tag:theconversation.com,2011:/ca/topics/allemagne-24115/articlesAllemagne – The Conversation2024-03-25T16:39:32Ztag:theconversation.com,2011:article/2260632024-03-25T16:39:32Z2024-03-25T16:39:32ZComprendre l’histoire de l’UE par ses élargissements successifs : de 1973 à 1986, cap au Sud<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/583211/original/file-20240320-30-evm8dd.png?ixlib=rb-1.1.0&rect=4%2C327%2C1365%2C758&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">En 1981, la Grèce (vert foncé) rejoint les neuf pays déjà membres de la CEE. Elle sera suivie de l’Espagne et du Portugal (vert clair) en 1986.</span> <span class="attribution"><span class="source">The Conversation France</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span></figcaption></figure><p>Entre 1981 et 1986, la Communauté économique européenne (CEE) s’est élargie à la Grèce, à l’Espagne et au Portugal. Les adhésions précédentes n’étaient pas très éloignées : en 1973, le <a href="https://theconversation.com/comprendre-lhistoire-de-lue-par-ses-elargissements-successifs-de-1957-a-1973-223028">Danemark, l’Irlande et le Royaume-Uni</a> avaient rejoint la Communauté. Ce premier élargissement était apparu comme le bouclage du marché commun institué en 1957 par le traité de Rome : avec les trois entrants de 1973, la carte du marché commun épousait tous les pays traversés par la fameuse <a href="https://www.lhistoire.fr/le-g%C3%A9ographe-et-la-banane-bleue">« banane bleue »</a>, cette dorsale du développement économique, urbain, culturel et politique européen, berceau historique de la révolution industrielle et du capitalisme.</p>
<p>Ces pays entrés dans les années 1970 auraient pu faire partie de la CEE dès 1957. Ce n’était pas le cas des trois pays concernés par le second élargissement. Ils étaient en effet plus agricoles, moins industrialisés, moins urbanisés – en un mot, leurs situations n’étaient pas celles de centres décisionnels, mais plutôt de périphéries économiques et politiques dans l’espace européen. Plus encore, ils étaient en sortie de fascisme ! C’était là leur grande singularité.</p>
<h2>La rapide intégration de la Grèce…</h2>
<p>À la fin des années 1970 et au début des années 1980, la Grèce, l’Espagne et le Portugal vivent leur transition démocratique. On s’apprête à célébrer, en avril 2024, le cinquantième anniversaire de la <a href="https://www.sciencespo.fr/fr/evenements/la-revolution-des-o-eillets-un-evenement-de-portee-mondiale/">Révolution des Oeillets</a>, une révolution de hauts gradés de l’armée portugaise qui mit fin en même temps à la dictature salazariste, aux guerres coloniales et à l’empire portugais. En Espagne, la mort du <a href="https://theconversation.com/comprendre-le-complexe-rapport-de-lespagne-a-la-figure-de-franco-224989">général Franco</a>, qui avait été le fossoyeur de la République espagnole par son coup d’État 40 ans plus tôt, ouvre la voie au retour à la démocratie dans le cadre d’un régime de monarchie parlementaire sous la conduite de Juan Carlos. En Grèce, la <a href="https://www.lefigaro.fr/histoire/2017/04/20/26001-20170420ARTFIG00291-il-y-a-50-ans-la-dictature-des-colonels-s-installait-en-grece.php">dictature des colonels</a> instaurée en 1967 tombe au même moment.</p>
<p>Avec ce deuxième élargissement, la CEE et ses dirigeants mettent ainsi en avant le fait que la Communauté n’est pas seulement un projet de prospérité et d’interdépendance économique, mais aussi un projet de consolidation de la démocratie au sein des pays européens : trois régimes fascisants reposant sur la mainmise de l’armée sur la société tombent au même moment, leurs citoyens se tournent immédiatement vers la Communauté européenne, et réciproquement.</p>
<p>C’est l’aboutissement d’un débat initié dans le début des années 1960, lorsque la <a href="https://www.cvce.eu/education/unit-content/-/unit/02bb76df-d066-4c08-a58a-d4686a3e68ff/15bb0adb-1ff0-4299-b0aa-a9563ce40459/Resources#8a95e26f-e911-42a0-b811-b623b84a93d9_fr&overlay">dictature franquiste déposa la candidature d’adhésion de l’Espagne à la CEE</a>. Sur la base du <a href="https://www.cvce.eu/content/publication/2005/6/1/2d53201e-09db-43ee-9f80-552812d39c03/publishable_fr.pdf">rapport Birkelbach</a>, la réponse à donner avait <a href="https://www.cairn.info/revue-vingtieme-si%C3%A8cle-revue-d-histoire-2010-4-page-85.htm">fait débat</a> dans les Parlements nationaux de toute l’Europe des Six, sans passion ni urgence.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/583230/original/file-20240320-24-bg1h5p.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/583230/original/file-20240320-24-bg1h5p.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/583230/original/file-20240320-24-bg1h5p.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=459&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/583230/original/file-20240320-24-bg1h5p.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=459&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/583230/original/file-20240320-24-bg1h5p.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=459&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/583230/original/file-20240320-24-bg1h5p.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=577&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/583230/original/file-20240320-24-bg1h5p.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=577&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/583230/original/file-20240320-24-bg1h5p.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=577&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">« Viens, viens ! » Le 29 octobre 1968, le chancelier fédéral Kurt Kiesinger rencontre à Madrid le général Franco. Au lendemain de cette visite, le 30 octobre, le caricaturiste allemand Wilhelm Hartung ironise sur cette rencontre qui fait polémique et accuse le chancelier d’œuvrer pour un rapprochement de l’Espagne franquiste avec la CEE. À l’issue de leurs conversations, les représentants de la RFA et de l’Espagne estiment qu’un « minimum de collaboration » est nécessaire entre les pays de l’Europe occidentale pour assurer leur défense face à la menace émanant du bloc communiste.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.cvce.eu/education/unit-content/-/unit/02bb76df-d066-4c08-a58a-d4686a3e68ff/15bb0adb-1ff0-4299-b0aa-a9563ce40459/Resources#116b4ec0-9cba-4d39-9415-d04e92fd4079_fr&overlay">Wilhelm Hartung</a></span>
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<p>Au final, les Européens avaient proposé à l’Espagne franquiste un <a href="https://www.lemonde.fr/archives/article/1970/02/02/un-accord-commercial-preferentiel-a-ete-conclu-entre-l-espagne-et-le-marche-commun-les-six-vont-reduire-progressivement-de-70-leurs-droits-de-douane-sur-les-produits-espagnols_3120538_1819218.html">accord de commerce</a>, pas même un accord d’association, en 1970. Un ultime raidissement très répressif de la dictature les années suivantes les conforta dans cette décision.</p>
<p>Aussi, la société espagnole s’attendait-elle majoritairement à ce que la CEE accueille avec chaleur cette Espagne nouvelle qui démontra très rapidement son engagement dans la transition démocratique. L’adhésion de la Grèce devenue une République, à nouveau gouvernée, à l’issue d’élections libres, par <a href="https://www.touteleurope.eu/histoire/biographie-konstantinos-karamanlis-artisan-de-l-adhesion-de-la-grece-a-la-cee-1907-1998/">Konstantinos Karamanlis</a> (qui avait déjà été premier ministre de 1955 à 1963), ne se négociait-elle pas sans coup férir en un temps très bref ?</p>
<p>Bénéficiant de conditions d’adhésion particulièrement favorables, la Grèce devint le 10<sup>e</sup> État membre dès 1981. Les dirigeants de la CEE, présidents français et européen en tête – Valéry Giscard d’Estaing et <a href="https://spartacus-educational.com/PRjenkinsR.htm">Roy Jenkins</a> – célébraient dans la Grèce libérée des colonels le berceau de la démocratie, quand bien même la démocratie athénienne du siècle de Périclès était une réalité historique éloignée de la Grèce actuelle de près de 25 siècles…</p>
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<h2>… et le long blocage des candidatures espagnole et portugaise</h2>
<p>Pourtant, la demande déposée le 25 juillet 1977 par Marcelino Oreja, ministre des Affaires étrangères du gouvernement Suárez, qui aboutit à l’ouverture officielle de la procédure d’adhésion en février 1979, ne se négociait ni dans la joie ni avec célérité. La demande du Portugal, déposée elle aussi en 1977, subit le même traitement. Contrairement à l’Allemagne de l’Ouest de la coalition SPD-parti libéral, la France giscardienne freinait.</p>
<p>Il est vrai que les toutes dernières années de la décennie 1970 et les trois premières années de la décennie 1980 sont passées à la postérité comme une période d’euro-pessimisme : confrontés au choc pétrolier, à la crise économique, à la <a href="https://www.vie-publique.fr/fiches/38285-systeme-de-bretton-woods-fmi-bird-1944-1971">fin du système monétaire international dit de Bretton Woods</a>, à la fin des Trente glorieuses, au chômage de masse et à l’inflation, les dirigeants de l’Europe des Neuf puis des Dix étaient déstabilisés et peu capables de jouer collectif. En 1979, les premières élections au suffrage universel d’un <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89lections_europ%C3%A9ennes_de_1979">Parlement européen</a> aux pouvoirs limités pouvaient difficilement faire contrepoids à cette morosité.</p>
<p><a href="https://www.cvce.eu/education/unit-content/-/unit/7124614a-42f3-4ced-add8-a5fb3428f21c/9eec77e2-c94d-42d3-beed-a8413e26654c">La mise en place du système monétaire européen</a>, le SME, était très récente (1979) ; elle avait été bloquée pendant sept ans par les divergences de vues et d’intérêts nationaux. Les dirigeants, les entrepreneurs et les syndicats européens n’eurent pourtant pas le temps de se réjouir de cet avènement : Margaret Thatcher, chef de gouvernement britannique depuis l’été de la même année, fit irruption sur la scène européenne avec fracas : <a href="https://www.lemonde.fr/europe/article/2005/05/11/30-novembre-1979-margaret-thatcher-i-want-my-money-back_648386_3214.html">« I want my money back ! »</a></p>
<p>Le sentiment prévalait que cette raideur britannique bloquait le fonctionnement non seulement du budget européen, mais aussi de la vie politique communautaire. En conséquence, le Conseil européen des chefs d’État et de gouvernement demeurait comme indifférent à la finalisation de l’élargissement à l’Espagne et au Portugal. Il ne donnait pas plus suite à plusieurs propositions de relance de la construction européenne – <a href="https://www.francetvinfo.fr/monde/europe/il-y-a-30-ans-le-rapport-spinelli_3069085.html">projet Spinelli</a> du Parlement européen, du nom d’un des eurodéputés les plus respectés ; <a href="https://www.cvce.eu/education/unit-content/-/unit/02bb76df-d066-4c08-a58a-d4686a3e68ff/511084a1-fac4-44e0-82b1-a7a101b2d913">proposition d’« acte européen »</a> par Genscher et Colombo, ministres des Affaires étrangères de RFA et d’Italie.</p>
<p>De façon imprévue, la politique européenne de la France favorisait ce surplace. La gauche y avait remporté une double victoire, première alternance de l’histoire de la V<sup>e</sup> République : à l’élection présidentielle, gagnée par François Mitterrand le 10 mai 1981, puis aux élections législatives de juin 1981. Sa politique économique reposait sur deux grandes actions à contretemps, pour ne pas dire en complet décalage, de celles conduites par les partenaires européens de la France : la relance de la croissance par la consommation (« Le keynésianisme dans un seul pays ? », interroge avec humour <a href="https://www.academia.edu/3438198/Les_partis_socialistes_et_lint%C3%A9gration_europ%C3%A9enne_Belgique_France_Grande_Bretagne">Pascal Delwit)</a> ; et la nationalisation des principaux groupes industriels, bancaires et de crédit. Si, dans tous les pays européens, les socialistes et les sociaux-démocrates ont salué cette victoire de la gauche, ils s’interrogeaient sur ces deux particularités. Quelles seraient leurs implications sur la coordination du système monétaire européen ? Sur les positions françaises dans le domaine du budget de la CEE ?</p>
<p>Ce facteur d’attentisme supplémentaire est d’autant plus vif que les programmes du Parti socialiste refondé en 1969 et de son leader François Mitterrand n’avaient pas de mots assez durs pour désigner la CEE comme <a href="https://books.openedition.org/psorbonne/45721">l’Europe des marchands, des trusts et du grand capital</a>. Le programme du Parti communiste, certes nettement minoritaire dans cette coalition, était, lui, franchement hostile à la construction communautaire.</p>
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<p>Les citoyens français ayant voté pour une majorité socialiste, la construction européenne devait désormais favoriser <a href="https://books.openedition.org/pur/129129">« la rupture avec le capitalisme »</a>, formule étendard de la nouvelle majorité, et le changement promis aux Français. Si les Dix avaient pu s’engager ensemble dans la réduction du temps de travail, l’abaissement de l’âge de la retraite et l’augmentation du salaire minimum, c’eût été formidable : c’eût été l’Europe socialiste. Et c’eût été grâce à la France. Mais malgré l’engagement et l’expérience européens des ministres Cheysson, Delors et Jobert, le mémorandum français pour une Europe sociale tomba à plat. Le soutien de la Grèce, dirigée depuis 1981 par le Parti socialiste (Pasok) d’Andréas Papandréou, finalement rallié à l’adhésion de son pays à la CEE, n’y suffit pas.</p>
<p>Pendant ce temps, les bras de fer sur les négociations budgétaires – c’est‑à-dire, pour l’essentiel, sur la politique agricole commune (PAC) – absorbaient beaucoup d’énergie. Et les négociations d’adhésion avec le Portugal et l’Espagne patinaient, en raison notamment des <a href="https://www.persee.fr/doc/ecop_0249-4744_1987_num_78_2_4979">blocages italien et surtout français</a> : leurs dirigeants respectifs subordonnaient l’accès de ces pays méditerranéens à la PAC et aux financements territoriaux du Fonds européen de Développement régional (FEDER) à la garantie que ces financements n’iraient pas moins à leurs agriculteurs que dans la CEE à dix. Sur ce point, Mitterrand prolongeait VGE ! C’était précisément le type d’engagement que les Britanniques, mais pas seulement, refusaient, tant que les contributions budgétaires globales de chacun et le budget de la PAC en particulier ne seraient pas réformés. Tout était lié.</p>
<h2>Un contexte international qui change la donne</h2>
<p>C’est pourtant de l’extérieur qu’est peut-être venu le déclic : la fin de la détente. La reprise de la guerre froide inquiétait et divisait les opinions publiques. Un pacifisme résurgent et significatif les traversait : dans toute l’Europe, en 1982-1983, d’importantes manifestations (et même <a href="https://perspective.usherbrooke.ca/bilan/servlet/BMEve/984">massives en RFA</a>) s’opposaient au <a href="https://www.grip.org/il-y-a-40-ans-debutait-la-crise-des-euromissiles/">déploiement par l’OTAN de missiles Pershing 2</a> à moyenne portée en réponse à l’installation par les Soviétiques de missiles SS 20 dirigés vers l’Europe de l’Ouest. Le slogan <em>lieber rot als tot</em> – « plutôt rouge que mort » – est demeuré emblématique de cette crise des euromissiles.</p>
<p>Le gouvernement français, tout pétri de marxisme qu’il fut, lui opposa en 1983 le <a href="https://fresques.ina.fr/mitterrand/fiche-media/Mitter00018/discours-au-bundestag.html">discours historique</a> de François Mitterrand au Bundestag, puis son propos resté fameux lors d’un sommet en Belgique : <a href="https://www.ina.fr/ina-eclaire-actu/video/i09082528/francois-mitterrand-le-pacifisme-est-a-l-ouest-et-les-euromissiles-sont-a-l">« Le pacifisme, et tout ce qu’il recouvre, il est à l’Ouest ; et les euromissiles, ils sont à l’Est. »</a> Helmut Kohl ne devait pas oublier ce soutien inespéré – il renvoya l’ascenseur à son ami François en mars 1983, lorsque la <a href="https://www.cairn.info/revue-economie-et-prevision-2001-2-page-49.htm">Bundesbank soutint le franc de façon massive</a>, et en procédant à une réévaluation sensible du mark. En septembre 1984, les deux hommes d’État endossaient la tunique du mythique <em><a href="https://theconversation.com/quand-merkel-et-macron-endossent-la-tunique-mythique-du-couple-franco-allemand-139191">couple franco-allemand</a> moteur de la construction européenne</em>, avec un sens remarqué de la mise en scène et du maniement des symboles lors de la rencontre devenue iconique de l’ossuaire de Douaumont à Verdun.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/583428/original/file-20240321-16-lsrlch.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/583428/original/file-20240321-16-lsrlch.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/583428/original/file-20240321-16-lsrlch.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=439&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/583428/original/file-20240321-16-lsrlch.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=439&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/583428/original/file-20240321-16-lsrlch.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=439&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/583428/original/file-20240321-16-lsrlch.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=552&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/583428/original/file-20240321-16-lsrlch.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=552&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/583428/original/file-20240321-16-lsrlch.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=552&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">La rencontre de Verdun, 22 septembre 1984.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://european-union.europa.eu/principles-countries-history/history-eu/eu-pioneers/helmut-kohl-and-francois-mitterrand_fr">Site de l’Union européenne</a></span>
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<p>Dans l’intervalle, la relance de la construction communautaire eut lieu en juin 1984 au <a href="https://www.consilium.europa.eu/media/20670/1984_juin_-_fontainebleau__fr_.pdf">Conseil européen de Fontainebleau</a>. Fort d’un accord avec Kohl, Mitterrand fait adopter un paquet de mesures préparées par une intense diplomatie menée depuis le <a href="https://www.vie-publique.fr/discours/134145-declaration-de-m-francois-mitterrand-president-de-la-republique-li">sommet d’Athènes de décembre 1983</a>. Les Dix se mettent enfin d’accord sur une réduction permanente de la contribution britannique au budget communautaire. </p>
<p>À compter de 1985, la CEE remettrait chaque année au Royaume-Uni un chèque d’un montant ainsi calculé : 66 % de la différence entre, d’une part, la contribution britannique au budget communautaire assise sur sa TVA et, d’autre part, le montant total des financements communautaires reçus par le Royaume-Uni. C’était un compromis. Ce remboursement était moins ambitieux que celui réclamé par Margaret Thatcher et son parti <em>tory</em> depuis cinq ans. En contrepartie, François Mitterrand et les socialistes français acceptaient le principe cher à toute la classe politique britannique d’une <a href="https://www.touteleurope.eu/histoire/histoire-de-la-politique-agricole-commune/">réforme des mécanismes de la PAC</a> dans le but, notamment, d’en diminuer les dépenses. Dès 1985, la production de lait dans la CEE devint contingentée.</p>
<p>Ce dispositif, qui mettait fin à cinq années fatigantes et engourdissantes de conflit budgétaire, s’inscrivait dans un accord à facettes multiples toutes liées entre elles. Les socialistes français (et européens) obtenaient, enfin, un accroissement des ressources du budget communautaire : le plafond de la part de ses recettes de TVA que chaque État membre verse au budget communautaire montait à 1,4 % (il était à 1 % depuis 1970). Cette augmentation signalait que les Dix étaient prêts à s’engager sur de nouvelles politiques communes. Pour autant, celles‑ci ne prendraient leur sens qu’avec un approfondissement du marché intérieur de la CEE – ce serait la réforme du traité de Rome en <a href="https://www.touteleurope.eu/fonctionnement-de-l-ue/l-acte-unique-europeen-1986/">Acte unique européen</a> signé en 1986, consacrant la fin de tous les monopoles nationaux dans toutes les branches de l’économie. Les unes comme l’autre, <a href="https://www.cairn.info/la-construction-de-l-europe--9782200353056-page-337.htm">concluait le Conseil européen</a>, concourraient à </p>
<blockquote>
<p>« donner à l’économie européenne une impulsion comparable à celle que lui avait apportée, au début des années 1960, la mise en chantier de l’union douanière […] ».</p>
</blockquote>
<p>Dans le même temps, en 1984, le président Mitterrand avait enfin assoupli sa position sur l’élargissement. Pour ce faire, Mitterrand prétexta de l’arrivée au pouvoir de son homologue et ami socialiste et européiste <a href="https://www.touteleurope.eu/histoire/biographie-felipe-gonzalez-marquez-artisan-de-l-adhesion-de-l-espagne-a-la-communaute-economique/">Felipe Gonzalez</a>. Pourtant, la victoire du PSOE en Espagne remontait alors à près de deux ans déjà.</p>
<p>Dans une scénographie qui ne doit rien au hasard, c’est par un <a href="https://www.vie-publique.fr/discours/136099-declaration-de-m-francois-mitterrand-president-de-la-republique-li">voyage à Madrid</a> que le président français achève le semestre de « sa » présidence française de la CEE : </p>
<blockquote>
<p>« Je vous dirai en confiance que je suis très heureux à la fois de me trouver à Madrid (pour) terminer mon rôle dans ce domaine, (et) de pouvoir bâtir avec le peuple espagnol et ses dirigeants un pacte durable. »</p>
</blockquote>
<p>Deux jours plus tôt, Mitterrand et Gonzalez s’étaient retrouvés au <a href="https://www.alamyimages.fr/juin-28-1984-le-president-mitterrand-et-le-premier-ministre-espagnol-felipe-gonzales-sont-vus-ici-au-match-de-foot-ou-la-france-a-battu-l-espagne-par-deux-points-hier-dans-le-final-image69503074.html">Parc de Princes</a> pour la finale du premier <a href="https://www.taurillon.org/euro-retro-1984-grand-succes-pour-la-france-et-pour-l-europe">Euro de football</a> remporté par l’équipe de France de Platini sur <a href="https://www.slate.fr/story/118961/france-vole-titre-champion-europe-espagne">l’Espagne d’Arconada</a>, après son succès sur le Portugal lors d’une <a href="https://www.lemonde.fr/sport/article/2020/07/11/france-portugal-1984-souvenirs-d-une-chaude-nuit-d-ete-a-marseille_6045908_3242.html">demi-finale d’anthologie</a> au Vélodrome de Marseille.</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/583485/original/file-20240321-28-8kz1t5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/583485/original/file-20240321-28-8kz1t5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/583485/original/file-20240321-28-8kz1t5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=472&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/583485/original/file-20240321-28-8kz1t5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=472&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/583485/original/file-20240321-28-8kz1t5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=472&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/583485/original/file-20240321-28-8kz1t5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=593&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/583485/original/file-20240321-28-8kz1t5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=593&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/583485/original/file-20240321-28-8kz1t5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=593&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Le 12 juin 1985, Felipe González signe le traité d’adhésion à la CEE. Apparaissent à ses côtés Fernando Morán, ministre des Affaires étrangères, et Manuel Marín, secrétaire d’État aux Relations avec les Communautés européennes.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/Category:Felipe_Gonz%C3%A1lez_in_1985#/media/File:Felipe_Gonz%C3%A1lez_firma_el_Tratado_de_Adhesi%C3%B3n_de_Espa%C3%B1a_a_la_Comunidad_Econ%C3%B3mica_Europea_en_el_Palacio_Real_de_Madrid._Pool_Moncloa._12_de_junio_de_1985.jpeg">Wikimedia</a></span>
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</figure>
<p>Entraînant avec elle les Italiens, la présidence française semestrielle de la CEE débloqua l’aboutissement des négociations d’adhésion avec l’Espagne et le Portugal au moment où le gouvernement socialiste de Mario Soares cédait le pouvoir pour dix ans au centre-droit (PSD) de <a href="https://www.liberation.fr/planete/1995/02/17/l-artisan-du-formidable-bond-en-avant-du-portugal_122963/">Cavaco Silva</a>. La relance de Fontainebleau avait notamment pour fonction d’apaiser les craintes des habitants des régions méditerranéennes de l’ex-Europe des Six, en particulier de leurs agriculteurs, et spécialement des agriculteurs français. Ce fut l’une des fonctions de la très importante <a href="https://www.cvce.eu/collections/unit-content/-/unit/df06517b-babc-451d-baf6-a2d4b19c1c88/a58194ee-132e-44a4-9a73-2c760ce9010b">réforme budgétaire</a> actée à ce sommet et mise en œuvre par la commission Delors (dont la nomination fut elle aussi décidée à Fontainebleau !) à compter de 1985.</p>
<p>Dès lors, tout alla très vite : le 1<sup>er</sup> janvier 1986, l’Espagne et le Portugal entraient dans la CEE.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/226063/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Sylvain Kahn ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Dans les années 1980, la CEE ouvre ses portes à trois pays récemment sortis de la dictature : d’abord à la Grèce puis, après des négociations compliquées, à l’Espagne et au Portugal.Sylvain Kahn, Professeur agrégé d'histoire, docteur en géographie, européaniste au Centre d'histoire de Sciences Po, Sciences Po Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2260412024-03-18T15:33:28Z2024-03-18T15:33:28ZSanctions internationales : comment les banques prêtent en fonction de leur localisation<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/582514/original/file-20240318-22-vmm5qp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C11%2C1598%2C1050&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le quartier d'affaires de Francfort-sur-le-Main.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Skyline_Frankfurt_am_Main_%28jha%29.jpg">Nicoals Scheuer/Wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Avec l’invasion de l’Ukraine en 2022 par la Russie, la question des sanctions a été de nouveau posée, et, en <a href="https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/le-journal-de-l-eco/sanctions-ue-contre-la-russie-un-impact-difficilement-mesurable-5792317">particulier celle des sanctions économiques et financières</a>. Régulièrement utilisées depuis la Seconde Guerre mondiale, ces mesures – y compris les embargos sur les armes et les restrictions sur les voyages et le commerce – sont devenues des outils indispensables de la politique étrangère pour punir ou influencer le comportement de personnes ou d’organisations particulières. Cependant, <a href="https://academic.oup.com/rfs/article-abstract/36/11/4417/7160932">nos dernières recherches</a> montrent que même les sanctions universellement adoptées peuvent perturber le système financier mondial, faute d’être appliquées partout de la même façon.</p>
<p>La logique sous-tendant les sanctions financières est de cibler des acteurs particuliers – telles que les décideurs et les grandes industries – afin de décourager le pays sanctionné d’enfreindre le droit international ou d’agir de manière agressive. Le tout en limitant les conséquences négatives pour les populations civiles. Ces sanctions sont dites intelligentes puisqu’elles n’interdisent que certaines transactions avec le pays visé.</p>
<p>En conséquence, les institutions financières doivent examiner minutieusement les opportunités commerciales pour s’assurer qu’elles restent dans la légalité. C’est d’autant plus important que le non-respect de ces sanctions peut entraîner des pénalités considérables. En 2015, par exemple, BNP Paribas a dû payer une <a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2015/05/01/la-bnp-paribas-formellement-condamnee-a-une-amende-record-aux-etats-unis_4626207_3234.html">lourde amende pour ne pas avoir respecté les sanctions contre le Soudan, Cuba et l’Iran</a>.</p>
<h2>Un arbitrage coûts-bénéfices</h2>
<p>Les sanctions imposent des coûts de mise en conformité supplémentaires à une banque, pour satisfaire à certaines obligations de déclaration. Ces institutions financières devront aussi s’assurer de la légalité des transactions, ce qui induit un coût supplémentaire de contrôle. La banque devra également intégrer les possibles frais de contentieux et le risque de réputation en cas d’échec de ces contrôles.</p>
<p>Comprendre comment ces coûts et ces risques modifient les décisions de prêt constitue l’objet de notre recherche. Nous avons posé l’hypothèse que la décision d’une banque de prêter dans des pays sanctionnés dépendra de l’arbitrage entre les bénéfices escomptés et les coûts de diligence raisonnable et, éventuellement, des litiges. Or, ces coûts varient considérablement d’un pays à l’autre.</p>
<p>En Allemagne, où le coût de la main-d’œuvre est élevé, l’embauche de personnes chargées d’effectuer les contrôles préalables est onéreuse. Les lois strictes sur la protection des données y augmentent également le coût des contrôles. Dans d’autres pays, ces dépenses peuvent être moins élevées, ou le gouvernement peut ne pas avoir les ressources nécessaires pour faire respecter la conformité, ce qui réduit la probabilité des litiges.</p>
<h2>Une question d’emplacement</h2>
<p>Grâce aux données fournies par la banque centrale allemande, la Deutsche Bundesbank, nous avons pu étudier le comportement des banques de ce pays dans le monde entier. Les banques allemandes sont également tenues d’enregistrer le montant des prêts accordés par leurs filiales étrangères dans tous les pays. Ainsi, l’ensemble de ces données indique le montant des prêts accordés par chaque banque allemande à l’étranger entre 2002 et 2015.</p>
<p>Cette étude révèle des différences marquées dans la façon dont les banques allemandes ont réagi aux sanctions suivant le pays où elles se trouvent. Les banques situées outre-Rhin ont fortement réduit leurs positions dans les pays visés par les sanctions. En revanche, leurs filiales à l’étranger ont, en moyenne, augmenté leurs prêts par rapport à leurs « banques-mères » en Allemagne et, dans certains cas, en termes absolus. Le comportement des filiales variant d’un pays à l’autre, il nous fallait donc un indicateur pour classer les pays en fonction des coûts liés aux sanctions qu’ils imposent. Cela dépend de la qualité des institutions et des politiques de lutte contre la criminalité de ces pays.</p>
<h2>Instaurer des règles du jeu justes</h2>
<p>Fondé en 1989, le <a href="https://www.fatf-gafi.org/en/home.html">Groupe d’action financière</a> (GAFI) est une organisation intergouvernementale qui fixe des normes internationales permettant aux autorités nationales de lutter contre les fonds illicites liés au blanchiment d’argent, au terrorisme et à d’autres menaces pour l’intégrité du système financier international. Notre analyse a montré que les banques allemandes affiliées situées en dehors du GAFI ont augmenté leurs positions dans les pays sanctionnés de 95 % en moyenne par rapport aux banques allemandes situées dans le GAFI. Ce chiffre atteint 151 % dans les pays figurant sur la liste noire des pays non conformes aux règles du GAFI.</p>
<p>Ces indicateurs suggèrent que les décisions de prêt dépendent <em>in fine</em> d’un compromis entre la saisie d’opportunités d’investissement rentables d’une part et les coûts de diligence et ceux d’éventuels litiges de l’autre. L’une des principales conclusions à en tirer est que les règles du jeu ne sont pas les mêmes pour tout le monde. Les banques situées dans des pays où les normes d’intégrité sont moins strictes semblent trouver plus attrayant de prêter dans les pays sanctionnés.</p>
<p>Même si les régulateurs collaborent pour harmoniser les règles et les normes financières entre les pays, en vue d’aplanir toute irrégularité réglementaire pour la concurrence bancaire internationale, notre analyse montre que cela ne va pas assez loin. Pour garantir des conditions de concurrence équitables, il est essentiel de s’assurer que tous les pays respectent véritablement ces sanctions.</p>
<p>Ces conclusions sont probablement valables au-delà du domaine des sanctions et peuvent s’étendre à d’autres domaines de la réglementation internationale. En effet, les décideurs politiques cherchent également à harmoniser les réglementations financières des banques, par exemple dans le domaine de l’effet de levier. Nos travaux suggèrent en définitive que les décideurs politiques doivent veiller avec la même attention à ce que tous les pays appliquent ces réglementations financières dans le même sens, avec la même détermination.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/226041/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>
Bourse de 5000 EUR de l'Agence Nationale de la Recherche (ANR), « Investissements d'Avenir » (LabEx Ecodec/ANR-11-LABX-0047). La Deutsche Bundesbank (banque centrale allemande) a fourni un accès sur place à la base de données External Position Report et un hébergement gratuit dans les locaux de la banque centrale pendant les visites de recherche de l’auteur.</span></em></p>Comment réagissent les banques aux sanctions financières imposées par les États ? Selon une étude s’intéressant aux banques allemandes, l’arbitrage dépend notamment de la qualité du contrôle.Matthias Efing, Associate professor of finance, HEC Paris Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2247972024-03-06T16:08:59Z2024-03-06T16:08:59ZS’inspirer du Bauhaus, une école de design pionnière, pour gérer la transition verte<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/578918/original/file-20240229-16-p8z0hc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C3924%2C2358&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">L'école du Bauhaus à Dessau associait à une école d'architecture et de design des ateliers depuis lequels cette photo est prise.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://fr.wikipedia.org/wiki/B%C3%A2timent_du_Bauhaus_%28Dessau%29#/media/Fichier:Bauhaus_Dessau_2018.jpg">Aufbacksalami / Wikimedia Commons</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Depuis plusieurs années, les recherches et les formations conduites en partenariat avec les acteurs socio-économiques témoignent de leur mobilisation pour œuvrer aux transitions qu’appellent notre temps, au premier rang desquelles la transition verte. Ici un fournisseur de l’aéronautique développe une <a href="https://www.cgs.minesparis.psl.eu/presentation/option-ic/#:%7E:text=L%27option%20Ing%C3%A9nierie%20de%20la,innovation%20et%20aux%20projets%20industriels">nouvelle filière pour le recyclage de ses composants</a> ; là une entreprise soutient la <a href="https://www.cgs.minesparis.psl.eu/presentation/option-ic/">mobilisation collective pour réinventer les stations de ski</a> face au changement climatique ; ailleurs le <a href="https://e-shape.eu/index.php/co-design">co-design</a> permet aux acteurs de mobiliser la donnée satellitaire pour de nouveaux services à fort impact pour le développement durable. Certains travaillent à <a href="https://www.usinenouvelle.com/article/comme-un-air-de-revolution-chez-verallia.N2206927">alléger radicalement la bouteille en verre pour diminuer l’impact environnemental</a>, quand d’autres reconçoivent des socio-agro-écosystèmes avec de <a href="https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/rapports/cepestici/l16b2000-t1_rapport-enquete">meilleurs couplages alimentation-agriculture-environnement</a>.</p>
<p>À peine entamées, les nombreuses transitions semblent pourtant <a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2024/02/23/la-transition-ecologique-est-mal-partie_6218115_3234.html">déjà à la peine</a>. Les sciences de gestion nous indiquent que ces difficultés tiennent notamment au fait que manquent aujourd’hui les capacités à gérer collectivement l’inconnu. En effet il ne s’agit pas de suivre une <a href="https://www.seuil.com/ouvrage/sans-transition-jean-baptiste-fressoz/9782021538557">trajectoire prédéfinie</a> vers un état final bien connu, comme le laisserait penser l’origine de la notion de transition. Les transitions contemporaines sont des transitions vers l’inconnu : il s’agit d’inventer un futur soutenable face aux crises et aux limites des modes de développement passés. De la notion, on peut cependant conserver le caractère systémique : toutes les dimensions de l’action sont à réinventer.</p>
<p>Les transitions contemporaines appellent ainsi un renouvellement des sciences, des usages et modes de vie, des compétences, des régimes de collaboration et de solidarité, des responsabilités, des façons d’apprendre et de transmettre… Loin d’un <a href="https://theconversation.com/les-cornucopiens-sont-parmi-nous-mais-qui-sont-ils-210481">techno-solutionisme naïf</a>, le besoin de conception se révèle immense et sous-estimé, tant il porte sur des aspects qui dépassent les catégories usuelles de la R&D et de la technologie. Et les sciences de gestion nous alertent : gérer les efforts de conception collective pour les transitions dans l’inconnu suppose un changement de paradigme majeur pour le management.</p>
<h2>De la destruction créatrice à la préservation créatrice ?</h2>
<p>Longtemps le manager a été assimilé au décideur, un décideur qui ne verrait dans les transitions contemporaines que des dilemmes sacrificiels où chaque décision ne fait que des perdants, conduisant inexorablement à un durcissement des positions et des discours : l’emploi contre la biodiversité, la paix sociale contre l’environnement, la mobilité pour tous contre les motorisations décarbonées… Le manager-décideur sera ainsi tenté de trancher et d’assurer une acceptabilité sociale minimale.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1689581528014028800"}"></div></p>
<p>Cependant face à l’inconnu, il ne s’agit pas de décider mais de concevoir. Le manager-concepteur organise l’exploration collective pour imaginer de nouvelles alternatives plus durables, plus soutenables, plus résilientes. Ceci se fait en mobilisant l’ensemble des ressources inventives sciences-arts-industries-sociétés pour dessiner les prospérités et les puissances futures.</p>
<p>La gestion de l’inconnu a pu se développer fortement dans les départements d’innovation apparus dans les entreprises et les organisations ces dernières années. Mais la gestion des inconnus des transitions présente deux caractéristiques singulières.</p>
<p>D’une part, les transitions contemporaines posent la question de la préservation tant des ressources que du vivre-ensemble, des valeurs ou des modes de vie. Le régime d’innovation ne saurait ici être une création destructrice schumpétérienne mais bien plutôt une <a href="https://minesparis-psl.hal.science/hal-03418896/document">création préservatrice</a>.</p>
<p>D’autre part, les transitions impactent de très nombreux acteurs : citoyens, associations, politiques, universitaires, et, dans l’entreprise, les fonctions les plus variées. Il s’agit aujourd’hui de rendre tous ces acteurs concepteurs, bien au-delà du strict cadre des « experts de l’innovation ». En résumé, gérer les inconnus des transitions suppose une action collective qui soit une création préservatrice dans laquelle tous les acteurs peuvent être concepteurs.</p>
<h2>S’inspirer du Bauhaus, une école de design pionnière</h2>
<p>Ce management reste largement à inventer. Il a certes été <a href="https://www.johnljerz.com/superduper/tlxdownloadsiteMAIN/id592.html">régulièrement évoqué</a> dans les sciences de gestion mais il manquait alors les sous-bassements théoriques rendant compte de cette rationalité dans l’inconnu à la fois génératrice et préservatrice. Les <a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s00163-017-0275-2">progrès</a> de la <a href="https://www.tmci.minesparis.psl.eu/">théorie de la conception</a> et les <a href="https://www.pressesdesmines.com/produit/la-mission-de-lentreprise-responsable/">avancées</a> en <a href="https://www.te.minesparis.psl.eu/">gouvernance de l’entreprise</a>, ont contribué à élaborer des fondements plus solides, et ont ouvert la voie à l’exploration des formes, des méthodes, des responsabilités de ce management des inconnus des transitions.</p>
<p>Ces travaux ont éclairé la façon dont des collectifs pouvaient être créatifs car préservateurs en s’appuyant sur leur patrimoine de création. On entend par là un ensemble de savoirs et de règles d’action collective caractérisant ce qui est préservé pour renforcer les logiques créatives associées. Il s’agit aujourd’hui de permettre le déploiement de ces travaux, d’en assurer l’impact socio-économique et l’approfondissement scientifique.</p>
<p>Et si l’inspiration pour cela était puisée dans le monde des formations à la création ?</p>
<figure class="align-left zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/578917/original/file-20240229-30-cm5y8a.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/578917/original/file-20240229-30-cm5y8a.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/578917/original/file-20240229-30-cm5y8a.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=524&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/578917/original/file-20240229-30-cm5y8a.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=524&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/578917/original/file-20240229-30-cm5y8a.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=524&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/578917/original/file-20240229-30-cm5y8a.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=658&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/578917/original/file-20240229-30-cm5y8a.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=658&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/578917/original/file-20240229-30-cm5y8a.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=658&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Logo du Bauhaus, créé en 1922 par Oskar Schlemmer.</span>
</figcaption>
</figure>
<p>Face aux transformations socio-économiques du XX<sup>e</sup> siècle, l’école allemande du Bauhaus réunissait les théoriciens, maîtres de la forme, et les praticiens de la conception, maîtres de la matière, pour développer les forces créatives en combinant les logiques de formation, de recherche et d’impact. Avant qu’elle ne soit dissoute par les nazis, voyant dans ses réalisations un « art dégénéré », et que ses membres partent en exil, elle a construit un apport décisif pour le design, l’industrie et les arts.</p>
<p>Inspirée par ce Bauhaus, et avec le soutien de partenaires partageant l’esprit de ce projet, Mines Paris – PSL inaugure un <a href="https://bauhausdestransitions.minesparis.psl.eu/">nouveau « Bauhaus des transitions »</a>. Chercheurs, praticiens, dirigeants des collectifs inventifs pourront y développer les nouveaux langages (les « formes ») et les nouvelles pratiques (la « matière ») pour gérer les inconnus des transitions contemporaines, en écologie, santé, mobilité, matériaux, énergie, souveraineté industrielle ou encore espaces informationnels.</p>
<p>Ce Bauhaus des transitions du XXI<sup>e</sup> siècle se donne pour objectif de renouveler la culture gestionnaire en approfondissement les modèles de la générativité préservatrice et en expérimentant concrètement des projets à impact. Il se veut un espace pour des recherches-utopies sur de nouvelles formes d’action collective pour gérer l’inconnu en lien avec les autres disciplines scientifiques explorant les logiques génératives (data science, biologie, histoire, mathématiques, sciences de l’ingénieur…). Il s’inscrit dans les réseaux français, <a href="https://community.eelisa.eu/communities/bauhaus-new-ways-in-education-and-management/">européens</a> et mondiaux d’universités, d’entreprises et d’institutions publiques qui ont vocation à répondre aux défis posés par la gestion des inconnus des transitions.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/224797/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Les dynamiques créatives qui existaient au sein de l’école du Bauhaus pourraient-elles nous inspirer pour mieux gérer les inconnus des transitions ?Pascal Le Masson, Professeur Mines Paris - PSL, Mines Paris - PSLBenoit Weil, Professeur, Mines Paris - PSLBlanche Segrestin, Professeur en Sciences de Gestion, Centre de Gestion Scientifique, Mines Paris - PSLSophie Hooge, Professeur en Sciences de Gestion, Mines Paris - PSLLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2242222024-02-28T15:38:28Z2024-02-28T15:38:28ZEn quoi les réseaux des expatriés français diffèrent-ils de ceux de leurs homologues allemands ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/577541/original/file-20240223-26-aduz2u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C1920%2C1316&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Sur quels réseaux s'appuyer lorsque l'on s'installe à l'étranger ?</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://pixabay.com/fr/photos/a%C3%A9roport-terminal-homme-voyager-1822133/">Skitterphoto / Pixabay</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span></figcaption></figure><p>Selon l’<a href="https://www.internations.org/expat-insider/">enquête Expat Insider 2023 d’InterNations</a>, l’<a href="https://theconversation.com/topics/allemagne-24115">Allemagne</a> et la France figurent parmi les premiers pays d’origine des <a href="https://theconversation.com/topics/expatriation-71271">expatriés</a> dans le monde : l’Allemagne occupe la quatrième place (derrière les États-Unis, le Royaume-Uni et l’Inde) et la France la sixième place (devancée par l’Italie). Les deux pays constituent aussi des pays d’accueil attractifs en la matière, avec la première place pour l’Allemagne et la sixième place pour la France. Les données montrent par ailleurs que 82 % des expatriés sont diplômés de l’enseignement supérieur, avec une moyenne d’âge de 46 ans.</p>
<p>Près de <a href="https://www.un.org/development/desa/pd/content/international-migrant-stock">2,3 millions de Français et 3,9 millions d’Allemands</a> vivent ainsi à l’étranger pour des motifs professionnels ou personnels. Ces derniers peuvent être envoyés par leur entreprise ou partir de leur propre initiative. Notre <a href="https://www.emerald.com/insight/content/doi/10.1108/CDI-06-2023-0162/full/html">travail de recherche</a> a tenté de mieux comprendre leur expérience et notamment les <a href="https://theconversation.com/topics/reseaux-22984">réseaux</a> professionnels et personnels sur lesquels elle repose.</p>
<p>L’étude est fondée sur 40 entretiens semi-directifs menés avec des expatriés français et allemands ayant une formation d’ingénieur ou de management. Les uns comme les autres cherchent, pendant leur période de travail à l’étranger, à maintenir les relations construites avant l’expatriation et à en créer de nouvelles. Il semble néanmoins que les expatriés français attachent une importance particulière aux réseaux personnels quand les expatriés allemands se focalisent davantage sur les réseaux professionnels. Sans doute cela a-t-il partie liée avec les <a href="https://theconversation.com/les-competences-interculturelles-lapprentissage-de-toute-une-vie-124445">caractéristiques culturelles</a> et le <a href="https://www.lemonde.fr/idees/article/2024/01/22/francais-et-allemands-ont-besoin-de-parler-la-langue-de-l-autre-pour-reussir-ensemble_6212282_3232.html">système d’enseignement supérieur</a> de leur pays d’origine.</p>
<h2>Pour la France, la force des réseaux d’alumni</h2>
<p>La France se caractérise par une <a href="https://link.springer.com/book/10.1007/978-3-658-05700-8">forte distance hiérarchique mais un contexte plus informel</a> où les espaces professionnels et personnels s’entremêlent. Les relations personnelles peuvent dès lors jouer un rôle important dans les parcours professionnels, notamment entre les individus ayant suivi les mêmes formations.</p>
<p>Les expatriés français s’appuient plus particulièrement sur les réseaux construits durant leurs études supérieures, notamment dans les Grandes Ecoles qui gèrent des <a href="https://theconversation.com/pourquoi-les-grandes-ecoles-soignent-leurs-reseaux-danciens-197724">réseaux importants d’alumni</a>. La vie associative qui leur est liée constitue un moyen de maintenir des relations mais aussi d’en créer plus simplement de nouvelles en arrivant à l’étranger, avec d’autres anciens déjà sur place. Nicolas, par exemple, diplômé d’une école d’ingénieur, souligne l’importance des expériences communes qui sont partagées entre les anciens camarades et qui font d’eux des amis pour la vie :</p>
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<p>« Nous avons une histoire commune, une vie étudiante commune, des cours et des examens communs, des vacances communes, des fêtes communes. C’est la vie. »</p>
</blockquote>
<p>Isabelle, diplômée d’une école de commerce, déclare, elle, avoir pu garder le contact avec ses anciens camarades grâce au groupe d’alumni qu’elle a rejoint en Allemagne :</p>
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<p>« Notre école a un bon groupe d’anciens à Munich. Via notre école, le réseau est bien organisé. »</p>
</blockquote>
<h2>S’appuyer sur l’employeur côté allemand</h2>
<p>En ce qui concerne les expatriés allemands, ceux-ci restent plutôt en contact avec des anciens collègues de travail et leur réseau relève davantage de leur responsabilité individuelle. Ils ont suivi leurs études d’ingénieur ou de management dans des universités qui proposent des formations plus théoriques ou des écoles de sciences appliquées (<em>Fachhochschulen</em>) qui sont <a href="https://www.lexpress.fr/monde/europe/lallemagne-face-au-choc-pisa-des-reformes-un-rebond-et-une-rechute-2IVJ6ZZOURDKNLFZERHTCGUYCU/">plus orientées vers la pratique</a>. Daniela, diplômée d’une université allemande, explique que c’est surtout grâce à son employeur qu’elle s’est intégrée à l’étranger :</p>
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<p>« Comme l’entreprise était internationale, les salariés étaient envoyés à travers le monde entier. Déjà à travers la structure de l’entreprise, j’avais un réseau international. Et j’ai toujours essayé de garder le contact. »</p>
</blockquote>
<p>Angela, diplômée d’une école de sciences appliquées, souligne en plus de cela l’importance de la destination choisie :</p>
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<p>« New York, c’est aussi une belle destination de vacances. J’ai eu beaucoup d’invités. Lorsque vous êtes dans une ville intéressante, les gens pensent davantage à vous que lorsque vous êtes en Allemagne. »</p>
</blockquote>
<p>L’Allemagne est plus globalement marquée par une plus faible distance hiérarchique mais une <a href="https://link.springer.com/book/10.1007/978-3-658-05700-8">plus forte distinction entre les espaces professionnels et personnels</a>. C’est aussi pourquoi les relations personnelles occupent une place moins importante dans les parcours professionnels tandis que la plus faible distance hiérarchique facilite le développement de relations professionnelles au sein des entreprises.</p>
<h2>Accompagner les désirs d’ailleurs</h2>
<p>Si les différences constatées entre la France et l’Allemagne sont donc prononcées, rappelons toutefois l’importance prises ces dernières années par les technologies numériques, qui facilitent la construction et le maintien des réseaux relationnels. De même qu’ils pourraient modifier les comportements des expatriés français et allemands, de même les systèmes d’enseignement supérieur évoluent et les <a href="https://www.lesechos.fr/start-up/ecosysteme/whu-luniversite-qui-fait-pousser-des-licornes-allemandes-2071326">réseaux d’alumni se multiplient aussi</a> dans les universités de l’autre côté du Rhin.</p>
<p>Nos conclusions donnent néanmoins quelques clefs pour les entreprises : mieux vaut prendre en considération ces différences constatées pour mieux <a href="https://www.cairn.info/revue-agrh1-2017-4-page-88.htm">accompagner leurs expatriés</a> durant leur période de travail à l’étranger et faciliter leur intégration au retour dans leur pays d’origine. D’autant qu’un <a href="https://www.lefigaro.fr/conjoncture/anne-de-guigne-le-vrai-sujet-tabou-en-france-c-est-l-emigration-20240107">sondage</a> réalisé en décembre 2023 révèle que 30 % des Français envisagent de s’expatrier. Ce chiffre atteint même 54 % pour les 18-24 ans.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/224222/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Les expatriés français s’appliquent sur la force des réseaux alumnis des écoles quand leurs homologues allemands s’appuient bien davantage sur leur réseau professionnel. Pourquoi ?Ulrike Mayrhofer, Professeur des Universités à l'IAE Nice et Directrice du Laboratoire GRM, Université Côte d’AzurMatthias Walther, Docteur en philosophie, Université Jean-Moulin Lyon 3Noémie Dominguez, Maître de Conférences en Sciences de Gestion, iaelyon School of Management – Université Jean Moulin Lyon 3Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2236712024-02-22T15:49:11Z2024-02-22T15:49:11ZL’impact de la guerre en Ukraine sur la coopération militaire franco-allemande<p>Comme le veut la coutume issue de la longue tradition d’amitié entre la France et l’Allemagne, le nouveau premier ministre français Gabriel Attal a réservé son premier déplacement à l’étranger en tant que chef du gouvernement à Berlin, le 5 février 2024. Il a assumé, lors de la conférence de presse conjointe donnée avec le chancelier Olaf Scholz, les <a href="https://www.lesechos.fr/monde/europe/a-berlin-gabriel-attal-assume-les-divergences-avec-lallemagne-2074195">divergences existant entre les deux pays</a> sur de nombreux sujets, dont l’actuelle négociation de l’accord commercial avec le Mercosur. Ces divergences existent également dans le domaine de la coopération militaire bilatérale. Elles ne sont pas nouvelles, mais ont été réactivées par le contexte de la guerre en Ukraine et le réagencement de l’architecture de sécurité européenne.</p>
<p>Au cours de ces deux dernières années, <a href="https://ukandeu.ac.uk/the-effects-of-the-war-in-ukraine-on-european-defence-deeper-eu-integration/">l’UE a lancé un certain nombre d’initiatives</a> pour produire en commun des munitions (l’instrument <a href="https://www.consilium.europa.eu/fr/press/press-releases/2023/07/07/asap-council-and-european-parliament-strike-a-deal-on-boosting-the-production-of-ammunition-and-missiles-in-the-eu/">ASAP</a>, adopté en juillet 2023) et pour renforcer l’industrie de défense européenne (plan <a href="https://www.consilium.europa.eu/fr/press/press-releases/2023/10/09/edirpa-council-greenlights-the-new-rules-to-boost-common-procurement-in-the-eu-defence-industry/">EDIRPA</a> annoncé en septembre 2023), sans avoir résolu la question de son lien à l’OTAN et à l’allié américain. Or la guerre en Ukraine vient souligner la <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2024/02/13/otan-les-etats-unis-toujours-indispensables-a-la-defense-de-l-europe_6216254_3210.html">dépendance des Européens à l’égard de Washington</a>, tant sur le plan stratégique que logistique et capacitaire.</p>
<p>Dans ce contexte, comment la guerre en Ukraine affecte-t-elle la coopération militaire franco-allemande sur le plan politico-stratégique ?</p>
<h2>Une crise révélatrice de divergences stratégiques antérieures</h2>
<p>C’est un truisme que de dire que les <a href="https://www.cairn.info/revue-defense-nationale-2019-6-page-37.htm">cultures stratégiques française et allemande sont différentes</a>. L’armée et la politique de défense, façonnées par l’histoire de chacun des deux pays et le fonctionnement du système politique interne, n’occupent pas la même place et n’exercent pas tout à fait les mêmes fonctions – en dehors de la fonction fondamentale de défense du territoire et des populations commune à toutes les armées.</p>
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<p>L’armée expéditionnaire française, héritière d’une longue tradition historique, ressemble peu à une Bundeswehr construite en 1955 dans le cadre de l’Alliance atlantique pour faire face à la menace conventionnelle soviétique pendant la guerre froide.</p>
<p>Pour autant, les dernières années de l’ère Merkel, si elles n’avaient pas gommé les différences stratégiques entre Paris et Berlin, avaient semblé converger vers l’idée d’une défense européenne plus substantielle à côté de l’OTAN, mobilisant, certes avec des sous-entendus divergents, la notion <a href="https://legrandcontinent.eu/fr/2023/04/11/2027-lannee-de-lautonomie-strategique-europeenne/">d’autonomie stratégique européenne</a> du côté français, et de souveraineté européenne du côté allemand.</p>
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<p>Mais malgré le <a href="https://www.ifri.org/fr/publications/notes-de-lifri/notes-cerfa/livre-blanc-allemand-2016-consolidation-consensus-de-munich">consensus de Munich</a> qui actait dès 2014 du côté de Berlin la nécessité, pour la première puissance économique européenne, de prendre davantage de responsabilités en matière de sécurité internationale et de défense, la France continuait à voir en l’Allemagne un partenaire circonspect sur ces sujets. La littérature académique ainsi que nombre d’experts ont longtemps considéré l’Allemagne comme une <a href="https://www.economist.com/special-report/2013/06/13/europes-reluctant-hegemon">« puissance réticente »</a>.</p>
<p>L’invasion militaire de l’Ukraine par la Russie le 24 février 2022 semblait avoir changé la donne : trois jours plus tard, le chancelier allemand annonçait un changement d’époque (<a href="https://www.bundesregierung.de/breg-fr/actualites/d%C3%A9claration-gouvernementale-du-chancelier-f%C3%A9d%C3%A9ral-2009510"><em>Zeitenwende</em></a>). L’Allemagne prenait conscience que la guerre conventionnelle en Europe était possible, et qu’elle avait trop longtemps négligé ses budgets de défense et ses capacités, malgré les critiques récurrentes des commissaires parlementaires aux forces armées successifs, dont les rapports annuels dénonçaient <a href="https://www.rfi.fr/fr/europe/20230314-allemagne-l-arm%C3%A9e-manque-de-tout-dit-la-commissaire-parlementaire-%C3%A0-la-d%C3%A9fense-au-bundestag">l’état critique de la Bundeswehr</a>.</p>
<p>La France y avait alors vu l’occasion de travailler enfin de manière plus efficace avec l’Allemagne en matière de défense, et même de promouvoir la politique européenne de défense en adoptant notamment – en mars 2022 une <a href="https://ecfr.eu/article/the-eus-strategic-compass-brand-new-already-obsolete/">Boussole stratégique européenne</a> dont le chantier avait été lancé sous présidence allemande du Conseil de l’UE en 2020.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/le-petit-pas-inapercu-de-lue-vers-une-defense-commune-203011">Le petit pas inaperçu de l’UE vers une défense commune</a>
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<p>Mais très rapidement, les divergences stratégiques franco-allemandes ont refait surface : là où Paris a vu dans la guerre en Ukraine la confirmation de la nécessité d’enfin donner à l’UE une défense substantielle et basée sur ses propres forces, l’Allemagne, comme une majorité des autres États européens, y a au contraire forgé la conviction qu’il fallait renforcer l’OTAN.</p>
<p>Cette divergence d’analyse se traduit notamment par le lancement de <a href="https://www.la-croix.com/Monde/LAllemagne-brandit-bouclier-antimissile-europeen-sans-France-2022-10-13-1201237611">l’initiative de défense aérienne européenne</a> (<em>European Sky Shield Initiative</em>) par le chancelier allemand, sans réelle concertation avec Paris et au détriment d’une souveraineté européenne en la matière, en écartant le système de défense proposé par la France et l’Italie (SAMP/T) au profit d’un système israélien soutenu par Washington (Arrow 3).</p>
<p>S’y ajoute l’achat sur étagère de matériel militaire américain (notamment des <a href="https://www.letemps.ch/monde/allemagne-lachat-chasseurs-f35-americains-confirme">avions de combat F-35</a>), démontrant clairement l’invariant de l’ancrage allemand dans le pilier transatlantique de la sécurité européenne, et la méfiance de Berlin (partagée haut et fort par de nombreux pays européens, au premier rang desquels la Pologne et les États baltes) à l’égard des velléités françaises d’une Europe de la défense autonome.</p>
<p>Pourtant, la France a également pris conscience de l’importance de consolider un pilier européen au sein de l’OTAN afin de mieux dialoguer avec ses partenaires européens. Mais les espoirs de changement majeur dans la politique de défense allemande ont rapidement été mitigés par les <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2023/01/26/olaf-scholz-se-defend-d-avoir-tarde-a-approuver-la-livraison-de-chars-lourds-a-l-ukraine_6159390_3210.html">atermoiements du chancelier autour de la livraison de chars de combat à l’Ukraine en janvier 2023</a>, démontrant l’ambigüité allemande sur les questions militaires malgré le fonds spécial de 100 milliards débloqué pour rééquiper la Bundeswehr, et une <a href="https://www.pwc.de/de/pressemitteilungen/2024/die-deutschen-wollen-verteidigungsfaehiger-werden.html">opinion publique allemande en phase de transition sur les questions militaires</a>.</p>
<h2>Une coordination bilatérale en déclin</h2>
<p>Si le « moteur franco-allemand » de l’Europe semblait régulièrement à la peine avant 2022 (malgré la signature en 2019 du <a href="https://www.lemonde.fr/idees/article/2024/01/22/relations-franco-allemandes-le-traite-d-aix-la-chapelle-risque-d-etre-depasse-par-l-evolution-de-la-politique-mondiale_6212237_3232.html">Traité d’Aix-la-Chapelle</a>, dont la mise en œuvre fut perturbée par la pandémie de Covid), il paraît aujourd’hui grippé.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/60-ans-apres-le-traite-de-lelysee-le-couple-franco-allemand-a-change-de-nature-217137">60 ans après le traité de l’Élysée, le « couple » franco-allemand a changé de nature</a>
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<p>Plusieurs facteurs peuvent être convoqués pour l’expliquer. Tout d’abord, l’élément interpersonnel, qui joue un rôle important dans la relation franco-allemande, n’est pas au beau fixe : si les rapports entre les deux ministres de la Défense ou entre l’ancienne ministre française des Affaires étrangères et son homologue allemande semblaient de bonne qualité, nombre d’observateurs ne peuvent que constater l’absence d’alchimie entre le président Macron et le chancelier Scholz, dont le style de gouvernement très personnel <a href="https://www.economist.com/europe/2023/04/05/who-does-olaf-scholz-listen-to">déroute d’ailleurs outre-Rhin</a>.</p>
<p>Ainsi, l’absence de référence à la France dans le discours du chancelier à Prague en août 2022 sur l’avenir de l’Europe, et le peu de consultation avec l’allié français traditionnel dans l’exercice de la rédaction de la toute première <a href="https://www.euractiv.fr/section/politique/news/lopposition-allemande-interpelle-olaf-scholz-sur-ses-relations-au-plus-bas-avec-la-france/">stratégie de sécurité allemande</a> publiée en juin 2023, sont venues confirmer des tensions franco-allemandes qui ont conduit à des <a href="https://theconversation.com/conseil-des-ministres-franco-allemand-un-report-sur-fond-de-ralentissement-economique-europeen-193227">reports</a> et à des diminutions de fréquence du conseil des ministres franco-allemand en 2022 et 2023. S’y est substitué, en dehors du conseil symbolique de janvier 2023 célébrant les 60 ans du traité de réconciliation, un séminaire bilatéral à Hambourg en octobre 2023 afin que les deux équipes gouvernementales puissent apprendre à mieux se connaître.</p>
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<p>De la même façon, en matière d’aide militaire et financière à l’Ukraine, les deux pays n’agissent pas de façon coordonnée, mais plutôt en relation bilatérale directe avec Kiev. L’Allemagne a contribué à cette aide à hauteur de 20 milliards d’euros (dont 17 milliards d’aide militaire) depuis 2022, là où la France n’aurait versé jusqu’à présent qu’autour de 1,7 milliard (dont 544 millions d’aide militaire) selon les <a href="https://www.ifw-kiel.de/topics/war-against-ukraine/ukraine-support-tracker/">chiffres de l’Institute for World Economy de Kiel</a>. Paris s’est engagé à verser une <a href="https://www.lesechos.fr/monde/europe/lallemagne-sengage-a-soutenir-lukraine-militairement-a-long-terme-2076889">aide militaire supplémentaire de 3 milliards d’euros</a> lors de la visite du président Zelensky le 15 février 2024 à Paris, et Berlin a de son côté annoncé un milliard d’euros supplémentaires.</p>
<p>Enfin, sur le plan matériel, l’injection du fonds spécial de 100 milliards d’euros et la hausse importante du budget militaire allemand (estimé autour de <a href="https://www.zeit.de/news/2024-02/14/deutschland-meldet-rekordsumme-an-nato">2 % du PIB en février 2024</a>) ont intensifié la compétition industrielle déjà existante entre Paris et Berlin, remettant en cause le partage des tâches tacite en vigueur jusque-là entre la puissance économique allemande et la puissance militaire française. Ajoutons que ces derniers mois, les échanges entre les deux ministères de la Défense ont été émaillés par les aléas des projets de coopération industrielle militaire (notamment les <a href="https://www.challenges.fr/entreprise/defense/scaf-mgcs-derriere-les-discours-la-grande-panne-des-projets-militaires-franco-allemands_870322">programmes SCAF et MGCS</a>).</p>
<h2>Quel peut être l’avenir du partenariat franco-allemand en matière de défense ?</h2>
<p>Si les partenaires de Paris et Berlin ont par le passé souvent critiqué le poids du tandem franco-allemand dans la construction européenne, il semble aujourd’hui certain que celui-ci ne suffit pas, mais demeure une <a href="https://www.lemonde.fr/idees/article/2023/07/01/la-desunion-politique-de-la-france-et-de-l-allemagne-contribue-a-fragmenter-l-union-europeenne_6180154_3232.html">condition nécessaire</a> pour construire du consensus à Bruxelles, y compris sur les sujets militaires.</p>
<p>Une des leçons de la guerre en Ukraine en la matière est l’importance de mieux considérer les intérêts de sécurité des pays baltes et des pays d’Europe centrale et orientale, très critiques sur l’attitude de Paris et Berlin vis-à-vis de Moscou au début de la guerre, <a href="https://news.err.ee/1608613669/ft-baltic-politicians-annoyed-by-scholz-and-macron-s-putin-call">jugée trop compréhensive</a>. Un élément qui semble émerger en ce sens consiste à réinvestir le <a href="https://www.lesechos.fr/monde/europe/france-allemagne-et-pologne-relancent-le-triangle-de-weimar-pour-contrer-la-russie-2075825">triangle de Weimar</a>, la coopération franco-germano-polonaise étant rendue moins difficile par l’arrivée aux affaires à Varsovie du gouvernement pro-européen issu des élections de l’automne 2023.</p>
<p>Un second axe de rapprochement pour la France et l’Allemagne tient au facteur américain : l’élection présidentielle de 2024 pourrait favoriser un renforcement de l’Europe de la défense si Donald Trump revenait à la Maison Blanche, notamment au regard des <a href="https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2024/02/14/otan-pourquoi-donald-trump-qualifie-t-il-les-allies-de-mauvais-payeurs_6216493_4355770.html">propos sans équivoque</a> qu’il a tenus en février 2024 sur la faiblesse de certaines contributions européennes au budget militaire de l’OTAN. C’est ce qui s’était produit entre 2016 et 2020, période d’avancées significatives pour la politique européenne de défense marquée notamment par le lancement de la <a href="https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=LEGISSUM:permanent_structured_cooperation">coopération structurée permanente</a>.</p>
<p>Même en cas de victoire démocrate, Paris et Berlin peuvent trouver une voie de rapprochement en travaillant sur la notion de pilier européen dans l’OTAN. <a href="https://www.lesechos.fr/industrie-services/air-defense/la-cour-des-comptes-appelle-la-france-a-mieux-simpliquer-dans-lotan-1984569">La France a d’ailleurs donné des gages de sa bonne volonté</a> en s’investissant très activement dans la présence de l’OTAN à l’Est du continent européen afin de contrer la menace russe.</p>
<p>Ainsi, si les désaccords, notamment industriels, ne manqueront pas de perdurer, c’est par la voie politique que la coopération militaire franco-allemande pourrait regagner de la souplesse. Beaucoup d’incertitudes demeurent toutefois sur ce point au regard des futures élections tant européennes que nationales, étant donné la montée des discours populistes dans les deux pays et les crises économiques et sociales dont ceux-ci se nourrissent.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/223671/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Delphine Deschaux-Dutard ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les deux pays soutiennent fermement l’Ukraine, mais leurs visions de la meilleure organisation de la défense européenne et du rôle que doit y jouer l’OTAN continuent de diverger.Delphine Deschaux-Dutard, Maître de conférences en science politique, Université Grenoble Alpes, Université Grenoble Alpes (UGA)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2221402024-01-29T16:59:28Z2024-01-29T16:59:28ZAtmosphère politique aux États-Unis : voici ce qu’on peut apprendre de l’Allemagne de l’entre-deux-guerres<p>« Ce sera la fin de la démocratie. » Telle est la réponse cinglante que le sénateur américain Bernie <a href="https://www.theguardian.com/us-news/2024/jan/13/end-of-democracy-bernie-sanders-on-if-trump-wins-and-how-to-stop-him">a servi au <em>Guardian</em> qui lui demandait ce qui se passerait</a> en cas de victoire électorale de Donald Trump en 2025.</p>
<p><em>Le professeur David Dyzenhaus livrera ses réflexions sur la politique et l’état de droit lors d’un entretien avec Scott White, rédacteur en chef de La Conversation Canada. <a href="https://go.b2b-2go.com/fr/crsh2024/user/nouveau/adresse-courriel/">Cliquez ici</a> pour vous inscrire gratuitement à l’événement.</em></p>
<p>Notre défi, a-t-il expliqué, « sera de démontrer au peuple qu’un gouvernement démocratique peut répondre à leurs besoins essentiels. Si nous y parvenons, nous vaincrons Trump. Si nous échouons, alors ce sera la République de Weimar ».</p>
<p>Bernie Sanders fait allusion aux dernières années de la première expérience démocratique de l’Allemagne qui a vu la montée en puissance du futur dictateur dans un climat d’extrême polarisation politique et de grogne sociale.</p>
<p>Si ce rapprochement est juste pour la plupart des démocraties occidentales, le sénateur se trompe sur un point : les États-Unis sont déjà bien engagés dans ce qui ressemble au crépuscule de la République de Weimar.</p>
<p>En tant <a href="https://www.law.utoronto.ca/faculty-staff/full-time-faculty/david-dyzenhaus">que spécialiste du droit, en particulier de l’État de droit</a>, j’étudie la nature du droit et sa relation avec le politique. <a href="https://academic.oup.com/book/2553?login=false">Auteur d’un ouvrage sur ces questions dans l’Allemagne préhitlérienne</a>, je suis d’avis que cette période éclaire de manière pertinente ce qui se passe aux États-Unis et dans d’autres démocraties occidentales (y compris au <a href="https://www.law.utoronto.ca/news/demise-rule-law-in-canada-professor-david-dyzenhaus-lawyers-daily">Canada</a>).</p>
<h2>Polarisation dans l’entre-deux-guerres</h2>
<p>Naturellement, il y a quelques différences importantes.</p>
<p>En Allemagne, la principale ligne de fracture de la polarisation politique opposait l’extrême droite, dominée par le parti nazi, et une extrême gauche communiste. Or, ces deux partis se sont présentés aux élections dans l’intention expresse de détruire la démocratie.</p>
<p>Aux États-Unis, la principale ligne de faille oppose les démocrates et les groupes d’extrême droite qui dominent le parti républicain de Trump.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/571267/original/file-20240124-17-ghk9c5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Une femme et un homme lisent une affiche collée sur un poteau" src="https://images.theconversation.com/files/571267/original/file-20240124-17-ghk9c5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/571267/original/file-20240124-17-ghk9c5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=482&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/571267/original/file-20240124-17-ghk9c5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=482&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/571267/original/file-20240124-17-ghk9c5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=482&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/571267/original/file-20240124-17-ghk9c5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=606&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/571267/original/file-20240124-17-ghk9c5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=606&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/571267/original/file-20240124-17-ghk9c5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=606&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Des Berlinois lisant le décret sur les pouvoirs d’exception de 1932.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Wikimedia</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
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</figure>
<p>Lorsque Hitler arrache tous les leviers du pouvoir, la <a href="https://www.bundestag.de/fr/parlement/histoire/weimar-200700">République de Weimar</a> n’existait que depuis 14 ans. Et un article de sa constitution, le 48<sup>e</sup>, qui permettait au président de contourner le parlement en situation d’urgence, lui a ouvert un véritable boulevard.</p>
<h2>La résilience de la Constitution américaine</h2>
<p>En revanche, la Constitution américaine date de 1789, ce qui en fait la constitution la plus ancienne de la plus vieille démocratie moderne. Elle a montré sa résilience le 6 janvier 2021 lorsque Trump et ses partisans, refusant leur défaite contre Joe Biden aux élections de 2020, ont échoué dans leur tentative de prendre le pouvoir par la force.</p>
<p><a href="https://www.europarl.europa.eu/RegData/etudes/BRIE/2018/628309/EPRS_BRI(2018)628309_FR.pdf">Konrad Adenauer</a>, premier président de l’Allemagne de l’Ouest dans l’après-guerre, a dit un jour que le problème de Weimar n’avait pas été sa constitution, mais les rangs éclaircis des véritables partisans de la démocratie parmi les politiciens, les juges, les avocats et d’autres figures d’autorité susceptibles de la défendre.</p>
<p>Et en effet, en 2021, lors de la tentative d’insurrection trumpiste, c’est bien la foi démocratique d’une poignée de personnages qui s’est effectivement interposée et qui a permis l’entrée en fonction de Biden. Les juges nommés par les républicains ont rejeté les tentatives de Trump de contester certaines élections ; les responsables électoraux républicains qui ont résisté aux pressions exercées pour truquer les votes dans leurs circonscriptions ; et le vice-président Mike Pence, même s’il a <a href="https://nymag.com/intelligencer/2021/09/dan-quayle-convinced-mike-pence-to-reject-trumps-coup.html">vacillé jusqu’à la dernière minute</a>, a finalement refusé de jouer le jeu de la sédition.</p>
<p>Mais l’analogie entre la République de Weimar et les États-Unis demeure valide parce que c’est exactement ainsi que les démocrates allemands ont su résister jusqu’à la fin de l’année 1932.</p>
<p>Dans des situations extrêmes, le rôle des avocats et des tribunaux peut donc être crucial.</p>
<h2>Un coup d’État annonciateur</h2>
<p>En 1932, le gouvernement fédéral allemand — dominé par des aristocrates de droite — a utilisé les pouvoirs d’urgence prévus par l’article 48 de la constitution pour remplacer le gouvernement de l’État libre de Prusse, l’un des 39 Länder de la fédération allemande.</p>
<p>Ce faisant, <a href="https://www.cambridge.org/core/journals/american-political-science-review/article/abs/legal-theory-in-the-collapse-of-weimar-contemporary-lessons/5B0A1534B72EB5BBA186C523F7836412">ce coup d’État légal</a> a effectivement anéanti le principal bastion de résistance démocratique aux forces d’extrême droite de l’époque.</p>
<p>Au lieu de livrer une résistance armée qu’il ne pouvait pas gagner, estimait-on, ce gouvernement prussien de tendance a plutôt opté pour la contestation juridique. Or, la constitution de la République de Weimar avait justement créé une cour spéciale, la Staatsgerichtshof, ayant justement pour vocation de résoudre les litiges constitutionnels entre le niveau fédéral et les 39 Länder fédérés.</p>
<p>Après avoir entendu les arguments oraux entre le 10 et le 17 octobre 1932, le tribunal s’est arrangé pour confirmer le décret dans un jugement rendu le 25 octobre.</p>
<p><a href="https://aeon.co/essays/carl-schmitts-legal-theory-legitimises-the-rule-of-the-strongman">Cette décision juridique est considérée comme un point tournant vers la prise de pouvoir d’Hitler en 1933</a>, qui s’est alors placé au-dessus des lois en s’érigeant lui-même comme l’ultime autorité légale.</p>
<h2>Un juriste nazi toujours admiré</h2>
<p>Parmi les juristes éminents qui se sont opposés dans ce débat, il faut mentionner la figure <a href="https://www.jstor.org/stable/23735189">Carl Schmitt</a>, théoricien fasciste du droit qui représentait le gouvernement fédéral dans l’affaire de la Prusse avant de joindre le parti nazi après 1933.</p>
<p>Tout au long de sa carrière, Schmitt a résolument utilisé l’argumentaire juridique pour saper les bases de la démocratie. De nos jours, à l’instar de plusieurs autres grandes figures conservatrices de la République de Weimar, Schmitt est un <a href="https://www.nybooks.com/online/2020/01/15/william-barr-the-carl-schmitt-of-our-time/">maître à penser</a> parmi la coterie d’avocats d’extrême droite qui ont téléguidé la tentative de coup d’État de Trump en janvier 2021.</p>
<figure class="align-left zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/571266/original/file-20240124-29-wxuqg0.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Un homme figure sur la couverture d’une ancienne revue académique" src="https://images.theconversation.com/files/571266/original/file-20240124-29-wxuqg0.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/571266/original/file-20240124-29-wxuqg0.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=779&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/571266/original/file-20240124-29-wxuqg0.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=779&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/571266/original/file-20240124-29-wxuqg0.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=779&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/571266/original/file-20240124-29-wxuqg0.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=979&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/571266/original/file-20240124-29-wxuqg0.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=979&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/571266/original/file-20240124-29-wxuqg0.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=979&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">L’avocat Carl Schmitt en une de la revue Der Wirtschafts-Ring (L’Anneau économique) en 1934.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Wikimedia</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
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</figure>
<p>La Cour suprême des États-Unis doit bientôt se prononcer sur <a href="https://www.france24.com/fr/am%C3%A9riques/20231223-la-cour-supr%C3%AAme-des-%C3%A9tats-unis-refuse-de-trancher-en-urgence-sur-l-immunit%C3%A9-pr%C3%A9sidentielle-de-trump">plusieurs affaires</a> impliquant Donald Trump contre l’état de droit. L’enjeu ne se conjugue pas qu’au passé : l’ex-président a laissé entendre que, s’il était réélu, il pourrait utiliser la <a href="https://www.telos-eu.com/fr/le-crepuscule-de-la-democratie-americaine.html">Loi sur l’insurrection</a> pour réprimer toute manifestation politique.</p>
<p>Les décisions de la Cour suprême sur les affaires impliquant l’autorité légale de Trump pourraient donc avoir des conséquences aussi importantes pour l’avenir de la démocratie américaine que celle de la Staatsgerichtshof en 1932.</p>
<p>Or, la majorité de juges de la Cour suprême est constituée de conservateurs tels Clarence Thomas. Et <a href="https://www.letemps.ch/monde/ameriques/femme-dun-juge-cour-supreme-coeur-dun-scandale-aux-etatsunis">l’épouse de ce dernier a même joué un rôle dans la tentative de Donald Trump pour renverser sa défaite électorale</a>. Un bien mauvais présage pour la démocratie et l’État de droit aux États-Unis.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/222140/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>David Dyzenhaus reçoit un financement du CRSH pour des projets de recherche connexes.</span></em></p>Dans l’Allemagne de l’entre-deux-guerres, la montée au pouvoir d’Adolf Hitler a été facilitée par les tribunaux et les avocats. Une situation similaire existe aujourd’hui aux États-Unis.David Dyzenhaus, Professor of Law and Philosophy, University of TorontoLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2212492024-01-22T15:36:28Z2024-01-22T15:36:28ZRemigration : ce que « l’anti-mot de l’année » en Allemagne dit du débat public actuel<p>Dans de nombreux pays européens, les fins et les débuts d’année donnent lieu au choix - parfois à l’élection - du mot/des mots de l’année, entendus comme ces unités lexicales qui condensent à elles seules tout un pan de discours, de positions, de controverses qui ont marqué les douze mois écoulés.</p>
<p>L’idée sous-jacente à ces classements, <a href="https://u-bourgogne.hal.science/halshs-03871342/">largement développée en analyse de discours</a>, est que certains mots, souvent <a href="https://www-cairn-info.proxy-bu1.u-bourgogne.fr/revue-langage-et-societe-2010-4-page-5.htm">appréhendés comme « formules »</a>, fonctionnent comme des révélateurs et des marqueurs des soubresauts et des évolutions de la société dans à peu près tous les domaines : politique, économie, vie sociale, sport, etc. Ils sont les pierres angulaires de positionnements et de postures de toute nature et leur simple énoncé active toute une série d’arguments et contre-arguments.</p>
<p>Si cette tradition n’est pas implantée en France – en tout cas pas de façon organisée et institutionalisée – elle l’est largement autour de nous. C’est le cas au Royaume-Uni, où ce sont les Presses universitaires d’Oxford qui président à ce choix et <a href="https://theconversation.com/im-an-expert-in-slang-here-are-my-picks-for-word-of-the-year-218286">ont retenu, pour 2023, le mot <em>rizz</em></a> qui désigne le charisme, le charme, l’attractivité ; ou en Belgique flamande et aux Pays-Bas, où l’éditeur de dictionnaires van Dale fait la même chose et <a href="https://www.les-plats-pays.com/article/le-mot-neerlandais-de-lannee-2023-denonce-linflation-due-a-la-cupidite">a opté, pour l’année qui vient de s’achever, pour <em>graainflatie</em></a>, un mot-valise parfois traduit par « cupideflation » en français et hérité du néologisme anglais <em>greedflation</em> pour désigner la stratégie mise en œuvre par certains industriels afin de profiter de l’inflation liée à l’augmentation des coûts pour augmenter leurs marges. Dans le même domaine de l’économie, on se souvient des discussions, pendant toute l’année 2023, en France et dans d’autres pays, autour de la paire de termes <a href="https://theconversation.com/hausses-de-prix-dissimulees-comment-reagissent-les-consommateurs-191920"><em>shrinkflation</em>/<em>réduflation</em></a>.</p>
<h2>Du mot à l’anti-mot de l’année en Allemagne</h2>
<p>En Allemagne, qui est au centre de cet article, le choix des mots de l’année est beaucoup plus institutionnalisé et connaît, chaque année, un large écho médiatique. J’utilise ici le pluriel, car <a href="https://tekst-dyskurs.eu/resources/html/article/details?id=226831">il y en a en fait plusieurs</a>.</p>
<p>Tout d’abord, le « mot de l’année », au sens strict, qui est choisi régulièrement depuis 1977, après un premier essai isolé en 1971, par une société savante, la <a href="https://gfds.de/"><em>Gesellschaft für deutsche Sprache</em></a> (société pour la langue allemande) dont le siège est à Wiesbaden. À partir d’une première collecte de mots faite dans les médias, mais aussi de propositions spontanées envoyées par des citoyens, le jury, largement composé d’experts de la langue réunis dans le bureau de l’association, opère des vagues de sélection successives pour arriver à une liste de dix mots dont celui classé numéro un prend le titre de mot de l’année.</p>
<p>Cette année, c’est <a href="https://allemagneenfrance.diplo.de/fr-fr/actualites-nouvelles-d-allemagne/08-breves-de-la-semaine/-/2635084"><em>Krisenmodus</em></a> – littéralement <em>le mode de crise</em> – qui a été retenu pour désigner cet état de crise permanente ou perpétuelle dans lequel vit l’Allemagne, et pas seulement elle, depuis la crise Covid, avec les conséquences, en particulier mentales, que peut entraîner cette situation.</p>
<p>À côté de cette première initiative, une autre fait souvent couler davantage d’encre encore : c’est <a href="https://www.unwortdesjahres.net/">l’« anti-mot » de l’année</a>, que l’on pourrait paraphraser comme le mot abject dont l’emploi est ainsi dénoncé et condamné.</p>
<p>Lancé en 1991 et d’abord choisi dans le sillage du « mot de l’année », il est depuis 1994 déterminé par un jury indépendant constitué de quatre linguistes, un journaliste et un autre membre coopté chaque année, issu des milieux de la culture et des médias. Par « anti-mot », le jury entend des formulations soit « dénuées d’humanité », soit « inadaptées pour ce qu’elles désignent ». Bref, des mots et des formules détestables qu’un emploi réfléchi de la langue ne devrait pas produire.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1746882492026458399"}"></div></p>
<p>Le but de cette action est très largement de faire réfléchir les locuteurs de l’allemand à l’utilisation de la langue en contexte, tradition très ancrée dans le monde germanophone, y compris comme discipline académique connue sous le nom de <a href="https://heiup.uni-heidelberg.de/journals/heso/issue/view/2372"><em>Sprachkritik</em></a> – critique de la langue. Les travaux du philologue Victor Klemperer <a href="https://journals.openedition.org/germanica/2464">sur la langue du Troisième Reich</a>, consignés dans son ouvrage majeur publié en 1947, prennent toute leur place dans cette tradition, tout comme la publication en 1958, sous la plume de Dolf Sternberger, Gerhard Storz et W. E. Suskind, du <a href="https://www-cairn-info.proxy-bu1.u-bourgogne.fr/revue-hermes-la-revue-2010-3-page-47.htm?contenu=article"><em>Dictionnaire de l’inhumain</em></a>, qui commentait et mettait en perspective les pires vocables de la dictature nazie.</p>
<h2><em>Remigration</em> et le spectre des affaires de l’AfD</h2>
<p>Publié ce 15 janvier par le jury décrit ci-dessus, l’anti-mot de l’année 2023 est <em>remigration</em> (qui rappelle le concept de « remigration » en français, nous y reviendrons). Les derniers événements autour du parti d’extrême droite Alternative für Deutschland (AfD) lui donnent un relief et une actualité toute particulière.</p>
<p>Dans son <a href="https://www.unwortdesjahres.net/presse/aktuelle-pressemitteilung/">communiqué de presse</a>, le jury justifie son choix par les arguments suivants. Il s’agit tout d’abord d’un euphémisme, une forme linguistique visant donc à atténuer, adoucir une réalité par trop brutale – ici le projet d’expulser par la force, voire de déporter de façon massive des personnes vivant en Allemagne et issues de l’immigration. Pour le jury, il s’agit très clairement d’un mot relevant du combat idéologique d’extrême droite, cachant les véritables intentions qu’il véhicule derrière une façade anodine.</p>
<p>Ce faisant, on assiste à un détournement de sens idéologique puisque, en tout cas pour la tradition allemande, ce terme est issu de la recherche sur les migrations et l’exil où il désigne des formes volontaires de retour dans son pays natal. Ce détournement idéologique en faisait bien sûr un candidat de choix pour être désigné « anti-mot ». Le communiqué de presse du jury continue par ailleurs en dénonçant l’objectif de la Nouvelle Droite qui se cache derrière ce terme, en l’occurrence arriver à une hégémonie culturelle et à l’homogénéité ethnique de la nation allemande.</p>
<p>Ce choix ne pouvait pas plus tomber à point nommé dans la mesure où il vient alimenter un débat enflammé qui fait rage depuis le 10 janvier dernier dans le paysage politique et médiatique allemand suite à la publication ce jour-là d’une <a href="https://correctiv.org/aktuelles/neue-rechte/2024/01/10/geheimplan-remigration-vertreibung-afd-rechtsextreme-november-treffen/">enquête</a> du site d’investigation <em>Correctiv</em>. Cette enquête très détaillée, structurée en actes à la façon d’une pièce de théâtre, révèle une rencontre secrète, le 25 novembre 2023, dans un hôtel situé près de la ville de Potsdam, organisée à l’initiative d’un dentiste retraité bien connu sur la scène d’extrême droite allemande et d’un investisseur non moins connu du secteur de la gastronomie (mais lui-même absent à ladite réunion).</p>
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<figcaption><span class="caption">Immigration : le « plan secret » de l’extrême droite allemande fait scandale, LCI, 19 janvier 2024.</span></figcaption>
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<p>Cette rencontre avait deux objectifs affichés : d’une part, la collecte de fonds de campagne pour l’AfD et diverses structures proches, existantes ou en création ; et d’autre part, la présentation et la discussion d’un « plan d’action ». Elle a réuni un certain nombre de membres de l’AfD – dont Roland Hartwig, le conseiller personnel de la dirigeante du parti Alice Weidel –, des représentants de diverses mouvances néonazies et des donateurs fortunés, pour discuter justement, dans l’hypothèse d’une accession au pouvoir de l’AfD, d’un « plan de remigration » visant une expulsion à grande échelle de plusieurs catégories de personnes.</p>
<p>Ce plan, qui constituait le point central de la rencontre, a été présenté par Martin Sellner, figure historique du mouvement identitaire autrichien. Sellner y désigne trois groupes-cibles pour la remigration : les demandeurs d’asile, les étrangers ayant droit de séjour et les citoyens « non assimilés ». Il va même plus loin en imaginant la création d’un « État-modèle », par exemple en Afrique du Nord, à même d’accueillir les groupes en question ainsi que celles et ceux qui souhaitent les soutenir. On comprend, à lire ces détails, les arguments du jury de l’anti-mot de l’année pour justifier son choix, et en particulier la dimension euphémistique du terme – et ce d’autant plus dans le contexte allemand dont l’« héritage discursif » a été rappelé ci-dessus.</p>
<p>Ces révélations ont rouvert le débat d’une éventuelle interdiction constitutionnelle du parti AfD en Allemagne, question qui revient comme un serpent de mer dans le débat politique fédéral : une pétition en cours a déjà réuni 400 000 signatures et le député chrétien-démocrate Marco Wanderwitz cherche aussi les soutiens nécessaires au sein de la Diète fédérale pour engager la procédure idoine. Dimanche 14 janvier, des manifestations organisées en réaction à ces révélations à Berlin et Potsdam ont rassemblé des dizaines de milliers de personnes, dont le chancelier Olaf Scholz et la ministre des Affaires étrangères Annalena Baerbock.</p>
<h2>Remigration – un internationalisme ?</h2>
<p>Le terme choisi comme anti-mot de l’année 2023 en Allemagne, et que le jury présente comme une dérivation du latin <em>remigrare</em> pour <em>rentrer chez soi</em>, apparaît en fait, et surtout, comme un internationalisme utilisé sous cette forme dans beaucoup de langues : il alimente donc de façon croisée des discours dans plusieurs pays qui se répondent, s’alimentent et s’entretiennent mutuellement.</p>
<p>En français, il a fait l’objet d’une forte thématisation dans la discussion politico-médiatique lors du dernier scrutin présidentiel avec la proposition du candidat <a href="https://theconversation.com/fr/topics/eric-zemmour-106952">Éric Zemmour</a>, dont plusieurs thématiques ont d’ailleurs été <a href="https://journals.openedition.org/corela/14675">analysées par l’analyse française du discours</a>, de mettre en place un « ministère de la Remigration ».</p>
<p>Une brève interrogation du corpus français disponible sur l’outil <a href="https://www.sketchengine.eu/">SketchEngine</a>, en particulier de ses contextes d’emploi, montre très clairement <a href="https://journals.openedition.org/mots/30959">son ancrage dans un discours d’extrême droite</a>, confirmant le statut qui lui est reconnu comme marqueur de la mouvance identitaire. Il y voisine en effet avec des noms comme <em>islamisation, communautarisme, identité, remplacement, invasion</em>, mais aussi avec des verbes d’action comme <em>enclencher la remigration</em> ou de positionnement comme <em>prôner la remigration</em>.</p>
<p>On le voit ici nettement, de tels mots – j’ai parlé plus haut d’internationalismes – circulent d’une langue et d’une culture à l’autre dans des discours apparentés où ils constituent autant de signaux d’appartenance et de reconnaissance. Dans le domaine politique, comme dans beaucoup d’autres, les combats idéologiques passent par des combats sémantiques où il s’agit d’occuper les concepts, d’y imprimer sa marque pour, finalement, les soustraire à l’adversaire. Dans cette perspective, le choix 2023 du jury de l’anti-mot allemand de l’année ne pouvait mieux atteindre ses objectifs : nous amener à toujours interroger les implications des mots que nous employons.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/221249/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Laurent Gautier a reçu des financements du Conseil Régional de Bourgogne Franche-Comté, de l'ANR et de la Commission Européenne pour divers projets de recherche.</span></em></p>Chaque année, un jury allemand désigne le mot le plus détestable à avoir marqué le débat public. En 2023, sur fond de montée de l’extrême droite, le choix s’est porté sur « remigration ».Laurent Gautier, Professeur des Universités en linguistique allemande et appliquée, Université de Bourgogne – UBFCLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2191312023-12-10T15:49:18Z2023-12-10T15:49:18ZChine : le ralentissement économique menace-t-il la présence des entreprises moyennes allemandes ?<p>Selon les prévisions du Fonds monétaire international (FMI), l’Allemagne et la Chine figurent parmi les pays les plus touchés par le ralentissement économique en 2023 : l’Allemagne devrait être la seule économie européenne en récession (-0,5 %) et la Chine devrait connaître une faible croissance économique (+5 %) accompagnée d’une crise immobilière qui comporte des <a href="https://www.lexpress.fr/economie/allemagne-chine-les-sombres-previsions-du-fmi-LBWX24HJX5HQZAKVY7D2IFIFZM/">risques importants pour le secteur bancaire</a>. Ces signes inquiétants peuvent-ils menacer la présence des entreprises de taille intermédiaire (les ETI, qui désignent les organisations qui comptent entre 250 et 4 999 salariés et dont le chiffre d’affaires annuel est inférieur à 1,5 milliard d’euros) allemandes particulièrement présentes sur le marché chinois ?</p>
<p>L’Allemagne compte aujourd’hui <a href="https://www.lesechos.fr/idees-debats/editos-analyses/lavenir-de-notre-industrie-passera-par-les-eti-1932681">12 500 ETI (contre 5 500 pour la France</a>) et ce fameux « Mittelstand » est au cœur du système industriel allemand. Ces entreprises familiales sont souvent spécialisées dans le domaine « business-to-business » (B-2-B) et se distinguent par leur compétitivité à l’échelle internationale. Elles ont mis en place des stratégies ambitieuses sur le marché chinois pour suivre leurs clients multinationaux et pour développer de nouvelles opportunités d’affaires. La Chine constitue ainsi le <a href="https://www.lesechos.fr/2017/02/la-chine-premier-partenaire-commercial-de-lallemagne-162190">premier partenaire commercial de l’Allemagne depuis 2016</a> (devant la France et les États-Unis).</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"835171331800973314"}"></div></p>
<p>Dans ce contexte, nous avons réalisé un <a href="https://www.emerald.com/insight/content/doi/10.1108/IJEBR-03-2022-0300/full/html">travail de recherche</a> visant à comprendre les trajectoires d’internationalisation des ETI familiales allemandes en Chine. Ce travail a pris la forme d’une étude qualitative longitudinale qui est fondée sur des entretiens semi-directifs avec des dirigeants de 26 ETI familiales allemandes et des données secondaires (sites web, communiqués de presse, articles de presse, etc.).</p>
<p>L’analyse des données collectées montre que les ETI familiales allemandes poursuivent des stratégies ambitieuses en Chine, mais qu’elles font face à de multiples défis sur ce marché complexe et éloigné. Elles éprouvent ainsi des difficultés pour comprendre le contexte culturel et institutionnel chinois et pour accéder aux réseaux d’affaires locaux (« guanxi ») qui sont fondés sur la confiance et la réciprocité.</p>
<h2>Trajectoires disparates</h2>
<p>Notre étude met également en relief la disparité des trajectoires suivies par les ETI familiales allemandes en Chine, qui sont marquées par des étapes d’internationalisation (augmentation des investissements), de désinternationalisation (retrait ou diminution des investissements) et de réinternationalisation (réalisation de nouveaux investissements). Deux groupes d’entreprises peuvent être identifiés.</p>
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<p>D’abord, les ETI qui suivent plusieurs vagues pour augmenter progressivement leurs investissements sur le marché chinois (16 entreprises sur 26). Les entreprises familiales allemandes qui suivent cette trajectoire linéaire commencent souvent par des activités d’exportation en Chine avant d’y implanter des bureaux de vente, des sociétés communes ou des filiales. Ces entreprises peuvent ainsi bénéficier d’effets d’apprentissage sur les spécificités du marché chinois et accéder aux réseaux d’affaires locaux.</p>
<p>Par exemple, Kern-Liebers, un fournisseur de bandes et de fils d’assemblage, a choisi d’exporter ses produits avant de créer une filiale dans la ville de Taicang, à 50 km de Shanghai. L’entreprise a été suivie par d’autres ETI familiales qui ont également implanté des filiales à Taicang, une ville qui accueille aujourd’hui <a href="https://www.ft.com/content/fceb2528-64de-4c7f-9d48-b0305abb9abb?sharetype=blocked">plus de 400 entreprises allemandes</a>. En 2023, Kern-Liebers fête le 30<sup>e</sup> anniversaire de sa présence sur place où elle a établi plusieurs filiales et sociétés communes.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1708650360930283909"}"></div></p>
<p>Ensuite, on observe des ETI qui suivent plusieurs vagues pour internationaliser, désinternationaliser et réinternationaliser leurs activités en Chine (10 entreprises dans notre échantillon). Ces entreprises familiales allemandes qui suivent une trajectoire non linéaire s’établissent par des sociétés communes avec des partenaires chinois sans avoir acquis une expérience préalable par des activités d’exportation. Leur première expansion en Chine se traduit souvent par un échec, notamment en raison des différences culturelles, des difficultés pour accéder aux réseaux d’affaires et des divergences entre les objectifs des dirigeants familiaux et de leurs partenaires chinois.</p>
<p>Par exemple, Hawe Hydraulics, un fournisseur de composants et de systèmes hydrauliques, a choisi de coopérer avec une entreprise chinoise avant de se désengager du partenariat et d’établir par la suite plusieurs filiales en Chine. Face aux tensions géopolitiques, cette ETI familiale cherche aujourd’hui à diversifier la localisation de ses investissements afin de diminuer sa dépendance du marché chinois.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1676993641988882447"}"></div></p>
<p>Les étapes d’internationalisation peuvent être expliquées par des exigences stratégiques (stratégie de croissance), financières (rentabilité, coûts de production) et opérationnelles (adaptation de produits), mais aussi par des objectifs de la famille fondatrice, en particulier par son intérêt de préserver la réputation de l’entreprise familiale, les cultures locales et l’héritage familial.</p>
<p>Les étapes d’internationalisation peuvent aussi être déclenchées par la demande d’approvisionnement des clients multinationaux, les perspectives de croissance du marché chinois, la réglementation concernant les investissements étrangers (<a href="https://www.usinenouvelle.com/article/les-industriels-europeens-ont-ils-vraiment-a-gagner-de-l-accord-d-investissement-ue-chine.N1050614">obligation de former des « joint ventures »</a>, c’est-à-dire des accords de coopération avec des partenaires locaux), la nécessité de développer des réseaux locaux et les difficultés rencontrées avec les partenaires des sociétés communes, incitant les ETI familiales à établir des filiales possédées à 100 %.</p>
<p>À l’inverse, les étapes de désinternationalisation peuvent s’expliquer par les ressources limitées des ETI familiales, les tensions organisationnelles et le manque d’adaptation aux exigences locales. Les décisions peuvent aussi être déclenchées par des contraintes institutionnelles (droits de douane, changement de réglementation, etc.), des différences culturelles et linguistiques, la concurrence internationale et locale de même que des difficultés avec les partenaires des sociétés communes. Ces difficultés sont <a href="https://theconversation.com/entreprises-familiales-le-defi-du-retrait-progressif-pour-le-cedant-192436">exacerbées pour des entreprises familiales</a> qui opèrent sur des marchés de niche et qui cherchent à protéger leurs avantages concurrentiels et leur réputation internationale.</p>
<h2>Valeur créée par l’attachement</h2>
<p>Les étapes de réinternationalisation sont elles principalement déclenchées par des facteurs externes. On peut notamment mentionner de nouvelles opportunités d’affaires en Chine, les perspectives de croissance du marché et la rencontre de nouveaux partenaires chinois. Mais la réinternationalisation des activités peut aussi être <a href="https://www.lesechos.fr/pme-regions/actualite-pme/le-delicat-pari-du-changement-de-generation-a-la-tete-des-eti-familiales-1934209">motivée par l’implication de nouvelles générations</a> dans le management des ETI familiales.</p>
<p>Le ralentissement économique en <a href="https://www.latribune.fr/economie/union-europeenne/allemagne-les-exportations-reculent-pour-le-deuxieme-mois-d-affilee-978823.html">Allemagne</a> et en <a href="https://www.latribune.fr/economie/union-europeenne/allemagne-les-exportations-reculent-pour-le-deuxieme-mois-d-affilee-978823.html">Chine</a> remet aujourd’hui en cause les trajectoires d’internationalisation des ETI familiales. Dans ce contexte, les phases de désinternationalisation ont tendance à se multiplier et on peut s’interroger sur les opportunités de réinternationalisation sur un marché complexe et éloigné comme la Chine.</p>
<p>Notre étude montre que les ETI familiales allemandes suivent des trajectoires d’internationalisation qui sont liées à leurs structures de gouvernance et à leur volonté de préserver leur richesse socioémotionnelle. Il s’agit de la valeur créée par l’attachement de la famille aux entreprises familiales.</p>
<p>Ces facteurs expliquent pourquoi leurs décisions d’internationalisation ne sont pas uniquement motivées par des objectifs financiers. Dans un contexte de ralentissement économique, les ETI allemandes pourraient ainsi limiter la <a href="https://www.ft.com/content/fceb2528-64de-4c7f-9d48-b0305abb9abb">diminution ou le retrait de leurs investissements en Chine</a>, mais elles devraient privilégier d’autres localisations pour <a href="https://www.reuters.com/markets/europe/derisking-dilemma-how-german-companies-are-tackling-china-risk-2023-10-19/">réduire leur dépendance</a> du marché chinois.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/219131/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>La faible croissance chinoise qui se double d’une récession outre-Rhin constitue un contexte propice à la désinternationalisation des entreprises, même si des exceptions s’observent.Ulrike Mayrhofer, Professeur des Universités à l'IAE Nice et Directrice du Laboratoire GRM, Université Côte d’AzurAlfredo Valentino, Associate Professor, ESCE International Business SchoolAndrea Calabrò, Professeur en Entreprises Familiales & Entrepreneuriat, Directeur de la Chaire de l'Entreprise Familiale Durable et de l'Entrepreneuriat , IPAG Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2183672023-11-28T17:11:35Z2023-11-28T17:11:35ZLes pays de l’Est européen enregistrent de fortes pertes de compétitivité<p>Pour les multinationales, les pays d’Europe de l’Est deviennent de moins en moins attractifs. En effet, on observe une forte perte de <a href="https://theconversation.com/fr/topics/competitivite-21451">compétitivité</a> coût dans la plupart de ces pays depuis 2015 par rapport à la <a href="https://theconversation.com/fr/topics/zone-euro-54680">zone euro</a>. Cette tendance s’observe à la fois dans les pays membres de <a href="https://theconversation.com/fr/topics/union-europeenne-ue-20281">l’Union européenne</a> (UE) qui ont adopté la monnaie commune et dans ceux qui ont conservé leur monnaie nationale.</p>
<p>Parmi les pays entrés dans l’euro, à part le cas de la <a href="https://theconversation.com/la-croatie-dans-la-zone-euro-laboutissement-de-30-ans-de-redressement-economique-202764">Croatie</a> qui n’a adopté que récemment la devise européenne, la croissance du coût salarial unitaire a été très supérieure à celle observée dans l’ensemble de la zone euro. L’augmentation du coût salarial par unité produite, du 1<sup>er</sup> trimestre 2015 au 2<sup>e</sup> trimestre 2023, a en effet été de 73 % en Lituanie, 59 % en Lettonie, 55 % en Estonie, 38 % en Slovaquie et 34 % en Slovénie.</p>
<p><iframe id="YPqL6" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/YPqL6/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Mais si les règles de fonctionnement de la monnaie unique, qui prive notamment les États de la possibilité de dévaluer leur monnaie pour regagner en compétitivité, ont empêché les pays de l’Est de la zone euro de compenser la hausse des salaires induite par une forte inflation, ceux qui ont gardé une monnaie nationale sont quand même confrontés aussi à une augmentation incontrôlée du coût du travail en euros.</p>
<h2>L’impact du taux de change</h2>
<p>En effet, le coût salarial par unité produite dans les pays hors zone monétaire, converti en euros, a augmenté de 67 % en Bulgarie, de 62 % en République tchèque, de 46 % en Roumanie, de 25 % en Pologne et de 19 % en Hongrie entre le 1<sup>er</sup> trimestre 2015 et le 2<sup>e</sup> trimestre 2023.</p>
<p><iframe id="eAko4" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/eAko4/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Sur cette période, la couronne tchèque s’est appréciée de presque 14 % contre l’euro. Le forint hongrois s’est déprécié de 19,7 %. Le zloty polonais s’est déprécié de 7 %. Le leu de la Roumanie s’est déprécié de 9 %. Quant à la Bulgarie, elle pratique un régime de <em>currency board</em>, ou directoire monétaire, avec un taux de change fixe contre l’euro. Le pays a gardé ce régime même après avoir rejoint le mécanisme européen de taux de change, qui aurait permis une certaine volatilité.</p>
<p>Certes, le taux de change par rapport à l’euro a pu aggraver ou réduire les différences de hausse des coûts salariaux en monnaie nationale, une fois convertis en euros. Toutefois, au bilan, on observe bien une perte de compétitivité de ces économies quand bien même leurs États disposaient du levier de la dévaluation.</p>
<h2>Une menace pour l’industrie allemande</h2>
<p>Comme les coûts salariaux unitaires de la plupart des pays de l’Est de l’UE ont augmenté avec une intensité supérieure à ceux de la zone euro, leur attractivité relative s’est quelque peu réduite pour les investissements étrangers. Aussi, les prix de vente en euros des biens et services produits par ces pays sont amenés à être moins inférieurs qu’avant aux prix de vente de ce qui est produit par la zone euro. Comme cette perte de compétitivité est susceptible de déprimer les exportations et de doper les importations des pays concernés, la balance commerciale de ces pays pourrait se dégrader.</p>
<p>Jusqu’à présent, c’est essentiellement en Roumanie que la balance commerciale des biens (hors énergie) s’est continument détériorée depuis 2015, avec une aggravation du déficit. Mais la situation pourrait vite concerner d’autres pays de la région.</p>
<p>Cette situation pose également problème aux partenaires commerciaux européens de cas pays, et surtout à l’Allemagne. En effet, l’industrie allemande a longtemps sous-traité massivement dans les pays de l’Est de l’UE, à bas salaires, ce qui lui permettait de réduire ses coûts. L’augmentation des coûts salariaux réduit cette aubaine dont l’Allemagne a beaucoup profité. Après la perte de l’approvisionnement en gaz russe à bas prix, une autre menace apparaît pour les fondements de la compétitivité de l’industrie de l’Allemagne. Bien sûr, les salaires des pays de l’Est de l’Union européenne sont encore inférieurs à ceux de l’Ouest, mais ils sont à corriger de la productivité, et les écarts se réduisent.</p>
<p><iframe id="6mE9N" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/6mE9N/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/218367/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Eric Dor ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Depuis 2015, les coûts salariaux ont augmenté plus rapidement que dans l’ensemble de la zone euro – que les États aient adopté la monnaie unique ou pas.Eric Dor, Director of Economic Studies, IÉSEG School of ManagementLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2181832023-11-22T17:15:00Z2023-11-22T17:15:00ZStart-up : comment répartir le capital de départ entre fondateurs ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/560399/original/file-20231120-25-ztejpl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=107%2C118%2C1058%2C799&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">En Amérique du Nord, une start-up technologique sur trois environ opte pour une répartition inégale du capital de départ.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://pxhere.com/en/photo/860214">Pxhere</a></span></figcaption></figure><p>Les fondateurs d’une entreprise débutent souvent en équipe afin d’augmenter les ressources disponibles, ce qui implique une décision sur la manière dont le capital de l’entreprise doit être réparti entre les fondateurs. Les fondateurs peuvent choisir une répartition égale, par exemple une allocation de 50 – 50 dans une équipe de deux, ou une répartition inégale, par exemple une allocation de 75 – 25. Les répartitions égales et inégales sont toutes deux fréquentes dans la pratique. Par exemple, <a href="https://doi.org/10.2307/j.ctvcm4hqc">67 % des start-up technologiques nord-américaines</a> optent pour une répartition inégale.</p>
<p>Or, cette décision prise tôt dans le processus entraine d’importantes conséquences sur la performance ultérieure : dans notre <a href="https://doi.org/10.1016/j.emj.2022.12.012">dernier article de recherche</a> publié dans <em>European Management Journal</em>, nous observons que les <a href="https://theconversation.com/fr/topics/start-up-23076">start-up</a> caractérisées par une répartition inégale du capital se développent notamment plus rapidement et réussissent mieux économiquement que celles où les fondateurs ont opté pour une répartition égale.</p>
<h2>Relations sociales</h2>
<p>Notre analyse de plus de 24 000 start-up allemandes montre que les équipes entrepreneuriales avec une répartition inégale atteignent en moyenne un taux de croissance, sur trois ans, supérieur de 1,3 point de pourcentage. De plus, les équipes « inégales » sont plus susceptibles d’intégrer ultérieurement d’autres investisseurs, ce qui explique en partie l’avantage de performance de ces start-up.</p>
<p>Cependant, les équipes « égales » présentent également des avantages. En effet, les fondateurs d’une nouvelle entreprise travaillent étroitement ensemble au quotidien. Ils se soutiennent mutuellement en combinant des perspectives individuelles et en discutant de leurs expériences antérieures. Au moment de fonder une entreprise, l’équipe décide donc de principes selon lesquels elle souhaite fonctionner, et la croissance potentielle n’est pas toujours le principal moteur de décision.</p>
<p>Ces principes constituent la <a href="https://doi.org/10.1037/0033-295X.99.4.689">base de leurs relations sociales</a>. La décision majeure consiste à déterminer si les équipes veulent travailler d’égal à égal ou si elles permettent l’émergence d’un leader. Cette décision se reflète dans une répartition égale ou inégale du <a href="https://theconversation.com/fr/topics/capital-29595">capital</a>. Il est important de souligner que cette décision est parfois prise inconsciemment sans discussion explicite sur le sujet.</p>
<p>Par exemple, dans une start-up allemande dans le secteur du logiciel, l’une des fondatrices nous a déclaré qu’elle avait choisi de commencer dans une équipe à répartition égale car elle était nouvelle dans le secteur. Elle se sentait davantage en sécurité dans la relation d’égalité avec son cofondateur.</p>
<p>Ainsi, la répartition égale était utile pour faire face à l’<a href="https://theconversation.com/fr/topics/incertitude-23726">incertitude</a>. En revanche, pour sa prochaine start-up, elle souhaite prendre la majorité parce qu’elle pourra alors mettre en avant son expérience d’entrepreneure. À l’avenir, elle voudrait bénéficier d’une plus grande liberté dans la prise de décision qu’apporte une part majoritaire de capital.</p>
<h2>Une question de motivation</h2>
<p>Concrètement, les équipes qui choisissent une répartition égale sont caractérisées par une préférence pour l’égalité et l’équité, où les contributions sont basées sur la réciprocité. Ses fondateurs accordent une grande importance à la prise de décision collective et à l’harmonie et sont prêts à renoncer à un certain succès économique pour atteindre cet objectif.</p>
<p>Ainsi, une équipe allemande composée de deux entrepreneurs a développé un nouveau modèle de garderie pour répondre aux lacunes dans ce secteur. Dans l’équipe, chaque fondateur était responsable d’un domaine clairement circonscrit d’égale importance. Ils ont décidé de partager équitablement parce que la confiance était très importante pour eux. De plus, leur principale motivation était de résoudre un problème social, et non de croître rapidement.</p>
<p>Dans les équipes à répartition inégale, au contraire, chacun est censé contribuer proportionnellement à sa part de capital. Ainsi, les fondateurs plus influents sont censés contribuer davantage. Davantage motivées par le succès financier, elles adoptent des stratégies de croissance plus agressives.</p>
<p>Par exemple, l’équipe fondatrice d’une plate-forme guidant les utilisateurs vers des offres à bas prix, qui a participé à notre enquête, était consciente de la nécessité de se développer rapidement. Ses fondateurs ont commencé avec une équipe initiale de trois personnes et une répartition inégale. Après une entrée réussie sur le marché, ils ont activement recherché un investisseur pour rejoindre leur équipe et ont finalement obtenu un investissement qui a contribué à améliorer leur service.</p>
<h2>Un taux de survie similaire</h2>
<p>Lorsqu’ils lancent une nouvelle entreprise, les entrepreneurs doivent donc noter que la décision initiale concernant la répartition du capital peut entrainer des conséquences durables. Nos résultats en Allemagne semblent pouvoir s’appliquer ailleurs, du moins dans un contexte occidental.</p>
<p>Nos résultats n’impliquent pas que toutes les équipes entrepreneuriales devraient choisir une répartition inégale. De fait, l’organisation en répartition égale ou inégale est des modèles viables pour une équipe, car nous observons des taux de survie similaires pour les start-up.</p>
<p>Quant aux investisseurs, ils devraient éviter de limiter leur engagement exclusivement aux équipes entrepreneuriales présentant des répartitions inégales. Bien que les start-up avec une répartition inégale soient en mesure d’assurer des rendements financiers plus élevés, il est possible que les start-up avec une répartition égale fonctionnent mieux lorsque l’équipe fondatrice poursuit des objectifs sociaux ou environnementaux. Ainsi, les investisseurs devraient s’assurer, au préalable, que la structure interne de l’équipe correspond bien aux objectifs poursuivis par celle-ci.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/218183/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Elisabeth Mueller ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Une étude menée en Allemagne montre qu’un partage équitable peut nuire à la performance financière de l’entreprise tout en présentant d’autres avantages.Elisabeth Mueller, Full professor of innovation and entrepreneurship, IÉSEG School of ManagementLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2171372023-11-09T16:42:59Z2023-11-09T16:42:59Z60 ans après le traité de l’Élysée, le « couple » franco-allemand a changé de nature<blockquote>
<p>« Il n’est pas un homme dans le monde qui ne mesure l’importance capitale de cet acte […] parce qu’il ouvre toutes les grandes portes d’un avenir nouveau pour la France, pour l’Allemagne, pour l’Europe et par conséquent pour le monde tout entier ».</p>
</blockquote>
<p>Il y a soixante ans, le 22 janvier 1963, le général Charles de Gaulle et le chancelier Konrad Adenauer signaient ensemble un <a href="https://www.ina.fr/ina-eclaire-actu/video/caf90031143/signature-a-l-elysee-du-traite-de-cooperation-franco-allemand">accord de coopération rédigé en allemand et en français</a>. Destiné à consolider l’amitié franco-allemande, à consacrer la solidarité entre les peuples français et allemand et à renforcer le rôle moteur du couple franco-allemand dans la construction européenne, le texte posait les bases d’une union et d’une coopération politique, économique, en matière de défense, de politique étrangère, d’éducation et de jeunesse. La réconciliation du peuple allemand et du peuple français marquait ainsi la fin de la rivalité, historique, de la France et de l’Allemagne.</p>
<h2>Des relations sans équivalent</h2>
<p>Depuis a émergé l’expression du « couple » franco-allemand, qui ne renvoie pas uniquement à la proximité géographique entre les deux pays ou à la nécessaire gestion d’une frontière commune. Ce terme témoigne surtout des relations étroites de la France et de l’Allemagne, dans de nombreux domaines depuis la gestion des frontières jusqu’au rapprochement des populations.</p>
<p>Qu’il s’agisse, en effet, de géopolitique, de culture ou encore de coopération universitaire, les relations entre la France et l’Allemagne ne semblent pas connaitre d’équivalent. D’abord parce qu’elles s’inscrivent dans une histoire dense et riche, ensuite parce qu’elles intéressent de nombreux domaines. Enfin, parce que la signature du traité de l’Élysée en 1963 ne fut pas un moment dans l’histoire, mais le début d’un long processus régulièrement marqué par la volonté réitérée des dirigeants français et allemand de rappeler l’intensité de la coopération et de l’amitié entre les deux pays.</p>
<p>Ainsi, 40 ans après la signature du traité de l’Élysée, le 22 janvier 2003, le président français Jacques Chirac et le chancelier Gerhard Schröder ont posé les bases d’une concertation structurée en créant le <a href="https://www.diplomatie.gouv.fr/fr/dossiers-pays/allemagne/relations-bilaterales/les-conseils-des-ministres-franco-allemands/">Conseil des ministres franco-allemand</a> ayant pour mission d’assurer la coopération entre les deux États. Dans chaque pays, un secrétaire général coordonne désormais la préparation de ces conseils, qui se tiennent 1 à 2 fois par an, et assure le suivi des décisions entreprises.</p>
<p>Dans cette perspective, de nombreux axes de coopération ont été définis et mis en œuvre grâce à la création de structures binationales dans de nombreux domaines : concertation politique, défense et de sécurité (CFADS), environnement (CFAE), économie et finance (CEFFA), culture (HCCFA), jeunesse…</p>
<h2>Un moteur de la construction européenne</h2>
<p>Pilier de la construction européenne, le traité de l’Élysée a été réaffirmé, cinquante-six ans plus tard, le 22 janvier 2019 à Aix-la-Chapelle, par le président Emmanuel Macron et la chancelière Angela Merkel. Il s’agissait alors de consacrer le rôle moteur du « couple franco-allemand » non plus dans la construction, mais dans l’intégration européenne qui constitue le fil conducteur de la concertation entre la France et l’Allemagne.</p>
<p>Paris et Berlin entendaient ainsi approfondir et élargir la coopération entre la France et l’Allemagne, « dans le but d’aller de l’avant sur la voie d’une Europe prospère et compétitive, plus souveraine, unie et démocratique » et de « définir des positions communes sur toutes les questions européennes et internationales importantes ».</p>
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<figcaption><span class="caption">Signature du traité franco-allemand d’Aix-la-Chapelle, déclaration d’Emmanuel Macron (Élysée, 2019).</span></figcaption>
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<p>En d’autres termes, la coopération franco-allemande, loin de se cantonner à une dimension binationale doit être comprise aux niveaux européen et international. Historiquement, en effet, le « couple » franco-allemand s’est construit autour de la résolution des rapports de pouvoirs entre la France et l’Allemagne au niveau interne, comme élément d’équilibre favorisant la construction européenne, comme au niveau externe, renforçant le rôle de l’Europe dans la résolution des difficultés géopolitiques.</p>
<h2>Un renforcement du poids de l’Europe dans le monde</h2>
<p>Moteur du développement européen, la relation franco-allemande reste unique dans et hors de l’Europe, ce qui lui confère un poids politique essentiel dans la définition de la politique étrangère et le développement de la souveraineté européenne. Lors de leur déclaration commune, en 1963, le président de Gaulle et le chancelier Adenauer avaient déjà souligné le rôle déterminant de la relation franco-allemande qui « ouvre toutes les grandes portes d’un avenir nouveau pour la France, pour l’Allemagne, pour l’Europe et par conséquent pour le monde tout entier ».</p>
<p>Plus récemment, par une déclaration conjointe, la France et l’Allemagne ont réaffirmé leur détermination, aux côtés de leurs alliés et de leurs partenaires du monde entier, « à défendre les valeurs et les intérêts européens ainsi qu’à préserver l’ordre international fondé sur les principes de la Charte des Nations unies ». Mise à l’épreuve des bouleversements géopolitiques, de la pandémie du Covid-19, de la définition d’un modèle énergétique européen ou encore de la politique monétaire, l’intimité du couple franco-allemand ne va cependant pas sans crispation.</p>
<p>Si les déclarations communes rappellent et réaffirment la volonté de renforcer toujours plus les liens entre la France et l’Allemagne, la question se pose de l’avenir de ces relations. Au-delà de la définition des politiques de concertations et de coopération, l’amitié franco-allemande se nourrit en effet des relations entre les citoyens français et allemands.</p>
<p>Lors de la signature du traité de l’Élysée, le président de Gaulle et le chancelier Adenauer soulignaient l’importance « de la solidarité qui unit les deux peuples tant du point de vue de leur sécurité que du point de vue de leur développement économique et culturel » et le rôle déterminant que la jeunesse se trouve appelée à jouer dans la consolidation de l’amitié franco-allemande.</p>
<h2>Quel avenir pour l’amitié franco-allemande ?</h2>
<p>De fait, de nombreuses initiatives ont été mises en œuvre pour favoriser les échanges scolaires et universitaires afin de favoriser l’interculturalité, la compréhension de la culture du partenaire et l’acceptation des différences. Par exemple, depuis 1963 l’Office franco-allemand pour la Jeunesse (OFAJ – DFJW) a permis à près de <a href="https://www.ofaj.org/">9,5 millions de jeunes de participer à plus de 382 000 programmes d’échanges</a>.</p>
<p>Symbole de l’intégration franco-allemande, le <a href="https://www.education.gouv.fr/reussir-au-lycee/le-baccalaureat-franco-allemand-3929">baccalauréat franco-allemand</a> vient par exemple couronner, par un examen passé dans les deux langues, des études binationales et biculturelles. Si seuls trois lycées (Buc, Fribourg, Sarrebruck) préparent aujourd’hui au baccalauréat franco-allemand, l’ouverture d’établissements supplémentaires est à l’étude.</p>
<p>De la même façon, <a href="https://www.dfh-ufa.org/en/">l’université franco-allemande</a> (UFA – DFS) favorise la coopération franco-allemande dans l’enseignement supérieur. Elle a pour mission de promouvoir les relations et les échanges entre établissements d’enseignement français et allemands, en apportant son soutien à des projets binationaux dans le domaine de l’enseignement, tant au niveau des premiers que des seconds cycles, de la recherche et de la formation de futurs chercheurs.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/557749/original/file-20231106-19-wcyk7l.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/557749/original/file-20231106-19-wcyk7l.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=322&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/557749/original/file-20231106-19-wcyk7l.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=322&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/557749/original/file-20231106-19-wcyk7l.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=322&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/557749/original/file-20231106-19-wcyk7l.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=404&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/557749/original/file-20231106-19-wcyk7l.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=404&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/557749/original/file-20231106-19-wcyk7l.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=404&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">L’acte fondateur des lycées franco-allemands se trouve dans le traité de l’Elysée du 22 janvier 1963.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Schrifttafeln_am_Deutsch-Franz%C3%B6sischen_Gymnasium_in_Freiburg-Oberau.jpg">Andreas Schwarzkopf/Wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
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<p>Au niveau collectif, la tendance semble donc bien favorable au renforcement de la coopération franco-allemande. Pour autant, au niveau individuel, la coopération franco-allemande se heurte à la <a href="https://www.lesechos.fr/politique-societe/societe/education-lenseignement-de-lallemand-en-perte-de-vitesse-1870805">désaffection de l’apprentissage de la langue allemande</a> par les lycéens : la baisse constante des collégiens et lycéens choisissant l’enseignement de l’allemand se poursuit de façon constante et dramatiquement stable depuis plusieurs années.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/fermeture-de-plusieurs-instituts-goethe-en-france-une-decision-dommageable-pour-la-relation-franco-allemande-216849">Fermeture de plusieurs Instituts Goethe en France : une décision dommageable pour la relation franco-allemande</a>
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<p>Sous cet éclairage, les acteurs de <a href="https://theconversation.com/fr/topics/enseignement-superieur-20797">l’enseignement supérieur</a> public comme privé ont un rôle majeur à jouer afin de rendre compte non seulement de l’importance politique et géopolitique de la maîtrise des langues allemandes et françaises, mais aussi pour rendre compte du dynamisme économique de la coopération franco-allemande. Sous cet éclairage, parler les deux langues dans un domaine d’expertise apparaît comme un atout majeur pour les candidats au recrutement au niveau européen et international.</p>
<p>À ce jour, les programmes franco-allemands proposés dans l’enseignement supérieur constituent donc pour les étudiants maîtrisant les deux langues la garantie de valoriser une compétence particulièrement recherchée dans le monde professionnel.</p>
<p>Conformément au souhait du général de Gaulle et du chancelier Adenauer, les cursus franco-allemands témoignent de l’importance de la coopération franco-allemande non seulement aux niveaux culturel et académique mais aussi au niveau économique : aujourd’hui comme il y a soixante ans, l’amitié franco-allemande « ouvre toutes les grandes portes d’un avenir nouveau pour la France, pour l’Allemagne, pour l’Europe et par conséquent pour le monde tout entier ». <em>Es lebe die deutsch-französische Freundschaft !</em> (Vive l’amitié franco-allemande !)</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/217137/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>La coopération entre la France et l’Allemagne ne se cantonne plus à une dimension binationale et doit désormais être comprise aux niveaux européen et international.Gaëlle Deharo, Enseignant chercheur en droit privé, ESCE International Business SchoolMadeleine Janke, Professur für Betriebliches Rechnungswesen, Hochschule für Wirtschaft und Recht BerlinLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2168492023-11-05T18:23:04Z2023-11-05T18:23:04ZFermeture de plusieurs Instituts Goethe en France : une décision dommageable pour la relation franco-allemande<p>Au terme d’un « dialogue stratégique » mené avec le ministère allemand des Affaires étrangères, la Direction centrale des Instituts Goethe, domiciliée à Munich, a fait part le 27 septembre 2023 de son <a href="https://www.goethe.de/de/uun/prs/pma/goethe-institut-beschliesst-um.html">intention de procéder à une « transformation globale » de son réseau dans le monde</a>.</p>
<p><a href="https://www.goethe.de/ins/fr/fr/index.html">L’Institut Goethe</a>, association de droit privé largement dépendante des subsides de l’État fédéral, compte aujourd’hui 158 centres culturels dans 98 pays. </p>
<p>Fin 2023, une <a href="https://www.spiegel.de/kultur/goethe-institute-muessen-sparen-die-axt-an-die-wurzeln-a-32ba820c-e881-4e9d-85c8-b5d9bad97fe1?giftToken=6a089dbc-df0d-4fde-8f1a-50455c20eaf8">dizaine de ses centres culturels seront fermés</a>, dont trois en France – Bordeaux et Lille, ainsi que le bureau de liaison installé à Strasbourg –, trois en Italie (Gènes, Turin et Naples) et d’autres également à Osaka, Rotterdam et même à Washington, en raison des coûts particulièrement élevés engendrés par l’institut dans la capitale des États-Unis. Ces fermetures – qui entraîneraient la suppression de 110 emplois et permettraient à l’État fédéral allemand de vendre les bâtiments où les centres étaient installés – ont suscité de nombreuses protestations. </p>
<h2>Une décision qui va à l’encontre de la mission fixée aux Instituts Goethe</h2>
<p>La fermeture de ces dix centres est officiellement justifiée par la volonté des autorités allemandes de s’en remettre aux nouvelles technologies pour favoriser les échanges et, surtout, de s’adapter aux nouvelles conditions géopolitiques et climatiques que connaît le monde et de faire face aux contraintes financières engendrées par ce que le <a href="https://legrandcontinent.eu/fr/2022/02/28/le-jour-ou-la-politique-etrangere-allemande-a-change/">chancelier Scholz a appelé un « changement d’époque » (<em>Zeitenwende</em>)</a> suite à la guerre d’agression menée par la Russie contre l’Ukraine.</p>
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<p>Les économies ainsi réalisées, de l’ordre de 24 millions d’euros par an, permettraient de financer l’installation de nouveaux centres culturels en Europe de l’Est et dans le Caucase, ainsi que dans le Pacifique Sud, région qui supporte le plus directement les effets du changement climatique.</p>
<p>Pour la France, le choix des instituts à fermer n’est pas sans rappeler la vague de fermetures envisagée au tournant du millénaire qui devait concerner Marseille, Toulouse, Bordeaux et Lille. La vigueur des protestations des municipalités comme de la société civile avait pourtant permis, à l’époque, de conclure des compromis, à vrai dire au prix de coupes sombres dans les budgets et de la vente de quelques bâtiments. À Lille, le premier Institut Goethe à avoir été ouvert en France (en 1957) avait dû fermer sa bibliothèque, dont l’essentiel des volumes avait été réparti entre les bibliothèques universitaire et municipales, et abandonner ses cours de langue. L’Institut Goethe de Lille, qui n’occupe plus, en location, que 15 % de son ancien bâtiment, était devenu une antenne de celui de Paris.</p>
<p>Avec une équipe réduite à 4 puis à 2 personnes, il a pourtant joué jusqu’à maintenant le rôle actif d’un relais linguistique et culturel allemand dans le Nord et le Pas-de-Calais – et au-delà – tout en conservant sa spécialisation comme filmothèque.</p>
<p>La situation du centre de Bordeaux est plus étonnante encore. L’Allemagne a acheté son bâtiment dans les années 1990 ; celui-ci a fait alors l’objet d’une importante rénovation. À l’occasion de l’installation dans ses locaux du Consulat général d’Allemagne en 2005, de nouveaux travaux y ont été réalisés. La bibliothèque a été sauvée en 2006 grâce au soutien des bibliothèques universitaires et municipales de la ville ainsi que de la Région et du Département. Le Goethe-Institut de Bordeaux a fêté cette année son 50<sup>e</sup> anniversaire ; son ancienne bibliothécaire lui a consacré un hommage riche et passionnant dans un <a href="https://www.cairn.info/revue-allemagne-d-aujourd-hui-2023-2-page-180.htm">livre qui vient de paraître</a>.</p>
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<p>Les arguments avancés pour justifier ces fermetures sont d’autant plus étonnants qu’ils entrent en contradiction avec les <a href="https://www.goethe.de/resources/files/pdf288/gi_vision_strategie_broschuere_1209-einzel-v1.pdf">principes directeurs des Instituts Goethe et les valeurs qu’ils défendent</a>. La mission des instituts Goethe est, en effet, de propager l’apprentissage de la langue et de la culture allemandes dans le monde et, est-il précisé en 2023, d’y conforter les valeurs de la démocratie et de combattre l’illibéralisme et les populismes et nationalismes naissants. Or ces phénomènes ne sont pas étrangers aux sociétés française et italienne…</p>
<p>Pour la France vient s’ajouter le fait que 2023 est l’année du 60<sup>e</sup> anniversaire du <a href="https://de.ambafrance.org/Texte-du-Traite-de-l-Elysee-22">Traité de l’Élysée</a> qui, de même que le <a href="https://www.diplomatie.gouv.fr/fr/dossiers-pays/allemagne/relations-bilaterales/le-traite-d-aix-la-chapelle-sur-la-cooperation-et-l-integration-franco/article/le-traite-d-aix-la-chapelle-sur-la-cooperation-et-l-integration-franco#sommaire_">traité d’Aix-la-Chapelle</a> qui est venu le compléter en 2019, prône l’apprentissage de la langue du pays voisin et la connaissance de sa culture et de sa civilisation.</p>
<p>Or l’apprentissage de l’allemand est en <a href="https://www.ouest-france.fr/education/enseignement/penurie-de-professeurs-desinteret-des-eleves-l-apprentissage-de-l-allemand-recule-daafbf88-f878-11ec-9ba9-7c7737bde7fe">net recul en France</a> depuis une vingtaine d’années.</p>
<h2>Levée de boucliers en France et en Allemagne</h2>
<p>L’annonce de ces fermetures a provoqué de multiples protestations, en particulier en France où des <a href="https://ages-info.org/fr/2023/10/26/motion-de-lages-contre-la-fermeture-du-goethe-institut-a-bordeaux-lille-et-strasbourg/">pétitions</a> ont en <a href="https://www.change.org/p/non-%C3%A0-la-disparition-du-goethe-institut-de-bordeaux">peu de temps</a> recueilli des <a href="https://www.change.org/p/s-opposer-%C3%A0-la-fermeture-de-trois-goethe-instituts-en-france?recruiter=1186854501&recruited_by_id=70587c20-8668-11eb-ba6d-231cb01c15c4&utm_source=share_petition&utm_campaign=petition_dashboard&utm_medium=copylink">milliers de signatures</a>.</p>
<p>Les <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2023/10/06/l-institut-goethe-va-fermer-deux-de-ses-cinq-sites-francais_6192705_3210.html">médias</a> ont pour leur part fait leur travail d’explication et d’analyse, répercutant <a href="https://www.sudouest.fr/culture/le-choc-et-l-incomprehension-a-l-annonce-de-la-fermeture-du-goethe-institut-de-bordeaux-16908049.php">l’incompréhension</a> des autorités <a href="https://www.lavoixdunord.fr/1380553/article/2023-10-03/fermeture-du-goethe-institut-de-lille-un-tres-mauvais-signal-envoye-par-l">régionales et locales</a>.</p>
<p>Brigitte Klinkert, coprésidente de l’Assemblée parlementaire franco-allemande, créée en 2019 par un accord entre l’Assemblée nationale et le Bundestag, a cosigné avec son homologue allemand Nils Schmid une <a href="https://www.lemonde.fr/idees/article/2023/10/17/en-diffusant-la-langue-et-la-culture-allemande-en-france-les-instituts-goethe-menent-un-travail-d-interet-europeen_6194989_3232.html">tribune dans <em>Le Monde</em></a> qui conclut :</p>
<blockquote>
<p>« Ce n’est pas simplement la fidélité à notre histoire commune qui doit commander la sauvegarde de ces instituts, mais bien le signe que nous souhaitons continuer de construire l’avenir ensemble. »</p>
</blockquote>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1710315751008346510"}"></div></p>
<p>Le monde politique et les médias allemands <a href="https://www.trtdeutsch.com/news-europa/emporung-uber-schliessung-von-goethe-instituten-in-frankreich-15262623">n’ont pas été en reste</a>.</p>
<p>Dès le 5 octobre, Armin Laschet – ancien ministre-président du Land de Rhénanie-Westphalie du Nord –, Volker Ulllrich et Andreas Jung, tous deux députés au Bundestag, tous trois du parti chrétien-démocrate (CDU, aujourd’hui dans l’opposition à Berlin), ont sur la radio <em>Deutschlandfunk</em> lancé un appel au chancelier Scholz pour qu’il revienne sur ces fermetures. Anke Rehlinger (SPD), dans ses fonctions de représentante plénipotentiaire de la République fédérale d’Allemagne pour les relations culturelles entre la France et l’Allemagne, a vivement critiqué la fermeture d’Instituts Goethe en France tandis que le secrétaire général allemand de l’Office franco-allemand pour la jeunesse (OFAJ), Tobias Bütow, estimait que ces fermetures « étaient contraires aux valeurs défendues par le traité de l’Élysée ».</p>
<p>Les grands journaux allemands se sont fait l’écho des protestations en France, l’article le plus retentissant étant celui de la <em>Süddeutsche Zeitung</em> (SZ) du 5 octobre 2023, sous la plume de Nils Minkmar, intitulé <a href="https://www.sueddeutsche.de/kultur/goethe-institute-baerbock-frankreich-1.6272995?reduced=true">« Fuck you, Goethe »</a>, dans lequel l’auteur estime que ces fermetures en Europe représentent « une catastrophe stratégique en matière de politique culturelle » et que l’on a besoin de plus et non pas de moins d’Instituts Goethe dans le monde.</p>
<p>La <em>SZ</em> <a href="https://www.sueddeutsche.de/kultur/goethe-institute-schliessung-annalena-baerbock-1.6278376?reduced=true">enfonce le clou quelques jours plus tard</a> pour dénoncer ce qu’elle appelle « le mépris et l’ignorance crasse » de la ministre des Affaires étrangères Annalena Baerbock envers la culture, à un moment où les relations franco-allemandes sont au plus bas.</p>
<h2>Quelles solutions possibles ?</h2>
<p>L’affaire a été abordée lors du <a href="https://de.ambafrance.org/Seminaire-franco-allemand-a-Hambourg-20585">séminaire franco-allemand de Hambourg</a>, le 10 octobre dernier, par le chancelier allemand et le président français. Olaf Scholz a habilement repris les arguments avancés par la présidente du Goethe-Institut, Carola Lentz, affirmant que cette transformation du réseau culturel allemand était orientée vers l’avenir et ne compromettait nullement l’amitié franco-allemande. Emmanuel Macron, pour sa part, a fait remarquer que la France, elle, ne fermait pas d’instituts culturels français en Allemagne.</p>
<p>Qu’en est-il au juste ? Il y aurait plus de vingt centres culturels français, mais leurs budgets sont, au total, inférieurs à celui de l’ensemble des Instituts Goethe aujourd’hui en France. La France compte en fait, en Allemagne, 13 instituts culturels de plein exercice (Berlin, Brème, Dresde, Düsseldorf, Francfort/Main, Hambourg, Cologne, Leipzig, Mayence, Munich, Saxe-Anhalt, Stuttgart, Thuringe) et 12 autres qui sont des centres culturels franco-allemands (Aix-la-Chapelle, Bonn, Erlangen, Essen, Fribourg, Hanovre, Karlsruhe, Kiel, Mannheim, Rostock, Sarrebruck et Tübingen). Ce sont ces centres franco-allemands qui méritent de retenir l’attention.</p>
<p>Le foisonnement des centres culturels français en Allemagne est le résultat de la politique culturelle qu’y a menée la France, principalement <a href="https://www.cairn.info/l-allemagne-occupee-1945-1949%E2%80%939782870273678-page-201.htm">dans sa zone d’occupation après la Seconde Guerre mondiale</a>, puis après l’unification de l’Allemagne en 1990.</p>
<p>Quand la France a repensé sa politique culturelle quelques années plus tard et cherché, dans un souci d’économies, à fermer un nombre non négligeable de ses centres culturels, les collectivités territoriales allemandes sont intervenues pour les sauvegarder. Ce fut le cas, notamment, à Essen, Erlangen, Fribourg et Tübingen.</p>
<p>L’exemple de Karlsruhe est particulièrement intéressant. Le <a href="https://ccfa-ka.de/fr/">Centre culturel franco-allemand de Karlsruhe</a> (CCFA) est administré par une fondation présidée par le maire de Karlsruhe en charge des affaires culturelles de la ville. Le Conseiller culturel de l’ambassade de France à Berlin fait partie du conseil de la fondation, tout comme le Consul général de France de Stuttgart et la directrice du centre culturel, actuellement Marlène Rigler. Un représentant du ministère pour la Culture, la Jeunesse et le Sport du Land de Bade-Wurtemberg y siège également. Ouvert en 1952, le centre de Karslruhe doit sa survie en 2001 à un <a href="https://stadtlexikon.karlsruhe.de/index.php/De:Lexikon:ins-0862">accord entre la France, la municipalité de Karlsruhe et du Land de Bade-Wurtemberg.</a> Le côté allemand a su faire les démarches et mobiliser les moyens nécessaires pour préserver un acquis jugé essentiel de la relation franco-allemande.</p>
<p>Pourquoi la même chose ne serait-elle pas possible aujourd’hui en France pour sauvegarder les Instituts Goethe menacés de fermeture par une décision comptable et non pas stratégique de leur direction centrale ? Pour y parvenir, cela implique que l’Allemagne ne considère pas sa politique culturelle extérieure comme son affaire exclusive et qu’en France régions et municipalités surmontent l’idée que ce serait l’affaire de la seule Allemagne et pas la leur aussi, et inaugurent sur le modèle pratiqué en Allemagne une <a href="https://www.lemonde.fr/idees/article/2023/10/22/fermeture-de-trois-instituts-goethe-la-politique-culturelle-des-etats-n-est-pas-une-simple-question-de-souverainete-nationale_6195897_3232.html">nouvelle forme de coopération culturelle franco-allemande</a>.</p>
<p>D’autant que La France et l’Allemagne se sont déclarées prêtes en 2019 à pratiquer de nouvelles formes de coopération culturelle. Le 2<sup>e</sup> des <a href="https://www.diplomatie.gouv.fr/fr/dossiers-pays/allemagne/relations-bilaterales/le-traite-d-aix-la-chapelle-sur-la-cooperation-et-l-integration-franco/">15 projets prioritaires identifiés par le Traité d’Aix-la-Chapelle</a> prévoit la création d’instituts culturels franco-allemands intégrés à Rio de Janeiro, Palerme, Erbil et Bichkek, ainsi que la co-localisation de cinq instituts français et allemands à Cordoba, Atlanta, Glasgow, Minsk et Ramallah. Il est précisé que le premier Institut culturel franco-allemand, « Kultur Ensemble », a ouvert ses portes à Palerme en juin 2021. Pourquoi pas à Bordeaux, Lille et Strasbourg, pourquoi pas également une coopération semblable en Italie et aux Pays-Bas ? Plutôt que de fermer, il suffirait de rouvrir les dossiers pour entamer des négociations avec les partenaires français, italiens ou néerlandais.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/216849/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jérôme Vaillant ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Alors que la pratique de l’allemand recule en France, l’Allemagne vient d’annoncer la fermeture de plusieurs Instituts Goethe, chargés de diffuser la culture allemande dans le monde.Jérôme Vaillant, Professeur émérite de civilisation allemande, Université de LilleLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2154722023-10-17T19:33:43Z2023-10-17T19:33:43ZRestauration de l’ISF : une voie climatique et européenne ?<p>Depuis quelques mois, la petite musique du retour d’un <a href="https://theconversation.com/topics/impot-de-solidarite-sur-la-fortune-isf-63772">impôt sur la fortune</a> (ISF) se fait entendre en France et en Europe. Plusieurs initiatives venant d’horizons politiques différents ont (ré)inscrit la fiscalité du patrimoine à l’agenda médiatique et politique.</p>
<p>Tout récemment, Jean-Paul Mattei, Président du groupe MoDem à l’Assemblée nationale, allié à la majorité, s’est prononcé, dans un <a href="https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/rapports/cion_fin/l16b1678_rapport-information">rapport parlementaire</a>, en faveur d’un ISF européen afin de financer la <a href="https://theconversation.com/topics/transition-ecologique-66536">transition écologique</a>. Au début de l’été, les députés européens sociaux-démocrates Aurore Lalucq et Paul Magnette déposaient, eux, auprès de la Commission européenne une demande « d’initiative citoyenne européenne » sur le sujet. Si elle recueille un million de signatures dans au moins sept pays en un an, elle pourrait déboucher sur l’élaboration d’une directive européenne instaurant un « impôt sur la fortune écologique et social » ciblant les <a href="https://www.tax-the-rich.eu/">1 % des ménages les plus riches</a>.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1708129413378748704"}"></div></p>
<p>Un mois plus tard, en juillet, la Commission a enregistré la demande, permettant de lancer la collecte des signatures. Au même moment, la publication d’une étude commandée par le groupe écologiste au Parlement européen et réalisée par l’ONG Tax Justice Network montrait qu’un impôt européen sur les 0,5 % des super-riches rapporterait chaque année <a href="https://taxjustice.net/wp-content/uploads/2023/06/Policy-brief-climate-justice_2206.pdf">213 milliards d’euros</a>, venant renforcer les arguments des défenseurs de ce type d’impôt.</p>
<p>L’idée d’un ISF vert se retrouvait également, à l’échelle nationale, au sein du document rendu au mois de mai par Jean Pisani-Ferry, professeur d’économie à Sciences Po Paris et contributeur du programme économique d’Emmanuel Macron en 2017, et Selma Mahfouz, inspectrice générale des finances. Dans ce texte rédigé à la demande de la Première ministre Élisabeth Borne, ils proposent la création d’un impôt exceptionnel et temporaire sur le patrimoine financier des ménages les plus aisés, devant rapporter environ 5 milliards d’euros par an jusqu’en 2050, afin de financer la transition écologique.</p>
<p>Ces différentes initiatives sont d’autant plus remarquables qu’elles s’inscrivent dans un contexte de quasi-disparition de l’Impôt sur la Fortune en Europe. En 2023, dans l’Union européenne, seule l’Espagne collecte encore un impôt sur la richesse, à partir d’un seuil de 700 000 euros et selon des taux qui varient selon les communautés autonomes. S’il paraît peu vraisemblable que pareil impôt soit restauré à l’échelle nationale, du moins en France et en Allemagne, pays qui ont fait l’objet de nos <a href="https://www.editions-msh.fr/livre/vie-et-mort-de-limpot-sur-la-fortune/">travaux</a>, le débat semble bien différent à l’échelle de l’Europe lorsque s’y mêle les questions climatiques.</p>
<h2>Supprimé en France, suspendu en Allemagne</h2>
<p>En France, la suppression de l’ISF a été une des premières mesures fiscales du président Emmanuel Macron, en le remplaçant par un impôt sur la fortune immobilière, l’IFI. Celui-ci a considérablement fait diminuer les recettes fiscales : l’ISF a rapporté <a href="https://www.lesechos.fr/economie-france/budget-fiscalite/lisf-a-connu-une-derniere-annee-faste-136017">4 milliards d’euros</a> aux caisses publiques en 2017, l’IFI <a href="https://www.capital.fr/votre-argent/impot-sur-la-fortune-immobiliere-le-nombre-de-declarants-en-forte-hausse-les-recettes-aussi-1472111#:%7E:text=L%E2%80%99Imp%C3%B4t%20sur%20la%20fortune,des%20Finances%20publiques%20(DGFiP)">2,35 milliards</a> en 2022. Son efficacité sur l’exil fiscal ou la compétitivité du pays reste en <a href="https://www.lesechos.fr/economie-france/budget-fiscalite/impots-les-effets-encore-mitiges-de-la-reforme-de-lisf-1355008">débat</a>.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/553278/original/file-20231011-15-30s19l.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/553278/original/file-20231011-15-30s19l.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/553278/original/file-20231011-15-30s19l.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=889&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/553278/original/file-20231011-15-30s19l.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=889&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/553278/original/file-20231011-15-30s19l.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=889&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/553278/original/file-20231011-15-30s19l.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1117&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/553278/original/file-20231011-15-30s19l.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1117&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/553278/original/file-20231011-15-30s19l.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1117&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="attribution"><a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
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<p>En Allemagne, l’impôt sur la fortune est toujours inscrit dans la <a href="https://www.btg-bestellservice.de/pdf/80202000.pdf">Loi fondamentale</a> (qui joue le rôle de Constitution) bien qu’il ne soit plus prélevé depuis une décision du Tribunal constitutionnel fédéral datant du 22 juin 1995. Celui-ci considérait que l’ISF ne respectait pas le principe de l’égalité devant l’impôt.</p>
<p>Le patrimoine immobilier était en effet évalué sur la base des valeurs foncières de 1964 tandis que la détention d’un patrimoine financier était estimée à la valeur du marché. Le patrimoine immobilier étant moins taxé que le patrimoine financier, la cour constitutionnelle demanda au gouvernement de Helmut Kohl de réviser les valeurs immobilières sur lesquelles était basé l’impôt sur la fortune avant le 31 décembre 1996. Le gouvernement Kohl ne modifiant pas ces valeurs, l’impôt fut automatiquement suspendu – et non pas supprimé – le 1<sup>er</sup> janvier 1997.</p>
<h2>Un retour improbable à l’échelle nationale</h2>
<p>Depuis, au sein de ces deux pays souvent décrits comme les moteurs de l’Europe, la question d’un retour de cette forme d’imposition du capital revient très fréquemment sur le devant de la scène. En Allemagne, tous les partis de gauche l’inscrivent à leur programme lors de chaque élection législative. Mais à l’exception de die Linke, le parti d’extrême gauche en <a href="https://www.cairn.info/load_pdf.php?ID_ARTICLE=ALL_238_0120&download=1">perte de vitesse</a> depuis les élections de 2021, personne ne passe à l’acte.</p>
<p>Des <a href="https://www.cairn.info/revue-gouvernement-et-action-publique-2020-4-page-29.htm?ref=doi">entretiens</a> que nous avons réalisés auprès de députés SPD et Grünen entre 2010 et 2016 montrent que la défense de l’impôt sur la fortune n’est qu’une façade. Elle semble avoir principalement vocation à rallier des soutiens à la fois électoraux, associatifs et syndicaux mais pas à être inscrit aux différents contrats de coalition négociés au fil des années. En 2021, lorsque le SPD et les Grünen s’allient au Parti libéral (FDP, droite) pour former un nouveau Gouvernement et alors qu’ils sont en position de force pour réintroduire un impôt sur les plus riches, y compris par le biais d’une taxe temporaire, les deux partis écartent rapidement et sans réelle surprise cette éventualité.</p>
<p>En France, toutes les stratégies de réintroduction de l’ISF se sont également heurtées à une fin de non-recevoir de la part d’Emmanuel Macron. Dès le lendemain de la remise du rapport Pisani-Mahfouz, son ministre de l’Économie Bruno Le Maire <a href="https://www.ouest-france.fr/environnement/ecologie/transition-ecologique/le-gouvernement-ecarte-lidee-dun-impot-sur-les-plus-riches-pour-financer-la-transition-ecologique-7d0442de-f96f-11ed-b43f-8b3773bbbed4">écartait l’idée</a> d’ISF vert en déclarant que la création d’un nouvel impôt « n’est pas la solution ».</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1663796704699621377"}"></div></p>
<p>Cette situation tient en grande partie aux transformations des débats sur ce type d’impôt. Pensé à l’origine comme un impôt de solidarité destiné à financer le RMI en France, ou comme une ressource budgétaire pour les Länder en Allemagne, le cadrage des débats politiques sur l’impôt la fortune a rapidement basculé vers ses <a href="https://www.cairn.info/load_pdf.php?ID_ARTICLE=GAP_173_0037&download=1">effets sur les entreprises</a>. Si les biens professionnels ont été exclus de l’assiette de l’impôt, ses opposants sont néanmoins parvenus à l’associer à une <a href="https://www.editions-msh.fr/livre/vie-et-mort-de-limpot-sur-la-fortune/">forme d’impôt sur les sociétés déguisé</a> et non plus sur les particuliers. Si on en croit leurs discours, l’ISF conduirait à un exil des plus fortunés dans un contexte de concurrence fiscale entre États, à une fuite des capitaux et à une perte d’emplois par la nation.</p>
<h2>Une solution européenne ?</h2>
<p>Pris dans cette impasse, les partisans de la restauration d’un impôt sur la fortune semblent avoir adapté leur stratégie, en déplaçant la lutte à une autre échelle, l’Europe, et en la liant à un nouvel enjeu : l’écologie.</p>
<p>Sur ce dernier point, l’analyse d’archives parlementaires de la période 2010-2016 montre qu’aucun parti, en France ou en Allemagne, y compris chez les écologistes, n’utilisait ce cadrage politique. La question de la réduction des inégalités sociales et économiques par l’impôt laisse donc place à un enjeu potentiellement plus consensuel et susceptible de recueillir de plus vastes soutiens. Le fait que des économistes proches de la majorité présidentielle française, comme Jean Pisani-Ferry, ou des députés qui en sont membres, comme Jean-Paul Mattei, s’engagent sur ce sujet montre que cette stratégie fonctionne dans une certaine mesure.</p>
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<p>L’européanisation des politiques fiscales constitue également une ressource politique pour les soutiens de l’ISF. Cette stratégie a déjà été observée dans le cas d’autres politiques publiques comme la <a href="https://www.cairn.info/revue-politique-europeenne-2015-3-page-116.htm">réforme du code du travail au Portugal</a>. En passant à l’échelle européenne, les défenseurs de l’ISF court-circuitent la critique d’un affaiblissement des entreprises nationales dans la compétition économique européenne. C’est certainement cette dimension qui conduit Bercy à ne pas écarter l’idée d’un ISF européen, l’entourage de Bruno Le Maire ayant répondu <a href="https://www.lemonde.fr/politique/article/2023/09/25/budget-2024-le-modem-propose-la-creation-d-un-isf-vert_6190938_823448.html">« pourquoi pas ? »</a> à cette l’éventualité quand il rejetait peu de temps auparavant les propositions de Selma Mahfouz et Jean-Pisani Ferry.</p>
<p>D’autre part, l’initiative citoyenne européenne, si elle atteint son objectif, légitimera la position des partisans de l’ISF, leur permettant de mobiliser une hypothétique « opinion publique » européenne. Celle-ci semble par ailleurs favorable à la taxation de la richesse dans de nombreux pays, <a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2019/09/09/le-debat-sur-le-retour-de-l-impot-sur-la-fortune-agite-l-allemagne_5508099_3234.html">y compris en Allemagne</a>.</p>
<p>Si l’ISF est encore très loin de faire un retour fracassant en Europe, son avenir semble donc se jouer à Bruxelles. Cela poserait par ailleurs les bases d’une fiscalité européenne commune qui renforcerait l’UE dans son ensemble, au moment où les partis eurosceptiques d’extrême droite du continent cherchent à l’affaiblir et s’activent en vue des élections de juin 2024.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/215472/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Martin Baloge ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>En France comme en Allemagne, le retour de l’ISF à l’échelle nationale semble improbable. La réalité semble toute autre au niveau de l’UE où ses partisans peuvent aussi jouer de l’argument climatique.Martin Baloge, Maître de Conférences en Science politique, Institut catholique de Lille (ICL)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2156132023-10-13T09:28:27Z2023-10-13T09:28:27ZPologne : le ralentissement économique se traduira-t-il dans les urnes ?<p>L’<a href="https://theconversation.com/fr/topics/europe-20648">Europe</a> est au centre des <a href="https://www.lesechos.fr/monde/europe/pologne-des-elections-incertaines-cruciales-pour-leurope-tout-entiere-1986884">scrutins du 15 octobre en Pologne</a> : d’une part les élections parlementaires, d’autre part un référendum tactique, organisé le même jour par le gouvernement ultraconservateur PiS et portant sur quatre questions a priori impopulaires dont celui-ci espère le rejet ; ce qui le conforterait aux élections parlementaires. Parmi ces questions, figure celle de l’acceptation ou non du dispositif européen en faveur de l’accueil des migrants.</p>
<p>L’insertion de la <a href="https://theconversation.com/fr/topics/pologne-32416">Pologne</a> dans l’économie européenne constitue aujourd’hui un enjeu important pour ce pays (voir graphiques 1 et 2), qui pourrait peser sur le résultat des urnes : 83 % de ses exportations y sont destinées et 68 % de ses importations en proviennent (respectivement 28 et 24 % avec le seul partenaire allemand). Amorcée à partir de l’entrée en vigueur de l’accord d’association signé en 1992, cette insertion s’est approfondie après l’adhésion, en 2004, de la Pologne à l’<a href="https://theconversation.com/fr/topics/union-europeenne-ue-20281">Union européenne</a> (UE).</p>
<p><iframe id="NBrZV" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/NBrZV/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p><iframe id="KTX3L" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/KTX3L/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Le degré d’ouverture de l’économie polonaise, mesuré par la moyenne de ses exportations et de ses importations en pourcentage du PIB, se situait à 20 % au début des années 1990 ; il frôle désormais les 60 % (graphique 3), dépassant la moyenne européenne (49 %). Ses principaux excédents se concentrent sur les services de transport, les meubles, les services juridiques et de comptabilité et les pièces de véhicules <a href="https://theconversation.com/fr/topics/automobile-20801">automobiles</a>. Son insertion dans les réseaux européens est étroitement liée à sa division de travail avec l’Allemagne dans les filières des véhicules, du matériel électrique et de l’électronique.</p>
<p><iframe id="PWEgQ" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/PWEgQ/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Depuis l’intégration à l’Europe, le revenu des Polonais a significativement augmenté : le PIB par tête réel du pays en parités de pouvoir d’achat s’élevait à moins de 40 % de la moyenne européenne en 2004 ; il atteint désormais 80 % de celle-ci.</p>
<p><iframe id="uX6Du" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/uX6Du/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Mais les temps sont durs pour l’économie polonaise aussi. Les difficultés actuelles du « moteur allemand » semblent l’affecter de plein fouet. Le ralentissement économique se traduira-t-il dans les urnes ? Réponse ce dimanche.</p>
<hr>
<p><em>Pour approfondir la question de l’insertion internationale de l’économie polonaise, voir les pages interactives <a href="http://visualdata.cepii.fr/">Les Profils du CEPII</a>.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/215613/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Deniz Unal ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Le pays d'Europe de l'Est, qui s'est fortement inséré dans les échanges européens depuis trente ans, subit aujourd'hui les difficultés de son partenaire allemand.Deniz Unal, Économiste, rédactrice en chef du Panorama et coordinatrice des Profils du CEPII - Recherche et expertise sur l'économie mondiale, CEPIILicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2129482023-10-05T17:48:57Z2023-10-05T17:48:57ZEn Bavière, le spectre de l’antisémitisme plane sur les élections régionales<p>C’est une « polémique » dont se serait bien passée la <em>Christlich soziale union in Bayern</em> (CSU, Union chrétienne-sociale), à quelques jours seulement des élections régionales qui doivent se dérouler le 8 octobre 2023 en Bavière.</p>
<p>Hubert Aiwanger, numéro deux du gouvernement régional bavarois, a vu son passé ressurgir dans la presse allemande. <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2023/09/04/en-allemagne-le-gouvernement-bavarois-passe-sur-les-erreurs-de-jeunesse-antisemites-de-son-numero-deux_6187760_3210.html">Il est accusé d’avoir rédigé un tract antisémite à l’âge de 17 ans, lorsqu’il était au lycée</a>. L’affaire, qui remonte à l’année 1987/1988, a été rendue publique par le journal allemand <em>Süddeutsche Zeitung</em> à la fin du mois d’août. Le tract en question annonçait un « concours national » pour élire « le plus grand traître à la nation » puis invitait « les candidats à se faire connaître au <a href="https://theconversation.com/debat-le-devoir-de-memoire-sur-la-shoah-en-france-un-exercice-difficile-130724">camp de concentration de Dachau</a> pour un entretien d’embauche ». Il dressait ensuite la liste des prix à décrocher : « Un vol libre dans la cheminée d’Auschwitz, un séjour à vie dans une fosse commune, une balle dans la nuque, une année à Dachau, une décapitation par guillotine ».</p>
<p>Hubert Aiwanger, aujourd’hui âgé de 52 ans, a au départ démenti en bloc les accusations, s’interrogeant sur l’opportunité de ces révélations à quelques semaines des élections et allant jusqu’à parler de « <a href="https://www.deutschlandfunkkultur.de/aiwanger-flugblatt-antisemitismus-bayern-politik-100.html">chasse aux sorcières</a> ». Si de nombreuses voix l’ont invité à quitter ses fonctions, il a reçu un soutien de taille, celui de <a href="https://www.i24news.tv/fr/actu/international/europe/1693736168-allemagne-un-dirigeant-de-baviere-maintenu-en-poste-malgre-des-accusations-d-antisemitisme">Markus Söder</a>, le ministre-président de <a href="https://theconversation.com/en-baviere-les-limites-du-discours-radical-de-droite-102072">Bavière</a> et président de la CSU :</p>
<blockquote>
<p>« L’évincer de son poste ne serait pas proportionné […] Les faits remontent à 35 ans, personne n’est aujourd’hui celui qu’il était à l’époque. »</p>
</blockquote>
<p>De nombreux élus souhaitant la démission d’Hubert Aiwanger se sont insurgés contre cette décision, et les réactions se sont aussi fait entendre <a href="https://fr.timesofisrael.com/un-dirigeant-de-baviere-maintenu-en-poste-malgre-des-accusations-dantisemitisme/">parmi les responsables religieux du pays</a>. De son côté, Karl Freller, directeur des mémoriaux bavarois, <a href="https://www.deutschlandfunk.de/aiwanger-noch-fragen-offen-interview-mit-karl-freller-csu-landtagsvizepraesid-dlf-39a05869-100.html">a estimé</a> que la forme et le contenu étaient <a href="https://theconversation.com/lantisemitisme-aujourdhui-111774">délibérément formulés de manière antisémite</a> et que c’était inexcusable. Comment expliquer ce soutien du président de la CSU à Aiwanger, et que dit ce scandale de la situation politique allemande ?</p>
<h2>Un enjeu politique national</h2>
<p>La Bavière n’est pas un Land comme les autres. Avec près de 13,37 millions d’habitants, il est le <a href="https://de.statista.com/statistik/daten/studie/154879/umfrage/entwicklung-der-bevoelkerung-von-bayern-seit-1961/">deuxième Land le plus peuplé d’Allemagne</a> après la Rhénanie-du-Nord-Westphalie, et les Bavarois ont toujours revendiqué avec force et fierté leur identité. Si les électeurs sont traditionnellement conservateurs, ce Land représente néanmoins pour l’ensemble des forces politiques du pays un laboratoire politique intéressant. Seulement présente en Bavière, la CSU, considérée comme plus traditionnelle et conservatrice que son partenaire fédéral la CDU (Union chrétienne-démocrate, longtemps à la tête du pays avec Angela Merkel, aujourd’hui dans l’opposition au <a href="https://theconversation.com/a-quel-point-lheritage-dangela-merkel-va-t-il-peser-sur-le-gouvernement-dolaf-scholz-173926">gouvernement de coalition dirigé par le social-démocrate Olaf Scholz</a>), a une influence non négligeable sur cette dernière.</p>
<p>Pour Markus Söder, les élections régionales constituent un enjeu national : il n’a jamais caché son intention de briguer un jour la chancellerie allemande. C’est pour des raisons électorales qu’il a tenu à défendre et à maintenir à son poste Hubert Aiwanger. Aiwanger est également le président du parti fédéral <a href="https://fw-landtag.de"><em>Freie Wähler</em> (FW, Électeurs libres)</a> qui, avec 27 élus au Landtag bavarois, soutient la CSU. Si Söder avait « lâché » son collègue, cette réaction aurait pu avoir des conséquences sur la coalition au pouvoir en Bavière et sur le soutien apporté par les FW.</p>
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<p>Pour l’instant, si l’on se fie aux <a href="https://www.sueddeutsche.de/bayern/umfragen-aktuell-wahl-bayern-2023-csu-spd-afd-fdp-gruene-freie-waehler-1.5757723">sondages</a>, « l’affaire Hubert Aiwanger » ne devrait pas avoir d’incidence en Bavière et Markus Söder devrait garder son poste de ministre-président à l’issue du vote du 8 octobre.</p>
<p>En effet, la CSU ne semble pas pâtir de l’affaire : elle devrait une fois de plus arriver en première position, recueillant entre 36 % et 38 % des suffrages. Les Grünen (Verts), Alternative pour l’Allemagne (AfD) et les FW espéreront tous trois prendre la deuxième place. Malgré « l’affaire Aiwanger », les FW obtiendraient entre 14 % et 17,5 % des voix. Les sondages situent les Grünen à 14-15 % et l’AfD à 13-14 %. De son côté, le SPD (Parti social-démocrate) devrait se contenter de 8,5 % à 9 % des suffrages.</p>
<p>Il n’y a rien d’étonnant à voir la CSU faire la course largement en tête, tant la Bavière est un Land qui lui est acquis électoralement – <a href="https://books.openedition.org/septentrion/45261?lang=fr">et ce, depuis 1958</a>. Cette affaire n’aura donc probablement aucun impact sur le scrutin. La raison principale ? Une parole politique de plus en plus décomplexée à droite de l’échiquier politique allemand, en partie du fait de l’influence croissante de l’AfD.</p>
<h2>Le retour de l’antisémitisme</h2>
<p>Fondée en février 2013, <a href="https://theconversation.com/endiguer-la-montee-de-lafd-en-allemagne-un-combat-perdu-davance-133104">l’AfD s’est très rapidement emparée des thèmes de campagne</a> propres aux partis d’extrême droite en Europe tels que l’immigration, la sécurité ou encore l’opposition entre « les élites politiques » et « le peuple ». Désormais apparaissent aussi l’hostilité à l’islam, la défense d’une Europe composée d’États souverains, l’opposition au mariage de personnes de même sexe, et la fin de la « culture de repentance » allemande pour les crimes commis durant la période nazie – une revendication qui invite à souligner la proximité idéologique de certains cadres avec le national-socialisme.</p>
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<p>Björn Höcke, représentant du courant le plus radical de l’AfD (<em>Der Flügel</em> :<em>l’Aile</em>), qui défend une vision nationale ethnique, reprend ainsi ouvertement une rhétorique propre au national-socialisme. En janvier 2017, devant les jeunes de l’AfD, <a href="https://theconversation.com/endiguer-la-montee-de-lafd-en-allemagne-un-combat-perdu-davance-133104">il s’est indigné de la présence du Mémorial de la Shoah construit à Berlin</a>, se désolant que les Allemands soient « le seul peuple au monde à avoir implanté au cœur de sa capitale un monument de la honte ».</p>
<p>En outre, de nombreux cadres du parti n’ont jamais manifesté d’hostilité à l’égard de l’idéologie national-socialiste. En pleine campagne des législatives en 2017, Alexander Gauland, qui allait devenir peu après président du groupe AfD au Bundestag, habitué aux sorties provocatrices et polémiques (un peu comme Jörg Haider en son temps en Autriche) avait <a href="https://theconversation.com/en-allemagne-la-resistible-ascension-de-lextreme-droite-103749">vanté les mérites des soldats de la Wehrmacht</a>.</p>
<p><a href="https://www.spiegel.de/politik/deutschland/afd-antisemitismus-gehoert-laut-studie-zum-programmatischen-kern-der-partei-a-ee57381b-a3c2-4910-a69e-d68e0bac8f73">Pour le politologue néerlandais Lars Rensmann</a>, « l’hostilité à Israël, la relativisation de l’Holocauste, la conspiration antisémite et les images anti-juives occupent une place prépondérante » dans les idées de l’AfD.</p>
<p>Un exemple supplémentaire est celui de <a href="https://www.bpb.de/themen/rechtsextremismus/dossier-rechtsextremismus/257899/die-afd-und-der-antisemitismus/">Wolfgang Gedeon</a>, député du Land de Bade-Wurtemberg. Avant de s’engager au sein de l’AfD, celui-ci avait publié plusieurs livres dans lesquels il reprenait des idées conspirationnistes et antisémites. Si l’AfD a, en apparence, condamné ses propos, son exclusion ne s’est pas opérée tout de suite. Au niveau régional, Jörg Meuthen, alors président du groupe AfD dans le Land, <a href="https://www.bpb.de/themen/rechtsextremismus/dossier-rechtsextremismus/257899/die-afd-und-der-antisemitismus/">avait appelé à son exclusion</a>. Mais celle-ci ne s’était pas concrétisée, faute de majorité sur le sujet au sein du groupe. Wolfgang Gedeon avait alors bénéficié du soutien indéfectible de certains de ses collègues du Parlement régional. Mais cet épisode avait provoqué une scission au sein de l’AfD. Il aura fallu attendre l’intervention de Frauke Petry, la co-présidente fédérale du parti, pour que Wolfgang Gedeon « <a href="https://www.zeit.de/politik/deutschland/2020-03/afd-antisemitismus-wolfgang-gedeon-austritt">daigne</a> » quitter le groupe.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/en-allemagne-la-resistible-ascension-de-lextreme-droite-103749">En Allemagne, la résistible ascension de l’extrême droite</a>
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<p>Si les sorties antisémites proviennent essentiellement de l’AfD, « l’affaire Hubert Aiwanger » ne doit pas être minimisée. Elle devrait agir comme un coup de semonce dans la conscience collective allemande : l’antisémitisme est loin d’être un fléau éradiqué. En 2021, le <a href="https://report-antisemitism.de/documents/Antisemitische_Vorfaelle_in_Deutschland_Jahresbericht_RIAS_Bund_2021.pdf">rapport annuel du gouvernement allemand sur l’évolution de l’extrémisme</a> alertait sur une augmentation de près de 29 % des actes antisémites en un an (3 027 enregistrés actes en 2021, contre 2 351 en 2020). Pour le moment, le réveil ne semble pas avoir lieu. <a href="https://dawum.de/Bundestag/INSA/2023-09-04/">D’après un sondage paru le 4 septembre 2023</a>, si des législatives avaient lieu prochainement au niveau fédéral, la CDU/CSU ne pâtirait guère des révélations concernant Aiwanger. La liste présentée conjointement par les deux partis obtiendrait près de 26,5 % des voix. En pleine ascension, l’AfD deviendrait la deuxième force du pays avec 21,5 % des voix, devançant ainsi les deux partis actuellement au pouvoir le SPD (17,5 %) et les Grünen (13,5 %).</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/212948/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Benjamin Rojtman-Guiraud est conseiller municipal LR de la ville de Maxéville (54)</span></em></p>La Bavière est agitée, à la veille des élections régionales du 8 octobre prochain, par une polémique liée à un tract antisémite rédigé par l’un de ses leaders dans sa jeunesse.Benjamin Rojtman-Guiraud, Doctorant en Science politique, Université de LorraineLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2098742023-07-23T15:10:59Z2023-07-23T15:10:59ZDébat : L’Étatisme plombe-t-il la filière nucléaire française ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/537807/original/file-20230717-201541-s8fizd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=47%2C26%2C695%2C476&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">
Le gouvernement français vise à faciliter la construction de nouveaux réacteurs à l'horizon 2035 sur plusieurs sites, dont celui du Tricastin dans le Drôme (photo).
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Saint_Restitut_-_vue_sur_la_centrale_nucléaire_du_Tricastin_2.jpg">Marianne Casamance/Wikimedia commons</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Le 23 juin 2023, la <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/dossierlegislatif/JORFDOLE000046513775/">loi</a> relative à « l’accélération des procédures liées à la construction de nouvelles installations nucléaires à proximité de sites nucléaires existants et au fonctionnement des installations existantes » était publiée au <em>Journal officiel</em>. Elle simplifie le parcours d’autorisation des projets de construction de réacteurs : concertation du public, déclaration d’utilité publique, mise en compatibilité des documents d’urbanisme, autorisations d’urbanisme ou autorisation environnementale.</p>
<p>Le texte, <a href="https://www.leprogres.fr/economie/2023/05/16/la-loi-sur-la-relance-du-nucleaire-definitivement-adoptee-les-projets-vont-s-accelerer">largement adopté par le parlement à la mi-mai</a>, vise à faciliter la construction de trois séries de deux EPR 2 à l’horizon 2035 sur les sites de Penly (Seine-Maritime), Gravelines (Nord), du Bugey (Ain) et du Tricastin (Drôme), comme le président-candidat Emmanuel Macron en avait pris <a href="https://www.france24.com/fr/france/20220210-nucl%C3%A9aire-emmanuel-macron-%C3%A0-belfort-pour-d%C3%A9voiler-sa-strat%C3%A9gie-%C3%A9nerg%C3%A9tique-pour-la-france">l’engagement à Belfort en février 2022</a>. Ainsi, la loi <a href="https://www.banquedesterritoires.fr/relance-du-nucleaire-la-loi-publiee-au-journal-officiel">supprime l’objectif de réduction à 50 % de la part du nucléaire</a> dans le mix électrique à l’horizon 2035, ainsi que le plafonnement de la capacité de production nucléaire à 63,2 gigawatts.</p>
<p>Il est remarquable d’observer que cette décision technologique majeure et cet investissement public de première importance n’ont suscité pratiquement aucun débat, aucune polémique, aucune protestation.</p>
<p>Pourtant, de nombreuses questions se posent : comment doit se prendre la décision d’investir ou de désinvestir dans la construction de nouvelles centrales nucléaires ? Où est l’équilibre des pouvoirs en la matière ? Y a-t-il encore un débat possible une fois que le chef de l’État, en réaction aux difficultés liées au conflit en Ukraine, déclare dans l’urgence que c’est la <a href="https://www.ladepeche.fr/2021/10/04/des-mini-centrales-en-france-pourquoi-emmanuel-macron-parie-sur-lenergie-nucleaire-9831107.php">seule solution</a> pour assurer l’approvisionnement énergétique de la France, et qu’un maigre débat à l’Assemblée nationale débouche sur un rapide consensus plutôt que sur des études et des discussions approfondies ?</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1658545177357697024"}"></div></p>
<p>Dans son <a href="http://montesquieu.ens-lyon.fr/IMG/pdf/de-l-esprit-des-lois.pdf"><em>Esprit des Lois</em></a> (1748), Montesquieu rappelle souvent qu’un peuple n’est libre que quand le pouvoir y arrête le pouvoir. En démocratie, la modération dans les décisions gouvernementales est supposée provenir du cadre constitutionnel et législatif, mais aussi et surtout d’un équilibre entre des forces dont les intérêts s’opposent et s’équilibrent.</p>
<h2>Des choix lourds de conséquences</h2>
<p>Immobiliser une nouvelle fois une grande part des capacités d’investissement de la France dans la construction de centrales nucléaires de type réacteur à eau pressurisée (PWR) – plutôt que dans autre chose –, c’est un choix majeur aux conséquences financières, techniques, écologiques et politiques lourdes à très long terme. C’est aussi la continuation d’un état technocratique centralisé, omniscience et omnipotent.</p>
<p>Comment assurer l’équilibre des pouvoirs dans un tel cas ? Suivant Montesquieu, quels pouvoirs faut-il mettre en concurrence pour obtenir la décision la plus éclairée, la plus raisonnable, la plus intelligente possible ?</p>
<p>Souvenons-nous que ce sont des décisions autoritaires – quasi militaires – qui ont marqué le <a href="https://www.cne2.fr/service/historique-et-gouvernance-du-programme-electronucleaire-francais/">lancement du programme nucléaire français en 1973</a>. Sans débat parlementaire sérieux, ni cadre juridique adapté, un petit groupe d’hommes politiques, de hauts fonctionnaires, et d’ingénieurs ont pris l’option radicale du tout nucléaire, en faisant deux promesses à la population : la technologie nucléaire serait sans risque et fournirait une électricité bon marché.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/lheure-des-comptes-a-sonne-pour-le-nucleaire-francais-58174">L’heure des comptes a sonné pour le nucléaire français</a>
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<p>La suite de l’histoire mondiale de l’industrie nucléaire a montré qu’il y avait des risques. Pourtant, ce n’est que très récemment que les autorités françaises ont commencé à mettre en place des <a href="https://www.tarn-et-garonne.gouv.fr/Actualites/Exercice-de-Surete-nucleaire-et-de-securite-civile-les-7-et-8-juin-2023">exercices d’évacuation et de protection des populations</a> qu’impliquerait un accident majeur improbable, mais pas impossible.</p>
<p>Quant au bas prix de l’électricité en France entre 1975 et 2005, il s’explique surtout par une sous-estimation du coût complet du kilowatt heure, et par un <a href="https://www.annales.org/gc/2014/gc118/GC-118-article-PLOT_VIDAL.pdf">report de coûts cachés sur les générations futures</a> : remboursement des emprunts, coût du démantèlement des installations, du recyclage et du stockage des déchets, coût éventuel d’un accident majeur.</p>
<p>L’électricité bon marché de l’époque s’explique aussi par la non-prise en compte dans le coût du kilowatt heure de tous les projets qui ont du être abandonnés, et qui ont été financés par des dépenses publiques : la filière graphite gaz abandonnée ; le réacteur Superphénix de Creys-Malville (Isère) supposé contribuer au recyclage des déchets les plus radioactifs, définitivement arrêté en 1997, enfin, le doublement du coût des nouveaux réacteurs de Flamanville (Manche) qui ne sont toujours pas en fonctionnement.</p>
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<img alt="Le réacteur Superphénix de Creys-Malville (Isère), définitivement arrêté en 1997" src="https://images.theconversation.com/files/537698/original/file-20230717-226716-93bviy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/537698/original/file-20230717-226716-93bviy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=385&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/537698/original/file-20230717-226716-93bviy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=385&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/537698/original/file-20230717-226716-93bviy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=385&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/537698/original/file-20230717-226716-93bviy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=483&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/537698/original/file-20230717-226716-93bviy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=483&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/537698/original/file-20230717-226716-93bviy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=483&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Le réacteur Superphénix de Creys-Malville (Isère), définitivement arrêté en 1997.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Superphénix#/media/Fichier:Superphenix_reactor_south.jpg">Wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
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<p>En se comportant à la fois en entrepreneur et en garant du programme nucléaire, l’État français a contribué à entretenir l’irresponsabilité financière des opérateurs. Il s’est substitué à eux. A contrario, dans d’autres pays tout aussi tentés par la solution nucléaire – les calculs des financiers et la logique des marchés ont joué le rôle de contre-pouvoir. Aux États-Unis en particulier, de nombreux projets de construction de centrales nucléaires ont été abandonnés parce que les investisseurs privés les trouvaient trop risqués ou pas assez rentables.</p>
<h2>Ailleurs, de plus en plus de fonds privés</h2>
<p>Depuis le début de la guerre en Ukraine, le retour au nucléaire constitue-t-il un investissement rentable, et si oui, à quel prix du kilowatt heure ? Est-ce une solution technique porteuse d’avenir et exportable ? Pour répondre à toutes ces questions, la population ne dispose aujourd’hui que de l’avis des experts de Bercy et d’EDF. Les partis politiques ne se montrent guère en état d’exercer le rôle de contre-pouvoir. Il ne serait donc pas absurde de faire appel au secteur privé, ne serait-ce que pour tester les hypothèses économiques et technologiques retenues par les experts étatiques. Il serait intéressant et utile de comparer un investissement dans des réacteurs PWR à un investissement équivalent répartit entre des économies d’énergie, des énergies renouvelables et une accèlération des recherches de pointes dans la fusion nucléaire ou, pourquoi pas, dans l’exploitation de l’hydrogène blanc récemment découvert dans le sous-sol français. Or, tous ces programmes sont en mal de financement…</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/fusion-nucleaire-une-avancee-majeure-mais-le-chemin-reste-long-196739">Fusion nucléaire : une avancée majeure, mais le chemin reste long</a>
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<p>Lorsqu’on veut installer un nouveau système de chauffage chez soi, on fait faire plusieurs devis et l’on étudie plusieurs solutions techniques. L’État français pourrait faire de même, évitant ainsi ses coutumiers dépassements de budgets. C’est en se tournant vers l’international que l’on peut espérer actuellement introduire suffisamment de diversité dans les débats sur les choix nucléaires. De ce point de vue, la controverse entre les Français et les Allemands sur la question nucléaire est utile et devrait stimuler la réflexion. </p>
<p>Faut-il, par exemple, imiter des états autoritaires – comme l’État chinois –, qui continue à construire des centrales EPR fondées sur le principe de la fission nucléaire ? Ne faut-il pas plutôt faire confiance, au contraire, à la recherche scientifique de pointe et à l’innovation comme aux États-Unis et en Allemagne, où l’on investit fortement dans le développement des centrales de nouvelle génération, basées sur le principe de la fusion ?</p>
<p>Depuis 2014 et encore plus depuis 2020, les investissements privés ont bondi dans ce domaine.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/436486/original/file-20211208-149721-1287dl1.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Graphique montrant l’évolution des investissements (en milliards de dollars) depuis 2000" src="https://images.theconversation.com/files/436486/original/file-20211208-149721-1287dl1.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/436486/original/file-20211208-149721-1287dl1.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=410&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/436486/original/file-20211208-149721-1287dl1.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=410&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/436486/original/file-20211208-149721-1287dl1.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=410&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/436486/original/file-20211208-149721-1287dl1.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=515&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/436486/original/file-20211208-149721-1287dl1.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=515&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/436486/original/file-20211208-149721-1287dl1.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=515&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Les investissements privés dans le domaine de la fusion nucléaire sont en forte hausse depuis 2014.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Greg de Temmerman</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
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<p>Aux hésitations et aux réticences de la population, tiraillée entre la peur du nucléaire, l’envie d’avoir de l’électricité bon marché, et l’envie de réduire les émissions de CO<sub>2</sub>, pourraient ainsi répondre la sagesse des marchés et le talent des scientifiques en quête de technologies nouvelles. Une réflexion sur une meilleure utilisation des fonds publics impliquerait donc que l’État français devienne plus modeste, cesse de se prendre à la fois pour un régulateur, un financeur et un entrepreneur et qu’il accepte enfin une plus sage et plus prudente répartition des rôles.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/209874/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Entre 1978 et 1982, Michel Villette était consultant à la société Euréquip où il a travaillé pour EDF sur des questions telles que le choix des sites nucléaires, l’organisation des chantiers et l’acceptabilité du programme par les populations. Il a publié un témoignage sur ces activités dans le livre : « L’Homme qui croyait au management » (Le Seuil, 1988). </span></em></p>En France, la loi de relance de l’énergie atomique n’a généré aucun débat tandis que l’investissement privé porte l’innovation dans le secteur aux États-Unis ou en Allemagne.Michel Villette, Professeur de Sociologie, Chercheur au Centre Maurice Halbwachs ENS/EHESS/CNRS , professeur de sociologie, AgroParisTech – Université Paris-SaclayLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2094672023-07-12T15:39:04Z2023-07-12T15:39:04ZFrance-Allemagne, frères ennemis de la transition énergétique<p>Si le couple franco-allemand est fréquemment décrit comme le « moteur de l’Europe », il y a un domaine dans lequel il peut être qualifié de dysfonctionnel : celui de l’énergie.</p>
<p>Une situation d’autant plus inquiétante que chacun des modèles énergétiques portés par l’un et l’autre pays sont aujourd’hui en difficulté ; un différend persistant qui déstabilise de manière récurrente <a href="https://www.cairn.info/revue-l-economie-politique-2023-1-page-8.htm">l’ensemble de l’édifice du <em>Fit for 55</em></a>, le <a href="https://www.ecologie.gouv.fr/fit-55-nouveau-cycle-politiques-europeennes-climat">« paquet climat » de l’Union européenne</a>.</p>
<p>À partir d’une note approfondie <a href="https://confrontations.org/geopolitique-de-lenergie-en-europe-comment-reconcilier-une-union-desunie/">publiée en juin 2023 dans <em>Confrontations Europe</em></a> – et qui s’appuie notamment sur les analyses en politique comparative de <a href="https://www.cairn.info/revue-internationale-de-politique-comparee-2017-1-page-17.htm">Stefan Aykut et Aurélien Evrard</a> –, nous proposons ici de retracer une brève « histoire longue » des trajectoires énergétiques de la France et de l’Allemagne.</p>
<p>Il s’agit de mettre en lumière les fractures principales et d’identifier ce que pourraient être des principes d’action commune.</p>
<h2>Des années 1950 aux crises du charbon et du pétrole</h2>
<p>En Allemagne, après la Seconde Guerre mondiale, alors que le pays est exclu du nucléaire militaire, le charbon et le lignite vont, du fait de ressources très importantes, jouer un rôle essentiel dans la reconstruction.</p>
<p>Le secteur énergétique est originellement au cœur du corporatisme à l’allemande, s’appuyant sur le rôle des syndicats et des <em>Stadtwerke</em>, régies locales pour la gestion des services industriels et de l’énergie. Les crises du charbon des années 1950 et 1960, puis la crise du pétrole des années 1970, vont marquer une plus forte intervention de l’État fédéral, avec un plan de soutien au charbon national et le lancement d’un programme nucléaire.</p>
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<p>À la fin des années 1970, la part du charbon dans l’énergie primaire est stabilisée à 30 % et celle du nucléaire à 40 % pour l’électricité. Mais les transformations engagées le sont dans une géopolitique régionale de l’énergie avec, au Nord-Ouest, des régions historiquement charbonnières et bastions du SPD (Parti social-démocrate) et, au Sud-Est, des Länder conservateurs (CDU et CSU) soutenant le développement du nucléaire sur leur territoire. Cette dichotomie dans la « communauté de politique publique » sera mise à profit par le mouvement antinucléaire.</p>
<p>En France, à l’inverse, la première caractéristique du système énergétique est sans doute sa centralisation extrême, consacrée par la loi de nationalisation de 1946, qui ne laisse qu’exceptionnellement une place aux régies et entreprises locales.</p>
<p>Dans cette perspective, les intérêts d’EDF et ceux de l’État, représenté notamment par la puissante Direction générale de l’énergie et des matières premières (DGEMP), sont considérés par la technocratie d’État comme ne faisant qu’un. C’est au sein de cette communauté de vues qu’est élaboré le programme nucléaire français.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/LTEm-_JQ434?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">1974, la France lance son programme nucléaire civil. (Ina Sciences).</span></figcaption>
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<p>Comme en Allemagne, le choc pétrolier de 1973 déclenchera des politiques publiques volontaristes pour l’indépendance énergétique. La mise en application de la vision « tout électrique, tout nucléaire » se traduira par un programme très ambitieux, le plan Messmer, calibré en fonction de prévisions de demande généreuses et des capacités de l’industrie à produire des centrales nucléaires en série. Cela au service de l’indépendance énergétique et de la « grandeur de la France ».</p>
<h2>Après les chocs pétroliers et avec la crise climatique, deux récits de la transition</h2>
<p>En Allemagne, le récit de la transition, <em>Energiewende</em>, se forge dans les années 1980, à partir des analyses d’intellectuels publics sur la crise écologique (Robert Jungk, Carl Friedrich von Weizsäcker), de la contestation anti-nucléaire, portée par le parti écologiste <em>Die Grünen</em>, et de travaux d’experts de l’énergie, comme ceux de <a href="https://www.oeko.de/en/up-to-date/final-storage-the-search-gathers-pace">l’Öko-Institut</a>.</p>
<p>Mais, progressivement, la remise en cause initiale du modèle de croissance laisse place à une vision plus consensuelle, défendant l’idée de « croissance et prospérité sans pétrole ni uranium ». Cette perspective diffuse progressivement au sein du SPD dans des alliances « rouge vert » au niveau local, puis fédéral dans les coalitions de 1998 et 2002.</p>
<p>Alors que les partis conservateurs sont sur la réserve, la coalition qui porte Angela Merkel au pouvoir en 2005 plaide pour un maintien du nucléaire comme « énergie de transition ». L’accident de Fukushima fera basculer la perspective et entraînera la décision pour une sortie en 2022.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/zXEL025kdf0?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Suite à la catastrophe de Fukushima, Angela Merkel annonce la sortie du nucléaire pour Allemagne à l’horizon 2022. (Euronews, 2011).</span></figcaption>
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<p>En France, la « communauté de politique publique » soutenant le nucléaire reste solide et stable. Ni la catastrophe de Tchernobyl en 1986 ni le retour au pouvoir de la « gauche plurielle » en 1997 ne changeront la donne. En revanche, après la signature la même année du Protocole de Kyoto, on assiste à un regain d’intérêt pour les questions énergétiques : <a href="https://negawatt.org/">l’association négaWatt</a> publie régulièrement depuis 2006 des scénarios de sobriété et forte proportion d’énergies renouvelables.</p>
<p>Après l’élection de François Hollande, le Débat national sur la transition énergétique constitue, en 2013, un temps fort de la construction des récits et conduit à identifier quatre trajectoires de transition, selon le niveau de réduction de la demande et la contribution respective du nucléaire et des énergies renouvelables.</p>
<p>Ces quatre trajectoires – allant de la très grande sobriété avec sortie du nucléaire, au maintien du modèle actuel fortement nucléarisé –, reflètent fidèlement les <a href="https://theconversation.com/quatre-scenarios-pour-comprendre-les-programmes-des-candidats-en-matiere-denergie-72308">positionnements des grands courants politiques</a> en France.</p>
<p>Depuis lors, dans la paralysie tenant aux enjeux électoraux, les documents de référence de la politique énergétique française (<a href="https://outil2amenagement.cerema.fr/la-programmation-pluriannuelle-de-l-energie-ppe-r1625.html">PPE</a>, <a href="https://www.ecologie.gouv.fr/strategie-nationale-bas-carbone-snbc">SNBC</a>) ont laissé dans un brouillard épais la <a href="https://theconversation.com/50-de-nucleaire-dans-le-mix-electrique-pour-2035-et-apres-104521">question de la part du nucléaire à long terme</a>.</p>
<p>Cela jusqu’aux dernières décisions de <a href="https://www.actu-environnement.com/ae/news/nucleaire-macron-relance-EPR-39086.php4">redéveloppement de nouveaux réacteurs</a> prises par Emmanuel Macron, juste avant les présidentielles de 2022.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/536649/original/file-20230710-17-qjfszb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/536649/original/file-20230710-17-qjfszb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/536649/original/file-20230710-17-qjfszb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=339&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/536649/original/file-20230710-17-qjfszb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=339&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/536649/original/file-20230710-17-qjfszb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=339&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/536649/original/file-20230710-17-qjfszb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=426&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/536649/original/file-20230710-17-qjfszb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=426&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/536649/original/file-20230710-17-qjfszb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=426&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Conversion des énergies selon la convention 1 MWh d’électricité primaire (renouvelable ou nucléaire) = 0,21 tep (voir à ce propos l’article publié sur The Conversation, <em>Le nucléaire 40 ou 20 % de l’approvisionnement énergétique en France ?</em>).</span>
<span class="attribution"><span class="source">Auteurs, données Enerdata</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
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<p>Cinquante ans après le premier choc pétrolier et trente ans après la signature de la <a href="https://unfccc.int/fr/processus-et-reunions/qu-est-ce-que-la-ccnucc-la-convention-cadre-des-nations-unies-sur-les-changements-climatiques">Convention Cadre des Nations unies sur le changement climatique</a>, les résultats en termes de mix énergétique sont extrêmement contrastés. Force est de constater que la France a aujourd’hui un bouquet énergétique deux fois plus décarboné que celui de l’Allemagne (52 % contre 26 %), même si la part des énergies renouvelables y est légèrement plus faible (18 % contre 22 %). Mais les deux modèles sont en crise.</p>
<h2>Aujourd’hui, deux modèles en crise</h2>
<p>Dans les bouleversements consécutifs à la guerre en Ukraine, la crise du modèle énergétique français, fondé sur une forte contribution du nucléaire, est manifeste et a abouti à une réduction de 30 % de la production nucléaire en 2022 <a href="https://www.rte-france.com/actualites/bilan-electrique-2022">par rapport à la moyenne de ces vingt dernières années</a>, dans une période par ailleurs critique pour le système électrique européen.</p>
<p>Le rétablissement de niveaux de production stables à long terme dans le contexte du « grand carénage » des centrales existantes, comme le financement du redémarrage de la filière pour la construction de six unités supplémentaires au moins, sont possibles, mais ne sont pas garantis. À ces incertitudes s’ajoutent évidemment celles tenant à l’incontournable accélération du déploiement des renouvelables, <a href="https://www.rte-france.com/analyses-tendances-et-prospectives/bilan-previsionnel-2050-futurs-energetiques">dans toutes les hypothèses des scénarios RTE</a>.</p>
<p>Quant à l’Allemagne, l’<em>Energiewende</em> doit faire face aujourd’hui à de nouveaux défis, dans un contexte périlleux et incertain. Le schéma premier de l’<a href="https://theconversation.com/une-allemagne-sans-charbon-en-2040-cest-mal-parti-pour-linstant-66648"><em>Energiewende</em> était bien celui d’une « fusée à trois étages »</a>, comprenant le développement des renouvelables, la sortie du nucléaire puis celle du charbon.</p>
<p>On peut considérer qu’au début des années 2020, les deux premières phases ont été menées ; la sortie du charbon était, elle, encore loin d’être achevée en 2022, avec encore 31 % de la production d’électricité venant du charbon <a href="https://www.agora-energiewende.de/veroeffentlichungen/bilanz-des-energiejahres-2022-und-ausblick-auf-2023/">et une augmentation de cette production de 11 % par rapport à l’année 2021</a>.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/140719/original/image-20161006-14719-pwlonq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/140719/original/image-20161006-14719-pwlonq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=398&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/140719/original/image-20161006-14719-pwlonq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=398&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/140719/original/image-20161006-14719-pwlonq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=398&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/140719/original/image-20161006-14719-pwlonq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/140719/original/image-20161006-14719-pwlonq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/140719/original/image-20161006-14719-pwlonq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">La centrale thermique allemande de Jänschwalde, l’une des plus grandes d’Europe et aussi l’une des plus polluantes.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/uncloned/5700491446/in/photolist-9FFwEr-9FJvvh-9FFyFn-63EQ6S-aj7sc9-9G7s3E-9G4xcT-9G4wPa-9G4wmv-8LsHPo-5mm2Vj-5mgGEP-5mkXYh-5mgHiR-5mkYrW-5mm27j-8Losf8-5mgGnH-5mm2cu-5mgJTv-5mm111-5mgHwa-5mgKSg-5mgHqV-5mgGgP-5mm2v1-5mkYKC-5mgGcM-5mm16o-8LrvDW-5mgGzz-5mm1ru-5mgFX4-5mgJr4-5mgJHD-5zRjc3-5mm2i3-5zRjc7-5mm2ou-8LrvpY-5mm1hb-5mm1H5-5mkY4y-5mgJYi-5mm1Zf-5mgHe2-5mm1x9-8LosVK-5mkZHu-5mkZ7f/">Tobias Scheck/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
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<p>Dans une tradition politique, fortement ancrée en Allemagne, de construction des interdépendances économiques avec la Russie (<a href="https://en.wikipedia.org/wiki/Wandel_durch_Handel"><em>Wandel durch Handel</em></a>, le changement par le commerce), c’était bien le gaz, russe, qui devait assurer une passerelle entre le charbon et l’hydrogène vert à venir. D’où l’importance des infrastructures gazières de type Nordstream. Cette stratégie est aujourd’hui mise à bas par l’invasion de l’Ukraine.</p>
<p>Mais ce qui est également problématique pour l’Allemagne, c’est que la révision de l’<em>Energiewende</em> impose une nouvelle accélération dans l’installation des renouvelables, à des rythmes encore jamais atteints par le passé. Cela, alors même que la faisabilité d’un système électrique reposant essentiellement sur des énergies renouvelables variables (solaire, éolien) n’est pas encore démontrée.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/536653/original/file-20230710-36093-bkplhu.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/536653/original/file-20230710-36093-bkplhu.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/536653/original/file-20230710-36093-bkplhu.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=521&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/536653/original/file-20230710-36093-bkplhu.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=521&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/536653/original/file-20230710-36093-bkplhu.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=521&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/536653/original/file-20230710-36093-bkplhu.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=655&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/536653/original/file-20230710-36093-bkplhu.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=655&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/536653/original/file-20230710-36093-bkplhu.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=655&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption"></span>
<span class="attribution"><span class="source">Agora Energiewende</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<h2>Un impératif pour l’Europe : réconcilier les politiques énergétiques, en respectant les choix nationaux</h2>
<p>Alors même que les pays de l’UE sont capables d’initier des actions communes fortes, avec notamment le <em>Green Deal</em> ou encore le plan <a href="https://www.lemonde.fr/idees/article/2023/03/24/l-economie-politique-quatre-scenarios-pour-la-transition-energetique_6166765_3232.html"><em>Repower EU</em></a>, une fracture s’opère aujourd’hui entre des États aux modèles énergétiques et aux stratégies de décarbonation très différents, voire antagonistes.</p>
<p>De fait, la montée de ces conflits est essentiellement structurée autour de la divergence entre la France – <a href="https://www.lepoint.fr/politique/emmanuel-berretta/transition-energetique-la-france-organise-un-club-nucleaire-en-europe-01-03-2023-2510447_1897.php">qui mène « l’alliance du nucléaire »</a> avec les Pays-Bas, la Finlande, la Pologne, la Bulgarie, la Croatie, la République tchèque, la Hongrie, la Roumanie, la Slovaquie et la Slovénie — et l’Allemagne, membre clé du <a href="https://www.euractiv.fr/section/energie/news/nucleaire-contre-renouvelables-deux-camps-saffrontent-a-bruxelles/">groupe des « amis des renouvelables »</a>, emmené par l’Autriche et suivi par l’Espagne, le Danemark, l’Irlande, le Luxembourg, le Portugal, la Lettonie, la Lituanie et l’Estonie.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/m4-r0y6t83w?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Emmanuel Macron annonce six nouveaux réacteurs EPR en France. (Euronews, février 2022).</span></figcaption>
</figure>
<p>Ces deux coalitions se déchirent sur presque tous les grands chantiers de la transition énergétique, dont la taxonomie européenne, la réforme du marché de l’électricité, la définition de l’hydrogène vert…</p>
<p>Ces trois chantiers révèlent la profondeur des conflits qui trouvent leur origine dans la polémique autour du classement du nucléaire comme énergie verte, et qui ont abouti, après de longs mois de tensions, à des compromis entre les deux camps (le nucléaire sera par exemple inclus dans la taxonomie, à la condition que le gaz naturel soit également considéré <a href="https://theconversation.com/nucleaire-retour-sur-le-debat-autour-de-la-nouvelle-taxonomie-europeenne-176733">comme une énergie de transition</a>).</p>
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<p>
<em>
<strong>
À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/nucleaire-retour-sur-le-debat-autour-de-la-nouvelle-taxonomie-europeenne-176733">Nucléaire : retour sur le débat autour de la nouvelle taxonomie européenne</a>
</strong>
</em>
</p>
<hr>
<p>Il ne s’agit donc pas de débats techniques, mais d’oppositions de fond dont le déploiement reflète bien les rapports de force entre des pays défendant leurs intérêts nationaux et leur vision de la transition.</p>
<p>Les États membres semblent incapables de construire les compromis structurels qui permettraient de sortir de la paralysie actuelle sur plusieurs politiques communes de transition.</p>
<p>S’il est exclu de dégager un modèle unique de transition bas carbone « à l’européenne », on peut toutefois tenter d’identifier les conditions de principe pour que, dans le respect des stratégies nationales, le système énergétique européen évolue rapidement, et de manière coordonnée, vers une neutralité carbone collective à l’horizon 2050.</p>
<p>Dans cette perspective, trois principes devraient être structurants.</p>
<p>Tout d’abord, que le primat soit donné à la lutte contre le changement climatique, et donc à la décarbonation des systèmes énergétiques ; que soit reconnue ensuite et acceptée la diversité des options décarbonées susceptibles d’être mises en œuvre en Europe ; enfin, que les actions ou dispositifs portés par les États membres dans l’élaboration des actions communes ne conduisent pas à empêcher celles entreprises par d’autres États membres dans leur trajectoire de décarbonation.</p>
<p>Primat du climat, subsidiarité des politiques et principe de non-nuisance. La formulation est à ce stade trop générale, mais on peut souhaiter qu’un effort à la fois de compréhension réciproque des représentants des États membres et de définition juridico-administrative au niveau de la Commission puisse permettre des progrès rapides dans la mise en cohérence de la politique européenne de transition énergie-climat.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/209467/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Alors que les pays de l’UE sont capables d’initier des actions communes fortes, une fracture s’opère entre des États aux stratégies de décarbonation très différents, voire antagonistes.Patrick Criqui, Directeur de recherche émérite au CNRS, économiste de l’énergie, Université Grenoble Alpes (UGA)Carine Sebi, Professeure associée et coordinatrice de la chaire « Energy for Society », Grenoble École de Management (GEM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2077712023-06-21T18:36:28Z2023-06-21T18:36:28ZLoi plein-emploi : en matière d’insertion professionnelle, l’union fait la force<p>Le mercredi 7 juin, le gouvernement a présenté son <a href="https://www.lesechos.fr/economie-france/social/france-travail-rsa-ce-que-prevoit-le-projet-de-loi-plein-emploi-1950084">projet de loi visant à atteindre le plein-emploi</a>, c’est-à-dire un taux de chômage de 5 % (contre 7,1 % actuellement). À travers un dispositif d’accompagnement des allocataires du revenu de solidarité active (RSE), dont le nombre stagne autour de 1,9 million, l’exécutif se fixe notamment de ramener dans le champ du <a href="https://theconversation.com/fr/topics/marche-du-travail-63182">marché du travail</a> les personnes qui s’en sont éloignées.</p>
<p>Le texte prévoit ainsi la création de France travail, qui va succéder à Pôle emploi, pour mieux coordonner les acteurs du service public de l’<a href="https://theconversation.com/fr/topics/emploi-20395">emploi</a>. À partir du 1<sup>er</sup> janvier 2025, ce guichet unique permettra par exemple l’inscription automatique à France Travail pour toute demande de RSA à la Caisse des allocations familiales (CAF). Actuellement, environ 4 bénéficiaires du RSA sur 10 seulement sont également inscrits à Pôle emploi.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1666471134106189824"}"></div></p>
<p>France travail sera en outre organisé en réseau, en lien avec l’État, les missions locales pour les jeunes, les collectivités territoriales ou encore des associations spécialisées dans l’<a href="https://theconversation.com/fr/topics/insertion-professionnelle-115547">insertion professionnelle</a>. Le projet de loi prévoit que ces acteurs assureront les missions « d’accueil, d’orientation, d’accompagnement, de formation, d’insertion, de placement des personnes recherchant un emploi ou rencontrant des difficultés sociales ».</p>
<p>Cette organisation en réseau, qui établit un partenariat entre de multiples parties prenantes, apparaît en effet essentielle pour favoriser l’insertion professionnelle au sein des entreprises. Comme nous l’avons montré dans un travail de recherche récent, les partenariats multipartites (PMP) constituent en effet une réponse appropriée aux enjeux de qualification, de compétences et d’accès à l’emploi, en particulier pour les personnes issues de milieux défavorisés.</p>
<h2>« De plus en plus de partenariats originaux »</h2>
<p>Nous avons étudié ces PMP et leur action en matière d’insertion professionnelle épuise le début des années 1990 en France, en <a href="https://theconversation.com/fr/topics/allemagne-24115">Allemagne</a> et en <a href="https://theconversation.com/fr/topics/espagne-20941">Espagne</a>. Si ces trois pays ont connu des différences dans la mise en place et les modalités d’action, les structures ont globalement enregistré des résultats positifs. Et ils se sont rapprochés dans l’ambition de trouver une solution intégrative d’insertion.</p>
<p>La France fut précurseur en termes de PMP, qui ont toujours été encouragés par l’État, initialement par les « clauses sociales » et après par un événement relationnel majeur dit « Grenelle de l’Innovation ». Un des premiers rapprochements a été initié en 1996 par l’agence d’intérim Adecco et le Groupe ID’EES, structure spécialisée dans l’insertion professionnelle. Ce type de partenariats a ensuite connu un essor à la suite de la crise économique autour de 2010 (par exemple, le réseau Cocagne, un regroupement d’associations dans la production maraîchère, ou la Fondation Caritas, créée par le Secours catholique).</p>
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<p>Actuellement, le terrain reste propice à la multiplication de ces PMP. Comme nous l’a confié un représentant du syndicat patronal français, le Medef :</p>
<blockquote>
<p>« Il y a eu une réelle amélioration de ce que ce type d’organisation peut apporter à une entreprise privée. La responsabilité sociétale des entreprises (RSE) a également gagné en importance… On voit donc de plus en plus de partenariats originaux ».</p>
</blockquote>
<p>En Espagne, où l’État s’est montré moins impliqué en termes de formation de PMP, celles-ci sont nées d’un mouvement de solidarité lors de la crise économique qui a frappé le pays au tournant des années 2010. Les premiers échanges entre les entreprises et les organisations à but non lucratif ont abouti en 2012 à la création de « Ensemble pour l’emploi des personnes les plus vulnérables » (Juntos por el empleo de los más vulnerables), qui rassemble désormais plus de 1000 organisations à but non lucratif, environ 70 entreprises et 13 agences publiques.</p>
<p>Si toutes les personnes que nous avons interrogées dans notre étude s’accordent à dire que le PMP « a constitué une réponse efficace à la crise économique », elles notent que le dispositif en reste encore au « stade expérimental » et que des marges de développement existent. Un chef d’entreprise accompagné par un PMP le souligne :</p>
<blockquote>
<p>« Nous vivons encore une période de découverte pour les entreprises privées ».</p>
</blockquote>
<p>En Allemagne, les PMP en matière d’insertion professionnelle ont connu leur essor à partir de la crise des réfugiés et la forte augmentation du nombre de demandeurs d’asile de 2015. Après une longue période stationnaire, le domaine est devenu très dynamique avec des constellations d’acteurs sans précédent apparaissant sur la scène. Parmi les structures qui ont émergé, nous pouvons notamment citer Arrivo – Refugee is not a profession, qui regroupe le gouvernement régional de la cité-État (Land) de Berlin, 50 entreprises, membres de la chambre de commerce locale, pour insérer professionnellement les réfugiés, ou encore Schlesische 27, une association culturelle à but non lucratif qui propose des programmes d’accompagnement personnalisé à des populations défavorisées.</p>
<h2>Un engagement civique</h2>
<p>L’afflux important de réfugiés et la culture d’accueil (Wilkommenkultur) de la chancelière Angela Merkel ont en effet conduit à une « politisation » du climat social, ce qui a incité les petites et moyennes entreprises à s’engager dans des efforts PMP. Ce veut dire que les entreprises commençaient à s’engager quand les problèmes ressemblaient une « crise morale » plutôt qu’une crise existentielle. Les motivations de s’engager concernent aussi bien le manque main-d’œuvre qualifiée que la volonté de s’engager pour la société. Là encore, l’idée d’aller plus loin dans l’institutionnalisation de la démarche transparaît, comme en témoigne un responsable d’association à but non lucratif :</p>
<blockquote>
<p>« Nous n’avons pas besoin de construire une énorme initiative individuelle. Notre conception est de donner un coup de pouce, d’initier quelque chose de plus grand ».</p>
</blockquote>
<p>Étant donné ces premières avancées, approfondir notre compréhension des PMP semble désormais essentiel, et sans doute pas seulement en matière d’insertion professionnelle. D’ailleurs, face à la pandémie de Covid-19, les décideurs politiques ont stimulé la collaboration multipartite, par exemple dans le cadre de l’alliance internationale GAVI, pour <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.1111/radm.12456">accélérer la mise au point du vaccin</a>.</p>
<p>C’est pourquoi les parties prenantes de tous les secteurs sont appelées à explorer des approches de la collaboration <a href="https://www.jstor.org/stable/20159256">sans qu’ils soient contraints par les crises</a>, en particulier sans attendre que les manifestations extrêmes climatiques anticipées ne se produisent. En effet, on constate dans le bref historique précédemment dressé que ce sont les difficultés économiques ou sociales qui ont jusqu’à présent donné l’impulsion aux PMP.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/207771/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Gorgi Krlev ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les précédents rapprochements entre acteurs privés et publics en faveur de l’emploi ont donné des résultats concluants en France comme à l’étranger.Gorgi Krlev, Assistant Professor of sustainability, ESCP Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2032592023-04-16T15:55:29Z2023-04-16T15:55:29ZLes carburants de synthèse ne peuvent pas remettre en cause le développement de la voiture électrique d’ici 2035<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/519936/original/file-20230407-22-wn2wuz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=9%2C15%2C1257%2C883&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">La transition vers la fin du moteur thermique implique nécessairement une phase de rivalité entre acteurs et entre technologies.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://pxhere.com/fr/photo/1159054">Pxhere</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Dans notre dernier <a href="https://theconversation.com/automobile-les-trois-etapes-qui-ont-conduit-lue-a-mettre-fin-aux-vehicules-thermiques-dici-2035-186248">article</a> de juillet 2022, nous avions montré comment huit ans, un scandale planétaire, deux électrochocs politiques et trois paliers successifs d’évolution ont été nécessaires pour réussir à faire basculer le secteur de l’automobile dans l’ère de l’après-pétrole. Récemment, l’<a href="https://theconversation.com/fr/topics/allemagne-24115">Allemagne</a>, avec une coalition d’autres pays (dont Italie, République tchèque, Pologne, Roumanie, Hongrie, Slovaquie) a imposé de conserver les moteurs thermiques après 2035 <a href="https://www.euractiv.fr/section/plan-te/news/fin-des-moteurs-thermiques-dans-lue-berlin-veut-exempter-les-carburants-de-synthese/">à condition d’utiliser des carburants de synthèse</a>.</p>
<p>Fin mars, <a href="https://www.euractiv.fr/section/plan-te/news/le-conflit-sur-les-carburants-de-synthese-a-rendu-un-grand-service-a-leurope-selon-le-ministre-allemand-des-transports/">l’Union européenne (UE) a plutôt donné raison à cette coalition</a>. Est-ce que cela signifie un retour en arrière ? Non ! Il s’agirait plutôt d’une nouvelle étape dans ce que l’on appelle une transition d’un « système sociotechnique » à un autre.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/automobile-les-trois-etapes-qui-ont-conduit-lue-a-mettre-fin-aux-vehicules-thermiques-dici-2035-186248">Automobile : les trois étapes qui ont conduit l’UE à mettre fin aux véhicules thermiques d’ici 2035</a>
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<p><a href="https://www.cairn.info/revue-management-et-avenir-2022-6-page-39.htm">Un système sociotechnique »</a> désigne un ensemble industriel, sociétal et culturel composé d’organisations qui interviennent le long d’une chaine de valeur (de l’extraction de matière première, en passant par la production de produits finis et leur distribution, etc.), qui s’est progressivement figée sur des règles communes (normes, standards, etc.), et surtout sur une façon spécifique de produire et consommer un type de produit ou service.</p>
<p>On parle de système sociotechnique à l’échelle des grands secteurs : agroalimentaire, agriculture, énergie, transport, santé, etc. Les systèmes sociotechniques font l’objet <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S1877343519300375">d’une ample recherche internationale</a> car ils ont une propriété : ils résistent au changement. Or, justement la transition écologique et énergétique nécessite un changement complet de ces systèmes sociotechniques.</p>
<h2>La fin d’un système sociotechnique</h2>
<p>Selon la recherche, tant que les systèmes sociotechniques n’ont pas atteint un état optimal qui satisfait à peu près tous les acteurs en présence, ces derniers continuent de batailler jusqu’à ce qu’un équilibre acceptable – pour tous – se stabilise. C’est une trajectoire faite de rivalités à la fois entre les acteurs et entre les technologies disponibles.</p>
<p>Une fois les règles stabilisées autour d’un consensus (qui n’est donc pas forcément de la meilleure solution dans l’absolu), les batailles entre acteurs s’arrêtent. Les économistes du courant évolutionniste de la firme, Richard Nelson et Sidney Winter, parlent de <a href="https://www.cairn.info/les-grands-auteurs-en-management--9782376870432-page-281.htm">« trêve »</a>. Le système sociotechnique se fige dans une configuration spécifique autour de normes de production et de consommation qui véhiculent des valeurs partagées et acceptées par tous. Le système devient alors de plus en plus rentable pour tous les acteurs en présence qui n’ont pas vraiment d’intérêt à le voir remis en question.</p>
<p>Cependant, si la configuration globale est figée, le système en tant que tel se perfectionne au fil du temps en intégrant de nouvelles technologies. Une technologie de rupture peut parfaitement être adoptée, sauf si cette innovation remet en cause le fonctionnement du système sociotechnique. Dans ce cas, on observe des effets de système qui ont pour conséquence un rejet de cette technologie.</p>
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<p>Depuis le début du XXe siècle, le système sociotechnique de l’automobile s’est figé sur le modèle du véhicule individuel à essence ou diesel. Tous les efforts de l’Europe depuis 35 ans n’ont réussi qu’à améliorer le système sociotechnique du moteur thermique. Quand la crise du <a href="https://theconversation.com/fr/topics/dieselgate-95169">« dieselgate »</a> éclate en 2015, lorsque sont découvertes les fraudes à la mesure d’émissions de particules fines chez le constructeur allemand Volkswagen, la <a href="https://theconversation.com/fr/topics/voitures-electriques-31974">voiture électrique</a> représente <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S1877343519300375">1 % des ventes dans le monde</a>. Sa chaine de valeur est tellement incompatible avec le système sociotechnique des moteurs thermiques mondial, que son adoption est bloquée depuis quelques années déjà.</p>
<p><a href="https://theconversation.com/automobile-les-trois-etapes-qui-ont-conduit-lue-a-mettre-fin-aux-vehicules-thermiques-dici-2035-186248">Dans notre précédent article</a>, nous avons expliqué comment plusieurs phases ont été nécessaires entre 2015 et 2022 pour que <a href="https://theconversation.com/fr/topics/union-europeenne-ue-20281">l’Union européenne</a> prenne vraiment la décision de sortir du régime du moteur thermique en entraînant avec elle tous les acteurs du secteur automobile. Il ne faut pas se tromper… Malgré les <a href="https://theconversation.com/fr/topics/carburants-62104">carburants</a> de synthèse, l’immense majorité des constructeurs automobiles sont en train de remettre en question leur mode de production. L’après-pétrole s’est bel et bien enfin enclenché (au moins dans la mobilité !).</p>
<p>Dans cette transition d’un système sociotechnique à un autre, l’UE essaie de rester neutre technologiquement en donnant des objectifs de réduction de CO<sub>2</sub> plutôt qu’en prescrivant une solution plutôt qu’une autre. Finalement, ce qu’on a appelle « la fin du moteur thermique », c’est « la fin du système sociotechnique du moteur thermique qui fonctionnait avec de l’essence ou du diesel carboné ».</p>
<h2>Un paysage en forte mutation</h2>
<p>On peut donc avancer que l’offensive allemande sur les carburants de synthèse n’est pas en train de remettre en cause la sortie du système sociotechnique actuel. L’attitude de l’Allemagne est juste le symptôme qu’on a bien enclenché une transformation systémique d’ampleur du système sociotechnique précédent.</p>
<p>Comme nous l’avons vu, quand un nouveau système sociotechnique commence à se développer, cela commence par une rivalité entre acteurs et entre technologies. Les transports et leurs carburants représentent des enjeux économiques, industriels et géopolitiques tels, qu’il faut s’attendre dans les années qui viennent à de fortes turbulences avant qu’un consensus, acceptable par tous, s’installe tout au long de la chaîne de valeur.</p>
<p>D’autres éléments de contexte sont également à prendre en considération pour avoir une vision globale de la situation. Tout d’abord, un nouveau paysage structurant est en train de s’installer : urgence dans la réduction des émissions de gaz à effet de serre, accent mis sur la sobriété énergétique, limites planétaires qui obligent à réduire les ressources « matière ». Or, nos <a href="https://www.cairn.info/revue-management-et-avenir-2022-6-page-39.htm">travaux</a> montrent que l’urgence tend à privilégier dans l’immédiat les technologies les plus matures. Par exemple, c’est l’électrique qui a pris le pas sur toutes autres technologies non carbonées disponibles depuis ces dernières années car c’était la plus mature.</p>
<p>En outre, avec la guerre en Ukraine et les problématiques de dépendance énergétique, le système sociotechnique de l’énergie, qui était lui aussi figé depuis le début du XX<sup>e</sup> siècle, se débloque. En témoignent notamment les vifs débats en Europe entre <a href="https://www.euractiv.fr/section/lexpresso/news/lexpresso-dans-toute-leurope-le-nucleaire-divise-les-partis-politiques/">partisans des énergies renouvelables et partisans du nucléaire</a> ; ou bien entre partisans de l’hydrogène importé des pays ensoleillés et venteux et les partisans d’un <a href="https://www.euractiv.fr/section/energie/news/directive-renouvelables-lintegration-impossible-de-lhydrogene-nucleaire/">hydrogène fait sur place avec du nucléaire</a>.</p>
<h2>Des carburants de synthèse trop émergents</h2>
<p>En 2035, les seuils d’émission de CO<sub>2</sub> fixés par l’Europe seront tellement bas que ni l’essence, ni les hybrides à essence ne seront possibles. Dans ce paysage en forte mutation, toutes les technologies vertes disponibles ou en émergence sont en concurrence.</p>
<p>Pour le moment, les carburants de synthèses partent avec une très grosse longueur de retard sur l’électrique. Ils n’existent qu’au niveau expérimental et sont très onéreux. La plupart d’entre eux sont fabriqués à partir d’hydrogène vert et de CO<sub>2</sub>… c’est-à-dire d’eau et d’air… mais réclame une telle quantité d’énergie, qu’avec la même quantité d’énergie verte (15 kwh), une voiture ne peut <a href="https://www.dw.com/en/batteries-versus-e-fuels-which-is-better/a-61921402">parcourir que <strong>20 kilomètres</strong></a>. Autre inconvénient de taille pour des véhicules urbains, ils génèrent des particules Nox (Oxydes d’azote) dans l’atmosphère. Les carburants de synthèse présentent toutefois l’avantage de pouvoir conserver nos moteurs thermiques actuels et les infrastructures actuelles.</p>
<p><iframe id="dmt6C" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/dmt6C/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>En comparaison, il faut 15 kWh d’électricité verte pour faire <strong>100 kilomètres</strong> avec une voiture électrique. Des politiques ambitieuses de bornes se développent partout. Les batteries ne sont pas forcément la technologie idéale, c’est juste la technologie la plus mature aujourd’hui dans le nouveau système sociotechnique, celle dont l’équation économique est la plus compatible avec le pouvoir d’achat des ménages dans les années qui viennent (montée en volume et diminution du prix) et celle qui bénéficierait du meilleur bilan carbone sur son cycle de vie.</p>
<p>Quant aux véhicules à hydrogène vert qui fonctionnent avec des piles à combustible, avec la même quantité d’électricité, on parcourt <strong>35 kilomètres</strong>, avec des émissions faibles. Cependant, les infrastructures restent quasi-inexistantes et le coût prohibitif.</p>
<p>Dans l’urgence dans lequel nous sommes et dans le contexte énergétique qui est le nôtre, les carburants de synthèse ne peuvent donc pas, en tout cas pour l’instant, remettre en cause la trajectoire d’évolution de la voiture individuelle vers l’électrique d’ici 2035.</p>
<p>Une progression spectaculaire peut être crédible si le monde entier misait sur eux mais cela poserait beaucoup plus de problèmes que la voiture électrique en termes énergétiques. Cela ne veut pas dire qu’on ne roulera jamais avec des carburants de synthèse puisqu’on a déjà misé sur eux <a href="https://www.la-croix.com/Economie/Transport-aerien-lavenir-passe-carburants-synthese-2023-03-07-1201258122">pour l’aviation de demain</a> et que la mobilité lourde qui commence tout juste sa transition peut être également très intéressée.</p>
<p>Il faut laisser le temps au modèle énergétique de muter en profondeur avant de pouvoir identifier réellement la technologie ou les technologies qui s’imposeront à long terme.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/203259/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Valery Michaux ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les débats au sein de l’UE sur l’avenir de l’automobile apparaissent comme une étape logique d’une transition vers ce que la recherche désigne comme un nouveau « système sociotechnique ».Valery Michaux, Enseignante chercheuse, Neoma Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2038032023-04-16T15:55:26Z2023-04-16T15:55:26ZFin de la voiture thermique : la concurrence, un impératif pour atteindre l’objectif européen<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/520833/original/file-20230413-19-9tv30h.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=149%2C1%2C758%2C508&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">La théorie économique montre que la concurrence favorise l’émergence de solutions innovantes.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.pxfuel.com/en/free-photo-xfbsg">Pxfuel.com</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Le 7 mars 2023, alors que le Conseil européen s’apprêtait à voter définitivement l’interdiction des ventes des <a href="https://theconversation.com/fr/topics/voitures-thermiques-94899">voitures thermiques</a> neuves à moteur thermique sur le sol européen à partir de 2035, coup de théâtre : l’<a href="https://theconversation.com/fr/topics/allemagne-24115">Allemagne</a>, dont la voix est indispensable pour faire approuver la mesure, et une coalition de 6 autres pays européens <a href="https://www.francetvinfo.fr/replay-jt/france-2/20-heures/fin-des-voitures-thermiques-en-2035-l-allemagne-revient-sur-sa-position-et-refuse-de-voter-le-texte_5698175.html">bloque le vote du texte</a>, dès lors reporté à une date indéfinie. Un pas en arrière vers la transition verte…</p>
<p>À peine quelques jours après, la Commission européenne, représentant l’ensemble des pays membres dont les frondeurs sur la fin du thermique, dévoile son plan de réplique à l’Inflation Reduction Act américain (IRA), le <a href="https://single-market-economy.ec.europa.eu/publications/net-zero-industry-act_en">Net-Zero Industry Act</a>, soit un plan de compétitivité fondé sur l’accélération de la transition verte. Un pas en avant vers la transition…</p>
<p>On avance, on recule ? C’est une <a href="https://theconversation.com/fr/topics/union-europeenne-ue-20281">Union européenne (UE)</a> devenue Janus avec un visage pro-transition et un visage procrastinateur, de même qu’un visage pro-concurrence contraste avec un visage protectionniste. La conséquence de telles contradictions : la perte de crédibilité quant à la réalisation de ses objectifs et le retard dans la course à la transition écologique.</p>
<h2>Une avance à conserver</h2>
<p>Pourtant, l’UE semblait bien partie pour s’affirmer comme leader mondial de la transition avec son dynamique écosystème vert constitué d’entreprises innovantes soutenues par la « Banque européenne du climat », comme aime à s’appeler la BEI (Banque européenne d’investissement). Cette dernière réaffirmait fin février sa volonté de <a href="https://www.eib.org/fr/press/all/2023-077-eib-group-forum-president-hoyer-signals-readiness-to-boost-green-energy-finance-in-support-of-eu-autonomy-competitiveness">redoubler son soutien aux initiatives vertes</a> en faisant de la transition la destination principale de ses financements, au-delà du niveau déjà honorable de 60 % réalisé sur 2022.</p>
<p>L’UE semble en outre particulièrement en avance sur la technologie d’avenir qu’est l’hydrogène vert, avec de nombreux projets importants d’intérêt européen commun (PIIEC), la <a href="https://www.h2-mobile.fr/actus/hydrogene-europe-domine-production-mondiale-brevets/">première place mondiale en nombre de brevets</a> (classement de janvier dernier de l’Agence internationale de l’énergie, l’AIE) et un embryon de <a href="https://www.eesc.europa.eu/fr/our-work/opinions-information-reports/opinions/banque-europeenne-de-lhydrogene">banque à hydrogène</a>.</p>
<p><a href="https://fr.statista.com/infographie/29123/production-hydrogene-nombre-de-depots-de-brevets-par-pays-ou-region/" title="Production d’hydrogène : l’Europe mène la course aux brevets (Statista)"><img src="https://cdn.statcdn.com/Infographic/images/normal/29123.jpeg" alt="Production d’hydrogène : l’Europe mène la course aux brevets" width="100%" height="auto"></a></p>
<p><em>Vous trouverez plus d’infographie sur <a href="https://fr.statista.com/graphique-du-jour/">Statista</a>.</em></p>
<p>Cette position de favori est confirmée par les investisseurs étrangers qui <a href="https://www.ey.com/en_gl/attractiveness/ey-europe-attractiveness-survey">perçoivent l’UE comme particulièrement attractive</a> en raison de l’ambitieuse politique verte communautaire en faveur de la transition et de sa réglementation avancée en la matière, notamment avec le mécanisme de taxe carbone aux frontières (MACF) dont l’entrée en vigueur est <a href="https://www.touteleurope.eu/environnement/changement-climatique-qu-est-ce-que-le-mecanisme-d-ajustement-carbone-aux-frontieres-ou-taxe-carbone-europeenne/">prévue dès cet automne</a>.</p>
<p>Cette avancée réelle a le mérite d’œuvrer à réinternaliser les externalités négatives sur la sphère écologique tout en respectant la concurrence grâce au signal-prix, dont la revalorisation du prix de la tonne de CO<sub>2</sub> au-dessus des 100 euros laisse à penser qu’il sera très efficace.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1628580170948018176"}"></div></p>
<p>À condition de ne pas le détricoter à force d’exonérations et de reports sine die, ou de multiples subventions déguisées à la pollution sous forme de dépenses exceptionnelles de réduction de la facture énergétique (comme le <a href="https://theconversation.com/pouvoir-dachat-le-bouclier-tarifaire-un-soutien-de-100-euros-par-trimestre-185056">bouclier tarifaire</a> en France) qui ont atteint en Europe le record de <a href="https://www.latribune.fr/entreprises-finance/transitions-ecologiques/jamais-les-etats-n-ont-autant-subventionne-les-energies-fossiles-qu-en-2022-952260.html">350 milliards d’euros</a> sur 2022 d’après l’AIE.</p>
<p>Il faut fixer des objectifs clairs et cohérents et s’y tenir pour donner la certitude aux entreprises et aux investisseurs qu’on ne reviendra pas en arrière. Il est impératif d’ancrer les anticipations des acteurs sur un horizon fixe et certain pour pouvoir enclencher le jeu de la concurrence et son mécanisme de contestabilité des marchés et de débloquer les investissements privés. Toute forme de renoncement de l’UE désincitera les acteurs à accélérer dans la transition et fera rétropédaler ceux qui avaient pris de l’avance sur l’atteinte de l’horizon 2035.</p>
<h2>Éviter « la tragédie des horizons »</h2>
<p>Le constructeur français Renault a ainsi pivoté sa stratégie sur les voitures propres avec son <a href="https://www.usinenouvelle.com/article/a-quoi-ressemblera-le-pole-electricity-de-renault-dans-les-hauts-de-france.N1112619">pôle Electricity</a> et la scission de ses activités en deux entités aux stratégies différenciées pour rester compétitif dans un marché concurrentiel : Ampère, dédiée aux véhicules propres une stratégie de sophistication avec une offre de qualité supérieure à un prix plus élevé destinée au marché européen ; Horse, les véhicules thermiques destinés aux marchés émergents sur une stratégie d’optimisation des coûts, la rentabilité sur cette offre traditionnelle bien maîtrisée devant alimenter le financement de la sophistication verte.</p>
<p>Mêmes positionnements sur le premium de l’offre de voitures propres chez Stellantis, avec d’autres acteurs comme l’américain Tesla ou le géant français de l’énergie TotalEnergies sur l’équipement en bornes de recharge de son réseau de stations-service, qui démontrent le rôle décisif de la concurrence pour développer une offre alignée avec les impératifs de la transition énergétique.</p>
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<p>La concurrence favorise la <a href="https://www.alternatives-economiques.fr/dictionnaire/definition/97466">contestabilité des marchés</a> (permettant à de nouveaux producteurs de se joindre ou de se retirer des conditions qui leur conviennent) et son cortège d’innovations indispensables pour dépasser la frontière technologique de la transition (le niveau le plus avancé de la recherche à un moment donné) et de prendre un coup d’avance sur les solutions de demain. En <a href="https://www.jstor.org/stable/3502156">théorie</a>, une économie rendue contestable par la concurrence conduit à une sophistication de la proposition de valeur des offres et <a href="https://www.lesechos.fr/2004/01/marche-contestable-1060294">à une valeur partagée pour tous</a> : qualité de service et prix plus bas au bénéfice de la demande ; plus de rendements de l’<a href="https://theconversation.com/fr/topics/innovation-21577">innovation</a> et d’échelles et d’attraction des ressources rares au bénéfice de l’offre.</p>
<p>Plus l’UE reporte ses objectifs et cède aux pressions protectionnistes, plus elle s’enfermera dans <a href="https://politiqueinternationale.com/revue/n162-investissement-responsable-lessor/dossier-special/finance-et-risque-climatique-la-tragedie-des-horizons">« la tragédie des horizons »</a> sur laquelle alertait l’ancien banquier central canadien Marc Carney, et son retard sera irrattrapable. Elle gagnerait à rester cohérente avec son principe fondateur de la concurrence et ses <a href="https://www.touteleurope.eu/fonctionnement-de-l-ue/le-marche-unique/">« quatre libertés fondamentales »</a> (circulation des biens, des capitaux, des services et des personnes) pour attirer les capitaux nécessaires à la transition et les infrastructures indispensables à sa diffusion (comme les bornes de recharge électrique) et son acceptabilité.</p>
<p>À l’heure où les États-Unis s’égarent avec du protectionnisme dont ils auront à assumer le revers plus tôt que tard comme l’illustre l’accord tout récent sur le nouvel oléoduc en Alaska, concession exigée des puissants lobbys d’hydrocarbures, l’UE doit rester ferme sur ses engagements et fidèle à la <a href="https://theconversation.com/fr/topics/concurrence-22277">concurrence</a> dont les vertus accéléreront la transition et sa diffusion avec des solutions accessibles. Il est temps de passer du <a href="https://www.gfmag.com/magazine/january-2023/nouriel-roubini-interview"><em>greenwishing</em></a> (« l’envie de vert ») comme ironise l’économiste américain Nouriel Roubini, au <em>green-enacting</em> (« l’action verte ») grâce à la concurrence ; un positionnement gagnant <a href="https://competition-policy.ec.europa.eu/consumers/why-competition-policy-important-consumers_fr">vecteur d’une compétitivité et d’une attractivité</a> certaines.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/203803/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Face à la coalition menée par l’Allemagne pour revenir sur l’interdiction de la vente de voitures thermiques dès 2035, l’UE doit rester ferme sur les principes de son fonctionnement économique.Anna Souakri, Affiliate Professor in Strategy/Innovation & Researcher at Square Management, ESCP Business SchoolJean-Marc Daniel, Emeritus associate Professor, Law Economics & Humanities, ESCP Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1977632023-01-17T17:50:31Z2023-01-17T17:50:31ZRéguler l’installation des médecins : la comparaison avec le cas allemand<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/504325/original/file-20230112-60724-6kpasw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=13%2C0%2C3002%2C2038&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">En France, la sous-densité en médecins est le problème principal. L'Allemagne, elle, a longtemps cherché à éviter la sur-densité.</span> <span class="attribution"><span class="source">Babsy</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-sa/4.0/">CC BY-NC-SA</a></span></figcaption></figure><p>Dans le débat actuel sur la liberté d’installation des médecins en France et les <a href="https://www.cairn.info/revue-francaise-des-affaires-sociales-2020-1-page-33.htm">« déserts médicaux »</a>, les expériences à l’étranger sont utilisées de manière très variable par les défenseurs comme les détracteurs d’une régulation plus stricte que celle qui existe aujourd’hui.</p>
<p>Concrètement, à l’heure actuelle, un médecin libéral en France peut s’installer où le veut. Néanmoins, l’« Accessibilité potentielle localisée » ou APL (établie selon le nombre de médecins généralistes jusqu’à 65 ans, le temps d’accès pour les patients, etc.) commence à être prise en compte au sein des « Territoires vie-santé » qui maillent le pays (voir la carte ci-dessous).</p>
<p>Il y a ainsi des incitations financières pour promouvoir une installation dans une <a href="https://solidarites-sante.gouv.fr/professionnels/zonage-medecin">zone « sous-dense » en personnel médical</a>. En parallèle, l’idée de restreindre l’installation en zone « sur-dense » se développe et alimente des propositions parfois très discutées. Les <a href="https://www.lemonde.fr/idees/article/2022/10/20/la-regulation-a-l-installation-des-jeunes-medecins-n-est-pas-une-solution_6146641_3232.html">polémiques les plus récentes</a> concernent l’<a href="https://solidarites-sante.gouv.fr/actualites/presse/communiques-de-presse/article/ajout-d-une-quatrieme-annee-au-diplome-d-etudes-specialisees-de-medecine">ajout d’une quatrième année à l’internat de médecine générale</a>, assortie de l’obligation de l’effectuer en cabinet de ville. Dans un Territoire de vie-santé sous-dense, un habitant a accès à <a href="https://drees.solidarites-sante.gouv.fr/sites/default/files/er1144.pdf">moins de 2,5 consultations par an</a> ; 3,8 millions de personnes étaient concernées en 2018, contre 2,5 millions en 2015.</p>
<figure><a href="https://drees.shinyapps.io/carto-apl/" target="_blank"><img src="https://images.theconversation.com/files/504324/original/file-20230112-24-q16kzu.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=489&fit=crop&dpr=1"><figcaption>Carte de la densité d’installation des médecins en France, territoire vie-santé (carte clicable).</figcaption></a></figure>
<p>L’Allemagne, voisin le plus proche géographiquement, est doté d’un système de régulation de l’installation parmi les plus stricts au monde. Pourtant, il est très peu évoqué dans le débat français. Au-delà de la barrière linguistique, la <a href="https://drees.solidarites-sante.gouv.fr/publications/les-dossiers-de-la-drees/remedier-aux-penuries-de-medecins-dans-certaines-zones">faible diffusion de l’évaluation des politiques en place outre-Rhin</a> ne facilite pas les échanges d’expériences.</p>
<p>Cet article décrypte le système allemand actuel, et son historique, et donne un aperçu des effets. En outre, il discute la transférabilité de ces enseignements vers la France.</p>
<h2>Une politique ancienne qui s’est complexifiée</h2>
<p>Les bases de la « planification des besoins » (<em>Bedarfsplanung</em>) sont jetées en 1976 avec l’introduction de statistiques sur la répartition des praticiens sur le territoire. Une évolution majeure a lieu en 1993 avec le découpage du pays en 395 zones de planification et la fixation de « densités cibles » pour 14 catégories de médecins (généralistes, neurologues et psychiatres, etc.).</p>
<p>L’objectif est d’éviter les zones sur-denses en médecins. L’installation n’est possible que si ce seuil de densité n’est pas dépassé de plus de 10 %.</p>
<p>Depuis 2013, le calcul du seuil est plus fin et tient compte de la structure démographique (âge et sexe) de la population. L’objectif est désormais, aussi, d’éviter les zones sous-denses.</p>
<p>En 2021, est lancée une <a href="https://www.g-ba.de/themen/bedarfsplanung/bedarfsplanungsrichtlinie/">dernière évolution du mode de calcul</a>. Sont intégrés progressivement l’état de santé dans le territoire (basé sur les données administratives fournies par les médecins), les distances (en voiture) entre population et cabinets, puis la multiplication des zones de planification, notamment pour les généralistes (actuellement environ 883 zones).</p>
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<h2>Une large acceptation parmi les professionnels et des effets positifs</h2>
<p>Un point important est à souligner : cette politique contraignante est largement acceptée par les organisations de médecins. Il faut noter que, au sein des comités de pilotage régionaux (associations de médecins conventionnés et caisses d’Assurance maladie) et au niveau du cadrage fédéral (un comité regroupant essentiellement les médecins, les caisses et les hôpitaux sous supervision légale du ministère de la Santé), ces organisations contribuent à l’évolution du dispositif.</p>
<p>Depuis 1999, la régulation de l’installation est par ailleurs étendue aux psychologues exerçant en tant que psychothérapeutes dans le cadre de leur conventionnement avec l’Assurance maladie. À l’instar des médecins, en échange du bénéfice du remboursement de leur prise en charge, les psychothérapeutes acceptent certaines contraintes, y compris la limitation de l’installation.</p>
<p>Concrètement, en <a href="https://www.kbv.de/html/bundesarztregister.php">2021, 31 300 psychologues-psychothérapeutes et 152 000 médecins conventionnés étaient concernés</a> en Allemagne par ce système de maîtrise de l’installation.</p>
<p>Ce système a jusqu’ici donné de bons résultats qui, s’ils ne bénéficient pas d’évaluations scientifiques, sont basés sur des données assez robustes quant à ses effets. La discussion autour de cette politique est en effet essentiellement basée sur des rapports rédigés par des instituts privés et financés par les différentes parties prenantes.</p>
<p>Une <a href="https://www.hsm.bwl.uni-muenchen.de/forschung/gutachten/index.html">expertise approfondie et indépendante publiée en 2018</a> a conclu que l’accès est très bon pour la plupart des habitants en Allemagne : 99,8 % de la population est à moins de dix minutes de voiture d’un généraliste, et 99,0 % à moins de 30 minutes pour la plupart des spécialistes. Il s’agit, bien entendu, d’un indicateur d’accès purement géographique, en supposant qu’une voiture est à disposition. En ce qui concerne la disponibilité des médecins, la majorité des personnes interrogées ont répondu qu’elles obtiennent des rendez-vous en quelques jours seulement.</p>
<p>En France, une <a href="https://drees.solidarites-sante.gouv.fr/publications/les-dossiers-de-la-drees/deserts-medicaux-comment-les-definir-comment-les-mesurer">étude de 2017</a> a trouvé des chiffres relativement proches pour les généralistes : 98 % de la population est à moins de dix minutes en voiture. Faute de méthode identique, les autres données de ces deux études ne sont pas comparables. Il ne faut non plus occulter les différences systémiques entre les deux pays, qui empêchent de conclure que les résultats parfois divergents ne seraient dus qu’à la régulation de l’installation.</p>
<h2>Des différences systémiques avec la France</h2>
<ul>
<li><strong>Densité médicale et ruralité</strong></li>
</ul>
<p>Le débat sur le « manque » de médecins (<em>Ärztemangel</em>) est moins intense en Allemagne qu’en France. Et pour cause : s’il existe aussi des différences régionales, <a href="https://www.oecd.org/health/health-data.htm">l’Allemagne recensait, en 2020, 40 % de médecins de plus que l’Hexagone</a> – par rapport à la population et tous secteurs confondus (hôpital, ambulatoire, etc.) (voir tableau).</p>
<p>La question de la ruralité ne se pose pas non plus de la même manière dans les deux pays. Dans la « campagne profonde », en Allemagne, on n’est jamais très loin d’un centre urbain. Cela se traduit, schématiquement, par une densité de la population presque deux fois plus élevée qu’en France.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/504304/original/file-20230112-12-5p567l.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="L’Allemagne compte 4,5 médecins en exercice par 1000 habitants contre 3,2 pour la France dont la population est deux fois moins dense" src="https://images.theconversation.com/files/504304/original/file-20230112-12-5p567l.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/504304/original/file-20230112-12-5p567l.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=78&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/504304/original/file-20230112-12-5p567l.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=78&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/504304/original/file-20230112-12-5p567l.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=78&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/504304/original/file-20230112-12-5p567l.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=98&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/504304/original/file-20230112-12-5p567l.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=98&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/504304/original/file-20230112-12-5p567l.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=98&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Données clefs comparant la densité médicale et populationnelle, en 2020, en Allemagne et en France.</span>
<span class="attribution"><span class="source">OECD/Wikipedia</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Par conséquent, un médecin s’installant dans la campagne allemande ne se sent pas (automatiquement) éloigné d’un certain nombre de services publics, culturels, etc. Cela renvoie à l’idée, dans le débat en France, que les « déserts médicaux » sont aussi, en partie, des <a href="https://www.europe1.fr/sante/un-desert-medical-cest-aussi-un-desert-de-services-publics-et-prives-3877247">« déserts de service public et privé »</a>.</p>
<ul>
<li><strong>Organisation interne et intégration institutionnelle</strong></li>
</ul>
<p>Il convient également de souligner que, si la limitation de l’installation n’est pas contestée, ce sont les médecins allemands eux-mêmes qui la mettent en œuvre.</p>
<p>Ils disposent en effet de larges compétences pour gérer l’organisation de leur exercice : de la formation (définition des cursus pour les études de médecine, etc.) à la permanence de soins, en passant par la distribution du budget ambulatoire. Ils sont en négociation quasi permanente avec l’Assurance maladie et sont bien représentés au niveau politique. <a href="https://www.cairn.info/revue-francaise-des-affaires-sociales-2020-1-page-215.htm">L’intégration institutionnelle des médecins, par les organes les représentant, est donc forte</a>.</p>
<p>Cette intégration entraîne toutefois une grande complexité afin que le périmètre et les compétences de chaque partenaire (associations de médecins conventionnés, caisses d’Assurance maladie, Comité fédéral commun…) soit <a href="https://www.kvb.de/praxis/niederlassung/bedarfsplanung/bedarfsplan/">clairement défini</a>.</p>
<ul>
<li><strong>Un système de rémunération différent</strong></li>
</ul>
<p>En Allemagne, la rémunération repose essentiellement sur un système de capitation : une somme fixe pour chaque patient pris en charge par un médecin, par trimestre. S’y ajoute, en sus, une rémunération à l’acte, dont le montant baisse en fonction du nombre d’actes prodigués. On parle de « dégression » : plus il y a des actes, moins élevé est le prix par acte. Comme mentionné plus haut, ce sont les médecins eux-mêmes qui gèrent cette enveloppe dite « à moitié fermée ».</p>
<p>A contrario, en France, domine toujours la rémunération à l’acte qui est non dégressive, et donc à prix fixe.</p>
<h2>Des différences empêchant toute transférabilité ?</h2>
<p>A priori non, car il existe tout de même de nombreuses similitudes rendant les deux systèmes comparables dans une certaine mesure.</p>
<p>À la différence d’autres systèmes tels que celui en vigueur en Angleterre, France et Allemagne offrent un accès assez peu restreint à de nombreux spécialistes en dehors de l’hôpital. En France, cependant, le « parcours de soins » incite financièrement les patients à passer d’abord par un généraliste – hors gynécologues, ophtalmologues, psychiatres et stomatologues, qui sont accessibles directement sans pénalité financière.</p>
<p>Les deux pays introduisent aussi de plus en plus de dispositifs semblables, qui redessinent l’organisation du système de soins : des maisons ou centres de santé regroupant plusieurs professionnels, des soins plus coordonnés pour les patients atteints de maladies chroniques, l’usage de référentiels pour améliorer la qualité, etc.</p>
<p>Dans l’organisation du système de soins, on note également, en Allemagne comme en France, que l’État est de plus en plus pilote de ces politiques. Ce qui est lié à la notion de contrôle budgétaire, devenue une préoccupation primordiale et un moyen de <a href="https://www.cairn.info/revue-francaise-des-affaires-sociales-2020-1-page-215.htm">cadrer les changements du système de santé</a>.</p>
<h2>Limiter l’installation des médecins : une politique efficace mais complexe</h2>
<p>L’exemple allemand montre que la limitation de l’installation est une politique efficace… mais qui ne peut être mise en place qu’au prix d’un mille-feuille administratif assez épais. Chaque nouvelle modification, comme en 2021, venant ajouter (encore) des variables dans un modèle de planification déjà très complexe. Il faut donc multiplier la collecte, la remontée et l’analyse de données, les concertations, etc.</p>
<p>Mais il faut surtout retenir que cet outil a été mis en place (et a longtemps servi) pour « corriger » les zones sur-denses dans un pays plutôt bien doté en médecins et <a href="https://journals.sagepub.com/doi/10.1177/09514848221080691">lits d’hôpitaux</a>. Cette planification a été conçue afin de maîtriser les coûts et éviter une compétition trop élevée entre médecins qui opèrent avec le système d’enveloppe à moitié fermée. Cette trajectoire structure encore les débats et les actions en Allemagne.</p>
<p>Or, ce sont les zones sous-denses qui sont au cœur des débats en France. À titre d’exemple, la densité de médecins généralistes est de 46 % plus élevée dans la région la plus dotée (PACA), par rapport à la moins dotée (Centre), en 2021. Afin de pallier aux « déserts médicaux », il conviendrait plus de se pencher sur les <a href="https://www.cairn.info/revue-francaise-des-affaires-sociales-2020-1-page-33.htm">outils incitatifs</a>. Ceux qui existent sont par ailleurs assez similaires dans les deux pays : aide financière à l’installation, <a href="https://www.tandfonline.com/doi/full/10.1080/0142159X.2022.2151885">ouverture de sites de formation</a> ou d’antennes d’universités dans les territoires ruraux, incitation au recrutement d’internes, etc.</p>
<p>L’approche outre-Rhin apporte donc des pistes de réflexion qui méritent d’être analysées. Toutefois, afin de mener un débat éclairé, il est essentiel de distinguer les notions de zone sous- versus sur-dense, et de tenir compte des spécificités du système de notre voisin – proche… mais pas tout à fait similaire.</p>
<hr>
<p><em>L’auteur remercie Lucie Kraepiel, doctorante au CSO (Centre de sociologie des organisations) et assistante de recherche à l’axe santé du LIEPP (Laboratoire interdisciplinaire d’évaluation des politiques publiques) de Sciences Po, pour sa relecture de cet article.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/197763/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Matthias Brunn ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les déserts médicaux sont un problème croissant en France. Les exemples de nos voisins européens peuvent-ils apporter des solutions ? Le système allemand est particulièrement intéressant. Décryptage.Matthias Brunn, Chercheur affilié en sciences politiques au LIEPP - Sciences Po, Sciences Po Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1974422023-01-10T20:42:35Z2023-01-10T20:42:35ZSystème de santé : sortir de la « crise sans fin » n’est pas qu’une question de moyens<p>Le vendredi 6 janvier, le président de la République Emmanuel Macron a présenté, lors de ses vœux aux acteurs de la santé, plusieurs pistes pour tenter de sortir le système français « de ce jour de crise sans fin ». Des moyens supplémentaires, comme l’<a href="https://www.lemonde.fr/sante/article/2023/01/06/emmanuel-macron-annonce-un-plan-pour-sortir-le-systeme-de-sante-d-une-crise-sans-fin_6156883_1651302.html">accélération du recrutement d’assistants médicaux</a> afin de parvenir à 10 000 créations d’ici 2024 (contre 4 000 actuellement), viennent donc s’ajouter à ceux déjà actés lors de son premier quinquennat : 12 milliards d’euros par an pour l’accroissement des rémunérations des soignants et les 19 milliards d’investissements dans les hôpitaux.</p>
<p>En plus de ces moyens financiers supplémentaires, des moyens humains et organisationnels ont été débloqués : la fin du numerus clausus pour les étudiants en médecine depuis la rentrée 2021en attendant la <a href="https://www.lemonde.fr/sante/article/2023/01/06/emmanuel-macron-annonce-un-plan-pour-sortir-le-systeme-de-sante-d-une-crise-sans-fin_6156883_1651302.html">réorganisation du travail à l’hôpital</a> annoncée le 6 janvier.</p>
<p>Le matin des annonces du président de la République, l’économiste Thomas Piketty appelait à accroître drastiquement les moyens alloués à la santé. Il appelait ainsi sur France Inter à <a href="https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/le-debat-economique/le-debat-eco-du-vendredi-06-janvier-2023-1595793">consacrer jusqu’à 30 % du PIB à la santé</a> en finançant les dépenses supplémentaires par des hausses de taxes, ce qui le faisait alors envisager des prélèvements pouvant aller jusqu’à 70 % du PIB !</p>
<h2>Une simple question d’argent ?</h2>
<p>En 2021, la France <a href="https://drees.solidarites-sante.gouv.fr/publications-documents-de-reference-communique-de-presse/panoramas-de-la-drees/CNS2022">consacrait 12,3 % de son PIB aux dépenses de santé</a>, ce qui est approximativement la même chose qu’en <a href="https://theconversation.com/fr/topics/allemagne-24115">Allemagne</a> où la part est de 12,8 % (9,5 % en Italie, 11,9 % au Royaume-Uni et 17,8 % aux États-Unis). Le manque de moyens n’est donc pas « criant ». Cependant, si la France et l’Allemagne consacrent la même part de leurs ressources à la santé, l’utilisation de ces moyens peut être très différente : en contrôlant ainsi par le niveau des moyens, on peut alors identifier, en comparant la France à l’Allemagne, les changements d’organisation qui permettraient de mieux faire.</p>
<p><iframe id="yBHJv" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/yBHJv/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Avec <a href="https://data.oecd.org/fr/healtheqt/lits-d-hopitaux.htm">près de 8 lits pour 1 000 habitants en Allemagne</a> en 2020, la possibilité de bénéficier de soins hospitaliers est plus importante que dans un pays où il y a seulement 5,7 lits pour 1 000 habitants comme en France (il y a 3,2 lits pour 1 000 habitants en Italie, 2,3 au Royaume-Uni et 2,8 aux États-Unis). De plus, l’Allemagne investit davantage dans la « qualité » des soins. Le pays compte plus de médecins (<a href="https://data.oecd.org/healthres/doctors.htm">4,5 pour 1 000 habitants contre 3,4 en France</a>), mais également plus de personnel médical (<a href="https://data.oecd.org/healthres/nurses.htm">12,1 infirmiers contre 11,3 pour 1 000 habitants</a>). Cet écart en capital humain s’est creusé, en défaveur de la France, depuis 2000.</p>
<p><iframe id="DcWQp" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/DcWQp/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>De plus, les médecins et infirmiers allemands sont mieux payés que leurs homologues français. Un médecin généraliste allemand gagne environ <a href="https://www.oecd-ilibrary.org/fr/social-issues-migration-health/remuneration-of-doctors-ratio-to-average-wage-2019-or-nearest-year_a5406374-en">4,4 fois le salaire moyen allemand</a>, alors que son homologue français ne gagne que 3 fois le salaire moyen français. Un infirmier allemand gagne <a href="https://www.oecd-ilibrary.org/fr/social-issues-migration-health/remuneration-of-hospital-nurses-ratio-to-average-wage-2019-or-nearest-year_c9058ced-en">1,1 fois le salaire moyen allemand</a> alors que ce facteur n’est que de 0,9 en France.</p>
<p>Pour le patient, l’accès et la qualité des soins ne peuvent alors être que meilleurs outre-Rhin : <a href="https://www.oecd.org/fr/sante/systemes-sante/Panorama-de-la-sant%C3%A9-2019-Chapitres-0-1-2.pdf">chaque Allemand consulte davantage un médecin qu’un Français</a>, il bénéficie de plus de radios, de scanners, de séjours plus longs en <a href="https://theconversation.com/fr/topics/hopital-23258">hôpital</a> et de davantage d’innovations médicales.</p>
<p>Des inefficacités organisationnelles peuvent alors expliquer qu’à dépense égale dans la santé, il y ait moins de lits en France, moins de personnels soignants percevant de plus faibles rémunérations et moins d’innovations médicales. Nous allons en dégager trois, dans les domaines de la <a href="https://theconversation.com/fr/topics/pharmacie-27983">pharmacie</a>, l’hôpital et la recherche médicale.</p>
<h2>Le pharmacien peut redevenir un soignant</h2>
<p>Il y a plus de pharmaciens de France qu’en Allemagne (<a href="https://www.oecd-ilibrary.org/docserver/fea50730-fr.pdf">1,03 contre 0,67 pour 1 000 habitants</a>) et ces personnels de santé ont de <a href="https://www.lequotidiendupharmacien.fr/exercice-pro/politique-de-sante/le-revenu-mensuel-des-pharmaciens-evalue-7671-euros">fortes rémunérations</a> sans pour autant effectuer de soins. Cette forte « force de vente française » en médicaments a conduit la part française des dépenses de santé consacrées aux produits pharmaceutiques à être supérieure à celle de l’Allemagne : avant 2014, elle a <a href="https://data.oecd.org/fr/healthres/depenses-pharmaceutiques.htm">culminé à 18 % des dépenses de santé en France</a>, alors qu’elle n’a jamais dépassé 15 % en Allemagne.</p>
<p>[<em>Près de 80 000 lecteurs font confiance à la newsletter de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde</em>. <a href="https://theconversation.com/fr/newsletters/la-newsletter-quotidienne-5?utm_source=inline-70ksignup">Abonnez-vous aujourd’hui</a>]</p>
<p>Pour faire face à une offre qui ne permet pas à tous les patients d’être en contact avec un personnel de santé, les pharmaciens pourraient effectuer des tâches de prescriptions simples, et ainsi désengorger les médecins généralistes. Cette réallocation des tâches permettrait aux généralistes de se concentrer sur les cas qui nécessitent une expertise pointue. Ceci justifierait alors en partie <a href="https://www.francetvinfo.fr/economie/greve/greve-des-medecins/greve-des-medecins-generalistes-pourquoi-les-liberaux-veulent-que-la-consultation-passe-de-25-a-50-euros_5564802.html">l’augmentation des honoraires qu’ils demandent</a>. Les pharmaciens contribueraient donc à la production de soins.</p>
<h2>Reconcentrer les hôpitaux français</h2>
<p>Si l’on se focalise sur l’hôpital, qui est aujourd’hui sous les projecteurs de l’actualité, la France y consacre davantage de moyens que l’Allemagne, avec <a href="https://fipeco.fr/pdf/h%C3%B4pitaux2020.pdf">4,6 % de son PIB contre 3,6 %</a> (deuxième rang en Europe après le Royaume-Uni). Mais ce qui caractérise la France, c’est son très grand nombre d’établissements hospitaliers : il y a <a href="https://stats.oecd.org/Index.aspx?ThemeTreeId=9&lang=fr">4,42 hôpitaux pour 100 000 habitants en France contre seulement 3,62 hôpitaux pour 100 000 habitants en Allemagne</a> (il y en a 2,86 au Royaume-Uni, 1,80 en Italie et 1,86 aux États-Unis).</p>
<p><iframe id="nv99g" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/nv99g/2/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Comme la France a aussi un très grand nombre de lits d’hôpitaux (pour rappel, 6 lits pour 1 000 habitants), il y a donc un phénomène d’atomisation : le nombre moyen de lits en France par hôpital reste inférieur à la situation en Allemagne. Cette atomisation réduit la qualité des soins car celle-ci est fortement liée au volume de travail de ses agents : le niveau d’expertise croît fortement lorsque de multiples cas ont été traités par les équipes médicales d’un établissement. Les patients intègrent bien cela en demandant toujours à être traités par l’hôpital le mieux réputé.</p>
<p>Ainsi, une partie des moyens consacrés à l’hôpital n’améliore pas les soins. De plus, cette atomisation est très coûteuse car l’activité hospitalière se caractérise par des effets de seuil : quel que soit le volume de soins effectué par un hôpital, des moyens minimaux en équipements et en personnels sont exigés (coûts fixes de fonctionnement). Le saupoudrage des moyens sur une trop grande quantité de structures hospitalières conduit alors à payer plusieurs fois les mêmes coûts fixes, alors que dans certains hôpitaux, l’utilisation de ces équipements et des personnels reste trop faible pour garantir une bonne qualité du soin.</p>
<p>Enfin, cette multiplication des centres hospitaliers a conduit la part des dépenses de santé consacrée à l’<a href="https://theconversation.com/fr/topics/administration-27868">administration</a> du <a href="https://theconversation.com/fr/topics/systeme-de-sante-32263">système de santé</a> à être plus forte en France : elle était de 8 % dans les années 1990 et 7 % dans les années 2000 contre 5,5 % pendant ces 20 années en Allemagne.</p>
<p><iframe id="l1Lfy" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/l1Lfy/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Ceci doit conduire à transformer rapidement une partie des hôpitaux locaux de soins aigus en hôpitaux de proximité. Cela assurera une meilleure rationalité économique dans la gestion des moyens octroyés aux hôpitaux (réduction de coûts fixes), satisfera davantage l’exigence de qualité des soins hospitaliers aigus, tout en maintenant d’un tissu local de prise en charge de soins de premiers recours.</p>
<p>Enfin, il faut remarquer que le très grand nombre d’hôpitaux sur notre territoire ne garantit pas à la population un meilleur soin en cas d’accident : le taux de mortalité dans les 30 jours après une admission pour un infarctus est <a href="https://www.econ.queensu.ca/sites/econ.queensu.ca/files/R.%20Fonseca%20Paper.pdf">7,05 % en France contre 5,5 % en Allemagne</a> (6,6 % aux États-Unis et 7,25 % en Italie). La santé et donc l’hôpital sont des « biens publics », pas des outils de développement local d’un territoire !</p>
<h2>Réallouer les moyens de la recherche</h2>
<p>L’épisode du Covid-19 a alerté le grand public sur les déficiences de la recherche médicale française. L’Allemagne, avec BioNTech et l’université de Mayence, le Royaume-Uni, avec AstraZeneca et l’université d’Oxford ainsi que les États-Unis avec Moderna et les fonds engagés par Pfizer pour soutenir BioNTech sont les pays qui ont mis au point un vaccin.</p>
<p>Est-ce une surprise ? La qualité de la recherche-développement (<a href="https://theconversation.com/fr/topics/randd-34548">R&D</a>) des pays est particulièrement mise à l’épreuve lorsqu’il s’agit de trouver une solution à un nouveau problème : des moyens doivent être réalloués pour « créer » ces nouveaux produits, et ces moyens doivent être mis entre des mains qui ont les très fortes compétences nécessaires pour produire un bien de niveau international.</p>
<p>Or, le manque de moyen de la R&D française est connu. Il se traduit par un plus faible nombre de brevets déposés chaque année (approximativement 110 brevets par million d’habitants en France contre 350 en Allemagne). Mais, si l’on fait abstraction du niveau des moyens, la France se caractérise par une plus faible part de ces moyens en R&D consacrée au domaine médical et pharmaceutique : cette part est trois fois plus grande en Allemagne (et deux fois plus grande aux États-Unis).</p>
<p><iframe id="8Boy5" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/8Boy5/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Là encore, ce n’est pas forcément le « manque de moyens » qui explique les mauvais résultats de la France, mais davantage leurs mauvaises utilisations. Ainsi, une étude menée par le Conseil d’analyse économique (CAE) publiée en 2021 analysait finement le retard français dans le domaine de recherche médicale. Premièrement, les moyens accordés à la R&D en santé sont faibles et décroissent : les crédits publics en R&D pour la santé sont <a href="https://www.cae-eco.fr/staticfiles/pdf/cae-note62v3.pdf">passés de 3,5 milliards de dollars en 2011 à 2,5 en 2018</a> (soit -28,5 %), alors que pendant la même période ils augmentaient de 11 % en Allemagne (+16 % au Royaume-Uni).</p>
<p>Deuxièmement, les financements ne sont pas utilisés dans des recherches ayant les standards scientifiques internationaux. Plus précisément, sur 19 287 essais cliniques menés en France, seulement 5910 étaient des essais randomisés (outils statistiques reconnus en sciences médicales comme les meilleurs moyens d’évaluer les effets bénéfiques et néfastes d’une thérapie), soit 30 %, alors que 75 % l’étaient en Allemagne (68 % au Royaume-Uni). Il faut aussi souligner que 75 % des essais non randomisés français étaient financés par la recherche publique (seulement 20 % en Allemagne, et 25 % au Royaume-Uni).</p>
<p>Si une grande partie des fonds publics de R&D en santé sont alloués à des expériences qui n’auront jamais aucune reconnaissance internationale, car utilisant des méthodes dépassées, alors la R&D en santé française ne sera jamais en position de leadership. Il n’est donc pas surprenant que la France n’ait pas pu trouver, sur un même laps de temps, les protocoles de vaccination trouvés en Allemagne, au Royaume-Uni ou aux États-Unis.</p>
<h2>Réduire les inégalités de santé</h2>
<p>Améliorer l’utilisation des compétences de personnels de santé, rationaliser la gestion de nos hôpitaux en évitant l’atomisation, et enfin aligner la recherche en santé française sur les standards internationaux constituent des priorités pour faire progresser notre système de soins.</p>
<p>Les changements nécessaires pour y parvenir ne doivent pas être freinés par la croyance que ces réformes augmenteraient les inégalités de santé : avec un système différent en Allemagne, la probabilité d’être en bonne santé pour une personne parmi les 25 % les plus riches est 1,07 fois plus grande que pour une personne parmi les 25 % les plus pauvres, alors que ce chiffre est de 1,08 en France, comme nous l’avons montré dans une <a href="https://www.econ.queensu.ca/sites/econ.queensu.ca/files/R.%20Fonseca%20Paper.pdf">recherche</a> récente.</p>
<p>En nous réformant, nous pourrons donc également réduire les inégalités de santé !</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/197442/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>François Langot ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Une comparaison avec l’Allemagne montre que les difficultés du système français restent liées à un problème d’allocation moins efficace des ressources.François Langot, Professeur d'économie, Chercheur à l'Observatoire Macro du CEPREMAP, Le Mans UniversitéLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1963512022-12-26T17:48:27Z2022-12-26T17:48:27ZLa tête du dictateur, ça compte pour les investisseurs !<p>Qu’est-ce qui motive une entreprise à investir dans un pays étranger ? De nombreuses études économiques ont identifié un grand nombre de <a href="https://www.aeaweb.org/articles?id=10.1257/jel.48.3.642&ArticleSearch%5Bwithin%5D%5Barticletitle%5D=1&ArticleSearch%5Bwithin%5D%5Barticleabstract%5D=1&ArticleSearch%5Bq%5D=FDI&JelClass%5Bvalue%5D=0&journal=2&from=j">déterminants</a> à ce que l’on appelle les investissements directs à l’étranger ou IDE. Ces mouvements internationaux de capitaux pour créer ou contrôler une entreprise à l’étranger sont souvent liés aux caractéristiques du pays récipiendaire : le niveau de la demande dans le secteur d’activité, le taux d’inflation, le cadre juridique, ou bien encore le régime qui organise l'État.</p>
<p>Un élément fondamental pour investir dans un pays est en effet le <a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s10290-011-0103-0">risque politique</a> qui correspond à toute possible interférence des autorités comme des oppositions affectant les rendements de l’investissement. Investir dans un pays étranger n’est pas une décision rapidement réversible (en partir présente un coût), et l’investisseur doit dès lors prendre en compte dans sa décision la probabilité de faire les frais d’une décision politique remettant en cause ses projets.</p>
<p>Expropriation pure et simple, vente forcée, mise en place d’impôts confiscatoires, ce risque peut prendre de nombreuses formes. Il comprend également les changements soudains dans la politique macroéconomique comme la dévaluation, les restrictions sur les mouvements de capitaux, ou encore les politiques économiques erratiques qui affectent négativement les rendements de l’investissement. Tout cela explique pourquoi les démocraties attirent beaucoup plus d’IDE que les dictatures : elles disposent de <a href="https://www.journals.uchicago.edu/doi/10.1017/S0022381608081048">mécanismes institutionnels</a> qui limitent les interférences politiques des dirigeants dans l’économie et qui garantissent une certaine stabilité des politiques.</p>
<p>Mais au sein des dictatures, que peuvent faire les investisseurs pour évaluer ce risque politique ? Ils utilisent en fait l’ensemble des rares informations publiques qui sont à leur disposition pour mener à bien cette évaluation. Dans une <a href="https://doi.org/10.1016/j.leaqua.2022.101644">étude</a> récente, nous étudions si les caractéristiques faciales des dirigeants non-démocratiques en font partie.</p>
<h2>Dictateurs compétents ?</h2>
<p>L’hypothèse repose sur un double constat. D’une part, dans les dictatures, les caractéristiques personnelles des dirigeants prennent une importance particulière dans les décisions prises du fait de leur plus grand pouvoir discrétionnaire. Ces caractéristiques sont de surcroît une information publique disponible à tous et à moindre coût.</p>
<p>D’autre part, de nombreuses études ont prouvé que les <a href="https://www.science.org/doi/10.1126/science.1110589">stéréotypes</a> sur les visages jouaient un rôle dans les décisions économiques et politiques, que ces impressions sont <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0022103109003084">tenaces</a> bien qu’elles soient en général <a href="https://www.annualreviews.org/doi/10.1146/annurev-psych-113011-143831">erronées</a>. Dans des <a href="https://journals.sagepub.com/doi/10.1177/106591290605900202">expériences</a> menées en laboratoire, on s’aperçoit que les individus transfèrent plus facilement de l’argent aux individus dont les visages « inspirent <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0010028510000150">confiance</a> ». Il a également été montré qu’un visage associé à de « la compétence » a de plus grandes chances d’<a href="https://academic.oup.com/rfs/article-abstract/25/8/2455/1570804?redirectedFrom=fulltext">obtenir un prêt</a> sur les plates-formes en ligne. En politique, cette caractéristique présumée <a href="https://www.science.org/doi/10.1126/science.1110589">augmente les chances d’être élu</a>.</p>
<p>Confiance et compétence, les entreprises investissent-elles plus dans les pays aux dictateurs associés à ces caractéristiques ? L’hypothèse est que les investisseurs s’attendraient à ce qu’un leader qui inspire confiance revienne moins facilement sur ses engagements passés (comme l’acceptation sur son sol d’entreprises étrangères) et qu'ils associeraient compétence avec meilleures politiques économiques.</p>
<h2>Pas dignes de confiance</h2>
<p>Notre étude porte sur 276 dictateurs en place à travers le monde de 1975 à 2010. Nous avons collecté et neutralisé leur photo et fait un sondage en ligne sur un échantillon international de répondants afin d’évaluer comment leurs visages étaient perçus en termes de compétence et de confiance. Il ressort que le dictateur dont le visage inspire le plus la compétence est Erich Honecker, l’ancien leader est-allemand, et celui qui inspire le plus la confiance est Ernesto Geisel, dictateur brésilien des années 1970.</p>
<p>Statistiquement, il apparaît que la compétence qu’inspire un dirigeant joue en moyenne un rôle positif sur les IDE que reçoit son pays durant son règne. Ce résultat semble en accord avec l’idée que les investisseurs sont sensibles aux signaux publiquement disponibles sur les leaders comme leur niveau d’éducation. Dans une <a href="https://doi.org/10.1016/j.jce.2019.11.006">étude</a> précédente, nous avions ainsi montré qu’un dictateur plus éduqué attire plus d’IDE dans son pays.</p>
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<p>En revanche, nous montrons que la confiance qu’inspire un dirigeant ne contribue pas à attirer les IDE. Ce second résultat est plus difficile à interpréter. Une explication possible est que la confiance inspirée par le visage est à double tranchant. Elle peut signaler la difficulté des dirigeants à mettre en place des politiques impopulaires auprès de leurs soutiens politiques. Le dirigeant peut en effet autant être perçu comme moins capable de revenir sur ses engagements auprès des investisseurs étrangers que sur ceux pris auprès des soutiens locaux. Ce dernier point peut ainsi être perçu négativement par les investisseurs étrangers qui sont en concurrence avec les entreprises du pays.</p>
<p>Que conclure donc de notre étude ? D’une part, que les investisseurs internationaux sont des êtres humains comme les autres : le visage des dirigeants influence leur choix de localisation des investissements, même si l’on sait que cette impression n’est pas corrélée avec les véritables traits des leaders. D’autre part, que si un pays souhaite attirer des IDE, quitte à avoir un dictateur, mieux vaut en avoir un dont le visage inspire la compétence.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/196351/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Statistiquement, il apparaît que davantage d'investissement est réalisé dans les pays non démocratiques dont le leader a un visage qui semble plus compétent.Laurent Weill, Professeur d'Economie et de Finance, Université de StrasbourgAbel François, Professeur de sciences économiques, Université de LilleSophie Panel, Docteur en science politique, Sciences Po GrenobleLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1963252022-12-11T16:56:51Z2022-12-11T16:56:51ZQu’est-ce que le mouvement Reichsbürger, accusé de vouloir renverser le gouvernement allemand ?<p>25 personnes accusées de vouloir renverser le gouvernement allemand ont été arrêtées le 7 décembre lors d’une série de raids effectués par la police dans tout le pays.</p>
<p>Elles sont accusées d’avoir souhaité porter au pouvoir par la force Heinrich XIII, un <a href="https://lesactualites.news/monde/qui-est-le-prince-henri-xiii-de-reuss-explication-du-conspirateur-dextreme-droite-allemand/">descendant d’une famille royale de Thuringe</a>. Parmi les personnes arrêtées figurent des membres des Reichsbürger (un terme qui se traduit par « citoyens du Reich »), un mouvement disparate de groupes et d’individus, dont certains sont d’extrême droite.</p>
<p>Ce n’est pas la première fois que les Reichsbürger sont impliqués dans la <a href="https://www.bbc.com/news/world-europe-61106241">préparation</a> ou la <a href="https://www.dw.com/en/former-mister-germany-facing-life-in-prison-for-attempted-murder-of-policeman/a-40881234">commission</a> d’actions violentes, mais l’ampleur des projets dont ils sont cette fois accusés, et l’identité de certains conjurés présumés, suscitent des inquiétudes plus élevées que par le passé.</p>
<p>Birgit Malsack-Winkemann, ancienne députée au Bundestag en tant que représentante de la formation d’extrême droite Alternative für Deutschland (AfD) de 2017 à 2021 – année où, après son échec à se faire réélire, elle a quitté le parti – fait partie des personnes interpellées. Elle était également <a href="https://newsingermany.com/disciplinary-proceedings-against-arrested-judge-malsack-winkemann/">juge jusqu’à peu après son arrestation</a>.</p>
<p>Plusieurs anciens soldats ont également été <a href="https://www.swr.de/swraktuell/baden-wuerttemberg/polizeiaktion-reichsbuerger-razzia-bw-100.html">arrêtés</a> dans le cadre de l’opération de police du 7 décembre. C’est une source de profonde préoccupation pour les forces de l’ordre, car cela révèle que des extrémistes potentiellement dangereux peuvent avoir accès à des armes et compter sur le soutien de personnes entraînées à leur maniement.</p>
<p>Au début de l’année 2022, la presse allemande avait rapporté que Heinrich XIII était proche des Reichsbürger et <a href="https://www.mdr.de/nachrichten/thueringen/ost-thueringen/saale-orla/bad-lobenstein-prinz-heinrich-reuss-xiii-distanziert-100.html">adepte des théories du complot</a>, ce qui a incité sa famille, la Maison de Reuss, à prendre publiquement ses distances avec lui.</p>
<p>L’homme n’était pas très célèbre, s’étant signalé jusqu’ici avant tout par un <a href="https://www.youtube.com/watch?v=h3sqBkUM-kU">discours</a> prononcé en 2019 lors de la conférence WorldWebForum en Suisse, à la teneur antisémite et révisionniste. L’implication d’un aristocrate témoigne des motivations monarchistes de certains Reichsbürger, qui souhaitent rétablir un Kaiser à la tête de l’État.</p>
<h2>Que croient les Reichsbürger ?</h2>
<p>Les Reichsbürger n’ont pas de structure centralisée, mais on estime qu’ils comptent <a href="https://www.tagesspiegel.de/politik/reichsburger-szene-wachst-auf-mindestens-21000-menschen-8020021.html">au moins 21 000 partisans</a>. Leur principale conviction est que l’État allemand actuel (la Bundesrepublik ou République fédérale), ses institutions et ses représentants démocratiquement élus ne sont pas légitimes.</p>
<p>Les partisans du mouvement refusent d’adhérer à l’autorité de l’État, par exemple en payant des impôts. Ils ont fait parler d’eux au cours des premières années de la pandémie de Covid-19 pour <a href="https://www.aspeninstitute.de/wp-content/uploads/Covid-19-Pandemic-Conspiracy-Theories-Are-Taking-Over-German-Democracy.pdf">leur refus de se conformer aux restrictions sanitaires</a>.</p>
<p>Certains Reichsbürger considèrent que les passeports et cartes d’identité officiels allemands sont illégitimes. Si une partie d’entre eux <a href="https://www.bmi.bund.de/SharedDocs/topthemen/DE/topthema-reichsbuerger/topthema-reichsbuerger.html">cherchent à se procurer</a> un certificat officiel de citoyenneté (appelé <a href="https://ebrary.net/163408/geography/types_reich_citizens">gelber Schein ou certificat jaune</a>), d’autres fabriquent leurs propres passeports et permis de conduire illégaux. Ces documents indiquent souvent comme lieu de naissance d’anciens États allemands, tels que les royaumes de Bavière ou de Prusse. En 2021, un fonctionnaire allemand a été <a href="https://www.reuters.com/world/europe/germanys-reichsbuerger-searching-an-emperor-fascinated-by-guns-2022-12-07/">démis de ses fonctions</a> pour infraction à son obligation de respecter la Constitution allemande, pour avoir demandé à ce que le pays de naissance figurant sur son passeport soit le royaume de Bavière.</p>
<p>Les membres du groupe estiment en général que la version légitime de l’État allemand est une version antérieure à celle d’aujourd’hui, mais ils ne s’accordent pas toujours sur la définition de cette <a href="https://www.verfassungsschutz.de/SharedDocs/publikationen/EN/reichsbuerger-and-selbstverwalter/2018-12-reichsbuerger-und-selbstverwalter-enemies-of-the-state-profiteers-conspiracytheorists.pdf">« bonne » version de l’État</a>.</p>
<p>Certains pensent que la véritable forme de l’Allemagne est celle qui a existé entre 1871 et 1918, c’est-à-dire la période au cours de laquelle a existé le « Deuxième Reich » allemand, créé après <a href="https://www.britannica.com/place/Germany/Germany-from-1871-to-1918">l’unification de 1871</a> et dissous à l’issue de la Première guerre mondiale. D’autres citent la <a href="https://mjp.univ-perp.fr/constit/de1919.htm">Constitution de la République de Weimar</a> adoptée en 1919 comme étant celle de la véritable Allemagne. D’autres encore jugent que c’est en 1937 qu’ont été établies les <a href="https://www.ww2online.org/image/map-1937-germany-published-1945">frontières légitimes du territoire allemand</a>, qui comprenaient alors l’ancien royaume de Prusse, mais pas l’Autriche, qui a été annexée en 1938.</p>
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<img alt="Carte du Deuxième Reich, 1871-1918" src="https://images.theconversation.com/files/499781/original/file-20221208-7486-krmmcp.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/499781/original/file-20221208-7486-krmmcp.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/499781/original/file-20221208-7486-krmmcp.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/499781/original/file-20221208-7486-krmmcp.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/499781/original/file-20221208-7486-krmmcp.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/499781/original/file-20221208-7486-krmmcp.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/499781/original/file-20221208-7486-krmmcp.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">L’une des visions de ce qu’est la « vraie » Allemagne largement partagées parmi les Reichsbürger remonte à avant la Première Guerre mondiale..</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://en.wikipedia.org/wiki/Unification_of_Germany#/media/File:Deutsches_Reich_(1871-1918)-en.png">Wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
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<p>Une conviction que tous les Reichsbürger ont en commun est que l’État allemand actuel n’est pas réellement souverain. Ils considèrent que les alliés occidentaux (France, Royaume-Uni et États-Unis) ont conservé le contrôle du pays après la fin de leur occupation de l’Allemagne de l’Ouest en 1955. Par conséquent, certains <a href="https://www.bige.bayern.de/infos_zu_extremismus/aktuelle_meldungen/deutsches-reich-und-brd-gmbh-verschworungstheorien-in-der-reichsburger-und-selbstverwalter-ideologie/">affirment</a> que l’État allemand actuel est un régime fantoche qui ne défend pas les intérêts du peuple allemand.</p>
<p>Ils l’appellent parfois « Deutschland GmbH (Limited) », ce qui implique que cette entité n’a aucun pouvoir sur elle-même et n’existe que pour enrichir ceux qui la contrôlent. Le nom BRD GmbH est également utilisé, en référence au nom abrégé de l’Allemagne de l’Ouest (BRD, RFA en français) d’après-guerre.</p>
<h2>Révisionnisme historique et antisémitisme</h2>
<p>L’accent mis sur le révisionnisme historique et l’effacement de la souveraineté allemande favorise chez les Reichsburger une vision de l’Allemagne comme d’un pays irréprochable à la fierté intacte. En se concentrant sur les frontières d’avant-guerre et en négligeant l’histoire d’après-guerre, les Reichsbürger peuvent ignorer la défaite de l’Allemagne lors de la Seconde Guerre mondiale, ainsi que son processus d’acceptation de son passé nazi et <a href="https://brill.com/display/book/edcoll/9789047401629/B9789047401629_s014.xml">colonial</a>. La suppression de ces moments sombres de l’histoire allemande permet aux partisans du mouvement de se concentrer sur leur propre victimisation en tant que sujets d’un État allemand qu’ils ne reconnaissent pas.</p>
<p>Un révisionnisme similaire est courant dans l’ensemble de l’extrême droite allemande, notamment chez certains membres du parti populiste <a href="https://rub-europadialog.eu/the-afd-and-the-commemoration-of-the-holocaust-the-power-of-the-past-to-shape-the-present">AfD</a>. La contestation de l’importance de l’Holocauste et l’accent mis sur les moments « positifs » de l’histoire allemande encouragent la relativisation de l’extermination des Juifs et l’antisémitisme.</p>
<p>Contrairement à l’AfD, qui a adapté sa rhétorique pour s’intégrer à la vie politique du pays, certains Reichsbürger ignorent totalement les lois allemandes actuelles interdisant la négation de l’Holocauste et la diffusion de la propagande nazie. Les membres du groupe diffusent souvent des <a href="https://www.verfassungsschutz.de/SharedDocs/publikationen/EN/reichsbuerger-and-selbstverwalter/2018-12-reichsbuerger-und-selbstverwalter-enemies-of-the-state-profiteers-conspiracytheorists.pdf">théories du complot antisémites</a> sur le pouvoir de la « haute finance », et se livrent régulièrement à un déni pur et simple de l’Holocauste. En mars 2020, la police allemande a <a href="https://www.bbc.co.uk/news/world-europe-51961069">saisi</a> de la propagande néonazie lors de descentes au domicile de certains membres du Reichsbürger.</p>
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<figcaption><span class="caption">Allemagne : des policiers membres des extrémistes des « Reichsbürger », 22 octobre 2016.</span></figcaption>
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<p>Ce révisionnisme historique peut toutefois brouiller les pistes. Bien que nombre de ses partisans soient antisémites et glorifient le passé colonial, le mouvement Reichsbürger ne peut pas être spécifiquement défini comme un groupe d’extrémistes de droite. En réalité, seule une <a href="https://www.kas.de/en/web/extremismus/rechtsextremismus/reichsbuerger">petite partie</a> de ses membres peut être désignée comme telle.</p>
<p>En effet, l’un des <a href="https://www.sv.uio.no/c-rex/english/groups/compendium/what-is-right-wing-extremism.html">critères essentiels pour définir l’extrémisme de droite</a> est le rejet de la démocratie. Or, si de nombreux Reichsbürger refusent de reconnaître la légitimité de l’État démocratique allemand actuel, l’absence de vision unifiée au sein du mouvement ne permet pas de déterminer quel système serait préférable à leurs yeux : la monarchie constitutionnelle de l’empereur Guillaume II, l’expérience démocratique de l’Allemagne de Weimar ou la dictature de l’Allemagne nazie ? Toutefois, en ce qui concerne le complot qui vient d’être déjoué, le rôle clé dévolu à Heinrich XIII implique que l’objectif était la remise en place d’une monarchie constitutionnelle comparable à celle du régime de Guillaume II.</p>
<h2>Une menace croissante ?</h2>
<p>Certains partisans des Reichsbürger commencent manifestement à s’engager dans la violence politique. Les dernières arrestations font suite à de multiples autres incidents. En 2016, un policier a été tué lors d’un <a href="https://www.dw.com/en/what-is-germanys-reichsb%25C3%25BCrger-movement/a-36094740">raid</a> visant à confisquer la collection illégale d’armes d’un membre du mouvement. En août 2020, des membres du Reichsbürger ont <a href="https://www.dw.com/en/german-leaders-slam-extremists-who-rushed-reichstag-steps/a-54758246">tenté de pénétrer</a> dans le parlement allemand pour protester contre les restrictions sanitaires visant à contenir l’épidémie de Covid-19.</p>
<p>La présence de militaires et d’une ex-députée parmi les 25 personnes arrêtées ce 7 décembre suggère que les Reichsbürger ne sont pas sans influence. L’AfD a longtemps <a href="https://www.rbb-online.de/kontraste/ueber_den_tag_hinaus/demokratie/Reichsbuerger-Gedankengut_in_der_AfD.html">nié</a> tout lien avec le mouvement, mais s’est déplacée de plus en plus vers la droite ces dernières années. En 2019, le ministère allemand de l’Intérieur a déclaré avoir <a href="https://www.handelsblatt.com/politik/deutschland/rechtsextremismus-bundesinnenministerium-sieht-reichsbuerger-bezuege-zur-afd/24006262.html">identifié</a> quelques connexions isolées entre les Reichsbürger et l’AfD.</p>
<p>Les Reichsbürger pourraient être considérés comme un groupe marginal, mais leurs idées plaisent manifestement suffisamment à certains pour les convaincre qu’un coup d’État est une entreprise valable. Des liens avec des organisations plus influentes les rendraient plus dangereux ; c’est pourquoi cette affaire a été autant prise au sérieux par les autorités.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/196325/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Claire Burchett a reçu des financements du London Arts & Humanities Partnership.</span></em></p>Ce mouvement hétérogène classé à l’extrême droite, où l’on retrouve des monarchistes, des révisionnistes et divers complotistes, aurait cherché à réaliser un coup d’État en Allemagne.Claire Burchett, PhD candidate in European Politics, King's College LondonLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1956872022-12-05T19:01:45Z2022-12-05T19:01:45ZLa relation franco-allemande : une simple mauvaise passe ?<p>Pendant plusieurs semaines, les relations entre la France et l’Allemagne ont subi une véritable tempête médiatique au cours de laquelle il a été affirmé que le « couple franco-allemand » avait <a href="https://www.bfmtv.com/international/europe/allemagne/il-n-y-a-plus-de-couple-franco-allemand-depuis-longtemps-analyse-hubert-vedrine-ancien-ministre-des-affaires-etrangeres_VN-202211220766.html">volé en éclats</a>, voire qu’il n’avait jamais existé. Puis on a assisté à plusieurs tentatives d’apaisement de la part des gouvernements des deux pays, qui étaient pourtant eux-mêmes à l’origine de ces remous.</p>
<p>Que s’est-il passé au juste, et à quel point la crise est-elle profonde ?</p>
<h2>Griefs français et gestes diplomatiques</h2>
<p>Que reproche la France à l’Allemagne ? Pêle-mêle, sa politique énergétique telle qu’elle est défendue au niveau européen, qui mise essentiellement sur les énergies renouvelables quand la France s’en remet à nouveau au nucléaire ; sa politique de soutien aux ménages et aux entreprises, le gouvernement allemand ayant négligé d’avertir la France de la <a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2022/09/30/berlin-debloque-200-milliards-d-euros-pour-attenuer-la-hausse-des-prix-du-gaz_6143815_3234.html">mise en place d’un fonds d’investissement de 200 milliards d’euros</a> susceptible de provoquer des distorsions de compétitivité entre les pays membres de l’Union – alors que la France elle-même a prévu un programme de 120 milliards avec les mêmes objectifs, cumulant les multiples aides d’État pour lutter contre l’inflation et la crise énergétique ; l’absence de référence à la coopération franco-allemande dans le <a href="https://www.bundesregierung.de/breg-fr/service/scholz-discours-prague-2079562">discours sur l’Europe</a> prononcé à l’Université Charles de Prague par le chancelier Scholz, qui a donné à Paris le sentiment que Berlin cherchait à marginaliser la France dans les programmes d’équipements militaires européens, en particulier là où celle-ci en a la maîtrise d’œuvre, comme dans la <a href="https://www.latribune.fr/entreprises-finance/industrie/aeronautique-defense/le-programme-mgcs-char-du-futur-enfin-relance-942109.html">réalisation du char de combat du futur</a>, etc.</p>
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<p>En outre, la France n’a pas apprécié que <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2022/10/15/berlin-rallie-quatorze-pays-de-l-otan-a-l-achat-d-un-bouclier-antimissile-au-grand-dam-de-paris_6145891_3210.html">l’Allemagne rallie quatorze pays de l’OTAN à l’achat d’un bouclier antimissile</a> alors qu’elle-même développe avec l’Italie son propre système de défense anti-aérien « Mamba ». Les désaccords portaient également sur la question sensible de la coopération sur « l’avion du futur » – nous y reviendrons.</p>
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<figcaption><span class="caption">Le couple franco-allemand est-il en instance de divorce ? (Arte, 26 octobre 2022).</span></figcaption>
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<p>Dans ce contexte tendu, les ministres allemands de l’Économie Robert Habeck, des Affaires étrangères Annalena Baerbock (tous deux du parti Les Verts) et des Finances Christian Lindner (FDP) ont été reçus fin novembre à l’Élysée, mais la tentative la plus médiatisée de réparer le mal fait a été assurément la <a href="https://www.liberation.fr/international/europe/allemagne-elisabeth-borne-en-mission-deminage-20221125_U3QYGWEFEZD3VCUA5UMB6DZ2PI/">visite de la première ministre Élisabeth Borne à Berlin</a>, le 25 novembre, à l’occasion de laquelle une <a href="https://www.lemonde.fr/politique/article/2022/11/26/de-berlin-a-paris-elisabeth-borne-jongle-avec-les-crises_6151695_823448.html">« déclaration commune sur la solidarité énergétique »</a> a été publiée.</p>
<p>L’accent était mis sur la solidarité – cette solidarité dont la France avait reproché à l’Allemagne de ne pas faire suffisamment preuve à Bruxelles, précisément dans le domaine énergétique. Selon Paris, Berlin s’opposait à la mise en place d’un bouclier tarifaire sur le gaz alors qu’au même moment le gouvernement allemand n’excluait pas de mettre un « couvercle » sur les prix du gaz… tout en redoutant qu’un dirigisme des prix puisse être contre-productif. Rappelons que depuis la mi-octobre, la <a href="https://www.lesechos.fr/industrie-services/energie-environnement/la-france-livre-du-gaz-a-lallemagne-et-espere-de-lelectricite-en-retour-1868501">France livre du gaz à l’Allemagne</a>, en contrepartie de quoi celle-ci s’engage à livrer de l’électricité à la France pendant l’hiver dans le cas où la défaillance des centrales nucléaires venait à provoquer des black-outs dans le pays.</p>
<h2>Le dossier de l’avion du futur, nouvel épisode d’un débat ancien</h2>
<p>C’est à la mi-octobre 2022 que le report à janvier 2023 des consultations franco-allemandes sur la question de <a href="https://www.ouest-france.fr/europe/accords-et-desaccords-autour-de-l-avion-de-combat-europeen-du-futur-36f0c758-698d-11ed-bd29-7d31c7eef0da.">l’avion de combat du futur</a> en raison d’« un besoin supplémentaire de coordination » avait manifesté au grand jour les divergences entre les deux gouvernements, alors qu’ils étaient pourtant sur le point d’aboutir à un accord.</p>
<p>Rappelons qu’on ne cessait en France, depuis des mois, de <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2022/03/14/l-allemagne-prevoit-d-acheter-jusqu-a-35-avions-de-combat-f-35-americains_6117463_3210.html">reprocher à l’Allemagne d’acheter des avions américains F-35</a> pour remplacer les Tornados vieillissants de l’Armée de l’air allemande, jugeant que c’eût été un geste de solidarité européenne que de commander des Rafales français.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1503597870213120002"}"></div></p>
<p>C’était cependant oublier que les Tornados participaient au <a href="https://www.frstrategie.org/publications/defense-et-industries/forces-aeriennes-europeennes-mission-nucleaire-lotan-2019">« partage nucléaire »</a> dans le cadre de l’OTAN, ce pour quoi les Rafales ne sont pas équipés. C’était oublier, aussi, que l’on voyait mal la France permettre à l’Allemagne de partager un quelconque accès à la force de frappe française « sous double clé », comme elle le fait avec les États-Unis dans le cadre de l’OTAN. On est là au cœur des divergences franco-allemandes depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale.</p>
<p>En 1963, de Gaulle avait cherché, en vain, à soustraire la RFA à l’influence américaine. L’Allemagne avait alors, sans équivoque possible, affirmé qu’il revenait à l’OTAN, dans le cadre de sa doctrine de dissuasion nucléaire, de garantir sa sécurité, et que la France, qui était en train de construire sa propre force de frappe nucléaire ; n’y suffirait pas. Pour compenser l’échec de la création d’une <a href="https://www.nytimes.com/1964/12/13/archives/multilateral-force-or-farce.html">« force multilatérale » (MLF)</a> au sein de l’OTAN – projet perçu en France, non sans raisons, comme la tentative de mettre la future force française de dissuasion sous tutelle américaine –, proposition avait été faite à l’Allemagne, qui avait accepté, de participer à la politique de dissuasion nucléaire de l’OTAN en armant des bombardiers allemands de l’arme nucléaire sous contrôle américain.</p>
<p>Depuis, et même si pendant la présidence de Donald Trump, l’Allemagne a pu <a href="https://www.cairn.info/revue-allemagne-d-aujourd-hui-2021-1-page-9.htm">être tentée</a> de commencer à se dégager de l’emprise américaine, rien n’a foncièrement changé. Certes, Berlin met davantage en avant la nécessité d’affirmer la « souveraineté européenne », reprenant en cela le vocabulaire du président français ; mais, en réalité, ce qui est mis en avant, c’est la nécessité pour l’Europe de prendre davantage de responsabilités au sein de l’OTAN, reprenant l’idée déjà ancienne, d’un pilier européen au sein de celle-ci.</p>
<p>C’est ce qu’a réaffirmé le chancelier allemand dans son discours de Prague du 29 août, puis dans le discours qu’il a tenu à Berlin le 16 septembre 2022 <a href="https://www.bundesregierung.de/breg-de/suche/rede-von-bundeskanzler-scholz-bei-der-bundeswehrtagung-am-16-september-2022-2127078">devant la Conférence de la Bundeswehr</a>. Olaf Scholz y tire, sans fard, les leçons du « changement d’époque » provoqué par l’agression russe de l’Ukraine. Il insiste sur la nécessité, au-delà du <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2022/06/04/l-allemagne-cree-un-fonds-special-pour-moderniser-la-bundeswehr_6128908_3210.html">fonds structurel de 100 milliards d’euros pour l’équipement de la Bundeswehr</a>, de porter le budget militaire de l’Allemagne à 2 % du PIB du pays. Il explicite également que l’objectif fondamental de la Bundeswehr est la défense du pays et de l’Alliance atlantique, et que l’Europe doit disposer d’un quartier général qui coordonne les opérations militaires décidées en commun. En matière d’équipement, il répète clairement que seule une plus grande coopération permettra de surmonter les concurrences entre entreprises de l’armement et les systèmes d’armement, et dit sa conviction qu’« une politique européenne commune d’équipement en matière d’armement » est possible. Il est plus que probable qu’il pensait ici à la réalisation du SCAF.</p>
<h2>Le SCAF enfin sur les rails ?</h2>
<p>Ce projet franco-allemand – auquel <a href="https://www.lefigaro.fr/flash-eco/l-espagne-rejoint-le-progamme-d-avion-de-combat-du-futur-scaf-20190214">l’Espagne s’est depuis associée</a> – remonte à un accord passé entre Emmanuel Macron et Angela Merkel en 2017. Il ne s’agit pas seulement de construire l’« avion du futur » destiné à remplacer à l’horizon 2040 le Rafale et l’Eurofighter, mais à constituer un ensemble associant à celui-ci des drones et à assurer la communication par l’intermédiaire d’un « cloud » numérique. Pendant des années, le projet a traîné, donnant le sentiment à Paris que Berlin n’en voulait pas et que la chancelière, comme dans les autres domaines de la relation franco-allemande, faisait attendre la France : elle louait les initiatives françaises, mais aux belles paroles ne succédaient pas les actes.</p>
<p>Pourtant, le 18 novembre 2022, la France et l’Allemagne ont fait état d’un <a href="https://www.challenges.fr/entreprise/defense/avion-de-combat-scaf-le-vrai-faux-accord-franco-allemand_836027">accord gouvernemental sur le SCAF</a>, un « grand pas » selon la présidence française : débloqué, le programme passera de la phase 1a à la phase 1b prévoyant la mise au point d’un prototype pour 2028.</p>
<p>L’accord prévoit une répartition des tâches entre Dassault, qui construirait l’essentiel du nouvel avion de combat, et Airbus, qui se chargerait prioritairement de la construction des drones et du « cloud ». On n’insiste pas trop, du côté français, sur le fait que les retards pris par le projet venaient largement de la réticence de Dassault Aviation à coopérer avec Airbus, société européenne certes issue de la coopération entre la France et l’Allemagne mais dont la culture d’entreprise fondée sur l’international s’accordait mal avec la gestion du fournisseur privilégié de l’armée française. Dassault renâcle aujourd’hui encore à des transferts de technologie vers son concurrent européen. Dassault Aviation a malgré tout confirmé le 1<sup>er</sup> décembre qu’il était disposé à signer un accord avec Airbus Defence and Space au prix d’un délai supplémentaire d’un an pour la sortie du prototype et la garantie que soit garantie la protection de ses secrets industriels.</p>
<h2>Le retour de la question de la centralité de l’Allemagne</h2>
<p>Une autre source de divergence franco-allemande porte sur l’élargissement de l’UE. L’Allemagne souhaite l’étendre assez rapidement aux Balkans occidentaux, comme l’a montré le <a href="https://www.bundesregierung.de/breg-de/suche/bundeskanzler-scholz-nach-seiner-reise-auf-den-westbalkan-2052400">voyage du chancelier</a> dans cinq pays des Balkans les 10 et 11 juin derniers : le Kosovo, la Serbie, la Bosnie-Herzégovine, le Monténégro et l’Albanie, les quatre derniers États ayant déjà le statut de candidat à l’entrée dans l’Union.</p>
<p>Pour Olaf Scholz, l’entrée de ces États doit avoir la priorité sur <a href="https://theconversation.com/lukraine-peut-elle-adherer-rapidement-a-lue-178842">celle de l’Ukraine</a> dont la préparation à l’intégration européenne durera, selon lui, plus longtemps. La guerre en Ukraine contribuerait par ailleurs à déstabiliser le couple franco-allemand par l’ouverture inévitablement plus grande de l’UE et de l’OTAN vers la Pologne et les Pays baltes. L’élargissement de l’UE et la guerre en Ukraine font ainsi naître la crainte d’une « nouvelle centralité » de l’Allemagne, la <a href="https://www.lemonde.fr/idees/article/2022/10/19/en-bouleversant-les-equilibres-en-europe-la-guerre-en-ukraine-destabilise-aussi-la-relation-franco-allemande_6146393_3232.html">France se retrouvant sur le flanc occidental de l’UE, et l’Allemagne en son centre, avec un rôle pivot</a>.</p>
<p>Géographiquement, la centralité de l’Allemagne ne peut être niée, mais est-ce bien nouveau ? Déjà dans <a href="https://www.touteleurope.eu/fonctionnement-de-l-ue/les-elargissements-de-l-union-europeenne-de-6-a-27-etats-membres/">l’Europe des Six</a> (1957-1973), l’Allemagne était au centre de l’Europe : elle était plus sensible aux évolutions en Europe de l’Est quand la France restait davantage orientée vers la Méditerranée et l’Afrique. Mais, à l’époque, les défenseurs de l’intégration européenne faisaient valoir, en France comme en Allemagne, qu’en créant de nouveaux équilibres cette construction permettait de dépasser la question des positionnements géographiques des États membres, puisque ceux-ci avaient, au sein de la Communauté européenne, les mêmes droits et les mêmes intérêts. Cet argument ne semble plus faire recette aujourd’hui, confirmant le repli des États nationaux sur eux-mêmes. La France redoute que l’élargissement de l’Union démultiplie les possibilités d’alliances entre États membres, ce que l’Allemagne semble davantage mettre à profit.</p>
<p>Ce devrait être une raison de plus pour les deux États – qui disposent d’instruments de coopération politique incomparable – d’intensifier leur dialogue et de mieux coordonner leur action en politique étrangère pour aboutir dans ce domaine, conformément à la formulation choisie en son temps dans le <a href="https://www.france-allemagne.fr/Traite-de-l-Elysee-22-janvier-1963.html">Traité de l’Élysée</a>, à des positions communes. Aujourd’hui, le moteur franco-allemand reste indispensable à la construction européenne mais avec l’élargissement de l’Union, si la coopération franco-allemande reste nécessaire, elle n’est plus, selon une formule devenue consacrée, suffisante. Il appartient aux deux pays de concilier autant que faire se peut leurs positions et de gagner à leur vision des choses autant de partenaires européens que possible…</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/195687/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jérôme Vaillant est affilié au parti Renaissance. Il est directeur de la publication de la revue Allemagne d'aujourd'hui éditée par l'Association pour la connaissance de l'Allemagne d'aujourd'hui (ACAA) dont il est le secrétaire général.</span></em></p>Les récentes passes d’armes entre Paris et Berlin révèlent-elles une crise profonde, ou ne faut-il y voir qu’une brouille passagère ?Jérôme Vaillant, Professeur émérite de civilisation allemande, Université de LilleLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.