tag:theconversation.com,2011:/ca/topics/jamal-khashoggi-77668/articlesJamal Khashoggi – The Conversation2019-10-23T13:26:00Ztag:theconversation.com,2011:article/1255302019-10-23T13:26:00Z2019-10-23T13:26:00ZAbandonner nos valeurs pour des ventes d’armes: l’étrange relation entre le Canada et l’Arabie saoudite<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/297944/original/file-20191021-56234-1hqr4yk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Des Yéménites assistent aux funérailles des victimes d'une attaque aérienne dirigée par l'Arabie saoudite à Saada, en août 2018.</span> <span class="attribution"><span class="source">AP Photo/Hani Mohammed</span></span></figcaption></figure><p>C’est en août 2018 que la relation entre le Canada et le royaume d’Arabie saoudite semble s’être détériorée et ce, de manière fort visible et contemporaine, c’est à dire sur Twitter.</p>
<p>Tout a débuté lorsque la ministre des Affaires étrangères Christine Freeland s’est livrée à une timide critique de la longue histoire <a href="https://www.hrw.org/fr/world-report/2019/country-chapters/325579">d’abus des droits humains</a> du royaume. La riposte du gouvernement saoudienne ne s’est pas faite attendre: <a href="https://www.cbc.ca/news/politics/saudi-retaliation-canada-memo-1.5085832">il a immédiatement suspendu les relations diplomatiques avec le Canada et bloqué un certain nombre d’accords dans les domaines commerciaux, de l’investissement et de l’éducation</a>.</p>
<p>Aux yeux de plusieurs, le Canada semblait <a href="https://www.theguardian.com/world/2018/aug/08/saudi-arabia-canada-latest-egypt-russia">se tenir droit</a> en mettant en avant la défense des droits humains plutôt que ses intérêts commerciaux. Ce qui s’inscrivait en droite ligne avec les positions du premier ministre libéral Justin Trudeau et de son gouvernement, qui se présentent comme les champions de la lutte contre les <a href="https://www.thestar.com/news/canada/2015/11/30/busy-day-for-trudeau-at-paris-climate-change-talks.html">changements climatiques</a>, du droit international, des droits de la personnes, de la communauté LGBTQ, ainsi que des femmes, incluant <a href="https://www.international.gc.ca/world-monde/issues_development-enjeux_developpement/priorities-priorites/fiap_action_areas-paif_champs_action.aspx?lang=fra">une politique étrangère explicitement féministe.</a></p>
<h2>Aux antipodes?</h2>
<p>Le Canada de Trudeau semble également incarner l’inverse d’un royaume conservateur tristement réputé par son <a href="https://www.theweek.co.uk/60339/things-women-cant-do-in-saudi-arabia">mépris des droits de la femme</a> les plus élémentaires, comme le droit de conduire ou de voyager sans l’autorisation d’un tuteur masculin. Cette infamie s’assortit de fréquentes condamnations à mort. On a aussi recours aux <a href="https://www.independent.co.uk/news/world/middle-east/saudi-arabias-human-rights-abuses-10-examples-a6794576.html">décapitations et crucifixions publiques</a> pour punir les manifestations, l’homosexualité ou la <a href="https://www.theatlantic.com/international/archive/2013/08/saudi-arabias-war-on-witchcraft/278701/">sorcellerie</a>.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/296467/original/file-20191010-188807-11jgl3m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/296467/original/file-20191010-188807-11jgl3m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=361&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/296467/original/file-20191010-188807-11jgl3m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=361&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/296467/original/file-20191010-188807-11jgl3m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=361&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/296467/original/file-20191010-188807-11jgl3m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=454&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/296467/original/file-20191010-188807-11jgl3m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=454&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/296467/original/file-20191010-188807-11jgl3m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=454&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Le square Deera à Riyad dont le nom familier est « le square de la découpe » en raison des décapitations qui y prennent place.</span>
<span class="attribution"><span class="source">WikiMedia Commons, Photographe: Luke Richard Thompson, 2011</span></span>
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<p>La dispute entre le Canada et les Saoudiens <a href="https://www.ctvnews.ca/canada/trudeau-says-canada-wants-saudi-answer-on-its-role-in-khashoggi-killing-1.4178098">s’est aggravée</a> suite à <a href="https://www.theguardian.com/world/2018/oct/12/how-jamal-khashoggi-disappeared-visual-guide">l’enlèvement et au démembrement de Jamal Khashoggi à l’intérieur du consulat saoudien à Istambul en octobre 2018</a>. Khashoggi était un dissident saoudien qui vivait en exil à Washington où il travaillait comme <a href="https://www.washingtonpost.com/people/jamal-khashoggi/">journaliste au <em>Washington Post</em></a>.</p>
<p>Khashoggi devait se rendre au Canada cet automne ou il collaborait avec un autre exilé saoudien, <a href="https://citizenlab.ca/2018/10/how-a-canadian-permanent-resident-and-saudi-arabian-dissident-was-targeted-with-powerful-spyware-on-canadian-soil/">Omar Abdulaziz</a>. Il travaillaient <a href="https://www.cbc.ca/news/world/khashoggi-israel-lawsuit-omar-abdulaziz-saudi-arabia-1.4929952">sur un projet</a> visant à défier et <a href="https://www.cbc.ca/news/world/khashoggi-israel-lawsuit-omar-abdulaziz-saudi-arabia-1.4929952">contrôler les trolls internet favorables à la monarchie saoudienne</a>.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/296594/original/file-20191011-188787-hlnnfl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/296594/original/file-20191011-188787-hlnnfl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/296594/original/file-20191011-188787-hlnnfl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=406&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/296594/original/file-20191011-188787-hlnnfl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=406&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/296594/original/file-20191011-188787-hlnnfl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=406&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/296594/original/file-20191011-188787-hlnnfl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=511&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/296594/original/file-20191011-188787-hlnnfl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=511&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/296594/original/file-20191011-188787-hlnnfl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=511&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">L’assassinat de Khashoggi a aggravé la dispute entre le Canada et l’Arabie saoudite.</span>
<span class="attribution"><span class="source">La Presse Canadienne/AP/Hasan Jamali</span></span>
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<p>Cela faisait partie d’un effort des réformistes libéraux saoudiens cherchant à faire avancer les changements au royaume, à commencer par des pistes de solution pour la liberté d’expression. C’était bien là le contentieux d’août 2018. Mme Freeland avait gazouillé en faveur du blogueur Raid Badawi, et de sa sœur libérale réformiste, <a href="https://www.aljazeera.com/news/2019/06/saudi-women-rights-activist-samar-badawi-appears-court-190627074012916.html">Samar Badawi</a>.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1025030172624515072"}"></div></p>
<p>Le Canada s’est engagé de manière moins visible en soutenant les enquêtes indépendantes sur <a href="https://thedefensepost.com/2019/09/26/un-yemen-war-crimes-investigation-extended/">les allégations de crimes de guerre à l’encontre de l’Arabie saoudite au Yémen</a>. Le Canada s’est également joint à plusieurs nations européennes pour applaudir les réformes récentes au royaume <a href="https://www.cbc.ca/news/world/geneva-saudi-statement-1.5294025">tout en condamnant les violations des droits de la personne</a>.</p>
<p>Mais ces efforts ne font pas le poids contre l’aide apportée par le Canada à l’Arabie saoudite dans le cadre de la guerre civile au Yémen.</p>
<h2>Le soutien des conservateurs</h2>
<p>Le soutien a débuté en mars 2015, tout de suite après l’intervention saoudienne en tête de la coalition intervenant au Yémen. Rob Nicholson, le ministre conservateur des Affaires étrangères de l’époque, <a href="https://twitter.com/HonRobNicholson/status/599295989879541760?s=20">a publiquement félicité l’Arabie saoudite</a>.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"599295989879541760"}"></div></p>
<p>Ottawa a appuyé ce commentaire en exportant <a href="https://www.theglobeandmail.com/news/politics/the-saudi-arms-deal-what-weve-learned-so-far/article28180299/">des quantités importantes d’armes</a> destinées à aider l’Arabie saoudite à faire la guerre.</p>
<p>Le gouvernement Trudeau est parfaitement au fait de ces ventes. Après la venue au pouvoir des Libéraux fin 2015, le feu vert a été donné à l’exportation vers l’Arabie saoudite de véhicules blindés légers fabriqués par General Dynamics Land Systems Canada (GDLS).</p>
<p>Selon <a href="https://www.international.gc.ca/controls-controles/assets/pdfs/documents/Memorandum_for_Action-eng.pdf">un mémo déclassifié</a>, la logique derrière cette décision était que ces véhicules seraient utiles aux efforts de l’Arabie saoudite afin de « contrecarrer l’instabilité » au Yémen.</p>
<p>Je pense que nous sommes nombreux à penser que l’impact de la coalition menée par les Saoudiens au Yémen est <a href="https://www.youtube.com/watch?v=WPa6HUxy11w">loin d’avoir été un facteur de stabilité…</a></p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/296587/original/file-20191011-188840-1fx7asm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/296587/original/file-20191011-188840-1fx7asm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/296587/original/file-20191011-188840-1fx7asm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=545&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/296587/original/file-20191011-188840-1fx7asm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=545&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/296587/original/file-20191011-188840-1fx7asm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=545&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/296587/original/file-20191011-188840-1fx7asm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=685&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/296587/original/file-20191011-188840-1fx7asm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=685&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/296587/original/file-20191011-188840-1fx7asm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=685&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">The GDLS LAV II.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Le LAV II de General Dynamics Land Systems Canada</span></span>
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<p>Un rapport récent publié par le Groupe d’experts sur le Yémen <a href="https://reliefweb.int/sites/reliefweb.int/files/resources/A_HRC_42_17.pdf">stipule que</a> « les livraisons d’armes aux différentes factions impliquées dans le conflit au Yémen pérennisent ce conflit et les souffrances infligées sa population ».</p>
<p>Ce qui inclut <a href="https://news.un.org/en/story/2019/03/1035501">100 000 morts et des millions de victimes de la famine</a>.</p>
<h2>Des armes difficiles à trouver</h2>
<p>De ce fait, l’Arabie saoudite fait désormais face à des difficultés d’approvisionnement en armes. L’<a href="https://www.dw.com/en/german-arms-export-freeze-on-saudi-arabia-extended/a-50481984">Allemagne</a> a annoncé l’annulation de ses contrats avec l’Arabie saoudite suite à l’affaire Khashoggi. Les tribunaux anglais ont statué que les exportations d’armes vers l’Arabie saoudite étaient illégales <a href="https://www.theguardian.com/law/2019/jun/20/uk-arms-sales-to-saudi-arabia-for-use-in-yemen-declared-unlawful">compte tenu</a> de la situation au Yémen. D’autre pays, <a href="https://www.reuters.com/article/us-yemen-security-norway-emirates/norway-suspends-arms-sales-to-uae-over-yemen-war-idUSKBN1ES0HG">la Norvège</a> et <a href="https://www.middleeasteye.net/news/denmark-suspends-arms-exports-uae-over-yemen-war-report">le Danemark</a>, ont même interrompu leurs livraisons aux Émirats arabes unis, alliés de la coalition Saoudienne au Yémen.</p>
<p>Plus récemment encore, les autorités belges ont annulé les livraisons d’armes à l’Arabie saoudite, quoiqu’il subsiste un doute à savoir si les <a href="https://www.rtbf.be/info/belgique/detail_le-conseil-d-etat-annule-les-licences-d-exportations-d-armes-wallonnes-en-arabie-saoudite?id=10246413">tourelles exportées au Canada </a> pourraient être installées sur des blindés légers destinés aux Saoudiens.</p>
<p>Malgré tous ces efforts, ainsi que ceux du congrès américain de <a href="https://www.rtbf.be/info/belgique/detail_le-conseil-d-etat-annule-les-licences-d-exportations-d-armes-wallonnes-en-arabie-saoudite?id=10246413">bloquer les ventes</a> d’armes en raison des violations des droits de la personne au Yémen, le Canada n’a pas embarqué. Bien que le gouvernement Trudeau ait annoncé en octobre 2018 une « <a href="https://www.aljazeera.com/news/2019/08/canadians-seek-cancellation-major-arms-deal-saudi-arabia-190809191316431.html">évaluation</a> » des transactions d’armes avec l’Arabie saoudite, cette évaluation traîne, pendant que les ventes d’armes continuent pour un nombre non divulgué de <a href="https://www.cbc.ca/news/politics/canada-saudi-arms-deal-1.4579772">permis déjà en cours</a>.</p>
<p>Depuis l’assassinat de Kashoggi, on parle d’un montant d’<a href="https://www5.statcan.gc.ca/cimt-cicm/topNCommodity-marchandise?lang=fra&getSectionId%28%29=0&dataTransformation=0&scaleValue=0&scaleQuantity=0&refYr=2019&refMonth=8&freq=9&countryId=369&getUsaState%28%29=0&provId=1&retrieve=Retrieve&country=null&tradeType=">au moins 1,34 milliard de dollars</a>.</p>
<h2>L’implication du Canada se poursuit</h2>
<p>Bien que le gouvernement ait annoncé qu’il n’accorderait <a href="https://globalnews.ca/video/5862537/freeland-says-no-deals-with-saudi-arabia-have-been-done-since-death-of-journalist-jamal-khashoggi">pas de nouveaux permis d’exportation</a> durant cette période d’évaluation, il ne s’agit guère plus que d’un geste symbolique, le gouvernement saoudien ayant <a href="https://www.cbc.ca/news/politics/saudi-retaliation-canada-memo-1.5085832">déjà annoncé</a> l’annulation de toute nouvelle transaction avec des compagnies canadiennes.</p>
<p>Aucun des nouveaux blindés n’ont encore été repérés au Yémen, mais des modèles fabriqués au Canada plus anciens ainsi que des <a href="https://twitter.com/Silah_Report/status/973996196976119808">fusils à lunette</a> font <a href="https://lostarmour.info/yemen/">régulièrement leur apparition</a> sur les champs de bataille <a href="https://www.youtube.com/watch?v=NZhv-IlPNEE">selon des vidéos distribuées par les forces saoudiennes et yéménites</a>. La guerre au Yémen est également inondée de véhicules blindés fabriqués par d’autres compagnies canadiennes, <a href="https://www.international.gc.ca/controls-controles/assets/pdfs/documents/memorandum-memo.pdf">comme le groupe Streit, basé au Émirats, ainsi que Terradyne Armored et IAG</a>.</p>
<p><a href="https://www.prnewswire.com/news-releases/pratt--whitney-celebrates-the-inauguration-of-a-new-middle-east-propulsion-company-facility-159993065.html">Des moteurs d’avion fabriqués au Canada</a> équipent des avions, <a href="https://www.ainonline.com/aviation-news/defense/2015-11-08/iomax-production-archangel-ready-uae-forces">des chasseurs</a> et <a href="https://www.dsca.mil/major-arms-sales/saudi-arabia-ah-64d-apache-uh-60m-blackhawk-ah-6i-light-attack-and-md-530f-light">des hélicoptères</a>, de la coalition. <a href="https://www.nationalobserver.com/2018/11/30/news/experts-say-theres-proof-canadian-made-weapons-are-being-used-saudi-war-yemen">Des dispositifs de ciblage</a> sont <a href="https://www.wescam.com/wp-content/uploads/2018/04/WESCAM_TAQNIA-for-IDEX-2017_FINALFeb19_2017_rev.pdf">installés dans ces mêmes avions</a>. Le Canada <a href="https://twitter.com/JosephHDempsey/status/639073928091189248">a fourni des drones</a> à l’Arabie Saoudite et <a href="https://www.journaldemontreal.com/2019/01/18/lametti-vantait-des-avions-destines-aux-forces-emiraties">des avions de reconnaissance</a> aux <a href="https://www.releases.gov.nl.ca/releases/2009/business/0227n13.htm">EAU</a>. Une <a href="https://gbp.com.sg/stories/uae-air-force-rq-1e-rpa-training-track/">compagnie canadienne forme</a> les <a href="https://www.monch.com/mpg/news/simulation/2894-uae-predator-training-underway.html">pilotes de drones</a> des EAU.</p>
<p><a href="https://en.arij.net/report/the-end-user-how-did-western-weapons-end-up-in-the-hands-of-isis-and-aqap-in-yemen">Des rapports non vérifiés font état d’armes de contrebande qui auraient été détournées par les forces yéménites qui combattent auprès de la coalition</a>.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/NZhv-IlPNEE?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
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<p>Ce « contenu canadien » résulte en partie du soutien gouvernemental à l’industrie de l’armement canadienne qui cherche à prendre pied sur les marchés lucratifs du Moyen-Orient. Ce qui a débuté sous le <a href="https://www.theglobeandmail.com/news/politics/canada-exporting-arms-to-countries-with-suspicious-human-rights-records/article15817569/">gouvernement conservateur</a>de Harper s’est <a href="https://www.cbc.ca/news/politics/justin-trudeau-advised-to-deepen-ties-with-saudi-arabia-brace-for-change-in-iran-1.3394669">poursuivi</a> sous Trudeau.</p>
<h2>Le statu quo</h2>
<p>Malgré <a href="https://www.bbc.com/news/world-us-canada-46873796">les quelques cas notoires où le Canada s’est engagé en faveur de femmes et de réformateurs du royaume</a> , il semble que l’on privilégie les gains matériels aux dépens des droits de la personne.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1168533942313652230"}"></div></p>
<p>Si le Canada a augmenté l’aide humanitaire au Yémen, ce n’est pas grand-chose comparé à la destruction opérée par les armes et les entraînements vendus - ventes qui alimentent un conflit ayant <a href="https://www.oxfam.ca/blog/canada-joins-the-arms-trade-treaty-while-still-selling-arms-to-saudi-arabia/">aggravé l’inégalité des genres</a> tout en menaçant de faire éclater en trois morceaux un Yémen dévasté.</p>
<p>Cela n’a pas empêché Freeland de déclarer récemment que le royaume demeure « <a href="https://globalnews.ca/video/5862537/freeland-says-no-deals-with-saudi-arabia-have-been-done-since-death-of-journalist-jamal-khashoggi">un partenaire important du Canada</a>. »</p>
<p><strong>Qu’il s’agisse de Trudeau ou de Andrew Scheer qui formeront le nouveau gouvernement après l’élection du 21 octobre,</strong> <a href="https://www.cbc.ca/news/politics/saudi-arabia-g20-summit-trudeau-1.5205665">l’un et l’autre</a> semblent prêts à assister au sommet du G20 en Arabie Saoudite, sommet qui sera instrumentalisé par le prince Mohammed Bin Salman pour redorer <a href="https://www.theguardian.com/world/2019/jun/19/jamal-khashoggi-killing-saudi-crown-prince-mohammed-bin-salman-evidence-un-report">un blason entaché par le meurtre macabre de Kashoggi</a>.</p>
<p>Pendant la campagne, seuls <a href="https://ricochet.media/en/2717/jagmeet-singh-stakes-out-clear-opposition-to-canada-saudi-arms-deal">le NPD</a> et <a href="https://www.greenparty.ca/sites/default/files/platform_2019_web_update_oct_6.pdf">les Verts</a> se sont engagés à annuler le contrat LAV avec l’Arabie Saoudite. Et seul le NPD a suggéré <a href="https://www.ndp.ca/news/ndp-statement-upcoming-g20-meeting-saudi-arabia">qu’il n’assisterait pas au sommet du G20</a> à Riyad.</p>
<p>La présence du Canada à ce sommet offre une occasion de se réconcilier avec l’Arabie Saoudite tout en informant le public canadien d’une démarche en faveur des droits de la personne. Et ce, tout en continuant à faire du business comme si de rien n’était.</p>
<p>[ <em>Ne manquez aucun de nos articles écrits par nos experts universitaires.</em> <a href="https://theconversation.com/ca-fr/newsletters?utm_source=TCCA-FR&utm_medium=inline-link&utm_campaign=newsletter-text&utm_content=expert">Abonnez-vous à notre infolettre hebdomadaire</a>. ]</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/125530/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jeremy Wildeman est affilié à l'Institut Rideau et au Centre de recherche et d'éducation sur les droits de la personne de l'Université d'Ottawa.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Anthony Fenton ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Un an après une tristement célèbre dispute sur Twitter et le meurtre horrible de Jamal Khashoggi, les relations Canada-Saoudienne semblent prêtes à reprendre leur cours normal, si ce n'est déjà fait.Jeremy Wildeman, Research Associate in International Development, University of BathAnthony Fenton, PhD Candidate (ABD), York University, CanadaLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1079822018-12-02T20:41:09Z2018-12-02T20:41:09ZConversation avec Jeff Hawkins : « Notre statue de la Liberté semble ternie par les propos racistes de Donald Trump et de ses supporters »<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/248281/original/file-20181202-194941-1yk5m3i.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=94%2C53%2C3829%2C2557&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Donald Trump</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://visualhunt.com/f2/photo/40525854191/dd7cc67c28/">Gage Skidmore on VisualHunt.com</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p><em>Enseignant à Sciences Po et chercheur associé à l’IRIS, Jeff Hawkins est un ancien diplomate américain, démissionnaire à la suite de l’élection de Donald Trump. Invité aux <a href="http://tribunesdelapresse.org/">Tribunes de la Presse 2018 à Bordeaux</a>, il porte un regard très critique sur la politique du président des États-Unis. Analyse.</em></p>
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<p><strong>Les États-Unis se définissent comme une nation d’immigrants. Pourtant, la notion des frontières et de l’étranger paraît aujourd’hui crisper le débat. D’après vous, à quel moment et pour quelle raison la ligne politique s’est-elle durcie ?</strong></p>
<p>Jeff Hawkins : L’Amérique, comme d’ailleurs les pays européens, vit des changements démographiques importants et cela depuis des années. C’était un pays, il y a encore 100 ans, majoritairement blanc et protestant et, qui, aujourd’hui se diversifie de plus en plus. C’est une conséquence de l’immigration d’Amérique latine et centrale. Cela est en train de changer la nature de notre société mais aussi l’approche de certains leaders politiques. L’un d’entre eux, notre président actuel, joue sur ces changements pour encourager, motiver ou même faire peur à un électorat plutôt blanc qui se sent menacé par cette immigration.</p>
<p>Lors des élections de 2016, contrairement à ce que l’on pourrait croire, les gens qui ont voté pour Trump ne l’ont pas fait parce qu’ils avaient perdu leur travail. Ils avaient peur de se voir remplacer par une population qui ne leur ressemblait pas. Pendant sa campagne Donald Trump a valorisé une politique anti-immigration. Il a commencé celle-ci avec un discours dans lequel il disait que les immigrés mexicains étaient des violeurs. Pour les élections de mi-mandat, le président a fait faire un spot publicitaire afin de soutenir les candidats républicains. Ce spot était tellement raciste que même Fox News n’a pas voulu le diffuser.</p>
<p><strong>Les États-Unis ont toujours été un pays attirant, notamment pour les étrangers qui veulent vivre le rêve américain. Tout cela bien sûr entretenu grâce au soft-power. Pensez-vous que la politique hostile à l’immigration de Donald Trump va entamer le rayonnement du pays à l’international ?</strong></p>
<p><strong>J.H. :</strong> En fait, si l’on remet cela dans un contexte historique, c’est un cycle qui se répète. Au début du XIX<sup>e</sup> siècle il y avait aux États-Unis une immigration allemande et irlandaise. Les Irlandais n’étaient pas protestants mais catholiques et les Américains d’origine anglaise les ont rejetés. Un parti politique, le « Know Nothing Party », a même été fondé pour s’opposer à cette immigration. Ensuite sont arrivés des Italiens, des juifs d’Europe de l’Est, des Chinois et à chaque fois, nous avons observé des réactions à ces vagues d’immigration et puis finalement une acceptation.</p>
<p>J’ose croire qu’après le rejet de l’immigration actuelle viendra, comme par le passé, l’acceptation. Nos politiciens y seront bien obligés, car ces personnes issues de l’immigration vont voter. Il faudra les prendre en compte.</p>
<p>Quel dégât cela va-t-il causer à notre réputation internationale ? Il est clair que cela nuit énormément à notre « brand », notre marque. La statue de la Liberté semble un peu ternie par ces propos anti-immigration, voire racistes du président et de ses soutiens.</p>
<p><strong>Les résultats des élections de mi-mandat sont le reflet d’une société américaine divisée. A votre avis où se sont érigées les principales frontières : au niveau économique, idéologique… ?</strong></p>
<p><strong>J.H. :</strong> Donald Trump n’est pas responsable des clivages que nous observons dans notre société. Mais il a profité de cette situation et accentué les divisions. Lorsque nous avons élu un président noir, les gens comme moi, libéraux, de gauche ont applaudi en disant « c’est bon, l’Amérique est un pays post-racial ». C’était une erreur, car ce n’est pas du tout le cas. Ces clivages existent toujours. En fait, élire un président noir a, quelque part, mené à une réaction de rejet. Donald Trump a eu l’intelligence, ou la chance, d’en profiter pour arriver au pouvoir.</p>
<p><strong>On observe un renouvellement de la chambre des représentants avec des élus parfois plus jeunes, souvent des femmes et loin des parcours traditionnels. Pensez-vous qu’une barrière a été franchie alors que les populations semblaient se désintéresser de la politique ?</strong></p>
<p><strong>J.H. :</strong> J’espère ! Je dois tout de même nuancer, ce phénomène se limite au parti démocrate. Si l’on regarde les photos qui ont été prises des nouveaux représentants élus, on voit une différence claire et nette entre les Républicains et les Démocrates. Chez les Républicains, on compte une centaine d’hommes blancs et parmi eux, une seule femme. Chez les Démocrates : des noirs, des hispaniques, des blancs, des femmes, des hommes, deux musulmanes, deux amérindiennes. C’est la première fois que cela arrive. Il y a, certes, un mouvement des jeunes et des minorités, mais surtout du côté démocrate. Les Républicains, et Trump l’a clairement fait, misent encore sur cette population blanche, et le rejet de l’autre pour se faire élire.</p>
<p><strong>À propos de l’affaire Khashoggi, ce journaliste saoudien, assassiné en Turquie, Trump a tweeté « il se pourrait fort bien que le prince héritier [Mohammed Ben Salman, dit MBS] ait eu connaissance de ce tragique événement – peut-être que oui et peut-être que non !“. Ce n’est pas la première fois que le président s’exprime de cette façon sur des questions géopolitiques qui sont, d’habitude, gérées par des diplomates. S’agit-il de réactions spontanées ou d’une véritable stratégie ?</strong></p>
<p><strong>J.H. :</strong> C’est pire que ça ! En plus du tweet, il y a eu un communiqué de la Maison Blanche dans lequel Donald Trump a dit exactement la même chose. Nous avons donc un communiqué officiel de la Présidence des États-Unis qui dit « peut-être qu’il l’a fait, peut-être qu’il ne l’a pas fait ». Pour un ancien diplomate comme moi, c’est impensable parce qu’un tel communiqué est censé être la politique officielle des États-Unis. Les porte-parole du gouvernement, les ambassades, sont supposés s’en servir pour expliquer leur politique.</p>
<p>Tous nos alliés ont lu ce communiqué et tous nos ennemis aussi. Avec de telles attitudes, c’est ce qui m’inquiète, Donald Trump met en doute son propre gouvernement et la CIA. Cette dernière a déclaré publiquement être presque sûre que le prince héritier lui-même avait ordonné cet assassinat.</p>
<p><strong>Est-ce que Donald Trump pense à toutes ces conséquences quand il fait ce genre de communiqué ?</strong></p>
<p><strong>J.H. :</strong> J’avoue que j’ai du mal à suivre la pensée profonde du président des États-Unis depuis deux ans ! Je ne pourrais pas vous dire. Dans cette affaire, ce qui est important pour lui est d’envoyer un message à Mohammed Ben Salmane en disant qu’il est derrière lui. Il y a des contrats entre les États-Unis et l’Arabie saoudite et peut-être des intérêts personnels du côté de Trump.</p>
<p><strong>Le vote ethnique et le vote des minorités sont aux USA des grilles de lecture et d’analyse. Certains militants, comme la Républicaine Candace Owens veulent faire bouger ces lignes pour sortir d’un profilage électoral basé sur l’appartenance ethnique, religieuse ou même l’orientation sexuelle. Pensez-vous que d’ici à 5 ou 10 ans, ces lignes disparaîtront ?</strong></p>
<p><strong>J.H. :</strong> Ce serait sain, en effet, si chacun votait en fonction de ses croyances et non pas en fonction de son ethnie, qu’on soit noir mais aussi qu’on soit blanc. Cependant, lorsque le comportement du président est offensant, je ne vois pas comment la communauté noire par exemple pourrait voter pour lui. Peut-être pour d’autres candidats républicains au niveau local. Si les gens votaient en fonction de leurs convictions, cela exigerait des hommes et des femmes politiques d’aller chercher cet électorat plutôt que de se dire « je suis démocrate donc je peux compter sur l’électorat noir et hispanique » ou « je suis Donald Trump, donc je peux compter sur les blancs ».</p>
<p>Hillary Clinton a eu plusieurs faiblesses en tant que candidate du parti démocrate, l’une d’entre elles était sa proximité avec la communauté noire, qu’elle pensait acquise à sa cause. Hillary a un peu trop compté là-dessus…</p>
<p><strong>Depuis votre démission, vous n’avez pas été remplacé par un nouvel ambassadeur américain à Banguy en Centrafrique, Trump délaisse-t-il la diplomatie ?</strong></p>
<p><strong>J.H. :</strong> Je pense que quelque part Donald Trump s’en fiche complètement. Lorsque Rex Tillerson était à la tête du département d’État [ndlr équivalent du ministère des Affaires étrangères], il était foncièrement hostile à l’institution qu’il dirigeait et demandait des coupes budgétaires importantes. Normalement, le secrétaire d’État lutte pour son département mais lui non. Il ne nommait pas de nouvelles personnes, alors que le processus pour devenir ambassadeur est assez long. Ma nomination, pour être effective, a pris plus d’un an.</p>
<p>Mike Pompeo, ancien directeur de la CIA et aujourd’hui chef de la diplomatie, est peut-être plus fidèle au président et à sa politique que Tillerson l’avait été, mais il a l’intelligence de reconnaître que son département doit être financé pour fonctionner. Il a, assez vite, nommé de nouvelles personnes. Pour la Centrafrique, quelqu’un a été affecté à mon poste, mais à ce jour, ce diplomate n’a pas encore été confirmé par le Sénat.</p>
<p><strong>À votre sens, quel est, le défi le plus important que les États-Unis doivent relever ?</strong></p>
<p><strong>J.H. :</strong> Un défi me vient tout de suite à l’esprit. Hélas, c’est un domaine dans lequel nous faisons très peu de progrès sous ce président. Il s’agit du changement climatique.</p>
<p>Je suis Californien et mon État, dernièrement, a été dévasté par des incendies. Ils n’ont pas été déclenchés par le réchauffement climatique, mais profondément aggravés par la sécheresse due à ce réchauffement. Maintenant, nous avons des ouragans, un climat extrême. Le gouvernement américain, celui de Trump, a publié le 23 novembre dernier, un rapport montrant que l’économie américaine est menacée par ce changement climatique. Pourtant, le président ironise sur ce réchauffement en prétextant qu’il fait froid à Washington. C’est incroyable !</p>
<p>Je me souviens de ma discussion avec le secrétaire d’État de la Marine américaine de passage en Centrafrique lorsque j’étais en poste. Il était profondément inquiet parce qu’il pensait à ce qui arriverait aux navires de guerre américains dans tous les ports si les mers montaient d’un mètre ou 50 cm : les ports seraient inondés.</p>
<p>Nous pouvons évoquer d’autres changements importants comme celui-ci. Heureusement, au niveau local et notamment dans mon État où le gouverneur est très progressiste, nous commençons déjà à y réfléchir et à agir. Mais au niveau du gouvernement fédéral, rien ne se fait et il faudra que Trump parte avant que les États-Unis puissent relever ce défi, qui est essentiel pour moi.</p>
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<figcaption><span class="caption">Jeff Hawkins aux Tribunes de la Presse de Bordeaux 2018 – IJBA – par Philippine Kauffmann et Laurianne Vofo Kana.</span></figcaption>
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<p><em>Propos recueillis par Philippine Kauffmann et Lauriane Vofo Kana, étudiantes en master professionnel de journalisme au sein de l’Institut de Journalisme de Bordeaux Aquitaine (IJBA), sous la supervision de Marie-Christine Lipani, maître de conférences habilitée à diriger les recherches à l’IJBA.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/107982/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Marie-Christine Lipani ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>L’ancien diplomate américain revient sur le phénomène Trump et ses effets.Marie-Christine Lipani, Maitre de conférences en Sciences de l’Information et de la Communication habilitée à diriger des recherches à l'Institut de Journalisme Bordeaux Aquitaine (IJBA), Université Bordeaux MontaigneLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1068062018-11-20T19:36:02Z2018-11-20T19:36:02ZLes guerres du Yémen<p>Porté par la vague révolutionnaire du printemps arabe de 2011, le Yémen se trouve depuis en proie à des bouleversements profonds. Bien que la révolution yéménite soit parvenue à mettre fin au régime autocratique du président Ali Abdallah Saleh, le pays n’a pas réussi sa transition politique. Cet échec s’est traduit par une guerre sanglante qui oppose des acteurs locaux, avec l’interposition d’autres acteurs régionaux et internationaux. La dynamique de ce conflit pluriel a fait émerger un véritable « système de guerres » qui rend extrêmement complexe la scène yéménite.</p>
<h2>Au commencement était le printemps yéménite</h2>
<p>Entamé en janvier 2011, un soulèvement de la jeunesse yéménite aux aspirations progressistes et démocratiques va faire tomber le régime du président Saleh, au pouvoir depuis 33 ans. Malgré une terrible répression en mars 2011, la révolution yéménite gagne en force, attirant dans ses rangs les partis politiques majoritaires et plusieurs groupes sociaux. De plus en plus isolé face aux voix qui réclament son départ, Saleh capitule et accepte un plan élaboré par les États-Unis et le Conseil de la Coopération du Golfe. En novembre 2011, il démissionne et transmet ses pouvoirs à son vice-président Abd Rabbo Mansour Hadi.</p>
<p>En février 2012, Hadi, qui vient d’être élu président à la faveur d’un scrutin à candidat unique, forme un gouvernement d’unité nationale. Entre 2013 et 2014, une Conférence de dialogue national est organisée et aboutit à la formation d’une Commission constitutionnelle. En charge d’une nouvelle organisation de la vie politique yéménite, la Commission décide d’une réduction des pouvoirs présidentiels et d’un modèle étatique basé sur une structure fédérale composée de six provinces.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/246393/original/file-20181120-161644-1qasp8d.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/246393/original/file-20181120-161644-1qasp8d.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=644&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/246393/original/file-20181120-161644-1qasp8d.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=644&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/246393/original/file-20181120-161644-1qasp8d.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=644&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/246393/original/file-20181120-161644-1qasp8d.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=809&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/246393/original/file-20181120-161644-1qasp8d.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=809&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/246393/original/file-20181120-161644-1qasp8d.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=809&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Carte du Yémen.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/2/26/Yemen_carte.png?uselang=fr">Wikipédia</a></span>
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<p>Mais cette configuration est rejetée par les Ansar Allah (les partisans de Dieu), <a href="https://www.brookings.edu/blog/markaz/2017/12/18/who-are-the-houthis-and-why-are-we-at-war-with-them/">communément appelés « les Houthistes »</a>. Il s’agit d’un mouvement contestataire, qui se revendique du <a href="https://iis.ac.uk/encyclopaedia-articles/zaydiyya">chiisme zaydite</a>, établi à Saada, à l’extrême nord-ouest du pays. La région de Saada a été intégrée à la province d’Azal qui s’étend de Sanaa jusqu’au nord du pays. Or, les Ansar Allah exigent que Saada soit considérée comme une province à part entière au sein de l’État fédéral et réclament, en outre, un accès à la Mer rouge. Ce désaccord marque la fin du processus pacifique de transition post-révolutionnaire et plonge le Yémen dans un conflit long et douloureux.</p>
<h2>Les Houthistes à l’offensive</h2>
<p>Craignant que l’histoire se répète et qu’ils deviennent les perdants de la révolution yéménite, les Ansar Allah font le choix de l’affrontement. Le 21 septembre 2014, ils renversent le gouvernement de Hadi et s’emparent de la capitale yéménite, Sanaa. Après cette victoire, les milices d’Abd al-Malik al-Houthi, son dirigeant actuel et, par ailleurs, frère du fondateur du <a href="https://www.lesclesdumoyenorient.com/Comment-s-est-construite-la.html">mouvement</a> continuent leur progression vers les autres régions yéménites.</p>
<p>Avant la fin de l’année 2014, les Houthistes se trouvent à la tête d’une vaste étendue de territoires situés dans le nord du pays. Cette extension territoriale leur a donné accès à des lieux stratégiques, tel le port de Hodeïda, sur la côte Est, par lequel transite la majeure partie des importations yéménites (environ 70 %).</p>
<p>Face à l’ampleur que prend la rébellion houthiste, l’ancien envoyé spécial de l’ONU, Jamal Ben Omar, tente de jouer les médiateurs. Hadi et les Houthistes signent un accord appelé <a href="http://www.europarl.europa.eu/meetdocs/2014_2019/documents/darp/dv/darp20141204_05_/darp20141204_05_en.pdf">« Accord sur la Paix et le Partenariat »</a> garantissant une meilleure représentation des rebelles au sein d’un nouveau gouvernement.</p>
<p>Mais, le 20 janvier 2015, les Houthistes rompent cet accord sous prétexte que certaines de ses clauses n’ont pas été respectées dans le projet constitutionnel qui venait d’être publié par le gouvernement de Hadi. Ils s’emparent du palais présidentiel et poussent Hadi à démissionner. Le 21 février 2015, Hadi, assigné à résidence par les Houthistes, parvient à s’enfuir. Il quitte Sanaa pour la ville portuaire d’Aden, d’où il abroge sa démission et forme une alliance anti-Houthistes. Dès lors, deux gouvernements dirigent le Yémen – l’un établi à Sanaa et l’autre à Aden.</p>
<h2>Une alliance de circonstance avec l’ex-Président Saleh</h2>
<p>À ce stade, les Houthistes, dont le projet politico-territorial est entretenu par des alliances fragiles et incertaines, tentent de resserrer leurs rangs. Dans cette conquête du pouvoir et du territoire, ils jouissent d’un réseau de soutien basé sur les deux pôles du zaydisme au Yémen – religieux et tribal.</p>
<p>Il s’agit de l’ancienne aristocratie religieuse zaydite (descendants du prophète Mohammed appelés Hachémites ou Sayyids) et des tribus des hauts plateaux yéménites. Ces tribus se situent dans les territoires des alliés historiques de l’imamat zaydite au Yémen, les <a href="https://www.worldatlas.com/articles/yemen-s-tribes-and-tribal-confederations.html">Hashid et les Bakil</a>. Cependant, il est largement admis que l’ascension rapide des Houthistes n’aurait pu se faire sans l’alliance fondée avec leur ancien ennemi, le président destitué Saleh, l’instigateur des six guerres brutales (appelées les guerres de Saada) dont ils ont été les victimes entre 2004 et 2010.</p>
<p>Bien que Saleh soit d’origine zaydite, son alliance avec les Houthistes aura été purement stratégique : il s’agit pour lui de revenir sur la scène politique yéménite. De même, les Houthistes ont fait preuve de pragmatisme avec cette alliance qui leur a permis d’accéder à d’importantes ressources militaires. Malgré sa destitution, Saleh a en effet conservé une grande influence sur l’armée nationale, en particulier sur les forces de la garde républicaine et les forces de la sécurité centrale.</p>
<h2>Al-Qaeda, Daech et les sudistes, des obstacles sur la route des Houthistes</h2>
<p>Cependant, la prise de pouvoir des Houthistes n’est pas acceptée par tous au Yémen, loin de là. Des groupes sunnites situés dans la mouvance du salafisme et liés au parti politique Islah (antenne locale des Frères musulmans) forment des poches de résistance dans certains territoires (à Marib, Jawf et Taiz).</p>
<p>Les Houthistes sont également confrontés aux groupes terroristes d’al-Qaeda dans la péninsule arabique (Aqpa) et de l’État islamique au Yémen (Daech). Le premier est né, courant 2009, de la fusion entre al-Qaeda au Yémen et al-Qaeda en Arabie saoudite, tandis que le second a émergé dans le pays en 2015. Ces groupes tirent profit du chaos engendré par la guerre pour étendre leur influence. <a href="http://geopolis.francetvinfo.fr/concurrence-sanglante-entre-Daech-et-al-qaida-dans-le-yemen-en-guerre-88245">Les multiples attentats</a> commis depuis le début du conflit visent à la fois les Houthistes et les partisans de Hadi, et causent de nombreuses victimes parmi les populations, tant chiites que sunnites.</p>
<p>La fuite de Hadi à Aden en février 2015 a déplacé le centre de gravité du conflit vers les régions du sud, foyer d’un autre groupe qui s’oppose aux Houthistes. Il s’agit des partisans du <a href="http://journals.openedition.org/echogeo/5603">mouvement séparatiste sudiste appelé al-Harak</a>. Né en 2007, ce mouvement regroupe une large coalition d’acteurs qui proclament, par des manifestations pacifiques, l’indépendance du Yémen du Sud (unifié avec le Nord en 1990). L’avancée des Houthistes vers Aden est très mal perçue par les populations sudistes, largement acquises à la cause séparatiste, et qui considèrent le régime de Sanaa comme un « occupant ». Ce fort sentiment régionaliste est exploité par Hadi et ses alliés pour freiner l’expansion territoriale des Houthistes.</p>
<p>Face à l’avancée de ces derniers vers Aden en février 2015, Hadi demande en urgence l’intervention militaire de l’Arabie saoudite et se réfugie à Riyad, où il forme un gouvernement en exil. Les Houthistes, de leur côté, cherchent du soutien auprès de l’Iran. Dès lors, la guerre au Yémen entre dans une nouvelle phase, encore plus violente. La régionalisation de la guerre modifie en effet considérablement les modalités et l’expression du conflit yéménite.</p>
<h2>L’Iran et l’Arabie saoudite entrent en scène</h2>
<p>Pour écarter d’emblée toute ambiguïté, il faut rappeler que le conflit irano-saoudien qui se joue au Yémen est géostratégique et en aucun cas confessionnel (chiite/sunnite). Il s’agit d’une <a href="https://www.areion24.news/2018/08/31/rivalites-irano-saoudiennes-la-dimension-maritime/">rivalité maritime</a> autour de l’accès aux infrastructures portuaires de la zone qui s’étend du détroit d’Ormuz, dans le Golfe arabo-persique, au détroit de Bab Al-Mandab, dans le Golfe d’Aden.</p>
<p>Avec la progression des Houthistes vers la ville d’Aden, en février 2015, le détroit de Bab Al-Mandab – par lequel transite 4 % de la demande mondiale en pétrole – risque de tomber entre les mains d’un groupe pro-iranien. Le 26 mars 2015, l’Arabie saoudite lance alors l’opération militaire « Tempête décisive », en s’appuyant sur une coalition de neuf <a href="http://www.europe1.fr/international/une-coalition-militaire-en-action-au-yemen-2410093">pays arabes et musulmans</a>. Ses objectifs déclarés sont de mettre fin à l’offensive des Houthistes et de rétablir au Yémen le gouvernement de Hadi, reconnu comme légitime sur le plan international.</p>
<p>Dans le but de constituer un camp anti-Houthistes et de disposer de troupes locales loyales à Hadi, la coalition arabe mise sur les affiliations tribales, religieuses et régionales, qui jouent un rôle crucial dans l’espace politique yéménite.</p>
<p>D’une part, l’Arabie saoudite s’appuie militairement sur certaines tribus yéménites, notamment les Hashids, qui bénéficient de ses subventions depuis de nombreuses années. Après la révolution de 1962, un comité saoudien doté d’un budget de 3,5 milliards de dollars a ainsi été mis en place pour former un réseau de chefs tribaux yéménites fidèles au Royaume.</p>
<p>D’autre part, les Émiratis, très investis dans la coalition arabe, instrumentalisent le sentiment régionaliste dans le sud du pays afin d’alimenter la guerre contre les Houthistes. Ils soutiennent, en mai 2017, la formation du « Conseil de transition du Sud » à Aden, qui proclame la sécession du sud du Yémen.</p>
<p>Du côté de l’État iranien, si le soutien aux Houthistes est avéré, son impact sur le déroulement du conflit au Yémen reste limité. Au cours de la formation de leur mouvement, les Houthistes se sont inspirés des codes et slogans de la Révolution iranienne de 1979. Le mouvement a également connu un processus de renouveau, rapprochant le chiisme zaydite du chiisme duodécimain, doctrine de l’État iranien.</p>
<p>Toutefois, l’influence la plus significative de l’Iran dans le conflit yéménite se manifeste au niveau militaire avec la fourniture aux Houthistes d’une certaine capacité balistique. Depuis 2015, en effet, ces derniers pilonnent les frontières méridionales de l’Arabie saoudite par des tirs de missiles et frappent des navires civils et militaires (saoudiens et émiratis) dans le Golfe au moyen de missiles anti-navires.</p>
<h2>La lutte antiterroriste, l’autre guerre du Yémen</h2>
<p>Mais la complexité du conflit yéménite va au-delà des clivages internes et des rivalités régionales en raison de la guerre antiterroriste qui se joue en arrière-plan. Les questions sécuritaires liées à la présence de groupes terroristes au Yémen ont donné une dimension internationale à cette guerre.</p>
<p>Depuis 2011, les frappes ciblées menées par les drones américains contre les camps d’entraînement des groupes terroristes (Aqpa et Daech) au Yémen se sont intensifiées, notamment dans les régions de Marib, Shabwa, Baydha, Hadramaout et Abyan. Le rôle des Américains dans la guerre contre le terrorisme au Yémen remonte aux années 2000, à l’attaque de l’USS Cole dans le port d’Aden et aux attentats du 11 septembre 2001. Dans le conflit actuel, les États-Unis offrent également un soutien logistique aux forces émiraties, cibles de plusieurs attentats terroristes.</p>
<p>Néanmoins, l’intervention de ces acteurs régionaux et internationaux dans la guerre yéménite n’aura que très peu modifié les lignes sur le champ de bataille. Certes, l’opération « Tempête décisive » a stoppé la progression des Houthistes vers les régions méridionales placées, depuis septembre 2015, sous le contrôle des forces gouvernementales. En revanche, les Houthistes maintiennent toujours leurs positions dans le nord du pays, et cela malgré la rupture de leur alliance avec Saleh, qu’ils ont fait assassiner le 4 novembre 2017.</p>
<h2>Face à l’apocalypse yéménite, des efforts de paix hors de propos</h2>
<p>Aujourd’hui, à l’heure où la guerre fait toujours rage, les appels à la paix se multiplient. Les quatre années du conflit yéménite ont entraîné une crise humanitaire sans précédent. <a href="https://www.lepoint.fr/monde/22-millions-de-yemenites-ont-besoin-d-aide-16-01-2018-2186992_24.php">Les chiffres sont effrayants</a> : environ 10 000 victimes (dont 60 % de civils), 50 000 blessés, 3 millions de déplacés (sur une population estimée à 27 millions), 80 % de la population dépendant de l’aide humanitaire, 7 millions de personnes exposées au risque de famine et plusieurs milliers de morts dus au choléra. À cela s’ajoutent les crimes de guerres perpétrés par tous les acteurs du conflit, dont la destruction des infrastructures et du patrimoine matériel, l’enrôlement d’enfants dans les forces armées, etc.</p>
<p>En outre, la polarisation du conflit yéménite autour des clivages tribaux, régionaux et religieux a accentué les antagonismes dans une société qui est déjà profondément divisée. Ces déchirures compliquent la mise en place du processus de pacification.</p>
<p>Jusqu’à présent, aucune des parties au conflit au Yémen n’a donné la moindre indication quant à la possibilité d’une solution autre que militaire. Ainsi, aucun des pourparlers engagés par l’ONU depuis 2014 (en Suisse et au Koweït) n’ont abouti à un résultat.</p>
<p>Dernièrement, l’<a href="https://theconversation.com/laffaire-khashoggi-nouvel-avatar-de-lopposition-entre-la-turquie-et-larabie-saoudite-106826">affaire Khashoggi</a> a incité les hauts responsables des gouvernements américain, français et britannique à hausser le ton, appelant le Royaume saoudien à mettre un terme à la guerre au Yémen. Depuis, on assiste à certaines avancées dans le dossier yéménite. La coalition arabe vient ainsi d’accepter un cessez-le-feu en stoppant ses offensives sur le port de Hodeïda, assiégé depuis le mois de juin.</p>
<p>Parallèlement, le nouvel envoyé spécial de l’ONU au Yémen, Martin Griffiths, a relancé le processus de paix en annonçant de nouveaux pourparlers en Suède dans les <a href="https://www.france24.com/fr/20181114-yemen-desescalade-hodeida-emirats-pourparlers-suede-emirats-eau">semaines à venir</a>. Mais cette énième tentative de paix n’aura aucune chance de réussir si l’ONU ne renouvelle pas sa lecture du conflit yéménite.</p>
<p>Il ne fait aucun doute que la paix au Yémen est étroitement liée aux intérêts des pays régionaux et internationaux. Toutefois, pour l’heure, seuls les acteurs locaux sont invités à participer aux pourparlers de l’ONU. Pire, la représentation dans ces discussions se limite aux Houthistes et au gouvernement de Hadi. Ils sont pourtant loin d’être les seuls acteurs influents au niveau local.</p>
<p>Cette configuration de la paix est très réductrice et ne reflète en rien la réalité que les quatre années de conflit ont engendrée sur la scène yéménite en termes de rapports de force. Il est illusoire d’élaborer un plan de paix sans prendre en considération la pluralité des acteurs du conflit yéménite et des enjeux locaux, régionaux et internationaux qui s’y superposent.</p>
<hr>
<p><em>Nous proposons cet article dans le cadre du Forum mondial Normandie pour la Paix organisé par la Région Normandie le 30 septembre et le 1er octobre 2021 et dont The Conversation France est partenaire. Pour en savoir plus, visiter le site du <a href="https://normandiepourlapaix.fr/">Forum mondial Normandie pour la Paix</a></em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/106806/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Samah Mohamed ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Il est illusoire d’élaborer un plan de paix sans prendre en considération la pluralité des acteurs du conflit yéménite et des enjeux locaux, régionaux et internationaux qui s’y superposent.Samah Mohamed, Historienne, chercheur associé à l'IREMAM, Aix-Marseille Université (AMU)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1068262018-11-15T21:40:18Z2018-11-15T21:40:18ZL’affaire Khashoggi, nouvel avatar de l’opposition entre la Turquie et l’Arabie saoudite<p>Les fuites organisées par Ankara des <a href="https://www.challenges.fr/monde/la-turquie-a-transmis-des-enregistrements-sur-khashoggi-aux-occidentaux_625303">documents macabres de l’assassinat du journaliste saoudien Jamal Khashoggi</a>, le 2 octobre 2018, au consulat d’Istanbul ont profondément déstabilisé le royaume saoudien, tendant à transformer les équilibres géopolitiques dans la région. Le Président Turc, Recep Tayyip Erdogan, y voit une réelle opportunité de relancer sa politique étrangère. Ce dernier cherche en effet à consolider ses positions sur plusieurs dossiers de la région, notamment sur l’affaire du blocus diplomatique et économique de son allié qatari (en vigueur depuis 2017).</p>
<p>Au-delà du fait divers, que retenir de l’affaire Khashoggi ? Elle confirme, en premier lieu, les craintes d’une vision hasardeuse et hégémonique de la politique étrangère du royaume d’Arabie saoudite. Ensuite, cette affaire vient raviver une ancienne et profonde ligne de fracture idéologique au Moyen-Orient, bien souvent éclipsée par la très médiatique opposition sunnite/chiite : celle du fossé idéologique des deux grandes puissances régionales sunnites.</p>
<p>Enfin, et de ce fait, on observe une inquiétante recomposition des alliances, autour de la question du leadership régional, qui pourrait marquer le rapport de force au Moyen-Orient et retarder la stabilisation du Moyen-Orient.</p>
<h2>Les errements diplomatiques du système Mohammed ben Salman</h2>
<p>Déjà déstabilisée l’année précédente par l’enlèvement présumé du premier ministre libanais Saad Hariri, la politique étrangère saoudienne a continué à enregistrer plusieurs revers diplomatiques : le <a href="http://www.lefigaro.fr/flash-actu/2017/11/18/97001-20171118FILWWW00059-l-arabie-saoudite-rappelle-son-ambassadeur-a-berlin.php">rappel de l’ambassadeur saoudien à Berlin</a> suite aux déclarations du ministre des Affaires étrangères allemand, la cristallisation des tensions diplomatiques avec la Suède, le gel des relations commerciales et l’<a href="https://www.france24.com/fr/20180806-riyad-expulse-ambassadeur-canada-critiques-droits-lhomme-badawi-arabie-saoudite">expulsion de l’ambassadeur canadien du royaume wahhabite</a> ont fait entrer la politique extérieure du prince héritier Mohammed ben Salman (« MBS ») dans une zone de turbulences dangereuse pour sa légitimité en interne.</p>
<p>Mais ce sont naturellement les relations avec les États-Unis qui posent le plus question. La lune de miel entre Donald Trump et MBS, initiée lors du premier voyage diplomatique du Président américain à Riyad, le 20 mai 2017, semble aujourd’hui être remise en cause par le malaise perceptible de l’administration américaine face aux agissements des Saoudiens dans l’affaire Khashoggi.</p>
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<p>Loin de constituer une simple menace à court terme sur la relation américano-saoudienne (depuis 1945), l’événement restera dans les mémoires et pourrait, le cas échéant, influencer le processus décisionnel américain dans ses relations avec l’Arabie saoudite, mais également dans la construction de sa politique au Moyen-Orient.</p>
<p>Dans le même temps, la politique régionale du royaume est elle aussi entachée de plusieurs échecs. Riyad n’est pas parvenu, via le blocus du Qatar, à faire rentrer dans le rang le micro-Etat voisin : son PIB poursuit sa croissance malgré l’embargo et Al Jazzera continue d’émettre depuis Doha.</p>
<p>Mais c’est plus particulièrement le conflit yéménite et la crise humanitaire subséquente qui, bien que restant en dehors des grandes préoccupations de l’actualité internationale, met en lumière la vision hasardeuse et quelque peu instinctive des stratégies de politiques étrangères saoudiennes.</p>
<h2>La (re)découverte d’une ligne de fracture idéologique au Moyen-Orient</h2>
<p>Les relations entre la Turquie et l’Arabie saoudite sont compliquées depuis bien longtemps. Au XIX<sup>e</sup> siècle déjà, l’Empire turc ottoman avait par deux fois stoppé l’expansion territoriale de la famille Al Saoud sur les terres d’Arabie. Le temps n’est certes plus à la confrontation d’un Empire contre un Royaume, mais bien à celle d’une opposition entre deux puissances régionales sunnites souveraines aux idéologies radicalement différentes. L’essentiel réside dans la configuration politique et idéologique des deux pays.</p>
<p>À l’heure d’un néo-ottomanisme turc – initié depuis 2009 par l’ancien ministre des Affaires étrangères Ahmet Davutoglu –, Ankara revêt toutefois les apparats de l’État de droit laïc et social (article 2 de la Constitution turque), institutionnalisé et rationnel, fonctionnant selon un modèle d’ordre démocratique. Et cela, bien que le Président turc s’emploie à définir ce qui est « raisonnablement » acceptable dans une démocratie.</p>
<p>Le candidat du parti islamiste modéré Erdogan a néanmoins remporté <a href="https://theconversation.com/lopposition-turque-peut-elle-sunir-et-faire-obstacle-a-erdogan-96973">plusieurs élections successives</a>. Et s’il paraît plus difficile aujourd’hui qu’il y a dix ans de parler d’une Turquie démocratique, cela reste une réalité en terme d’élection, de représentation des partis politiques et de débats contradictoires (bien qu’ayant lieu dans les médias contrôlés par l’État central).</p>
<p>Que l’on ne s’y trompe pas : l’idée ici n’est pas de vanter les mérites de la démocratie moderne turque, largement battue en brèche (en témoignent les purges successives du régime effectuées dans les médias, dans la justice, les <a href="https://theconversation.com/nous-avons-un-devoir-de-solidarite-a-legard-des-universitaires-et-etudiants-turcs-pour-la-paix-88512">universités</a>, etc.), mais de souligner que les institutions politiques et sociales de la Turquie continuent d’effrayer le modèle monarchique défendu par l’Arabie saoudite.</p>
<p>Par ailleurs, le parti politique du Président Erdogan, l’AKP (Parti de la justice et du développement), incarne une perspective islamiste modérée dans la région qui vient directement s’opposer aux préceptes rigoristes de l’islam wahhabite émanant de Riyad. Proche des Frères musulmans, l’idéologie de l’AKP s’oppose frontalement à l’idée même d’une monarchie dans le monde musulman sunnite qu’elle considère comme dépourvue de toute légitimité islamique.</p>
<p>Ces différences correspondent d’ailleurs aux positions géopolitiques défendues par les deux puissances rivales au cours des soulèvements arabes de 2011. D’un côté, les Turcs ont assisté avec satisfaction à la montée en puissance des Frères musulmans dans plusieurs pays du Moyen-Orient (Égypte, Tunisie) ; de l’autre, la monarchie saoudienne regardait avec inquiétude cette menace existentielle grandissante dans son giron régional, n’hésitant pas lorsque celle-ci est trop proche de ses frontières à intervenir militairement, comme ce fut le cas le 14 mars 2011 <a href="https://www.la-croix.com/Monde/Moyen-Orient/Bahrein-base-arriere-lArabie-saoudite-2017-07-31-1200866773">à Bahreïn</a>.</p>
<h2>Vers une recomposition des équilibres régionaux sunnites ?</h2>
<p>Le Président turc joue des circonstances internationales pour renforcer sa position dans la région. Derrière l’indignation suscitée par la mort de Khashoggi émerge tout d’abord la question du leadership régional. Depuis le palais blanc d’Ankara, l’administration Erdogan se sait en position favorable pour renégocier plusieurs grands dossiers : de la gestion de la crise syrienne au rapprochement avec l’Iran, sans oublier le blocus qatari, ou bien encore la lutte contre l’État islamique ou encore la redéfinition de ses relations avec l’OTAN.</p>
<p>Ankara a donc décidé de tirer profit de la situation pour défendre la « vérité » et se présenter comme le porte-étendard de la justice au Moyen-Orient. La Turquie fait à la fois le pari stratégique d’un jeu à somme nul (tout ce qui est perdu par l’Arabie saoudite sera gagné par la Turquie) et celui d’un retour rapide aux enjeux de la realpolitik mercantiliste (l’Arabie saoudite représentant un partenaire économique important pour Ankara).</p>
<p>Cette ambiguïté est-elle tenable ? Réaliste ? Il est trop tôt pour le dire. Mais c’est à un jeu d’équilibriste turc auquel nous assistons au travers de l’affaire Khashoggi.</p>
<p>Pour certains observateurs, la finalité serait de faire déchoir le prince Mohammed ben Salman de son statut de prince héritier du trône d’Arabie saoudite, en raison des relations complexes qu’il entretient avec l’homme fort d’Ankara. Pour d’autres, il s’agirait davantage de donner un nouveau sursaut à la nouvelle politique turque dont la grammaire avait encore largement été impensée par l’administration d’Erdogan.</p>
<p>Quoi qu’il advienne, l’opposition des deux puissances retarde un peu plus la quête de stabilité du Moyen-Orient, alimentant d’autant la dynamique du chaos dont personne n’a la maîtrise.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/106826/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Victor Valentini ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Le bras de fer entre les deux puissances suscité par l’assassinat du journaliste saoudien en Turquie fait resurgir le fossé idéologique qui sépare ces deux grandes puissances régionales sunnites.Victor Valentini, Docteur en Science Politique, Spécialiste de la péninsule arabique, Université Clermont Auvergne (UCA)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/992612018-07-05T02:25:23Z2018-07-05T02:25:23ZDemain, la guerre contre l’Iran ?<p>La détente récente entre États-Unis et Corée du Nord peut être vue comme le prélude à une montée des tensions avec les Iraniens, peut-être jusqu’à la guerre, comme le soulignait récemment <a href="https://www.haaretz.com/us-news/.premium-trump-kim-north-korea-summit-mean-for-war-with-iran-and-israel-1.6163006">Anshel Pfeffer dans <em>Haaretz</em></a>. Un tel scénario, si dangereux pour l’ensemble du Moyen-Orient, et donc pour la stabilité internationale, est-il vraiment possible aujourd’hui ?</p>
<h2>Le rejet des négociations avec Téhéran</h2>
<p>Quand on évoque une guerre future impliquant l’Iran, on pense à trois possibilités, principalement :</p>
<ul>
<li><p>une opposition directe entre Washington et Téhéran ;</p></li>
<li><p>le réchauffement de la guerre froide entre Arabie saoudite et Iran ;</p></li>
<li><p>une guerre opposant Israël et l’Iran, plus particulièrement sur le champ de bataille syrien.</p></li>
</ul>
<p>L’administration Trump compte en son sein au moins trois opposants de premier plan à l’influence iranienne au Moyen-Orient : James Mattis, ministre de la Défense (dont la modération récente est à <a href="https://www.politico.com/story/2018/01/16/mattis-defense-iran-nuclear-285473">mettre en perspective</a>, et pourrait n’être que temporaire) ; Mike Pompeo, Secrétaire d’État ; et John Bolton, conseiller à la sécuritaire nationale.</p>
<p>Clairement, cette administration n’apparaît pas comme intéressée par de réelles négociations : <a href="https://www.washingtonpost.com/news/worldviews/wp/2018/05/22/the-white-houses-wishful-thinking-on-iran-and-north-korea/?utm_term=.96a827d0d167">Stephen Walt</a>, professeur de relations internationales à Harvard, a récemment comparé la douzaine de demandes américaines exprimées par Mike Pompeo à l’endroit de l’Iran à l’ultimatum de l’Empire austro-hongrois à la Serbie, avant la Première Guerre mondiale…</p>
<p>Après tout, ces demandes se résument à intimer l’ordre à l’Iran d’abandonner ses politiques de sécurité et d’influence régionale, ce qui serait fatal non seulement pour le régime actuel, mais aussi pour tout gouvernement indépendant et patriote.</p>
<p>Comme l’explique le président du Conseil américano-iranien <a href="https://en.wikipedia.org/wiki/Trita_Parsi">Trita Parsi</a> : <a href="https://www.independent.co.uk/voices/us-iran-policy-nuclear-deal-trump-rouhani-weapons-mike-pompeo-a8363486.html">« Quand on associe des demandes irréalistes à une pression massive, on crée sciemment une évolution vers la confrontation. »</a>) De fait, Washington semble plutôt viser une déstabilisation de régime iranien, et se contente, pour l’instant, d’une <a href="https://lobelog.com/they-want-war-with-iran-theyre-settling-for-economic-war/">guerre économique</a> pour atteindre ce but.</p>
<h2>Comme un air d’Irak en 2003</h2>
<p>En réalité, cette attitude était déjà celle d’administration Trump avant que les Américains ne se retirent de l’accord sur le nucléaire iranien. Après tout, alors que l’Iran le respectait, il semble bien que Washington <a href="https://www.theatlantic.com/international/archive/2018/04/iran-deal/559235/">ait violé</a> les sections 26, 29 et 33 devant permettre la réintégration économique de l’Iran dans la communauté internationale. Le retrait n’a fait que confirmer le refus américain, sous l’actuelle présidence, de voir l’Iran réintégrer la communauté internationale, et donc de pouvoir se développer économiquement.</p>
<p>Continuer de faire de l’Iran un paria, c’est chercher à l’étouffer économiquement, pour le renverser sans avoir à bombarder. Ou le pousser à relancer son programme nucléaire, ce qui offrirait l’excuse d’une <a href="https://foreignpolicy.com/2018/05/08/the-art-of-the-regime-change/">guerre préventive</a>.</p>
<p>Plus largement, l’argumentaire actuel contre l’Iran, considérée comme radicalement déstabilisatrice pour le Moyen-Orient, est non seulement <a href="https://foreignpolicy.com/2018/01/16/the-islamic-republic-of-hysteria-iran-middle-east-trump/">faux</a> car simpliste, mais il fait aussi étrangement penser à ce qu’on a pu entendre avant la <a href="http://nationalinterest.org/feature/the-3-step-guide-tricking-america-war-25995?page=show">guerre d’Irak de 2003</a>.</p>
<p>Rudy Giuliani, conseiller et avocat du président Trump, va jusqu’à affirmer qu’un changement de régime en Iran est <a href="https://edition.cnn.com/2018/05/10/politics/mattis-iran-deal-bolton-giuliani/index.html">plus important</a> pour la paix au Moyen-Orient qu’un accord entre Israéliens et Palestiniens… Si la déstabilisation par la guerre économique ne marche pas, l’emploi de la force sera forcément <a href="https://www.haaretz.com/middle-east-news/.premium-trump-pushes-sanctions-to-trigger-regime-change-in-iran-it-won-t-work-1.6112479">tentant</a> pour certains au sein de l’actuelle administration américaine.</p>
<h2>Israël et l’Arabie saoudite, soutiens des faucons américains</h2>
<p>Pourtant, les ardeurs belliqueuses de Washington sont limitées par l’effort militaire conséquent que signifierait une attaque de l’Iran. Et une telle action militaire, si elle allait jusqu’au bout de sa logique, avec une occupation du pays, serait ingérable sans un retour à la <a href="https://www.usatoday.com/story/opinion/2018/05/31/iran-regime-change-american-troops-military-draft-column/656240002/">conscription</a>. Ces réalités expliquent la résistance d’un ancien militaire comme Mattis face à la vision idéologique de certains civils dans l’administration Trump.</p>
<p>Mais les faucons américains les plus bellicistes ont des alliés au Moyen-Orient, qui pourraient soutenir la politique du pire. Si, sur le dossier nord-coréen, on a un voisinage sud-coréen qui pousse l’Amérique à la modération, au Moyen-Orient, les principaux alliés de Washington – Israël et l’Arabie saoudite – considèrent le régime iranien comme un ennemi avec lequel la négociation serait impossible. Et contre lequel l’action militaire peut être une option.</p>
<p>Iraniens et Israéliens ont des positions irréconciliables sur la Syrie : les premiers veulent s’y maintenir, les seconds refusent radicalement un tel scénario. Pour l’instant, les accrochages entre les deux pays sont restés limités, mais le risque d’un dérapage militaire demeure réel. Israël (tout comme les États-Unis) mise pour l’instant sur une <a href="https://www.theguardian.com/commentisfree/2018/may/11/israel-war-iran-crisis-tehran-airstrikes-syria-netanyahu">déstabilisation interne</a> du régime iranien. Ce scénario n’étant pas forcément une évidence, comme on le verra plus loin, le désir d’une action militaire plus directe pour contrer l’Iran en Syrie, par exemple, pourrait être une action envisageable par l’État hébreu.</p>
<p>Quant à l’Arabie saoudite, son opposition à l’Iran est encore plus radicale : c’est une composante importante du nationalisme promu par Riyad. Certains Saoudiens exagèrent les capacités hégémoniques de l’Iran au Moyen-Orient : on en a un bon exemple avec un journaliste de premier plan dans le royaume, Jamal Khashoggi, qui parle, à propos de la situation actuelle au Moyen-Orient, d’un <a href="https://www.voanews.com/a/why-saudi-arabia-consider-iran-threat/3175594.html">« moment 1939 »</a>.</p>
<p>La peur que l’Iran suscite en Arabie saoudite comme concurrent régional ne fera donc pas du royaume un agent de modération, c’est le moins qu’on puisse dire. On peut même considérer que ces deux pays sont déjà <a href="http://foreignpolicy.com/2017/12/21/what-would-a-saudi-iran-war-look-like-dont-look-now-but-it-is-already-here-4/">indirectement en guerre</a>, et qu’une escalade entre les deux pays, par exemple au Yémen, est très possible, avec les risques que cela implique.</p>
<h2>L’Iran se prépare à une guerre asymétrique</h2>
<p>Le danger d’un dérapage guerrier, même s’il n’est globalement pas souhaité, est donc loin d’être négligeable, au niveau international ou régional. Mais qu’en est-il de l’attitude de l’Iran elle-même ? A-t-elle des intentions bellicistes ?</p>
<p>D’un point de vue militaire, l’Iran n’a pas investi en priorité dans son armée conventionnelle. Au contraire, elle s’est d’abord préparée à une possible guerre asymétrique, avec les États-Unis comme l’ennemi le plus probable.</p>
<p>Téhéran a un budget militaire bien modeste par rapport à celui de ses voisins : même les Émirats Arabes Unis dépensent <a href="https://foreignpolicy.com/2015/07/10/the-myth-of-the-iranian-military-giant/">deux fois plus</a> que l’Iran pour leur défense. Téhéran n’a pas accès aux armes les plus sophistiquées de l’Occident, qui se refuse à lui vendre les matériels qu’ils fournissent à l’Arabie saoudite ou à Israël, et manque de moyens financiers pour rivaliser avec ces deux pays dans la course aux armements.</p>
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<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.americansecurityproject.org/national-security-strategy/u-s-bases-in-the-middle-east/">Google</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
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<p>Un simple coup d’œil sur une carte de l’Iran montre que la République islamique est entourée de bases et <a href="http://www.presstv.com/Detail/2018/01/30/550726/How-many-military-bases-US-has-in-Middle-East">troupes américaines</a>, ainsi que de pays proches alliés des États-Unis ou de l’Arabie saoudite.</p>
<h2>Un arsenal de missiles pour parer une possible invasion</h2>
<p>Dès lors, les élites iraniennes ont fait le choix de rendre toute attaque-invasion particulièrement difficile, plutôt que de se concentrer sur des capacités réellement offensives. C’est avec cette logique à l’esprit qu’il faut comprendre le grand nombre de missiles balistiques iraniens : à défaut d’une aviation assez puissante, il s’agit surtout d’une arme capable de cibler une concentration de forces prête à l’invasion, ou des infrastructures régionales en réponse à une attaque conventionnelle.</p>
<p>Suite au traumatisme causé par la guerre Iran-Irak, et la large utilisation de missiles par Saddam Hussein, cet arsenal est vu comme un moyen efficace de protéger le régime et le peuple iraniens face à une agression militaire extérieure. Et on aurait tort de penser que la supériorité militaire américaine pourrait permettre d’annuler les avantages asymétriques de l’Iran.</p>
<p>On l’a bien vu lors de la simulation de guerre intitulée <a href="https://www.huffingtonpost.com/entry/opinion-parsi-war-with-iran_us_5abd46fde4b055e50acc2e82">« Millenium Challenge »</a> organisée par Pentagone pour voir comment la marine américaine résisterait à une attaque iranienne. Le résultat a été sans appel : 16 bateaux coulés, dont un porte-avions, et l’exercice a été suspendu en urgence, afin d’en changer les règles et de permettre, en fin de compte, une victoire américaine…</p>
<p>Le général de brigade Hossein Salami, le numéro deux des Pasdarans ou Corps des Gardiens de la Révolution, a bien résumé l’approche militaire iranienne : <a href="https://www.mepc.org/journal/defensive-dimension-irans-military-doctrine-how-would-they-fight">défensive</a> au niveau de la stratégie d’ensemble, mais très offensive à partir du moment où un ennemi commence une guerre contre l’Iran.</p>
<p>Les Iraniens ne chercheront vraisemblablement pas les hostilités, mais dans le cas d’une attaque, l’assaillant peut s’attendre à être confronté à une terrible guerre asymétrique en territoire iranien, et sans doute plus largement au Moyen-Orient : au moins par un renforcement de l’aide au Hezbollah au Liban, et en l’incitant à réagir à une guerre contre l’Iran ; par des actions contre les intérêts américains en Syrie et en Irak ; et par un renforcement de l’aide aux Houthis au Yémen pour mettre les Saoudiens en difficulté.</p>
<h2>A Téhéran, la crainte d’un coup de force bonapartiste</h2>
<p>La politique agressive de l’administration Trump pourrait renforcer les plus radicaux en Iran, ceux qui croient le moins en une possibilité d’apaisement avec l’Occident. Rappelons que les « principlistes » (les conservateurs iraniens) ont perdu toutes les élections depuis 2013. Aujourd’hui, ils peuvent présenter leur vision des relations internationales comme étant la seule valable, les modérés autour du président Rouhani, et même Ali Khamenei, le Guide de la Révolution, s’étant fourvoyés dans un projet de dialogue avec Washington qui n’a pas apporté les résultats espérés.</p>
<p>L’actuelle visite d’Hassan Rouhani en Autriche et en Suisse risque de ne rien changer à ce sujet : c’est sans doute le dernier déplacement du Président iranien en Europe avant la réimposition de sanctions par les Américains (à partir du <a href="https://thediplomat.com/2018/05/trump-withdraws-us-from-iran-deal-reimposes-sanctions-heres-whats-next/">6 août</a>). Et cet événement a été éclipsé par un bien étrange complot terroriste déjoué à temps, censé avoir visé des opposants iraniens réunis à Paris le 30 juin dernier. Or on voit mal ce que le régime iranien aurait à gagner dans une attaque terroriste en Europe, où il cherche désespérément à trouver des appuis pour sauver l’accord sur le nucléaire iranien.</p>
<p>Les Iraniens savent pertinemment que des attaques sur sol européen sont une <a href="https://www.theguardian.com/us-news/2018/may/22/mike-pompeo-iran-assassination-operations-europe">ligne rouge</a> à ne pas franchir. Que les allégations d’un tel complot présumé soient révélées avant l’arrivée du président Rouhani en Autriche, et avant la rencontre décisive du ministre des Affaires étrangères iranien avec les représentants des cinq puissances toujours officiellement associées à l’accord (France, Grande-Bretagne, Chine, Russie, Allemagne) explique la réaction ironique de <a href="https://twitter.com/JZarif/status/1013813850112692226">Javad Zarif</a>.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1013813850112692226"}"></div></p>
<p>La République islamique s’est dit prête à coopérer avec les autorités concernées et a <a href="https://aawsat.com/english/home/article/1319181/iran-slams-%E2%80%98sinister%E2%80%99-paris-attack-plot-against-it">condamné</a> clairement le terrorisme. Mais même si pour les autorités iraniennes, il s’agit d’un complot contre le sauvetage de l’accord sur le nucléaire, cette affaire risque de peser sur ses rapports avec une Europe pressée par <a href="http://time.com/5329501/europe-trump-iran-deal/">Donald Trump</a> de s’associer à sa politique contre Téhéran. Il est peu probable que les réformistes et modérés iraniens obtiennent avec ce déplacement la victoire diplomatique dont il aurait bien besoin face aux principlistes.</p>
<p>Pire encore, un risque de coup de force militaire pourrait survenir au profit des conservateurs : le président Rouhani représentait un atout pour Ali Khamenei, le guide suprême de la Révolution, tant qu’un apaisement avec l’Occident était possible. Aujourd’hui, ce n’est plus le cas, et sa politique économique a mécontenté les classes populaires. Les récentes manifestations, les tensions avec Washington, de <a href="https://www.aljazeera.com/indepth/opinion/military-coup-iran-180424144510759.htm">récents remaniements au sein des forces armées</a>, amènent à penser que pour une partie des élites à Téhéran, une orientation <a href="https://legrandcontinent.eu/2018/04/01/le-prochain-president/amp/?__twitter_impression=true">bonapartiste</a> est une possibilité.</p>
<p>Certains parlent d’un coup d’État faisant tomber Rouhani, ou d’une « présidence militaire » à l’issue de son mandat. Si le scénario d’une reprise en main par des forces plus militaristes, nationalistes et conservatrices devient réalité, alors, on peut s’attendre à des tensions plus importantes au niveau régional.</p>
<h2>Union sacrée à Téhéran contre Donald Trump</h2>
<p>Quoi qu’il arrive, le régime est renforcé plus qu’affaibli par l’hostilité américaine, et les conservateurs reviennent en force grâce à la divine surprise que leur offre Donald Trump.</p>
<p>Du point de vue iranien, les Américains et leurs alliés israélien et saoudien ont un problème non pas seulement avec le régime, mais avec l’Iran comme puissance régionale. Leur but serait donc de <a href="https://www.al-monitor.com/pulse/originals/2018/06/iran-reaction-trump-jcpoa-nuclear-deal-zahedi-nationalism.html">démembrer le pays</a>, de le pousser à la <a href="http://www.middleeasteye.net/columns/iran-not-north-korea-why-trumps-goal-iran-may-go-well-beyond-regime-change-604890459">guerre civile</a>.</p>
<p>Une vision iranienne qui semble, en partie, conforme à une certaine réalité : on constate un intérêt marqué de l’Arabie saoudite pour la minorité baloutche iranienne… et des <a href="http://www.scmp.com/week-asia/geopolitics/article/2127066/if-trump-and-saudi-arabia-tinker-iran-it-teeters-towards">mouvements financiers suspects</a> qui pourraient profiter aux séparatistes djihadistes évoqués dans une <a href="https://theconversation.com/liran-sur-le-qui-vive-face-a-la-menace-djihadiste-82924">précédente analyse</a>.</p>
<p>La réaction nationaliste face à ces menaces réelles est telle qu’on constate une réconciliation des élites, dans un sens favorable au régime, y compris celles qui ont été réprimées pour leur association au <a href="https://www.cairn.info/revue-savoir-agir-2010-2-page-117.htm">Mouvement vert</a>. L’idée des réformateurs et modérés, selon laquelle il serait possible d’avoir un dialogue avec l’Occident, semble être passée de mode, au moins pour un temps.</p>
<p>Quand on ajoute à cette union nationale, le fait que les <a href="https://muftah.org/iran-protests-extension-of-islamic-republic-ethos/">récentes manifestations en Iran</a>, y compris celles impliquant le <a href="https://www.bourseandbazaar.com/articles/2018/6/26/closure-of-the-bazaar-in-tehran-reflects-fierce-elite-rivalry-not-popular-politics">bazar de Téhéran</a>, ne sont pas forcément unies par un sentiment anti-régime, on comprend que le désir d’un changement de régime de l’intérieur a bien peu de chance de se réaliser.</p>
<p>Ce qui pourrait, en définitive, pousser certains faucons américains à demander une action militaire plus directe.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/99261/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Didier Chaudet ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Encouragée par l’Arabie saoudite et Israël, l’administration Trump cherche à étouffer économiquement un Iran qui se sent assiégé. Une stratégie risquée qui pourrait à terme dégénérer en guerre ouverte.Didier Chaudet, Attaché scientifique, Institut français d'études sur l'Asie centraleLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.