tag:theconversation.com,2011:/ca/topics/indicateurs-economiques-49414/articlesindicateurs économiques – The Conversation2024-03-28T09:16:11Ztag:theconversation.com,2011:article/2267522024-03-28T09:16:11Z2024-03-28T09:16:11ZMesurer le bonheur pour mieux penser l’avenir : l’initiative du Bonheur Réunionnais Brut<p>Pour qu’une réalité soit tangible, et pour pouvoir espérer, éventuellement la changer, encore faut-il pouvoir la mesurer. Mais que faire quand les indicateurs disponibles ne vous renseignent pas sur les paramètres que vous voudriez choisir comme moteurs de changements ?</p>
<p>Malgré de nombreuses critiques, le PIB reste, aujourd’hui encore, l’indicateur phare qui permet de jauger un territoire. Pourtant, la croissance économique qu’il indique n’est pas nécessairement synonyme de réduction des inégalités ou du bien-être de la population. Sur le plan environnemental, la quête de croissance économique semble également de plus en plus difficilement compatible avec un respect des limites planétaires.</p>
<p>Dès lors, il paraît nécessaire de ne pas se contenter de ce seul indicateur. Voici l’histoire, encore en cours d’écriture, d’une de ces alternatives, celle de la création de l’indicateur du bonheur réunionnais brut.</p>
<h2>La possibilité d’une île moins dépendante ?</h2>
<p>Ces dernières années, l’île de la Réunion a été traversée par diverses crises qui ont aggravé le sentiment de défiance envers le pouvoir centralisé en métropole et le monde de la recherche, tout en exacerbant, d’autre part le désir des Réunionnais de voir leur résilience territoriale renforcée, afin de rendre l’île moins dépendante des aléas extérieurs. Les prémisses de la <a href="https://www.tandfonline.com/doi/full/10.1080/21642850.2023.2252902">pandémie de Covid-19 </a>ont ainsi été vécues avec une certaine absurdité par les habitants de l’île, confinés au même moment que la France hexagonale, sans pourtant que le virus ait sévèrement touché La Réunion. Avant cela, le mouvement social des gilets jaunes s’était incarné dans ce territoire d’outre-mer avec des revendications particulières, mais aussi de rudes conséquences, des routes bloquées qui ont pu paralyser toute l’île et ses commerces.</p>
<p>Sur les côtes, enfin, cette dernière décennie, ce que l’on a appelé « la crise des requins » a également durablement entaché la confiance des habitants envers les scientifiques et les pouvoirs publics qui pouvaient peiner à expliquer la recrudescence d’attaques de requins et à trouver des solutions à cela jugées convenables pour la population.</p>
<p>Si l’on prend maintenant les indicateurs classiques pour brosser un portrait de l’île de la Réunion, la réalité dressée n’est pas très optimiste. Selon l’<a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/4482473#:%7E:text=Au%201er%20janvier%202021,qu%E2%80%99entre%202010%20et%202015.">Insee</a>, seule une personne en âge de travailler sur deux occupe un emploi, et la moitié des Réunionnais ont un niveau de vie inférieur à 1 380 euros par mois, ce qui place l’île à la quinzième position sur dix-huit dans le classement évaluant la richesse des régions françaises.</p>
<p>Pourtant la vie sur l’île demeure bien chère, avec des prix jusqu’à <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/7647041#:%7E:text=En%202022%2C%20les%20prix%20%C3%A0,en%20Martinique%20et%20en%20Guyane.">37 % plus élevés</a> pour l’alimentation qu’en France hexagonale. Ces derniers mois, la crise du commerce international en mer Rouge, avec les attaques répétées de navires par les miliciens houthis, ont, une nouvelle fois rappelé combien les Réunionnais pouvaient pâtir d’aléas extérieurs.</p>
<p>Mais les Réunionnais, eux, justement qu’ont-ils à dire de tout cela ? C’est notamment pour répondre à cette question, et penser des modèles de développement partant de leurs préoccupations, qu’est né, en 2020, le <a href="https://www.isopolis.re/fr/7_24/5e91b41d0d49381f26713c4a/isopolis.html">projet ISOPOLIS</a>, à l’initiative de l’association réunionnaise ISOLIFE, de différents acteurs de la société civile (RISOM, le Réseau d’innovations sociales ouvertes mutualisées), et coordonné par l’IRD en partenariat avec le <a href="http://www.cnfpt.fr/se-former/suivre-formation/inscription-ligne/vos-interlocuteurs-formation-a-delegation-reunion/vos-contacts-a-delegation-reunion/reunion">CNFPT (Centre National de la Fonction Publique Territoriale)</a>. Notre ambition commune était alors de créer un nouvel indicateur tourné autour du bonheur, afin d’évaluer les aspirations des sociétés réunionnaises. L’originalité de notre démarche réside entre cette nouvelle alliance entre différents acteurs de la société civile, de la science et de l’action publique.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<h2>Sur les traces du Bonheur National Brut</h2>
<p>Pour cela, notre inspiration a avant tout été l’indicateur du Bonheur National Brut créé au Bhoutan en 1972. Si, de prime abord, peu de choses semblent rapprocher ce royaume bouddhiste niché sur les contreforts de l’Himalaya, de l’île tropicale de la Réunion, lorsqu’on regarde de plus près, on peut néanmoins trouver quelques points de ressemblance. Une population de taille similaire par exemple, et une même ambition de moins dépendre des pays extérieurs, l’Inde et la Chine pour ce qui concerne le Bhoutan, coincé entre ces deux géants. </p>
<p>Enfin, la Réunion comme le Bhoutan disposent de territoires où les écosystèmes préservés sont encore importants, particularité à laquelle semblent tenir les populations. En 2007, 42 % de la surface de la Réunion ont ainsi été sanctuarisés sous la forme d’un parc national, tandis que la constitution bhoutanaise, elle, impose de conserver au moins 60 % du territoire sous couverture forestière. Les deux pays ayant, de ce fait, une superficie habitable limitée, ces ambitions environnementales, peuvent, pour certains, apparaître comme un frein aux développements de nouvelles activités et à la croissance économique.</p>
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<img alt="le temple de Paro Taktsang, niché à flanc de falaise, dans un paysage de reliefs forestiers typique du Bhoutan" src="https://images.theconversation.com/files/584816/original/file-20240327-18-u59rgy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/584816/original/file-20240327-18-u59rgy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/584816/original/file-20240327-18-u59rgy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/584816/original/file-20240327-18-u59rgy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/584816/original/file-20240327-18-u59rgy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/584816/original/file-20240327-18-u59rgy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/584816/original/file-20240327-18-u59rgy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">le temple de Paro Taktsang, niché à flanc de falaise, dans un paysage de reliefs forestiers typique du Bhoutan.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://unsplash.com/fr/photos/temple-de-paro-taktsang-au-bhoutan-vue-sur-la-montagne-sous-le-ciel-bleu-et-blanc-ZdwVvRdel8A">Aaron Santelices/Unsplash</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
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<p>Mais le Bhoutan semble avoir décidé de ne plus privilégier celle-ci depuis la création, par son ancien roi Jigme Singye Wanchuck, de l’indicateur du Bonheur National Brut annoncé en 1972 et mis en place à la fin des années 1990. Inspiré par des valeurs spirituelles bouddhistes, le BNB est désormais un indicateur reconnu par l’OCDE et l’ONU et incorporé aux statistiques nationales du pays. Il a également été le moteur de <a href="https://www.francetvinfo.fr/monde/asie/le-bhoutan-seul-pays-au-monde-a-avoir-un-bilan-carbone-negatif_2631956.html">divers projets de grandes ampleurs</a> comme la quête de l’autonomie énergétique, et d’une empreinte carbone négative, et l’instauration d’une partie quotidienne du cursus scolaire des écoliers dédiés à l’éducation environnementale.</p>
<p>Concrètement, le BNB est le résultat de 250 questions posées sur neuf thématiques : le bien-être psychologique, la santé, l’éducation, l’utilisation du temps, la culture, la bonne gouvernance, la vitalité de la communauté, l’écologie et le niveau de vie.</p>
<p>Si nous avons conservé ces critères, nous avons néanmoins tâché de réduire le nombre de questions à 150, et fait en sorte d’adapter le questionnaire au cadre réunionnais, en ôtant par exemple, les interrogations liées au contexte bouddhiste bhoutanais, mais en ajoutant, à l’inverse, des questions sur l’impact de certains fléaux réunionnais, comme les cyclones présents du fait du climat tropical ou les embouteillages, omniprésents du fait de la quasi-absence de transports en commun sur l’île.</p>
<h2>L’environnement : une clef du bonheur ?</h2>
<p>Le questionnaire une fois établi, nous avons pu le tester auprès de 92 Réunionnais représentatifs de la société de l’île dans son ensemble (genre, âge, localisation géographique, niveau social…) à travers des séries d’entretiens d’une heure trente. Ce premier échantillon étant trop petit pour avoir une analyse quantitative représentative de la Réunion, il s’agissait pour nous avant tout, lors de cette première étape, de tester le questionnaire et d’avoir des éléments d’analyse qualitative.</p>
<p>Voici ce qu’il en est <a href="https://hal.science/hal-04493033">ressorti</a>. Si plus de la moitié des personnes interrogées ont atteint un score de bonheur global supérieur à 66 %, des disparités sont également apparues. Les répondants de plus de 55 ans sont ceux qui présentaient par exemple les scores de bonheur les plus élevés. Le niveau de qualification, lui, semble en revanche ne pas être déterminant du bonheur.</p>
<p>Égalemennt, l’écologie, malgré des scores moyens de satisfaction plutôt faible, fait partie des domaines les plus déterminants, quand le niveau de vie et la gouvernance, eux semblent parmi les domaines les moins impactants pour les citoyens interrogés.</p>
<p>Parmi les impacts de l’environnement sur le bonheur général, nous pouvons par exemple noter que les habitants des régions centrales de l’île demeuraient les plus heureux. Or ces territoires escarpés sont bien plus verdoyants que les côtes, elles sous la pression de l’urbanisation, du fait notamment de l’augmentation de la population générale, qui a doublé ces cinquante dernières années.</p>
<p>Dans une nouvelle étude sur le bonheur que nous avons depuis réalisé auprès des lycéens, nous avons retrouvé cette importance de la biodiversité avec des scores de bonheur plus bas au sein des établissements scolaires où l’on ne trouve pas d’arbres, et donc pas d’ombre.</p>
<h2>Les limites de l’exercice et les travaux futurs</h2>
<p>Si ce premier test nous a donc permis de faire de l’analyse qualitative, nous tâchons désormais de pouvoir transformer l’indicateur en outil d’analyse quantitative à travers une collaboration IRD-Insee. Notre but serait, ainsi, de pouvoir rejoindre le cahier des charges des statistiques publiques, qui manquent, de leur côté, d’indicateur sur le bonheur et le bien-être.</p>
<p>Nous travaillons pour cela à réduire considérablement notre premier questionnaire à 20 questions, afin de pouvoir multiplier les portées de nos études, et nous sommes également en train de travailler à deux nouvelles études du bonheur réunionnais brut qui porteront sur 2000 Réunionnais pour la première, et sur 3000 lycéens pour la deuxième.</p>
<h2>Le bonheur reste une idée neuve en statistique</h2>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/584825/original/file-20240327-22-gxsy36.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/584825/original/file-20240327-22-gxsy36.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=800&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/584825/original/file-20240327-22-gxsy36.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=800&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/584825/original/file-20240327-22-gxsy36.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=800&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/584825/original/file-20240327-22-gxsy36.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1005&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/584825/original/file-20240327-22-gxsy36.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1005&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/584825/original/file-20240327-22-gxsy36.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1005&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Le Bonheur Réunionnais Brut en Une du Quotidien de la Réunion, le journal le plus lu de l’île.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Capture d’écran de la Page Facebook du Quotidien de la Réunion</span></span>
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<p>« Le bonheur est une idée neuve en Europe. » déclarait le révolutionnaire Saint-Just dans une allocution restée célèbre, prononcée en 1794 devant la Convention nationale. Si depuis lors, l’aspiration au bonheur est devenue une revendication plutôt consensuelle, le bonheur, reste cependant encore bien absent du domaine des statistiques. </p>
<p>Notre projet de Bonheur Réunionnais Brut demeure de fait le premier travail scientifique de reproduction du Bonheur National Brut en France. Et si dans d’autres pays comme le <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S1517758015300321#:%7E:text=According%20to%20this%20database%2C%20for,%2C%2033.6%25%20and%2035.4%25.">Brésil</a> ou la <a href="https://www.jstor.org/stable/48704906">Thaïlande</a>, ou à l’échelle d’une ville comme <a href="https://www.happycounts.org/uploads/2/4/4/6/24468989/seattle-happiness_report_card-2011.pdf">Seattle</a>, des travaux de chercheurs ont été réalisés pour tenter d’adapter cet indicateur, jamais cela n’a abouti à l’incorporation d’un Bonheur National Brut dans les statistiques officielles de ces deux pays. </p>
<p>Par ailleurs, si les indicateurs existants dans les statistiques publiques françaises sont généralement construits en France métropolitaine, puis adaptés aux outre-mer, notre démarche est la première à viser le contraire en proposant un indice né d’une expérimentation dans un territoire d’outre-mer, qui pourrait ensuite bénéficier à d’autres régions de France.</p>
<p>Mais travailler sur le bonheur n’est pas toujours aisé, en France notamment, où nous avons pu constater que le mot bonheur générait même un certain malaise, du fait notamment d’une certaine confusion entre bonheur et bien-être personnel. Considéré comme purement subjectif, le bonheur et toute étude statistique qui pourrait lui être consacré, ont dès lors tendance à pâtir d’un manque de sérieux. </p>
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<iframe src="https://embed.acast.com/$/64c3b1758e16bd0011b77c44/20-changer-le-systeme-croissance-verte-ou-decroissance-avec-?feed=true" frameborder="0" width="100%" height="110px" allow="autoplay"></iframe>
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<p>Pourtant, notre questionnaire, à l’instar de celui du Bhoutan, ne pose pas une seule fois la question « Êtes-vous heureux ? », mais s’échine à proposer une analyse multidimensionnelle reposant sur un ensemble de critères, pour certains subjectifs, comme la santé mentale, pour d’autres objectifs et extérieurs, comme le niveau de vie, l’éducation, l’utilisation du temps. Deux approches qu’il nous semble crucial de coupler pour jauger du bonheur d’un individu. « Le PIB mesure tout, sauf ce qui fait que la vie vaut la peine d’être vécue », constatait avec humour l’homme politique américain Robert Kennedy. À travers l’indicateur du Bonheur, c’est bien le contraire que nous espérons faire.</p>
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<p><em>Cet article s’inscrit dans le cadre d’un projet associant The Conversation France et l’AFP audio. Il a bénéficié de l’appui financier du Centre européen de journalisme, dans le cadre du programme « Solutions Journalism Accelerator » soutenu par la Fondation Bill et Melinda Gates. L’AFP et The Conversation France ont conservé leur indépendance éditoriale à chaque étape du projet.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/226752/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Louisiana Teixeira est économiste et membre du Think Tank BSI Economics et a bénéficié du fonds européen de développement regional (FEDER) dans le cadre du projet ISOPOLIS.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Amandine Payet-Junot est membre présidente de l'Association de Psychologie Positive de l'Océan Indien.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Le projet ISOPOLIS a bénéficié de fonds européen de développement régional (FEDER)</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Jaëla Devakarne ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Sur le modèle du Bonheur National Brut forgé au Bhoutan, des chercheurs nous racontent comment ils ont bâti l'indice de Bonheur Réunionais Brut, afin de mieux penser le développement futur de l'île.Louisiana Teixeira, Research associate (Economics), Institut de recherche pour le développement (IRD)Amandine Payet-Junot, Enseignante en sciences de l'environnement, Institut de recherche pour le développement (IRD)Jaëla Devakarne, Coordinatrice de projet, Institut de recherche pour le développement (IRD)Pascale Chabanet, Directrice de recherche, spécialiste des récifs coralliens, Institut de recherche pour le développement (IRD)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2018342023-06-15T07:15:35Z2023-06-15T07:15:35ZLes entreprises peuvent-elles atteindre une véritable durabilité ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/517772/original/file-20230327-18-bi2555.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=8%2C2%2C1897%2C1273&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Pour que les approches des entreprises en matière de développement durable fonctionnent réellement, elles doivent être sincères et authentiques.</span> <span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span></figcaption></figure><p>Il est rare qu’une journée passe sans que l’on entende parler de la fragilité de nos écosystèmes naturels et des <a href="https://doi.org/10.1111/conl.12713">répercussions que l’activité économique linéaire</a> a sur eux. </p>
<p>Cet état de fait n’est pas récent – il perdure au moins depuis que le <a href="https://www.clubofrome.org/publication/the-limits-to-growth/">club de Rome nous a mis en garde</a>, dès 1972, qu’une croissance économique infinie et un développement démographique rapide sont incompatibles avec la vie sur Terre. </p>
<p>La situation actuelle est, sans équivoque, alarmante. Malgré de <a href="https://unfccc.int/process/bodies/supreme-bodies/conference-of-the-parties-cop">nombreuses conférences historiques</a> et d’innombrables promesses visant à rendre l’activité économique plus compatible avec les capacités de notre planète, les progrès environnementaux des trois dernières décennies ne permettent pas de pallier les défis posés par le dérèglement climatique.</p>
<p>Alors que l’action climatique s’est surtout concentrée sur les émissions de gaz à effet de serre dans l’atmosphère, nous commençons enfin à prendre conscience de <a href="https://theconversation.com/biodiversity-treaty-un-deal-fails-to-address-the-root-causes-of-natures-destruction-196905">l’impact des activités humaines et industrielles sur la perte de biodiversité</a>. </p>
<p>L’érosion de la biodiversité exacerbe le changement climatique en inhibant la capacité de la Terre à se protéger et à se régénérer. Les <a href="https://ipbes.net/assessing-knowledge">services que nous rend la biodiversité sont innombrables</a>. La nature n’a pas besoin de nous, mais nous avons besoin d’elle. </p>
<p>Nous croyons qu’un changement de paradigme est possible et qu’une partie de ce changement impliquera l’intégration d’une véritable approche de la durabilité dans les organisations. Mais pour que cette approche fonctionne, il faut qu’elle soit à la fois vraie et authentique.</p>
<h2>Un rapport historique</h2>
<p>Allen White, cofondateur de la <a href="https://www.globalreporting.org/"><em>Global Reporting Initiative</em></a>, a décrit le rapport <a href="https://cdn.unrisd.org/assets/library/reports/2022/manual-sdpi-2022.pdf"><em>Authentic Sustainability Assessment</em></a> des Nations unies comme un véritable <a href="https://cdn.unrisd.org/assets/legacy-files/301-info-files/B70382A13E0AE0BDC125841F003C46AC/SDPI---Allen-White-Keynote-Speech.pdf">« moment Brundtland »</a>, en référence au <a href="https://www.britannica.com/topic/Brundtland-Report">rapport historique de 1987</a> sur le développement durable. </p>
<p>White soutient que les historiens se souviendront de cette publication dans dix ans comme d’un grand moment historique dans la trajectoire du développement durable. De nombreux autres dirigeants et experts de l’écosystème du développement durable s’accordent sur <a href="https://sustainablebrands.com/read/new-metrics/un-releases-manual-for-companies-to-conduct-authentic-context-based-sustainability-assessments">l’importance et la pertinence de ce rapport</a>. </p>
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<img alt="Un papillon monarque, aux ailes orange et aux veines noires, déploie ses ailes sur la tige d’une plante" src="https://images.theconversation.com/files/513018/original/file-20230301-16-tq9bgn.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/513018/original/file-20230301-16-tq9bgn.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=367&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/513018/original/file-20230301-16-tq9bgn.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=367&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/513018/original/file-20230301-16-tq9bgn.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=367&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/513018/original/file-20230301-16-tq9bgn.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=461&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/513018/original/file-20230301-16-tq9bgn.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=461&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/513018/original/file-20230301-16-tq9bgn.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=461&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">La perte de biodiversité exacerbe le changement climatique en inhibant la capacité de la Terre à se protéger et à se régénérer.</span>
<span class="attribution"><span class="source">LA PRESSE CANADIENNE/Paul Chiasson</span></span>
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<p>Publié en novembre 2022, ce rapport constitue le premier guide complet sur l’utilisation des limites planétaires comme point de référence dans la reddition de comptes des entreprises en matière de développement durable. <a href="https://doi.org/10.1126/science.1259855">Les limites planétaires</a> fixent les frontières à l’intérieur desquelles l’humanité peut se développer et vivre en toute sécurité, sans épuiser les ressources de la Terre. </p>
<p>Ce rapport est l’aboutissement de <a href="https://r3dot0.medium.com/unrisd-ushers-in-a-new-era-of-authentic-sustainability-assessment-with-the-release-of-its-84a1d6761927">plus de quatre années de recherche</a>, de consultation et de plaidoyer en faveur d’une nouvelle génération d’outils de responsabilisation. Il s’agit, dans sa forme la plus simple, d’un engagement à faire entrer l’évaluation de la durabilité organisationnelle dans une nouvelle ère d’authenticité.</p>
<p>En filigrane, le rapport soutient que les pratiques des entreprises actuelles sont inauthentiques et insuffisantes pour parvenir à une véritable durabilité.</p>
<h2>Indicateurs de durabilité</h2>
<p>Le concept d’<a href="https://sdpi.unrisd.org/platform/">indicateurs de performance en matière de développement durable (IPDD)</a> est au cœur du rapport <em>Authentic Sustainability Assessment</em>. Ces indicateurs mesurent les performances en matière de développement durable des entreprises, des organisations à but non lucratif et d’autres organisations économiques en utilisant une approche nouvelle et améliorée. </p>
<p>Ces indicateurs s’éloignent de l’ancienne approche de divulgation qui repose sur l’idée d’extraire des ressources infinies d’une planète finie (postulat d’un modèle économique linéaire). Les rapports qui reprennent cette approche désuète comprennent la <a href="https://www.globalreporting.org/"><em>Global Reporting Initiative</em></a>, le <a href="https://www.sasb.org/"><em>Sustainability Accounting Standards Board</em></a> et le plus récent <a href="https://www.ifrs.org/groups/international-sustainability-standards-board/"><em>International Sustainability Standards Board</em></a>. </p>
<p>La nouvelle approche des IPDD interroge les conditions sous-jacentes qui compromettent le développement durable. Pour ce faire, les IPDD proposent de respecter les limites planétaires de façon holistique, qu’elles soient sociales, économiques ou environnementales.</p>
<p>La divulgation conventionnelle consiste à comparer des organisations similaires du même secteur ou de la même zone géographique et à divulguer ses « bonnes » performances par rapport aux années précédentes. </p>
<p>Les IPDD, quant à eux, comparent les entreprises à un seuil de durabilité scientifiquement établi et basé sur le contexte.</p>
<h2>Seuils de durabilité</h2>
<p>La performance d’une organisation en matière de durabilité s’exprime en termes d’impact de l’organisation sur des actifs vitaux, tels que les limites planétaires et les seuils sociaux, par rapport aux normes de durabilité. Cela garantit le bien-être de toutes les parties prenantes, humaines et naturelles, qui contribuent à l’équilibre social, économique et environnemental. </p>
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<img alt="Une foule de personnes en costume regarde un grand écran sur lequel est inscrit l’indice composite S&P TSX" src="https://images.theconversation.com/files/513019/original/file-20230301-16-sfctap.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/513019/original/file-20230301-16-sfctap.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=401&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/513019/original/file-20230301-16-sfctap.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=401&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/513019/original/file-20230301-16-sfctap.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=401&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/513019/original/file-20230301-16-sfctap.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/513019/original/file-20230301-16-sfctap.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/513019/original/file-20230301-16-sfctap.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Les marchés boursiers demandent de plus en plus aux entreprises cotées en bourse de divulguer leurs performances en matière de développement durable ».</span>
<span class="attribution"><span class="source">LA PRESSE CANADIENNE/Tijana Martin</span></span>
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</figure>
<p>Selon le rapport, c’est seulement en comparant les impacts réels aux impacts normatifs que l’on peut évaluer la véritable durabilité. </p>
<p>Prenons l’exemple de l’eau, une <a href="https://theconversation.com/ipcc-report-half-the-world-is-facing-water-scarcity-floods-and-dirty-water-large-investments-are-needed-for-effective-solutions-175578">denrée de plus en plus rare</a>. Une organisation qui réduit sa consommation d’eau de 35 % ou qui est la plus économe en eau par rapport à ses concurrents ne nous dit rien sur la durabilité de cette consommation d’eau.</p>
<p>Une organisation peut être la meilleure de son secteur en matière d’économie d’eau et pourtant avoir des résultats médiocres en matière de durabilité. La durabilité ne se mesure pas à l’effort, mais à la capacité des écosystèmes – comme les limites planétaires, la pollution et la biodiversité.</p>
<p>Les IPDD recommandent plutôt de comparer la consommation d’eau à la capacité des écosystèmes et aux besoins réels en eau des espèces vivantes. C’est précisément cet équilibre entre la consommation réelle et la disponibilité des ressources, à la lumière de la capacité des écosystèmes, qui déterminera la véritable durabilité d’une organisation.</p>
<h2>Vers une véritable durabilité</h2>
<p>Au fil du temps, les entreprises seront de plus en plus tenues de divulguer leur impact sur le développement durable. Ce sera le cas pour les grandes entreprises européennes à partir de 2024, à la suite de l’adoption de la directive <a href="https://finance.ec.europa.eu/capital-markets-union-and-financial-markets/company-reporting-and-auditing/company-reporting/corporate-sustainability-reporting_en"><em>Corporate Sustainability Reporting</em></a>.</p>
<p>Les marchés boursiers évoluent également dans cette direction, obligeant les entreprises cotées en bourse à divulguer leurs performances en matière de développement durable aux <a href="https://sseinitiative.org/esg-disclosure/">États-Unis</a> et au <a href="https://www.cpacanada.ca/en/business-and-accounting-resources/financial-and-non-financial-reporting/sustainability-environmental-and-social-reporting/publications/a-primer-for-environmental-social-disclosure">Canada</a>. </p>
<p>L’adoption généralisée et concertée des IPDD dans le monde peut, dans le cadre de cette dynamique croissante de divulgation des performances en matière de développement durable, favoriser un développement durable authentique à la hauteur des défis à relever. </p>
<p>Nous devons être collectivement ambitieux et tirer parti de la pertinence et de l’originalité de ces nouveaux indicateurs, qui pavent une nouvelle voie vers la réalisation d’une durabilité authentique.</p>
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<p><em>Ghani Kolli, associé chez Credo Impact, a co-écrit cet article.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/201834/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Sofiane Baba a régulièrement reçu des financements d'organismes subventionnaires tels que le Conseil de recherches en sciences humaines (CRSH), le Fonds de recherche - Société et Culture du Québec (FRQSC) et le MITACS.</span></em></p>Les progrès récents dans la manière dont les organisations mesurent les performances en matière de durabilité pourraient conduire à une approche véritablement authentique de la durabilité.Sofiane Baba, Professeur agrégé en management stratégique, Université de Sherbrooke Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1966082022-12-15T18:22:25Z2022-12-15T18:22:25ZPodcast « Défis climatiques » : Trouver de nouvelles boussoles économiques pour permettre le changement<iframe src="https://embed.acast.com/601af61a46afa254edd2b909/639747b628c3c90011776fa3" frameborder="0" width="100%" height="190px"></iframe>
<p><iframe id="tc-infographic-569" class="tc-infographic" height="100" src="https://cdn.theconversation.com/infographics/569/0f88b06bf9c1e083bfc1a58400b33805aa379105/site/index.html" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/comment-ecouter-les-podcasts-de-the-conversation-157070">Comment écouter les podcasts de The Conversation ?</a>
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<p>Sécheresse et canicules inédites, montée des eaux, biodiversité en chute libre… Partout dans le monde, les effets de la crise climatique se font sentir, de plus en plus intensément. Face à ce constat, documenté par les scientifiques dans les fameux rapports du GIEC, certains vivent dans la crainte qu’un point de non-retour soit atteint.</p>
<p>Et si, au-delà des chiffres et des situations effrayantes, on s’intéressait aux initiatives qui portent leurs fruits ? C’est l’objet de « Défis climatiques : ces initiatives qui font bouger les lignes » une série de podcasts réalisée en partenariat avec l’Institut des hautes études pour la science et la technologie. Objectif : appréhender les mobilisations et les actions qui permettent de faire face à la crise climatique et qui donnent de l’espoir.</p>
<p>Dans ce nouvel épisode, on s’intéresse aux enjeux économiques et à leur rôle dans la crise climatique. Notre obsession pour la croissance est-elle responsable de la crise climatique et plus généralement des dérèglements environnementaux ? Sur quels nouveaux indicateurs économiques s’appuyer pour assurer la survie de la biosphère ? Après la pandémie de Covid, pourquoi la question de la santé et du bien-être est devenue incontournable pour envisager l’avenir ?</p>
<p>Autant de questions que nous abordons avec Éloi Laurent, enseignant à Sciences Po et à l’Université de Stanford, économiste senior à l’Observatoire français des conjonctures économiques (<a href="https://www.ofce.sciences-po.fr/#">OFCE</a>). Ses travaux portent sur les questions de bien-être et de soutenabilité environnementale. On peut retrouver ses deux derniers ouvrages aux éditions Les liens qui libèrent, <em><a href="http://www.editionslesliensquiliberent.fr/livre-Sortir_de_la_croissance-9791020909824-1-1-0-1.html">Sortir de la croissance, mode d’emploi</a></em>, <em><a href="https://bit.ly/3BzFSgD">Et si la santé guidait le monde ?</a></em>, en édition de poche.</p>
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<p><strong>À écouter aussi</strong></p>
<p>Épisode #1 : <a href="https://theconversation.com/podcast-defis-climatiques-a-quelle-echelle-agir-192868">À quelle échelle agir ?</a><br>
Épisode #2 : <a href="https://theconversation.com/podcast-defis-climatiques-la-justice-un-outil-de-plus-en-plus-efficace-193344">La justice, un outil de plus en plus efficace ?</a><br>
Épisode #3 : <a href="https://theconversation.com/podcast-defis-climatiques-que-peuvent-les-scientifiques-face-a-un-climat-toujours-plus-contraste-193602">Que peuvent les scientifiques face à un climat toujours plus contrasté ?</a> </p>
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<p><em>Crédits, conception et animation, Françoise Mamouyet & Jennifer Gallé. Réalisation, Romain Pollet. Chargé de production, Rayane Meguenni. Musique, « Night », Kosmorider, 2022</em>.</p>
<figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/299040/original/file-20191028-113991-5w3olq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/299040/original/file-20191028-113991-5w3olq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=348&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/299040/original/file-20191028-113991-5w3olq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=348&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/299040/original/file-20191028-113991-5w3olq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=348&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/299040/original/file-20191028-113991-5w3olq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=438&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/299040/original/file-20191028-113991-5w3olq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=438&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/299040/original/file-20191028-113991-5w3olq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=438&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption"></span>
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<p><em>Ce podcast prolonge une intervention tenue dans le cadre du cycle de formation 2021-2022 de l’Institut des hautes études pour la science et la technologie (<a href="https://www.ihest.fr/">IHEST</a>), intitulé « Mobiliser les ressources pour les transitions : transformations, ruptures, métamorphoses »</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/196608/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>L’obsession pour la croissance économique nourrit la crise climatique. Une situation qui nous engage à explorer les potentialités de la décroissance, souligne l’économiste Éloi Laurent.Éloi Laurent, Enseignant à Sciences Po et à l’Université de Stanford, économiste senior à l’Observatoire français des conjonctures économiques, Sciences Po Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1771642022-02-18T17:55:15Z2022-02-18T17:55:15ZAffaire Orpea : mais à quoi servent les notations ESG ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/446483/original/file-20220215-13-1mla6r9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=34%2C23%2C1164%2C725&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le livre «&nbsp;Les Fossoyeurs&nbsp;» a révélé début 2022 des problèmes structurels qui n’apparaissent pas dans les évaluations extrafinancières de l’opérateur privé d’Ehpad.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.maxpixel.net/Woman-Self-reliance-Elderly-Hand-Hands-Adult-3952081">Max Pixel</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>L’<a href="https://www.novethic.fr/actualite/gouvernance-dentreprise/entreprises-controversees/isr-rse/les-sombres-dessous-d-orpea-ont-echappe-aux-filets-de-la-notation-rse-150534.html">affaire Orpea</a> montre une fois de plus que les notations ESG, pourtant censées refléter la performance environnementale, sociale et de gouvernance des entreprises, n’arrivent pas à communiquer une information fiable qui permette d’identifier d’éventuels problèmes dans ces domaines. Orpea, entreprise privée spécialisée dans la gestion d’Établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad), se vantait dans son <a href="https://www.orpea-corp.com/images/orpeafinance/pdf/Documentation/FR/2021/Pres_ORPEA_Resultats_S1_2021_FR_cd54f.pdf">rapport RSE (responsabilité sociétale et environnementale) 2021</a> d’une belle progression dans les classements proposés par certaines agences, alors que le livre <a href="https://www.fayard.fr/documents-temoignages/les-fossoyeurs-9782213716558">« Les Fossoyeurs »</a> du journaliste d’investigation Victor Castanet, publié en 2022 après trois ans d’enquête de terrain, dévoile des problèmes structurels conduisant à des cas de maltraitance des personnes âgées.</p>
<p>Ce n’est pas la première fois que les notations ESG se révèlent incapables de détecter des controverses chez des entreprises : <a href="https://www.reutersevents.com/sustainability/stakeholder-engagement/beyond-petroleum-why-csr-community-collaborated-creating-bp-oil-disaster">BP</a> était bien notée en termes de responsabilité sociale juste avant l’explosion de sa plate-forme pétrolière Deepwater Horizon en 2010, <a href="https://corpgov.law.harvard.edu/2018/08/07/ratings-that-dont-rate-the-subjective-world-of-esg-ratings-agencies/">Volkswagen</a> aussi avant que le scandale « Dieselgate » n’éclate en 2015, et en 2019, La Poste s’était vue décerner le meilleur score jamais attribué par <a href="https://www.lapostegroupe.com/fr/actualite/le-groupe-la-poste-se-voit-decerner-la-meilleure-note-rse-jamais-attribuee-par-l-agence-vigeo">l’agence de notation ESG Vigeo-Eiris</a>, la même année où un reportage <a href="https://www.infoprotection.fr/30-suicides-par-an-a-la-poste-envoye-special-sonne-le-glas/">d’Envoyé Spécial</a> dénonçait une vague de suicides.</p>
<p>Dans le même temps, les notations ESG sont également critiquées pour leur faible comparabilité, attribut central pour une information destinée à être utilisée par des investisseurs. Ainsi, une <a href="https://papers.ssrn.com/sol3/papers.cfm?abstract_id=3438533">étude</a> publiée en 2019 par des chercheurs du MIT révèle des écarts importants entre les notations des principales agences de notation pour les mêmes entreprises.</p>
<p>Il paraît donc que les notations ESG sont confrontées à un double échec : elles n’arrivent ni à dévoiler une quelconque « réalité » sur les pratiques des entreprises, ni à proposer une information utilisable pour leur clientèle. Notre enquête de terrain réalisée dans le cadre d’une <a href="https://www.theses.fr/s207231">thèse de doctorat</a> explique en quoi connaître la véritable performance des entreprises et produire une information utilisable dans le cadre de transactions financières classiques repose sur une impossible réconciliation.</p>
<h2>« Les agences mélangent tout ! »</h2>
<p>Les notations ESG sont traitées par les investisseurs comme des reflets d’une performance extrafinancière qu’il s’agirait de prendre en compte en complément à la performance financière des entreprises. Une chargée des affaires institutionnelles dans une agence de notation ESG précise :</p>
<blockquote>
<p>« L’analyse financière regarde uniquement le risque de solvabilité, si l’entreprise est rentable à court/moyen/long terme, sur des critères purement objectifs de ratios financiers. Nous, on essaie de regarder la performance de l’entreprise sur d’autres types de risque, comme sa gestion du capital humain, sa sécurité, sa réputation, etc. »</p>
</blockquote>
<p>Or, contrairement à la performance financière, la performance extrafinancière est composée d’aspects hétérogènes, complexes, parfois contradictoires. Ce sont des informations que les investisseurs n’ont pas l’habitude de regarder. La promesse des agences de notation est donc d’identifier ces éléments, d’apprécier la performance des entreprises les concernant, et de les traduire dans un langage qui parle aux investisseurs.</p>
<p>Puisque ces derniers ont l’habitude de se fonder sur des indicateurs simples qui agrègent plusieurs facteurs en une note unique, comme c’est le cas pour les notations crédit, la performance des entreprises dans les domaines environnementaux, sociaux et de gouvernance est également agrégée dans un unique score « ESG ». Un directeur de recherche dans une agence de notation ESG reconnaît que cette situation pose problème :</p>
<blockquote>
<p>« C’est un travers qui se retrouve même au sein de l’industrie ESG. La note que fournissent les agences au global, finalement, c’est quoi ? C’est un mélange d’indicateurs, de politiques managériales et de controverses… Elles mélangent tout ! »</p>
</blockquote>
<p>Pour les analystes, il peut être difficile d’identifier les signaux faibles d’une controverse à venir dans un tel mélange, car la grande quantité de critères conduit facilement à noyer le poisson. Certains en sont conscients mais savent aussi que, pour répondre aux demandes de leurs clients, la nuance doit parfois être sacrifiée pour pouvoir proposer une information simple à comprendre et à communiquer.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/446475/original/file-20220215-17-z7j0rg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/446475/original/file-20220215-17-z7j0rg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=412&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/446475/original/file-20220215-17-z7j0rg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=412&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/446475/original/file-20220215-17-z7j0rg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=412&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/446475/original/file-20220215-17-z7j0rg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=518&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/446475/original/file-20220215-17-z7j0rg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=518&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/446475/original/file-20220215-17-z7j0rg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=518&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Pour répondre aux demandes de leurs clients, la nuance doit parfois être sacrifiée.`.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://pxhere.com/fr/photo/1561501">Pxhere</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Forcément, résumer en un score unique la diversité des pratiques, de l’égalité salariale homme-femme aux mesures de réduction de gaz à effet de serre en passant par la protection des lanceurs d’alerte, constitue une affaire délicate. Les manières de faire ne sont d’ailleurs pas les <a href="https://papers.ssrn.com/sol3/papers.cfm?abstract_id=3438533">mêmes d’une agence à une autre</a>, ce qui explique les problèmes de comparabilité entre les notations.</p>
<h2>Baisse de qualité</h2>
<p>La plupart des agences de notation ESG « historiques » ont développé leurs méthodologies d’analyse autour d’une volonté de produire des analyses de qualité, c’est-à-dire des analyses « profondes » qui intègrent une grande diversité de thématiques. L’objectif était initialement de proposer à la minorité d’investisseurs qui s’y intéressait des analyses détaillées de la responsabilité des entreprises.</p>
<p>Or, depuis que l’ESG a suscité l’intérêt des investisseurs « mainstream », les besoins en termes de nombre d’entreprises évaluées sont beaucoup plus élevés, ce qui a eu des implications importantes sur les agences historiques et le temps qu’elles passent à réaliser les analyses. Mécaniquement, pour pouvoir produire en quantité, elles ont dû baisser la barre en termes de profondeur des analyses, comme le reconnaît le directeur de recherche :</p>
<blockquote>
<p>« Les quatre grandes agences de notation se sont livrées à une concurrence d’enfer les 10 dernières années, par sur la méthode, sur la couverture. Moi, je l’ai vécu […] Il y a une dynamique de marché qui n’a pas porté la qualité vers le haut. Ça, c’est indéniable ».</p>
</blockquote>
<p>Cela signifie donc que ces analystes, contrairement au journaliste Vincent Castanet, n’ont pas la possibilité conduire des enquêtes de terrain approfondies chez les entreprises. Cela prendrait beaucoup trop de temps, alors que les investisseurs ont besoin de notations à jour et de couvertures larges. Les analystes n’ont donc pas d’autre choix que de se baser sur les données autodéclarées par les entreprises sans pouvoir vérifier leur véracité.</p>
<h2>Une régulation à renforcer</h2>
<p>Un dernier obstacle à la production d’analyses capables de refléter ce qui se passe véritablement dans une entreprise est que les analystes ESG doivent garder en tête que l’objectif pour un investisseur est de pouvoir comparer la performance des entreprises entre elles, ou d’apprécier l’évolution de la performance d’une entreprise dans le temps. Pour pouvoir produire des analystes comparables, il faut que les méthodologies soient stables dans le temps.</p>
<p>Mais la stabilité d’un cadre conceptuel ne permet pas toujours de saisir des événements surprenants et donc de produire des informations pertinentes. La professeure en gestion Jennifer Howard-Grenville de l’université de Cambridge dénonce ainsi la tendance des notations ESG à trop se focaliser sur des indicateurs facilement mesurables, ce qui peut <a href="https://hbr.org/2021/01/esg-impact-is-hard-to-measure-but-its-not-impossible">rendre invisibles des problèmes plus complexes</a>. La Poste avait ainsi reçu une bonne notation ESG en 2019 grâce à, entre autres, son taux d’employés en situation d’handicap et la croissance de sa flotte de <a href="https://www.lapostegroupe.com/fr/actualite/le-groupe-la-poste-se-voit-decerner-la-meilleure-note-rse-jamais-attribuee-par-l-agence-vigeo">véhicules électriques</a>. Les problèmes sociaux qui y régnaient étaient plus difficiles à percevoir et étaient donc passés sous le radar.</p>
<p>Les notations ESG se basent donc sur l’impossible réconciliation entre la promesse d’une information fiable sur ce qui se passe « réellement » dans les entreprises, afin de compléter l’analyse financière en prenant en compte d’autres sources de risque, et la production d’une information utilisable pour les investisseurs.</p>
<p>Pour qu’une information soit utilisable dans les transactions financières classiques, il faut qu’elle ait les mêmes caractéristiques que les autres informations sur lesquelles se basent ces transactions, c’est-à-dire qu’elle soit simple et rapide à utiliser, comparable dans le temps et entre entreprises, et couvrant une quantité importante de titres. Or, traduire les informations extrafinancières de telle manière qu’elles possèdent ces caractéristiques implique forcément une perte de nuance et pourrait conduire à rater certains aspects majeurs. Comme une maltraitance systématique dans des maisons de retraite.</p>
<p>S’il n’est pas possible de résoudre complètement les causes de cette impossible réconciliation, il est possible de renforcer la régulation sur la qualité des notations ESG. Car comme l’a noté Christophe Revelli, professeur à Kedge Business School dans une intervention récente à <a href="https://www.franceculture.fr/emissions/la-bulle-economique/orpea-parmi-les-1ers-de-la-classe-selon-les-notations-esg">France Culture</a>, si les dynamiques de marché ont provoqué une pression sur les agences de notation en termes de couverture, la régulation n’a pas encore suffisamment suivi en termes de protection de la qualité des analyses.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1492040572412084224"}"></div></p>
<p>Actuellement, la Commission européenne travaille sur le <a href="https://ec.europa.eu/info/publications/210421-sustainable-finance-communication_en">renforcement des contraintes de reporting</a> extrafinancier pour les entreprises cotées, qui devront prochainement donner plus de détails sur l’impact de leurs activités sur les enjeux environnementaux et sociaux, au-delà de l’impact de ces enjeux sur leurs activités.</p>
<p>Dans le même temps, la régulation <a href="https://www.amf-france.org/fr/actualites-publications/actualites/entree-en-application-au-10-mars-2021-du-reglement-sfdr-pour-les-societes-de-gestion-de-portefeuille">SFDR</a> (Sustainable Finance Disclosure Regulation) renforce les obligations pour les acteurs financiers qui proposent des fonds d’investissements commercialisés comme « ESG ». Ces nouvelles contraintes à venir visent non seulement à empêcher les entreprises à cacher des impacts négatifs, mais aussi à aider les analystes à produire des analyses à la fois plus proches de la « réalité » des entreprises et utilisables pour les investisseurs.</p>
<hr>
<p><em>La thèse de Michelle van Weeren a été rédigée sous la direction de Frédérique Déjean, professeur agrégée des universités en sciences de gestion à l’Université Paris-Dauphine</em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/177164/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Michelle van Weeren ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les agences de notation n’ont plus le temps de se livrer à des analyses approfondies et s’appuient sur des données autodéclarées par les entreprises qui ne reflètent pas les éventuels problèmes.Michelle van Weeren, Docteure en sciences de gestion, Université Paris Dauphine – PSLLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1716122021-11-11T16:25:32Z2021-11-11T16:25:32ZComment bien mesurer les performances climatiques et environnementales des États ?<p>À la COP26, les États auront présenté leurs objectifs, plus ou moins ambitieux, en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Ce suivi et cette comptabilité climatiques posent plus généralement la question de l’évaluation des performances environnementales de chaque pays.</p>
<p>Pour les organisations de défense de l’environnement, cette évaluation est principalement convoquée pour montrer que les États – et les entreprises – ne font pas assez d’efforts, voire laissent s’aggraver sans cesse les impacts négatifs sur l’environnement et le climat.</p>
<p>Pour les observateurs non directement militants, il peut s'agir aussi de mesurer les performances de chaque société en termes de bien-être. Ici, le seul PIB ne fait pas l’affaire.</p>
<p>Dès 1951, un ouvrage de l’économiste Karl William Kapp sur les <a href="https://www.persee.fr/doc/reco_0035-2764_1976_num_27_4_408280_t1_0743_0000_000">« coûts sociaux dans l’économie de marché »</a> démontrait l’importance des « externalités » engendrées par les entreprises ; externalités non intégrées dans la comptabilité nationale.</p>
<p>Revenons ici sur ces différentes approches de la mesure des performances environnementales et sur les conclusions des études les plus récentes à ce sujet.</p>
<h2>Au-delà des limites du PIB</h2>
<p>Les critiques du PIB comme indicateur de référence sont légion : elles portent principalement sur le fait qu’il ne prend pas en compte les atteintes aux milieux naturels et à la biodiversité, comme il ignore la diminution des stocks de ressources naturelles. Cela alors même que les dépenses de « réparation » (dépollution, restauration des milieux) contribuent au contraire à l’augmenter.</p>
<p>Plus globalement, comme l’avait souligné <a href="https://www.monde-diplomatique.fr/publications/l_atlas_mondes_emergents/a54102">Robert Kennedy, alors présidentiable aux États-Unis</a>, en 1968 :</p>
<blockquote>
<p>« Le PIB mesure tout, sauf ce qui fait que la vie vaut la peine d’être vécue. »</p>
</blockquote>
<p>Intégrant ces critiques, l’économiste indien Amartya Sen et le Pakistanais Mahbub ul Haq introduisent en 1990 l’<a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Indice_de_d%C3%A9veloppement_humain">indice de développement humain</a>.</p>
<p>Celui-ci combine le PIB par habitant, l’espérance de vie à la naissance et le niveau de scolarisation. Mais les pondérations de ces trois indicateurs restent arbitraires et de l’aveu même de leurs créateurs : <a href="https://www.telos-eu.com/fr/politique-francaise-et-internationale/trois-modeles-de-bien-etre.html">« on additionne des choux et des carottes »</a>.</p>
<p>La réflexion sera prolongée en France par la Commission Stiglitz-Sen-Fitoussi sur la « <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/1372481?sommaire=1372485">mesure du bien-être et du progrès social</a> » en 2009, puis dans les travaux de Partha Dasgupta pour les Nations unies sur l’<a href="https://unu.edu/events/archive/lecture/what-is-the-inclusive-wealth-index.html">« indicateur de richesse inclusive »</a>, qui prend en compte le capital naturel et le capital humain.</p>
<p>D’autres approches s’appuient délibérément sur une perspective multicritères, avec des indicateurs le plus souvent formulés en unités physiques.</p>
<p>À partir de 2006, la Commission européenne développe un jeu d’indicateurs pour <a href="https://ec.europa.eu/trade/policy/policy-making/analysis/policy-evaluation/sustainability-impact-assessments/">l’évaluation des impacts sur la durabilité</a> de ses politiques. Et surtout, en 2015, les Nations unies apportent une contribution majeure avec la publication des <a href="https://sdgs.un.org/fr">17 Objectifs du développement durable</a>, auxquels sont associés 169 indicateurs cibles.</p>
<h2>De Copenhague à Glasgow : les performances brutes en matière d’émissions de CO₂</h2>
<p>Pour l’évaluation des politiques climatiques, la caractérisation la plus simple doit prendre à la fois en compte les niveaux d’émission et les dynamiques en cours.</p>
<p>Pour ce faire, nous nous appuyons sur les statistiques Enerdata pour les émissions de CO<sub>2</sub> (principal gaz à effet de serre) par habitant des pays du G20 entre 2009 et 2019. À noter qu’il s’agit ici des émissions territoriales, ne tenant pas compte de l’empreinte carbone des émissions importées (ou exportées) dans le commerce extérieur.</p>
<p>En 2019 donc, les émissions des pays du G20 sont en moyenne de 8,2 tCO2/hab ; entre 2009 et 2019, elles sont restées pratiquement stables. Mais ces moyennes – présentées en pointillé rouge dans la figure ci-dessous – cachent des réalités très différentes et permettent d’identifier quatre catégories de pays, selon qu’ils se situent en dessous ou au-dessus de celles-ci.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/431246/original/file-20211110-13-1f6r8ox.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/431246/original/file-20211110-13-1f6r8ox.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/431246/original/file-20211110-13-1f6r8ox.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=516&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/431246/original/file-20211110-13-1f6r8ox.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=516&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/431246/original/file-20211110-13-1f6r8ox.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=516&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/431246/original/file-20211110-13-1f6r8ox.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=648&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/431246/original/file-20211110-13-1f6r8ox.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=648&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/431246/original/file-20211110-13-1f6r8ox.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=648&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Niveau des émissions de CO₂/hab en 2019 et réduction des émissions de CO₂ sur 2009-2019.</span>
<span class="attribution"><span class="source">P.Criqui/C.Sebi (données Enerdata)</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Dans la figure, le quadrant en haut à droite rassemble les pays émettant moins que la moyenne et ayant réduit leurs émissions. Ce sont les pays les plus vertueux, en termes relatifs évidemment. On y trouve quatre grands pays d’Europe, le Royaume-Uni, l’Italie, l’Espagne et la France et trois pays émergents, le Mexique, l’Argentine et l’Afrique du Sud.</p>
<p>Le quadrant en haut à gauche regroupe les pays émettant plus que la moyenne, mais ayant néanmoins réduit leurs émissions dans les dix dernières années : avec des niveaux d’émission par tête très élevés, on trouve des pays détenteurs de grandes ressources énergétiques, l’Australie, les USA, le Canada et l’Arabie saoudite ; avec des niveaux d’émission beaucoup plus proches de la moyenne, deux grands pays à forte industrie, l’Allemagne et le Japon.</p>
<p>Dans le quadrant en bas à gauche, on identifie des pays à forte intensité industrielle comme la Corée du Sud et la Russie ; mais aussi la Chine, qui représente à elle seule 40 % des émissions du G20, avec des émissions par tête proches de la moyenne, mais une augmentation de 28 % depuis 10 ans.</p>
<p>Enfin, le quadrant en bas à droite regroupe deux pays émergents à niveau d’émission inférieur à la moyenne, mais avec augmentation des émissions : le Brésil et la Turquie ; et deux pays à très faible niveau d’émission, mais très forte augmentation dans la dernière décennie : l’Inde et l’Indonésie.</p>
<p>Cette typologie est utile pour apprécier l’extrême diversité des situations. Mais, étant construite sur une seule variable – CO<sub>2</sub>/tête – elle reste sommaire.</p>
<p>Pour mieux apprécier les réalités des performances environnementales, il faut recourir à des systèmes de mesure plus complexes.</p>
<h2>Pour une vision plus riche, construire des tableaux de bord</h2>
<p>Résumons : le PIB ne permet pas de mesurer d’autres performances que celles de l’économie marchande, et les indicateurs physiques simples, pour importants qu’ils soient, ne permettent pas une intégration des différentes dimensions de l’environnement.</p>
<p>Pour cela, il faut mobiliser plusieurs indicateurs et les organiser dans un tableau de bord.</p>
<p>Pour explorer ces différents indicateurs, nous avons retenu les six études qui couvrent un nombre de pays suffisant, et qui permettent, grâce à un indice synthétique, d’élaborer un classement de performance environnementale (<em>performance ranking</em> en anglais).</p>
<p>Il y a l’<a href="https://epi.yale.edu/">Environmental Performance Index</a> (EPI) des universités de Yale et de Columbia ; l’<a href="https://www.weforum.org/reports/1edb4488-deb4-4151-9d4f-ff355eec499a">Energy Transition Index</a> (ETI) du World Economic Forum ; le <a href="https://www.technologyreview.com/2021/01/25/1016648/green-future-index/">Green Future Index</a> (GFI) de la MIT Technology Review ; le <a href="https://newclimate.org/2020/12/07/the-climate-change-performance-index-2021/">Climate Change Performance Index</a> (CCPI) du New Climate Institute ; le <a href="https://www.worldenergy.org/transition-toolkit/world-energy-trilemma-index">World Energy Trilemma Index</a> du World Energy Council ; le <a href="https://dashboards.sdgindex.org/">Sustainable Development Report</a> (SDR) du Sustainable Development Solutions Network.</p>
<p>Ces indicateurs composites sont propres à chaque organisme ; ils sont issus d’une pondération différente de critères (ou de sous-indicateurs), allant de 14 pour le CCPI à 90 pour le SDR, et qui mettent plus ou moins l’accent sur les performances environnementale (eau, air, etc.), énergétique (renouvelables) ou climatique (GES).</p>
<p>Mentionnons également l’ONG Climate Transparency qui produit son <a href="https://www.climate-transparency.org/">rapport annuel pour les pays du G20</a> en s’appuyant sur une série d’indicateurs, mais sans établir d’indice synthétique et un classement d’ensemble.</p>
<h2>Le Danemark en tête, la France en 5ᵉ position</h2>
<p>Dans une démarche inspirée de celle d’une « méta-analyse », nous avons considéré les pays du G20, ensemble élargi à six pays (Danemark, Suède, Norvège, Finlande, Suisse et Autriche), plus petits mais remarquables par leurs performances. Le classement final (reporté dans la colonne de gauche du classement ci-dessous) est effectué selon la moyenne du rang de chaque pays dans les six classements considérés.</p>
<p>Le Danemark est premier du classement final avec un rang moyen de 2,5. Il est suivi par les trois autres pays nordiques, Suède, Finlande et Norvège. La France apparaît en cinquième place, mais c’est le premier pays du G20, juste devant le Royaume-Uni.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/431527/original/file-20211111-17-18ysxz3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/431527/original/file-20211111-17-18ysxz3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/431527/original/file-20211111-17-18ysxz3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=486&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/431527/original/file-20211111-17-18ysxz3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=486&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/431527/original/file-20211111-17-18ysxz3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=486&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/431527/original/file-20211111-17-18ysxz3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=611&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/431527/original/file-20211111-17-18ysxz3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=611&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/431527/original/file-20211111-17-18ysxz3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=611&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Classement mondial des pays selon différents indices de performances environnementales.</span>
<span class="attribution"><span class="source">P.Criqui/C.Sebi (à partir des indicateurs SDR, WETI, ETI, EPI, GFI, CCPI)</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Ce classement mérite évidemment discussion. D’abord, chacun des classements résulte d’une pondération d’un grand nombre de critères et celle-ci reste contingente aux choix des auteurs : c’est l’éternel problème des analyses multicritères, celui « des choux et des carottes ».</p>
<p>De plus, certaines études sont vivement <a href="https://www.futura-sciences.com/planete/actualites/rechauffement-climatique-france-pays-plus-durables-monde-vraiment-86736/">critiquées dans leur méthode même</a>. Enfin, la méthode de calcul que nous adoptons ici, soit une moyenne simple des places, est elle aussi discutable.</p>
<p>Malgré ces limites, on peut constater des éléments forts de cohérence et de robustesse dans les résultats. Cela notamment en analysant les regroupements socio-géographiques auxquels conduit notre « méta-classement » : ainsi des premières places des quatre pays nordiques, puis des proximités Suisse-Allemagne-Autriche, Espagne-Italie, Canada-USA, Japon-Australie-Corée du sud, Brésil-Argentine-Mexique…</p>
<p>Cette apparente robustesse s’explique par le fait que quatre des classements retenus (EPI, SDR, ETI, et WETI) ont adopté une démarche d’ensemble proche, qui semble aboutir à une typologie similaire à celle présentée dans la première figure de l’article (voir à ce propos les encadrés de couleur dans la première figure et le tableau de classement).</p>
<p>Cependant, deux classements présentent des résultats différents.</p>
<p>D’une part, le GFI repose davantage sur les engagements annoncés des pays que sur ses résultats, ce qui réduit l’écart entre les pays et <a href="https://www.francetvinfo.fr/meteo/climat/vrai-ou-fake-peut-on-se-fier-a-cet-indice-qui-classe-la-france-4e-pays-le-plus-vert-au-monde_4361695.html">fait l’objet de controverse</a>. Inversement, le CCPI donne un premium aux bas niveaux d’émission actuels des pays en voie de développement et aux actions des États plutôt qu’à leurs promesses : selon ce classement, la <a href="https://www.lemoniteur.fr/article/la-france-degringole-a-la-21e-place-du-classement-mondial-de-la-performance-climatique.2010959">France serait ainsi passée de la 4ᵉ à la 20ᵉ place en quelques années seulement</a>.</p>
<h2>Utiliser à bon escient les classements de performance</h2>
<p>Si les tableaux de bord et classements de performance environnementale ont leur intérêt, c’est parce que ni le PIB ni les indicateurs physiques simples ne sont pertinents ou suffisants. Quant aux critiques adressées aux études de performance environnementale, elles doivent avant tout motiver des efforts de recherche afin d’enrichir et améliorer les méthodologies.</p>
<p>Mais au-delà, à quoi peuvent servir ces classements ?</p>
<p>Sans doute pas à décerner des médailles ou à blâmer les mauvais élèves. Premièrement, ils peuvent encourager au développement de systèmes d’indicateurs pertinents pour l’élaboration, le suivi et l’évaluation des politiques environnementales. Cela à l’image des <a href="https://ec.europa.eu/info/law/law-making-process/planning-and-proposing-law/impact-assessments_fr">« études d’impact » de la Commission pour les politiques européennes</a>. Deuxièmement, ils permettent à un État d’identifier par la comparaison et le « parangonnage » ses points forts et surtout ses points faibles, et ce afin d’améliorer ses politiques.</p>
<p>Malgré les limites constatées, les usages des classements de performance ne devraient que se renforcer avec la montée des périls environnementaux.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/171612/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Au-delà du PIB et des émissions de gaz à effet de serre, il faut recourir à des systèmes de mesure plus complexes pour apprécier la réalité des performances environnementales des États.Patrick Criqui, Directeur de recherche émérite au CNRS, Université Grenoble Alpes (UGA)Carine Sebi, Professeure associée et coordinatrice de la chaire « Energy for Society », Grenoble École de Management (GEM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1710402021-11-07T16:48:14Z2021-11-07T16:48:14ZInégalités femmes-hommes : tout ce que les chiffres ne nous disent pas<p>Indicateurs, classements, index, statistiques, ratios… Les mesures pour représenter et lutter contre les inégalités femmes-hommes se multiplient. Ces chiffres sont mobilisés aussi bien à l’échelle nationale, que par les entreprises, pour mettre en valeur les écarts de salaire, les inégalités d’accès aux postes de pouvoir, les violences faites aux femmes, la charge domestique subie par les femmes, etc.</p>
<p>Certains activistes ne cessent de relayer ces chiffres. Des entreprises en font leur modèle économique en proposant des outils de mesures des inégalités de salaire. Des <a href="https://www.midilibre.fr/2017/03/05/ils-inventent-des-applis-pour-favoriser-l-egalite-hommes-femmes,1474531.php">applications</a> sont même développées permettant aux couples de comptabiliser, planifier et répartir les tâches domestiques plus égalitairement au sein du foyer. Ces mesures ont pour but d’objectiver la situation des femmes dans une société patriarcale où les inégalités passent souvent inaperçues, quand elles ne sont pas niées. Elles rendent visibles une partie des problèmes que rencontrent les femmes.</p>
<h2>Mesures incomplètes</h2>
<p>À titre d’exemple, nous nous sommes intéressées dans le cadre de nos <a href="https://www.emerald.com/insight/content/doi/10.1108/AAAJ-08-2020-4880/full/html?skipTracking=true">recherches</a>, au cours du premier confinement, à l’utilisation d’outils quantitatifs dans la répartition des tâches domestiques au sein de couples hétérosexuels de classe moyenne.</p>
<p>Pour faire face à une situation exceptionnelle dans laquelle ces couples devaient continuer à télétravailler, tout en assurant des tâches habituellement externalisées pour tout ou partie (suivi pédagogique des enfants, ménage, courses, etc.), nombre de femmes interviewées ont décidé d’avoir recours à des plannings, <em>to-do-lists</em> et menus permettant, en plus d’organiser la vie de famille, de comptabiliser le temps passé à gérer le travail domestique, pour mieux le répartir.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1268659889926258689"}"></div></p>
<p>Nous avons pu constater que grâce à ces mesures, les femmes parviennent à mettre en visibilité une partie de la charge domestique qu’elles subissent quotidiennement. A fortiori, elles affirment avoir pu instaurer des plages horaires de travail égales et une meilleure répartition des tâches domestiques mesurables, comme le ménage, la cuisine ou les courses. Un témoignage que nous avons recueilli l’illustre :</p>
<blockquote>
<p>« Chez nous, l’un travaille de 8h à 15h et l’autre de 13h à 20h. Et on inverse toutes les semaines pour que ce ne soit jamais le même qui fasse à manger, l’école à la maison, range les chambres des enfants le soir, etc. »</p>
</blockquote>
<p>Cependant, ce que nos résultats montrent aussi c’est que ces mesures sont incomplètes et masquent d’autres formes d’inégalités. Par exemple, ces mesures sont incapables de quantifier la charge mentale subie par les femmes ou le travail de créativité, d’improvisation et de flexibilisation qui leur incombe le plus souvent en cas d’imprévu au sein du foyer. Comme le raconte cette mère :</p>
<blockquote>
<p>« Mon mari est allé au supermarché et n’a pas trouvé certains des ingrédients qu’on avait au menu. Au lieu de décider d’autres menus pour les jours où il manquait des ingrédients, il est revenu du supermarché sans les ingrédients. Donc on n’avait pas de quoi tenir la semaine ! Le problème c’est qu’il faut faire la queue devant le supermarché en ce moment. Donc j’ai été obligée de décaler des rendez-vous professionnels en soirée pour y retourner, et d’improviser de nouveaux menus en fonction de que je trouvais dans les rayons ».</p>
</blockquote>
<p>Les couples interviewés dans notre étude expliquent aussi que ces mesures ne permettent pas de rendre compte de la manière asymétrique dont hommes et femmes ont été socialisés à ce qu’on appelle le « <a href="https://www.ucpress.edu/book/9780520272941/the-managed-heart">travail émotionnel</a> » et des conséquences que cette inégale socialisation a sur la répartition de la charge domestique.</p>
<h2>Les femmes doivent redoubler d’énergie</h2>
<p>Le travail émotionnel est le processus par lequel un individu gère ses émotions et celle des autres face à une situation difficile. Il consiste bien souvent à modifier l’apparence de ses propres émotions pour se conformer à ce qu’autrui attend de nous dans une situation sociale donnée. Dans une société patriarcale, il est attendu des hommes qu’ils mènent ce travail émotionnel en masquant leurs émotions – qu’ils s’agisse de tristesse, de stress ou même d’anxiété – et en affichant une apparence neutre et digne, voire indifférente. Un père nous confie ainsi :</p>
<blockquote>
<p>« J’étais très stressé à cette période. Donc je me suis mis à écouter de la musique quand je m’occupais de mon fils pour ne rien laisser paraître ».</p>
</blockquote>
<p>Cependant, cette manière qu’ont les hommes de gérer le travail émotionnel créé des externalités pour les femmes, auxquelles la société a appris à mener le travail émotionnel en réconfortant l’autre, en faisant preuve d’empathie et d’écoute :</p>
<blockquote>
<p>« Quand c’est son tour de garder les enfants, il continue de travailler et il les laisse jouer dans un coin. Mais les petits finissent par s’impatienter ou se disputer et lui, il reste impassible ! Donc ils viennent me voir dans mon bureau pour que j’écoute leurs frustrations. Et quand c’est à mon tour de les gérer, ils sont très collants et exigeants ».</p>
</blockquote>
<p>En d’autres termes, derrière une apparence d’égale répartition de la charge domestique au sein du foyer, les mesures laissent dans l’ombre une manière asymétrique de mener le travail émotionnel, ce qui oblige les femmes à redoubler d’énergie. Une répondante en témoigne :</p>
<blockquote>
<p>« Pour mes amis et ma famille, je suis très chanceuse pendant ce confinement. J’ai un mari qui fait du 50/50 sur le temps de travail et du 50/50 sur le temps de garde des enfants. Mais tout ça c’est sur le papier. Dans la réalité, je dois mettre deux fois plus d’énergie ».</p>
</blockquote>
<p>Qui plus est, en affichant une certaine forme d’égalité, ou a minima une intention de progrès, ces outils fournissent aux hommes une preuve de bonne conduite et privent les femmes de la possibilité de résister à une situation pourtant toujours vécue comme inégalitaire. Ils ne permettent pas non plus aux hommes de comprendre que les inégalités persistent et les raisons pour lesquelles les femmes s’épuisent.</p>
<h2>Cibler l’éthique de soin</h2>
<p>Cet exemple très spécifique apparaît emblématique de ce que les mesures permettent ou ne permettent pas dans la lutte contre les inégalités femmes-hommes. Il montre plus largement que les méthodes calculatoires <a href="https://www.routledge.com/Moral-Boundaries-A-Political-Argument-for-an-Ethic-of-Care/Tronto/p/book/9780415906425">passent sous silence l’éthique de soin</a> que les femmes mettent en œuvre au quotidien. Il est le miroir de ce qui se passe en entreprise où la focalisation sur les mesures de profit met en valeur le travail individuel mené par le manager – très souvent un homme qui reçoit un bonus pour cette performance – et passe sous silence les efforts de réconfort, de cohésion et de coopération menés en coulisses – le <a href="https://www.emerald.com/insight/content/doi/10.1108/AAAJ-10-2019-4223/full/html">plus souvent par des femmes</a>.</p>
<p>Le corollaire en est, qu’en ne valorisant pas l’éthique de soin, ces outils calculatoires ne permettent pas de faire glisser les hommes vers cette logique, pourtant essentielle à la résilience en temps de crise. Il en est de même en entreprise, où les mesures utilisées pointent du doigt les écarts de salaire ou l’inégal accès à des postes de pouvoir, et ne font qu’inciter les femmes à poursuivre un idéal néolibéral et « masculin » de carrière, celui de l’hyper-investissement et de l’hyper-mobilité, plutôt que de remettre en cause ce modèle pour en promouvoir un plus solidaire.</p>
<p>Parce qu’en réalité, le problème n’est pas tant que les femmes aient un moins bon salaire que les hommes, mais plutôt que le travail de créativité, de cohésion et émotionnel qu’elles mènent dans les coulisses, et qui aide leurs collègues à « tenir bon », ne soit pas valorisé dans leurs salaires.</p>
<p>Plus largement, notre étude permet de montrer que si les statistiques, classements, indicateurs pour promouvoir l’égalité permettent d’objectiver en partie la situation des femmes, elles déshumanisent des situations éminemment humaines et ne permettent pas de remettre en question les causes structurelles des inégalités. Il devient donc essentiel pour notre société de trouver des manières de rendre compte de l’éthique de soin mené par les femmes à l’échelle du foyer, de l’organisation et de la société, et de la valoriser.</p>
<p>Créer d’autres mesures et fixer des objectifs ciblant spécifiquement l’éthique de soin ne constitue cependant pas une solution dans la mesure où comptabiliser ce travail paraît complexe mais surtout parce qu’une telle méthode remettrait probablement en cause sa véritable essence. Valoriser l’éthique de soin nécessite plutôt de réfléchir à de nouvelles méthodes pour rendre des comptes sur la situation des femmes. Il devient aussi indispensable d’éduquer les hommes à cette éthique du soin.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/171040/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Les indicateurs ne permettent pas, par exemple, de mesurer la charge mentale, ou encore la flexibilité face à l’imprévu dont font généralement preuve les femmes au sein du foyer.Ludivine Perray-Redslob, Professeure associée en comptabilité, EM Lyon Business SchoolDima Younes, Professeure associée de théorie des organisations, EM Lyon Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1665822021-09-08T19:35:48Z2021-09-08T19:35:48ZCovid-19 : après les gestes barrières, l’ère des gestes du « bien vivre » ?<p>Au début de la crise de la Covid, le philosophe des sciences Bruno Latour nous invitait à imaginer « les <a href="http://www.bruno-latour.fr/fr/node/849">gestes barrières</a> contre le retour à la production d’avant-crise ». Nous nous proposons de repartir ici de cette notion de <a href="https://journals.openedition.org/rechercheseducations/1977">« geste »</a>. Cette dernière nous permet de nous extraire de la binarité entre le corps et l’esprit en considérant la dimension incarnée des activités.</p>
<p>Le philosophe Jean‑François Billeter, dans son livre <em>Un paradigme</em>, souligne que chaque geste est une connaissance nouvelle – une « <a href="http://www.translaboration.fr/wakka.php?wiki=BilleteR">puissance agissante</a> » – qui a été acquis par un effort volontaire visant à répéter de manière coordonnée des mouvements du corps (y compris mentaux). Une fois acquis, un geste se fait « comme de lui-même ». Nous ne percevons pas toutes ces activités acquises qui s’impriment dans notre corps. La petite part que nous en percevons est ce que nous appelons « la conscience ».</p>
<p>À notre sens, cette notion de « geste » dans sa dimension de puissance agissante peut être utile pour cerner certains enjeux que soulève la crise de la Covid en termes de « bien vivre ». La pandémie souligne donc en creux l’importance des <a href="https://theconversation.com/indicateurs-de-bien-etre-gouvernance-locale-et-paix-economique-73030">indicateurs de bien vivre</a> pour accompagner les nécessaires transformations à venir.</p>
<p>La réflexion sur le bien vivre articule une réflexion sur le bien-être individuel, le bien commun, la soutenabilité sociale (liens sociaux, inégalités, redistribution) et la soutenabilité environnementale. Une société du bien vivre correspondrait alors à une situation soutenable socialement et écologiquement où chaque personne disposerait des ressources matérielles et immatérielles pour se réaliser en fonction de ses aspirations et pour contribuer au bien commun.</p>
<h2>Un rapport au temps et aux autres transformé</h2>
<p>Tout d’abord, la crise a modifié notre rapport au temps avec des impacts très différents en <a href="http://ftp.iza.org/dp13183.pdf%20">fonction des catégories socio-professionnelles, du sexe</a>, etc. <a href="https://link.springer.com/article/10.1007%2Fs11205-016-1489-9">L’inégalité par rapport au temps reste en outre une inégalité fondamentale</a>. Les gestes de soin destinés à soi, aux autres ou à la nature nécessitent de disposer de son temps : or, cette capacité à jouir de ce temps pour pouvoir acquérir et réaliser ces gestes qui font sens pour la personne et le collectif a été particulièrement mise à mal par la période récente – notamment dans un <a href="https://objectifaquitaine.latribune.fr/politique/2020-06-05/barbara-stiegler-l-etat-est-devenu-l-instrument-d-un-neoliberalisme-qui-detruit-la-societe-849472.html">contexte de néolibéralisation du service public</a>.</p>
<p>Ensuite, on a vu à quel point la crise avait joué sur notre rapport aux autres avec des phénomènes d’entraide, de solidarité, mais aussi de solitude, de repli sur soi. Cela allait déjà mal avant la crise de la Covid, comme en témoignait la crise sociale, environnementale et démocratique déjà présente. Mais la crise a accentué certains maux : les inégalités sociales, les inégalités de santé, la concentration des entreprises, les inégalités entre les genres, les violences, etc.</p>
<p>On assiste aujourd’hui à une explosion des inégalités : pendant que les riches devenaient plus riches, pendant que les <a href="https://www.lesechos.fr/idees-debats/editos-analyses/pourquoi-les-marches-financiers-ont-deja-oublie-la-crise-1321952">marchés étaient euphoriques</a>, la situation des plus pauvres s’est dégradée. Il faudra, selon le <a href="https://www.oxfamfrance.org/wp-content/uploads/2021/01/Rapport_Oxfam_Davos_inegalites_2021.pdf">dernier rapport d’Oxfam</a>, plus de dix ans à ceux-ci pour panser les impacts économiques de la crise de la Covid.</p>
<h2>Le corps objet et sujet de contamination</h2>
<p>La crise a ainsi modifié en profondeur le type de rapports sociaux entretenu par les personnes. Elle a transformé profondément nos gestes physiques, ne serait-ce que par l’imposition des gestes barrières, et a donc joué sur notre manière de rentrer en relation avec les autres. La crise a en outre influé sur notre rapport corporel aux choses et aux êtres : notre corps est devenu objet et sujet de contamination. La crise a aussi influé sur nos gestes mentaux en cassant nos routines mentales, nos habitudes et en nous plongeant dans l’incertitude.</p>
<p>Enfin, la crise a amené la montée de gestes de résistance et d’engagement de diverses sortes (contestation des mesures prises lors de la gestion de crise, critiques de l’absence de débats sur les mesures sanitaires, retraits, constitution de collectifs pour faire face aux enjeux de la pandémie et penser « l’après », mouvements sociaux) et a révélé nos <a href="https://theconversation.com/quels-secteurs-strategiques-pour-lavenir-de-la-france-138831">interdépendances matérielles</a> (avec des ruptures des chaînes d’approvisionnements), sociales et affectives.</p>
<p>D’un <a href="https://journals.openedition.org/etudesrurales/9330">geste isolé de révolte</a>, tel que nous le rappelle le professeur américain de sciences politiques James Scott, peut surgir une mobilisation collective de grande ampleur – ainsi, de multiples formes de résistance politique ou infrapolitique se sont développées.</p>
<h2>Construire de nouveaux gestes</h2>
<p>La <a href="https://journals.openedition.org/rechercheseducations/1977">maîtrise d’un geste</a> est la capacité à faire une chose sans réinterroger l’ensemble des processus permettant à celui-ci d’être effectué, mais en s’adaptant également à la spécificité situationnelle. L’habileté à faire certains gestes adaptés réside dans <a href="https://www.persee.fr/doc/oroc_0754-5010_2005_num_27_27_1204">l’oubli de la méthode par laquelle ce geste a été acquis</a>. Lorsque quelqu’un s’avère « spontanément » bienveillant vis-à-vis de quelqu’un d’autre, il ne se figure plus quel processus d’apprentissage lui a permis de développer cette empathie.</p>
<p>La notion de geste nous permet de rappeler ce processus d’apprentissage qui repose sur l’oubli et fait de certains comportements de nos comportements une « seconde nature » pourtant bien acquise dans un environnement institutionnel donné. Autrement dit, les étapes d’acquisition du geste s’oublient au profit d’un mouvement unifié remobilisable à l’envie et adaptable en fonction des spécificités de la situation.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1234298650538520577"}"></div></p>
<p>Par exemple, la capacité à s’indigner provient de processus corporels (dont mentaux) répétés amenant à identifier de manière incarnée des situations d’injustice (matériellement bien concrète) et à en ressortir une émotion qui est la part immergée de cet apprentissage de la justice. S’occuper d’un enfant ou d’une personne âgée nécessite de développer certains gestes dont où on oublie rapidement qu’ils pouvaient ne pas aller de soi dans les premiers moments.</p>
<p>Or, on a aujourd’hui une difficulté à maîtriser ou à valoriser les gestes qui nous permettraient de faire face à la situation de crises dans laquelle nous nous trouvons – nous observons une multiplication de gestes qui traduisent le dysfonctionnement d’ensemble de notre organisation socioéconomique (défiance, <a href="https://www.youtube.com/watch?v=KTdAJBUBpwI">ressentiment</a>, stress), mais les gestes favorables à une société du bien vivre restent peu valorisés (bienveillance, justice, confiance, sublimation, etc.).</p>
<p>Pour comprendre la situation dans laquelle nous nous trouvons, les indicateurs de bien vivre sont donc essentiels, car ils peuvent nous indiquer ce qui importe le plus à considérer collectivement lorsqu’on agit et ils peuvent nous aiguiller vers ce que seraient des gestes à valoriser ou à développer pour une société du bien vivre.</p>
<h2>Gérer les paradoxes de notre rapport au temps</h2>
<p>Mais les gestes acquis et les représentations associées à ceux-ci ont la vie dure. La <a href="https://sms.hypotheses.org/27700">guerre économique a meilleure presse que la « paix économique »</a>, tout le monde parle du <a href="https://www.lesechos.fr/economie-france/conjoncture/le-gouvernement-releve-de-5-a-6-sa-prevision-de-croissance-pour-2021-1331841">retour de la croissance</a> à la défaveur de la création d’une société du bien vivre.</p>
<p>Il y a des rapports de force liés à des réalités matérielles et à des imaginaires qui restent redoutables : celui de la croissance économique, de la guerre économique, de la <a href="https://www.cairn.info/revue-du-mauss-2004-1-page-312.htm">recherche de l’intérêt égoïste</a>… et s’extirper de ceux-ci requiert du temps et beaucoup de coopérations, d’échanges, de travail avec les autres et sur soi.</p>
<p>Or, le paradoxe est précisément que la période contemporaine nous ôte ce temps de l’arrêt, de la conscience à soi, aux autres, à la nature, au vivant au profit de la recherche d’une performance effrénée et normalisée. Le temps devient morcelé, facturable, profitable et très difficilement collectif, partagé, voire politique. Pourtant, les <a href="https://chaire-philo.fr/wp-content/uploads/2016/03/SOIN1103.pdf%20">gestes de soin</a> nécessitent de prendre le temps d’être en lien avec soi, les autres et avec la nature.</p>
<h2>Imaginer collectivement de nouveaux gestes</h2>
<p>Le travail de déconstruction du geste (s’il est nécessaire) peut être plus long que celui, initial, de construction du geste. Il ne requiert pas forcément de comprendre l’ensemble des dysfonctionnements du geste acquis, mais de prendre conscience de certains mécanismes de sa construction et surtout d’imaginer d’autres mécanismes. Le terme « imaginer » est ici essentiel, car le travail d’établissement de nouveaux gestes ne peut reposer uniquement sur une volonté rationnelle, mais sur l’imagination qui ouvre des possibles impensables dans le cadre des mécaniques rationnellement incarnées.</p>
<p>L’imagination permet une <a href="https://www.la-croix.com/Culture/Sandrine-Roudaut-semer-nouveaux-imaginaires-2021-01-09-1201133951">reprise de conscience d’autres horizons</a>. C’est aussi pour nourrir cet autre imaginaire collectif que les indicateurs de bien vivre sont utiles, car ils permettent de tracer les pourtours d’un tel horizon de sens (à l’instar du <a href="https://www.theguardian.com/world/2020/apr/08/amsterdam-doughnut-model-mend-post-coronavirus-economy">donut à Amsterdam</a> ou d’<a href="https://www.obsy.fr/bien-etresoutenable">IBEST</a> à Grenoble).</p>
<p>En guise d’illustration, les indicateurs de bien-être soutenable territorialisés (IBEST) développés dans la métropole grenobloise montrent l’importance des gestes d’entraide dans la manière dont se sentent les personnes. Une prise de conscience collective de l’importance de tels gestes peut nourrir notre imaginaire et amener par exemple à soutenir des structures favorisant de telles formes d’entraide (SEL, Accorderie) ou nous pousser à en inventer d’autres.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/166582/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Fiona Ottaviani ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>En bouleversant notre rapport au temps et aux autres, la pandémie donne l’occasion d’imaginer ce que serait une situation soutenable socialement et écologiquement.Fiona Ottaviani, Enseignante-chercheuse en économie - Grenoble Ecole de Management, F-38000 Grenoble, France - Chaire Paix économique, Mindfulness, Bien-être au travail - Chaire Territoires en Transition - Chercheuse associée au CREG - Université Grenoble Alpes, Grenoble École de Management (GEM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1460242020-09-16T18:16:20Z2020-09-16T18:16:20ZLa Chine n’a pas fini sa longue marche vers l’hégémonie économique mondiale<p>La réussite spectaculaire de l’économie chinoise depuis 40 ans est souvent analysée à partir du niveau du produit intérieur brut (PIB) et de sa croissance. Bien que réducteur, cela permet notamment des comparaisons internationales et des classements.</p>
<p>Depuis quelques années, les comparaisons avec les États-Unis conduisent à se demander s’ils sont toujours les leaders de l’économie mondiale ou si la Chine est désormais la première puissance économique.</p>
<p>Selon la <a href="https://donnees.banquemondiale.org/indicator/NY.GDP.MKTP.PP.CD?locations=CN&name_desc=false">Banque mondiale</a>, en 2019, le PIB total de la Chine atteint 23 460 170 millions de dollars, celui des États-Unis : 21 374 418. Ces chiffres sont en parité de pouvoir d’achat (PPA), c’est-à-dire qu’ils tiennent compte des différences de pouvoir d’achat entre les pays, du fait qu’avec un dollar, l’on n’achète pas la même quantité de biens dans chacun des deux pays.</p>
<iframe src="https://donnees.banquemondiale.org/share/widget?amp%3Bname_desc=false%20%22%22&indicators=NY.GDP.MKTP.PP.CD&locations=CN" width="100%" height="300" frameborder="0" scrolling="no"></iframe>
<p>Si l’on s’en tient à cela, la Chine est bien la première économie dans le monde. Pourtant, si l’on passe au critère du PIB par habitant, qui peut approximer le niveau de vie, on comprend tout de suite que la comparaison mérite d’être approfondie puisque ce chiffre est, en 2019 et en PPA, de 16 117 dollars US pour la Chine et de 62 527 dollars US pour les États-Unis.</p>
<p>Quant au critère de l’indice de développement humain proposé par le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD), qui intègre à côté du PIB des indicateurs de santé et d’éducation, il classe la Chine au <a href="http://hdr.undp.org/sites/default/files/hdr_2019_overview_-_french.pdf">85e rang</a> (sur 189 pays) en 2018, moins bien que la Colombie, l’Albanie, l’Algérie ou le Sri Lanka. Les États-Unis sont au 15e rang. Pour la Banque mondiale, la Chine est dans la catégorie des pays à revenu intermédiaire de la tranche supérieure.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/357644/original/file-20200911-20-lgtd7n.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/357644/original/file-20200911-20-lgtd7n.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/357644/original/file-20200911-20-lgtd7n.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=427&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/357644/original/file-20200911-20-lgtd7n.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=427&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/357644/original/file-20200911-20-lgtd7n.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=427&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/357644/original/file-20200911-20-lgtd7n.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=537&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/357644/original/file-20200911-20-lgtd7n.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=537&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/357644/original/file-20200911-20-lgtd7n.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=537&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption"></span>
<span class="attribution"><a class="source" href="http://hdr.undp.org/sites/default/files/hdr_2019_overview_-_french.pdf">Rapport sur le développement humain 2019, PNUD.</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Mais même en s’en tenant au PIB pour estimer la puissance économique chinoise, on doit donc prendre certaines précautions.</p>
<p>En effet, cet agrégat calculé comme la somme des valeurs ajoutées à laquelle s’additionnent les impôts nets des subventions, reflète les flux de production des différents secteurs d’activité. Son évolution dans le temps permet de connaître le taux de croissance, celui-ci étant donc le résultat de l’activité économique. Ses nombreuses limites ont été souvent soulignées par les économistes, mais il demeure le principal indicateur de production.</p>
<h2>Des chiffres définis à l'avance</h2>
<p>En effet, en Chine, ce taux est le plus souvent un objectif fixé par le gouvernement central mais aussi par les autorités de chaque niveau administratif : provinces, préfectures, etc. </p>
<p>Ce n’est donc pas un constat a posteriori comme on l’observe dans les autres pays mais un chiffre défini a priori.</p>
<p>Il y a bien là une activité économique réelle. En effet, les autorités politiques vont initier des investissements offrant des débouchés aux entreprises, souvent dans le domaine des infrastructures. Cependant ces investissements peuvent être inefficaces et ne pas créer de valeur. Un immeuble sans habitant ou une route inutile sont des dépenses improductives.</p>
<p>Ce système s’articule autour d’une particularité de la Chine qui tient au fait que les gouverneurs des provinces sont nommés par le Parti communiste et que leur carrière est étroitement liée à leur <a href="https://link-springer-com.ezproxy.uca.fr/article/10.1007/s10644-017-9215-4">aptitude à atteindre les objectifs de croissance</a> fixés par le gouvernement central. La même contrainte pèse pratiquement à tous les niveaux de la hiérarchie administrative où les responsables politiques sont nommés et non élus.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/chaV39rfbCY?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Décryptage : pourquoi il faut prendre les chiffres de la croissance chinoise avec précaution (Xerfi Canal, 2014)</span></figcaption>
</figure>
<p>Le fait d’avoir une évaluation par l’autorité de niveau supérieur impacte les choix de politique économique et entraîne des distorsions. En effet, pour avoir plus de chances de promotion, les officiels locaux fixent des objectifs de croissance élevés, <a href="https://doi.org/10.1016/j.chieco.2019.101373">parfois plus que le gouvernement central</a>.</p>
<p>Comme, de surcroît, les responsabilités des gouvernements locaux en matière de dépenses se sont accrues sans augmentation des recettes, ils favorisent les investissements les plus rentables à court terme. On observe une distorsion en faveur des dépenses d’infrastructures au détriment des dépenses d’éducation ou de santé dont les effets sont à beaucoup plus long terme.</p>
<p>Ainsi, pour gravir plus rapidement les échelons, un officiel local, par exemple un gouverneur provincial, est incité à fixer un objectif de croissance pour sa collectivité au moins aussi important que celui fixé par le gouvernement central ; et pour l’atteindre, il soutient les investissements rentables à court terme, même s’ils ne créent pas véritablement de richesse ou ne soutiennent pas la croissance de long terme.</p>
<h2>Progrès vertigineux</h2>
<p>La relation positive entre décentralisation et croissance a été mise en évidence au début des réformes et cette organisation institutionnelle fournit des incitations aux responsables politiques. Mais le système de récompenses et de fixation a priori d’un objectif de croissance risque d’hypothéquer la croissance future, notamment en raison d’un investissement insuffisant en capital humain, au bénéfice de dépenses d’infrastructures qui ont pour principal effet d’accroître l’endettement des collectivités locales.</p>
<p>Donc, le résultat en termes de PIB correspond bien à une activité économique, mais largement dictée a priori. Il est donc peu pertinent de le comparer directement au chiffre du PIB américain.</p>
<p>On peut noter que, lors du Congrès national du peuple en mai 2020, le premier ministre Li Keqiang, contrairement à l’usage, n’a pas annoncé d’objectif de taux de croissance mais s’est plutôt focalisé sur l’emploi. Cela a été perçu positivement car l’annonce d’un objectif de croissance n’aurait principalement représenté que l’effort que le gouvernement était prêt à faire en matière d’investissement pour limiter les effets de la crise sanitaire.</p>
<p>On peut ajouter que deux autres éléments illustrent le fait que la Chine n’est pas encore la première puissance économique mondiale : son niveau technologique et le rôle de sa monnaie.</p>
<p>L’évolution de la politique économique chinoise affiche principalement comme priorités le développement du marché intérieur et la montée en gamme de la production. Ce dernier objectif a justifié des investissements importants en recherche et développement, des transferts de technologies et l’élaboration du plan « made in China 2025 » visant à développer l’innovation domestique.</p>
<p>Si l’on considère la situation de l’économie chinoise au début des réformes, les progrès sont vertigineux ; la Chine est devenue un acteur important dans la recherche mondiale et leader en matière d’innovation dans certains secteurs comme les technologies financières. </p>
<p>Pourtant, la production industrielle chinoise est encore très dépendante de la technologie étrangère. Le dépôt de brevets de la part de la Chine s’est très fortement accru mais ils font l’objet de beaucoup moins de citations que les brevets américains, alors que celles-ci reflètent la vraie puissance technologique d’un pays.</p>
<p>C’est bien dans cet esprit qu’a été élaboré le plan « China standard 2035 », le prochain objectif de la Chine étant de définir elle-même les normes qui prévaudront au niveau international, alors que ce sont aujourd’hui les normes américaines.</p>
<p>Enfin, si le renminbi a développé sa présence dans le monde et a accru son rôle de monnaie de réserve, il est loin de détrôner le dollar comme monnaie internationale.</p>
<p>L’économie chinoise poursuit donc sa transformation, aujourd’hui particulièrement dans le secteur bancaire qui est le plus grand du monde mais encore peu internationalisé, et son potentiel de croissance est certain. Pour autant, son classement devant les Etats-Unis sur la base du PIB ne correspond pas à la réalité de son activité économique.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/146024/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Mary-Françoise Renard ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les classements établis sur la base du PIB ne reflètent pas la réalité de l’activité économique de l’empire du Milieu, qui poursuit sa transformation.Mary-Françoise Renard, Professeur d’économie, Université Clermont Auvergne (UCA)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1273402020-08-23T15:23:05Z2020-08-23T15:23:05ZLes investisseurs s’intéressent bel et bien aux indices RSE<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/302385/original/file-20191119-111663-d43gtj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C964%2C624&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les sociétés reconnues pour leurs performances en RSE attirent de plus en plus l’attention.</span> <span class="attribution"><span class="source">Kanjana Kawfang / Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>De nombreuses entreprises investissent des ressources colossales pour améliorer la notoriété de leurs activités de responsabilité sociale et maximiser leurs chances d’intégrer des indices de durabilité reconnus. Selon un <a href="https://hbr.org/2018/01/stop-talking-about-how-csr-helps-your-bottom-line">article</a> de la Harvard Business Review du 31 janvier 2018, 92 % des 250 plus grandes compagnies du monde ont produit un rapport de Responsabilité sociétale des entreprises (RSE) en 2015, contre 64 % en 2005. Les sociétés figurant dans le classement de Fortune Global 500 dépensent près de 20 milliards de dollars par an en activités de RSE.</p>
<p>En tant que membres d’une équipe interdisciplinaire (le <a href="https://www.hec.edu/fr/faculte-et-recherche/centres/centre-society-organizations-so">Centre S&O à HEC Paris</a>) qui s’intéresse à la stratégie organisationnelle et à la communication des entreprises, nous pensons qu’il est important pour les entreprises de comprendre les implications financières d’un modèle commercial viable afin d’atteindre leurs objectifs de durabilité.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"958723172517535744"}"></div></p>
<p>Se pose une question cruciale qui relève aussi bien de la stratégie que de la finance dans ce domaine : la responsabilité sociale des entreprises est-elle payante pour ces dernières ? Au cours de notre étude « <a href="https://papers.ssrn.com/sol3/papers.cfm?abstract_id=3364141">Do Investors Actually Value Sustainability Indices ?</a> » (Les investisseurs attachent-ils de l’importance aux indices de durabilité ?), nous nous sommes posés cette question en ciblant plus particulièrement le Dow Jones Sustainability World Index (DJSI), le classement de durabilité international le plus connu.</p>
<h2>Impact minime sur le prix des actions</h2>
<p>Chaque année, le DJSI propose un classement des « meilleurs élèves » sélectionnés parmi un groupe de sociétés performantes en matière de durabilité économique, environnementale et sociale. Il évalue des critères allant de la gouvernance d’entreprise aux pratiques professionnelles, en passant par l’atténuation du changement climatique et les normes des chaînes d’approvisionnement.</p>
<p>La composition de l’indice évolue d’une année sur l’autre ; des entreprises sont intégrées, d’autres exclues, et certaines conservent leur place au classement. Les recherches réalisées par le passé ont révélé que l’intégration, le maintien ou l’exclusion d’une entreprise du DJSI n’ont qu’un impact minime sur le prix de ses actions et le volume d’échanges d’actions, par rapport aux autres entreprises de la même industrie à la rentabilité similaire.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/302384/original/file-20191119-111697-1xk7p58.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/302384/original/file-20191119-111697-1xk7p58.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/302384/original/file-20191119-111697-1xk7p58.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=520&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/302384/original/file-20191119-111697-1xk7p58.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=520&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/302384/original/file-20191119-111697-1xk7p58.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=520&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/302384/original/file-20191119-111697-1xk7p58.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=653&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/302384/original/file-20191119-111697-1xk7p58.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=653&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/302384/original/file-20191119-111697-1xk7p58.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=653&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption"></span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.hec.edu/en/knowledge/articles/sustainability-indices-do-investors-actually-care">Hippie/HEC Knowledge</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Nos travaux ont confirmé cette théorie, mais nous avons poussé l’enquête un peu plus loin. Nous avons cherché à évaluer l’effet du DJSI sur la notoriété d’une compagnie auprès des analystes financiers et sur le pourcentage d’actions détenues par des investisseurs à long terme. Pour cela, nous avons comparé des entreprises membres du DJSI à d’autres sociétés affichant de fortes performances de RSE, mais non classées au Dow Jones Index. Notre « groupe de contrôle » se composait d’entreprises présentant un faible écart de performances de RSE par rapport à celles du DJSI. Nous les avons définies en nous servant des critères employés par le DJSI.</p>
<h2>Attirer l’attention des acteurs clés</h2>
<p>Examiner les effets de la notoriété de la RSE est crucial. Pourquoi ? D’abord à cause de la quantité de ressources que les entreprises dédient à ces activités. Par exemple, de plus en plus de sociétés mettent en place des systèmes d’informations permettant de créer des rapports de RSE, ou payent des assureurs externes, experts en RSE, pour réaliser des audits. Les évaluateurs de RSE utilisent ces données pour estimer les activités de RSE des entreprises. Il est donc naturel de se demander si investir de telles quantités de ressources pour s’assurer une place dans les classements de durabilité a un véritable impact positif sur le marché, outre les bénéfices intrinsèques de l’activisme de la RSE.</p>
<p>Ensuite, le nombre et l’importance des indices de durabilité ont radicalement augmenté au fil du temps. Il semble donc nécessaire d’effectuer un examen empirique des effets que peut avoir le classement d’une entreprise au sein de ces référentiels.</p>
<p>Nous avons découvert que l’intégration ou le maintien dans le DJSI attire davantage l’attention des analystes financiers. Les articles rédigés sur ces compagnies sont plus nombreux. On constate aussi une augmentation du pourcentage d’actions détenues par des investisseurs à long terme. Cette tendance semble indiquer que les investisseurs professionnels prêtent de plus en plus d’attention aux sociétés connues pour être performantes en RSE. Par conséquent, les entreprises peuvent tirer un avantage concret de leurs activités de RSE, et plus particulièrement de leur classement au DJSI.</p>
<h2>Augmenter l’importance des indicateurs</h2>
<p>L’influence des indicateurs de durabilité n’a peut-être pas encore atteint son plein potentiel, mais face aux nombreux défis climatiques et à la pression croissante des exigences de la société civile, leur impact ne peut qu’augmenter avec le temps.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/302386/original/file-20191119-111650-ks7d8m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/302386/original/file-20191119-111650-ks7d8m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=397&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/302386/original/file-20191119-111650-ks7d8m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=397&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/302386/original/file-20191119-111650-ks7d8m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=397&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/302386/original/file-20191119-111650-ks7d8m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=499&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/302386/original/file-20191119-111650-ks7d8m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=499&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/302386/original/file-20191119-111650-ks7d8m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=499&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Les indicateurs RSE vont devenir de plus en plus cruciaux aux yeux des investisseurs.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Zerbor/Shutterstock</span></span>
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<p>Les sondages des analystes financiers, par exemple, indiquent que les performances en RSE sont en train de devenir un facteur plus important dans les décisions d’investissement. D’après le <a href="https://www.cfainstitute.org/">CFA Institute</a>, 78 % des analystes prenaient en compte en 2017 les performances environnementales, sociales et de gouvernance (ESG) lors de décisions liées à l’investissement.</p>
<p>Ce domaine est de toute évidence en cours d’évolution et nous pensons qu’il sera nécessaire d’approfondir ces recherches dans une décennie, afin d’observer si les tendances dévoilées dans cette étude sont devenues la norme. Dans tous les cas, notre enquête permet d’établir une compréhension plus exhaustive de l’attrait de la RSE, de sa notoriété, et de l’importance des classements de durabilité dans la stratégie organisationnelle et l’investissement.</p>
<hr>
<p><em>Cette contribution s’appuie sur l’article de Rodolphe Durand, Luc Paugam et Hervé Stolowy « <a href="https://papers.ssrn.com/sol3/papers.cfm?abstract_id=3364141">Do Investors Actually Value Sustainability Indices ?</a> Replication, Development, and New Evidence on CSR Visibility » paru dans Strategic Management Journal</em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/127340/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Luc Paugam a reçu des financements de S&O Center HEC Paris. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Hervé Stolowy et Rodolphe Durand ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur poste universitaire.</span></em></p>À long terme, l’intégration ou le maintien d’une entreprise dans l’index de durabilité du Dow Jones attire l’attention des analystes financiers et les investissements.Luc Paugam, Professeur Associé, Comptabilité et Contrôle de Gestion, HEC Paris Business SchoolHervé Stolowy, Professeur, Comptabilité et Contrôle de Gestion, HEC Paris Business SchoolRodolphe Durand, Professeur, stratégie et Politique d'Entreprise, HEC Paris Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1310942020-02-06T18:21:15Z2020-02-06T18:21:15ZLe maire doit-il gérer une ville comme une entreprise ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/313337/original/file-20200203-41527-ijs2gu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=146%2C34%2C4327%2C3069&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les maires cherchent dorénavant à concilier missions de service public et nouvelles manières de gouverner l’espace public.
</span> <span class="attribution"><span class="source">Shocky / Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>La fonction de maire fait aujourd’hui face à une transformation du paradigme qui fondait l’action publique locale : les collectivités territoriales sont passées de l’administration de la chose publique à une gouvernance de l’action publique, détournant le rôle d’administrateur du maire vers un rôle de manager.</p>
<p>Certes, la casquette d’administrateur subsiste. Il s’agirait plutôt d’évoquer une hybridation de la place du maire, qui doit aujourd’hui concilier la traditionnelle mission de service public, avec les nouvelles manières de gouverner l’espace public.</p>
<h2>Notions de performance et d’efficacité</h2>
<p>Ainsi, le maire fait cohabiter un rôle public, dans lequel il doit <a href="https://www.lagazettedescommunes.com/535291/portrait-robot-le-maire-manager/">respecter un cadre juridique</a> drastique tel que prévu par le code général des collectivités territoriales ou encore les règles textuelles et jurisprudentielles, avec un environnement de plus en plus managérial intégrant les notions de performance, d’efficacité et tous les indicateurs d’actions provenant du secteur privé.</p>
<p>Le maire ne peut qu’endosser ce rôle de manager correctement s’il noue des collaborations à l’intérieur de la collectivité et l’extérieur de la collectivité. Les collaborations peuvent se faire aussi bien lorsque le maire agit pour le compte de la collectivité en faisant des partenariats public-privée, ou encore en mettant en place des mécanismes de décision publique intégrant les administrés, cela est le produit d’un management de nature externe favorisant une inclusion économique et citoyenne.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/313532/original/file-20200204-41516-1tl93bj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/313532/original/file-20200204-41516-1tl93bj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=451&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/313532/original/file-20200204-41516-1tl93bj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=451&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/313532/original/file-20200204-41516-1tl93bj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=451&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/313532/original/file-20200204-41516-1tl93bj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=567&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/313532/original/file-20200204-41516-1tl93bj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=567&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/313532/original/file-20200204-41516-1tl93bj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=567&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Projet de « manager de rue » porté par le candidat à la mairie de Paris Benjamin Griveaux.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://twitter.com/le_Parisien/status/1223681781892820993?s=20">Le Parisien/Twitter</a></span>
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</figure>
<p>Cette inclusion économique permet de réduire les coûts de l’action publique territoriale en ayant recours à des marchés publics avec des acteurs privés. Le maire va ainsi prendre en compte le critère du mieux-disant pour retenir l’offre de service ayant le meilleur ratio coût/efficacité pour la collectivité. Concernant l’inclusion citoyenne, elle permet une démocratie de proximité favorisant une prise de décision collective des administrés sur des problématiques les concernant directement.</p>
<p>Cette collaboration a un second volet beaucoup plus concret pour traduire la fonction de manager de maire : la collaboration interne intégrant des acteurs à l’intérieur de la collectivité.</p>
<h2>Un maire DRH</h2>
<p>Dans le secteur public, le maire, qui fixe la politique de recrutement de la collectivité, joue ainsi un rôle de directeur des ressources humaines. Lorsqu’il recrute, il le fait sur la base du statut de la fonction publique territoriale, mais il a aussi la possibilité de recruter des contractuels. Cette deuxième option permet au maire d’avoir plus de flexibilité car il n’a plus le souci de respecter scrupuleusement le cadre statutaire de la fonction publique. Par ailleurs, il doit faire attention dans le cadre de sa gestion afin de trouver un équilibre entre les ressources et les dépenses de la collectivité. Cela signifie qu’il doit veiller à ne pas avoir une masse salariale trop conséquente.</p>
<p>Ajoutons que le maire, dans sa fonction de manager, peut mettre en place des dispositifs de travail innovants empruntés au secteur privé, par exemple, le télétravail, pour permettre aux employés municipaux d’avoir un équilibre vie privée/vie professionnelle. Il peut aussi mettre en place des mécanismes incitatifs de lutte contre l’absentéisme par l’allocation de primes, ou encore des primes aux résultats pour favoriser l’implication des agents territoriaux.</p>
<p>La taille de la commune est un critère important dans cette notion de maire manager, puisque plus une commune est grande, plus les espaces de collaborations seront manifestes dans l’espace interne et externe. De même, plus une commune sera implantée dans un territoire urbanisé, plus cette dimension managériale s’imposera, car l’urbanisation produit un échange des pratiques du secteur privé avec le secteur public créant de fait une interdépendance des deux secteurs.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1149195779594170368"}"></div></p>
<h2>Réalité politique</h2>
<p>Un autre critère permet aussi de situer le maire dans une configuration managériale, c’est la configuration politique. En effet, les communes, dans l’organisation décentralisée française, unissent leurs actions dans des structures de coopération intercommunales. Ces entités sont les nouvelles arènes de gouvernance, puisque la mutualisation de l’action des communes implique une pluralité des sources pour certains financements stratégiques. Dans ces structures, le maire doit savoir gérer de manière efficace les intérêts de sa commune en faisant des compromis.</p>
<p>Toutefois, le rôle de maire garde une dimension politique évidemment plus prononcée que pour manager. Il doit notamment gérer sa majorité, de sorte qu’elle fasse passer des délibérations municipales en conseil municipal. Il doit donc <a href="http://www.managerattitude.fr/9938001/le-maire-un-manager-de-proximite.html">susciter l’union sacrée dans ses rangs politiques</a>, et parfois avec l’opposition en nouant des coalitions ou des alliances de circonstances.</p>
<p>Surtout, si le fruit de son travail peut être évalué par des tableaux de bords sociaux, des chiffres, des actions concrètes, le scrutin reste la seule évaluation qui vaille. C’est souvent lors d’une élection municipale qu’un maire peut présenter ce qu’il a fait pour la commune, et c’est le vote qui va déterminer le bien-fondé de son bilan politique.</p>
<hr>
<p><em>Article rédigé par Médy Ouichka, doctorant en droit public à l’Université de Lorraine, sous la direction de Léonard Matala-Tala, maître de conférences (habilité à diriger des recherches) de droit public (Université de Lorraine).</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/131094/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Médy Ouichka ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les élus doivent désormais composer avec des notions issues du secteur privé telles que la « performance ». Leur gestion communale garde toutefois un certain nombre de spécificités.Médy Ouichka, Doctorant en droit public, Université de LorraineLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1281782019-12-05T19:27:24Z2019-12-05T19:27:24ZLe dynamisme de l’économie américaine, un argument de campagne risqué pour Donald Trump<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/304890/original/file-20191203-66998-1emdt3g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=25%2C35%2C925%2C612&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Donald Trump reste aujourd'hui politiquement vulnérable à un retournement conjoncturel.</span> <span class="attribution"><span class="source">Evan El-Amin / Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>La réussite insolente de l’économie américaine laisse l’opposition de Donald Trump dans un état de perplexité immense : l’effondrement que devait inévitablement provoquer ce président qui ne respecte aucune des règles d’or de la politique économique n’a jamais eu lieu. Au contraire, porté par des taux d’intérêt historiquement bas et dopé par une baisse d’impôts significative en début de mandat, le cycle expansionniste que connaissent les États-Unis est le <a href="https://www.nber.org/cycles.html">plus long</a> que le pays n’ait jamais connu puisqu’il dure depuis plus de 10 ans.</p>
<p>De même, les principaux indices boursiers américains connaissent des <a href="https://www.lapresse.ca/affaires/marches/201911/01/01-5247984-a-wall-street-les-indices-nasdaq-et-sp-500-atteignent-des-records.php">niveaux records</a>. Les prévisions les plus sinistres concernant les effets d’une présidence Trump se trouvent ainsi contredites par le dynamisme persistant de cette économie américaine.</p>
<h2>Un dynamisme économique incontestable…</h2>
<p>Les chiffres sont d’ailleurs frappants.</p>
<p>Le chômage est à l’un de ses plus bas niveaux historiques, à <a href="https://bfmbusiness.bfmtv.com/monde/etats-unis-le-taux-de-chomage-remonte-a-36percent-en-octobre-l-emploi-resiste-1797985.html">3,6 % de la population active</a>. Cette baisse profite particulièrement aux minorités, comme les Noirs américains, dont le taux de chômage a baissé de deux points de pourcentage depuis l’arrivée de Donald Trump au pouvoir, pour s’établir à 5,4 %.</p>
<p>Les chiffres encourageants de création d’emplois laissent également penser que des nouvelles populations et des nouvelles générations profiteront elles aussi d’un marché du travail dynamique. Le Wall Street Journal <a href="https://www.wsj.com/articles/a-tight-job-market-insulates-a-slowing-economyand-perhaps-trump-too-11574971449?mod=djemwhatsnews">rapporte</a> notamment que, dans un État comme le Wisconsin, qui jouera un rôle fondamental dans l’issue de l’élection de 2020, les effets de la guerre commerciale avec la Chine sur l’industrie et l’agriculture sont significatifs. Mais dans le contexte d’un marché du travail très tendu, les Américains qui perdent leur emploi ne restent pas au chômage très longtemps. Ces tensions sur le marché du travail américain offrent à l’économie du pays un filet de sécurité qui permet de préserver les revenus et la consommation de la population active.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1200210295739879425"}"></div></p>
<h2>… aux effets politiques indéniables</h2>
<p>Ce dynamisme économique semble avoir effacé toutes les craintes des observateurs de l’économie américaine : d’après <a href="https://www.bloomberg.com/graphics/us-economic-recession-tracker/">l’enquête mensuelle du média américain Bloomberg</a>, qui s’appuie sur les fondamentaux de l’économie américaine, la probabilité que les États-Unis connaissent une récession dans les 12 prochains mois est de 26 %, alors qu’elle se situait à 49 % en décembre 2018.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/304882/original/file-20191203-67002-1brvx17.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/304882/original/file-20191203-67002-1brvx17.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/304882/original/file-20191203-67002-1brvx17.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=226&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/304882/original/file-20191203-67002-1brvx17.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=226&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/304882/original/file-20191203-67002-1brvx17.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=226&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/304882/original/file-20191203-67002-1brvx17.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=284&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/304882/original/file-20191203-67002-1brvx17.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=284&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/304882/original/file-20191203-67002-1brvx17.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=284&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Les risques de récessions s’amenuisent.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.bloomberg.com/graphics/us-economic-recession-tracker/">Bloomberg</a></span>
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<p>Ces chiffres offrent un argument de poids aux soutiens de Donald Trump : si le <a href="https://theconversation.com/limpeachment-sinvite-dans-la-course-a-la-presidentielle-americaine-que-risque-donald-trump-124166">processus d’impeachment</a> du président américain devant le Congrès devait se poursuivre, il pourrait mettre à mal cette expansion économique sans précédent dans la mesure où il est source d’incertitude politique. Selon cet argument, ce sont ceux qui tiennent à poursuivre le processus, démocrates en tête, qui placent leur intérêt politique avant l’intérêt économique de la nation, et non le président des États-Unis.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1149486925327134721"}"></div></p>
<p>L’argument peut surprendre : un retournement conjoncturel, s’il devait avoir lieu, trouverait plus sa cause dans le caractère cyclique de l’économie que dans l’alternance du pouvoir politique. Mais le message est aussi clair qu’efficace car il permet au président et à ses partisans d’agiter l’épouvantail d’une récession comme argument ultime contre le processus d’impeachment.</p>
<h2>Réalité d’un phénomène complexe</h2>
<p>Le destin politique de Donald Trump est ainsi profondément lié à la conjoncture économique du pays. Le dynamisme économique américain laisse alors penser que les perspectives de réélection du président sont bonnes. Mais le raisonnement souffre de deux limites, l’une conjoncturelle et l’autre structurelle.</p>
<p>Sur le plan conjoncturel, les tensions que connaît le marché du travail américain cachent une autre réalité : la <a href="https://beta.bls.gov/dataViewer/view/timeseries/CES0000000001">création d’emplois est en train de ralentir</a>. Lors des 34 mois de pouvoir de Donald Trump, l’économie américaine a créé 6,5 millions d’emplois – chiffre qui, dans l’absolu, traduit le caractère impressionnant de cette expansion américaine.</p>
<p>Mais lors des 34 derniers mois de la présidence de Barack Obama, l’économie américaine avait créé plus de 7,7 millions d’emplois. De même, les records boursiers que connaissent de manière répétée les marchés financiers américains masquent le fait qu’en valeur relative, la bourse avait connu une performance quasi identique 34 mois après le début du premier et du deuxième mandat de Barack Obama. Le président américain actuel semble ainsi plus surfer sur une tendance qui préexistait à sa présidence qu’être la source de cette tendance.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1189506762904395776"}"></div></p>
<p>Sur le plan structurel, les statistiques du Bureau de recensement américain font état d’un déclin préoccupant de l’entreprenariat aux États-Unis : ce déclin pourrait en effet mettre à mal la capacité du pays à saisir les enjeux des prochaines révolutions industrielles.</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/304886/original/file-20191203-66990-1x92mr5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/304886/original/file-20191203-66990-1x92mr5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/304886/original/file-20191203-66990-1x92mr5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=905&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/304886/original/file-20191203-66990-1x92mr5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=905&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/304886/original/file-20191203-66990-1x92mr5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=905&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/304886/original/file-20191203-66990-1x92mr5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1138&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/304886/original/file-20191203-66990-1x92mr5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1138&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/304886/original/file-20191203-66990-1x92mr5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1138&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption"></span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.vapress.fr/shop/Etats-Unis-Declin-improbable-rebond-impossible_p74.html">vapress.fr</a></span>
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<p>Comme nous avons pu le souligner dans l’essai <a href="https://www.vapress.fr/shop/%C3%89tats-Unis-Declin-improbable-rebond-impossible_p74.html">« États-Unis : déclin improbable, rebond impossible »</a> publié en novembre 2018, la part des nouvelles entreprises de moins d’un an, qui était aux alentours de 15 % dans les années 1970, a été divisée par deux en l’espace de quatre décennies, suggérant que le rythme de création d’entreprises s’est nettement ralenti aux États-Unis. Plus frappant encore : la part de ces entreprises nouvellement créées restant durablement petites (dix salariés ou moins) est supérieure à 80 %, soit à son niveau le plus élevé depuis 1980.</p>
<p>Ce déclin s’explique par différents phénomènes. Le directeur général de l’institut de sondage Gallup, Jim Clifton, <a href="https://www.axios.com/the-us-isnt-sco-1528041086-6e45dfe9-0c93-4136-ace6-635da02faa4e.html">s’émeut</a> de voir que le pays ne dispose pas vraiment d’outils ni de moyens pour identifier le prochain Steve Jobs, alors qu’il dépense énormément pour identifier les talents sportifs et musicaux. Ben Casselman, du blog très influent FiveThirtyEight, <a href="https://fivethirtyeight.com/features/the-slow-death-of-american-entrepreneurship/">met en avant</a> le vieillissement de la génération du baby-boom, l’importance croissante des grandes entreprises américaines dans l’économie du pays et le ralentissement de l’innovation et de la productivité du pays, pour expliquer le phénomène.</p>
<p>Ce ralentissement est particulièrement inquiétant car il pourrait mettre à mal la capacité de l’économie américaine à créer des emplois et à innover à long terme, l’engageant dans un cercle vicieux duquel il serait difficile de sortir. Pire, les grandes entreprises ne font plus face à autant de concurrence qu’avant, si bien qu’elles ne jouent plus le même rôle innovant qu’auparavant.</p>
<p>D’après les <a href="https://www.economist.com/briefing/2016/03/26/too-much-of-a-good-thing">données</a> de l’hebdomadaire britannique The Economist, alors qu’une entreprise américaine très profitable avait 50 % de chance de le rester 10 ans après dans les années 1990, cette probabilité a augmenté à 80 % aujourd’hui. Ce manque de concurrence pourrait avoir des effets particulièrement nocifs pour l’économie américaine s’il signifie que les GAFA et que leurs rivaux font face à une pression concurrentielle moindre sur les marchés, ce qui pourrait à terme générer moins d’innovations et de transformations économiques.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1171892685550096384"}"></div></p>
<h2>Conséquences politiques</h2>
<p>De plus, <a href="https://harvardharrispoll.com/wp-content/uploads/2019/09/HHP_August2019_Topline_RegisteredVoters.pdf">d’après un sondage Harvard-Harris de septembre dernier</a>, 57 % des Américains considéreraient que Donald Trump serait responsable d’une récession, contre 33 % (sa base électorale essentiellement) qui accuseraient la Fed.</p>
<p>Donald Trump reste encore vulnérable politiquement à un retournement conjoncturel. Le pari de Trump est donc très risqué dans la mesure où il a tout à perdre d’un retournement conjoncturel. Sa base électorale lui pardonnerait, tant elle est préoccupée par des sujets sociétaux qu’elle considère comme autrement plus fondamentaux que l’état de l’économie. Jamais cette base ne serait en mesure de faire confiance à une alternative. Mais cette base ne pèse que pour un tiers de l’électorat américain. L’autre partie de la coalition qui a mené Trump au pouvoir, qui comprend notamment des républicains qui n’apprécient pas particulièrement le personnage politique qu’incarne Donald Trump, mais qui reste satisfaite des bons résultats économiques, pourrait rester chez elle le jour de l’élection.</p>
<p>Or, on sait que compte tenu du fonctionnement du système électoral américain, on peut être élu avec 43 % de soutien de l’opinion publique, mais pas avec 33 %. C’est la raison pour laquelle un retournement conjoncturel pourrait compromettre les chances de réélection du président actuel.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/128178/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jeremy Ghez ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>À moins d’un an de la prochaine présidentielle, les indicateurs sont au beau fixe, mais masquent une réalité plus complexe.Jeremy Ghez, Professor of Economics and International Affairs, HEC Paris Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1260672019-10-29T19:32:12Z2019-10-29T19:32:12ZLVMH à la poursuite du diamant Tiffany<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/299282/original/file-20191029-183128-wt5qe3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=1%2C8%2C982%2C657&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Selon le Wall Street Journal, LVMH aurait proposé 14,5 milliards de dollars pour racheter le célèbre joaillier américain.
</span> <span class="attribution"><span class="source">Sorbis / Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>Le 27 octobre 2019, on apprend que LVMH, numéro un mondial du luxe, serait intéressé par le <a href="https://bfmbusiness.bfmtv.com/entreprise/lvmh-veut-s-offrir-le-joaillier-americain-tiffany-1794778.html">rachat du groupe américain de joaillier Tiffany</a>, sans pour autant que les négociations soient finalisées. Selon le Wall Street Journal, LVMH aurait proposé <a href="https://www.latribune.fr/entreprises-finance/industrie/agroalimentaire-biens-de-consommation-luxe/lvmh-pret-a-croquer-le-joaillier-tiffany-pour-14-milliards-de-dollars-831716.html#xtor=EPR-2-%5Bmorning-briefing%5D-20191028">14,5 milliards de dollars</a> en cash, soit une prime de 21 % par rapport au dernier cours constaté.</p>
<p>Tiffany a confirmé le 28 octobre qu’elle avait reçu une offre non sollicitée de LVMH à 120 dollars par action et que, bien que les parties ne soient pas en discussion, elle <a href="https://investor.tiffany.com/news-releases/news-release-details/tiffany-confirms-receipt-unsolicited-non-binding-proposal-lmvh">examinait avec attention</a> l’offre.</p>
<h2>Un rééquilibrage géographique croisé</h2>
<p>Aujourd’hui, LVMH est un groupe diversifié dans le monde du luxe qui réalise seulement 9 % de son chiffre d’affaires dans le secteur montres – joaillerie (4,1 milliards d’euros de chiffre d’affaires pour une marge opérationnelle de 703 millions d’euros) au travers des maisons Bulgari, Chaumet, Fred, Hublot, Tag Heuer et Zenith. La répartition géographique de son chiffre d’affaires montre une prépondérance de l’Asie (47 %), une forte présence en Europe (29 %) et une part relativement faible des États-Unis (9 % contre 24 % pour l’ensemble du groupe).</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/299285/original/file-20191029-183116-1cebb7b.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/299285/original/file-20191029-183116-1cebb7b.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/299285/original/file-20191029-183116-1cebb7b.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=389&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/299285/original/file-20191029-183116-1cebb7b.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=389&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/299285/original/file-20191029-183116-1cebb7b.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=389&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/299285/original/file-20191029-183116-1cebb7b.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=489&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/299285/original/file-20191029-183116-1cebb7b.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=489&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/299285/original/file-20191029-183116-1cebb7b.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=489&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption"></span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.lvmh.fr/actionnaires/profil/chiffres-cles/#groupe">lvmh.fr</a></span>
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</figure>
<p>De son côté, Tiffany réalise plus de 91 % de son chiffre d’affaires (4,4 milliards de dollars) dans la joaillerie pour une <a href="https://comptabilite.ooreka.fr/astuce/voir/502589/marge-operationnelle">marge opérationnelle</a> (indicateur de performance économique calculé par le ratio résultat opérationnel/chiffre d’affaires) de 743 millions de dollars. Le groupe américain réalise plus de 41 % de son chiffre d’affaires aux États-Unis, 43 % en Asie-Pacifique et seulement 11 % en Europe.</p>
<p>Aussi, LVMH et Tiffany, avec des tailles et des marges similaires dans le secteur de la joaillerie, sont relativement complémentaires. Compte tenu des tensions commerciales et de la <a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2014/01/31/les-campagnes-anticorruption-en-chine-freinent-les-ventes-de-lvmh_4357717_3234.html">campagne anticorruption en Chine</a>, LVMH pourrait minimiser ses risques et rééquilibrer géographiquement ses activités en direction des États-Unis, tandis que Tiffany pourrait accélérer sa pénétration en Europe et également réduire son exposition au risque asiatique.</p>
<h2>Opportunités de croissance</h2>
<p>Le principal concurrent de ces deux entreprises est le groupe suisse Richemont qui regroupe notamment les marques Cartier, Van Cleef & Arpel, Piaget ou Jaeger-LeCoultre.</p>
<p>Pour apprécier les performances respectives des trois groupes, nous avons choisi de comparer les performances de Tiffany (ensemble du groupe) à celles du secteur montres-joaillerie de LVMH et de Richemont. En termes de chiffre d’affaires, on constate que LVMH a, sur la période 2014-2018, la plus forte croissance (+48,2 %) loin devant Richemont (+14,6 %) et Tiffany (+3,1 %). On peut donc imaginer qu’une fusion LVMH-Tiffany permettra de dynamiser l’entreprise américaine par la réplication des méthodes marketing de LVMH. Par ailleurs, on note que la fusion est également l’occasion de rééquilibrer les termes concurrentiels avec Richemont, avec des tailles qui seraient désormais similaires.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/299265/original/file-20191029-183120-pgsv62.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/299265/original/file-20191029-183120-pgsv62.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/299265/original/file-20191029-183120-pgsv62.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=336&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/299265/original/file-20191029-183120-pgsv62.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=336&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/299265/original/file-20191029-183120-pgsv62.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=336&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/299265/original/file-20191029-183120-pgsv62.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=422&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/299265/original/file-20191029-183120-pgsv62.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=422&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/299265/original/file-20191029-183120-pgsv62.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=422&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Sources : rapports annuels des sociétés. LVMH arrête ses comptes au 31 décembre, Tiffany au 31 janvier et Richemont au 31 mars. Aussi, les données pour Tiffany et Richemont pour 2018 par exemple correspondent-elles respectivement aux 31 janvier 2019 et au 31 mars 2019.</span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Tiffany, la belle endormie</h2>
<p>En termes de marge opérationnelle, le diagnostic est plus nuancé. Si LVMH a le taux de marge opérationnelle le plus faible, il est en progression constante au cours de la période 2014-2018 et rattrape celui de Tiffany qui se dégrade lentement. Pour autant, il demeure nettement plus faible que celui de Richemont.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/299266/original/file-20191029-183107-dfr01m.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/299266/original/file-20191029-183107-dfr01m.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/299266/original/file-20191029-183107-dfr01m.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=340&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/299266/original/file-20191029-183107-dfr01m.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=340&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/299266/original/file-20191029-183107-dfr01m.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=340&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/299266/original/file-20191029-183107-dfr01m.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=427&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/299266/original/file-20191029-183107-dfr01m.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=427&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/299266/original/file-20191029-183107-dfr01m.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=427&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Sources : rapports annuels des sociétés.</span>
</figcaption>
</figure>
<p>Aussi, ce rapide panorama financier semble indiquer que Tiffany est une belle endormie qui ne demanderait qu’à briller de tous ses feux grâce au rachat par LVMH et les deux groupes semblent y avoir intérêt.</p>
<h2>Un rachat incertain</h2>
<p>Reste qu’un rachat c’est aussi une question de prix. Or alors que l’action de Tiffany cotait 98,55 dollars le vendredi 25 octobre, son cours a brutalement augmenté à 129,72 dollars le lundi 28 octobre, soit très au-delà de l’offre à 120 dollars de LVMH, pour une capitalisation boursière à 15,7 milliards de dollars. En termes de multiple, cela valorise Tiffany à 15,5 fois son EBITDA (bénéfice avant intérêts, impôts, dépréciation et amortissement), c’est-à-dire un niveau très élevé de valorisation. En comparaison, au 28 octobre, LVMH était valorisé à 16,1 fois son EBITDA et Richemont 14,2 fois.</p>
<p>Il n’y aura donc pas d’<a href="https://www.e-marketing.fr/Definitions-Glossaire/Effet-aubaine-241566.htm#0VjRRTIdBUgOMdJv.97">effet d’aubaine</a> pour LVMH qui devra sans doute <a href="https://fr.fashionnetwork.com/news/Lvmh-confirme-avoir-fait-une-offre-pour-acquerir-tiffany,1152006.html">relever son offre</a>, si toutefois la société persistait dans ses intentions et souhaitait, pour paraphraser Truman Capote prendre son « petit déjeuner chez Tiffany ».</p>
<figure>
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<figcaption><span class="caption">Bande annonce du film « Diamants sur canapé » (1961).</span></figcaption>
</figure><img src="https://counter.theconversation.com/content/126067/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jérôme Caby ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Le numéro un mondial du luxe a toutes les raisons de s’intéresser au prestigieux groupe américain de joaillerie, qui a lui tout intérêt à négocier à la hausse le prix de l’acquisition.Jérôme Caby, Professeur des Universités, IAE Paris – Sorbonne Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1240272019-09-30T18:19:42Z2019-09-30T18:19:42Z« L’économie de la décroissance », thème de recherche émergent<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/293616/original/file-20190923-54790-8c8n1c.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=164%2C32%2C817%2C480&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">L'apparition de ce thème de recherche reste relativement récente.</span> <span class="attribution"><span class="source">Olivier Le Moal / Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>Depuis le début du XXI<sup>e</sup> siècle, le concept de « décroissance » a acquis une relative notoriété. Il désigne d’abord un mouvement social assez hétérogène, dont le but est d’arrêter la trajectoire perçue comme autodestructrice des économies en croissance, tout en promouvant simultanément une société plus harmonieuse et durable. Il désigne par ailleurs un courant scientifique fondé sur l’idée qu’une croissance économique exponentielle n’est ni durable ni désirable.</p>
<p>Au sens de ce courant scientifique, la décroissance est définie comme une transition socioécologique respectant les objectifs suivants :</p>
<ul>
<li><p>le respect de l’environnement, qui implique notamment la réduction de la production et de la consommation dans les pays dont l’empreinte écologique (par tête) est supérieure au niveau mondial soutenable (en pratique les pays riches) ;</p></li>
<li><p>l’amélioration du bien-être des populations et l’équité sociale.</p></li>
</ul>
<p>C’est le premier critère qui différencie essentiellement la décroissance du développement durable (ou de la croissance verte, un de ses concepts dérivés).</p>
<p>Il importe de souligner qu’il s’agit d’une transition choisie, c’est-à-dire volontaire et organisée, et non subie. Il va sans dire que la décroissance n’est nullement un appel à un déclin perpétuel conduisant à une misère généralisée.</p>
<p>Le courant scientifique à la base de la décroissance concerne de multiples disciplines. Une récente revue de la littérature se penche plus particulièrement sur les <a href="https://www.annualreviews.org/doi/abs/10.1146/annurev-environ-102017-025941">cinq suivantes</a> : l’histoire (en particulier des idées), l’économie (en particulier l’économie écologique), l’anthropologie, la science politique et la technologie.</p>
<p>La recherche en histoire des idées et en économie écologique fournit les deux idées fondamentales de la décroissance : la croissance est une construction idéologique, et elle est écologiquement non durable. Sur cette base, les cinq disciplines sont alors mobilisées pour répondre à la question fondamentale à la base de l’agenda de la décroissance : comment concevoir une société à la fois stable et sans croissance ? À titre d’exemple, les disciplines sociales sont interrogées sur les systèmes sociaux qui ont bien fonctionné sans croissance tandis que la science politique est examinée au niveau des liens entre démocratie et décroissance.</p>
<h2>Décroître pour plus de bien-être</h2>
<p>L’économie n’est pas en reste, notamment à travers l’émergence depuis quelques années d’un nouveau thème de recherche appelé « économie de la décroissance ». Si les contributions sont nombreuses, celles qui appréhendent la question de la faisabilité d’une société à la fois stable et sans croissance de façon quantifiée sont plutôt rares. Certaines sont théoriques, d’autres sont appliquées et prennent la forme d’exercices prospectifs.</p>
<p>L’intérêt principal des contributions théoriques est de clarifier les idées, en montrant notamment ce que la décroissance n’est pas ou n’implique pas (une baisse du niveau de bien-être de la population par exemple), quelles formes elle pourrait prendre et quels instruments pourraient être appliqués. Dans ces contributions, la décroissance est décrite comme la transition d’une économie, caractérisée par l’augmentation du bien-être malgré la baisse (au moins transitoire) de la consommation et du PIB.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1088189063730028556"}"></div></p>
<p>Ceci est possible parce que l’effet négatif de la baisse de la consommation est plus que compensé par l’effet positif de l’augmentation d’une autre composante du bien-être. Cet effet positif peut être par exemple induit par une hausse de la qualité de l’environnement (permise par la diminution de la pollution) ou par le développement des activités relationnelles (permis par l’augmentation du temps de loisir). Parmi les instruments envisagés pour induire ou accompagner une trajectoire de décroissance, citons la taxe (sur la pollution), la réduction du temps de travail, l’allocation universelle, un plafond sur les revenus, etc.</p>
<p>L’économie de la décroissance propose également des contributions plus appliquées, comme celles du Canadien Peter Victor ou la thèse du français François Briens. Elles ont l’intérêt de chiffrer l’impact de scénarios de décroissance sur des grandes variables économiques. Peter Victor évalue ainsi l’incidence sur l’économie canadienne <a href="http://www.greeninstitute.gr/wp-content/uploads/2013/02/Victor_Growth-Degrowth-and-Climate-Change.pdf">d’un scénario de décroissance</a> impliquant le retour en 2035 à un PIB par tête égal à son niveau de 1976. Par rapport au scénario au fil de l’eau, la décroissance se traduirait en 2035 par une baisse des émissions de CO<sub>2</sub> de 78 % et une baisse des dépenses publiques de 25 %. Et pour maintenir le plein emploi, le temps de travail devrait être divisé par 4.</p>
<h2>France : évaluation de scénarios citoyens</h2>
<p>François Briens évalue différents <a href="https://tel.archives-ouvertes.fr/tel-01305956/document">scénarios de décroissance pour la France</a> sur la base d’un modèle input/output, avec l’originalité de fonder les scénarios sur des interviews d’acteurs impliqués dans le mouvement de la décroissance. Ces acteurs préconisent l’extension de pratiques de partage, la relocalisation de l’économie à travers la réduction des distances entre lieux de consommation et de production. Ils proposent en outre de faire évoluer leurs modes de vie vers plus de sobriété tout en plaidant pour des réformes institutionnelles (dont la mise en place d’une allocation universelle), le développement de la sphère domestique au détriment de la sphère marchande et la réduction des impacts sur l’environnement grâce au progrès technique.</p>
<p>Selon les scénarios, la consommation finale par tête décroît de 15 à 50 % sur la période 2010-2060 et, grâce à la réduction du temps de travail, le taux de chômage est compris entre 8 et 2,5 % en 2060. Si la dette et le déficit publics dérapent (presque toujours) lourdement, les impacts sur l’environnement sont sensiblement atténués dans tous les scénarios.</p>
<p>Les chiffres susmentionnés sont à considérer comme des ordres de grandeur grossiers. Ils n’ont pas d’intérêt en eux-mêmes et devraient être confirmés par d’autres études. Ces premiers résultats de l’économie de la décroissance fournissent cependant une première indication, à savoir, que la réduction des activités nécessaire pour faire face de façon équitable aux grands défis liés aux limites à la croissance (en particulier environnementaux) devrait être (pour les pays riches) d’une ampleur sans précédent et s’accompagner en conséquence d’une réorganisation profonde de la société et de l’économie.</p>
<h2>La nécessité d’un cadre d’analyse exhaustif</h2>
<p>Cette conclusion fait apparaître le caractère radical de la décroissance et conduit naturellement à la question fondamentale de savoir si la décroissance est compatible avec le capitalisme. Même s’il n’y a pas unanimité sur ce point, certains auteurs soutiennent que la croissance est consubstantielle au capitalisme, et que donc celui-ci ne pourrait survivre si la décroissance devait s’imposer. En lien avec la question précédente se pose celle du contrôle des entreprises. Comme le disent les juristes, l’<a href="https://theconversation.com/quest-ce-que-lentreprise-il-est-temps-de-mettre-a-jour-sa-definition-juridique-85839">entreprise reste en effet impensée</a>, assimilée à tort ou à raison à la société des actionnaires qui en désigne le conseil d’administration.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"920300475165167616"}"></div></p>
<p>L’économie de la décroissance n’en est qu’à ses débuts, et son programme de recherche est chargé. Briens souligne plusieurs fois que le cadre statistique habituel rend malaisé la prise en compte de certaines idées de la décroissance, comme le déplacement d’activités de la sphère marchande vers la sphère domestique, le développement des échanges non monétaires, l’économie de la réciprocité, etc.</p>
<p>Prendre en compte ces idées suppose de développer un cadre d’analyse exhaustif, intégrant à la fois la sphère marchande, la sphère publique et la sphère domestique, sans oublier l’<a href="https://theconversation.com/au-dela-de-letat-et-du-marche-leconomie-sociale-et-solidaire-78952">économie sociale et solidaire</a>. Pour pouvoir mesurer les effets positifs d’une politique de décroissance, il faut aussi disposer d’indicateurs alternatifs aux indicateurs macroéconomiques traditionnels (tels que des indicateurs de bien-être ou d’état de l’environnement).</p>
<hr>
<p><em>Cet article a été co-écrit avec Louis Possoz, ingénieur, membre fondateur du groupe <a href="https://quelfutur.org/Groupe-ORMEE">QuelFutur</a>, groupe de réflexion scientifique interdisciplinaire sur l’urgence environnementale.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/124027/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Marc Germain ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La réduction des activités nécessaire pour faire face de façon équitable aux grands défis sociaux et environnementaux devrait entraîner une réorganisation profonde de la société et de l’économie.Marc Germain, Maître de conférences en économie, Université de LilleLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1240202019-09-29T19:01:00Z2019-09-29T19:01:00ZPourquoi la finance n’a jamais pu être verte (et comment la verdir enfin)<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/294672/original/file-20190929-185415-mtyiqx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C4%2C1000%2C661&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">La _Clarkia pulchella_, plante envahissante.</span> <span class="attribution"><span class="source">Hanjo Hellmann / Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>À l’heure où on parle beaucoup de <a href="https://theconversation.com/fr/topics/finance-verte-47044">« finance verte »</a> et où chacun cherche à verdir les produits financiers et les circuits de financement de l’argent, nous avançons ici une idée complémentaire : il faut non seulement verdir les produits financiers, il faut aussi verdir les métriques financières. Rappelons qu’une métrique est l’étude des régularités systématiques qui caractérisent un système donné. Dans la finance, cette métrique a pris la forme des indicateurs connus, comme la volatilité, etc.</p>
<p>Pour faire comprendre comment verdir une métrique, il est intéressant de considérer métaphoriquement la finance comme un jardin. Afin que ce jardin devienne bien « vert », il faut travailler à en supprimer les mauvaises herbes. On sait que les mauvaises herbes, comme les ronces ou le chiendent, viennent empoisonner les pelouses, et tout bon jardinier sait qu’il doit chercher à éviter que les ronces ne repoussent ou que le chiendent ne s’étende. Les ronces et le chiendent partagent en effet la propriété d’être envahissantes, et si on ne cherche pas activement à s’en débarrasser, c’est tôt ou tard tout le jardin qui est envahi ! De plus, si on attend trop longtemps avant de jardiner, dans le cas des ronces par exemple, on peut se trouver devant l’obligation d’attaquer un mur compact de ronces, parfois très élevé. Les ronces colonisent le jardin, qui devient alors un roncier. Et retirer un roncier est plus difficile que d’arracher une ronce naissante.</p>
<h2>Métriques browniennes</h2>
<p>Pourquoi la finance néoclassique n’a-t-elle pas été « verte » ? Pourquoi les métriques néoclassiques ne sont pas « vertes » ? Le jardin de la finance a-t-il été envahi par une plante qui l’aurait colonisé, abîmant la qualité de sa verdure et transformant le monde financier en roncier ? Les accidents financiers à répétition depuis le krach de 1987 jusqu’à la crise de 2008 seraient-ils provoqués par une plante invasive dont les racines fragiliseraient les protections naturelles contre les accidents ? La réponse est positive.</p>
<p>Le nom de cette plante est <a href="https://inpn.mnhn.fr/espece/cd_nom/91833"><em>Clarkia pulchella</em></a>, c’est une fleur sauvage d’Amérique du Nord. Cette plante a été examinée au microscope par le botaniste écossais botaniste Robert Brown en 1827. Il a observé que ses grains de pollen bougeaient de manière totalement désordonnée et il a décrit ce mouvement désordonné par une dynamique qui porte son nom, le « mouvement de Brown » ou « mouvement brownien ».</p>
<p>En 1900, le mouvement brownien est devenu un processus aléatoire (une fonction qui dépend du temps et du hasard) étudié par le mathématicien français Louis Bachelier dans sa thèse de doctorat <a href="http://www.numdam.org/article/ASENS_1900_3_17__21_0.pdf">« Théorie de la spéculation »</a>, pour décrire les mouvements désordonnés de la rente à la bourse de Paris. Les propriétés mathématiques de ce mouvement ont ensuite été décrites entre 1905 et 1933 par Albert Einstein, Paul Langevin, Norbert Wiener et Paul Lévy.</p>
<p>À la fin des années 1950 et dans les années 1960, le mouvement brownien est entré dans la finance comme ingrédient élémentaire de la modélisation mathématique des variations boursières avec Maury Osborne et Paul Samuelson. Les célébrissimes formules de <a href="https://www.aeaweb.org/articles?id=10.1257/jep.13.4.229">calcul du prix des options</a> établies par Fisher Black, Myron Scholes et Robert Merton en 1973 (prix de la Banque de Suède en sciences économiques en mémoire d’Alfred Nobel) puis l’avènement des marchés dérivés fondés sur les mathématiques financières de base brownienne, ont définitivement consacré le mouvement brownien comme ingrédient essentiel de la construction des modèles de dynamique boursière et de gestion des risques. Le mouvement brownien est ainsi devenu la composante de base des métriques de la finance.</p>
<p>Nous pouvons donc esquisser une première conclusion : la finance néoclassique n’a pas été « verte » à cause de ses métriques browniennes. Les métriques browniennes ne sont pas des « métriques vertes ». Pourquoi ?</p>
<h2>Le faux procès des maths financières</h2>
<p>Pour répondre à cette question, il faut examiner de plus près les caractéristiques du mouvement brownien, puis les comparer à celles des objets (plantes, fleuves, montagnes, etc.) de la nature. Le mouvement brownien possède une propriété qui a été perçue par les mathématiciens de la finance dans les années 1970 extrêmement utile pour la gestion des risques, la continuité de sa trajectoire : avec la propriété de continuité, il n’y a pas de cassure de marché, pas de rupture de cotation, pas d’accidents financiers et on peut donc ajuster en continu les positions de marché pour les couvrir.</p>
<p>Cette continuité des mouvements boursiers est devenue très importante pour la pratique financière de la gestion des risques. Elle est même si importante qu’elle est ensuite devenue une idée résistante à tout changement théorique qui aurait voulu introduire des discontinuités dans les modélisations boursières.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1095090289662939138"}"></div></p>
<p>Sur plusieurs décennies, l’ensemble des acteurs de la communauté financière, professionnels des marchés, gestionnaires de fonds d’investissement, enseignants et chercheurs universitaires, régulateurs et autorités de marchés, a fondé la totalité des techniques de gestion des risques (comme l’assurance de portefeuille) et des représentations mentales des variations des marchés (normes financières comptables et prudentielles) sur des métriques browniennes. Les recommandations réglementaires pour éviter les crises (Bâle IV, Solvabilité II) reposent aussi sur des métriques browniennes. Ainsi la <em>Clarkia pulchella</em> a été envahissante, colonisant progressivement puis systématiquement le jardin de la finance néoclassique.</p>
<p>On connaît la suite. Avec les métriques browniennes (lesdites « mathématiques financières » ont été pendant longtemps des mathématiques browniennes), la finance a été piégée par l’illusion de la disparition du risque. Ce n’est donc pas un « problème de mathématiques financières » (la pensée unique sur la crise) et le procès des mathématiques financières est, en ce sens, un faux procès. C’est le problème d’une certaine partie de mathématiques financières qui utilise des métriques browniennes.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1065364396807983104"}"></div></p>
<p>Cette illusion due à l’usage du mouvement brownien et la confusion faite entre mathématiques financières et métrique brownienne expliquent que la crise de la finance néoclassique a une dimension cognitive très largement encore méconnue, et que la cupidité ne peut pas suffire à expliquer la crise de 2008.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1050142860211834881"}"></div></p>
<p>Il est donc temps de désherber le jardin de la finance de sa <em>Clarkia pulchella</em>. La finance ne pourra être vraiment « verte » que le jour où son jardin aura été déroncé, nettoyé de cette plante sauvage qui l’a colonisé et dont les racines sont toujours souterrainement à l’œuvre, par exemple avec la gestion indicielle et les benchmarks (repères). Pour parler sans métaphore : il faut s’assurer que toutes les métriques browniennes auront été supprimées de la finance. Et installer à la place des métriques vertes.</p>
<h2>Le poids des lobbys</h2>
<p>Une métrique verte est une métrique dont les caractéristiques sont alignées sur celles de la « nature ». Considérons alors la forme des plantes, des rivières, des montagnes, etc. Il est connu aujourd’hui qu’une caractéristique essentielle de la géométrie de ces objets est qu’ils sont de nature <a href="https://brunomarion.com/fr/les-fractales-pour-les-nuls/">fractale</a>, c’est-à-dire dont la géométrie se répète à différentes échelles.</p>
<p>Prenons par exemple le cas des plantes, puisque nous avons utilisé la métaphore du jardin. Les plantes possèdent la <a href="https://www.jardinsdefrance.org/les-fractales-et-la-reiteration-chez-les-plantes/">propriété de réitération</a> et « répètent » les formes à différentes échelles lors de leur développement, même si les formes réitérées ne se répètent pas à l’infini comme dans la théorie, mais un nombre restreint de fois.</p>
<figure class="align-left ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/293565/original/file-20190923-54744-3hwwb2.PNG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/293565/original/file-20190923-54744-3hwwb2.PNG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=560&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/293565/original/file-20190923-54744-3hwwb2.PNG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=560&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/293565/original/file-20190923-54744-3hwwb2.PNG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=560&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/293565/original/file-20190923-54744-3hwwb2.PNG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=704&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/293565/original/file-20190923-54744-3hwwb2.PNG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=704&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/293565/original/file-20190923-54744-3hwwb2.PNG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=704&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Une fonction réitérée très simple, appelée « fougère de Barnsley ».</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://wwwf.imperial.ac.uk/~jswlamb/M345PA46/%5BB%5D%20chap%20IX.pdf">VisSim/Wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Sans préciser davantage ici cette propriété, on peut avancer que toute description de la nature doit inclure une propriété fractale pour être réaliste. Toute métrique « naturelle » doit donc être fractale. Une métrique ne pourra être « verte » que si elle est fractale.</p>
<p>Pourquoi n’y a-t-il pas eu plus tôt de métrique verte en finance ? Parce que, paradoxalement, les gardiens du jardin financier (qui s’en sont cru les propriétaires) ont empêché d’agir les quelques jardiniers talentueux qui alertaient sur la présence des ronces naissantes et qui voulaient déroncer. Les lobbys financiers (associant banquiers et universitaires américains, comme l’illustre le film <em>Inside Job</em>) ont agi pour que les professions financières et les autorités de régulation internationale maintiennent coûte que coûte (et à quel prix !) les métriques browniennes, qui assuraient à l’industrie des produits dérivés et des évaluateurs un chiffre d’affaires extrêmement élevé, l’argent facile en quelque sorte… De nombreux travaux de sociologie de la finance existent aujourd’hui, qui documentent ce pouvoir intellectuel des <a href="https://laviedesidees.fr/Les-lobbies-vus-par-les-sciences-sociales.html">lobbys financiers</a> sur les conventions scientifiques en finance pendant plusieurs décennies.</p>
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<figcaption><span class="caption">Bande annonce du film <em>Inside Job</em> (2010).</span></figcaption>
</figure>
<p>Alors apparaissent sous un jour nouveau, sur une longue durée de plus de cinquante ans (1960-2010) les controverses issues des avertissements de l’inventeur des fractales, le mathématicien français Benoit Mandelbrot, lanceur d’alerte avant l’heure, qui avait attiré l’attention très tôt (dès 1962) sur le danger que représentait la <em>Clarkia pulchella</em> pour la pratique financière. Après la crise de 2008, dans un entretien au Monde publié en septembre 2009, un an avant sa mort, Mandelbrot rappellera une fois encore que, avec une théorie financière inapplicable fondée sur les métriques browniennes, « il était inévitable que des choses très graves se produisent ».</p>
<p>En résumé, un travail important à faire pour « verdir » la finance (en plus du fléchage « vert » des produits et des circuits) devrait être de traquer les restes de métrique brownienne pour les remplacer par des métriques non browniennes. La recherche en mathématiques financières a pris ce virage scientifique il y a une dizaine d’années et l’<a href="https://www.lemonde.fr/planete/article/2009/03/27/la-revanche-de-l-econo-physique_1173340_3244.html">éconophysique</a> (ou économie physique) travaille activement sur ce thème par exemple la <a href="https://www.polytechnique.edu/fondation/content/econophysique-syst%C3%A8mes-complexes-une-nouvelle-chaire-de-recherche">nouvelle Chaire de Polytechnique</a>, mais les professions financières et les autorités de régulation conservent encore sur le risque et l’évaluation des cadres mentaux qui reposent très largement sur des métriques browniennes.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/124020/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Christian Walter ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Il s’agit avant tout d’une question de métriques. Explications.Christian Walter, Titulaire de la chaire « Éthique et Finance » du Collège d’études mondiales de la FMSH, Fondation Maison des Sciences de l'Homme (FMSH)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1224182019-08-29T19:03:10Z2019-08-29T19:03:10ZIndice d’égalité professionnelle, un (petit) pas vers la convergence salariale hommes-femmes<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/289430/original/file-20190826-8889-z7k1i.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=26%2C26%2C4459%2C2748&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Aujourd'hui, les estimations des écarts de salaires varient de 10% à plus de 20 %.
</span> <span class="attribution"><span class="source">Olivier Le Moal / Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>En 2018, le gouvernement français a présenté un <a href="https://www.gouvernement.fr/partage/10016-egalite-professionnelle-entre-les-femmes-et-les-hommes">plan d’action</a> visant à favoriser l’égalité entre femmes et hommes dans le monde du travail (« égalité professionnelle » dans la suite du texte). Une des mesures phares du plan consistait à obliger les entreprises, tout d’abord à mesurer de façon homogène leur situation en matière d’égalité professionnelle selon un indice dont la <a href="https://www.dalloz-actualite.fr/sites/dalloz-actualite.fr/files/resources/2019/01/2019-15.pdf">méthode de calcul</a> a par la suite été précisée par le gouvernement, à publier cette mesure sur leur site ; et à <a href="https://www.gouvernement.fr/index-de-l-egalite-femmes-hommes-comment-ca-marche">agir</a> pour résorber les inégalités.</p>
<p>En proposant une formule unique de mesure de l’égalité salariale, le gouvernement contribue à imposer une définition précise et stabilisée de cette notion, comme le souligne un récent numéro de la <a href="https://www.dalloz-revues.fr/revues/Revue_de_Droit_du_Travail-35.htm"><em>Revue de droit du travail</em></a> (mars 2019). Jusqu’à présent, même si depuis 1983 elles étaient soumises à des obligations de publication d’un rapport annuel sur la situation des femmes et des hommes, les entreprises avaient en effet des marges de manœuvre importantes dans le calcul des inégalités salariales, au point de rendre quasi impossible la comparaison interentreprises.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"970774723423559681"}"></div></p>
<p>En effet, différents modes de calcul peuvent être mobilisés : écart de salaire moyen, écart de salaire moyen par tranche d’ancienneté, écart de salaire moyen par catégorie professionnelle, ou encore écart à profil identique. Or, selon l’indicateur et le mode de calcul choisis, les écarts mesurés peuvent varier de façon très importante, allant de moins de 10 % à plus de 20 %.</p>
<h2>Certaines inégalités exclues du calcul</h2>
<p>Dans l’indice du gouvernement, la variable de rémunération retenue comme base de calcul correspond à la rémunération ramenée à un temps plein, et excluant entre autres les heures supplémentaires. Pourtant, les <a href="https://www.cairn.info/revue-de-l-ofce-2010-3-page-291.htm">travaux académiques</a> montrent bien que la surreprésentation des femmes parmi les personnes à temps partiel et leur moindre disponibilité horaire peuvent expliquer une partie de l’écart salarial global. En l’occurrence, ces inégalités de rémunération liées à la disponibilité ne sont pas intégrées dans l’indice.</p>
<p>L’indice est constitué de cinq sous-indices, donnant lieu à des points qui sont ensuite additionnés pour fournir une note globale sur 100 :</p>
<ul>
<li><p>écart de rémunération entre les femmes et les hommes ;</p></li>
<li><p>écart de taux d’augmentations individuelles (hors promotion) ;</p></li>
<li><p>écart de taux de promotion ;</p></li>
<li><p>taux d’augmentation des femmes en retour de congé de maternité ;</p></li>
<li><p>nombre de personnes du sexe sous-représenté parmi les dix plus hautes rémunérations.</p></li>
</ul>
<p>Cette composition signifie que l’indice inclut les inégalités liées aux augmentations et promotions. En effet, la littérature indique qu’une partie de l’écart salarial global s’explique par un <a href="https://www.econstor.eu/bitstream/10419/21141/1/dp288.pdf">moindre accès des femmes</a> aux postes à responsabilités.</p>
<p>En revanche, les formules précises de calcul de chaque sous-indice contribuent à exclure d’autres types d’inégalités. Ainsi, l’écart de rémunération (sous-indice 1) est mesuré à profil comparable, en tenant compte notamment de la catégorie professionnelle et de l’âge. Cela revient à exclure les inégalités liées à la ségrégation professionnelle des emplois, c’est-à-dire au fait que les femmes et les hommes ne sont pas présents dans les mêmes métiers, et que les métiers à prédominance féminine sont souvent <a href="https://www.decitre.fr/livres/comparer-les-emplois-entre-les-femmes-et-les-hommes-9782110080783.html">moins bien rémunérés</a> que les métiers à prédominance masculine. Cela exclut alors du champ d’action des entreprises le travail sur la mixité des métiers d’une part, et le travail sur la classification des emplois et les <a href="https://muse.jhu.edu/book/3767">inégalités résultant de cette classification</a> d’autre part.</p>
<h2>Restriction de la notion d’égalité salariale</h2>
<p>Ensuite, les taux d’augmentation et de promotion (sous-indices 2, 3 et 4) sont définis comme le pourcentage de salariés ayant bénéficié de ces récompenses, ce qui exclut les inégalités potentielles liées à un différentiel d’ampleur des augmentations consécutives ou non à une promotion. De ce fait, les entreprises ne sont pas incitées à mener une réflexion sur d’éventuelles inégalités de genre dans le montant des augmentations accordées. Par ailleurs, l’écart de taux d’augmentation est calculé par catégorie professionnelle, ce qui revient à exclure de la notion d’inégalité salariale les écarts de taux d’augmentation liés au niveau du métier occupé plus qu’à la personne.</p>
<p>Enfin, le mode d’attribution des points assure d’obtenir une note relativement élevée pour certains sous-indices. Par exemple, le sous-indice sur le taux d’augmentation en retour de congé de maternité (sous-indice 4) correspond à une obligation légale, et les entreprises respectant le cadre légal sont assurées d’obtenir la note maximale (15 sur 15).</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/289431/original/file-20190826-8893-1uqqqf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/289431/original/file-20190826-8893-1uqqqf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/289431/original/file-20190826-8893-1uqqqf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/289431/original/file-20190826-8893-1uqqqf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/289431/original/file-20190826-8893-1uqqqf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/289431/original/file-20190826-8893-1uqqqf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/289431/original/file-20190826-8893-1uqqqf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Le plan d’action du gouvernement, porté notamment par la ministre du travail Muriel Pénicaud, vise à responsabiliser les différents acteurs de l’entreprise.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Gérard Bottino/Shutterstock</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Finalement, l’indice d’égalité professionnelle défini par le gouvernement a l’avantage indéniable de permettre la comparaison interentreprises. Par ailleurs, il vise à inciter les différents acteurs à l’action. Ainsi, le discours du gouvernement autour de l’indice tourne beaucoup autour de la <a href="http://www.leparisien.fr/economie/emploi/muriel-penicaud-sur-la-parite-les-entreprises-ont-obligation-de-resultat-04-03-2019-8024430.php">responsabilisation des différents acteurs</a> (directions, management, mais aussi syndicats) et de l’idée d’une obligation de résultat. En revanche, cet indice contribue à restreindre la notion d’égalité salariale, et ainsi le champ d’action des entreprises en la matière. Il sera donc sans doute très intéressant d’étudier plus précisément sa mise en œuvre opérationnelle et ses effets sur les pratiques concrètes en matière d’égalité professionnelle.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/122418/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Clotilde Coron ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Si la méthode de calcul proposée par le gouvernement permet désormais les comparaisons interentreprises, elle exclut certaines formes d’inégalités.Clotilde Coron, Maîtresse de conférences en GRH, IAE Paris – Sorbonne Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1193562019-07-01T21:31:24Z2019-07-01T21:31:24ZLa mobilité, l'autre déterminant des inégalités<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/280991/original/file-20190624-97799-17hnn6b.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=11%2C14%2C1558%2C1166&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les populations les moins favorisées ont-elles réellement les moyens de gravir l'échelle sociale ?</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://unsplash.com/photos/WtTSCDL_WWE">Chang Duong / Unsplash</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Faut-il participer à l’émission « Qui veut gagner des millions », pour sortir de la pauvreté ? C’est l’unique opportunité qu’a eu l’Indien Jamal Malik dans le film « Slumdog millionnaire ». Et même celle-ci lui fut finalement retirée. À peine avait-il gagné la question à 20 000 roupies, qu’il fut accusé de tricherie. Les pauvres sont-ils condamnés à le rester ? Cette question, connue sous l’angle des inégalités, mérite d’être posée sur le plan de la mobilité sociale. Transformer son destin est-il vraiment possible pour tous ? </p>
<p>Depuis quelques décennies, les inégalités ont polarisé tous les regards et de nombreuses études économiques leur ont été consacrées. Les indices et indicateurs se sont multipliés dans le but de comparer les États et les régions. Bien que négligée, la mobilité - de revenu ou de position sociale - est un outil utile pour éclairer les problèmes liés à la pauvreté, à l’égalité des chances ou encore à la reproduction sociale. </p>
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<figcaption><span class="caption">Bande annonce du film « Slumdog Millionaire » (2008).</span></figcaption>
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<p>Les inégalités sont-elles toujours néfastes ? Le recours à la mobilité répond d’abord à cette question qui a traversé plusieurs disciplines, dont l’économie. Si les individus peuvent monter rapidement et facilement l’échelle sociale, certains affirment que non. Ceux qui sont au bas de l’échelle alternent alors à tour de rôles avec ceux qui se trouvent au-dessus. Thomas Piketty lui-même écrit « on pense souvent que l’augmentation des inégalités n’est pas importante <a href="https://archive.org/stream/CapitalInTheTwentyFirstCenturyThomasPiketty2014/Capital%20in%20the%20Twenty-First%20Century%20%28Thomas%20Piketty%202014%29_djvu.txt">en cas de forte mobilité</a> ». Cette question se réfère à la <a href="https://la-philosophie.com/theorie-de-la-justice-rawls">théorie égalitariste de Rawls</a> qui privilégie l’égalité des chances à l’égalité des revenus. Pour lui, rien ne sert d’atteindre l’égalité des revenus parfaite, tant que les circonstances préalables sont justes et égales pour tous les individus. On juge alors ces derniers sur le mérite et l’effort. </p>
<h2>Inégalité et faible mobilité, inséparables ?</h2>
<p>L’égalité des chances se réfère à la mobilité. La mobilité intergénérationnelle de revenu interroge la possibilité qu’a un enfant d’accroître facilement ses revenus par rapport à ses parents. Mais on peut aussi la comparer d’une période à l’autre de la vie d’un individu, de manière intragénérationnelle. Combien pourraient, à l’instar de Gatsby le Magnifique - ce personnage, issu d’une famille de fermiers pauvres et devenu millionnaire - se hisser au sommet de l’ascenseur social ? Dans chaque pays, la réponse diffère. Mais une constante traverse un bon nombre de situations. Selon « la courbe de Gatsby », une forte inégalité est liée à une faible mobilité sociale. </p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/280978/original/file-20190624-97808-f9h55n.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/280978/original/file-20190624-97808-f9h55n.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=535&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/280978/original/file-20190624-97808-f9h55n.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=535&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/280978/original/file-20190624-97808-f9h55n.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=535&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/280978/original/file-20190624-97808-f9h55n.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=672&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/280978/original/file-20190624-97808-f9h55n.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=672&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/280978/original/file-20190624-97808-f9h55n.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=672&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption"></span>
<span class="attribution"><span class="source">Auteur.</span></span>
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<p>Tout agit comme si, plus les barreaux de l’échelle sont éloignés les uns des autres, plus il est difficile de grimper. Aux États-Unis, cette logique vient remettre en question la figure du <em>self-made man</em>. Dans les faits, le « rêve américain » n’est pas si facile à accomplir. Une <a href="https://www.nber.org/papers/w19843">étude</a> réalisée par Chetty, Hendren, Kline et Saez en 2014 montre que la mobilité sociale est restée inchangée entre 1970 et 1990. Pour les nouvelles générations, les chances d’atteindre des salaires plus élevés sont restées les mêmes, tandis que l’écart entre les revenus s’est accru. Les inégalités de revenus ne facilitent donc pas la mobilité, mais sont plutôt des bâtons dans les roues des plus pauvres. Mais, dans le même temps, la mobilité liée à la position sociale est restée globalement similaire. Leurs estimations confirment la forte inégalité qui règne alors en Chine. Ceux qui ont profité de l'élévation des revenus étaient déjà issus d’une famille aisée. La courbe de Gatsby se vérifie : une grande inégalité révèle une faible mobilité sociale.</p>
<h2>Qu’est-ce qu’on mesure, alors ?</h2>
<p>Les comparaisons internationales analysent les inégalités à l’aide des <a href="https://www.insee.fr/fr/metadonnees/definition/c1551">coefficients de Gini</a> ou de <a href="http://theses.univ-lyon2.fr/documents/getpart.php?id=lyon2.2006.paulo_c&part=119232">Theil</a>. Ces mesures permettent d’étudier la distance entre la situation donnée d’un pays et le cas d’une société parfaitement égalitaire. Mais peu d’évaluations permettent de donner le tableau de la mobilité intergénérationnelle de chaque pays. Les mesures sont éparses, non harmonisées et parfois même erronées. </p>
<p>Cowell et Flachaire ont montré que l’indice de mobilité intergénérationnelle le plus utilisé peut être aveugle à certains mouvements ascendants ou descendants, en fonction des situations. D’autant que les résultats varient entre les outils généralement utilisés. Pour répondre à ces limites, les deux auteurs ont créé un nouvel indicateur en établissant des principes de bases. </p>
<p>Pour être efficace, la mesure doit prendre en compte les différents types de mobilités qui peuvent exister. <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.3982/QE512">L’indice Cowell-Flachaire</a> capture donc à la fois les mobilités de revenus mais aussi celles de rang, autrement dit, la position d’un individu sur l’échelle sociale. Mettre en parallèle ces deux mesures est important car même si tous les individus augmentent leurs revenus de façon égale, la mobilité sociale peut demeurer inchangée alors même que la mobilité de revenu augmente. </p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/280987/original/file-20190624-97766-5fubm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/280987/original/file-20190624-97766-5fubm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=516&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/280987/original/file-20190624-97766-5fubm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=516&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/280987/original/file-20190624-97766-5fubm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=516&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/280987/original/file-20190624-97766-5fubm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=648&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/280987/original/file-20190624-97766-5fubm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=648&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/280987/original/file-20190624-97766-5fubm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=648&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption"></span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://unsplash.com/photos/bxSLlYyhimE">Souradeep Rakshit / Unsplash</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
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<h2>De quelle mobilité parle-t-on ?</h2>
<p>Le constat précédent peut être appliqué à la Chine durant le passage du millénaire. Au cours des années 2000, l’empire du Milieu a connu une croissance rapide mais ses répercussions sur la mobilité sont ambiguës. Dans leur article, Cowell et Flachaire montrent que la mobilité ascendante de revenu a augmenté, signifiant qu’un certain nombre d’individus ont accédé à des salaires plus élevés qu’avant 2000. Mais, dans le même temps, la mobilité liée à la position sociale est restée globalement similaire. Leurs estimations confirment la forte inégalité qui règne alors en Chine. Ceux qui ont profité de l'élévation des revenus étaient déjà issus d’une famille aisée. La courbe de Gatsby se vérifie : une grande inégalité révèle une faible mobilité sociale. </p>
<p>L’exemple de la Chine illustre l’importance de distinguer les différentes mobilités pour présenter un tableau plus précis du paysage économique d’une région. L’indice des inégalités, parce qu’il est statique, ne permet pas d’interroger les mouvements entre génération ou entre différentes périodes. Pour affiner davantage, la dimension géographique est souvent utilisée. Elle permet de souligner que, selon les zones géographiques et à l’intérieur d’un même pays, la mobilité de revenu ou de « rang » peut être totalement différente. </p>
<p>Alors que la Chine se divise nettement entre aires rurales et urbaines, les États-Unis présentent une mosaïque diversifiée. Certains États symbolisent avec force le rêve américain, tandis que les chances de sortir de la pauvreté sont dérisoires dans d’autres. </p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/280985/original/file-20190624-97762-1e121uu.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/280985/original/file-20190624-97762-1e121uu.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/280985/original/file-20190624-97762-1e121uu.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=362&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/280985/original/file-20190624-97762-1e121uu.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=362&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/280985/original/file-20190624-97762-1e121uu.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=362&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/280985/original/file-20190624-97762-1e121uu.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=455&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/280985/original/file-20190624-97762-1e121uu.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=455&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/280985/original/file-20190624-97762-1e121uu.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=455&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Cette carte montre le rang moyen (en pourcentage) d'enfants ayant grandit dans une famille située en dessous du revenu moyen en fonction des aires géographiques. Les couleurs claires représentent les aires où les enfants issus de familles à faibles revenus ont plus de chance d'accroître leur futur salaire.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.nytimes.com/">New York Times</a></span>
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<p>Dans le calcul de la mobilité, qu’elle soit de revenu ou de rang, la géographie n’est pas la seule variable à interroger. L’indicateur de Cowell et Flachaire se décompose pour étudier d’autres aspects, de manière détaillée. Il permet ainsi d’identifier la part des individus les plus riches, ou encore, la part des jeunes, dans le résultat obtenu. Et, surtout, il se décompose pour saisir la mobilité ascendante et descendante dans le calcul des mouvements. Enfin, les deux auteurs montrent qu’en étudiant la distance - en termes de revenu ou de rang – entre deux périodes données, l’indice de mobilité englobe celui des inégalités. En effet, il s’agit là d’un cas particulier, où la période étudiée est comparée à une situation d’égalité parfaite. </p>
<p>La mobilité sociale n’a pas encore fait l’objet de mesures systématiques dans les baromètres internationaux. Son évaluation constituerait un outil précieux pour les décideurs publics et offrirait un tableau précis des opportunités laissées aux individus face aux inégalités persistantes. C’est ce à quoi se sont attelés Cowell et Flachaire afin d’améliorer la connaissance de la mobilité en dépassant les limites des précédents indices et en permettant d’obtenir une description fine des inégalités dans le monde.</p>
<hr>
<figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/256813/original/file-20190201-127151-1h8ld7q.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/256813/original/file-20190201-127151-1h8ld7q.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=283&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/256813/original/file-20190201-127151-1h8ld7q.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=283&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/256813/original/file-20190201-127151-1h8ld7q.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=283&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/256813/original/file-20190201-127151-1h8ld7q.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=355&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/256813/original/file-20190201-127151-1h8ld7q.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=355&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/256813/original/file-20190201-127151-1h8ld7q.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=355&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption"></span>
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<p><em>Ce texte a été corédigé par Claire Lapique. L'article a été publié dans la revue « <a href="https://www.amse-aixmarseille.fr/fr/dialogeco/l%E2%80%99%C3%A9chelle-sociale-pour-r%C3%A9pondre-aux-in%C3%A9galit%C3%A9s">Dialogues économiques</a> » de l’AMSE, l’école d’économie d’Aix-Marseille, en partenariat avec The Conversation France.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/119356/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Emmanuel Flachaire ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les économistes F. Cowell et E. Flachaire proposent un indice qui donne un nouvel aperçu des mesures des inégalités.Emmanuel Flachaire, Professeur d'économie, Aix-Marseille Université (AMU)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1189572019-06-27T21:05:01Z2019-06-27T21:05:01ZComment les plates-formes mettent la main sur le développement touristique des territoires<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/280013/original/file-20190618-118501-rjis1y.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C2%2C973%2C657&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">La France espère dépasser la barre des 100 millions de visiteurs en 2020.
</span> <span class="attribution"><span class="source">Paul Wishart / Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>En 2018, la France était encore le pays le plus visité au monde, avec <a href="https://bfmbusiness.bfmtv.com/mediaplayer/video/nous-visons-100-millions-de-touristes-etrangers-et-60-milliards-d-euros-de-depenses-en-2020-jean-baptiste-lemoyne-2005-1162304.html">près de 90 millions de visiteurs</a> qui ont généré plus de 56 milliards de recettes, a annoncé le conseil interministériel du tourisme en mai dernier. La fréquentation a augmenté de 3 % en un an, ce qui rapproche l’hexagone de son objectif de 100 millions de visiteurs en 2020.</p>
<p>On peut se féliciter de ces chiffres et de cette place de numéro 1 mondial mais compter les têtes, ou bien calculer les recettes, restent les manières traditionnelles d’appréhender le tourisme, que ce soit au niveau régional ou national. À trop se focaliser sur ces indicateurs, les professionnels du tourisme comme les institutions risquent de passer à côté de certains éléments qui pourraient pourtant être décisifs à l’heure où la concurrence mondiale se renforce, en particulier une compréhension fine du comportement du visiteur à destination.</p>
<p>Aujourd’hui, les stratégies de nos instances officielles (offices de tourisme, agences départementales et comités régionaux) consistent principalement à communiquer pour attirer ou renforcer un flux de visiteurs vers leur destination, notamment au travers de <a href="https://www.streetpress.com/sujet/122514-city-branding-quand-les-villes-vendent-leur-image">campagnes de branding</a> (travail sur l’identité de la ville en tant que marque). Ces actions se situent dans le prolongement de leurs <a href="https://www.cairn.info/sociologie-du-tourisme--9782707152558.htm">missions historiques</a> de visibilité, d’information et d’accueil.</p>
<p>Mais ces initiatives concernent généralement des destinations aux délimitations administratives, sans grande signification : les pèlerins sur les chemins de Compostelle traversent communes, départements et frontières, et les touristes chinois visitent lors d’un même séjour châteaux du bordelais et chais de Cognac.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/280017/original/file-20190618-118539-90f6l4.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/280017/original/file-20190618-118539-90f6l4.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=370&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/280017/original/file-20190618-118539-90f6l4.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=370&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/280017/original/file-20190618-118539-90f6l4.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=370&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/280017/original/file-20190618-118539-90f6l4.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=465&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/280017/original/file-20190618-118539-90f6l4.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=465&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/280017/original/file-20190618-118539-90f6l4.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=465&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">« Only Lyon », exemple de marque créée pour faire rayonner la deuxième ville française et attirer les visiteurs.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Fichier:ONLY_LYON_Place_Bellecour.JPG">Eigenes Werk/Wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Décisions libres et impromptues</h2>
<p>Si les institutionnels disposent d’informations riches sur leur offre (hébergement, restauration, transports, attractions, etc.), ils n’analysent que très rarement le processus de décision du touriste à destination. C’est pourtant un enjeu important, le touriste de loisirs se définissant par sa disposition à prendre <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0261517711001476?via%3Dihub">librement et de façon impromptue</a> des décisions quant à son séjour.</p>
<p>Pour renforcer cette connaissance, les chercheurs de l’Université de Saint-Gall (Suisse) ont développé une <a href="http://www.advances-destinationmanagement.com/sgdm">méthode</a> consistant à analyser les parcours des visiteurs à destination, en fonction de leurs goûts et de leurs contraintes. Discutant les actions des institutionnels du tourisme dont l’objectif reste avant tout le nombre de visiteurs, ces chercheurs s’attachent davantage à comprendre les <a href="https://www.alexandria.unisg.ch/253135/1/Beritelli%20et%20al%20(2018)%20How%20come%20you%20are%20here.pdf">raisons de leur présence</a> dans la zone touristique et ce qui va déterminer le choix de leurs étapes tout au long de leur circuit.</p>
<p>Le comportement du touriste est en effet un processus d’ajustement interactif et dynamique, qui dépend du contexte (situation vécue à destination, météo, transports, etc.) ou encore de stimulations émanant de sources multiples : référents (avis en ligne, résidents, etc.), personnels de contact (hôtel, restaurant), institutionnels (office de tourisme), enseignes (cinéma, musée), voire une éventuelle familiarité vis-à-vis de la destination…</p>
<p>Ainsi, pour un touriste de loisirs séjournant pendant 10 jours à destination avec un budget restreint, le processus décisionnel à destination peut être représenté comme suit :</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/279830/original/file-20190617-118543-li82a.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/279830/original/file-20190617-118543-li82a.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/279830/original/file-20190617-118543-li82a.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=438&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/279830/original/file-20190617-118543-li82a.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=438&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/279830/original/file-20190617-118543-li82a.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=438&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/279830/original/file-20190617-118543-li82a.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=550&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/279830/original/file-20190617-118543-li82a.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=550&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/279830/original/file-20190617-118543-li82a.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=550&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Modèle décisionnel en cascade.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0261517711001476?via%3Dihub">Adapté de Moore et coll., 2012</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Dans ce schéma, si certaines décisions sont prises avant l’arrivée à destination (itinéraire, hébergement), celles prises à destination sont moins susceptibles d’être influencées par des recommandations via Tripadvisor ou un office de tourisme. En effet, le budget limité du touriste étudié dans cet exemple ne le rend que peu sensible aux stimulations sur place.</p>
<p>L’on mesure ici à quel point les enjeux de l’industrie touristique française semblent mal compris par nos gouvernants : il est plus commode de chercher année après année à dépasser son propre record de nombre de visiteurs, plutôt que de tenter de comprendre les mécanismes de choix et de comportements des touristes à destination.</p>
<h2>Le volume plus que le prix</h2>
<p>Cet aveuglement n’a pas échappé aux leaders mondiaux du commerce touristique, qu’il s’agisse d’agences de voyages en ligne (ou OTA, pour <em>online travel agency</em>, comme Booking.com et Expedia) ou de plates-formes communautaires (Airbnb) : ces acteurs majeurs de l’industrie, en champions de la donnée massive, compilent, agrègent, analysent et modélisent les préférences des touristiques, de manière à pouvoir leur proposer beaucoup plus qu’un hébergement : une <a href="https://theconversation.com/airbnb-ou-la-vie-revee-des-autres-83971">expérience</a>.</p>
<p>Ils agissent en quelque sorte comme un « cheval de Troie » sur les territoires. Certes, il y a la clé la promesse d’accroître considérablement la visibilité des destinations, donc le nombre de visiteurs (et incidemment le volume de commissions payables aux plates-formes), mais c’est un élément qui illustre bien leur volonté de s’investir (à moindre coût) dans les stratégies historiques de visibilité et d’information des institutionnels.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"912164745515606017"}"></div></p>
<p>Ces acteurs mondiaux, à la capitalisation boursière sans équivalent (ainsi, le groupe Booking Holdings, maison mère de Booking.com, valait en bourse 77 milliards de dollars le 11 juin 2019 ; Marriott International, le premier groupe hôtelier au monde, et détenteur de plusieurs milliers d’établissements, ne valait quant à lui à la même date, <em>que</em> 44 milliards de dollars.), suivent un modèle économique de distributeur, c’est-à-dire que leur revenu est une commission prélevée sur des flux d’échanges entre offreurs et demandeurs. Plutôt qu’un prix de vente élevé (d’une chambre, etc.), c’est le volume élevé d’échange qui leur est essentiel.</p>
<p>Dans cette optique, une plate-forme comme Booking va par exemple débourser des sommes considérables en publicité, près de <a href="https://www.artiref.com/commercialisation-hotel/les-chiffres-clefs-de-booking-pour-2018.html">30 % de son chiffre d’affaires</a>, dont une partie auprès de Google, ce qui permet à ses offres d’être aujourd’hui mieux référencées que celles des hôteliers eux-mêmes !</p>
<h2>L’intérêt des hôteliers n’est pas garanti</h2>
<p>Les indépendants (70 % des hôteliers en France) ont de leur côté tendance à s’accommoder de l’entrée des plates-formes dans le champ de leur activité car ils trouvent un intérêt à externaliser la stratégie de distribution, quitte à laisser le soin aux plates-formes de capter une partie de la valeur. Un hôtelier doit en effet décider à quel prix proposer ses chambres pour chaque date possible de réservation : il doit pour cela extrapoler dans le futur sa performance passée (prix moyen de vente et proportion des chambres non louées), observer le prix fixé par ses concurrents, et surveiller les réactions de la clientèle en réponse aux prix proposés… La charge cognitive que représente ce travail pour l’hôtelier est particulièrement lourde, d’autant plus qu’il préférera se concentrer dans son activité sur l’accueil client plus que sur sa stratégie numérique. Or, ces plates-formes vont mettre à disposition des indépendants des outils clés en main pour alléger justement cette charge cognitive.</p>
<p>Dans ce contexte, leur relation peut être éclairée par le cadre d’analyse initialement développé en finance, appelé <a href="https://www.jstor.org/stable/pdf/725105.pdf">« relation principal-agent »</a>. L’hôtelier – le principal – s’en remet à un agent pour la collecte et l’analyse de données relatives au marché, aux concurrents et à la destination. Dans le cas où l’agent est un distributeur, le fait qu’il dispose de plus d’informations que le principal – stratégies de prix des concurrents et sur le niveau de demande sur la destination – ne garantit pas qu’il agisse dans son intérêt. Autrement dit, dans le cas du tourisme, les plates-formes ne sont pas forcément les meilleurs alliés des hôteliers.</p>
<p>L’institutionnel a donc aujourd’hui l’opportunité de devenir un véritable <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.1002/jtr.2072">arbitre « tiers de confiance »</a>, aux intérêts convergents avec ceux des acteurs économiques de la destination : fidélisation des visiteurs, optimisation du panier moyen, diffusion des flux sur l’ensemble de la destination, etc. C’est le chemin emboîté par exemple par l’agence départementale Charentes-Tourisme qui déploie depuis un an une initiative unique, appelée <a href="https://charentestourisme.com/Newsroom/Communiques-de-Presse/Programme-revenue-management-de-destination?p=-1">« Revenue management de destination »</a> (RMD).</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/kgTx5hC2x2A?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Gallic Guyot, directeur exécutif de Charentes Tourisme, évoque le déploiement du Programme Revenue Management (C&L Associés, mai 2019).</span></figcaption>
</figure>
<p>Adossée à un logiciel d’aide à la décision déployé auprès des hébergeurs (campings, hôtels), il s’agit d’agréger à l’échelle de la destination de la donnée massive (taux d’occupation, prix moyen) pour fournir aux acteurs du tourisme des recommandations de stratégie servant véritablement leur intérêt… La donnée massive agrégée par l’institutionnel de la destination lui permet également de véritablement piloter la destination : ajouter des événements en période de faible fréquentation, optimiser l’offre d’infrastructures… et veiller à ce que les revenus du tourisme demeurent sur le territoire, plutôt que d’être captés par une plate-forme étrangère, pour permettre localement prospérité et emploi.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/118957/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Luc Béal est membre du CRIIM – Centre de Recherche en Intelligence et Innovation Managériale, Excelia Group</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Mustafeed Zaman est membre du CA de l'AFMAT (Association Francophone de Management du Tourisme). </span></em></p>En proposant par exemple des outils d’aide à la décision aux hôteliers, les grandes agences en ligne capitalisent sur la connaissance client et capturent une partie de la valeur du tourisme local.Luc Béal, Directeur, Tourism Management Institute, ExceliaMustafeed Zaman, Enseignant-Chercheur en Marketing et en Marketing Digital, EM NormandieLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1078412018-12-03T21:51:48Z2018-12-03T21:51:48ZÉconomie positive : les enseignements essentiels des indices alternatifs<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/247774/original/file-20181128-32230-755doh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=78%2C93%2C4993%2C3355&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">La France progresse en matière d'altruisme entre génération, relève l'ONG Positive Planet.</span> <span class="attribution"><span class="source">Moonborne / Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p><em>Nous republions cet article dans le cadre de la 7e édition de <a href="http://www.reportersdespoirs.org/la-semaine-des-solutions">l’opération la France des Solutions</a> dont The Conversation est partenaire. Du 14 au 20 octobre retrouvez des solutions dans 50 médias dans toute la France !</em></p>
<p>L’ONG <a href="http://positiveplanet.ngo">Positive Planet</a>, présidée par Jacques Attali, publie depuis 2013 un <a href="http://positiveeconomy.co/indices/indice-nations/">indice de positivité</a> pour les 34 nations de l’OCDE, indice désormais complété d’un <a href="http://positiveeconomy.co/indices/indice-entreprises-2/resultats-2018-entreprises/">« indice entreprises »</a> et d’un <a href="http://positiveeconomy.co/indices/indice-territoires/">« indice territoires »</a>.</p>
<p>L’indice originel, visant à dépasser les <a href="https://theconversation.com/la-croissance-un-objectif-economique-trop-simpliste-73789">limites bien connues</a> des indicateurs classiques comme le PIB, se distingue de ces derniers en focalisant l’évaluation sur le niveau d’engagement envers les générations futures, reposant notamment sur une croissance responsable, durable et inclusive. À l’occasion du Global Positive Forum, qui s’est tenu à Paris le <a href="http://positiveplanet.ngo/global-positive-forum-edition-2018/">20 novembre</a> dernier, les résultats pour l’année 2018 ont été dévoilés. Ils confirment les constats réalisés à l’issue des cinq premières éditions concernant la diversité des niveaux d’engagement des pays membres de l’OCDE et attestent des progrès récents à mettre au crédit de la France, qui reste calée au milieu du classement, passant de la 18<sup>e</sup> à la <a href="https://www.lesechos.fr/monde/enjeux-internationaux/0600180522973-le-nord-champion-de-leconomie-positive-2223281.php">17ᵉ place</a>.</p>
<h2>Des critères socio-économiques variés et complémentaires</h2>
<p>Visant à accompagner les acteurs économiques dans leur « transformation positive », l’indice de positivité se veut un dispositif favorisant le progrès. Quelque 29 critères socio-économiques sont ainsi observés comme autant de directions complémentaires sur lesquelles des actions concrètes sont suggérées. Ces critères, allant du poids des intérêts de la dette publique par rapport aux recettes de l’État à la qualité de l’eau, en passant par le pourcentage de femmes au parlement (pour ne citer que quelques exemples) sont regroupés en trois axes visant à évaluer :</p>
<ul>
<li><p>l’altruisme entre acteurs ;</p></li>
<li><p>l’altruisme entre territoires ;</p></li>
<li><p>et l’altruisme entre générations.</p></li>
</ul>
<p>Qualitatifs et pertinents, les critères retenus s’avèrent également relativement facilement mesurables, ce qui rend l’indice particulièrement utile et utilisable dès lors que des progrès sont <a href="http://positivetk.cluster023.hosting.ovh.net/fr/indice-de-positivite-nations/">réellement visés</a>.</p>
<h2>Engagements encore insuffisants de certaines nations</h2>
<p>Les <a href="http://positiveeconomy.co/indices/indice-nations/resultats-2018/">résultats 2018</a> de l’indice de positivité des nations permettent de distinguer trois grands groupes de pays :</p>
<p><strong>1.</strong> Le premier se caractérise par la mise en œuvre d’une croissance réellement et de plus en plus tournée vers les générations futures. Il se compose des « pays du Nord » comme la Norvège, l’Islande, la Suède, le Danemark, les Pays-Bas et la Finlande, mais aussi la Suisse. Dans chacun de ces pays, des progrès restent bien entendu possibles, mais c’est bien en provenance de ces derniers que de bonnes pratiques peuvent être importées.</p>
<p>La « positivité entre générations » y est en particulier nourrie par des performances remarquables en matière d’<a href="https://www.24heures.ch/societe/education-positive-seduit-toujours-parents/story/17950163">éducation positive</a> (C’est particulièrement vrai concernant l’insertion des jeunes, mais aussi l’attitude des professeurs envers les élèves ou l’efficacité de l’école pour préparer à la vie adulte). Le système éducatif français demeure, à la vue de ces résultats, <a href="https://theconversation.com/les-fondements-culturels-du-pessimisme-francais-au-travail-entre-histoire-et-ecole-84489">très perfectible</a> comme nous l’évoquions récemment dans ces colonnes.</p>
<hr>
<p>
<em>
<strong>
À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/les-fondements-culturels-du-pessimisme-francais-au-travail-entre-histoire-et-ecole-84489">Les fondements culturels du pessimisme français au travail, entre histoire et école</a>
</strong>
</em>
</p>
<hr>
<p>Dans les « pays du Nord », c’est également l’« altruisme entre acteurs » qui est à l’origine des bonnes performances mesurées par l’indice de positivité. La santé, la croissance ou encore la qualité des institutions (autant de critères mesurés) contribuent à la valorisation de cette mesure. L’utilisation de la manne pétrolière à des fins de <a href="https://retraitesolidarite.caissedesdepots.fr/sites/default/files/qr2002-48.pdf">financement des retraites</a> en Norvège constitue certes une pratique difficile à importer, mais de véritables leviers existent pour réduire les inégalités de revenus ou améliorer le taux de participation aux élections par exemple, autres critères de ce groupe sur lesquels la notation de la France a tendance à <a href="https://www.lemonde.fr/election-presidentielle-2017/article/2017/05/07/presidentielle-2017-abstention-record-pour-un-second-tour-depuis-l-election-de-1969_5123757_4854003.html">décliner</a>.</p>
<p><strong>2.</strong> Un deuxième groupe est constitué des pays qui, en général, ont entrepris des efforts en direction du développement d’une économie positive, mais qui conservent de grandes marges de progrès. Il se compose de pays comme l’Espagne, l’Autriche, les États-Unis, ainsi que la France, dont le cas est particulièrement intéressant. C’est sur le seul groupe de critères centrés sur « l’altruisme entre générations » que la France progresse. C’était d’ailleurs là où son « score » était le plus faible les années précédentes. Le pourcentage de <a href="https://www.inegalites.fr/paritefemmeshommespolitique?id_theme=22">femmes au parlement</a> ou la <a href="https://data.oecd.org/fr/gdp/investissement-fbcf.htm">part d’investissement</a> dans le PIB sont les critères qui participent le plus de cette progression.</p>
<p><strong>3.</strong> Enfin, plusieurs pays, comme la Grèce, le Mexique, la Hongrie et la Turquie forment le groupe des nations dans lesquelles la croissance se fait clairement au détriment des générations futures. Ces pays présentent des configurations très différentes mais ont tous tendance à sacrifier la durabilité de la croissance ou simplement de leur modèle social (charge de la dette très importante pour les générations à venir) pour privilégier l’activité à court terme, activité souvent (trop) impactante pour l’environnement et la santé (en raison notamment de la pollution générée).</p>
<h2>Les entreprises apparaissent de plus en plus impliquées</h2>
<p>Depuis 2015, Positive Planet a enrichi son analyse d’un indice de positivité des entreprises (notamment celles du CAC 40), qui repose sur <a href="http://positiveeconomy.co/indices/indice-entreprises-2/">35 indicateurs</a> : l’entretien de conditions de travail positives, la promotion d’un partage positif de la valeur produite par l’entreprise, la réduction de l’impact direct et indirect des activités (à entendre au sens de l’impact négatif, notamment sur l’environnement), le développement des connaissances et des compétences visant à assurer aux générations futures un progrès positif ou encore la définition et le partage d’une vision stratégique positive de long terme sont les grands axes à partir desquels les 35 critères sont ici déclinés.</p>
<p>La Société Générale, Kering et Michelin y occupent ainsi les premières places. La Société Générale, leader du classement, apparaît particulièrement vertueuse en termes de relations avec ses fournisseurs, ce que confirme l’obtention récente par la banque, pionnière en la matière, du <a href="http://www.rfar.fr/label-relations-fournisseurs-achats-responsables/">Label RFAR</a> (relations fournisseurs et achats responsables). Le développement de relations équilibrées avec les fournisseurs constitue un point révélateur de l’engagement des organisations pour une économie positive et la cohérence avec les évolutions en interne est en général forte.</p>
<p>Si cet indice a été imaginé au départ pour les grandes entreprises, il peut-être donc être également utile aux plus petites, des ETI aux start-up. Espérons à présent qu’elles s’en saisissent pour développer une économie positive et prendre le relais de pouvoirs publics qui ne sauraient assurer à eux-seuls l’intégralité de cette responsabilité.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/107841/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Hugues Poissonnier ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La dernière vague d’indicateurs de l’ONG Positive Planet indique des voies de progrès pour les États et les entreprises vers une économie plus positive.Hugues Poissonnier, Professeur d'économie et de management, Directeur de la Recherche de l’IRIMA, Membre de la Chaire Mindfulness, Bien-Etre au travail et Paix Economique, Grenoble École de Management (GEM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1068742018-11-14T20:45:50Z2018-11-14T20:45:50ZAttractivité des territoires : où est le bien vivre ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/245357/original/file-20181113-194519-wj4fal.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=35%2C1%2C735%2C408&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les politiques d'attractivité actuelles éloignent de la conception d'une ville ou d'un territoire où tous les habitants se sentent bien.</span> <span class="attribution"><span class="source">R.Classen/Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>L’attractivité, telle que le concept est actuellement compris, reflète mal la capacité à donner à chacun la possibilité de <a href="https://bienvivre2018.org/">bien vivre</a> dans une ville ou sur un territoire. La plupart du temps, l’attractivité est vue au travers du prisme de l’économie dans son sens le <a href="https://journals.openedition.org/metropoles/3502">plus frustre</a>.</p>
<p>En guise d’illustration, les centres de services d’action régionale, qui fournissent des mesures d’attractivité, ont tendance à se concentrer davantage sur l’offre que sur les besoins des populations. Les enquêtes déclaratives – comme celle dédiée à la construction de l’<a href="https://www.lesechos.fr/idees-debats/cercle/cercle-184793-attractivite-de-la-france-la-revanche-de-ses-territoires-2190885.php">indice d’attractivité des territoires</a> – ciblent généralement les cadres, les entrepreneurs ou les investisseurs industriels. Les indicateurs d’attractivité sont ainsi alignés sur une certaine idée de <a href="http://journals.sagepub.com/doi/10.1177/10242589090150032801">croissance économique</a> qui valorise le nombre d’implantations d’entreprises ou encore les créations d’emplois. On va donc considérer qu’un territoire se porte bien à partir du moment où il est capable d’attirer et de retenir un certain nombre de capitaux ou certaines populations.</p>
<p>Les politiques d’attractivité présentent en outre un objectif de croissance démographique, comme en rend compte le professeur d’urbanisme Gabor Zovanyi dans son ouvrage critique <a href="https://www.crcpress.com/The-No-Growth-Imperative-Creating-Sustainable-Communities-under-Ecological/Zovanyi/p/book/9780415630153"><em>The No-Growth Imperative</em></a>. Mais pas n’importe quelle croissance démographique : dans la lignée de travaux de Richard Florida, les résidents des territoires ne sont considérés comme une <a href="https://journals.openedition.org/nrt/2971">source potentielle de création de richesse</a> qu’à partir du moment où ils sont actifs et éduqués. La vision néolibérale de la ville conduit, comme le résume le professeur Guy Baeten, à définir, <a href="https://link.springer.com/chapter/10.1007/978-90-481-8924-3_11">« tout et tout le monde soit comme gain économique, soit comme perte »</a>.</p>
<h2>Ne pas se retrouver « hors jeu »</h2>
<p>Pourquoi s’inquiéter de cette <a href="https://journals.openedition.org/developpementdurable/9805">prédominance du critère de performance</a> économique ? On pourrait souligner que l’attractivité n’est pas le seul aspect pris en compte dans les politiques territoriales. Ce qui est vrai. Mais on peut s’inquiéter des conséquences du positionnement des villes sur le terrain de la concurrence mondiale. Ce souci de l’attractivité, associé au benchmarking territorial, induit le renforcement d’une hiérarchie des priorités en faveur de l’économique, une adaptation des normes, des systèmes d’information, des connaissances, et surtout de l’allocation des fonds qui répondent à la nécessité de ne pas se retrouver « hors jeu ». Il faut dès lors suivre. Et se forger une image de marque.</p>
<p>Ce faisant, on s’éloigne pourtant de la conception d’une ville ou d’un territoire souhaitable où tous les habitants se sentent bien et pourraient se réaliser. C’est ce constat-là qui nous amène à nous poser la question des indicateurs alternatifs.</p>
<p>Il y a urgence à changer notre conception de la ville souhaitable. La transformation de l’<a href="http://www.cjrs-rcsr.org/V39/cjrs_rcsr39-1-1LeroyOttaviani.pdf">observation sociale et de l’évaluation</a> constitue des jalons d’une telle transition. Un changement majeur dans un contexte où la donnée occupe toujours plus de place dans une action publique <a href="https://theconversation.com/indicator-frenzy-the-economicist-tendency-of-public-policy-and-alternative-indicators-83366">qui se complexifie et se contractualise, voire se technocratise</a>… L’avènement des smarts cities accentue cette tendance à la technocratisation, avec la montée en puissance d’une <a href="https://www.cairn.info/revue-reseaux-2013-1-page-163.htm">gouvernementalité algorithmique</a>.</p>
<h2>Besoin d’une vision plus transversale</h2>
<p>Les <a href="https://theconversation.com/indicateurs-de-bien-etre-gouvernance-locale-et-paix-economique-73030">indicateurs alternatifs</a> (de bien-être, de soutenabilité, etc.) constituent un des outils pour s’extraire du <a href="http://www.seuil.com/ouvrage/la-convivialite-ivan-illich/9782757842119">monopole radicale</a> de cet gouvernementalité néolibérale. Ils s’inscrivent dans un mouvement plus large de réintroduction de l’éthique, du politique, et de l’anthropologique pour concevoir l’activité économique. Ils visent à redonner prise aux acteurs sur ces outils statistiques, dont le fonctionnement devient de plus en plus opaque avec la massification des données. Dès lors, si les indicateurs alternatifs peuvent servir à éclairer des zones d’ombre de l’observation territoriale, ils peuvent surtout participer de la construction d’une <a href="http://www.francoisflahault.fr/biencommun.php">autre vision du monde commun</a>.</p>
<p>Cette vision, plus transversale, se fonde sur une conception holistique de la nature et de l’être humain, sur la prise en compte de la complexité des formes de réponses aux besoins et sur une <a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s11205-016-1489-9">autre conception du rapport au temps et aux autres</a>. Une ville n’est alors pas intelligente sans raison humaine : raison de vivre, raison d’espérer, raison en action. En témoigne l’importance accordée aux sociabilités, au temps, au vivre ensemble, à la coopération ou encore au temps dans les expériences participatives sur les <a href="https://theconversation.com/indicateurs-de-bien-etre-gouvernance-locale-et-paix-economique-73030">indicateurs alternatifs</a> (<a href="http://www.boiteaoutils-richessespdl.fr/">Pays de la Loire</a>, <a href="http://bienetre.lametro.fr/info.php">Grenoble</a>, etc.). Comme en témoigne l’<a href="https://www.echosciences-grenoble.fr/articles/fabrique-d-indicateurs-vers-un-referentiel-commun">engouement autour du forum international pour le bien vivre à Grenoble</a>, la ville qui attire (au sens de celle à laquelle on aspire) est alors une ville à la mesure de l’humain. Mais quelle « mesure » ? La mesure des seuils écologiques et sociaux qui repose par une prise en compte des interdépendances (sur le territoire et entre territoires).</p>
<p>Cette approche alternative de la ville souhaitable nous permet même de repenser l’étymologie du mot <em>attractivité</em>. En latin, <em>ad</em> et <em>trahere</em> traduit l’idée de « tirer à soi ». Mais <em>ad</em> signifie aussi « en direction de ». On pourrait donc penser à une attractivité davantage « en direction » du futur et des autres territoires. Pour faire « ad-venir » un avenir commun.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/106874/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Fiona Ottaviani ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les politiques d’attractivité d’une ville ou d’un territoire se fondent essentiellement sur des critères de performances économiques qui éclipsent les facteurs humains et environnementaux.Fiona Ottaviani, Enseignante-chercheuse en économie - Grenoble Ecole de Management - Univ Grenoble Alpes ComUE - Chaire Mindfulness, Bien-être au travail et Paix économique - Chercheuse associée au CREG - Université Grenoble Alpes, Grenoble École de Management (GEM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1038592018-09-30T18:41:47Z2018-09-30T18:41:47ZLes indicateurs de richesse, insuffisants pour comprendre les inégalités<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/238173/original/file-20180926-48634-d8hjlj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=4%2C10%2C988%2C652&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD) met à disposition des indicateurs qui permettent de mieux saisir les différentes situations entre les pays. </span> <span class="attribution"><span class="source">Prazis Images/ Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>En matière d’inégalités entre les pays, on présente généralement des moyennes de revenu par habitant. Mais cette méthode a ses limites. Par exemple, ces comparaisons « horizontales » peuvent cacher de grands écarts internes. Dans un pays très riche comme le Qatar, il y a quand même des gens pauvres. Dans un pays très pauvre comme le Mali, il y a quand même des familles qui prospèrent.</p>
<p>Certes, ces moyennes révèlent des écarts externes très significatifs entre les pays. Un Norvégien touche ainsi un revenu annuel moyen quarante fois supérieur à celui d’un Haïtien. Mais il nous semble important, pour obtenir une photographie plus complète, de mobiliser d’autres indicateurs.</p>
<h2>Quatre indicateurs pour mieux comprendre les inégalités</h2>
<p>Le Programme des Nations unies pour le Développement (PNUD) nous permet justement de disposer de plusieurs indicateurs complémentaires :</p>
<ul>
<li><p>RNB/h : Le revenu annuel par habitant pour l’économie ;</p></li>
<li><p>IDH : l’indicateur de développement humain pour l’enseignement et la santé ;</p></li>
<li><p>Satisfaction : un indice global de satisfaction pour le bonheur perçu ;</p></li>
<li><p>Démocratie : un indicateur de démocratie pour la politique.</p></li>
</ul>
<p>Avec ces quatre indicateurs, on sait ainsi qu’il y a des pays où l’on est pauvre mais heureux. Ou encore que, dans d’autres, on est bien soigné mais on vit sous une dictature ; etc.</p>
<p>Pour montrer tout l’éventail des situations, le <a href="http://www.editions-harmattan.fr/index.asp?navig=catalogue&obj=livre&no=60029">sociologue Gabriel Langouët et le professeur Dominique Groux, spécialiste des questions d’éducation</a>, viennent d’extraire un échantillon de 20 pays, aux situations particulièrement contrastées, pour les classer des cas où tout va mal vers ceux où tout semble aller pour le mieux.</p>
<p>Nous proposons ici de réduire encore leur liste à cinq pays à la population comparable, plus la France pour nous situer. Déjà, des contrastes saisissants apparaissent.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/238133/original/file-20180926-48653-16foloc.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/238133/original/file-20180926-48653-16foloc.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=300&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/238133/original/file-20180926-48653-16foloc.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=300&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/238133/original/file-20180926-48653-16foloc.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=300&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/238133/original/file-20180926-48653-16foloc.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=377&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/238133/original/file-20180926-48653-16foloc.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=377&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/238133/original/file-20180926-48653-16foloc.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=377&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption"></span>
</figcaption>
</figure>
<ul>
<li><p>On lit en direct l’écart des revenus par habitant en dollars : Un Haïtien est en moyenne dix fois plus pauvre qu’un Mauricien, qui est lui-même un peu au-dessus de la moyenne mondiale, mais qui reste deux fois plus pauvre qu’un Français.</p></li>
<li><p>On lit tout aussi directement l’écart des indices de développement humain : en matière de soins et d’éducation, un Haïtien est loin derrière un Mauricien qui, lui, dépasse la moyenne mondiale. On retrouve en fait la même hiérarchie que pour le revenu par habitant.</p></li>
<li><p>L’indice de satisfaction global semble cohérent avec les deux indicateurs précédents : on est peu satisfait d’être pauvre et mal soigné ou éduqué. On est plus heureux dans un pays riche à fort développement humain. Bref, la qualité de vie apparaît comme meilleure en Norvège qu’en Haïti. On remarquera au passage que La Havane ne publie pas de données sur le « bonheur » d’être cubain.</p></li>
<li><p>Mais l’indicateur de démocratie révèle, lui, qu’un pays riche n’est pas nécessairement une démocratie, ou inversement, comme l’illustre le cas de l’île Maurice. Il indique aussi que, s’il y a effectivement une spirale de la misère, du manque d’éducation et de l’instabilité politique en Haïti, un pays non démocratique comme Cuba peut assurer des soins corrects et une éducation convenable.</p></li>
</ul>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/238169/original/file-20180926-48653-1c2xkgg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/238169/original/file-20180926-48653-1c2xkgg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/238169/original/file-20180926-48653-1c2xkgg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/238169/original/file-20180926-48653-1c2xkgg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/238169/original/file-20180926-48653-1c2xkgg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/238169/original/file-20180926-48653-1c2xkgg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/238169/original/file-20180926-48653-1c2xkgg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Le revenu annuel moyen par habitant en Norvège est 40 fois supérieur à celui enregistré en Haïti.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Fivepointsix/Shutterstock</span></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Des écarts importants entre pays similaires</h2>
<p>Bien sûr, le « petit » pays qu’est la Norvège bénéficie d’une manne pétrolière qui l’aide à prospérer. Encore lui faut-il s’organiser pour atteindre des scores aussi exemplaires que ceux mesurés sur les quatre critères. Pour ce qui est des autres pays, il est troublant de constater de tels les écarts alors qu’ils comptent des atouts et des handicaps similaires, ainsi que des histoires ayant parfois des traits analogues :</p>
<ul>
<li><p>Maurice fait figure ici du bon élève qui se développe dans tous les domaines : économiques, sociaux, psychologiques et politiques. Bref, sur les quatre indices retenus.</p></li>
<li><p>Cuba y parvient dans le domaine socio-économique mais par une voie autoritaire qui ne laisse même pas à une éventuelle satisfaction le droit de s’exprimer.</p></li>
<li><p>Enfin, le cas d’Haïti reste dramatiquement celui du cumul de tous les échecs. Les obstacles au développement de l’esprit d’entreprise en Haïti restent aujourd’hui très nombreux : politiques, éducatifs, voire religieux. Je vous invite à ce sujet à lire la <a href="https://journals.openedition.org/edso/4805">préface du livre</a> de Langouët et Groux, judicieusement rédigée par Obrillant Damus, brillant jeune professeur d’université de Port-au-Prince.</p></li>
</ul>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/238167/original/file-20180926-48653-hfk4mo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/238167/original/file-20180926-48653-hfk4mo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/238167/original/file-20180926-48653-hfk4mo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/238167/original/file-20180926-48653-hfk4mo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/238167/original/file-20180926-48653-hfk4mo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/238167/original/file-20180926-48653-hfk4mo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/238167/original/file-20180926-48653-hfk4mo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Haïti semble pris dans une spirale de la misère et de l’instabilité politique.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Michelle D. Milliman/Shutterstock</span></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Trois réflexions pour ouvrir le débat</h2>
<p>D’abord, nous vivons dans un monde où les 20 % les plus riches (1,4 milliard de personnes) possèdent 95 % des richesses. Nous venons de mesurer que les contrastes entre pays sont impressionnants, avec un revenu annuel moyen qui va de 1 à 40 entre un Haïtien et un Norvégien. Il y a plus encore entre un Malien et un Qatari. Il va de soi que cette répartition paraît injuste. Langouët et Groux ont eu raison de titrer : « Réveillons-nous ». À condition de ne pas présenter Cuba comme une voie désirable de développement…</p>
<p>Pour autant, on ne peut pas dire que « c’était mieux avant ». Sur des moyennes mondiales, l’humanité a progressé depuis un siècle : espérance de vie, prospérité, éducation, santé, démocratie, qualité de vie… tout cela s’est amélioré pour le plus grand nombre de personnes, dans le plus grand nombre de pays. Il faut regarder la démonstration du conférencier suédois Johan Norberg <a href="https://www.contrepoints.org/2017/08/01/295781-non-netait-mieux-de-johan-norberg">« Non, ce n’était pas mieux avant »</a>, pour s’en convaincre.</p>
<p>Enfin, il ne suffit plus de comparer des pays pour mesurer des inégalités de richesse. Peut-être faut-il se tourner aussi vers de grandes entreprises, prospères et influentes, qui deviennent des lieux de pouvoir et de stratégie plus lourds que certains pays. On pense bien sûr aux GAFA : Google, Apple, Facebook, Amazon. Dans son livre <a href="http://www.thefourbook.com">« The Four »</a>, Scott Galloway, professeur à l’Université de New York, montre bien qu’avec un nombre de salariés équivalent à la taille d’une métropole française, les GAFA cumulent à eux quatre une capitalisation qui dépasse le PIB de la France (2 700 milliards de dollars en 2017). Finalement, il y a des entités plus riches que des pays et qui ont du poids pour faire valoir leurs stratégies de développement. Un élément à ajouter aux comparaisons entre pays.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/103859/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jean-Michel Morin ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Au-delà du revenu, les indicateurs relatifs au niveau d’éducation ou encore au bien-être permettent des comparaisons plus précises entre les pays.Jean-Michel Morin, Maître de conférences en sociologie, Université Paris CitéLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/911342018-02-07T22:49:21Z2018-02-07T22:49:21ZVrai et faux en économie : une question d’interprétation<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/205382/original/file-20180207-74490-2hel48.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Faux !</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://visualhunt.com/f2/photo/11674673693/40ff52ebc3/"> carnagenyc on VisualHunt.com </a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc/4.0/">CC BY-NC</a></span></figcaption></figure><p>Le premier anniversaire de la prise de fonction de Donald Trump a agi comme une piqûre de rappel : nous serions entrés dans une ère de « post-vérité », caractérisée par des liens de plus en plus distendus entre démocratie, faits et réalité. La moindre information serait manipulée, puis diffusée sur les réseaux sociaux, où elle se propagerait à des millions de personnes peu soucieuses de vérifier sa source. Au-delà du débat sur les <a href="https://web.stanford.edu/%7Egentzkow/research/fakenews.pdf">conséquences</a> de cette situation, en économie le phénomène des <em>fake news</em> fait émerger une question intéressante : peut-on réellement, dans cette discipline, discerner le vrai du faux ? En d’autres termes, existe-t-il une vérité économique ? Rien n’est moins sûr.</p>
<h2>Faits majeurs, faits construits</h2>
<p>En tant qu’enseignant en économie dans le supérieur, il m’arrive de plus en plus souvent d’être confronté en classe à du <em>fact checking</em> en direct. J’entends également de moins en moins rarement formuler des propos pour le moins douteux, assimilables à des <em>fake news</em>. Le problème est qu’en matière économique, il n’est pas toujours évident de démêler le vrai du faux. Il ne s’agit pas de nier la réalité des <em>fake news</em>, mais plutôt de souligner l’existence de deux catégories de faits : ceux qui peuvent être qualifiés de majeurs, et ceux qui sont construits, généralement à partir de statistiques, d’enquêtes ou de travaux économétriques.</p>
<p>La monnaie, les relations sociales de production, les politiques publiques, l’échange, les entreprises, etc. appartiennent à la première catégorie. Pour chaque économiste, la question est alors d’être en mesure de reconstruire une argumentation permettant d’articuler ces différents faits entre eux afin d’en fournir une représentation raisonnée. Par exemple, la <a href="http://www.persee.fr/doc/ahess_0395-2649_1959_num_14_1_2802">théorie quantitative de la monnaie</a> ne peut nier l’existence de cette dernière. Elle présentera toutefois la monnaie comme une variable n’ayant aucun impact sur l’activité économique réelle, la production, l’emploi. À l’inverse, la <a href="http://www.persee.fr/doc/cep_0154-8344_1988_num_14_1_1061">théorie keynésienne</a> en fera le moteur de l’activité économique, et surtout de son instabilité.</p>
<p>En fonction du contexte social, historique et idéologique de l’économiste, de ses préférences politiques ou des biais cognitifs plus ou moins conscients qu’il subit, cette reconstruction ne sera pas exempte de choix <em>a priori</em>, voire de préférences partisanes. Pour cette raison, un enseignant prudent dira toujours d’où vient la théorie qu’il propose en classe, et quelles implications d’ordre idéologique ou politique elle implique. Il présentera aussi des théories alternatives permettant de saisir le même fait à partir d’une autre vision du monde, même succinctement. C’est tout le sens des cours d’histoire de la pensée économique en premier cycle par exemple. Des cours qui ont hélas tendance à disparaître…</p>
<h2>Concevoir les moins mauvais indicateurs</h2>
<p>Pour les faits construits, l’affaire se corse davantage. Ceux-ci reposent en effet sur une série d’indicateurs synthétiques. Ainsi, pour mesurer la croissance économique, on s’intéressera à mesurer le taux de variation d’un agrégat de valeurs, le produit intérieur brut (<a href="https://www.insee.fr/fr/metadonnees/definition/c1365">PIB</a>). Mais la façon dont ce PIB est construit est rarement discutée. Or, en économie comme dans d’autres disciplines, il est nécessaire de s’appuyer sur un certain nombre de préconceptions pour construire les indicateurs qui serviront ensuite de guide.</p>
<p>Dans le cas du PIB, par exemple, on néglige toute une série de productions non mesurables à l’aide de la monnaie (en général, les activités domestiques). En revanche, on additionne des types de productions très différentes, comme celles des entreprises, celles des administrations, et celles que les producteurs consomment eux-mêmes. Enfin, avec le processus de mondialisation, et en particulier avec l’intensification des activités <a href="https://theconversation.com/optimisation-fiscale-les-virtuoses-de-lindustrialisation-du-clair-obscur-financier-87276">offshore</a>, cet indicateur a de plus en plus de mal à rendre compte de la production réellement effectuée sur le territoire national. Cela tend par exemple à sous-estimer les inégalités dans la répartition des richesses produites.</p>
<p>Quel qu’il soit, l’indicateur ainsi obtenu est donc nécessairement le fruit de nombreux compromis, souvent de nature politique. Il est toutefois considéré comme le moins mauvais possible, compte tenu des préconceptions qui ont permis sa construction. Affirmer que l’indicateur en question est « vrai », c’est-à-dire qu’il retranscrit fidèlement la réalité qu’il est censé révéler, est une gageure que les non-initiés auront parfois du mal à soutenir. Il est donc <em>a minima</em> fortement conseillé de bien connaître sa construction avant de produire le moindre discours économique…</p>
<h2>Le risque d’un appauvrissement de la pensée et de la politique (économiques)</h2>
<p>Ce mode de production d’un « vrai » basé sur des préconceptions trouve ses limites quand émergent des idées différentes ou des faits nouveaux. Si un économiste amateur ou professionnel avance une idée nouvelle, issue de son interprétation d’un fait (souvent construit), celle-ci repose évidemment, de manière plus ou moins consciente, sur ses propres préférences ou préconceptions. Or, si cette nouvelle proposition s’oppose aux préconceptions dominantes, elle peut se voir disqualifiée, et son auteur également.</p>
<p>On voit ainsi <a href="https://theconversation.com/heterodoxes-contre-orthodoxes-zero-partout-chez-les-economistes-88127">s’affronter, à intervalles plus ou moins réguliers, des économistes orthodoxes, plutôt libéraux, et des économistes hétérodoxes, plutôt interventionnistes</a>, sur des sujets variés. Ces débats par livres interposés, <a href="https://theconversation.com/le-negationnisme-economique-une-vision-deconomistes-liberaux-65505">entre ceux qui dénoncent le négationnisme économique des uns ou l’intégrisme économique des autres</a>, peinent à cacher une situation préoccupante : il existe de moins en moins de lieux d’expression pluraliste en économie. On compte sur les doigts d’une main les médias radios, télévisés ou écrits qui permettent à des discours économiques construits et contradictoires d’avoir lieu. Les étudiants réclament depuis déjà une décennie plus de pluralisme dans les formations économiques alors que dans le même temps les <a href="http://controverses.mines-paristech.fr/public/promo15/promo15_G2/www.controverses-minesparistech-1.fr/_groupe2/qui-enseigne-economie/a-travers-le-recrutement-des-enseignants/index.html">recrutements sont de plus en plus fermés</a>.</p>
<p>Cette situation est préoccupante. Il est en effet dangereux, en économie, de ne consacrer qu’une seule voie : une politique économique, quelle qu’elle soit, a par définition pour effet, désirable ou non, prévisible ou pas, de créer des gagnants et des perdants. Qui plus est, les systèmes sociaux et économiques sont d’une telle complexité qu’une interprétation unique, souvent réduite à la seule vision micro-économique, ne peut en rendre compte correctement. Soumettre toute pensée économique alternative à une pensée dominante risquerait d’appauvrir les débats d’idées, et par là même, de renforcer la circulation des <em>fake news</em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/91134/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Grégory Vanel ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>En matière économique, vrai et faux sont des notions relatives, dépendant des contextes sociaux, historiques ou idéologiques, et des compromis auxquels consentent les économistes.Grégory Vanel, Professeur d'économie, Grenoble École de Management (GEM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/855102017-10-25T19:53:38Z2017-10-25T19:53:38ZLes indicateurs de performance entre nécessité, effets pervers et créativité<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/191606/original/file-20171024-30561-1rdd9rv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Indicateurs de performance : à utiliser avec précaution.</span> <span class="attribution"><span class="source">www.shutterstock.com</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span></figcaption></figure><p>Nombreuses sont, sur les supports les plus divers (ouvrages, articles scientifiques, journaux professionnels, web…), les mises en garde contre les dangers associés aux indicateurs de performance. Dans un récent article, nous témoignions du rôle souvent dévastateur des indicateurs utilisés dans le <a href="http://bit.ly/2yFHGpk">cadre des politiques publiques</a>. Nous proposons ici une analyse davantage fondée sur les pratiques observables dans les entreprises.</p>
<h2>Des effets pervers bien documentés et décrits</h2>
<p>Dans son ouvrage, « Les Stratégies absurdes », <a href="http://bit.ly/2z34aBe">Maya Beauvallet</a> donne de très nombreux exemples d’effets secondaires, souvent pervers, associés à la mise en place d’indicateurs de mesure et de pilotage de performance dans des contextes divers (associations, ONG, clubs de sport, entreprises de toutes tailles et de tous secteurs). Et pourtant, les tableaux de bord continuent de constituer des outils de bases du fonctionnement des entreprises.</p>
<p>Associant indicateurs de résultat (qui intègrent les objectifs attendus) et indicateurs de moyens (qui témoignent des ressources allouées et de leur utilisation), ces tableaux de bord, bien que dits évolués (comme peuvent l’être le <a href="http://bit.ly/2ixAmpf"><em>balanced scorecard</em></a> ou le <a href="https://www.youtube.com/watch?v=TRJzMEMyDTk"><em>performance prism</em></a>), n’en demeurent pas moins les meilleurs leviers d’atteinte de performances certes réelles, mais aussi étriquées. Difficile en effet de tenir compte de toute la complexité de ce qui fait la performance d’une entreprise.</p>
<p>Difficile également de bien appréhender sa durabilité ou sa pérennité. Dans une récente tribune consacrée au « capitalisme trimestriel » et à ses dangers, nous revenons sur la tendance à produire des performances à court terme au détriment de la pérennité des organisations et <a href="http://bit.ly/2yG0Mfa">donc des performances elles-mêmes</a>.</p>
<p>Si les nombreux exemples donnés par Maya Beauvallet sont, la plupart du temps décrits avec humour, Vincent de Gaulejac pointe bien, dans son ouvrage <a href="http://bit.ly/2mRtzaR">« La société malade de la gestion »</a>, les dérives associées à la recherche de performances reposant sur une forme de sur-rationalité gestionnaire (épuisement professionnel, stress, dégradation des relations avec les partenaires économiques…).</p>
<p>Cette dernière contribue, in fine, et c’est sans doute un paradoxe essentiel à relever, à la réduction des performances (idée bien développée dans le dernier ouvrage de l’auteur, Le capitalisme paradoxant).</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/191615/original/file-20171024-30571-186g26l.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/191615/original/file-20171024-30571-186g26l.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/191615/original/file-20171024-30571-186g26l.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/191615/original/file-20171024-30571-186g26l.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/191615/original/file-20171024-30571-186g26l.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/191615/original/file-20171024-30571-186g26l.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/191615/original/file-20171024-30571-186g26l.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/191615/original/file-20171024-30571-186g26l.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Mesurer les performances a des limites.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://visualhunt.com/photo/89363/">Merrill College of Journalism/Visual Hunt</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc/4.0/">CC BY-NC</a></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>L’ambivalence des indicateurs en organisation : l’exemple de la fonction achat</h2>
<p>La collaboration avec les fournisseurs pour innover et créer de la valeur est de plus en plus appréhendée comme une nécessité. C’est ce dont témoigne l’évolution des missions des acheteurs, loin d’être cantonnés, depuis quelques années, au rôle de <a href="http://bit.ly/1V2PKVL"><em>cost-killer</em> qui fût longtemps le leur</a>.</p>
<p>Au-delà de l’évolution des compétences individuelles et des compétences collectives, le développement d’achats plus collaboratifs doit reposer sur une volonté partagée. L’incohérence demeure forte entre les discours et les outils de pilotage des performances. Bien sûr, les outils de pilotage des fournisseurs ont beaucoup évolué, faisant une place de plus en plus grande aux critères mesurant le degré de responsabilité sociétale des achats (les études réalisées régulièrement par HEC Paris et Ecovadis <a href="http://bit.ly/2yHgXIM">le montrent d’ailleurs très bien</a>). Nous pensons plutôt aux lacunes des outils de pilotage des performances des acheteurs.</p>
<p>C’est d’un manque cruel d’imagination dont souffrent les entreprises françaises à ce niveau, et qui témoignent de la résilience dans le temps des outils de coordination et de pilotage en place, même lorsque ceux-ci sont en décalage avec les besoins d’information des acteurs de l’organisation.</p>
<p>Comment peut-on en effet tenir un discours novateur aux acheteurs et continuer à les évaluer sur la base des <em>savings</em> ou du traditionnel « gain sur achat », consistant à comparer les prix obtenus par rapport à ceux de l’année précédente ?</p>
<p>Il faut ici rappeler à quel point les outils de pilotage des performances sont créateurs de valeurs et légitiment les décisions quotidiennes au sein des entreprises. Ils orientent également les comportements de ceux qui y sont soumis, constituant pour eux un levier vers l’obtention d’une prime. En la matière, les effets secondaires négatifs peuvent surpasser de loin les gains escomptés.</p>
<h2>Intégrer des indicateurs favorisant des relations pacifiées</h2>
<p>Les critères de performance fréquemment retenus nous semblent en totale incohérence avec une vision de l’entreprise comme participant au bien commun de la cité, en <a href="https://www.youtube.com/watch?v=uHf_aPTqvPk">cohérence avec une approche en termes de paix économique</a>.</p>
<p>En guise d’illustration, les critères classiques de performance s’avèrent de plus en plus en décalage avec les missions enrichies confiées aux acheteurs. Des indicateurs comme le niveau de coopération avec les clients internes, la contribution des acheteurs à l’innovation, au développement durable… seraient beaucoup plus cohérents avec les discours et les stratégies nouvelles.</p>
<p>Bien sûr, leur pertinence relative est à apprécier par rapport au métier de chaque entreprise. Reste que leur simple présence dans un tableau de bord est utile pour braquer le projecteur sur des dimensions essentielles de la performance et à relayer des discours qui, sans cela, risquent de « s’envoler » lorsque le principe de réalité prendra le dessus (c’est-à-dire lors de la première négociation à mener).</p>
<p>Ainsi, nous soutenons que la présence des indicateurs relatifs aux aspects sociaux et environnementaux dans un tableau de bord est essentielle pour s’extraire d’une vision étriquée de la performance de l’entreprise. Si l’intégration de tels indicateurs est une condition nécessaire à l’émergence de relations pacifiées entre l’entreprise et son environnement, elle n’est bien sûr pas suffisante, ni aisée.</p>
<p>Trois problèmes majeurs doivent dès lors être pris à bras le corps par l’organisation pour faire évoluer les chiffres qui « comptent » et qui « content » l’organisation.</p>
<p>Premièrement, une telle intégration ne peut être effective sans que soit <strong>remise à plat la question du lien et l’arbitrage entre la performance économique et la performance sociale et environnementale</strong>.</p>
<p>Deuxièmement, la multiplication des outils de contrôle peut avoir comme effet délétère <strong>une forme de « saturation psychologique et cognitive » chez les managers</strong>. Dès lors, un travail conséquent de définitions partagées des objectifs doit être conduit dans l’organisation, sans quoi celle-ci expose ses managers aux méfaits associés à une accentuation des pressions quantophréniques déjà à l’œuvre.</p>
<p>Troisièmement, il importe de concevoir la mise en place de tels indicateurs dans <strong>un cadre plus large de redéfinition du mode de gouvernance</strong>, de management et d’intégration territoriale de l’organisation productive. Les indicateurs peuvent alors à la fois être des prétextes et des moyens d’une telle transformation, mais ne peuvent en aucun cas être une fin en soi. Faute de quoi, le risque est de faire des indicateurs des instruments de social – ou de <em>green washing</em> – et non des outils servant à une transformation des logiques de rationalisation au centre de la décision et de l’action.</p>
<p>Par ailleurs, cette transformation de la place du chiffre dans l’organisation implique d’ouvrir la <a href="http://books.openedition.org/pressesmines/901">boîte noire de la quantification évoquée par Alain Desrosières</a>.</p>
<p>En guise d’exemple, au-delà de la nécessaire cohérence entre les objectifs confiés aux acheteurs d’un côté et les indicateurs de performance de l’autre, il importe, pour les acheteurs et le service achats, de développer leur légitimité (elle est encore loin d’être acquise en interne) et d’être partie prenante d’une discussion collective sur ce qui compte et ce que l’on compte. Pour cela, si nous suivons l’exemple donné pour la fonction achat, deux efforts doivent être menés en parallèle :</p>
<ul>
<li><p>Intégrer les indicateurs principaux des autres fonctions, avec lesquelles il importe de travailler (la satisfaction des clients finaux, le résultat de l’entreprise…), c’est ainsi la synergie dans l’utilisation des ressources pour répondre aux besoins qui doit être recherchée dans l’organisation, si l’on transpose les travaux de Max Neef dans le champ des organisations ;</p></li>
<li><p>Traduire les indicateurs de performance achats en indicateurs compréhensibles par les autres fonctions de l’entreprise (quel est par exemple l’impact des <em>savings</em>, ou mieux de la satisfaction des fournisseurs, sur le résultat de l’entreprise ?).</p></li>
</ul>
<p>Si un boulevard semble s’ouvrir aux contrôleurs de gestion, qui doivent apporter davantage de créativité dans les outils qu’ils proposent et surtout dans leur modalité d’élaboration, les acheteurs auraient tort de rester attentistes.</p>
<p>S’ils comprennent bien l’intérêt de faire évoluer les outils de pilotage des performances, c’est d’abord leur capacité à être force de proposition qu’ils doivent développer.</p>
<p>Penser des indicateurs pertinents pour l’organisation implique dès lors de se saisir de ces instruments pour conduire la discussion sur les finalités de l’organisation et d’intégrer, en rupture avec une approche experte des instruments de gestion, les différents savoirs des acteurs liés à l’organisation au stade de leur définition.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/85510/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Analyse des limites et dangers de l’utilisation systématique (et sans recul) des outils de mesure de la performance.Hugues Poissonnier, Professeur d'économie et de management, Directeur de la Recherche de l’IRIMA, Membre de la Chaire Mindfulness, Bien-Etre au travail et Paix Economique, Grenoble École de Management (GEM)Fiona Ottaviani, Enseignante-chercheuse en économie - Chaire Mindfulness, Bien-être au travail et Paix économique - Political Economy and Sustainable Competitiveness Initiative, Grenoble École de Management (GEM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/778082017-05-18T20:15:18Z2017-05-18T20:15:18ZPolitiques publiques : le rôle majeur et (souvent) dévastateur des indicateurs<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/169549/original/file-20170516-11959-1j4e2n9.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Indicateurs...</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/mbiddulph/4538574396/in/photolist-7V4o3G-7zXPj1-9vpB2d-bUBhfj-9i2Hg9-cfRiAb-qfpabE-hV3pGH-9uVGk5-dciypv-9Zapzs-bviCDu-pTRviZ-9hYDHi-9hYDJH-82Qk1M-8WKBit-9hHJkC-9jKUZz-7emVNx-9fqWfv-q17NqQ-amkoeY-cgpyEb-UmLUqJ-9uVGpd-pTGx3u-mZGEGT-abkaZK-efSZKE-4irUjL-9uVGro-9ucpPn-n6mK7r-4VWvWF-q3wTcg-qhvn1H-9Zaov9-mMB42W-9t72Q1-qhC34b-4cJzXb-qhC1iY-7HP4rC-qKfXuj-9HnLyB-q17NJW-7vDJK1-pevJGB-9jNUTq">Matt Biddulph / Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>En latin, indicateur se dit <em>indicare</em> et signifie « indiquer ». L’indicateur livre une information simple sur l’état d’un phénomène, objet de la mesure. Si cette vertu des indicateurs n’est pas à négliger, leur dimension performative ne doit pas l’être non plus. En effet, les indicateurs ne sont pas des reflets fidèles de la réalité qu’ils prétendent éclairer.</p>
<p>Instruments polymorphes : ils sont à la fois des outils de coordination, des outils de preuve, des outils de débats, des outils de contestation et des outils de gouvernement. Et ils peuvent même s’avérer être des outils de contrôle ou encore des instruments de pouvoir… servant à ôter des mains des citoyen(e)s la prise qu’elles ou ils pourraient avoir légitimement sur la décision politique.</p>
<h2>Outils de coordination</h2>
<p>Les indicateurs sont considérés comme des gages de vérité scientifique et d’objectivité. Outils de simplification, les indicateurs apparaissent en effet comme des arguments suprêmes du débat public. Outils de coordination, ils permettent de s’accorder sur des moyens et des finalités. Ne pas par exemple dépasser les 3 % de déficit public pour les États de l’Union européenne. Ne pas avoir une dette supérieure à 60 % du PIB.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/169551/original/file-20170516-11929-1efeji6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/169551/original/file-20170516-11929-1efeji6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/169551/original/file-20170516-11929-1efeji6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=382&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/169551/original/file-20170516-11929-1efeji6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=382&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/169551/original/file-20170516-11929-1efeji6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=382&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/169551/original/file-20170516-11929-1efeji6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=480&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/169551/original/file-20170516-11929-1efeji6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=480&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/169551/original/file-20170516-11929-1efeji6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=480&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Maastricht criteria.</span>
<span class="attribution"><span class="source">UE</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Ces deux critères de convergence issus du traité de Maastricht apparaissent aujourd’hui comme des « absolus ». Quelle est la justification de telles valeurs d’un point de vue économique ? Aucune. Ces seuils sont le résultat de rapports de force situés dans le temps et l’espace, et de <a href="http://bit.ly/2rmpmuZ">prises de décisions arbitraires</a>… Ils jouent pourtant le <a href="http://www.persee.fr/doc/pole_1262-1676_2005_num_23_1_1256">rôle d’outils de gouvernements</a> des politiques publiques. Et à travers leurs reprises dans tous les canaux d’informations et dans les processus de décision, finissent par apparaître comme des objectifs fondés, incontestables et surtout incontestés.</p>
<h2>Des arguments suprêmes</h2>
<p>Les indicateurs ont une valeur dans les argumentaires beaucoup plus forte que tout autre type d’argument. Leur complexité tend à les rendre plus difficilement contestables. Leurs attributs scientifiques nourrissent en outre la croyance dans le caractère apolitique de l’argumentaire qui s’appuie sur des indicateurs.</p>
<p>La recherche, les médias, les expert(e)s et les journalistes participent de cette naturalisation du chiffre en occultant la dimension politique associée à sa construction et à son usage.</p>
<h2>Des références dans le débat</h2>
<p>Or, ces indicateurs, qui font figure de référence dans les débats politiques et scientifiques peuvent conjointement devenir <a href="http://gspm.ehess.fr/docannexe.php?id=504">objet de débat</a>. <a href="http://ec.europa.eu/environment/beyond_gdp/index_en.html">Les discussions autour de la construction et de l’usage du PIB</a> constituent l’exemple le plus connu. Cet indicateur ne comptabilise pas une partie de la richesse produite. Il est par ailleurs détourné de son usage lorsqu’il sert à juger de la bonne santé ou <a href="http://www.ladocumentationfrancaise.fr/rapports-publics/024000191/">du bien-être d’un pays ou d’un territoire.</a></p>
<p>Les multiples usages des indicateurs rendent leur performativité effective, cet usage étant conditionné par un ensemble d’éléments psychologiques, techniques et institutionnels.</p>
<h2>Nos croyances sont-elles comptables ?</h2>
<p>Les indicateurs peuplent notre quotidien et nos pensées. Ils jouent un grand rôle dans notre connaissance du monde. Ils fondent ainsi certaines de nos croyances. Qui peut prétendre qu’aucune de ces croyances ne se base sur une réalité comptable ? Il suffit pour s’en convaincre de prendre le sujet de l’environnement. Sans indicateurs, nous pourrions difficilement nous figurer certains phénomènes. Certains sujets ont donc besoin du nombre pour exister dans le débat et dans les esprits.</p>
<p>Lorsqu’on entend « si tout le monde consommait comme la <a href="http://www.wwf.ca/fr/nouvelles/?21961/Les-ressources-de-la-Terre-deja-puisees-pour-2016">moyenne américaine, il faudrait 5.8 planètes pour subvenir aux besoins de toute la population,</a> » le chiffre est simple et frappant. Il permet ainsi de communiquer sur une réalité complexe composée de la réduction de la surface forestière, de la dégradation des fonds maritimes, de la surface de pâture nécessaire pour fournir les produits d’origine animale consommés, etc. La caricature livrée par ce chiffre s’avère ici féconde en faisant prendre conscience des limites de la planète.</p>
<p>Mais cette caricature du réel peut se muter en mascarade lorsque par exemple l’augmentation du nombre de dépôts de plainte est traduite, par les médias et les politiques, comme reflétant une augmentation des violences… alors que le chiffre peut traduire simplement une déclaration plus systématique des <a href="http://pmb.cereq.fr/doc_num.php?explnum_id=3654">cas de violences existants précédemment</a>.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/169556/original/file-20170516-11963-1dwzux1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/169556/original/file-20170516-11963-1dwzux1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/169556/original/file-20170516-11963-1dwzux1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=361&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/169556/original/file-20170516-11963-1dwzux1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=361&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/169556/original/file-20170516-11963-1dwzux1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=361&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/169556/original/file-20170516-11963-1dwzux1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=453&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/169556/original/file-20170516-11963-1dwzux1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=453&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/169556/original/file-20170516-11963-1dwzux1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=453&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">big data : tout… et le reste.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/tonydowler/7227506404/in/photolist-qbgxqP-q9A5A1-q8ZgEq-oeFQuC-fLHuep-ao5gXp-q8Zh6A-84VJVB-pPPojn-q8ZhdE-g1EDcJ-gY7xSq-nsx9dm-q4S8Kt-cWr52A-peTbMm-cKkakE-q9A6S9-qbGfqn-fY4bcL-q8ZgpL-o1VuL1-nLtpoN-o3R8Dd-reiKv8-q4S9t2-sd8EX3-re79Jh-o3XRWv-ewoV7n-o3RPYU-sb7ewz-zp1i3k-9GJ35N-c1ERRo-dRvKMG-z7ppRE-dEU17M-nLtzgm-cXNYY7-zmGdCC-qLm7X7-o3Ezn8-o5K4Lz-z7pqSC-zmGmvm-qmiv3Z-busZDV-qmf4s3-zp1iLe">Tony Dowler/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>La montée en charge des indicateurs de performance…</h2>
<p>Dans le champ de la statistique, concomitamment à l’usage encore central des indicateurs associés à un État keynésien, s’observe dans les années 1980 un développement de la statistique, notamment avec la montée en puissance de <a href="http://triangle.ens-lyon.fr/IMG/pdf/etatstats.pdf">l’État néolibéral</a>. Se produit alors une démultiplication des <a href="https://www.u-picardie.fr/curapp-revues/root/47/9.__L_ETAT_-_LE_MAR.pdf_52cfee2373344/9.__L_ETAT_-_LE_MAR.pdf">« centres de calcul »</a> produisant ces indicateurs et un recours de plus en plus systématique aux indicateurs dans la prise de décision.</p>
<p>Cette diffusion massive des indicateurs vient alimenter le rêve technocratique d’un pilotage quasi-automatique de l’action publique (avec le <a href="http://www.lemonde.fr/smart-cities/article/2016/11/23/le-big-data-va-t-il-changer-nos-vi-ll-es_5036684_4811534.html">développement du big data</a> par exemple).</p>
<h2>… et ses effets</h2>
<p>Quelles conséquences ? D’abord, des injustices sur le plan de l’accès à certaines ressources. Le <a href="http://www.revue-participations.fr/articles/2013-1-quand-les-logiques-du-prive-investissent-le-secteur-public-destabilisation-des-collectifs-et-reflux-de-la-participation/">rapport au travail</a>, à la <a href="https://www.cairn.info/revue-de-philosophie-economique-2009-1-page-3.htm">santé</a>, à l’<a href="http://pmb.cereq.fr/doc_num.php?explnum_id=3654">éducation</a>, etc. se trouve transformé. Dans une telle logique, l’efficacité prend le pas sur la justice, le quantitatif sur le qualitatif.</p>
<p>Cette logique de l’efficacité peut s’avérer contre-productive, même en termes financiers. En voulant rendre plus performants certains services et en réduire les coûts, on impulse ainsi une logique concurrentielle dans des sphères qui répondaient jusqu’alors à d’autres logiques.</p>
<p>Ensuite, des distorsions dans le comportement des acteurs ou des actrices se font jour. Les effets pervers sont multiples : <a href="http://ses.ens-lyon.fr/articles/5-questions-a-maya-bacache-beauvallet-sur-le-management-par-les-indicateurs-de-performance-79227">baisse de la qualité, réduction de la coopération, baisse de la productivité, dégradation du bien-être au travail, etc</a>. Les personnes, enserrées dans une logique comptable, sont limitées dans le déploiement d’autres types d’action. Les indicateurs de moyens deviennent, faute de meilleures mesures, les finalités de l’action. Les indicateurs de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) en constituent un bon exemple.</p>
<p>Comme cela a été analysé par <a href="http://www.penombre.org/_Jean%E2%80%91Rene-Brunetiere_">Jean‑René Brunetière</a>, 75 à 80 % des indicateurs de la LOLF présentent des défauts rédhibitoires : <a href="https://www.cairn.info/revue-francaise-d-administration-publique-2006-1-page-95.htm">accent mis sur les moyens plutôt que sur les résultats, indicateurs inopérants, etc.</a></p>
<p>Enfin, l’ensemble de ces transformations tendent à nier le sens de l’action des actrices ou des acteurs et s’accompagne d’un <a href="https://www.cairn.info/revue-empan-2006-1-page-30.htm">développement des risques psychosociaux</a>.</p>
<p>Selon les mots de Perret, le « management par la performance » évince le « management par le sens ». L’<a href="http://www.christopheandre.com/telos_skopos_RHTribune_2009.pdf">obsession du résultat</a> prend le pas sur la <a href="http://harribey.u-bordeaux4.fr/travaux/valeur/richesse-valeur.pdf">question de(s) valeur(s)</a> et fait perdre de vue la recherche de réponses les plus pertinentes au regard des besoins.</p>
<h2>Un mal « banal »</h2>
<p>C’est ainsi, une perte du sens, des finalités individuelles et collectives qui s’opèrent, sous couvert d’une <a href="http://www.theses.fr/2015GREAE003">meilleure rationalisation de l’action</a>. Ce sont également des logiques guerrières qui se développent.</p>
<p>Comme toute guerre, cette nouvelle organisation politique de l’activité productive produit ses propres champs de ruine. Pourtant, le mal produit est banal, quotidien, voire invisible et insidieux… <a href="https://www.cairn.info/revue-cites-2008-4-page-17.htm">il rappelle cette banalité du mal décrite par Hannah Arendt</a>.</p>
<p>Avoir des principes moraux ne suffit pas à prémunir du mal. Encore faut-il avoir cette forme de responsabilité, de conscience de la situation, de soi et des autres. Les acteurs ou actrices, pris(e)s au piège de ces logiques comptables, finissent par ne pas pouvoir faire autrement que d’agir en contradiction avec les finalités premières de leur action.</p>
<p>La compétition instaurée par le recours aux chiffres conduit à la recherche de l’amélioration des critères facilement mesurables et mesurés. Elle est couplée au développement d’une logique court-termiste (<a href="https://www.lesechos.fr/idees-debats/cercle/cercle-142881-fuyons-lemprise-du-court-terme-1173680.php">capitalisme trimestriel</a>) et d’une occultation des conséquences néfastes, voire immorales, associées à l’action.</p>
<h2>Courage et paix économique</h2>
<p>On peut se dire à la suite du philosophe Michel Terestchenko : les personnes ne devraient pas être <a href="https://www.youtube.com/watch?v=z54WuNiIzPo">obligées d’être courageuses</a>.</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/z54WuNiIzPo?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Conférence Michel Terestchenko – Banalité du mal, banalité du bien.</span></figcaption>
</figure>
<p>Il n’est pas normal que les institutions soient conçues de manière qu’elles obligent les personnes à un effort supplémentaire pour agir de manière bienveillante et humaine vis-à-vis d’autrui. Mettre au jour le caractère banal du mal, qui peut être associé à un usage démesuré des indicateurs est nécessaire.</p>
<p>Prendre du recul par rapport à ces réalités comptables individuellement et collectivement l’est tout autant. Les indicateurs peuvent être de ces instruments, qui par leur apparente neutralité, déresponsabilisent, enserrent les comportements et créent une bureaucratie sans motivation mais aussi sans âme.</p>
<p>La déconstruction des structures institutionnelles existantes pour penser les conditions institutionnelles d’une gouvernance locale orientée vers la <a href="https://theconversation.com/paix-economique-pleine-conscience-une-autre-vision-de-lentreprise-71129">paix économique</a> est nécessaire. Sont-ils bons, sont-ils méchants s’interrogeait <a href="http://www.erudit.org/en/journals/npss/2012-v7-n2-npss0355/1013061ar/abstract/">Alain Desrosières</a> au sujet des indicateurs ?</p>
<p>Ni l’un ni l’autre, les deux. Ils sont à la mesure de notre démesure. Et cette démesure, dans un monde porté vers le nihilisme des valeurs, et la déresponsabilisation est devenue, au sens de Camus, « banale ».</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/77808/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Réflexion sur la dictature du chiffre et les moyens de la dépasser.Fiona Ottaviani, Enseignante-chercheuse en économie - Chaire Mindfulness, Bien-être au travail et Paix économique, Grenoble École de Management (GEM)Hugues Poissonnier, Professeur d'économie et de management, Directeur de la Recherche de l’IRIMA, Membre de la Chaire Mindfulness, Bien-Etre au travail et Paix Economique, Grenoble École de Management (GEM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/756062017-04-02T17:03:41Z2017-04-02T17:03:41ZBaromètre du climat des affaires : l’Amérique rit, l’Europe grimace<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/163540/original/image-20170402-27288-1nt1p5r.png?ixlib=rb-1.1.0&rect=4%2C1%2C732%2C426&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Qui le plus optimiste ? </span> </figcaption></figure><p>L’optimisme est toujours de mise aux États-Unis ! Deux mois après l’investiture du président Trump, notre indicateur de climat des affaires affiche une nouvelle progression pour atteindre 68,5 en mars contre 66,5 en décembre sur une échelle de zéro à cent. Sur un an glissant, l’indicateur enregistre une progression de près de 10 points (58,6 en mars 2016) pour atteindre son niveau le plus élevé depuis 2005.</p>
<p>Il ressort néanmoins de notre enquête un agacement certain des directeurs financiers : la liberté d’expression du nouveau président via les réseaux sociaux a, selon eux, un impact négatif important sur le climat des affaires. Ainsi, plus des deux tiers des répondants américains souhaitent que Donald Trump mette un terme à sa politique du « tweet » pour s’en tenir à une communication plus conventionnelle.</p>
<iframe id="infographie-ID283" src="https://data-tc.com/iframe/ ?infography=283" width="100%" height="400" frameborder="0" allowfullscreen="allowfullscreen"></iframe>
<p><em>Évolution du climat des affaires depuis 2005 jusqu’à 2017. La courbe rouge est l’indicateur des États-Unis. La bleue est pour l’Europe. La surface en rouge montre le surcroît d’optimisme aux États-Unis par rapport à l’UE.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/75606/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Philippe Dupuy ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Grenoble École de Management et l’Association des directeurs financiers et des contrôleurs de gestion récoltent l’avis des responsables financiers français. Enquête du 21 février au 9 mars 2017.Philippe Dupuy, Professeur Associé au département Gestion, Droit et Finance, Grenoble École de Management (GEM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/730302017-03-05T20:33:16Z2017-03-05T20:33:16ZIndicateurs de bien-être, gouvernance locale et paix économique<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/159149/original/image-20170302-14714-heynrp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">« L'art du bien-être ».</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/barnimages/21195399701/in/photolist-yhXXTT-4CVRoe-4D16Dq-4CVRgH-4Ec7Ny-4D16Fu-4D16Co-4CVRhR-EoohgN-FBRpLx-3GvAyc-nt8C4q-oqc9Wi-9VTCRN-otVcn-aaTU52-9VTCJ5-4D16Lh-3GvA44-9VTCgu-4D16uy-4D16JW-9fUinX-4E7RGK-9VTCpA-9VQP2Z-9fyFEW-9VQNsv-wAU3NZ-9VQNSe-wAnWGp-FM1QVZ-pF1FTr-7etVEC-oBYS2b-Bv7D7L-CNbTdH-BpSKMF-w93aAR-viU6KT-x1abmy-wRg1ki-yMW6aY-uW4Kdi-yR71Ss-PXJiH6-u2JNQR-vh8TfQ-tWMmRo-ycVpAE">Anthony Delanoix/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span></figcaption></figure><p>À l’échelle des territoires, le débat autour du développement territorial fait écho à la montée en puissance de nouveaux besoins en termes d’observation sociale et d’évaluation. Une telle réflexion se nourrit également des travaux menés à différentes échelles pour <a href="http://bienetre.lametro.fr/">promouvoir le bien-être</a>, repenser la richesse et concevoir une organisation socio-économique plus respectueuse des êtres humains et de l’environnement. Elle amène à s’interroger, dans le sillage du <a href="http://bit.ly/2mdzu8Y">rapport Stiglitz-Sen</a> ou de la <a href="http://bit.ly/2lDmOFx">loi récente d’Éva Sas</a>, sur les indicateurs à construire pour « compter ce qui compte ».</p>
<h2>La démesure de la mesure</h2>
<p>L’émergence à l’échelle locale de nouveaux besoins d’informations s’explique par de nombreux facteurs : le développement de la contractualisation des politiques publiques, leur évaluation, les recompositions du champ de l’action publique (métropolisation, <a href="http://bit.ly/1NE82tk">loi Notre</a>, décentralisation, etc.) et les transformations de l’organisation actuelle du système statistique public (big data, open data, etc.).</p>
<p>L’accentuation de la gestion par les instruments quantifiés, la course à la performance et l’engouement pour des pratiques d’évaluation expérimentale dans la sphère publique constituent les marqueurs d’une montée en charge d’un mode de gouvernement technocratique, déconnecté d’une définition collective des finalités du développement.</p>
<p>Dans le contexte d’une inflation des données chiffrées et d’un recentrage des activités sur certaines prérogatives, il importe de souligner la normalisation des comportements et la perte de sens associé à un usage « pathologique » des indicateurs. Prendre du recul sur ces réalités comptables s’avère nécessaire pour mettre au jour leurs effets de rétroaction sur les comportements des acteurs. Si les indicateurs constituent bien des outils de coordination et d’appréhension de phénomènes particuliers, cet attrait du chiffre n’est en effet pas sans danger et participe à une forme de naturalisation des phénomènes sociaux.</p>
<p>Face à la montée en puissance d’une « démesure de la mesure », nous soulignons la charge normative associée à de telles constructions. Outils de preuve et de connaissance, certes, les indicateurs sont considérés comme des gages de vérité scientifique et d’objectivité. Outils de pouvoir et de contrôle également, ils ne font pas que refléter le monde, mais influent sur les comportements, sur les croyances et sur la régulation des organisations publiques comme privées.</p>
<p>Si les indicateurs ne sont pas des reflets fidèles du monde, mais le transforment, changer notre monde peut-il alors passer par un changement d’indicateurs ?</p>
<h2>Une démultiplication des indicateurs alternatifs à l’échelle locale</h2>
<p>L’ensemble des mutations évoquées précédemment amène à rechercher des alternatives. Puisque les indicateurs sont souvent présentés comme des arguments suprêmes, et qu’il apparaît de plus en plus difficile de s’en passer du fait de la complexification des dynamiques socio-économiques et environnementales, une voie consiste à construire d’autres indicateurs, et surtout à les construire différemment. Ainsi, une série d’indicateurs axée sur les dimensions sociales et/ou environnementales a vu le jour. Le schéma suivant (pour le même schéma avec des liens hypertextes vers chaque expérimentation, <em>cf</em>. <a href="https://www.researchgate.net/publication/314135373_Les_indicateurs_alternatifs_a_l'echelle_locale">ma page personnelle</a>) livre une vue d’ensemble, loin d’être exhaustive, de quelques initiatives conduites à différentes échelles territoriales en France (en bleu), en Europe (en gris) et ailleurs dans le monde (en orange).</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/157044/original/image-20170215-27433-ln9oaz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/157044/original/image-20170215-27433-ln9oaz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/157044/original/image-20170215-27433-ln9oaz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=424&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/157044/original/image-20170215-27433-ln9oaz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=424&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/157044/original/image-20170215-27433-ln9oaz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=424&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/157044/original/image-20170215-27433-ln9oaz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=533&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/157044/original/image-20170215-27433-ln9oaz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=533&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/157044/original/image-20170215-27433-ln9oaz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=533&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Schéma indicateurs territoriaux.</span>
</figcaption>
</figure>
<p>Face à ce foisonnement d’initiatives, le risque est le développement d’une observation sociale morcelée pouvant être favorable au développement des inégalités entre territoires et au maintien du primat des indicateurs économiques sur le reste des statistiques produites. Cette <a href="http://bit.ly/2lhDBlk">démultiplication est pourtant utile</a> : cette diversité est une expression du pluralisme des conceptions d’une vie bonne en société et, en ce sens, chaque expérience participe au nécessaire débat démocratique qui doit avoir lieu sur ces questions.</p>
<p>Elle s’accompagne en outre d’un renouvellement des pratiques par rapport aux travaux menés depuis les années 1930. Ces expérimentations de construction d’indicateurs en étant plus participatives servent ainsi à redonner une prise aux populations sur des objets habituellement réservés aux experts. C’est ainsi une forme d’ouverture de la « boîte noire » de la quantification qui s’opère dans un monde où la place du chiffre et son opacité sont croissantes.</p>
<h2>Concevoir des réponses synergiques au besoin des populations</h2>
<p>Au-delà du renouvellement des modalités de construction de tels indicateurs, comment passer de l’observation sociale à l’action ?</p>
<p>Un des enjeux essentiels est le dépassement de la sectoralisation des réponses apportées aux besoins des populations pour repenser de manière couplée les différentes facettes du développement. Concevoir ce type de réponses en termes de politiques publiques ou dans l’organisation suppose de rompre, comme le mettait en avant l’économiste <a href="http://bit.ly/2mdPCr7">Max-Neef</a>, avec des réponses « destructrices » ou « univoques », coûteuses pour les organisations et nuisibles pour l’épanouissement des personnes et/ou pour l’environnement.</p>
<p>La gestion de la politique d’hébergement en constitue un bon exemple. Pour de nombreuses familles, les réponses apportées par les pouvoirs publics sont univoques, l’accompagnement social étant rarement couplé avec l’obtention d’un logement stable. Cette gestion s’avère même généralement destructrice, de nombreuses familles n’ayant pas un accès à un logement stable ou à l’éducation pour les enfants, puisque les expulsions à répétition créent des ruptures dans le suivi social et entament les possibilités d’épanouissement de ces personnes.</p>
<p>Effectuer le passage de l’observation sociale à de nouvelles formes d’actions dans le champ des institutions publiques et privées demeure compliqué tant les champs d’action demeurent compartimentés, les priorités en place « indiscutables », les logiques faussées par des « impératifs » venus de l’extérieur ou liées à la persistance de certaines représentations.</p>
<p>Par ailleurs, à l’exception de quelques lieux, comme à <a href="http://www.jcci.org/">Jacksonville (États-Unis)</a>, expérimentation pionnière en matière d’indicateurs, les expériences peinent à impliquer tous les acteurs du territoire pour penser des actions concrètes permettant de répondre aux besoins des populations.</p>
<h2>La paix économique comme horizon</h2>
<p>Dépasser la sectorialisation de l’action au sein des organisations pour appréhender de manière transversale les besoins des personnes est loin d’être évident tant les formes d’organisation en place sont résilientes – du fait de l’existence de normes, de procédures réglant leurs activités – et traversées par des enjeux de pouvoirs.</p>
<p>Cette transversalité de l’action ne pourra pourtant se faire qu’au prix d’un décloisonnement des compétences et d’une mise en relation des acteurs de différents champs. Elle ne pourra s’opérer que si les organisations, publiques et privées, s’extraient d’une logique « guerrière », ou du moins destructrice, pour s’orienter sur le terrain de la <a href="http://bit.ly/2miorMh">paix économique</a> de façon à formuler des réponses collectives à la hauteur des enjeux actuels.</p>
<p>Beaucoup d’énergie reste ainsi à dépenser pour faire des mots ou des chiffres découlant de telles expérimentations alternatives non simplement <a href="http://bit.ly/2lXT1d7">« the next big market »</a> des consultants, des universitaires ou des politiques, mais de vrais actes en faveur d’un bien-être soutenable pour tous.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/73030/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Fiona Ottaviani est membre de l’équipe IBEST et a contribué à la construction d’indicateurs de bien-être soutenable territorialisés dans l’agglomération grenobloise qui a été réalisé avec le soutien financier de la Région Rhône-Alpes. Par ailleurs, la chaire Mindfulness, bien-être au travail et paix économique où elle travaille est soutenue financièrement par la fondation pour le Développement de l'Homme et de la Société hébergée à la Fondation de France.</span></em></p>État des lieux des indicateurs alternatifs territoriaux… et comment les rendre opérationnels, avec comme horizon la paix économique.Fiona Ottaviani, Enseignante-chercheuse en économie - Chaire Mindfulness, Bien-être au travail et Paix économique, Grenoble École de Management (GEM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.