tag:theconversation.com,2011:/ca-fr/topics/medicaments-21224/articlesmédicaments – La Conversation2024-03-05T15:59:53Ztag:theconversation.com,2011:article/2238972024-03-05T15:59:53Z2024-03-05T15:59:53ZComment les antibiotiques fonctionnent-ils ?
<p><em>Chaque semaine, nos scientifiques répondent à vos questions.</em></p>
<p><em><a href="https://docs.google.com/forms/d/e/1FAIpQLSdior67a7Z5bsoJKoMtltxJ-q9EUW1WneDbrNIWpNZUMJsxkA/viewform">N'hésitez pas à nous écrire</a> pour poser la vôtre et nous trouverons la meilleure personne pour vous répondre.</em></p>
<p><em>Et bien sûr, les questions bêtes, ça n'existe pas !</em></p>
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<p>Partout sur Terre vivent de minuscules créatures invisibles à l’œil nu : les bactéries. Elles sont 100 fois plus petites qu’un millimètre et ne comptent qu’une seule cellule. On les trouve en grand nombre sur et dans notre corps. La plupart d’entre elles ne nous font pas de mal et nous donnent même un coup de main. Par exemple, elles digèrent certains composants alimentaires que nous ne pouvons pas digérer nous-mêmes, comme les fibres des fruits et des légumes.</p>
<p>Mais très occasionnellement, des bactéries plus dangereuses croisent notre chemin. Et celles-ci n’ont qu’un seul but : utiliser nos cellules, le plus petit élément de notre corps, pour se multiplier. C’est alors qu’elles nous rendent malades.</p>
<p>Normalement, notre corps est assez fort pour faire face à un tel intrus indésirable. Nous disposons d’un <a href="https://www.cea.fr/comprendre/Pages/sante-sciences-du-vivant/essentiel-sur-systeme-immunitaire.aspx">système immunitaire</a> composé de soldats puissants qu’on appelle les globules blancs, dotés d’un arsenal d’armes chimiques. Ils reconnaissent l’envahisseur et le détruisent. Ils trouvent facilement leurs cibles grâce à des anticorps qui marquent l’intrus comme un post-it moléculaire. Et pourtant, parfois, même ces armes ne parviennent pas à tuer la bactérie !</p>
<p>Heureusement, les médecins disposent d’un outil spécial pour donner un coup de pouce à notre corps : les antibiotiques. Ce mot signifie littéralement contre (« anti ») et organisme vivant (« biote »). Les antibiotiques sont des substances chimiques spéciales qui se présentent sous de nombreuses formes. Nous avons découvert la plupart d’entre eux en étudiant l’interaction entre des bactéries et d’autres organismes.</p>
<p>C’est comme ça que le médecin écossais <a href="https://www.legiondhonneur.fr/fr/decores/alexander-fleming/724">Alexander Fleming</a> a découvert le premier antibiotique en 1928. Il est parti pour deux semaines de vacances, en oubliant une plaque de bactéries dans son laboratoire. À son retour, il constate qu’un champignon s’est développé sur la plaque. Mais autour de ce champignon, aucune trace de bactéries ! Ce champignon produisait donc une substance qui stoppe la croissance des bactéries. Ce champignon porte le nom de <em>Penicillium</em>, le nom du premier antibiotique était donc tout trouvé : la pénicilline.</p>
<p>Depuis, un <a href="https://www.sante.fr/les-antibiotiques-0">grand nombre d’antibiotiques différents a été découvert</a>. Les scientifiques les classent principalement en deux groupes. Ceux qui tuent les bactéries ou ceux qui les empêchent de se multiplier, ce qui permet à notre système immunitaire de gagner plus facilement la bataille.</p>
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<p><em>Pour satisfaire votre curiosité :</em></p>
<p><em>- <a href="https://theconversation.com/comment-un-bebe-peut-il-apprendre-deux-langues-en-meme-temps-225929">Comment un bébé peut-il apprendre deux langues en même temps ?</a></em></p>
<p><em>- <a href="https://theconversation.com/pourquoi-la-biere-mousse-t-elle-moins-quand-on-penche-le-verre-223691">Pourquoi la bière mousse-t-elle moins quand on penche le verre ?</a></em></p>
<p><em>- <a href="https://theconversation.com/pourquoi-a-t-on-des-courbatures-apres-une-seance-de-sport-221643">Pourquoi a-t-on des courbatures après une séance de sport ?</a></em></p>
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<p>Les antibiotiques agissent sur des molécules ou des structures uniques aux bactéries et qui n’existent pas chez l’humain. C’est pour cela que les antibiotiques sont aussi efficaces et qu’ils ne rentrent que très peu en conflit avec les cellules du corps humain.</p>
<p>Les bactéries ont une paroi cellulaire qui est construite par des protéines spéciales qui travaillent ensemble, comme dans une petite usine. Chaque protéine a sa tâche, et si l’une d’entre elles manque, les choses tournent mal pour la bactérie. Un grand nombre d’antibiotiques comme la <a href="https://pharmacomedicale.org/medicaments/par-specialites/item/beta-lactamines-penicillines-cephalosporines">pénicilline cible donc certaines de ces protéines et empêche la production et l’intégrité de la paroi cellulaire</a>. Cela crée des trous et la bactérie meurt.</p>
<p>D’autres antibiotiques empêchent la duplication du plan de construction d’une nouvelle bactérie. En l’absence d’un tel plan, une bactérie ne peut pas se développer. Un exemple est la <a href="https://pharmacomedicale.org/medicaments/par-specialites/item/quinolones">classe des quinolones</a> dont la ciprofloxacine fait partie, qui sont des antibiotiques efficaces contre les infections de la vessie, de la peau ou des oreilles.</p>
<p>Si on a un rhume ou une grippe, il faut savoir que ces maladies sont causées par des envahisseurs encore plus petits que l’on appelle des virus. <a href="https://www.ameli.fr/assure/sante/medicaments/comprendre-les-differents-medicaments/antibiotiques-antiviraux">Et les antibiotiques ne peuvent rien contre eux</a>) car ils ne contiennent pas leurs cibles. Dans ce cas, il ne reste qu’à être patient.</p>
<p>Bien que les antibiotiques permettent de se débarrasser de toute une série de bactéries hostiles, certaines d’entre elles ont trouvé des moyens d’y échapper ou de les éliminer. Par exemple, en mettant au point de petites pompes qui éliminent directement les antibiotiques ! <a href="https://sante.gouv.fr/prevention-en-sante/les-antibiotiques-des-medicaments-essentiels-a-preserver/des-antibiotiques-a-l-antibioresistance/article/l-antibioresistance-pourquoi-est-ce-si-grave">On parle de résistance aux antibiotiques</a>, un problème qui est exacerbé, entre autres, par une mauvaise utilisation ou surutilisation des antibiotiques.</p>
<p><a href="https://www.consilium.europa.eu/fr/infographics/antimicrobial-resistance/">Il est estimé qu’en Europe, environ 35 000 personnes meurent chaque année d’infections résistantes aux antibiotiques</a>. Heureusement, pour l’instant, nous disposons de tout un arsenal divers et varié qui permet de se débarrasser de ces envahisseurs, dans la plupart des cas. Néanmoins, les médecins recommandent fortement qu’il va falloir être plus prudent dans notre utilisation des antibiotiques afin d’éviter que les bactéries ne deviennent résistantes à tout type d’antibiotique à l’avenir.</p>
<p>Les chercheurs continuent à travailler méticuleusement pour avoir toujours une longueur d’avance sur les bactéries. Quoi qu’il en soit, il faut reconnaître que ces créatures invisibles sont capables de beaucoup !</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/223897/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Pieter Vancamp ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>« Les antibiotiques c’est pas automatique », mais ce sont des médicaments très efficaces contre les bactéries.Pieter Vancamp, Post-doctorant, neurobiologiste et spécialiste en physiologie, InraeLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2200042024-01-15T15:22:20Z2024-01-15T15:22:20ZLa pilule contraceptive a aussi un effet sur le cerveau et la régulation des émotions<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/567188/original/file-20231221-19-oxth15.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=2%2C0%2C988%2C667&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Comme les hormones naturelles, dites endogènes, les hormones artificielles contenues dans la pilule, dites exogènes, peuvent accéder au cerveau.</span> <span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span></figcaption></figure><p>Les contraceptifs oraux, aussi appelés pilules contraceptives, sont <a href="https://doi.org/10.18356/1bd58a10-en">utilisés par plus de 150 millions de femmes à travers le monde</a>. Environ un tiers des adolescentes en <a href="https://www150.statcan.gc.ca/n1/en/pub/82-003-x/2015010/article/14222-eng.pdf">Amérique du Nord</a> et en <a href="https://doi.org/10.1001/jamapsychiatry.2016.2387">Europe</a> les utilisent, ce qui en fait le médicament le plus prescrit aux adolescentes.</p>
<p>Il est bien connu que les contraceptifs oraux ont le pouvoir de modifier le cycle menstruel des femmes. Mais ce qu’on sait peut-être moins, c’est qu’ils ont aussi accès au cerveau, notamment dans les régions importantes pour la régulation des émotions.</p>
<p>En tant qu’étudiante au doctorat et professeure en psychologie à l’UQAM, nous nous sommes intéressées à l’influence des contraceptifs oraux sur les régions cérébrales impliquées dans les processus émotionnels. Nous avons publié nos <a href="https://doi.org/10.3389/fendo.2023.1228504">résultats dans le journal scientifique <em>Frontiers in Endocrinology</em></a>.</p>
<h2>La pilule, comment ça fonctionne ?</h2>
<p>Il existe plusieurs méthodes de contraception hormonale, mais le type le plus courant en Amérique du Nord est la pilule contraceptive, plus spécifiquement les <a href="https://doi.org/10.1016/j.yfrne.2022.101040">contraceptifs oraux combinés</a> (COC). Ils sont constitués de deux hormones artificielles simulant un estrogène (généralement l’éthinyl estradiol) et la progestérone.</p>
<p>Comme les hormones naturelles, dites endogènes, les hormones artificielles contenues dans la pilule, dites exogènes, <a href="https://doi.org/10.1016/j.yfrne.2022.101040">peuvent accéder au cerveau</a>. Elles se lient à des récepteurs dans différentes régions et signalent au cerveau de diminuer la production d’hormones sexuelles endogènes. C’est ce phénomène qui mène à l’arrêt de la cyclicité menstruelle, empêchant l’ovulation.</p>
<p>C’est donc dire que tout au long de l’utilisation des COC, le corps et le cerveau des utilisatrices ne sont pas exposés aux fluctuations d’hormones sexuelles typiquement observées chez les femmes naturellement cyclées.</p>
<h2>Les effets cérébraux de la pilule : les neurosciences à la rescousse !</h2>
<p>Lorsqu’elles commencent la prise de COC, les adolescentes et les femmes sont informées de divers effets secondaires, principalement physiques (nausées, maux de tête, variations de poids, sensibilité à la poitrine). Pourtant, il n’est généralement pas abordé que les hormones sexuelles accèdent au cerveau, notamment dans les régions importantes pour la régulation des émotions.</p>
<p>Des études ont d’ailleurs associé l’utilisation de COC à de <a href="https://doi.org/10.1016/j.psyneuen.2018.02.019">moins bonnes performances de régulation émotionnelle</a> et à un <a href="https://doi.org/10.1001/jamapsychiatry.2016.2387">risque plus élevé de développer des psychopathologies</a>.</p>
<p>De plus, les femmes sont plus susceptibles que les hommes de souffrir de <a href="https://doi.org/10.1016/j.jpsychires.2011.03.006">troubles liés à l’anxiété et au stress chronique</a>. L’utilisation des COC étant très répandue, il importe de mieux comprendre leurs effets sur l’anatomie des régions du cerveau qui sous-tendent la régulation émotionnelle.</p>
<p>Nous avons ainsi conduit une étude ayant pour objectif d’examiner les effets des COC sur l’anatomie des régions cérébrales impliquées dans les processus émotionnels. Nous nous sommes intéressées aux effets liés à leur utilisation actuelle, mais aussi aux effets possiblement durables, à savoir si les COC pouvaient affecter l’anatomie du cerveau – même après avoir cessé leur utilisation.</p>
<p>Pour ce faire, nous avons recruté quatre profils d’individus en santé, soit des femmes qui utilisent actuellement des COC, des femmes qui ont utilisé des COC dans le passé, des femmes qui n’ont jamais utilisé quelconque méthode de contraception hormonale et des hommes.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/567191/original/file-20231221-24-r2t5pd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="imagerie résonance magnétique" src="https://images.theconversation.com/files/567191/original/file-20231221-24-r2t5pd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/567191/original/file-20231221-24-r2t5pd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/567191/original/file-20231221-24-r2t5pd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/567191/original/file-20231221-24-r2t5pd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/567191/original/file-20231221-24-r2t5pd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/567191/original/file-20231221-24-r2t5pd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/567191/original/file-20231221-24-r2t5pd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">L’imagerie par résonance magnétique (IRM) permet de faire l’analyse de la morphologie de certaines régions du cerveau.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>À l’aide de l’imagerie cérébrale, nous avons trouvé que seules les femmes qui utilisent actuellement des COC présentaient un cortex préfrontal ventromédian légèrement plus mince que les hommes. Cette partie du cerveau est reconnue comme étant essentielle à la régulation des émotions comme la peur. La littérature scientifique montre que <a href="https://doi.org/10.1073/pnas.0502441102">plus cette région est épaisse, meilleure est la régulation émotionnelle</a>.</p>
<p>De ce fait, les COC pourraient altérer la régulation des émotions chez les femmes. Bien que nous n’ayons pas testé directement le lien entre la morphologie cérébrale et la santé mentale, notre équipe se penche actuellement sur d’autres aspects du cerveau et de la santé mentale, ce qui permettra de mieux comprendre les découvertes anatomiques actuelles.</p>
<h2>Un effet actuel, mais pas durable : une histoire de dose</h2>
<p>Nous avons tenté de mieux comprendre ce qui pourrait expliquer l’effet de l’utilisation actuelle des COC sur cette région du cerveau. Nous avons découvert que cela était associé à la dose d’éthinyl estradiol. En effet, parmi les utilisatrices actuelles de COC, seules celles qui utilisaient un COC à faible dose (10-25 microgrammes), mais pas à dose plus élevée (30-35 microgrammes), étaient associée à un cortex préfrontal ventromédian plus mince.</p>
<p>Cela peut sembler surprenant : une plus faible dose était liée à un effet cérébral…</p>
<p>Sachant que tous les COC réduisent les concentrations d’hormones sexuelles endogènes, nous proposons que les récepteurs à estrogènes de cette région cérébrale pourraient être insuffisamment activés lorsque de faibles niveaux d’estrogène endogène sont combinés à un faible apport en estrogène exogène (éthinyl estradiol).</p>
<p>À l’inverse, des doses plus élevées d’éthinyl estradiol pourraient aider à obtenir une liaison adéquate aux récepteurs à estrogènes dans le cortex préfrontal, simulant ainsi une activité modérée à élevée similaire à celle des femmes ayant un cycle menstruel naturel.</p>
<p>Il est important de noter que cette plus faible épaisseur de matière grise était spécifique à l’utilisation actuelle des COC : les femmes ayant utilisé des COC dans le passé ne présentaient pas d’amincissement comparativement aux hommes. Notre étude soutient donc la réversibilité de l’influence des COC sur l’anatomie cérébrale, notamment sur l’épaisseur du cortex préfrontal ventromédian.</p>
<p>En d’autres termes, l’utilisation de COC pourrait affecter l’anatomie cérébrale, mais de manière réversible.</p>
<h2>Et maintenant ?</h2>
<p>Bien que notre recherche n’ait pas d’orientation clinique directe, elle contribue à faire progresser notre compréhension des effets anatomiques liés à l’utilisation des COC.</p>
<p>Loin de nous l’idée de vouloir que les femmes cessent d’utiliser leur COC : il serait beaucoup trop hâtif et alarmant d’avoir ce genre de discours.</p>
<p>Il importe également de se rappeler que les effets répertoriés dans notre étude semblent réversibles.</p>
<p>Notre objectif est de promouvoir la recherche fondamentale et clinique, mais également d’accroître l’intérêt scientifique en matière de santé de la femme, un domaine encore trop peu étudié.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/220004/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Alexandra Brouillard est membre étudiante du Centre de recherche de l'Institut universitaire en santé mentale de Montréal. Elle détient une bourse d'études doctorales des Instituts de recherche en santé du Canada.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Marie-France Marin est chercheure régulière au Centre de recherche de l'Institut universitaire en santé mentale de Montréal, professeure au département de psychologie de l'Université du Québec à Montréal et professeure associée au département de psychiatrie et d'addictologie de l'Université de Montréal. Elle a été soutenue par une bourse salariale du Fonds de recherche du Québec - Santé (2018-2022) et est actuellement titulaire d'une Chaire de recherche du Canada sur la modulation hormonale des fonctions cognitives et émotionnelles (2022-2027). Le projet dont il est question dans l'article est subventionné par les Instituts de recherche en santé du Canada et a reçu l'appui de fonds de projets pilotes du Centre de recherche de l'Institut universitaire en santé mentale de Montréal et du Réseau de bio-imagerie du Québec. </span></em></p>Les contraceptifs oraux modifient le cycle menstruel ; ce qu’on sait peut-être moins, c’est qu’ils accèdent aussi au cerveau, notamment dans les régions importantes pour la régulation des émotions.Alexandra Brouillard, Doctorante en psychologie, Université du Québec à Montréal (UQAM)Marie-France Marin, Professor, Department of Psychology, Université du Québec à Montréal (UQAM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2175692023-11-14T18:55:31Z2023-11-14T18:55:31ZCommande publique de biens manufacturés : qui recourt le plus aux importations ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/559041/original/file-20231113-27-t6cx95.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=22%2C26%2C965%2C646&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Un pays désindustrialisé est en effet amené à consommer des biens manufacturés importés, que ce soit pour la consommation privée ou publique.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Le_Havre,_premier_port_de_France_pour_le_commerce_ext%C3%A9rieur.jpg">Wikimedia commons/Ville du Havre</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Reléguée pendant longtemps dans la catégorie des concepts dépassés, la <a href="https://theconversation.com/reindustrialiser-mais-pour-quoi-faire-176810">politique industrielle</a> est redevenue centrale, notamment dans les économies avancées qui se sont désindustrialisées. Ce choix d’un retour de la puissance publique dans l’économie, afin d’en modifier la structure de production au profit du secteur manufacturier, découle de la conjonction de trois événements : la prise de conscience de la vulnérabilité des économies avancées à la perturbation des chaînes de production internationales, générant une dépendance à l’égard de fournisseurs lointains ; une volonté plus ou moins affirmée de « dérisquage » (<a href="https://www.ceps.eu/the-eus-aim-to-de-risk-itself-from-china-is-risky-yet-necessary/"><em>de-risking</em></a> vis-à-vis de la Chine, pour reprendre le mot de la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen) ; l’impérieuse nécessité de la <a href="https://theconversation.com/fr/topics/transition-ecologique-66536">transition écologique</a>, qui crée une opportunité de construire un tissu industriel vert.</p>
<p>Les outils de ces nouvelles politiques industrielles sont divers. Les avantages fiscaux et subventions sont les plus voyants, au centre notamment de <a href="https://theconversation.com/linflation-reduction-act-americain-un-danger-pour-la-production-automobile-hexagonale-204417">l’<em>Inflation Reduction Act</em></a> (IRA) américain. Ce dernier s’appuie par ailleurs massivement sur des clauses de contenu local, instrument déjà privilégié par l’État fédéral américain pour la commande publique depuis le <a href="https://www.latribune.fr/economie/international/pour-les-achats-publics-biden-veut-aller-encore-plus-loin-sur-le-buy-american-act-889839.html"><em>Buy American Act</em> de 1933</a>, qui établit une préférence pour l’achat de produits nationaux pour les marchés publics fédéraux d’une valeur de plus de 3 000 dollars. De même, le <a href="https://www.fcc.gov/general/american-recovery-and-reinvestment-act-2009">plan de relance de 2009</a> (<em>American Recovery and Re-Investment Act</em>, ARRA) n’ouvrait l’accès à ses fonds qu’aux projets utilisant de l’acier, du fer et des biens manufacturés américains, sauf si la concurrence étrangère présentait un prix inférieur d’au moins 25 %.</p>
<p>Le décalage est important avec l’Union européenne (UE), dont la construction institutionnelle a accordé une large place à la politique de la concurrence au niveau du marché unique et au libre-échange, et n’a pas cherché à donner l’avantage aux producteurs nationaux pour l’attribution des marchés publics.</p>
<p>Ces différences de conception entre les États-Unis et les pays de l’UE se traduisent-elles pour autant par une commande publique s’adressant davantage aux producteurs nationaux outre-Atlantique ? Si le cadre réglementaire de la commande publique est très largement harmonisé en Europe, les pratiques divergent-elles entre pays de l’UE ?</p>
<p>L’échelle européenne reste incontournable pour comprendre les règles nationales qui régissent les contrats de commande publique et d’octroi de marchés publics. Le droit de l’Union pose en effet tant des principes fondamentaux d’égalité de traitement, de non-discrimination et de transparence que de nombreuses règles et procédures.</p>
<h2>Écarts d’ampleur</h2>
<p>La commande publique, qui recouvre les achats de biens, de services et de travaux effectués par les administrations et les entreprises publiques, représente de 10 % à 20 % du PIB des pays membres de l’UE et des États-Unis. Dans une <a href="https://www.cae-eco.fr/la-commande-publique-peut-elle-constituer-un-levier-de-relocalisation-de-lactivite">note</a> du Conseil d’analyse économique (CAE) publiée en 2021, les économistes Claudine Desrieux et Kevin Parra Ramirez estimaient la part des importations dans la commande publique de biens et services en 2014 (date la plus récente à laquelle les <a href="https://www.rug.nl/ggdc/valuechain/wiod/wiod-2016-release">données</a> qui permettent de réaliser ces calculs sont disponibles) autour de 9 % pour la zone euro, 8 % pour l’Italie et la France et 4 % pour les États-Unis.</p>
<p>Les ordres de grandeur changent cependant très significativement quand l’examen, effectué selon la méthodologie exposée en note du graphique suivant, est restreint au périmètre des biens manufacturés.</p>
<p><iframe id="uXrm8" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/uXrm8/7/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>En outre, l’hétérogénéité entre pays est frappante. En 2014, la part des importations est la plus faible aux États-Unis, 19 %, tandis qu’elles sont 2,5 à 3,5 fois plus élevées en Europe, en France tout particulièrement. Ces écarts d’ampleur de part et d’autre de l’Atlantique tiennent en partie aux écarts de taille économique des pays, les plus grands ayant moins besoin de recourir à l’extérieur pour satisfaire leurs besoins, que ce soit pour leur commande publique ou de manière plus générale.</p>
<p>À l’exception de l’Allemagne, on observe de plus un processus continu d’accroissement de la part des importations de produits manufacturés dans la commande publique, notamment en France et en Italie. Mécaniquement, lorsqu’un pays se désindustrialise, il doit davantage recourir aux importations pour satisfaire sa demande de biens manufacturés. Or, entre 2000 et 2014, la part du secteur manufacturier dans le PIB est passée de 14 % à 10 % en France, et de 18 % à 14 % en Italie.</p>
<p>L’Allemagne présente un profil particulier, avec une part qui passe de 40 % en 2000 à plus de 63 % en 2007, puis diminue de façon quasi continue jusqu’à 45 % en 2014. Cette trajectoire pourrait venir de la politique allemande du médicament. En 2002, afin de maîtriser les dépenses de santé, une législation a contraint les pharmacies à vendre des médicaments importés lorsque leur prix était inférieur à certains seuils, pour les médicaments remboursés par l’assurance maladie.</p>
<p>Cette « clause de promotion des importations » a entraîné une hausse immédiate de la part de marché des produits pharmaceutiques importés, avec un pic en 2007. Un moratoire a ensuite été décidé sur le prix des médicaments : en pratique, les prix ont été gelés entre 2006 et 2013, conduisant les prix des médicaments produits en Allemagne à passer sous les seuils qui justifiaient le recours aux importations. La part de ces dernières a dès lors reculé au profit des produits pharmaceutiques allemands.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/les-produits-de-sante-une-filiere-de-poids-dans-les-echanges-internationaux-214276">Les produits de santé : une filière de poids dans les échanges internationaux</a>
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<p>La part plus forte des importations dans la commande publique pourrait refléter celle des <a href="https://theconversation.com/fr/topics/importations-114407">importations</a> dans la <a href="https://theconversation.com/fr/topics/consommation-20873">consommation</a> des ménages. Un pays désindustrialisé est en effet amené à consommer des biens manufacturés importés, que ce soit pour la consommation privée ou publique. Un écart entre la part des importations dans la commande publique et dans la consommation des ménages pourrait à l’inverse refléter des choix de politiques publiques.</p>
<p>Alors qu’aux États-Unis la part des importations dans la commande publique est plus faible que celle dans la consommation des ménages de 10 à 12 points de pourcentage (une différence qui pourrait provenir du <em>Buy American Act</em>), une situation exactement inverse s’observe pour les quatre grands pays de la zone euro. L’écart est particulièrement élevé en France, et se creuse à partir de 2007-2008, atteignant 20 points en 2014.</p>
<h2>Quelles marges de manœuvre ?</h2>
<p>Sans avoir besoin de transformer préalablement les structures de production, il existe ainsi des marges de manœuvre pour réduire la part des importations dans la commande publique et favoriser les secteurs manufacturiers nationaux. Quels seraient les gains pour ces secteurs d’un hypothétique alignement de la part des importations dans la commande publique sur celle dans la consommation des ménages ?</p>
<p>En France, ce sont près de 8 milliards de dollars (environ 0,3 % du PIB de 2022) supplémentaires dont aurait bénéficié le secteur manufacturier national en 2014 si le taux d’importation de biens manufacturés de la commande publique avait été égal à celui de la consommation des ménages. Pour l’Allemagne, l’Espagne et l’Italie, les gains, plus modestes, seraient respectivement, de 2,2, 1,5 et 2,8 milliards de dollars.</p>
<p>Un calcul symétrique peut être effectué pour les États-Unis, en évaluant le montant qui aurait été perdu si la part des importations de biens manufacturés avait été aussi élevée dans la commande publique qu’elle l’était dans la consommation des ménages. Cette perte aurait été de 24,2 milliards de dollars en 2014 – et on peut imaginer qu’il s’agit là d’une estimation basse, car il est vraisemblable que, sans le <em>Buy American Act</em>, la part des importations de biens manufacturés dans la commande publique américaine aurait été supérieure à ce qu’elle est dans la consommation privée, à l’image de ce que l’on observe pour les grandes économies européennes.</p>
<p><iframe id="3bMbz" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/3bMbz/2/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p><iframe id="InLT1" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/InLT1/4/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
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<p><iframe id="rwoqf" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/rwoqf/2/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Un accord autour d’un véritable « Buy European Act » parait difficilement atteignable, car il <a href="http://www.cepii.fr/PDF_PUB/pb/2023/pb2023-40_FR.pdf">remettrait en cause des fondamentaux du droit européen</a>. Cela contraindrait également sans doute l’Union européenne à <a href="http://www.cepii.fr/PDF_PUB/pb/2023/pb2023-40_FR.pdf">renégocier sa participation à l’accord sur les marchés publics de l’OMC</a>. Pour permettre la coexistence de cet accord avec le <em>Buy American Act</em>, les États-Unis ont en effet dû négocier des clauses spécifiques.</p>
<p>Cependant, la protection de certaines activités stratégiques ou de l’environnement ainsi que la préservation de la compétitivité des producteurs locaux constituent autant d’<a href="https://www.lexbase.fr/article-juridique/90641981-citedanslarubriquebmarchespublicsbtitrenbspipeutilexisterunprotectionnismeeuropeenen">arguments mobilisables</a> dans le cadre européen actuel. Le développement de clauses de conditionnalité environnementale – sur le modèle du <a href="https://www.service-public.fr/particuliers/actualites/A16766">nouveau bonus français sur les voitures électriques</a> – apparaît comme une voie prometteuse, en permettant de contourner l’interdiction des clauses de contenu local sans modification significative du droit existant. Une approche similaire pourrait être retenue pour la commande publique. La loi française <a href="https://www.economie.gouv.fr/daj/la-loi-ndeg-2023-973-du-23-octobre-2023-relative-lindustrie-verte-renforce-la-commande-publique">« Industrie verte »</a>, adoptée en octobre 2023, fait un premier pas en ce sens, avec la création d’un label permettant d’intégrer les critères environnementaux dans la commande publique.</p>
<hr>
<p><em>Cet article développe des extraits de Grjebine T. et Héricourt J. (2023), <a href="https://www.cairn.info/l-economie-mondiale-2024%E2%80%939782348080074-page-43.htm">« Les dilemmes d’une réindustrialisation (verte) en économie ouverte »</a>, <a href="https://theconversation.com/economie-mondiale-2024-annee-de-toutes-les-reconfigurations-212268">L’économie mondiale 2024</a> <a href="https://www.collectionreperes.com/l_economie_mondiale_2024-9782348080074">, collection Repères, La Découverte</a>.</em></p>
<hr>
<p><em>Cette contribution à The Conversation France est publiée en lien avec les Jéco 2023 qui se tiennent à Lyon du 14 au 16 novembre 2023. Retrouvez ici le <a href="https://www.journeeseconomie.org/affiche-conference2023">programme complet</a> de l’événement.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/217569/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>De grands écarts apparaissent entre les États-Unis et l’Union européenne, mais également parmi les pays européens.Thomas Grjebine, Économiste, Responsable du programme "Macroéconomie et finance internationales" au CEPII., CEPIIJérôme Héricourt, Professeur d'économie, conseiller scientifique au CEPII, Université d’Evry – Université Paris-SaclayLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2173102023-11-08T20:46:58Z2023-11-08T20:46:58ZPourquoi les médicaments antirhume vasoconstricteurs doivent être retirés du marché<p>L’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) a publié le 22 octobre 2023 un <a href="https://ansm.sante.fr/actualites/en-cas-de-rhume-evitez-les-medicaments-vasoconstricteurs-par-voie-orale">communiqué</a> indiquant que des <a href="https://theconversation.com/fr/topics/infarctus-du-myocarde-63588">infarctus du myocarde</a> et des <a href="https://theconversation.com/fr/topics/accident-vasculaire-cerebral-avc-70361">accidents vasculaires cérébraux</a> (AVC) pouvaient se produire après utilisation de médicaments vasoconstricteurs par voie orale destinés à soulager les symptômes du rhume.</p>
<p>L’ANSM indiquait que le risque était très faible. Mais, dans la mesure où ces événements pouvaient se produire dans le cadre d’une faible exposition, c’est-à-dire même en ne prenant qu’une faible dose et sur une durée limitée, elle en déconseillait l’utilisation. Et ce d’autant plus que ces médicaments ne sont pas indispensables.</p>
<p>Ne faudrait-il pas aller plus loin et retirer du marché tous ces médicaments vasoconstricteurs contre le rhume ? Pourquoi prendre un risque sanitaire majeur, même s’il est rare, pour un simple « nez bouché » ?</p>
<h2>Des médicaments disponibles en pharmacie sans ordonnance</h2>
<p>Les médicaments concernés sont majoritairement administrés par voie orale (comprimés ou gélules). Ils associent souvent un vasoconstricteur qui vise à désencombrer le nez (la pseudoéphédrine) à un antalgique destiné à soulager la douleur et l’inconfort (paracétamol, ibuprofène) et/ou à un antihistaminique qui est un antiallergique (doxylamine, chlorphénamine, diphénhydramine, triprolidine). Parmi les spécialités pharmaceutiques désormais « à éviter » selon les recommandations de l’ANSM, figurent les médicaments mentionnés ci-dessous.</p>
<p>À noter qu’ils sont disponibles en pharmacie sans ordonnance, ce qui laisse libre cours à une utilisation inappropriée.</p>
<p><iframe id="lW6IH" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/lW6IH/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<h2>Le rhume guérit spontanément en 7 à 10 jours</h2>
<p>En pratique, des gestes simples aident à soulager l’inconfort lié aux symptômes du rhume, sachant qu’il guérit spontanément, sans traitement donc, en 7 à 10 jours :</p>
<ul>
<li><p>Humidifier les fosses nasales avec des solutions de lavage : sérum physiologique, eau de mer…</p></li>
<li><p>Boire suffisamment ;</p></li>
<li><p>Dormir la tête surélevée ;</p></li>
<li><p>Maintenir une atmosphère fraîche (18-20 °C) et aérer régulièrement les pièces.</p></li>
</ul>
<h2>Des décennies d’alertes sur les effets cardiovasculaires de la pseudoéphédrine</h2>
<p>L’« insécurité thérapeutique » concernant le vasoconstricteur pseudoéphédrine est connue depuis longtemps. Les effets cardiovasculaires de cette molécule ont été décrits <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC5164759/pdf/indmedgaz72126-0038.pdf">dès 1929</a>. Les risques toxiques liés à son administration ont été mis en lumière en <a href="https://journals.sagepub.com/doi/abs/10.3181/00379727-118-29937">1965</a> et <a href="https://www.annemergmed.com/article/S0196-0644(81)80178-3/pdf">précisés une quinzaine d’années plus tard</a>.</p>
<p>Pourtant une étude pharmaco-toxicologique produite en 1980 dédouanait la pseudoéphédrine de tout risque toxique en indiquant que si l’administration de 15 mg ou 30 mg de pseudoéphédrine n’avait pas d’effet significatif sur les modèles pharmacologiques de rhinite induite, la dose de 60 mg était efficace et bien tolérée. Des augmentations significatives du pouls et de la pression artérielle systolique (et non diastolique) n’étaient observées qu’à des <a href="https://bpspubs.onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1111/j.1365-2125.1980.tb01061.x">doses supérieures à 60 mg</a>.</p>
<p>C’est en <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/6471321/">1984 qu’une alerte sérieuse était lancée</a> dans la revue médicale de référence JAMA (Journal of the American Medical Association) : la pseudoéphédrine et l’éphédrine, une molécule de la même famille, sont considérées comme des stimulants de la famille des amphétamines et sont, pour l’auteur de cette mise en garde, à l’origine de crises d’hypertension artérielle et de troubles du rythme cardiaque.</p>
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<p>On peut aussi citer cette <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0379073803004043">étude réalisée dans la région de New York, en 2004</a> à partir d’autopsies montrant que les causes de la mort, après exposition à cette famille de molécules, impliquaient souvent des pathologies cardiovasculaires (hypertrophie ventriculaire gauche ou maladie coronarienne).</p>
<p>L’année suivante, <a href="https://academic.oup.com/jat/article/29/7/738/731512">plusieurs alertes</a> sur les dangers de la pseudoéphédrine mettaient également en cause ce médicament dans la mort d’enfants âgés de moins de 12 mois. Dans la majorité des cas, la pseudoéphédrine a été désignée comme cause directe du décès ou comme principal facteur contribuant au décès. Pour les auteurs de cette étude, l’administration à des nourrissons de ces médicaments contre le rhume pouvait, dans certaines circonstances, être une pratique dangereuse et, dans certains cas, conduire à un décès.</p>
<p>Enfin, une <a href="https://www.cochranelibrary.com/cdsr/doi/10.1002/14651858.CD009612.pub2/full">revue Cochrane publiée en 2016</a> a fait le point sur la « balance bénéfices/risques » des décongestionnants nasaux. La méta-analyse a inclus 1800 patients ayant un rhume. Les malades ont été traités, soit par une dose unique, soit pendant une courte période (1 à 10 jours). Il n’a pas été possible de tirer de conclusion tranchée sur l’efficacité des décongestionnants nasaux administrés en dose unique. Leur administration réitérée suggère un effet positif modeste sur la congestion nasale mais il ne semble pas possible de tirer des conclusions définitives.</p>
<p>Certes, cette étude n’a pas permis de montrer que les décongestionnants nasaux augmentaient le risque d’effets indésirables cardiovasculaires à court terme. Toutefois, si les infarctus du myocarde et les accidents vasculaires cérébraux dus à l’administration de pseudoéphédrine n’ont pas été mesurés de manière significative lors de cette méta-analyse, c’est parce qu’on se retrouve devant la problématique de la détection des événements indésirables rares ou très rares, sur des cohortes limitées de patients.</p>
<p>Il aurait fallu une série de plusieurs dizaines de milliers de malades pour observer un phénomène significatif, ce que seules les observations de pharmacovigilance dans la vraie vie permettent. Une simple étude ne permet pas de conclure sur l’absence de risque.</p>
<p>Un argument supplémentaire est apporté par les <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1002/bdra.20255">enquêtes de tératogenèse</a> qui suggèrent que la pseudoéphédrine pourrait provoquer des malformations sur l’embryon.</p>
<h2>Des propriétés vasoconstrictrices mais aussi une augmentation de la pression artérielle</h2>
<p>Comme son homologue l’éphédrine, la pseudoéphédrine fait partie des molécules de la famille des alcaloïdes, extraits d’un arbuste asiatique du genre <em>Ephedra</em> (le <em>Ma-Huang</em> chinois). Ces deux substances ont les mêmes propriétés pharmacologiques. Mais les effets de l’éphédrine sont plus puissants que ceux de la pseudoéphédrine, raison pour laquelle l’éphédrine n’est aujourd’hui utilisée que par des anesthésistes-réanimateurs pour le traitement des baisses de tension (hypotensions) qui peuvent survenir au cours d’interventions chirurgicales.</p>
<p>Les deux alcaloïdes présentent des propriétés stimulantes, qui sont mises à profit dans de nombreux compléments alimentaires « stimulants » : ils facilitent l’exercice physique et suppriment la sensation de fatigue.</p>
<p>Dans la pratique, ce qui « justifie » l’utilisation de la pseudoéphédrine dans le traitement du rhume, ce sont ses propriétés vasoconstrictrices, qui ont, comme corollaire une augmentation de la pression artérielle. Comme la majorité des décongestionnants, la pseudoéphédrine agit en stimulant certains récepteurs (les récepteurs α1-adrénergiques) qui induisent la vasoconstriction du système vasculaire nasal. La conséquence est une réduction de l’inflammation de la muqueuse et de la sécrétion de mucus.</p>
<p>Malheureusement, les effets de la pseudoéphédrine ne se limitent pas aux vaisseaux du nez. La vasoconstriction, c’est-à-dire le phénomène de diminution du diamètre des vaisseaux sanguins, est observée au niveau du nez mais également sur l’ensemble du système cardiovasculaire. Ceci est de nature à provoquer une augmentation de la pression artérielle potentiellement dangereuse sur un « terrain » fragile.</p>
<h2>A éviter en priorité pour les personnes hypertendues</h2>
<p>C’est pour cette raison qu’il est conseillé aux personnes souffrant d’<a href="https://theconversation.com/fr/topics/hypertension-51548">hypertension artérielle</a> d’éviter la pseudoéphédrine. Outre l’hypertension, les effets secondaires courants comprennent insomnie, anxiété, étourdissements, nervosité, etc.</p>
<p>En conclusion, il est donc temps de prendre la décision qui s’impose quand un médicament sans grand intérêt présente des risques rares mais réels. Il faut retirer du marché tous les décongestionnants contenant de la pseudoéphédrine, sous forme de comprimés.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/217310/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>François Chast ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les décongestionnants contre le rhume à la pseudoéphédrine par voie orale présentent des risques rares mais réels, alors que le rhume guérit sans traitement. Faut-il prendre des risques pour un simple « nez bouché » ?François Chast, Professeur de pharmacie, Université Paris CitéLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2125802023-10-01T15:44:54Z2023-10-01T15:44:54ZRéseaux sociaux : le pouvoir insoupçonné des influenceurs sur notre santé<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/545563/original/file-20230830-21-vp9dea.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=30%2C0%2C1122%2C779&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le médecin Michel Cymes compte aujourd’hui 140&nbsp;000 followers sur Instagram et 371&nbsp;800 sur TikTok.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/thumb/5/50/Michel_Cymes_Strasbourg_30_janvier_2015.jpg/1024px-Michel_Cymes_Strasbourg_30_janvier_2015.jpg">Wikimedia commons</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Les réseaux sociaux constituent un territoire <a href="https://theconversation.com/fr/topics/marketing-21665">marketing</a> et commercial essentiel pour toutes les entreprises. Un état de fait qui place les influenceurs au centre du jeu, y compris dans le secteur de la santé, pourtant considéré comme « non marchand » en France. Comme dans d’autres domaines, ces personnalités suivies, voire adulées sur les plates-formes en ligne, sont pourtant en mesure d’influencer la perception des consommateurs envers les acteurs de la santé.</p>
<p>Parmi les plus suivis, citons : Michel Cymes (140 000 followers sur Instagram et 371 800 sur TikTok) ou encore Marine Lorphelin (984 000 followers sur Instagram et 17 800 sur TikTok) au sein de l’hexagone, mais aussi de Dr Mike Varshavski (4,5 millions de followers sur Instagram et 2 millions sur TikTok), outre-Atlantique.</p>
<h2>Conseiller virtuel de confiance</h2>
<p>La réalité de cette influence constitue l’une des conclusions de notre dernière étude (à paraître), réalisée dans le cadre de la <a href="https://www.edhec.edu/fr/recherche-et-faculte/centres-et-chaires/chaire-management-innovative-health">chaire « Management in Innovative Health »</a> de <a href="https://theconversation.com/institutions/edhec-business-school-2218">l’EDHEC Business School</a>. Nous relevons notamment dans cette enquête menée auprès de 630 personnes que les influenceurs jouent un rôle clé dans la confiance que les individus accordent aux marques. Autrement dit, dans un monde où les patients cherchent souvent des conseils fiables dans la mer agitée des informations en ligne, l’influenceur parlant de santé reste perçu comme un conseiller virtuel de confiance.</p>
<p>Au travers de notre étude, menée en France auprès de plus de 600 répondants (dont une grande partie est constituée des jeunes et utilisateurs des réseaux sociaux), il apparait que près de 40 % de la population interrogée semble attribuer une certaine importance à l’homophilie, c’est-à-dire la similarité perçue, lorsqu’il s’agit d’évaluer le niveau d’expertise des influenceurs.</p>
<p><div data-react-class="InstagramEmbed" data-react-props="{"url":"https://www.instagram.com/p/CxP5rVNsuJG/ ?hl=fr","accessToken":"127105130696839|b4b75090c9688d81dfd245afe6052f20"}"></div></p>
<p>De plus, près d’un tiers des participants estime que l’interaction avec des influenceurs du domaine de la santé les incite à considérer ces derniers comme des experts en médecine. Enfin, dans environ un cas sur quatre, la fiabilité des informations médicales diffusées par les influenceurs dépend non seulement des similitudes perçues avec ces derniers, mais également de la manière dont ils interagissent avec leur communauté.</p>
<p>Ainsi, plus la ressemblance est forte et plus il existe un niveau d’interaction élevé, plus cela impactera positivement la fiabilité des recommandations émises, augmentant de façon significative la confiance vis-à-vis des marques de médicaments précis.</p>
<p>Nos résultats confirment donc d’autres études récentes qui montrent que ces influenceurs, de par leur dynamique interpersonnelle unique avec leurs followers, peuvent être <a href="https://doi.org/10.1016/j.techfore.2021.121246">plus efficaces que les célébrités</a> ou les publicités traditionnelles dans la construction de la confiance des consommateurs envers une marque.</p>
<h2>Transparence nécessaire</h2>
<p>Ces analyses ont des implications clés pour les praticiens du marketing et les entreprises de santé. La recherche souligne la nécessité d’une évaluation plus nuancée des influenceurs, prenant en compte leur expertise, leur interactivité, leur fiabilité et leur homophilie, pour accroître la confiance envers une marque et atteindre des résultats marketing souhaitables. Pour les influenceurs eux-mêmes, maintenir leur expertise et leur fiabilité est par ailleurs essentiel pour rester pertinents.</p>
<p>Cependant, il est essentiel que les acteurs pharmaceutiques et les parties prenantes impliquées dans la délivrance de soins de santé appréhendent et ne mésestiment pas la place et le rôle de ces influenceurs. Bien que le contexte réglementaire français impose un cadre strict concernant la communication et la publicité dans le domaine de la santé, il devient nécessaire pour toutes les parties prenantes du secteur médical d’investir ce champ de réflexion duquel elles ne peuvent se tenir à distance.</p>
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<p>L’accélération du phénomène des influenceurs santé aux États-Unis – songeons par exemple au scandale de <a href="https://www.lemonde.fr/societe/article/2023/03/02/alerte-sur-l-ozempic-un-antidiabetique-detourne-pour-perdre-du-poids_6163816_3224.html">l’Ozempic</a>, un antidiabétique détourné pour perdre du poids abondamment recommandé en ligne –, doit notamment nous faire prendre conscience de l’anticipation nécessaire de phénomènes sur lesquels les acteurs pharmaceutiques et médicaux n’auraient plus le pouvoir, notamment en termes de communication et de message transmis aux patients.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1631165083278618624"}"></div></p>
<p>Alors que les réseaux sociaux influencent notre perception de l’information et de la santé, les entreprises sont donc confrontées à un réel défi engendré par la nécessité de s’adapter et de naviguer dans ce paysage complexe dans le respect qu’imposent les normes éthiques.</p>
<p>Dans un monde hyperconnecté, si les influenceurs de santé constituent des alliés précieux pour les entreprises, seules les marques du secteur qui sauront établir des relations de confiance authentiques avec leur public parviendront à obtenir un avantage décisif sur leurs concurrents. Or, cette confiance ne pourra être acquise et soutenue que par des pratiques éthiques irréprochables, impliquant de fait une transparence totale vis-à-vis du bien-être du public. En définitive, c’est en alliant pouvoir d’influence et éthique que les marques du secteur de la santé se forgeront une réputation solide et durable, fondée sur une confiance sincère et réciproque des principaux acteurs.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/212580/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Sur TikTok ou Instagram, certains profils très suivis façonnent notre confiance envers les marques de l’industrie pharmaceutique.Loick Menvielle, Professor, Management in Innovative Health Chair Director, EDHEC Business SchoolLéna Griset, Research Assistant, EDHEC Business SchoolRupanwita Dash, Senior Research Assistant, EDHEC Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2142762023-09-25T16:50:07Z2023-09-25T16:50:07ZLes produits de santé : une filière de poids dans les échanges internationaux<p>Les échanges internationaux de produits de santé ont pris leur essor à partir des années 2000, dans une vague d’ouverture globale amorcée par la création de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) à la fin du cycle d’Uruguay en 1994. C’est dans ce cadre que l’Accord pharmaceutique plurilatéral a été négocié entre pays avancés pour supprimer les droits de douane sur un certain nombre de produits dont la liste a ensuite été élargie au fil des renégociations.</p>
<p>Sur les médicaments par exemple, les droits de douane appliqués sont aujourd’hui très faibles, voire nuls dans les pays avancés, et ont été <a href="https://www.wto.org/french/res_f/publications_f/who-wipo-wto_2020_f.htm">ramenés de 6,7 % à 2,5 % en moyenne depuis 1994</a> dans les pays en développement. L’ouverture des pays émergents et l’application de normes environnementales, plus ou moins contraignantes selon les zones géographiques, ont aussi eu un impact décisif sur la fabrication des produits de santé qui s’est de plus en plus internationalisée le long des chaînes de valeur. La traçabilité de ces biens essentiels à la vie est dans le même temps devenue plus opaque.</p>
<p>Leur classement insuffisamment détaillé et épars dans les nomenclatures internationales de commerce et de production contribue à cette opacité. On trouve ainsi des produits de santé parmi les produits chimiques, électriques, électroniques ou encore textiles. <a href="https://www.wto.org/english/res_e/reser_e/ersd201217_e.pdf">Mathias Helble</a>, aujourd'hui économiste à l’Organisation mondiale de la santé (OMS), est le premier à avoir regroupé ces produits dans une liste pour apprécier l’importance et l’évolution des importations répondant aux besoins des systèmes de santé nationaux.</p>
<p>Réalisée après la Grande récession de 2008 marquant la fin de l’hypermondialisation, son <a href="https://www.wto.org/english/res_e/reser_e/ersd201217_e.pdf">étude</a> publiée en 2012 s’interrogeait déjà sur les bienfaits du dynamisme des échanges internationaux dans un domaine aussi crucial. En 2020, le choc du Covid-19 a clairement confirmé l’importance de la sécurité sanitaire pour les États et mis en lumière les questions de souveraineté industrielle posées par l’organisation internationale de la production.</p>
<h2>Une production fragmentée</h2>
<p>Le Centre d’études prospectives et d’informations internationales (<a href="https://theconversation.com/institutions/cepii-2912">CEPII</a>) a élaboré une <a href="http://www.cepii.fr/CEPII/fr/publications/panorama/abstract.asp?NoDoc=13898">liste</a> des produits de santé dans la lignée du travail de Helble, et de ceux entrepris par des organisations internationales et nationales pour faire face à la pandémie de Covid-19. Celle-ci tend vers l’exhaustivité et inclut tout produit échangé contribuant au fonctionnement du système de soins. Identifiée pour la première fois dans un périmètre aussi large, cette filière de santé comprend 368 produits de la nomenclature du système harmonisé à six chiffres (version 1996) sur la période 2000-2021.</p>
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<p>Les produits sont répertoriés dans cinq branches regroupant les médicaments et l’ensemble de leurs composants, ainsi que les équipements de technologie médicale et le petit matériel de santé. Ainsi configurée, cette filière pèse lourd dans les échanges : en 2021, elle représente presque 13 % du commerce mondial de biens manufacturés (hors énergie) et se situe au deuxième rang parmi dix filières, après celle des produits électroniques (graphique 1).</p>
<p><iframe id="v50Dg" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/v50Dg/3/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Elle est aussi celle dont la progression a été la plus forte depuis 2000 (graphique 2). Ce dynamisme doit beaucoup à l’essor des échanges de préparations pharmaceutiques, dans lesquels les traitements issus de biotechnologies prennent une part croissante.</p>
<p><iframe id="0rbsW" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/0rbsW/2/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>La fragmentation internationale des processus de production est très marquée dans cette filière : en 2021, plus de la moitié des échanges concerne des biens intermédiaires et les échanges croisés de produits similaires atteignent un niveau record, le plus élevé de toutes les filières (51 % des flux, graphique 3). Celui-ci témoigne de la complexité de la division internationale du travail dans les produits de santé.</p>
<p><iframe id="T4G4y" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/T4G4y/5/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Contrairement aux flux univoques qui portent sur des échanges de produits clairement différents, ce type de commerce consiste en achats et ventes mutuels entre deux pays de produits aux caractéristiques techniques identiques. Autre particularité : c’est dans cette filière que la part des échanges de gamme moyenne de qualité/prix est la plus faible. Une part qui connaît un net recul depuis deux décennies, si bien qu’en 2021, 83 % des flux d’échanges se répartissent équitablement entre le haut et le bas de gamme.</p>
<h2>Le Covid-19, un révélateur de vulnérabilité</h2>
<p>Les pays avancés (selon la <a href="https://www.imf.org/en/Publications/WEO/weo-database/2023/April/groups-and-aggregates">classification du FMI</a>) sont les principaux acteurs sur le marché international des produits de santé : ils y réalisent près des trois quarts des exportations mondiales, alors que leur part dans l’ensemble des produits manufacturés s’élève à moins de 60 % (graphique 4).</p>
<p><iframe id="yhC3n" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/yhC3n/2/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Leurs échanges mutuels représentent à eux seuls 54 % des exportations mondiales en 2021 (graphique 5). Mais ce commerce intra-zone est marqué par un déclin relatif depuis les années 2000 (-16 points de pourcentage) tandis qu’augmentent les exportations des pays avancés vers les pays émergents et en développement. Ces derniers montent en puissance, essentiellement pour les produits bas de gamme, à la fois dans leurs exportations vers les pays avancés et leurs échanges mutuels.</p>
<p><iframe id="PqZGW" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/PqZGW/4/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Les <a href="http://www.cepii.fr/PDF_PUB/lettre/2022/let423.pdf">vulnérabilités créées par ces interdépendances</a> ont été révélées par des pénuries massives lors de la crise du Covid-19. Les autorités publiques de nombreux pays envisagent désormais la survenue d’autres pandémies, notamment celles que le réchauffement climatique pourrait favoriser. Parallèlement, la sécurisation des approvisionnements dans le domaine de la santé, comme dans tant d’autres, relève de plus en plus de la géostratégie à l’instar de la place accordée aux biotechnologies dans la <a href="https://www.nato.int/cps/fr/natohq/topics_184303.htm">politique d’innovation de l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (OTAN</a>). Enfin, transition écologique oblige, la « décarbonation » est devenue un <a href="https://www.leem.org/presse/transition-ecologique-le-secteur-pharmaceutique-s-engage-sur-une-trajectoire-de">objectif primordial</a> dans la fabrication et les échanges des produits de santé. Tous ces éléments devraient conduire à un repositionnement géographique des entreprises des pays avancés au sein des chaînes de valeur internationales.</p>
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<p><em>Ce billet reprend des extraits du <a href="http://www.cepii.fr/CEPII/fr/publications/panorama/abstract.asp?NoDoc=13898">Panorama du CEPII 2023-03</a></em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/214276/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Le secteur s’est fortement internationalisé depuis le début des années 2000, à la fois en termes de production et de vente. Ces interdépendances ont cependant fragilisé la filière.Deniz Unal, Économiste, rédactrice en chef du Panorama et coordinatrice des Profils du CEPII - Recherche et expertise sur l'économie mondiale, CEPIIAude Sztulman, Chercheur associé au CEPII, Maître de conférences, Université Paris Dauphine – PSLGuillaume Gaulier, Chercheur associé, CEPIIPierre Cotterlaz, Économiste, CEPIILicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2012572023-09-19T13:50:50Z2023-09-19T13:50:50ZContre la dépression, l’exercice peut être plus efficace que les thérapies ou la médication<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/518032/original/file-20230328-14-6q6w90.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=17%2C0%2C1920%2C1276&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">L’exercice physique peut s'avérer plus efficace contre la dépression que les médicaments ou la thérapie cognitivo-comportementale.</span> <span class="attribution"><span class="source">(Unsplash/Anupam Mahapatra)</span></span></figcaption></figure><p>Les problèmes de santé mentale, dont la dépression ou l’anxiété, affectent des millions de personnes à travers le monde. Depuis la Covid-19, les personnes disant avoir une excellente ou une très bonne santé mentale a diminué au Canada, passant de 55 % en juillet 2020 à 68 % en 2019. De manière générale, la pandémie <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/33794717/">a exacerbé la détresse psychologique</a> dans le monde. </p>
<p>Les troubles de santé mentale <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0140673615003906">coûtent cher tant à l’individu qu’à la société</a>. </p>
<p>Si les traitements traditionnels tels que la thérapie et la médication peuvent être efficaces, notre <a href="https://bjsm.bmj.com/content/early/2023/02/16/bjsports-2022-106195?rss=1">nouvelle recherche</a> souligne l’importance de l’exercice physique dans la prise en charge des problèmes de santé mentale.</p>
<p>Publiée dans le <a href="https://bjsm.bmj.com/content/early/2023/02/16/bjsports-2022-106195?rss=1"><em>British Journal of Sports Medicine</em></a>, notre étude a recensé plus d’un millier d’essais cliniques portant sur les effets de l’activité physique sur la dépression, l’anxiété et la détresse psychologique. Elle a montré que l’exercice physique est un moyen efficace de traiter les problèmes de santé mentale.</p>
<h2>Plus dur, plus rapide, plus fort</h2>
<p>Nous avons recensé 97 articles, qui portaient sur 1 039 essais cliniques comptant 128 119 participants. Nous avons constaté qu’une activité physique de 150 minutes par semaine (marche rapide, haltérophilie, yoga, etc.) réduit considérablement la dépression, l’anxiété et la détresse psychologique.</p>
<p>Les améliorations les plus importantes (telles que déclarées par les participants) ont été observées chez les personnes souffrant de dépression. Mais des bénéfices évidents ont aussi été observés pour toutes les populations, en santé ou pas.</p>
<p>Nous avons constaté que plus l’intensité de l’exercice est élevée (marcher à un rythme soutenu, par exemple), plus il est bénéfique. De plus, les bénéfices de la pratique de l’exercice physique s’accroissent après six à douze semaines. L’amélioration de la santé mentale profite d’une pratique à long terme.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1627380770233876480"}"></div></p>
<h2>Quel est le degré d’efficacité ?</h2>
<p>Nos résultats suggèrent que l’exercice physique est environ 1,5 fois plus efficace que la <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC4804177/">médicamention</a> ou la <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/29451967/">thérapie cognitivo-comportementale</a> pour combattre la dépression et l’anxiété. </p>
<p>En outre, l’exercice physique est moins <a href="https://www.cambridge.org/core/journals/epidemiology-and-psychiatric-sciences/article/excess-costs-of-depression-a-systematic-review-and-metaanalysis/8F8EE6D5D23F62C56A302EAB378F7B4D">coûteux</a> que la médication, il provoque moins d’<a href="https://www.healthdirect.gov.au/antidepressant-medicines#side-effects">effets secondaires</a> et offre au contraire des gains supplémentaires pour la <a href="https://bmcpublichealth.biomedcentral.com/articles/10.1186/1471-2458-13-813">santé physique</a> : contrôle du poids, santé cardiovasculaire, osseuse et cognitive. </p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/512772/original/file-20230228-4453-nl8frz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/512772/original/file-20230228-4453-nl8frz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/512772/original/file-20230228-4453-nl8frz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/512772/original/file-20230228-4453-nl8frz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/512772/original/file-20230228-4453-nl8frz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/512772/original/file-20230228-4453-nl8frz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/512772/original/file-20230228-4453-nl8frz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/512772/original/file-20230228-4453-nl8frz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">L’exercice est moins coûteux que les médicaments et présente moins d’effets secondaires.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://images.unsplash.com/photo-1580058572462-98e2c0e0e2f0?ixlib=rb-4.0.3&ixid=MnwxMjA3fDB8MHxwaG90by1wYWdlfHx8fGVufDB8fHx8&auto=format&fit=crop&w=1742&q=80">Unsplash</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Pourquoi ça marche</h2>
<p>L’exercice physique aurait un impact à court et à long terme sur la santé mentale pour de multiples raisons. Tout d’abord, des endorphines et de la dopamine sont libérées dans le <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC5928534/">cerveau</a> tout juste après la séance d’exercices. </p>
<p>À court terme, cela contribue à améliorer l’humeur et à atténuer le <a href="https://psycnet.apa.org/record/2006-10949-005">stress</a>. À long terme, la libération de neurotransmetteurs <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/31586447/">favorise les changements dans le cerveau</a> qui contribuent à l’humeur et à la cognition. Cela fait diminuer l’inflammation et renforce la fonction immunitaire. </p>
<p>L’exercice régulier peut permettre <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S1087079218301023">d’améliorer le sommeil</a>, qui joue un rôle essentiel dans la dépression et l’anxiété. Il permet de développer une <a href="https://journals.plos.org/plosone/article?id=10.1371/journal.pone.0134804">meilleure estime de soi et un sentiment d’accomplissement</a>, bénéfiques pour les personnes qui luttent contre la dépression. </p>
<p>Les résultats corroborent donc le rôle crucial de l’exercice dans la gestion de la dépression, de l’anxiété et de la détresse psychologique. </p>
<p>Certaines directives cliniques reconnaissent déjà le rôle de l’exercice — par exemple, les <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/33353391/">directives cliniques australiennes et néo-zélandaises</a>, qui suggèrent des médicaments, une psychothérapie et des changements dans le mode de vie, telle la pratique d’exercices.</p>
<p>Les <a href="https://journals.sagepub.com/doi/10.1177/0004867412466595">médicaments</a> et la <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/33353391/">psychothérapie</a> demeurent plus souvent prescrits que l’exercice physique. Cela peut s’expliquer par le fait que l’exercice est difficile à prescrire et à contrôler en milieu clinique. De plus, les patients peuvent être réticents, parce qu’ils manquent d’énergie ou de motivation.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/netflix-psychiatrist-phil-stutz-says-85-of-early-therapy-gains-are-down-to-lifestyle-changes-is-he-right-195567">Netflix psychiatrist Phil Stutz says 85% of early therapy gains are down to lifestyle changes. Is he right?</a>
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<h2>Ne faites pas cavalier seul</h2>
<p>Il est important de noter que si l’exercice physique peut être un outil efficace pour recouvrer ou maintenir la santé mentale, les personnes souffrant de problèmes de santé mentale devraient travailler avec un professionnel de la santé pour élaborer un plan de traitement complet — plutôt que de se lancer seules dans un nouveau programme d’exercice. </p>
<p>Un plan de traitement peut inclure une combinaison d’approches liées au style de vie, telles que l’exercice régulier, une alimentation équilibrée et la socialisation, ainsi que des traitements tels que la psychothérapie et les médicaments. </p>
<p>L’exercice physique est un outil puissant et accessible pour gérer les problèmes de santé mentale — et le mieux, c’est qu’il est gratuit et qu’il s’accompagne de nombreux autres avantages pour la santé.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/201257/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Ben Singh reçoit un financement de la Société internationale du comportement, de la nutrition et de l'activité physique.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Carol Maher reçoit des fonds du Medical Research Future Fund, le National Health and Medical Research Council, la National Heart Foundation, le SA Department for Education, le SA Department for Innovation and Skills, Healthway, le Hunter New England Local Health District, le Central Adelaide Local Health Network et LeapForward.
</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Jacinta Brinsley ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Faire de l’exercice physique 150 minutes par semaine serait environ 1,5 fois plus efficace contre la dépression que les médicaments ou la thérapie cognitivo-comportementale.Ben Singh, Research fellow, University of South AustraliaCarol Maher, Professor, Medical Research Future Fund Emerging Leader, University of South AustraliaJacinta Brinsley, Postdoctoral research fellow, University of South AustraliaLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2100942023-09-18T16:01:31Z2023-09-18T16:01:31ZLa lumière, un moyen de contrôler l’effet des médicaments ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/548803/original/file-20230918-27-oit106.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C5320%2C3541&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Certains médicaments peuvent être activés par la lumière.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://unsplash.com/fr/photos/axPGkHV6M2Q">Ostap Senyuk/Unsplash</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>L’idée de soigner le corps humain par la lumière ne date pas d’hier. Hérodote d’Halicarnasse affirmait que la lumière du soleil est indispensable à notre santé, et il tentait déjà de restaurer cette dernière par l’emploi de « l’héliothérapie » au temps de la <a href="https://theconversation.com/fr/topics/grece-antique-29620">Grèce antique</a>. De nos jours, la lumière est reconnue comme essentielle à la production de vitamine D (pour la prévention de l’<a href="https://theconversation.com/fr/topics/osteoporose-63602">ostéoporose</a>) et de mélanine (un pigment protecteur de la peau), et elle est encore utilisée pour traiter quelques pathologies, comme certaines formes de jaunisse du nouveau-né.</p>
<p>Mais si nous savons que la lumière peut interagir avec des éléments du corps, peut-on pour autant l’utiliser pour agir sur les médicaments que l’on consomme ? Certaines molécules peuvent en effet changer de conformation (leur forme en trois dimensions) en présence de lumière. Dans le cas où seule l’une des formes possède une activité biologique, on peut ainsi envisager d’activer ou de désactiver l’effet du médicament à la demande par irradiation lumineuse. De plus, certaines lumières (rouge et infrarouge notamment) peuvent traverser la peau et les tissus, et permettent de cibler avec une grande précision l’organe atteint, tout en étant peu invasives et facilement applicables.</p>
<h2>Limiter les effets secondaires des traitements</h2>
<p>Cette idée présente un intérêt considérable : elle permettrait, pour prendre seulement deux exemples de problématiques de santé mondiale, d’éviter l’émergence de résistances bactériennes dues à la dissémination incontrôlée d’antibiotiques, ou de réduire les effets secondaires liés à la toxicité de la chimiothérapie.</p>
<p>Comme souvent à l’interface chimie – biologie, elle repose sur l’observation d’un phénomène naturel : le mécanisme permettant la vision animale au cours duquel intervient une molécule : le rétinal (un dérivé de la vitamine A, elle-même produite par le corps à partir des β-carotènes, d’où l’idée, <a href="https://www.sciencesetavenir.fr/sante/ophtalmo/les-carottes-permettent-elles-de-mieux-voir-dans-le-noir_115312">partiellement vraie</a>, selon laquelle manger des carottes serait bon pour la vue). Dans l’obscurité, le rétinal est liée à une protéine, nommée opsine, sous une forme coudée. Mais quand les yeux sont exposés à la lumière, il adopte subitement une forme linéaire, qui provoque son détachement de l’opsine. Ce phénomène engendre une série de réactions et mène finalement à la réception d’un signal électrique par le cerveau, qui le traduit par une image visuelle.</p>
<p>Le rétinal est donc ce qu’on appelle un « photoswitch », une molécule photosensible capable de changer de forme sous l’effet de la lumière : en fonction de celle-ci, il interagit ou non avec une protéine.</p>
<p>Et si ce concept pouvait être étendu à certains médicaments, qui, selon leur forme, pourraient délivrer leur action ou non ? En effet, après son administration, un médicament classique diffuse dans le corps et agit certes sur sa cible, mais souvent sur d’autres parties du corps également, ce qui produit des effets secondaires. Dans le cas d’un médicament « photoswitch », celui-ci est administré sous une forme inactive, et c’est uniquement lorsqu’il est exposé à la lumière qu’il change de forme et exerce son action. Son impact est donc réduit à la zone irradiée, pendant un temps déterminé, et le reste du corps et de l’environnement peut plus facilement être épargné. <a href="https://doi.org/10.1021/acs.chemrev.8b00037">On parle de</a> <a href="https://doi.org/10.1021/ja413063e">photopharmacologie</a>, par opposition à la pharmacologie classique.</p>
<h2>De premiers tests cliniques en cours</h2>
<p>Cette discipline est encore émergente, et les « photoswitchs » viennent seulement d’atteindre les premiers tests cliniques de phase 1, comme la molécule « KIO-301 » de la société Kiora Pharmaceuticals <a href="https://ichgcp.net/fr/clinical-trials-registry/NCT05282953">développée pour le traitement de la rétinite pigmentaire</a>, une maladie génétique grave qui entraîne progressivement la perte de la vision.</p>
<p>Mais depuis une dizaine d’années, plusieurs équipes de recherche travaillent sur le développement d’applications de ce concept, principalement en introduisant un motif azobenzène sur des molécules bioactives existantes. L’azobenzène fait partie des structures chimiques capables de changer de forme sous l’effet de la lumière, il est notamment employé dans la fabrication de colorants et pigments azoïques utilisés traditionnellement en teinture et peinture, pour obtenir des nuanciers du jaune au rouge.</p>
<p>La modification chimique d’antibiotiques comme la ciprofloxacine, pour les rendre réactifs à la lumière, est un <a href="https://doi.org/10.1038/nchem.1750">exemple emblématique</a> décrit par l’équipe du prix Nobel de chimie Ben L. Feringa. Inactives ou peu actives contre les bactéries sous leur forme d’origine, ces molécules acquièrent sous irradiation de lumière UV des propriétés antibiotiques. Ainsi, l’action du médicament peut être contrôlée dans le temps et dans l’espace, et la courte durée de vie de la forme irradiée (quelques heures, après quoi la molécule retrouve spontanément sa forme d’origine) permet d’éviter toute persistance d’une activité antibiotique dans l’environnement.</p>
<p>Dans le même esprit, la modification de la structure du méthotrexate, un médicament largement utilisé en thérapie anticancéreuse mais aux effets secondaires sévères (dépression, cirrhose hépatique, pneumonie, etc.), a permis la découverte du <a href="https://doi.org/10.1021/jacs.8b08249">phototrexate, sa version « photoswitch »</a>.</p>
<p>Si la forme d’origine du phototrexate n’a pas d’effet, son exposition aux UV lui fait adopter une autre forme, dont la toxicité est proche de celle du méthotrexate. Des expériences in vivo réalisées par les équipes de Soler et Gorostiza sur des embryons de poisson-zèbre traités cinq jours avec le phototrexate ont permis de montrer que si les embryons maintenus dans le noir ont mené à une faible mortalité au bout de cinq jours, d’autres individus irradiés par des UV deux fois par jour ont subi une augmentation du taux de mortalité d’un facteur huit, signe de l’activation du médicament sous l’effet de la lumière (la lumière seule n’ayant pas d’effet significatif sur cinq jours). Des molécules comme le phototrexate pourraient permettre de délivrer une action cytotoxique en irradiant spécifiquement une tumeur, sans altérer les autres parties du corps qui ne recevraient que la forme inactive du médicament.</p>
<p>D’autres domaines bénéficieraient de la possibilité de contrôler précisément l’effet d’un médicament. Dans le cas de la maladie d’Alzheimer par exemple, la quantité d’acétylcholine, un <a href="https://doi.org/10.1046/j.1365-2125.1999.00026.x">neurotransmetteur impliqué dans le processus de mémoire</a>, est réduite, ce qui déclenche des problèmes de mémoire. Une solution consiste alors à inhiber l’action des cholinestérases, des enzymes qui dégradent l’acétylcholine (c’est l’effet du donépézil par exemple, l’un des rares traitements commercialisés de la maladie), mais un contrôle précis de leur activité est difficile à atteindre avec des thérapies classiques. Récemment, une équipe est parvenue à élaborer une <a href="https://doi.org/10.1021/jacs.1c13492">molécule de type « photoswitch »</a> capable d’inhiber l’action de la butyrylcholinestérase sous l’effet de la lumière UV. Cette molécule apparaît comme dix fois plus active sous sa forme irradiée que sous sa forme d’origine lors des tests sur l’enzyme isolée, mais elle produit un effet de type « tout ou rien » sur des modèles de souris présentant les caractéristiques de la maladie d’Alzheimer. En effet, si lors de l’injection du produit non irradié, aucune amélioration notable de la mémoire des souris déficientes n’est remarquée, le traitement avec la forme irradiée permet un retour complet au comportement normal, ce qui ouvre des perspectives intéressantes pour ajuster plus finement l’équilibre chimique du cerveau des patients atteints.</p>
<p>Ces différentes études ont permis de valider des preuves de concept décisives en ce qui concerne l’efficacité de traitements photopharmacologiques in vitro et in vivo. Néanmoins, la transposition de ces résultats vers l’utilisation clinique représente un enjeu et un défi de taille. En effet, l’utilisation systématique du motif azobenzène dans les « photoswitchs » actuels s’accompagne de certains défauts potentiellement rédhibitoires dans un contexte thérapeutique, comme l’utilisation de lumière UV, qui pénètre mal dans l’organisme et peut s’avérer nocive.</p>
<p>Avec d’autres équipes de chimistes, nous tentons de développer des structures alternatives pour surmonter ces difficultés, comme les <a href="https://doi.org/10.1021/acs.jmedchem.2c01150">hémiindigoïdes</a> ou les <a href="https://doi.org/10.1021/jacs.3c00609">phénylazothiazoles</a>, activables et désactivables par la lumière visible. Les molécules visées doivent idéalement répondre à trois critères aussi cruciaux que difficiles à atteindre. Elles doivent pouvoir <a href="https://doi.org/10.1039/d0cs00547a">changer de forme efficacement dans l’eau</a> et/ou dans un milieu biologique ; ce changement de forme doit intervenir sous irradiation d’une lumière visible située le <a href="https://doi.org/10.1002/chem.202103906">plus possible du côté rouge de l’arc-en-ciel</a>, afin de pénétrer profondément dans l’organisme pour toucher par exemple des organes internes ; et la forme irradiée doit mener à une <a href="https://doi.org/10.1002/anie.202300681">forte augmentation de l’activité biologique</a> par rapport à la forme initiale. Ce subtil équilibre entre les différentes propriétés souhaitées pour un médicament photopharmacologique optimal constitue l’un des principaux défis dans le domaine, et relève d’une véritable orfèvrerie moléculaire.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/210094/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Romain Haudecoeur a reçu des financements de l'Agence Nationale de la Recherche. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Morane Beaumet a reçu des financements de l'Agence Nationale de la Recherche.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Letícia da Mata Lazinski ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Certains médicaments peuvent être (in)activés par la lumière. Un champ de recherche prometteur qui permettrait de limiter les effets négatifs de certains traitements.Romain Haudecoeur, Chercheur en chimie–biologie, Université Grenoble Alpes (UGA)Letícia da Mata Lazinski, Doctorante en chimie, Université Grenoble Alpes (UGA)Morane Beaumet, Chercheuse en chimie, Université Grenoble Alpes (UGA)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2115702023-09-01T13:14:34Z2023-09-01T13:14:34ZVoici comment vous débarrasser de vos pellicules, selon la science<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/542623/original/file-20230706-25-n7njvh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=2%2C0%2C995%2C667&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les pellicules sont principalement causées par la levure _Malassezia_. Cette levure vit sur la peau de la plupart des gens, soit à la surface, soit dans l’ouverture du follicule pileux, la structure qui entoure la racine et la mèche d’un cheveu.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/image-photo/dander-that-causes-itching-scalp-373934782">(Shutterstock)</a></span></figcaption></figure><p>Les pellicules peuvent être sèches, comme des flocons de neige, ou grasses, avec des amas jaunes. Jusqu’à la <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/books/NBK551707/">moitié</a> des adultes ont souffert de cette affection du cuir chevelu à un moment ou à un autre ; vous connaissez donc certainement ces squames et les démangeaisons qu’elles provoquent. </p>
<p>Les pellicules peuvent être <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1111/j.1439-0507.2008.01624.x">embarrassantes</a>. Elles peuvent affecter de nombreux aspects de la vie des gens, tels que leurs relations sociales, la façon dont ils se coiffent et les vêtements qu’ils portent.</p>
<p>Ce problème ne date pas d’aujourd’hui. En fait, les pellicules existent depuis des millénaires et ont été <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/2181905/">décrites</a> par des médecins grecs. Nous ne savons pas avec certitude si nos ancêtres étaient aussi gênés par les pellicules que nous le sommes maintenant. Mais ils se sont intéressés aux causes de cette affection.</p>
<h2>Qu’est-ce qui cause les pellicules ?</h2>
<p>Les pellicules sont principalement causées par la levure <a href="https://www.cell.com/cell-host-microbe/pdf/S1931-3128(19)30106-4.pdf"><em>Malassezia</em></a>. Cette levure vit sur la peau de la plupart des gens, soit à la surface, soit dans l’ouverture du follicule pileux, la structure qui entoure la racine et la mèche d’un cheveu.</p>
<p>La levure se nourrit de sébum, l’hydratant naturel sécrété par les glandes sébacées pour empêcher le dessèchement de la peau. Ces glandes sont attachées à chaque follicule pileux et les cheveux fournissent un micro-environnement sombre et couvert, idéal pour la prolifération de la levure.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/543334/original/file-20230817-41912-ipasla.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Schéma d’une coupe transversale de la peau montrant le follicule pileux et d’autres structures cutanées" src="https://images.theconversation.com/files/543334/original/file-20230817-41912-ipasla.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/543334/original/file-20230817-41912-ipasla.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/543334/original/file-20230817-41912-ipasla.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/543334/original/file-20230817-41912-ipasla.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/543334/original/file-20230817-41912-ipasla.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/543334/original/file-20230817-41912-ipasla.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/543334/original/file-20230817-41912-ipasla.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">La levure responsable des pellicules vit à la surface de la peau et dans l’ouverture du follicule pileux.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>En se développant, la levure libère des molécules qui irritent la peau et perturbent son processus normal de renouvellement. Les cellules se regroupent et apparaissent sous forme de flocons blancs. En cas d’excès de sébum, celui-ci peut se mélanger aux cellules et donner aux pellicules un aspect jaune.</p>
<p>Le lien entre les pellicules et la levure a été établi il y a près de 150 ans. La première personne à avoir identifié et décrit cette levure en <a href="https://www.cell.com/cell-host-microbe/pdf/S1931-3128(19)30106-4.pdf">1874</a> est Louis-Charles Malassez (dont elle porte le nom).</p>
<h2>Pourquoi ai-je des pellicules ?</h2>
<p>Comme la <em>Malassezia</em> est présente chez la plupart des gens, pourquoi certaines personnes ont-elles des pellicules et d’autres non ? Cela dépend d’une série de facteurs.</p>
<p>Il s’agit notamment de la qualité de la barrière cutanée. La levure peut pénétrer plus profondément si la peau est endommagée d’une manière ou d’une autre, par exemple en cas de coup de soleil. D’autres facteurs incluent votre immunité et des causes externes, tels que les produits de soins capillaires que vous utilisez.</p>
<p>La façon dont la <em>Malassezia</em> se développe dépend également de l’<a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC4864613/">équilibre</a> des autres micro-organismes qui vivent sur votre peau, tels que les bactéries.</p>
<h2>Comment se débarrasser des pellicules ?</h2>
<p>Les pellicules sont principalement traitées avec des shampooings <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0939641123000292?via%3Dihub">antifongiques</a> et des traitements du cuir chevelu pour freiner la croissance de la <em>Malassezia</em>. Ces shampooings contiennent le plus souvent de la <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/34575891/">pyrithione de zinc</a> (ou ZnPT). Le sulfure de sélénium, le kétoconazole et le goudron de houille sont d’autres antifongiques couramment présents dans les shampooings. </p>
<p>Vous pouvez également traiter les pellicules à l’aide de masques et de gommages qui contribuent à restaurer la barrière du cuir chevelu en réduisant l’inflammation et l’irritation. Mais comme ces produits n’ont pas d’action antifongique, les pellicules risquent de réapparaître.</p>
<p>Les remèdes maison <a href="https://www.healthline.com/nutrition/ways-to-treat-dandruff#7.-Omega-3s">comprennent</a> l’huile d’arbre à thé, la noix de coco ou d’autres huiles, et le miel. Il existe des preuves à l’appui de leur utilisation, principalement des <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/35642120/">études</a> qui montrent que les extraits d’ingrédients botaniques peuvent réduire la croissance de la levure en laboratoire. Mais la qualité et la composition de ces ingrédients varient considérablement.</p>
<p>Il subsiste également un risque d’aggraver le problème en fournissant davantage d’huiles que la levure appréciera, ce qui déséquilibrera encore plus les micro-organismes du cuir chevelu et entraînera une plus grande irritation.</p>
<p>Il est donc préférable de s’en tenir aux produits commerciaux.</p>
<h2>Pourquoi mes pellicules reviennent-elles ?</h2>
<p>Vos pellicules risquent de réapparaître si les principes actifs de votre shampooing n’atteignent pas le bon endroit, à la bonne concentration, pendant le temps nécessaire pour tuer la levure. </p>
<p>Nos <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/36842718/">recherches</a> sur les produits à base de pyrithione de zinc ont montré que ceux-ci parvenaient à atteindre la surface de la peau. En revanche, ils se retrouvent de manière moins fiable dans les follicules pileux, un endroit plus difficile d’accès.</p>
<p>Nous avons constaté que la pyrithione de zinc semblait <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/35631659/">cibler</a> la partie supérieure des follicules plutôt que leur profondeur. </p>
<p>Ce phénomène peut donc permettre d’expliquer pourquoi les pellicules reviennent sans cesse. Il se peut que le principe actif de votre shampooing soit incapable d’atteindre la levure à l’origine de vos pellicules.</p>
<p>Nous ne savons pas encore comment faire en sorte que les formulations existantes pénètrent plus profondément.</p>
<h2>Qu’en est-il des traitements futurs ?</h2>
<p>Nous verrons probablement de nouvelles formulations de shampooings antipelliculaires et de traitements du cuir chevelu qui délivreront mieux le principe actif là où il est requis, c’est-à-dire au cœur des follicules pileux.</p>
<p>Nous pouvons aussi nous attendre à de nouvelles substances actives, telles que les enzymes <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/28766952/">anhydrases carboniques</a>. Celles-ci pourraient cibler la croissance de la levure d’une manière différente des principes actifs actuels.</p>
<p>Nous commençons également à assister à la mise au point de crèmes et de lotions visant à renforcer l’équilibre de la flore cutanée, à l’instar de produits similaires pour l’intestin. Il s’agit notamment de prébiotiques (compléments ou nutriments pour la flore cutanée) ou de probiotiques (produits qui contiennent de la flore cutanée). Cependant, nous avons encore <a href="https://www.mdpi.com/2079-9284/8/3/90/htm">beaucoup à apprendre</a> sur ces types de formulations.</p>
<h2>En bref</h2>
<p>Les pellicules sont gênantes, le traitement est efficace, mais il peut nécessiter des séances répétées. Nous espérons pouvoir mettre au point des shampooings améliorés qui délivrent mieux le principe actif là où il est requis.</p>
<p>Mais nous devons trouver un équilibre. Nous ne voulons pas éliminer tous les micro-organismes de notre peau.</p>
<p>Ceux-ci sont importants pour notre immunité, notamment en empêchant les microbes pathogènes de s’installer. Ils aident également la peau à produire des peptides antimicrobiens (protéines courtes) qui nous protègent de ces agents pathogènes.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/211570/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Sean Mangion est également étudiant en médecine à l'Université de Sydney.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Lorraine Mackenzie ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les pellicules existent depuis des milliers d’années. Voici comment vous débarrasser des vôtres.Lorraine Mackenzie, Associate Professor, Clinical and Health Sciences, University of South AustraliaSean Mangion, PhD Candidate, University of South AustraliaLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2057252023-06-09T12:49:30Z2023-06-09T12:49:30ZLa surdose d’acétaminophène est l’une des principales causes de lésions hépatiques. Voici comment l’éviter<p>Larissa, une étudiante canadienne âgée de 21 ans, était en train de se remettre de la Covid-19 lorsqu’elle est morte des complications liées à une surdose accidentelle d’acétaminophène, un médicament que l’on trouve dans toutes les pharmacies et dans la plupart des salles de bain.</p>
<p>Au moment du décès de Larissa, sa sœur Darby étudiait en deuxième année à l’école de pharmacie de l’Université de Waterloo, où on aborde ce sujet en classe.</p>
<blockquote>
<p>On a été choqués par la rapidité avec laquelle cela s’est produit, se rappelle Darby. Larissa était en bonne santé et, moins d’une semaine après la surdose, son foie a lâché, elle a reçu une greffe de foie, puis elle est morte des suites de complications. On ne sait toujours pas ce qui s’est passé. C’est difficile parce qu’on se rend compte qu’on ne le saura probablement jamais. </p>
</blockquote>
<p>Avec le recul, Darby comprend qu’elle ne saura jamais ce qui a mené à cette surdose, mais elle est sûre que ce n’était pas délibéré. Sa sœur a sans doute voulu traiter des symptômes de la Covid-19 à un moment où elle se nourrissait mal.</p>
<p>En tant que spécialistes du foie et pharmaciennes, nous avons soigné des centaines de personnes victimes de surdoses d’acétaminophène et avons travaillé pendant des années pour sensibiliser aux risques d’une surdose accidentelle ou intentionnelle. Nous étions tous les trois en train de concevoir des <a href="https://uwaterloo.ca/pharmacy/resources-services-and-initiatives/health-resources/pharmacy5in5-resources#acetaminophen">outils pédagogiques</a> sur les lésions hépatiques liées à l’acétaminophène à l’intention des prestataires de soins de santé lorsque nous avons entendu l’histoire de Larissa.</p>
<h2>Principale cause d’insuffisance hépatique aiguë</h2>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/522837/original/file-20230425-20-ybzm1z.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Une infographie décrivant les risques hépatiques de l’acétaminophène" src="https://images.theconversation.com/files/522837/original/file-20230425-20-ybzm1z.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/522837/original/file-20230425-20-ybzm1z.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=776&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/522837/original/file-20230425-20-ybzm1z.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=776&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/522837/original/file-20230425-20-ybzm1z.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=776&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/522837/original/file-20230425-20-ybzm1z.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=976&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/522837/original/file-20230425-20-ybzm1z.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=976&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/522837/original/file-20230425-20-ybzm1z.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=976&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">L’acétaminophène est la cause la plus fréquente d’insuffisance hépatique liée à la prise de médicaments au Canada.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Kelly Grindrod)</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>On trouve de l’acétaminophène dans plus de 600 produits, tels que Tylenol, Percocet, Midol, Robaxacet et NeoCitran. Il s’agit pourtant de l’une des principales causes <a href="https://www.canada.ca/fr/sante-canada/services/medicaments-et-appareils-medicaux/acetaminophene.html">d’insuffisance hépatique aiguë</a>, qui peut s’avérer fatale en l’absence d’une greffe de foie. Si des millions de personnes dans le monde prennent de l’acétaminophène chaque jour, pourquoi connaissons-nous si peu les risques de surdose ?</p>
<p>Chaque année, environ <a href="https://www.canada.ca/fr/sante-canada/services/medicaments-et-appareils-medicaux/acetaminophene.html">4 500 Canadiens sont hospitalisés</a> à la suite d’une surdose d’acétaminophène, ce qui représente 12 hospitalisations par jour. <a href="https://www.canada.ca/fr/sante-publique/services/rapports-publications/promotion-sante-prevention-maladies-chroniques-canada-recherche-politiques-pratiques/vol-40-no-4-2020/tendances-urgences-intoxications-acetaminophene-2011-2019.html">Près de la moitié des surdoses sont accidentelles</a>, comme cela a été le cas pour Larissa, selon sa famille.</p>
<p>Le risque est plus élevé pour les personnes qui consomment régulièrement trois boissons alcoolisées ou plus par jour, qui souffrent de malnutrition ou qui sont à jeun, car dans leur cas, une surdose peut se produire à des doses standard d’acétaminophène (la dose maximale recommandée sur 24 heures est de 4 000 milligrammes pour les adultes, et moins pour les enfants).</p>
<p>Une erreur fréquente consiste à combiner des médicaments contenant de l’acétaminophène en vente libre ou sur ordonnance. Une <a href="https://doi.org/10.1371/journal.pone.0229070">enquête que nous avons menée en 2020</a> a révélé que plus de la moitié des personnes interrogées ne savaient pas que les produits extra-forts contenaient jusqu’à deux fois plus d’acétaminophène que ceux de base.</p>
<p>La pénurie récente de médicaments contre la douleur et la fièvre destinés aux enfants a suscité des inquiétudes quant aux <a href="https://ismpcanada.ca/wp-content/uploads/ISMPCSB2022-i11-Imported-Acetaminophen.pdf">risques de surdose accidentelle</a>, puisque les parents ont dû soigner leurs enfants avec des produits pour adultes.</p>
<h2>Toxicité et surdose</h2>
<p>Des doses standard d’acétaminophène ne sont pas toxiques pour le foie : la <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC4498995/pdf/nihms690826.pdf">majeure partie est décomposée par le foie et quitte l’organisme avec les urines</a>. Mais le foie a une capacité limitée à décomposer l’acétaminophène.</p>
<p>Lorsqu’une trop grande quantité est absorbée pendant une période de 24 heures, le foie ne peut pas la décomposer assez rapidement. Le surplus d’acétaminophène se déverse dans une autre voie, où le foie le décompose en un produit qui est toxique pour lui. Plus on consomme d’acétaminophène en une seule fois, plus il y aura de produit toxique.</p>
<p>Dans les 24 heures suivant une surdose, on peut présenter des symptômes légers tels que nausées et vomissements, mais dans de nombreux cas, il n’y a aucun symptôme.</p>
<p>Après un jour ou deux, les lésions du foie apparaissent et les symptômes peuvent inclure des douleurs abdominales, une urine foncée et un jaunissement des yeux et de la peau. Au bout de trois jours, des symptômes tels que des saignements, des ecchymoses, de la confusion et de l’hypoglycémie signalent que le foie est défaillant et qu’il y a risque de décès.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Une bouteille ouverte d’acétaminophène couchée sur le côté avec des caplets qui s’écoulent" src="https://images.theconversation.com/files/523061/original/file-20230426-221-dv5jxz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/523061/original/file-20230426-221-dv5jxz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=350&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/523061/original/file-20230426-221-dv5jxz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=350&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/523061/original/file-20230426-221-dv5jxz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=350&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/523061/original/file-20230426-221-dv5jxz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=440&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/523061/original/file-20230426-221-dv5jxz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=440&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/523061/original/file-20230426-221-dv5jxz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=440&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Lorsqu’on achète de l’acétaminophène pour des troubles courants tels que maux de tête ou douleurs arthritiques, il convient de choisir un produit de base. Les produits extra-forts augmentent le risque de surdosage accidentel.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span>
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</figure>
<p>Bien que le foie puisse se régénérer de lui-même, <a href="https://www.canada.ca/fr/sante-canada/services/medicaments-et-appareils-medicaux/acetaminophene.html">environ 6 % des personnes hospitalisées à la suite d’une surdose d’acétaminophène développent une insuffisance hépatique</a>.</p>
<p>Un traitement rapide est essentiel. Il existe un antidote (un médicament intraveineux appelé N-acétylcystéine), mais il est <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/books/NBK548162/">plus efficace s’il est administré dans les 24 heures</a> après la surdose. Une greffe de foie peut être nécessaire, surtout si le traitement est fait trop tard, et de nombreuses personnes meurent dans l’attente d’un foie ou à la suite des complications d’une greffe de foie.</p>
<h2>L’acétaminophène sans risques</h2>
<p>Comme l’acétaminophène est un des médicaments les plus courants contre la douleur et la fièvre, il convient de prendre des mesures pour réduire les risques de lésions hépatiques.</p>
<p>Pour commencer, il faut toujours <a href="https://safemedicationuse.ca/tools_resources/tips_acetaminophen.html">lire les étiquettes</a>. Ensuite, il ne faut jamais consommer plus d’un produit contenant de l’acétaminophène à la fois et porter une attention particulière aux médicaments contre l’arthrite, le rhume et la grippe, le sommeil, les douleurs menstruelles et les maux de dos. Et on ne doit pas hésiter à poser des questions au pharmacien.</p>
<p>Vérifiez toujours les emballages d’acétaminophène pour connaître la dose unique maximale et la dose sur 24 heures. Si on commence à midi, la fenêtre de 24 heures se termine à midi le lendemain. Prenez-en moins si vous consommez régulièrement trois boissons alcoolisées ou plus par jour ou si vous n’arrivez pas à manger régulièrement, par exemple en cas de troubles de l’alimentation, de faiblesse liée à l’âge ou si vous souffrez de nausées ou de vomissements.</p>
<p>Lorsque vous achetez de l’acétaminophène pour des affections courantes telles que des maux de tête ou des douleurs arthritiques, optez pour le produit standard. Les produits extra-forts augmentent les risques de surdose.</p>
<p>En cas de surdose, appelez la <a href="https://www.canada.ca/fr/sante-canada/nouvelles/2023/03/le-canada-lance-le-1-844-poison-x-un-nouveau-numero-sans-frais-pour-les-centres-antipoison.html">ligne antipoison sans frais de Santé Canada (1-844-POISON-X)</a> ou votre centre antipoison local pour obtenir des conseils sur ce que vous devez faire.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/205725/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Kelly Grindrod a reçu des fonds de recherche du CRSNG PromoScience, de l'Agence de santé publique du Canada, des Instituts de recherche en santé du Canada, de la British Academy et de la Canadian Foundation for Pharmacy.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Eric Yoshida est affilié à l'Université de la Colombie-Britannique et à l'Hôpital général de Vancouver. Il a participé à des essais cliniques parrainés par Gilead Sciences, Madrigal, Pfizer, Allergan, Celgene, Genfit, Intercept, Novodisc. Il a également reçu une bourse de recherche sans restriction de Paladin Laboratories. Il n'a aucun conflit d'intérêt avec cet article.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Trana Hussaini ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>L’acétaminophène est l’un des médicaments les plus couramment utilisés. Pourtant, la surdose d’acétaminophène est l’une des principales causes de lésions hépatiques. Elle peut être facilement évitée.Kelly Grindrod, Associate Professor, School of Pharmacy, University of WaterlooEric Yoshida, Professor of Medicine, University of British ColumbiaTrana Hussaini, Clinical associate professor, Faculty of Pharmaceutical Sciences, University of British ColumbiaLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2043522023-05-09T18:23:44Z2023-05-09T18:23:44ZDans les eaux de baignade, les cyanobactéries, amies ou ennemies ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/523444/original/file-20230428-22-ao2mgv.JPEG?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C2048%2C1536&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Lorsqu'elles sont trop nombreuses, les cyanobactéries peuvent rendre les eaux des lacs impropres à la baignade. Ici, une efflorescence de cyanobactéries sur un lac d'Ile-de-France en août 2022.</span> <span class="attribution"><span class="source">Sébastien Duperron</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span></figcaption></figure><p>L’été 2022 a été le <a href="https://theconversation.com/troisieme-vague-de-chaleur-une-secheresse-sans-precedent-cet-ete-2022-184792">plus chaud enregistré en France</a> depuis 1900. Et s’il vous est venu l’idée de vous rafraîchir en allant vous baigner dans un lac, une rivière ou une base de loisirs, vous en avez peut-être été empêché en raison d’une fermeture pour cause de <a href="https://theconversation.com/eaux-de-baignade-comment-mieux-detecter-les-cyanobacteries-toxiques-99913">prolifération de cyanobactéries</a>, qui peuvent s’avérer toxiques pour notre santé ou celles de nos animaux.</p>
<p>Mais qui sont ces cyanobactéries ? Quels problèmes posent-elles ? Sont-elles nos amies ou nos ennemies ?</p>
<h2>Les cyanobactéries, ingénieures de la biosphère</h2>
<p>Peut-être faut-il commencer par les présentations. Les cyanobactéries sont, comme leur nom l’indique, des bactéries microscopiques, de couleur bleu-vert.</p>
<p>Mais elles ne sont pas seulement des micro-organismes qui gâchent nos baignades ! Loin d’être de simples « nuisibles », ce sont avant tout les <a href="https://doi.org/10.1146/annurev.earth.33.092203.122711">inventeuses de la photosynthèse oxygénique</a> (qui utilise du CO<sub>2</sub> et produit de l’O<sub>2</sub>, comme celle utilisée par les arbres). Elles sont donc à l’origine de toute la photosynthèse et de l’oxygénation de notre planète… sans lesquelles nous n’existerions pas. Rien que ça !</p>
<p>Petit retour en arrière. L’origine des cyanobactéries remonte aux temps très anciens de l’Archéen, entre 2,7 et 3,5 milliards d’années. À cette époque, d’autres bactéries utilisent déjà des machineries moléculaires appelées photosystèmes, capables de convertir l’énergie lumineuse en énergie chimique, permettant leur croissance et leur multiplication. Grâce à ces photosystèmes, ces bactéries peuvent déjà convertir du carbone inorganique (comme le dioxyde de carbone atmosphérique) en molécules complexes nécessaires au vivant (comme les sucres, les lipides ou les acides nucléiques).</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<p><em>Pour suivre au plus près les questions environnementales, retrouvez chaque jeudi notre newsletter thématique « Ici la Terre ». <a href="https://theconversation.com/fr/newsletters/la-newsletter-environnement-150/">Abonnez-vous dès aujourd’hui</a>.</em></p>
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<p>Mais pour la première fois, les cyanobactéries vont associer deux photosystèmes distincts et complémentaires. Cela va leur permettre de réaliser une <a href="https://doi.org/10.1016/j.freeradbiomed.2019.05.007">forme alors inédite de photosynthèse</a>, particulièrement productive, qui produit comme « déchet » du dioxygène.</p>
<p>Grâce à cette productivité, le succès écologique des cyanobactéries est très rapide, et elles se développent très largement… transformant au passage toute la chimie de la biosphère.</p>
<p>Jusque-là, en effet, océans et atmosphère ne contenaient que très peu d’oxygène, et abritaient donc des micro-organismes anaérobies. Or, le développement de ces cyanobactéries pratiquant la photosynthèse oxygénique va produire beaucoup, beaucoup d’oxygène ! Cet oxygène s’accumule d’abord dans les océans puis, au cours du dernier milliard d’années écoulé, dans l’atmosphère.</p>
<p>Mais ce n’est pas tout. Il y a environ un milliard d’années, les cyanobactéries sont entrées en symbiose avec une lignée d’organismes unicellulaires dotés d’un noyau. Elles ont ainsi donné naissance aux <a href="https://www.theses.fr/2022UPASL069">chloroplastes</a>, des petits compartiments verts responsables de la photosynthèse présents dans les cellules des micro- et macro-algues, et des végétaux terrestres.</p>
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<img alt="Eau brouillée par des microalgues vert/bleu" src="https://images.theconversation.com/files/523446/original/file-20230428-20-pmsybu.JPEG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/523446/original/file-20230428-20-pmsybu.JPEG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/523446/original/file-20230428-20-pmsybu.JPEG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/523446/original/file-20230428-20-pmsybu.JPEG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/523446/original/file-20230428-20-pmsybu.JPEG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/523446/original/file-20230428-20-pmsybu.JPEG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/523446/original/file-20230428-20-pmsybu.JPEG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Efflorescence de cyanobactéries sur un lac d’Ile-de-France en août 2022.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Sébastien Duperron</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Les cyanobactéries sont donc à l’origine de toute la photosynthèse et de l’oxygénation de notre planète ! Notre existence même en est une conséquence, d’une part puisque l’oxygène est indispensable à toute vie animale, et d’autre part puisque nous dépendons largement des plantes pour notre alimentation.</p>
<h2>Les effets néfastes des cyanobactéries</h2>
<p>Mais revenons au présent, et à nos cours d’eau ou nos lacs. Quand la température s’élève, la photosynthèse s’accélère. Si l’on ajoute à cela l’eutrophisation, c’est-à-dire l’enrichissement des eaux par des nutriments comme le phosphore ou l’azote de nos engrais, le résultat ne se fait pas attendre : les cyanobactéries prolifèrent. L’eau claire du lac devient une <a href="https://theconversation.com/ce-que-la-couleur-des-oceans-revele-du-changement-climatique-113725">soupe verte ou rouge</a>, selon les espèces… Une simple conséquence de leur redoutable efficacité !</p>
<p>Ces phénomènes sont connus depuis l’Antiquité, ou encore chez les Aztèques et les <a href="https://www.pnas.org/doi/abs/10.1073/pnas.2109919118">Mayas</a>, dans certains plans d’eau douce tout comme dans les Océans. Cependant, le réchauffement climatique ainsi que l’augmentation des activités humaines (agriculture, rejet d’eaux usées insuffisamment traitées…) au cours des dernières décennies ont augmenté la fréquence et l’intensité de ces épisodes.</p>
<p>Or, ces proliférations de cyanobactéries sont néfastes pour la faune, la flore et la santé humaine.</p>
<p>Ainsi, même si la photosynthèse produit de l’oxygène, la biomasse de cyanobactéries produite lors des proliférations est rapidement dégradée par des bactéries qui vont consommer cet oxygène. Cela conduit <em>in fine</em> à l’anoxie des eaux (c’est-à-dire un manque d’oxygène) et à l’asphyxie des animaux, en particulier les poissons qui peuvent ainsi mourir brusquement.</p>
<p>D’autre part, certaines espèces de cyanobactéries (dites cyanobactéries toxinogènes) synthétisent de puissantes toxines, appelées cyanotoxines. Les plus préoccupantes pour la santé humaine sont les microcystines, les cylindrospermopsines, les anatoxines, les saxitoxines et les nodularines.</p>
<p>Après ingestion, contact ou inhalation, elles agissent sur différents organes comme le foie (effets hépatotoxiques), le système nerveux (effets neurotoxiques), les systèmes reproducteurs (effets reprotoxiques) ou les muqueuses (effets dermatotoxiques), avec des conséquences pouvant aller jusqu’à la mort. Des cas d’intoxications, dont celles mortelles de chiens, sont ainsi rapportés chaque année en période estivale.</p>
<p>En France, les cyanotoxines les plus fréquentes sont réglementées et <a href="https://theconversation.com/eaux-de-baignade-comment-mieux-detecter-les-cyanobacteries-toxiques-99913">régulièrement dosées</a> dans les eaux de consommation et de loisirs. Lorsque les <a href="https://www.anses.fr/fr/content/les-cyanobact%C3%A9ries-en-questions">valeurs seuils de cyanobactéries toxinogènes ou de cyanotoxines</a> sont dépassées, les autorités peuvent être amenées à limiter les activités voire fermer l’accès aux plans d’eau, ou limiter l’utilisation ou la consommation de l’eau.</p>
<h2>Les cyanobactéries sont aussi des alliées pour la santé</h2>
<p>Heureusement, toutes les cyanobactéries ne produisent pas de toxines, et elles ne produisent pas <em>que</em> des toxines.</p>
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<img alt="Une dizaine de longs filaments verts, chacun formant un serpentin ou une spirale" src="https://images.theconversation.com/files/523899/original/file-20230502-18-ua4i80.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/523899/original/file-20230502-18-ua4i80.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/523899/original/file-20230502-18-ua4i80.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/523899/original/file-20230502-18-ua4i80.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/523899/original/file-20230502-18-ua4i80.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/523899/original/file-20230502-18-ua4i80.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/523899/original/file-20230502-18-ua4i80.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">La microalgue <em>Limnospira fusiformis</em> observée grâce à un microscope optique.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Charlotte Duval/MNHN</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Elles sont en effet considérées comme des chimistes hors pair, produisant une grande diversité de molécules bioactives, dont certaines trouvent des applications dans le domaine de la santé. Dans une synthèse récente, notre équipe a ainsi recensé la production par les cyanobactéries de 10 classes de composés chimiques, présentant au moins <a href="https://www.mdpi.com/1660-3397/17/6/320">14 types d’activités potentiellement bénéfiques</a>, et dont la plupart demeurent à explorer.</p>
<p>Parmi les exemples les plus emblématiques, la dolastatine 10 est à l’origine de la commercialisation d’un médicament anticancéreux (le brentuximab vedotin) utilisé dans le traitement du lymphome dans la maladie de Hodgkin.</p>
<p>Un autre exemple est celui de la cyanobactérie <em>Limnospira</em> (anciennement nommée <em>Arthrospira</em>) utilisée comme complément alimentaire depuis des siècles et commercialisée sous le nom générique de « Spiruline ». Cette cyanobactérie est riche en protéines, en minéraux, en vitamines et acides gras insaturés.</p>
<p>Avec plus de 1700 espèces connues et bien davantage encore restant à décrire, les cyanobactéries représentent donc une ressource importante pour l’innovation bioinspirée.</p>
<h2>Les cyanobactéries, sentinelles avant tout</h2>
<p>Il est probable que les proliférations de cyanobactéries soient encore fréquentes l’été prochain, et qu’elles nous priveront parfois d’activités nautiques, de pêche, ou de baignade. Plus grave, dans de nombreuses régions du monde, elles affectent directement les <a href="https://www.inrae.fr/actualites/wasaf-proteger-ressources-eau-potable-surface-afrique">ressources en eau potable</a> dont dépendent les populations.</p>
<p>Mais au-delà de leur impact sur nos activités, ces épisodes révèlent avant tout les déséquilibres et la mauvaise santé des écosystèmes aquatiques.</p>
<p>Fortement liée aux activités humaines qui contribuent à l’eutrophisation des eaux, l’augmentation des proliférations de cyanobactéries partout dans le monde doit nous interpeller sur les menaces qui pèsent sur la qualité de l’eau et la biodiversité, et soulignent à quel point le bien-être de l’humain est intimement lié à celui des écosystèmes aquatiques.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/204352/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Sébastien Duperron a reçu des financements de l'Agence Nationale de la Recherche, du CNRS, du MNHN et de l'Institut Universitaire de France. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Benjamin Marie a reçu des financements de l'Agence Nationale de la Recherche, du MNHN, de la Région Ile de France, du CNRS et de l'ANSES</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Cécile Bernard a reçu des financements de l'Agence Nationale de la Recherche, du MNHN, de la Région Ile de France, du CNRS et de l'ANSES . </span></em></p>Microalgues dont la prolifération est dangereuse pour l’humain et l’environnement, les cyanobactéries sont aussi à la base de la production d’oxygène terrestre, et de bien d’autres apports.Sébastien Duperron, Professeur d'écotoxicologie microbienne, Muséum national d’histoire naturelle (MNHN)Benjamin Marie, Research scientist, Muséum national d’histoire naturelle (MNHN)Cécile Bernard, Professeure du Muséum national d'Histoire naturelle., Muséum national d’histoire naturelle (MNHN)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2028892023-04-03T17:57:03Z2023-04-03T17:57:03ZOzempic et perte de poids : les risques derrière le mauvais usage de cet antidiabétique<p>Début mars, L’Agence nationale de la sécurité du médicament (ANSM) et l’Assurance-maladie annonçaient une « surveillance renforcée » sur un antidiabétique : l’Ozempic. Or, ce médicament est plébiscité sur le réseau social TikTok, mais pour un autre usage… maigrir. Y a-t-il un usage détourné ? Et quels en sont les risques réels ?</p>
<p>Il importe de savoir, déjà, de quoi l’on parle. L’Ozempic est le nom commercial du <a href="https://www.vidal.fr/medicaments/substances/semaglutide-25733.html">sémaglutide</a>. C’est un agent de la classe des analogues du GLP-1 (<em>glucagon-like peptide 1</em>) utilisé pour le traitement du diabète de type 2, le diabète de loin le plus fréquent et qui est fortement lié à l’obésité.</p>
<p>Il est commercialisé sous la forme de seringues préremplies contenant quatre doses, de façon à atteindre progressivement 1 mg afin de réduire le risque d’intolérance gastro-intestinale.</p>
<p>Outre son effet antidiabétique puissant, le sémaglutide réduit effectivement le poids de façon significative. Raison pour laquelle il a été testé dans l’obésité par son fabricant, Novo Nordisk, à une dose supérieure : 2,4 mg.</p>
<p>Les analogues du GLP-1 offrent aussi une protection cardiovasculaire importante dans le diabète. Ceci est à souligner car le pronostic du diabète, et dans une grande mesure celui de l’obésité sévère, tient surtout à un risque cardiovasculaire accru. On comprend dès lors que la prescription est faite dans le diabète pour la longue durée ; elle ne sera révisée au fil de l’évolution qu’au cas par cas.</p>
<h2>Une perte de poids, vraiment ?</h2>
<p>Les analogues du GLP-1 réduisent généralement le poids (mais pas toujours) en ralentissant la vidange gastrique et en régulant la satiété, sans qu’il s’agisse pour autant d’un <a href="https://theconversation.com/vers-un-nouveau-traitement-de-lobesite-restaurer-la-sensation-de-satiete-88195">« coupe-faim »</a>. S’agissant du sémaglutide/Ozempic, plusieurs études ont été réalisées dans l’obésité et à différents dosages.</p>
<p>Une première a comparé l’<a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/30122305/">effet sur le poids de différentes doses en administration quotidienne</a> comparativement un placebo. À un an, les doses de 0,05 mg, 0,1 mg, 0,2 mg, 0,3 mg et 0,4 mg ont provoqué respectivement des pertes de poids de 6,0 % (-6,7 kg), 8,6 % (-9,3 kg), 11,6 % (-12,3 kg), 11,2 % (-12,5 kg), et 13,8 % (-15,1 kg). La perte pondérale est donc clairement dose-dépendante.</p>
<p>À la dose cette fois hebdomadaire et unique de 2,4 mg, une étude a observé au terme de 68 semaines de traitement une <a href="https://www.nejm.org/doi/full/10.1056/NEJMoa2032183">perte pondérale moyenne de 15 % (15 kg)</a>, contre 2 % (3 kg) avec la seule modification du mode de vie.</p>
<p>Novo Nordisk met à disposition deux dosages du sémaglutide, sous deux noms différents :</p>
<ul>
<li><p>L’Ozempic, commercialisé pour le traitement du diabète à la dose de 1 mg par semaine (et remboursé pour cette indication),</p></li>
<li><p>Le Wegovy, pour le traitement de l’obésité à la dose de 2,4 mg par semaine, accessible (en France) dans le cadre d’une procédure strictement contrôlée dite d’accès précoce (menée dans l’attente d’une commercialisation) pour l’obésité la plus sévère (avec un indice de masse corporelle à 40 kg/m<sup>2</sup>) associée à des complications.</p></li>
</ul>
<p>Le Wegovy ne peut donc pas être détourné de son usage ; tel n’est pas nécessairement le cas pour l’Ozempic.</p>
<h2>Un mésusage de l’Ozempic</h2>
<p>Le fabricant a signalé à la fin 2022 des difficultés d’approvisionnement pour les patients diabétiques en raison d’un détournement d’usage. De son côté, l’ANSM, en lien avec l’Assurance Maladie, indiquait <a href="https://ansm.sante.fr/actualites/ozempic-semaglutide-un-medicament-a-utiliser-uniquement-dans-le-traitement-du-diabete-de-type-2">accroître sa vigilance le 1ᵉʳ mars dernier, mais relativisait les choses pour la France</a> :</p>
<blockquote>
<p>« Les données du système national des données de santé extraites pour la période du 1<sup>er</sup> octobre 2021 au 30 septembre 2022 montrent qu’environ 600 000 patients ont reçu un médicament de la classe des analogues du GLP-1, dont 215 000 patients la spécialité Ozempic. Parmi ces patients, 2 185 bénéficiaires d’Ozempic peuvent être considérés comme non-diabétiques selon les estimations de l’Assurance Maladie. Ainsi, sur la base des seules données de remboursement, le mésusage potentiel pour la spécialité Ozempic est estimé à environ 1 %. »</p>
</blockquote>
<p>Ce faible pourcentage, à tout le moins en France, n’est pas de nature à expliquer les difficultés d’approvisionnement. Il faut sans doute plutôt invoquer l’engouement pour la molécule relayé à travers le monde par les réseaux sociaux, notamment en Asie – fortement peuplée et où l’incidence de l’obésité suit le cours du développement.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/4QpZsRoapDA?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
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<h2>Quels sont les risques du mésusage ?</h2>
<p><strong><em>À l’échelle de l’individu</em></strong></p>
<p>On dispose d’un long recul pour juger des effets secondaires des analogues du GLP-1, et les premières études à grande échelle ont été menées dans les années 2000.</p>
<p>Les effets secondaires les plus fréquents répertoriés sont plus gênants que graves. De façon générale, les <a href="https://ansm.sante.fr/actualites/ozempic-semaglutide-un-medicament-a-utiliser-uniquement-dans-le-traitement-du-diabete-de-type-2">fiches techniques</a> font apparaître la fréquence d’un inconfort gastro-intestinal, marqué par des nausées-vomissements et/ou une diarrhée, et un effet dépresseur sur l’appétit d’intensité variable, de nul à assez marqué parfois pour le sémaglutide – la taille modeste de la molécule lui permettant d’atteindre assez aisément le cerveau. Il n’y a pas d’effet hypoglycémiant, sauf si la médication vient renforcer l’effet d’une insuline déjà en place.</p>
<p>Des événements graves ont pu être signalés (et médiatisés), tels une pancréatite, un cancer particulier de la thyroïde ou encore un trouble de la conduction cardiaque. Des éléments méthodologiques font toutefois douter du lien de causalité.</p>
<p>L’effet secondaire problématique à retenir est l’altération de l’appétit quand elle est marquée et survient chez un sujet vulnérable (âgé, etc.). Il convient en effet de s’assurer que la perte de poids ne se produise pas aux dépens de la masse musculaire.</p>
<p>Enfin, il doit être rappelé qu’aucun médicament actif n’est dénué d’effet secondaire. Aussi, si la médication devait être prise en l’absence de diabète et d’obésité très sévère, tout événement grave, même rare, serait inacceptable. Prescrite ou prise en automédication à tort dans l’obésité, la médication devrait alors être suspendue. Que se passerait-il suite à cet arrêt ? Il faut s’attendre au mieux à la reprise du poids perdu, car l’effet de la médication est suspensif ; au plus à un rebond, si la médication a fait cesser la vigilance autour de la modification du mode de vie.</p>
<p><strong><em>En santé publique</em></strong></p>
<p>Le risque se situe plutôt à ce niveau, et il est indirect : à savoir un phénomène de mésusage d’ampleur telle qu’il limiterait l’accès à l’Ozempic de sujets diabétiques, surtout si des pratiques étaient de « forcer la dose » pour accroître l’effet sur le poids. Si la disponibilité venait à manquer pour le diabète, le risque pour le sujet traité serait un déséquilibre franc de son diabète.</p>
<p>Certes, il existe plusieurs classes d’antidiabétiques, mais le sémaglutide est le plus puissant de la classe la plus puissante (hormis l’insuline). Et il n’y a parfois pas de possibilité de remplacement, quand le traitement est déjà à son maximum.</p>
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<p><strong><em>À l’échelle de la collectivité</em></strong></p>
<p>Un élément d’une autre nature à prendre en considération est celui de l’altération du rapport au temps qui prévaut actuellement – les philosophes parlent bien de « tyrannie de l’immédiateté », de « dictature de l’urgence »…</p>
<p>Dans un tel contexte, la communication immédiatement accessible diffusée via les réseaux sociaux sur l’effet du sémaglutide sur le poids peut faire courir le risque de détourner du travail lent et patient, sinon pénible, à mener pour modifier son mode de vie, changer son alimentation, accroître son activité physique, etc.</p>
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<h2>Mésusage, ou contournement de la réglementation ?</h2>
<p>Il n’est pas aisé de distinguer le mésusage du détournement.</p>
<p>Prenons le cas d’un traitement transitoire par sémaglutide en préparation à la chirurgie de l’obésité : cette indication n’est pas reconnue alors qu’elle pourrait être pertinente dans le risque opératoire élevé, a fortiori si elle permet d’éviter une mesure délétère (par exemple le régime cétogène, restrictif, susceptible de réduire la masse musculaire). Il y aurait ici un contournement de la réglementation actuelle, mais pas de mésusage au sens thérapeutique.</p>
<p>Réglementairement, en effet, les indications s’inscrivent en déclinaison des situations testées dans des essais cliniques censés refléter les cas de figure de la pratique courante. Et des médications peuvent faire l’objet d’une ou de plusieurs extension(s) d’indication au décours de leur première autorisation, au sortir de nouveaux protocoles.</p>
<p>Dans le même esprit, comparativement aux conditions très strictes d’accès au Wegovy (à la dose de 2,4 mg par semaine), à savoir l’obésité très sévère avec des complications, l’obésité moins sévère mais associée à des complications (rhumatologiques, respiratoires, hépatiques, etc.) est quand même une maladie. Si l’Ozempic devait être utilisé en lieu et place du Wegovy, il y aurait mésusage au plan réglementaire mais pour une indication qui pourrait être légitime, surtout si le sémaglutide devait faire montre d’une protection vasculaire.</p>
<p>À ce sujet, nous disposerons en fin d’année des résultats d’un essai clinique de protection cardiovasculaire réalisé avec la dose de 2,4 mg par semaine. S’ils s’avèrent favorables, on pourrait s’acheminer vers le remboursement du Wegovy, et ce possiblement pour toutes les situations d’obésité. Ce qui est un mésusage aujourd’hui pourrait ainsi être de bonne pratique thérapeutique bientôt.</p>
<h2>Distinguer les mésusages</h2>
<p>Au-delà des faits, il y a deux niveaux de lecture, non exclusifs, de la présente problématique du mésusage de l’Ozempic : le premier, qui renverrait à une pratique consumériste, n’est guère justifiable.</p>
<p>Le second s’inscrit à l’opposé et tiendrait au fait que nous n’avons pas de parade pour traiter efficacement et dans des délais raisonnables l’obésité en phase statique (et non plus en phase de croissance pondérale) compliquée de douleurs physiques et de souffrance psychosociale.</p>
<p>La médecine de l’obésité est souvent une médecine de l’échec. Or, et ceci est à déplorer aussi, la consultation diététique n’est pas remboursée ; la consultation en psychologie ne l’est guère plus ; l’activité physique adaptée n’est pas inscrite à la nomenclature des soins ; et l’éducation thérapeutique du patient, tant prônée dans les maladies chroniques, est très mal valorisée elle aussi. L’enjeu devient ici politique, surtout si, en regard de ces difficultés, un médicament de l’obésité assez onéreux venait à être remboursé.</p>
<p>En conclusion, il importe d’éviter tout amalgame en établissant deux distinctions : entre les doses de sémaglutide prescrites pour le diabète ou l’obésité ; et entre la médicalisation raisonnée et les pratiques dévoyées par clientélisme ou d’automédication cosmétique – ou, dit autrement, entre usage raisonné mais réalisé hors cadre réglementaire, et réel mésusage. Si ce dernier ne semble pas faire courir un risque important au sujet traité, il risque de priver le sujet diabétique d’un traitement majeur.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/202889/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jean-Daniel Lalau a reçu des honoraires pour des communications scientifiques de : AstraZeneca, Bayer, Lilly, MSD, Novo Nordisk, Sanofi sans que cela n'entraîne de conflit d’intérêt pour la rédaction de cet article.</span></em></p>Depuis quelques mois, la tendance s'est installée sur TikTok : prendre de l'Ozempic, un antidiabétique, pour perdre du poids… Détournement ? Mésusage ? De quoi parle-t-on et quels sont les risques.Jean-Daniel Lalau, Professeur de nutrition, PériTox, UMR_I 01, Université de Picardie Jules Verne, et service d’endocrinologie-diabétologie-nutrition, CHU d’Amiens, Université de Picardie Jules Verne (UPJV)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2020322023-03-21T18:00:20Z2023-03-21T18:00:20ZSanté mentale et soins psychiques de l’enfant : les impasses du « tout biologique »<p>Le récent rapport publié par le Haut Conseil de la Famille, de l’Enfance et de l’Âge <a href="https://www.hcfea.fr/">(HCFEA)</a> alerte sur la <a href="https://www.hcfea.fr/IMG/pdf/hcfea_sme_rapport_13032023.pdf">souffrance psychique des enfants et des adolescents</a>, ainsi que sur le déficit chronique de moyens alloués aux dispositifs de soin, d’éducation et d’intervention sociale en France. Nous avons détaillé dans notre précédent article <a href="https://theconversation.com/sante-mentale-et-soins-psychiques-de-lenfant-la-surmedication-depasse-toutes-les-bornes-scientifiques-201639">l’augmentation continue et inappropriée de la consommation de médicaments psychotropes en population pédiatrique en France</a>.</p>
<p>Nous analysons ici l’idée ancienne qu’un trouble mental peut être causé par une anomalie cérébrale. Et que, étant d’origine biologique, ce dysfonctionnement peut être solutionné par un traitement chimique, électrique ou mécanique. Une approche favorisée de longue date, mais dont les résultats demeurent limités. Car, de fait, des anomalies sont « associées » à des troubles mentaux… le problème porte sur leur causalité.</p>
<p>Ces prescriptions, souvent en dehors des consensus scientifiques internationaux et des dispositifs réglementaires (Autorisations de mise sur le marché et recommandations des agences de santé), viennent en contradiction avec les propos de l’OMS qui alertait, en 2022 encore, sur le fait que, « partout dans le monde […], les pratiques actuelles placent les psychotropes au centre de la réponse thérapeutique, alors que les <a href="https://www.who.int/fr/news/item/17-06-2022-who-highlights-urgent-need-to-transform-mental-health-and-mental-health-care">interventions psychosociales et psychologiques et le soutien par les pairs</a> sont aussi des pistes à explorer, qui devraient être proposées ».</p>
<p>L’organisation internationale adopte sur le sujet une position forte, affirmant que « pour réussir à définir une approche de santé mentale intégrée, centrée sur la personne, axée sur son rétablissement et fondée sur ses droits, les pays doivent changer et ouvrir les mentalités, corriger les attitudes de stigmatisation et éliminer les pratiques coercitives ». Pour cela, ajoute-t-elle, « il faut absolument que les systèmes et les services de santé mentale élargissent leur horizon <a href="https://www.who.int/fr/news/item/17-06-2022-who-highlights-urgent-need-to-transform-mental-health-and-mental-health-care">au-delà du modèle biomédical</a> ».</p>
<h2>Les impasses de la psychiatrie biologique</h2>
<p>La « psychiatrie biologique » est la transcription directe de ce paradigme biomédical.</p>
<p>Cette approche porte une conception biologique de la souffrance psychique : elle cherche des marqueurs (principalement neurobiologiques et génétiques) susceptibles de fonder les diagnostics psychiatriques et d’ouvrir la voie à des traitements essentiellement médicamenteux. L’organisation onusienne rappelle qu’elle a « dominé la recherche en santé mentale […] au cours des dernières décennies ». La recherche, mais aussi les politiques françaises ces vingt dernières années.</p>
<p>Si les institutions de santé internationales déplorent l’envahissement, et singulièrement chez les enfants, des approches biomédicales et leurs conséquences en termes de surprescription de psychotropes, ce n’est pas par dogmatisme. C’est parce qu’un état des lieux actualisé des résultats de la recherche témoigne, expérimentalement et empiriquement, des impasses des modèles inspirés par la psychiatrie biologique.</p>
<p>Les travaux en neurobiologie et génétique des troubles mentaux se sont multipliés de façon exponentielle ces quarante dernières années, soutenus par l’amélioration des technologies d’imagerie cérébrale et de séquençage génétique. Deux directions principales ont été explorées : la recherche d’une causalité organique des troubles mentaux d’une part, la mise au point de traitement médicamenteux d’autre part.</p>
<p>Malheureusement, leurs apports à la psychiatrie clinique demeurent limités et contradictoires.</p>
<p>La quasi-totalité des hypothèses de recherche sur les causes neurologiques et génétiques des troubles mentaux – a fortiori chez l’enfant – a été <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0895435605000235">réfutée par les études dites princeps (de référence) et des méta-analyses ultérieures</a>. Dans le meilleur des cas, divers paramètres ont pu être associés à des augmentations marginales des risques de présenter un trouble ou un autre, mais dans des conditions telles qu’elles ne permettent aucune conclusion solide. Elles n’ont donc guère d’intérêt pour les praticiens ou les patients.</p>
<p>Ainsi, malgré plusieurs décennies de recherches intensives :</p>
<ul>
<li><p>Aucun marqueur ni aucun test biologique n’a été validé pour contribuer au diagnostic des troubles mentaux ;</p></li>
<li><p>Aucune nouvelle classe de médicaments psychotropes n’a été découverte depuis 50 ans, au point que l’industrie pharmaceutique a quasiment cessé depuis 2010 ses recherches dans ce domaine. Les médicaments actuels ont été découverts dans les années 1950-1970 par sérendipité, ou en sont des dérivés obtenus en tentant d’en diminuer les effets indésirables. <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1002/wps.20941">Leur efficacité est par ailleurs considérée comme faible</a> par les dernières publications.</p></li>
</ul>
<p>Ces résultats s’appuient désormais sur une telle masse de travaux que l’idée de poursuivre sur les mêmes hypothèses neurobiologiques pose question. La probabilité de découvrir une cause biologique des troubles mentaux qui soutiendrait l’approche pharmacologique de la psychiatrie biologique ne cesse de diminuer à mesure que les études progressent.</p>
<p>Ce changement de perspective a commencé à <a href="https://esprit.presse.fr/article/gonon-francois/la-psychiatrie-biologique-une-bulle-speculative-36379">émerger dans le courant des années 2000-2010</a> et se trouve aujourd’hui largement soutenu par les spécialistes les plus renommés au niveau international.</p>
<p>Ainsi Steven Hyman, ancien directeur du <a href="https://www.nimh.nih.gov/">National Institute of Mental Health (NIMH</a>, l’institut américain de recherche en santé mentale), affirme par exemple que « même si les neurosciences ont progressé ces dernières décennies, les difficultés sont telles que la <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/29352030/">recherche des causes biologiques des troubles mentaux a largement échoué</a> ». De même, Thomas Insel, qui lui a succédé à la tête du prestigieux institut, admettait récemment que <a href="https://www.nytimes.com/2022/02/22/us/thomas-insel-book.html">« les recherches en neuroscience n’ont, pour l’essentiel, toujours par bénéficié aux patients »</a>, et que « les questions soulevées par la recherche en psychiatrie biologique n’étaient <a href="https://www.penguinrandomhouse.com/books/670329/healing-by-thomas-insel-md/">pas le problème auquel étaient confrontés les patients</a> atteints de maladies mentales graves ».</p>
<p>Les plus prestigieuses revues scientifiques sont de plus en plus sur la même ligne. Le psychiatre Caleb Gardner (Cambridge) et le spécialiste en anthropologie médicale Arthur Kleinman (Harvard) écrivaient en <a href="https://www.nejm.org/doi/full/10.1056/NEJMp1910603">2019 dans le New England Journal of Medicine</a> :</p>
<blockquote>
<p>« Bien que les limitations des traitements biologiques soient largement reconnues par les experts en la matière, le message qui prévaut pour le grand public et le reste de la médecine, est encore que la solution aux troubles mentaux consiste à faire correspondre le bon diagnostic au bon médicament. Par conséquent, les diagnostics psychiatriques et les médicaments psychotropes prolifèrent sous la bannière de la médecine scientifique, bien qu’il n’existe aucune compréhension biologique approfondie des causes des troubles psychiatriques ou de leurs traitements. »</p>
</blockquote>
<p>De manière générale, les <a href="https://psycnet.apa.org/record/1994-98904-000">problèmes posés par l’approche biomédicale</a> de la santé mentale sont <a href="https://academic.oup.com/book/24345">solidement documentés</a> et <a href="https://nyupress.org/9780814736975/let-them-eat-prozac/">depuis longtemps</a>, dans de <a href="https://www.ithaque-editions.com/product-page/l-esprit-malade">nombreux ouvrages</a> par des auteurs issus de multiples champs disciplinaires – <a href="https://www.cairn.info/le-cerveau-n-est-pas-ce-que-vous-pensez--9782706117794.htm">neurosciences</a>, <a href="https://samizdathealth.org/children-of-the-cure/">psychiatrie</a>, <a href="https://www.ithaque-editions.com/product-page/neuroscepticisme">sciences humaines</a>, <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1111/j.1467-9566.2007.1078_4.x">histoire</a>, <a href="https://www.odilejacob.fr/catalogue/psychologie/psychologie-generale/fatigue-detre-soi_9782738108593.php">sociologie</a> et <a href="https://www.odilejacob.fr/catalogue/medecine/psychiatrie/mecanique-des-passions_9782738141491.php">sciences sociales</a>…</p>
<h2>Des effets de stigmatisation</h2>
<p>Contrairement aux bonnes intentions des campagnes de dé-stigmatisation, qui pensaient que permettre aux personnes présentant des troubles mentaux d’affirmer « c’est pas moi, c’est mon cerveau » leur serait socialement et thérapeutiquement bénéfique, plusieurs études internationales ont montré que cela <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/30444641/">augmentait le rejet social, la dangerosité perçue et le pessimisme vis-à-vis des possibilités de guérison</a>. Les soignants adhérant à cette conception faisaient de plus montre de <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/30444641/">moins d’empathie vis-à-vis des patients</a>. Les patients, enfin, seraient aussi plus pessimistes quant à l’évolution de leurs symptômes et plus enclins à s’en remettre aux médicaments.</p>
<p><a href="https://www.hcfea.fr/IMG/pdf/hcfea_sme_rapport_13032023.pdf">S’agissant plus spécifiquement des enfants</a>, les conceptions biomédicales ont sans aucun doute contribué à <a href="https://theconversation.com/sante-mentale-et-soins-psychiques-de-lenfant-la-surmedication-depasse-toutes-les-bornes-scientifiques-201639">l’augmentation de prescriptions des psychotropes</a>. Elles sont, en parallèle, globalement défavorables aux pratiques psychothérapeutiques, éducatives et sociales, pourtant largement documentées comme efficaces et recommandées en première intention.</p>
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<h2>L’exemple de l’hyperactivité et de la dépression</h2>
<p>En appui de son analyse, le HCFEA s’est particulièrement intéressé à la question du Trouble déficitaire de l’attention avec ou sans hyperactivité (TDAH), qui est considéré comme le diagnostic le plus fréquent chez les enfants d’âge scolaire, ainsi qu’à celle de la dépression, qui peut être appréhendée à plusieurs problématiques de santé mentale chez l’enfant et l’adolescent.</p>
<ul>
<li><strong>Pas de résultats significatifs pour l’hyperactivité</strong></li>
</ul>
<p>Les études en imagerie cérébrale publiées dans les années 1990 suggéraient que les avancées en neurobiologie permettraient sous peu de valider des outils diagnostiques. Trente ans plus tard, aucun test pour le TDAH n’a encore été reconnu.</p>
<p>Des centaines d’études en imagerie cérébrale structurale et fonctionnelle ont certes mis en évidence des différences corrélées au TDAH, mais aucune ne correspond à des modifications cérébrales structurelles, et moins encore à des lésions : le TDAH ne peut donc formellement pas être qualifié de maladie ou de trouble neurologique. De plus, elles sont quantitativement minimes, contradictoires, et ne présentent <a href="https://journals.lww.com/hrpjournal/fulltext/2020/11000/messaging_in_biological_psychiatry_.4.aspx">pas d’intérêt du point de vue des pratiques diagnostiques, thérapeutiques ni des politiques de santé</a>. D’autres travaux suggéraient un déficit de dopamine ou un dysfonctionnement des neurones dopaminergiques à l’origine du TDAH, mais <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/18986716/">cette perspective a été testée et réfutée</a>.</p>
<p>De manière générale, les hypothèses concernant l’étiologie neurologique du TDAH sont aujourd’hui scientifiquement faibles et datées.</p>
<p>Les études initiales faisaient également état d’une étiologie génétique forte. Ces associations ou leur incidence causale ont été réfutées. Actuellement, le facteur de risque génétique le mieux établi et le plus significatif est l’association du TDAH avec un allèle du gène codant pour le récepteur D4 de la dopamine. Selon une méta-analyse, l’augmentation associée du risque n’est que de 1,33. Plus précisément, <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/19506906/">cet allèle est présent chez 23 % des enfants diagnostiqués TDAH et seulement 17 % des enfants contrôles</a>. Ce qui ne présente aucun intérêt clinique.</p>
<p>Une revue récente de plus de 300 études génétiques conclut que « les résultats provenant des études génétiques concernant le TDAH sont <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/24863865/">encore inconsistants et ne permettent d’aboutir à aucune conclusion</a> ».</p>
<ul>
<li><strong>La dépression : ni neurologique, ni génétique</strong></li>
</ul>
<p>En 2022, l’équipe de Joanna Moncrieff, des spécialistes reconnus au niveau international pour leurs travaux sur la dépression et les psychotropes, a publié une étude témoignant de <a href="https://www.nature.com/articles/s41380-022-01661-0">l’inconsistance des conceptions biomédicales et des traitements médicamenteux concernant la dépression</a>.</p>
<p>Cette publication, alliant revues et méta-analyses et portant sur un panel incluant de très nombreux patients, visait à produire une synthèse des principaux travaux ayant étudié les liens entre sérotonine et dépression au cours des trois dernières décennies. Leur conclusion est sans appel : ils n’ont trouvé <a href="https://theconversation.com/depression-is-probably-not-caused-by-a-chemical-imbalance-in-the-brain-new-study-186672">aucune preuve convaincante que la dépression soit liée à des concentrations ou une activité de sérotonine plus faibles</a>.</p>
<p>La plupart des études n’ont trouvé aucune preuve d’une réduction de l’activité de la sérotonine chez les personnes souffrant de dépression par rapport à celles sans dépression. De plus, les études génétiques de haute qualité et de bonne puissance statistique écartent également toute association entre génotypes associés au système sérotoninergique et dépression.</p>
<h2>Quelles conséquences sur les pratiques diagnostiques, de soin, et les politiques de santé ?</h2>
<p>En l’état actuel des connaissances scientifiques, il n’existe aucun lien causal établi entre mécanismes biologiques, diagnostic et traitement dans le champ de la psychiatrie, a fortiori chez l’enfant. Un déficit de sérotonine ou de dopamine ne devrait donc plus servir à appuyer la prescription d’antidépresseurs ou de psychostimulants dans le cas de la dépression ou du TDAH. Ce qui est cohérent avec la faible efficacité des traitements biologiques constatée.</p>
<hr>
<p>
<em>
<strong>
À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/sante-mentale-et-soins-psychiques-de-lenfant-la-surmedication-depasse-toutes-les-bornes-scientifiques-201639">Santé mentale et soins psychiques de l’enfant : la surmédication dépasse toutes les bornes scientifiques</a>
</strong>
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</p>
<hr>
<figure class="align-right ">
<img alt="Couverture du DSM" src="https://images.theconversation.com/files/516385/original/file-20230320-1671-dzwi2d.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/516385/original/file-20230320-1671-dzwi2d.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=955&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/516385/original/file-20230320-1671-dzwi2d.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=955&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/516385/original/file-20230320-1671-dzwi2d.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=955&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/516385/original/file-20230320-1671-dzwi2d.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1200&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/516385/original/file-20230320-1671-dzwi2d.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1200&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/516385/original/file-20230320-1671-dzwi2d.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1200&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">L’American Psychiatric Association a tenté de classifier les troubles mentaux dans son Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders (première édition, 1952 ; aujourd’hui DSM-5).</span>
<span class="attribution"><span class="source">Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders -- APA</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>De la même manière, il convient d’être prudent quant aux usages des catégories diagnostiques héritées des grandes nomenclatures comme le <a href="https://www.psychiatry.org/psychiatrists/practice/dsm">DSM, le Manuel Diagnostique et Statistique</a> de la puissante American Psychiatric Association, référence au niveau international. En l’absence d’étiologie biologique, les catégories diagnostiques décrites dans le DSM ne disposent d’<a href="https://www.cairn.info/revue-l-information-psychiatrique-2013-4-page-285.htm">aucune validité scientifique</a> : elles ne dénotent aucune entité naturelle identifiable qui pourrait être interprétée comme maladie. Il en va de même pour les diagnostics psychiatriques de la <a href="https://icd.who.int/browse10/2008/fr">CIM-10, la Classification internationale des maladies éditée par l’OMS</a>.</p>
<p>Cette absence de validité est manifeste dans la variabilité des diagnostics selon l’âge de l’enfant, la part élevée des comorbidités, et l’hétérogénéité des situations cliniques que les nomenclatures ne permettent pas de saisir finement – d’autant qu’en raison de leur épistémologie naturaliste, elles ont été <a href="https://www.cairn.info/actualites-sur-les-maladies-depressives--9782257207333-page-26.htm">construites pour être indépendantes des contextes d’occurrence des troubles</a>.</p>
<p>De plus, malgré ses évolutions, le DSM souffre toujours de problèmes de fiabilité : les décisions diagnostiques prises par deux médecins à propos du même patient sont trop souvent différentes, ce qui limite leur intérêt. Compte tenu de sa faiblesse sur le plan scientifique et considérant qu’il <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/20299556/">« avait été un obstacle pour la recherche »</a>, le NIMH, principal financeur de la recherche en santé mentale à l’échelle mondiale, s’en est désolidarisé.</p>
<p>Le problème n’est pas seulement épistémique mais aussi politique : depuis les années 2000, la France a misé sur l’idée que ces diagnostics pouvaient fonder des recommandations standardisées de bonnes pratiques. Le résultat est décevant. Trente années de politiques de santé mentale orientées par les approches biomédicales n’ont pas empêché un accroissement de la souffrance psychique des enfants et des adolescents, une augmentation des taux de suicide, un déficit chronique de l’offre de soin, une mise à mal des institutions et des équipes de soin et d’éducation, un effet ciseau entre la demande et l’offre de soin, des délais d’attente insupportables, une augmentation continue de la consommation de médicaments psychotropes…</p>
<p>Tenir compte des avancées de la recherche, c’est aussi considérer l’absence de résultats probants comme une évolution des connaissances scientifiques à part entière, à même de réorienter les politiques publiques et les pratiques de recherche.</p>
<p>Le modèle actuel de la psychiatrie biologique n’a pas tenu ses promesses, du fait notamment d’une <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/26934549/">application étriquée, voire dévoyée</a>,de l’approche <em>evidence-based</em> en médecine mentale – <a href="https://www.cairn.info/revue-topique-2013-2-page-23.htm">pratique fondée sur les preuves scientifiques</a> cherchant à appliquer les données issues de la recherche à l’expérience clinique du praticien.</p>
<p>S’il ne faut pas nécessairement en tenir rigueur à celles et ceux qui l’ont développé et soutenu, il faut désormais tenir compte de cet échec pour repenser les approches, les politiques et les dispositifs de soin, d’éducation ou d’intervention sociale. À cet égard, le rapport du HCFEA ne se limite pas à documenter le malaise et ses raisons : <a href="https://www.hcfea.fr/IMG/pdf/hcfea_sme_rapport_13032023.pdf">il propose de nouvelles approches</a> et détaille les stratégies psychothérapeutiques, éducatives et sociales susceptibles de contribuer à l’accompagnement et au soin des enfants, ainsi qu’au soutien des familles.</p>
<p>C’est là que doivent désormais porter les efforts en termes de recherche et de politique publique.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/202032/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Sébastien Ponnou est personnalité qualifiée au sein du Conseil de l'Enfance et de l'Adolescence du HCFEA. Il dirige plusieurs recherches pour lesquelles le CIRNEF et l'Université de Rouen Normandie ont perçu des financements d'organismes publics et de fondations mutualistes : Institut de Recherche Interdisciplinaire Homme et Société (IRIHS), Fondation EOVI - Fondation de l'Avenir, FEDER - Région Normandie.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Xavier Briffault est, en tant que sociologue et épistémologue de la santé mentale, personnalité qualifiée au sein du Conseil de l'Enfance et de l'Adolescence du HCFEA.</span></em></p>La surmédication des enfants s’adosse à la « psychiatrie biologique », qui cherche des causes neurologiques ou génétiques aux troubles mentaux… Ce qui ne semble pas étayé scientifiquement. Analyse.Sébastien Ponnou, Psychanalyste, professeur des universités en sciences de l'éducation - CIRCEFT-CLEF, EA 4384, Université Paris 8 – Vincennes Saint-DenisXavier Briffault, Chercheur en sciences sociales et épistémologie de la santé mentale au Centre de recherche médecine, sciences, santé, santé mentale, société (CERMES3), Centre national de la recherche scientifique (CNRS)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2016522023-03-14T20:00:34Z2023-03-14T20:00:34ZPourquoi la gestion des lancements d’alerte est si difficile en entreprise<p>Depuis quelques semaines, l’actualité met les <a href="https://theconversation.com/fr/topics/lanceurs-dalerte-20710">lanceurs d’alerte</a> sur le devant de la scène. En février 2023, la Grande Chambre de la Cour européenne des droits de l’homme <a href="https://answerconnect.cch.com/document/gfn01162909/news/echr-reverses-and-backs-luxleaks-whistleblower-halet">(CEDH) a annulé la condamnation pénale</a> de Raphaël Halet, l’un des lanceurs d’alerte de Luxleaks qui avait révélé les pratiques d’évasion fiscale de PriceWaterhouseCoopers. En France se déroule actuellement le <a href="https://theconversation.com/mediator-un-proces-dans-lindifference-un-scandale-pourtant-exemplaire-200964">procès en appel du Mediator</a>, dans lequel le groupe pharmaceutique a été reconnu coupable en première instance de « tromperie aggravée » et d’« homicides et blessures involontaires ». Une sentence qui n’aurait pas pu être prononcée sans les révélations de la pneumologue Irène Frachon sur la dangerosité de coupe-faim commercialisé pour traiter le diabète.</p>
<p>En parallèle, la protection des lanceurs d’alerte en Europe est sur le point de bénéficier d’un nouvel élan d’envergure. En transposant la <a href="https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/PDF/?uri=CELEX:32019L1937&from=en">directive européenne sur le signalement d’irrégularités (2019/1937)</a>, les 27 États membres mettent à jour ou introduisent de nouvelles législations, <a href="https://theconversation.com/malgre-la-loi-sapin-ii-les-dispositifs-internes-anticorruption-des-entreprises-restent-peu-mobilises-186750">y compris en France</a>.</p>
<p>Une des caractéristiques clés de l’harmonisation européenne de la règlementation est que les organisations de 50 employés ou plus doivent à présent se munir d’un système de lancement d’alerte interne. Le dernier point est particulièrement important. En effet, les <a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s10551-017-3727-8">études existantes</a> indiquent que 95 % des personnes signalent d’abord l’irrégularité à l’intérieur de leur organisation avant d’envisager de le faire à l’extérieur.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/mediator-un-proces-dans-lindifference-un-scandale-pourtant-exemplaire-200964">Mediator : un procès dans l’indifférence, un scandale pourtant exemplaire</a>
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<p>Or, la principale difficulté consiste justement à bien gérer les cas de lancement d’alerte au sein de l’organisation. Un exemple bien connu est celui de Yasmine Motarjemi qui, en tant qu’experte en sécurité alimentaire chez Nestlé, avait alerté sur la <a href="https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/les-pieds-sur-terre/yasmine-motarjemi-seule-contre-nestle-9760950">nocivité de certains produits alimentaires pour bébés</a>. En dépit de cette révélation, l’entreprise avait placé la lanceuse d’alerte sous la supervision du responsable de cette ligne de produits défectueux qui a fait barrage à toutes ses actions. Peu après, Yasmine Motarjemi était licenciée.</p>
<h2>Visions opposées</h2>
<p>Notre récente <a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s10551-022-05176-0">recherche</a>, publiée dans le <em>Journal of Business Ethics</em>, s’est penchée sur les raisons de ces difficultés</p>
<p>D’un côté, on trouve le lanceur d’alerte qui ne donne pas toujours toutes les informations pertinentes et qui pourrait de surcroit avoir des attentes irréalistes. De l’autre côté, on trouve la haute direction de l’entreprise qui veut juste « tourner la page » et peut, elle aussi, avoir des attentes qui sont… irréalistes ! Coincé entre les deux, le responsable de la conformité nommé par l’entreprise a la volonté de régler le problème mais il se retrouve balloté entre deux protagonistes aux visions opposées.</p>
<p>Nous utilisons la <a href="https://www.e-marketing.fr/Definitions-Glossaire/Agence-theorie-240446.htm">théorie de l’agence</a>, qui s’intéresse à l’asymétrie d’information et aux divergences d’intérêts entre deux parties, pour comprendre les raisons pour lesquelles le traitement des signalements d’irrégularités est si difficile, ainsi que pour identifier quelques solutions.</p>
<p>Dans le cas d’un lancement d’alerte au sein d’une entreprise, une situation particulière se présente. La direction de l’entreprise délègue la tâche de traiter les cas de lancement d’alerte au responsable de la conformité. Parallèlement, le lanceur d’alerte délègue au responsable de la conformité la tâche d’enquêter sur les actes répréhensibles et d’y mettre fin. À première vue, ces tâches semblent identiques, mais en réalité, le responsable de la conformité se trouve pris en étau entre le lanceur d’alerte et la haute direction.</p>
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<p>Le responsable de la conformité est confronté à trois problèmes : premièrement, les parties ont des objectifs divergents dans leur façon d’appréhender ce que doit être la « bonne gestion » d’un lancement d’alerte. Le lanceur d’alerte aura tendance à se concentrer sur le résultat alors que la direction voudra d’abord réduire les conséquences néfastes de cette situation pour l’organisation. L’intérêt du responsable de conformité réside dans le respect des procédures et dans la conduite d’une procédure d’enquête appropriée.</p>
<p>Deuxièmement, les efforts du responsable de la conformité peuvent être mal perçus. Le lanceur d’alerte ne perçoit pas les efforts réels du responsable de conformité puisque ce dernier ne peut pas l’informer de tous les détails de l’enquête en cours. La direction ne perçoit pas non plus les efforts réels et la manière dont le responsable de la conformité traite un rapport, principalement parce que la haute direction perçoit les efforts au regard du nombre de rapports et de dossiers finalisés.</p>
<p>Troisièmement, le lanceur d’alerte et la haute direction prennent tous deux des risques en communiquant avec le responsable de la conformité, mais de manière très différente. Le lanceur d’alerte prend des risques parce que le responsable de la conformité pourrait ne pas prendre ses préoccupations au sérieux ou ne pas garder son identité confidentielle. La direction prend des risques dans la mesure où la protection de la réputation de l’organisation et la prévention des litiges sont entre les mains du responsable de la conformité.</p>
<h2>Coût psychologique</h2>
<p>La théorie d’agence nous permet également d’identifier les coûts financiers et non financiers liés aux problèmes d’agence. Le lanceur d’alerte et la haute direction ont chacun leurs propres coûts de surveillance en essayant d’observer et de contrôler le comportement du responsable de la conformité afin de réduire leur propre prise de risque.</p>
<p>Nous constatons toutefois que le responsable de la conformité supporte des coûts de fidélisation doubles en essayant d’être un agent digne de confiance pour les deux principaux. En effet, vis-à-vis du lanceur d’alerte, le responsable de conformité veut être un enquêteur crédible et préserver la confidentialité de celui-ci. Mais il doit aussi supporter le coût du stress psychologique qui va avec cette situation parce qu’il ne peut pas être totalement transparent avec le lanceur d’alerte.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/malgre-la-loi-sapin-ii-les-dispositifs-internes-anticorruption-des-entreprises-restent-peu-mobilises-186750">Malgré la loi Sapin II, les dispositifs internes anticorruption des entreprises restent peu mobilisés</a>
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<p>Pour la direction, le responsable de la conformité veut être un interlocuteur crédible en incitant les gens à signaler les actes répréhensibles en interne et en traitant rapidement les problèmes qui y sont associés. Mais, il supporte là aussi le coût du stress psychologique car il ne peut maîtriser complètement les éventuelles prochaines actions du lanceur d’alerte.</p>
<p>Selon la théorie d’agence, les conflits et les problèmes peuvent être résolus en alignant les objectifs et les intérêts de l’agent et du principal. Notre recherche indique que les problèmes peuvent être résolus en donnant au responsable de la conformité les moyens de réduire ses coûts de fidélisation vis-à-vis du dénonciateur et de la haute direction.</p>
<h2>Une question de confiance</h2>
<p>Cela peut se faire de différentes manières. Par exemple, en publiant des indicateurs de performance du processus de traitement, en communiquant les procédures et les efforts déployés pour préserver la confidentialité, ou en informant régulièrement les lanceurs d’alerte de l’évolution de la situation.</p>
<p>L’alignement du système interne de signalement sur une norme de référence externe, comme la <a href="https://www.boutique.afnor.org/fr-fr/norme/iso-370022021/systemes-de-management-des-alertes-lignes-directrices/xs137210/263849">norme ISO 37002</a>, peut également contribuer à rendre le responsable de la conformité plus digne de confiance aux yeux de toutes les parties prenantes. Les cadres supérieurs devraient également suivre les formations offertes sur le lancement d’alerte et sur la manière dont les signalements d’irrégularités sont gérés. Mais, il convient également d’étudier les grilles d’incitations salariales qui récompensent l’efficacité du traitement des signalements.</p>
<p>Ces mesures de gouvernance visent à faire du responsable de la conformité un leader digne de confiance dans le processus de signalement interne. La confiance n’est pas seulement nécessaire pour motiver les employés à « s’exprimer ». Elle est aussi nécessaire pour garantir aux lanceurs d’alerte et à la direction que le système de signalement interne fonctionne réellement, notamment parce que le responsable de la conformité est habilité à agir et déterminé à accomplir sa mission.</p>
<p>Le renforcement de la protection juridique des lanceurs d’alerte dans les États membres de l’UE oblige les entreprises à mettre en place un système interne de signalement d’irrégularité. Par conséquent, il devient crucial pour les organisations de munir le responsable de la conformité d’un mandat fort. Une meilleure compréhension de la complexité de la gestion des signalements internes peut motiver les organisations à mettre en œuvre certains moyens visant à rendre les systèmes de signalement interne plus efficaces.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/201652/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Le responsable de la conformité, que la loi exige désormais de mettre en place dans les organisations de plus de 50 personnes, se retrouve pris en étau entre deux parties aux intérêts divergents.Wim Vandekerckhove, Professeur en éthique des affaires, EDHEC Business SchoolNadia Smaili, Professor in Accounting (forensic accounting), Université du Québec à Montréal (UQAM)Paulina Arroyo Pardo, Professeure titulaire ESG , Université du Québec à Montréal (UQAM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2009642023-03-02T20:01:05Z2023-03-02T20:01:05ZMediator : un procès dans l’indifférence, un scandale pourtant exemplaire<p>C’est dans une forme d’<a href="https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/dans-le-pretoire/dans-le-pretoire-du-vendredi-24-fevrier-2023-2379071">indifférence</a> que se poursuit en appel le procès du Mediator depuis le 9 janvier 2023, si ce n’est pour dénoncer la remise récente de la Légion d’honneur à une lobbyiste des laboratoires Servier. C’est le parquet qui avait <a href="https://www.liberation.fr/societe/sante/affaire-du-mediator-le-parquet-de-paris-fait-appel-de-la-relaxe-partielle-des-laboratoires-servier-20210406_Z7WUHSFD5JBL3LTLKKD34PBDPU/">interjeté appel</a> du jugement rendu le 29 mars 2021 par le tribunal correctionnel de Paris.</p>
<p>Certes, le groupe pharmaceutique avait été reconnu coupable de « tromperie aggravée » et d’« homicides et blessures involontaires » en commercialisant un coupe-faim pour traiter le diabète en dépit du fait qu’il connaissait ses conséquences sur la santé et les risques cardio-vasculaires engendrés. La relaxe partielle pour obtention indue d’autorisation de mise sur le marché et escroquerie a néanmoins été jugée trop clémente par le procureur de la République.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1630614255471935499"}"></div></p>
<p>La salle qui accueillait auparavant le procès des attentats du 13 novembre 2015 s’est certes remplie le mardi 14 février pour l’audition de la lanceuse d’alerte Irène Frachon sans laquelle le produit continuerait peut-être toujours à faire des ravages. Les victimes se sont, elles, exprimées les jours suivants devant des bancs quasi déserts.</p>
<p>Et pourtant, l’affaire, aux dires de professionnels du secteur du médicament, tiraillés entre éthique et recherche de profit, marquerait un <a href="https://theconversation.com/soigner-la-population-ou-son-chiffre-daffaires-un-dilemme-pour-les-marketeurs-de-lindustrie-pharmaceutique-164180">tournant</a>. Discret, le procès n’en marquerait pas moins une frontière entre un avant et un après.</p>
<p>Pourquoi un tel paradoxe ? Comme le montrent nos travaux sur la <a href="https://journals.sagepub.com/doi/full/10.1177/1056492615579081">criminalité en col blanc</a>, différents ressorts interviennent en fait : un crime en col blanc se trouve souvent caché et euphémisé, notamment car il s’avère bien délicat de faire la part des choses entre responsabilités individuelles et organisationnelles et car il est toujours possible de se réfugier derrière une défaillance des organismes de contrôle. Le cas du Mediator s’avère en fait une parfaite illustration des principaux enseignements de la littérature scientifique sur la question.</p>
<h2>Faillite de surveillance</h2>
<p>Le laboratoire Servier, 2<sup>e</sup> groupe pharmaceutique français, a conçu et vendu un médicament, le Mediator, de 1976 à 2009 alors que celui-ci était su toxique pour la santé au moins depuis 1995. Il aura fallu le courage d’Irène Frachon, pneumologue lanceur d’alerte, pour le dénoncer. Son ouvrage <em>Mediator 150 mg</em> avait même vu son sous-titre <em>Combien de morts ?</em> censuré un temps après un procès en référé intenté par le laboratoire.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/512963/original/file-20230301-2006-m3xm7g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/512963/original/file-20230301-2006-m3xm7g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/512963/original/file-20230301-2006-m3xm7g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=933&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/512963/original/file-20230301-2006-m3xm7g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=933&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/512963/original/file-20230301-2006-m3xm7g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=933&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/512963/original/file-20230301-2006-m3xm7g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1173&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/512963/original/file-20230301-2006-m3xm7g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1173&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/512963/original/file-20230301-2006-m3xm7g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1173&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<p>Plusieurs éléments caractérisent la criminalité en col blanc. Apparaît bien souvent en premier lieu <a href="https://yalebooks.yale.edu/book/9780300033182/white-collar-crime/">l’ampleur des conséquences</a>. Durant les 33 ans de sa commercialisation, le Médiator a été prescrit à plus de 5 millions de personnes en France et aurait entraîné la mort de 1000 à 2000 personnes. Le coût pour la sécurité sociale a, lui, été chiffré à <a href="https://www.lefigaro.fr/actualite-france/2011/05/04/01016-20110504ARTFIG00652-le-mediator-a-coute-au-moins-12-milliard-a-la-secu.php">plus d’un milliard d’euros</a>.</p>
<p>Si les conséquences sont telles, expliquent les chercheurs, c’est bien souvent en raison d’un <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.1002/9781118775004.ch11">manque de surveillance</a>. L’affaire Servier a ainsi permis de mettre en exergue les profondes déficiences des autorités françaises de contrôle. Des comparaisons avec nos voisins sont mobilisées à l’appui, ce même si un débat existe autour du retrait plus précoce du produit en Espagne et en Italie, respectivement, 2003 et 2004 : était-ce à l’<a href="https://sante.lefigaro.fr/actualite/2010/11/22/10565-2003-lespagne-retire-mediator-marche">initiative du laboratoire</a> pour en raison d’une demande insuffisante ou bien une initiative des autorités qui observaient de premiers cas de valvulopathie ?</p>
<p>Dès 2011, un <a href="https://www.igas.gouv.fr/IMG/pdf/Synthese_MEDIATOR.pdf">rapport</a> de l’Inspection générale des Affaires sociales, ainsi que <a href="https://www.apmnews.com/documents/rapport-mission-refonte-systeme-controle-medicaments-160311.pdf">celui</a> remis au président de la République par les professeurs Bernard Debré et Philippe Even pointait une <a href="https://www.apmnews.com/documents/rapport-mission-refonte-systeme-controle-medicaments-160311.pdf#page=77">« faillite »</a> du système du système de pharmacovigilance français, et en particulier de l’Agence sanitaire des produits de santé :</p>
<blockquote>
<p>« <a href="https://www.apmnews.com/documents/rapport-mission-refonte-systeme-controle-medicaments-160311.pdf#page=48">Pourquoi</a> l’honneur d’avoir dénoncé le Mediator est-il revenu au seul Dr Frachon, finalement aidé par C. Hill et par le Dr A. Weill (suspendu pour l’avoir aidé !) et non à une agence de 1 000 personnes ? », questionnent les seconds.</p>
</blockquote>
<p>Le scandale du Médiator est bien aussi la faillite du système de pharmacovigilance français, argument mobilisé par la défense. Lors de son audition par la mission d’information parlementaire en mars 2011, le fondateur de l’entreprise, Jacques Servier (décédé depuis) rappelait déjà que son groupe disposait de toutes les autorisations nécessaires pour la commercialisation de son produit coupe-faim.</p>
<h2>Pour éviter un bis repetita</h2>
<p>Si la criminalité économique peut perdurer, c’est aussi car des <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1111/1745-9125.12206">mécanismes d’apprentissage</a> transmettent les techniques des fraudeurs, transformant alors un crime de quelques individus en <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.1111/j.1745-9125.1996.tb01211.x">criminalité organisationnelle</a>. Vendre un tel médicament sur une aussi longue période nécessite de fait l’implication de nombreuses personnes en interne et externe.</p>
<p>Le temps passant, les protagonistes du lancement de ce produit néfaste ont été obligés de transmettre les techniques nécessaires à cette infraction à d’autres cadres du groupe. Selon les criminologues, ils ont aussi dû leur expliquer les mobiles du groupe Servier, donner des justifications permettant de moins de sentir coupable et fournir les contacts avec les réseaux nécessaires pour faire perdurer les ventes.</p>
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<p>Cela fait que les criminels ont souvent, à tort ou à raison, un <a href="https://www.tandfonline.com/doi/full/10.1080/01639625.2018.1491696">faible sentiment de culpabilité</a>. C’est sans doute en partie pour cela que le numéro 2 du groupe Servier, Jean-Philippe Seta déclarait à la cour d’appel au mois de janvier :</p>
<blockquote>
<p>« Nous nous sommes trompés dans l’évaluation du risque. Nous avons fait une erreur sévère, sérieuse, dont les conséquences ont été gravissimes pour les victimes ».</p>
</blockquote>
<p>Le laboratoire, avaient cependant estimé les <a href="https://www.lesechos.fr/industrie-services/pharmacie-sante/mediator-retour-sur-un-scandale-sanitaire-1897243">juges</a> en première instance, « <em>disposait à partir de 1995, de suffisamment d’éléments pour prendre conscience des risques mortels</em> ». Le scandale sanitaire est ici présenté une « erreur », technique rhétorique d’euphémisation qui a pour objectif de se sentir moins coupable et d’anesthésier l’opinion et la justice.</p>
<p>C’est pourtant une réaction vigoureuse de la justice qui est maintenant nécessaire, aussi bien envers les acteurs individuels que la personne morale (le groupe Servier). L’un des premiers enseignements du père fondateur de la sociologie française, Émile Durkheim, repris maintes fois par les chercheurs, est en effet <a href="https://www-cairn-info.ezproxy.universite-paris-saclay.fr/de-la-division-du-travail-social--9782130619574.htm">l’importance des peines</a> pour fixer les normes acceptables de comportement dans une société.</p>
<p>Ainsi, aux États-Unis, le groupe Servier a-t-il été impliqué dans la vente d’un médicament similaire, le <a href="https://www.lemonde.fr/ameriques/article/2011/06/08/dementi-de-servier-accuse-d-avoir-menti-aux-americains-pour-vendre-l-isomeride_1533361_3222.html">Redux</a>, aux effets tout aussi néfastes. En 2005, son partenaire Wyeth a été obligé de provisionner plus de <a href="https://www.lemonde.fr/ameriques/article/2011/06/08/dementi-de-servier-accuse-d-avoir-menti-aux-americains-pour-vendre-l-isomeride_1533361_3222.html">20 milliards de dollars</a> pour faire face aux frais d’avocats et aux indemnisations des patients. Si la justice américaine est capable de punir justement et lourdement, pourquoi pas celle aussi de l’hexagone ?</p>
<p>Le tribunal correctionnel de Paris a condamné en 2021 le groupe Servier à 2,7 millions d’euros soit <a href="https://servier.com/wp-content/uploads/2022/08/servier-rapport-annuel-2020-21-1.pdf#page=34">0,4 % de son bénéfice avant intérêts, impôts et amortissements</a>. Pour qu’un scandale du type Médiator ne survienne pas une nouvelle fois en France, il faudrait sans doute une peine plus dissuasive, à hauteur, par exemple, du bénéfice annuel de l’entreprise. Il serait souhaitable que le groupe Servier soit aussi condamné à rembourser le coût pour la sécurité sociale de ce médicament néfaste, soit plus d’un milliard. Sans peine exemplaire, il ne faudra pas s’étonner au prochain scandale sanitaire français. Une partie de notre santé future semble bien se trouver dans les mains des juges.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/200964/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Bertrand Venard ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Le procès en appel des laboratoires Servier suscite peu d’intérêt. Il présente pourtant tous les traits d’une criminalité en col blanc pour laquelle une condamnation vigoureuse semble nécessaire.Bertrand Venard, Professeur / Professor, AudenciaLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1996432023-02-12T17:26:57Z2023-02-12T17:26:57ZAntibiotiques, antidépresseurs… Absorbons-nous des résidus de médicaments sans le savoir ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/509230/original/file-20230209-16-ntvaex.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=6%2C233%2C4080%2C2482&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Antibiotique, hormones, antidépresseurs… sont retrouvés dans les eaux de surface.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/es/image-photo/effervescent-tablet-thrown-into-water-384084406">Aleksey Shyshkin / Shutterstock</a></span></figcaption></figure><p>La consommation mondiale de médicaments a enregistré une <a href="https://www.iqvia.com/insights/the-iqvia-institute/reports/the-global-use-of-medicines-2022">tendance à la hausse au cours de la dernière décennie</a>. Quelques exemples frappants permettent d’en prendre concrètement conscience : la consommation de traitement hypocholestérolémiant a presque quadruplé, celle d’antidépresseurs et d’antidiabétiques a doublé et celle d’antihypertenseurs a augmenté de 65 % <a href="https://read.oecd-ilibrary.org/social-issues-migration-health/health-at-a-glance-2021_5689c05c-en#page1">dans les pays de l’OCDE entre 2000 et 2019</a>.</p>
<p>Les dépenses de médicaments en France ont représenté <a href="https://www.data.gouv.fr/fr/reuses/consommation-des-medicaments-age-sexe-quel-profil-type/">30 milliards d’euros en 2020</a>, soit une moyenne de 445€ par habitant. Plus une population vieillit, plus sa consommation médicamenteuse augmente.</p>
<p>Mais la vie d’un médicament ne s’arrête pas à son ingestion. Une partie des composés actifs qui le composent est en effet excrétée par notre corps, par l’urine ou les fèces – soit intacts, soit transformés en métabolites (petites molécules organiques utilisables par les organismes vivants). Ces médicaments et leurs métabolites finissent dans les stations d’épuration des eaux usées, qui, n’étant pas conçues pour les traiter, <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0048969718330948">ne sont pas en mesure de les éliminer complètement</a>.</p>
<p>Par conséquent, une <a href="https://theconversation.com/limpact-des-medicaments-sur-lenvironnement-etudie-dans-des-rivieres-artificielles-150976">quantité importante de produits pharmaceutiques est rejetée chaque jour dans les eaux de surface</a> par le biais des <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S2590332222004870#fig1">effluents d’eaux usées</a>. Ces médicaments peuvent parcourir de longues distances et passer des rivières aux eaux souterraines et aux sols agricoles, où ils peuvent être absorbés par les <a href="https://link.springer.com/chapter/10.1007/698_2020_622">plantes cultivées</a> et entrer dans la chaîne alimentaire.</p>
<h2>Des polluants non réglementés</h2>
<p>L’amélioration des équipements de détection et la mise au point de méthodes analytiques plus puissantes nous ont donné la possibilité de détecter dans les eaux de surface et d’autres matrices environnementales ce qui, il y a quelques années, était un monde invisible et complexe.</p>
<p>La <a href="https://theconversation.com/asi-seguimos-la-pista-a-los-contaminantes-emergentes-156672">présence de résidus de médicaments dans les ressources en eau</a> n’est pas encore réglementée. Cependant, l’Union européenne (UE) a établi des listes de surveillance (<a href="https://www.boe.es/doue/2015/078/L00040-00042.pdf">décisions d’exécution 2015/495</a>, <a href="https://www.boe.es/doue/2018/141/L00009-00012.pdf">2018/840</a>, <a href="https://eur-lex.europa.eu/legal-content/es/TXT/?uri=CELEX%3A32020D1161">2020/1161</a> et <a href="https://www.boe.es/buscar/doc.php?id=DOUE-L-2022-81149#">2022/1307</a>) dans le but de collecter des données de surveillance sur les substances pour lesquelles il existe une suspicion de risque significatif pour l’environnement aquatique et, à travers lui, pour l’Homme.</p>
<p>Plusieurs médicaments courants figurent sur ces listes, par exemple l’antibiotique sulfaméthoxazole (Bactrim, etc.), l’antidépresseur Venlafaxine et l’antidiabétique oral Metformine.</p>
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<h2>Impact sur l’écosystème</h2>
<p><a href="https://www.unep.org/explore-topics/chemicals-waste/what-we-do/emerging-issues/environmentally-persistent-pharmaceutical">Les médicaments sont des molécules biologiquement actives</a> conçues pour avoir un effet pharmacologique sur les organismes vivants : il n’est donc pas surprenant que l’exposition constante des organismes aquatiques aux résidus de médicaments puisse avoir un impact négatif sur leur santé.</p>
<p>Un <a href="https://www.oecd.org/publications/pharmaceutical-residues-in-freshwater-c936f42d-en.htm">rapport 2019 de l’OCDE</a> énumère certains de ces effets observés en laboratoire :</p>
<ul>
<li><p>Les <strong>analgésiques</strong> peuvent provoquer une génotoxicité (toxique pour l’ADN) et une neurotoxicité chez les mollusques et une perturbation endocrinienne chez les grenouilles.</p></li>
<li><p>Les <strong>antiépileptiques</strong> provoquent un retard de croissance chez les poissons et sont délétères pour le système reproducteur des invertébrés.</p></li>
<li><p>Les <strong>antipsychotiques</strong> provoquent des troubles du comportement chez les poissons.</p></li>
<li><p>Les <strong>antidiabétiques oraux</strong> ont des effets potentiels sur le système endocrinien des poissons.</p></li>
<li><p>Les <strong>hormones</strong> provoquent des altérations du système reproducteur chez les poissons et les grenouilles.</p></li>
</ul>
<p>Sur la base de données scientifiques et techniques concernant leur présence, leur persistance et leur toxicité, <a href="https://environment.ec.europa.eu/system/files/2022-10/Proposal%20for%20a%20Directive%20amending%20the%20Water%20Framework%20Directive%2C%20the%20Groundwater%20Directive%20and%20the%20Environmental%20Quality%20Standards%20Directive.pdf">l’UE a récemment publié une proposition</a> visant à réglementer la concentration de certains antibiotiques, analgésiques et hormones dans les eaux de surface, ainsi que de l’antiépileptique carbamazépine et de l’antibiotique sulfaméthoxazole dans les eaux souterraines.</p>
<h2>De la station d’épuration à nos tables</h2>
<p>L’une des principales sources de produits pharmaceutiques dans l’environnement est constituée par les effluents des stations d’épuration, où <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0957582021002317">ces molécules apparaissent à des concentrations faibles</a> – allant des nanogrammes par litre aux microgrammes par litre – mais constantes.</p>
<p>Une fois libérés dans les eaux de surface, ils peuvent être soumis à des processus d’atténuation qui se produisent naturellement dans l’environnement : photodégradation, biodégradation, dilution… Ce qui entraîne une diminution de leur concentration ou de leur toxicité. L’ampleur de cette baisse dépend, entre autres facteurs, de leurs propriétés physico-chimiques.</p>
<p>Malheureusement, certaines molécules vont résister à ces mécanismes d’atténuation naturelle, persister dans l’environnement et parcourir de longues distances – et atteindre souvent des sols agricoles.</p>
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Leer más:
<a href="https://theconversation.com/limpact-des-medicaments-sur-lenvironnement-etudie-dans-des-rivieres-artificielles-150976">L'impact des médicaments sur l'environnement étudié dans des rivières artificielles</a>
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<p>En 2016, un <a href="https://www.umweltbundesamt.de/en/publikationen/pharmaceuticals-in-the-environment-global">examen de la littérature scientifique mondiale</a> des études mesurant les concentrations de polluants pharmaceutiques persistants dans l’environnement (dont les antibiotiques, analgésiques, hypolipémiants, œstrogènes, etc.) a détecté un total de <strong>631 composés différents (ou leurs produits de transformation) dans 71 pays</strong>.</p>
<p>L’eau de surface <a href="https://www.fao.org/3/cb7654es/cb7654es.pdf">est l’une des ressources en eau les plus utilisées en agriculture</a>. Lorsque des résidus de médicaments s’y trouvent dissous, résultat, en partie, de la consommation humaine, il existe un risque pour la sécurité alimentaire en raison de leur possible pénétration dans les plantes cultivées qui finissent sur notre table, telles que les céréales, les légumes, les fruits, etc.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Champs de maïs arrosés" src="https://images.theconversation.com/files/507540/original/file-20230201-24-zs6ml2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/507540/original/file-20230201-24-zs6ml2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/507540/original/file-20230201-24-zs6ml2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/507540/original/file-20230201-24-zs6ml2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/507540/original/file-20230201-24-zs6ml2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/507540/original/file-20230201-24-zs6ml2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/507540/original/file-20230201-24-zs6ml2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">L’eau d’irrigation des terres agricoles peut être chargée en molécules médicamenteuses.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/es/image-photo/corn-field-countryside-being-irrigated-by-2213633865">Enol sutil/Shutterstock</a></span>
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</figure>
<h2>Détection de médicaments dans l’eau d’irrigation</h2>
<p>Les résultats de nos travaux, publiés dans les revues <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0160412021004608"><em>Science of the Total Environment</em></a> et <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0048969719358206"><em>Environmental International</em></a>, montrent que 42 des 50 médicaments étudiés sont détectés dans l’eau utilisée pour irriguer le maïs dans une zone agricole du sud de la Communauté de Madrid.</p>
<p>Parmi eux, la Metformine (antidiabétique oral figurant sur la liste de surveillance 2022) se distingue par ses niveaux de concentration (jusqu’à 13 µg/l). Ces données sont liées à sa <a href="https://pubs.acs.org/doi/10.1021/acs.est.2c02495">forte consommation et au fait que la quasi-totalité de la dose ingérée est excrétée par l’urine et les fèces</a>.</p>
<p>Les processus naturels d’atténuation dans le sol sont très efficaces pour réduire la concentration (jusqu’à de plus de 60 %) de la plupart des médicaments. Cependant, l’antiépileptique Carbamazépine et l’antibiotique Sulfaméthoxazole présentent un caractère persistant et sont donc susceptibles d’atteindre les eaux souterraines. La persistance de ces composés est l’une des raisons de leur inclusion dans la proposition de règlement européen.</p>
<p>Nos analyses montrent que la plupart des médicaments étudiés sont retenus dans les racines. Seule une petite quantité (0,02 %) s’accumule dans l’épi de maïs, ce qui représente un risque négligeable pour la sécurité alimentaire lors de la consommation… Il faut néanmoins garder à l’esprit que de <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S001393511830687X">nombreux aliments d’origine végétale susceptibles d’accumuler davantage de substances</a> font partie de notre alimentation et sont également consommés crus.</p>
<h2>Quelles suites ?</h2>
<p>L’un des plus grands défis dans l’évaluation du risque lié à la présence de produits pharmaceutiques dans les aliments est de disposer de données fiables sur les niveaux de concentration – et donc d’études réalisées dans des conditions de terrain et de techniques analytiques performantes.</p>
<p>Il est toutefois établi que des produits pharmaceutiques se retrouvent bien relargués dans notre environnement, notamment dans l’eau. Et l’on parle d’un grand nombre et d’une grande diversité de substances telles que des métaux à l’état de traces, des pesticides, des biocides, des additifs chimiques et des <a href="https://theconversation.com/exposition-alimentaire-au-plastique-mefions-nous-des-fausses-solutions-de-remplacement-196894">nanoplastiques</a>, qui, ensemble, peuvent avoir un effet négatif décuplé. La prise en compte du mélange complexe de substances dissoutes dans l’eau en raison de l’activité anthropique est à la fois essentielle et difficile pour l’évaluation des risques.</p>
<p>Malheureusement, les données sur la présence de produits pharmaceutiques dans l’environnement ne sont pas encourageantes… Mais il existe des <a href="https://www.oecd-ilibrary.org/environment/pharmaceutical-residues-in-freshwater_c936f42d-en">options clés pour atténuer ce problème</a> en agissant dans les différents secteurs de la production de médicaments et au niveau de l’élimination des déchets et du traitement des eaux usées. En outre, il est essentiel d’encourager une <a href="https://theconversation.com/antibiotiques-lantibioresistance-est-une-pandemie-silencieuse-194799">utilisation plus raisonnée des médicaments</a>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/199643/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Raffaella Meffe a reçu des financements des projets CTM2017-89995-R, financé par le Ministère espagnol des Sciences et de l'Innovation, l'Agence Nationale de la Recherche et le FEDER A way of doing Europe, et PID2020-118521RB-I00, financé par le ministère des Sciences et de l'Innovation et l'Agence nationale de la recherche.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Ana de Santiago Martín a reçu des financements des projets CTM2017-89995-R, financé par le ministère des Sciences et de l'Innovation, l'Agence nationale de la recherche et le FEDER A way of doing Europe, et PID2020-118521RB-I00, financé par le Ministère espagnol des Sciences et de l'Innovation et l'Agence Nationale de la Recherche. Et du Programa de Atracción de Talento de la Comunidad de Madrid (2016-T2/AMB-1426).</span></em></p>Nombre des médicaments que nous consommons se retrouvent dans notre environnement. Les risques concernent à la fois la biodiversité… et notre sécurité alimentaire. Quels sont les constats actuels ?Raffaella Meffe, Investigadora del Grupo Calidad de Agua y Suelo, IMDEA AGUAAna de Santiago Martín, Investigadora del Grupo de Calidad de Agua y Suelo, IMDEA AGUALicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1984682023-01-25T17:59:58Z2023-01-25T17:59:58ZReconstituer des « organes sur puce », une voie vers de nouveaux médicaments ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/506150/original/file-20230124-19-hu9lnn.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&rect=3%2C6%2C2041%2C1572&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le poumon sur puce peut imiter les capacités physiques et mécaniques d'un poumon humain.</span> <span class="attribution"><span class="source">Wyss Institute for Biologically Inspired Engineering, Harvard University/Flickr</span></span></figcaption></figure><p>La <a href="https://doi.org/10.1007/s40273-021-01065-y">mise sur le marché d'un nouveau médicament</a> coûte des milliards d'euros et peut prendre plus de dix ans. Ces investissements considérables en argent et en temps contribuent fortement à la montée en flèche des coûts de santé et constituent des obstacles importants à la mise à disposition de nouvelles thérapies pour les patients. L'un des obstacles réside dans les modèles de laboratoire utilisés par les scientifiques pour développer les médicaments.</p>
<p>Les <a href="https://www.fda.gov/patients/drug-development-process/step-2-preclinical-research">essais précliniques</a>, c'est-à-dire les études qui permettent de tester l'efficacité et la toxicité d'un médicament avant qu'il ne fasse l'objet d'essais cliniques chez l'homme, sont principalement réalisés sur des cultures cellulaires et des animaux. Ces deux méthodes sont limitées par leur faible capacité à reproduire les conditions du corps humain. Les <a href="https://doi.org/10.1016%2FB978-0-12-803077-6.00009-6">cultures cellulaires</a> dans une boîte de pétri sont incapables de reproduire tous les aspects du fonctionnement des tissus, comme la façon dont les cellules interagissent dans le corps ou la dynamique des organes vivants. Et les <a href="https://doi.org/10.1093/bioinformatics/btu611">animaux</a> ne sont pas des humains — même de petites différences génétiques entre les espèces peuvent être amplifiées et devenir des différences physiologiques majeures. </p>
<p><a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC3902221/">Moins de 8 %</a> des études animales réussies pour des thérapies contre le cancer aboutissent à des essais cliniques sur l'homme. Comme les modèles animaux ne parviennent souvent pas à prédire les effets des médicaments lors des essais cliniques sur l'homme, ces échecs tardifs peuvent augmenter considérablement les coûts et les risques pour la santé des patients. </p>
<p>Pour résoudre ce problème de transposition, les chercheurs ont mis au point un modèle prometteur qui peut imiter plus fidèlement le corps humain : l'organe sur puce. </p>
<p>En tant que <a href="https://scholar.google.com/citations?user=FppSA-0AAAAJ&hl=en">chimiste analytique</a>, j'ai travaillé à la mise au point de modèles d'organes et de tissus qui évitent la trop grande simplicité des cultures cellulaires courantes et les divergences des modèles animaux avec l'humain. Je pense qu'avec un développement plus poussé, les organes sur puce peuvent aider les chercheurs à étudier les maladies et à tester les médicaments dans des conditions plus proches de la réalité.</p>
<h2>Que sont les organes sur puce ?</h2>
<p>À la fin des années 1990, des chercheurs ont trouvé un moyen de <a href="https://gmwgroup.harvard.edu/files/gmwgroup/files/1073.pdf">superposer des polymères élastiques</a> pour contrôler et analyser les fluides à l'échelle microscopique. C'est ainsi qu'est né le domaine de la <a href="https://doi.org/10.1016/j.mne.2019.01.003">microfluidique</a>, qui, dans le domaine des sciences biomédicales, implique l'utilisation de dispositifs capables d'imiter l'écoulement dynamique des fluides dans le corps, comme le sang.</p>
<p>Les progrès de la microfluidique ont fourni aux scientifiques une plate-forme pour cultiver des cellules dont le fonctionnement est plus proche de celui du corps humain, notamment avec les <a href="https://doi.org/10.1038/s41578-018-0034-7">organes sur puce</a>. La «puce» désigne le dispositif microfluidique qui renferme les cellules. Elles sont généralement fabriquées à l'aide de la même technologie que les puces d'ordinateur. </p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/2N0wfDh-7Z8?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">La technologie des «organes-sur-puce» au service de la recherche biomédicale. Le réseau des Carnot.</span></figcaption>
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<p>Non seulement les organes sur puce imitent la circulation sanguine dans le corps, mais ces plates-formes sont également dotées de microchambres qui permettent d'intégrer plusieurs types de cellules afin d'imiter les divers types de cellules normalement présents dans un organe. Le flux de liquide relie ces types de cellules, ce qui permet d'étudier comment elles interagissent les unes avec les autres.</p>
<p>Cette technologie peut surmonter les limites des cultures cellulaires statiques et des études sur les animaux de plusieurs manières. Tout d'abord, la présence de fluide circulant dans le modèle permet d'imiter à la fois ce qu'une cellule vit dans l'organisme, comme la façon dont elle reçoit les nutriments et élimine les déchets, et la façon dont un médicament se déplace dans le sang et interagit avec plusieurs types de cellules. La possibilité de contrôler l'écoulement des fluides permet également de régler avec précision le dosage optimal d'un médicament particulier.</p>
<p>Le modèle de <a href="https://doi.org/10.1126/science.1188302">poumon sur puce</a>, par exemple, est capable d'intégrer les qualités mécaniques et physiques d'un poumon humain vivant. Il est capable d'imiter la dilatation et la contraction, ou l'inspiration et l'expiration, du poumon et de simuler l'interface entre le poumon et l'air. La capacité de reproduire ces qualités permet de mieux étudier la déficience pulmonaire en fonction de différents facteurs.</p>
<h2>Comment utiliser davantage cette technologie ?</h2>
<p>Bien que les organes sur puce repoussent les limites des recherches amont en pharmaceutique, cette technologie n'a <a href="https://doi.org/10.1016/j.drudis.2019.03.011">pas encore été largement intégrée</a> dans les filières de développement de médicaments. Je pense que l'un des principaux obstacles à une large adoption de ces puces est leur grande complexité et leur faible praticité.</p>
<p>Les modèles actuels d'organes sur puce sont difficiles à utiliser. De plus, comme la plupart des modèles sont à usage unique et ne permettent qu'une seule entrée, ce qui limite ce que les chercheurs peuvent étudier à un moment donné, leur mise en œuvre est à la fois coûteuse et exigeante en temps et en main-d'œuvre. Les <a href="https://doi.org/10.1039/c6lc01554a">investissements élevés requis</a> pour utiliser ces modèles pourraient freiner l'enthousiasme pour leur adoption. Après tout, les chercheurs utilisent souvent les modèles les moins complexes disponibles pour les études précliniques afin de réduire le temps et les coûts.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/501643/original/file-20221216-13-pjt0d0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Gros plan de la barrière hémato-encéphalique sur une puce" src="https://images.theconversation.com/files/501643/original/file-20221216-13-pjt0d0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/501643/original/file-20221216-13-pjt0d0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=433&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/501643/original/file-20221216-13-pjt0d0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=433&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/501643/original/file-20221216-13-pjt0d0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=433&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/501643/original/file-20221216-13-pjt0d0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=544&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/501643/original/file-20221216-13-pjt0d0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=544&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/501643/original/file-20221216-13-pjt0d0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=544&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Cette puce imite la barrière hémato-encéphalique. Le colorant bleu marque l'endroit où les cellules cérébrales iraient, et le colorant rouge marque la route du flux sanguin.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://flic.kr/p/HRUHqg">Vanderbilt University/Flickr</a></span>
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<p>Il est essentiel d'abaisser le seuil technique de fabrication et d'utilisation des organes sur puce pour permettre à l'ensemble de la communauté de profiter pleinement de leurs avantages. Mais cela ne passe pas nécessairement par une simplification des modèles. <a href="https://chenresearchlab.umbc.edu">Mon laboratoire</a>, par exemple, a conçu plusieurs <a href="https://doi.org/10.26434/chemrxiv.12964604.v1">puces tissulaires prêtes à l'emploi,</a> standardisées et modulaires, permettant d'assembler facilement des pièces préfabriquées pour réaliser leurs expériences.</p>
<p>L'avènement de l’<a href="https://pubs.acs.org/doi/full/10.1021/ac403397r">impression 3D</a> a également facilité de manière significative le développement des organes sur puce, permettant aux chercheurs de fabriquer directement des modèles entiers de tissus et d'organes sur des puces. L'impression 3D est idéale pour le prototypage rapide et le partage de la conception entre utilisateurs et facilite également la production de masse de matériaux standardisés.</p>
<p>Je pense que les organes sur puce ont le potentiel de permettre des percées dans la découverte de médicaments et de mieux comprendre le fonctionnement des organes, qu'ils soient sains ou malades. En rendant cette technologie plus accessible, on pourrait sortir le modèle du développement en laboratoire et le laisser s'imposer dans l'industrie biomédicale.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/198468/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Chengpeng Chen ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les succès pharmaceutiques obtenus en laboratoire ne se traduisent pas forcément chez l'humain. Des modèles de recherche qui imitent mieux le corps humain pourraient combler cette lacune.Chengpeng Chen, Assistant Professor of Chemistry and Biochemistry, University of Maryland, Baltimore CountyLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1972902023-01-05T19:23:17Z2023-01-05T19:23:17ZMaladies infectieuses : de nouveaux résultats éclairent les mécanismes de la septicémie<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/503281/original/file-20230105-24-7ywgsc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=8%2C0%2C1402%2C810&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Certaines bactéries (amas de cellules rose vif, entourées de cellules sanguines magenta, plus grosses) peuvent être à l'origine d'infections mortelles, soit directement, soit en déclenchant une réaction immunitaire excessive.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.gettyimages.com/detail/photo/gram-negative-bacterial-bloodstream-infection-seen-royalty-free-image/1063050118">Scharvik/iStock via Getty Images Plus</a></span></figcaption></figure><p><a href="https://www.cdc.gov/sepsis/what-is-sepsis.html">La septicémie</a> est une affection potentiellement mortelle qui survient lorsque la réaction de notre organisme à une infection est excessive, ce qui produit des lésions des tissus et des organes. La première référence à la septicémie date de <a href="https://doi.org/10.1007/s00134-006-0392-2">plus de 2 700 ans</a>. Elle est due au poète grec Homère, qui a utilisé ce terme comme un dérivé du mot <em>sepo</em>, qui signifie « je pourris » ou « je corromps ».</p>
<p>Si d’importantes avancées ont été accomplies dans le domaine de l’élucidation des mécanismes biologiques à l’origine de la septicémie, celle-ci constitue aujourd’hui encore un problème médical majeur, puisqu’elle affecte chaque année près de <a href="https://doi.org/10.1016/S0140-6736(19)32989-7">50 millions de personnes dans le monde</a>, dont <a href="https://doi.org/10.3949/ccjm.87a.18143">750 000 rien qu’aux États-Unis</a>, où elle représente la pathologie la plus coûteuse à traiter : sa prise en charge annuelle est estimée <a href="https://doi.org/10.1097/CCM.0000000000003342">à plusieurs dizaines de milliards de dollars (24 milliards en 2013)</a>. Par ailleurs, en 2017, la septicémie a été à l’origine de <a href="https://doi.org/10.1016/S0140-6736(19)32989-7">11 millions de décès dans le monde</a>.</p>
<p><a href="https://medicine.tufts.edu/people/faculty/alexander-poltorak">Notre travail de recherche</a> <a href="https://scholar.google.com/citations?user=VMa6rFgAAAAJ&hl=en">consiste à étudier</a> la <a href="https://medicine.tufts.edu/people/faculty/hayley-muendlein">façon dont certaines espèces de bactéries</a> interagissent <a href="https://doi.org/10.1126/science.282.5396.2085">avec les cellules humaines au cours des infections</a>. Notre objectif est de comprendre le plus précisément possible pourquoi, parfois, une réponse immunitaire excessive se met en place, avec des conséquences pouvant être délétères, voire mortelles, comme dans le cas de la septicémie. Nos travaux les plus récents, publiés dans la revue <em>Science Immunology</em>, nous ont permis <a href="https://www.science.org/doi/10.1126/sciimmunol.add0665">d’identifier les cellules et molécules potentiellement responsables de cette dernière</a>.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/NsPDjOX8QHA?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Potentiellement mortelle, la septicémie survient lorsqu’une réaction immunitaire excessive se met en place en réponse à une infection (film en anglais).</span></figcaption>
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<h2>Le rôle des facteurs de nécrose tumorale</h2>
<p>En cas d’infection, la réaction de notre organisme débute dès que l’envahisseur est repéré par nos cellules immunitaires. Ces dernières relarguent alors de petites protéines, les cytokines, dont le but est de faire venir d’autres cellules immunitaires au point d’infection (qui peut être par exemple une blessure, porte d’entrée de microbes dans le corps).</p>
<p>Bien que ces cytokines soient des actrices essentielles de la réponse immunitaire, leur production excessive et incontrôlée peut mener à une situation catastrophique, la fameuse « tempête de cytokine » rendue récemment célèbre par la <a href="https://doi.org/10.1016/S0140-6736(20)30628-0">pandémie de Covid-19</a>. Parfois observée <a href="https://doi.org/10.1089/vim.2019.0032">au cours de certaines infections virales</a>, cette réaction est également associée à la septicémie. Elle a été pour la première fois décrite dans des contextes de transplantations d’organes, lorsque surviennent des complications aboutissant au rejet de la greffe (réaction dite <a href="https://www.hug.ch/transplantation-cellules-souches-hematopoietiques/reaction-greffon-contre-hote">« du greffon contre l’hôte »</a>).</p>
<p>Parmi les centaines de cytokines qui existent, le <a href="https://doi.org/10.1073/pnas.72.9.366">facteur de nécrose tumorale (ou TNF pour « tumor necrosis factor »</a>), fait partie des plus puissantes. Elle fait également partie de celles qui ont été les plus étudiées au cours des cinquante dernières années.</p>
<p>Le facteur de nécrose tumorale doit son nom à sa capacité à induire la mort des cellules cancéreuses lorsque le système immunitaire est stimulé par un extrait de bactéries appelé <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/1984929/">« toxine de Coley »</a>, du nom du chirurgien américain qui l’a mis au point à la fin du XIXᵉ siècle, <a href="https://www.universalis.fr/encyclopedie/cancer-immunotherapie/4-l-immunotherapie-des-cancers-un-concept-ancien-en-pleine-expansion/">William Coley</a>. Des travaux ultérieurs ont permis d’identifier le composé à l’origine de cet effet : le <a href="https://doi.org/10.1073/pnas.72.9.3666">lipopolysaccharide, ou LPS</a>, une grosse molécule présente dans la membrane externe de certaines bactéries (<em>les bactéries à Gram négatif, ndlr</em>). </p>
<p>Le LPS est le plus puissant activateur du TNF connu à ce jour (TNF qui, rappelons-le, aide à recruter d’autres cellules immunitaires sur le lieu de l’infection, une fois l’alerte à l’envahisseur déclarée dans notre corps, en vue d’éliminer les bactéries qui s’y trouvent).</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/efnnSO44r0I?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Les cas graves de Covid-19 s’accompagnent de tempêtes de cytokines.</span></figcaption>
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<p>Dans des conditions normales, le TNF favorise les processus biologiques bénéfiques <a href="https://doi.org/10.1038/nrrheum.2015.169">tels que la survie cellulaire et la régénération des tissus</a>. Sa production doit cependant être régulée très finement, afin d’éviter la mise en place d’une inflammation trop soutenue et une prolifération continue des cellules immunitaires. Des niveaux de TNF incontrôlés peuvent notamment entraîner <a href="https://doi.org/10.3389/fimmu.2020.591365">l’apparition d’arthrite rhumatoïde</a> ou de problèmes inflammatoires similaires.</p>
<p>La production de TNF doit aussi être très précisément régulée en réponse à une infection, afin d’éviter que l’inflammation résultante ne cause des dommages trop importants aux tissus et aux organes, et pour ne pas risquer une réponse immunitaire excessive. <a href="https://doi.org/10.1016/0090-1229(92)90036-N">Hors de contrôle, le TNF peut en effet, dans un tel contexte, mener à la septicémie</a>.</p>
<p>Les scientifiques qui cherchaient à élucider les causes du choc septique se sont penchés pendant plusieurs décennies sur la façon dont l’organisme réagit à la présence de LPS bactérien. Ces travaux ont aboutit à la mise au point d’un modèle dans lequel le LPS commence par activer certaines cellules immunitaires, qui vont déclencher à leur tour la production de cytokines inflammatoires, en particulier de TNF. Ceci a pour conséquence la prolifération et le recrutement d’autres cellules immunitaires et, subséquemment, leur destruction. Lorsque cette situation est excessive, tissus et organes finissent par être endommagés. Une réponse immunitaire trop importante n’est donc pas une bonne chose.</p>
<p>Des chercheurs ont aussi démontré que <a href="https://doi.org/10.3390/ijms22052719">bloquer l’activité du TNF permet de traiter de nombreuses maladies auto-immunes</a>, notamment l’arthrite rhumatoïde, l’arthrite psoriasique, et les maladies inflammatoires de l’intestin. En conséquence, l’utilisation d’inhibiteurs du TNF a explosé au cours des dernières décennies : le <a href="https://www.reportlinker.com/p06151677/TNF-Alpha-Inhibitors-Global-Market-Report-Covid-19-Growth-And-Change-To.html">marché de ces médicaments est désormais estimé à 40 milliards de dollars</a>.</p>
<p>Les inhibiteurs de TNF se sont cependant <a href="https://doi.org/10.1001/jama.1995.03520360048038">avérés incapables de prévenir la tempête de cytokines provoquée par l’infection par le SARS-CoV-2</a>, le virus responsable de la maladie Covid-19, tout comme ils ne peuvent empêcher la survenue d’une septicémie.</p>
<p>Il faut dire qu’en dépit d’années de recherche, les mécanismes qui sous-tendent les effets délétères du TNF demeurent particulièrement mal compris. L’étude de la septicémie pourrait cependant fournir des indications sur la façon dont le TNF influe sur la réponse du système immunitaire à une infection.</p>
<h2>Comment le TNF devient-il létal ?</h2>
<p>Dans des conditions d’inflammation aiguë telles que celles qui existent au cours de la septicémie, les inhibiteurs de TNF sont moins efficaces pour prévenir la surproduction de cette cytokine. Toutefois, des études menées chez la souris révèlent que <a href="https://doi.org/10.1126/science.3895437">neutraliser le TNF peut néanmoins permettre d’empêcher la mort des animaux induite par la présence de LPS bactérien</a>. Les raisons de cette disparité, qui souligne la nécessité de mieux comprendre en quoi le TNF contribue au développement de la septicémie, sont encore inconnues.</p>
<p>Pour tenter d’apporter notre pierre à l’édifice, nous nous sommes penchés sur le rôle tenu par les cellules myéloïdes, les cellules sanguines fabriquées dans la moelle osseuse. Celles-ci sont en effet connues pour être les <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/1083433/">principales productrices de TNF</a> de l’organisme. Partant de ce constat, nous nous avons voulu vérifier si ces cellules myéloïdes pouvaient être responsables de la mort cellulaire induite par le TNF.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/502234/original/file-20221220-26-lesr2a.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Illustration of TNF bound to a cell membrane" src="https://images.theconversation.com/files/502234/original/file-20221220-26-lesr2a.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/502234/original/file-20221220-26-lesr2a.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/502234/original/file-20221220-26-lesr2a.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/502234/original/file-20221220-26-lesr2a.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/502234/original/file-20221220-26-lesr2a.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/502234/original/file-20221220-26-lesr2a.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/502234/original/file-20221220-26-lesr2a.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">TNF (blue) is implicated in a number of inflammatory diseases.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.gettyimages.com/detail/photo/the-tumor-necrosis-factor-receptor-with-tnf-bound-royalty-free-image/1247890721">selvanegra/iStock via Getty Images Plus</a></span>
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</figure>
<p>Pour le déterminer, nous avons dans un premier temps cherché à identifier les molécules à même de conférer une protection contre la mort induite par le TNF. Après avoir injecté à des souris une dose létale de TNF, nous avons découvert que les rongeurs qui ne possédaient pas les protéines <a href="https://www.science.org/doi/10.1126/sciimmunol.add0665">TRIF ou CD14</a> avaient de meilleurs taux de survie que les autres. </p>
<p>Ces deux protéines sont connues pour être associées à la réponse immunitaire induite par le LPS, mais pas par le TNF. Nos précédents travaux avaient notamment révélé qu’elles intervenaient dans la régulation d’un complexe de protéines <a href="https://doi.org/10.1038/s41467-020-20357-z">capable de contrôler la mort cellulaire et l’inflammation en réponse au LPS</a>.</p>
<p>Fort de cette nouvelle confirmation de leurs rôles, nous avons tenté de déterminer quelles cellules pouvaient être impliquées dans la mort induite par le TNF. Nous avons pour cela injecté une dose létale de TNF à des souris possédant deux types de cellules myéloïdes dépourvues des deux protéines TRIF et CD14 (ces deux types de cellules étaient les neutrophiles et les macrophages, qui jouent un rôle important dans la réponse immunitaire). Résultat : chez ces souris dépourvues de TRIF et de CD14, les symptômes de septicémie se sont avérés plus faibles que chez les autres rongeurs, et leur survie, meilleure.</p>
<p>Cette découverte indique que les macrophages et les neutrophiles sont probablement des déclencheurs majeurs de la mort médiée par le TNF, au moins chez les souris. Ils suggèrent également que les protéines TRIF et CD14 pourraient constituer des cibles thérapeutiques intéressantes pour de futurs médicaments destinés à traiter la septicémie, en vue notamment de diminuer la mort cellulaire et l’inflammation chez les patients concernés.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/197290/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Une réponse immunitaire excessive peut s’avérer mortelle. De nouveaux travaux décryptent les mécanismes à l’œuvre dans ces réactions incontrôlées, révélant de nouvelles cibles thérapeutiques.Alexander (Sasha) Poltorak, Professor of Immunology, Tufts UniversityHayley Muendlein, Research Assistant Professor of Immunology, Tufts UniversityLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1964412022-12-15T14:49:37Z2022-12-15T14:49:37ZMédicament lecanemab : une lueur d’espoir pour l’Alzheimer<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/500814/original/file-20221213-21589-54zuqs.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=1%2C1%2C994%2C664&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le lecanemab est un anticorps qui s’attache aux protéines bêta-amyloïde accumulées dans le cerveau et permettrait au système immunitaire de s’en débarrasser.</span> <span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span></figcaption></figure><p>Le 30 novembre dernier, Eisai et Biogen annonçaient les <a href="https://eisai.mediaroom.com/2022-11-29-EISAI-PRESENTS-FULL-RESULTS-OF-LECANEMAB-PHASE-3-CONFIRMATORY-CLARITY-AD-STUDY-FOR-EARLY-ALZHEIMERS-DISEASE-AT-CLINICAL-TRIALS-ON-ALZHEIMERS-DISEASE-CTAD-CONFERENCE">résultats de leur dernier essai clinique de phase 3 sur l’Alzheimer</a>. Le verdict : un traitement de 18 mois au lecanemab ralentit de 27 % la perte fonctionnelle et cognitive chez des personnes atteintes de maladie d’Alzheimer légère ou d’un trouble cognitif léger lié à l’Alzheimer. <a href="https://www.nejm.org/doi/full/10.1056/NEJMoa2212948">Les résultats de l’étude ont été également publiés dans le <em>New England Journal of Medicine</em></a>.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/alzheimer-au-coeur-de-linteraction-entre-linsuline-et-les-vaisseaux-sanguins-du-cerveau-195252">Alzheimer : au cœur de l’interaction entre l’insuline et les vaisseaux sanguins du cerveau</a>
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<p>Contrairement aux médicaments déjà approuvés pour l’Alzheimer, la compagnie pharmaceutique Eisai prétend que celui-ci est capable de ralentir la maladie plutôt que de simplement en réduire les symptômes.</p>
<p>Cette bonne nouvelle n’est cependant que le premier pas vers une véritable cure contre l’Alzheimer.</p>
<p>En tant qu’experts en neurosciences spécialisés dans l’étude de l’Alzheimer, nous suivons la recherche de traitements pour cette maladie de très près.</p>
<h2>Des résultats prometteurs, mais modestes</h2>
<p>Le lecanemab est un anticorps qui s’attache aux protéines bêta-amyloïde accumulées dans le cerveau et permettrait au système immunitaire de s’en débarrasser. Dans l’Alzheimer, cette protéine forme des agrégats et contribuerait à la <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/27025652/">progression initiale de la maladie</a>.</p>
<p>Eisai a donc sélectionné les personnes ayant les plus grandes chances de bénéficier du traitement : celles en début de maladie, ou ayant un trouble cognitif léger qui ont de grandes accumulations de bêta-amyloïde. C’est le cas d’environ <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/35099509/">7 personnes sur 8 avec un diagnostic d’Alzheimer, et la moitié des personnes vivant avec un trouble cognitif léger</a>. Après un traitement de 18 mois, le tiers des personnes traitées était maintenant à des niveaux normaux de bêta-amyloïde.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/500815/original/file-20221213-22444-zd3iu5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="personnes âgées font un casse-tête" src="https://images.theconversation.com/files/500815/original/file-20221213-22444-zd3iu5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/500815/original/file-20221213-22444-zd3iu5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/500815/original/file-20221213-22444-zd3iu5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/500815/original/file-20221213-22444-zd3iu5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/500815/original/file-20221213-22444-zd3iu5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/500815/original/file-20221213-22444-zd3iu5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/500815/original/file-20221213-22444-zd3iu5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Un traitement de 18 mois au lecanemab ralentit de 27 % la perte fonctionnelle et cognitive chez des personnes atteintes de maladie d’Alzheimer légère ou d’un trouble cognitif léger lié à l’Alzheimer.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span>
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<p>Ce n’est <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/34151810/">pas la première fois qu’un produit se débarrasse de la bêta-amyloïde</a>, mais c’est la première fois qu’un traitement mène à des bénéfices cognitifs et fonctionnels statistiquement clairs. Cependant, l’effet est petit : sur l’échelle d’évaluation clinique de la démence de 18 points (<a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC3409562/"><em>clinical dementia rating scale – sum of boxes</em></a>), les personnes traitées ont perdu un demi-point. L’impact réel sur la vie d’une personne traitée demeure donc modeste. Comme les symptômes d’Alzheimer progressent lentement en début de maladie, il sera important de déterminer si l’effet se poursuit après plus de 18 mois.</p>
<h2>Des effets secondaires inquiétants</h2>
<p>Le traitement n’a cependant pas que du positif. Il a mené à un rétrécissement du cerveau 25 % plus rapide. Des chercheurs ont attribué cette atrophie à l’élimination de la bêta-amyloïde. L’idée ne fait cependant pas l’unanimité, puisque la <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/34224184/">bêta-amyloïde serait en quantité trop petite pour expliquer un tel rétrécissement</a>. Les conséquences d’un tel rétrécissement sont inconnues.</p>
<p>Un sixième des personnes traitées ont développé des œdèmes cérébraux – une accumulation d’eau indiquant qu’il y a de l’inflammation. Le traitement a aussi mené à deux fois plus d’hémorragies cérébrales – environ une personne sur six – par rapport aux personnes ayant reçu le placebo. Cependant, seulement 1 personne sur 30 a vraiment ressenti des symptômes liés à ces deux anomalies. Même si les microhémorragies bénignes sont plutôt fréquentes chez les personnes âgées, elles pourraient réduire la capacité du cerveau à s’adapter. Cela pourrait donc <a href="https://jamanetwork.com/journals/jamaneurology/article-abstract/2526492">accroître la vulnérabilité du cerveau aux maladies cérébrales comme l’Alzheimer</a>.</p>
<p>Heureusement, des sous-groupes semblent tirer plus de bénéfices du traitement. Les hommes et les personnes de 75 ans et plus ont eu un ralentissement de plus de 40 % du déclin cognitif. Les personnes n’ayant pas le variant e4 du gène APOE, le <a href="https://www.science.org/doi/abs/10.1126/science.8346443">principal facteur de risque de l’Alzheimer</a>, ont eu moins d’effets secondaires tout en ayant un plus grand ralentissement de la progression de la maladie.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/m_ryJzQBYOY?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Le médicament lecanemab réduit le déclin cognitif chez les personnes atteintes de l’Alzheimer, mais il cause aussi des effets indésirables parfois sévères.</span></figcaption>
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<p>À l’inverse, les personnes portant deux copies de l’APOE e4 – provenant des deux parents – avaient six fois plus de chances de développer des symptômes provenant d’une hémorragie ou d’un œdème cérébral. De surcroît, ces personnes n’ont, en moyenne, pas eu d’effets positifs du lecanemab. Avoir une seule copie de l’APOE e4 semble permettre de bénéficier du traitement tout en augmentant légèrement les risques d’effets secondaires.</p>
<p>Ces données donnent espoir que les professionnels de santé pourront sélectionner les patients ayant le plus de chance de bénéficier du traitement.</p>
<h2>Un traitement demandant beaucoup de ressources</h2>
<p>Tout laisse croire que le lecanemab sera coûteux en termes de ressources. On doit d’abord s’assurer que la personne peut bénéficier du traitement en démontrant que son cerveau contient la bêta-amyloïde. Cela nécessite des équipements d’imagerie coûteux et rares en plus d’une équipe de professionnels bien formés.</p>
<p>Le médicament doit aussi être injecté toutes les deux semaines, demandant de mobiliser les patients, leurs proches et des professionnels de la santé. Pour gérer le risque d’effets secondaires, il faudra aussi offrir un suivi en imagerie. À cela s’ajoute le coût du médicament lui-même, qui n’a pas encore été annoncé. D’après des analystes, il pourrait se chiffrer à <a href="https://www.reuters.com/business/healthcare-pharmaceuticals/eisai-biogen-alzheimers-drug-could-be-available-some-next-year-2022-11-30/#:%7E:text=Several%20estimated%20lecanemab%20may%20be%20priced%20at%20around%20%2420%2C000%20per%20year">près de 20 000$ américains par année</a>.</p>
<p>Bref, le système de santé et le milieu de la recherche devront déployer des ressources importantes pour arriver à offrir ce nouveau traitement de façon équitable au plus grand nombre de gens. Il faudra offrir davantage de suivis médicaux et neuropsychologiques, fabriquer de nouvelles infrastructures d’imagerie cérébrales et former du personnel spécialisé.</p>
<p>Nous devons espérer que ce nouveau traitement en vaudra la chandelle.</p>
<p>Espérons également que les prochains résultats d’essais cliniques rapporteront une plus grande efficacité chez les femmes et chez les personnes porteuses de l’APOE e4.</p>
<p>Après tout, le lecanemab n’est que le début, et il en faudra bien plus pour véritablement traiter l’Alzheimer.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/196441/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Frederic Calon a reçu des financements des Instituts de Recherche en Santé du Canada (IRSC/CIHR), du Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada (CRSNG/NSERC), de la fondation canadiennes pour l’innovation, de la société Alzheimer Canada et du Fonds de recherche du Québec - Santé (FRQS).</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Étienne Aumont a reçu des financements des Instituts de Recherche en Santé du Canada. </span></em></p>Un traitement de 18 mois au lecanemab ralentit de 27 % la perte fonctionnelle et cognitive chez des personnes atteintes de maladie d’Alzheimer légère. Mais ce n’est que le premier pas vers une véritable cure.Frederic Calon, Professeur, Université LavalÉtienne Aumont, Étudiant au doctorat en psychologie, Université du Québec à Montréal (UQAM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1952522022-12-05T14:34:19Z2022-12-05T14:34:19ZAlzheimer : au cœur de l’interaction entre l’insuline et les vaisseaux sanguins du cerveau<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/498346/original/file-20221130-17-kh4pa6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=4%2C0%2C994%2C564&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le diabète de type 2, caractérisé aux stades avancés par une résistance à l’insuline, constitue un facteur de risque important de l’Alzheimer.</span> <span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span></figcaption></figure><p>La population vieillit et le nombre de personnes atteintes de <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Maladie_neurod%C3%A9g%C3%A9n%C3%A9rative">maladies neurodégénératives</a>, comme la <a href="https://alzheimer.ca/fr/au-sujet-des-troubles-neurocognitifs/quest-ce-que-la-maladie-dalzheimer">maladie d’Alzheimer</a>, ne cesse d’augmenter. Environ <a href="https://www.canada.ca/en/public-health/services/publications/diseases-conditions/dementia-highlights-canadian-chronic-disease-surveillance.html">75 000 Canadiens</a> reçoivent un diagnostic d’Alzheimer chaque année et voient leurs capacités cognitives décroître. Un supplice qui s’étend généralement sur plusieurs années, auquel les proches assistent, impuissants.</p>
<p>Les maladies neurodégénératives se caractérisent par des <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Prot%C3%A9inopathie">protéinopathies</a>, c’est-à-dire des accumulations anormales de protéines dans le cerveau, qui nuisent au fonctionnement des <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Neurone">neurones</a>. Pour développer des médicaments contre l’Alzheimer, l’approche thérapeutique la plus étudiée consiste à tenter de réduire l’agrégation au niveau des neurones du <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/B%C3%AAta-amylo%C3%AFde">peptide bêta-amyloïde</a> et de la <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Prot%C3%A9ine_tau">protéine tau</a>.</p>
<p>Cependant, pour atteindre leurs cibles, les médicaments doivent d’abord franchir la <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Barri%C3%A8re_h%C3%A9mato-enc%C3%A9phalique">barrière hématoencéphalique</a> (BHE), afin de passer du sang au cerveau. En effet, les cellules <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Endoth%C3%A9lium">endothéliales</a>, soit celles qui tapissent les microvaisseaux sanguins du cerveau, régissent les échanges entre le sang et le cerveau. Elles maintiennent un équilibre qui permet l’accès à des molécules essentielles comme le glucose, mais qui restreint le passage de <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC3494002/">la plupart des remèdes pharmaceutiques</a>, dont le nouveau médicament <a href="https://www.nejm.org/doi/full/10.1056/NEJMoa2212948">lecanemab</a>, qui fait couler <a href="https://www.lapresse.ca/actualites/sciences/2022-12-01/avancee-majeure-sur-l-alzheimer.php">beaucoup d'encre</a>.</p>
<p>Lorsque ces cellules endothéliales cérébrales sont malades, l’équilibre est brisé. Le cerveau peine alors à récupérer dans la circulation les substances dont il a besoin, et à y rejeter celles qui pourraient lui nuire.</p>
<p>Le cerveau et les autres organes du corps sont ainsi en communication constante, dans la santé comme dans la maladie.</p>
<p>Experts en maladies neurodégénératives et BHE, nous avons mené une étude sur les dysfonctions du récepteur de l’insuline dans l’Alzheimer.</p>
<h2>Insuline et cerveau</h2>
<p>L’<a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Insuline">insuline</a> est une hormone essentielle à la vie. Elle est surtout connue pour son effet sur la régulation de la <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Glyc%C3%A9mie">glycémie</a> et demeure incontournable dans le traitement pharmaceutique du <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Diab%C3%A8te_de_type_1">diabète</a>. Au cours des dernières décennies, des chercheurs ont remarqué des anomalies vasculaires et métaboliques <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/30022099/">chez une forte proportion de patients atteints de démence</a>.</p>
<p>En effet, le diabète de type 2, caractérisé aux stades avancés par une <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/R%C3%A9sistance_%C3%A0_l%27insuline">résistance à l’insuline</a>, constitue un facteur de risque important de l’Alzheimer. Certains indices suggèrent que le <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/29377010/">cerveau Alzheimer répond moins bien à l’insuline</a>. À l’inverse, des études ont montré que l’insuline pouvait <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/32730766/">améliorer la mémoire</a>, ce qui a motivé l’élaboration d’essais cliniques portant sur l’effet de l’insuline sur la maladie d’Alzheimer.</p>
<p>Pourtant, nous ignorons toujours quels types de cellules et quels mécanismes sont impliqués dans l’action – et la perte d’action – de l’insuline au cerveau. La grande majorité de l’insuline est produite par le <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Pancr%C3%A9as">pancréas</a> et sécrétée dans la circulation sanguine. Par conséquent, pour affecter le cerveau, l’insuline doit d’abord interagir avec la BHE et ses cellules endothéliales cérébrales, qui sont en contact avec le sang et peuvent capter l’insuline grâce à des <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/R%C3%A9cepteur_(biochimie)">récepteurs</a>, protéines spécifiques à leur surface.</p>
<h2>Alzheimer et récepteur de l’insuline</h2>
<p>Afin de mesurer la quantité de ces récepteurs à l’insuline dans le cerveau, <a href="https://doi.org/10.1093/brain/awac309">nous avons effectué des analyses directement dans des tissus humains</a>. Ces échantillons provenaient d’une <a href="https://www.rushu.rush.edu/research/departmental-research/religious-orders-study">cohorte</a> de plus d’un millier de personnes qui ont accepté de faire don de leur cerveau après leur décès. Nous y avons accès grâce à une collaboration avec des chercheurs de l’Université Rush à Chicago.</p>
<p>Nous avons découvert que le <a href="https://en.wikipedia.org/wiki/Insulin_receptor">récepteur qui lie l’insuline</a> est majoritairement localisé au niveau des microvaisseaux, donc au sein même de la BHE. De plus, l’abondance de ce récepteur est diminuée chez les sujets Alzheimer. Cette diminution pourrait engendrer la perte de réponse à l’insuline du cerveau atteint d’Alzheimer.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/498522/original/file-20221201-6191-q3l6s5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="schéma" src="https://images.theconversation.com/files/498522/original/file-20221201-6191-q3l6s5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/498522/original/file-20221201-6191-q3l6s5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=795&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/498522/original/file-20221201-6191-q3l6s5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=795&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/498522/original/file-20221201-6191-q3l6s5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=795&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/498522/original/file-20221201-6191-q3l6s5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=999&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/498522/original/file-20221201-6191-q3l6s5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=999&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/498522/original/file-20221201-6191-q3l6s5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=999&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Le récepteur cérébral de l’insuline est localisé principalement au niveau de la BHE, et sa capacité à répondre à l’insuline du sang est diminuée dans la maladie d’Alzheimer.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Manon Leclerc)</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<h2>Dysfonction du récepteur de l’insuline</h2>
<p>Afin de mieux contrôler les variables expérimentales et mesurer la réponse du récepteur à l’insuline, nous avons ensuite testé nos hypothèses chez la souris. La technique de perfusion cérébrale in situ consiste à injecter l’insuline directement dans la carotide (artère située dans le cou) afin qu’elle se rende, directement et en totalité, au cerveau. Nous avons ainsi démontré que l’insuline en circulation active principalement les récepteurs localisés sur les microvaisseaux cérébraux.</p>
<p>Bien qu’il était généralement admis que l’insuline traversait la BHE pour atteindre plus profondément dans le tissu cérébral les cellules comme les neurones, nos résultats montrent que la proportion de l’insuline qui franchit la BHE est faible.</p>
<p>Ces deux observations confirment ainsi que la majorité de l’insuline doit interagir avec les cellules de la BHE avant de pouvoir exercer une action sur le cerveau.</p>
<p>Nous avons ensuite appliqué la même méthode sur des <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Animal_g%C3%A9n%C3%A9tiquement_modifi%C3%A9">souris transgéniques</a>, génétiquement modifiées dans le but de modéliser la maladie d’Alzheimer. Nous avons constaté que la réponse à l’insuline au niveau de la BHE était dysfonctionnelle, avec une absence d’activation du récepteur de l’insuline dans ces souris malades.</p>
<p>Ainsi, tant chez l’humain que chez le rongeur, le récepteur cérébral de l’insuline est localisé principalement au niveau de la BHE, et sa capacité à répondre à l’insuline du sang est diminuée dans la maladie d’Alzheimer.</p>
<h2>Une percée significative</h2>
<p>En somme, nos résultats suggèrent que l’altération du nombre, de la structure et de la fonction des récepteurs de l’insuline au niveau des cellules endothéliales de la BHE contribuerait à la résistance à l’insuline cérébrale observée dans l’Alzheimer.</p>
<p>Les efforts de recherche en Alzheimer se concentrent présentement sur des médicaments qui, pour atteindre leur cible thérapeutique, les neurones, doivent d’abord traverser la BHE, qui leur restreint considérablement le passage. En ciblant plutôt le dysfonctionnement métabolique du cerveau, nous proposons une alternative de recherche qui présente deux avantages majeurs.</p>
<p>Le premier est de pouvoir utiliser des traitements qui n’ont pas à franchir l’obstacle de la BHE, puisque ce sont les cellules endothéliales elles-mêmes qui deviennent la cible thérapeutique. Le second implique la <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Repositionnement_des_m%C3%A9dicaments">« réutilisation des médicaments »</a>, qui consiste à profiter du phénoménal arsenal thérapeutique déjà approuvé pour lutter contre le diabète et l’obésité, mais dans un contexte d’Alzheimer.</p>
<p>Rappelons que les quelques médicaments donc nous disposons n’apportent qu’une modeste amélioration des symptômes. Combattre la résistance à l’insuline du cerveau permettrait de briser le cercle vicieux entre neuropathologie (maladie qui touche le cerveau) et diabète, et en théorie ralentir la progression de la maladie.</p>
<h2>Le travail n’est pas terminé</h2>
<p>Du côté de la recherche fondamentale, nous continuerons à étudier les mécanismes en aval des microvaisseaux, afin de comprendre l’action de l’insuline sur les couches profondes du cerveau.</p>
<p>Nous espérons que la recherche clinique emboîtera le pas avec des études chez l’humain visant à repositionner vers l’Alzheimer des médicaments ciblant certaines maladies associées au métabolisme, comme le diabète.</p>
<p>Dans l’immédiat, en attendant des solutions pharmaceutiques, chacun d’entre nous aurait avantage à adopter le cocktail préventif que l’on connaît tous : une alimentation saine combinée à de l’exercice physique et mental fréquent.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/195252/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Frederic CALON a reçu des financements de : Instituts de Recherche en Santé du Canada (IRSC/CIHR) , conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada (CRSNG/NSERC), Fonds de la recherche du Québec en santé (FRQ-S), Alzheimer Society Canada.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Manon Leclerc a reçu des bourses d'études provenant de la Fondation du CHU de Québec et du Fonds de Recherche du Québec - Santé (FRQS).</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Vincent Emond ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>L’altération des récepteurs de l’insuline au niveau des vaisseaux sanguins entre le sang et le cerveau, contribuerait à la résistance à l’insuline observée dans l’Alzheimer.Frederic Calon, Professeur, Université LavalManon Leclerc, PhD student, Université LavalVincent Emond, professionnel de recherche, Université LavalLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1897362022-09-27T13:25:48Z2022-09-27T13:25:48ZDes médicaments numériques qui bousculent les codes du monde pharmaceutique<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/486336/original/file-20220923-17085-u3iw96.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=4%2C0%2C994%2C667&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Parmi toutes les thérapies numériques proposées sur le marché, seulement une infime partie reçoit une homologation de la part d'une autorité de régulation, permettant ainsi en plus de sa commercialisation, son remboursement.</span> <span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span></figcaption></figure><p>C’est en 2017, dans le contexte de la crise des opioïdes, que la FDA (<a href="https://www.fda.gov/">Food and Drug Administration</a>) a pour la première fois homologué un « médicament numérique » ou DTx. Il s’agit du produit <a href="https://peartherapeutics.com/products/reset-reset-o/#:%7E:text=reSET%20is%20indicated%20as%20a,their%20primary%20substance%20of%20abuse.">« reSET »</a> de <a href="https://peartherapeutics.com/">Pear Therapeutics</a>. reSET est un dispositif qui consiste en un programme de douze semaines pour traiter les troubles liés à la consommation de substances causant une dépendance (cannabis, cocaïne ou alcool), par le recours à des techniques comportementales et cognitives.</p>
<p>C’est un peu comme si on se basait sur l’idée que les technologies numériques, dès lors considérées comme médicaments, pouvaient « réinitialiser » (<em>reset</em>) les erreurs du passé. Et on se souviendra que les effets délétères de certains médicaments addictifs sont en partie la responsabilité de cette même agence de régulation.</p>
<p>Au delà de cette coïncidence porteuse de sens, comment comprendre l’émergence de cette nouvelle classe de dispositifs thérapeutiques numériques ? Et surtout, quels sont les processus par lesquels des technologies numériques deviennent non seulement des produits de santé, mais aussi des médicaments validés, prescrits et éventuellement remboursés par les assurances collectives privées ou publiques ?</p>
<p>Nous proposons d’apporter un éclairage sur les manières dont les DTx invitent à repenser la pharmaceuticalisation, qui peut être définie comme le processus par lequel les médicaments pharmaceutiques deviennent des solutions à des problèmes de santé plus globaux. La nuance avec les DTx, c’est que le processus d’évaluation et d’approbation réglementaire, qui permet de garantir sécurité, efficacité et rentabilité économique, vise leur forme numérique (et non leur chimie ou leur biologie). Il s’agirait en fait d’<strong>un mode d’encapsulation du numérique</strong>. Voyons comment.</p>
<h2>Les différents types de DTx</h2>
<p>D’abord, il est indispensable de distinguer les DTx des « applications de bien-être ». Toutes les thérapies numériques proposées sur le marché ne sont pas des médicaments numériques. Les DTx se distinguent en ceci qu’ils reçoivent une homologation de la part d’une autorité de régulation, permettant ainsi, en plus de sa commercialisation, son remboursement. C’est ce que la FDA nomme les <a href="https://www.canada.ca/en/health-canada/services/drugs-health-products/medical-devices/application-information/guidance-documents/software-medical-device-guidance-document.html">« Software as a Medical Device (SaMD) »</a>.</p>
<p>Il faut donc bien distinguer la santé numérique (regroupant des applications et autres <em>techs</em> qui ne nécessitent pas de preuves cliniques), la médecine numérique (qui s’appuie sur des preuves cliniques, mais sans nécessairement requérir une approbation réglementaire) et les thérapies numériques (qui nécessitent une approbation réglementaire).</p>
<p>Les thérapies numériques fonctionnement toute ou presque via une application et traitent essentiellement des maladies chroniques. On distingue trois branches distinctes de médicaments numériques. Premièrement, on retrouve les médicaments numériques basés sur la <em>gamification</em>, sous la forme de jeux vidéos. On parle par exemple du jeu vidéo <a href="https://www.somryst.com/">« Somryst »</a>, approuvé par la FDA, qui traite l’insomnie chronique chez des patients adultes.</p>
<p>Deuxièmement, on répertorie les médicaments numériques basés sur la mobilisation des sens, ou thérapies numériques sensitives. <a href="https://lucine.fr/">« Lucine »</a>, une thérapie numérique personnalisée pour soulager la douleur chronique, en est un bon exemple. Avec Lucine, le traitement se fait à partir de la diffusion de sons, d’images ou encore de lumières.</p>
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<figcaption><span class="caption">Lucine, une thérapie numérique pour soulager la douleur chronique.</span></figcaption>
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<p>Enfin, on retrouve les médicaments numériques en tant qu’applications de suivi. Par exemple, <a href="https://www.diabeloop.fr/">« Diabeloop »</a> est une application d’autonomisation des suivis à partir d’un algorithme autoapprenant, dévelopée pour les personnes diabétiques. Cette thérapie est approuvée par les autorités françaises et peut être remboursée par certains types d’assurances.</p>
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<figcaption><span class="caption">Diabeloop, jeune entreprise qui favorise l’intelligence collective.</span></figcaption>
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<h2>Avec ou sans médicament</h2>
<p>Les DTx ne sont pas seulement des dispositifs virtuels ; elles peuvent aussi être déployées en complémentarité avec des dispositifs physiques existants. En effet, on relève deux stratégies différentes déployées par les géants de l’industrie pharmaceutique : « standalone » ou « around the pill ». Dans la première configuration <a href="https://www.smartpatient.eu/blog/digital-therapeutics-and-pharma-how-novartis-sanofi-et-al-embrace-dtx">« standalone »</a> (DTx indépendante), la compagnie crée une thérapie numérique entièrement nouvelle pour traiter une maladie. Dans la configuration <a href="https://www.smartpatient.eu/blog/digital-therapeutics-and-pharma-how-novartis-sanofi-et-al-embrace-dtx">« around-the-pill »</a> (DTx en soutien à un médicament existant), la compagnie va plutôt chercher à développer un traitement numérique complémentaire à l’usage d’un médicament existant.</p>
<p>Par exemple, <a href="https://support.diabeloop.com/hc/fr/articles/360012884760-Qu-est-ce-que-le-DBLG1-">l’algorithme « DBLG1 »</a> développé par Diabeloop, est associé à un capteur de glucose en continu (CGM) et une pompe à insuline. Toutes les cinq minutes, un résultat de glycémie est envoyé à un terminal via la technologie Bluetooth. L’intelligence artificielle DBLG1 analyse les données en temps réel et calcule la juste dose d’insuline à administrer selon les paramètres biologiques personnalisés du patient (âge, poids, vitesse d’élimination) ainsi que les informations renseignées (repas, activité physique). Le corps est ainsi calculé, numérisé. Et les données générées lui reviennent sous forme d’injection d’insuline.</p>
<p>Cette approche « around the pill » est un exemple d’un DTx qui ne remplace pas un médicament ordinaire, mais fonctionne en parallèle pour traiter un aspect de la maladie qu’un médicament ne peut résoudre seul.</p>
<p>A noter que le <a href="https://www.juniperresearch.com/researchstore/key-vertical-markets/digital-therapeutics-market-research-report">développement</a> d’une DTx est estimé à trois à quatre ans en moyenne contre plus de vingt ans pour le développement d’une molécule. Une rapidité qui favorise un rapprochement entre industries du numérique et pharmaceutique, pour certains types de traitements.</p>
<h2>De nouvelles alliances numériques et pharmaceutiques</h2>
<p>Basée aux États-Unis, la <a href="https://dtxalliance.org/">« Digital Therapeutics Alliance (DTA) »</a> est l’association des parties prenantes de ce nouveau secteur. Elle a pour mission d’étendre l’adoption, la couverture et l’accès aux DTx validées cliniquement. En s’engageant directement auprès des fonctionnaires fédéraux et en soumettant des commentaires sur les règles et réglementations proposées, la DTA « veille » à ce que les intérêts de ses membres soient pris en compte dans les décisions politiques qui auront un impact économique. Membres parmi lesquels on retrouve Pear therapeutics, Roche, Bayer et Novartis.</p>
<p>Aux États-Unis, la mise sur le marché du médicament numérique « reSET » a été menée en étroite collaboration avec <a href="https://www.sandoz.ca/fr">Sandoz</a>, une filiale du groupe pharmaceutique <a href="https://www.novartis.ca/fr">Novartis</a>. Bien que le partenariat entre Pear Therapeutics et Sandoz ait été résilié (apparente divergence sur la vision long terme autour des objectifs stratégiques), il n’en demeure pas moins que la compagnie Pear Therapeutics a acquis une forte expertise pour transformer ses thérapies numériques en médicaments reconnus.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1542145990366576641"}"></div></p>
<p>L’entreprise compte aujourd’hui trois DTx homologués : <a href="https://peartherapeutics.com/products/reset-reset-o/#:%7E:text=reSET%20is%20indicated%20as%20a,their%20primary%20substance%20of%20abuse.">« reSET »</a> (traitement contre les dépendances), <a href="https://peartherapeutics.com/products/reset-reset-o/#:%7E:text=reSET%20is%20indicated%20as%20a,their%20primary%20substance%20of%20abuse.">« reSET-O »</a> (traitement contre la dépendance aux opioïdes), et <a href="https://www.somryst.com/">« Somryst »</a> (traitement contre les insomnies). Mais surtout, l’entreprise, fondée à Boston, présente sur son site Internet une liste impressionnante de produits en cours de développement comme en témoigne <a href="https://peartherapeutics.com/science/product-pipeline/">« son pipeline »</a>.</p>
<p>Dans son dernier <a href="https://peartherapeutics.com/pear-therapeutics-announces-operational-performance-metrics-for-full-year-2021-and-reaffirms-financial-and-operational-performance-metrics-for-full-year-2022/">rapport d’activité</a>, Pear Therapeutics faisait état d’une multiplication par 4 des prescriptions pour l’ensemble des trois produits labellisés par la FDA entre 2021 et 2022 et un accès élargi aux patients avec les assurances des états du Michigan et de l’Oklahoma, représentant une croissance de l’ordre de 20 %. Des indicateurs qui plaisent aux marchés financiers.</p>
<h2>Les enjeux de la pharmaceuticalisation du numérique</h2>
<p>Au final, ces nouvelles alliances entre compagnies numériques et pharmaceutiques laissent entrevoir des pratiques de capture économique et de marchandisation de la santé, déjà bien connues. Mais ce phénomène est également « innovant », comme on aime à dire dans le secteur, puisqu’il s’appuie sur une mise en forme pharmaceutique du numérique.</p>
<p>Plusieurs questions demeurent en suspens. Comment les médecins vont-ils prescrire ces médicaments numériques ? Comme le montrent les <a href="https://smarthealth.live/fr/2021/11/30/retour-sur-the-state-of-digital-therapeutics-2021/">chiffres en Allemagne</a>, il semblerait que les médecins généralistes ne soient pas encore prêts. Voudront-ils entrer dans une relation clinique numérique avec leurs patients ?</p>
<p>Des effets thérapeutiques de ces médicaments découleront des effets secondaires non négligeables, notamment une dépendance aux écrans ou aux environnements numériques. De quel type de pharmacovigilance devons-nous nous doter pour assurer un usage sécuritaire de ces médicaments ?</p>
<p>De plus, les enjeux des médicaments numériques ne graviteront pas seulement autour de la santé du patient, mais concerneront aussi la protection et la valorisation de ces données, dans un contexte de fortes attentes économiques.</p>
<p>Voilà l’ampleur de la tâche qui attend les régulateurs et une nécessaire « santé publique numérique », notamment au Canada, qui n’a encore que peu d’expérience en la matière.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/189736/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Cécile Petitgand est fondatrice et directrice de l'entreprise Data Lama, spécialisée en gestion des données. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Jean-Christophe Bélisle-Pipon, Léo Cadillac et Pierre-Marie DAVID ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur poste universitaire.</span></em></p>Les thérapies numériques se distinguent en ceci qu’ils reçoivent une homologation de la part d’une autorité de régulation, permettant ainsi en plus de sa commercialisation, son remboursement.Pierre-Marie DAVID, Professeur adjoint, Université de MontréalCécile Petitgand, Coordonnatrice de l’initiative d’accès aux données de la Table nationale des directeurs de la recherche du Ministère de la santé et des services sociaux (MSSS), Université de MontréalJean-Christophe Bélisle-Pipon, Assistant Professor in Health Ethics, Simon Fraser UniversityLéo Cadillac, Etudiant en maîtrise de sociologie, Université de MontréalLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1827312022-06-02T12:32:34Z2022-06-02T12:32:34ZMaladie d’Alzheimer : avons-nous tout faux sur ses causes ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/466075/original/file-20220530-14-o3tq3g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C1000%2C747&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Illustration en 3D de plaques amyloïdes se formant entre les neurones.On a longtemps cru que ces dépôts provoquaient la démence liée à la maladie d'Alzheimer, mais de nouvelles études commencent à en douter. </span> <span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>Au début du XX<sup>e</sup> siècle, <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC3181715/">Alois Alzheimer</a> décrit pour la première fois un trouble de perte de mémoire progressive et de confusion chez une femme de 50 ans.</p>
<p>Après la mort de celle-ci, il analyse son cerveau et constate qu’il contient des dépôts de protéines, ou plaques. Plus d’un siècle plus tard, nous savons que ces plaques sont constituées d’une protéine appelée bêta-amyloïde et qu’elles sont une caractéristique de la maladie qui porte le nom du scientifique allemand. Bien que d’autres caractéristiques aient été découvertes depuis, la théorie selon laquelle la bêta-amyloïde est la principale cause de ce trouble incurable est toujours dominante.</p>
<p>Il existe de nombreuses variations de « l’hypothèse bêta-amyloïde », mais en général on s’entend pour dire que cette protéine s’accumule dans le cerveau, puis s’agglutine. Au cours de ce processus, les cellules nerveuses du cerveau sont endommagées, ce qui entraîne des pertes de mémoire et d’autres symptômes de la maladie d’Alzheimer. L’approche thérapeutique devrait donc être assez simple : stopper l’agglutination pour freiner la maladie.</p>
<p>Malheureusement, après des décennies de recherche, des millions de dollars d’investissement et de nombreux essais cliniques infructueux, il semble que cette approche ne fonctionne pas. Le plus récent traitement antiplaque dont les résultats ont été décevants est l’aducanumab, une thérapie où des anticorps sont censés se fixer sur la bêta-amyloïde et la détruire.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/le-nouveau-traitement-autorise-contre-lalzheimer-percee-medicale-ou-mirage-commercial-162405">Le nouveau traitement autorisé contre l’Alzheimer : percée médicale ou mirage commercial ?</a>
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<h2>Abandon d’essais cliniques</h2>
<p>Les premières données laissaient voir que le traitement permettait effectivement d’éliminer la bêta-amyloïde présente dans le cerveau. Mais cette semaine, Biogen et Eisai, les sociétés pharmaceutiques qui ont conçu l’aducanumab, <a href="https://www.wsj.com/articles/biogen-shares-drop-28-after-ending-alzheimers-phase-3-trials-11553170765">ont mis fin</a> prématurément à des essais cliniques avec des milliers de patients et <a href="http://investors.biogen.com/news-releases/news-release-details/biogen-and-eisai-discontinue-phase-3-engage-and-emerge-trials">déclaré</a> qu’il était « peu probable que les essais atteignent leur principal critère d’évaluation à terme. »</p>
<p>De nombreuses personnes se sont alors demandé si l’on devait abandonner l’hypothèse de l’amyloïde comme cause de la maladie d’Alzheimer. En fait, peu de neuroscientifiques adhèrent encore à l’idée que ce sont les plaques de bêta-amyloïdes qui provoquent les symptômes.</p>
<p>Des études sur des souris ont montré que la perte de mémoire se produit avant la formation des plaques dans le cerveau. Selon d’autres études, ce sont les plus petits fragments (les oligomères) de la bêta-amyloïde qui sont réellement toxiques pour les cellules nerveuses. On a même avancé que la formation de plaques était un moyen pour le cerveau de regrouper les oligomères dangereux en un seul endroit pour se protéger.</p>
<p>Il est très difficile de se prononcer sans disposer d’informations complètes sur les essais avec l’aducanumab, mais la maladie avait peut-être trop progressé chez les participants pour que le traitement soit efficace. Peut-être que les petits oligomères bêta-amyloïdes avaient déjà fait des dommages, déclenchant la maladie avant même que les participants ne soient recrutés pour l’étude.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/266146/original/file-20190327-139352-5p2fea.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/266146/original/file-20190327-139352-5p2fea.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/266146/original/file-20190327-139352-5p2fea.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/266146/original/file-20190327-139352-5p2fea.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/266146/original/file-20190327-139352-5p2fea.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/266146/original/file-20190327-139352-5p2fea.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/266146/original/file-20190327-139352-5p2fea.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Plaques de bêta-amyloïde (en jaune) qui s’agglutinent autour des cellules du cerveau (en bleu).</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/download/confirm/1157052994?size=medium_jpg">Juan Gaertner/Shuterstock</a></span>
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<h2>Maladie d’Alzheimer et démence d’Alzheimer ?</h2>
<p>Lors d’une récente conférence de l’Alzheimer’s Research UK, tout le monde s’est accordé à dire qu’il était temps de séparer le concept de la maladie d’Alzheimer du risque de démence.</p>
<p>La maladie d’Alzheimer se définit comme l’accumulation de plaques de bêta-amyloïde et d’enchevêtrements d’une autre protéine, tau, associée à des troubles de la mémoire. La démence est un symptôme de cette maladie. Grâce aux progrès de l’imagerie cérébrale, les médecins peuvent désormais repérer les indicateurs de la maladie d’Alzheimer beaucoup plus tôt (jusqu’à 25 ans avant l’apparition de symptômes de démence). Un fait dont on parle peu est que la progression vers la démence n’est pas une fatalité. Ce ne sont pas toutes les personnes qui présentent les signes cliniques de la maladie d’Alzheimer qui finiront par souffrir de démence.</p>
<p>Nous commençons tout juste à étudier les raisons pour lesquelles certaines personnes atteintes de la maladie échappent à la démence. L’âge est le facteur de risque le plus important pour cette progression : plus on est jeune lorsque la bêta-amyloïde commence à s’accumuler dans le cerveau, plus les risques de souffrir de démence sont grands. L’alimentation, l’éducation et les traumatismes crâniens peuvent également jouer un rôle dans ce processus, mais nous ignorons dans quelle mesure.</p>
<p>La génétique est un autre facteur important que nous commençons seulement à comprendre. De petites variations dans nos gènes semblent influencer non seulement l’accumulation de bêta-amyloïde dans le cerveau, mais aussi le fait que cela entraîne des symptômes de démence.</p>
<p>Le travail de découverte des gènes dits « à risque » est lent. Les progrès proviennent principalement d’études de « mégadonnées » qui suivent les minuscules changements dans les deux milliards de bases d’ADN du génome humain chez des dizaines de milliers d’individus et tentent de trouver des liens entre ces transformations et la prévalence de la maladie d’Alzheimer.</p>
<p>Une trentaine de zones du génome humain ont été associées au risque de développer une démence Alzheimer, mais il en reste certainement d’autres à découvrir.</p>
<h2>Aducanumab : le bon traitement, mais pas au bon moment ?</h2>
<p>Comme dans le cas de nombreuses autres maladies humaines, il se pourrait que des traitements tels que l’aducanumab ne soient efficaces que s’ils sont administrés de façon suffisamment précoce, avant que la maladie n’ait provoqué des modifications irréversibles. Grâce à une meilleure compréhension des facteurs environnementaux et génétiques à l’origine de la maladie d’Alzheimer et à l’évolution des techniques d’imagerie cérébrale, les médecins pourront identifier les signes avant-coureurs de plus en plus tôt, avant même l’apparition de légères pertes de mémoire.</p>
<p>Bien que le dépistage et le diagnostic d’une maladie encore incurable avant que les symptômes ne se manifestent soulèvent plusieurs dilemmes éthiques, cela pourrait représenter une nouvelle occasion de tester des médicaments contre la bêta-amyloïde, comme l’aducanumab.</p>
<p>En conclusion, nous devons orienter les recherches vers la connaissance des premiers stades de la maladie pour prévenir l’Alzheimer avant que la démence ne s’installe.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/182731/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Vicky Jones est financé par le Dowager Countess Eleanor Peel Trust et BK's Heroes.</span></em></p>Les dépôts de protéines sont tenus pour responsables de la maladie d’Alzheimer, mais les médicaments qui les ciblent échouent. Nous devons orienter les recherches vers les premiers stades de la maladie.Vicky Jones, Senior Lecturer in Cell Biology, University of Central LancashireLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1778022022-04-04T13:33:48Z2022-04-04T13:33:48ZL’omniprésence des perturbateurs endocriniens<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/449005/original/file-20220228-15-1mn831h.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=11%2C2%2C977%2C663&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les produits pharmaceutiques se retrouvent dans les eaux usées et les rivières par les urines et les matières fécales rejetés par les humains et les animaux d'élevage. </span> <span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span></figcaption></figure><p>En janvier 2022, une <a href="https://pubs.acs.org/doi/10.1021/acs.est.1c04158">équipe</a> internationale de chercheuses et de chercheurs a tiré la sonnette d’alarme sur l’impact de produits chimiques manufacturés et leurs effets « cocktail » sur l’entièreté du système terrestre. Les scientifiques ont conclu que l’humanité a dépassé un seuil planétaire permettant l’évaluation appropriée pour la production et les émissions de nouveaux contaminants.</p>
<p>Parmi ces contaminants se retrouvent les <a href="https://www.unep.org/explore-topics/chemicals-waste/what-we-do/emerging-issues/endocrine-disrupting-chemicals">perturbateurs endocriniens</a> (les retardateurs de flamme utilisés comme substances ignifuges, le bisphénol A retrouvé dans certains plastiques, les produits pharmaceutiques), qui sont connus pour interférer spécifiquement avec le système hormonal des animaux et des humains, et ainsi, <a href="https://theconversation.com/des-contaminants-qui-dereglent-nos-hormones-177796">causer des problèmes de santé</a>. Ces contaminants se retrouvent dans nos aliments, nos boissons, nos meubles, nos rivières et nos lacs ; bref, ils sont partout.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/des-contaminants-qui-dereglent-nos-hormones-177796">Des contaminants qui dérèglent nos hormones</a>
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<p>Contrairement à la plupart des contaminants (comme les métaux), dont la toxicité augmente avec leur quantité, les perturbateurs endocriniens agissent souvent à l’inverse, c’est-à-dire qu’ils ont des effets nocifs à de très faibles concentrations. Cette particularité rend leur réglementation très difficile.</p>
<p>Je suis professeure-chercheuse à l’<a href="https://inrs.ca/">Institut national de la recherche scientifique (INRS)</a> et titulaire de la Chaire de recherche du Canada en écotoxicogénomique et perturbation endocrinienne. Avec ma collègue Isabelle Plante, spécialisée en recherche sur les causes environnementales du cancer du sein à l’INRS, nous avons cofondé le <a href="http://www.ciape-iceda.ca/">Centre intersectoriel d’analyse des perturbateurs endocriniens, le CIAPE</a> en 2020.</p>
<p>Les membres du CIAPE viennent tout juste de publier une <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0013935122001761?via%3Dihub">édition spéciale</a> sur les perturbateurs endocriniens dans la revue scientifique spécialisée <a href="https://www.journals.elsevier.com/environmental-research"><em>Environmental Research</em></a>. Cette <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0013935122001761?via%3Dihub">édition</a> comporte 14 ouvrages d’analyse documentaire sur toutes les avancées scientifiques et en santé environnementale en lien avec les perturbateurs endocriniens. Nous résumons ici quelques faits saillants liés à leur omniprésence, leur détection, leur élimination et leur réglementation.</p>
<h2>Traquer les effets des contaminants sur la santé humaine</h2>
<p>La <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0013935121012640?via%3Dihub">revue de la littérature</a> de l’équipe menée par la chercheuse en épidémiologie <a href="https://espum.umontreal.ca/lespum/departement-de-medecine-sociale-et-preventive/lequipe-du-departement/personnel-enseignant/professeur/in/in28257/sg/Ying%20Tung%20Vikki%20Ho/">Vikki Ho</a> de l’Université de Montréal a mis en évidence l’importance des études épidémiologiques (étude des problèmes de santé dans les populations humaines, leur fréquence, leur distribution dans le temps et dans l’espace) pour caractériser les effets des perturbateurs endocriniens sur la santé des populations humaines.</p>
<p>Par exemple, une <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S1438463916305399">étude</a> qui a eu lieu en Corée du Sud a démontré que la teneur en polluants organiques persistants tel que les biphényles polychlorés (BPC) (liquides isolants) dans le sang augmentait par trois les risques d’incidence du cancer de la prostate. Une autre <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0013935111001459?via%3Dihub">étude</a> a démontré que des niveaux élevés de retardateurs de flamme bromés (composés ignifuges retrouvés par exemple dans les meubles rembourrés) dans le sérum de jeunes filles étaient liés à des menstruations plus précoces.</p>
<p>Cependant, il est difficile de relier les problèmes de santé à une exposition à des perturbateurs spécifiques puisque l’humain est exposé à un mélange de contaminants tout au long de sa vie, rendant les études épidémiologiques très complexes. La professeure Ho et son équipe <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0013935121012640?via%3Dihub">recommande</a> tout de même d’intégrer l’épidémiologie humaine aux études toxicologiques (étude des effets nocifs des substances chimiques sur les organismes vivants) et écotoxicologiques (étude des polluants et de leurs effets sur l’environnement) lors de l’évaluation de risques des substances chimiques.</p>
<h2>Nos médicaments se retrouvent dans l’environnement</h2>
<p>Les médicaments pharmaceutiques sont devenus des produits de (sur)consommation, avec un usage quotidien pour certains d’entre eux. Leur volume de consommation est tel qu’ils se retrouvent dans les eaux usées et les rivières par les urines et les matières fécales rejetées par les humains et les animaux d’élevage.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/455653/original/file-20220331-18-eti56u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Différents médicaments dans des emballages en plastique" src="https://images.theconversation.com/files/455653/original/file-20220331-18-eti56u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/455653/original/file-20220331-18-eti56u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/455653/original/file-20220331-18-eti56u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/455653/original/file-20220331-18-eti56u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/455653/original/file-20220331-18-eti56u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/455653/original/file-20220331-18-eti56u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/455653/original/file-20220331-18-eti56u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Les antibiotiques, les antidépresseurs et les anti-inflammatoires non stéroïdiens (ibuprofène, naproxène) qui sont déversés dans les cours d’eau peuvent avoir des effets sur la santé des animaux.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span>
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<p>Les structures chimiques des hormones ont été bien conservées à travers l’évolution (la testostérone se retrouve à la fois chez les poissons, les grenouilles, les oiseaux, les mammifères et les humains). Ainsi, les médicaments hormonaux ou destinés à agir sur nos hormones sont également fonctionnels chez les autres animaux, causant parfois des effets néfastes.</p>
<p>Pascal Vaudin, chercheur en physiologie à l’Université de Tours, et son équipe ont <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0013935121017965?via%3Dihub">constaté</a> que les antibiotiques, les antidépresseurs et les anti-inflammatoires non stéroïdiens (ibuprofène, naproxène) ont des impacts neurologiques, notamment sur le développement du cerveau et le comportement des animaux.</p>
<h2>Dépister l’activité endocrine anormale de l’eau</h2>
<p>Les perturbateurs endocriniens possèdent des structures chimiques variées, des propriétés chimiques et physiques hétérogènes et une capacité à se répartir dans diverses matrices environnementales, dont les tissus humains, ce qui complexifie leur détection. Or, <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0013935121019174?via%3Dihub">leur caractérisation a considérablement progressé</a> depuis les dernières décennies en raison du développement d’analyses de pointe et très sensibles pour la détection des faibles niveaux de perturbateurs endocriniens dans l’eau, le sol, l’air, les sédiments, les aliments, le sang, le lait maternel, le placenta, etc. Il est donc maintenant possible de les détecter même à d’infiniment petites concentrations, ce qui pave la voie vers une meilleure réglementation et gestion internationale, tel que suggéré par l’équipe de chercheuses et chercheurs dirigée par le professeur émérite <a href="https://www.trentu.ca/wqc/facultystaff/cmetcalfe">Chris Metcalfe</a> de l’Université Trent.</p>
<p>La présence de plusieurs perturbateurs endocriniens dans notre environnement, par exemple dans les eaux usées, complexifie également l’étude de leur toxicité et leurs effets sur la santé. Par exemple, les concentrations individuelles de différents contaminants peuvent être faibles dans un effluent municipal, ne permettant pas d’observer une activité estrogénique (mimant les estrogènes) lorsqu’on étudie ces composés individuellement. Par contre, lorsqu’on additionne les effets de tous les contaminants, l’effluent peut présenter une activité estrogénique globale.</p>
<p>L’analyse chimique de tels échantillons est complexe et l’utilisation d’essais biologiques (tests qui utilisent des organismes vivants ou des cellules isolées) peut aider à résoudre un tel problème. Nous avons <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0013935121017849?via%3Dihub">constaté</a> qu’il était effectivement possible de tester si un effluent municipal, hospitalier ou industriel possède une activité de perturbation endocrinienne globale en utilisant, par exemple, des tests cellulaires (utilisant des lignées cellulaires maintenues en laboratoire et ultrasensibles aux perturbateurs endocriniens).</p>
<p>Ces tests ultraperformants permettent à la fois de tester l’efficacité des systèmes de traitement des eaux usées et de faire des suivis environnementaux, selon les <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0013935121017849?via%3Dihu">travaux</a> de Julie Robitaille de l’INRS. Les instances gouvernementales et internationales doivent maintenant établir des critères environnementaux (seuils de toxicité) basés sur les données scientifiques probantes disponibles afin de protéger nos écosystèmes et la santé humaine.</p>
<h2>Éliminer les perturbateurs endocriniens des effluents</h2>
<p>L’élimination des contaminants dans les eaux usées est l’un des objectifs majeurs des usines de traitement. Il existe une panoplie de processus différents pour traiter les eaux contaminées, chacune ayant leurs avantages et leurs limites.</p>
<p>À travers notre <a href="https://linkinghub.elsevier.com/retrieve/pii/S0013-9351(21)01497-3">revue de la littérature</a> dirigée par le professeur en assainissement et décontamination <a href="https://inrs.ca/la-recherche/professeurs/jean-francois-blais/">Jean-François Blais</a> de l’INRS, nous avons constaté que malgré la diversité des processus de traitement existants, plusieurs usines de traitement des eaux usées n’arrivent toujours pas à éliminer 100 % des perturbateurs endocriniens.</p>
<p>Par contre, certains procédés, tel que l’<a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/09593330309385555">ozonation</a> en fin de traitement des eaux usées, arriveraient à éliminer la totalité du bisphénol A (ou BPA, retrouvé notamment dans les bouteilles de plastique) présent dans l’eau. Par ailleurs, la <a href="https://www.ledevoir.com/politique/montreal/659505/montreal-la-facture-de-l-usine-d-ozonation-grimpe-encore">Ville de Montréal va bientôt débuter des travaux visant à doter la ville d’un procédé d’ozonation pour la désinfection de ses eaux usées</a>. M. Blais et son équipe sont d’avis qu’il est primordial de caractériser les types et les concentrations de contaminants présents dans les effluents des eaux usées pour chaque municipalité avant de sélectionner les meilleures options de traitement.</p>
<h2>Repenser l’analyse de risques des contaminants environnementaux</h2>
<p>Nos <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0013935121015267?via%3Dihub">travaux</a> ont permis de constater que l’initiative <a href="https://www.oecd.org/chemicalsafety/risk-assessment/iata-integrated-approaches-to-testing-and-assessment.htm">« Approches intégrées des tests et de l’évaluation »</a> suggérée par l’<a href="https://www.oecd.org/fr/">Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE)</a> serait une excellente première étape vers une approche d’intégration complète des données existantes sur les contaminants, dont celles des perturbateurs endocriniens. Cette initiative vise à mettre en commun les résultats de recherche obtenus partout dans le monde afin de mieux comprendre les effets des polluants et d’établir une régulation conséquente.</p>
<p>Le Canada est présentement en <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0013935121015267?via%3Dihub">modernisation</a> de son processus d’évaluation de risques afin d’y intégrer les Approches intégrées des tests et de l’évaluation.</p>
<p>Le <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0013935122001761?via%3Dihub">message</a> à retenir est que la société internationale a besoin d’une plate-forme d’évaluation des risques évolutive qui intègre les données existantes et toutes les données émergentes en temps réel sur ces contaminants environnementaux. Pour y arriver, l’évaluation des risques doit devenir un processus plus dynamique et malléable au fil du temps.</p>
<p>En d’autres termes, les connaissances nouvellement générées devraient être rapidement disponibles pour guider les modèles d’évaluation de risques, de sorte que l’usage ou la production d’un produit chimique, nouveau ou existant, pourrait devenir restreint, voire interdit, dans un plus court laps de temps sur la base de preuves probantes, dont celle de perturbation de notre système hormonal.</p>
<p>Une telle plate-forme évolutive et intégrée devrait accélérer le transfert de connaissances de la communauté scientifique vers la société, qui constitue présentement un goulot d’étranglement important pour la création d’un environnement plus sûr.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/177802/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Valérie S. Langlois a reçu des financements du Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada (CRSNG) et des Chaires de recherche du Canada. Elle est la directrice du Centre intersectoriel d'analyse des perturbateurs endocriniens (CIAPE) qui est financé par l'Institut national de la recherche scientifique (INRS).</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Isabelle Plante a reçu des financements du Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada (CRSNG), de la Société de Recherche Cancer (SRC) et du Fonds de recherche du Québec-Santé (FRQS). Elle est la co-directrice du Centre intersectoriel d'analyse des perturbateurs endocriniens (CIAPE) qui est financé par l'Institut national de la recherche scientifique (INRS).</span></em></p>Il est maintenant possible de détecter les perturbateurs endocriniens à des concentrations infiniment petites, pavant la voie vers une meilleure réglementation et une gestion internationale.Valérie S. Langlois, Professor/Professeure titulaire, Institut national de la recherche scientifique (INRS)Isabelle Plante, Associate Professor, Institut national de la recherche scientifique (INRS)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1803432022-04-03T16:14:40Z2022-04-03T16:14:40ZAnxiolytiques et somnifères augmentent-ils les risques d’accident du travail ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/455216/original/file-20220330-5217-u1yomu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=11%2C5%2C1543%2C875&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">En 2015, la France était toujours au deuxième rang des pays européens en matière de consommation de benzodiazépines.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Boites_de_benzodiazépines.png">Wikimedia commons</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Selon <a href="https://assurance-maladie.ameli.fr/qui-sommes-nous/publications-reference/assurance-maladie-risques-professionnels/rapports-annuels">l’Assurance-maladie – Risques professionnels</a>, plus d’un million d’accidents du travail (incluant les accidents de trajet) ont été reconnus en 2019 (la survenue de la Covid-19 a entraîné une baisse en 2020). Ce chiffre est globalement stable depuis 2014. Selon nos calculs, près de 4 % des employés ont été victimes d’accidents du travail en 2016.</p>
<p>Ces chocs sur la santé ne sont toutefois pas aléatoires et pourraient survenir plus fréquemment dans une population fragilisée, notamment au regard de son état de santé. La littérature montre en effet que des caractéristiques sociodémographiques prédisposent à la survenue d’un accident du travail, tels que le fait d’<a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0927537102001367">être un homme ou d’être âgé de 25 à 35 ans ou de 55 ans et plus</a>.</p>
<p>Dans une <a href="https://erudite.univ-paris-est.fr/fileadmin/redaction/ERUDITE/Documents_de_travail/Documents_de_2022/WP_ERUDITE_02_2022-1.pdf">récente étude</a>, nous avons tenté d’évaluer l’influence de la prise de benzodiazépines, famille de médicaments particulièrement <a href="https://archiveansm.integra.fr/S-informer/Points-d-information-Points-d-information/%C3%89tat-des-lieux-de-la-consommation-des-benzodiazepines-Point-d-Information">consommés en France</a> comme anxiolytiques (alprazolam, bromazepam…) et somnifères (zolpidem, zopiclone…), sur le risque d’accident du travail. En effet, ces molécules possèdent des effets indésirables susceptibles d’augmenter le risque d’accident (troubles cognitifs, somnolence).</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/455221/original/file-20220330-5063-fy0ijr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/455221/original/file-20220330-5063-fy0ijr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/455221/original/file-20220330-5063-fy0ijr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=343&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/455221/original/file-20220330-5063-fy0ijr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=343&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/455221/original/file-20220330-5063-fy0ijr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=343&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/455221/original/file-20220330-5063-fy0ijr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=431&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/455221/original/file-20220330-5063-fy0ijr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=431&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/455221/original/file-20220330-5063-fy0ijr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=431&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Niveaux de consommation des benzodiazépines dans huit pays européens, en Doses définies journalières/1000 habitants par jour entre 2012 et 2015.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="http://dev4-afssaps-marche2017.integra.fr/S-informer/Points-d-information-Points-d-information/Etat-des-lieux-de-la-consommation-des-benzodiazepines-Point-d-Information">L’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (2017)</a></span>
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</figure>
<p>Bien que <a href="https://www.has-sante.fr/jcms/c_2863043/fr/quelle-place-pour-les-benzodiazepines-dans-l-anxiete">leurs effets thérapeutiques soient attestés</a>, l’évolution de leur consommation reste surveillée par les autorités sanitaires, en raison de la consommation élevée en France au début des années 2000 d’une part (en 2015 la France est toujours au <a href="http://dev4-afssaps-marche2017.integra.fr/S-informer/Points-d-information-Points-d-information/%C3%89tat-des-lieux-de-la-consommation-des-benzodiazepines-Point-d-Information">deuxième rang en comparaison de huit autres pays européens</a>), et du fait de ces potentiels effets néfastes (troubles cognitifs, perte d’équilibre, mais surtout risque de dépendance lors d’un usage prolongé), d’autre part.</p>
<p>La diminution rapide de l’effet thérapeutique, en quelques semaines, et le risque de dépendance ont d’ailleurs conduit la Haute autorité de santé à publier des <a href="https://www.has-sante.fr/jcms/pprd_2974193/fr/anxiete-les-benzodiazepines-uniquement-pour-une-courte-periode">recommandations</a> pour limiter les durées de traitement (12 semaines au maximum pour les <a href="https://www.has-sante.fr/jcms/c_2863043/fr/quelle-place-pour-les-benzodiazepines-dans-l-anxiete">anxiolytiques</a>, 4 semaines pour les <a href="https://www.has-sante.fr/jcms/c_2015058/fr/quelle-place-pour-les-benzodiazepines-dans-l-insomnie">somnifères</a>). Les diverses mesures (limitations des durées de traitement, restriction des prescriptions pour certaines molécules, intégration du respect de certaines recommandations dans la part variable de la rémunération des médecins) ont participé à la décrue de la consommation en France du début des années 2000 jusqu’à la pandémie de Covid-19 (qui a engendré une nette hausse de la consommation).</p>
<h2>Un surrisque à l’arrêt du traitement</h2>
<p>Dans notre étude, nous constituons une cohorte de personnes ayant été victimes d’au moins un accident du travail entre 2017 et 2019. Leur suivi permet d’estimer le risque d’accident dans les mois qui suivent la prise de ces médicaments.</p>
<p>Trois enseignements peuvent être tirés de cette étude. Tout d’abord, dans le mois qui suit la première prise de benzodiazépines, le risque d’accident du travail est plutôt réduit, par rapport aux périodes de non-consommation. L’explication peut être médicale (amélioration de l’état de santé du patient), même si cette hypothèse semble être infirmée par la nature des effets des benzodiazépines. Une autre explication est de nature professionnelle. La prise d’un médicament, dont on sait qu’il augmente le risque d’accident, peut conduire à une diminution (au moins temporaire) des activités les plus à risque, et à une augmentation de la vigilance. Les médecins peuvent également prescrire moins facilement ces médicaments aux salariés les plus exposés.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/455219/original/file-20220330-5684-1ikvpys.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/455219/original/file-20220330-5684-1ikvpys.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/455219/original/file-20220330-5684-1ikvpys.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/455219/original/file-20220330-5684-1ikvpys.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/455219/original/file-20220330-5684-1ikvpys.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/455219/original/file-20220330-5684-1ikvpys.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/455219/original/file-20220330-5684-1ikvpys.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Près de 4 % des employés ont été victimes d’accidents en 2016.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://pixabay.com/fr/photos/ouvrier-du-batiment-travailler-569126/">Pixabay</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
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</figure>
<p>Ensuite, lorsque le traitement se prolonge au-delà de trois mois, cette réduction du risque disparaît. Le risque devient même positif chez les personnes de moins de 45 ans, ou pour les accidents ayant entraîné des arrêts compris entre 7 et 168 jours. Ce résultat correspond aux effets nocifs des benzodiazépines en cas de traitement prolongé au-delà des recommandations.</p>
<p>Enfin, à l’arrêt du traitement, et ce quelle que soit la durée, on observe un surrisque d’accident du travail. Ce dernier peut provenir d’une reprise de l’exposition au risque professionnel à la suite d’une diminution, ou d’un <a href="https://solidarites-sante.gouv.fr/soins-et-maladies/medicaments/professionnels-de-sante/bon-usage-par-les-professionnels/article/le-bon-usage-des-benzodiazepines-par-les-professionnels-de-sante">effet rebond</a> du traitement (qui consiste en une aggravation des symptômes préexistants au traitement, et dont on sait qu’il est une conséquence possible de la prise de benzodiazépines).</p>
<p>Ces résultats appellent d’une part au respect des recommandations relatives aux durées de traitement par benzodiazépines, et d’autre part à une vigilance accrue au moment de l’arrêt du traitement. Les risques liés à la prise de ces médicaments sont connus et pourraient être mieux pris en compte par le médecin et par le salarié par une vigilance renforcée voire une adaptation du poste de travail ou des tâches associées. L’arrêt du traitement pourrait être progressif avec un suivi renforcé lors de la reprise des activités à risque.</p>
<h2>Distinguer consommation et surconsommation</h2>
<p>En outre, les conséquences d’un accident du travail peuvent être physiques bien sûr, mais également mentales (stress induit par l’accident lui-même mais aussi appréhensions liées au retour au travail). C’est pourquoi, dans une <a href="https://erudite.univ-paris-est.fr/fileadmin/redaction/ERUDITE/Documents_de_travail/Documents_de_2020/WP_ERUDITE_09_2020.pdf">autre étude</a>, nous étudions l’effet d’un accident de travail sur la consommation et la surconsommation de benzodiazépines (c’est-à-dire le dépassement des durées de traitement recommandées).</p>
<p>Pour ce faire, nous comparons une cohorte de victimes d’un accident du travail unique en 2016 à une cohorte de témoins, sans accident de 2007 à 2017, soit respectivement plus de 350 000 et plus de 1,1 million de personnes. L’originalité de la méthode économétrique repose sur l’utilisation d’un modèle en deux étapes, qui permet de distinguer les facteurs liés à la consommation de benzodiazépines et ceux liés à leur surconsommation.</p>
<p>Les résultats des estimations montrent une augmentation de 34 % de la probabilité de consommer des benzodiazépines à la suite d’un accident du travail. En revanche, une fois pris en compte les facteurs confondants et l’effet de sélection (c’est-à-dire le fait que l’on ne peut observer de surconsommation que chez ceux qui consomment), l’accident du travail entraîne une baisse de la probabilité de surconsommer (c’est-à-dire de consommer au-delà des durées de traitement recommandées) de 8 %.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/455223/original/file-20220330-4833-2yaott.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/455223/original/file-20220330-4833-2yaott.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/455223/original/file-20220330-4833-2yaott.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/455223/original/file-20220330-4833-2yaott.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/455223/original/file-20220330-4833-2yaott.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/455223/original/file-20220330-4833-2yaott.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/455223/original/file-20220330-4833-2yaott.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/455223/original/file-20220330-4833-2yaott.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Un accident du travail augmente de 34 % la probabilité de consommer des benzodiazépines.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://pxhere.com/fr/photo/985817">Pxhere</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
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</figure>
<p>Une explication pourrait être une amélioration du suivi médical pour les personnes ayant été victimes d’un accident du travail. L’ampleur de l’effet (sur l’augmentation de la probabilité de consommer, puis sur la diminution de la probabilité de surconsommer) est quasiment deux fois plus importante pour les femmes que pour les hommes, alors qu’on sait que la consommation est largement supérieure chez les femmes.</p>
<p>Lorsque l’on prend en compte la durée de l’arrêt de travail consécutif à l’accident (qui donne une indication sur sa gravité), on observe un gradient dans l’effet sur la probabilité de consommer. Plus l’accident est grave et plus la probabilité de consommer des benzodiazépines dans l’année qui suit est élevée. Nos résultats démontrent également un effet positif des accidents ayant entraîné les arrêts de travail les plus longs (supérieurs à 45 jours, par rapport à ceux ayant entraîné des arrêts inférieurs à 8 jours) sur la probabilité de surconsommer des benzodiazépines dans l’année qui suit.</p>
<p>Cette étude distingue clairement les facteurs liés à la consommation de benzodiazépines de ceux liés à leur surconsommation. Alors que le non-respect des recommandations relatives aux durées de traitement par benzodiazépines reste une préoccupation majeure des autorités sanitaires, ces résultats sont plutôt rassurants quant au risque suite à un accident du travail. Cependant, une vigilance particulière s’impose pour les accidents les plus graves.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/180343/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>François-Olivier Baudot a reçu des financements de l'Association Nationale de la Recherche et de la Technologie (contrat CIFRE).</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Thomas Barnay ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La prise de médicaments de la famille des benzodiazépines est associée à une baisse de la probabilité d’accident du travail au début du traitement, puis à une augmentation si les soins se prolongent.Thomas Barnay, Full Professor in Economics, ERUDITE, UPEC (on leave) / Visiting Professor, Health Care Policy Department, Harvard Medical School and French Harkness Fellow in Health Care Policy and Practice (The Commonwealth Fund) (2021-2022), Université Paris-Est Créteil Val de Marne (UPEC)François-Olivier Baudot, Pharmacien, statisticien à la Caisse Nationale de l'Assurance Maladie (CNAM), doctorant en économie de la santé (ERUDITE, UPEC), Université Paris-Est Créteil Val de Marne (UPEC)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1797112022-03-24T18:43:26Z2022-03-24T18:43:26ZUn an après la première prescription de cannabis médical en France, où en est-on ?<p>Le 26 mars 2021 avait lieu en France la <a href="https://solidarites-sante.gouv.fr/actualites/presse/communiques-de-presse/article/olivier-veran-donne-le-feu-vert-au-cannabis-medical-en-france">première prescription de cannabis à usage médical</a> en présence du ministre de la Santé, Olivier Véran, au CHU de Clermont-Ferrand. Ce moment était la concrétisation de deux ans et demi de réflexion menée par deux comités scientifiques successifs, créés par l’agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM).</p>
<p>La pertinence de cette légalisation du cannabis à usage médical avait été préalablement actée non seulement <a href="https://theconversation.com/cannabis-a-usage-medical-la-france-engage-officiellement-la-reflexion-101624">par les autorités sanitaires</a> à partir des données scientifiques internationales disponibles, mais aussi par les autorités politiques. Ces dernières ont signifié leur position lors du vote à l’Assemblée nationale de l’<a href="https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000039675317&categorieLien=id">article 43 de la loi N°2019-1446</a> de financement de la Sécurité sociale pour 2020, porté par Olivier Véran – alors député. En application de cette loi, le <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000042410284">décret 2020-1230 du 7 octobre 2020</a> autorisait une expérimentation relative à l’usage médical du cannabis sous la forme de médicaments, à titre expérimental et pour une durée de deux ans à compter de la prescription au premier patient.</p>
<p>Un an après, où en est-on de cette expérimentation nationale de politique publique, dont l’objectif principal est de déterminer les conditions d’une légalisation de l’accès aux médicaments à base de cannabis ?</p>
<h2>Déjà 1500 patients traités</h2>
<p>Avant la France, plusieurs pays ont autorisé l’accès aux médicaments à base de cannabis, parfois depuis longtemps. C’est notamment le cas du Canada (2001), d’Israël (2004), de l’Italie (2013), de l’Allemagne (2017)…</p>
<p>L’expérimentation en cours dans notre pays prépare une prochaine légalisation d’accès au cannabis médical et permet d’adapter ce dernier aux spécifications françaises de l’accès aux soins. Elle permet également de traiter sans attendre les premiers patients en toute sécurité (« soulager sans nuire »), en attendant les prises de décisions actant la légalisation de ces traitements.</p>
<p>Les patients qui souhaitent être inclus dans ces traitements doivent en faire la demande à leur médecin. Ce dernier peut alors les aider à justifier médicalement leur inclusion au regard de leur pathologie et des traitements déjà prescrits. Cependant, toutes les demandes ne pourront probablement pas être acceptées, car l’expérimentation actuelle, qui doit se terminer en mars 2023, ne concerne qu’un nombre limité de patients : elle a été calibrée pour traiter jusqu’à 3 000 malades. À mi-parcours, 1 500 patients ont déjà pu bénéficier de ces traitements, malgré une situation sanitaire difficile liée au Covid, qui mobilise fortement les professionnels de santé hospitaliers et libéraux. Les pharmaciens d’officine se sont eux aussi fortement impliqués dans la dispensation de ces traitements, parallèlement à leur forte implication dans le dépistage et la vaccination Covid-19.</p>
<p>Le relais de ces prescriptions auprès des médecins traitants des patients reste limité, pour deux raisons principales. D’une part, en raison d’une certaine prudence envers ces nouveaux traitements, et d’autre part à cause des contraintes imposées par le caractère expérimental de ces prescriptions, qui nécessite une formation obligatoire ainsi que le remplissage d’un registre à chaque consultation. Néanmoins, des centaines de médecins travaillant dans plus de 240 structures hospitalières, en métropole et outre-mer, sont d’ores et déjà impliqués dans l’instauration de ces traitements : au total, plus de 1000 professionnels de santé ont déjà été formés à la prescription et dispensation de ces médicaments.</p>
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<p>Il est recommandé aux patients qui souhaiteraient intégrer une potentielle prescription dans leur parcours de soin habituel d’en parler au préalable avec leur médecin traitant et leur pharmacien d’officine, qui pourront les adresser à l’une des 280 structures hospitalières participantes. Toutes les réponses aux questions sur cette expérimentation sont consultables sur le <a href="https://ansm.sante.fr/dossiers-thematiques/cannabis-a-usage-medical/nous-repondons-a-vos-questions-sur-le-cannabis-medical">site de l’ANSM</a> (notamment pour savoir si l’un des services hospitaliers proches de chez vous en fait partie).</p>
<h2>Du cannabis médical pour qui et comment ?</h2>
<p>À l’occasion de la première prescription de cannabis médical en France, le 26 mars 2021, Olivier Véran, ministre des Solidarités et de la Santé, avait déclaré : « C’est le rôle de la médecine que de combattre les maladies et de soulager les douleurs. […] je suis fier que la France puisse expérimenter l’usage du cannabis à des fins médicales, et ainsi mieux accompagner des milliers de patients qui affrontent des pathologies lourdes. »</p>
<p>Ces traitements s’adressent en effet à des malades pour lesquels la médecine est en échec thérapeutique dans les cinq situations cliniques suivantes : douleurs neuropathiques, épilepsie, spasticité (contraction musculaire anormale) douloureuse, situations palliatives et complications liées au cancer et à ses traitements. En effet, un niveau modeste de preuve scientifique sur leur efficacité ne permet pas d’en faire des traitements de première ligne.</p>
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<span class="caption">Carnet de suivi fourni aux patients participant à l’expérimentation cannabis médical.</span>
<span class="attribution"><span class="source">ANSM</span></span>
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<p>Les patients peuvent se voir prescrire des huiles à prendre par voie orale contenant des extraits de fleurs de cannabis. Cette forme représente le traitement de fond prescrit en première intention. Des fleurs séchées de cannabis associées à un dispositif de vaporisation pour inhalation sont parfois associées à ces huiles, pour soulager notamment des épisodes douloureux aigus mal jugulés par le traitement de fond.</p>
<p>Tous ces médicaments sont caractérisés par leur teneur en deux phytocannabinoïdes, les plus fréquemment présents dans les fleurs de cannabis : le CBD ou cannabidiol (substance légèrement psychoactive, sans risque avéré de dépendance, non classée parmi les stupéfiants) et le THC ou tétrahydrocannabinol (substance la plus psychoactive, à l’origine des effets euphorisants et désinhibiteurs, mais aussi des risques de dépendance du cannabis. Elle est classée dans les stupéfiants). Les taux de ces deux substances varient selon les variétés de cannabis.</p>
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<p>Comme cela était attendu, et comme pour tous médicaments, certains patients n’ont pas présenté d’amélioration significative de leurs symptômes. Chez d’autres, le traitement a parfois dû être arrêté en raison de l’apparition d’effets indésirables bien connus, majoritairement d’ordre neurologique (somnolence), psychiatrique (anxiété), cardio-vasculaire (palpitations) ou digestif (diarrhée). Au final, ce sont un quart des patients traités qui ont arrêté leur traitement pour l’une de ces deux raisons. </p>
<p>« Certaines modalités de l’expérimentation sont régulièrement réinterrogées de façon à répondre au plus près aux besoins des patients et des professionnels de santé, en concertation avec eux », souligne Nathalie Richard, directrice du projet cannabis médical à l’ANSM.</p>
<p>Il faut noter que ces traitements ne s’adressent pas spécifiquement à des patients consommateurs de cannabis. Les patients traités par ces médicaments à base de cannabis n’ont, dans leur très grande majorité, jamais consommé de cannabis.</p>
<h2>Une filière française de production de ces médicaments</h2>
<p>L’expérimentation en cours permettra d’évaluer les meilleures conditions de prescriptions et de dispensation de ces médicaments. Cela ne devrait pas poser de difficultés particulières. En effet, prescrire des médicaments stupéfiants en primoprescription hospitalière est déjà bien connu et maîtrisé par les professionnels de santé. Des adaptations ont déjà été proposées par l’ANSM pour optimiser l’accès des patients à ces médicaments.</p>
<p>Un point important consistera à établir une filière française de production de ces médicaments. En France, le <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000045185582">décret 2022-194 du 17 février 2022</a>, entré en vigueur le 1<sup>er</sup> mars, autorise désormais la culture de cannabis à usage médical. En pratique, un premier arrêté sera publié pour préciser les conditions légales de cette culture. Elle relèvera de règles différentes de celle du chanvre en plein champ, du fait de la présence dans les variétés concernées de THC, substance classée stupéfiant.</p>
<p>En parallèle, l’ANSM a aussi installé un nouveau <a href="https://ansm.sante.fr/actualites/production-et-culture-du-cannabis-a-usage-medical-en-france-lansm-engage-les-travaux-pour-definir-les-specifications-des-medicaments-a-base-de-cannabis">comité scientifique temporaire</a>, dénommé « Culture en France du cannabis à usage médical – spécifications techniques de la chaîne de production allant de la plante au médicament ». Il définira les spécifications attendues pour les médicaments à base de cannabis qui seront produits par une future filière de production française, de la graine au médicament.</p>
<p>Ce comité est composé notamment de représentants des différents ministères concernés (agriculture, santé, économie, intérieur), de représentants de l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (INRAE) ainsi que du Conseil national de l’ordre des pharmaciens. Les premières assises du cannabis médical ont d’ailleurs déjà eu lieu au ministère de la Santé. </p>
<p>« Les conditions de l’expérimentation ont été définies de façon à sécuriser au mieux l’utilisation des médicaments à base de cannabis pour les patients. De l’approvisionnement à la surveillance rigoureuse des effets indésirables. », explique Nathalie Richard.</p>
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<p>Dans les années à venir, le travail de recherche devra se poursuivre : ces thérapeutiques à base de cannabis, bien que disponibles dans certains pays depuis plus de vingt ans, sont encore expérimentales et nécessiteront donc des connaissances complémentaires pour mieux préciser leurs indications, les profils de patients concernés et les compositions des produits. La <a href="https://www.medecine.universite-paris-saclay.fr/formations/formation-continue/les-diplomes-duniversite-du-et-diu/diu-cannabis-medical">formation des professionnels de santé</a> sera aussi l’un des enjeux majeurs.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/454077/original/file-20220324-15-km5v8t.PNG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/454077/original/file-20220324-15-km5v8t.PNG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=727&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/454077/original/file-20220324-15-km5v8t.PNG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=727&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/454077/original/file-20220324-15-km5v8t.PNG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=727&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/454077/original/file-20220324-15-km5v8t.PNG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=914&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/454077/original/file-20220324-15-km5v8t.PNG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=914&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/454077/original/file-20220324-15-km5v8t.PNG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=914&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Couverture du <em>Petit livre vert du cannabis medical</em>, N. Authier.</span>
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<p>Enfin, le remboursement par l’Assurance maladie de ces médicaments à base de cannabis fera aussi partie des questions cruciales à traiter avant toute généralisation, car cela en conditionnera bien évidemment l’accessibilité. L’opinion publique semble quant à elle prête à l’arrivée de ces nouveaux traitements : un <a href="https://www.ifop.com/publication/la-place-du-cannabis-et-du-cbd-dans-lelection-presidentielle-francaise/">sondage réalisé en janvier 2022 par l’IFOP</a> rapportait que plus des deux tiers des Français (70 %) sont favorables à la légalisation de l’usage du cannabis à titre thérapeutique.</p>
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<p><em>Nicolas Authier est l’auteur du livre <a href="https://www.lisez.com/livre-grand-format/le-petit-livre-du-cannabis-medical/9782412068397">« Le Petit livre du cannabis médical »</a>, First Editions.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/179711/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Nicolas Authier exerce des fonctions d'expert externe pour des autorités sanitaires. Il est membre du Collège scientifique de l'OFDT et du Comité Scientifique Permanent Psychotropes, Stupéfiants et Addictions de l'ANSM. Au sein de l'ANSM, il préside le Comité Scientifique de suivi de l'expérimentation du cannabis médical et est membre du comité scientifique pour la culture et transformation du cannabis médical. Il a présidé le groupe de travail de la Haute Autorité de Santé (HAS) sur le bon usage des médicaments opioïdes et la prévention des surdoses.</span></em></p>La légalisation de l’accès au cannabis médical en France est en bonne voie. Elle devrait se concrétiser au premier semestre 2023. Où en est l’expérimentation actuellement en cours ?Nicolas Authier, Professeur des universités, médecin, Inserm 1107, Université Clermont Auvergne et CHU Clermont-Ferrand, Université Clermont Auvergne (UCA)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.