tag:theconversation.com,2011:/ca/topics/asie-du-sud-est-43832/articlesAsie du Sud-Est – The Conversation2024-02-13T15:42:01Ztag:theconversation.com,2011:article/2228442024-02-13T15:42:01Z2024-02-13T15:42:01ZPourquoi une telle indifférence de l’UE à l’égard de l’Indonésie ?<p>Ces dernières années, les spécialistes européens de la sécurité et de la politique étrangère, qu’il s’agisse des universitaires ou des praticiens, ont progressivement cessé d’employer la formule « Asie-Pacifique » au profit du terme « Indo-Pacifique », devenu à la mode aux États-Unis.</p>
<p>Après trois décennies passées à privilégier le commerce et l’investissement dans un contexte multilatéral, le discours <em>geoéconomique</em> a cédé la place à un discours <em>géopolitique</em> centré sur « l’inflation des menaces » et sur la coopération en matière de sécurité. Après la <a href="https://www.defense.gouv.fr/dgris/enjeux-regionaux/strategie-francaise-indopacifique">France</a> (2018), puis <a href="https://allemagneenfrance.diplo.de/fr-fr/actualites-nouvelles-d-allemagne/01-Politiquefederale/-/2618320#">l’Allemagne</a> et les <a href="https://www.government.nl/documents/publications/2020/11/13/indo-pacific-guidelinesen2020">Pays-Bas</a>, l’UE a lancé sa <a href="https://www.europarl.europa.eu/doceo/document/TA-9-2022-0276_FR.html">Stratégie indo-pacifique</a> en septembre 2021. Après une <a href="https://www.eeas.europa.eu/eeas/forum-pour-la-coop%C3%A9ration-dans-lindo-pacifique_fr">première édition en 2022</a>, le <a href="https://agenceurope.eu/fr/bulletin/article/13339/12">deuxième forum UE-Indo-Pacifique</a> s’est tenu à Bruxelles fin janvier 2024.</p>
<p>Qu’il soit question d’Asie-Pacifique ou d’Indo-Pacifique, ces formules et les discours qui les emploient ne permettent pas de dissocier les particularités des pays de la région concernée, à l’exception de la Chine, de l’Inde et du Japon. Après la fin de la guerre du Vietnam en 1975, l’attention européenne en Asie s’est largement déplacée vers l’Asie du Nord-Est – d’abord avant tout vers le Japon puis, progressivement, vers la Corée du Sud et désormais vers la Chine. L’expression « Asie-Pacifique » concernait en réalité surtout les relations économiques entretenues avec ces trois États, les pays de l’Asie du Sud-Est étant relégués au deuxième plan. Quant à la formule « Indo-Pacifique », elle désigne, pour l’essentiel, la vision géopolitique qu’a Washington de la rivalité sino-américaine, et ignore largement les objectifs et les actions propres des autres pays asiatiques surtout en Asie du Sud-est.</p>
<p>Le cas de l’Indonésie est particulièrement éclairant de ce point de vue. L’UE a pu à l’occasion souligner que l’Asean représente pour elle un partenaire soutenant un ordre international multilatéral et avec lequel elle a engagé des négociations pour un accord de libre-échange (le <a href="https://www.consilium.europa.eu/fr/press/press-releases/2024/02/02/joint-statement-of-the-24th-eu-asean-ministerial-meeting/">24ᵉ sommet UE-Asean</a> vient de se tenir à Bruxelles le 2 février 2024) ; mais le plus grand État de la région figure rarement dans les réflexions de l’Union, en dehors de son statut de membre de l’Asean. Dans les faits, les invocations rituelles par l’UE de la « centralité de l’Asean » et de la nécessité de promouvoir l’« interrégionalisme » réduisent l’Indonésie à un simple rouage d’un mécanisme régional secondaire. Cependant, l’Indonésie va sans doute bientôt rejoindre d’autres « tigres asiatiques » comme la Corée du Sud, en adhérant à ce « club des riches » qu’est l’OCDE.</p>
<h2>Une « démocratie imparfaite » ?</h2>
<p>Or l’Indonésie n’est pas seulement le plus grand pays de l’Asean, mais aussi le plus grand pays à majorité musulmane du monde, fort de quelque 280 millions d’habitants qui, ce 14 février, seront <a href="https://www.la-croix.com/international/presidentielle-en-indonesie-205-millions-d-electeurs-dans-larchipel-aux-milliers-diles-20240213">appelés aux urnes</a> pour choisir leur nouveau président ainsi que les 580 députés du Parlement national et des élus locaux dans le cadre d’élections qui s’annoncent <a href="https://www.nytimes.com/2024/02/12/world/asia/indonesia-presidential-election-explained.html">libres et équitables</a>. Cependant, la préparation du scrutin a été entachée par des <a href="https://www.rfi.fr/en/international-news/20240212-vote-buying-shadows-indonesian-election">accusations d’achat de voix</a> et, surtout, par des décisions juridiques discutables comme la <a href="https://www.rfi.fr/fr/asie-pacifique/20231019-pr%C3%A9sidentielle-2024-indon%C3%A9sie-les-candidats-dont-le-fils-du-pr%C3%A9sident-peuvent-d%C3%A9sormais-se-d%C3%A9clarer-joko-widodo">baisse par la Cour suprême de l’âge minimal pour être candidat</a>, afin de permettre au fils aîné du président Widodo de se porter candidat à la vice-présidence.</p>
<p>Cinq débats thématiques télévisés de deux heures et demie chacun mettant aux prises les candidats à la présidence et à la vice-présidence ont eu lieu depuis la fin décembre 2023. Ils ont été suivis avec attention par une population politiquement active. La sobriété relative des analyses politiques avancées lors de ces débats et le taux de participation annoncé, qui devrait s’établir à environ 70 % des inscrits, pourraient susciter l’envie de nombreux Occidentaux.</p>
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<p>L’<em>Economist Intelligence Unit</em> <a href="https://www.eiu.com/n/campaigns/democracy-index-2022/">classe l’Indonésie dans la même catégorie que les États-Unis</a>, à savoir celle des « démocraties imparfaites ». Comme aux États-Unis, mais à un moindre degré, les candidats indonésiens sont placés devant la difficile tâche de trouver les financements considérables nécessaires pour payer leur campagne. Malgré ces problèmes, les élections à venir permettront selon toute probabilité de confirmer que la <a href="https://hal.science/hal-03046614/document">transition démocratique</a> a été largement réussie, grâce à une consolidation démocratique ininterrompue depuis la <a href="https://perspective.usherbrooke.ca/bilan/servlet/BMEve/430">fin de la dictature de Suharto en 1998</a>. Et contrairement aux États-Unis, il apparaît certain que les perdants des élections du 14 février accepteront leur défaite.</p>
<p>Ces 25 dernières années a été mis en place un modèle de gouvernance décentralisée qui a su maintenir l’unité nationale de cet État archipélagique composé de quelque 18 000 îles – dont un tiers sont habitées –, de 1 340 groupes ethniques et de près de 600 langues et dialectes. Les armoiries indonésiennes portent d’ailleurs une devise qui se traduit par « Unité dans la diversité » ; c’est précisément ce que promeut l’Union européenne.</p>
<p>Après la fin de la dictature de Suharto, l’Indonésie a lancé une transition assez inhabituelle. Ainsi,le dictateur déchu a été autorisé à se retirer et est mort paisiblement en 2008, <a href="https://www.ladepeche.fr/article/2008/01/27/429463-l-ex-dictateur-indonesien-suharto-est-mort.html">sans avoir été jugé</a>. Les Indonésiens souhaitaient une <a href="https://www.universalis.fr/encyclopedie/indonesie-l-indonesie-contemporaine/10-la-chute-de-suharto-et-l-avenement-de-la-reformasi/">Reformasi</a> (réforme) et non une révolution. Aucune nouvelle Constitution n’a été immédiatement imposée et, si les militaires ont d’abord conservé leurs 20 % de sièges au Parlement national, ce nombre a été progressivement réduit à zéro.</p>
<p>Le transfert de ressources et l’octroi d’un certain degré d’autonomie ont permis de <a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/14678802.2019.1705071">mettre fin à une longue rébellion séparatiste à Aceh</a>. Malgré sa diversité, la langue s’est également révélée être une force unificatrice dans la création d’un État-nation. L’adoption dès l’indépendance (en 1945) du bahasa indonesia – une variante du malais – a été un cas d’école d’imposition réussie d’une langue nationale unificatrice.</p>
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<p>Cette trajectoire progressivement démocratique n’a pas fait les gros titres aux États-Unis et en Europe mais ses conséquences sont profondes, comme le démontrent la conscience politique et les exigences de la <a href="https://jakartaglobe.id/news/first-time-voters-how-is-gen-z-voting-in-the-2024-election">génération Z de l’Indonésie, qui jouera un rôle décisif dans l’issue du scrutin</a> du 14 février.</p>
<h2>Un pays méconnu des Occidentaux ?</h2>
<p>En Europe, l’Indonésie et sa langue ne sont étudiées de façon approfondie que dans quelques établissements spécialisés tels que la <a href="https://www.soas.ac.uk/research/publications/soas-journals-and-books/indonesia-and-malay-world">SOAS</a> à Londres, <a href="http://www.inalco.fr/evenement/conference-place-indonesie-scene-internationale">l’INALCO</a> à Paris et, pour des raisons historiques, <a href="https://www.universiteitleiden.nl/en/dossiers/indonesia">plusieurs universités aux Pays-Bas</a>.</p>
<p>De même, au niveau de la politique étrangère, l’Europe manque d’intérêt et de compréhension pour l’Indonésie et son rôle dans les affaires mondiales. Le comportement international de Djakarta a considérablement mûri depuis l’époque de l’annexion brutale du Timor oriental sous Suharto en 1975. Après sa chute, son successeur immédiat (et ancien vice-président) B. J. Habibie a autorisé la tenue en 1999 d’un référendum sur l’indépendance du Timor oriental, qui a abouti à <a href="https://theconversation.com/timor-oriental-une-democratie-tenace-20-ans-apres-lindependance-182729">l’indépendance de celui-ci en 2002</a>. Habibie a également ratifié plusieurs des principaux textes des Nations unies relatifs aux droits humains.</p>
<p>Un examen attentif de la politique étrangère indonésienne révèle que celle-ci se caractérise par un degré d’innovation dont les dirigeants européens et américains, pris dans leur jeu à somme nulle consistant à compter leurs alliés dans la rivalité entre les États-Unis et la Chine, pourraient s’inspirer. La communauté européenne de la sécurité et de la politique étrangère peut apprendre d’États comme l’Indonésie qui ne souscrivent ni à une vision binaire – libérale ou révisionniste – de l’ordre mondial ni à une vision tout aussi binaire – économique (« Asie-Pacifique ») ou géopolitique (« Indo-Pacifique »), de la région indonésienne.</p>
<h2>Une voix singulière sur la scène internationale</h2>
<p>L’Indonésie est un exemple positif de puissance moyenne démocratique émergente ayant une longue tradition d’indépendance de pensée et d’action. Rappelons qu’elle a été <a href="https://www.monde-diplomatique.fr/publications/manuel_d_histoire_critique/a53274#">à l’origine du mouvement des pays non alignés en 1955</a>. Son architecte, le premier président indonésien, Sukarno, considérait le groupe de Bandung comme un forum intergouvernemental sur la démocratie, et non pas entre les démocraties.</p>
<p>Le gouvernement indonésien cherche aujourd’hui encore à se positionner en tant qu’acteur international responsable dans d’autres cadres institutionnels multilatéraux tels que le G20, dont il a assuré la présidence en 2022.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/573844/original/file-20240206-24-f69bcm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/573844/original/file-20240206-24-f69bcm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/573844/original/file-20240206-24-f69bcm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/573844/original/file-20240206-24-f69bcm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/573844/original/file-20240206-24-f69bcm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/573844/original/file-20240206-24-f69bcm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/573844/original/file-20240206-24-f69bcm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Joe Biden, Narendra Modi et le président indonésien Joko Widodo lors du G20 à Bali le 16 novembre 2022.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://picryl.com/media/president-biden-met-with-prime-minister-modi-and-president-widodo-at-the-margins-a0ae08">Executive Office of the President of the United States</a></span>
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<p>L’Indonésie a une <a href="https://issues.fr/la-fin-de-bebas-aktif-la-politique-etrangere-de-lindonesie-a-la-croisee-des-chemins/">vision distincte et évolutive de l’ordre international</a>, projetant une conception asiatique des normes démocratiques qui lui permet de s’engager de manière constructive, et non servile, dans les affaires du monde. Sa volonté de contribuer à l’intégration régionale est clairement en harmonie avec la vision européenne de l’ordre international ; et ses préoccupations concernant l’influence souvent indue et ouvertement autoritaire des grandes puissances sur cet ordre mondial devraient également donner des idées à l’UE dans la recherche d’une certaine autonomie stratégique.</p>
<p>La pensée indonésienne en matière de politique étrangère est restée cohérente dans le temps. En pleine guerre froide, Mohammad Hatta, le premier vice-président de l’Indonésie, a été l’un des premiers à préconiser un positionnement international médian – une posture exprimée dans le concept de <a href="https://asianews.network/indonesias-diplomacy-rowing-between-two-reefs-in-a-fast-changing-world/">« naviguer entre deux récifs »</a>.</p>
<p>S’inspirant de la notion de patrie propre à l’Indonésie – qui implique la terre mais aussi la mer –, le ministre des Affaires étrangères Adam Malik a été l’un des principaux architectes de la <a href="https://www.imo.org/fr/ourwork/legal/pages/unitednationsconventiononthelawofthesea.aspx">Convention des Nations unies sur le droit de la mer</a> de 1973. L’Indonésie a également défini le <a href="https://www.defnat.com/e-RDN/vue-article.php?carticle=2081">concept d’État archipélagique</a> doté d’une forme particulière de souveraineté territoriale. Plus récemment, Marty Natalegawa, ministre des Affaires étrangères de 2009 à 2014, a avancé l’idée d’« équilibre dynamique », qui rejette une formule d’ordre mondial déterminé par la rivalité des grandes puissances.</p>
<h2>Le multilatéralisme comme principe central de politique étrangère</h2>
<p>Le poids international croissant de l’Indonésie, en particulier au sein de l’Asean, se reflète aussi dans l’adoption par l’organisation, en 2019 des <a href="https://www.cairn.info/revue-internationale-et-strategique-2023-1-page-105.htm">Perspectives de l’Asean sur l’Indo-Pacifique</a> (Asean Outlook on the Indo-Pacific, AOIP), qui préconisent un ordre régional prudent, mais néanmoins inclusif, vis-à-vis de la Chine. Cela contraste fortement avec les vues actuelles de Washington et de ses partenaires les plus proches sur l’« Indo-Pacifique ».</p>
<p>En cette période de polarisation de plus en plus sensible au niveau mondial, l’Indonésie reste partisane du principe, inscrit dans le système des Nations unies, de l’action collective multilatérale pour la résolution des problèmes, et continue d’afficher son attachement à certains des principes fondamentaux d’un ordre libéral, de la démocratie et des droits de l’homme, et en particulier aux avantages matériels en matière de développement qui découlent de la démocratie. Elle pratique largement ces principes, mais rejette les tentatives occidentales de les universaliser. Elle a choisi de <a href="https://eastasiaforum.org/2023/10/25/why-indonesia-chose-autonomy-over-brics-membership/">ne pas rejoindre les BRICS</a> mais considère que son positionnement de moyenne puissance atypique du « Sud global » l’autorise à s’exprimer aussi bien <a href="https://www.rfi.fr/fr/podcasts/fr%C3%A9quence-asie/20231014-quelles-sont-les-positions-de-l-indon%C3%A9sie-sur-le-conflit-isra%C3%A9lo-palestinien">sur la guerre entre Israël et Hamas</a> que <a href="https://www.lefigaro.fr/flash-actu/l-indonesie-propose-un-plan-de-paix-pour-l-ukraine-et-la-russie-20230603">sur la guerre en Ukraine</a>. Elle souhaite <a href="https://eastasiaforum.org/2023/09/10/indonesias-quest-to-join-the-oecd-and-become-a-high-income-country/">devenir le troisième membre asiatique de l’OCDE</a>, et les membres actuels de l’OCDE (à l’exception aujourd’hui d’Israël) souhaitent son adhésion.</p>
<p>En résumé, compte tenu de l’importance croissante de l’Indonésie en tant qu’acteur international majeur, le manque d’attention de l’Europe à son égard est un manque de vision. Cette négligence est à tout le moins contre-productive sur le plan économique et malavisée sur le plan stratégique, à une époque où la confrontation géopolitique est exacerbée. À l’ère moderne, rares sont les États dont la politique étrangère est largement motivée, en plus de la promotion de leurs propres intérêts, par un engagement croissant en faveur de leurs valeurs démocratiques, comme c’est le cas de l’Indonésie depuis la fin du XX<sup>e</sup> siècle. L’Europe ferait bien d’en prendre conscience.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/222844/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>L’UE ne prête pas une attention suffisante à l’Indonésie, ce géant asiatique qui depuis 25 ans est engagé dans une transition démocratique réussie et mène une politique étrangère équilibrée.David Camroux, Senior Research Associate (CERI) Sciences Po; Professorial Fellow, (USSH) Vietnam National University, Sciences Po Richard Higgott, Distinguished Professor of Diplomacy (Brussels School of Governance), Emeritus Professor of International Political Economy at the University of Warwick, University of WarwickLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2166582023-11-02T20:54:08Z2023-11-02T20:54:08ZLe conflit Israël-Hamas, un facteur de division entre les pays membres de l’Asean ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/557128/original/file-20231101-15-r9qsb2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C5168%2C3406&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Manifestation pro-palestinienne à Bandung, Indonésie, le 21&nbsp;octobre 2023. L’Indonésie est le premier pays musulman du monde par sa population.
</span> <span class="attribution"><span class="source">Algi Febri Sugita/Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p><a href="https://asean.org/">L’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (Asean)</a> est une organisation interrégionale créée en 1967 regroupant dix pays (Brunei, Cambodge, Indonésie, Laos, Malaisie, Myanmar, Philippines, Singapour, Thaïlande, Vietnam). Organisation à vocation économique visant à favoriser les échanges entre les États membres, elle a souvent été <a href="https://www.cfr.org/backgrounder/what-asean">critiquée</a> pour son absence de vision stratégique et son influence limitée sur les grands sujets de politiques internationales.</p>
<p>En effet, les règles de l’<a href="https://journals.openedition.org/revdh/3913?lang=en">« Asean way »</a> exigent que les décisions soient prises par consensus sans interférence dans les affaires intérieures des pays membres. En résulte souvent une impuissance politique à peser sur le cours des grandes problématiques des relations internationales.</p>
<p>On le constate à nouveau depuis le déclenchement de la « guerre de Soukkot » entre Israël et le Hamas le 7 octobre dernier, alors même que ce conflit est suivi avec une grande attention dans les pays de l’Asean et spécialement dans les États dont la population est majoritairement musulmane, notamment <a href="https://orientxxi.info/magazine/indonesie-equilibre-delicat-entre-orthodoxie-musulmane-et-nationalisme,6394">l’Indonésie, premier pays musulman du monde</a> et la Malaisie. </p>
<h2>Une déclaration conjointe minimaliste</h2>
<p>Concernant le conflit israélo-palestinien, l’Asean a toujours maintenu une <a href="https://www.bangkokpost.com/opinion/opinion/2665486">position constante</a> en soutenant une solution à deux États, conformément à la résolution <a href="https://documents-dds-ny.un.org/doc/RESOLUTION/GEN/NL3/462/16/PDF/NL346216.pdf">242</a> adoptée par le Conseil de sécurité de l’ONU en 1967.</p>
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<p>Il aura néanmoins fallu attendre 13 jours après les attaques terroristes du Hamas du 7 octobre 2023, pour que l’Association publie un <a href="https://asean.org/asean-foreign-ministers-statement-on-the-recent-escalation-of-armed-conflict-in-the-middle-east/">communiqué conjoint</a>. Celui-ci condamne les attaques contre les populations civiles, appelle à la libération des otages, et encourage un cessez-le-feu pour faciliter l’accès à l’aide humanitaire. Enfin, le communiqué réitère son soutien à la solution à deux États, précisant qu’elle est la seule solution globale, juste et durable pour parvenir à la paix.</p>
<p>En théorie, donc, les États membres défendent une position commune sur la situation au Proche-Orient. En pratique, les divers gouvernements nationaux n’avaient pas attendu le communiqué conjoint et avaient déjà réagi, affichant des prises de positions divergentes et difficilement conciliables.</p>
<h2>Des réactions différentes parmi les États membres</h2>
<p>Il est possible de dresser une typologie des réactions politiques des gouvernements nationaux de l’Asean, reflet de leurs positionnements géopolitiques hétéroclites vis-à-vis de la crise au Proche-Orient.</p>
<p>Le sultanat de <a href="https://www.thestar.com.my/aseanplus/aseanplus-news/2023/10/09/brunei-reiterates-solidarity-with-palestinians">Brunei</a>, <a href="https://www.benarnews.org/english/news/indonesian/jokowi-israeli-occupation-palestine-cause-conflict-10102023131333.html">l’Indonésie</a> et la <a href="https://www.scmp.com/week-asia/politics/article/3239053/height-barbarism-malaysias-anwar-slams-israel-over-gaza-strikes-thousands-flock-pro-palestine-rally">Malaisie</a>, pays où la majorité de la population est musulmane, ont soutenu sans équivoque le peuple palestinien.</p>
<p>Les trois gouvernements, qui <a href="https://thediplomat.com/2023/10/the-growing-significance-of-malaysia-and-indonesias-non-recognition-of-israel/">ne reconnaissent pas diplomatiquement l’État d’Israël</a>, n’ont pas condamné l’attaque du Hamas. Le premier ministre malaisien, Anwar Ibrahim, a même ouvertement défendu le fait que son pays entretenait une <a href="https://www.channelnewsasia.com/asia/malaysia-hamas-relationship-israel-conflict-disagree-western-pressure-condemn-3848951">relation officielle</a> avec le groupe terroriste.</p>
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<p>En Indonésie, des <a href="https://thediplomat.com/2023/10/protesters-in-malaysia-indonesia-come-out-in-support-of-palestine/">manifestations massives</a> de soutien au peuple palestinien ont été organisées, illustration du soutien massif de la société civile solidaire avec le peuple palestinien. Alors qu’approche une <a href="https://asie1000mots-cetase.org/Election-presidentielle-en-Indonesie-en-2024-qui-sera-le-prochain-president">élection présidentielle très attendue</a>, nul ne doute que les principaux partis multiplieront les signes de sympathie envers la cause palestinienne, qui fait l’unanimité au sein de la classe politique du pays.</p>
<p>D’autres pays membres de l’Asean revendiquent une posture neutre. C’est le cas du <a href="https://twitter.com/noansereiboth/status/1710945345344303343">Cambodge</a>, du <a href="https://www.vientianetimes.org.la/freefreenews/freecontent_198_Laocall_y23.php">Laos</a>, du <a href="https://vietnamnews.vn/politics-laws/1594905/viet-nam-profoundly-concerned-over-hamas-israel-violence-foreign-ministry.html">Vietnam</a> et de la <a href="https://www.nationthailand.com/thailand/general/40031729">Thaïlande</a>, qui ont tous appelé les deux camps à faire preuve de la plus grande retenue et à chercher des moyens de désescalade et de cessez-le-feu, sans prendre parti.</p>
<p>La Thaïlande, qui compte près de 26 000 travailleurs en Israël, est néanmoins plus directement concernée par cette crise. Selon le gouvernement de <a href="https://www.bangkokpost.com/thailand/general/2672016/two-more-thai-workers-die-in-israel-increasing-death-toll-to-33-fm.">Bangkok</a>, au moins 33 Thaïlandais ont été tués le 7 octobre, 18 ont été blessés, et 16 sont encore retenus en otage par le Hamas.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1718526586620654079"}"></div></p>
<p>Enfin, <a href="https://www.channelnewsasia.com/singapore/israel-hamas-gaza-violence-singapore-strongly-condemns-attacks-3828966">Singapour</a> et les <a href="https://www.rappler.com/nation/philippines-condemns-attacks-hamas-on-israel-october-8-2023/">Philippines</a>, pays traditionnellement plus proches des États-Unis ayant tissé des liens importants avec Israël, ont publié des réactions fermes condamnant l’attaque du Hamas, et rappelant le droit légitime d’Israël à défendre son territoire. Ces deux pays entretiennent des relations de défense étroite avec Tel-Aviv.</p>
<p>Au Myanmar, la junte au pouvoir a publié un communiqué <a href="https://www.voanews.com/a/myanmar-immigrants-in-israel-stay-put-citing-safety-woes-back-home-/7323651.html">prudent</a> pouvant le catégoriser comme un pays neutre. Néanmoins, le Myanmar est le seul pays de l’Asean avec Singapour à <a href="https://worldpopulationreview.com/country-rankings/countries-that-recognize-palestine">ne pas reconnaitre l’État palestinien</a> et est traditionnellement un acheteur de matériel militaire israélien.</p>
<h2>Un facteur de division entre les États membres ?</h2>
<p>Le positionnement des États membres de l’Asean diverge donc fortement sur la question israélo-palestinienne. Par exemple, la position de Singapour se différencie de celle de ces voisins musulmans, notamment dans sa dénonciation explicite du Hamas et dans son soutien à Israël. Pour autant, le gouvernement de la cité-État reste lui aussi prudent. En effet, 14 % des Singapouriens sont ethniquement malais, et disposent d’une reconnaissance particulière dans la Constitution en tant que <a href="https://sso.agc.gov.sg/Act/CONS1963?ProvIds=P113-">peuple autochtone</a>. Si les manifestations propalestiniennes ont été <a href="https://thediplomat.com/2023/10/singaporeans-turn-to-online-campaigns-after-police-reject-application-for-gaza-rally/">interdites</a> à Singapour, ce fut au nom du maintien de la cohésion nationale, comme l’explique le communiqué de police : « La paix et l’harmonie entre les différentes races et religions à Singapour ne doivent pas être considérées comme acquises, et nous ne devons pas laisser les événements extérieurs affecter la situation interne de Singapour. »</p>
<p>Le président et le premier ministre singapouriens ont aussi envoyé des <a href="https://www.businesstimes.com.sg/singapore/president-tharman-pm-lee-send-condolence-letters-palestinian-authority-counterparts">lettres</a> aux dirigeants palestiniens, exprimant leurs condoléances pour les pertes humaines dans la bande de Gaza et promettant un don de 300 000 dollars d’aide humanitaire.</p>
<p>Ces divisions internes à l’Asean sont-elles susceptibles de créer des divisions politiques entre les États membres ? Probablement pas, car conformément au principe de non-ingérence dans les affaires internes, aucun des gouvernements n’a ouvertement critiqué la position d’un autre État membre. Si certains y voient le signe de la traditionnelle <a href="https://theconversation.com/lasean-face-au-coup-detat-militaire-en-birmanie-impuissance-ou-complicite-166450">impuissance géopolitique</a> de l’Association, rappelons que la région fait toujours face à des <a href="https://www.iris-france.org/wp-content/uploads/2017/03/Asia-Focus-21-Terrorisme-mars-2017.pdf">menaces de terrorisme</a>, et reste le théâtre de <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2023/03/16/en-birmanie-l-insurrection-armee-s-organise_6165768_3210.html">rébellions internes</a> et de <a href="https://www.chine-magazine.com/lasean-divisee-conflits-territoriaux/">différends territoriaux</a> entre États.</p>
<p>Fidèle à ses principes, l’Asean reste donc prudente et n’empiète pas sur la compétence des États membres sur les sujets de politiques internationales. Le conflit israélo-palestinien ne fait pas exception à la règle.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/216658/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Paco Milhiet ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>L’Asean, qui regroupe 10 États et quelque 620 millions d’habitants, dont plus de la moitié sont musulmans et attachés à la cause palestinienne, est apparue désunie après le 7 octobre.Paco Milhiet, Visiting fellow au sein de la Rajaratnam School of International Studies ( NTU-Singapour), chercheur associé à l'Institut catholique de Paris, Institut catholique de Paris (ICP)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2057352023-05-24T17:31:30Z2023-05-24T17:31:30ZThaïlande : en avant vers la démocratie ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/526614/original/file-20230516-27-speuu1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C53%2C5991%2C3934&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Pita Limjaroenrat lors du dernier grand meeting de campagne de son parti Move Forward à Bangkok, 13&nbsp;mai 2023. Le lendemain, cette formation démocratique d’opposition arrivera en tête des élections législatives.
</span> <span class="attribution"><span class="source">Brickinfo Media/Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>Les <a href="https://www.thailande-fr.com/politique/124597-resultats-preliminaires-des-elections-en-thailande">élections législatives tenues le 14 mai dernier</a> ont marqué un tournant dans l’histoire moderne de la Thaïlande. La victoire est revenue au parti progressiste de la jeune génération, Phak Kao Klai, souvent désigné sous son nom anglais Move Forward (<em>Aller de l’avant</em>), qui a obtenu 151 sièges sur les 500 que compte l’Assemblée législative, chambre basse du Parlement bicaméral du pays.</p>
<p>Le scrutin aura été une déconvenue pour Pheu Thai (<em>Pour les Thaïlandais</em>), l’autre grand parti d’opposition, fondé par l’ancien premier ministre <a href="https://www.cairn.info/idees-recues-sur-la-thailande--9791031802756-page-63.htm">Thaksin Shinawatra</a>, en exil depuis quinze ans et qui espérait pouvoir revenir au pays suite à ces élections. Pheu Thai, qui annonçait depuis le début de la campagne qu’il remporterait une victoire écrasante, est finalement arrivé en deuxième position, avec 141 sièges. </p>
<p>Les autres grands perdants de ces élections sont les partis conservateurs, monarchistes et militaristes. Associés au pouvoir militaire en place depuis le <a href="https://www.cairn.info/revue-politique-etrangere-2014-3-page-135.htm">coup d’État de 2014</a>, ils n’ont pas su séduire l’électorat. Ils avaient notamment basé leur communication sur un argument qui ne semble plus fonctionner chez les électeurs : il faut protéger la nation, la religion et le roi, plus que la démocratie.</p>
<p>Le peuple s’est exprimé : il souhaite la fin de l’hégémonie des militaires sur la politique thaïlandaise. Mais le régime sortant est-il prêt à l’entendre et à céder les rênes du pays ?</p>
<h2>Hier comme aujourd’hui, une armée omniprésente dans le jeu politique</h2>
<p>Dans les semaines qui ont précédé les élections, de nombreuses informations ont circulé concernant la possible dissolution des partis Move Forward et Pheu Thai, pour divers prétextes – parts dans des sociétés privées détenues par leurs dirigeants, supposés achats de votes, affiches non conformes…</p>
<p>En outre, il est également envisageable, même à ce stade, que les <a href="https://www.thaienquirer.com/49605/more-rumors-that-ec-wants-to-nullify-elections/">élections soient annulées</a> par la Commission électorale, pour de prétendues irrégularités, ce qui permettrait au gouvernement en place, conduit par le général Prayut Chan-ocha, premier ministre depuis le putsch de 2014, de rester en poste. Sans compter que, conformément à la <a href="https://www.wipo.int/wipolex/fr/legislation/details/21500">Constitution de 2017</a>, adoptée sous les auspices de Prayut Chan-ocha, les 250 membres du Sénat votent au même titre que les 500 députés de l’Assemblée législative pour élire le premier ministre. Ces sénateurs, qui ont été désignés par le gouvernement de Prayut, pourraient faire pencher la balance en faveur du régime en place, au détriment des partis pro-démocratie arrivés en tête aux élections.</p>
<p>Enfin, le dernier recours envisageable est le coup d’État, <a href="https://asialyst.com/fr/2017/09/18/memo-coups-etat-thailande-10-points/">dans un pays qui en a connu 13 réussis</a>, ainsi que de nombreuses autres tentatives infructueuses, depuis la fin de la monarchie absolue en 1932.</p>
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<p>En 2001 et en 2005, le parti <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Thai_rak_Thai">Thai Rak Thai</a> (le parti <em>Des Thaïlandais qui aiment les Thaïlandais</em>), du magnat milliardaire Thaksin Shinawatra, avait remporté les élections nationales. Cette formation étant considérée comme une menace pour le « double régime » de la monarchie et de l’armée, un coup d’État militaire a renversé le gouvernement en 2006. Thaksin Shinawatra vit depuis en exil, mais est toujours resté très actif en politique.</p>
<p>Après la dissolution de Thai Rak Thai, il a créé un nouveau parti, le Phak Phalang Prachachon (<a href="https://en.wikipedia.org/wiki/People%27s_Power_Party_(Thailand)"><em>Parti du pouvoir du peuple</em></a>). Celui-ci a remporté les élections nationales de 2007… avant d’être interdit par la Cour constitutionnelle. Mais Thaksin n’en est pas resté là et a alors lancé Pheu Thai, lequel a remporté les élections nationales de 2011, puis a été évincé par le coup d’État militaire de 2014. En Thaïlande, il est important d’avoir un « parti de rechange » : une dissolution est vite arrivée.</p>
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<p>Après sa prise de pouvoir en 2014, le général Prayut Chan-ocha a <a href="https://www.cairn.info/revue-monde-chinois-2018-2-page-85.htm">régné en tant que dictateur pendant cinq ans</a>. Des élections législatives ont ensuite eu lieu en 2019, remportées par Pheu Thai. Mais le parti Palang Pracharat (<em>Le pouvoir pour le peuple thaï</em>), dont Prayut Chan-ocha était le candidat pour le poste de premier ministre à l’époque, a pu rassembler suffisamment de sièges au Parlement, négociant avec différentes autres formations, pour former un gouvernement. Prayut a donc pu rester au pouvoir.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/528048/original/file-20230524-27-d46zkm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/528048/original/file-20230524-27-d46zkm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/528048/original/file-20230524-27-d46zkm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/528048/original/file-20230524-27-d46zkm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/528048/original/file-20230524-27-d46zkm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/528048/original/file-20230524-27-d46zkm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/528048/original/file-20230524-27-d46zkm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Dernier meeting de campagne du parti Ruam Thai Sang Chart. Prayut Chan-ocha brandit le drapeau du parti.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Duncan McCargo</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Ces élections de 2019 ont vu la montée en puissance d’un nouveau parti, Future Forward, représentant la jeune génération, qui a pris la troisième place, avec 81 sièges. Le parti a été dissous un an plus tard par la Cour constitutionnelle pour avoir <a href="https://www.theguardian.com/world/2020/feb/21/thai-court-dissolves-opposition-party-future-forward">« violé les règles électorales en recevant un prêt d’argent illégal »</a>. Des accusations largement considérées comme politiquement motivées.</p>
<h2>Le peuple dans la rue, le peuple dans les urnes</h2>
<p>L’interdiction de Future Forward avait entraîné d’importantes manifestations, principalement à Bangkok, de 2020 à 2021. <a href="https://theconversation.com/les-etudiants-tha-landais-face-au-triangle-armee-constitution-royaute-145114">Dirigées par des groupes d’étudiants</a>, des dizaines de milliers de personnes sont descendues dans la rue pour demander la démission du général Prayut, une nouvelle Constitution et une réforme de la monarchie. Pour la première fois depuis la fin de la monarchie absolue en 1932, le peuple thaïlandais se mobilisait dans les rues.</p>
<p>Les manifestants exigeaient une réforme de la monarchie. Ils protestaient notamment contre <a href="https://freedom.ilaw.or.th/en/freedom-of-expression-101/QA-112">l’article 112</a> du code pénal, qui punit le crime de lèse-majesté et dont le régime soutenu par l’armée abuse pour faire taire les opposants, les dissidents, les médias et la jeunesse thaïlandaise.</p>
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<figcaption><span class="caption">Thaïlande : manifestations pro-démocratie à Bangkok (France 24, 14 octobre 2020).</span></figcaption>
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<p>Face aux gaz lacrymogènes, aux flashballs, aux canons à eau, mais aussi face aux poursuites judiciaires, déclenchées en vertu de l’<a href="https://freedom.ilaw.or.th/en/freedom-of-expression-101/QA-112">article 112</a> et de <a href="https://freedom.ilaw.or.th/en/blog/section-116-when-%E2%80%98sedition%E2%80%99-used-obstruction-freedom-expression">l’article 116</a> du code pénal (qui punit la « sédition »), les manifestations ont fini par se calmer.</p>
<p>L’opposition au gouvernement a néanmoins su se faire entendre, comme en témoigne l’élection du nouveau gouverneur de Bangkok en mai 2022, quand le <a href="https://thediplomat.com/2022/08/bangkoks-new-governor-is-sending-shockwaves-through-thailands-political-landscape/">candidat indépendant Chadchart Sittipun</a> a remporté une victoire écrasante. Les médias thaïlandais libéraux ont qualifié l’élection de Chadchart de <a href="https://www.khaosodenglish.com/opinion/2022/05/29/opinion-chadcharts-victory-gives-hope-to-not-just-bangkok-but-thai-democracy/">victoire pour la démocratie</a>.</p>
<h2>Le vote n’est que la première étape</h2>
<p>Rappelons que la Thaïlande est un régime <a href="https://www.senate.go.th/view/1/About/EN-US">parlementaire multipartite</a> avec 64 partis ayant concouru pour 500 sièges lors des élections de ce 14 mai.</p>
<p>En 2019, 350 des 500 députés de l’Assemblée législative avaient été élus par les circonscriptions, et les 150 autres à la proportionnelle, sur des listes présentées par des partis. Le bon résultat enregistré cette année-là par le très populaire parti Future Forward, notamment grâce au scrutin de liste, avait suscité l’inquiétude des conservateurs au pouvoir, qui ont donc, nous l’avons dit, décidé de l’interdire. Mais les membres de Future Forward avaient un parti de rechange en cas de dissolution de leur parti : Move Forward. </p>
<p>Pour enrayer la montée de Move Forward, le pouvoir a décidé qu’aux élections de 2023, 400 députés seraient désignés via le vote dans les circonscriptions et les 100 autres à travers les liste de partis – un rééquilibrage qui visait à favoriser les puissants barons politiques régionaux, influents dans les circonscriptions, et à contrecarrer la montée en puissance de Move Forward, parti jeune dont l’implantation locale est moins forte. Pourtant, celui-ci est arrivé en tête le 14 mai. Mais gagner les élections ne garantit pas de pouvoir former un gouvernement. </p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/528047/original/file-20230524-21-c7vzau.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/528047/original/file-20230524-21-c7vzau.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/528047/original/file-20230524-21-c7vzau.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/528047/original/file-20230524-21-c7vzau.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/528047/original/file-20230524-21-c7vzau.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/528047/original/file-20230524-21-c7vzau.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/528047/original/file-20230524-21-c7vzau.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Pita Limjaroenrat s’adressant à la presse pendant la campagne électorale.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Duncan McCargo</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Comme en 2019, les 250 sénateurs non élus voteront aux côtés des 500 députés nouvellement élus pour désigner le prochain premier ministre. Lors des élections de 2019, ils ont soutenu à l’unanimité le général Prayut Chan-ocha, et la plupart d’entre eux restent ses fidèles partisans.</p>
<p>Si la Thaïlande s’est dotée d’une Constitution, d’un système électoral et d’un Parlement, les membres de l’establishment ne se sont pas dotés de valeurs démocratiques pour autant. Dans les coulisses, les différents barons de la politique s’affairent à trouver un subterfuge pour contrer la victoire de Move Forward. </p>
<h2>Des surprises à venir</h2>
<p>Fondé par le magnat des affaires Thanathorn Juangroongruangkit (né en 1978), Future Forward représentait un nouvel espoir démocratique pour les Thaïlandais, en particulier les jeunes. Après sa dissolution, Thanathorn et d’autres cadres du parti ayant été interdits de toute activité politique pendant dix ans, c’est un autre jeune magnat des affaires qui a pris la tête du Move Forward Party, <a href="https://www.nationthailand.com/thailand/40026043">Pita Limjaroenrat</a> (né en 1980). </p>
<p>Move Forward a fait campagne sur le thème du « changement », promettant un État-providence, la justice sociale et l’amendement du très controversé article 112. Cette posture de parti anti-régime a séduit le segment progressiste de la société et les jeunes électeurs. Mais elle inquiète l’establishment thaïlandais qui, répétons-le, tente d’empêcher le parti de former un gouvernement.</p>
<p>Actuellement, Move Forward cherche à former un gouvernement avec d’autres partis, y compris d’anciens partis d’opposition et des nouveaux partis. Le parti a besoin de 376 sièges pour pouvoir former un gouvernement et s’assurer que Pita soit premier ministre. Move Forward a donc besoin du vote des sénateurs et d’autres partis. </p>
<p>Certains partis de premier plan ont déclaré ne pas soutenir un gouvernement formé par Move Forward. C’est le cas du parti <a href="https://en.wikipedia.org/wiki/Bhumjaithai_Party">Bhumjaithai</a> (Parti <em>De la fierté thaïe</em>), arrivé en troisième position le 14 mai 2023. Bhumjaithai a déclaré que la position de Move Forward sur la monarchie et le crime de lèse-majesté était contraire à son projet, qui est de <a href="https://www.thaipbsworld.com/bhumjaithai-will-not-vote-for-move-forwards-pm-candidate-rejects-any-change-to-lese-majeste-law/">protéger la monarchie au mieux de ses capacités</a>. </p>
<p>L’histoire thaïlandaise l’a prouvé maintes fois, la démocratie n’est pas une option pour les conservateurs. Comme le parti du général Prayut l’a <a href="https://www.facebook.com/photo/?fbid=639599454879233&set=a.366191288886719">communiqué</a> lors de la campagne électorale : « Vous devez protéger le pays et non la démocratie. Le pays doit passer en premier, car s’il n’y a pas de nation, la démocratie n’est rien. »</p>
<p>Si Move Forward n’arrive pas à former un gouvernement, le choix se portera peut-être sur Pheu Thai. Dans les coulisses de la politique thaïlandaise, l’agitation bat son plein, mais pas forcément dans le sens d’une démocratisation. Mais que les politiques décident d’aller de l’avant ou de retourner en arrière, le peuple a parlé : c’est la démocratie qu’il a choisie.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/205735/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Les élections qui viennent de se tenir en Thaïlande se sont soldées par la victoire de deux partis d’opposition. Les militaires au pouvoir risquent toutefois de refuser de s’effacer…Alexandra Colombier, Spécialiste des médias en Thaïlande, Université Le Havre NormandieDuncan McCargo, Directeur de l'Institut nordique d'études asiatiques et professeur de sciences politiques, University of CopenhagenLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2056172023-05-16T18:40:41Z2023-05-16T18:40:41ZCroissance chinoise : les chaînes de valeur dynamisent les voisins asiatiques<p>Avec sa réouverture post-Covid, la <a href="https://theconversation.com/topics/chine-20235">Chine</a> connaît une période de reprise économique soutenue. Les dernières projections de croissance de l’Asian Development Bank Institute (ADBI) sont de 5 % pour 2023, 4,5 % pour 2024, après 3 % en 2022, 8,4 % en 2021 et 2,3 % en 2020. Dans son dernier <a href="https://www.adb.org/outlook">rapport <em>Asian Development Outlook</em></a> publié en avril, le think tank asiatique indique que l’économie de l’empire du Milieu devrait entraîner avec elle la <a href="https://theconversation.com/topics/croissance-economique-21197">croissance</a> régionale à travers la demande de biens et de services, autant qu’à travers les <a href="https://theconversation.com/topics/chaines-dapprovisionnement-85385">chaînes d’approvisionnement</a> mondiales ou <em>global value chains</em> (GVCs). En <a href="https://theconversation.com/topics/asie-22182">Asie</a>, 40 % des exportations (chiffre de 2015) sont liés à ces circuits. Cela fait de la région l’aire géographique la plus intégrée après l’Europe.</p>
<p>La mondialisation du commerce s’est traduite, depuis des décennies, par la fragmentation de la production des biens en différentes tâches, réalisées dans divers pays. Un pays va produire des biens intermédiaires qui seront ensuite utilisés par d’autres pays où ils seront améliorés ou assemblés pour aboutir au bien final. À chaque étape de la production, un pays apporte de la valeur au bien, jusqu’à ce qu’il soit mis à disposition des consommateurs.</p>
<p>Plusieurs données sont habituellement produites, notamment par l’<a href="https://www.oecd.org/fr/industrie/ind/mesurerlecommerceenvaleurajoutee.htm">Organisation de coopération et de développement économiques</a> (OCDE), pour mesurer l’implication d’un pays dans la chaîne de valeur mondiale d’un bien. La participation amont (<em>backward</em>) d’un pays aux GVCs mesure la part de la valeur ajoutée étrangère, soit des produits intermédiaires étrangers importés, dans les exportations du pays. Elle peut se décomposer selon l’origine géographique de la valeur ajoutée. La participation aval (<em>forward</em>), quant à elle, mesure la part de la valeur ajoutée locale dans les exportations d’un pays tiers.</p>
<p>Ce processus de production a beaucoup bénéficié aux pays émergents, notamment en Asie. Ils se sont spécialisés dans des tâches à forte intensité de main-d’œuvre depuis les années 1990, en parallèle de la signature d’accords de libre-échange dans la région. Ce que l’on observe est que tous les pays de notre échantillon voient leur participation amont avec la Chine augmenter depuis les années 2000, ce qui n’est pas sans conséquences pour l’avenir.</p>
<h2>Chaînes de valeur, chaînes de transmission</h2>
<p>Les pays asiatiques affichent la plus forte participation amont avec la Chine, aux côtés d’autres grands pays émergents comme l’Afrique du Sud ou le Mexique : la teneur en produits intermédiaires provenant de Chine est particulièrement élevée dans leurs exportations. Les pays asiatiques ont aussi une participation aval importante, tout comme l’Afrique du Sud et certains pays d’Amérique latine. La teneur en intrants de ces pays dans les exportations de la Chine est la plus forte parmi les pays de notre échantillon.</p>
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<p>La plupart des pays émergents sont ainsi très intégrés aux chaînes de valeur avec la Chine. Pour les pays émergents d’Asie, cela s’apparente à des chaînes de valeur régionales. Cela implique une forme de dépendance.</p>
<p>Une <a href="https://www.adb.org/sites/default/files/publication/871976/asean-global-value-chains-resilience-sustainability.pdf#page=91">étude récente</a> des économistes Adrian Mendoza et James Villafuerta, toujours pour l’<em>Asian Development Bank Institute</em>, décrit leurs calculs des effets de report (<em>spillovers</em> en anglais) sur les dix pays membres de l’<a href="https://asean.org/">Association des nations de l’Asie du Sud-Est</a> (Asean) de chocs provenant de leurs principaux partenaires dans les GVCs. Ils observent que la sensibilité aux chocs américains a baissé durant la décennie 2000 quand celle touchant aux événements sur le marché chinois s’est accentuée. Un choc positif de 1 % sur la production chinoise avait un impact de 1,7 % sur celle de l’Asean en 2000, de 4,9 % en 2010 et de 6,3 % en 2020.</p>
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<p>Une <a href="https://www.adb.org/sites/default/files/publication/871976/asean-global-value-chains-resilience-sustainability.pdf#page=94">autre de leur analyse</a> montre que le commerce de l’Asean lié aux GVCs a augmenté de 27,8 % en 2021. Cette forte hausse incombe pour les auteurs à la reprise de la croissance chinoise. La Chine est ainsi devenue la source de chocs positifs la plus importante pour ces pays, mettant alors en valeur le rôle des chaînes de valeur régionales plutôt que mondiales.</p>
<p>À l’inverse, sans pouvoir encore le quantifier sur les pays de l’Asean, les auteurs indiquent que la transmission du choc de la pandémie liée au coronavirus a été amplifiée pour les pays participants aux GVCs.</p>
<p><iframe id="6ps8g" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/6ps8g/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Les confinements sont intervenus dans les trois grandes zones au centre du système : l’Europe, l’Amérique du Nord et l’Asie avec une très forte intensité en Chine. Dans les pays durement touchés par le Covid-19, la baisse de la demande en bien final ou en intrants intermédiaires a affecté les producteurs locaux ainsi que leurs fournisseurs nationaux et étrangers. Cela a aussi augmenté le chômage et baissé les revenus et la croissance, générant en retour de nouvelles tensions sur les activités impliquées dans les GVCs. Les perturbations sur les transports, notamment maritimes, et leurs coûts, en ont exacerbé les premiers effets néfastes.</p>
<h2>Comment la reprise peut-elle être durable ?</h2>
<p>Dans un <a href="https://www.adb.org/sites/default/files/publication/871976/asean-global-value-chains-resilience-sustainability.pdf#page=23">article</a> paru au sein du même rapport, Mia Mikic, économiste spécialiste de la zone, propose un état des lieux des différents enjeux relatifs à la participation des pays émergents d’Asie dans le processus des chaînes de valeur pour garantir une implication durable, porteuse de croissance et de résilience.</p>
<p>Dans un contexte d’incertitude et de tensions commerciales, présent avant même la pandémie, elle considère que les pays doivent intensifier l’intégration régionale en Asie continentale, et plus largement encourager un régionalisme ouvert vers le Japon et les pays du Pacifique. Cela se ferait à travers des accords à l’image du Partenariat régional économique global (<a href="https://theconversation.com/la-chine-au-coeur-de-la-plus-grande-zone-de-libre-echange-de-la-planete-150313">RCEP</a>) qui unit quinze pays de la zone Asie-Pacifique.</p>
<p>Comme les découvertes techniques et scientifiques sont régulières et provoquent la montée en gamme des productions, par exemple dans l’électronique et l’automobile, secteurs dépendant des GVCs, l’avantage comparatif des pays émergents d’Asie sur des tâches à forte intensité de main-d’œuvre non qualifiée risque de diminuer. Les États et les entreprises doivent donc travailler à renouveler les compétences des travailleurs, à créer des emplois : dans l’Asean, <a href="https://www.adb.org/sites/default/files/publication/871976/asean-global-value-chains-resilience-sustainability.pdf#page=37">plus d’un emploi sur quatre</a> est lié aux GVCs. Cela passe aussi par la promotion de l’innovation.</p>
<p>Les investisseurs de long terme privilégiant de plus en plus les pays à croissance durable et verte, il sera aussi important que les entreprises des pays d’Asie « verdissent » ou « décarbonent » les chaînes de valeur pour répondre à ces attentes : par exemple, par la promotion du commerce de biens et de services respectueux de l’environnement, la numérisation des procédures de commerce et de transport ainsi que par l’augmentation des investissements dans les énergies renouvelables. Enfin, l’étude considère que les chaînes de valeur doivent être simplifiées et raccourcies, c’est-à-dire repensées pour intégrer moins de pays et des pays « environment-friendly ».</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/205617/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Delphine Lahet ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les liens entre la Chine et les pays d’Asie se sont renforcés ces dernières années et, avec eux, la dépendance de ces derniers aux chocs qui affectent l’empire du Milieu.Delphine Lahet, Professeur en sciences économiques, BSE, Université de BordeauxLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2030762023-04-04T17:35:31Z2023-04-04T17:35:31ZEn Inde, comment encourager les plus démunis à scolariser leurs enfants ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/518758/original/file-20230331-135-r991l7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=80%2C53%2C1117%2C747&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">En Inde, seuls 8 % des jeunes adultes les plus pauvres terminent le deuxième cycle d'études.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://pixabay.com/fr/photos/enfants-inde-orphelinat-filles-1144109/">Abigailjthompson/Pixabay</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>L’accès à l’éducation est l’un des principaux droits humains fondamentaux et un tremplin pour la croissance économique, le bien-être et le développement durable. Pourtant, un jeune adulte sur dix dans le monde (sur <a href="https://unstats.un.org/sdgs/report/2019/The-Sustainable-Development-Goals-Report-2019.pdf">environ un milliard de jeunes adultes</a>) ne possède pas les compétences de base en lecture, en écriture et en calcul.</p>
<p>Il n’est donc pas surprenant que l’éducation et la pauvreté soient étroitement liées. La pauvreté pèse souvent lourdement sur les possibilités et les aspirations des enfants en matière d’éducation. La grande majorité (92 %) des jeunes les plus pauvres d’Afrique subsaharienne, d’Asie centrale et d’Asie du Sud n’ont pas terminé le deuxième cycle de l’enseignement secondaire.</p>
<p>En <a href="https://theconversation.com/topics/inde-23095">Inde</a>, en particulier, seuls <a href="https://www.education-inequalities.org/">8 % des jeunes adultes les plus pauvres</a> terminent ce deuxième cycle. En effet, de nombreux obstacles se dressent sur le chemin des enfants les plus défavorisés lorsqu’il s’agit d’éducation. Ainsi, le manque de sensibilisation des parents, la pression exercée pour que les enfants contribuent aux revenus du ménage ou encore aux tâches quotidiennes contribuent à éloigner la possibilité, pour eux, d’aller au bout de leurs études secondaires. Pourtant, l’éducation reste l’une des méthodes les plus efficaces pour briser le cercle vicieux de la pauvreté.</p>
<h2>Psychologie sociale</h2>
<p>Pour mieux comprendre les raisons de ces obstacles, nous avons mené une étude de terrain dans l’est de l’<a href="https://theconversation.com/fr/topics/inde-23095">Inde</a> qui a permis d’éclairer une partie des mécanismes psychologiques relatifs à l’éducation des enfants des ménages du « bas de la pyramide » qui regroupe, selon la Banque mondiale, celles et ceux gagnant entre 1,90 et 3,20 dollars américains par jour. Nous avons axé notre recherche sur la manière dont les campagnes d’informations relatives à l’éducation destinées à ces populations pourraient être rendues plus efficaces à travers le prisme de la <a href="https://www.researchgate.net/publication/358109684_A_bottom_of_pyramid_perspective_on_quality_education_in_the_tropics">théorie des niveaux de représentation</a>.</p>
<p>Il s’agit d’un concept de psychologie sociale selon lequel plus vous percevez un événement à distance, plus cet événement vous semblera abstrait et vous vous concentrerez sur les facteurs de désirabilité de l’événement. En revanche, plus vous percevez un événement de près, plus vous le percevez comme étant concret et vous vous concentrez sur les facteurs de faisabilité de l’événement.</p>
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<p>La distance peut être physique, temporelle, sociale ou psychologique. Par exemple, si vous envisagez de prendre des vacances dans un an, vous aurez des pensées plus abstraites et vous vous concentrerez sur les facteurs de désirabilité tels que la destination ou l’idée du moment de détente que vous passerez. En revanche, si vous devez partir en vacances la semaine prochaine, vous aurez des pensées plus concrètes et vous vous concentrerez sur les facteurs de faisabilité tels que le choix de l’hôtel et le calcul de l’heure à laquelle vous devez quitter votre domicile.</p>
<h2>Un vaste « bas de la pyramide »</h2>
<p>Différents segments peuvent être formés à l’échelle mondiale au sein des personnes et foyers situés dans le <a href="https://www.econbiz.de/Record/segmenting-the-base-of-the-pyramid-rangan-kasturi/10009233225">« bas de la pyramide » des revenus et patrimoines</a>. Par exemple, les plus démunis financièrement (environ 1,4 milliard de personnes) n’ont pas accès à la nourriture, au logement ou à l’eau potable et dépendent principalement de l’aide d’organisations à but non lucratif pour survivre.</p>
<p>Le segment intermédiaire, composé d’environ 1,6 milliard de personnes, dispose généralement d’un revenu instable en tant que travailleur journalier ou temporaire et peut généralement s’offrir un repas par jour. Enfin, les consommateurs les moins démunis – parmi les plus démunis – financièrement (environ 1 milliard de personnes) peuvent avoir des revenus semi-réguliers et s’offrir avec parcimonie quelques biens de consommation tels qu’un téléviseur, un téléphone portable ou une bicyclette.</p>
<p>Au sein de ces ensembles, nous avons considéré que les consommateurs les plus démunis seraient probablement plus réceptifs à une approche abstraite de l’éducation de leurs enfants, telle que l’idéal d’un avenir prospère. En revanche, les consommateurs les moins démunis seraient plus enclins à répondre à une approche plus concrète de l’éducation que pourraient suivre leurs enfants, approche dans laquelle un accès simple et facile à cette éducation est central.</p>
<figure class="align-left zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/518995/original/file-20230403-16-an9a8q.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/518995/original/file-20230403-16-an9a8q.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/518995/original/file-20230403-16-an9a8q.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=344&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/518995/original/file-20230403-16-an9a8q.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=344&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/518995/original/file-20230403-16-an9a8q.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=344&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/518995/original/file-20230403-16-an9a8q.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=433&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/518995/original/file-20230403-16-an9a8q.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=433&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/518995/original/file-20230403-16-an9a8q.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=433&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption"></span>
<span class="attribution"><span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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</figure>
<p>Pour vérifier ce postulat, nous avons mené une étude quasi expérimentale sur le terrain dans un village du Bengale occidental, dans l’est de l’Inde. Au cours de nos entretiens en face à face, nous avons montré à nos répondants deux campagnes d’information différentes pour leurs enfants. L’une d’entre elles mettait fortement l’accent sur la désirabilité (« un avenir réussi ») et l’autre sur la faisabilité (« un accès simple et facile à l’éducation »).</p>
<p>Les résultats ont confirmé notre théorie. Les participants les plus démunis financièrement ont davantage apprécié la campagne qui présentait un cadre de désirabilité, attiré par la vision abstraite et lointaine de l’éducation apportant « un avenir prospère » à leur enfant. Les participants moins démunis financièrement ont préféré la campagne qui présentait un cadre de faisabilité, avec une approche plus concrète mettant en avant « un accès plus facile à l’éducation » pour leur enfant.</p>
<h2>Réduire les obstacles à l’éducation</h2>
<p>Dans l’ensemble, cette étude examine les mécanismes psychologiques de l’approche de l’éducation des enfants par les foyers les plus défavorisés et la manière dont nous pouvons utiliser différentes modalités d’information pour encourager l’éducation des enfants. Ce faisant, nous fournissons des suggestions perspicaces pertinentes sur la manière d’améliorer l’efficacité des campagnes d’information des enfants ciblant le segment des populations les plus démunies.</p>
<p>Plus précisément, cette recherche suggère deux points : (1) ces campagnes devraient être adaptées aux populations du « bas de la pyramide » et que ce vaste segment, qui compte 4 milliards de personnes, ne devrait pas être traité comme un tout ; (2) il est essentiel de développer des campagnes d’information de ces populations basées sur une meilleure connaissance de ces consommateurs, qui en constituent le public principal, pour une plus grande efficacité. Dans l’ensemble, des stratégies différenciées et des messages ciblés sont essentiels pour communiquer les avantages de l’éducation des enfants au sein de ces populations.</p>
<p>Ainsi, cette étude peut avoir des implications considérables pour les décideurs politiques, les gouvernements et les organisations à but non lucratif qui s’efforcent de réduire les obstacles à l’éducation, potentiellement globalement, bien que notre étude se limite à une région de l’Inde.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/203076/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Une étude montre que les communications doivent faire preuve de désirabilité en présentant l’éducation comme une clé pour l’avenir.Yenee Kim, Assistant Professor, marketing, EDHEC Business SchoolMalobi Mukherjee, Senior Lecturer, Business, James Cook UniversityReetika Gupta, Associate Professor of Marketing, ESSEC Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1961652023-01-04T19:57:39Z2023-01-04T19:57:39ZAu Cambodge, une base militaire comme outil d’influence pour Pékin<p>L’accord passé en 2019 entre la Chine et le Cambodge sur la base de Ream a dernièrement généré une <a href="https://www.wsj.com/articles/china-to-upgrade-ream-naval-base-in-cambodia-fueling-u-s-concerns-11654674382">vague de publications</a> et de <a href="https://asia.nikkei.com/Spotlight/Belt-and-Road/Cambodia-s-China-dependence-deepens-as-first-expressway-opens">commentaires inquiets</a>. Cet accord prévoit l’ouverture d’installations et le stationnement d’unités de l’armée chinoise sur la base navale militaire cambodgienne. Pour bon nombre d’observateurs, Pékin renforce ainsi encore davantage son emprise sur l’Asie du Sud-Est, le long du désormais célèbre <a href="https://major-prepa.com/geopolitique/strategie-du-collier-de-perles-chinois/">« collier de perles »</a> (expression désignant les points d’appui chinois le long de la principale voie d’approvisionnement énergétique depuis le Moyen-Orient).</p>
<p>Qu’est-ce qui explique un tel <a href="https://foreignpolicy.com/2022/12/05/us-china-cambodia-ream-naval-base/">regain d’intérêt</a>, près de trois ans après les <a href="https://www.washingtonpost.com/national-security/2022/06/06/cambodia-china-navy-base-ream">premières révélations du <em>Wall Street Journal</em></a> et les publications successives de l’<a href="https://amti.csis.org/changes-underway-at-cambodias-ream-naval-base/"><em>Asia Maritime Transparency Initiative</em></a> (CSIS-AMTI), alors même qu’il n’y a encore eu aucune matérialisation (dans le domaine militaire en tout cas) de l’accord sur le terrain ?</p>
<p>L’accroissement continu des tensions en mer de Chine méridionale, l’absence d’avancées notables sur le <a href="https://thediplomat.com/2022/07/chinese-fm-pledges-progress-on-south-china-sea-code-of-conduct/">code de conduite pour la mer de Chine méridionale</a> sur lequel la Chine et les autres pays riverains travaillent depuis près de trente ans (voir la <a href="https://www.lemonde.fr//archives/article/1992/07/24/la-conference-de-l-asean-a-manille-les-pays-d-asie-du-sud-est-restent-preoccupes-par-les-intentions-de-la-chine_3901583_1819218.html">Déclaration de Manille de 1992</a>), et la diplomatie agressive de Pékin en période de Covid ont sans doute contribué à attirer l’attention sur toute nouvelle initiative chinoise dans la région. Qu’en est-il concrètement ?</p>
<h2>Une tempête dans un verre d’eau ?</h2>
<p>La modestie des installations de la base de Ream, limitées à un seul quai et un ensemble de bâtiments logistiques et administratifs dispersés sur un périmètre de près de 77 hectares, pourrait laisser à penser qu’il y a peut-être eu un peu d’emballement médiatique après l’évocation d’une « base secrète » chinoise au Cambodge.</p>
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<p>Une impression renforcée par la présence de fonds marins de l’ordre de sept mètres de profondeur, qui ne permettent l’accostage que de navires de dimensions modestes (mille tonnes au maximum), tels que des patrouilleurs. Peu d’intérêt stratégique a priori pour la <a href="https://meta-defense.fr/2021/12/16/la-marine-chinoise-aura-recu-8-nouveaux-destroyers-sur-la-seule-annee-2021/">marine chinoise</a> dont aucune des principales unités ne pourrait profiter des installations en l’état. Et pour quel usage, alors même qu’elle dispose déjà de <a href="https://amti.csis.org/island-tracker/china/">formidables bases aéronavales</a> dans les Spratleys et les Paracels ?</p>
<p>Cependant, plusieurs éléments posent question, notamment la nature secrète et les clauses de l’accord, qui pourraient refléter l’influence qu’exerce Pékin sur l’appareil sécuritaire cambodgien et la mainmise des réseaux chinois sur l’économie du pays, notamment à Phnom Penh et sur la côte, tout particulièrement dans la région de Sihanoukville.</p>
<h2>Un accord peut en cacher un autre</h2>
<p>Officiellement, l’accord vise à moderniser les installations portuaires de la base avec le soutien technique et financier de la Chine, afin de permettre l’accueil sur site de plus gros navires et de faciliter à la marine cambodgienne la conduite de ses missions de sécurité maritime dans le golfe de Thaïlande.</p>
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<p>Pourtant, l’accord ne se limite pas à des considérations d’investissements dans les infrastructures, et il convient de rappeler que le lancement du chantier a été précédé de la <a href="https://cambodianess.com/article/second-us-built-facility-demolished-at-ream-naval-base">destruction</a> et du déménagement de bâtiments financés par les États-Unis et le Vietnam – un précédent qui a contribué à tendre les relations entre Phnom Penh et Washington.</p>
<p>De même, les clauses de l’accord n’ont jamais été rendues publiques, mais on sait désormais qu’elles incluent, outre un bail sur la moitié de la base accordé à la Chine pour une durée initiale de trente ans, renouvelable par tacite reconduction, la possibilité de construire des installations, d’accoster des navires et de stocker des armes ainsi que des munitions.</p>
<p>Chose surprenante, il aurait été constaté que le personnel militaire chinois circule armé et <a href="https://www.news.com.au/technology/innovation/military/satellite-images-of-naval-base-in-cambodia-expose-chinas-lie/news-story/1f4a7e163199333684d3cb9e4e763ed8">habillé d’uniformes cambodgiens ou en civil</a>, sur le périmètre de la base. Les soldats chinois disposeraient en outre de passeports cambodgiens.</p>
<h2>Des liens sécuritaires devenus quasi exclusifs</h2>
<p>Par ailleurs, ce n’est un secret pour personne que des liens sécuritaires extrêmement forts unissent la Chine et le Cambodge depuis la période des Khmers rouges. À l’époque, la Chine a en effet fourni au régime Khmer rouge un soutien massif pour contrer l’invasion par le Vietnam, en pleine confrontation idéologique entre la Chine et l’URSS.</p>
<p>Depuis cette période, la Chine est devenue le <a href="https://www.reuters.com/article/us-cambodia-china-idUSKBN1JF0KQ">premier fournisseur d’armes du Cambodge</a> et le rythme n’a fait que s’accélérer ces dernières années, avec un mix de dons et de ventes à prix coûtant, <a href="https://english.cambodiadaily.com/news/china-donates-heavy-weaponry-to-military-84249">240 millions de dollars</a> environ pour les dix dernières années. Un montant qui inclut des véhicules logistiques et véhicules blindés, de l’artillerie, des hélicoptères, des systèmes anti-aériens, des uniformes, des armes de petit calibre et des munitions.</p>
<p>La situation est encore plus critique concernant la marine royale, dont la <a href="https://www.reuters.com/article/cambodia-china-idUKBKK24806720071025">totalité des quinze patrouilleurs</a> en service a été donnée en 2005 et 2007 par la Chine – un partenaire auprès de qui Phnom Penh devra donc se fournir pour l’ensemble des pièces détachées, ce qui pourrait gravement remettre en cause la souveraineté du Cambodge.</p>
<p>Dans le domaine de la formation des officiers, la Chine a fortement contribué à la création d’une académie militaire dont le programme a été conçu par le ministère chinois de la Défense et où l’enseignement est délivré aux cadets par du personnel essentiellement chinois. La formation comprend d’ailleurs un stage obligatoire de six mois en Chine.</p>
<p>Ce soutien sécuritaire tous azimuts s’accompagne également d’un soutien politique au premier ministre Hun Sen (en place depuis 1998), ce qui a poussé ce dernier à soutenir systématiquement les intérêts de Pékin, notamment en tant que président de l’<em>Asean</em>, en 2012 et 2022, ou en <a href="https://www.rfi.fr/fr/contenu/20091206-ouighours-fuite-cambodger%C3%A9fugi%C3%A9sdansleroyaume">remettant aux autorités de Pékin des Ouighours</a>.</p>
<h2>Ream, futur point d’appui de la stratégie chinoise en mer de Chine méridionale ?</h2>
<p>L’accord passé avec le Cambodge représente pour la Chine sa deuxième implantation à l’étranger après <a href="https://www.challenges.fr/entreprise/defense/djibouti-revelations-sur-la-tres-secrete-base-militaire-chinoise-qui-inquiete-les-occidentaux_831994">Djibouti</a>, exception faite des <a href="https://www.lesechos.fr/monde/asie-pacifique/la-chine-accusee-de-batir-des-iles-artificielles-pour-etendre-sa-zone-maritime-1892288">installations en mer de Chine méridionale</a>. Une fois équipée, la base de Ream pourra accueillir des navires d’un poids allant jusqu’à 5 000 tonnes, soit la plupart des corvettes et frégates, et même certains destroyers de la marine chinoise.</p>
<p>Pour l’Indonésie, dont l’archipel des Natuna est situé à équidistance de Ream et des installations chinoises de <a href="https://clio-carto.clionautes.org/la-polderisation-de-fiery-cross-iles-spratleys-deuxieme-partie.html"><em>Fiery Cross Reef</em></a> (archipel des Spratley), il va sans dire que la possibilité offerte à la marine chinoise de ravitailler de part et d’autre de l’archipel ne pourra qu’entraîner une <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2020/01/08/tensions-entre-pekin-et-djakarta-en-mer-de-chine-meridionale_6025220_3210.html">augmentation de la pression sur son dispositif sécuritaire et ses ressources</a>. C’est d’autant plus vrai que de <a href="https://lecourrier.vn/lindonesie-detecte-une-violation-continue-de-sa-zee-par-des-bateaux-de-peche-chinois/660496.html">nombreux affrontements</a> ont déjà eu lieu dans sa zone économique exclusive, ce qui l’a poussée à muscler son dispositif au cours des dernières années.</p>
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<p>Les autres pays de l’Asean riverains de la mer de Chine méridionale (outre l’Indonésie, c’est aussi le cas du Vietnam, des Philippines et de la Malaisie) s’inquiètent eux aussi des installations de Ream. Spécialement le Vietnam, pays voisin du Cambodge, qui a déjà connu de <a href="https://books.openedition.org/demopolis/1401?lang=fr">nombreux conflits frontaliers avec la Chine</a>, sans oublier les incidents réguliers <a href="https://lemarin.ouest-france.fr/secteurs-activites/defense/36370-un-bateau-de-peche-vietnamien-coule-par-un-navire-chinois">entre navires de pêche vietnamiens et garde-côtes chinois</a>.</p>
<p>Coup médiatique, technique de revers pour intimider le Vietnam, la Malaisie et l’Indonésie tout à la fois, renforcement à peu de frais de son dispositif stratégique, démonstration de force à destination de l’<em>Asean</em>… il faut reconnaître que pour la Chine, l’accord passé avec le Cambodge constitue autant un fait accompli qu’un coup de maître dans ce qui s’apparente de plus en plus à un jeu de <a href="https://www.jardindechine.com/article-weiqi-ou-le-jeu-de-go-120032530.html"><em>Weiqi</em></a> : Pékin fait preuve d’un activisme tous azimuts pour avancer ses intérêts dans la région.</p>
<h2>La mise en concurrence, une technique bien huilée à Phnom Penh</h2>
<p>On le voit : d’apparence modeste, l’accord passé entre la Chine et le Cambodge sur l’octroi de facilités permanentes à la base de Ream revêt en réalité une grande importance du point de vue de la stratégie chinoise dans la région.</p>
<p>Pour ce qui est du Cambodge, cependant, il ne faudrait pas tirer de conclusions trop hâtives sur une supposée allégeance du royaume à la Chine. En son temps, le roi <a href="https://www.universalis.fr/encyclopedie/norodom-sihanouk/">Norodom Sihanouk</a> (sur le trône de 1941 à 1955 puis de 1993 à 2004) a su mieux que quiconque multiplier les revirements d’alliances, se rapprochant successivement de la France, des États-Unis, de la Russie et de la Chine. Homme rusé, le premier ministre Hun Sen, qui exerce la réalité du pouvoir depuis 37 ans, a lui-même su naviguer d’un allié à un autre pour se maintenir au pouvoir.</p>
<p>Si les principaux partenaires commerciaux du Cambodge sont l’Union européenne et les États-Unis, le premier partenaire politique et sécuritaire est clairement la Chine. Cependant, et il faut peut-être y voir un signe, les trois fils de Hun Sen ont effectué des études militaires, non pas à Pékin mais… aux États-Unis (Hun Manet a ainsi étudié à <em>West Point</em>, Hun Manith au <em>George C. Marshall European Center for Security Studies</em> et Hun Many à la <em>National Defense University</em>) – preuve que la Chine ne contrôle pas encore tous les leviers de pouvoir dans le pays…</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/196165/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Benjamin Blandin ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Pékin va moderniser une base de la marine cambodgienne, et en obtenir l’accès en contrepartie. Mais ce développement ne change pas fondamentalement la donne en Asie du Sud-Est.Benjamin Blandin, Doctorant en relations internationales, Institut catholique de Paris (ICP)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1903032022-09-25T15:37:29Z2022-09-25T15:37:29ZTourisme en Asie du Sud-Est, la reprise post-Covid au défi du climat<p>Au cours des dernières décennies, l’industrie touristique a été le secteur le plus porteur de croissance dans les pays du Sud-Est asiatique : entre 2000 et 2019, le <a href="https://data.aseanstats.org/dashboard/tourism">nombre total de visites dans l’Asean</a> a augmenté progressivement, passant de 39,1 millions de personnes à 143,5 millions, avec un taux de croissance annuel moyen de 6,7 %. En dix ans, de 2010 à 2019, la contribution du tourisme au PIB a presque doublé, augmentant de 197,3 milliards de dollars à 393,12 milliards de dollars – et atteignant ainsi les 12 % du PIB de l’Asean à la fin de cette période.</p>
<p>Mais les perturbations de la mobilité mondiale <a href="https://theconversation.com/la-Covid-19-ou-comment-un-choc-planetaire-permet-de-mieux-lutter-contre-le-surtourisme-151899">induites par le Covid-19</a> et ses multiples vagues ont eu une incidence considérable sur l’industrie, le plaçant dans une position précaire.</p>
<p>Selon <a href="https://data.aseanstats.org/dashboard/tourism">ASEANStats</a>, en 2020, le nombre de visiteurs visitant l’Asean a subi son premier creux depuis 2000, avec seulement 26,1 millions de personnes, soit une baisse de 81 % par rapport à 2019. La Thaïlande, en tant que destination touristique populaire, a connu la plus forte chute des arrivées de voyageurs, de 39,9 millions en 2019 à 6,7 millions en 2020. Une <a href="https://unctad.org/system/files/official-document/ditcinf2021d3_en_0.pdf">récente estimation</a> de la Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement (CNUCED) met en évidence que l’Asean a perdu environ 8,4 % de son PIB total.</p>
<p>À ces pertes considérables générées par le Covid-19 se greffent celles causées par l’aggravation des catastrophes naturelles. Alors que les économies de la région reprennent progressivement leur activité touristique, notamment grâce à une vaccination rapide, l’intégration des projections climatiques au tourisme sud-est asiatique apparaît plus que jamais nécessaire.</p>
<h2>Une reprise freinée par le changement climatique</h2>
<p>Car la multiplication de phénomènes météorologiques extrêmes avec des tempêtes, des inondations et des sécheresses plus fréquentes, ne sera pas sans effet sur les flux touristiques. Deux effets conjoints expliquent cet impact :</p>
<p>Il est probable, d’une part, que les touristes vont progressivement fuir les zones où les conditions météorologiques deviennent imprévisibles et dangereuses, pour privilégier des endroits moins risqués.</p>
<p>Les conséquences du changement climatique, d’autre part, vont obliger les entreprises touristiques présentes dans les zones concernées à investir dans des mesures d’adaptation : construire un remblai, acquérir des équipements écologiques, réparer les dégâts des tempêtes, etc. Autant de frais qui seront inévitablement répercutés sur les consommateurs sous la forme d’une stratégie de prix plus élevés pour les produits et services touristiques.</p>
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<p>Cela pourrait inciter les touristes à <a href="https://theconversation.com/le-tourisme-post-Covid-sera-t-il-virtuel-153206">se tourner vers des destinations plus économiques</a> et, dans un cercle vicieux, diminuer les ressources des entreprises touristiques pour s’adapter au changement climatique. Pour <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0959652620342499?via%3Dihub">l’Indonésie</a>, l’un des pays les plus vulnérables au changement climatique, les dernières études montrent que chaque augmentation de 1 % de la température et de l’humidité relative est associée à une baisse du nombre de touristes internationaux de 1,37 % et 0,59 %, respectivement.</p>
<h2>Les ressources naturelles endommagées</h2>
<p>Au-delà des risques et du prix, les ressources naturelles qui font l’attractivité touristique de l’Asie du sud-est souffrent en elles-mêmes du changement climatique : les plages et les récifs coralliens de l’Asean sont par exemple déjà gravement endommagés. Sur la plage de Cua Dai au Vietnam, l’érosion atteint ainsi 150 mètres sur 3 kilomètres. En Indonésie, aux Philippines et en Thaïlande, on observe une augmentation significative du blanchissement des coraux.</p>
<p>Le trésor culturel se voit également affecté, puisque trois sites inscrits au patrimoine mondial de l’Unesco en Asie du Sud-Est sont parmi les plus vulnérables aux tempêtes et aux inondations : le risque de glissements de terrain dans l’ancienne Hoi An au Vietnam, le changement de végétation du parc national de Komodo en Indonésie et l’érosion des sols dans les rizières en terrasses des Cordillères aux Philippines.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/le-tourisme-a-t-il-tourne-la-page-du-covid-lexemple-de-lhebergement-en-region-paca-189156">Le tourisme a-t-il tourné la page du Covid ? L'exemple de l'hébergement en région PACA</a>
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<p>Malgré les confinements massifs dans de nombreux États, qui ont réduit les <a href="https://www.unwto.org/sustainable-development/climate-action">émissions de gaz à effet de serre dans le monde de 7 %</a> en 2020, cette baisse atteint à peine les objectifs de l’Accord de Paris.</p>
<p>Le Climate Action Tracker a d’ailleurs qualifié l’action climatique de l’Indonésie et du Vietnam de « très insuffisante » et a trouvé celle de Singapour et de la Thaïlande « critiquement insuffisante » – des pays pourtant très touchés par le changement climatique.</p>
<h2>Un guide d’action pour le tourisme régional</h2>
<p>Une action collective fondée sur des principes communs plutôt que des actions et des initiatives individuelles est donc indispensable. Pour l’industrie du tourisme, il existe actuellement un <a href="https://asean.org/wp-content/uploads/2012/05/ATSP-2016-2025.pdf">plan stratégique du tourisme de l’Asean 2016-2025</a>, qui met l’accent sur la préservation de l’environnement et les mesures d’adaptation au changement climatique dans la croissance du tourisme.</p>
<p>Pour aller plus loin, l’Asean pourrait s’inspirer des projets menés dans d’autres régions, comme le Guide stratégique d’Eco-union pour l’adaptation au changement climatique des destinations touristiques pour la Méditerranée. Il offre des cadres et des pratiques spécifiques pour le tourisme d’adaptation au changement climatique à choisir et évaluer avec les acteurs locaux. Le processus de planification stratégique devra ensuite définir et attribuer des rôles et des devoirs aux parties prenantes afin de transformer les objectifs d’adaptation en actions.</p>
<p>Les métropoles, qui sont des sites très populaires de l’Asean ne doivent pas non plus être négligées. Le Guide de l’OMC sur l’adaptation au changement climatique dans les villes suggère à ces dernières de modifier leurs plans directeurs en matière d’utilisation des terres et de transport, tout en investissant dans les infrastructures pour accroître la résilience – comme l’amélioration du réseau routier dans une plaine inondable densément peuplée, par exemple.</p>
<p>Les rapports soulignent aussi la nécessité de collecter des données afin de suivre, vérifier et évaluer l’efficience et l’efficacité des efforts d’adaptation au changement climatique.</p>
<h2>Des pays inégaux face aux enjeux</h2>
<p>L’Asean est par ailleurs une région hétérogène en matière de développement. Les pays les plus « avancés » de la zone, comme Singapour et la Malaisie, possèdent les ressources pour promouvoir un tourisme mieux adapté au changement climatique.</p>
<p>La <a href="https://www.germanwatch.org/sites/default/files/publication/20432.pdf">Thaïlande, le Vietnam ou le Myanmar</a> sont les plus lourdement concernés à long terme par le changement climatique mais ne disposent pas de moyens (financières, technologiques) abondants pour faire face.</p>
<p>Dans l’urgence actuelle, la stratégie de réouverture dans ces pays à la fois vulnérables aux dérèglements et très dépendants du tourisme doit se pencher attentivement sur les enjeux environnementaux. Car si les catastrophes climatiques dégradent les attractions touristiques, cette attractivité deviendra difficile à conserver.</p>
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<p><em>Thu Giang Nguyen, enseignante-chercheuse à la Faculté d’économie internationale de l’Université du commerce extérieur du Vietnam, a contribué à la rédaction de cet article. Cet article est une version développée d’un article publié pour la première fois dans <a href="https://fulcrum.sg/hot-and-bothered-climate-challenges-for-aseans-tourism-reopening/">Fulcrum</a>, le site de commentaires et d’analyses de l’ISEAS-Yusof Ishak Institute.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/190303/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Phi Minh Hong ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Alors que les économies de la région reprennent leur activité touristique, la prise en compte des projections climatiques apparaît plus que jamais centrale.Phi Minh Hong, Assistant Professor of Economics, EM NormandieLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1827292022-05-19T19:27:56Z2022-05-19T19:27:56ZTimor oriental : une démocratie tenace, 20 ans après l’indépendance<p>Le Timor oriental – officiellement Timor Leste –, qui a proclamé son indépendance le <a href="https://www.ohchr.org/fr/press-releases/2009/10/default-title-36">20 mai 2002</a>, offre vingt ans plus tard une lueur d’espoir ténue mais rare et réconfortante dans un monde bien sombre, gangrené par le déclin de la démocratie et la montée du national-populisme autocratique sous toutes les latitudes.</p>
<p>Premier pays à acquérir son indépendance au XXI<sup>e</sup> siècle, il est en effet résolument resté dans le <a href="https://redtac.org/asiedusudest/2020/05/14/le-timor-oriental-un-etat-democratique-en-construction/">camp des démocraties</a>, malgré ses énormes handicaps de départ, les conflits récurrents qui ont marqué sa vie politique et les <a href="https://www.letelegramme.fr/une/timor-oriental-un-etat-pacifie-face-au-defi-de-son-developpement-31-12-2012-1960144.php">difficultés économiques</a> durables rencontrées au fil des ans. Les principales sources concordent toutes pour confirmer ce bilan positif.</p>
<h2>Une remarquable performance démocratique</h2>
<p>Ainsi, dans le <a href="https://freedomhouse.org/countries/freedom-world/scores">classement annuel sur la liberté</a> dans le monde établi par <em>Freedom House</em>, le Timor oriental est le seul pays d’Asie du Sud-Est considéré comme entièrement libre en 2021 avec un score de 72, alors que l’Indonésie, le grand voisin sous la botte duquel il a vécu pendant près d’un quart de siècle, de 1975 à 1999, arrive en deuxième position mais loin derrière, avec un score de 59, le cantonnant dans la catégorie des pays partiellement libres.</p>
<p>En termes de liberté de la presse, le Timor oriental est aussi en tête des pays de la région <a href="https://rsf.org/fr/classement">selon <em>Reporters sans Frontières</em></a> qui lui attribue en 2022 un indice de 81,9 et une 17<sup>e</sup> place mondiale, loin devant l’Indonésie, à la 117<sup>e</sup> place avec 49,2.</p>
<p>Cette performance remarquable est corroborée par le fait que le pays vient de tenir la quatrième élection présidentielle au suffrage universel de son histoire en <a href="https://www.rfi.fr/fr/en-bref/20220420-timor-oriental-jos%C3%A9-ramos-horta-remporte-l-%C3%A9lection-pr%C3%A9sidentielle">réélisant à sa tête</a> le 19 avril dernier <a href="https://fr.humanrights.com/voices-for-human-rights/ramos-horta.html">José Ramos Horta</a>, l’infatigable porte-parole de la cause indépendantiste sur la scène internationale pendant toute la durée de l’occupation indonésienne, prix Nobel de la paix en 1996, ministre des Affaires étrangères de 2002 à 2006, premier ministre de 2006 à 2007 et déjà président du pays de 2007 à 2012.</p>
<iframe frameborder="0" marginheight="0" marginwidth="0" scrolling="no" src="https://sites.ina.fr/nobel-de-la-paix/export/player/I19084371/360x270" width="100%" height="450" allowfullscreen=""></iframe>
<p>Ayant obtenu 62,1 % des voix contre 37,9 % à <a href="https://www.lefigaro.fr/international/2017/03/20/01003-20170320ARTFIG00242-timor-oriental-les-ex-guerilleros-s-affrontent-dans-les-urnes.php">Francisco Guterres</a>, le président sortant auquel il était opposé au second tour d’une consultation qui s’est déroulée sans anicroche aucune, avec une participation de 75 % des quelque 860 000 Timorais en âge de voter au sein d’une population de 1,3 million de personnes, il a pris ses fonctions à l’occasion de ce 20<sup>e</sup> anniversaire de l’indépendance.</p>
<h2>Le passé colonial du Timor oriental</h2>
<p>Le fait que le Timor oriental soit toujours une démocratie, même si elle est imparfaite et non exempte d’âpres luttes de pouvoir, constitue un <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2019/09/06/comment-le-timor-oriental-est-devenu-un-petit-miracle-democratique_5507192_3210.html">petit miracle</a>. Les difficultés auxquelles le pays a été confronté au cours de son histoire sont en effet immenses et auraient fort bien pu l’entraîner dans la direction opposée, sur la voie de l’autoritarisme et de la dictature.</p>
<p>Colonisé dès le début du XVI<sup>e</sup> siècle par le Portugal, première puissance européenne arrivée en Insulinde dans la course aux épices avec la prise de Malacca en 1511, le Timor a en effet subi la <a href="https://www.universalis.fr/encyclopedie/timor-oriental/2-histoire/">double malédiction</a> d’être soumis à la domination d’une métropole en déclin et d’un pays vite devenu pauvre. Le Portugal n’a donc pratiquement rien fait pendant plus de quatre siècles pour développer cet arrière-poste le plus éloigné de son empire colonial. Quand il l’a brutalement abandonné à son sort en 1974, à la suite de la <a href="https://www.lefigaro.fr/histoire/archives/revolution-des-oeillets-il-y-a-45-ans-un-putsch-abolissait-la-dictature-au-portugal-20190424">révolution des œillets</a> ayant renversé la dictature de Salazar à Lisbonne, la lutte pour le pouvoir a – comme partout ailleurs dans les colonies lusitaniennes de la Guinée-Bissau à l’Angola et au Mozambique – déclenché un conflit entre des forces politiques antagonistes en pleine période de guerre froide.</p>
<p>C’est le <a href="https://www.britannica.com/topic/Revolutionary-Front-of-Independent-East-Timor">FRETILIN</a> (Front révolutionnaire de Timor oriental indépendant), aux sympathies marxisantes, qui a rapidement pris le dessus et proclamé l’<a href="https://www.sciencespo.fr/mass-violence-war-massacre-resistance/fr/document/trois-siacles-de-violences-et-de-luttes-au-timor-oriental-1726-2008.html">indépendance de la République démocratique du Timor oriental</a> le 28 novembre 1974.</p>
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<figcaption><span class="caption">« East Timor independence : a short history of a long and brutal struggle » (<em>The Guardian</em>, 30 août 2019).</span></figcaption>
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<p>L’Indonésie voisine, à laquelle appartient la partie occidentale de l’île, dirigée depuis 1966 par le régime militaire dictatorial et viscéralement anticommuniste du général Suharto, ne pouvait pas accepter cette menace. Le 7 décembre 1975, l’<a href="https://www.monde-diplomatique.fr/mav/49/A/55565">armée indonésienne envahissait le Timor oriental</a>, avec l’<a href="https://ips-dc.org/east_timor_us_gave_green_light_to_invasion/">aval des États-Unis</a> (dont le président Gerald Ford, accompagné du secrétaire d’État Henry Kissinger, avait visité Jakarta la veille !), et l’approbation tacite de l’Australie qui tremblait, six mois après la chute de Saïgon, à l’idée de voir une tête de pont aux sympathies communistes prendre racine à une heure d’avion de Darwin.</p>
<h2>L’occupation militaire indonésienne</h2>
<p>Les combattants pour l’indépendance se replient alors dans les zones montagneuses de l’île, à partir desquelles ils vont mener une farouche guérilla contre l’occupant. Malgré leur résistance, l’Indonésie annexe en juillet 1976 le Timor oriental, qui devient sa 27<sup>e</sup> province.</p>
<p>Pendant près d’un quart de siècle, l’armée indonésienne va faire <a href="https://www.amnesty.org/fr/documents/asa21/006/1985/fr/">régner une terreur aveugle</a> dans sa nouvelle province et commettre une litanie de crimes de guerre et contre l’humanité <a href="https://www.monde-diplomatique.fr/1999/10/CHOMSKY/3310">encore impunis à ce jour</a>. Cela va se solder par la mort de quelque 200 000 personnes, un tiers de la population, tuées par les armes ou décédées à cause des exactions, des maladies et de la famine.</p>
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<figcaption><span class="caption">Timor-Leste : Petit, lointain et au cœur de préoccupations stratégiques (Institut de recherche sur l’Asie du Sud-Est contemporaine, 1ᵉʳ mai 2020).</span></figcaption>
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<p>Mais le gouvernement de Jakarta va aussi consacrer d’importantes ressources financières pour promouvoir le développement de la province, en investissant dans l’éducation, la santé ou les infrastructures, afin de gagner le cœur des habitants – sans succès du fait de la répression atroce qui sévit.</p>
<p>Puis, dans la foulée de la crise financière asiatique de 1997-1998, le régime autoritaire indonésien s’effondre et <a href="https://www.erudit.org/en/journals/ei/1900-v1-n1-ei3075/703958ar.pdf">Suharto démissionne</a> en mai 1998, laissant le pouvoir à <a href="https://www.lexpress.fr/actualites/1/monde/indonesie-l-ex-president-habibie-est-mort-a-83-ans_2097008.html">Bacharuddin Jusuf Habibie</a>, son vice-président. Devant la révolte qui s’étend et amène l’archipel au bord de l’implosion, ce dernier adopte dans l’urgence toute une série de réformes de type démocratique parmi lesquelles la décision courageuse d’organiser un <a href="https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/le-reportage-de-la-redaction/il-y-a-22-ans-le-timor-oriental-votait-pour-son-independance-malgre-la-campagne-de-terreur-orchestree-par-l-indonesie-7832702">référendum d’autodétermination au Timor oriental</a> pour que la population choisisse entre l’indépendance ou l’autonomie au sein de la République d’Indonésie.</p>
<h2>L’indépendance du Timor oriental supervisée par l’ONU</h2>
<p>Le référendum aura bien lieu le 30 août 1999, avec la participation enthousiaste de 98,6 % de l’électorat, qui décidera à une énorme majorité de 78,5 % d’<a href="https://www.lemonde.fr/archives/article/1999/09/05/le-timor-oriental-a-vote-massivement-en-faveur-de-l-independance_3572771_1819218.html">opter pour l’indépendance</a>.</p>
<p>Rendue furieuse par ce résultat, l’armée indonésienne et ses supplétifs locaux vont alors déchaîner une <a href="https://www.levif.be/international/timor-leste-le-souvenir-est-encore-vif-mais-les-est-timorais-ont-la-volonte-de-se-tourner-vers-le-futur/">véritable stratégie de terre brulée</a> afin de rendre aux Timorais leur petit pays dans le pire état possible. Cela fera encore près de 1 400 morts et entraînera le déplacement de 400 000 réfugiés.</p>
<p>Pour faire cesser ces exactions, l’ONU se décidera enfin à envoyer une force armée d’interposition et organisera une <a href="https://peacekeeping.un.org/sites/default/files/past/etimor/etimor.htm">mission civile pour la préparation de l’indépendance</a> (UNTAET) qui supervisera notamment les élections présidentielles organisées en avril 2002 dont sortira vainqueur <a href="http://timor-leste.gov.tl/?p=3&lang=en">Kay Rala Xanana Gusmão</a>, le chef charismatique du FRETILIN, qui avait été arrêté en 1992 et <a href="https://www.liberation.fr/planete/1999/02/10/un-pas-vers-la-liberte-pour-le-leader-timorais-xanana-gusmao-doit-quitter-sa-prison-de-djakarta-pour_264610/">libéré de sa prison</a> de Jakarta en 1999. C’est lui qui présidera aux cérémonies de la proclamation d’indépendance du Timor oriental le 20 mai 2002.</p>
<h2>Les rivalités entre les cinq principaux leaders</h2>
<p>Le fait que ce petit pays isolé au bout du monde soit resté dans le camp de la démocratie depuis son indépendance est d’autant plus méritoire que la vie politique a été marquée par de graves conflits et que les principaux problèmes économiques auxquels il est confronté n’ont pas été réglés.</p>
<p>Sur le plan politique, ce sont les <a href="https://journals.openedition.org/echogeo/13241">rivalités entre cinq des principaux leaders</a> du combat pour l’indépendance – Xanana Gusmão, José Ramos Horta, Mari Alkatiri, Francisco Guterres et José Maria Vasconcelos – qui ont été au centre du jeu. Ils se sont en effet combattus, allié et succédé aux postes de président et de premier ministre depuis 2002.</p>
<p>Une première crise grave a <a href="https://www.lalibre.be/international/2006/06/26/le-premier-ministre-se-retire-pour-desamorcer-la-crise-BJ6ME3NJCZEBLH7JOKBTSTVH3Y/">éclaté dès 2006</a> entre le séduisant héros national et président Xanana Gusmão et son ombrageux premier ministre <a href="https://www.letemps.ch/monde/mari-alkatiri-lhomme-toutes-divisions-timororiental">Mari Alkatiri</a> à propos de l’épineux problème de la démobilisation des forces armées révolutionnaires. Elle s’est soldée par la démission de ce dernier, remplacé par <a href="https://ramoshorta.com/">José Ramos Horta</a>, qui a ensuite été élu à la présidence en 2007 alors que Xanana Gusmão, en rupture avec le FRETILIN dirigé par Mari Alkatiri, créait son propre parti, le CNRT (Congrès National pour la Reconstruction Timoraise) et s’emparait au terme des élections législatives de 2007 du poste de premier ministre, qu’il occupera jusqu’en 2015.</p>
<h2>Une vie politique encore mouvementée</h2>
<p>Mais l’événement le plus grave qui aurait pu entraîner le pays dans une guerre civile et mettre un terme à la démocratie survient en février 2008, quand un quarteron de rebelles de l’armée, mécontents du sort réservé aux anciens combattants, organise un <a href="https://www.monde-diplomatique.fr/carnet/2008-02-12-Confusion-a-Timor">attentat contre le tandem exécutif</a>, dans lequel <a href="https://www.britannica.com/biography/Jose-Ramos-Horta">Ramos Horta</a> est grièvement blessé. Il survivra, terminera son mandat et briguera en 2012, en candidat indépendant, un second mandat présidentiel, comme le lui permet la constitution.</p>
<p>Mais il ne se qualifiera pas pour le second tour qui verra José Maria Vasconcelos, soutenu par le CNRT de Xanana Gusmão, <a href="https://www.lemonde.fr/asie-pacifique/article/2012/04/17/l-ex-guerillero-taur-matan-ruak-elu-president-du-timor-oriental_1686394_3216.html">battre</a> Francisco Guterres, le candidat du FRETILIN dirigé par Mari Alkatiri. En 2017, Francisco Gutteres prendra sa revanche et <a href="https://www.rfi.fr/fr/asie-pacifique/20170325-timor-oriental-defis-nouveau-president-francisco-guterres-lu-olo-figure-resi">sera élu président</a>, cette fois-ci avec le soutien du CNRT et de Xanana Gusmão, qui, après s’être fâché avec José Maria Vasconcelos et avoir démissionné de son poste de premier ministre en 2015, tente un rapprochement avec le FRETILIN.</p>
<p>Toutefois, dès 2018, le conflit entre les deux grands partis politiques rivaux et leurs leaders respectifs, Mari Alkatiri et Xanana Gusmão, resurgit et débouche en 2020 sur la mise à l’écart de ce dernier et la <a href="https://missionsetrangeres.com/eglises-asie/demission-de-taur-matan-ruak-premier-ministre-est-timorais-apres-limpasse-de-sa-coalition-face-au-budget-2020/">démission de tous les ministres issus du CNRT</a> du gouvernement dirigé par José Maria Vasconcelos, laissant le pouvoir exécutif au FRETILIN, rendu impuissant face à un Parlement dominé par l’opposition.</p>
<h2>Le problème du développement économique</h2>
<p>Depuis lors, la situation politique du pays est <a href="https://www.tresor.economie.gouv.fr/Articles/2021/01/20/timor-oriental">restée bloquée</a>, entravant notamment l’adoption du budget, ce qui a empêché l’adoption des décisions urgentes requises pour développer une économie vulnérable qui a <a href="https://www.macaubusiness.com/east-timor-parliament-approves-urgent-measures-to-respond-to-covid-19-crisis/">beaucoup souffert de la pandémie de Covid-19</a>, prise entre la flambée du virus en Indonésie et la fermeture hermétique de l’Australie.</p>
<p>Or les problèmes économiques ne sont pas simples à résoudre car les opportunités du Timor oriental sont réduites. Possédant d’importantes <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2019/09/06/timor-oriental-un-territoire-convoite_5507291_3210.html">réserves de pétrole et de gaz</a>, le pays a vécu de cette rente depuis son indépendance mais il est victime de la malédiction des ressources naturelles – que les Anglo-Saxons désignent par le terme <a href="http://geoconfluences.ens-lyon.fr/glossaire/syndrome-hollandais-dutch-disease-effet-de-groningue"><em>Dutch Disease</em></a> – et peine à diversifier son économie.</p>
<p>L’exploitation des nouvelles réserves en hydrocarbures découvertes en mer de Timor et rendue possible par la <a href="https://redtac.org/asiedusudest/2020/02/17/le-timor-et-laustralie-la-valse-des-traites-petroliers-sacheve-t-elle/">signature en 2018 d’un traité de partage des eaux territoriales</a> enfin équitable avec l’Australie risque d’aggraver encore la situation de déséquilibre et de dépendance économique du pays.</p>
<p>C’est d’autant plus le cas que cela implique la construction d’infrastructures portuaires et routières pour lesquelles la Chine est bien évidemment prête à lui octroyer les crédits requis qui risquent de l’endetter durablement. Et les perspectives de diversification dans l’agriculture, largement dominée par la <a href="https://journals.openedition.org/com/191">production de café</a>, principale denrée d’exportation du pays, ou dans le tourisme, sont limitées et n’offrent pas assez d’emplois à une population très jeune, dont 70 % est âgée de moins de 30 ans, beaucoup de Timorais devant donc s’expatrier pour gagner leur vie et faire vivre leur famille.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1468252983926263812"}"></div></p>
<p>Car la pauvreté affecte toujours <a href="https://donnees.banquemondiale.org/indicator/SI.POV.NAHC ?locations=TL">40 % des Timorais</a> et reste surtout très répandue dans les campagnes où ils vivent encore pour 70 % d’entre eux et où les problèmes de santé et de malnutrition sont responsables d’une mortalité maternelle et d’un taux de rachitisme des enfants très élevés. Les <a href="https://fr.unesco.org/countries/timor-leste">besoins en matière d’éducation</a> ne sont pas moindres, avec un taux d’analphabétisme toujours très haut (35 %), alors que 45 % des jeunes n’ont pas accès à l’éducation secondaire.</p>
<p>Bref, beaucoup reste à faire pour assurer une vie meilleure à la population timoraise et éviter qu’elle ne commence à être déçue des promesses non tenues de la démocratie et soit séduite à terme, comme ailleurs dans la région et dans le monde, par les sirènes du national-populisme.</p>
<h2>Quel avenir pour le Timor oriental après l’élection de José Ramos Horta ?</h2>
<p>L’<a href="https://www.swissinfo.ch/fre/toute-l-actu-en-bref/ramos-horta-remporte-l- %C3 %A9lection-pr %C3 %A9sidentielle-au-timor-oriental/47530528">élection de José Ramos Horta</a> le 20 avril 2022 à la présidence est sûrement la meilleure chance pour sortir le pays de l’ornière politique et y relancer une dynamique démocratique. Ayant toujours gardé son indépendance envers les deux grands partis du FRETILIN et du CNRT, il est le <a href="https://www.nouvelles-du-monde.com/ramos-horta-doit-trouver-un-equilibre-pour-faire-avancer-le-timor-leste/">moins mal placé</a> des cinq dirigeants historiques, tous septuagénaires comme lui, qui se sont livrés depuis vingt ans au petit jeu de chaises musicales qui commence à affaiblir la démocratie timoraise.</p>
<p>Élu comme candidat indépendant mais avec le soutien du CNRT de Xanana Gusmão, qui reste l’homme le plus populaire et le plus influent du pays, il doit désormais s’assurer une majorité au Parlement en formant une coalition gouvernementale qui associera aussi les plus petits partis dirigés par des leaders politiques plus jeunes comme <a href="https://www.parlamento.tl/node/866">Armanda Berta dos Santos</a>, la dirigeante du KHUNTO, arrivée en troisième position au premier tour de la présidentielle, avec 8,7 % des suffrages.</p>
<p>En fait, il devrait avoir à cœur d’être l’artisan d’une transition politique et du passage de témoin aux représentants de cette nouvelle génération dont il est temps qu’elle arrive au pouvoir. Pour ce qui est de l’économie, il faudra aussi trouver des compromis entre ceux qui, comme lui, sont partisans de la réalisation des grands projets pétroliers et d’une collaboration étroite avec la Chine, au risque d’envenimer les relations avec les États-Unis et l’Australie, et les autres, qui sont favorables à une plus grande diversification et à la recherche d’une indépendance économique.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/lZrgCb2ytPM?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Timor-Leste’s Inclusion in Asean Membership Could Begin After March 2022 (EAC News, 15 février 2022).</span></figcaption>
</figure>
<p>Tous sont en revanche d’accord pour que le Timor oriental <a href="https://asia.nikkei.com/Editor-s-Picks/Interview/East-Timor-s-president-elect-says-Asean-membership-a-top-priority">rejoigne enfin les rangs de l’Asean</a>, ce qui romprait son grand isolement, stimulerait les investissements et accélérerait son développement. Incidemment, cela permettrait aussi de renforcer le camp de la démocratie au sein d’une association où elle n’est pas majoritaire. Le fait que Dili ait réussi à établir de très bonnes <a href="https://journals.openedition.org/conflits/401 ?lang=en">relations avec Jakarta</a>, en dépit des souffrances atroces que l’Indonésie a infligées à la population, largement grâce à l’admirable capacité de pardon de personnalités aussi magnanimes et tolérantes que Ramos Horta et Xanana Gusmão, devrait faciliter cette adhésion.</p>
<p><a href="https://thepressfree.com/jose-ramos-horta-declare-une-victoire-eclatante-a-lelection-presidentielle-au-timor-leste/">Déclarant</a> qu’il avait reçu son mandat de la nation « dans une démonstration écrasante de l’engagement de notre peuple envers la démocratie », le nouveau président semble confiant sur ses possibilités d’apaiser les divisions du passé. Interrogé à ce sujet après son élection, il a répondu :</p>
<blockquote>
<p>« Je ferai ce que j’ai toujours fait tout au long de ma vie… Je poursuivrai toujours le dialogue, patiemment, sans relâche, pour trouver un terrain d’entente et des solutions aux défis auxquels ce pays est confronté. »</p>
</blockquote>
<p>Tout ce que l’on peut souhaiter à cette petite nation exemplaire pour son 20<sup>e</sup> anniversaire est qu’il y arrive et que le Timor oriental continue à progresser sur le chemin de la démocratie et de la prospérité.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/182729/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jean-Luc Maurer ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Après avoir obtenu l’indépendance, survécu aux crimes de guerre de l’Indonésie, et réussi à maintenir son régime démocratique, le Timor Leste saura-t-il aussi vaincre ses problèmes économiques ?Jean-Luc Maurer, Professeur honoraire en études du développement, affilié au Albert Hirschman Center on Democracy, Graduate Institute – Institut de hautes études internationales et du développement (IHEID)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1830672022-05-18T18:21:30Z2022-05-18T18:21:30ZÉlection présidentielle aux Philippines : le triomphe du népotisme dynastique<p>L’élection présidentielle qui vient de <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2022/05/10/aux-philippines-ferdinand-marcos-junior-le-fils-de-l-ex-dictateur-en-passe-d-etre-elu-president-de-la-republique_6125399_3210.html">se dérouler le 9 mai aux Philippines</a> a permis au pays de battre le record du monde du népotisme dynastique de nature oligarchique pour une démocratie.</p>
<p>Les Philippines sont en effet considérées comme une « démocratie imparfaite » dans le <a href="https://www.eiu.com/n/campaigns/democracy-index-2021/">classement annuel bien connu</a> de l’Economist Intelligence Unit, qui leur donne un score de 6,62 sur un maximum de 10 et une 54<sup>e</sup> place (juste derrière l’Indonésie avec 6,71, au 52<sup>e</sup> rang) et un « régime partiellement libre » par le non moins réputé <a href="https://freedomhouse.org/reports">rapport annuel de Freedom House</a>, avec un score de 55 sur un maximum de 100 (contre 59 pour l’Indonésie).</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1524711784476999680"}"></div></p>
<p>Ce népotisme dynastique est un mal très répandu dans le monde et tout particulièrement en Asie où il sévit d’ouest en est, des quatre pays du sous-continent indien aux deux frères ennemis de la péninsule coréenne, en passant par la plupart des nations du Sud-Est asiatique.</p>
<h2>Un népotisme caractéristique des États asiatiques…</h2>
<p>Il y a évidemment des différences de degré d’un pays à l’autre, mais le phénomène est bien omniprésent dans toute l'Asie :</p>
<ul>
<li><p>Pakistan (familles <a href="https://www.ledevoir.com/monde/170101/pakistan-la-famille-bhutto-une-dynastie-marquee-par-la-tragedie">Bhutto</a> et <a href="https://www.france24.com/fr/20170801-pakistan-dynastie-nawaz-sharif-frere-shahbaz-armee-pouvoir-bhutto">Sharif</a>) ;</p></li>
<li><p>Inde (famille <a href="https://www.lemonde.fr/m-le-mag/article/2021/03/19/les-nehru-gandhi-une-dynastie-a-bout-de-souffle_6073664_4500055.html">Nehru-Gandhi</a>) ;</p></li>
<li><p>Bangladesh (familles <a href="https://www.lepoint.fr/monde/un-des-meurtriers-du-pere-fondateur-du-bangladesh-a-ete-pendu-12-04-2020-2371058_24.php">Mujibur Rahman</a> et <a href="https://www.britannica.com/biography/Ziaur-Rahman">Ziaur Rahman</a>) ;</p></li>
<li><p>Sri Lanka (familles <a href="https://www.universalis.fr/encyclopedie/sirimavo-bandaranaike/">Bandaranaike</a> et <a href="https://www.france24.com/fr/asie-pacifique/20220511-splendeur-et-chute-d-une-dynastie-politique-dans-un-sri-lanka-%C3%A0-genoux">Rajapaksa</a>) ;</p></li>
<li><p>Birmanie (famille <a href="https://www.universalis.fr/encyclopedie/aung-san/">Aung San</a>) ;</p></li>
<li><p>Thaïlande (famille <a href="https://www.courrierinternational.com/article/en-thailande-le-clan-thaksin-de-retour-sur-lechiquier-politique">Thaksin</a>) ;</p></li>
<li><p>Cambodge (famille <a href="https://www.la-croix.com/Monde/Au-Cambodge-dynastie-Hun-Sen-simpose-2021-12-29-1201192329">Hun</a>) ;</p></li>
<li><p>Singapour (famille <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2019/09/13/une-querelle-de-famille-affaiblit-le-premier-ministre-singapourien_5509874_3210.html">Lee</a>) ;</p></li>
<li><p>Indonésie (familles <a href="https://www.universalis.fr/encyclopedie/sukarno/">Sukarno</a> et <a href="https://la1ere.francetvinfo.fr/nouvellecaledonie/2015/08/12/indonesie-la-famille-suharto-devra-rembourser-324-millions-de-dollars-278011.html">Suharto</a>) ;</p></li>
<li><p>Taiwan (famille <a href="https://www.larousse.fr/encyclopedie/personnage/Jiang_Jieshi/125933">Chiang</a>) ;</p></li>
<li><p>Corée du Sud (famille <a href="https://www.universalis.fr/encyclopedie/park/">Park</a>) ;</p></li>
<li><p>Corée du Nord (l’inamovible et ubuesque dynastie des <a href="https://www.lexpress.fr/actualite/monde/infographie-coree-du-nord-l-incroyable-famille-kim_1951506.html">Kim</a>, qui constitue le record du monde absolu en matière de népotisme dynastique).</p></li>
</ul>
<h2>… auquel n’échappent pas les Philippines</h2>
<p>Depuis <a href="https://www.lemonde.fr/archives/article/1946/07/05/l-independance-des-philippines_1880209_1819218.html">leur indépendance en 1946</a> et jusqu’à ce jour, les Philippines se sont toujours distinguées en la matière. C’est notamment le cas pour ce qui est de la fonction présidentielle. Il y a déjà eu deux cas dans l’histoire récente où un « fils ou fille de » a succédé à la tête du pays à son père ou à sa mère.</p>
<p>Le premier est celui de <a href="https://www.britannica.com/biography/Gloria-Macapagal-Arroyo">Gloria Macapagal</a>, qui a dirigé le pays de 2001 à 2010 dans un parfum de corruption effrénée, dans la continuité de son père <a href="https://www.britannica.com/biography/Diosdado-Macapagal">Diosdado Macapagal</a> qui a gouverné à partir de 1961 jusqu’en 1965, année où il a été battu dans les urnes par <a href="https://www.bbc.com/news/world-asia-61379915">Ferdinand Marcos</a>, qui allait imposer une dictature violente et vénale pour plus de vingt ans.</p>
<p>Le deuxième est celui de <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2021/06/24/l-ex-president-des-philippines-benigno-aquino-est-mort_6085481_3210.html">Begnino Aquino III</a> qui a été président de 2010 à 2016, deux décennies après sa mère <a href="https://www.cairn.info/revue-herodote-2010-1-page-185.htm">Cory Aquino</a> qui avait elle-même occupé ce poste entre 1986 et 1992. Les deux familles font partie de cette <a href="https://www.persee.fr/doc/receo_0338-0599_1997_num_28_3_2874">oligarchie politique et foncière</a> qui domine le pays depuis toujours et lui a donné la plupart de ses premiers présidents, de <a href="https://www.britannica.com/biography/Manuel-Quezon">Manuel Quezon</a> (1935-1944) à <a href="https://www.britannica.com/biography/Manuel-Roxas-y-Acuna">Manuel Roxas</a> (1946-1948) et <a href="https://www.britannica.com/biography/Ramon-Magsaysay">Ramon Magsasay</a> (1953-1957).</p>
<p>Mais cette fois, tous les précédents records sont battus.</p>
<p>Les Philippins viennent en effet d’élire triomphalement à la présidence <a href="https://www.francetvinfo.fr/monde/asie/philippines-quatre-choses-a-savoir-sur-ferdinand-bongbong-marcos-dont-la-victoire-a-la-presidentielle-inquiete-les-defenseurs-des-droits_5127274.html">Ferdinand Romualdez « Bonbong » Marcos</a>, fils de <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2022/05/10/aux-philippines-le-retour-des-marcos-au-pouvoir_6125456_3210.html">Ferdinand Marcos</a> et de son insatiable épouse <a href="https://www.courrierinternational.com/article/philippines-imelda-marcos-veuve-du-dictateur-enfin-condamnee">Imelda</a>, qui ont régné par la loi martiale, la corruption et la violence, déclenchant la <a href="https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/cultures-monde/philippines-la-dictature-et-le-populisme-en-heritage-3255701">révolution du « People’s Power »</a> qui amènera <a href="https://www.cairn.info/revue-mouvements-2011-3-page-160.htm">Cory Aquino</a> au pouvoir en 1986.</p>
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<figcaption><span class="caption">Philippines : Ferdinand Marcos Junior élu président, la renaissance d’un clan (France 24).</span></figcaption>
</figure>
<p>Par ailleurs, dans une élection séparée, – les Philippines n’ont pas adopté la méthode du « ticket présidentiel » de leur ancienne puissance coloniale étasunienne et l’élection à la présidence et à la vice-présidence ont lieu le même jour mais séparément –, ils ont choisi de confier la vice-présidence à <a href="https://www.la-croix.com/Monde/Philippines-Sara-Duterte-fille-Rodrigo-Duterte-elue-vice-presidente-2022-05-10-1201214439">Sara Duterte</a>.</p>
<p>Elle est la fille du président sortant <a href="https://www.lesechos.fr/monde/asie-pacifique/philippines-duterte-defend-son-bilan-dans-son-dernier-discours-sur-letat-de-la-nation-1334719">Rodrigo Duterte</a>, élu en 2016 et arrivé au terme de l’unique mandat de six ans autorisés par la Constitution. Ce tribun national-populiste, <a href="https://www.nouvelobs.com/monde/20160510.OBS0134/10-sorties-du-president-philippin-duterte-qui-font-de-trump-un-enfant-de-ch-ur.html">violent et vulgaire</a>, mais toujours très populaire, a fait régner <a href="https://www.france24.com/fr/20170202-philippines-rodrigo-duterte-portrait-president-philippin-drogues-obama-hitler-insultes">l’ordre par la terreur</a> dans l’archipel. Sara lui avait d’ailleurs déjà succédé en 2016 comme <a href="https://www.reuters.com/article/philippines-election-idFRKBN2HU11T">maire de Davao</a>, la grande ville de l’île sud de Mindanao, le fief sur lequel il avait régné pendant près de 25 ans et où il avait « rétabli l’ordre » par les méthodes violentes qu’il privilégie. Beaucoup trouveront certainement navrants l’amnésie, l’aveuglement et le goût obstiné et masochiste des Philippins pour ce genre de personnages…</p>
<h2>La politique des Philippines, fondée sur les dynasties</h2>
<p>En élargissant la réflexion au-delà des élections présidentielles, on s’aperçoit que ce modèle dynastique façonne en profondeur toute la vie politique d’un pays que les élites oligarchiques ont toujours dominé. Dans une démocratie comme les Philippines où les élections sont affaire d’argent, de clientélisme et de désinformation, les partis politiques sont très faibles et au service des représentants de ces riches familles dynastiques.</p>
<p>D’après <a href="https://information.tv5monde.com/info/aux-philippines-le-fils-du-dictateur-ferdinand-marcos-elu-la-tete-du-pays-455939">Julio Teehankee</a>, professeur à l’Université de La Salle à Manille, quelque 320 familles dynastiques se seraient consolidées dans le pays depuis 1898, quand les États-Unis ont supplanté l’Espagne comme puissance coloniale, et en 2009, les membres de 234 d’entre elles détiendraient toujours des fonctions électives !</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1524995393955713024"}"></div></p>
<p>Et selon lui, leur mainmise sur la politique nationale ne fait que s’aggraver. Ainsi, 80 % des gouverneurs de province appartiennent à ces riches dynasties, et elles contrôleraient actuellement 67 % des sièges à la Chambre des représentants et 53 % des postes de maires, contre respectivement 57 %, 48 % et 40 % en 2004. Leur stratégie est basée sur le contrôle héréditaire de fiefs régionaux, provinciaux et municipaux.</p>
<h2>Le maintien des clans Marcos et Duterte</h2>
<p>Le clan Marcos a été particulièrement efficace dans ce domaine. Depuis le <a href="https://www.lemonde.fr/archives/article/1991/10/19/philippines-mme-imelda-marcos-annonce-son-retour-a-manille-pour-le-4-novembre_4036393_1819218.html">retour d’exil de leur mère Imelda en 1991</a>, après la <a href="https://www.lemonde.fr/archives/article/1989/10/03/la-mort-de-l-ancien-president-marcos-le-grand-manipulateur_4128055_1819218.html">mort de son mari Ferdinand</a> en 1989 à Honolulu, leur fils « Bonbong » et leur fille Imee se sont « refilé » entre eux, puis avec leur propres fils et filles ou neveux et nièces, les postes de gouverneurs, de sénateurs et de députés de la province d’Ilocos Nord.</p>
<p>Ainsi, après avoir déjà été une première fois gouverneur de la province de 1983 à 1986, avant la chute de son père, « Bonbong », l’est redevenu de 1998 à 2007, puis il a transmis la sinécure à sa sœur Imee de 2010 à 2019 pour occuper des sièges de député de 2007 à 2010 puis de sénateur de 2010 à 2016, année où il a vainement essayé de se faire élire vice-président de Rodrigo Duterte, le candidat qu’il avait soutenu pour la présidence.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1143531895172423680"}"></div></p>
<p>Actuellement, c’est le fils d’Imee, <a href="https://laoagcity.gov.ph/governance/citymayor.html">Michael Keon Marcos</a>, qui est gouverneur, alors qu’elle-même occupe l’un des deux postes de sénateur de la province et que le fils de « Bonbong » est candidat à la députation. La famille Duterte, établie de plus fraîche date, moins riche et plus éloignée de Manille, n’est toutefois pas en reste. Le président sortant le reconnaît d’ailleurs ouvertement quand il dit être fier de son bilan en déclarant :</p>
<blockquote>
<p>« J’ai une fille candidate à la vice-présidence, un fils membre du Parlement et un autre maire de Davao, je suis comblé. »</p>
</blockquote>
<h2>Quel avenir pour le népotisme aux Philippines ?</h2>
<p>On le voit, toute la politique philippine est une affaire de dynastie, la conquête du pouvoir et sa conservation étant basées sur le système de relève népotique au sein des principales familles oligarchiques du pays.</p>
<p>Il faudrait bien sûr légiférer pour mettre fin à cette mise en coupe réglée de la démocratie et <a href="https://www.ifes.org/philippines">réformer le système électoral du pays</a>, mais il est impensable qu’un Parlement peuplé par des représentants des dynasties politiques adopte des mesures qui entraveraient leur pouvoir. Comme le dit avec humour le même professeur Teehankee cité précédemment : « C’est comme demander à Dracula de garder la banque du sang ! »</p>
<p>Certes, le népotisme dynastique n’est pas l’apanage de l’Asie et on le retrouve sous diverses formes ailleurs dans le monde. Nos démocraties ne sont pas exemptes de ce genre de maux comme le prouve notamment le cas des familles Kennedy, Bush et Clinton aux États-Unis. Cela mériterait toutefois une analyse plus large et approfondie qui dépasse l’objectif restreint de cet article sur les Philippines.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/183067/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jean-Luc Maurer ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Le retour du clan Marcos au pouvoir, le 9 mai dernier, rappelle l’emprise du népotisme aux Philippines.Jean-Luc Maurer, Professeur honoraire en études du développement, Graduate Institute – Institut de hautes études internationales et du développement (IHEID)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1734062022-01-20T14:51:30Z2022-01-20T14:51:30ZL’Asie du Sud-Est veut retrouver ses touristes. Mais comment ouvrir les frontières en toute sécurité ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/440490/original/file-20220112-17-14oygps.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=8%2C8%2C985%2C655&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Transats sous des palmiers tropicaux sur la plage de Bai Sao, sur l'île de Phu Quoc, au Vietnam. Les pays du Sud-Est asiatiques veulent ouvrir leurs frontières, mais la faible vaccination de leur population est un frein.</span> <span class="attribution"><span class="source">Shutterstock </span></span></figcaption></figure><p>Un des secteurs qui a le plus été affecté par la pandémie est celui du tourisme. Il a connu globalement des pertes de <a href="https://wttc.org/Research/Economic-Impact">4,5 trillions</a> de dollars et affecté plus de 62 millions d’emplois. Alors que plusieurs pays ont un taux de population vaccinée élevé, plusieurs personnes contemplent l’idée de pouvoir recommencer à voyager, du moins dès que la vague Omicron se sera essoufflée.</p>
<p>La reprise du tourisme international se fait de façon plutôt lente, alors que les voyages non essentiels sont toujours fortement déconseillés. Le nombre d’arrivées internationales est <a href="https://www.unwto.org/unwto-tourism-recovery-tracker">80 % plus faible</a> qu’avant la pandémie et la réouverture des frontières se fait plutôt de façon bilatérale que de façon généralisée.</p>
<p>Ouvrir ou ne pas ouvrir ? Membre de l’Observatoire québécois des droits de la personne du Centre d’études et de recherches internationales de l’Université de Montréal, je m’intéresse aux dimensions politiques et sociogéographiques du tourisme en Asie du Sud-Est.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="plages bondées de parasol" src="https://images.theconversation.com/files/440491/original/file-20220112-15-121b3a7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/440491/original/file-20220112-15-121b3a7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=379&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/440491/original/file-20220112-15-121b3a7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=379&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/440491/original/file-20220112-15-121b3a7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=379&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/440491/original/file-20220112-15-121b3a7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=477&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/440491/original/file-20220112-15-121b3a7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=477&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/440491/original/file-20220112-15-121b3a7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=477&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Une plage bondée de Phuket, en Thaïlande, en des temps meilleurs pour le tourisme.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span>
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<h2>La distribution des vaccins, un frein à la reprise du tourisme</h2>
<p>Un des facteurs freinant la reprise du tourisme est la distribution inégale des vaccins. Plusieurs pays en développement n’ont pas encore vacciné une partie importante de leur population. C’est notamment le cas de l’Asie du Sud-Est, une des régions les plus appréciées, mais également les plus dépendantes des touristes.</p>
<p>Ainsi, <a href="https://www.csis.org/programs/southeast-asia-program/projects/southeast-asia-covid-19-tracker">moins de la moitié</a> des personnes en Indonésie, au Laos et aux Philippines ont été vaccinées, et un peu moins des deux tiers de la population thaïe et vietnamienne.</p>
<p>Les gouvernements doivent donc jongler entre, d’une part, la protection de la santé publique et, d’autre part, la relance du tourisme pour permettre la reprise économique - sachant que, dans ces pays, une part importante de l'économie et des emplois dépendent de ce secteur.</p>
<h2>Relancer le tourisme : une nécessité économique</h2>
<p>L’industrie du tourisme est vitale dans plusieurs pays de la région. Elle représente le tiers du PIB du Cambodge et 20 % du PIB de la Thaïlande. Avec <a href="https://www.bangkokpost.com/business/1825404/tourist-arrivals-hit-record-of-39m">39 millions de touristes</a> par année, Bangkok a d’ailleurs été la ville la plus visitée au monde en 2019.</p>
<p>L’impact de la Covid-19 sur le tourisme se fait d’autant plus ressentir qu’il affecte des personnes qui sont déjà en position de vulnérabilité. En effet, les petites entreprises — qui supportent <a href="https://www.unwto.org/tourism-and-covid-19-unprecedented-economic-impacts">80 % du tourisme mondial</a> — sont particulièrement vulnérables, tout comme les travailleurs de l’économie informelle. Ils sont généralement indépendants et n’ont pas accès à une protection sociale de base ou à une aide du gouvernement. Au Cambodge, par exemple, c’est plus de <a href="https://www.ilo.org/wcmsp5/groups/public/---asia/---ro-bangkok/documents/briefingnote/wcms_742664.pdf">trois travailleurs sur quatre</a> qui occupent un emploi informel dans le secteur du tourisme.</p>
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<img alt="Un homme en train de fabriquer des masques colorés" src="https://images.theconversation.com/files/440493/original/file-20220112-17-18on64e.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/440493/original/file-20220112-17-18on64e.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=413&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/440493/original/file-20220112-17-18on64e.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=413&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/440493/original/file-20220112-17-18on64e.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=413&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/440493/original/file-20220112-17-18on64e.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=520&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/440493/original/file-20220112-17-18on64e.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=520&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/440493/original/file-20220112-17-18on64e.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=520&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Un artisan fabrique des masques balinais destinés essentiellement au marché touristique.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span>
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<p>Le secteur touristique d’Asie du Sud-Est est particulièrement touché par l’absence de touristes chinois. La croissance économique en Chine et la création d’une classe moyenne ont poussé de nombreux citoyens à voyager dans la région. Leur nombre était en croissance continue depuis 2010. En 2019, le nombre de touristes chinois en Asie du Sud-Est s’élevait à 32 millions, soit <a href="https://www.dw.com/en/covid-will-european-tourists-return-to-southeast-asia/a-59489912">21 % des arrivées touristiques</a>. Or, la Chine a fortement restreint les voyages à l’étranger pour ses citoyens, limitant les déplacements à ceux qui doivent aller étudier ou travailler.</p>
<p>Plusieurs pays d’Asie du Sud-Est cherchent donc à trouver des solutions pour permettre la relance de ce secteur. En octobre dernier, le président indonésien avait ainsi encouragé les pays de la région à créer un corridor pour les personnes voyageant entre les États d’Asie du Sud-Est, ce qui représente <a href="https://apnews.com/article/coronavirus-pandemic-business-lifestyle-asia-travel-44b436f3dbc8820eba99056f49ed5934">40 % des voyages</a> de la région.</p>
<h2>Des destinations privilégiées</h2>
<p>L’ouverture des frontières se fait toujours de façon très hésitante. Les voyages au Laos ne sont toujours pas permis sauf pour des raisons essentielles, tandis que le Myanmar, qui a subi un coup d’État militaire en février 2021, a suspendu l’entrée de tout voyageur étranger. Le Cambodge a ouvert ses frontières, mais avec plusieurs règlements, dont une assurance spécifique à hauteur de 50 000$ et un dépôt de 2000$ à l’arrivée.</p>
<p>D’autres États de la région ont opté pour une stratégie différente, en ouvrant des destinations spécifiques. Ainsi, l’Indonésie a donné la priorité à Bali dans le déploiement des vaccins afin de pouvoir rouvrir cette île — la plus visitée au pays — au tourisme international.</p>
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<img alt="Un marché rempli de kiosques vendant des souvenirs" src="https://images.theconversation.com/files/440492/original/file-20220112-17-w7nskz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/440492/original/file-20220112-17-w7nskz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/440492/original/file-20220112-17-w7nskz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/440492/original/file-20220112-17-w7nskz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/440492/original/file-20220112-17-w7nskz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/440492/original/file-20220112-17-w7nskz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/440492/original/file-20220112-17-w7nskz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Un marché d’Ubud, capitale de Bali. Le gouvernement indonésien a accéléré la vaccination des habitants de l’île afin de rouvrir plus rapidement au tourisme, un moteur économique essentiel.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span>
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</figure>
<p>La Thaïlande a fait de même en axant sa stratégie sur l’île de Phuket. Le programme <a href="https://www.thaiembassy.com/travel-to-thailand/no-quarantine-phuket-sandbox-plan">« Phuket Sandbox »</a> permet d’accueillir des touristes sur l’île. Les voyageurs doivent rester sept jours dans un hôtel certifié par le gouvernement avant de pouvoir voyager ailleurs au pays.</p>
<p>Le Vietnam a également mis un programme pilote en place sur l’île de Phu Quoc, reconnue pour ses plages de sable blanc et ses complexes hôteliers. Il prévoit d'ouvrir à l’échelle du pays en juin 2022. Dans la première phase du programme, le Vietnam vise l’accueil de <a href="https://www.cnbc.com/2021/09/28/where-can-i-travel-in-southeast-asia-here-whats-open-for-tourists.html">2 000 à 3 000 visiteurs par mois</a>, pour ensuite permettre de 5 000 à 10 000 visiteurs.</p>
<p>Les choix de destinations ouvertes en Indonésie, en Thaïlande et au Vietnam ne se sont pas faits au hasard. Il s’agit d’îles de villégiature avec des complexes hôteliers et de restaurants aux standards internationaux et dont les prix sont généralement plus élevés qu’ailleurs au pays. On tente ainsi d’accueillir des voyageurs plus fortunés, qui dépenseront davantage dans la destination pour soutenir la reprise économique.</p>
<p>Les coûts liés aux voyages augmentent, considérant le nombre de restrictions à l’entrée, les documents exigés, les tests médicaux, et les conditions de quarantaine. Il est donc à se demander si la reprise du tourisme sera également bénéfique pour les plus petits acteurs locaux du tourisme — dont plusieurs occupent un emploi informel — ou si seules les plus grandes multinationales tireront avantage de ce tourisme de villégiature.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/173406/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Alexandre Veilleux ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Ouvrir ou ne pas ouvrir leurs frontières ? Les pays du Sud-Est asiatique dépendent lourdement du tourisme, mais la faible vaccination de leur population est un frein à l’ouverture de leurs frontières.Alexandre Veilleux, Candidat au doctorat en science politique, Université de MontréalLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1742972022-01-04T19:05:18Z2022-01-04T19:05:18ZHongkong, vitrine de la « démocratie à la chinoise », au corps défendant de ses habitants<p>Les <a href="https://asialyst.com/fr/2021/12/18/elections-hong-kong-disparition-libertes-reactions-internationales-tournant-autoritaire/">élections législatives</a> qui ont eu lieu le 19 décembre à Hongkong ont parachevé l’alignement du système politique hongkongais sur celui de la Chine.</p>
<p>Pékin célèbre ce scrutin comme une victoire de la démocratie, en dépit du fait que les Hongkongais ont <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2021/12/20/les-hongkongais-ont-boude-les-elections-patriotiques_6106791_3210.html">voté « non » avec leurs pieds</a>.</p>
<p>Ces élections, marquées par un taux d’abstention record (la participation n’a été que d’environ 30 %), ont vu les candidats pro-Pékin rafler 89 des 90 sièges du Parlement.</p>
<h2>L’orchestration d’un plébiscite</h2>
<p>Il ne pouvait en être autrement. Le scrutin a été organisé dans un territoire où il n’existe <a href="https://asialyst.com/fr/2019/02/01/benny-tai-yiu-ting-hong-kong-etat-de-droit-autoritaire-chine-democratie/">plus d’État de droit</a>, plus de société civile, plus de liberté de la presse, plus d’opposition politique et où le système électoral a été <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2021/03/30/la-chine-adopte-une-reforme-radicale-du-systeme-electoral-a-hongkong_6074944_3210.html">réformé</a> pour ne permettre l’élection que de personnalités loyales à Pékin.</p>
<p>L’adoption en juin 2020 de la <a href="https://www.amnesty.org/fr/latest/news/2021/06/hong-kong-national-security-law-has-created-a-human-rights-emergency/">Loi sur la sécurité nationale</a> (LSN), qui condamne en termes extrêmement vagues les crimes de subversion, collusion avec les forces étrangères, sécession et activités terroristes et les rend passibles de prison à vie, s’est accompagnée de la création de nouvelles institutions, placées sous la férule de Pékin, pour la faire respecter. Ces institutions, de même que la reprise en main de la police, au sein de laquelle a été créée une <a href="https://www.capital.fr/economie-politique/hong-kong-la-police-obtient-des-pouvoirs-hors-norme-pour-surveiller-la-population-1374682">véritable agence d’espionnage</a> aux pouvoirs très étendus, et de la justice, où des juges spécialement désignés instruisent les dossiers des personnes arrêtées par la police spéciale, instaurent un état d’exception qui permet aux autorités hongkongaises d’<a href="https://qz.com/2012306/hong-kong-now-has-a-massive-national-security-complex/">« arrêter, détenir, censurer, perquisitionner, interdire et persécuter »</a> sans garde-fou. De fait, cette loi et les réformes systémiques qui l’ont accompagnée ont achevé de faire disparaître toute opposition, que ce soit au sein de la société ou du système politique.</p>
<p>Les organisations de la société civile, autrefois l’une des plus dynamiques d’Asie, ne s’y sont pas trompées : une cinquantaine d’entre elles, notamment les piliers historiques du mouvement pro-démocratie hongkongais, <a href="https://www.rights-practice.org/news/hong-kong-civil-society">se sont auto-dissoutes depuis cet été</a>.</p>
<p>Quant aux médias, ils font l’objet d’une lente érosion depuis 2014 : suite au parachutage de cadres du Parti communiste chinois dans les rédactions, au rachat par des entreprises chinoises, à la persécution des journalistes, l’auto-censure, voire la censure ouverte, s’est installée. Cette dernière a notamment touché l’opérateur public <a href="https://www.rthk.hk/?lang=en">Radio Television Hongkong</a>, qui a dû <a href="https://www.franceinter.fr/emissions/geopolitique/geopolitique-05-mai-2021">supprimer de ses archives tous les documentaires ayant trait aux mouvements démocratiques</a>. S’y ajoutent des coups d’éclat, comme celui dont ont été victimes l’<a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2021/06/25/a-hongkong-les-adieux-a-l-apple-daily-journal-d-opposition-ferme-par-les-autorites_6085673_3210.html">Apple Daily</a>, dont les bureaux ont été perquisitionnés et fouillés, et son fondateur Jimmy Lai, condamné à 20 mois de prison en décembre 2020 sous le coup de la LSN. Par conséquent, Hongkong n’a cessé de dégringoler dans le classement mondial de la liberté de la presse publié chaque année par Reporters sans frontières, passant de la 18<sup>e</sup> place en 2002 à la <a href="https://rsf.org/fr/donnees-classement">80ᵉ en 2021</a>.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1478045773799563264"}"></div></p>
<p>Dans les écoles et les universités, les enseignants sont sous surveillance voire soumis à des <a href="http://www.takungpao.com/news/232109/2021/0913/631177.html">campagnes de diffamation</a>, les programmes scolaires ont été révisés, les cours de culture générale et de pensée critique (liberal studies) supprimés.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/les-universites-de-hongkong-chronique-dune-mort-annoncee-144753">Les universités de Hongkong : chronique d’une mort annoncée</a>
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<p>Enfin, toute opposition politique a été réprimée. En 2016, Pékin a imposé aux députés l’obligation de <a href="http://english.www.gov.cn/news/top_news/2016/11/07/content_281475485374102.htm">prêter un serment d’allégeance</a> au gouvernement de la Région administrative spéciale (RAS) – et <em>in fine</em> au PCC, c’est-à-dire d’exprimer leur « patriotisme » – pour expurger le Conseil législatif de ses représentants démocrates issus du <a href="https://journals.openedition.org/sds/11001">mouvement des Parapluies</a>. Cette obligation a également servi à annuler les résultats des <a href="https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2019/11/25/elections-locales-a-hongkong-raz-de-maree-prodemocratie-et-participation-record_6020455_4355770.html">élections locales de 2019</a> qui avaient permis au camp démocrate de remporter 17 des 18 conseils de district, les élus démocrates ayant été disqualifiés ou ayant démissionné pour ne pas avoir à prêter serment.</p>
<p>Le camp démocrate a subi un nouveau coup avec l’<a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2021/01/06/hongkong-de-nombreuses-figures-de-l-opposition-arretees-en-vertu-de-la-loi-de-securite-nationale_6065315_3210.html">arrestation massive</a>, en janvier 2021, de tous ceux qui avaient participé à l’organisation de primaires en vue des élections législatives qui devaient se tenir en septembre 2020 et qui ont été annulées au prétexte de la situation sanitaire. Sur 53 personnes arrêtées, 47 ont été inculpées fin février ; parmi elles, plusieurs <a href="https://www.scmp.com/news/hong-kong/politics/article/3123475/national-security-law-47-hong-kong-opposition-figures">grandes figures du combat démocratique à Hongkong</a>. Aujourd’hui, la majorité des démocrates hongkongais est soit exilée, soit en prison.</p>
<p>C’est dans ce contexte que les autorités hongkongaises ont procédé à une reprise en main drastique du système législatif. La loi de mai 2021 achève de verrouiller le système électoral, sans en toucher la structure. Les membres du Conseil législatif (LegCo) de Hongkong sont élus de trois manières : directement dans les circonscriptions ; indirectement par un comité électoral de grands électeurs issus des conseillers de district ; par des collèges socio-professionnels, qui sont des instances corporatistes où sont représentées en majorité des élites traditionnellement pro-Pékin.</p>
<p>Les réformes électorales ont eu pour objectif de <a href="https://www.bbc.com/news/world-asia-57236775">garantir la prépondérance au LegCo des députés loyaux à Pékin (dits « patriotes »)</a>, en faisant passer le nombre de sièges pourvus au suffrage direct de la moitié à moins d’un quart. En outre, être candidat suppose désormais d’avoir obtenu l’investiture d’au moins dix membres du Comité électoral. Or celui-ci est devenu essentiellement composé de membres pro-Pékin, suite à la stratégie de disqualification des élus démocrates issus des élections de 2019, et à la <a href="https://www.cmab.gov.hk/improvement/en/bill/index.html">réforme qui accroît le nombre de ses membres désignés</a>. Enfin, la composante pro-Pékin des collèges socio-professionnels a été renforcée, notamment parce que le collège réservé aux organisations sociales reflète la structure d’une société où les anciennes organisations de la société civile ont cédé le pas à des organisations <a href="https://hongkongfp.com/2021/09/18/barely-a-democrat-in-sight-as-hong-kong-ushers-in-new-political-era-on-sunday/">entretenant des liens avec la Chine continentale</a>.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/XCk3d8wbGxk?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
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<p>Suivant le passage de cette loi qui prévoit également l’établissement d’un comité d’examen devant confirmer l’éligibilité des candidats en conformité avec la LSN (dont la décision est sans appel), la plupart des démocrates restants, notamment du People Power Party, du Civic Party et de la League of Social Democrats, ont renoncé à faire campagne et ont <a href="https://www.france24.com/fr/asie-pacifique/20211217-l%C3%A9gislatives-%C3%A0-hong-kong-appels-au-boycott-avant-un-scrutin-dont-les-jeux-sont-d%C3%A9j%C3%A0-faits">appelé au boycott</a> des élections législatives du 19 décembre dernier.</p>
<h2>Refus de se montrer « patriotes »</h2>
<p>Ce scrutin se sera, en réalité, soldé par un camouflet pour Pékin et le gouvernement de la RAS : les Hongkongais ne se sont tout bonnement pas sentis concernés.</p>
<p>Avec seulement 30,2 % de votants, le taux de participation le plus bas depuis 1991 alors <a href="https://news.rthk.hk/rthk/en/component/k2/1625171-20211220.htm">même que 92,5 % de la population éligible est inscrite sur les listes électorales</a>, les habitants ont clairement exprimé leur refus d’« être des patriotes ». En outre, la proportion de bulletins blancs ou nuls est la <a href="https://twitter.com/jgriffiths/status/1472757267766210564">plus élevée (2 %) des six élections législatives organisées depuis l’an 2000</a>. Par comparaison, le taux de participation était de <a href="https://www.theatlantic.com/international/archive/2021/12/hong-kong-stunt-election-democracy/621071/">58 % lors des élections législatives de 2016, et de 71 % lors des élections de conseils de district de 2019</a>. Ce refus est celui de ravaler la politique à la seule amélioration des conditions de vie de la population, thème dominant la « campagne » conduite par tous les candidats autorisés et de valider le bilan sécuritaire du gouvernement de la RAS.</p>
<p>Pourtant, le gouvernement de la RAS avait tout fait pour mobiliser les Hongkongais afin qu’ils participent à ce plébiscite : ouverture de bureaux de vote aux portes de Shenzhen pour encourager le vote des électeurs habitant de l’autre côté de la frontière ; transports publics gratuits le jour de l’élection ; et jours de congés accordés en échange du vote par certaines grandes entreprises voulant témoigner de leur patriotisme.</p>
<p>Mais en profitant de l’aubaine pour se rendre à la plage ou dans les parcs, la population a signifié qu’elle n’était pas réceptive à ces tentatives de séduction, pas plus qu’à la « terreur blanche » que tente de faire régner le gouvernement de la RAS avec l’appui de Pékin. La dernière tentative pour imposer cette « terreur », la criminalisation de l’appel à voter blanc ou à ne pas voter, a conduit à l’arrestation d’une dizaine de Hongkongais ayant osé <a href="https://www.scmp.com/news/hong-kong/politics/article/3159849/hong-kong-elections-4-more-arrested-suspicion-inciting">faire circuler des appels à boycotter le vote</a>. Mais la population a trouvé la parade à la répression : l’activisme politique des années 2010 a cédé le pas à la résistance passive, au refus de collaborer.</p>
<h2>Laboratoire de la « démocratie » à la chinoise : chronique d’un totalitarisme annoncé</h2>
<p>Il n’en reste pas moins que ces élections ont été célébrées comme un plébiscite du gouvernement par la cheffe de l’exécutif Carrie Lam, qui a déclaré que le faible nombre de votants <a href="https://www.scmp.com/news/hong-kong/politics/article/3158944/hong-kong-elections-city-leader-carrie-lam-says-low-voter">exprimait la satisfaction des Hongkongais à l’égard de leur gouvernement</a>, et comme une <a href="https://www.reuters.com/world/china/china-says-has-provided-constant-support-democracy-hong-kong-2021-12-20/">victoire de la démocratie</a> par Pékin.</p>
<p>Dans le contexte de guerre idéologique avec les États-Unis et dix jours après l’organisation du <a href="https://asialyst.com/fr/2021/12/12/sommet-biden-democratie-traduit-colere-chine/">Sommet pour la démocratie</a> par l’administration Biden, la Chine s’est servie de l’exemple hongkongais pour donner corps à ses tentatives de redéfinition de la démocratie et élargir son audience à l’international.</p>
<p>Au lendemain des élections, Pékin a publié un Livre blanc intitulé <a href="https://www.globaltimes.cn/page/202112/1242865.shtml"><em>Hongkong : progrès démocratique dans le cadre d’un pays, deux systèmes</em></a>. Faisant suite à la publication début décembre <a href="http://www.china-embassy.org/eng/zgyw/202112/t20211204_10462468.htm">d’un Livre blanc sur la démocratie populaire en Chine</a> intitulé <em>La démocratie qui marche</em> et d’un <a href="https://www.globaltimes.cn/page/202112/1240661.shtml">autre sur la démocratie américaine</a> exposant les lacunes et les abus de la démocratie aux États-Unis, celui sur Hongkong rappelle que le Royaume-Uni n’a jamais instauré de véritable démocratie sur ce territoire qui a été sa colonie de 1842 à 1997 et vante les progrès accomplis par la RAS vers l’instauration du suffrage universel pour l’élection du Legco et du chef de l’exécutif tels que promis dans la Basic Law, autrement dit vers la réalisation pleine et entière du principe d’« un pays deux systèmes ». </p>
<p>Reprenant l’idée d’une démocratie efficace, il vante la LSN comme le meilleur garde-fou contre le chaos et les blocages qui ont caractérisé la vie politique hongkongaise avant son adoption. En somme, le Livre blanc présente la LSN et les réformes électorales comme les garants d’une démocratie de qualité au bénéfice du bien-être de la population hongkongaise.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1474612368172896259"}"></div></p>
<p>Ce discours n’est pas nouveau : le <a href="https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-03191092">PCC s’est toujours revendiqué de la démocratie</a>, qu’il entend mettre en œuvre notamment grâce à des élections de villages et districts urbains. Les principes de cette « démocratie » ont désormais été étendus à Hongkong : un homme, une voix, mais dans le cadre d’un pluralisme et d’une représentation limités où les candidats, même s’ils ne sont pas nécessairement membres du PCC, en reconnaissent l’autorité, et sont élus selon un scrutin uninominal, celui-ci ayant été substitué au scrutin de liste, plus représentatif, par la réforme électorale hongkongaise.</p>
<p>Après avoir redéfini, avec la LSN, l’État de droit comme un état sécuritaire, Pékin redéfinit la démocratie comme un régime politique où règnent l’ordre et l’efficacité puisqu’il n’existe plus d’opposition politique.</p>
<h2>Prochaine étape : l’élection du chef de l’exécutif</h2>
<p>L’enjeu est désormais d’obtenir coûte que coûte l’adhésion populaire à cette démocratie autoritaire dans la perspective de l’élection du chef de l’exécutif, le 27 mars 2022, selon les modalités – exercice du suffrage universel pour choisir parmi des candidats investis par un Comité électoral entièrement contrôlé par Pékin – qui ont été refusées par la population lors du mouvement des Parapluies.</p>
<p>Les élus hongkongais s’y emploient déjà, soulignant qu’ils auront pour rôle de <a href="https://www.scmp.com/news/hong-kong/politics/article/3160723/hong-kong-election-new-lawmakers-seek-regain-voters-trust">superviser le gouvernement et de faire des propositions constructives</a>. Et il est à craindre que la disparition des derniers bastions de presse libre avec la fermeture des médias indépendants en ligne – dont <a href="https://www.scmp.com/news/hong-kong/law-and-crime/article/3161360/hong-kong-national-security-police-arrest-6-ties-stand">Stand News</a> et <a href="https://www.scmp.com/news/hong-kong/politics/article/3161872/hong-kong-online-portal-citizen-news-cease-operations">Citizen News</a> ne sont que les premiers d’une hécatombe qui procèdera de la même manière que celle qui a frappé les organisations sociales –, alliée à la <a href="https://asia.nikkei.com/Politics/Hongkong-s-call-for-fake-news-law-raises-media-crackdown-fears">reprise en main annoncée d’Internet</a>, n’achève d’aligner Hongkong sur le système totalitaire de la Chine en propageant le cynisme. </p>
<p>Car, <a href="https://www.nybooks.com/articles/1978/10/26/hannah-arendt-from-an-interview/">comme le soulignait Hannah Arendt</a>, « à partir du moment où il n’y a plus de presse libre, tout peut arriver. Ce qui rend possible le gouvernement d’un régime totalitaire c’est que les gens ne sont pas informés. Comment avoir un avis si l’on n’est pas informé ? Si tout le monde ment, la conséquence n’est pas que vous croyez aux mensonges, mais plutôt que personne ne croit plus à rien. »</p>
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<p><em>Nous proposons cet article dans le cadre du Forum mondial Normandie pour la Paix organisé par la Région Normandie les 23 et 24 septembre 2022 et dont The Conversation France est partenaire. Pour en savoir plus, visiter le site du <a href="https://normandiepourlapaix.fr/">Forum mondial Normandie pour la Paix</a></em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/174297/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Chloé Froissart ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La reprise en main de Hongkong par Pékin a connu une nouvelle étape avec les élections législatives du 19 décembre dernier, malgré la défiance des Hongkongais, qui se sont massivement abstenus.Chloé Froissart, Professeur d'histoire et de science politique au département d'études chinoises de l'Inalco, Institut national des langues et civilisations orientales (Inalco)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1734552021-12-16T20:06:53Z2021-12-16T20:06:53ZTaïwan et la rivalité sino-américaine : le monde peut-il basculer ?<p>Chacun a pu entendre parler, dans l’actualité internationale récente, des <a href="https://www.francetvinfo.fr/monde/chine/larticle-a-lire-pour-tout-comprendre-aux-tensions-entre-la-chine-et-taiwan_4823717.html">tensions autour de Taïwan</a> et de leur aggravation. Elles furent au centre des échanges entre Xi Jinping et Joe Biden lors de leur <a href="https://www.france24.com/fr/asie-pacifique/20211116-joe-biden-et-xi-jinping-entament-un-sommet-virtuel-pour-apaiser-les-tensions">sommet virtuel</a> dans la nuit du 15 au 16 novembre dernier.</p>
<p>Ces tensions mettent directement aux prises plusieurs acteurs clés : la République de Chine – mieux connue sous le diminutif de « Taïwan » –, la République populaire de Chine (RPC), les États-Unis et les États géographiquement proches qui, évidemment, auraient tout à craindre d’un affrontement militaire sur le territoire taïwanais et sur les territoires maritimes adjacents.</p>
<p>Le Japon, les Philippines et, peut-être dans une moindre mesure, la Corée du Sud ou le Vietnam ne peuvent qu’être préoccupés par l’accentuation des discours martiaux et parfois menaçants des deux principales parties : la République populaire de Chine et les États-Unis d’Amérique.</p>
<h2>L’intensification des tensions</h2>
<p>Ces tensions se sont intensifiées dans la période récente sous le double effet, notamment, de la multiplication des incursions et de la pression militaires chinoises, et des expressions voire des actions de soutien de la part des États-Unis au bénéfice de Taïwan.</p>
<p>La Chine a effectué plusieurs opérations aériennes au cours desquelles un nombre considérable (plusieurs dizaines par opération) d’appareils ont traversé la zone d’identification aérienne de Taïwan. Nous ne détaillerons pas <a href="https://www.capital.fr/economie-politique/defense-linquietante-montee-en-puissance-de-la-flotte-chinoise-1410805">l’activité navale</a> chinoise, également très intense, et plus largement la multiplication de manœuvres.</p>
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<figcaption><span class="caption">Intrusion record d’avions militaires chinois dans le ciel de Taïwan (France 24, 3 octobre 2021).</span></figcaption>
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<p>De leur côté, les États-Unis ont affirmé être <a href="https://www.france24.com/fr/am%C3%A9riques/20211022-les-%C3%A9tats-unis-sont-pr%C3%AAts-%C3%A0-d%C3%A9fendre-ta%C3%AFwan-en-cas-d-attaque-de-la-chine-selon-joe-biden">prêts à défendre Taiwan</a> en cas d’intervention militaire chinoise et ont confirmé la présence de conseillers et d’instructeurs militaires américains sur le sol taïwanais.</p>
<p>Il faut rappeler au passage que cette région est l’objet de vives tensions depuis longtemps, puisqu’à proximité immédiate de Taïwan se trouvent également les <a href="https://centreasia.eu/montee-des-tensions-autour-des-iles-senkaku/">îles Senkaku</a>, contrôlées aujourd’hui par le Japon mais revendiquées à la fois par la RPC et par la République de Chine. Ces îles font partie de l’archipel des Ryūkyū et de la préfecture d’Okinawa, territoire japonais où stationnent de très importantes forces navales et aériennes américaines depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale.</p>
<h2>Une querelle issue d’oppositions anciennes</h2>
<p>Les tensions actuelles autour de Taïwan sont le fruit d’une histoire ancienne. Celle-ci résulte d’abord de l’affrontement entre nationalistes et communistes après l’effondrement de la première République chinoise, en 1949. C’est alors que les seconds, victorieux, obligèrent les premiers à se réfugier sur l’île de Taïwan.</p>
<p>Dans la plupart des rivalités et des frictions géopolitiques, sinon dans toutes, les parties prenantes rivales s’opposent des arguments presque toujours de deux types : des arguments historiques, et des arguments juridiques. Ici, l’un des principaux arguments avancés par le régime de Pékin pour obtenir de gré ou de force la réintégration de la <a href="https://fr.euronews.com/2021/10/09/le-president-chinois-promet-une-reunification-pacifique-avec-l-ile-rebelle-de-taiwan">« province rebelle »</a> – c’est ainsi qu’il désigne la démocratie taïwanaise – est d’affirmer que Taïwan a toujours été chinoise.</p>
<p>Pourtant, l’argument historique est en réalité plus faible qu’il n’y paraît : il n’y a eu <a href="https://www.lhistoire.fr/ta%C3%AFwan-ou-la-fronti%C3%A8re-inachev%C3%A9e">ni présence ni souveraineté chinoises sur l’île avant la fin du XVIIᵉ siècle</a>. De plus, l’île de Taïwan fut <a href="https://taiwaninfo.nat.gov.tw/news.php?unit=60&post=63468">sous contrôle japonais de 1895 à 1945</a>. Enfin, la fin de la Seconde Guerre mondiale a coïncidé avec la défaite des nationalistes et leur regroupement sur l’île de Taïwan tandis que, sur le continent, la République populaire de Chine était proclamée par Mao Zedong en 1949.</p>
<p>On voit donc que l’antériorité multiséculaire d’un pouvoir chinois sur l’île de Taïwan est plus limitée que ce que l’intuition suggérerait. D’autant plus que l’on doit l’apparition et le renforcement d’une présence « chinoise » non pas à l’action résolue de l’empire chinois, mais à l’action intéressée des premiers « colonisateurs », si l’on peut dire, à savoir des Portugais, qui, au XVI<sup>e</sup> siècle, firent venir dans un but de valorisation économique des populations chinoises sur l’île de Taïwan d’où elles étaient donc absentes auparavant. Les populations natives étaient aborigènes et austronésiennes.</p>
<p>Autre problème historique : jusqu’en 1971, c’est la République de Chine – autrement dit Taïwan – qui représente la Chine à l’ONU. Et non pas la République populaire de Chine. Ce n’est que cette année-là que la communauté internationale – notamment les États-Unis – dut se résoudre à reconnaître l’importance politique indiscutable de la Chine maoïste et à lui attribuer le siège détenu jusqu’alors par Taïwan.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1452567256014069765"}"></div></p>
<p>Dès lors, le déclin diplomatique de Taïwan sur la scène internationale a été quasiment inexorable, quoique lent. Car, jusqu’à une période récente, Taïwan fut reconnu diplomatiquement par des dizaines d’États à travers le monde. Ce n’est que sous l’effet d’un <a href="https://www.frstrategie.org/programmes/programme-taiwan-sur-securite-diplomatie/taiwan-une-puissance-diplomatique-part-entiere-2021">lobbying agressif de la part de la Chine</a> que la plupart des États qui avaient des relations diplomatiques avec Taïwan y ont renoncé : ils ne sont plus qu’une <a href="https://www.frstrategie.org/sites/default/files/documents/programmes/Programme-Taiwan/2021/taiwan-2021-01.pdf">quinzaine</a> (notamment de petits États des Caraïbes) et la liste continue de fondre avec le <a href="https://www.france24.com/fr/asie-pacifique/20211210-le-nicaragua-rompt-avec-ta%C3%AFwan-et-reconna%C3%AEt-une-seule-chine-dirig%C3%A9e-par-p%C3%A9kin">choix récent du Nicaragua de ne plus reconnaître que la RPC</a>. La menace de rétorsions économiques à généralement suffi à convaincre de petits États à « abandonner » Taïwan à son sort face au géant émergent.</p>
<h2>Quel est le risque réel de dérapage militarisé ? Quand pourrait-il se produire ?</h2>
<p>Il est évidemment impossible de répondre à ces questions avec certitude : le problème de l’évaluation des gains et des coûts par chacune des parties peut difficilement être résolu.</p>
<p>Mais on peut faire plusieurs constats. D’abord, il y a le précédent de Hongkong qui, en pleine crise pandémique a été réduite au silence. Ses (jeunes) activistes prodémocratie ont été envoyés en prison et maltraités, des lois liberticides ont été votées et appliquées à la demande de Pékin et, plus largement, la démocratie hongkongaise a été démantelée.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/hong-kong-la-fin-du-principe-un-pays-deux-systemes-139280">Hong Kong : la fin du principe « Un pays, deux systèmes »</a>
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<p>Ce précédent est tout à fait essentiel pour bien appréhender la montée des tensions autour de Taïwan. Il faut bien comprendre que, pour le régime actuel de Pékin, toute expérience chinoise d’un système politique à caractère démocratique représente une menace vitale. Cela explique que l’une de ses lignes de positionnement, depuis fort longtemps, est de prétendre que les <a href="https://www.cairn.info/revue-rue-descartes-2011-2-page-52.htm">valeurs promues par les puissances occidentales n’ont rien d’universel</a> et que les Chinois entendent avoir leur propre régime politique, fidèle à leurs propres valeurs, et que cela ne passe pas par la promotion de la démocratie. Évidemment.</p>
<p>Autrement dit, toute expérience démocratique qui fonctionne et qui réussit par, avec et pour des citoyens chinois est une menace car elle fait la démonstration que les Chinois peuvent tout à fait « rester chinois » et fonctionner dans un système démocratique. Si en plus ces Chinois vivant en démocratie sont prospères, c’est une menace encore plus vitale pour le régime actuel de Pékin.</p>
<p>Par-delà la volonté de défendre la thèse d’« une seule Chine », de récupérer un territoire présumé historiquement chinois, etc., il faut bien voir le caractère vital que prend, pour le régime actuel de Pékin, le fait d’entraver, voire de faire cesser, toute expérience démocratique chinoise.</p>
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<figcaption><span class="caption">Taïwan : la guerre aura-t-elle lieu ? Le dessous des cartes (Arte, 24 novembre 2021).</span></figcaption>
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<p>Il faut également souligner l’importance géostratégique de Taïwan pour l’affirmation de la puissance chinoise. L’examen rapide d’une carte des territoires maritimes autour de Taïwan et de la RPC (eaux territoriales et zones économiques exclusives notamment) montre un fait simple : nulle part la Chine de Xi Jinping n’a d’accès direct et totalement libre au grand large. Contrôler Taïwan territorialement, c’est améliorer cette donnée géostratégique pour une puissance militaire qui entend bientôt rivaliser avec celle des États-Unis.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1457981387714224130"}"></div></p>
<p>Enfin, pour comprendre la montée actuelle des tensions autour de Taïwan, il faut peut-être les mettre en relation avec la montée des tensions, concomitante, d’une part dans l’est de l’Ukraine et d’autre part à la frontière entre la Pologne et la Biélorussie. Une hypothèse ne doit pas être écartée : une entente entre la puissance chinoise et la puissance russe qui pourrait leur permettre, au moment opportun, d’ouvrir un <a href="https://www.meta-defense.fr/2021/04/12/ukraine-taiwan-moyen-orient-le-scenario-du-pire-pour-le-pentagone-prend-corps/">double front</a>.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1468162762052280320"}"></div></p>
<p>Ouvrir un front dans le Pacifique nord-ouest autour de Taïwan et ouvrir un front dans l’est de l’Europe aurait l’énorme avantage pour les deux puissances, si leur action était ainsi coordonnée, d’obliger les Occidentaux, et en particulier les Américains, à se positionner sur deux zones très éloignées simultanément.</p>
<p>Aujourd’hui, la puissance militaire nominale des Américains reste très supérieure à celle des Chinois, surtout si l’on y ajoute l’ensemble des alliés sur lesquels peuvent compter les Américains. Mais si ces derniers doivent positionner des forces sur deux fronts simultanément, la situation est très différente. Un tel scénario n’aurait rien à envier au meilleur des préceptes stratégiques que l’on peut trouver dans <em>L’Art de la guerre</em> de Sun Tzu ou dans un traité désormais célèbre comme celui des <a href="https://chinesereferenceshelf.brillonline.com/grand-ricci/files/36-stratagemes.pdf">« 36 Stratagèmes »</a>…</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/173455/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Ludovic Jeanne ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La Chine met de plus en plus la pression sur Taïwan. La montée des tensions pourrait-elle déboucher sur un conflit de grande envergure ?Ludovic Jeanne, Géographe, Laboratoire Métis, EM NormandieLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1688772021-10-13T19:15:04Z2021-10-13T19:15:04ZEn Indonésie, la plus grande organisation islamique du monde promeut un islam modéré<p>Depuis leur retour au pouvoir en Afghanistan, les talibans imposent à nouveau leur <a href="https://theconversation.com/les-talibans-afghans-carte-didentite-166601">idéologie religieuse</a>, en mettant en place des restrictions sur les <a href="https://theconversation.com/les-talibans-reduisent-les-femmes-en-esclavage-une-realite-que-le-monde-ne-peut-ignorer-166212">droits des femmes</a> et d’autres mesures répressives. Ils présentent ainsi au monde l’image d’un islam intolérant et fermé aux changements sociaux.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/les-talibans-nont-pas-change-dapres-les-femmes-assujetties-a-leur-regime-extremiste-166322">Les talibans « n’ont pas changé » d’après les femmes assujetties à leur régime extrémiste</a>
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<p>Pourtant, l’islam a de multiples interprétations. L’une d’entre elles est humanitaire. Axée sur le « rahmah » (concept traduit librement par amour et compassion), elle a été mise en avant par un groupe <a href="https://siapabilang.com/buku-islam-otoritarianisme-dan-ketertinggalan/photo/">que j’ai étudié</a>, <em>Nahdlatul Ulama</em>, qui signifie littéralement « Le Réveil des érudits islamiques ».</p>
<p>La Nahdlatul Ulama, ou NU, a été fondée en 1926, en <a href="https://www.baytarrahmah.org/media/2021/Yahya-Cholil-Staquf_Transcript_Regent-University_9-11_Commemoration-Speech.pdf">réaction</a> à la conquête saoudienne de La Mecque et de Médine et à la conception rigide de l’islam véhiculée par les Saoud. Elle s’inscrit dans <a href="https://brill.com/view/book/9789004435544/BP000016.xml">l’islam sunnite dominant</a>, tout en embrassant la spiritualité islamique et en acceptant les traditions culturelles de l’Indonésie.</p>
<p>Installée en Indonésie, le pays qui compte la plus grande population musulmane du monde, la Nahdlatul Ulama est la plus grande organisation islamique de la planète, avec environ <a href="https://www.religiousfreedominstitute.org/publication/indonesia-religious-freedom-landscape-report">90 millions de membres et de fidèles</a>, dépassant largement celle des talibans en nombre. Pourtant, ce visage de l’Islam n’a pas été suffisamment reconnu sur la scène internationale.</p>
<p>En 2014, la <a href="https://www.nytimes.com/2015/11/27/world/asia/indonesia-islam-nahdlatul-ulama.html">NU a répondu</a> à la montée en puissance du groupe État islamique et de son idéologie radicale en amorçant une <a href="http://sr.sgpp.ac.id/post/humanitarian-islam-fostering-shared-civilizational-values-to-revitalize-a-rules-based-international-order">réforme de l’islam</a>. Depuis, elle a approfondi cette idée qu’elle appelle <a href="https://baytarrahmah.org/humanitarian-islam/">« Islam humanitaire »</a>.</p>
<h2>L’islam humanitaire</h2>
<p>Au cours des sept dernières années, le secrétaire général de la NU, <a href="https://www.wsj.com/articles/how-to-make-the-islamic-world-less-radical-11610665933">Yahya Cholil Staquf</a>, a organisé plusieurs réunions d’érudits de l’organisation en vu d’établir un programme réformiste. Ceux-ci ont fait des déclarations publiques sur ce que serait la réforme de la pensée islamique sur des questions controversées telles que le leadership politique, l’égalité des citoyens et les relations avec les non-musulmans.</p>
<p>Les déclarations de Nahdlatul Ulama comportent des <a href="https://www.baytarrahmah.org/media/2021/God-Needs-No-Defense_Reimagining-Muslim-Christain-Relations-in-the-21st-Century.pdf">prises de position cruciales</a>, qui différencient l’« islam humanitaire » des autres interprétations.</p>
<p>Tout d’abord, le groupe rejette la notion de califat mondial, ou d’une direction politique qui unirait tous les musulmans. Cela alors que le concept de califat a été accepté à la fois par les <a href="http://www.lettertobaghdadi.com">grands érudits islamiques</a>, comme ceux d’<a href="https://www.editionsladecouverte.fr/l_islam_et_les_fondements_du_pouvoir-9782707123008">Al-Azhar</a> (institution islamique égyptienne de renommée mondiale), et par des groupes radicaux comme les groupes État islamique et Al-Qaïda.</p>
<p>En outre, les déclarations de la NU soulignent la légitimité des systèmes constitutionnels et juridiques des États modernes, et rejettent donc l’idée qu’établir un État fondé sur la loi islamique est une obligation religieuse. Elles soulignent égalemeny l’importance d’une citoyenneté égale en refusant d’opérer une distinction entre les musulmans et les non-musulmans en tant que catégories juridiques. Enfin, elles appellent à une coopération plus approfondie entre les musulmans, les chrétiens et les adeptes d’autres religions afin de promouvoir la paix dans le monde.</p>
<p>Nahdlatul Ulama a pris des mesures pratiques pour atteindre ces objectifs. Par exemple, le groupe a établi une relation de travail <a href="https://worldea.org/news/thomas-k-johnson-on-humanitarian-islam-and-the-ethics-of-religious-freedom-podcast/">avec l’Alliance évangélique mondiale</a>, qui prétend représenter 600 millions de protestants, afin de promouvoir la solidarité et le respect interculturels.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/424712/original/file-20211005-15-542rmr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/424712/original/file-20211005-15-542rmr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=337&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/424712/original/file-20211005-15-542rmr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=337&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/424712/original/file-20211005-15-542rmr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=337&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/424712/original/file-20211005-15-542rmr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=423&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/424712/original/file-20211005-15-542rmr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=423&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/424712/original/file-20211005-15-542rmr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=423&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Le secrétaire général de Nahdlatul Ulama offre un volume à Thomas Schirrmacher, le secrétaire général de l’Alliance évangélique mondiale, durant le sommet international pour la liberté religieuse, à Washington le 13 juillet 2021.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Alliance évangélique mondiale</span></span>
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<p>Ces déclarations peuvent sembler insuffisantes d’un point de vue occidental libéral puisqu’elles n’abordent pas certaines questions telles que les droits des personnes LGBTQ. Pour mieux comprendre l’importance de l’innovation proposée par NU et ses limites, il faut examiner le contexte indonésien.</p>
<h2>L’islam tolérant de l’Indonésie</h2>
<p>Rappelons que l’Indonésie est <a href="https://www.cambridge.org/us/academic/subjects/politics-international-relations/comparative-politics/islam-authoritarianism-and-underdevelopment-global-and-historical-comparison?format=PB">l’une des rares démocraties parmi les pays à majorité musulmane</a>.</p>
<p>L’idéologie officielle de l’Indonésie, le <a href="https://asialyst.com/fr/2017/06/15/indonesie-pancasila-rempart-contre-islamisme/">Pancasila</a>, c’est-à-dire « cinq principes » : ce sont la croyance en Dieu, à l’humanité juste et civilisée, à l’unité nationale, à la démocratie et à la justice sociale.</p>
<p>Environ 88 % de la population indonésienne, qui compte 270 millions d’habitants, est musulmane. Tant Nahdlatul Ulama que <a href="https://maarifinstitute.org">Muhammadiyah</a>, la deuxième plus grande organisation islamique du pays, respectent le Pancasila.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/424709/original/file-20211005-19-19p5seq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/424709/original/file-20211005-19-19p5seq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/424709/original/file-20211005-19-19p5seq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/424709/original/file-20211005-19-19p5seq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/424709/original/file-20211005-19-19p5seq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/424709/original/file-20211005-19-19p5seq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/424709/original/file-20211005-19-19p5seq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Yahya Cholil Staquf, le secrétaire général de Nahdlatul Ulama et co-initiateur de la réforme de l’islam humanitaire.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Bayt Ar-Rahmah</span></span>
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</figure>
<p>Comme NU, Muhammadiyah compte également des dizaines de millions d’adeptes, et ces deux organisations <a href="https://libforall.org/ini-iis-book/">coopèrent souvent pour s’opposer à la propagande des groupes islamistes radicaux</a>.</p>
<p><a href="https://www.bu.edu/pardeeschool/profile/robert-hefner/">Robert Hefner</a>, l’un des principaux experts de l’Indonésie, documente dans son livre de 2000 intitulé <a href="https://press.princeton.edu/books/paperback/9780691050478/civil-islam"><em>Civil Islam</em></a> l’importante contribution de la NU et de la Muhammadiyah à la démocratisation du pays à la fin des années 1990. C’est au cours de ce processus que le leader de la NU, Abdurrahman Wahid, est devenu le premier président démocratiquement élu de l’Indonésie en 1999, un poste qu’il a occupé jusqu’en 2001.</p>
<p>Wahid, qui est décédé en 2009, a également laissé un héritage religieux. Au cours de mes conversations avec eux, des <a href="https://baytarrahmah.org/c-holland-taylor-biography/">membres de haut rang de la NU</a> ont souvent indiqué que les idées réformistes de Wahid étaient la principale source d’inspiration de l’Islam humanitaire.</p>
<h2>La présence de l’islam intolérant en Indonésie</h2>
<p>Les théories et pratiques islamiques en Indonésie ne sont pas toutes tolérantes à l’égard de la diversité. Par exemple, la province d’Aceh a appliqué certaines règles du droit pénal islamique, notamment la peine de bastonnade pour les personnes coupables d’avoir vendu ou consommé de l’alcool.</p>
<p>Un autre témoignage de l’intolérance religieuse et politique pouvant exister en Indonésie est la loi sur le blasphème qui a cours dans le pays. Celle-ci a notamment entraîné l’emprisonnement pendant 20 mois, en 2017-2018, du gouverneur chrétien chinois de la capitale (Jakarta) <a href="https://www.lemonde.fr/idees/article/2017/08/29/en-indonesie-ahok-un-encombrant-sino-chretien_5178000_3232.html">Basuki Purnama</a>, pour une déclaration sur un verset du Coran.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/pourquoi-le-blaspheme-est-il-passible-de-la-peine-capitale-dans-certains-pays-musulmans-133458">Pourquoi le blasphème est-il passible de la peine capitale dans certains pays musulmans ?</a>
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<p>En janvier 2021, l’histoire d’une élève chrétienne contrainte par le directeur de son école à porter un foulard musulman est devenue <a href="https://www.facebook.com/elianu.hia/videos/3444961562268596">virale sur Facebook</a>. Mais le gouvernement indonésien a réagi en deux semaines, en adoptant un décret <a href="https://www.challenges.fr/societe/l-indonesie-interdit-le-hidjab-obligatoire-dans-les-ecoles_749654">interdisant aux écoles publiques</a> de rendre obligatoire toute tenue religieuse.</p>
<p>En bref, une lutte acharnée oppose les interprétations tolérantes et intolérantes de l’islam en Indonésie. Même au sein de la NU, il existe des désaccords entre les conservateurs et les réformistes.</p>
<p>Néanmoins, les réformistes de Nahdlatul Ulama sont en train de gagner en influence. L’actuel ministre des Affaires religieuses, Yaqut Cholil Qoumas, membre éminent de la NU et frère cadet du secrétaire général réformateur de la NU, en est un exemple. Il est l’un des trois ministres qui ont signé le décret conjoint interdisant l’imposition du foulard aux étudiants en février dernier.</p>
<p>Le mouvement de l’islam humanitaire porté par la NU pourrait être crucial pour promouvoir la tolérance au sein de la majorité islamique d’Indonésie. Mais peut-il avoir un effet au-delà du pays ?</p>
<h2>Influencer le Moyen-Orient</h2>
<p>Pour que ce mouvement de réforme puisse avoir un impact mondial, il est indispensable qu’il soit reçu et reconnu au Moyen-Orient, centre historique de l’islam. Or jusqu’ici l’islam humanitaire a été largement ignoré par les universitaires et les gouvernements des pays du Moyen-Orient, qui le considèrent généralement comme un <a href="https://www.hudson.org/research/16463-the-battle-for-the-soul-of-islam">concurrent</a> de leurs propres tentatives d’influencer le monde musulman.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/424721/original/file-20211005-25-1x6lvm8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/424721/original/file-20211005-25-1x6lvm8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=398&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/424721/original/file-20211005-25-1x6lvm8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=398&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/424721/original/file-20211005-25-1x6lvm8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=398&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/424721/original/file-20211005-25-1x6lvm8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/424721/original/file-20211005-25-1x6lvm8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/424721/original/file-20211005-25-1x6lvm8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Les universités islamiques du Moyen-Orient, comme ici Al Azhar, ont tendance à ignorer le mouvement de l’islam humanitaire.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Jorge Láscar/Flickr</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
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<p>En tant qu’initiative non gouvernementale, l’islam humanitaire se distingue des efforts déployés par les pays du Moyen-Orient pour façonner le monde musulman, qui sont pour la plupart des projets menés par les gouvernements.</p>
<p>Toutefois, par son aspect réformateur, l’islam humanitaire peut séduire certains jeunes <a href="https://www.la-croix.com/Religion/Islam/confiance-responsables-religieux-chute-libre-monde-arabe-selon-etude-2019-06-25-1201031320">musulmans du Moyen-Orient</a> mécontents des interprétations <a href="https://theconversation.com/irans-secular-shift-new-survey-reveals-huge-changes-in-religious-beliefs-145253">politiques et conservatrices</a> de l’islam dans leur pays.</p>
<p>Afin d’atteindre un public moyen-oriental, le mouvement <em>Humanitarian Islam</em> a lancé une <a href="https://arabic.baytarrahmah.org">version en langue arabe</a> de son site web anglais. Un premier pas nécessaire pour que cette initiative indonésienne puisse véritablement devenir un mouvement mondial de réforme islamique.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/168877/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Ahmet T. Kuru est l'auteur de "Islam, Authoritarianism, and Underdevelopment: A Global and Historical Comparison" (Cambridge University Press, 2019).</span></em></p>En Indonésie, Nahdlatul Ulama est la plus grande organisation islamique du monde avec plus de 90 millions de membres. Depuis 2014, elle promeut un islam modéré et ouvert à la pluralité religieuse.Ahmet T. Kuru, Porteous Professor of Political Science, San Diego State UniversityLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1646372021-09-02T17:55:45Z2021-09-02T17:55:45ZCouper moins et laisser reposer : une nouvelle gestion des forêts tropicales s’impose<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/412096/original/file-20210720-23-2ic3ek.JPG?ixlib=rb-1.1.0&rect=121%2C96%2C4146%2C2619&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Transport de grumes en Amazonie brésilienne.</span> <span class="attribution"><span class="source">Plinio Sist</span>, <span class="license">Author provided</span></span></figcaption></figure><p>Depuis plusieurs décennies, les équipes du <a href="https://theconversation.com/institutions/cirad-2208">Cirad</a> et leurs partenaires effectuent un suivi des forêts tropicales humides pour observer leur dynamique après exploitation.</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/405051/original/file-20210608-28272-cmsdry.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/405051/original/file-20210608-28272-cmsdry.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/405051/original/file-20210608-28272-cmsdry.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=605&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/405051/original/file-20210608-28272-cmsdry.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=605&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/405051/original/file-20210608-28272-cmsdry.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=605&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/405051/original/file-20210608-28272-cmsdry.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=760&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/405051/original/file-20210608-28272-cmsdry.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=760&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/405051/original/file-20210608-28272-cmsdry.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=760&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Les différents types de forêts dans le monde.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.museo-editions.com/product-page/vivre-avec-les-for%C3%AAts-tropicales">Cirad</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Les forêts tropicales humides couvrent actuellement 1070 millions d’hectares (Mha) dans le monde ; plus de 90 % d’entre elles se situent dans trois régions : en Afrique centrale, dans le bassin du Congo (200 millions ha) ; en Amérique du Sud, Amazonie principalement (582 Mha) ; en Asie du Sud-Est, en Indonésie, Malaisie et Papouasie (190 Mha).</p>
<p>On estime que 400 millions d’hectares de ces forêts sont officiellement attribués à la production de bois d’œuvre – on désigne ainsi le bois utilisé comme matériau de construction ou pour fabriquer une multiplicité de produits – par les États.</p>
<h2>Une gestion « durable » qui ne l’est pas assez</h2>
<p>Or il apparaît aujourd’hui que les règles d’exploitation de ce bois d’œuvre – règles fixées actuellement par la plupart des législations forestières sur des critères d’intensité de coupe et durée des rotations – ne permettent pas une reconstitution durable sur le long terme du stock de bois prélevé <a href="https://conbio.onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1111/j.1755-263X.2012.00242.x">dans ces écosystèmes</a>.</p>
<p>Ce constat remet en question les fondements de la gestion dite « durable » qui prévaut aujourd’hui… et annonce une dégradation accrue des dernières forêts tropicales humides de production. Il devient ainsi urgent d’anticiper de nouvelles sources de bois d’œuvre : les forêts naturelles ne pourront pas, à elles seules, répondre à la demande actuelle et future.</p>
<p>Les principes de la sylviculture tropicale et la place des forêts naturelles tropicales de production sont également à revoir complètement. Dans ce contexte, les programmes de restauration constituent une opportunité à saisir.</p>
<h2>Des rotations pour reconstituer les stocks</h2>
<p>Contrairement aux idées reçues, l’exploitation de bois d’œuvre en forêt tropicale ne concerne qu’un très faible nombre d’arbres d’intérêt commercial : un à trois arbres par hectare en Afrique, cinq à sept en Amazonie, plus de huit en Asie du Sud-est.</p>
<p>Elle est d’ailleurs dite « sélective » : seules quelques espèces – comme l’ipé ou le cumaru en Amazonie, les mérantis en Asie du Sud-Est ou encore l’okoumé et le sapelli en Afrique centrale – sont exploitées.</p>
<p>En pratique, seuls les arbres les plus imposants – de plus de 50 à 80 cm de diamètre – sont abattus et récoltés. La forêt est alors laissée en repos, en général <a href="https://www.museo-editions.com/product-page/vivre-avec-les-for%C3%AAts-tropicales">entre 25 et 35 ans</a> selon la législation du pays.</p>
<p>Ces périodes de repos appelées « rotation » doivent théoriquement permettre à la forêt de reconstituer le stock de bois exploité.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1385043137584898052"}"></div></p>
<p>Les <a href="https://www.museo-editions.com/product-page/vivre-avec-les-for%C3%AAts-tropicales">données de suivis de la reconstitution</a> de ce stock montrent qu’en réalité ces périodes fixées par les législations forestières sont largement sous-estimées et dépendent essentiellement de l’intensité de prélèvement et du nombre d’espèces considérées comme commerciales (c’est-à-dire pour lesquelles il y a un marché porteur).</p>
<h2>Des temps de récupération trop courts</h2>
<p>Dès le début des années 1980, le Cirad et ses partenaires ont mis en place des dispositifs de suivi de la dynamique forestière tropicale, afin d’évaluer les effets de l’exploitation sélective sur la reconstitution du stock de bois.</p>
<p>La plupart de ces dispositifs sont aujourd’hui réunis <a href="https://tmfo.org/">au sein de l’observatoire TmFO</a> (Tropical managed Forest Observatory).</p>
<p>Accumulées depuis plus de trente ans, ces informations permettent aujourd’hui de simuler les trajectoires des forêts tropicales humides exploitées selon l’intensité d’exploitation, mais aussi d’autres variables – comme la pluviométrie ou le type de sol.</p>
<p>Il a été ainsi possible de calculer la reconstitution de la biomasse, du volume commercial et l’évolution de la biodiversité à l’échelle du bassin amazonien et de mettre en évidence des <a href="https://iopscience.iop.org/article/10.1088/1748-9326/ab195e">différences notables</a> au sein d’une même région.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/412097/original/file-20210720-25-1n0l5mh.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/412097/original/file-20210720-25-1n0l5mh.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/412097/original/file-20210720-25-1n0l5mh.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/412097/original/file-20210720-25-1n0l5mh.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/412097/original/file-20210720-25-1n0l5mh.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/412097/original/file-20210720-25-1n0l5mh.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/412097/original/file-20210720-25-1n0l5mh.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Forêts de colline à Bornéo (Indonésie).</span>
<span class="attribution"><span class="source">Plinio Sist</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Ces données montrent, d’une façon générale, que les durées de rotation de 25-35 ans en vigueur dans la plupart des pays tropicaux sont largement insuffisantes pour reconstituer totalement le volume de bois prélevé, et que la reconstitution du stock de bois prélevé ne dépasse pas 50 %, 30 ans après la première exploitation.</p>
<p>En revanche, la biodiversité et la biomasse semblent se reconstituer <a href="https://conbio.onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1111/j.1755-263X.2012.00242.x">assez rapidement, en 20-25 ans</a> ; la biodiversité demeure, à plus de 80 %, celle d’avant exploitation.</p>
<h2>Au Brésil, diviser la récolte par deux</h2>
<p>En Amazonie brésilienne, la législation actuelle repose sur un cycle de 35 ans, avec une intensité d’exploitation située entre 15 et 20 m<sup>3</sup> par hectare et une proportion initiale d’espèces commerciales de 20 %.</p>
<p>À ce rythme, et en considérant une surface d’exploitation de 35 millions d’hectares, le niveau de production ne pourra pas se maintenir au-delà d’un cycle d’exploitation, soit 35 ans, puis déclinera chaque année jusqu’à déplétion des ressources.</p>
<p>Seule une réduction de moitié de l’intensité d’exploitation et un cycle de rotation de 65 ans permettrait une production durable et constante de bois d’œuvre ; dans cette situation toutefois, seuls <a href="https://www.cirad.fr/espace-presse/communiques-de-presse/2021/durabilite-des-concessions-forestieres-bresiliennes">31 % de la demande actuelle</a> pourraient être satisfaits…</p>
<h2>40 % du stock reconstitué après 25 ans</h2>
<p>En Asie du Sud-Est, la durée de rotation est de 20 à 30 ans et les intensités d’exploitation en forêt primaire, en moyenne de 80m3/ha, peuvent dépasser 100m3/ha.</p>
<p>Or, les données du suivi de la dynamique forestière indiquent que seule une <a href="https://www.cifor.org/knowledge/publication/1409">intensité de 60m3/ha tous les 40 ans</a> assurerait une production durable et constante au cours du temps.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1303086821904130050"}"></div></p>
<p>Enfin, en Afrique centrale, la reconstitution du stock de bois prélevé 25 ans après exploitation est de seulement 40 %, laissant présager une reconstitution <a href="https://royalsocietypublishing.org/doi/10.1098/rstb.2012.0302">d’à peine 50 % sur une durée de rotation de 30 ans</a>.</p>
<h2>Baisser l’intensité d’exploitation, prolonger les rotations</h2>
<p>Le principal dogme de la sylviculture tropicale, bâtie il y a plus d’un demi-siècle, laisse à penser que les forêts naturelles tropicales seraient capables de produire de façon soutenue et durable du bois d’œuvre ; à la lumière de nos résultats, cette position doit être totalement révisée.</p>
<p>En effet, le suivi des forêts tropicales après exploitation montre que celles-ci ne pourront pas à elles seules répondre à la demande de bois croissante du marché d’ici 30 ans, selon les règles établies par la plupart des législations forestières des pays tropicaux.</p>
<p>Dans la grande majorité des cas, la durabilité exige de réduire considérablement l’intensité d’exploitation et d’augmenter significativement la durée des rotations ; ce qui compromet malheureusement, dans le système actuel, la durabilité économique de l’exploitation sélective.</p>
<h2>Valoriser les services rendus par les forêts</h2>
<p>Les forêts naturelles tropicales ne peuvent plus être perçues comme une simple source de bois d’œuvre : les services environnementaux qu’elles produisent méritent d’être également pris en compte.</p>
<p>On pourrait, par exemple, envisager de fixer un prix du bois d’œuvre issu de forêts naturelles plus élevé que celui issu de plantations, avec des utilisations adaptées à la qualité supérieure de leur bois en comparaison avec les bois produits en plantations – et pouvant donc faire l’objet d’usages moins nobles.</p>
<p>Ce prix plus élevé permettrait alors d’accroître la rentabilité économique de l’exploitation de bois d’œuvre en forêt naturelle.</p>
<p>Il est ainsi urgent de mettre en œuvre dès maintenant une sylviculture tropicale diversifiée, alliant production de bois d’œuvre issue de forêts naturelles, de plantations mixtes, d’agroforêts (terme désignant des systèmes forestiers complexes créés par les humains, dotés d’une structure multistrate de la végétation et d’un fonctionnement écologique similaire aux forêts naturelles) et de forêts secondaires (se régénérant sur des zones déboisées laissées à l’abandon).</p>
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<figcaption><span class="caption">The Bonn Challenge (IUCN, International Union for Conservation of Nature/Youtube, 29 janvier 2014).</span></figcaption>
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<p>Le récent engouement pour la restauration forestière dans le cadre du <a href="https://www.bonnchallenge.org/">défi de Bonn</a>, ou la toute récente proclamation de la <a href="https://www.un.org/press/fr/2019/ag12124.doc.htm">décennie des Nations unies pour la restauration des écosystèmes</a> (2021-2030), sont autant d’opportunités à saisir pour mettre en œuvre cette nouvelle approche sylvicole en région tropicale.</p>
<p>Cependant, aucun nouveau système de sylviculture visant une production de bois durable ne saurait être mis en place avec succès sans le déploiement de politiques volontaires et efficaces de lutte contre l’exploitation illégale et la déforestation, qui continuent à fournir le marché du bois à moindres coûts et concurrencent tout système d’exploitation visant la durabilité à long terme.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/164637/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Plinio Sist est coordinateur du réseau TmFO (Tropical managed Forests Observatory) qui s’intéresse à la résilience des forêts tropicales exploitées dans le but de formuler des recommandations pour une sylviculture durable.TmFO est régi par un mémorandum d’accord signé par 18 institutions de recherche forestière. TmFO compte aujourd’hui 32 sites expérimentaux répartis sur 12 pays de trois continents (Amazonie, Bassin du Congo et Asie du Sud-Est) et regroupant au total 639 parcelles forestières représentant une surface totale inventoriée de 1258 hectares. Ce réseau est financé par le Cirad, le programme Forests Trees and Agroforestry du CGIAR et le ministère de l’Europe et des Affaires étrangères français en appui à l’Alliance pour la préservation des forêts tropicales humides.</span></em></p>Les règles d’exploitation en vigueur ne permettent pas une reconstitution durable du stock de bois prélevé.Plinio Sist, Écologue des forêts tropicales, CiradLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1664502021-08-25T19:08:36Z2021-08-25T19:08:36ZL’Asean face au coup d’État militaire en Birmanie : impuissance ou complicité ?<p>Voilà plus de six mois que les militaires birmans ont accompli le <a href="https://www.francetvinfo.fr/monde/birmanie/coup-d-etat-en-birmanie-la-junte-ne-reculera-devant-rien-pour-arriver-a-ses-fins_4349747.html">brutal coup d’État</a> qui a renversé, le 1<sup>er</sup> février dernier, le gouvernement légal issu des élections législatives de novembre 2020, <a href="https://www.lefigaro.fr/flash-actu/legislatives-en-birmanie-le-parti-d-aung-san-suu-kyi-revendique-une-victoire-ecrasante-20201109">triomphalement remportées</a> par la LND (Ligue nationale pour la démocratie), le parti de Aung San Suu Kyi, l’icône nationale de la lutte pour la démocratie et Prix Nobel de la Paix 1991 (dont <a href="https://www.francetvinfo.fr/replay-radio/le-monde-est-a-nous/la-chute-d-une-icone-aung-san-suu-kyi-etoile-de-la-democratie-birmane-exclue-du-prix-sakharov_4087437.html">l’image a beaucoup pâli</a> du fait de sa position complaisante à l’égard des terribles exactions de son armée dans la crise des Rohingyas de 2017).</p>
<p>Après avoir arrêté <a href="https://www.huffingtonpost.fr/entry/birmanie-aung-san-suu-kyi-arretee-et-inculpee-pour-avoir-enfreint-une-loi-commerciale_fr_601a8baec5b668b8db3d5508">« la dame de Rangoon »</a> ainsi que le <a href="https://www.reuters.com/article/us-myanmar-politics-charges-idUSKCN2AV09K">président en fonction</a> et plusieurs ministres issus du même parti, et dissous le Parlement élu – tout cela sous des prétextes aussi fallacieux que grotesques –, les putschistes ont lancé une répression sauvage qui a déjà fait à ce jour <a href="https://fr.euronews.com/2021/08/19/myanmar-plus-de-1000-morts-en-six-mois">plus de 1 000 morts</a> au sein de la population (5 500 personnes ayant par ailleurs été arrêtées, 257 déjà jugées et 26 condamnées à la peine capitale) ! <a href="https://www.lesechos.fr/monde/asie-pacifique/en-birmanie-la-population-rejette-massivement-le-coup-de-force-des-militaires-1288315">Très majoritairement opposée</a> à ce nouveau putsch, cette dernière résiste depuis lors avec courage, par tous les faibles moyens dont elle dispose.</p>
<h2>L’Asean en première ligne</h2>
<p>Débordée par la gestion de la pandémie de Covid-19, concentrée sur d’autres priorités ailleurs dans le monde et bloquée par le <a href="https://www.un.org/press/fr/2007/CS8939.doc.htm">veto</a> que Pékin et Moscou, parrains complaisants des généraux birmans, ont opposé à un projet de résolution du Conseil de sécurité de l’ONU condamnant le coup d’État, la communauté internationale n’a pas réagi de manière très énergique.</p>
<p>Elle a trouvé une échappatoire commode en se débarrassant de la résolution de la crise sur l’<a href="https://asean.org/">Asean</a> – l’Association des Nations de l’Asie du Sud-Est, créée en 1967 sous la férule des États-Unis, alors en train de s’embourber dans la guerre du Vietnam.</p>
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<p>Regroupant à l’origine les quatre pays d’Asie du Sud-Est habituellement alliés au camp occidental – la Thaïlande, la Malaisie, Singapour et les Philippines – et le plus grand de la région – l’Indonésie, qui a rejoint le camp pro-américain après la très violente prise de pouvoir de Suharto dans la foulée de son coup d’État de 1965 –, cette organisation régionale avait pour but de faire contrepoids, en pleine guerre froide, au bloc communiste d’Asie orientale, mené par la Chine.</p>
<p>Ayant doublé le nombre de ses membres au fil des années – adhésion du sultanat de Brunei en 1984, puis, après la fin de la guerre froide, du Vietnam en 1995, du Laos et du Cambodge en 1997 et enfin de la Birmanie en 1999 – et regroupant donc aujourd’hui dix pays aux régimes politiques fort différents, l’Asean s’est essentiellement concentrée sur la coopération économique.</p>
<p>Au nom du principe de non-ingérence dans les affaires intérieures de ses membres et de la règle de l’unanimité, elle s’est en effet rarement mêlée de politique, à l’exception de la seule Indonésie, qui a <a href="http://www.jcreview.com/fulltext/197-1582797357.pdf">joué un rôle</a> dans la résolution du conflit entre le Vietnam et le Cambodge au début des années 1990 et pour faciliter la <a href="https://www.cairn.info/revue-etudes-2012-3-page-295.htm">transition démocratique de la Birmanie en 2008-2010</a>.</p>
<h2>Des États membres majoritairement favorables à la junte</h2>
<p>Cette année, après le coup de force du <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2021/02/10/le-nouvel-homme-fort-de-la-birmanie-un-general-sans-charisme-et-juriste-pointilleux_6069396_3210.html">terne général Min Aung Hlaing</a> et des « petits hommes verts » de la Tatmadaw, l’armée birmane, l’Asean a d’abord mis près de trois mois à s’organiser et à réagir.</p>
<p>À l’instigation du président Jokowi et de sa courageuse ministre des Affaires étrangères, Retno Marsudi, l’Indonésie, qui est de facto le leader de l’association et accueille son secrétariat à Jakarta, a finalement réussi à convaincre la Malaisie, Singapour et même le sultanat de Brunei (qui assure depuis le début de l’année sa présidence tournante) d’organiser un sommet spécial. Celui-ci a eu lieu à <a href="https://www.rfi.fr/fr/asie-pacifique/20210424-sommet-de-l-asean-jakarta-appelle-la-junte-birmane-%C3%A0-restaurer-la-d%C3%A9mocratie">Jakarta le 24 avril</a>. Toutefois, trois des pays membres – la Thaïlande, les Philippines et le Laos – n’ont pas daigné y envoyer leurs chefs d’État, sous divers prétextes fallacieux, se faisant représenter par leurs ministres des Affaires étrangères.</p>
<p>De plus, si le chef de la junte putschiste birmane avait été convié, cela n’a pas été le cas des représentants du gouvernement provisoire formé par des membres de la LND et du Parlement dissous, ainsi que des représentants de plusieurs des mouvements <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2020/05/06/en-birmanie-une-guerre-ignoree-redouble-de-violence_6038782_3210.html">rebelles séparatistes</a> qui résistent au pouvoir central depuis l’indépendance en 1948 d’un pays qui n’a jamais achevé son unité nationale. Min Aung Hlaing a été poliment tancé à Jakarta et en est reparti muni d’une feuille de route en cinq points pour mettre un terme aux violences, trouver une sortie de crise négociée et rétablir la démocratie. Pour faciliter ce processus, il était convenu que l’Asean nommerait un envoyé spécial expérimenté, chargé de rapprocher les deux parties et de faire émerger une telle solution.</p>
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<p>Depuis lors, la situation est restée désespérément bloquée. La junte birmane a superbement ignoré la feuille de route de l’Asean, prétextant qu’elle en tiendrait compte quand l’ordre serait rétabli ! Le général putschiste, qui a annoncé récemment qu’il n’organiserait finalement pas les nouvelles « élections législatives libres » <a href="https://www.france24.com/fr/asie-pacifique/20210801-birmanie-six-mois-apr%C3%A8s-le-coup-d-%C3%A9tat-le-chef-de-la-junte-promet-des-%C3%A9lections-d-ici-deux-ans">promises avant 2023</a>, s’est autoproclamé premier ministre, imitant fidèlement en cela la stratégie qu’avait appliquée en 2014 son clone militaire thaïlandais, <a href="https://www.lemonde.fr/asie-pacifique/article/2015/03/30/en-thailande-prayuth-chan-ocha-l-homme-qui-n-aime-pas-les-journalistes_4606047_3216.html">Prayut Chan-O-Cha</a>. Ce dernier avait alors en effet chassé une autre femme du pouvoir, la première ministre Yinluck Shinawatra, puis organisé en 2018 des élections manipulées qui lui ont permis d’être élu et d’occuper ce poste jusqu’à ce jour. Le même scénario semble se dessiner en Birmanie.</p>
<p>En même temps, l’armée a continué à réprimer durement la population et à instruire le <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2021/06/14/en-birmanie-ouverture-du-premier-proces-contre-aung-san-suu-kyi_6084028_3210.html">procès surréaliste de Aung San Suu Kyi</a> et des responsables politiques proches d’elle. De son côté, la population continue sa résistance passive et l’opposition à la junte <a href="https://plus.lesoir.be/387991/article/2021-08-05/birmanie-malgre-les-epreuves-lopposition-resiste-la-junte">s’est organisée</a> en fédérant la plupart des mouvements de rébellion et <a href="https://www.courrierinternational.com/article/rebellion-la-birmanie-vers-la-guerre-civile">mène la vie dure à l’armée</a> dans plusieurs des régions frontalières du pays. L’objectif visé est de renvoyer l’armée dans ses baraquements et de favoriser la création d’un État fédéral du Myanmar dans lequel toutes les régions ethniques bénéficieraient d’une plus grande autonomie. Mais cette coalition ne jouit d’aucun appui politique, est isolée, divisée et peine à se doter d’un armement qui lui permettrait de lutter efficacement.</p>
<h2>Une médiation pour rien ?</h2>
<p>Tout cela a bien sûr des conséquences délétères pour la Birmanie, <a href="https://www.lefigaro.fr/flash-actu/covid-la-situation-en-birmanie-est-desesperee-avertit-le-royaume-uni-a-l-onu-20210729">durement frappée par la pandémie de Covid-19</a>, dont l’économie est <a href="https://www.capital.fr/economie-politique/leconomie-de-la-birmanie-risque-de-se-retrouver-a-genoux-la-chine-en-embuscade-1392918">au bord du gouffre</a> et où la <a href="https://www.francetvinfo.fr/replay-radio/le-monde-est-a-nous/en-birmanie-la-situation-sanitaire-est-catastrophique-notamment-a-cause-de-la-junte-militaire-au-pouvoir_4700457.html">situation sanitaire et alimentaire est devenue catastrophique</a>.</p>
<p>Il est d’ailleurs tout à fait possible que la situation dégénère en véritable <a href="https://www.economist.com/asia/2021/06/24/myanmars-civil-war-is-becoming-bloodier-and-more-brutal">guerre civile durable</a>, certains observateurs n’hésitant pas à dire que l’évolution de la situation leur <a href="https://www.theguardian.com/commentisfree/2021/apr/04/is-myanmar-the-new-syria-rising-violence-threatens-a-repeat-tragedy">rappelle</a> la manière dont les choses se sont déroulées au début du conflit en Syrie. Une telle dégradation aurait des conséquences très graves pour tous les pays voisins, à commencer par ceux de l’Asean, qui ne manqueraient pas de voir affluer des millions de réfugiés chez eux, comme cela a été le cas pour le Bangladesh après la répression féroce envers la minorité musulmane des Rohingyas menée par la même armée birmane.</p>
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<p>De son côté, l’Asean a mis un temps infini à nommer son envoyé spécial et à l’imposer à la junte birmane. Elle <a href="https://www.reuters.com/world/asia-pacific/asean-appoints-bruneis-erywan-yusof-envoy-myanmar-sources-2021-08-04/">vient enfin de le faire début août</a> en la personne de Erywan Yusof, vice-ministre des Affaires étrangères du Brunei. Cela n’est guère encourageant. Yusof s’était en effet déjà rendu à Rangoon début juin avec le secrétaire général de l’Asean, Lim Jock Hoi, lui aussi ressortissant du petit sultanat, tous deux adoptant alors une attitude complaisante sinon déférente à l’égard du général putschiste, donnant l’impression d’une quasi-reconnaissance diplomatique. Certes, c’est « moins pire » que si l’Asean avait choisi Virasakdi Futrakul, ancien vice-ministre des Affaires étrangères de Thaïlande, dirigée par un « frère d’armes et d’affaires » sur lequel le bourreau de Rangoon sait pouvoir compter, qui était pressenti au préalable et avait sa préférence. Mais il eut été autrement plus crédible de désigner Hassan Wirajuda, le très chevronné et respecté ancien ministre des Affaires étrangères indonésien, ou Razali Ismail, un diplomate malaisien expérimenté qui avait été l’envoyé spécial de l’ONU dans les années 2000 pour faciliter la réconciliation nationale en Birmanie.</p>
<p>Il n’y a donc pas grand-chose à attendre de cette médiation et la junte birmane va continuer à jouer la montre et le pourrissement. Il est très improbable qu’une solution impliquant le retour à la légitimité démocratique soit trouvé lors du sommet annuel de l’Asean qui se tiendra en novembre prochain à Bandar Seri Begawan, la capitale du sultanat de Brunei. Et comme ce dernier transmettra alors la présidence de l’association au Cambodge pour l’année 2022, les perspectives ne sont pas beaucoup plus favorables dans un avenir proche. On ne peut en effet guère s’attendre à ce que le <a href="https://www.hrw.org/fr/news/2020/10/22/cambodge-hun-sen-est-soutenu-par-des-generaux-responsables-dabus">régime dictatorial et corrompu de Hun Sen</a>, totalement sous la coupe de la Chine, se préoccupe beaucoup de la démocratie en Birmanie.</p>
<h2>Le dogme de la stabilité</h2>
<p>Ce fiasco fait d’impuissance et de complicité dans lequel l’Asean est en train de perdre le peu de crédibilité qui lui restait (sans parler de la manière dont elle se déshonore dans cette affaire) n’est guère surprenant. Les membres de cette association sont en fait représentatifs de régimes politiques très différents mais en majorité non démocratiques et la règle du consensus préalable à toute décision la rend stérile. Comment, en effet, concilier les points de vue de deux pays considérés comme des démocraties, l’Indonésie et la Malaisie (même si elles restent imparfaites et montrent des signes de stagnation voire de régression ces derniers temps), avec ceux d’un régime hybride autoritaire comme Singapour ou de véritables dictatures aux mains d’une junte militaire comme la Thaïlande, d’un parti communiste unique et totalitaire comme le Vietnam et le Laos, d’un homme fort vénal et inamovible comme le Cambodge ou d’un populiste brutal comme les Philippines, sans parler du monarque absolu aux sympathies islamistes qui règne sur le sultanat de Brunei ?</p>
<p>La plupart des pays membres de l’Asean se moquent comme d’une guigne de la démocratie et de la situation des droits de l’homme en Birmanie et ailleurs. Leur seul intérêt est la stabilité politique régionale, garante de croissance économique, et le fait que cela passe par l’imposition d’un régime militaire brutal et sanguinaire ne leur pose guère d’états d’âme. Ils partagent d’ailleurs cette position avec la Chine qui domine la région et n’est motivée que par ses intérêts économiques et stratégiques.</p>
<p>L’Indonésie, devenue depuis <a href="https://perspective.usherbrooke.ca/bilan/servlet/BMEve/430">1998</a> le membre le plus démocratique de l’Asean, est donc bien seule à pousser pour une solution négociée. Mais elle fait actuellement face à une <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2021/08/03/covid-19-en-indonesie-le-nombre-de-deces-quotidiens-est-le-plus-eleve-au-monde_6090442_3210.html">seconde vague de Covid dévastatrice</a>, étant de loin le pays le plus infecté dans la région par la pandémie, son économie est durement affectée et elle a d’autres soucis plus importants sur le plan domestique.</p>
<p>De plus, elle peut difficilement donner des leçons à ses voisins en termes de respect des droits de l’homme vu la <a href="https://theconversation.com/le-conflit-entre-lindonesie-et-la-papouasie-occidentale-ou-comment-un-pays-colonise-est-devenu-colonisateur-164110">situation de répression</a> qui règne dans ses deux provinces séparatistes à majorité mélanésienne de Papua. Quant aux deux autres pays favorables à une négociation qui permettrait le retour de la démocratie à Rangoon, la Malaisie est affaiblie par une <a href="https://www.france24.com/fr/asie-pacifique/20210820-malaisie-face-%C3%A0-une-crise-politique-le-roi-nomme-un-nouveau-premier-ministre">crise gouvernementale</a> durable qui mobilise l’essentiel de son énergie et Singapour a certes un poids économique non négligeable mais est un nain politique.</p>
<p>De plus, le <a href="http://www.regardcritique.ca/article/la-culture-diplomatique-de-l-asean/">principe de non-ingérence</a> à la base de l’association paralyse son action. Il ne faut donc pas espérer l’adoption de la seule solution qui aboutirait à un règlement de la crise birmane : la reconnaissance du gouvernement provisoire d’opposition à la junte et la mise de la Birmanie au ban de l’Asean et de la communauté internationale tant que les militaires n’auront pas quitté le pouvoir.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/166450/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jean-Luc Maurer ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La communauté internationale a chargé l’Asean de régler la crise birmane. Mais les pays membres de l’organisation se montrent très complaisants à l’égard de la junte qui a pris le pouvoir à Rangoon.Jean-Luc Maurer, Professeur honoraire en études du développement, Graduate Institute – Institut de hautes études internationales et du développement (IHEID)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1597782021-04-26T17:30:23Z2021-04-26T17:30:23ZPourquoi, après une accalmie, l’épidémie de Covid-19 flambe-t-elle à nouveau en Inde ?<p>L’Inde est en proie à une deuxième vague de Covid-19 massive. Le nombre de <a href="https://coronavirus.jhu.edu/data/new-cases">nouvelles infections quotidiennes dépassant désormais ceux des États-Unis et du Brésil réunis</a>. Le pic actuel est survenu après une brève accalmie : le nombre de nouveaux cas quotidiens était passé de 97 000 en septembre 2020 à environ 10 000 en <a href="https://pib.gov.in/PressReleasePage.aspx?PRID=1687893">janvier 2021</a>. Cependant, à partir de la fin du mois de février, les nouveaux cas quotidiens ont recommencé à augmenter fortement, dépassant les <a href="https://coronavirus.jhu.edu/data/new-cases">100 000 cas par jour</a>. Deux mois plus tard, la barre des <a href="https://www.news18.com/news/india/india-sees-record-covid-19-surge-for-2nd-day-in-a-row-with-200739-cases-in-24-hours-10-points-3642050.html...">200 000 cas est franchie</a> (<em>ndlr : voire largement dépassée : plus de 350 000 nouveaux cas ont été enregistrés en 24 heures ce dimanche 25 avril</em>).</p>
<p><a href="https://timesofindia.indiatimes.com/city/bhopal/covid-19-lockdown-in-parts-of-four-madhya-pradesh-districts/articleshow/81871308.cms">Les couvre-feux et les fermetures du week-end</a> ont été rétablis dans certains États comme le Maharashtra, y compris dans la capitale économique du pays, Mumbai. Les <a href="https://www.bbc.com/news/av/world-asia-india-53014213">services de santé</a> et les <a href="https://www.livemint.com/news/india/covid19-bodies-pile-up-at-india-crematoriums-overwhelmed-by-virus-surge-11618312006451.html">crématoriums</a> sont débordés, les <a href="https://economictimes.indiatimes.com/news/india/now-shortage-of-rt-pcr-kits-adds-to-maharashtras-covid-19-woes/articleshow/81998594.cms">kits de dépistage manquent</a>, et les <a href="https://theprint.in/health/samples-have-tripled-labs-struggle-to-give-covid-test-result-on-time-as-cases-rise-in-delhi/639116/">délais d’attente pour l’obtention des résultats s’allongent</a>.</p>
<p>Comment la pandémie s’est-elle propagée ?</p>
<p>Les habitants des <a href="https://www.medrxiv.org/content/10.1101/2020.11.17.20228155v1.full.pdf">quartiers pauvres</a> et ceux dont les logements sont dépourvus de <a href="https://www.medrxiv.org/content/10.1101/2020.11.17.20228155v1.full.pdf">toilettes</a> ont été les plus touchés, ce qui laisse supposer que le manque d’hygiène et la promiscuité ont contribué à la propagation.</p>
<p>Lors des débats sur les raisons de cette recrudescence des cas, un mot a dominé les discussions: <em>laaparavaahee</em> (en hindi), que l’on peut traduire par « négligence ». Cette négligence incomberait aux individus qui <a href="https://www.livemint.com/news/india/harsh-vardhan-reveals-main-reason-behind-surge-in-coronavirus-cases-in-india-11617756004689.html">ne portent pas de masques et ne respectent pas la distanciation sociale</a>. Mais ce n’est qu’une partie de l’histoire.</p>
<p>La négligence peut aussi être vue en tant que l’absence quasi totale de réglementations ou, quand celles-ci existaient, que ce soit sur les lieux de travail ou dans les espaces publics, par leur manque d’application. Les congrégations religieuses, sociales et politiques ont contribué directement à la propagation du virus <a href="https://www.globaltimes.cn/page/202104/1220835.shtml">par le biais de l’organisation d’événements superpropagateurs</a>. Mais cela n’explique toujours pas complètement l’énorme augmentation des cas à laquelle nous assistons aujourd’hui.</p>
<p>En Inde, la deuxième vague coïncide également avec la propagation du variant dit « britannique ». Un récent <a href="https://www.tribuneindia.com/news/punjab/as-81-of-punjab-samples-show-uk-variant-capt-urges-pm-to-widen-vaccination-ambit-to-cover-younger-population-229350">rapport</a> a révélé que 81 % des 401 derniers échantillons envoyés en séquençage par l’État du Pendjab comportaient la variante britannique du coronavirus SARS-CoV-2.</p>
<p>Par ailleurs, un variant porteur d’une <a href="https://theconversation.com/whats-the-new-coronavirus-variant-in-india-and-how-should-it-change-their-covid-response-157957">nouvelle double mutation</a> circule également en Inde, ce qui pourrait également contribuer à l’augmentation des cas.</p>
<p>Des <a href="https://assets.publishing.service.gov.uk/government/uploads/system/uploads/attachment_data/file/954990/s1015-sars-cov-2-immunity-escape-variants.pdf">études</a> ont en outre montré que certains variants pourraient être plus à même d’échapper à notre système immunitaire, ce qui signifie que le risque existe que des personnes immunisées ou précédemment infectées puissent être infectées ou réinfectées.</p>
<h2>Le faible taux de létalité initial revu à la hausse</h2>
<p>Au cours de la première phase de la pandémie, l’Inde a été louée pour le faible taux de létalité lié à la Covid-19. Celui-ci était d’environ 1,5 %. Cependant, dans son éditorial du 26 septembre consacré à la situation indienne, la revue scientifique <a href="https://www.thelancet.com/journals/lancet/article/PIIS0140-6736(20)32001-8/fulltext">The Lancet</a> mettait en garde contre les « dangers d’un optimisme trompeur ».</p>
<p>En situation de pandémie, les autorités de santé publique attribuent généralement certains décès, dont les causes peuvent être complexes, à la maladie en cours. En avril 2020, l’<a href="https://www.who.int/classifications/icd/Guidelines_Cause_of_Death_Covid-19-20200423_FR.pdf">Organisation mondiale de la santé avait pris la peine de clarifier</a> la manière dont les décès liés à la Covid-19 doivent être comptabilisés :</p>
<blockquote>
<p>« À des fins de surveillance, est considéré comme un « décès dû à la Covid-19 » un décès résultant d’une maladie cliniquement compatible, chez un cas probable ou confirmé de la Covid-19, en l’absence de toute autre cause évidente de décès sans lien avec la maladie à coronavirus (par exemple, un traumatisme). »</p>
</blockquote>
<p>Il est difficile de savoir dans quelle mesure les autorités sanitaires des différents États de l’Inde ont tenu compte de ces recommandations pour comptabiliser les décès.</p>
<p>Après avoir été critiqués pour leur manque d’exactitude, de nombreux États indiens ont mis en place des comités d’experts pour <a href="https://www.thehindu.com/news/national/tamil-nadu/committees-constituted-at-state-district-levels-to-audit-covid-19-deaths/article31400573.ece">réexaminer et vérifier</a> les chiffres des décès dus à l’épidémie, et des <a href="https://www.thelancet.com/journals/lancet/article/PIIS0140-6736(20)31857-2/fulltext">corrections du taux de mortalité ont été apportées</a>. L’ampleur du sous-dénombrement fait actuellement <a href="https://www.indiaspend.com/covid-19/mortality-data-kerala-mumbai-too-soon-to-say-india-covid19-less-deadly-second-wave-737270">l’objet de recherches</a>.</p>
<p>Les <a href="https://covidtoday.in/">données de mortalité</a> recueillies dans les districts indiquent que le taux de létalité <a href="https://www.who.int/director-general/speeches/detail/who-director-general-s-opening-remarks-at-the-media-briefing-on-covid-19---3-march-2020">a dépassé les 3,4 % dans plusieurs d’entre eux </a>, comme le Maharashtra, le Punjab ou le Gujarat, et ce tant pour la première vague que pour la vague actuelle. Les taux de létalité dans certains des districts les plus touchés ont même été <a href="https://indianexpress.com/article/opinion/columns/covid-19-global-crisis-local-response-6707887/">supérieurs à 5 %</a>, ce qui est similaire <a href="https://www.covid19treatmentguidelines.nih.gov/overview/">à la situation des États-Unis</a>.</p>
<h2>Quels sont les défis à relever cette fois-ci ?</h2>
<p>Dix États (sur 28) concentrent la <a href="https://www.pib.gov.in/PressReleasePage.aspx?PRID=1709810">majorité des cas et des décès</a> (81 %). C’est notamment le cas du Punjab et du Maharashtra. En outre, cinq États (Maharashtra, Chhattisgarh, Karnataka, Uttar Pradesh et Kerala) regroupent plus de 70 % des cas. L’infection semble cependant s’être à présent déplacée des grandes villes vers les <a href="https://www.pib.gov.in/PressReleasePage.aspx?PRID=1709296">petites villes et les banlieues</a>, où les infrastructures sanitaires sont moins développées.</p>
<p>L’année dernière la <a href="https://journals.sagepub.com/doi/10.1177/0275074020942411">stratégie gouvernementale de lutte contre la pandémie</a> prévoyait la participation de fonctionnaires de tous les ministères (y compris les ministères autres que celui de la santé) aux activités de lutte anti-Covid-19, mais ces fonctionnaires ont depuis été renvoyés dans leurs ministères respectifs. Cela aura probablement un effet sur le dépistage, la traçabilité et le traitement des cas. Qui plus est, les travailleurs de la santé doivent à présent s’occuper de la campagne de vaccination, en plus de s’occuper des malades.</p>
<h2>Et maintenant ?</h2>
<p>Début mars, le gouvernement indien avait déclaré <a href="https://pib.gov.in/PressReleaseIframePage.aspx?PRID=1703017">que la pandémie touchait à son terme</a>. Un optimisme manifestement prématuré.</p>
<p>Malgré le déploiement de la campagne de vaccination et l’administration de <a href="https://timesofindia.indiatimes.com/india/india-fastest-in-world-to-administer-100-million-covid-vaccine-shots/articleshow/82007330.cms#:%7E:text=NEW%20DELHI%3A%20India%20on%20Saturday,in%20terms%20of%20total%20vaccinations">plus de 100 millions de doses de vaccins</a>, <a href="https://www.indiatoday.in/coronavirus-outbreak/story/india-corona-covid-vaccine-when-will-all-indians-be-vaccinated-1788159-2021-04-07">1 % de la population du pays à peine</a> est actuellement protégé par deux doses de vaccin. L’India Task Force s’inquiète en outre du fait que l’approvisionnement mensuel en vaccins, actuellement de 70 à 80 millions de doses, soit « inférieur de moitié » à l’objectif de <a href="https://www.telegraphindia.com/india/coronavirus-outbreak-vaccine-shortage-insight/cid/1812586">150 millions de doses par mois</a>.</p>
<p>Les fermetures strictes et généralisées qui ont été mises en place ailleurs dans le monde ne peuvent être appliquées à toutes les régions de l’Inde, en raison de leur <a href="https://theconversation.com/how-will-we-eat-indias-coronavirus-lockdown-threatens-millions-with-severe-hardship-135193">effet sur les travailleurs pauvres</a>. En attendant d’atteindre une couverture vaccinale plus large, les mesures de confinement locales devront donc être renforcées. Il s’agit notamment de contrôler strictement les périmètres où sont censés s’appliquer ces mesures, afin de s’assurer qu’il n’y a pas de mouvement de population à l’intérieur ou à l’extérieur des zones où sévissent des épidémies locales. Il faut aussi s’assurer du respect des directives de confinement, en surveillant les domiciles des particuliers, et mettre en place des stratégies de recherche des contacts et de dépistage généralisées.</p>
<p>Il va sans dire qu’il faut abandonner l’idée d’organiser de grands rassemblements, tels que les <a href="https://www.hindustantimes.com/india-news/calcutta-hc-for-strict-compliance-of-covid-norms-during-rallies-101618340863337.html">meetings politiques</a> ou les <a href="https://www.news18.com/news/india/kumbh-in-the-times-of-covid-how-worlds-largest-religious-festival-turned-super-spreader-in-past-3638048.html">festivals religieux</a>, même si certains ont eu lieu.</p>
<p>En attendant de pouvoir vacciner davantage de monde, la maîtrise de l’épidémie passera par un leadership fort et des stratégies décentralisées, axées sur les restrictions locales</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/159778/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Je suis actuellement co-investigateur de deux projets financés par l'UKRI-GCRF, au Royaume-Uni, et d'un projet financé par la Fondation Novo Nordisk, au Danemark.</span></em></p>Après une période d’optimisme liée à une réduction massive du nombre de cas de Covid-19 en début d’année, l’Inde connait une deuxième vague d’infections qui ressemble à une lame de fond.Rajib Dasgupta, Chairperson, Centre of Social Medicine and Community Health, Jawaharlal Nehru University Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1555422021-03-02T18:02:02Z2021-03-02T18:02:02ZLe Cambodge sous l’emprise de Pékin<p>Le Cambodge (16 millions d’habitants en majorité bouddhistes) entretient une relation pluriséculaire avec la Chine. Une relation qui se déploie aujourd’hui de façon très active dans le domaine économique. Confection, exploitation forestière, caoutchouc, minerais, pierres précieuses, agriculture, tourisme : les secteurs d’activités ne manquent pas dans cette coopération bilatérale.</p>
<p>En dépit du fait que <a href="https://www.senat.fr/ga/ga75/ga75.html">30 % de la population vivent dans une extrême pauvreté</a>, le pays a connu à partir de la fin des années 1990 une forte croissance. Il semble avoir ainsi tourné le dos à une période noire de son histoire, celle du totalitarisme des Khmers rouges, au pouvoir entre 1975 et 1979 et responsables de <a href="http://www.gallimard.fr/Catalogue/GALLIMARD/La-Suite-des-temps/Le-Proces-des-Khmers-rouges">plusieurs millions de morts</a>, dont les traumas profonds marqueront durablement la société.</p>
<p>Alors que la présence coloniale française n’est plus qu’un lointain souvenir, le Cambodge a renoué avec une stratégie lui permettant de maintenir son indépendance face aux appétits de ses deux puissants voisins que sont le Vietnam et la Thaïlande. Cette stratégie vise à renforcer ses liens avec la Chine pour tenir en respect toute revendication irrédentiste venant de Hanoï ou de Bangkok. Le point de friction le plus emblématique demeure le temple de <a href="https://www.lemonde.fr/asie-pacifique/article/2013/11/11/la-zone-autour-du-temple-de-preah-vihear-attribuee-au-cambodge_3511687_3216.html">Preah Vihear</a> à la frontière du Battambang, disputé par les Khmers et les Thaïs.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"720881755884945408"}"></div></p>
<p>Les faits sont par ailleurs têtus : ils rappellent qu’au Moyen-Âge le Cambodge s’était taillé un <a href="http://www.gallimard.fr/Catalogue/GALLIMARD/Decouvertes-Gallimard/Decouvertes-Gallimard/Histoire/L-Empire-des-rois-khmers">empire</a> qui étendait alors sur toute une partie du Sud-Est asiatique, jusqu’aux frontières du Yunnan, en Chine. De cette période, les Cambodgiens conservent à ce jour une très grande fierté. Elle continue à nourrir un puissant nationalisme khmer, conscient de son histoire et de ses atouts, au premier rang desquels un accès à la mer qui confère au Cambodge une situation centrale. </p>
<p>Cette dernière n’a pas échappé à Pékin qui voit dans son partenariat avec Phnom Penh un moyen d’y déployer son projet consacré aux Nouvelles routes de la soie. Si bien que le Cambodge apparaît aujourd’hui comme l’archétype des États inféodés à la diplomatie chinoise, laquelle l’a notamment beaucoup aidé, en 2020, à lutter contre la Covid-19 et, plus récemment, <a href="https://www.courrierinternational.com/article/le-chiffre-du-jour-le-cambodge-va-recevoir-en-donation-des-doses-du-vaccin-chinois">lui a fourni des lots de vaccins</a>.En dépit de ces efforts, la <a href="https://thediplomat.com/2021/02/cambodias-sees-covid-19-spike-after-chinese-nationals-break-quarantine/">situation n’est toujours pas maîtrisée malgré la coopération entre les deux pays</a>.</p>
<h2>Une histoire tragique</h2>
<p>Que ce soit dans les chroniques chinoises du haut Moyen-Âge (VI<sup>e</sup> siècle) où l’on évoque le nom du royaume de Funan (littéralement : « le sud riche »), les bas-reliefs d’Angkor Thom (XII<sup>e</sup> siècle) montrant des mercenaires chinois combattant dans les rangs de l’armée du grand roi Jayavarman VII ou à travers le témoignage de l’ambassadeur Zhou Daguan (XIII<sup>e</sup> siècle) nous livrant de précieuses informations sur la vie et les mœurs de la cour khmère, l’histoire du Cambodge nous renvoie aussi à celle de la Chine, et à une période prestigieuse dans l’histoire de l’Asie, qui fut marquée par la propagation et le rayonnement du bouddhisme, et une interaction commerciale entre le <a href="https://www.guimet.fr/publications/catalogues/la-sculpture-du-champa-tresors-dart-du-vietnam-ve-xve-siecles/">Champa</a>, plus à l’est, à l’embouchure du Mékong, et <a href="http://www.mekong-publishing.com/books/ISBN4-8396-0316-8.htm">Srivijaya</a>, dans l’actuelle Indonésie. </p>
<p>Ces routes des épices sont également empruntées par de grands missionnaires tel <a href="https://www.universalis.fr/encyclopedie/atisa-atisha/">Atisa</a> qui, au XI<sup>e</sup> siècle, se rend depuis l’Inde vers cette Méditerranée asiatique avant de mourir au Tibet ; Méditerranée à laquelle les marchands chinois – dont les jonques transportent de nombreuses céramiques – ne sont pas non plus étrangers.</p>
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<p>Au XX<sup>e</sup> siècle, cette histoire interconnectée et globale se poursuit. Dans le contexte de la guerre froide, les bombardements américains voulus par Henry Kissinger, alors secrétaire d’État aux Affaires étrangères <a href="https://books.openedition.org/psn/5035?lang=fr">frappent la piste Hô Chi Minh</a> et la province khmère du Ratanakiri. Chaque année, la jeunesse cambodgienne se radicalise un peu plus, tandis que le prince Sihanouk, alors chef de l’État, tente de temporiser et clame son attachement à l’esprit des pays non-alignés tels qu’ils se sont exprimés aux côtés de la Chine et de son ministre Zhou Enlai lors de la conférence de Bandung (1955). </p>
<p>Mais des intellectuels (en partie formés en France) ne jurent que par le modèle communiste des ultras et s’inspirent <em>in fine</em> de la Révolution culturelle amorcée en Chine. Ils ont pour noms <a href="https://www.lesindessavantes.com/ouvrage/une-histoire-du-cambodge/">Pol Pot, Ieng Sary et Khieu Sampan</a>, pour ne citer que les plus célèbres. En Chine comme au Cambodge, cette expérience laissera dans les deux pays des séquelles durables. Les rares images que l’on a sur le Cambodge de ces années noires sont soit celles diffusées par la propagande des conseillers techniques chinois ou encore celles des suppliciés <a href="http://www.film-documentaire.fr/4DACTION/w_fiche_film/11416_1">du camp d’extermination du S-21</a>, minutieusement photographiés peu avant leur exécution.</p>
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<p>Après une longue période d’occupation vietnamienne soutenue par l’Union soviétique, le Cambodge est alors placé sous la tutelle des Nations unies et se reconstruit patiemment pour sortir enfin d’un siècle qui s’est avéré tragique. La Chine de Deng Xiaoping, au-delà de la signature des <a href="https://www.ina.fr/video/CAB91054728">accords de Paris en 1991</a>, continuera d’apporter un soutien indéfectible aux derniers maquis khmers rouges <a href="https://www.liberation.fr/planete/2008/07/26/a-pailin-l-ombre-des-khmers-rouges_77046/">dans la région de Pailin, riche notamment en pierres précieuses et bois exotiques</a>, avec la complicité des mafias sino-thaïes. La <a href="https://redtac.org/asiedusudest/2018/06/21/cambodge-les-causes-internes-ou-plutot-externes-dans-les-ravages-des-forets/">déforestation au profit de compagnies forestières chinoises</a> (et vietnamiennes) se poursuit à ce jour, mais cette fois <a href="https://www.lepoint.fr/environnement/du-cambodge-a-l-europe-les-ravages-du-trafic-de-bois-07-11-2018-2269117_1927.php">dans les régions du nord-est</a>.</p>
<p>La Chine est alors aux avant-postes dans cette logique de croissance qui s’annonce dès les années 1990 tandis que le Cambodge normalise ses relations avec ses voisins, intègre l’Asean (1999) et participe au sommet de l’ASEM (Asia-Europe Meeting). Pékin est privilégié par Phnom Penh et son premier ministre Hun Sen. Dès 1997, ce dernier signe avec son homologue chinois Li Peng un accord de coopération entre les deux pays portant notamment sur l’entraînement des forces de police cambodgiennes, tandis qu’à la fin de la même année, la Chine livre 116 camions militaires et 70 jeeps d’une valeur de 2,8 millions de dollars. Un matériel servant essentiellement à <a href="https://www.sciencespo.fr/ceri/sites/sciencespo.fr.ceri/files/etude133.pdf">l’équipement de la garde prétorienne de Hun Sen</a>.</p>
<p>Le partenariat <a href="http://specialdefense.over-blog.com/tag/cambodge/">sécuritaire et militaire est très structurant</a>. Pékin exporte de l’armement, et trouve en Phnom Penh un <a href="http://specialdefense.over-blog.com/2019/03/chine/cambodge-exercice-militaire-golden-dragon-2019.html">partenaire dans des exercices militaires (Golden dragons) ou antiterroristes</a>. Ce rapprochement est suivi deux ans plus tard de l’obtention auprès des autorités chinoises de 18,3 millions de dollars d’aide et d’un prêt, sans intérêts, de 200 millions de dollars pour financer des projets d’infrastructures, ce qui place d’emblée le Cambodge en tête de la liste des pays aidés par la Chine populaire.</p>
<p>L’amitié que se portent Li Peng et Hun Sen ne faiblira pas, au point où l’ancien premier ministre chinois se rend encore en 2001 au Cambodge <a href="https://www.phnompenhpost.com/national/red-carpet-chinas-li-peng">pour lui rendre visite</a>. Les écoles chinoises connaissent alors une expansion significative – leur nombre passe de treize en décembre 1995 à soixante-dix en décembre 1999 – grâce à l’aide de l’ambassade qui fournit les manuels scolaires, organise des visites d’inspection académique, finance des stages de formation pour le corps professoral. </p>
<p>Le mandarin est d’ailleurs devenu la lingua franca <a href="https://www.persee.fr/doc/asean_0859-9009_2000_num_5_1_1663">d’un très grand nombre de Sino-Khmers</a> d’une part mais aussi d’« immigrés chinois » (<em>xin yimin</em>) qui <a href="https://www.persee.fr/doc/asean_0859-9009_2000_num_5_1_1663">depuis ce dernier quart de siècle</a> seraient plus d’un million à s’être installés au Cambodge. Autant de relais dans un pays où l’aide chinoise n’a jamais cessé d’augmenter. Au reste, la Chine est aujourd’hui le premier pourvoyeur d’aides, d’investissements et de prêts. En 2018, elle représentait <a href="https://www.courrierinternational.com/article/tourisme-quand-la-chine-avale-la-cote-cambodgienne">41,3 % des investissements étrangers directs mais aussi 49 % de la dette extérieure brute du pays</a>.</p>
<p>Cependant, cette dette est considérée comme supportable par Phnom Penh parce qu’elle ne représente que 21,4 % du PIB, soit bien moins que le seuil de 40 % retenu par les institutions internationales. L’aide chinoise se manifeste tout particulièrement dans le domaine des infrastructures. La route nationale 7, allant de Kratie à la frontière laotienne ou la 8, reliant quant à elle le Cambodge au Vietnam, comptent parmi les principaux axes restaurés. L’aménagement de centrales hydroélectriques, telle que <a href="https://hal-sciencespo.archives-ouvertes.fr/hal-01021500/document">Kirirom, confiée à la société China Electric Power Technology Corporation</a> ou <a href="https://cdm.unfccc.int/Projects/DB/SGS-UKL1380884293.85/view">Kamchay, confiée à l’entreprise d’État Sino Hydro Corporation</a>, constituent de grandes réalisations au Cambodge où, longtemps, l’électricité produite presque exclusivement par des centrales thermiques très sensibles aux variations du prix du pétrole a été l’une des plus chères au monde.</p>
<p>Mais cet état de dépendance critique vis-à-vis de la Chine est également de nature politique. Pékin n’a jamais formulé d’excuses pour sa collaboration avec le régime des Khmers rouges. La Chine fournit en revanche un soutien sans faille au premier ministre Hun Sen depuis plus de trente ans dans sa <a href="https://www.liberation.fr/planete/2020/07/09/au-cambodge-la-repression-s-accentue-contre-les-defenseurs-des-droits-humains_1793707/">politique de répression des prodémocrates</a>. En cela, Pékin et Phnom Penh sont sur la même longueur d’onde. Au point où les autorités cambodgiennes n’ont pas hésité à <a href="https://www.liberation.fr/planete/2009/12/20/le-cambodge-livre-vingt-ou%C3%AFgours-a-la-chine_600350/?outputType=amp">arrêter des Ouïgours réfugiés sur leur territoire pour les remettre à la police chinoise</a>.</p>
<h2>Des intérêts stratégiques majeurs : l’Empire et le vassal</h2>
<p>Même si la société singapourienne Kris Energy <a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2021/01/04/le-cambodge-se-lance-dans-l-exploitation-petroliere_6065140_3234.html">exploite le pétrole offshore découvert au large de Sihanoukville</a>, la China National Offshore Oil Corporation reste sur les rangs. Surtout, Pékin entend privilégier le développement des infrastructures portuaires du pays et mise sur une stratégie globale permettant de connecter la région du Grand Mékong au littoral khmer afin de s’assurer l’importation d’hydrocarbures du Moyen-Orient sans les faire transiter par le détroit de Malacca.</p>
<p>L’évocation de <a href="https://www.liberation.fr/planete/2019/01/28/chine-cambodge-une-alliance-en-eaux-troubles_1705997/">l’établissement d’une base militaire chinoise dans la région</a> revient souvent dans les conversations locales et semble <a href="https://thediplomat.com/2020/06/cambodias-hun-sen-denies-chinese-naval-base-again-but-whats-really-happening/">inquiéter Washington qui soupçonne fort Pékin</a> de vouloir ainsi se doter d’un balcon sur le golfe de Thaïlande. Pour l’heure, c’est l’aménagement d’un vaste complexe d’infrastructures touristiques financé par la Chine qui prévaut dans la région.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1090267622401179649"}"></div></p>
<p><a href="https://thediplomat.com/2020/10/cambodia-china-and-the-dara-sakor-problem/">Dara Sakor</a> en est l’emblème le plus spectaculaire. S’étendant dans la province de Koh Kong sur 90 kilomètres, soit un cinquième de la côte cambodgienne, ce projet de 3,8 milliards de dollars <a href="https://www.lesechos.fr/monde/asie-pacifique/sihanoukville-opa-chinoise-sur-le-cambodge-1135086">comprend</a> non seulement des hôtels, des parcours de golf et une marina, mais aussi un aéroport international ; l’ensemble ayant été aménagé grâce à des investissements chinois. Même si le nombre de touristes étrangers a chuté de <a href="https://www.cambodgemag.com/post/cambodge-br %C3 %A8ve-tourisme-54-5-de-touristes-asiatiques-et-chute-de-78-en-2020">78 % en 2020</a> pour cause de pandémie, les touristes chinois ont été <a href="http://french.xinhuanet.com/2019-10/08/c_138454313.htm">1,7 million à visiter le Cambodge en 2019, soit une hausse de 33 % par rapport à l’année précédente</a>.</p>
<p>D’autres aménagements touristiques grandioses et respectueux de l’environnement sont en cours. L’un d’eux revient à la société chinoise Naga Corp et a pour projet de construire près du site archéologique d’Angkor, <a href="https://www.lemonde.fr/culture/article/2021/02/13/patrimoine-les-temples-d-angkor-menaces-par-un-parc-d-attractions_6069804_3246.html">à Siam Reap</a>, un gigantesque parc d’attractions touristique et aquatique en investissant 350 millions de dollars dans la phase initiale du projet. Il n’est pas sans susciter des polémiques sachant que la question de l’eau dans cette partie du pays reste d’actualité, se raréfie, et que la région est protégée pour la beauté et l’ancienneté de ses temples par l’Unesco. </p>
<p>Réalisé ou pas, ce projet ne saurait remettre en cause la relation bilatérale Chine-Cambodge. De fait, depuis <a href="https://www.fmprc.gov.cn/mfa_eng/zxxx_662805/t1741272.shtml">l’arrivée au pouvoir de Xi Jinping, fin 2012</a>, les liens se sont encore renforcés et synthétisent la grande asymétrie des relations entre les deux États. Alors que depuis l’après-crise des <em>subprimes</em>, les délocalisations chinoises vers le Cambodge ont été nombreuses, aujourd’hui la <a href="https://www.eastasiaforum.org/2020/12/26/no-simple-solution-to-chinas-dominance-in-cambodia/">somme des enjeux économiques et sociétaux</a> de Phnom Penh en lien avec le grand voisin chinois (46 % des 3,6 milliards de dollars d’investissements en 2019) interrogent la <a href="https://thediplomat.com/2019/12/cambodias-disastrous-dependence-on-china-a-history-lesson/">durabilité de la polarisation de l’Asie sur la Chine</a>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/155542/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Emmanuel Véron est délégué général du FDBDA.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Emmanuel Lincot ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La Chine porte une attention particulière au Cambodge pour son positionnement stratégique, investit massivement dans ses infrastructures et soutient fermement son inamovible premier ministre Hun Sen.Emmanuel Véron, Enseignant-chercheur - Ecole navale, Institut national des langues et civilisations orientales (Inalco)Emmanuel Lincot, Spécialiste de l'histoire politique et culturelle de la Chine contemporaine, Institut catholique de Paris (ICP)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1554172021-02-25T18:00:36Z2021-02-25T18:00:36ZLa loi chinoise sur les garde-côtes va-t-elle provoquer de nouvelles tensions sur les mers d’Asie ?<p>L’entrée en vigueur, le 1<sup>er</sup> février 2021, de la <a href="https://npcobserver.com/legislation/coast-guard-law/">loi chinoise portant sur la police maritime</a>, qui évoque la possibilité de l’usage de la force armée par les garde-côtes du pays, a été abondamment relayée par les médias des pays d’Asie du Sud-Est et du Japon. Ces derniers se sentent impuissants face à la contestation de plus en plus agressive, par Pékin, de la définition des frontières maritimes régionales. Dans un contexte déjà tendu, cette initiative chinoise suscite la plus grande défiance.</p>
<p>Les Philippines ont officiellement protesté par le biais de leur <a href="https://www.cnnphilippines.com/news/2021/1/27/Philippines-diplomatic-protest-China-Coast-Guard-Law.html">secrétaire aux affaires étrangères Teodoro Locsin</a> et le Vietnam a rappelé le <a href="https://e.vnexpress.net/news/news/vietnam-calls-out-china-s-new-coast-guard-law-4228791.html">nécessaire respect du droit international et du droit de la mer</a>. Pour sa part, le Japon, confronté à des incursions orchestrées de garde-côtes, milices maritimes et bâtiments de pêche chinois dans la Zone économique exclusive (ZEE) et les eaux territoriales des iles Senkaku, également revendiquées par la Chine sous le nom de Diaoyutai, <a href="https://www.japantimes.co.jp/news/2021/02/01/national/japan-china-coast-guard-law-senkakus/">a exprimé sa préoccupation</a>. Tokyo craint en effet que, sous couvert de cette loi, Pékin franchisse un nouveau cap dans la mise en œuvre de ses stratégies de coercition hybrides. La suspicion japonaise, largement partagée, est d’assister à la multiplication de situations dites de <a href="https://www.fpri.org/article/2016/02/paradoxes-gray-zone/">« zones grises »</a> en mer, c’est-à-dire de tensions ne relevant ni du temps de guerre ni du temps de paix et qui ont trait à la souveraineté et aux droits maritimes.</p>
<h2>Une loi qui tend à consolider la « stratégie du fait accompli » et l’expansion maritime de Pékin</h2>
<p>À première vue, on peut considérer cette loi comme une démarche de <a href="https://digital-commons.usnwc.edu/cgi/viewcontent.cgi?article=2960&context=ils">professionnalisation de la garde côtière chinoise</a>, réorganisée en 2018 et dépendant de la Police armée du peuple : il apparaissait en effet nécessaire de mettre à jour les réglementations existantes et de préciser des responsabilités jusqu’ici réparties entre quatre agences maritimes. Il s’agit de définir l’exercice du droit de police en mer dans les espaces maritimes relevant de la souveraineté chinoise et d’encadrer l’usage de la force en l’articulant à des situations précises. La définition des missions décrite dans la loi apparaît assez semblable à celles des garde-côtes régionaux : sûreté et sécurité maritimes, lutte contre les activités illicites, exploitation des ressources maritimes, protection de l’environnement marin, contrôle des pêches. Un <a href="https://www.globaltimes.cn/page/202101/1214305.shtml">article du quotidien chinois <em>Global Times</em></a> explique ainsi que cette loi rapproche la Chine des standards internationaux et que les Philippines n’ont pas à s’en inquiéter.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1358124819154354176"}"></div></p>
<p>L’usage de la force est mentionné dans le <a href="https://www.asie21.com/2021/02/12/la-loi-de-la-republique-populaire-de-chine-sur-la-police-maritime/">chapitre VI de la loi</a>, notamment au travers des articles 46, 47 et 48. Entre autres cas, la loi autorise l’utilisation d’« armes de poing » contre les incursions de bâtiments étrangers dans les eaux sous juridiction chinoise et l’utilisation d’« armes lourdes » en cas d’« incidents violents graves ». Il est cependant précisé que le personnel des garde-côtes doit raisonnablement évaluer le niveau de force approprié sur la base de la nature et de l’urgence du danger.</p>
<p>La question est de savoir comment la Chine va mettre en œuvre ces dispositions. Les juristes internationaux débattent actuellement de la manière de faire la distinction entre l’adoption appropriée de moyens de coercition dans l’application du droit maritime et l’utilisation abusive de la force. L’un des principes les plus importants consacrés par la Charte des Nations unies et la Convention des Nations unies sur le droit de la mer (CNUDM), ou <a href="https://www.un.org/Depts/los/convention_agreements/texts/unclos/unclos_f.pdf">Convention de Montego Bay</a>, adoptée en 1982, porte sur le non-recours à la force et l’usage pacifique des mers. Cette question est particulièrement délicate dans le contexte des zones maritimes contestées et de pêches illégales.</p>
<p>Mais pour la plupart des pays qui se sentent en butte à la systématisation des incursions chinoises dans leur ZEE, le débat se pose davantage en termes politico-militaires que juridiques. Il s’agit de tenir compte de l’asymétrie des moyens maritimes en présence, notamment en mer de Chine du sud entre la Chine et les pays de l’Asean, mais aussi du niveau d’agressivité dont font déjà preuve les garde-côtes chinois. Il est à craindre que la loi du 1<sup>er</sup> février 2021 n’encourage des comportements chinois déjà observés qui, sous couvert de patriotisme et de protection des « droits maritimes », n’hésiteront plus à recourir à la force pour protéger les zones maritimes disputées par Pékin à ses voisins. Déjà en juin 2019, un navire chinois a volontairement éperonné et coulé un bâtiment de pêche philippin opérant dans les eaux proches du récif de Scarborough, occupé illégalement par la Chine depuis 2012 au détriment des Philippines.</p>
<p>Par ailleurs, la loi jette une ombre particulière sur les discussions en cours depuis plusieurs années entre la Chine et l’Asean autour du <a href="https://asia.nikkei.com/Spotlight/Comment/What-Beijing-really-wants-from-South-China-Sea-code-of-conduct">Code de conduite en mer de Chine</a>, que Pékin compte faire adopter en 2021. L’un des objectifs du code est en effet de mettre en place des mécanismes pour éviter que les parties impliquées n’aient recours à la force en cas de litige.</p>
<h2>L’instrumentalisation du « nationalisme maritime » chinois</h2>
<p>La Chine de Xi Jinping est devenue extrêmement offensive concernant les questions de souveraineté maritime sur l’ensemble des mers d’Asie. Elle estime ainsi que plus de 80 % de la mer de Chine méridionale, qu’elle englobe dans un tracé en neuf traits, font partie de son territoire sur la base de droits historiques – bien que la <a href="https://www.lemonde.fr/asie-pacifique/article/2016/07/12/la-chine-n-a-pas-de-droits-historiques-en-mer-de-chine_4968261_3216.html">Cour permanente d’arbitrage de la Haye</a>, saisie par les Philippines, ait jugé en 2016 qu’elle n’avait pas de bases légales pour le faire. Or ce tracé en neuf traits – dans lequel Pékin a notamment inclus l’archipel des Spratleys et les Paracels – déborde sur les ZEE du Vietnam, de la Malaisie, de l’Indonésie, de Brunei et des Philippines. Ces derniers se trouvent déjà régulièrement empêchés d’exploiter leur domaine maritime par l’intervention de garde-côtes ou des milices maritimes de la Chine.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1213408399473467393"}"></div></p>
<p>La garde côtière chinoise dispose en effet de moyens de fort tonnage et d’équipement qui en font une composante impressionnante, surclassant les forces combinées de l’ensemble des pays de l’Asean qui s’efforcent de protéger leurs ressources halieutiques, énergétiques et minières des appétits chinois. Le plus imposant bâtiment garde-côte chinois, le CGG 2901, déplace 12 000 tonnes et est équipé d’un canon de 76 mm. <a href="https://www.defense.gouv.fr/content/download/509629/8606896/f%E2%80%A6">La stratégie d’expansion chinoise</a> et la militarisation de certains récifs transformés en îles artificielles accueillant radars, batteries de missiles et pistes d’atterrissages, notamment dans <a href="https://foreignpolicy.com/2019/08/19/chinas-south-china-sea-militarization-has-peaked/">l’archipel des Spratleys</a>, s’accompagnent en outre de restrictions concernant le droit de passage inoffensif de tout navire, civil ou militaire dans ce que Pékin considère comme ses eaux territoriales. </p>
<p>De la même façon, en mer de Chine orientale, face à leurs homologues japonais qui ont réussi jusqu’à présent à les contenir, les garde-côtes chinois ont une stratégie de pénétration régulière et en nombre dans les approches maritimes des Senkaku dont ils disputent la souveraineté à Tokyo depuis des décennies. Enfin, la réunification avec Taïwan, l’« île rebelle », est au cœur du projet de renaissance de la nation chinoise de Xi Jinping dont l’échéance a été fixée par ce dernier à 2049, date à laquelle selon lui, la Chine sera devenue la <a href="https://www.choiseul-magazine.fr/2021/02/15/et-si-la-chine-netait-pas-au-rendez-vous-de-lhistoire-en-2049-michel-gardel-2/?cn-reloaded=1">première puissance mondiale</a>.</p>
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<p>Cette visibilité accrue de la garde côtière chinoise qui vise à en faire un outil plus efficace dans les mains du pouvoir politique participe d’un mouvement général de montée en puissance des moyens navals chinois et d’affirmation du statut de puissance maritime voulu par Xi Jinping. Dès 2013, ce dernier avait créé un groupe dirigeant restreint pour la défense des droits maritimes. Ce nationalisme maritime sert clairement à conforter la légitimité du Parti communiste chinois. Au-delà d’enjeux économiques, les revendications chinoises – qui par ailleurs mettent Pékin en prise directe avec des alliés des États-Unis (les Philippines, Taïwan, le Japon) – apparaissent avant tout politiques et portent sur le leadership régional.</p>
<p>L’ambiguïté induite par la loi du 1<sup>er</sup> février est que Pékin semble vouloir traiter ces questions comme des problèmes de sécurité intérieure n’appelant que l’intervention de garde-côtes exécutant des missions de police civile, par opposition à l’emploi de bâtiments de guerre chargés de missions de défense. Pour autant, la Chine a activement poursuivi la modernisation de sa flotte de guerre, comme le souligne le <a href="https://media.defense.gov/2020/Sep/01/2002488689/-1/-1/1/2020-DOD-CHINA-MILITARY-POWER-REPORT-FINAL.PDF">dernier rapport annuel du Pentagone</a> sur les développements de la puissance militaire chinoise, dont il ressort que la marine chinoise surclasserait l’US Navy en nombre avec 350 unités, mais que l’avantage technologique reste du côté américain.</p>
<p>En l’état actuel des choses, on peut craindre que la loi chinoise sur les garde-côtes, à l’application potentiellement ambiguë, n’augmente les risques de tensions et d’escalade dans l’ensemble des mers de Chine. Ces risques sont déjà observables entre la Chine, certains États riverains de la mer de Chine du sud et le Japon, mais également entre la Chine et les États-Unis. En effet, la marine américaine conduit régulièrement des Opérations de liberté de navigation (<em>Freedom</em> <em>of Navigation Operations</em>, FONOPS) et des manœuvres militaires pour contester les revendications chinoises en mer de Chine du Sud.</p>
<p>Certains pays européens, dont la <a href="https://www.diplomatie.gouv.fr/fr/dossiers-pays/asie-oceanie/la-zone-indopacifique-une-priorite-pour-la-france/">France, défenseurs d’une vision Indo-Pacifique inclusive</a> impliquant une vigilance renouvelée dans la défense du multilatéralisme et du droit international, entendent quant à eux exercer leurs droits de navigation maritime et aérienne dans les espaces internationaux de la zone. La France, puissance résidente, y effectue de longue date des missions de présence et des escales régulières à l’invitation de ses partenaires de l’Asean. Début février 2021, sa communication sur la mission de longue durée du sous-marin nucléaire d’attaque Émeraude et l’indication de sa patrouille en mer de Chine du Sud a suscité un <a href="https://www.chinadaily.com.cn/a/202102/22/WS6032fe84a31024ad0baaa0f5.html">article courroucé du China Daily</a>, relais d’influence peu nuancé du pouvoir chinois à l’international.</p>
<p>L’administration Biden, soucieuse de renforcer les liens avec ses proches alliés asiatiques, a réaffirmé que les <a href="https://www.lefigaro.fr/flash-actu/biden-et-suga-souhaitent-une-denuclearisation-complete-de-la-peninsule-coreenne-20210127">îles Senkaku étaient couvertes par le traité de sécurité nippo-américain</a>. Son secrétaire d’État, Antony Blinken, entend s’appuyer sur le Quad, le Dialogue de sécurité quadrilatéral fondé en 2007 autour du Japon, des États-Unis, de l’Australie et de l’Inde et relancé en 2017, et <a href="https://www.republicworld.com/world-news/us-news/antony-blinken-speaks-to-quad-counterparts-looks-forward-to-deepening-cooperation.html">l’ouvrir à un format Quad plus</a>. </p>
<p>Surmontant leurs réticences initiales à être perçues comme un front anti-chinois, les quatre États s’affirment désormais – à des degrés divers – comme des puissances navales de l’Indo-Pacifique, c’est-à-dire soucieuses de promouvoir un ordre international fondé sur le droit et d’accroître leur coopération dans le domaine de la sécurité maritime. D’une administration américaine à une autre, la compétition de puissance entre les États-Unis et la Chine semble devoir se jouer en mer.</p>
<hr>
<p><em>Nous proposons cet article dans le cadre du Forum mondial Normandie pour la Paix organisé par la Région Normandie les 23 et 24 septembre 2022 et dont The Conversation France est partenaire. Pour en savoir plus, visiter le site du <a href="https://normandiepourlapaix.fr/">Forum mondial Normandie pour la Paix</a></em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/155417/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Marianne Péron-Doise ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La nouvelle loi chinoise encadrant les activités des garde-côtes contribue à l’affirmation du statut de puissance maritime de la Chine voulu par Xi Jinping.Marianne Péron-Doise, Chercheur Asie du Nord et Sécurité maritime Internationale, chargé de cours Sécurité maritime, Sciences Po Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1554242021-02-17T19:57:20Z2021-02-17T19:57:20ZBonnes feuilles : « Idées reçues sur le Viêt Nam »<p><em>Le récent XIII<sup>e</sup> congrès du Parti communiste vietnamien, qui s’est déroulé sous le signe de la continuité et de <a href="https://theconversation.com/xiii-congres-du-parti-communiste-du-viet-nam-lart-de-ne-rien-changer-154662">l’unité</a>, a donné au parti au pouvoir l’occasion de se féliciter de la forte croissance économique du pays et de l’efficacité de sa gestion de la pandémie. Dans cet ouvrage qui <a href="http://www.lecavalierbleu.com/livre/idees-recues-viet-nam/">vient de paraître aux éditions Le Cavalier Bleu</a>, Hiên Do Benoit, docteure en science politique de Sciences Po Paris, maître de conférences au Conservatoire national des Arts et Métiers et chercheure au Laboratoire interdisciplinaire de recherches en sciences de l’action (CNAM-LIRSA), s’intéresse à la société, à la culture ainsi qu’à l’histoire politique et économique du Viêt Nam et nous donne des clés de compréhension de cet État pas comme les autres. Nous présentons ici le chapitre qui traite de l’idée reçue selon laquelle le pays serait aujourd’hui encore pleinement communiste.</em></p>
<hr>
<p>On entend dire et voit écrire encore souvent qu’avec l’effondrement de l’Union soviétique, le Viêt Nam reste aux côtés de la Chine, de la Corée du Nord, du Laos et de Cuba le dernier observatoire du communisme.</p>
<p>Il faudrait tout d’abord se garder de confondre le communisme avec le Parti communiste (PC), effectivement <a href="https://www.persee.fr/doc/homso_0018-4306_1969_num_14_1_1755">parti unique</a> au pouvoir au Viêt Nam, un réseau tissé de 5,2 millions de membres en 2019, soit aux alentours de 5 % de la population. Mais au sein de ce régime politique monopartiste, le communisme en tant que doctrine sociale, basée sur l’abolition de la propriété individuelle et sur la mise en commun de tous les moyens de production, et tendant à substituer au régime capitaliste une forme de société égalitaire et fraternelle, est en voie de réformation complexe. Il n’est plus question aujourd’hui de parler de la lutte des classes ; l’« économie de marché suivant l’orientation socialiste » remplace officiellement l’économie planifiée et centralisée ; la propriété privée n’a jamais été aussi valorisée, en tant que moteur dans le processus de développement national. Alors, que reste-t-il du communisme et jusqu’où va le communisme vietnamien ?</p>
<p><a href="https://www.cairn.info/journal-raisons-politiques-2001-3-page-37.htm">Le VIᵉ congrès</a> du Parti communiste du Viêt Nam en 1986 était bien la prise de conscience de la nécessité des « réformes » pour redresser l’économie en faillite et sortir le pays de l’hostilité, due au conflit au Cambodge, d’une bonne partie de la planète. Le choix du Viêt Nam était judicieux, au moins pour cette période-là : la volonté de maintenir l’équilibre du pouvoir, de renforcer la légitimité politique du régime allait dans le même sens que la priorité du développement économique. Un État ne peut généralement être politiquement pertinent sans bénéficier d’une situation économique saine et, corrélativement, tout effort en faveur du développement économique reste vain s’il n’est pas accompagné d’un environnement politique stable.</p>
<p>Ainsi, depuis le VI<sup>e</sup> congrès, le Parti communiste était-il prêt, non pas à remettre en cause son contrôle du pays, mais à corriger ses erreurs dans la construction du socialisme. C’est ce que son Premier ministre <a href="https://www.lemonde.fr/disparitions/article/2008/06/19/vo-van-kiet-premier-ministre-vietnamien-de-1991-a-1997_1060354_3382.html">Vo Van Kiêt</a> a précisé au Forum économique mondial de <a href="https://www.cairn.info/revue-a-contrario-2003-2-page-67.htm">Davos</a> en février 1990 :</p>
<blockquote>
<p>« Rénover n’est pas faire table rase du passé, ce n’est pas non plus abandonner le socialisme, mais chercher à concevoir plus clairement un socialisme humain, perfectionné. »</p>
</blockquote>
<p>Encourageant la mobilisation politique autour des campagnes de critique et d’autocritique sans pour autant tolérer le pluralisme, les réformes de toute nature sont restées strictement contrôlées par le Parti. Le plat mijoté du renouveau ressemblait très probablement plus par son goût à une recette chinoise qu’à celle de la perestroïka russe. L’essentiel demeurait intact : le marxisme-léninisme, le centralisme démocratique, le monolithisme du régime politique. La dénomination « République socialiste » ayant été conservée, il était admis que le socialisme soviétique avait fait son temps et qu’il fallait redéfinir le socialisme.</p>
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<figcaption><span class="caption">Le Vietnam en pleine mutation.</span></figcaption>
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<p>Ainsi au Viêt Nam, pour être « réformateur », on n’en demeurait pas moins fidèle au Parti, même s’il s’agissait d’un Parti qu’il fallait renouveler, moderniser, démocratiser. Il est intéressant d’observer que déjà en 1987, <a href="https://www.humanite.fr/node/6597">Nguyên Van Linh</a>, alors secrétaire général du PC, avait remis en cause la stratégie économique du « saut de l’étape capitaliste », qui était à ses yeux « irréaliste et nuisible ». Or, depuis les Luân cuong chinh tri (thèses politiques) présentées en octobre 1930 à Hongkong par Trân Phu, premier secrétaire général du Parti communiste indochinois, puis renforcées par l’économie de guerre et prolongées en 1977 par le IV<sup>e</sup> Plan, c’était cette mutation qui légitimait les fondements conceptuels du développement socialiste vietnamien. Avec les Thèses politiques, le Parti s’était donné une orientation économique proche du modèle soviétique de « développement par étapes » linéaires. Ce modèle se proposait, entre autres, de « sauter l’étape du développement capitaliste », c’est-à-dire de passer sans transition d’un mode de production « féodal » et « colonial » au mode de production « socialiste », nous rappelle l’ethno-historien Pierre-Richard Féray. S’ajoutait également à cette recette une idée-force érigée en dogme, en Asie, par Mao Zedong : placer l’idéologie au poste de commandement économique. Les réformes depuis 1986 tentaient d’inverser la tendance.</p>
<p>Le mode de pensée en politique internationale basé sur une vision du monde à travers les seuls critères idéologiques opposant socialisme et capitalisme avait longtemps suffi à permettre aux dirigeants d’obtenir une aide internationale sous la forme d’un soutien des « pays frères ». La crise de la fin des années 1980 leur a montré que les partenaires, mais aussi les critères d’éligibilité, avaient changé. Pour assurer le développement du Viêt Nam, mais aussi la pérennité du pouvoir qu’ils représentaient, les hommes de la guerre d’hier n’ont pas renoncé aux impératifs de « sécurité et d’indépendance » du pays. Ils se sont seulement efforcés pour ce faire de tenir compte du nouveau contexte afin de profiter de « conditions internationales favorables ». Si tous s’entendaient à considérer que le pragmatisme devait s’imposer, certains dirigeants semblaient penser que l’échec du socialisme n’était pas dû à la crise de la doctrine marxiste-léniniste, mais aux erreurs dans les « perceptions théoriques » et dans « l’application » du code doctrinal.</p>
<p>Visant l’industrialisation et la modernisation au service de l’objectif ultime, « un peuple prospère, un État puissant, une société équitable, démocratique et civilisée », la stratégie choisie a été formulée lors du X<sup>e</sup> congrès du Parti communiste (avril 2006) dans des termes apparemment clairs : continuer et renforcer « les réformes », perfectionner « l’économie de marché suivant l’orientation socialiste » et réussir « l’intégration économique internationale ». Précisant comme conditions premières de sa réussite une unité nationale fortement mobilisée et un environnement stable et sécurisant, cette stratégie globale, qui se concrétise par une double action à la fois interne et externe, ne va pourtant pas sans difficulté ni équivoque.</p>
<p>Comment devrait-on désormais gérer l’ouverture à la modernité et aux opportunités de développement, tout en préservant la souveraineté et l’identité nationales ? Comment faire pour ne profiter que des « points positifs » du capitalisme dans la poursuite de la construction du socialisme ? Tout en réitérant la ferme volonté vietnamienne de ne pas se laisser diluer dans la globalisation, le <a href="https://www.lemonde.fr/disparitions/article/2013/10/04/le-general-giap-heros-de-l-independance-vietnamienne-est-mort_3490198_3382.html">général Vo Nguyên Giap</a> ne saurait dissimuler, dans une conversation avec l’ancien secrétaire d’État américain à la Défense Robert McNamara le 9 novembre 1995 à Ha Noi, la périlleuse épreuve de la réalité à laquelle le Viêt Nam est confronté :</p>
<blockquote>
<p>« Aujourd’hui, le Viêt Nam mène sa politique étrangère multilatérale. Il a ses propres identités culturelle et philosophique, mais son niveau technologique et de gestion économique laisse encore à désirer. Nous entendons bénéficier des précieuses connaissances et expériences de tous les pays sans pour autant mettre en cause notre culture, notre esprit d’indépendance et d’autonomie et nos traits de caractère vietnamiens. »</p>
</blockquote>
<p>En traçant les différentes étapes de ce qu’il appelle le « dialogue interculturel entre le Viêt Nam et l’Occident », <a href="https://journals.openedition.org/moussons/3002">l’intellectuel</a> Huu Ngoc révélait dans des termes encore plus précis tout l’enjeu dont les Vietnamiens devraient mesurer la portée :</p>
<blockquote>
<p>« Dans le dialogue culturel que nous menons avec l’Occident, nous ne sommes pas dans une position d’égal à égal à cause de notre niveau de développement économique […], il ne nous est nullement facile de préserver notre identité nationale. »</p>
</blockquote>
<p>Tout en s’abstenant de mettre en cause le socialisme, objectif à maintes reprises confirmé dans les documents importants du PC (XI<sup>e</sup> et XII<sup>e</sup> congrès du PC respectivement en 2011 et en 2016), on propose une sorte de pragmatisme économique qui ne vise qu’à rendre plus cohérente l’idéologie actuelle, en y injectant une forte dose de nationalisme. C’est bien à l’extérieur et par rapport à l’extérieur que le nationalisme vietnamien d’aujourd’hui trouve de nouveaux élans et de nouvelles sources d’inspiration. « Un peuple prospère », slogan qui prend l’allure de la fameuse formule « s’enrichir pour enrichir le pays », lancée par le Chinois Deng Xiaoping en janvier 1992, devient un quasi-néologisme pour exprimer le <a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2004/01/21/la-construction-de-l-economie-socialiste-de-marche_349978_3234.html">patriotisme</a> dans le pays d’aujourd’hui. Le sommet symbolique en a probablement été les décisions prises lors du X<sup>e</sup> congrès du Parti communiste, qui a entériné les résultats d’un débat houleux depuis des années sur, d’un côté, la capacité et le droit de tout membre du Parti, en tant que citoyen, d’être « prospère » et de contribuer ainsi à la prospérité collective et, de l’autre, sur le possible glissement de la mise en valeur de ce droit vers le terrain du « capitalisme », contraire à la déontologie, voire à l’idéal du Parti. En tout cas, les membres du Parti communiste peuvent désormais – directement et officiellement – « faire de l’économie privée », tout en préservant « la qualité de membre du Parti et l’essence du Parti ».</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/384703/original/file-20210217-21-1xnoo5g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/384703/original/file-20210217-21-1xnoo5g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/384703/original/file-20210217-21-1xnoo5g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=1030&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/384703/original/file-20210217-21-1xnoo5g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=1030&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/384703/original/file-20210217-21-1xnoo5g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=1030&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/384703/original/file-20210217-21-1xnoo5g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1294&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/384703/original/file-20210217-21-1xnoo5g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1294&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/384703/original/file-20210217-21-1xnoo5g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1294&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Ce texte est issu de <em>Idées reçues sur le Viêt Nam</em>, qui vient de paraître aux éditions Le Cavalier Bleu.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Editions Le Cavalier Bleu</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
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<p>En faveur d’une sécurité globale axée sur le pivot économique, l’unité nationale, le sens de la collectivité et le rôle consolidé de l’État et du Parti restent l’instrument clé pour faire barrage à ce que l’élite politique appelle « les forces hostiles » du socialisme. Citant les propos de Hô Chi Minh à l’anniversaire de la fondation du PC en février 2007, le secrétaire général Nông Duc Manh n’a pas hésité à condamner l’individualisme qui, faisant perdre l’unité nationale, était bien « nuisible aux intérêts de la révolution et du peuple ».</p>
<p>Au Viêt Nam, dit encore l’intellectuel Huu Ngoc, l’esprit communautaire, contraire à l’individualisme occidental, est « compris dans le sens d’esprit national, d’amour de la patrie ». Pour le <a href="https://www.humanite.fr/le-general-giap-stratege-de-la-liberte-est-mort">stratège</a> Vo Nguyên Giap :</p>
<blockquote>
<p>« La solidarité, le grand esprit d’unité, caractéristiques de la culture vietnamienne, ont donné à la Nation toute sa véhémente vitalité. »</p>
</blockquote>
<p>Cependant, dans ce pays où les premiers résultats économiques sont attribués aux valeurs asiatiques, qu’elles soient l’assiduité, le sens de la communauté, la stabilité de la famille, etc., certaines valeurs occidentales reconnues comme universelles y sont également jugées nécessaires. C’est alors au cours d’un séminaire international ayant pour thème « Les valeurs asiatiques et le développement du Viêt Nam dans une perspective comparative », organisé en mars 1999 à Ha Noi, que le génie vietnamien s’est particulièrement vu auréolé du savoir-faire, parce qu’il avait su garder une certaine stabilité, au-delà des « bouleversements économiques et sociaux à l’échelle internationale et nationale », non seulement « grâce au maintien partiel des valeurs traditionnelles », mais aussi « en adoptant avec mesure certaines valeurs occidentales comme droits de l’individu bien compris, démocratie, égalité des sexes, etc. »</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/155424/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Hien Do Benoit ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Le Viêt Nam est-il, comme on le résume souvent, un « pays communiste » ?Hien Do Benoit, Enseignante-Chercheure, Conservatoire national des arts et métiers (CNAM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1544582021-02-11T20:31:18Z2021-02-11T20:31:18ZLa Thaïlande aimantée par la Chine<p>Si le <a href="https://theconversation.com/mainmise-chinoise-croissante-sur-le-laos-146465">Laos</a> sépare géographiquement la Chine de la Thaïlande, ces deux pays ne semblent pas moins, et chaque année davantage, proches dans leurs choix de coopération.</p>
<p>Signe de ce rapprochement : en 2017, avant la pandémie, <a href="https://www.scb.co.th/en/personal-banking/stories/lifestyle-chinese-travel-thailand.html">10 millions de touristes chinois avaient visité la Thaïlande</a>. Dès 2003, Bangkok et Pékin avaient signé un accord bilatéral de libre-échange. Six ans plus tard, la Chine était devenue le troisième investisseur (<a href="https://www.nordeatrade.com/se/explore-new-market/thailand/investment">derrière le Japon et Singapour, qui se disputent la première place</a>) dans ce pays de 70 millions d’habitants. Elle a <a href="http://french.xinhuanet.com/2020-10/15/c_139443120.htm">particulièrement investi</a> dans les domaines de l’agroalimentaire, de l’exploitation minière et de l’industrie chimique.</p>
<p>Le déplacement du ministre chinois des Affaires étrangères Wang Yi à Bangkok, en <a href="https://www.fmprc.gov.cn/fra/wjb/zzjg/yzs/xgxw/t1825205.shtml">octobre dernier</a>, avait pour but de créer une synergie entre les stratégies chinoise et thaïlandaise pour renforcer la <a href="http://french.xinhuanet.com/2020-10/15/c_139443120.htm">coopération</a> entre la région de la Grande Baie chinoise Guangdong-Hongkong-Macao et le Corridor économique oriental de la Thaïlande, dans le cadre du projet des Nouvelles Routes de la soie. À la clé, une série d’accords favorisés par le ralliement des deux États au <a href="https://theconversation.com/la-chine-au-coeur-de-la-plus-grande-zone-de-libre-echange-de-la-planete-150313">Partenariat économique régional global (RCEP)</a>, et qui leur permettra sans doute d’intensifier leurs échanges, y compris dans les domaines stratégique et <a href="https://www.thailande-fr.com/politique/106731-la-chine-envisage-une-implantation-militaire-en-thailande">militaire</a>.</p>
<p>L’axe Pékin/Bangkok n’est pas sans susciter des inquiétudes en Asie du Sud-est, particulièrement auprès de la jeunesse thaïlandaise (et plus largement du sud-est asiatique et taïwanaise) qui, <a href="https://thediplomat.com/2020/05/will-the-milk-tea-war-have-a-lasting-impact-on-china-thailand-relations/">sur les réseaux sociaux</a>), n’hésite pas à <a href="https://lepetitjournal.com/bangkok/les-tensions-entre-la-chine-et-lasie-du-sud-est-embrasent-twitter-278413">dénoncer</a> cette collusion naissante entre deux régimes autoritaires.</p>
<h2>Une coopération à l’échelle du sous-continent</h2>
<p><a href="https://asialyst.com/fr/2020/11/03/thailande-manifestations-democratie-monarchie/">Régime monarchique</a>, la Thaïlande a longtemps favorisé ses échanges économiques avec les États-Unis et le Japon. Mais la création de l’Asean d’une part, l’émergence de la Chine de l’autre l’ont conduite à partir des années 1970 au choix d’une politique étrangère marquée par la <a href="https://theconversation.com/asie-du-sud-est-et-asie-centrale-deux-laboratoires-strategiques-de-lexpansion-chinoise-137295">recherche systématique d’une neutralité et d’un équilibre avec ses différents partenaires</a>. Pékin a toujours su <a href="https://asialyst.com/fr/2020/10/24/chine-mene-offensive-charme-asie-sud-est-japon-embuscade/">s’appuyer sur Bangkok à l’échelle de l’Asean</a> pour le développement des relations commerciales ou le règlement des différends et litiges territoriaux.</p>
<p>C’est dans ce contexte que Pékin a proposé (dès les années 2000) à ses voisins du sud-est asiatique de coopérer davantage dans le cadre du programme <a href="https://www.adb.org/publications/greater-mekong-subregion-economic-cooperation-program-overview"><em>Greater Mekong Subregional Economic Zone</em></a>. Mis en place par la Banque asiatique du développement, il confère à Kunming, capitale régionale du Yunnan, un <a href="https://www.cairn.info/revue-annales-de-geographie-2010-1-page-52.htm">rôle clé</a> comme <em>hub</em> interrégional entre le sud de la Chine et les zones riveraines les plus proches. Cette interconnexion est favorisée par le ferroviaire (les villes chinoises seront reliées en TGV à Singapour via Bangkok) ; en outre, le développement du numérique et de la 5G va largement concerner le Laos, le Myanmar, le Vietnam et la Thaïlande, c’est-à-dire un marché de 300 millions de personnes.</p>
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<p>Dans cette configuration, la coopération avec la Thaïlande s’avère des plus cruciales. Elle s’est accélérée après le <a href="https://asiepacifique.fr/junte-militaire-thailande-chine-arnaud-dubus/">putsch survenu dans ce pays en 2014</a>, lequel s’est traduit par une militarisation grandissante de l’État. L’attraction chinoise s’est alors renforcée. Ainsi, le tronçon TGV entre Nakhon Ratchasima et Bangkok, soit 253 kilomètres de voies, sera réalisé par une entreprise d’État chinoise et opérationnel en 2023. Il sera connecté successivement à Vientiane (capitale du Laos) puis à Kunming.</p>
<p>Cette interconnexion triangulaire Thaïlande/Laos/Chine a également une dimension fluviale. Le développement de barrages pour subvenir à la gigantesque consommation d’électricité chinoise déborde très largement sur la partie avale des fleuves nés en Chine (Mékong, Irrawaddy, Salouen, fleuve Rouge). Il n’est pas sans <a href="https://www.lemonde.fr/planete/article/2020/09/07/barrages-sur-le-mekong-quand-les-chinois-ouvrent-les-vannes-c-est-un-geste-politique_6051322_3244.html">perturber</a> les écosystèmes, les richesses halieutiques du fleuve et les sociétés locales avales, jusqu’à susciter de très importants bouleversements dans les prochaines années. L’aménagement du Mékong à la frontière du Laos et de la Thaïlande permettra, en effet, le passage de cargos chinois de 500 tonnes. En amont, le passage de navires de 150 tonnes reliant Kunming à Luang Prabang sur un trajet de 630 kilomètres est d’ores et déjà possible.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1302966277984718849"}"></div></p>
<p>La coopération entre les deux pays s’est étend aussi <a href="https://pmb.cereq.fr/doc_num.php?explnum_id=4578">au domaine universitaire</a>. Plus de 30 000 étudiants chinois étudient en Thaïlande chaque année, et 20 000 étudiants thaïlandais en Chine. Cet afflux s’appuie sur un précédent multiséculaire : la <a href="http://geoconfluences.ens-lyon.fr/doc/etpays/Chine/ChineScient.htm">présence en Thaïlande d’une importante diaspora chinoise</a>, et tout particulièrement celle issue des régions méridionales comme le Guangdong, le Fujian et l’île de Hainan. En témoignent les temples dédiés à Guanyu (saint patron des commerçants), Mazu (protecteur des marins) et Guanyin (nom chinois donné à la déesse bouddhiste de la miséricorde) des districts respectivement de Khlong San, Bang Rak et de Thonburi de la métropole de Bangkok. La plupart ont été édifiés sous la dynastie Qing (1644-1911) et les <a href="https://www.leseditionsdupacifique.com/fr/catalogue/encyclopedie-de-la-diaspora-chinoise/">communautés chinoises y représentent aujourd’hui entre 10 et 14 % de la population</a>.</p>
<p>Proximité de la langue et conversion au bouddhisme ont permis à beaucoup d’entre eux de s’assimiler à la société thaïe, au point même de <a href="https://www.erudit.org/fr/revues/ei/2001-v32-n4-ei3087/704349ar.pdf">vouloir changer leur nom chinois d’origine</a>. On ne compte plus ces élites marchandes versées dans les deux cultures. Des réseaux de marchands aux élites politiques, la société thaïlandaise constitue dans une large mesure une synthèse diasporique chinoise en Asie du Sud-Est. De <a href="https://asialyst.com/fr/2018/10/25/pourquoi-touristes-chinois-se-ruent-sur-thailande/">l’hôtellerie à la restauration</a> en passant par les <a href="https://www.cairn.info/revue-pouvoirs-2010-1-page-57.htm">réseaux mafieux de prostitution</a>, par la construction ou par l’agriculture, la part de la diaspora chinoise est fondamentale.</p>
<p>Au plus haut sommet de l’État, la <a href="https://www.fmprc.gov.cn/fra/wjdt/wjhd/t1706777.shtml">princesse Sirindhom</a>, qui maîtrise parfaitement le mandarin, s’est vu remettre par les autorités chinoises la médaille de l’amitié pour sa traduction de nombreux romans chinois en langue thaïe. Ces atouts participent d’un rapprochement encore plus déterminant pour l’avenir : la <a href="https://thediplomat.com/2019/09/china-thailand-military-ties-in-the-headlines-with-new-shipbuilding-pact/">vente d’armements chinois</a>.</p>
<h2>Vente d’armes et dialogue stratégique dans la périphérie chinoise</h2>
<p>En moins de deux décennies, la RPC s’est imposée comme un <a href="https://journals.openedition.org/conflits/121">marchand d’armes majeur en Asie</a>. Au premier rang de ses clients figurent le Pakistan, le Cambodge, le Bangladesh et la Thaïlande. Les premiers chars d’assaut chinois du type VT-4, sur une commande totale de 28 engins, ont été <a href="https://centreasia.eu/la-diplomatie-chinoise-de-larmement-en-asie-du-sud-est-florence-geoffroy/">livrés en octobre 2017</a> dans le cadre d’un contrat se montant à 4,9 milliards de bahts (126 millions d’euros). Des commandes pour vingt tanks supplémentaires ont été passées fin 2018.</p>
<p>Ces chars d’assaut chinois vont remplacer les tanks américains M-41 achetés il y a quarante ans. 34 véhicules de l’avant-blindé chinois du type VN-1 ont également été commandés pour une somme de 2,3 milliards de bahts (60 millions d’euros). Dans ces deux cas de figure, l’une des conditions de la vente est l’établissement en Thaïlande d’unités de production de pièces détachées pour la maintenance de ces engins militaires. Trois usines ont été planifiées, une pour l’armée de terre à Nakhon Ratchasima (Nord-Est), une pour l’armée de l’air à Nakhon Sawan (Nord) et une pour la marine près de la base navale de Sathahip (Est), ce qui pourrait être un facteur clé pour pérenniser l’approvisionnement en armements chinois de la Thaïlande. Cette dernière usine devrait surtout servir à la <a href="https://thediplomat.com/2019/09/china-thailand-submarine-deal-in-the-headlines-with-keel-laying-ceremony/">maintenance des trois sous-marins chinois S26T de la classe Yuan</a> dont l’achat pour un total de 36 milliards de bahts (931 millions d’euros) a été décidé par le gouvernement thaï en 2017.</p>
<p>L’achat des sous-marins à la Chine a provoqué la colère d’une large partie de la jeunesse thaïlandaise. Alors que la <a href="https://asialyst.com/fr/2020/07/25/coronavirus-pauvrete-installe-thailande/">pandémie impacte lourdement et durablement l’économie du pays</a> (chute des exportations et mise à l’arrêt du tourisme), l’achat de matériel militaire (très couteux) n’apparaissait pas comme une priorité. La transaction a d’ailleurs été retardée à la <a href="https://asia.nikkei.com/Politics/Turbulent-Thailand/Thailand-shelves-Chinese-submarine-deal-after-public-backlash">demande</a> de Prayut Chan-O-Cha, premier ministre et ministre de la Défense. Quoi qu’il en advienne, cet achat de sous-marins par Bangkok suscite plusieurs interrogations stratégiques : quels usages dans des eaux assez peu profondes ? L’avenir nous dira si la Thaïlande est reléguée au rang de prestataire de la Chine dans le domaine des armements ou si, au contraire, elle est amenée à devenir à son tour un exportateur d’armes stratégiques conséquentes en soi.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1300808683778117632"}"></div></p>
<p>Au-delà des achats d’armements chinois, une série d’exercices militaires conjoints sino-thaïlandais ont contribué à renforcer les relations militaires bilatérales : un exercice aérien, <a href="https://thediplomat.com/2020/04/flankers-vs-gripens-what-happened-at-the-falcon-strike-2015-exercise/">« Falcon Strike »</a> en novembre 2015 ; un exercice naval conjoint, <a href="https://thediplomat.com/tag/thailand-china-blue-strike/">« Blue Strike »</a>, en mai-juin 2016 (cet exercice avait connu sa première édition en 2010) ; et des manœuvres conjointes des armées de terre, qui ont commencé dès 2007 avec l’exercice « Strike ». Ce rapprochement militaire avec la Chine vise à contrebalancer les exercices menés conjointement par l’armée thaïe et celle des États-Unis dans le cadre des opérations <a href="https://thediplomat.com/2020/03/cobra-gold-2020-americas-strategic-shift-in-southeast-asia/">« Cobra Gold »</a> ou encore celles engagées au mois de mars dernier au large des îles Andaman. La Chine y était invitée par l’envoi d’un commando. Cette participation avait valeur de symbole mais ne doit guère faire illusion dans le climat général de détérioration qui oppose Washington à Pékin dans cette partie du monde. Elle ne saurait, non plus, remettre en cause le choix du gouvernement thaïlandais de privilégier durablement sa relation avec la Chine.</p>
<p>Alors que les relations sino-indiennes se détériorent et que Delhi entend se rapprocher du Vietnam sur le plan stratégique ou par l’exploitation du pétrole off-shore au sud de la mer de Chine, l’entente affichée par les dirigeants de Pékin et de Bangkok s’apparente d’ores et déjà à une alliance de revers et donne ainsi accès à la Chine à des pratiques militaires dans des eaux régionales d’une importance majeure.</p>
<p>Les exercices bilatéraux et multilatéraux offrent un avantage politique à la RPC : ils permettent à l’Armée populaire de libération (APL) de <a href="https://thediplomat.com/2016/05/thailand-to-buy-battle-tanks-from-china/">démontrer ses capacités croissantes</a>, de communiquer ses positions, d’améliorer ses capacités dans des domaines tels que les opérations de mobilité, la logistique, les procédures et les tactiques. Enfin, ils permettent à <a href="https://www.scmp.com/news/asia/southeast-asia/article/3040311/how-china-replacing-us-thailands-main-defence-partner-and">l’APL de renforcer la coopération régionale en matière de sécurité</a>. </p>
<p>Le risque de <a href="https://www.defense.gouv.fr/content/download/545816/9326502/file/OBS %202016-03 %20Asie %20du %20Sud %20Est %20FACAL %20Les %20groupes %20islamistes %20radicaux %20en %20Asie %20du %20Sud-Est.pdf">radicalisation islamiste dans le sud de la Thaïlande</a> est réel et nécessite une coopération de la même ampleur que celle engagée plus au nord par la Chine dans la lutte contre les narcotrafics (malgré une ancienne porosité des frontières et une collusion des réseaux criminels de chacun des deux États). Elle permet à Bangkok de diversifier ses partenariats et de tenir compte du rôle grandissant exercé par la Chine dans la région, si l’on en juge par l’attitude de Pékin se refusant de condamner de coup de la junte militaire au Myanmar.</p>
<p>La voix de l’Union européenne reste à définir tant du point de vue commercial que stratégique, à l’heure où <a href="https://www.iss.europa.eu/sites/default/files/EUISSFiles/Brief%203 The%20Indo-Pacific_0.pdf">plusieurs États de l’Union</a> avancent sur la <a href="https://www.lowyinstitute.org/the-interpreter/outlines-european-policy-indo-pacific">définition d’un concept commun pour l’Indo-pacifique</a>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/154458/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Emmanuel Véron est délégué général du FDBDA.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Emmanuel Lincot ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Traditionnellement proche des États-Unis et du Japon, la Thaïlande se rapproche désormais de la Chine sur de nombreux plans.Emmanuel Véron, Enseignant-chercheur - Ecole navale, Institut national des langues et civilisations orientales (Inalco)Emmanuel Lincot, Spécialiste de l'histoire politique et culturelle de la Chine contemporaine, Institut catholique de Paris (ICP)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1546622021-02-10T20:47:35Z2021-02-10T20:47:35ZXIIIᵉ congrès du Parti communiste du Viêt Nam : l’art de ne rien changer<p>Les congrès quinquennaux du Parti communiste du Viêt Nam (PCVN), qui <a href="https://indomemoires.hypotheses.org/32120">contrôle la totalité du pouvoir dans le pays</a>, attirent toujours l’attention des observateurs, spécialement depuis le VI<sup>e</sup> congrès, tenu en 1986, surnommé le <a href="https://www.jstor.org/stable/25797929?seq=1">congrès du <em>Đổi Mới</em></a> (<em>changer pour faire du neuf</em>), et considéré comme le point de départ d’une <a href="http://www.lecavalierbleu.com/livre/idees-recues-viet-nam/">nouvelle ère nationale</a>. Ces grand-messes sont donc suivies de très près : on s’attend à ce qu’elles annoncent les lignes directrices pour les politiques futures et désignent les principaux acteurs du régime vietnamien.</p>
<p>De ces deux points de vue, le <a href="https://www.franceculture.fr/emissions/les-enjeux-internationaux/faut-il-croire-au-miracle-vietnamien">XIIIᵉ congrès</a>, qui s’est déroulé du 25 janvier au 1<sup>er</sup> février 2021, au moment où une <a href="https://lepetitjournal.com/ho-chi-minh/la-pandemie-de-covid-19-sengouffre-hanoi-297447">nouvelle vague</a> de contaminations touche Hanoi, risquant d’engendrer des effets notables sur la gestion de la crise, aura déçu les chasseurs de grands changements. L’essence de ce congrès s’appréhende en peu de mots : <em>Dĩ bất biến, ứng vạn biến</em> (<em>Recourir à l’immuable pour répondre à l’inconstant</em>), formule officiellement exprimée par les autorités vietnamiennes. Autrement dit : pour faire face à une multitude de changements, il convient de garder ses principes et de rester imperturbable.</p>
<h2>L’immuable et l’inchangé</h2>
<p>« L’immuable » se ressent d’abord et avant tout dans les termes de la résolution adoptée à la clôture du congrès. Celle-ci confirme l’attachement du parti à la mise en application de la doctrine marxiste-léniniste ainsi qu’à la <a href="https://www.lecourrier.vn/quand-le-peuple-choisit-le-marxisme-leninisme-et-la-pensee-ho-chi-minh/884275.html">pensée de Hô Chi Minh</a> ; elle réitère également les objectifs ultimes de défense de l’indépendance et de l’intérêt national, ainsi que de construction du socialisme. <a href="https://www.lesechos.fr/monde/asie-pacifique/le-double-visage-du-vietnam-1283830">Le projet</a> d’amendement de la Charte du Parti a été, par décision unanime, reporté.</p>
<p>« L’inchangé » pourrait s’observer, sur une autre échelle, dans la <a href="https://fr.daihoidang.vn/">nouvelle composition des plus hautes instances du Parti</a>. Il semble plus que jamais « urgent d’attendre », dans la mesure où les <a href="https://theconversation.com/a-quoi-pourrait-ressembler-la-politique-etrangere-de-joe-biden-149381">reconfigurations de la scène politique internationale</a> demeurent complexes à maîtriser pour Hanoi. En effet, la concurrence stratégique entre les États-Unis et la Chine, toujours énergique dans ses revendications maritimes en <a href="https://www.lesechos.fr/monde/chine/les-tensions-sino-americaines-en-mer-de-chine-en-cinq-questions-1238318">mer de Chine méridionale</a>, rend le contexte instable.</p>
<p>Hanoi est d’autant plus désireuse de ne rien changer que plusieurs indicateurs et projections économiques semblent parler en faveur du pouvoir en place.</p>
<p>Le pays a été cité par les institutions mondiales comme l’un des meilleurs exemples en matière de <a href="https://www.courrierinternational.com/article/efficacite-le-covid-19-une-anedocte-pour-la-grande-fete-du-parti-communiste-vietnamien">gestion</a> de la pandémie. Le Viêt Nam, avec ses 97 millions d’habitants, est situé aux portes de la Chine, tout près de « l’œil du cyclone ». Il nous montre comment contenir la Covid-19 avec des ressources limitées, écrivent dès mars 2020 experts et journalistes avec autant d’admiration que d’étonnement.</p>
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<figcaption><span class="caption">coronavirus : la stratégie gagnante du Viêt Nam face à l’épidémie.</span></figcaption>
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<p>Alors que la quasi-totalité des pays de la planète sont entrés en récession, le Viêt Nam a enregistré en 2020 un taux de <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2021/01/25/le-vietnam-tire-profit-des-ravages-de-la-pandemie-contenus-sur-son-sol_6067503_3210.html">croissance économique</a> de 2,9 %. Cette même année, il a assuré sans encombre la présidence de <a href="https://asean.org/summary-regional-comprehensive-economic-partnership-agreement/">l’Asean</a> et est devenu membre du <em>Regional Comprehensive Economic Partnership</em>, le partenariat le plus important au monde en termes de production (30 % du PIB mondial) et de marché de consommation (30 % de population mondiale), regroupant les pays de l’Asean, la Chine, le Japon, la Corée du Sud, l’Australie et la Nouvelle-Zélande.</p>
<h2>L’urgence de l’unité</h2>
<p>C’est ainsi que, comme prévu, Nguyên Phu Trong, 77 ans, a été reconduit au poste de secrétaire général du comité central du PCVN pour un troisième mandat, placé sous le signe du consensus (<em>nhất trí</em>) et de l’unité (<em>đoàn kết</em>). Face aux multiples incertitudes et impermanences, cet inlassable gardien du dogme connu pour <a href="https://indomemoires.hypotheses.org/26134">son combat contre la corruption</a> se présente comme la solution de la continuité.</p>
<p>Certains <a href="https://www.rfa.org/vietnamese/news/blog/party-congress-13-will-four-pillar-candidates-be-approved-by-plenum-15-01142021101159.html">observateurs extérieurs</a> considèrent cette reconduction comme le signe d’une mauvaise préparation des générations dirigeantes futures, voire d’un affaiblissement du PCVN, qui rassemble aujourd’hui environ 5 % de la population. Le discours intérieur, lui, met en exergue la convergence de la solidité et de l’expérience politique qu’incarne Nguyên Phu Trong, dont l’État-Parti a besoin dans le contexte actuel.</p>
<p>Certes, le Viêt Nam n’est pas la Chine et malgré tout ce que peut représenter Trong pour le Parti, il ne peut pas actionner autant de leviers que ceux dont dispose Xi Jinping. Trong n’aura pas autant de pouvoir que son homologue chinois en a dans son propre pays, alors même qu’il cumule les fonctions de secrétaire général du Parti et de <a href="https://www.aa.com.tr/en/asia-pacific/nguyen-phu-trong-becomes-new-president-of-vietnam/1290595">président de la République</a> depuis le décès en 2018 de Tran Dai Quang, alors chef de l’État.</p>
<p>Lors de la conférence de presse de clôture du congrès, « l’homme de la situation » pour les uns ou « l’homme par défaut » pour les autres n’a pas hésité à reconnaître son mauvais état de santé et a insisté sur l’urgence de l’unité, considérée comme étant « la condition de l’immuable ». Elle est selon lui le seul gage de réussite qui fait sens face aux défis actuels et futurs :</p>
<blockquote>
<p>« Je ne suis pas si en forme, mon âge est déjà avancé […] mais le Congrès m’a élu, donc, en tant que membre du Parti je dois remplir mon devoir. Je fais de mon mieux mais, que je puisse le faire ou non, c’est grâce au collectif, à la solidarité, à l’unité, à la volonté collective, au parti tout entier, à l’ensemble du peuple et à toute l’armée. Le rôle que peut jouer chaque individu est important mais pas suffisant. »</p>
</blockquote>
<h2>Le sens de la continuité</h2>
<p>Le cas de Trong n’est pas isolé. Parmi les 200 membres du comité central du XIII<sup>e</sup> congrès (180 membres officiels et 20 membres suppléants), outre Trong, on observe neuf autres « exceptions » (à savoir des dérogations à la limite d’âge de 60 ans pour les candidats au comité central et de 65 ans pour le Bureau politique), notamment l’actuel premier ministre Nguyên Xuân Phuc, quatre membres du comité central du XII<sup>e</sup> congrès et quatre nouveaux entrants.</p>
<p>Les <a href="https://thanhnien.vn/thoi-su/dai-hoi-xiii/nhung-so-lieu-thong-ke-tu-danh-sach-bo-chinh-tri-ban-chap-hanh-tu-khoa-xiii-1336891.html">membres officiels</a> ayant moins de 50 ans représentent 21,1 %, dont le plus jeune a 42 ans ; les membres ayant entre 50 et 60 ans en constituent 70 % ; et ceux de plus de 60 ans 8,9 %. Il y a relativement peu de femmes membres de comité central, à peine un membre sur dix (9,5 %). Enfin, le Bureau politique élu compte 18 membres, dont une seule femme (contre trois dans le précédent Bureau politique).</p>
<p>Les cartes vont être prochainement rebattues, toujours dans la droite ligne de la continuité. Dans ce sens, on s’attend à ce que Nguyên Xuân Phuc, premier ministre et aussi membre du nouveau Bureau politique, soit élu président de la République, plus tard dans l’année, par l’Assemblée nationale. La question est de savoir s’il rendra alors le rôle présidentiel plus important qu’il ne l’a été jusqu’ici.</p>
<p>Pendant la présidence vietnamienne de l’Asean tout au long de l’année 2020, et dans la lutte contre la pandémie de la Covid-19, Phuc a été très visible tant sur la scène nationale qu’internationale, et cela – semble-t-il – en raison de la mauvaise santé réelle ou apparente du (secrétaire général) président Trong. Le remplacement de Phuc par un nouveau premier ministre, en l’occurrence Pham Minh Chinh, chef de la commission centrale d’organisation du Parti et numéro 3 du Bureau politique, apparaîtrait comme un signe de continuité hiérarchique et confirmerait les modalités de partage du pouvoir au sein de la direction collégiale du Viêt Nam.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/154662/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Hien Do Benoit est enseignante-chercheure rattachée au Laboratoire interdisciplinaire de recherches en sciences de l'action (CNAM-LIRSA). Les opinions exprimées dans cet article n'engagent que les auteurs.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>David Camroux a reçu des financements de l'Union européenne dans le cadre d'un projet Horizon 2020, CRISEA, qui concerne la régionalisation en Asie du sud est.
La liberté académique est totale au sein de ce projet.
</span></em></p>Le treizième congrès du Parti communiste du Viêt Nam a été placé sous le signe de la continuité. Le Parti contrôle toujours étroitement le pouvoir et son secrétaire général a été reconduit.Hien Do Benoit, Enseignante-chercheure, Conservatoire national des arts et métiers (CNAM)David Camroux, Senior Research Associate (CERI) Sciences Po; Professorial Fellow, (USSH) Vietnam National University, Sciences Po Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1544302021-02-04T21:30:24Z2021-02-04T21:30:24ZEn Birmanie, la junte militaire renoue avec ses vieux démons<p>Juste avant l’investiture des nouveaux membres du Parlement, qui devait avoir lieu lundi 1<sup>er</sup> février, les militaires ont <a href="https://www.theguardian.com/world/2021/feb/01/aung-san-suu-kyi-and-other-figures-detained-in-myanmar-raids-says-ruling-party">arrêté</a> Aung San Suu Kyi, qui dirigeait de fait le pays, le président Win Myint et d’autres figures clés du parti démocratiquement élu, la Ligue nationale pour la démocratie (NLD).</p>
<p>Les militaires ont ensuite <a href="https://www.theguardian.com/world/2021/feb/01/aung-san-suu-kyi-and-other-figures-detained-in-myanmar-raids-says-ruling-party">annoncé</a> avoir pris le contrôle du pays pour douze mois et déclaré l’état d’urgence. Que la junte le reconnaisse ou non, il s’agit d’un coup d’État.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1356029505576419330"}"></div></p>
<h2>Une élection contestée et des accusations de fraude</h2>
<p>En novembre, la NLD et Aung San Suu Kyi ont remporté une <a href="https://theconversation.com/aung-san-suu-kyi-wins-big-in-myanmars-elections-but-will-it-bring-peace-or-restore-her-reputation-abroad-149619">large victoire</a> lors des élections nationales. À l’inverse, le Parti de l’union, de la solidarité et du développement (USDP), soutenu par les militaires, <a href="https://www.lowyinstitute.org/the-interpreter/myanmar-s-military-backed-opposition-party-stares-political-abyss">obtenait des résultats décevants dans ses bastions traditionnels</a>.</p>
<p>Humilié par le résultat, l’USDP <a href="https://www.irrawaddy.com/opinion/analysis/myanmars-losing-party-keeps-pushing-claims-election-fraud-seeks-overturn-outcome.html">a prétendu</a> que les élections avaient fait l’objet de fraudes massives. Mais les observateurs internationaux, parmi lesquels le Centre Carter, le <a href="https://anfrel.org/category/country-profiles/myanmar/">Réseau asiatique pour des élections libres</a> et la mission d’observation des élections de l’Union européenne, ont <a href="https://www.mmtimes.com/national-news/17540-myanmar-polls-a-success-international-observers.html">contredit ces affirmations</a>. La déclaration préliminaire de l’Union européenne précisait que 95 % des observateurs estimaient que le processus s’était « bien », voire « très bien », déroulé.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/aung-san-suu-kyi-wins-big-in-myanmars-elections-but-will-it-bring-peace-or-restore-her-reputation-abroad-149619">Aung San Suu Kyi wins big in Myanmar's elections, but will it bring peace — or restore her reputation abroad?</a>
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<p>Des organisations locales de confiance telles que <a href="https://www.facebook.com/PACEMyanmar/community/">l’Alliance populaire pour des élections crédibles</a> ont confirmé ces observations. Le 21 janvier, ces groupes ont publié un <a href="https://www.pacemyanmar.org/mmobservers-statment-eng/">communiqué commun</a> selon lequel</p>
<blockquote>
<p>« les résultats des élections sont crédibles et reflètent la volonté de la majorité des électeurs ».</p>
</blockquote>
<p>Cependant, s’inspirant de l’exemple de Donald Trump, l’USDP a maintenu ses accusations de fraude, malgré l’absence de preuves tangibles, afin de saper la légitimité des élections.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/381547/original/file-20210201-20282-1srvmqm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/381547/original/file-20210201-20282-1srvmqm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/381547/original/file-20210201-20282-1srvmqm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/381547/original/file-20210201-20282-1srvmqm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/381547/original/file-20210201-20282-1srvmqm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/381547/original/file-20210201-20282-1srvmqm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/381547/original/file-20210201-20282-1srvmqm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Des militants proches de la junte birmane contestent le résultat des élections à Yangon le week-end dernier.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Thein Zaw/AP</span></span>
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</figure>
<p><a href="https://mailchi.mp/frontiermyanmar.net/tense-election-enters-home-stretch-2948606?e=aa4da994bf">Dans un premier temps</a>, les militaires n’ont pas repris à leur compte les affirmations de l’USDP mais ils ont progressivement fait cause commune avec le parti. <a href="https://www.bangkokpost.com/opinion/opinion/2058863/military-stokes-coup-fears-amid-political-crisis">La semaine dernière</a>, le commandant en chef des forces armées, le général Min Aung Hlaing, n’excluait pas la possibilité un coup d’État.</p>
<p>Dès le lendemain, la commission électorale du pays <a href="https://www.rfa.org/english/news/myanmar/election-fraud-01282021184631.html">a rompu son silence, qui durait depuis des semaines</a> et fermement rejeté les accusations de fraude massive de l’USDP, ouvrant la voie à ce que l’historien birman Thant Myint-U a qualifié de « crise constitutionnelle birmane la plus sévère depuis le départ de l’ancienne junte en 2010 ».</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/381548/original/file-20210201-23-y25d20.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/381548/original/file-20210201-23-y25d20.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/381548/original/file-20210201-23-y25d20.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/381548/original/file-20210201-23-y25d20.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/381548/original/file-20210201-23-y25d20.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/381548/original/file-20210201-23-y25d20.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/381548/original/file-20210201-23-y25d20.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Les tensions étaient fortes avant l’ouverture du Parlement birman cette semaine, avec des barrages dans la capitale.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Aung Shine Oo/AP</span></span>
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</figure>
<h2>L’accord de partage du pouvoir entre civils et militaires</h2>
<p>On voit mal comment les militaires tireront parti des événements d’aujourd’hui, dans la mesure où l’accord de partage du pouvoir qu’ils avaient noué avec la NLD à travers la Constitution de 2008 leur avait déjà permis <a href="https://www.ohchr.org/Documents/HRBodies/HRCouncil/FFM-Myanmar/EconomicInterestsMyanmarMilitary/A_HRC_42_CRP_3.pdf">d’étendre leur influence et leurs intérêts économiques dans le pays</a>.</p>
<p>La junte a déjà dirigé la Birmanie pendant plus d’un demi-siècle après le coup d’État du général Ne Win en 1962. Un <a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/10357718.2013.788126?needAccess=true&journalCode=caji20">« coup d’État interne »</a> en 1988 avait porté au pouvoir un nouveau groupe de généraux. Cette junte-ci, dirigée par le général Than Shwe, autorisa les élections de 1990, qui se soldèrent par le triomphe du parti d’Aung San Suu Kyi. Les militaires <a href="https://www.jstor.org/stable/25798813">refusèrent cependant</a> de reconnaître les résultats.</p>
<p>En 2008, une nouvelle Constitution fut élaborée par la junte : elle réservait 25 % des sièges du Parlement aux militaires et leur permettait de nommer les ministres de la Défense, des Affaires transfrontalières et de l’Intérieur, ainsi qu’un vice-président. En 2010, les <a href="https://www.hrw.org/news/2010/05/26/burma-20-years-after-1990-elections-democracy-still-denied#">élections</a> furent boycottées par la NLD, mais elle remporta celles de 2015 avec fracas.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/ethical-minefields-the-dirty-business-of-doing-deals-with-myanmars-military-152318">Ethical minefields: the dirty business of doing deals with Myanmar's military</a>
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<p>Depuis le début de 2016, Aung San Suu Kyi dirigeait de fait la Birmanie, bien que les militaires ne soient pas soumis au contrôle de la société civile. Jusqu’à la semaine dernière, les relations entre les civils et les militaires pouvaient se tendre par moments, mais elles étaient dans l’ensemble apaisées, car elles reposaient sur la reconnaissance mutuelle d’intérêts convergents dans les principaux domaines de la politique nationale.</p>
<p>De fait, cet accord de partage du pouvoir a été extrêmement avantageux pour les militaires, dans la mesure où ils ont bénéficié d’une autonomie totale en matière de sécurité et conservé leurs intérêts économiques.</p>
<p>Ce partenariat a permis à la junte de mener des <a href="https://www.hrw.org/news/2020/01/22/myanmar-government-rohingya-report-falls-short">opérations de nettoyage ethnique</a> dans l’État du Rakhine en 2017, qui ont abouti à <a href="https://www.tandfonline.com/doi/full/10.1080/10357718.2020.1813251?scroll=top&needAccess=true">l’exode</a> de 740 000 Rohingya – musulmans pour la plupart – vers le Bangladesh.</p>
<p>À la suite de cette opération d’épuration ethnique, Aung San Suu Kyi a vigoureusement défendu à la fois son pays et ses militaires devant la <a href="https://www.eastasiaforum.org/2020/03/26/the-folly-of-aung-san-suu-kyis-bad-apple-defence/">Cour internationale de justice</a>. La réputation mondiale de la Birmanie (et celle d’Aung San Suu Kyi, autrefois saluée pour son éthique) ne s’en est jamais relevée.</p>
<p>Il existait néanmoins un sujet de discorde entre la NLD et les militaires : les freins constitutionnels qui rendaient impossible l’accession officielle d’Aung San Suu Kyi à la présidence. Des voix au sein de la NLD se sont également inquiétées du rôle permanent revendiqué par les forces armées pour arbitrer toutes les affaires légales et constitutionnelles du pays.</p>
<h2>Un retour en arrière pour la Birmanie</h2>
<p>Au-delà des événements de cette semaine et de leurs suites, la fragile démocratie birmane a déjà été sévèrement mise à mal par les militaires.</p>
<p>Le gouvernement de la NLD a certainement <a href="https://www.routledge.com/Myanmar-Politics-Economy-and-Society/Simpson-Farrelly/p/book/9780367110444">sa part de responsabilité</a>, mais un coup d’État militaire constitue un pas en arrière majeur pour la Birmanie, et une mauvaise nouvelle pour la démocratie dans la région.</p>
<p>Difficile de ne pas voir dans cet événement un moyen pour le général Min Aung Hlaing de conserver son rôle politique de premier plan, alors qu’il devait <a href="https://www.bangkokpost.com/opinion/opinion/2031635/whats-next-for-myanmars-military-chief-after-65-">légalement prendre sa retraite</a> cette année, à l’âge de 65 ans. Or, compte tenu du score calamiteux de l’USDP, il n’y a pas d’autre voie politique vers le pouvoir que celle de la présidence.</p>
<p>À bien des égards, le coup d’État sera contre-productif pour les militaires. Les gouvernements du monde entier vont sans doute appliquer ou renforcer les sanctions contre les membres de la junte. Les États-Unis ont d’ailleurs <a href="https://www.politico.com/news/2021/01/31/myanmar-coup-464252">publié un communiqué</a> précisant qu’ils prendraient des mesures contre les responsables. Les investissements étrangers dans le pays – à l’exception possible de ceux de la Chine – vont sans doute s’effondrer.</p>
<p>En outre, la population birmane, qui a goûté à une décennie de libertés politiques accrues, sera probablement peu encline à coopérer si un régime militaire est rétabli.</p>
<p>Les élections de 2020 ont démontré une fois de plus le peu de goût des Birmans pour le rôle politique joué par forces armées, et la popularité persistante d’Aung San Suu Kyi. Son arrestation met à mal la fragile coalition qui guidait la Birmanie pendant une période périlleuse et pourrait signer la fin chaotique de la détente bénéfique entre pouvoir civil et forces militaires.</p>
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<p><em>Traduit de l’anglais par Claire Bertrand pour <a href="http://www.fastforword.fr">Fast ForWord</a></em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/154430/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Adam Simpson ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Nicholas Farrelly a reçu des financements pour la recherche au Myanmar de la part de l'Australian Research Council.</span></em></p>Les militaires birmans bénéficiaient déjà d’une immense influence économique et politique. Dès lors, pourquoi viennent-ils de s’emparer du pouvoir par la force ?Adam Simpson, Senior Lecturer, University of South AustraliaNicholas Farrelly, Professor and Head of Social Sciences, University of TasmaniaLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1540302021-02-01T19:42:19Z2021-02-01T19:42:19ZEn Inde, les paysans aspirent à un renouveau démocratique<p>Le 26 janvier marque depuis 1950 la célébration de la République indienne, soit l’entrée en vigueur de la Constitution. Mais, cette année, les médias n’ont eu de cesse de diffuser les images d’agriculteurs indiens juchés sur le symbolique Fort Rouge, tandis qu’à quelques kilomètres, le premier ministre Narendra Modi prononçait son discours à la nation.</p>
<p>En effet, depuis deux mois, des centaines de milliers de paysans et agriculteurs arrivent du Pendjab, d’Haryana, du Rajasthan et d’Uttar Pradesh (États situés dans le nord-ouest du pays) et se massent aux portes de Delhi. Mardi, ils se sont invités à la parade militaire, un acte fort qui ponctue leur mobilisation. En dépit de heurts avec les forces de police et des efforts du gouvernement visant, selon le site indépendant Scroll.in, à <a href="https://scroll.in/article/985604/the-political-fix-how-modis-attempt-to-crush-the-farmers-protest-seems-to-have-backfired">réprimer les manifestants</a>, la mobilisation persiste.</p>
<p>Les agriculteurs réclament le <a href="https://indianexpress.com/article/india/narendra-modi-farm-bill-protests-6604630/">retrait</a>, de trois lois adoptées sans discussion en septembre 2020, qui dérégulent le marché agricole et le livrent aux grandes entreprises de l’agro-alimentaire, mettant ainsi en péril le <a href="https://www.statista.com/statistics/271320/distribution-of-the-workforce-across-economic-sectors-in-india/">fragile équilibre</a> économique de ce secteur qui emploie 41,5 % de la population (contre 26 % pour l’industrie et 32,5 % pour les services).</p>
<h2>Question agraire et crise du monde agricole en Inde</h2>
<p>Ce mouvement social d’une ampleur inédite replace au cœur du débat public indien la question agraire, généralement abordée à travers le prisme de la crise profonde que traverse le monde agricole depuis trente ans.</p>
<p>86 % des paysans indiens sont ainsi concernés par le morcellement des terres car ils <a href="https://www.livemint.com/Politics/k90ox8AsPMdyPDuykv1eWL/Small-and-marginal-farmers-own-just-473-of-crop-area-show.html">représentent</a> de petits et très petits exploitants, possédant moins de deux hectares (contre une moyenne de 61 hectares en <a href="https://www.lemonde.fr/economie-francaise/article/2018/02/24/dix-chiffres-cles-sur-l-agriculture-francaise_5261944_1656968.html">France</a> par exploitation).</p>
<p>Il est aussi question de la non-rentabilité de l’activité agricole pour la majorité des paysans indiens, <a href="https://indianexpress.com/article/india/farming-agriculture-income-farm-distress-nabard-survey-nsso-5313772">obligés</a> de recourir au travail salarié dans le secteur informel en ville (chaque ménage rural gagne en moyenne 8 059 roupies, soit 91 euros par mois) ; d’un taux de <a href="https://thewire.in/agriculture/farmer-suicides-data">suicide</a> parmi les plus élevés au monde, à cause du fardeau d’une dette impossible à rembourser ; des dégâts écologiques liés à l’agriculture intensive et à l’usage massif de pesticides.</p>
<h2>Les effets à long terme de la révolution verte</h2>
<p>Cette situation de crise est paradoxalement le fruit du pari réussi de la politique agricole mise en place dans les années 1960 pour répondre aux famines qui frappaient encore le pays et l’obligeaient à <a href="https://www.telegraphindia.com/opinion/from-aid-to-gain-remembering-food-scarcity-of-the-past-the-green-revolution-and-the-pollution/cid/1771920">importer</a> massivement du blé des États-Unis.</p>
<p>À partir de 1965, l’État nehruvien lance la <a href="https://www.eyrolles.com/Sciences/Livre/agriculture-et-alimentation-de-l-inde-9782738010322/">révolution verte</a>, un ambitieux programme de modernisation de l’agriculture, avec de nouveaux modes de culture, le passage d’une agriculture vivrière de subsistance à une agriculture commerciale intensive, l’introduction de nouvelles variétés de blé et de riz à haut rendement (qui remplacent une grande variété de céréales locales, mieux adaptées à la sécheresse, et plus riches en minéraux et vitamines, <a href="https://journalofethnicfoods.biomedcentral.com/articles/10.1186/s42779-019-0011-9#Sec7">comme le sorgho ou le millet</a>, la mécanisation de la production, l’électrification des systèmes de pompage pour l’irrigation et l’usage intensif d’engrais chimiques et de pesticides.</p>
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<figcaption><span class="caption">Réforme agraire en Inde : les petits agriculteurs à nouveau dans la rue à New Dehli.</span></figcaption>
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<p>Les États du Pendjab et de l’Haryana, à la pointe de la contestation actuelle, sont choisis comme laboratoires de la révolution verte, qui font d’eux aujourd’hui encore les greniers à riz et à blé de l’Inde, fournissant respectivement 26 % et 32 % de la <a href="https://eands.dacnet.nic.in/PDF/At%20a%20%20Glance%202019%20%20Eng.pdf">production nationale</a>.</p>
<p>Cette politique, si elle a eu sans conteste un impact positif sur la productivité agricole et a permis au pays d’atteindre <a href="https://www.jstor.org/stable/j.ctt19dzdcp">l’autosuffisance alimentaire</a>, a principalement bénéficié aux gros exploitants et s’est traduite par des <a href="https://www.downtoearth.org.in/news/agriculture/80-groundwater-in-punjab-s-malwa-unfit-for-drinking-60951">ravages écologiques</a> (érosion et pollution des sols, épuisement de la nappe phréatique…) et des problèmes de <a href="https://www.firstpost.com/india/cancer-ravages-rural-punjab-due-to-chemicals-in-pesticides-govt-assistance-fails-to-improve-situation-6228451.html">santé publique</a>.</p>
<p>Ainsi, dans le sud-ouest du Pendjab, à cause de l’usage massif de pesticides, 80 % de la nappe phréatique est polluée et les cas de cancers se multiplient : le Bathinda Cancer Institute traitait 10 648 patients en 2018 contre 6 233 deux ans plus tôt et tous les matins le <a href="https://www.downtoearth.org.in/coverage/cancer-train-9644">« train du cancer »</a> quitte la gare de Bathinda avec à son bord des malades allant se faire soigner au Rajasthan voisin.</p>
<p>Plus récemment, la libéralisation de l’économie indienne à partir des années 1990 a accéléré le phénomène de <a href="https://mulpress.mcmaster.ca/globallabour/article/view/1065">capitalisation et de marchandisation</a> de l’agriculture ; elle a également contribué à la <a href="https://anthempress.com/rural-india-facing-the-21st-century-pb">marginalisation</a> de la question agraire au sein des politiques publiques de développement, en la subordonnant aux programmes d’industrialisation et d’urbanisation.</p>
<h2>Dérégulation et fin de l’encadrement étatique du marché agricole</h2>
<p>Pour autant, le secteur agricole n’a pas été complètement livré aux lois du marché. Dans le souci d’assurer la sécurité alimentaire de plus d’un milliard d’habitants, l’État occupait – jusqu’à la récente réforme qui cristallise les oppositions – une place prépondérante dans le fonctionnement et la régulation de l’économie agraire.</p>
<p>Ainsi, le riz et le blé bénéficiaient d’un prix minimum d’achat (Minimum Support Price, MSP) garanti par l’État dans le cadre de l’Agricultural Produce Market Commitee (APMC), appelé plus communément <em>mandi</em>.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1352133829159337984"}"></div></p>
<p>Au sein de ce <a href="https://www.theindiaforum.in/article/agrarian-crisis-punjab-and-making-anti-farm-law-protests">« marché-vendeur »</a>, les distributeurs de l’agro-alimentaire devaient négocier le prix d’achat sur la base de l’offre disponible avec les agriculteurs, par l’intermédiaire de courtiers.</p>
<p>Les nouvelles lois mettent un terme à ce monopole étatique en introduisant un nouvel espace d’échange, où le prix sera directement fixé par les investisseurs et l’agro-business sur la base de la demande et imposé aux agriculteurs, ce qui se traduira par une baisse générale des prix de vente et la fin programmée du système des <a href="https://www.newindianexpress.com/opinions/2020/dec/12/how-farmers-view-the-existing-mandi-system-2235123.html"><em>mandis</em></a> et du MSP.</p>
<h2>L’enjeu : la survie des petits paysans et la propriété de la terre</h2>
<p>Ceux que nous avons rencontrés à Singhu border (un des trois lieux occupés par les manifestants à la frontière de Delhi) nous expliquent que leurs seuls revenus réguliers proviennent de la vente à prix garanti de leur récolte de blé et de riz, tandis qu’ils doivent attendre jusqu’à deux ans le paiement de leur récolte de canne à sucre, ce qui les oblige à emprunter de l’argent auprès des courtiers du <em>mandi</em>.</p>
<p>Surendettés et très précaires, tous sont d’accord pour trouver le système actuel insatisfaisant, mais la réforme, <a href="https://qz.com/india/1942448/indias-protesting-farmers-think-new-laws-benefit-ambani-adani/">disent-ils</a>, va les obliger à vendre leur lopin de terre aux grands groupes industriels proches du pouvoir, en particulier ceux des millionnaires Ambani et Adani.</p>
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<figcaption><span class="caption">Inde : la réforme de l’agriculture, coup de grâce pour les petits paysans.</span></figcaption>
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<p>Or, l’agriculture en Inde, bien plus qu’une simple activité économique, est source d’identité et la propriété foncière, une marque de <a href="https://www.jstor.org/stable/4416240?seq=2#metadata_info_tab_contents">statut social</a>, tout particulièrement pour les castes dominantes, d’où l’attachement viscéral des manifestants à la terre, réaffirmé par l’un d’entre eux, « la terre est notre mère », et leur détermination à tenir le siège jusqu’au retrait des lois.</p>
<p>Dans ce but, chaque groupe de fermiers est venu avec six mois de provisions stockées dans une remorque attachée à un tracteur, qui leur sert également de lieu de vie.</p>
<h2>À la pointe de la contestation : les sikhs</h2>
<p>Reconnaissables à leur turban et à leur barbe, les <a href="https://www.albin-michel.fr/ouvrages/les-sikhs-9782226182821">sikhs</a>, majoritaires au Pendjab, mènent la contestation. Né au XV<sup>e</sup> siècle et s’affirmant comme une troisième voie entre l’hindouisme et l’islam, le sikhisme constitue la cinquième religion au monde par le nombre d’adhérents (30 millions), mais il ne représente qu’une toute petite minorité de la population indienne (2 %).</p>
<p>Pour galvaniser les participants et leur faire supporter les froides nuits d’hiver de la capitale indienne (plusieurs paysans y ont succombé), le mouvement s’inspire largement de l’ethos martial des sikhs et de leur histoire faite de luttes contre ce qu’ils perçoivent comme les injustices du pouvoir central.</p>
<p>Les pratiques et les institutions socioreligieuses sikhes organisent la vie quotidienne des campements. Ainsi le <em>langar</em>, le réfectoire communautaire attaché à chaque lieu de culte sikh, sert-il en continu et gratuitement des repas, y compris aux policiers qui ont malmené les protestataires et à la population locale.</p>
<p>Le <em>langar</em> fonctionne grâce au <em>seva</em> (<a href="https://www.wisdomlib.org/definition/seva">service volontaire</a>), un autre pilier de l’éthique sikhe, qui comprend dons de nourriture ainsi que préparation et distribution des repas par une armée toujours renouvelée de bénévoles.</p>
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<figcaption><span class="caption">« Personne ne peut lutter le ventre vide », un vidéo sur le <em>langar</em> (Boom).</span></figcaption>
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<p>Le symbolisme omniprésent de la commensalité, la nourriture partagée en commun par-delà les barrières de caste et de religion, et la figure sociale du paysan qui nourrit la nation (annadata) ont fortement contribué à l’immense popularité dont bénéficie le mouvement bien au-delà de l’Inde rurale.</p>
<p>Enfin, les paysans sikhs s’appuient sur le soutien enthousiaste d’une diaspora prospère et influente, qui a su donner un écho international au mouvement, conduisant ainsi Justin Trudeau, le premier ministre canadien à s’exprimer sur le sujet, ce qui a provoqué des <a href="https://theconversation.com/la-crise-agricole-en-inde-provoque-un-imbroglio-politique-avec-le-canada-152596">tensions diplomatiques</a> avec l’Inde.</p>
<h2>Un large soutien populaire</h2>
<p>Ce répertoire culturel et religieux propre aux sikhs n’empêche cependant pas la participation des paysans majoritairement hindous des États voisins de Delhi, ni le soutien des <a href="https://theconversation.com/les-femmes-musulmanes-selevent-contre-le-nationalisme-hindou-en-inde-133114">musulmans</a> (qui n’ont pas oublié l’aide apportée par les sikhs lors du mouvement contre la réforme de la citoyenneté <a href="https://theconversation.com/violences-anti-musulmanes-en-inde-quelle-responsabilite-pour-le-gouvernement-modi-132884">l’an dernier)</a>, des milieux progressistes et sécularistes et de la gauche indienne, dont sont issus les syndicats paysans à l’initiative du mouvement.</p>
<p>L’unité et l’organisation sans faille dont ont fait preuve ces derniers ont permis au mouvement de déjouer les tentatives du parti au pouvoir, le BJP, de ternir son image, les médias à sa solde présentant tour à tour les paysans comme des <a href="https://scroll.in/article/981677/no-matter-how-hard-the-propagandists-try-protesting-farmers-wont-be-seen-as-anti-national">terroristes</a> ou des illettrés manipulés par l’opposition.</p>
<p>L’enjeu est de taille : outre la survie du monde paysan, le mouvement en cours se bat pour les libertés démocratiques des citoyens indiens, en réclamant la libération des opposants emprisonnés ; pour la préservation du fédéralisme à l’indienne, malmené par les visées centralisatrices du <a href="https://www.epw.in/journal/2020/41/commentary/bjps-farming-policies.html">parti au pouvoir</a> ; il affirme enfin sa solidarité avec le monde ouvrier, durement frappé par la <a href="https://thewire.in/labour/labour-laws-changes-turning-clock-back">suspension du droit du travail</a> depuis mai 2020 dans plusieurs États contrôlés par le BJP.</p>
<p>Cette solidarité entre le monde paysan et le monde ouvrier, qui s’est concrétisée le 26 novembre dernier par la plus grande <a href="https://scroll.in/latest/979506/ten-central-trade-unions-observe-bharat-bandh-today-transport-banking-services-to-be-affected">grève</a> de l’histoire de l’Inde, rassemblant 250 millions de personnes à travers le pays, pourrait bien constituer la plus sérieuse menace pour la droite nationaliste hindoue au pouvoir et sa politique autoritaire, national-populiste et ultra-libérale.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/154030/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>David Andre Karnail Singh receives funding from University of East Anglia/University of Copenhagen. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Christine Moliner ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Le mouvement social d’une ampleur inédite qui agite aujourd’hui l’Inde replace au cœur du débat la question agraire et le futur de millions de personnes.Christine Moliner, Associate professor, O.P. Jindal Global UniversityDavid Singh, PhD researcher, University of East AngliaLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1543972021-02-01T19:39:21Z2021-02-01T19:39:21ZIl y a 10 ans, un virus proche du SARS-CoV-2 circulait déjà au Cambodge<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/381773/original/file-20210201-21-1yo4iu1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C6%2C4281%2C2837&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Des chauves-souris s'envolent d'une grotte au Cambodge.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Nowhere_near_the_peak_now_(14452935885).jpg">S. Shankar/Wikipedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>En novembre et décembre 2010, des chercheurs de l’ISYEB (Institut de systématique, évolution, biodiversité du Muséum national d’Histoire naturelle) ont exploré plusieurs sites au nord du Cambodge sur invitation de l’Unesco et des autorités cambodgiennes. </p>
<p>L’objectif était de mieux caractériser la biodiversité des chauves-souris de la région du temple de Preah Vihear. Cette mission a permis de collecter des données sur un grand nombre d’espèces de chauve-souris incluant huit espèces du genre <em>Rhinolophus</em>.</p>
<p>Aujourd’hui, ce genre de chauve-souris intéresse au plus haut point les scientifiques, car il constitue le <a href="https://www.degruyter.com/view/journals/mamm/ahead-of-print/article-10.1515-mammalia-2020-0044/article-10.1515-mammalia-2020-0044.xml">réservoir des Sarbecovirus</a>, le groupe de la famille des coronavirus contenant les virus humains SARS-CoV et SARS-CoV-2, respectivement responsables de l’épidémie de SRAS en 2002-2004 et de l’actuelle pandémie de Covid-19. Or, à l’époque, ces chercheurs avaient eu l’idée de contacter l’Institut Pasteur du Cambodge (IPC) afin de permettre des études virologiques sur les chauves-souris capturées.</p>
<p>Après avoir été conservés pendant 10 ans dans un congélateur à -80 °C, ces échantillons ont récemment été testés par les chercheurs de l’IPC dans le but de détecter des Sarbecovirus. Pari gagnant puisque deux échantillons trouvés positifs par PCR (<em>Polymerase Chain Reaction</em>, test similaire à ceux que nous connaissons bien aujourd’hui) ont ensuite été envoyés à l’Institut Pasteur de Paris pour séquençage de leur génome complet.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/381759/original/file-20210201-17-164zxrj.PNG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/381759/original/file-20210201-17-164zxrj.PNG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/381759/original/file-20210201-17-164zxrj.PNG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/381759/original/file-20210201-17-164zxrj.PNG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/381759/original/file-20210201-17-164zxrj.PNG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/381759/original/file-20210201-17-164zxrj.PNG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/381759/original/file-20210201-17-164zxrj.PNG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Photographies illustrant la chauve-souris <em>Rhinolophus shameli</em>, l’entrée de la grotte où nichait une importante colonie de cette espèce et la forêt-clairière à proximité du lieu de capture.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Alexandre Hassanin</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>C’est ainsi que nous avons pu décrire <a href="https://www.biorxiv.org/content/10.1101/2021.01.26.428212v1">deux variants d’un nouveau virus</a> proche du SARS-CoV-2 chez deux chauves-souris de l’espèce <em>Rhinolophus shameli</em> capturées en 2010 dans une grotte de la province de Steung Treng.</p>
<p>Ils ont été nommés RshSTT182 et RshSTT200, « Rsh » faisant référence à l’espèce de chauve-souris et « STT » à la province d’origine. </p>
<p>Les résultats de cette nouvelle recherche sont en libre accès sur le site bioRxiv en attendant la revue par les pairs. Cette pratique est aujourd’hui très utilisée afin de transmettre rapidement de nouvelles connaissances à propos de la pandémie de Covid-19.</p>
<h2>Chez les chauves-souris, les virus apparentés au SARS-CoV-2 sont présents au Yunnan et en Asie du Sud-Est continentale.</h2>
<p>La découverte de ce nouveau virus au nord du Cambodge est importante, car il s’agit du premier virus proche du SARS-CoV-2 trouvé en dehors de la Chine (93 % d’identité génomique : 27 819 identiques sur les 29 913 bases alignées des deux génomes). En effet, tous les virus précédemment décrits avaient été détectés chez des animaux collectés en Chine. Ils comprennent deux virus découverts chez deux espèces de chauves-souris attrapées au sud de la Chine dans des grottes de la province du Yunnan : RaTG13 (96 % d’identité avec SARS-CoV-2) et RmYN02 (94 %) respectivement isolés à partir de <em>Rhinolophus affinis</em> et <em>Rhinolophus malayanus</em>. Par ailleurs, deux autres virus plus divergents (90 et 85 % d’identité avec SARS-CoV-2) ont été trouvés chez des pangolins de l’espèce <em>Manis javanica</em> saisis par les douanes chinoises dans les provinces de Guangdong et Guangxi.</p>
<p>Le nouveau virus du Cambodge a été détecté chez <em>Rhinolophus shameli</em>, une espèce de chauve-souris endémique de l’Asie du Sud-Est. Il est important de noter que la distribution géographique de cette espèce ne déborde pas sur la Chine et en particulier le Yunnan où ont été trouvés les virus RaTG13 et RmYN02.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/381763/original/file-20210201-17-14hb606.PNG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/381763/original/file-20210201-17-14hb606.PNG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/381763/original/file-20210201-17-14hb606.PNG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=460&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/381763/original/file-20210201-17-14hb606.PNG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=460&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/381763/original/file-20210201-17-14hb606.PNG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=460&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/381763/original/file-20210201-17-14hb606.PNG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=578&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/381763/original/file-20210201-17-14hb606.PNG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=578&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/381763/original/file-20210201-17-14hb606.PNG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=578&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Carte de distribution géographique des trois espèces de chauves-souris chez lesquelles des virus proches du SARS-CoV-2 ont été séquencés. Les points colorés indiquent les localités d’origine des virus RaTG13 (bleu), RmYN02 (vert), RshSTT182 et RshSTT200 (rouge).</span>
<span class="attribution"><span class="source">Alexandre Hassanin, iucnredlist.org</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Cela signifie que les virus apparentés au SARS-CoV-2 <a href="https://doi.org/10.1038/s41564-020-0771-4">circulent depuis plusieurs décennies (d'après les datations moléculaires)</a> dans toute l’Asie du Sud-Est et le Yunnan <em>via</em> plusieurs espèces de <em>Rhinolophus</em> qui peuvent échanger ces virus dans les grottes où elles se côtoient régulièrement. Ainsi, ces nouvelles données valident l’hypothèse selon laquelle les virus proches du SARS-CoV-2 sont davantage diversifiés en Asie du Sud-Est, alors que ceux apparentés au SARS-CoV ont plutôt évolué en Chine. Rappelons ici que les chercheurs chinois prospectent depuis une quinzaine d’années dans toutes les provinces du pays pour découvrir de nouveaux Sarbecovirus. Ainsi, plus d’une centaine de virus du groupe SARS-CoV ont été découverts en Chine contre seulement deux virus du groupe SARS-CoV-2 (RaTG13 et RmYN02), tous deux originaires du Yunnan, la province la plus proche des pays d’Asie du Sud-Est.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/381764/original/file-20210201-21-1h01d0m.PNG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/381764/original/file-20210201-21-1h01d0m.PNG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=406&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/381764/original/file-20210201-21-1h01d0m.PNG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=406&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/381764/original/file-20210201-21-1h01d0m.PNG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=406&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/381764/original/file-20210201-21-1h01d0m.PNG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=510&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/381764/original/file-20210201-21-1h01d0m.PNG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=510&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/381764/original/file-20210201-21-1h01d0m.PNG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=510&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Nombre de malades de la Covid-19 par million d’habitants (en bleu) et de décès par million d’habitants (en rouge) pour les différents pays d’Asie du Sud-Est.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Alexandre Hassanin, worldometers.info/coronavirus</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
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<p>Les données représentées dans la figure ci-dessus soutiennent indirectement l’hypothèse d’une origine du groupe SARS-CoV-2 en Asie du Sud-Est continentale. En effet, les populations humaines du Cambodge, du Laos, de Thaïlande et du Vietnam semblent beaucoup moins impactées par la pandémie de Covid-19 que les autres pays de la région, tels que le Bangladesh, le Myanmar, la Malaisie, les Philippines et l’Indonésie. Cela suggère que les populations de ces quatre pays pourraient bénéficier d’une meilleure immunité collective vis-à-vis des Sarbecovirus.</p>
<h2>Contamination des pangolins par des chauves-souris en Asie du Sud-Est</h2>
<p>Les pangolins étaient autrefois présents dans toutes les forêts d’Asie du Sud-Est et du sud de la Chine. Ces dernières décennies, leurs effectifs ont diminué de façon drastique et inquiétante en grande partie à cause de la déforestation massive liée à l’intensification de l’agriculture. Parallèlement, cette déforestation a facilité la tâche des braconniers. Or, l’augmentation de la chasse des pangolins, due à leur trafic illégal très lucratif, a contribué à faire considérablement baisser les populations des différentes espèces de pangolins (y compris en Afrique !).</p>
<p>Le pangolin malais (<em>Manis javanica</em>) est la seule espèce sauvage n’appartenant pas aux chiroptères chez laquelle ont été découverts des virus apparentés au SARS-CoV-2. Le problème est que ces découvertes ont été réalisées dans un contexte un peu particulier : plusieurs animaux malades ont été saisis par les douanes chinoises dans la province de Guangxi en 2017-2018 et dans la province de Guangdong en 2019.</p>
<p>Même si les virus séquencés chez ces pangolins ne sont pas très proches du SARS-CoV-2 (85 et 90 % d’identité), ils montrent qu’au moins deux Sarbecovirus ont pu être importés sur le territoire chinois bien avant l’épidémie de Covid-19. Il est important de rappeler ici que la plupart des pangolins saisis par les douanes chinoises étaient très malades, notamment en raison de la prolifération des Sarbecovirus dans leurs poumons. Ainsi, ces animaux présentaient une charge virale très importante et ils étaient hautement contagieux.</p>
<p><a href="https://www.degruyter.com/view/journals/mamm/ahead-of-print/article-10.1515-mammalia-2020-0044/article-10.1515-mammalia-2020-0044.xml">Il a été montré que des pangolins d’origines géographiques différentes en Asie du Sud-Est se sont contaminés entre eux sur le territoire chinois, évidemment à cause de leur captivité</a>. Une des questions en suspens était de savoir si certains pangolins avaient pu être préalablement infectés par des chauves-souris dans leur milieu naturel. </p>
<p>La découverte d’un nouveau virus proche du SARS-CoV-2 chez des chauves-souris du Cambodge permet de corroborer cette hypothèse, car les <a href="https://www.degruyter.com/view/journals/mamm/ahead-of-print/article-10.1515-mammalia-2020-0044/article-10.1515-mammalia-2020-0044.xml">rhinolophes et les pangolins peuvent se rencontrer dans les grottes d’Asie du Sud-Est</a>. Cela renforce considérablement l’hypothèse selon laquelle le trafic des pangolins est responsable de multiples exportations vers la Chine de virus du groupe SARS-CoV-2.</p>
<h2>Effet « boule de neige » de l’élevage des petits carnivores en Chine ?</h2>
<p>On sait aujourd’hui que plusieurs espèces de petits carnivores sont aussi très sensibles au Sarbecovirus. En 2002-2004, <a href="https://www.degruyter.com/view/journals/mamm/ahead-of-print/article-10.1515-mammalia-2020-0044/article-10.1515-mammalia-2020-0044.xml">plusieurs petits carnivores</a> maintenus en cage dans des marchés ou des restaurants chinois avaient été trouvés positifs au SARS-CoV, tels que la civette masquée (<em>Paguma larvata</em>), le chien viverrin (<em>Nyctereutes procyonoides</em>) et le blaireau-furet (<em>Melogale moschata</em>).</p>
<p>Rappelons ici que ces petits carnivores sont des mammifères solitaires et nocturnes, tout comme les pangolins d’ailleurs. Dans la nature, la contamination occasionnelle d’un individu de ces espèces par un Sarbecovirus de chauves-souris a très peu de chance d’entraîner une épidémie. En revanche, un individu infecté placé dans un élevage intensif peut entraîner une rapide évolution incontrôlable de ce type de virus.</p>
<p>En 2020, des <a href="https://www.academie-medecine.fr/avis-de-lacademie-nationale-de-medecine-et-de-lacademie-veterinaire-de-france-sars-cov-2-sensibilite-des-especes-animales-et-risques-en-sante-publique/">visons d’Amérique</a> (espèce <em>Neovison vison</em>) élevés pour leur fourrure ont été contaminés par des SARS-CoV-2 d’origine humaine dans plusieurs pays : Danemark, Espagne, États-Unis, France, Grèce, Italie, Pays-Bas et Suède. Ces exemples nous ont appris que maintenir des centaines voire des milliers de petits carnivores en captivité constituait un <a href="https://science.sciencemag.org/content/371/6525/172">risque sanitaire majeur</a>, car le virus est susceptible de diffuser très rapidement dans les élevages et d’y évoluer en produisant de nouveaux variants potentiellement plus contaminants ou plus dangereux pour l’être humain que la souche initiale.</p>
<p>Plusieurs pangolins infectés par des virus apparentés au SARS-CoV-2 ont été saisis sur le sol chinois entre 2017 et 2019. Il est fort probable que d’autres pangolins infectés par d’autres lignées virales ont circulé sur le territoire chinois ces dernières années en raison du grand nombre d'animaux importés illégalement, le plus souvent vivants. </p>
<p>Comment alors ne pas envisager que certains d’entre eux, aient pu croiser la route (ou plutôt la cage !) de petits carnivores d’élevage ? Si cela est arrivé, le carnivore contaminé a pu très rapidement transmettre le virus à ses congénères dans les hangars utilisés pour l’élevage. Cet effet « boule de neige » pourrait être la dernière étape à l’origine de la pandémie de Covid-19. </p>
<p>Est-il possible de tester cette hypothèse ? Cela ne semble pas impossible car les articles scientifiques publiés sur les visons (<em>Neovison vison</em>) et les chiens viverrins (<em>Nyctereutes procyonoides</em>) élevés en Chine pour leur fourrure révèlent des infections par plusieurs virus respiratoires au cours de ces dernières années, tels que celui de la maladie de carré (CDV) ou ceux des grippes aviaires (H5N1 et H9N2). </p>
<p>Autrement dit, il y a eu de multiples campagnes de prélèvements biologiques (sang, organes et fèces). Il serait souhaitable que nos collègues chinois ressortent ces échantillons des congélateurs pour étudier une possible infection par des Sarbecovirus. Cela pourrait s’avérer très utile pour mieux comprendre pourquoi les épidémies émergent en Chine et pas ailleurs.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/154397/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Alexandre Hassanin ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Un nouveau virus découvert chez des chauves-souris du Cambodge révèle que le trafic des pangolins reste une hypothèse crédible pour expliquer l’origine de la pandémie de Covid-19.Alexandre Hassanin, Maître de Conférences (HDR) à Sorbonne Université, ISYEB - Institut de Systématique, Evolution, Biodiversité (CNRS, MNHN, SU, EPHE, UA), Muséum national d’histoire naturelle (MNHN)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1526042021-01-25T18:02:24Z2021-01-25T18:02:24ZYogi Adityanath, le moine-ministre qui effraie l’Inde progressiste<p>Il y a quelques semaines, plusieurs observateurs s’étonnaient de la manière dont s’est déroulée la visite d’Emmanuel Lenain, ambassadeur français à New Delhi, à Yogi Adityanath, homme politique membre du parti au pouvoir, à Lucknow, capitale de l’État de l’Uttar Pradesh.</p>
<p>Yogi Adityanath, est le ministre en chef de cet État d’environ 204 millions d’habitants, et membre du Bharatiya Janata Party, dont est aussi issu le premier ministre Narendra Modi.</p>
<p>Certes, cette visite avait comme objectif premier de signer <a href="https://www.indiatvnews.com/news/india/french-ambassador-emmanuel-lenain-up-cm-ygi-adityanath-gorakhnath-temple-feeds-cow-667624">trois protocoles d’entente entre l’Alliance française et des universités de la ville</a>, rien de plus naturel dans le cadre des politiques de coopération bilatérales entre l’Inde et la France.</p>
<p>Cependant, ce que reprochent journalistes, chercheurs et défenseurs des droits humains réside dans la démarche même de l’ambassadeur français.</p>
<p>Son Excellence Lenain, lors d’une visite au temple de Gorakhpur, quartier général des Gorakhnathis, ordre religieux auquel appartient le Yogi, a participé activement à des rituels religieux hindous et <a href="https://www.hindustantimes.com/india-news/french-ambassador-visits-gorakhnath-temple-in-up-joins-prayers-feeds-cows/story-V2mX8cIIwDaOBlgIRRRKoN.html">au maternage d’une vache</a> dans une mise en scène politico-religieuse chère aux défenseurs d’une vision radicale et extrémiste de l’hindouisme revendiquée par le ministre en chef de l’Uttar Pradesh.</p>
<h2>Un hindouisme politique extrémiste</h2>
<p>Adityanath s’inscrit en effet dans la lignée de <a href="https://www.asianstudies.org/publications/eaa/archives/on-the-difference-between-hinduism-and-hindutva/">l’hindutvā</a>, mouvance politique créée lors du processus d’indépendance du sous-continent indien au tournant du XX<sup>e</sup> siècle, en opposition, d’une part, au <a href="https://sos-racisme.org/28-decembre-1885-fondation-du-congres-national-indien/">Congrès national indien</a> – représenté, entre autres, par Gandhi – et d’autre part, aux orientations plus tardives de la <a href="https://www.larousse.fr/encyclopedie/divers/Ligue_musulmane/129923">Ligue musulmane de toute l’Inde</a>.</p>
<p>L’hindutvā est aussi l’idéologie au fondement du mouvement <a href="https://indianexpress.com/article/india/hindu-mahasabha-the-waning-fringe-outfit-shouting-to-stay-politically-relevant-5563082/">Hindu Mahāsabhā</a> et du <a href="https://narendramodifacts.com/faq_Sangh.html">Saṅgh Parivār</a>, une large « famille d’organisations » paramilitaires d’extrême droite hindoues qui militent pour une <a href="https://www.tandfonline.com/doi/full/10.1080/09584935.2018.1545009">hégémonie hindoue sur l’ensemble du territoire indien</a>, voire sud-asiatique.</p>
<p>Adityanath est ainsi à l’hindouisme indien ce que <a href="https://www.courrierinternational.com/article/birmanie-wirathu-le-moine-bouddhiste-islamophobe-vise-par-un-mandat-darret">Wirathu est au bouddhisme birman</a>.</p>
<p>Wirathu est un moine qui se trouve notamment à la tête de <a href="https://www.lepoint.fr/monde/la-montee-de-la-rhetorique-bouddhiste-nationaliste-en-asie-12-03-2018-2201700_24.php">milices</a> responsables de massacres de milliers de Rohingyas en Birmanie.</p>
<p>Dans ce contexte, la visite d’Emmanuel Lenain a suscité nombre de commentaires et rumeurs alimentés notamment par l’extrême droite indienne. Celle-ci <a href="https://swarajyamag.com/world/emmanuel-macron-yogi-adityanath-and-the-hammurabi-code-how-to-deal-with-islamic-radicals-in-a-modern-nation-state">se targue</a> en effet que la France, via son représentant, partagerait une politique dure et radicale vis-à-vis de l’islam, forcément « radical ».</p>
<p>Pourquoi la France n’a-t-elle pas pris toute la mesure de cette visite ? Loin d’être anodine, la double position religieuse et politique de Yogi Adityanath pose les fondements d’une Inde tendant de plus en plus vers l’extrémisme religieux et sa traduction en actes politiques graves.</p>
<h2>Un moine activiste radical</h2>
<p><a href="https://www.dailypioneer.com/2017/columnists/nath-order-of-yogis-a-primer.html">Yogi Adityanath est à la tête d’une importante communauté monastiques de l’Inde</a>, le Gorakhnath Sampradaya. Ce regroupement ascétique serait comparable aux ordres monastiques bénédictin et trappiste en Occident et regroupe essentiellement des hommes – très peu de femmes – ayant tous fait le vœu de chasteté et d’obéissance à leur gourou. Gorakhnath lui-même, fondateur de cet ordre au XII<sup>e</sup> ou XIII<sup>e</sup> siècle, serait, <a href="https://press.uchicago.edu/ucp/books/book/chicago/A/bo3683579.html">selon certaines traditions</a>, l’instigateur du hatha-yoga.</p>
<p>Les membres de cet ordre sont donc connus comme étant des « yogis » et bien des Indiens sont convaincus que les <a href="https://journals.openedition.org/assr/22055">ascètes</a> y appartenant ont développé des pouvoirs surnaturels. Ces ascètes ont par ce fait même une grande ascendance sur la population hindoue.</p>
<p>Déjà au tout début du XX<sup>e</sup> siècle, la mouvement ascétique gorakhnathi fait sienne la théorie de l’hindutva afin de favoriser la création d’une Inde hindoue. Débute alors une politisation de cet ordre à l’origine exclusivement monastique.</p>
<h2>L’ascension d’Adityanath</h2>
<p>Né Ajay Singh Bisht, le futur « yogi » devient ascète sous l’égide d’Avaidyanath.</p>
<p>Avaidyanath était alors fort impliqué dans le Hindu Mahasabha, dirigeait l’ordre Gorakhnathi et était député au Parlement ; déjà, il militait pour la création d’une Inde exclusivement hindoue.</p>
<p>À peine une année après être devenu moine au sein du Gorakhnath Sampradaya, Adityanath devient le supérieur de l’ordre Gorakhnathi.</p>
<figure class="align-left zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/379482/original/file-20210119-14-1qa74zr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/379482/original/file-20210119-14-1qa74zr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/379482/original/file-20210119-14-1qa74zr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=896&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/379482/original/file-20210119-14-1qa74zr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=896&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/379482/original/file-20210119-14-1qa74zr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=896&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/379482/original/file-20210119-14-1qa74zr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1126&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/379482/original/file-20210119-14-1qa74zr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1126&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/379482/original/file-20210119-14-1qa74zr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1126&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Un jeune « gorakh ».</span>
<span class="attribution"><span class="source">M. Boisvert</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
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<p>En 1998, tout comme son prédécesseur Avaidyanath, Yogi Adityanath entre en politique, élu à la Chambre basse (Lokh Sabha) au Parlement indien : l’objectif de cette implication « ascétique » en politique était <a href="https://www.hindustantimes.com/lok-sabha-elections/yogi-adityanath-s-mentor-mahant-avaidyanath-introduced-dining-with-dalits-in-1980s/story-xxWdoJDwUhEaFCyO1uTKyI.html">officiellement la protection des droits des hindous</a>.</p>
<p>Suite aux élections nationales de 2014, remportées massivement par le <a href="https://www.lapresse.ca/international/asie-oceanie/201303/31/01-4636345-inde-un-nationaliste-hindou-controverse-se-rapproche-des-elections.php">parti nationaliste hindou Bharatya Janata Party (BJP)</a>, Adityanath surfe sur cette vague nationaliste hindoue et devient, en 2017, le ministre en chef de l’État indien de l’Uttar Pradesh.</p>
<h2>Islamophobie revendiquée</h2>
<p>Il incite toujours différentes milices informelles hindoues à <a href="https://scroll.in/article/974721/how-uttar-pradesh-became-a-vigilante-state-under-adityanath">mener des actions plus concrètes</a> – violentes, voire meurtrières – contre ceux qui contreviendraient <a href="https://scroll.in/latest/976848/ups-law-on-cow-slaughter-being-misused-against-the-innocent-says-allahabad-hc">à la loi étatique pour la protection de la vache</a>.</p>
<p>Les personnes visées par ces mesures sont bien entendu les musulmans, qui constituent près de 20 % de la population de l’État, mais également les <a href="http://www.asianews.it/news-en/Uttar-Pradesh-introduces-harsher-penalties-for-those-who-slaughter-or-transport-a-cow-50320.html">Dalits, ces castes dites inférieures, et les chrétiens</a>.</p>
<p>Dans ce contexte, rien de surprenant qu’Adityanath ait <a href="https://www.liberation.fr/planete/2017/04/04/yogi-adityanath-un-moine-extremiste-a-la-tete-du-plus-grand-etat-de-l-inde_1559382">affirmé</a> que « tous ceux refusant le yoga n’ont qu’à quitter l’Inde ou à se noyer dans l’océan ».</p>
<p>Depuis quelques années, avant son arrivée au poste de ministre en chef de l’Uttar Pradesh, le Yogi menaçait déjà ouvertement les <a href="https://www.jstor.org/stable/43613088?seq=1">couples mixtes</a>, à savoir hindou et musulman, notamment quand la femme ou fiancée se convertissait à l’islam pour se marier. Il a été moteur d’une véritable campagne complotiste visant à établir sous le terme « love jihad » que des hommes musulmans séduisaient des femmes hindoues dans le seul but de les convertir.</p>
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<figcaption><span class="caption">Love Jihad NDTV.</span></figcaption>
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<p>Depuis décembre 2020, les ratonnades ont fait place, en Uttar Pradesh, à des lois iniques visant les conversions dans le cadre de <a href="https://www.dw.com/en/india-uttar-pradesh-becomes-first-state-to-outlaw-love-jihad-marriages/a-55718001">ces mariages mixtes</a>.</p>
<h2>Ayodhya, au cœur des luttes</h2>
<p>C’est aussi en Uttar Pradesh que se joue une lutte aussi politique que religieuse. Depuis des décennies, de nombreux militants et religieux revendiquent la « propriété » du site dit d’Ayodhya, perçu comme dernier vestige du <a href="https://www.outlookindia.com/website/story/india-news-archaeologists-who-discovered-remains-of-ram-temple-below-babri-mosque-in-ayodhya-not-among-invitees/358016">royaume de Ram</a>, héros de l’épopée du Ramayana et figure religieuse.</p>
<p>C’est sur ce lieu que l’empereur moghol Babur aurait fait construire, en 1527, une mosquée, un acte (présumé !) sacrilège pour de nombreux fidèles.</p>
<p>Ce postulat est à l’origine de la destruction violente de la Babri masjid d’Ayodhya en 1992, d’attentats et des <a href="https://www.courrierinternational.com/article/pour-comprendre-la-mosquee-dayodhya-vingt-cinq-ans-de-discorde-entre-hindous-et-musulmans">violences intercommunautaires meurtrières qui suivirent</a>.</p>
<p>Dès 1990, le jeune Adityanath aurait <a href="https://www.opindia.com/2019/11/ram-mandir-ayodhya-yogi-adityanath-mahant-avaidyanath-idol/">dédié sa vie à la « libération » d’Ayodhya</a>.</p>
<p>Dix ans plus tard, en 2002, toujours en lien avec la « ré-appropriation » du site d’Ayodhya, d’autres <a href="https://www.liberation.fr/planete/2005/01/19/inde-retour-sur-des-pogroms-antimusulmans_506560">pogroms éclatent</a> ; des milliers de personnes trouvent la mort dans des conditions atroces.</p>
<p>La même année, Adityanath fonde le <a href="https://caravanmagazine.in/vantage/hindu-yuva-vahinis-constitution-tells-us-yogi-adityanaths-regime-uttar-pradesh">Hindū Yuvā Vāhinī</a>, une organisation hindoue calquée sur le modèle des Jeunesses hitlériennes et dont l’objectif premier est la promotion de l’hindutvā. Dans les années qui suivirent, ce mouvement fut <a href="https://www.worldwatchmonitor.org/tag/hindu-vanihi/">responsable de plusieurs événements de violence</a> à l’encontre des <a href="http://www.coastaldigest.com/yogi-led-hindu-yuva-vahinis-barbarism-triggers-alarm-bells-bjp?page=2">musulmans</a>.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1123836334349651968"}"></div></p>
<p>Objet de propagande, de contre-discours et terrain politique sensible, Ayodhya est officiellement <a href="https://www.deccanherald.com/national/national-politics/faith-evidence-prove-masjid-was-on-rams-birthplace-774808.html">reconnu depuis décembre 2019 comme lieu historique</a> de naissance du personnage mythique Ram.</p>
<h2>Un temple symbole d’une ère nouvelle</h2>
<p>En décembre 2020, <a href="https://indianexpress.com/article/india/ram-mandir-is-rashtra-mandir-yogi-adityanath-7118948/">Adityanath a souligné à plusieurs reprises l’importance de reconstruire</a> le temple original à Rāma, érigié sur le lieu de naissance de la divinité.</p>
<p>Ce temple deviendrait alors <a href="https://indianexpress.com/article/india/up-cm-yogi-adityanath-ram-temple-in-ayodhya-will-be-rashtra-mandir-6171200/">l’âme de la nation</a>.</p>
<p>Selon Adityanath, le royaume de Rāma aurait été l’exemple par excellence de bonne gouvernance, et la reconstruction du temple <a href="https://indianexpress.com/article/india/ram-mandir-is-rashtra-mandir-yogi-adityanath-7118948/">s’impose rapidement</a>.</p>
<p>Cette vision d’une Inde comme étant une terre hindoue, forgée sur des mythes qui ne souffrent ni critique ni remise en cause, y compris dans leur pendant historique, rompt avec la vision laïque de l’Inde défendue aussi bien par les fondateurs de l’Inde indépendante que par des personnages religieux du siècle dernier tel Ramakrishna.</p>
<p>Pourtant, la popularité de Yogi Adityanath ne cesse de croître dans cette république indienne, toujours pour le moment, laïque.</p>
<p>Selon le journal <em>The Wire</em>, <a href="https://thewire.in/politics/uttar-pradesh-model-sangh-parivar-yogi-adityanath">son action en Uttar Pradesh</a> le pose déjà comme futur candidat au poste de premier ministre lors des prochaines élections législatives en 2024.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/152604/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Mathieu Boisvert ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Qui est le Yogi Adityanath, moine et dirigeant politique extrémiste, à qui l’ambassadeur français en Inde vient de rendre visite ?Mathieu Boisvert, Directeur, Centre d'études et de recherches sur l'Inde, l'Asie du Sud et sa diaspora, Université du Québec à Montréal (UQAM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.