essentiel des massifs anciens du territoire français.</p>
<p>Néanmoins, des secteurs restaient à étudier, en particulier un ensemble de roches cristallines situées sur les hauteurs de la station de Serre Chevalier, à un endroit très pratiqué par les skieurs. En dépit de sa taille réduite, cet ensemble montre des roches cristallines variées, par exemple des granites plus ou moins déformés (on parle alors de « gneiss ») qui se prêtent bien à une <a href="https://timslab.princeton.edu/sites/g/files/toruqf2276/files/schoene-treatisegeochemistry-2014.pdf">datation par radiochronologie</a>. Sa position est également singulière puisque ce socle surmonte des roches sédimentaires plus récentes.</p>
<p>Les analyses effectuées ont fourni des âges proches de -600 millions d’années qui situent ces roches dans le Précambrien (la limite entre Précambrien et ère primaire se plaçant vers -540 millions d’années). Ce socle est donc plus ancien que ceux connus jusqu’alors dans les Alpes françaises qui tous se rattachaient au cycle varisque/hercynien, daté entre -500 et -300 millions d’années. Une partie du socle alpin est donc plus ancienne et se rattache à un cycle géologique antérieur et bien distinct. Un tel cycle est néanmoins présent en France, où il affecte la partie la plus ancienne du Massif armoricain, et plus encore en Afrique où il prend le nom de cycle « Panafricain ».</p>
<h2>Ces roches sont-elles d’origine européenne ou africaine ?</h2>
<p>Des travaux complémentaires permettront peut-être de résoudre la question. D’ores et déjà, d’autres terrains de socle des Alpes sont à l’étude afin de mesurer l’ampleur réelle du Précambrien au sein des Alpes françaises. Il s’agit en particulier du socle de la Vanoise, encore mal connu, mais dont des <a href="https://theses.hal.science/tel-01670346v1">roches datées à -510 millions d’années</a> pourraient représenter un jalon entre le cycle varisque et le cycle antérieur mis en évidence à Serre Chevalier.</p>
<p>Au-delà, l’enjeu est de décrypter l’anatomie de la chaîne des Alpes, née de la fusion de plaques d’âge et origine différents, réunies par la tectonique et dont nous savons désormais qu’elle superpose au moins trois cycles géologiques dont le plus ancien s’est déroulé au Précambrien, il y a environ 600 millions d’années.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/200116/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Denis Thieblemont a reçu des financements du BRGM pour réaliser ce travail. </span></em></p>
Une étude récente montre que certaines roches des Alpes datent d’il y a plus longtemps que ce que pensaient les scientifiques jusqu’à présent.
Denis Thieblemont, Géologue, Chef de projet, BRGM
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tag:theconversation.com,2011:article/199350
2023-02-08T19:59:02Z
2023-02-08T19:59:02Z
Pourquoi il y a des séismes en cascade en Turquie et en Syrie
<p>Ce lundi 6 février, à 4h17 du matin, un <a href="https://theconversation.com/fr/topics/seismes-27199">séisme</a> de magnitude 7,8 a frappé la Turquie et la Syrie. Les séismes dans cette région du monde sont courants, mais l’ampleur de celui-ci est clairement impressionnante : pour trouver un séisme aussi violent sur cette faille, il faut <a href="https://doi.org/10.1017/CBO9781139195430">remonter en 1114</a>.</p>
<p>Une dizaine de minutes après le séisme le plus puissant, une réplique de magnitude 6,7 s’est produite à proximité de l’épicentre et d’autres répliques continuent aujourd’hui de se produire dans une zone allongée sur plus de 350 kilomètres, depuis l’est de la Turquie jusqu’à la frontière syrienne. Ces « répliques », les séismes qui se produisent après un grand tremblement de terre, sont attendues et leur comportement statistique est bien connu.</p>
<p>De façon plus étonnante et surtout dramatique, un second séisme de magnitude 7,5 a eu lieu à 13h24 heure locale, plus au nord. Ce séisme n’est pas une réplique : d’après les premières données traitées en direct par les grandes agences sismologiques internationales, il se serait produit sur une faille est-ouest coupant la rupture principale.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/508950/original/file-20230208-23-8rad2o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/508950/original/file-20230208-23-8rad2o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/508950/original/file-20230208-23-8rad2o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=303&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/508950/original/file-20230208-23-8rad2o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=303&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/508950/original/file-20230208-23-8rad2o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=303&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/508950/original/file-20230208-23-8rad2o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=380&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/508950/original/file-20230208-23-8rad2o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=380&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/508950/original/file-20230208-23-8rad2o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=380&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">La micro-plaque Anatolienne est poussée vers l’ouest par la remontée de la plaque Arabie vers le nord, et tractée à l'ouest. Ce mouvement vers l’ouest est accommodé par deux grandes failles tectoniques : la faille nord-anatolienne (2 cm par an de mouvement relatif entre les plaques Anatolie et Eurasie) et la faille est-anatolienne (entre 5 mm et 1 cm par an de mouvement relatif entre les plaques Arabie et Anatolie). Nous savons bien comment et pourquoi l’Anatolie bouge, mais cette connaissance est encore trop parcellaire pour prévoir les séismes.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Romain Jolivet/ENS. Fond de carte GoogleEarth</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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</figure>
<p>Nous n’avons pas encore toutes les <a href="https://theconversation.com/seisme-en-mer-egee-que-savent-les-scientifiques-apres-quelques-jours-de-travail-149246">informations que fournissent les images satellites et les mesures GPS</a>, mais il est possible que le second séisme ait été causé par le premier, une hypothèse qu’il va falloir vérifier dans les jours à venir avec les données qui arrivent au compte-goutte.</p>
<p>Cette activité sismique majeure sur deux failles proches reflète que les contraintes qui sont à l’origine des tremblements de terre se réorganisent petit à petit. L’autre grande faille de la région (la faille « nord-anatolienne ») a vu se propager une séquence de séismes au long du XX<sup>e</sup> siècle, comme une série de dominos, jusqu’à la mer de Marmara et la mégalopole d’Istanbul.</p>
<p>Toute la communauté scientifique, ainsi que les autorités turques, <a href="https://doi.org/10.1038/35005054">attendent un séisme</a> proche de cette ville de 16 millions d’habitants. Nous ne savons pas quand ce séisme aura lieu ni quelle sera sa taille. Nul ne peut, en l’état actuel des connaissances, proposer une date et une magnitude pour ce séisme à venir, et le séisme de ce lundi nous rappelle malheureusement que la Turquie peut aussi être frappée durement ailleurs.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/seismes-pourquoi-on-ne-peut-pas-les-prevoir-58754">Séismes : pourquoi on ne peut pas les prévoir</a>
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<h2>Des répliques et un second séisme</h2>
<p>Le comportement des répliques suite au séisme de lundi n’est en lui-même pas du tout une surprise. En 1894, Omori observait déjà une décroissance logarithmique du nombre de répliques avec le temps (selon une loi en 1/t, t étant le temps écoulé depuis le choc principal).</p>
<p>Ces mêmes lois empiriques, dites « lois d’échelles », prévoient que la plus grosse réplique aura une magnitude d’un ordre de grandeur inférieur au choc principal : ici, la plus grosse réplique du premier séisme a été d’une magnitude de 6,7, proche des 6,8 attendus. Rappelons que cette échelle est logarithmique, et qu’un séisme de magnitude 6 libère 30 fois moins d’énergie qu’un séisme de magnitude 7.</p>
<p>Les répliques s’arrêtent lorsque les forces engendrées par le séisme principal sont accommodées, un peu comme lorsque, après avoir mis un coup de pied dans un tas de sable, les grains continuent de rouler les uns après les autres, puis se stabilisent.</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/508937/original/file-20230208-16-1zh76a.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/508937/original/file-20230208-16-1zh76a.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/508937/original/file-20230208-16-1zh76a.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=750&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/508937/original/file-20230208-16-1zh76a.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=750&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/508937/original/file-20230208-16-1zh76a.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=750&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/508937/original/file-20230208-16-1zh76a.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=942&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/508937/original/file-20230208-16-1zh76a.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=942&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/508937/original/file-20230208-16-1zh76a.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=942&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Essaims de répliques des deux séismes ayant eu lieu à la frontière entre Turquie et Syrie le 6 février.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Romain Jolivet/ENS. Fond de carte Google Earth</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Mais le séisme de magnitude 7,5 de 13h24 sort complètement de ce comportement statistiquement vérifié depuis 1894 sur des milliers de séismes dans le monde : ce n’est pas une réplique mais bien un second séisme. Il faut ainsi noter qu’il s’est produit sur une faille qui semble orientée à 45° par rapport à la faille Est-Anatolienne, comme en témoigne la forme de l’essaim de répliques qui l’ont suivi.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/seisme-au-maroc-les-satellites-peuvent-aider-les-secours-a-reagir-au-plus-vite-183675">Séisme au Maroc : les satellites peuvent aider les secours à réagir au plus vite</a>
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<p>On parlera donc plutôt ici de « séisme déclenché », ou tout du moins, on tentera d’explorer des mécanismes permettant d’expliquer la coïncidence temporelle entre ces deux grands séismes.</p>
<h2>Un risque pour Istanbul</h2>
<p>Certains séismes sont effectivement liés les uns aux autres : en « accommodant » les contraintes qui s’accumulent au niveau des failles tectoniques, ils relâchent de l’énergie et réorganisent ces contraintes, ce qui peut déclencher de nouveaux séismes.</p>
<p>Sur la faille nord-anatolienne, très active et qui accommode un déplacement relatif d’environ 2 centimètres par an entre les plaques Anatolie et Eurasie, une série de séismes de magnitude supérieure à 7 a eu lieu en cascade d’est en ouest sur environ 800 kilomètres au cours du XX<sup>e</sup> siècle.</p>
<p>Le point notable est que toute la longueur de la faille nord-anatolienne a rompu entre 1939 et 1999. Le dernier segment n’ayant pas rompu se trouve en mer de Marmara, tout près d’Istanbul, entre les séismes de Izmit en 1999 et de Ganos en 1912.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/508948/original/file-20230208-13-485i1i.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="carte de la région avec les failles, mouvement des plaques tectoniques et seismes historiques" src="https://images.theconversation.com/files/508948/original/file-20230208-13-485i1i.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/508948/original/file-20230208-13-485i1i.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=303&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/508948/original/file-20230208-13-485i1i.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=303&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/508948/original/file-20230208-13-485i1i.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=303&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/508948/original/file-20230208-13-485i1i.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=380&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/508948/original/file-20230208-13-485i1i.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=380&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/508948/original/file-20230208-13-485i1i.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=380&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Une séquence historique de séismes s’est produite au XXᵉ siècle : initiée à l’est avec le séisme de Erzincan en 1939 (7,8), elle a continué avec des séismes en 1943, 1944, 1967 et enfin en 1999 avec les deux séismes d’Izmit (7,6) et Duzce (7,3), séparés d’à peine quelques mois.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Romain Jolivet, ENS. Fond de carte GoogleEarth</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Cette succession de séismes s’explique par le transfert de la contrainte tectonique d’un segment à l’autre de la faille. Un séisme relâche localement les contraintes accumulées par le mouvement relatif des plaques, mais en même temps, augmente celles sur les segments de faille adjacents qui se rapprochent donc d’une rupture future.</p>
<p>Si ce segment est déjà bien chargé (proche de la rupture), alors un séisme peut en déclencher un autre. Sinon, il faudra attendre que le mouvement des plaques tectoniques apporte le reste de contrainte nécessaire pour déclencher un séisme. On parle ici de « déclenchement statique » car l’état de la croûte après le séisme est la cause du séisme suivant.</p>
<h2>Quand des séismes géants déclenchent d’autres séismes… à distance</h2>
<p>Il existe aussi un type de déclenchement dit « dynamique ». Dans certains cas, la variation de contrainte résultant d’un grand séisme n’est pas assez grande pour expliquer l’occurrence de certains séismes, notamment s’ils sont situés à plusieurs centaines de kilomètres de l’épicentre du choc principal.</p>
<p>Par exemple, suite aux séismes californiens de Landers en 1992 et Hector Mine en 1999, des essaims de séismes ont été observés à plusieurs centaines de kilomètres de l’épicentre. Il a été démontré que <a href="https://doi.org/10.1038/35078053">ces séismes ont eu lieu exactement lors du passage des ondes sismiques les plus fortes émises par ces deux séismes</a>.</p>
<p>Des observations similaires ont été effectuées en laboratoire pour démontrer que <a href="https://doi.org/10.1038/nature04015">lors du passage de ces ondes sismiques, le matériau qui constitue le cœur de la faille s’affaiblit</a>, provoquant un relâchement des contraintes par glissement, c’est-à-dire un séisme.</p>
<p>Ce genre de comportement vient de la physique des milieux granulaires, qui lorsqu’ils sont secoués, peuvent se comporter comme des fluides. Secouer rapidement un tas de sable va le conduire à s’aplatir sous son propre poids alors que sans ces secousses, il tient très bien tout seul.</p>
<p>Secouer rapidement une faille peut donc la conduire à glisser, produisant ainsi des séismes. Il a aussi été observé que <a href="https://doi.org/10.1029/2012JB009160">ces ondes sismiques peuvent déclencher des glissements lents à des distances colossales</a>. Les ondes sismiques émises par le séisme de Maule, un séisme de magnitude 8,9 en 2010 au Chili, ont provoqué un glissement lent le long de la subduction du Mexique, à environ 7 000 kilomètres de l’épicentre.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/199350/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Romain Jolivet a reçu des financements de Conseil Européen pour la Recherche (ERC), de l'Agence Nationale de la Recherche (ANR) ainsi que du Centre National pour la Recherche Scientifique (CNRS) et de l'Institut Universitaire de France (IUF).</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Laurent Jolivet ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>
Les séismes peuvent en déclencher d’autres : des répliques, mais aussi des séismes plus distants.
Romain Jolivet, Professeur des Universités, École normale supérieure (ENS) – PSL
Laurent Jolivet, Professeur, Sorbonne Université
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/198535
2023-02-08T19:50:30Z
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Prendre en compte la « géodiversité » pour mieux gérer nos territoires
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/506481/original/file-20230125-20-fwa05m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Grand Prismatic Spring vu du ciel, dans le parc national de Yellowstone (USA) : une source d’eau chaude à l’origine d’une géodiversité extraordinaire.</span> <span class="attribution"><span class="source">https://fullsuitcase.com/grand-prismatic-spring-yellowstone/</span></span></figcaption></figure><p>Le 6 octobre 2022 a été commémorée, sous l’égide de l’Unesco, la <a href="https://www.geodiversityday.org/">Journée internationale de la géodiversité</a>. Un événement resté peu médiatisé malgré sa portée mondiale, et relayé en France par de rares initiatives locales. Que cache ce terme encore méconnu du grand public ?</p>
<p>Apparu pour la première fois en 1993, ce concept est directement inspiré du mot « biodiversité », popularisé un an plus tôt lors du Sommet de la Terre de Rio.</p>
<p>La géodiversité représente en quelque sorte le <a href="http://francois.betard.free.fr/Volume_1_HDR_Betard.pdf">pendant abiotique ou non vivant de la biodiversité</a>. La <a href="https://doi.org/10.1016/j.pgeola.2013.01.003">définition la plus répandue de ce concept</a> fait référence à la variabilité naturelle du monde non vivant dans ses composantes géologiques (roches, minéraux, fossiles), géomorphologiques (relief, processus physiques), pédologiques (sols et milieux d’interface) et hydrologiques (eaux de surface et souterraines), ainsi que leurs structures, assemblages et contributions à la formation des paysages dans une zone donnée.</p>
<p>La géodiversité se décline ainsi en plusieurs composantes qui vont du sous-sol au sol, milieu d’interface entre le vivant et le non-vivant. À l’instar de la <a href="https://theconversation.com/quelle-est-la-pire-des-menaces-qui-pese-sur-la-biodiversite-184887">biodiversité</a>, la géodiversité est soumise à <a href="https://doi.org/10.1007/s00267-019-01168-5">différentes pressions et menaces</a> tout en étant le support de nombreuses activités et aménagements humains.</p>
<h2>Un impensé de la protection de la nature</h2>
<p>Les actions de protection de la nature et d’aménagement durable des territoires négligent pourtant les composantes non vivantes qui, elles aussi, font partie intégrante des écosystèmes. Or, ces roches, reliefs, sols ou eaux sont le support essentiel de la <a href="https://theconversation.com/comment-avoir-envie-de-preserver-une-nature-dont-on-seloigne-de-plus-en-plus-198007">biodiversité</a> et contribuent à répondre aux besoins des sociétés humaines.</p>
<p>Malgré son importance, la géodiversité occupe une faible place dans les préoccupations environnementales et les agendas politiques de nombreux pays, y compris en France. Les termes d’« environnement », de « biodiversité », d’« écologie » sont les seuls qui reviennent constamment dans les discours et les esprits des élus, des aménageurs, du grand public et de tous les acteurs impliqués dans les processus de planification territoriale.</p>
<p>Les changements globaux que nous vivons ont des répercussions à différentes échelles, qui se traduisent par de nouvelles réflexions sur une meilleure allocation et une meilleure gestion des espaces. Mais pouvons-nous aménager durablement nos territoires sans avoir une vision globale de ce qu’est un écosystème, dans sa dimension vivante… et non vivante ?</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<p><em>Pour suivre au plus près les questions environnementales, retrouvez chaque jeudi notre newsletter thématique « Ici la Terre ». Au programme, un mini-dossier, une sélection de nos articles les plus récents, des extraits d’ouvrages et des contenus en provenance de notre réseau international. <a href="https://theconversation.com/fr/newsletters/la-newsletter-environnement-150/">Abonnez-vous dès aujourd’hui</a>.</em></p>
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<h2>Le non-vivant aussi nous rend service</h2>
<p>Si la géodiversité possède en soi une valeur intrinsèque pouvant justifier sa conservation au même titre que la biodiversité, on a plus récemment commencé à s’intéresser aux services que la géodiversité peut rendre à la société. Ainsi, de <a href="https://www.raincoast.org/library/wp-content/uploads/2012/07/Daily_1997_Natures-services-chapter-1.pdf">nombreux scientifiques</a> ont proposé de décliner à la géodiversité le concept de <a href="https://theconversation.com/champs-cultives-et-prairies-artificielles-quand-la-nature-ordinaire-nous-rend-service-172330">« services écosystémiques »</a>, définis comme les services que la nature rend aux sociétés humaines <a href="https://www.nature.com/articles/387253a0">pour répondre à leurs besoins et bien-être</a>.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/506345/original/file-20230125-20-o5ofi4.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/506345/original/file-20230125-20-o5ofi4.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=415&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/506345/original/file-20230125-20-o5ofi4.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=415&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/506345/original/file-20230125-20-o5ofi4.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=415&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/506345/original/file-20230125-20-o5ofi4.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=521&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/506345/original/file-20230125-20-o5ofi4.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=521&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/506345/original/file-20230125-20-o5ofi4.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=521&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Le volcan Gunung Bisma vu du ciel, sur l’île de Java (Indonésie) : les sols fertiles qui entourent le volcan sont occupés par un dense parcellaire agricole.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Google Maps, 2022</span></span>
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<p>Ce sont les <a href="https://doi.org/10.1016/j.pgeola.2013.01.003">« services écosystémiques abiotiques »</a> ou <a href="https://doi.org/10.1017/S0376892911000117">« services géosystémiques »</a>, en soulignant l’importance que la géodiversité peut avoir non seulement d’un point de vue culturel, mais également comme fonction de support (développement des sols, support d’habitats naturels), d’approvisionnement (d’eau, de nourriture, de matières premières) et de régulation des cycles naturels (régulation du climat, des cycles des éléments nutritifs, contrôle de l’érosion, de la qualité des eaux).</p>
<p>Prenons l’exemple des montagnes andines et leur rôle dans l’approvisionnement de matières premières ou dans la régulation du climat sud-américain en faisant barrage aux flux provenant du Pacifique. Citons également la contribution des volcans à la formation de sols très fertiles propices à l’agriculture.</p>
<p>Ou encore les roches calcaires faisant office d’aquifères utilisés pour l’approvisionnement d’eau potable et non potable. La ville de Rome, alimentée par l’eau phréatique de la chaîne calcaire des Apennins, en est l’exemple parfait. Enfin, certains reliefs ou formations rocheuses sont imprégnés de valeurs culturelles ou spirituelles. C’est le cas du mont Uluru en Australie, un lieu sacré lié au peuple aborigène Pitjantjatjaras.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/506346/original/file-20230125-18-94wnc3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/506346/original/file-20230125-18-94wnc3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=444&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/506346/original/file-20230125-18-94wnc3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=444&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/506346/original/file-20230125-18-94wnc3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=444&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/506346/original/file-20230125-18-94wnc3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=558&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/506346/original/file-20230125-18-94wnc3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=558&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/506346/original/file-20230125-18-94wnc3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=558&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Le Mont Uluru vu du ciel (Australie) : un objet de géodiversité à forte valeur culturelle.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Google Earth, 2019</span></span>
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</figure>
<h2>Un regard partiel toujours trompeur</h2>
<p>La géodiversité est cruciale dans le fonctionnement d’un système écologique et sa contribution à satisfaire les besoins physiologiques, sociaux, économiques et culturels de nos sociétés. Il apparaît ainsi essentiel que la géodiversité soit prise en considération au même titre que la biodiversité dans les démarches de gestion environnementale et d’aménagement territorial.</p>
<p>Le concept de géodiversité doit surtout aujourd’hui être étendu à des perspectives qui ne se limitent pas à la conservation, mais qui regardent une réalité qui, avec des changements démographiques et les besoins (alimentaires, industriels, infrastructurels) qui en découlent, peut également impliquer la transformation voire l’exploitation ou la destruction de ces ressources.</p>
<p>Aménager ne signifie pas toujours conserver mais cela requiert une concertation constante entre différents acteurs quant à l’usage, l’allocation et la destination des espaces et des ressources par rapport à une pluralité d’intérêts, souvent contrastants.</p>
<p>Il ne suffit pas de quantifier et d’exprimer en termes d’abondance ou de richesse la géodiversité. Sa dimension fonctionnelle, <a href="https://doi.org/10.1007/s12371-022-00716-6">que nous appelons ici « géofonctionnalité »</a>, doit être prise en compte dans une perspective de gestion environnementale et territorialisée des ressources.</p>
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<img alt="Vue aérienne" src="https://images.theconversation.com/files/509225/original/file-20230209-28-e938ua.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/509225/original/file-20230209-28-e938ua.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=324&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/509225/original/file-20230209-28-e938ua.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=324&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/509225/original/file-20230209-28-e938ua.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=324&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/509225/original/file-20230209-28-e938ua.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=408&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/509225/original/file-20230209-28-e938ua.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=408&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/509225/original/file-20230209-28-e938ua.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=408&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">D’après les connaissances actuelles, les zones à plus forte geodiversité en Guyane, semblent correspondre aux zones riches en or, exploitées légalement et illégalement. Néanmoins, l’exploitation illégale d’or, représente à la fois une menace socioéconomique et environnementale majeure en Guyane mais aussi un phénomène social qui parfois se développe parmi des petites communautés locales.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Environmental justice atlas</span></span>
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<p>Le constat est valable en France métropolitaine mais également dans ses territoires d’outre-mer, qui présentent des contextes socio-économiques et écologiques très variés, avec des dynamiques de développement, d’urbanisation et de gestion des espaces qui demandent impérativement la mise en place de démarches d’aménagement durable adaptées aux réalités locales.</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/506348/original/file-20230125-7959-w7g9sc.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="carte légendée de la guyane" src="https://images.theconversation.com/files/506348/original/file-20230125-7959-w7g9sc.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/506348/original/file-20230125-7959-w7g9sc.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=687&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/506348/original/file-20230125-7959-w7g9sc.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=687&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/506348/original/file-20230125-7959-w7g9sc.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=687&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/506348/original/file-20230125-7959-w7g9sc.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=864&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/506348/original/file-20230125-7959-w7g9sc.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=864&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/506348/original/file-20230125-7959-w7g9sc.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=864&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Première évaluation quantitative et cartographiée de la géodiversité guyanaise.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://doi.org/10.1007/s12371-022-00716-6">Scammacca et coll., 2022</a>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>À titre d’exemple, la Guyane est la deuxième région de France par taux de croissance démographique tout en ayant plus de 90 % de son territoire couvert par la forêt amazonienne. Une biodiversité et une géodiversité sous-jacente incroyables habitent ce territoire et une <a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s12371-022-00716-6">étude vient d’être réalisée</a> portant sur la première évaluation de la géodiversité guyanaise.</p>
<p>Des espaces, que ce soit de façon réglementée ou informelle et spontanée, seront inévitablement occupés et utilisés pour répondre à des besoins variés (habitations, industrie, agriculture, extraction minière). Le meilleur choix du décideur pourrait être d’agir sur le « comment »… pour éviter les erreurs du passé.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/198535/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>
Méconnue, la géodiversité concerne les composantes non-vivantes des écosystèmes, souvent négligées par les politiques d’aménagement et de préservation de la nature.
Ottone Scammacca, Docteur en Géosciences, Institut de recherche pour le développement (IRD)
François Bétard, Maître de conférences HDR en géographie, Université Paris Cité
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/196828
2023-01-16T18:20:03Z
2023-01-16T18:20:03Z
À la recherche d’une rivière disparue
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/503596/original/file-20230109-16-urcf3z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=96%2C110%2C3821%2C2566&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Un spéléologue explore la galerie principale du Fond de la Souche, une galerie qui guiderait la rivière Aroffe.</span> <span class="attribution"><span class="source">© Olivier Gradot</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span></figcaption></figure><p>Les ruisseaux naissent de l’accumulation du ruissellement des eaux de pluie, puis grandissent en rivières qui se réunissent pour former des fleuves qui rejoignent les mers et les océans. Mais tous les cours d’eau ne restent pas à la surface : certains rencontrent des fractures dans le sol et s’y infiltrent. En pays calcaire, ces infiltrations creusent lentement la roche par action chimique et mécanique jusqu’à former des galeries souterraines qui forment le nouveau lit souterrain des rivières : c’est le « karst », composé de grottes et gouffres qu’explorent les spéléologues.</p>
<p>L’ensemble de ces aquifères souterrains (nappes phréatiques et karsts) représente <a href="https://unesdoc.unesco.org/ark:/48223/pf0000380723">99 % des réserves d’eau douce liquide</a> sur Terre, d’où l’importance de comprendre ces ressources pour pouvoir les gérer et les protéger. Dans le contexte de réchauffement climatique et de sécheresse croissants, ces réserves en eau douce suscitent de plus en plus d’intérêt pour les collectivités locales. Les pollutions générées par les activités anthropiques de surface, par exemple l’industrie ou l’agriculture, peuvent s’infiltrer dans les eaux souterraines et altérer la qualité des eaux de consommation.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/503034/original/file-20230104-14-d4qvve.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="une résurgence d’eau douce" src="https://images.theconversation.com/files/503034/original/file-20230104-14-d4qvve.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/503034/original/file-20230104-14-d4qvve.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=379&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/503034/original/file-20230104-14-d4qvve.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=379&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/503034/original/file-20230104-14-d4qvve.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=379&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/503034/original/file-20230104-14-d4qvve.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=476&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/503034/original/file-20230104-14-d4qvve.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=476&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/503034/original/file-20230104-14-d4qvve.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=476&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Le trou des Glanes, une des « deuilles » de l’Aroffe.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Olivier Gradot</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Les réseaux karstiques sont minutieusement décrits par les spéléologues pendant leurs explorations (dimensions et orientations des galeries, volumes des salles, dénivelés…) qui synthétisent leurs observations sous forme de coupes et de plans. Parmi les objets géologiques recensés, les fractures constituent des points stratégiques d’accès aux eaux souterraines qui intéressent tout particulièrement les hydrogéologues pour les questions d’alimentation en eau des collectivités. C’est par ces zones de vides que les eaux de surface s’infiltrent dans les sols par gravité, mais aussi qu’elles résurgent par temps très pluvieux, quand le réseau de cavités souterraines est rempli d’eau. Sous terre, certains conduits sont totalement ennoyés et infranchissables.</p>
<p>Il faut trouver d’autres moyens pour comprendre la circulation des eaux souterraines. Le concept consiste alors à colorer l’eau avec de la fluorescéine sur le point amont le plus accessible de la rivière, et à mesurer la concentration de cette fluorescéine aux différents points de sortie (exutoire ou résurgence) connus ou supposés. C’est, par exemple, un incendie aux usines Pernod de Pontarlier en août 1901 qui a permis d’établir la connexion souterraine entre le Doubs et la Loue par l’intermédiaire d’un relargage d’absinthe en grandes quantités dans la rivière.</p>
<p>En Meurthe-et-Moselle, Meuse et Vosges, l’Aroffe est une rivière qui joue à cache-cache au gré des saisons et de la météo entre un cours souterrain pérenne et un cours aérien temporaire et continue d’intriguer ceux qui la côtoient. En effet, le cours souterrain d’un potentiel d’au moins 30 kilomètres n’est actuellement exploré que sur 2,5 kilomètres. <a href="https://usan.ffspeleo.fr/spip/spip.php?article1979">Spéléologues et géologues ont récemment collaboré</a> pour affiner les <a href="https://ulysse.univ-lorraine.fr/permalink/33UDL_INST/1f89f8a/alma991003123509705596">études</a> topographiques et colorimétriques <a href="https://catalogue.cnds.ffspeleo.fr/index.php?lvl=notice_display&id=1121">déjà entreprises</a> sur une des résurgences de l’Aroffe, « le <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Trou_du_Fond_de_la_Souche">Fond de la Souche</a> », en testant une nouvelle technique basée sur la mesure des propriétés électriques des sous-sols.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/505117/original/file-20230118-20-jrf8g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="carte" src="https://images.theconversation.com/files/505117/original/file-20230118-20-jrf8g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/505117/original/file-20230118-20-jrf8g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=401&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/505117/original/file-20230118-20-jrf8g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=401&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/505117/original/file-20230118-20-jrf8g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=401&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/505117/original/file-20230118-20-jrf8g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=504&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/505117/original/file-20230118-20-jrf8g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=504&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/505117/original/file-20230118-20-jrf8g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=504&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Tracé aérien et souterrain supposé de l’Aroffe.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Elise Chenot</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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</figure>
<p>L’Aroffe prend sa source à Beuvezin et se perd en souterrain à travers une succession de fractures à Gémonville. Les eaux de l’Aroffe réapparaissent en surface à la source de la Rochotte à Pierre-la-Treiche et se jettent dans la Moselle. Par temps extrêmement pluvieux, la trentaine de kilomètres de réseau souterrain se remplit jusqu’à un débordement qui se manifeste en surface par des résurgences, appelées localement des « deuilles », qui jouent le rôle de trop-plein. L’Aroffe s’écoule alors en surface et va se jeter dans la Meuse. L’objectif de l’étude est de tenter de déterminer le cours souterrain précis dans un but de recherche.</p>
<h2>Pourquoi nous intéresser à la résurgence du Fond de la Souche ?</h2>
<p>À la suite de travaux menés en 1971 par les spéléologues, une fracture de 25 mètres de profondeur est ouverte au <a href="http://ikare.loterr.univ-lorraine.fr/dev_leaflet/fiche.php?IdSelect=88232001">Fond de la Souche à Harmonville</a>. Celle-ci aboutit dans un ruisseau qui, au bout d’environ 200 mètres, se jette dans une rivière formant une grande galerie souterraine.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/503036/original/file-20230104-16-pk9g90.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/503036/original/file-20230104-16-pk9g90.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/503036/original/file-20230104-16-pk9g90.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=278&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/503036/original/file-20230104-16-pk9g90.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=278&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/503036/original/file-20230104-16-pk9g90.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=278&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/503036/original/file-20230104-16-pk9g90.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=349&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/503036/original/file-20230104-16-pk9g90.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=349&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/503036/original/file-20230104-16-pk9g90.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=349&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Topographie souterraine du Fond de la Souche.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Vallet, 1983</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Quinze années d’explorations et de relevés topographiques permettent d’aboutir au plan actuel du réseau du Fond de la Souche : 2 500 mètres de galeries sont accessibles à l’Homme mais s’achèvent à chaque extrémité sur un siphon, conduit entièrement noyé, d’accès difficile et fastidieux avec un équipement de plongée souterraine conséquent. Bien que plusieurs campagnes de plongée aient eu lieu pour percer les mystères de ces deux conduits noyés, aucune nouvelle galerie non ennoyée n’a pu être atteinte.</p>
<p>D’un point de vue hydrologique, les diverses observations semblent montrer que la rivière de la grande galerie n’est pas l’Aroffe mais plutôt l’un de ses affluents. L’Aroffe circule-t-elle à proximité ou dans un tout autre secteur ? Quelle est son ampleur ? En l’état, le Fond de la Souche étant le seul regard pénétrable, cette cavité reste le meilleur site pour rechercher l’Aroffe souterraine.</p>
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<p>Quarante ans plus tard, ces questions subsistent, mais les techniques évoluent ! Les spéléologues de l’<a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Union_sp%C3%A9l%C3%A9ologique_de_l%E2%80%99agglom%C3%A9ration_nanc%C3%A9ienne">Union Spéléologique de l’Agglomération Nancéienne</a> et les <a href="https://www.unilasalle.fr/unites-de-recherche">géologues d’UniLaSalle</a> se sont récemment réunis pour expérimenter une technique de surface non destructive afin de poursuivre cette exploration.</p>
<h2>Comment détecter des galeries souterraines sans détruire les paysages et les écosystèmes ?</h2>
<p>Bien souvent, pour atteindre directement une ressource qui se trouve dans les profondeurs des sous-sols (eau, minerai, gaz…), les géologues font soit des trous à l’aide de foreuses, soit des entailles dans les montagnes à l’aide d’immenses pelleteuses. Ces techniques sont certes efficaces mais présentent l’énorme désavantage de détruire les écosystèmes (habitats faunistiques et floristiques) et les paysages mais aussi de polluer chimiquement les sites exploités. De plus, elles sont extrêmement coûteuses en temps, en énergie et en argent.</p>
<figure class="align-center zoomable">
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<figcaption>
<span class="caption">Emplacement des profils électriques.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Elise Chenot</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Pour rechercher le tracé souterrain des galeries de la rivière du Fond de la Souche, nous avons choisi de tester une méthode indirecte non destructive. La « tomographie électrique » est une méthode géophysique basée sur la capacité d’un matériau à conduire le courant. À l’inverse de l’air, l’eau très conductrice laisse aisément circuler le courant. La technique consiste donc à mesurer la résistivité électrique des matériaux du sous-sol, en injectant du courant le long d’une ligne d’électrodes plantées dans le sol.</p>
<p>La résistivité électrique du sous-sol dépend de la nature de la roche, la porosité de la roche, la teneur en eau de la roche, la fracturation ou la présence de vides. Afin de valider ou non l’utilisation de cette technique pour la détection de cavités, une campagne de mesures a été organisée en 2021 sur le secteur du Fond de la Souche. Celle-ci s’est déroulée à la fin de la saison estivale, durant laquelle les cavités dépourvues d’eau sont remplies d’air et devraient théoriquement être plus résistives au courant. À partir du plan projeté sur une photo aérienne, plusieurs profils électriques ont été disposés par rapport aux galeries déjà connues et à leurs emplacements supposés.</p>
<p>Deux des profils sont disposés près de la buse d’entrée, perpendiculairement à la fracture de 25 mètres de profondeur. Le premier présente une pénétration de l’électricité dans le sol de 50 mètres (L5), mais une moins bonne résolution que le second, qui n’atteint qu’une profondeur de 10 mètres (L6).</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/503039/original/file-20230104-90208-k7hbj9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/503039/original/file-20230104-90208-k7hbj9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/503039/original/file-20230104-90208-k7hbj9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=307&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/503039/original/file-20230104-90208-k7hbj9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=307&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/503039/original/file-20230104-90208-k7hbj9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=307&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/503039/original/file-20230104-90208-k7hbj9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=386&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/503039/original/file-20230104-90208-k7hbj9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=386&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/503039/original/file-20230104-90208-k7hbj9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=386&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Profil électrique de la ligne 5 interprété. L’échelle de couleur illustre les variations de la résistivité, les couleurs chaudes montrant une résistivité plus élevée.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Elise Chenot</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Dans la partie droite du profil L5, à 25 mètres de profondeur, les tâches orangées/rouges caractéristiques illustrent deux zones de « matériel » plus résistif, compatibles avec la possible présence de la cavité du Fond de la Souche.</p>
<p>Sur le second profil électrique (L6), la fracture est détectée au milieu de manière évidente par la tomographie électrique sous forme d’une zone très résistive en marron, ce qui coïncide avec le relevé topographique du puits d’entrée.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/503038/original/file-20230104-22-s5lgny.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/503038/original/file-20230104-22-s5lgny.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/503038/original/file-20230104-22-s5lgny.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=310&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/503038/original/file-20230104-22-s5lgny.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=310&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/503038/original/file-20230104-22-s5lgny.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=310&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/503038/original/file-20230104-22-s5lgny.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=390&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/503038/original/file-20230104-22-s5lgny.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=390&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/503038/original/file-20230104-22-s5lgny.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=390&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Profil électrique de la ligne 6 interprété. L’échelle de couleur illustre les variations de la résistivité, les couleurs chaudes montrant une résistivité plus élevée.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Elise Chenot</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>La technique de tomographie électrique semble donc prometteuse pour notre recherche de « vides ». Même s’il reste un vaste secteur à prospecter pour identifier en totalité le tracé de la rivière disparue, une prochaine campagne de mesures permettra d’identifier l’orientation des galeries au-delà des siphons. La recherche ne fait que commencer et sera poursuivie l’an prochain.</p>
<hr>
<p><em>L’USAN (Union spéléologique de l’agglomération nancéienne) est un club de spéléologie à l’initiative de cette activité de recherche (Christophe Prévot, Olivier Gradot et Théo Prévot) et la finance par l’intermédiaire du Fond d’aide aux actions locales de la Fédération française de spéléologie (FFS). Cette étude exploratoire a bénéficié de l’expertise géophysique de Pascale Lutz et Michaël Goujon, enseignants-chercheurs au sein de l’UniLaSalle Beauvais, mais aussi de leurs étudiants Adrien Leroux, Solène Soyez et Emeline Rame. Participent également des enseignants-chercheurs de l’université de Lorraine (en géologie-paléontologie, Bernard Lathuilière et en géographie-karstologie, Benoît Losson). Nous remercions la mairie d’Harmonville et les propriétaires des parcelles qui soutiennent ce projet et nous donnent des accès illimités à leurs parcelles.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/196828/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Christophe Prévot est président de l'Union spéléologique de l'agglomération nancéienne (USAN), club de spéléologie porteur du projet. L'association a reçu des financements de la Fédération française de spéléologie.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Elise Chenot ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>
Certains cours d’eau disparaissent sous terre, et leur destin est mystérieux. Enquête entre spéléologie et géosciences.
Elise Chenot, Enseignant-chercheur en géologie, UniLaSalle
Christophe Prévot, Professeur de mathématiques, Université de Lorraine
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/197147
2023-01-11T16:26:07Z
2023-01-11T16:26:07Z
Comprendre les mouvements du manteau terrestre à l’origine de la tectonique des plaques
<p>Nous publions, aujourd’hui 11 janvier, un <a href="https://www.nature.com/articles/s41586-022-05410-9">article scientifique</a> dans la revue scientifique <em>Nature</em> présentant les résultats de notre modélisation afin de mieux appréhender les mouvements du manteau terrestre à l’origine de la tectonique des plaques. </p>
<p>La tectonique des plaques qui caractérise la dynamique de notre planète est difficile à dater mais elle existerait depuis au moins 2 milliards d’années. Le supercontinent appelé Gondwana qui s’est formé il y a 600 millions d’années aurait commencé à se fracturer au Jurassique (il y a 160 millions d’années).</p>
<p>Les Pyrénées, montagne jeune, ne datent que d’environ 40 millions d’années. Comment appréhender ces durées, nous pauvres humains, pour qui passer 100 ans à la surface de la Terre représente déjà un fort long séjour ? C’est la science et ses outils observationnels, analytiques et conceptuels qui ont permis de dépasser les mythes et qui aboutit à ces nombres qui donnent le tournis. Nous sommes donc un peu comme des éphémères, ces insectes qui ne vivent qu’un jour ou deux, qui tenteraient de comprendre les saisons, les années…</p>
<p>La science, c’est aussi l’expérimentation. Mais là encore, comment reproduire des phénomènes qui se déroulent sur des durées bien plus longues que celles de nos vies ?</p>
<p>Prenons la dynamique de notre planète. <a href="https://planet-terre.ens-lyon.fr/ressource/histoire-tectonique-plaques.xml">La tectonique des plaques</a> est le cadre conceptuel qui, depuis les années 60, rassemble et unifie les descriptions des grandes manifestations géologiques qui ont façonné la surface de la Terre. Mais son origine est plus profonde. Le déplacement des plaques résulte de vastes <a href="https://planet-terre.ens-lyon.fr/ressource/histoire-convection.xml">mouvements de convection</a> qui animent le manteau terrestre et permettent à la Terre d’évacuer sa chaleur interne. Car la Terre est encore une planète chaude, d’où son activité. Plus de 98 % du volume de notre planète est à des températures supérieures à 1000 °C et le noyau est aussi chaud que la surface du soleil.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/504032/original/file-20230111-12-mhjw9l.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/504032/original/file-20230111-12-mhjw9l.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=647&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/504032/original/file-20230111-12-mhjw9l.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=647&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/504032/original/file-20230111-12-mhjw9l.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=647&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/504032/original/file-20230111-12-mhjw9l.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=812&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/504032/original/file-20230111-12-mhjw9l.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=812&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/504032/original/file-20230111-12-mhjw9l.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=812&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Structure de la Terre. 1. croûte continentale, 2. croûte océanique, 3. Manteau supérieur, 4. Manteau inférieur, 5. noyau externe, 6. noyau interne.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Manteau_terrestre#/media/Fichier:Slice_earth.svg">Dake/Wikipedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
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</figure>
<p>Cette chaleur interne à plusieurs origines : une part de chaleur primordiale (vestige de la formation de notre planète par accrétion), une autre qui est extraite du noyau en partie due à la cristallisation de la graine (partie solide, centrale, du noyau), et enfin une autre qui provient de la désintégration radioactive d’éléments (uranium, potassium, thorium) présents en faible quantité dans les roches du manteau. C’est donc par transport de matière du bas (où les températures sont les plus élevées) vers le haut (où elles sont les plus froides) que cette chaleur est transportée. La particularité de ce phénomène convectif (bien connu dans les liquides, on fait d’ailleurs souvent l’analogie avec la casserole d’eau sur le feu) est que dans le manteau terrestre constitué de roches solides, il est porté par la déformation de ces roches et des minéraux qui les constituent. Ce sont donc ces déformations qu’il nous faut étudier si l’on veut comprendre et modéliser la dynamique de notre planète. Mais cette quête est parsemée de difficultés. Listons-en quelques-unes.</p>
<h2>Des conditions de pression et de température extrêmes dans le manteau</h2>
<p>Le manteau terrestre est cette enveloppe de roches, nous l’avons dit, qui s’étend jusqu’à près de 2900 km sous nos pieds. Les conditions de pression et température qui y règnent y sont extrêmes. En particulier, sous le poids des roches, la pression augmente fortement avec la profondeur pour atteindre quelque 135 GPa (1,35 milliard de fois la pression atmosphérique) à l’approche du noyau. Les roches qui sont présentes à ces profondeurs ne sont pas celles que l’on rencontre à la surface de la Terre. Sous l’influence de la pression, elles sont constituées de minéraux plus compacts, plus denses. Pendant la seconde moitié du XX<sup>e</sup> siècle, des efforts importants ont été déployés pour <a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/08957959.2011.618698?cookieSet=1">développer des expériences</a> permettant de reproduire les conditions de pression et de température de l’intérieur de la Terre.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/504035/original/file-20230111-448-gclsg8.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/504035/original/file-20230111-448-gclsg8.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=455&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/504035/original/file-20230111-448-gclsg8.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=455&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/504035/original/file-20230111-448-gclsg8.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=455&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/504035/original/file-20230111-448-gclsg8.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=571&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/504035/original/file-20230111-448-gclsg8.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=571&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/504035/original/file-20230111-448-gclsg8.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=571&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Observation de bridgmanite.</span>
<span class="attribution"><span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Elles ont permis d’étudier la manière dont les minéraux se densifient sous pression et de proposer un modèle minéralogique du manteau terrestre correspondant à ce que l’on pense être sa composition chimique (notamment par comparaison avec les météorites considérées comme les briques du système solaire). Plusieurs stades de compressions des minéraux sont identifiés pour finir, à partir de 670 km de profondeur et presque jusqu’au noyau, par former un assemblage assez simple constitué de trois minéraux principaux. </p>
<p>Le plus important (en volume : près de 80 %) d’entre eux est un silicate de magnésium et de fer (contenant également un peu d’aluminium) de structure perovskite appelé bridgmanite (en l’honneur de Percy Bridgman, physicien américain lauréat du prix Nobel de physique en 1946 pour ses travaux sur les hautes pressions). Le calcium, présent dans le manteau supérieur dans les grenats et les pyroxènes, serait hébergé par un autre silicate, présentant la même structure perovskite : la davemaoite. Enfin le magnésium en excès est exprimé sous la forme d’un oxyde (contenant aussi un peu de fer) : le ferropericlase.</p>
<h2>Des conditions difficiles à reproduire en laboratoire</h2>
<p>C’est donc la manière dont se déforme cet assemblage minéralogique qui constitue la clé de la dynamique du manteau. Pour étudier ce phénomène au laboratoire, il faut réaliser des expériences de déformation tout en appliquant les très fortes pressions qui permettent de stabiliser ces minéraux. De nouveaux développements technologiques ont donc été nécessaires et en 2016, <a href="https://www.science.org/doi/10.1126/science.aad3113">Girard et ses collègues</a> de l’université de Yale (USA) ont réussi la première expérience de déformation d’un assemblage de bridgmanite et de ferropericlase dans les conditions de pressions et de températures correspondant à peu près à 700 km de profondeur. Ces expériences ont montré ce que l’on pressentait : le silicate (la bridgmanite) est bien plus dur que l’oxyde (le ferropericlase). Ils observent en effet que le ferropericlase encaisse quasiment toute la déformation et se retrouve fortement étiré dans une matrice de bridgmanite quasi rigide. Un tel comportement peut avoir des conséquences importantes sur la manière dont le manteau peut se déformer. </p>
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<p><a href="https://agupubs.onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1029/2019GC008688">Thielmann et ses collègues</a>, de l’université de Bayreuth en Allemagne, ont utilisé des modèles numériques pour pousser plus loin la déformation d’un tel assemblage. Ils montrent que selon la manière dont le ferropericlase est distribué dans la roche, les propriétés mécaniques (et donc la capacité du manteau à se déformer et à évacuer la chaleur) ne sont pas les mêmes. Si la phase « molle », le ferropericlase forme des couches continues, elle peut « lubrifier » la déformation et rendre la roche beaucoup moins visqueuse.</p>
<p>Mais ces expériences et les conclusions que l’on peut en tirer se heurtent à d’autres difficultés. Reproduire les pressions et les températures de l’intérieur de la Terre constitue déjà un défi, mais le surmonter ne suffit pas. Il faut en effet se rappeler que les déformations du manteau sont lentes, très lentes et s’échelonnent sur des centaines de millions d’années. Étudier ces phénomènes au laboratoire nécessite de les accélérer considérablement : plus de 100 millions de fois ! Les mécanismes activés lors de ces expériences sont-ils les mêmes que ceux qui opèrent dans la nature ? Les résultats des expériences de laboratoire peuvent-ils être simplement extrapolés aux conditions naturelles ?</p>
<h2>Un nouveau modèle</h2>
<p>C’est à répondre à cette question que se consacre le <a href="https://timeman.univ-lille.fr/">projet TimeMan</a> financé par le Conseil Européen de la Recherche (ERC) et que je dirige à l’Université de Lille en collaboration avec les universités d’Anvers et de Louvain-la-Neuve en Belgique.</p>
<p>Son originalité ? Ne pas chercher à simplement extrapoler, mais s’appuyer sur une compréhension la plus détaillée possible de la physique, des mécanismes de déformation de ces minéraux dans les conditions de pression et de température du manteau. Revenons aux expériences de Girard et de ses collaborateurs. Leurs mesures montrent que des contraintes très élevées sont nécessaires pour déformer leurs échantillons aux vitesses du laboratoire.</p>
<p>Nos modèles permettent de reproduire les résultats de ces expériences. Ils montrent qu’ils résultent de l’activation du glissement de défauts cristallins, les dislocations qui, sous l’influence de ces fortes contraintes, cisaillent les cristaux. Mais dans le manteau, les contraintes sont beaucoup plus faibles et nos modèles montrent que d’autres mécanismes doivent prendre le relai.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/504036/original/file-20230111-24-zvo14f.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/504036/original/file-20230111-24-zvo14f.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=398&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/504036/original/file-20230111-24-zvo14f.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=398&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/504036/original/file-20230111-24-zvo14f.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=398&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/504036/original/file-20230111-24-zvo14f.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=500&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/504036/original/file-20230111-24-zvo14f.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=500&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/504036/original/file-20230111-24-zvo14f.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=500&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Roche déformée contenant une phase dure et une phase molle.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Jennifer Jackson (Caltech</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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</figure>
<p>A haute température et sous faibles contraintes, les mécanismes de déformation de la matière solide font intervenir la migration des ions qui diffusent lentement vers les dislocations pour leur donner un degré de mobilité supplémentaire que l’on appelle la montée. C’est donc cette étape de diffusion qui contrôle la cinétique de la déformation. Or elle est lente, très lente. Particulièrement dans l’oxyde de magnésium où c’est le gros ion oxygène qui a le plus de mal à se déplacer, surtout lorsque la pression rend la structure de plus en plus compacte. Le ferropericlase se déforme donc plus lentement que la bridgmanite dans ce régime de déformation impossible à reproduire aux échelles de temps du laboratoire. C’est ce résultat contre-intuitif que nous décrivons dans <a href="https://www.nature.com/articles/s41586-022-05410-9">l’article qui parait</a> ce mercredi 11 janvier 2023 dans la revue nature. Il remet en question les débats sur l’influence de la répartition du ferropericlase dans la matrice.</p>
<p>Si l’on fait l’analogie avec le beurre de cacahuète, on peut dire que les modèles classiques faisaient jouer au ferropériclase le rôle de la phase huileuse qui rendait la pâte plus fluide. Nos résultats le voient plutôt comme les particules rigides du beurre de cacahuète « crunchy », sans influence notable sur la rhéologie de l’ensemble. Nous concluons donc que la bridgmanite est la seule phase minérale à considérer pour modéliser la déformation du manteau dans les conditions naturelles, si lentes qu’elles échappent à notre perception sensible, mais pas à nos modèles !</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/197147/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Patrick Cordier a reçu des financements du Conseil Européen de la Recherche (European Research Council, ERC) </span></em></p>
Les mouvements à l’origine de la tectonique des plaques sont issus du noyau. Un tout nouveau modèle permet de mieux comprendre une dynamique extrêmement lente et complexe à appréhender.
Patrick Cordier, Professeur de Physique, spécialiste de physique des minéraux, membre de l'Institut Universitaire de France, Université de Lille
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/197126
2023-01-05T19:24:19Z
2023-01-05T19:24:19Z
Avec « Avatar 2 », James Cameron nous raconte l’anthropocène
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/502967/original/file-20230103-6615-ej2694.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=7%2C16%2C1470%2C814&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les Na'vis entretiennent un rapport d'humilité face à la faune et à la flore. </span> <span class="attribution"><span class="source">Allociné</span></span></figcaption></figure><figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/502967/original/file-20230103-6615-ej2694.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=7%2C16%2C1470%2C814&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/502967/original/file-20230103-6615-ej2694.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=317&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/502967/original/file-20230103-6615-ej2694.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=317&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/502967/original/file-20230103-6615-ej2694.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=317&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/502967/original/file-20230103-6615-ej2694.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=398&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/502967/original/file-20230103-6615-ej2694.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=398&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/502967/original/file-20230103-6615-ej2694.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=398&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Les Na'vis entretiennent un rapport d'humilité face à la faune et à la flore.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Allociné</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p><em>Attention spoilers : l’article qui suit présente quelques éléments du film susceptibles d’en dévoiler l’intrigue.</em></p>
<hr>
<p>Le 14 décembre 2022, treize ans après <em>Avatar</em> premier du nom, le réalisateur James Cameron (<em>Titanic</em>, <em>Abyss</em>, <em>Terminator</em>) a livré au public la suite des aventures de Jake Sully et Neytiri.</p>
<p><em>Avatar, la voie de l’eau</em> débute à la fin du premier film, après que les Na’vis, le peuple autochtone de la lune Pandora, se sont libérés de l’impérialisme humain. Une dizaine d’années s’écoulent avant que ces derniers ne reviennent avec des intentions toujours plus belliqueuses. C’est le retour également de Miles Quaritch, l’impitoyable colonel laissé pour mort à la fin du premier opus, mais dont la mémoire a été transférée dans le corps d’un avatar. Sa mission : tuer Jake Sully, tant pour mater la révolte Na’vi que pour se venger. Jake et sa famille sont contraints de fuir et trouvent refuge auprès d’une tribu insulaire, les Metkayinas. Un nouveau décor s’offre aux spectateurs : montagnes volantes et jungle luxuriante laissent place à des paysages maritimes paradisiaques.</p>
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<p><em>La voie de l’eau</em> relance et approfondit l’univers des Na’vis qui est amené à se développer dans pas moins de trois suites – pour un total de cinq films. Loué pour <a href="https://www.ecranlarge.com/films/news/1445046-pourquoi-avatar-2-est-deja-une-revolution-technique-pour-les-salles-de-cinema">sa technique visuelle</a> et pour <a href="https://vert.eco/articles/avatar-2-quand-la-science-fiction-democratise-lecologie-et-la-pensee-animiste">son propos écologique</a>, <em>Avatar 2</em> est néanmoins critiqué pour <a href="https://www.lesinrocks.com/cinema/avatar-2-le-patriarcat-est-il-le-seul-horizon-de-pandora-521986-14-12-2022/">ses représentations patriarcales</a>.</p>
<p>En cela, le film tombe à côté des problématiques sociales de son temps ; la résonance de l’œuvre de Cameron avec son époque se situe ailleurs : <em>Avatar 2</em> est une œuvre qui s’articule à un concept central du XXI<sup>e</sup> siècle, l’anthropocène.</p>
<h2>Qu’est-ce que l’anthropocène ?</h2>
<p><a href="https://theconversation.com/fr/topics/anthropocene-25399">L’anthropocène</a> désignerait la période géologique actuelle, celle où l’être humain est devenu une force géologique à part entière. Le conditionnel est important puisque le terme proposé par le prix Nobel de chimie Paul Joseph Crutzen et le biologiste Eugène Stoermer fait débat.</p>
<p>Bien qu’apparue au tournant des années 2000, la validation ou l’invalidation du terme par un groupe de scientifiques (l’Anthropocene Working Group) ne devait être prononcée qu’à la <a href="https://usbeketrica.com/fr/article/pour-la-premiere-fois-des-scientifiques-s-apprete-a-dater-precisement-l-anthropocene">fin de l’année 2022</a>. Leur travail depuis 2009 consiste à observer l’anthropocène en tant qu’unité de temps géologique, mais les débats qui l’entourent dépassent la sphère des géologues.</p>
<p>Certains réfutent le terme lui-même : selon le Suédois <a href="https://www.arte.tv/fr/videos/103447-003-A/climat-qui-a-allume-le-feu/">Andreas Malm</a>, maître de conférences en écologie humaine, il vaudrait mieux parler de <a href="https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/le-pourquoi-du-comment-economie-social/anthropocene-ou-capitalocene-2552791">Capitalocène</a> pour désigner les dégâts du <a href="https://theconversation.com/sortir-du-capitalisme-condition-necessaire-mais-non-suffisante-face-a-la-crise-ecologique-193568">système capitaliste sur l’environnement</a> ; il faudrait, pour l’anthropologue Anna Tsing et la philosophe Donna Haraway, <a href="https://www.cairn.info/revue-multitudes-2016-4-page-75.htm">parler de Plantationocène</a> pour cibler plus précisément le modèle des plantations esclavagistes qui, par la mise en place de monocultures et d’une exploitation humaine, aboutit à un rapport de domination des écosystèmes et des humains qui y habitent.</p>
<p>La définition de l’anthropocène est devenue un enjeu politique puisque le concept porte en lui une charge critique sur les modèles de sociétés modernes et leurs manières d’habiter le monde.</p>
<p>D’un point de vue écopoétique, c’est-à-dire l’étude des relations entre un texte et son contexte écologique, l’anthropocène peut également être entendu comme un mythe contemporain.</p>
<p>C’est ce que considère <a href="https://www.jose-corti.fr/titres/valet-noir.html">Jean-Christophe Cavallin</a>, chercheur en écopoétique, pour qui il s’agit surtout d’un nouveau contexte d’où émergent de nouveaux récits. Bien qu’il s’intéresse surtout aux productions littéraires, des films tels qu’<em>Avatar</em> et <em>Avatar 2</em> sont des exemples d’œuvres émergeant de l’anthropocène en ce qu’elles s’articulent aux symboles et récits qui le nourrissent en tant que mythe, en particulier la volonté de domination et de puissance technique de l’humain.</p>
<h2>La supériorité humaine remise en question</h2>
<p>Dans un entretien pour <a href="https://lejournal.cnrs.fr/articles/avatar-met-en-scene-deux-formes-decologie-radicalement-differentes">Le Journal du CNRS</a>, l’anthropologue <a href="https://www.youtube.com/watch?v=esWmV_LwXrk">Perig Pitrou</a> observe que les Na’vis vivent dans une société animiste qui s’oppose au modèle naturaliste des sociétés occidentales : ils se considèrent égaux au reste du vivant et du non-vivant sur un plan spirituel, une chose difficilement concevable pour des occidentaux pour lesquels notre espèce possède une supériorité spirituelle.</p>
<p>L’anthropocène résulte d’un rapport au monde naturaliste autant qu’il l’entretient : en se considérant supérieur au sein de son écosystème, l’homme y tient une position centrale, et son impact sur son milieu le conforte dans l’affirmation de sa suprématie.</p>
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<p>Les Na’vis, à l’inverse, entretiennent un rapport d’humilité face à la faune et la flore qui les entourent. Dans <em>Avatar 2</em>, cette vision du monde s’incarne dans la relation des Metkayinas et des Tulkuns, une espèce similaire à nos baleines dotée d’une intelligence et d’une culture qui dépassent celle des humains. Les membres de la tribu sont tous liés à un Tulkun par un lien fraternel. Ils vivent en harmonie avec cette espèce. Une menace pèse toutefois sur les Tulkuns : ils sont les proies des humains qui les tuent pour en extraire une substance qui interrompt le vieillissement humain. Lors d’une longue scène de chasse maritime, James Cameron montre toute l’ingéniosité humaine déployée pour tuer ces créatures ; les engins de combat triomphent sur le vivant, les intérêts humains priment et l’harmonie de cet écosystème est brisée.</p>
<p>Centrer le récit sur le point de vue des Na’vis permet par contraste à James Cameron de présenter l’humanité comme incapable d’un autre rapport au monde que sa domination – les scientifiques du premier épisode et leur curiosité bienveillante sont d’ailleurs quasiment absents de ce second opus. <em>Avatar 2</em> affirme ainsi une position face à l’anthropocène : il rejette le sacre de l’humain en tant qu’entité supérieure au sein d’un écosystème.</p>
<h2>Le règne de la technique</h2>
<p>Les Na’vis, la faune et la flore de Pandora ne cessent de rappeler aux humains leur faible condition : tout y est dangereux pour l’homme, jusqu’à l’atmosphère qu’il ne peut respirer. Dans cet environnement, sans ses machines, il n’est rien.</p>
<p>Dans ce nouvel opus, le débarquement humain sur Pandora montre que l’homme s’efface dans ses machines. Après l’atterrissage destructeur des vaisseaux – plusieurs hectares de forêt brûlent à cause de leurs rétrofusées –, ce ne sont pas des humains qui en sortent, mais des robots et de gigantesques bulldozers.</p>
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<span class="caption">Cameron met en scène le règne destructeur des machines et de la technologie.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Allociné</span></span>
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<p>Rien de nouveau pour les spectateurs du premier opus qui retrouvent ces engins, mais sous un jour inquiétant : ils sortent dans les flammes et leurs lumières éblouissantes font disparaître les pilotes dans leurs robots de combat. Ce ne sont plus les humains qui envahissent Pandora, mais bien des machines.</p>
<p>Le concept d’anthropocène est lié au développement technique de l’humanité. En son cœur se cache l’idée que la Terre est un système qu’il est possible de contrôler, autrement dit une machine que nos compétences en ingénierie permettraient de maîtriser.</p>
<p>Pour <a href="https://www.seuil.com/ouvrage/l-evenement-anthropocene-jean-baptiste-fressoz/9782021135008">Christophe Bonneuil et Jean-Baptiste Fressoz</a>, ce postulat est celui formulé par les premiers « anthropocènologues ». Ils défendent à travers ce concept l’hypothèse <a href="https://theconversation.com/bonnes-feuilles-ils-voulaient-refroidir-la-terre-160317">que la géoingénierie</a> – les techniques visant à manipuler l’environnement et le climat terrestre – est une solution aux problèmes écologiques. L’idée sous-jacente est simple : l’impact négatif de l’homme sur son environnement prouverait qu’il a désormais les capacités de le réparer.</p>
<p>Cette conception induit un lien fort entre l’homme et les machines, elle suppose que grâce à elles l’homme peut contrôler son milieu. <em>Avatar 2</em>, plus encore que le premier, présente sous un jour négatif ce lien à travers ses images et son récit : il est présenté comme contraignant et destructeur, il s’impose à l’homme pour sa survie et il dévaste son environnement.</p>
<p>Cette portée critique demeure ambiguë pour un film qui est une débauche de technique visuelle, comme l’était le premier volet. James Cameron est <a href="https://www.journaldugeek.com/dossier/james-cameron-et-avatar-2-vont-ils-sauver-la-3d/">féru de nouvelles technologies</a>. <em>Avatar 2</em> ne suppose donc pas que la technique est mauvaise, mais il donne à voir l’inhumanité des machines lorsqu’elles sont employées dans un but de contrôle et de domination. Les humains sont absorbés dans les machines avec lesquelles ils commettent des actes cruels. Si l’anthropocène est le règne de la technique, alors <em>Avatar</em> tient à montrer les dangers et la déshumanisation qu’entraîne une domination technique du monde.</p>
<h2>Des enjeux futurs, pour la franchise comme pour l’humanité</h2>
<p>L’anthropocène, au-delà de sa dimension géologique, politique ou mythique, reste avant tout une « métaphore obsédante d’une angoisse » (<a href="https://www.fabula.org:443/lht/27/cavallin.html">Jean-Christophe Cavallin</a>), celle de voir les conditions de vie sur Terre se dégrader inexorablement. <em>Avatar 2</em> en montre une nouvelle forme.</p>
<p>Dans le premier volet, la conquête de Pandora avait pour objectif d’extraire un minerai permettant de régler une crise énergétique sur Terre. Le second volet expose un nouvel enjeu : Pandora doit être colonisée car « la Terre meurt » et l’humanité a besoin d’un nouveau foyer. Pour autant, l’intrigue centrée sur la vengeance de Quaritch évacue cette problématique. Le sort des terriens reste en suspens, mais les suites s’attarderont sans doute sur ces enjeux.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/503246/original/file-20230105-20-bz2amz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/503246/original/file-20230105-20-bz2amz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=317&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/503246/original/file-20230105-20-bz2amz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=317&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/503246/original/file-20230105-20-bz2amz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=317&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/503246/original/file-20230105-20-bz2amz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=398&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/503246/original/file-20230105-20-bz2amz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=398&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/503246/original/file-20230105-20-bz2amz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=398&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">L’anthropocène correspond à une logique de domination des humains sur la nature.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Allociné</span></span>
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<p>Espérons qu’ils sauront s’accommoder à ceux des Na’vis, puisque la force de la franchise <em>Avatar</em> est d’adopter le point de vue du peuple dominé et de légitimer ses actes, <a href="https://www.ecranlarge.com/films/news/1459849-avatar-2-ou-le-blockbuster-gauchiste-supreme">chose rare dans l’industrie hollywoodienne</a>.</p>
<p>Pour le moment, en effet, les antagonistes sont des militaires et des industriels véreux. Qu’en sera-t-il lorsque des terriens, aux intentions moins belliqueuses, arriveront sur Pandora en quête d’un refuge ? Le film osera-t-il présenter l’ensemble de l’humanité sous un jour négatif ?</p>
<p>Les réflexions éthiques, écologiques et politiques autour de la colonisation spatiale sont d’actualité ; les suites d’<em>Avatar</em>, sur ce sujet, promettent d’être intéressantes. Elles ne manqueront pas également d’exposer de nouveaux liens aux angoisses et espoirs écologiques de notre temps, et ouvriront de nouvelles pistes de réflexion pour l’analyse de ce qui s’impose d’ores et déjà comme une franchise de l’anthropocène.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/197126/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Gatien Gambin ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>
Les Na’vis entretiennent un rapport d’humilité face à la faune et la flore qui les entourent.
Gatien Gambin, Doctorant en Études Culturelles et Littérature Comparée, Université de Lorraine
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/193489
2022-11-14T14:35:33Z
2022-11-14T14:35:33Z
Notre Lune s’est lentement éloignée de la Terre au cours des dernières 2,5 milliards d’années
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/492340/original/file-20221028-37683-77t9x6.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&rect=56%2C56%2C7477%2C5218&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">La lune s'éloigne actuellement de 3,8 cm de la Terre chaque année.</span> <span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span></figcaption></figure><p>En regardant la Lune dans le ciel nocturne, on n’imaginerait jamais qu’elle s’éloigne lentement de la Terre. Mais c’est bien le cas. En effet, en 1969, les missions Apollo de la NASA ont installé des panneaux réfléchissants sur la Lune. Ceux-ci ont montré que la Lune <a href="https://eclipse.gsfc.nasa.gov/SEhelp/ApolloLaser.html">s’éloigne actuellement de 3,8 cm de la Terre chaque année</a>.</p>
<p>Si l’on considère son taux de recul actuel et qu’on le projette dans le passé, on aboutit à une <a href="https://doi.org/10.1038/320600a0">collision entre la Terre et la Lune il y a environ 1,5 milliard d’années</a>. Cependant, elle s’est formée <a href="https://doi.org/10.1126/sciadv.1602365">il y a environ 4,5 milliards d’années</a>, ce qui signifie que le taux d’éloignement actuel est un mauvais indicateur du passé.</p>
<p>Avec nos collègues chercheurs de l’<a href="https://www.uu.nl/staff/FJHilgen">Université d’Utrecht</a> et de l’<a href="https://www.researchgate.net/profile/Maria-Ovtcharova">Université de Genève</a>, nous avons utilisé une combinaison de techniques pour tenter d’obtenir des informations sur le passé lointain de notre système solaire.</p>
<p>Nous avons récemment découvert l’endroit idéal pour reconstituer l’histoire à long terme de l’éloignement de notre Lune. Et ce <a href="https://doi.org/10.1073/pnas.2117146119">n’est pas en étudiant la Lune elle-même, mais en lisant des signaux dans les anciennes couches de roches sur Terre</a>.</p>
<h2>Lire entre les couches</h2>
<p>Dans le magnifique <a href="https://exploreparks.dbca.wa.gov.au/park/karijini-national-park">parc national de Karijini</a>, dans l’ouest de l’Australie, des gorges (ou canyons) traversent des sédiments qui se présentent sous forme de couches cycliques, vieilles de 2,5 milliards d’années. Ces sédiments sont des formations de fer rubané. Elles sont composées de couches distinctives de <a href="https://doi.org/10.2113/gsecongeo.75.2.184">minéraux riches en fer et en silice</a> qui se sont autrefois déposées sur le fond des océans et que l’on retrouve aujourd’hui sur les parties les plus anciennes de la croûte terrestre.</p>
<p>Les falaises à <a href="https://www.world-of-waterfalls.com/waterfalls/australia-joffre-falls/">Joffre Falls</a> montrent des couches de formation ferreuse brun rougeâtre d’un peu moins d’un mètre d’épaisseur qui sont alternées, à intervalles réguliers, par des horizons plus sombres et plus minces.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/485705/original/file-20220920-3514-vbn9ui.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Roches rougeâtres à texture et couleurs stratifiées" src="https://images.theconversation.com/files/485705/original/file-20220920-3514-vbn9ui.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/485705/original/file-20220920-3514-vbn9ui.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/485705/original/file-20220920-3514-vbn9ui.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/485705/original/file-20220920-3514-vbn9ui.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/485705/original/file-20220920-3514-vbn9ui.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/485705/original/file-20220920-3514-vbn9ui.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/485705/original/file-20220920-3514-vbn9ui.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">La gorge de Joffre dans le parc national de Karijini, en Australie occidentale, qui présente des alternances régulières entre une roche plus dure, de couleur rouge-brun, et une roche plus tendre, riche en argile (indiquée par les flèches), sur une épaisseur moyenne de 85 cm. Ces alternances sont attribuées aux changements climatiques passés induits par les variations de l’excentricité de l’orbite terrestre.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Frits Hilgen)</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
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<p>Les intervalles plus sombres sont composés d’un type de roche plus mou et plus sensible à l’érosion. Un examen plus attentif des affleurements révèle la présence d’une variation plus régulière et à plus petite échelle. Les surfaces rocheuses, qui ont été polies par l’eau de la rivière saisonnière qui traverse la gorge, révèlent un motif de couches alternées blanches, rougeâtres et gris bleuté.</p>
<p>En 1972, le géologue australien A.F. Trendall a soulevé la question de <a href="https://doi.org/10.1080/00167617208728798">l’origine des différentes échelles de motifs cycliques et récurrents visibles dans ces anciennes couches de roches</a>. Il a suggéré que ces modèles pourraient être liés aux variations climatiques passées, induites par les « cycles de Milankovitch ».</p>
<h2>Changements climatiques cycliques</h2>
<p>Les cycles de Milankovitch <a href="https://climate.nasa.gov/news/2948/milankovitch-orbital-cycles-and-their-role-in-earths-climate/">décrivent comment de petits changements périodiques dans la forme de l’orbite de la Terre et l’orientation de son axe influencent la distribution de la lumière solaire reçue par la Terre</a> au fil des années.</p>
<p>Actuellement, les cycles dominants de Milankovitch changent tous les 400 000 ans, 100 000 ans, 41 000 ans et 21 000 ans. Ces variations exercent un grand contrôle sur notre climat sur de longues périodes.</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/485706/original/file-20220920-13972-30ukow.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/485706/original/file-20220920-13972-30ukow.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/485706/original/file-20220920-13972-30ukow.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=880&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/485706/original/file-20220920-13972-30ukow.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=880&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/485706/original/file-20220920-13972-30ukow.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=880&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/485706/original/file-20220920-13972-30ukow.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1106&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/485706/original/file-20220920-13972-30ukow.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1106&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/485706/original/file-20220920-13972-30ukow.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1106&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Alternance rythmique de couches de roches blanches, rougeâtres et/ou gris bleutés d’une épaisseur moyenne d’environ 10 cm (voir flèches). Ces alternances, interprétées comme un signal du cycle de précession de la Terre, nous aident à estimer la distance entre la Terre et la Lune il y a 2,46 milliards d’années.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Frits Hilgen)</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Les exemples clés de l’influence du forçage climatique de Milankovitch dans le passé sont l’apparition de périodes de <a href="https://doi.org/10.1126/science.194.4270.1121">froid extrême</a> ou de <a href="https://doi.org/10.1016/j.epsl.2010.09.004">périodes chaudes</a>, ainsi que des conditions climatiques régionales <a href="https://doi.org/10.1038/304046a0">plus humides</a> ou plus sèches.</p>
<p>Ces changements climatiques ont considérablement modifié les conditions à la surface de la Terre, notamment la <a href="https://doi.org/10.1016/0031-0182(95)00171-9">taille des lacs</a>. Ils expliquent le <a href="https://doi.org/10.1126/science.270.5233.53">verdissement périodique du désert saharien</a> et les <a href="https://doi.org/10.1038/321739a0">faibles niveaux d’oxygène dans les profondeurs de l’océan</a>. Les cycles de Milankovitch ont également influencé la <a href="https://doi.org/10.1038/nature05163">migration et l’évolution de la flore et de la faune</a>, y compris celles notre <a href="https://doi.org/10.1371/journal.pone.0076514">propre espèce</a>.</p>
<p>Les signatures de ces changements peuvent être lues à travers les <a href="https://doi.org/10.1127/0078-0421/2006/0042-0075">changements cycliques dans les roches sédimentaires</a>.</p>
<h2>Oscillations enregistrées</h2>
<p>La distance entre la Terre et la Lune est directement liée à la fréquence de l’un des cycles de Milankovitch – le <a href="https://doi.org/10.1051/0004-6361:20041335">cycle de précession climatique</a>. Ce cycle résulte du mouvement de précession (wobble) ou du changement d’orientation de l’axe de rotation de la Terre au fil du temps. Ce cycle a actuellement une durée de ~21 000 ans, mais cette période aurait été plus courte dans le passé lorsque la Lune était plus proche de la Terre.</p>
<p>Cela signifie que si nous pouvons d’abord trouver des cycles de Milankovitch dans les sédiments anciens, puis trouver un signal de l’oscillation de la Terre et établir sa période, nous pouvons estimer la distance entre la Terre et la Lune à l’époque où les sédiments ont été déposés.</p>
<p>Nos recherches précédentes ont montré <a href="https://doi.org/10.1038/s41561-019-0332-8">que les cycles de Milankovitch peuvent être préservés dans une ancienne formation de fer rubanée en Afrique du Sud</a>, ce qui confirme la théorie de Trendall.</p>
<p>Les formations de fer rubané d’Australie ont probablement été <a href="https://doi.org/10.1016/S0301-9268(99)00031-5">déposées dans le même océan</a> que les roches d’Afrique du Sud, il y a environ 2,5 milliards d’années. Cependant, les variations cycliques dans les roches australiennes sont mieux exposées, ce qui nous permet d’étudier les variations à une résolution beaucoup plus élevée.</p>
<p>Notre analyse de la formation de fer rubané australienne a montré que les roches contiennent de multiples échelles de variations cycliques qui se répètent approximativement à des intervalles de 10 et 85 cm. En combinant ces épaisseurs avec la vitesse à laquelle les sédiments se sont déposés, nous avons constaté que ces variations cycliques se produisaient environ tous les 11 000 ans et 100 000 ans.</p>
<p>Par conséquent, notre analyse suggère que le cycle de 11 000 ans observé dans les roches est probablement lié au cycle de précession climatique, dont la période est beaucoup plus courte que les ~21 000 ans actuels. Nous avons ensuite utilisé ce signal de précession pour <a href="https://doi.org/10.1073/pnas.2117146119">calculer la distance entre la Terre et la Lune il y a 2,46 milliards d’années</a>.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Une image de la Terre et de sa lune vue de l’espace" src="https://images.theconversation.com/files/487171/original/file-20220928-20-4fvgf1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=67%2C85%2C3777%2C1888&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/487171/original/file-20220928-20-4fvgf1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=300&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/487171/original/file-20220928-20-4fvgf1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=300&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/487171/original/file-20220928-20-4fvgf1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=300&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/487171/original/file-20220928-20-4fvgf1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=377&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/487171/original/file-20220928-20-4fvgf1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=377&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/487171/original/file-20220928-20-4fvgf1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=377&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Nous avons découvert que la Lune était environ 60 000 kilomètres plus près de la Terre il y a 2,46 milliards d’années.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span>
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</figure>
<p>Nous avons constaté que la Lune était alors plus proche de la Terre d’environ 60 000 kilomètres (ce qui représente environ 1,5 fois la circonférence de la Terre). Cette distance a une forte influence sur la vitesse de rotation de la Terre et donc sur la longueur des jours. La durée d’une journée était donc beaucoup plus courte qu’aujourd’hui, avec des journées d’environ 17 heures au lieu des 24 heures actuelles.</p>
<h2>Comprendre la dynamique du système solaire</h2>
<p>La recherche en astronomie a fourni des modèles pour la <a href="https://doi.org/10.1016/0019-1035(77)90101-4">formation de notre système solaire</a>, et des <a href="https://www.fourmilab.ch/cgi-bin/Solar/action?sys=-Sf">observations des conditions actuelles</a>.</p>
<p>Notre étude ainsi que <a href="https://doi.org/10.1073/pnas.1717689115">certaines recherches menées par d’autres</a> représentent l’une des seules méthodes permettant d’obtenir des données réelles sur l’évolution de notre système solaire, et seront cruciales pour les <a href="https://doi.org/10.1051/0004-6361/202243445">futurs modèles du système Terre-Lune</a>.</p>
<p>Il est assez étonnant que la dynamique passée du système solaire puisse être déterminée à partir de petites variations dans d’anciennes roches sédimentaires. Cependant, bien que précieuse, cette information sur la distance entre la planète Terre et la Lune à un seul moment donné dans le passé n’est pas suffisante pour comprendre pleinement l’évolution de ce système.</p>
<p>Nous avons maintenant besoin d’autres données fiables et de nouvelles approches de modélisation pour retracer l’évolution de la Lune à travers le temps. Notre équipe de recherche a déjà commencé la chasse à la prochaine série de roches qui pourront nous aider à découvrir d’autres indices sur l’histoire du système solaire.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/193489/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Joshua Davies a reçu des financements du CSRNG et du FRQNT. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Margriet Lantink a reçu des financements du Conseil néerlandais de la recherche (NWO), de la Fondation Dr. Schürmann et de la Fondation Heising-Simons.</span></em></p>
En regardant la lune dans le ciel nocturne, on n’imaginerait jamais qu’elle s’éloigne lentement de la Terre. Mais dans les faits, elle s’éloigne actuellement de 3,8 cm de la terre chaque année.
Joshua Davies, Professeur , Sciences de la Terre et de l'atmosphère, Université du Québec à Montréal (UQAM)
Margriet Lantink, Postdoctoral Research Associate, Department of Geoscience, University of Wisconsin-Madison
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/192798
2022-11-07T19:54:19Z
2022-11-07T19:54:19Z
Pourquoi les scientifiques veulent retourner sur la Lune ?
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/490624/original/file-20221019-13-fcrxcp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=30%2C20%2C6679%2C4446&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">La Lune reste mystérieuse, scientifiquement, malgré des décennies de missions spatiales.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://images-assets.nasa.gov/image/KSC-20220614-PH-JBS01_0332/KSC-20220614-PH-JBS01_0332~orig.jpg">NASA/Ben Smegelsky</a></span></figcaption></figure><p>Les reports successifs du lancement de la mission Artemis I de la NASA mettent au premier plan les défis techniques et technologiques liés à un retour des humains sur la Lune et aux multiples étapes pour y parvenir.</p>
<p>Au-delà de ces difficultés et des enjeux politiques d’une reconquête de la surface lunaire, les récentes publications des premiers résultats obtenus sur les échantillons de notre satellite naturel rapportés par la mission chinoise Chang’e-5 rappellent que des avancées scientifiques majeures sont attendues concernant l’origine de la Lune et son évolution géologique.</p>
<h2>La mission chinoise Chang’e-5</h2>
<p>Le site d’alunissage de Chang’e-5, atteint le 1<sup>er</sup> décembre 2020, a permis un échantillonnage de la surface de Lune au nord de <em>Oceanus Procellarum</em>, l’« Océan des Tempêtes ». Cette zone est une mare lunaire, c’est-à-dire une tache sombre à la surface de la Lune couverte de basaltes, située à l’ouest de la face visible. Elle est le témoin d’une activité volcanique tardive et est donc susceptible d’apporter des informations importantes sur les derniers stades d’évolution de la Lune.</p>
<p>L’échantillonnage réalisé par Chang’e-5 est essentiellement constitué de particules fines du sol lunaire, le « régolithe », et de quelques clastes basaltiques, des petits morceaux de laves partiellement cristallisées. L’analyse détaillée de ces échantillons permet aujourd’hui d’améliorer nos connaissances de la géologie lunaire.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/490627/original/file-20221019-26-l753f7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Vue du sol lunaire" src="https://images.theconversation.com/files/490627/original/file-20221019-26-l753f7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/490627/original/file-20221019-26-l753f7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=318&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/490627/original/file-20221019-26-l753f7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=318&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/490627/original/file-20221019-26-l753f7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=318&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/490627/original/file-20221019-26-l753f7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=399&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/490627/original/file-20221019-26-l753f7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=399&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/490627/original/file-20221019-26-l753f7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=399&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Le panorama vu par Hires, de Chang’e-5, la dernière mission chinoise.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/rikyunreal/50671983171">Riccardo Rossi/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-sa/4.0/">CC BY-NC-SA</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Les clastes de basaltes lunaires rapportés par Chang’e-5 ont été datés à <a href="https://www.nature.com/articles/s41586-021-04100-2">environ 2 milliards d’années</a>. Ce sont les basaltes les plus récents rapatriés sur Terre : ils sont plus jeunes d’environ 800-900 millions d’années que ceux des précédentes missions lunaires.</p>
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<p>Ces âges nouvellement obtenus permettent de proposer une <a href="https://www.nature.com/articles/s41550-022-01604-3">nouvelle chronologie de la surface de la Lune</a>, basée sur le lien entre l’âge des roches et la densité de cratères dans la zone d’échantillonnage. Cette méthode, qui est simplement basée sur le concept qu’une surface planétaire plus ancienne a été plus abondamment impactée, prend pour référence les données lunaires et est appliquée plus largement pour la datation des surfaces des planètes terrestres du système solaire, comme Mars et Mercure.</p>
<h2>L’histoire de la Lune et son contenu en eau</h2>
<p>Ces échantillons ramenés par Chang’e-5 révèlent aussi des informations importantes sur l’intérieur de la Lune.</p>
<p>En effet, la région de <em>Oceanus Procellarum</em> est reconnue comme étant enrichie en potassium, terres rares et phosphore, ou « KREEP », en référence aux éléments qu’il contient en plus forte abondance que les autres roches lunaires. Cet enrichissement en éléments dits « incompatibles » car ils ne veulent pas entrer dans les cristaux formés au cours du refroidissement est l’héritage de l’époque où la Lune était un océan de magma, un état primitif de notre satellite, qui était complètement fondu après son accrétion.</p>
<p>Cependant, les basaltes récoltés par Chang’e-5 dans cette région ne contiennent que peu de ces éléments chimiques. Cela implique que le « KREEP » n’est pas nécessaire au processus de fusion tardive de l’intérieur de la Lune (ce que l’on pensait jusqu’à présent). La Lune aurait plutôt subi un <a href="https://www.nature.com/articles/s41586-021-04119-5">refroidissement prolongé, qui a permis une activité magmatique relativement récente</a>.</p>
<p>Enfin, les analyses précises de certains minéraux, des apatites, dans les roches de Chang’e-5 ont aussi <a href="https://www.nature.com/articles/s41467-022-30807-5">révélé la présence de quantité non négligeable d’eau sous forme d’ions hydroxyle OH⁻</a>. Ceci corrobore les <a href="https://www.nature.com/articles/nature07047">résultats</a> de <a href="https://www.science.org/doi/full/10.1126/science.1204626">nouvelles analyses</a> des échantillons collectés par les missions Apollo par des chercheurs américains, alors qu’auparavant, la Lune était considérée comme complètement « sèche ».</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/a-qui-appartiennent-mars-la-lune-et-leurs-ressources-naturelles-141406">À qui appartiennent Mars, la Lune et leurs ressources naturelles ?</a>
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<h2>Artemis III et l’exploration du pôle sud</h2>
<p>La mission Artemis III de la NASA, prévue en 2025, sera la première mission avec équipage à destination de la surface de la Lune depuis la mission Apollo 17 en 1972. Elle vise à atteindre le pôle sud et une <a href="https://www.nasa.gov/press-release/nasa-identifies-candidate-regions-for-landing-next-americans-on-moon/">série de sites potentiels a déjà été identifiée</a>.</p>
<p>Les objectifs scientifiques en lien avec la géologie de la Lune sont focalisés sur la compréhension des processus d’impact et sur les dépôts et l’origine d’<a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Substance_volatile">éléments « volatils »</a> aux pôles, et notamment de l’eau sous forme de glace. Ces régions contiennent des zones qui ne sont jamais exposées au soleil et peuvent donc agir comme des pièges froids pour le dépôt de volatiles, émis par exemple lors d’une éruption volcanique à la surface de la Lune.</p>
<h2>Et l’Europe ?</h2>
<p>L’agence spatiale européenne a aussi des ambitions lunaires à travers des collaborations avec les autres agences spatiales et ses propres initiatives. Le <a href="https://exploration.esa.int/web/moon/-/60127-in-situ-resource-utilisation-demonstration-mission">programme d’utilisation de ressources <em>in situ</em> ISRU</a> a pour objectif d’extraire et utiliser les ressources naturelles disponibles à la surface de la Lune, notamment dans un but de construction d’une base lunaire et de production de certaines ressources comme de l’eau.</p>
<p>Dans un premier temps, il s’agira de prouver que la production d’eau, d’oxygène ou encore d’hydrogène sur la Lune est possible. Les applications viseraient évidemment à <a href="https://www.esa.int/Enabling_Support/Preparing_for_the_Future/Discovery_and_Preparation/Space_technology_for_life_on_Earth">maintenir la vie sur la Lune au sein de bases-vie, ainsi que de produire du carburant pour la propulsion de navettes</a>.</p>
<p>Toutes ces questions scientifiques et les défis technologiques nécessaires pour y parvenir sont aujourd’hui des moteurs de la recherche. Les programmes des agences spatiales sont des sources d’inspiration pour une jeune génération. Ces développements pourraient aussi trouver des <a href="https://www.esa.int/Enabling_Support/Preparing_for_the_Future/Discovery_and_Preparation/Space_technology_for_life_on_Earth">applications concrètes sur Terre</a>, notamment dans l’extraction de ressources, la robotique, les systèmes de communication ou encore bien d’autres applications comme la prédiction des risques, le monitoring de la pollution terrestre et le développement de techniques de livraison autonome.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/192798/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Bernard Charlier est Chercheur Qualifié au Fonds de la Recherche Scientifique – FNRS. Ses recherches sont financées par le FNRS et l'European Space Agency.
</span></em></p>
On ne sait pas encore tout de notre satellite – loin s’en faut ! Voici ce que nous apprennent les missions actuelles et à venir.
Bernard Charlier, Associate research scientist and Associate Professor, Université de Liège
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.