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montagne – The Conversation
2024-02-12T16:08:48Z
tag:theconversation.com,2011:article/223244
2024-02-12T16:08:48Z
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Ultra-trail du Mont-Blanc : pourquoi l’appel au boycott a échoué
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/574663/original/file-20240209-26-xv4gn0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=49%2C67%2C1995%2C1465&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le nombre de participants à l’édition 2024, prévue à la fin de l’été, a bondi de 34 % par rapport à l’année précédente.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/mammaoca2008/5458694967">Flickr/Simona</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Le 15 janvier 2024, Kilian Jornet et Zach Miller, deux grands champions d’ultra-trail, discipline de course à pied longue distance dans la nature, appelaient les meilleurs coureurs du monde à boycotter la prochaine édition de l’épreuve du Mont-Blanc, prévue à la fin de l’été. Cet appel, lancé par un <a href="https://jogging-international.net/actualites/kilian-jornet-et-zach-miller-appellent-au-boycott-de-lutmb-mont-blanc-2024/">e-mail</a> adressé à une centaine de coureurs appartenant à l’élite ainsi qu’à des membres de leur encadrement, a enflammé la toile la semaine qui a suivi.</p>
<p>Après avoir reconnu le rôle joué par l’Ultra-trail du Mont-Blanc (UTMB) dans la reconnaissance mondiale de la discipline, les champions se disent particulièrement inquiets des dérives économiques, environnementales et éthiques de l’épreuve.</p>
<blockquote>
<p>« Il y a une multitude de choses que nous pourrions citer qui nous préoccupent, mais l’essentiel est que nous pensons qu’ils ne se gèrent pas et ne gèrent pas leur(s) évènement(s) d’une manière qui soit dans le meilleur intérêt du sport et de ses pratiquants. »</p>
</blockquote>
<p>La diffusion de ce mail a dans un premier temps provoqué un coup de tonnerre dans l’univers du trail, car elle faisait suite à de nombreux éclairs annonciateurs qui avaient émaillé la presse l’été dernier sous forme de critiques. Ces dernières visaient principalement le <a href="https://piochemag.fr/pas-de-sport-sur-une-planete-morte-lultra-trail-du-mont-blanc-divise-le-monde-du-trail/">gigantisme de l’évènement</a>, le <a href="https://www.lefigaro.fr/sports/autres-sports/l-ultra-trail-du-mont-blanc-un-mythe-a-l-epreuve-des-critiques-20230831">contresens écologique</a> du contrat de sponsoring avec la marque automobile low cost Dacia, ou encore le modèle de gestion mercantile <a href="https://www.outside.fr/hors-serie-utmb-le-sport-business-a-t-il-eu-raison-de-lesprit-trail/">inspiré par la société organisatrice de compétitions d’élite du triathlon IronMan</a>.</p>
<h2>34 % d’inscrits en plus</h2>
<p>De nombreuses réactions ont suivi cette annonce dans la presse et sur les réseaux sociaux, alimentant une véritable controverse et obligeant les organisateurs de cet évènement <a href="https://www.lequipe.fr/Ultra-trail/Actualites/Catherine-poletti-cofondatrice-de-l-utmb-on-est-obliges-de-faire-des-choix-et-des-compromis/1444989">à clarifier leur position</a>. Puis, aussi rapidement que la polémique avait enflé, elle s’est dissipée dans les limbes du massif du Mont-Blanc. Début février, les demandes d’inscriptions pour l’édition 2024 étaient en effet en <a href="https://www.esprit-trail.com/utmb-mont-blanc-2024-34-dinscrits-en-plus-les-elites-au-rendez-vous/">hausse de 34 %</a> par rapport à 2023 et plusieurs grands athlètes de la discipline avaient confirmé leur présence.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1749487956249706736"}"></div></p>
<p>Que s’est-il passé ? Pourquoi cette tentative a-t-elle avorté ? Plusieurs raisons peuvent être invoquées. D’abord, parce qu’il n’est jamais facile de prendre à revers le <a href="https://books.google.fr/books/about/Sports_et_sciences_sociales.html?hl=fr&id=cDoTAQAAIAAJ">système qui organise le sport de haut niveau</a> entre performance, spectacle, médias, partenaires, argent, visibilité et notoriété. En effet, tous les acteurs composant l’univers du trail de compétition (coureurs, organisateurs d’évènements, équipementiers, médias, partenaires, institutions, collectivités territoriales, etc.) restent dépendants financièrement les uns des autres en raison d’intérêts multiples et variés à préserver.</p>
<p>Il n’est donc pas aisé de sortir du sillon dominant et de se priver de la vitrine UTMB à Chamonix, malgré les dysfonctionnements pointés par Kilian Jornet et Zach Miller. D’ailleurs, d’autres champions reconnus se sont montrés plus nuancés et des voix se sont élevées pour condamner le fait que ces deux athlètes profitaient de leur statut pour prendre la course en otage.</p>
<p>Deuxième raison : l’UTMB est devenu aujourd’hui plus qu’une course, plus qu’un évènement sportif. Il s’apparente à un véritable fait social total qui s’est diffusé en dehors de la sphère sportive et intéresse de plus en plus de personnes. La foule compacte présente à chaque départ et à chaque arrivée du premier en apporte la preuve, car il s’agit de ne manquer sous aucun prétexte ces moments, afin d’avoir le sentiment de faire partie du monde.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/574665/original/file-20240209-18-dy0acy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Foule au départ de l’édition 2013" src="https://images.theconversation.com/files/574665/original/file-20240209-18-dy0acy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/574665/original/file-20240209-18-dy0acy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=418&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/574665/original/file-20240209-18-dy0acy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=418&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/574665/original/file-20240209-18-dy0acy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=418&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/574665/original/file-20240209-18-dy0acy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=526&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/574665/original/file-20240209-18-dy0acy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=526&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/574665/original/file-20240209-18-dy0acy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=526&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">L’épreuve constitue un levier de retombées touristiques précieux pour la vallée de Chamonix.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Start_UTMB_2013_in_Chamonix-Mont-Blanc.jpg">PaulasBunt/Wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>L’UTMB est un véritable mythe aujourd’hui, et écorner un mythe fait toujours réagir. En effet, comme nous le montrions dès 2012 dans <a href="https://books.google.fr/books/about/The_North_Face_Ultra_Trail_du_Mont_Blanc.html?id=sdvWMgEACAAJ">l’ouvrage</a> <em>The North Face Ultra-Trail du Mont-Blanc. Un mythe, un territoire, des Hommes</em> (éditions Le Petit Montagnard &Autour du Mont-Blanc), l’épreuve peut être considérée comme un évènement pourvoyeur de rêve pour des milliers de personnes – en plus de constituer un <a href="https://www.cairn.info/une-montagne-dinnovations--9782706126970-page-189.htm">levier de retombées touristiques</a> pour la vallée de Chamonix.</p>
<h2>Culte de la performance</h2>
<p>Enfin, l’UTMB incarne un avatar de la <a href="https://www.cairn.info/l-individu-hypermoderne--9782749203126.htm">société « hypermoderne »</a> bercée par la mondialisation économico-technologique, le culte de la spectacularisation de soi et l’illimitisme consommatoire. Tout le monde s’y retrouve car cet évènement symbolise une société au sein de laquelle chacun cherche à se forger un destin, <a href="https://www.editionsladecouverte.fr/la_performance_une_nouvelle_ideologie_-9782707144430">à être performant</a> et à concrétiser ses rêves.</p>
<p>L’UTMB est à la fois le produit et le reflet de cette société car cet évènement est en phase avec les attentes identitaires de ces nouveaux conquérants de l’extrême, désireux de s’explorer, de se défier et de <a href="https://www.cairn.info/la-vie-intense--9782746747623.htm">vivre une expérience pour le moins intense</a>. Véritable métaphore de la vie, l’UTMB apparaît comme un moyen de <a href="https://www.editionsladecouverte.fr/resonance-9782707193162">réenchantement de son existence</a> car cette épreuve en situation limite favorise une résonance à la fois corporelle, sociale et écologique qui génère une vibration existentielle.</p>
<p>Pour les participants, terminer l’UTMB <a href="https://www.editions-orphie.com/guides-et-randonnees-/1180-le-grand-raid-de-la-reunion-une-folle-diagonale-9791029806254.html">comme d’autres courses du même type</a> procure des bénéfices à fort rendement symbolique qui permet d’écrire une page particulièrement valorisante de son histoire personnelle et d’en sortir grandi. Il répond ainsi à une nouvelle façon de se penser dans notre société hypermoderne, comme nous l’avions souligné dans un <a href="https://journals.openedition.org/socio-anthropologie/10465">article de recherche</a> publié en 2021.</p>
<p>Et pourtant, les raisons d’agir pour obliger les organisateurs à envisager l’avenir de l’UTMB autrement font sens. L’évènement doit-il continuer à attirer toujours plus de concurrents et de public ? La vallée de Chamonix peut-elle accueillir autant de monde sans perdre son âme ?</p>
<p>Ralentir le rythme, diminuer la voilure et faire preuve de davantage de sobriété, en bref trouver un meilleur équilibre entre intérêts économiques, enjeux socioculturels et exigences environnementales, tel est le défi à relever par UTMB Group afin de proposer un événement vraiment éco-responsable qui rassurerait les coureurs et les institutions mais aussi valoriserait durablement le territoire du Mont-Blanc. La puissance publique est ici interpellée puisqu’elle est censée jouer son rôle de régulateur en travaillant à une meilleure acceptabilité sportive, sociale et environnementale.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/223244/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Olivier Bessy ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>
Malgré les prises de position des champions de la discipline, le nombre de participants à la prochaine édition atteint des niveaux records.
Olivier Bessy, Professeur émérite, chercheur au laboratoire TREE-UMR-CNRS 6031, Université de Pau et des pays de l'Adour (UPPA)
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/220400
2024-01-28T16:08:40Z
2024-01-28T16:08:40Z
Sport, nature et empreinte carbone : les leçons du trail pour l’organisation des compétitions sportives
<p>Dans un contexte international marqué par des préoccupations de <a href="https://theconversation.com/fr/topics/sobriete-35704">sobriété</a> et de durabilité, l’organisation d’événements sportifs de grande échelle pose question. La soutenabilité des Jeux olympiques (JO) n’échappe pas à la règle : leur impact sur l’environnement <a href="https://www.nature.com/articles/s41893-021-00696-5">a déjà fait l’objet d’une évaluation détaillée de 1990 à 2021</a>.</p>
<p>À titre d’exemple, selon les <a href="https://www.mdpi.com/2071-1050/15/15/11820">estimations scientifiques</a>, les JO émettraient l’équivalent de 3,4 millions de tonnes de CO<sub>2</sub>, contre 2,75 estimés pour la Coupe du monde de football.</p>
<p>Comment réduire l’impact environnemental des mégaévénements sportifs et des championnats professionnels ? Les scientifiques suggèrent quelques pistes. Il s’agirait en premier lieu de réduire drastiquement la taille des événements ; de quoi restreindre les besoins en ressources, ainsi que l’empreinte carbone liée aux déplacements des spectateurs et limiter la taille et le coût des nouvelles infrastructures requises.</p>
<p>Mais il existe une autre catégorie d’événements sportifs sur lesquels nous souhaiterions déplacer la focale : les sports de plein air, notamment les courses en montagne de types trails ou ultra-trails.</p>
<h2>« Dissonance culturelle » et sports de plein air</h2>
<p>Ces événements, se déroulant dans un environnement naturel avec un minimum de routes goudronnées, concernent un spectre très hétérogène de pratiquants, allant des athlètes de haut niveau jusqu’aux coureurs amateurs.</p>
<p>Ces disciplines ont connu une <a href="https://hal.science/hal-03162125">croissance significative à travers le monde</a> au tournant du XXI<sup>e</sup> siècle. Par exemple l’Ultra-Trail du Mont-Blanc, fondé en 2003, a vu la participation de 10 000 participants – suivis par 50 000 spectateurs – pour son édition 2023. Durant l’année 2018 en France, il y aurait eu près d’un million de pratiquants de trail running – pour plus de 20 millions à travers le monde – rassemblés autour de 4 500 événements.</p>
<p>Pour la première fois en 2022, davantage d’épreuves de trail ont été organisées en France que de courses sur route. Il nous semble donc logique de nous concentrer sur ce type d’événements <em>outdoor</em> en pleine émergence, d’une part parce qu’ils se massifient et d’autre part du fait d’une certaine contradiction dans les valeurs qu’ils défendent.</p>
<figure class="align-right ">
<img alt="Compétition internationale de bodyboard en 2010, aux Canaries." src="https://images.theconversation.com/files/567441/original/file-20231228-25-j5n4no.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/567441/original/file-20231228-25-j5n4no.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=378&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/567441/original/file-20231228-25-j5n4no.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=378&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/567441/original/file-20231228-25-j5n4no.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=378&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/567441/original/file-20231228-25-j5n4no.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=474&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/567441/original/file-20231228-25-j5n4no.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=474&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/567441/original/file-20231228-25-j5n4no.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=474&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">La quête de la vague parfaite par les surfeurs contribue à augmenter leur budget voyage… ainsi que leur empreinte carbone. » zoomable = « true.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Azuaje/Flickr</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Pratiqués par des athlètes passionnés de nature <a href="https://hal.science/hal-02479352">désireux d’entrer en contact avec elle</a> voire de la préserver, ces sports s’avèrent extrêmement impactants sur l’environnement. <a href="https://www.frontiersin.org/articles/10.3389/fspor.2021.695048/full">Certains chercheurs</a> évoquent ainsi une « dissonance culturelle » chez les surfeurs professionnels. En effet, ces derniers se réclament massivement d’une attitude pro-environnementale tout en étant, dans les faits, parmi les sportifs à l’empreinte carbone la plus élevée du fait de leur quête mondialisée des vagues les plus spectaculaires.</p>
<p>Les activités de nature apparaissent ainsi, de manière un peu paradoxale, parmi les disciplines sportives les <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S1441352318300184">plus polluantes</a>.</p>
<h2>Empreinte carbone et impacts sur la faune locale</h2>
<p>Pour ce qui concerne le trail et l’ultra-trail, une <a href="https://www.outside.fr/grande-enquete-de-lutmb-au-marathon-des-sables-quel-est-limpact-">grande enquête</a> s’est récemment efforcée d’évaluer l’impact écologique des courses les plus réputées à l’échelle mondiale. Force est tout d’abord de regretter l’absence d’un bilan carbone systématique, qui serait réalisé par un cabinet indépendant.</p>
<p>L’impact sur la faune montagnarde mais aussi sur la flore sauvage – à travers l’importation d’espèces végétales envahissantes au sein des écosystèmes parcourus – doit également être pris en compte, même s’il s’agit de perturbations moins facilement quantifiables.</p>
<figure class="align-left ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/567440/original/file-20231228-510735-w5kftd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/567440/original/file-20231228-510735-w5kftd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=375&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/567440/original/file-20231228-510735-w5kftd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=375&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/567440/original/file-20231228-510735-w5kftd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=375&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/567440/original/file-20231228-510735-w5kftd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=471&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/567440/original/file-20231228-510735-w5kftd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=471&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/567440/original/file-20231228-510735-w5kftd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=471&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Ski de randonnée dans les Alpes tyroliennes » zoomable = « true.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Gael Varoquaux/Flickr</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Une étude réalisée auprès de skieurs de randonnée montre que si une large majorité d’entre eux considèrent le dérangement de la faune comme une réalité, <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S2213078023000051">seulement 26 % pensent avoir personnellement dérangé un animal lors de leur sortie</a>.</p>
<p>Autrement dit, nombre de sportifs admettent que leur pratique comporte potentiellement un impact environnemental tout en se déchargeant quelque peu de leur responsabilité. Dans le domaine du trail, des progrès substantiels ont toutefois pu être constatés sur d’autres plans, notamment :</p>
<ul>
<li><p>l’utilisation de transports collectifs pour les participants,</p></li>
<li><p>l’obligation d’apporter ses propres gobelets et couverts réutilisables,</p></li>
<li><p>la réduction, le ramassage et le triage systématiques des déchets,</p></li>
<li><p>la diminution voire la disparition des marquages directionnels au sol au profit de rubalises plus écologiques,</p></li>
<li><p>la priorité donnée aux producteurs locaux pour les ravitaillements en nourriture et la suppression des bouteilles en plastique,</p></li>
<li><p>enfin, la disparition des <em>goodies</em> en plastique non recyclables.</p></li>
</ul>
<h2>Les athlètes de haut niveau comme influenceurs de la durabilité ?</h2>
<p>Il convient également de s’intéresser aux têtes d’affiche, c’est-à-dire aux athlètes de très haut niveau, dont les prises de parole, les décisions et les actions peuvent contribuer à inspirer des dynamiques plus responsables et soutenables. De là à en faire les inspirateurs de nouvelles modalités de pratiques plus écoresponsables ?</p>
<p>On peut d’abord évoquer la trajectoire de Kilian Jornet, star de l’ultra-trail qui, <a href="https://www.lexpress.fr/monde/j-ai-ete-le-plus-mauvais-exemple-avoue-kilian-jornet-qui-lance-sa-fondation-pour-l-environnement_2136580.html">admettant avoir adopté un mode de vie extrêmement impactant sur l’environnement</a>, a décidé de s’inscrire dans une pratique moins énergivore.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/567444/original/file-20231228-21-v8xl96.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/567444/original/file-20231228-21-v8xl96.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/567444/original/file-20231228-21-v8xl96.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/567444/original/file-20231228-21-v8xl96.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/567444/original/file-20231228-21-v8xl96.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/567444/original/file-20231228-21-v8xl96.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/567444/original/file-20231228-21-v8xl96.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/567444/original/file-20231228-21-v8xl96.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Kilian Jornet en 2020.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Ssu/Flickr</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Ce revirement s’est opéré, explique-t-il, sur la base de constats répétés des « effets du changement climatique et de l’impact des actions de l’homme sur la nature », d’un besoin de cohérence avec son amour de la nature, et enfin d’une volonté de transmettre à sa descendance.</p>
<p>De façon concrète, son engagement se traduit par :</p>
<ul>
<li><p>une réduction des transports en avion,</p></li>
<li><p>une participation accrue à des courses locales,</p></li>
<li><p>la création d’une <a href="https://www.outside.fr/kilian-jornet-cree-sa-fondation-de-preservation-de-lenvironnement-et-des-montagnes-et-lance-un-premier-chantier/">fondation de préservation de l’environnement</a>,</p></li>
<li><p>et le lancement d’une <a href="https://www.nnormal.com/fr_FR/content/mission/engagement">marque de trail</a> engagée dans la transition énergétique.</p></li>
</ul>
<p>Régulièrement, le sportif se fend de prises de position engagées, par exemple contre le <a href="https://www.outside.fr/hors-serie-utmb-le-sport-business-a-t-il-eu-raison-de-lesprit-trail/">choix des sponsors de l’Ultra-Trail du Mont-Blanc</a>, lequel s’était associé à la marque Dacia commercialisant de nombreux modèles de SUV, dans le prolongement des actions entreprises par l’association <a href="https://thegreenrunners.com/">The Green Runners</a>.</p>
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<p>François D’Haene, autre superstar de la galaxie ultra-trail, a lui aussi pris sa part de responsabilité en matière de durabilité en créant, avec sa femme Carline, son propre événement de course en montagne, <a href="https://www.ultra-spirit-dhaene-family.com/ultra-engages/">l’ultra-spirit</a>, qui se veut responsable.</p>
<p>Dès la première édition, l’athlète-organisateur a commandité et publié une <a href="https://www.ultra-spirit-dhaene-family.com/wp-content/uploads/2023/01/Rapport-Evaluation-Impact-Environnemental-Rapport-ULTRA-SPIRIT-2022.pdf">évaluation d’impact environnemental</a>.</p>
<p>Pour tenter de réduire le bilan carbone, la compétition mise sur :</p>
<ul>
<li><p>le choix d’un mode de transport bas carbone vers le lieu de la course intervenant dans la sélection des équipes et la détermination de leur ordre de départ,</p></li>
<li><p>un nombre de participants volontairement réduit,</p></li>
<li><p>une offre végétarienne et végétalienne renforcée, avec 90 % d’aliments locaux et 100 % d’aliments de saison,</p></li>
<li><p>des actions forestières vertueuses et la réhabilitation de sentiers de randonnée,</p></li>
<li><p>une signalétique de course pérenne, sans captation vidéo en hélicoptère ni communication papier,</p></li>
<li><p>une dimension ludique affirmée : la course se réalise par équipe de trois avec des défis, sans chronomètre ni dispositif numérique de quantification, avec une intention de rusticité.</p></li>
</ul>
<p>Kilian Jornet et François D’Haene – auxquels nous pourrions ajouter <a href="https://www2.u-trail.com/les-engagements-de-thevenard-jornet-pour-l-ecologie/%22%22">Xavier Thévenard</a> – sont des sportifs aguerris et reconnus. Au fil de leur carrière, ils ont pu observer les changements profonds dans leur environnement de pratique sportive, auquel ils sont affectivement attachés, au point de vouloir devenir des acteurs responsables.</p>
<p>Cette trajectoire militante allant de <a href="https://knowledgecommons.lakeheadu.ca/handle/2453/4954">la pratique régulière en nature vers l’activisme écologique</a> a été mise en évidence à plusieurs reprises par la littérature scientifique, <a href="https://journals.sagepub.com/doi/10.1177/10126902231209226?icid=int.sj-abstract.citing-articles.3">y compris pour les sports d’hiver</a>.</p>
<p>Mentionnons enfin les prises de position de l’espoir britannique du demi-fond <a href="https://www.lequipe.fr/Athletisme/Actualites/Innes-fitzgerald-la-prodige-ecolo-qui-fait-une-croix-sur-les-mondiaux/1378231">Innes FitzGerald</a>, âgée de 16 ans, qui a demandé à sa fédération de ne pas la sélectionner pour les championnats du monde de cross-country en Australie afin de ne pas alourdir son bilan carbone.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1601881243670675456"}"></div></p>
<h2>Pratiquer autrement les sports de nature pour les préserver</h2>
<p>L’événementiel sportif, notamment dans la sphère de l’outdoor, est-il compatible avec la préservation de l’environnement ? Pour répondre à cette question, on ne peut faire l’économie d’un <a href="https://www.cairn.info/revue-juridique-de-l-environnement-2015-HS15-page-95.html">raisonnement complexe</a>. En effet, organiser des événements dans une finalité lucrative, qu’il s’agisse de trails en montagne ou de Jeux olympiques, va indéniablement impacter l’environnement aux niveaux local et global. Mais, en parallèle, ils peuvent générer d’autres formes de bénéfices, aussi bien en termes économiques, sociaux que géopolitiques, culturels et sanitaires.</p>
<p>Une solution évidente consisterait à réduire le nombre des événements, leur taille ainsi que le volume de déplacements. Or, ces transformations semblent aller à contre-courant des tendances contemporaines à <a href="https://www.researchgate.net/publication/357687878_Vivre_ses_multiples_micro-carrieres_sportives_en_accelere_Reflexions_sur_la_voracite_la_versatilite_et_l%E2%80%99impatience_sportives_contemporaines">l’« extrême de masse » et à la « voracité sportive »</a> où il s’agit, à l’inverse, de consommer et d’accumuler, de son vivant, un maximum d’expériences toujours plus intenses et exceptionnelles.</p>
<p>Il faudrait aussi prendre en considération la grande variété des formats de course. Aux compétitions massifiées et fortement impactantes, répondent des organisations de courses plus locales et de taille restreinte.</p>
<p>La question est cruciale, car si les événements outdoor impactent indéniablement les changements environnementaux et climatiques, ces derniers ont également, en retour, des répercussions sur la possibilité même de pratiquer l’activité physique en milieu naturel. En cause : l’augmentation de la pollution de l’air, de la fréquence et de l’intensité des pics de chaleur et des catastrophes naturelles, comme le <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/33689139/">rappelait une revue de littérature en 2021</a>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/220400/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Brice Favier-Ambrosini a reçu des financements du Fonds de recherche du Québec - Société et Culture (FRQSC) pour un projet: « Identifier l’essentiel, éliminer le reste » : analyse de la tendance au minimalisme dans la consommation de loisirs sportifs. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Guillaume Dietsch et Matthieu Quidu ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur poste universitaire.</span></em></p>
À l’heure du changement climatique et des injonctions à la durabilité, comment limiter les impacts des grands événements sportifs ? Éléments de réponse au prisme du trail et de l’ultra-trail.
Guillaume Dietsch, Enseignant en STAPS, Agrégé d'EPS, UFR SESS-STAPS, Université Paris-Est Créteil, Université Paris-Est Créteil Val de Marne (UPEC)
Brice Favier-Ambrosini, Professor, Educational sciences, Université du Québec à Chicoutimi (UQAC)
Matthieu Quidu, Maître de conférences en sociologie du sport, Université Claude Bernard Lyon 1
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/216918
2023-11-05T18:27:51Z
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« Plus haute ZAD d’Europe » : faut-il encore aménager les glaciers alpins ?
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/557244/original/file-20231102-30-tfg6ng.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=19%2C62%2C1561%2C943&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">En s’installant à 3400 mètres d’altitude sur le glacier de la Girose dans le massif des Écrins, les Soulèvements de la Terre ont tenu la plus haute Zone à défendre (ZAD) d’Europe. </span> <span class="attribution"><span class="source">Les Soulèvements de la Terre</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span></figcaption></figure><p>Du 8 au 10 novembre, la France accueille le One Planet – Polar Summit, premier sommet international consacré aux glaciers et aux pôles, pour appeler à une mobilisation exceptionnelle et concertée de la communauté internationale. Dans les Alpes, les projets d’aménagements des glaciers à des fins touristiques ou sportives sont pourtant toujours en cours malgré <a href="https://theconversation.com/rechauffement-climatique-sur-le-mont-blanc-le-nombre-de-jours-de-gels-va-seffondrer-dici-2100-116858">leur disparition annoncée</a>. C’est le cas par exemple dans le massif des Écrins (Hautes-Alpes), sur le glacier de la Girose où il est <a href="https://france3-regions.francetvinfo.fr/auvergne-rhone-alpes/isere/sata-nouveau-gestionnaire-du-telepherique-meije-grave-1245155.html">prévu d’implanter depuis 2017</a> le troisième tronçon du téléphérique de la Grave.</p>
<p>Du 7 au 13 octobre dernier, les <a href="https://theconversation.com/comment-les-soulevements-de-la-terre-federent-une-nouvelle-ecologie-radicale-et-sociale-204355">Soulèvements de la Terre</a> (SLT) ont occupé le chantier afin d’en bloquer les travaux préparatoires. Ce nouvel aménagement a pour objectif de prolonger les deux tronçons existant, qui permettent depuis 1978 d’accéder au col des Ruillans à 3 221 mètres et ainsi rallier à terme le Dôme de La Lauze à 3559 mètres. Porté par la Société d’aménagement touristique de la Grave (SATG) et la municipalité, ce projet est estimé à <a href="https://www.ledauphine.com/hautes-alpes/2019/07/25/en-route-vers-la-tres-haute-montagne">12 millions d’euros</a>, investissement dont le bien fondé <a href="https://france3-regions.francetvinfo.fr/auvergne-rhone-alpes/isere/troisieme-troncon-du-telepherique-a-la-grave-des-habitants-craignent-une-jonction-avec-l-alpe-d-huez-et-les-deux-alpes-2616292.html">divise les habitants de La Grave depuis cinq ans</a>.</p>
<p>En jeu derrière ces désaccords, la direction à donner à la transition touristique face au changement climatique : renforcement ou bifurcation du modèle socio-économique existant en montagne ?</p>
<h2>Une occupation surprise du glacier</h2>
<p>Partis du village de La Grave à 1 400 mètres dans la nuit du 6 au 7 octobre, une quinzaine de militants des SLT ont gravi 2 000 mètres de dénivelé avec des sacs à dos de 15 à 20 kg. Au terme de 12 heures d’ascension, ils ont atteint le haut d’un rognon rocheux émergeant du glacier de la Girose où doit être implanté un pylône du nouveau téléphérique. Ils y ont installé leur camp de base dans l’après-midi, avant d’annoncer sur les réseaux sociaux la création de « la plus haute zone à défendre (ZAD) d’Europe ».</p>
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<p>Par cette mobilisation surprise, les SLT ont montré qu’ils pouvaient être présents sur des terrains où ils ne sont pas forcément attendus et que pour cela :</p>
<ul>
<li><p>ils disposent de ressources logistiques permettant d’envisager une mobilisation de type occupationnelle de plusieurs jours à 3 400 mètres d’altitude</p></li>
<li><p>ils maîtrisent les techniques d’alpinisme et l’engagement physique qu’implique la haute montagne.</p></li>
</ul>
<p>Sur le glacier de la Girose, les conditions de vie imposées par le milieu n’ont en effet rien à voir avec celles des autres ZAD en France, y compris celles de La Clusaz (en <a href="https://theconversation.com/extinction-rebellion-a-la-clusaz-quand-la-zad-gagne-la-montagne-174358">novembre 2021</a> et <a href="https://www.lemonde.fr/planete/article/2022/10/20/a-la-clusaz-une-zad-contre-la-neige-artificielle_6146621_3244.html">octobre 2022</a>), premières du type en montagne, dans le bois de la Colombière à 1 400 mètres d’altitude. Au cours de la semaine d’occupation, les températures étaient toutefois clémentes, oscillant entre -7° à 10 °C, du fait d’un automne anormalement chaud.</p>
<h2>Une communication bien rodée</h2>
<p>Très rapidement, cette occupation du glacier a donné un coup de projecteur national sur ce <a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2021/11/23/a-la-grave-le-telepherique-qui-divise-la-mecque-du-hors-piste_6103207_3234.html">projet controversé d’aménagement local</a>. Dès son annonce publique, les articles se sont succédés <a href="https://www.liberation.fr/environnement/dans-les-hautes-alpes-une-zad-en-pleine-lutte-des-glaces-20231009_O46222K5CFF77ASIGBEHEGNUQ4/">dans les médias nationaux</a> à partir des éléments de communication (photographies, vidéos, communiqués de presse, live sur les réseaux sociaux) fournis par les SLT depuis le glacier de la Girose. Les militants présents disposaient en effet des compétences et du matériel nécessaires pour produire des contenus professionnels à 3400 mètres. Ils ont ainsi accordé une attention particulière à la mise en scène médiatique et à sa dimension esthétique.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/557249/original/file-20231102-23-a9ic6f.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/557249/original/file-20231102-23-a9ic6f.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=401&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/557249/original/file-20231102-23-a9ic6f.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=401&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/557249/original/file-20231102-23-a9ic6f.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=401&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/557249/original/file-20231102-23-a9ic6f.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=504&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/557249/original/file-20231102-23-a9ic6f.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=504&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/557249/original/file-20231102-23-a9ic6f.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=504&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Une attention particulière a été accordée par Les soulèvements de la terre à la mise en scène médiatique, notamment dans sa dimension esthétique..</span>
<span class="attribution"><span class="source">Soulèvements de la terre</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Bien qu’inédite par sa forme ainsi que les lieux et les moyens mobilisés, cette mobilisation s’inscrit dans une <a href="https://books.openedition.org/editionsehess/10888">grammaire politique</a> partagée faisant référence au <a href="https://theconversation.com/comment-les-soulevements-de-la-terre-federent-une-nouvelle-ecologie-radicale-et-sociale-204355">bien commun ainsi qu’aux imaginaires et narratifs habituels des SLT</a>, qu’elle actualise à partir de cette expérience en haute montagne. Elle est visible dans les stratégies de communication mobilisées : les références à la ZAD, à la stratégie du désarmement, l’apparition masquée des militants, les <a href="https://lessoulevementsdelaterre.org/blog/travaux-geles-sur-le-glacier-nous-reviendrons-au-printemps-s-il-le-faut">slogans tels que</a> la « lutte des glaces », « nous sommes les glaciers qui se défendent » et « ça presse mais la SATArde ». Une fois déployée, cette grammaire de la mobilisation est aisément reconnaissable par les publics, qu’ils y soient favorables ou non.</p>
<h2>Une plante protégée sur le chantier</h2>
<p>Cette occupation du glacier a été imaginée dans l’urgence en quelques jours par les SLT pour répondre au début des travaux préliminaires entrepris par la SATG quelques jours auparavant. Son objectif était de stopper ces derniers suite à la décision du tribunal administratif de Marseille de rejeter, le 5 octobre, un référé liberté <a href="https://www.placegrenet.fr/2023/10/06/troisieme-troncon-du-telepherique-de-la-grave-le-tribunal-administratif-rejette-le-recours-des-opposants-aux-travaux/615285">demandant leurs interruptions d’urgence</a>. Déposé le 20 septembre par les associations locales et environnementales, ce dernier visait notamment à protéger l’androsace du Dauphiné présente sur le rognon rocheux.</p>
<figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/557257/original/file-20231102-15-zmygku.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/557257/original/file-20231102-15-zmygku.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=800&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/557257/original/file-20231102-15-zmygku.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=800&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/557257/original/file-20231102-15-zmygku.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=800&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/557257/original/file-20231102-15-zmygku.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1005&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/557257/original/file-20231102-15-zmygku.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1005&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/557257/original/file-20231102-15-zmygku.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1005&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Androsace du Dauphiné.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Fabien Anthelme</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Cette plante protégée, dont la <a href="https://www.nature.com/articles/s41598-021-90612-w">découverte formelle ne remonte qu’à 2021</a>, a été identifiée le 11 juillet sur les lieux par deux scientifiques du Laboratoire d’écologie alpine (CNRS, Université Grenoble Alpes et Université Savoie Mont Blanc) et certifiée par l’Office français de la biodiversité (OFB). Leur <a href="https://reporterre.net/IMG/pdf/rapport_expertise-ecologique_lagrave_leca_ofb.pdf">rapport d’expertise écologique</a> a été rendu public et remis aux autorités administratives le 18 juillet : il montre qu’il existe plusieurs spécimens de l’androsace du Dauphiné dans un rayon de moins de 50 mètres autour du projet d’implantation du pylône. Or, elle ne figure pas dans l’étude d’impact et le <a href="https://alpinemag.fr/droit-de-reponse-frederic-aubry-agrestis/">bureau d’étude qui l’a réalisée affirme l’avoir cherchée sans la trouver</a>.</p>
<p>Deux jours après le début de l’occupation, la SATG a demandé à la préfecture des Hautes-Alpes l’évacuation du campement des SLT afin de pouvoir reprendre au plus vite les travaux. Le 10 octobre, la <a href="https://france3-regions.francetvinfo.fr/auvergne-rhone-alpes/isere/une-zad-a-3500m-d-altitude-les-soulevements-de-la-terre-continuent-leur-lutte-des-glaces-contre-un-projet-de-telepherique-2854469.html">gendarmerie s’est rendue sur le glacier</a> pour notifier aux militants qu’un arrêté municipal interdisant le bivouac jusqu’au printemps avait été pris. Et que le campement était illégal, et donc passible de poursuites civiles et pénales.</p>
<p>En réponse, un nouveau recours « référé-suspension » en justice a été déposé le lendemain par les associations locales et environnementales pour stopper les travaux… à nouveau <a href="https://www.ledauphine.com/environnement/2023/10/30/telepherique-la-requete-des-associations-rejetee">rejeté le 30 octobre par le tribunal administratif de Marseille</a>. Cette décision s’appuie sur l’avis de la Direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement (DREAL) et du préfet des Hautes-Alpes qui estiment que le <a href="https://alpinemag.fr/telepherique-la-grave-associations-deboutees-requete-prefet-hautes-alpes/">risque d’atteinte à l’androsace du Dauphiné n’était pas suffisamment caractérisé</a>. MW et LGA envisagent désormais de former un recours en cassation devant le Conseil d’État.</p>
<p>Entre-temps, les SLT ont décidé de redescendre dans la vallée dès le 13 octobre, leur présence n’étant plus nécessaire pour empêcher le déroulement des travaux, puisque les conditions météorologiques rendent désormais leur reprise impossible avant le printemps 2024.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1712817279556084122"}"></div></p>
<p>Bien qu’illégale, cette occupation « à durée déterminée » du glacier pourrait permettre à la justice d’aboutir à un jugement de fond sur l’ensemble des points contestés par les associations locales et environnementales. En ce sens, cette occupation a permis de faire « gagner du temps » à Mountain Wilderness (MW) et à La Grave Autrement (LGA) engagées depuis cinq ans contre le projet. Leurs actions menées depuis le 3 avril dernier, date du <a href="https://ram05.fr/la-grave-le-permis-de-construire-pour-le-troisieme-troncon-est-delivre">permis de construire accordée par la mairie de la Grave à la SATG</a>, n’ont jusqu’alors <a href="https://www.montagnes-magazine.com/actus-telepherique-grave-troisieme-mobilisation-glacier-girose">pas été en mesure d’empêcher le début des travaux</a>… alors même que leurs recours juridiques sur le fond ne vont être étudiés par la justice que l’année prochaine et que les travaux auraient pu avoir lieu en amont.</p>
<p>Cette mobilisation des SLT a aussi contraint les promoteurs du projet à sortir du silence et à prendre position publiquement. Ils ont ainsi dénoncé <a href="https://www.ledauphine.com/environnement/2023/10/10/telepherique-de-la-meije-le-chantier-encore-bloque-par-les-soulevements-de-la-terre">« quatorze hurluberlus qui ne font rien de leur vie et entravent ceux qui travaillent »</a>, ce à quoi la presse montagne a répondu <a href="https://alpinemag.fr/les-glaciers-disent-merci-aux-hurluberlus/">« les glaciers disent merci aux hurluberlus »</a>.</p>
<h2>Sanctuarisation et manque de « cohérence »</h2>
<p>En Europe, cette mobilisation des SLT en haute montagne est inédite dans l’histoire des contestations socio-environnementales du tourisme, et plus largement dans celles des mouvements sociaux. Cela lui confère une forte dimension symbolique, en même temps que le <a href="https://www.geo.fr/environnement/la-mer-de-glace-le-symbole-des-effets-du-changement-climatique-en-france-206016">devenir des glaciers est lui-même devenu un symbole du changement climatique</a> et que leur artificialisation à des fins touristiques ou sportives suscite de plus en plus de critiques dans les Alpes. Dernier exemple en date, le <a href="https://www.francetvinfo.fr/monde/environnement/reportage-suisse-polemique-autour-d-une-piste-de-ski-creusee-dans-un-glacier-pour-la-coupe-du-monde_6143841.html">creusement d’une piste de ski dans un glacier suisse à l’aide de pelles mécaniques</a> afin de permettre la tenue d’une épreuve de la coupe du monde de ski.</p>
<p>Une telle situation où un engin de travaux publics brise de la glace pour l’aplanir et rendre possible la pratique du ski alpin a déjà été <a href="https://alpinemag.fr/sauvons-la-girose-un-des-derniers-grands-glaciers-des-alpes/">observée à la Grave en septembre 2020</a>. L’objectif était alors de faire fonctionner le vieux téléski du glacier de la Girose, que le troisième tronçon du téléphérique entend remplacer à terme… sauf que l’objectif de ce dernier est d’accroître le nombre de skieurs alpins sur un <a href="https://www.actumontagne.com/people/glaciologue-dun-jour-sur-le-glacier-de-la-girose/">glacier qui subit de plein fouet le réchauffement climatique</a>, ce qui impliquera ensuite la <a href="https://alpinemag.fr/les-glaciers-disent-merci-aux-hurluberlus/">mise en place d’une sécurisation des crevasses à l’aide de pelleteuses</a>. Dans ce contexte, la question que pose la mobilisation des SLT peut donc se reformuler ainsi : ne faut-il pas désormais laisser le glacier de la Girose libre de tout moyen de transport pour en faire un avant-poste de la transition touristique pour expérimenter une nouvelle approche de la montagne ?</p>
<p>Cette question résonne avec la position du gouvernement français au One Planet Summit sur la <a href="https://www.tf1info.fr/environnement-ecologie/one-planet-polar-summit-glaciers-antarctique-arctique-a-quoi-va-servir-le-sommet-polaire-organise-par-la-france-a-paris-les-8-et-9-novembre-2023-2274784.html">nécessaire sanctuarisation des écosystèmes que représentent les glaciers</a>… dont le projet d’aménagement du glacier de la Girose représente « quelques accrocs à la cohérence », reconnaît Christophe Béchu, ministre de la Transition écologique, du fait d’un dossier complexe.</p>
<h2>Un dialogue à rouvrir pour avancer</h2>
<p>Au lendemain de la fin de l’occupation du glacier par les SLT, le 14 octobre, une manifestation a été organisée à l’initiative des Enseignes de La Meije (association des commerçants de la Grave) pour <a href="https://www.ledauphine.com/societe/2023/10/14/troisieme-troncon-du-telepherique-a-la-grave-les-pour-manifestent-aussi">défendre l’aménagement du troisième tronçon du téléphérique</a>. Pour eux, comme pour la SATG et la municipalité, l’existence de la station est en péril sans celui-ci, <a href="https://www.montagnes-magazine.com/actus-telepherique-grave-quel-modele-economique-projet-un-troisieme-troncon">ce que conteste LGA dans son analyse des retombées économiques sur le territoire</a>. Le bureau des guides de la Grave est <a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2021/11/23/a-la-grave-le-telepherique-qui-divise-la-mecque-du-hors-piste_6103207_3234.html">lui aussi divisé</a> sur le sujet. Le débat ne se résume donc pas à une opposition entre les amoureux du glacier, là-haut, et ceux du business, en bas ; entre ceux qui vivent sur le territoire à l’année et les autres qui n’y sont que quelques jours par an ; entre des « hurluberlus qui ne font rien de leur vie » et ceux qui travaillent, etc.</p>
<p>Comme partout en montagne, le débat à la Grave est plus complexe qu’il n’y paraît et appelle à rouvrir le dialogue si l’on prend au sérieux l’inévitable bifurcation du modèle de développement montagnard face aux effets du changement climatique. Considérer qu’il n’y a pas aujourd’hui <a href="https://www.montagnes-magazine.com/actus-edito-deux-montagnes-irreconciliables">deux montagnes irréconciliables</a> n’implique pas d’être d’accord sur tout avec tout le monde en amont. Les <a href="https://theconversation.com/a-la-clusaz-des-pistes-existent-pour-dejouer-lartificialisation-de-la-montagne-183539">désaccords peuvent être féconds</a> pour imaginer le devenir du territoire sans que l’artificialisation du glacier soit l’unique solution pour vivre et habiter à La Grave.</p>
<p>Si les travaux du troisième tronçon du téléphérique étaient amenés à reprendre au printemps prochain, les SLT ont d’ores et déjà annoncé qu’ils reviendront occuper le glacier de la Girose.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/216918/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Mikaël Chambru est co-coordinateur scientifique du Laboratoire d’excellence Innovations et transitions territoriales en montagne (ITTEM).</span></em></p>
Les militants des Soulèvements de la Terre ont quitté le glacier de la Girose dans les Hautes-Alpes. Mais la question de l’aménagement de la haute montagne – et de l’avenir de son modèle touristique – demeure.
Mikaël Chambru, Maître de conférences en sciences sociales, Université Grenoble Alpes (UGA)
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tag:theconversation.com,2011:article/212482
2023-10-09T17:46:58Z
2023-10-09T17:46:58Z
Au cœur de la Chartreuse Terminorum, l’un des ultra-trails les plus mystérieux au monde
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/552486/original/file-20231006-17-yacy.JPG?ixlib=rb-1.1.0&rect=78%2C0%2C2995%2C2413&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Au sein du massif de la Chartreuse, les coureurs évoluent dans un dédale de forêts et de sentiers oubliés.</span> <span class="attribution"><span class="source">Simon Lancelevé</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span></figcaption></figure><p>Chaque week-end, des dizaines de départs de courses à pied sont données sur <a href="https://www.mov-sport-sciences.org/articles/sm/abs/first/sm20220057/sm20220057.html">divers formats</a>. Avec eux déferlent des vagues de <em>finishers</em>.</p>
<p>Le trail running, course pédestre sur sentier, apparait comme l’actuelle figure de proue de cet engouement. Selon une <a href="https://itra.run/content/news/FR_ITRA%20LES%20HABITUDES%20DES%20TRAILEURS.pdf">étude de l’International Trail Running Association</a>, menée auprès de plusieurs milliers de pratiquants, 40 % de ses adeptes auraient déjà pris part à des épreuves dépassant les 100 kilomètres, aussi appelées « ultra-trails ».</p>
<p>Dans le cadre d’une <a href="https://e3s.unistra.fr/equipe/composition/lanceleve-simon/">thèse</a> en socio-anthropologie, je me suis intéressé à ces courses au long court. Plus particulièrement à l’une d’entre elles, que personne ne finit ou presque : la <a href="https://www.lemonde.fr/sport/article/2023/06/19/ultratrail-la-chartreuse-terminorum-course-de-300-km-que-personne-n-avait-encore-terminee-vaincue-pour-la-premiere-fois_6178308_3242.html">Chartreuse Terminorum</a>, en Isère.</p>
<p>300 kilomètres, 25 000 mètres de dénivelé, 80 heures : bienvenue à la « Barkley française », en référence à la mythique épreuve américaine, créée en 1986, <a href="https://www.lequipe.fr/Adrenaline/Ultra-trail/Actualites/Trois-traileurs-terminent-la-barkley-dont-le-francais-aurelien-sanchez/1386359">dans le Tennessee</a>.</p>
<p>Depuis sa naissance en 2017, 40 postulants relèvent chaque année le défi de la Chartreuse Terminorum, malgré des chances de succès minimales, autour de 2 % (les quatre premières éditions s’étant conclues sans <a href="https://www.ledauphine.com/sport/2022/06/16/la-chartreuse-terminorum-est-de-retour-suivez-la-course-la-plus-dure-de-france">finisher</a>).</p>
<p>« Pourquoi ces athlètes se lancent-ils dans une telle course ? », vous demanderez-vous. Je vous évite un faux départ. Relâchez donc les prénotions. Déposez tous les clichés : « extrême », « dépassement », « limites ». Tous ces mots qui recouvrent trop de situations pour les éclairer vraiment. Faisons ensemble ce pas de côté.</p>
<p>Demandez-vous maintenant : « Comment ? » Comment ces coureurs interagissent avec cette épreuve ? Comment celle-ci leur « parle », au point qu’ils s’y préparent avec une grande <a href="https://journals.openedition.org/socio-anthropologie/11230">exigence</a> ?</p>
<h2>La force de la résonance</h2>
<p>Quiconque s’intéresse à l’engagement ne peut se borner aux liens de causalité pour expliciter une manière de faire. Pour comprendre ce qui pousse des personnes à se livrer corps et âme, il faut capter le dialogue qui les lie – ici – à l’épreuve.</p>
<p>Le sociologue et philosophe allemand <a href="https://theconversation.com/la-pedagogie-de-la-resonance-selon-hartmut-rosa-comment-lecole-connecte-les-eleves-au-monde-197732">Hartmut Rosa</a> a théorisé ce dialogue par la notion de <a href="https://www.cairn.info/revue-projet-2018-6-page-90.htm">« résonance »</a>. Soit une relation qualitative durant laquelle une personne est touchée par un fragment du monde et lui répond.</p>
<p>L’attrait de l’expérience réside dans cette réponse du monde, incertaine par nature. Vous pouvez par exemple envoyer un message à quelqu’un, disons un message amoureux, sans être assuré d’un retour ; sans même parler du contenu.</p>
<p>Nul ne peut donc prévoir quand et comment il résonnera, mais toute personne ayant éprouvé le phénomène en est transformée à jamais.</p>
<p>Cette résonance s’oppose de fait à l’aliénation : la personne s’engage dans une activité, mais n’y trouve plus de sens. Elle n’obtient pas de réponse aux signaux qu’elle émet. D’où des situations vécues comme absurdes et désenchantées. Les multiples articles sur les phénomènes de <a href="https://theconversation.com/les-bonnes-questions-a-se-poser-pour-re-trouver-un-sens-a-son-travail-119348">bore out</a> ou de burn-out, à l’inverse, l’illustrent. Des phénomènes que nous retrouvons dans le monde du travail bien sûr, mais également dans <a href="https://www.lemonde.fr/sport/article/2020/01/29/burn-out-ces-sportifs-qui-souffrent-en-silence_6027583_3242.html">celui du sport</a>.</p>
<p>Par nature, toute expérience est ainsi potentiellement résonante ou aliénante.</p>
<p>Dans cette optique, chaque personne mène sa propre quête d’expériences, pour vibrer le plus possible et accéder à une <a href="https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/le-journal-de-la-philo/qu-est-ce-que-le-bien-vivre-5623352">vie bonne</a>. Participer à la Chartreuse Terminorum répond à cette aspiration.</p>
<p>Pour entendre d’éventuels dialogues entre les athlètes et le monde, il m’a semblé évident de recueillir leur souffle par tous les moyens. En ethnographe, je me suis fondu dans la communauté de l’épreuve durant trois années (2019-2022), pour observer des traces d’échanges, résonantes ou non.</p>
<p>J’y ai suivi régulièrement neuf coureurs lors de leurs entraînements, tout en menant des entretiens avec eux, mais aussi avec leurs proches. Ce suivi in situ m’a permis de courir l’équivalent de 12 Lille-Marseille et de 113 ascensions du Mont-Blanc.</p>
<p>Enfin, afin de me donner une chance de capter une éventuelle résonance en course, j’ai postulé à la Chartreuse Terminorum et y ai pris part à deux reprises.</p>
<h2>Dans la gueule du lynx</h2>
<p>Passer ce pas m’a coûté quelques nuits blanches. À l’inverse d’autres courses, dont les prix varient d’un à deux euros par kilomètre, selon la notoriété de l’épreuve, pas besoin de carte de crédit pour s’inscrire ici. Chaque prétendant répond à une énigme en ligne et envoie un essai aux mystérieux organisateurs, dits le « triumvirat », en leur expliquant « pourquoi il devrait être retenu pour participer » à l’épreuve.</p>
<p>Ce triumvirat est composé de passionnés, coureurs ou assistants de coureurs sur la Barkley (entre autres), dont le but est de mettre les concurrents sur le fil ténu du possible. Chaque candidature est examinée et quarante élus sont convoqués, un jeudi, au mois de juin (ce qui représente environ un tiers des demandes).</p>
<p>Vous vous souvenez : ce message tant attendu ? Il vient enfin d’arriver.</p>
<p>Ces élus deviennent alors des postulants. Parmi eux, 10 % de femmes environ, soit deux fois moins que sur les autres ultras, en moyenne. Ces postulants sont invités à rejoindre une zone de départ, dont l’horaire exact n’est précisé qu’une heure auparavant, par le barrissement d’un cor de chasse. Un cierge est allumé en guise de coup de feu.</p>
<p>Les postulants campent sur le site dès la veille, pour rester aux aguets. Au cours de leur attente, ils s’acquittent d’une « dîme » (3 euros), accompagnée d’offrandes au triumvirat – en général une bière et des mets locaux –, et fournissent aussi une plaque d’immatriculation personnalisée, comme sur la Barkley.</p>
<p>Ils accèdent en retour au tracé d’une boucle secrète, à effectuer cinq fois, dans un sens puis dans l’autre. Celle-ci arpente la <a href="http://www1.onf.fr/enforet/grande-chartreuse/@@index.html">forêt de la Grande Chartreuse</a>, dont les bornes – « terminorum » – ont donné leur nom à l’épreuve.</p>
<p>Les postulants devront y retrouver des livres cachés, desquels ils arracheront la page correspondant à leur numéro de dossard, pour prouver leur passage. Hormis la carte IGN et un guide de navigation empli d’énigmes, toute aide matérielle est bannie ; téléphone et montre connectée y compris. Les assistances sont limitées au camp. Les coureurs, une fois élancés, sont plongés en autonomie, jusqu’à leur retour.</p>
<p>Pour la première fois, en 2023, cinq athlètes sont venus à bout de l’épreuve dans les 80 heures imparties.</p>
<p>Ainsi, lorsque je débutais, en 2019, un journaliste spécialisé la jugeait incomparable à toute autre : « comme si on parlait d’un côté du chat domestique et du lynx de l’autre ». Le félin étant revenu dans le massif récemment, cette image me marqua.</p>
<p>La Chartreuse Terminorum apparaît donc comme une course radicale, dans tous les sens du terme. Par sa capacité à dérouter les coureurs, par son caractère « hors-norme » et son aspect communautaire, elle renverse bon nombre des codes dominants en course à pied (coût, sélection, navigation, nombre de <em>finishers</em>).</p>
<p>Comme les <a href="https://www.youtube.com/watch?v=Ml8ADTP6BNc">courses « libres »</a> ont été créées en réaction à la course sur piste, dans les années 1970, la Chartreuse Terminorum représente un « monde à l’envers, dont elle est le miroir », pour reprendre les mots de l’<a href="https://theconversation.com/lart-de-la-resistance-entretien-avec-james-c-scott-98748">anthropologue James C. Scott</a>, qui a conceptualisé la « résistance infrapolitique », à partir de l’étude des dominés.</p>
<p>Elle est aussi radicale par son ode à la simplicité puisqu’elle renvoie aux origines mythifiées de la course à pied, en plongeant ses adeptes en « pleine nature ». Sa mise en scène et son décor enfin, en font un jeu total, multidimensionnel, distillant différents niveaux de « fun », comme autant de promesses de résonance.</p>
<h2>À chacun son style</h2>
<p>Au fil de l’enquête, j’ai relevé des points communs chez les coureurs : plutôt des hommes donc, âgés d’une quarantaine d’années, éduqués (comme souvent en trail), expérimentés et passionnés de montagne.</p>
<p>Presque tous ont participé à des courses prestigieuses et en sont ressortis avec un discours parfois critique à l’encontre des « grands barnums », à « l’esprit » en berne.</p>
<p>La plupart ont aussi vécu « plusieurs vies ». Leur parcours suggère un lacis de carrières, professionnelles mais aussi sportives. Dans certains cas, la découverte de la course est la dernière de ces bifurcations. La Chartreuse Terminorum représente alors l’épreuve ultime pour ces adeptes de l’adaptation, amoureux de casse-têtes à taille humaine. Un goût utile lorsqu’il s’agit de concilier sommeil, alimentation et course sur la durée ; sans compter la navigation, les énigmes et la recherche des livres.</p>
<p>Si toute quête de résonance reste singulière, j’ai identifié des rapprochements, en faveur de <a href="https://journals.openedition.org/sociologie/2481">types idéaux</a>, présents chez tous les coureurs, mais dont l’un prédomine chez chacun. Ces types idéaux répondent à des <a href="https://journals.openedition.org/lectures/29658">« axes de résonance »</a>], comme les nomme Rosa, tels que la nature, le collectif, le rapport au corps, les éléments ludiques ou l’histoire.</p>
<p>Suivant les situations, le coureur passe d’un style à un autre. Ces styles, inspirés de <a href="https://mud.co.uk/richard/hcds.htm">ceux de Richard Bartle</a>, chercheur anglais spécialiste des jeux coopératifs en ligne, reprennent :</p>
<ul>
<li><p>Le convivial : cherchant à vibrer par le collectif (veillée au camp, recherche des livres, rituels)</p></li>
<li><p>Le performeur : cherchant à résonner par le succès et la valorisation de ses exploits (défi à soi, mise en récit)</p></li>
<li><p>Le jusqu’au-boutiste : cherchant la résonance dans la maîtrise de l’épreuve (défi absolu de finir) et de ses arcanes (rituels, histoire)</p></li>
<li><p>Le découvreur : cherchant à explorer de nouvelles choses, sur lui et son environnement (navigation, rédaction de l’essai).</p></li>
</ul>
<p>Ces styles sont associés à des quêtes, mais la résonance ne se produit pas nécessairement dans la réalisation des objectifs initiaux.</p>
<p>Le décalage, lié au passage d’un style à un autre, est davantage source de résonance. Il représente une réponse, une adaptation à un stimulus. Cette nouvelle façon d’appréhender l’épreuve transforme le rapport de l’athlète à la pratique, comme je l’ai remarqué chez certains. À l’inverse, d’autres sont incapables de ces ajustements, les subissent, et ne résonnent jamais. D’où un désengagement à plus ou moins long terme.</p>
<p>Ainsi, je retiens l’exemple de David*, coureur qui se décrit lui-même comme performeur, et qui a découvert une autre manière de courir, en s’alliant à Bastien*, lors de sa première participation. David rapportait l’émotion qu’il avait ressentie à arracher les pages des livres pour son « ami », le frisson qui le parcourait encore en y repensant.</p>
<p>Dès lors, David n’a cessé de courir la Chartreuse Terminorum avec Bastien, tel un coureur au style convivial. A l’inverse, Mathieu*, qui aime découvrir de nouveaux parcours, avait décidé de revenir sur l’épreuve dans le but d’y performer, « jouant » contre son style de prédilection. Un revirement qui l’a conduit à ne plus postuler l’année suivante.</p>
<p>Ces « manières de courir » participent à l’imprédictibilité de la course. Elles permettent de relativiser les a prioris concernant l’engagement.</p>
<p>N’est donc qu’une finalité : résonner pour vivre bien. Derrière elle, une infinité de voies singulières pour y parvenir. Ainsi, comprenez-vous maintenant l’importance du « comment » sur le « pourquoi ».</p>
<p><em>* les prénoms ont été modifiés</em></p>
<hr>
<figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/485612/original/file-20220920-3440-4oxruu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/485612/original/file-20220920-3440-4oxruu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=250&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/485612/original/file-20220920-3440-4oxruu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=250&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/485612/original/file-20220920-3440-4oxruu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=250&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/485612/original/file-20220920-3440-4oxruu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=314&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/485612/original/file-20220920-3440-4oxruu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=314&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/485612/original/file-20220920-3440-4oxruu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=314&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption"></span>
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<p><em>Cet article est publié dans le cadre de la Fête de la science (qui a lieu du 6 au 16 octobre 2023 en métropole et du 10 au 27 novembre 2023 en outre-mer et à l’international), et dont The Conversation France est partenaire. Cette nouvelle édition porte sur la thématique « sport et science ». Retrouvez tous les événements de votre région sur le site <a href="https://www.fetedelascience.fr/">Fetedelascience.fr</a>.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/212482/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Simon Lancelevé a reçu des financements de l'Ecole Doctorale Sciences Humaines et Sociales, Perspectives Européennes, de Strasbourg, dans le cadre de sa thèse.</span></em></p>
Qu’est-ce qui fait courir les adeptes de la Chartreuse Terminorum, l’un des ultra-trails les plus mystérieux et difficiles au monde ? Plongée au cœur de cette épreuve que nul ne finit, ou presque.
Simon Lancelevé, Doctorant en STAPS Mention « Sciences sociales du sport », Université de Strasbourg
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/214102
2023-10-09T17:46:41Z
2023-10-09T17:46:41Z
Pollution, climat… pourquoi nos lacs de montagne verdissent
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/549659/original/file-20230921-21-xzmfew.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=39%2C63%2C5232%2C3880&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">L’étang d’Ayès, dans les Pyrénées ariégeoises.</span> <span class="attribution"><span class="source">Dirk S. Schmeller</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span></figcaption></figure><p>J’ai mis pour la première fois les pieds <a href="https://theconversation.com/pourquoi-le-rechauffement-climatique-saccelere-dans-les-pyrenees-173362">dans les Pyrénées</a> en 2006. Deux ans plus tard, j’y ai entamé une prospection à grande échelle des lacs de montagne et des populations d’amphibiens : d’est en ouest, j’ai ainsi parcouru plus de 100 lacs de montagne des Pyrénées orientales jusqu’au Béarn (Pyrénées-Atlantiques).</p>
<p>Pour nos projets divers, nous sommes revenus les échantillonner régulièrement, au moins une fois par an. C’est ainsi qu’au fil du temps, nous avons constaté des transformations, en particulier la croissance accrue de <a href="https://theconversation.com/dans-les-eaux-de-baignade-les-cyanobacteries-amies-ou-ennemies-204352">cyanobactéries</a> et parfois de dinoflagellés, des algues vertes qui verdissent un grand nombre de lacs. Dès 2012, nous alertions le Parc national des Pyrénées.</p>
<p>Durant toutes ces années, j’ai donc observé beaucoup de « nos » lacs changer de couleur. Certains ont perdu la clarté et le bleu que nous attendons tous d’un lac de montagne, d’autres ont commencé à se teinter d’une couleur verdâtre ou même d’un vert éclatant, notamment à la fin de l’été.</p>
<p>Cette tendance ne touche aucune région plus qu’une autre : on la retrouve aussi bien dans les Pyrénées Ariégeoises que dans les parties centrales des Pyrénées ou à l’ouest dans le Béarn. Il ne s’agit pas d’un phénomène rare et localisé, mais d’un événement de grande ampleur, qui tend à s’étendre dans les années à venir. Nous le remarquons également de l’autre côté de la frontière, dans les Pyrénées catalanes, où mon collègue Marc Ventura a dirigé le <a href="http://www.lifelimnopirineus.eu/es/inicio">projet européen Limnopirineos</a>.</p>
<p>Dans les Alpes, les collègues du Centre de recherche des écosystèmes d’altitude (<a href="https://creamontblanc.org/">Crea</a>) dressent un constat similaire. Même dans les <a href="https://www.nps.gov/articles/algal-booms-mountain-lakes.htm">Rocheuses canadiennes</a>, une croissance évidente des algues a été relevée.</p>
<p>À ce verdissement des lacs, nous avons identifié quatre causes principales.</p>
<h2>Poissons, crustacés et algues qui prolifèrent</h2>
<p>Côté catalan, Marc Ventura a tout d’abord remarqué que la présence de poissons contribuait au phénomène, et que leur éradication rendait aux lacs une couleur bleuâtre. Car pour ceux qui tiqueraient sur le terme d’éradication, précisons que la présence des poissons dans les lacs de montagne n’est pas naturelle : elle est le résultat d’alevinages (c’est-à-dire de peuplements) réalisés pour favoriser le tourisme de la pêche.</p>
<p>Pour mieux comprendre les mécanismes à l’œuvre, il faut savoir que les espèces présentes dans les communautés lacustres de montagne forment un système très complexe, fait d’une quantité ahurissante d’interactions entre elles. La disparition d’une espèce ou d’un groupe d’espèces dans un système aquatique peut ainsi entraîner des changements radicaux.</p>
<p>Dans les lacs que nous avons étudiés, nous constatons par exemple que les crustacés sont beaucoup moins nombreux voire absents en présence de poissons, en particulier de vairons, espèce très commune dans les eaux douces. Les microcrustacés des écosystèmes aquatiques filtrent l’eau pour ingérer de la nourriture, laquelle est essentiellement constituée d’algues : en leur absence, ce déséquilibre incite les algues à proliférer.</p>
<h2>Des insecticides qui tuent les crustacés</h2>
<p>D’après nos <a href="https://theconversation.com/pyrenees-francaises-un-cocktail-toxique-impressionnant-detecte-dans-les-lacs-de-montagne-181860">propres travaux</a> menés dans certains lacs, l’absence ou la forte réduction des crustacés est également engendrée par la pollution. Celle-ci serait notamment due à deux insecticides, la <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0048969722015492">perméthrine et le diazinon</a>, qui sont soit utilisés sur le bétail, soit présents dans les insectifuges des touristes.</p>
<p>Nous avons identifié de nombreuses autres molécules chimiques dans l’eau des lacs – <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0048969722015492">141 au total</a> – et l’effet de ce cocktail sur les réseaux alimentaires aquatiques est pour l’instant inconnu. Notons toutefois que nous ne pouvons actuellement détecter qu’une petite partie des molécules organiques, en raison de limitations méthodologiques. La toxicité cumulée de tous les polluants émis par l’homme dans ces environnements demeure par conséquent un mystère.</p>
<p>Il est ainsi probable que nous sous-estimions l’impact global du grand nombre de molécules organiques sur les écosystèmes aquatiques en montagne et ailleurs. Mais il ne fait aucun doute, dans les lacs que nous étudions, que la hausse de la pollution favorise la disparition des microcrustacés et donc la prolifération des algues.</p>
<h2>Les rejets du bétail, nutriments pour les algues</h2>
<p>Ces polluants proviennent probablement du bétail, qui est traité contre les insectes piqueurs à l’aide, par exemple, de Butox ou de traitements vétérinaires similaires, contenant de la deltaméthrine ou de la perméthrine. Appliqués sur la peau, ces insecticides pénètrent dans le sang des bêtes avant d’être rejetés dans l’urine et les excréments.</p>
<p>La molécule active reste largement inchangée et pénètre dans l’eau, alors qu’elle est <a href="https://enveurope.springeropen.com/articles/10.1186/s12302-022-00710-3">hautement toxique pour les crustacés des lacs de montagne</a>, même à une concentration de l’ordre du nanogramme par litre, ce qui est minuscule. En tuant les crustacés, ces insecticides altèrent ainsi profondément le réseau alimentaire aquatique.</p>
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<p>Mais ce n’est pas tout. Pour se développer, les algues ont également besoin de nutriments. Le bétail en fournit en venant s’abreuver dans les lacs avant d’uriner et de déféquer dans l’eau : ces rejets contiennent une forte concentration de nutriments (nitrates et phosphates, entre autres), qui font le bonheur des algues.</p>
<h2>Le changement climatique en cause</h2>
<p>Enfin, ces dernières apprécient aussi la chaleur : elles se multiplient avec des taux de croissance élevés pendant les mois d’été, en particulier quand la température de l’eau dépasse les 20 °C. L’augmentation des températures engendrée par le changement climatique s’ajoute donc aux autres facteurs. Les rives des lacs, surtout des petits et moyens, ont vu leur mercure grimper. En 2022, la bordure du lac de Lhurs, dans le Béarn, avait ainsi atteint plus de 25 °C, à près de 1800 m d’altitude : une aubaine pour les algues.</p>
<p>Ces facteurs sont les principaux, mais il peut y en avoir d’autres : mes propres recherches nous en diront peut-être davantage à l’avenir. Le plus important est de comprendre qu’ils agissent en synergie : nous tuons les crustacés en introduisant des poissons, nous polluons en traitant le bétail puis, une fois les écosystèmes aquatiques de montagne fragilisés, nous contribuons par nos activités à faire augmenter la température des lacs : les algues y trouvent alors les conditions de croissance idéales. Certaines de ces <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0043135423009879">algues sont toxiques</a> et présentent donc un risque pour la santé.</p>
<p>Nos lacs passent ainsi du bleu au verdâtre, du verdâtre au vert vif : pas de mystère à cela, leur couleur vient simplement révéler ce que nous infligeons à nos lacs de montagne, à nos ressources en eau, à la faune, au bétail et à nous-mêmes.</p>
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<figcaption><span class="caption">Indicateurs de santé des écosystèmes des lacs de montagne. Crédits : Les montagnes, une source fragile de vie, 21 septembre 2023.</span></figcaption>
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<h2>Comment retrouver des lacs clairs et bleus</h2>
<p>Tout n’est pas perdu, bien heureusement. Les travaux de <a href="https://www.researchgate.net/publication/361705726_Non-native_minnows_cause_much_larger_negative_effects_than_trout_on_littoral_macroinvertebrates_of_high_mountain_lakes#fullTextFileContent">Marc Ventura</a> mettent en lumière qu’il reste possible de faire marche arrière et de rendre aux lacs une couleur bleue et des écosystèmes sains. Mais cela implique de changer la gestion de l’ensemble des lacs de montagne dans les Pyrénées.</p>
<p>Dans un premier temps, il est indispensable de limiter l’empoissonnement à certains grands lacs et de l’interdire dans les autres, pour qu’ils soient réservés à la faune et la flore locales. Y compris dans les Grands Lacs, il est possible de créer des zones inaccessibles aux poissons afin de favoriser les invertébrés, les amphibiens et d’autres espèces aquatiques et semi-aquatiques.</p>
<p>Il s’agit ensuite de diminuer la pollution provoquée par les touristes, le bétail et l’industrie. Notamment en communiquant et en discutant avec les différents acteurs, afin de les alerter sur les risques et d’aboutir avec eux à de vraies solutions plutôt qu’à des compromis insatisfaisants.</p>
<p>Le PNR des Pyrénées ariégeoises a ainsi commencé à sensibiliser les touristes au moins sur l’utilisation des crèmes solaires. C’est un premier pas, bien qu’insuffisant compte tenu de l’éventail des problèmes expliqués ici. Une autre avancée consisterait à limiter l’accès du bétail aux lacs verts, ce qui contribuerait aussi à restaurer les écosystèmes. Enfin, à plus grande échelle, le phénomène alerte une nouvelle fois sur l’urgence de combattre le changement climatique…</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/308798/original/file-20200107-123373-wmivra.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/308798/original/file-20200107-123373-wmivra.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=337&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/308798/original/file-20200107-123373-wmivra.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=337&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/308798/original/file-20200107-123373-wmivra.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=337&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/308798/original/file-20200107-123373-wmivra.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/308798/original/file-20200107-123373-wmivra.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/308798/original/file-20200107-123373-wmivra.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<p><em>Créé en 2007 pour accélérer et partager les connaissances scientifiques sur les grands enjeux sociétaux, le Fonds Axa pour la Recherche a soutenu près de 700 projets dans le monde entier, menés par des chercheurs originaires de 38 pays. Pour en savoir plus, consultez le site Axa Research Fund ou suivez-nous sur Twitter @AXAResearchFund.</em></p>
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<p><em>Le projet <a href="https://anr.fr/Projet-ANR-21-BIRE-0002">BiodivRestore</a> est soutenu par l’Agence nationale de la recherche (ANR), qui finance en France la recherche sur projets. Elle a pour mission de soutenir et de promouvoir le développement de recherches fondamentales et finalisées dans toutes les disciplines, et de renforcer le dialogue entre science et société. Pour en savoir plus, consultez le site de l’<a href="https://anr.fr/">ANR</a>.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/214102/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Dirk S. Schmeller a reçu des financements de ANR et AXA Research Fund. </span></em></p>
Dans les Pyrénées, de nombreux lacs de montagne ont verdi : un phénomène qui alerte sur les multiples pressions subies par les écosystèmes.
Dirk S. Schmeller, Professor for Conservation Biology, Axa Chair for Functional Mountain Ecology at the École Nationale Supérieure Agronomique de Toulouse, Université de Toulouse III – Paul Sabatier
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/211001
2023-08-27T19:04:47Z
2023-08-27T19:04:47Z
Ultra-trail du Mont-Blanc : quand course à pied rime avec philosophie
<p>171 kilomètres sur 10 000 mètres de dénivelé pour faire le tour du Mont-Blanc en traversant l’Italie, la Suisse et la France, c’est le parcours de <a href="https://montblanc.utmb.world/fr">l’Ultra-trail du Mont-Blanc</a> (UTMB) qui débute le 28 août et fête ses 20 ans cette année.</p>
<p>L’ultra-trail est une forme de course à pied qui se déroule « hors stade », sur des distances dépassant celle du marathon standard de 42,195 km, généralement sur des sentiers naturels et des terrains accidentés.</p>
<p>Les courses varient en distance de 50 à 170 km et les règlements de chaque course précisent le temps limite pour accomplir le parcours. Il faut terminer les 171km de <a href="https://montblanc.utmb.world/fr/races-runners/other-information/mb-regulations">l’UTMB</a> en 46h30 maximum ! Les mots du favori de cette année, <a href="https://www.mathieu-blanchard.com/post/mon-premier-100miles-vermont100-2017">Mathieu Blanchard</a> après son premier 160 km au Vermont 100 Mile Endurance Run, un ultra-trail organisé aux États-Unis, résument l’enjeu : « En creusant comme jamais au fond de moi, j’ai fini par avaler ce monstre de distance ! »</p>
<p>L’ultra-trail connait une croissance significative au niveau mondial ces dernières décennies. Il n’existe aucune fédération officielle qui puisse donner un nombre précis de pratiquants mais sur un site comme <a href="https://fr.peyce.com/">Peyce</a>, qui répertorie les calendriers de courses, on pouvait trouver plus de 6 000 événements (durant lesquels plusieurs courses ont lieu) en France en 2022.</p>
<p>L’engouement pour l’ultra-trail running semble déroutant pour le profane. Pourquoi des individus choisiraient-ils de pousser leur corps à de telles extrémités ?</p>
<p>Mon <a href="https://courir.hypotheses.org">travail de recherche</a> interroge justement les raisons sous-jacentes de cet attrait en s’appuyant sur les réflexions et concepts mis en avant par différents philosophes.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/equal-play-equal-pay-des-inegalites-de-genre-dans-le-football-208530">Equal play, equal pay : des « inégalités » de genre dans le football</a>
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<h2>Une course qui modifie la perception du temps</h2>
<p>Sur de très longues distances, la durée de la course peut s’étendre sur plusieurs heures, voire plusieurs jours. Dans ce contexte, la montre et les repères temporels habituels perdent de leur pertinence. Le coureur se trouve dans un état où il doit gérer ses efforts sans trop se focaliser sur le temps qui passe.</p>
<p>Pour gérer la douleur, la fatigue, et les différents aléas de la course (conditions météo, terrains difficiles, etc.), le coureur doit rester concentré sur l’instant présent pour éviter d’être submergé par l’ampleur de la tâche ou par les kilomètres restants.</p>
<p>Les résultats d’une récente <a href="https://www.frontiersin.org/articles/10.3389/fpsyg.2022.934308/full">étude</a> menée par des psychologues sur la façon dont les individus ressentent le passage du temps montrent d’ailleurs qu’il existe effectivement une dilatation du temps dans une situation de pratique d’ultra-trail par rapport à une situation quotidienne sans pratique physique. Pour résumer : lorsque les sensations physiques sont bonnes, le temps semble filer alors que la douleur ou les pensées négatives semblent produire des effets de ralentissement.</p>
<p>Les événements sont des « bulles spatio-temporelles » encadrées par une organisation comprenant sécurité, assistances, système de ravitaillement. Pour une durée maximale donnée et un itinéraire précis, les participants sont invités à une immersion totale et radicale. En se confrontant à la nature, au temps, à la fatigue et à la douleur, l’ultra-trailer cherche à vivre des émotions brutes, non filtrées par le confort moderne. Cette intensité est souvent ce qui attire et retient les coureurs dans cette discipline. Il s’agit-là d’un des paradoxes de la discipline : une quête d’authenticité dans un système ultra-contrôlé.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/544257/original/file-20230823-8994-qn2e04.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="La descente du col de la Seigne (Savoie)" src="https://images.theconversation.com/files/544257/original/file-20230823-8994-qn2e04.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/544257/original/file-20230823-8994-qn2e04.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/544257/original/file-20230823-8994-qn2e04.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/544257/original/file-20230823-8994-qn2e04.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/544257/original/file-20230823-8994-qn2e04.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/544257/original/file-20230823-8994-qn2e04.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/544257/original/file-20230823-8994-qn2e04.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">La descente du col de la Seigne (Savoie).</span>
<span class="attribution"><span class="source">Akunamatata/Flickr</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nd/4.0/">CC BY-ND</a></span>
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<h2>Maîtriser l’effort pour se sentir vivant</h2>
<p>Dans <a href="http://journals.openedition.org/lectures/8447">son analyse de la modernité</a>, le philosophe allemand Hartmut Rosa met en lumière le phénomène d’accélération sociale des sociétés contemporaines. Notre époque est marquée par une course contre la montre permanente, où tout doit aller plus vite : l’information, la communication, le travail, la consommation. Cette dynamique engendre souvent un sentiment d’aliénation, où l’individu se sent déconnecté de sa propre vie – emporté par un tourbillon qu’il ne maîtrise pas.</p>
<p>Pour faire face à cela, nous sommes nombreux à rechercher des moments, des espaces, des expériences où nous pouvons véritablement « résonner ». <a href="https://www.philonomist.com/fr/video/vivre-en-resonance-avec-hartmut-rosa">« La résonance »</a>, selon Hartmut Rosa, est cette relation dynamique, réciproque et émotionnelle avec le monde qui nous entoure, où l’on se sent à la fois acteur et récepteur, en harmonie avec ce qui nous entoure. Ce concept peut être pertinent pour comprendre l’engouement actuel pour l’ultra-endurance.</p>
<p>Lors d’un ultra-trail, chaque pas, chaque montée, chaque descente peut être perçu par les coureurs comme une manière de se reconnecter, de se sentir vivant, vibrant – en phase avec le monde. <a href="https://www.arthaud.fr/courir-ou-mourir/9782080234087">De nombreux d’athlètes</a> de renoms font le <a href="https://editions.flammarion.com/vivre-d-aventures/9782080292049">récit</a> de <a href="https://www.editionsmons.com/products/vivre-et-courir">ces sentiments</a> et utilisent ce lexique pour décrire ces sensations.</p>
<h2>Se sentir à sa place</h2>
<p>L’ultra-trail peut aussi offrir des expériences « d’habiter sa vie, d’habiter son corps ». Ils ne sont plus de simples spectateurs, mais des acteurs actifs, engagés, et « enracinés dans le monde ». Cette question, la place de chaque individu dans le monde, est centrale pour certains philosophes comme <a href="https://www.editions-observatoire.com/content/%C3%8Atre_%C3%A0_sa_place">Claire Marin</a>.</p>
<p>L’autrice aborde la question des ruptures, qu’elles soient physiques, émotionnelles ou psychologiques, et la manière dont elles façonnent notre rapport au monde. Les épreuves sont pour elle des occasions d’intense prise de conscience, de renouveau – autant d’opportunités de se réinventer, d’approfondir sa compréhension de soi-même et de renouer avec le sentiment de se sentir vivant.</p>
<p>[<em>Plus de 85 000 lecteurs font confiance aux newsletters de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde</em>. <a href="https://memberservices.theconversation.com/newsletters/?nl=france&region=fr">Abonnez-vous aujourd’hui</a>]</p>
<p>Elle suggère que dans ces moments de rupture, lorsque l’ancien cadre de référence est chamboulé, nous sommes invités à « habiter » pleinement notre corps. Les coureurs provoquent ces moments par des défis physiques et mentaux extrêmes, en rupture avec leur quotidien, leurs limites habituelles et parfois même avec leurs propres croyances et perceptions d’eux-mêmes.</p>
<p>Dans le but de se préparer à ces défis, les coureurs recréent de nouvelles habitudes en structurant des entraînements réguliers afin « d’être prêt » à affronter de telles distances en se poussant à des extrêmes. Préparer un ultra-trail revient finalement à se (re) définir, se trouver de nouveaux repères.</p>
<h2>L’expérience de la plasticité</h2>
<p>L’ultra offre aussi l’expérience d’un véritable « cogito corporel », un <a href="https://www.cairn.info/revue-l-information-geographique-2016-2-page-114.htm">« je sens donc j’existe »</a> où le corps, face à l’exigence et à la rigueur de l’entraînement, se modifie, s’adapte et se transforme. Cette transformation n’est pas seulement physique : elle est aussi mentale et émotionnelle.</p>
<p>On peut ici parler même de plasticité en suivant la philosophe <a href="https://www.decitre.fr/livres/plasticite-9782914172066.html">Catherine Malabou</a>. Pour elle, la plasticité évoque à la fois la capacité à recevoir une forme et à donner une forme. Elle s’intéresse particulièrement à la manière dont nous sommes formés par les expériences tout en étant capables de nous transformer et de surmonter les traumas.</p>
<p>Les coureurs développent résilience et <a href="https://theconversation.com/ameliorer-sa-flexibilite-psychologique-grace-a-la-therapie-dacceptation-et-dengagement-153588">flexibilité psychologique</a> à travers des capacités à surmonter la douleur, la fatigue, les doutes, tout en restant focalisés sur leur objectif.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/w3XRT_gz3c0?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">La gestion de la « pain cave » (littéralement « la caverne de la douleur ») expliquée par l’athlète états-unienne Courtney Dauwalter qui a notamment remportée l’Ultra-trail du Mont-Blanc en 2019 et en 2021.</span></figcaption>
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<p>La plasticité invite à penser l’ultra-trail non seulement comme une épreuve sportive, mais aussi comme une expérience de vie, capable de transformer notre rapport au monde, aux autres, et à nous-mêmes. La longue distance, la solitude, l’interaction avec la nature, tout cela forme le coureur, mais lui donne aussi l’opportunité de se transformer, de donner une nouvelle forme à sa vie, à ses priorités, à sa compréhension de lui-même.</p>
<h2>Des émotions rares</h2>
<p>Lors d’un ultra-trail, les émotions peuvent se manifester avec une intensité rarement égalée dans la routine du quotidien. L’ultra-trail peut provoquer une gamme d’émotions qui, souvent, transcende la norme : la terreur face à l’inconnu du parcours, l’émerveillement devant la beauté sauvage de la nature, l’agonie des muscles à bout de forces, et l’euphorie d’une ligne d’arrivée franchie.</p>
<p>Dans le livre <a href="https://www.puf.com/content/Petit_manuel_philosophique_%C3%A0_lintention_des_grands_%C3%A9motifs">« Petit manuel philosophique à l’intention des grands émotifs »</a>, la philosophe italienne Ilaria Gaspari décrit le rôle essentiel des émotions dans le façonnement de notre expérience existentielle. Au-delà d’une simple réaction biochimique, elle présente les émotions comme des narrations intimes qui façonnent notre rapport au monde.</p>
<p>L’ultra-trail peut ainsi être une occasion unique de faire face à une intensité émotionnelle qui reflète la complexité de la condition humaine. Chaque montée, chaque obstacle surmonté symbolise la vie et ses défis. En confrontant et en surmontant ces émotions amplifiées par l’effort physique, le coureur peut éprouver une forme de catharsis, un éclairage sur sa propre existence.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/211001/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Mathilde Plard ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>
L’engouement pour l’ultra-trail running semble déroutant pour le profane : pourquoi des individus poussent-ils leur corps à de telles extrémités ?
Mathilde Plard, Chercheuse CNRS - UMR ESO, Université d'Angers
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/208393
2023-07-12T21:12:02Z
2023-07-12T21:12:02Z
À qui appartiennent les paysages de l’Himalaya ?
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/534089/original/file-20230626-5406-n3ldgn.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C65%2C3648%2C2654&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Labour et plantation de pommes de terre dans le village d'estive de Milam (Inde), à 3 800m. </span> <span class="attribution"><span class="source">F. Landy</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span></figcaption></figure><blockquote>
<p>« Delete ! Delete ! Supprimez ! Cette photo aussi ! »</p>
</blockquote>
<p>Le soldat tient mon appareil photo, et c’est lui-même qui efface les clichés compromettants. Compromettants ? J’avais pourtant cru suivre la règle donnée à notre arrivée à Milam, village d’estive au pied d’un glacier himalayen : interdiction de photographier le camp militaire indien à proximité.</p>
<p>La frontière du Tibet, autrement dit de <a href="https://www.cairn.info/revue-herodote-2019-2-page-29.htm">l’ennemi chinois</a>, se trouve à moins de 20 kilomètres à vol d’oiseau.</p>
<p>À plus de 3 500 m d’altitude, cette haute vallée du Johar, dans l’État indien de l’Uttarakhand, a une grande valeur stratégique. Les touristes peuvent y passer lors d’un trek, attirés par les sommets voisins (la Nanda Devi, 7816 m) ou par les ruines de Milam, ce Pompéi himalayen abandonné avec la <a href="https://www.researchgate.net/publication/273463122_Politics_of_Scale_in_a_High_Mountain_Border_Region_Being_Mobile_Among_the_Bhotiyas_of_the_Kumaon_Himalaya_India">fin progressive du commerce transfrontalier</a>d epuis l’invasion chinoise du Tibet en 1959.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/534093/original/file-20230626-17-v7sp65.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/534093/original/file-20230626-17-v7sp65.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/534093/original/file-20230626-17-v7sp65.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/534093/original/file-20230626-17-v7sp65.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/534093/original/file-20230626-17-v7sp65.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/534093/original/file-20230626-17-v7sp65.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/534093/original/file-20230626-17-v7sp65.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/534093/original/file-20230626-17-v7sp65.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">La Police de la Frontière Indo-Tibétaine (ITBT) est souvent présente à la petite gare routière de Munsyari.</span>
<span class="attribution"><span class="source">F. Landy</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<span class="caption">Dans la petite ville de Munsyari, voitures de touristes et hôtels.</span>
<span class="attribution"><span class="source">F. Landy</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Les promoteurs du tourisme (petites agences du bourg de Munsyari à trois jours de marche, tour-opérateurs de Delhi, etc.) encouragent l’arrivée de visiteurs, étrangers autant qu’indiens. Mais ce tourisme est loin d’être prioritaire face aux enjeux géopolitiques.</p>
<p>J’avais commis l’erreur de photographier, non seulement des panoramas où l’on pouvait discerner dans le lointain un bout de campement, mais aussi le temple local : or, sur son fronton était affichée une inscription remerciant l’armée de son soutien à la restauration de l’édifice.</p>
<figure class="align-right zoomable">
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<span class="caption">Localisation de Milam, en Inde.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Google Maps</span></span>
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<p>À qui appartient le paysage dans le Haut Johar ? Assurément pas aux touristes. Aux pasteurs transhumants qui y mènent paître chèvres et bovins ? Aux rares agriculteurs qui montent à Milam cultiver de la ciboulette et des pommes de terre, ces dernières souvent vendues aux militaires ? Aux chercheurs de <a href="https://scroll.in/article/1028581/the-worlds-most-expensive-fungus-is-now-disappearing-from-the-himalayas">cordyceps</a>, ce champignon qui se vend un million de roupies le kilo (12 000 €) en raison de ses vertus médicinales et aphrodisiaques pour le marché chinois ? Assurément, le paysage appartient avant tout aux militaires.</p>
<h2>Les paysages, un pouvoir politique</h2>
<p>Dans une Asie des hautes terres où l’agriculture demeure prédominante, mais où se développe le tourisme, les paysages appréciés par les touristes sont-ils les mêmes que ceux construits par les villageois ? Il ne s’agit pas là seulement d’une question d’esthétique, <a href="http://journals.openedition.org/developpementdurable/14449">mais bien de pouvoir politique</a>. En effet, si les paysages touristiques sont les mêmes que les paysages agraires, alors leurs producteurs, avant tout les populations locales, disposent d’un certain levier pour imposer leurs vues aux promoteurs du tourisme, y compris à l’État.</p>
<figure class="align-center zoomable">
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<span class="caption">Restaurant d’altitude sur le chemin des estives et du trek.</span>
<span class="attribution"><span class="source">F. Landy</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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</figure>
<p>Si ce n’est pas le cas, <a href="https://journals.openedition.org/viatourism/6555">il y a risque que les villageois soient dépossédés de leurs ressources</a>, au profit de nouvelles constructions paysagères édifiées aux seules fins du tourisme. Cela prendrait alors la suite d’une longue tradition historique en Himalaya indien, l’État s’efforçant depuis la colonisation britannique de contrôler les forêts au <a href="https://journals.openedition.org/ccrh/2863?lang=en">nom de l’exploitation de bois d’œuvre</a>, puis de la <a href="https://www.cairn.info/revue-cahiers-d-anthropologie-sociale-2007-1-page-109.htm">protection de l’environnement</a>.</p>
<h2>Des zones agraires qui séduisent</h2>
<p>Mais voyageons plus à l’est, à 370 km à vol d’oiseau : autre terrain d’étude au Népal, les Annapurnas, et plus précisément la <a href="http://journals.openedition.org/viatourism/5266">zone du trek du Mardi Himal</a>, itinéraire ancien « rouvert » en 2012 et en plein essor depuis.</p>
<figure class="align-center ">
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<span class="caption">Le paysage de la haute montagne : la crête du Mardi Himal, vers 4000 m, peu avant le Upper View Point – avril 2016.</span>
<span class="attribution"><span class="source">P. Dérioz</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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</figure>
<p>Là, aucune restriction à la photographie ! Le touriste est roi, et bien mieux accueilli que dans le Johar, dans une zone moins stratégique, ouverte depuis plus longtemps aux étrangers, dans un pays où le tourisme <a href="https://wttc.org/DesktopModules/MVC/FactSheets/pdf/704/169_20220613165223_Nepal2022_.pdf">représente plus de 7 % du PIB</a>.</p>
<p>Les lodges sont nombreuses le long des chemins de trek. La part des touristes népalais est en forte croissance, mais ils sont venus tout comme les touristes étrangers surtout pour les cimes et les pics – avec de plus en plus une composante sportive (canyoning, parapente…).</p>
<p>Les paysages agraires, comme les terrasses rizicoles, jusque vers 1800 m, ne sont pas la principale attraction de départ. Il reste que nos entretiens révèlent que c’est souvent l’ensemble des panoramas qui sont photographiés – de fantastiques versants étagés sur parfois plus de 1000 m.</p>
<figure class="align-center zoomable">
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<span class="caption">Battage, sur une terrasse. Khanigaon (Lwang, versant gauche de l'idi Khola) - 20 novembre 2014.</span>
<span class="attribution"><span class="source">P. Dérioz</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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</figure>
<p>Et la progression de la marche, qui traverse à basse altitude les villages et les champs, fait découvrir des paysages et des sociétés agraires qui séduisent, notamment les touristes occidentaux.</p>
<h2>Des locaux qui mettent en tourisme leur culture</h2>
<p>Cela est mis à profit par les populations locales, et notamment les <a href="https://www.persee.fr/doc/geo_0003-4010_1999_num_108_605_21766">Gurung, une ethnie tibéto-birmane</a>. Ils possèdent la plupart des refuges et des lodges, et leur culture est <a href="https://journals.openedition.org/viatourism/6555">mise en valeur, voire mise en tourisme</a>, par des spectacles folkloriques ou de petits musées comme celui de Ghandruk. Les chants et les danses sont appréciés des touristes, tout comme les plats « traditionnels » qui sont cuisinés avec des ingrédients cultivés localement sans intrants chimiques. Le risque de renforcer une <a href="https://journals.openedition.org/civilisations/1370">dimension « exotisante » et folklorisante</a> existe cependant.</p>
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<p>Ces initiatives privées ont des soutiens hors de la région, grâce aux émigrés qui peuvent investir leur épargne dans l’accueil touristique, mais aussi dans le cadre institutionnel de l’Annapurna Conservation Area Project (ACAP), entièrement financé par les droits d’entrée payés par les touristes (21 € par personne étrangère en 2023) ; il a une composante participative laissant un certain pouvoir de décision aux populations locales, pour le tourisme, mais aussi pour les usages agricoles ou la gestion de la forêt, et permet la redistribution d’une partie des revenus touristiques aux villages concernés.</p>
<p>Dans la zone étudiée, un programme coordonné d’hébergements chez l’habitant (<em>homestays</em>) en lien avec un réseau de chemins (<a href="https://www.nepalhighlandtreks.com/machhapuchhre-model-trek.html">Macchapucchre Model Trek</a>) a encouragé à partir de 2007 le développement local, si crucial à une époque où l’on sortait de la <a href="https://www.cairn.info/revue-herodote-2002-4-page-47.htm">guerre civile</a>. L’organisation collective au niveau de chaque village est souvent institutionnalisée par des groupes de femmes, de façon à répartir les nuitées de façon équitable entre les ménages. De fait, les <a href="http://echogeo.revues.org/14724">femmes apparaissent souvent comme les principales bénéficiaires</a>, mais cela se traduit par une surcharge de travail pour elles, surtout quand les hommes sont en migration, et les hautes castes Brahmanes et les Gurung perçoivent l’essentiel des revenus.</p>
<h2>Des communautés qui adaptent leurs intérêts aux situations</h2>
<p>Une association locale pratique un principe de distribution semblable près de Munsyari. Mais pour le reste, la situation du côté indien est fort différente. Dans le Johar, point d’ACAP, pas de politique touristique intégrée à une politique environnementale. La population dominante est celle des Bhotias, une communauté qui est parvenue à obtenir le statut de « tribu » pour bénéficier de la <a href="http://geoconfluences.ens-lyon.fr/glossaire/discrimination-positive">politique de discrimination positive de l’Inde</a>, alors même qu’il s’agissait de ces <a href="https://link.springer.com/book/10.1007/978-3-319-29707-1">riches marchands transfrontaliers qui commerçaient avec le Tibet</a> tout en faisant travailler leurs terres par des métayers de castes intouchables.</p>
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<span class="caption">En Inde, dans le Johar, les trekkeurs empruntent les mêmes sentiers que les muletiers ravitaillant l’armée ou les villages d’estive.</span>
<span class="attribution"><span class="source">F. Landy</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Ils ont perdu une partie de ces terres du fait des réformes agraires, mais leur reconversion dans des activités urbaines, en plaine, à Delhi ou ailleurs, s’est faite de façon souvent fort profitable.</p>
<p>Une partie d’entre eux cherche à entretenir les hameaux d’altitude désertés, anciens relais du commerce et de la transhumance où se trouvent les autels des aïeux – les noms de famille des Bhotias incluent souvent le toponyme de leur hameau ancestral. Mais pour la plupart, leurs intérêts se trouvent ailleurs, loin de la haute montagne, y compris dans l’armée puisque comme les Gurung les Bhotia ont souvent été recrutés dès l’époque coloniale comme soldats.</p>
<p>Pour les touristes, la visibilité des Bhotia est donc faible. Un petit « Tribal Museum » leur est consacré à Munsyari, mais pour le reste le peu de tourisme culturel existant met en exergue la culture <em>pahari</em>, « des montagnes », plus que la culture d’une communauté en particulier. « Des Bhotia ? Mais n’en trouverez pas ici ! », nous répondit même une touriste du Bengale, très sure d’elle.</p>
<p>Les revenus des 10 à 15 000 touristes annuels sont bien incapables de freiner l’exode rural, qui, tout comme sur le versant sud des Annapurna, multiplie les friches à moyenne altitude, et seuls les champs autour de Munsyari sont cultivés relativement intensivement, en pommes de terre notamment. Singes et sangliers rendent l’agriculture plus difficile, ce qui engendre un cercle vicieux, car la croissance des friches favorise la multiplication de la faune sauvage.</p>
<p>Mais les touristes n’en ont cure. Si le paysage se ferme à cette altitude, il leur restera toujours de fantastiques panoramas plus haut, à l’étage des pelouses et des rocs. Le paysage rural est (encore ?) une ressource importante pour les Gurung, mais ne l’est plus pour les Bhotia.</p>
<p>Alors à qui appartient ce paysage ? Il appartient aux paysans népalais, dans la mesure où ceux-ci sont souvent partie prenante des aménagements touristiques, mais il appartient de moins en moins aux paysans indiens, soit que les enjeux militaires ou hydroélectriques prennent trop de place, soit que simplement les villageois se détournent progressivement de leurs ressources agraires.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/208393/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Le programme de recherche qui m’a conduit à ces altitudes, financé par l’ANR, s’appelait AQAPA : À Qui Appartiennent les Paysages en Asie ? La mise en tourisme des hautes terres en Asie méridionale : dynamiques sociales et patrimonialisation des paysages dans les campagnes à minorités ethniques (Inde, Népal, Laos, Chine, Vietnam)</span></em></p>
Dans une Asie des hautes terres où l’agriculture demeure prédominante et où se développe le tourisme, les paysages deviennent un enjeu aussi politique qu'esthétique.
Frédéric Landy, Professeur de géographie, Université Paris Nanterre – Université Paris Lumières
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/202796
2023-07-12T15:41:55Z
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Est-il vrai que l’on peut voir le mont Blanc depuis la tour Eiffel ?
<p>Du haut de ses 4810 m, le mont Blanc est le plus haut sommet de France et d’Europe occidentale. Il est visible depuis plusieurs villes de l’est, de la France, de Suisse et d’Italie. Une légende urbaine prétendait même qu’il était visible depuis le sommet de la tour Eiffel par temps clair.</p>
<p>Le problème de la visibilité d’une structure, d’un monument où d’une montagne est en première approximation assez simple moyennant certaines conditions et hypothèses. La première est bien sûr de ne pas avoir d’obstacle entre l’observateur et l’objet observé. Une autre hypothèse, et l’on verra qu’elle n’est pas si évidente, est que la lumière se déplace en ligne droite. Enfin, nous admettons que nous sommes à la surface d’une planète sphérique de rayon R=6 371 km.</p>
<h2>Une application du théorème de Pythagore</h2>
<p>Sachant que l’on cesse de voir un objet lorsque celui-ci disparaît sous la ligne d’horizon, il est très simple de calculer la distance maximale D à laquelle on peut voir un objet de hauteur h en utilisant le théorème de Pythagore. Rappelons que ce fameux théorème nous dit que dans un triangle rectangle, le carré de l’hypoténuse est égal à la somme des carrés des deux autres côtés. Or, dans le cas d’un objet éloigné vu par un observateur sur l’horizon, on note que le centre de la Terre, la position de l’observateur et celle de l’objet observé forment un triangle rectangle dont l’hypoténuse est R+h tandis que les deux autres côtés ont pour longueurs respectives R et D comme indiqué sur la figure ci-dessous.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/536997/original/file-20230712-21-k4155g.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/536997/original/file-20230712-21-k4155g.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=449&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/536997/original/file-20230712-21-k4155g.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=449&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/536997/original/file-20230712-21-k4155g.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=449&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/536997/original/file-20230712-21-k4155g.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=565&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/536997/original/file-20230712-21-k4155g.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=565&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/536997/original/file-20230712-21-k4155g.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=565&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Théorème de Pythagore dans un triangle rectangle formé par le centre de la Terre, la position de l’observateur et l’objet à observer.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Karl Joulain</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>L’application du théorème de Pythagore permet de calculer la distance maximale de visibilité d’un objet à la surface de la Terre comme étant égale à D=√(2Rh+h<sup>2</sup>) se réduisant même à √2Rh lorsque la hauteur de l’objet considéré est négligeable devant le rayon de la Terre, ce qui est très souvent le cas.</p>
<p>Calculons maintenant quelques distances de visibilité typiques. Un être humain d’1m80 peut typiquement être vu jusqu’à 4,79km. Notons également que c’est la distance maximale à laquelle des yeux situés à 1m80 du sol peuvent voir en l’absence d’obstacle. La cathédrale de Chartres est bien visible de la plaine de la Beauce. Sa flèche située à 113m de haut et le faitage du toit de sa nef situé à 51m sont visibles respectivement à 37,9 km et 25,5 km. La tour Eiffel haute de 324 m est visible à 64,2 km et le mont Blanc à 247,5 km.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/536999/original/file-20230712-29-8t8r71.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/536999/original/file-20230712-29-8t8r71.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/536999/original/file-20230712-29-8t8r71.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=451&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/536999/original/file-20230712-29-8t8r71.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=451&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/536999/original/file-20230712-29-8t8r71.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=451&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/536999/original/file-20230712-29-8t8r71.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=567&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/536999/original/file-20230712-29-8t8r71.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=567&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/536999/original/file-20230712-29-8t8r71.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=567&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Objet d’une hauteur h2 vue par un observateur situé à une hauteur h1.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Karl Joulain</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Le fait d’être soit même en hauteur permet bien entendu d’augmenter la distance à laquelle on peut voir un objet. Si on observe d’une hauteur h1 un objet situé à une hauteur h2, alors la distance d’où on pourra voir l’objet sera égale à la somme de la distance d’où on peut voir l’objet (en h2) au niveau du sol avec la distance d’où on peut voir la hauteur h1 au niveau du sol. On a alors D=D1+D2=√(2Rh1)+√(2Rh2) (Figure ci-dessus)</p>
<h2>Quand la lumière ne se propage pas en ligne droite</h2>
<p>Si on ajoute la distance à laquelle on peut voir la tour Eiffel à la distance à laquelle on peut voir le mont Blanc, on obtient une distance de 311,7 km. Si ces deux points étaient éloignés d’une distance inférieure à cette valeur, on pourrait voir le mont Blanc de la tour Eiffel. Une correction supplémentaire doit cependant être prise en compte dans certaines conditions. En effet, le fait que la température de l’air diminue avec l’altitude fait que les propriétés optiques de l’air varient et que la lumière ne se propage plus exactement en ligne droite.</p>
<p>Dans des conditions où la différence de température est particulièrement marquée et pour des objets de plusieurs kilomètres comme des massifs montagneux, les rayons sont déviés par l’atmosphère d’un angle α d’environ un demi-degré. À la surface d’une planète sphérique, cette déviation se traduit par une distance supplémentaire égale à Rα= 55 km.</p>
<p>Compte tenu du fait que la distance du mont Blanc à Paris est égale à 475,7 km, on remarque donc qu’il n’est pas possible de voir cette montagne depuis la tour Eiffel. En revanche, en raison de cette déviation des rayons lumineux par l’atmosphère, on peut en principe voir le mont Blanc jusqu’à 302km c’est-à-dire jusqu’à Clermont (295km) Marseille (302km), Nîmes (295 km) mais pas Strasbourg (314km).</p>
<p>Pour avoir précisément les zones de visibilité du mont Blanc, il faut tenir compte des obstacles sur la ligne de visée. En utilisant un modèle numérique de terrain, il est possible avec certains logiciels de calculer les zones d’ombres en plaçant dans ce modèle une source de lumière au sommet de Mont-Blanc. La géographe Claire Medici a effectué ce calcul qui peut être visualisé <a href="https://cartographisme.com/MB.html">ici</a>. Le résultat est saisissant et montre que le mont Blanc est visible de nombreuses régions allant du plateau de Langres aux Cévennes, au Puy-de-Dôme et à la plaine du Pô en passant par les Monts du Lyonnais et les massifs des Vosges et du Jura.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/202796/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Karl Joulain ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>
Grâce au célèbre théorème de Pythagore, il est possible de calculer facilement de quel point en France il est possible de voir le mont Blanc.
Karl Joulain, Professeur de physique et d'énergétique. Institut P' CNRS UPR3346., Université de Poitiers
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tag:theconversation.com,2011:article/200116
2023-03-13T19:55:29Z
2023-03-13T19:55:29Z
Des roches plus vieilles que ce que l’on pensait au cœur des Alpes
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/510574/original/file-20230216-18-d24d0p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=21%2C56%2C4648%2C4025&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les Alpes vue par le satellite Sentinel</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.esa.int/ESA_Multimedia/Images/2019/03/The_Alps">©Copernicus Sentinel data (2018), processed by ESA</a></span></figcaption></figure><p>Sur les hauteurs de la station de Serre Chevalier dans les Hautes-Alpes, nous <a href="https://rst2020-lyon.sciencesconf.org/data/pages/livre_resumes_RSTLYON2021.pdf">venons de dater</a> un ensemble rocheux : il a environ 600 millions d’années. Il s’agit des roches les plus anciennes découvertes à ce jour dans les Alpes occidentales.</p>
<p>En effet, si l’on savait que les Alpes s’étaient formées lors de deux cycles géologiques, ces vestiges encore plus anciens proviennent d’un cycle antérieur, appelé le précambrien – c’est-à-dire qu’ils reculent l’âge des roches de cette partie des Alpes de plus de 60 millions d’années vers le passé.</p>
<p>La contribution du cycle précambrien est déjà bien connue dans d’autres régions françaises (Massif armoricain et Pyrénées par exemple) et en Afrique. Mais il était jusqu’alors inconnu dans les Alpes françaises.</p>
<h2>Comment naissent les montagnes ?</h2>
<p>Depuis l’<a href="https://www.deboecksuperieur.com/ouvrage/9782311000122-histoire-de-la-tectonique">avènement de la « tectonique des plaques » (et même avant)</a>, on sait que les continents ne sont pas fixes, mais migrent en s’éloignant ou se rapprochant au gré de mouvements agitant les parties profondes de la Terre.</p>
<p>Schématiquement, une chaîne de montagnes se forme au cours d’un cycle qui débute par l’ouverture d’un océan où se déposent des sédiments, et c’est quand l’océan se referme et que les continents entrent en collision que les forces gigantesques qui les poussent l’un contre l’autre font naître les montagnes.</p>
<p>C’est en réalité un peu plus complexe. Dans ce processus de migration, de multiples blocs (on parle de « microcontinents ») se détachent de leur continent d’origine, et ce sont généralement ces blocs qui entrent en collision et forment les montagnes. Chaque bloc a ses propres caractéristiques et, parmi elles, l’âge des roches est le plus déterminant. L’âge précambrien des roches de Serre Chevalier pose donc la question de la diversité et de l’origine des blocs constituant des Alpes.</p>
<h2>Comment déterminer l’âge des roches ?</h2>
<p>Pour déterminer l’âge d’une formation géologique (ensemble de roches), on utilise des méthodes différentes selon le type de roche. S’il s’agit de roches « sédimentaires », c’est-à-dire issues du lent dépôt de sédiments au fond d’une mer ou d’un lac, on utilise généralement les fossiles. Ceux-ci sont les vestiges des organismes qui peuplaient le milieu aquatique et peuvent fournir des indications précises.</p>
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<p>Pour les roches dites « cristallines », c’est-à-dire issues de magmas nés dans les profondeurs de la Terre et remontés vers la surface, la datation requiert l’utilisation de méthodes de laboratoire basées sur les propriétés des éléments radioactifs, la « radiochronologie ». Les éléments utilisés sont toujours peu abondants – le <a href="https://www.researchgate.net/publication/234288836_Composition_of_the_Continental_Crust_Treatise_Geochem_31-64">plus fréquent est l’uranium</a>.</p>
<p>Au fil des ans, ces méthodes sont devenues de <a href="https://timslab.princeton.edu/sites/g/files/toruqf2276/files/schoene-treatisegeochemistry-2014.pdf">plus en plus performantes et de plus en plus accessibles</a> ; désormais, elles sont systématiquement utilisées pour des travaux de cartographie géologique. Ceci concerne en particulier tous les massifs anciens, tels le Massif armoricain ou le Massif central, particulièrement riches en roches cristallines.</p>
<p>C’est également le cas dans les Alpes, connues en France comme des montagnes « jeunes », mais qui comportent de vastes massifs de roches cristallines anciennes comme le Mont-Blanc, les Écrins ou la chaîne de Belledonne. Depuis une vingtaine d’années, ces massifs anciens ont fait l’objet de très nombreuses <a href="https://timslab.princeton.edu/sites/g/files/toruqf2276/files/schoene-treatisegeochemistry-2014.pdf">datations par radiochronologie</a>.</p>
<p>Mais l’âge des roches cristallines de Serre Chevalier, un ensemble plus modeste, restait totalement inconnu.</p>
<h2>La formation des Alpes</h2>
<p>Dans les Alpes, les sédiments se sont déposés en s’accumulant en couches, qui donneront plus tard les reliefs de la chaîne actuelle : falaises calcaires du Vercors et Chartreuse, ou dépressions marneuses de la région de Serre-Ponçon.</p>
<p>Ces sédiments se déposaient sur un socle fait de granites et autres roches cristallines. Celles-ci se trouvaient initialement en dessous, mais ont été expulsées vers le haut lors de la collision continentale formant désormais la plupart des plus hauts sommets – Mont-Blanc et mont Pelvoux en France, ou Grand Paradis en Italie.</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/FNl53XZhh-w?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Comment la tectonique des plaques a façonné les Alpes Source : HES-SO.</span></figcaption>
</figure>
<p>Ces roches cristallines sont en fait des fragments de continents que la tectonique des plaques a assemblés pour créer la chaîne des Alpes actuelle. Elles sont nées de la collision entre l’Europe et une microplaque venue d’Afrique appelée l’Apulie. La partie européenne occupe toutes les Alpes françaises et l’Apulie occupe l’actuelle Italie. D’Afrique, l’Apulie a migré vers le nord pour percuter l’Europe au cours du Tertiaire, il y a environ 35 millions d’années.</p>
<h2>Un océan « fossile » et des rives bien cristallisées</h2>
<p>Dans le détail, cette histoire s’avère relativement complexe, mais l’océan qui séparait initialement les deux blocs continentaux a laissé de nombreux indices et peut être partiellement reconstitué malgré une histoire géologique mouvementée qui l’a fait plonger sous l’Apulie lors du rapprochement Afrique-Europe. Ces indices sont un ensemble de roches spécifiques des fonds océaniques que l’on retrouve désormais à l’est des Alpes françaises, du Queyras à la Vanoise, et qui se poursuit au nord vers l’Italie et la Suisse.</p>
<p>À l’écart de cet océan « fossile », les massifs cristallins sont autant de témoins des continents initiaux. Connaître l’âge d’un massif peut permettre de déterminer son continent d’origine. S’agit-il d’un fragment d’Europe ou d’un fragment d’Afrique, voire même d’Ibérie, puisque celle-ci constituait une plaque particulière avant que sa collision avec la plaque Europe n’engendre les Pyrénées ?</p>
<p>Jusque dans les années 80, les méthodes de datation étaient encore peu répandues et les cartes géologiques des Alpes, souvent levées dans les années 60 et 70, ne donnaient que des informations imprécises et qualitatives sur l’âge des massifs cristallins. De <a href="https://www.researchgate.net/publication/228676754_The_Variscan_evolution_in_the_External_massifs_of_the_Alps_and_place_in_their_Variscan_framework">très nombreux travaux scientifiques</a>, menés postérieurement aux levés des cartes, ont partiellement comblé cette lacune et un important corpus de données s’est constitué. Il en est ressorti que les massifs cristallins des Alpes occidentales, qui constituent le socle sur lequel se sont déposés les sédiments alpins, n’étaient jamais plus anciens que -520 millions d’années, ce qui les situait dans l’ère primaire, comme l’essentiel des massifs anciens du territoire français.</p>
<p>Néanmoins, des secteurs restaient à étudier, en particulier un ensemble de roches cristallines situées sur les hauteurs de la station de Serre Chevalier, à un endroit très pratiqué par les skieurs. En dépit de sa taille réduite, cet ensemble montre des roches cristallines variées, par exemple des granites plus ou moins déformés (on parle alors de « gneiss ») qui se prêtent bien à une <a href="https://timslab.princeton.edu/sites/g/files/toruqf2276/files/schoene-treatisegeochemistry-2014.pdf">datation par radiochronologie</a>. Sa position est également singulière puisque ce socle surmonte des roches sédimentaires plus récentes.</p>
<p>Les analyses effectuées ont fourni des âges proches de -600 millions d’années qui situent ces roches dans le Précambrien (la limite entre Précambrien et ère primaire se plaçant vers -540 millions d’années). Ce socle est donc plus ancien que ceux connus jusqu’alors dans les Alpes françaises qui tous se rattachaient au cycle varisque/hercynien, daté entre -500 et -300 millions d’années. Une partie du socle alpin est donc plus ancienne et se rattache à un cycle géologique antérieur et bien distinct. Un tel cycle est néanmoins présent en France, où il affecte la partie la plus ancienne du Massif armoricain, et plus encore en Afrique où il prend le nom de cycle « Panafricain ».</p>
<h2>Ces roches sont-elles d’origine européenne ou africaine ?</h2>
<p>Des travaux complémentaires permettront peut-être de résoudre la question. D’ores et déjà, d’autres terrains de socle des Alpes sont à l’étude afin de mesurer l’ampleur réelle du Précambrien au sein des Alpes françaises. Il s’agit en particulier du socle de la Vanoise, encore mal connu, mais dont des <a href="https://theses.hal.science/tel-01670346v1">roches datées à -510 millions d’années</a> pourraient représenter un jalon entre le cycle varisque et le cycle antérieur mis en évidence à Serre Chevalier.</p>
<p>Au-delà, l’enjeu est de décrypter l’anatomie de la chaîne des Alpes, née de la fusion de plaques d’âge et origine différents, réunies par la tectonique et dont nous savons désormais qu’elle superpose au moins trois cycles géologiques dont le plus ancien s’est déroulé au Précambrien, il y a environ 600 millions d’années.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/200116/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Denis Thieblemont a reçu des financements du BRGM pour réaliser ce travail. </span></em></p>
Une étude récente montre que certaines roches des Alpes datent d’il y a plus longtemps que ce que pensaient les scientifiques jusqu’à présent.
Denis Thieblemont, Géologue, Chef de projet, BRGM
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tag:theconversation.com,2011:article/198248
2023-03-06T19:28:56Z
2023-03-06T19:28:56Z
Dans les Hautes-Alpes, les stations de ski à l’épreuve du changement climatique
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/512636/original/file-20230228-2150-jtnjcw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=239%2C28%2C4455%2C2519&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Des randonneurs à ski à Molines-en-Queyras, début mars 2022. </span> <span class="attribution"><span class="source">Fifi montagne</span></span></figcaption></figure><p>Si l’enneigement s’est depuis nettement amélioré, le début de la saison hivernale 2022-2023 a été marqué par un <a href="https://www.lemonde.fr/planete/article/2023/01/03/beaucoup-de-pluie-peu-de-neige-debut-de-saison-difficile-dans-les-stations-de-ski_6156391_3244.html">manque significatif de neige</a> dans les stations de ski françaises.</p>
<p>Certaines n’ont pu offrir que des langues de <a href="https://theconversation.com/production-de-neige-le-piege-de-la-dependance-pour-les-stations-de-ski-198469">neige de culture</a> bordées de pentes herbeuses. D’autres n’ont pas pu ouvrir leur domaine tant les températures ont été anormalement douces. Or, selon les experts du changement climatique, <a href="https://www.ipcc.ch/srocc/">ces conditions anormales sont en passe de devenir la nouvelle norme</a>.</p>
<p>Dans le massif du Parpaillon, entre les Alpes-de-Haute-Provence et les Hautes-Alpes, l’altitude de <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Isotherme_z%C3%A9ro_degr%C3%A9">l’isotherme 0 °C</a> est ainsi appelée à augmenter et gagnera même 300 mètres au printemps à l’horizon 2050, <a href="http://www.grec-sud.fr/publications/montagne/#art-2559">estiment certains scientifiques</a>.</p>
<p>Dans ce contexte, la <a href="https://theconversation.com/les-stations-de-ski-forcees-de-repenser-leur-modele-132381">diversification de l’offre touristique des stations comme stratégie d’adaptation au changement climatique</a> tend à faire consensus. Elle donne cependant lieu à des situations contrastées sur le terrain : débat, controverses, conflits, etc. Les tensions se cristallisent notamment autour des enjeux économiques et environnementaux de <a href="https://theconversation.com/production-de-neige-le-piege-de-la-dependance-pour-les-stations-de-ski-198469">l’enneigement artificiel utilisé pour compenser le manque croissant de neige naturelle</a>.</p>
<p>Depuis 2018, nous menons des recherches pour mieux cerner et comprendre ces situations.</p>
<p>Les Hautes-Alpes sont un département présentant une diversité de type de stations et confronté de longue date au manque neige, <a href="https://www.ina.fr/ina-eclaire-actu/video/mac9306043444/les-difficultes-des-stations-de-sports-d-hiver-du-queyras">comme au début des années 90 dans le massif du Queyras</a>.</p>
<p>Il existe autant de façons d’envisager la diversification que de territoires spécifiques. Dans le jeu argumentatif s’observe un gradient de postures dont les deux extrémités sont :</p>
<ul>
<li><p>D’un côté, la diversification ne peut être qu’un complément au modèle de la station de ski qui doit demeurer l’offre touristique principale.</p></li>
<li><p>De l’autre, la diversification est appréhendée comme un moyen de sortir du modèle du « tout-ski ».</p></li>
</ul>
<p>Cela révèle les dilemmes de transition auxquels font face aujourd’hui les stations de ski dans leur ensemble, <a href="https://journals.openedition.org/geocarrefour/18943">« entre agir créatif, inerties et maladaptation »</a>, comme le montre le géographe Philippe Boudeau, qui questionne « le statut et la place du fait récréatif dans les territoires ».</p>
<h2>Une diversification ski-centrée</h2>
<p>Dans le massif du Dévoluy, à la frontière des Alpes du Nord, la diversification prend la forme d’investissements coûteux centrés sur les stations et pensés comme des compléments à l’activité ski, qui demeure l’offre touristique structurante.</p>
<p>En 2013, un centre multisports de 3 200 m<sup>2</sup> est inauguré dans la station de Superdévoluy. Il regroupe deux terrains de basket couverts, un mur d’escalade, quatre terrains de squash, une salle de musculation, un spa. En 2019, un centre de balnéothérapie est lancé, cette fois-ci à la Joue du Loup, adossé à un projet de développement immobilier.</p>
<p>[<em>Près de 80 000 lecteurs font confiance à la newsletter de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde</em>. <a href="https://theconversation.com/fr/newsletters/la-newsletter-quotidienne-5?utm_source=inline-70ksignup">Abonnez-vous aujourd’hui</a>]</p>
<p>Ces deux investissements d’ampleur, <a href="https://www.tpbm-presse.com/un-nouveau-centre-de-bien-etre-a-la-joue-du-loup-3044.html">notamment 6,8 millions d’euros pour le centre de balnéothérapie</a>, ont pris le dessus sur un autre projet de diversification impulsé en 2013. Ce dernier proposait de <a href="https://maestro.hypotheses.org/">créer un espace muséographique dédié à la science afin de développer un tourisme scientifique hors station : « Le Dévoluy du sous-sol aux étoiles »</a>. Il s’appuyait notamment sur la présence de l’observatoire astronomique piloté par l’Institut de radio-astronomie millimétrique (IRAM).</p>
<p>À l’issue des élections municipales de 2020, la nouvelle équipe modifie radicalement ce projet de tourisme scientifique. Les ambitions muséographiques sont revues à la baisse et déplacées sur le domaine skiable.</p>
<p>Il doit désormais prendre place dans la gare d’arrivée d’une remontée mécanique en projet, dont l’objectif est de monter en altitude le départ des pistes. Il inclut aussi la création d’un lac d’altitude constitué à partir des deux actuelles retenues collinaires utilisées pour produire de la neige de culture. <a href="https://www.tpbm-presse.com/devoluy-un-teleporte-et-un-front-de-neige-daltitude-en-projet.html">Le coût de ces nouveaux aménagements est annoncé à 28 millions d’euros</a>. Ce choix donne à voir une forme ski-centrée d’adaptation au changement climatique dans le Dévoluy.</p>
<h2>Une diversification hésitante</h2>
<p>Plus à l’est, le Parc naturel régional du Queyras est marqué par une diversification contrastée, potentiellement controversée comme le rappelle l’épisode récent du <a href="https://www.capital.fr/economie-politique/le-telepherique-de-saint-veran-defigurera-t-il-le-paysage-1340598">projet d’astrotourisme scientifique à Saint-Véran</a>. Porté par la municipalité en 2019, il est soupçonné par ses opposants d’être un prétexte pour renforcer le modèle de la station de ski. Il donne lieu à une controverse dans le village, qui se solde par l’abandon du projet en 2020 suite à l’élection d’une nouvelle équipe municipale.</p>
<p>À Aiguilles, un guide de haute-montagne a créé en 2009 le premier parcours balisé de ski de randonnée en France en lieu et place de l’ancienne station de ski alpin fermée en 2007 suite à la réorganisation des sites sur le massif. En 2014, l’expérimentation est abandonnée faute de soutien institutionnel, avant d’être relancée en 2022 en lien avec la reconversion définitive du domaine alpin, portée par la nouvelle municipalité. Quinze ans auront donc été nécessaires pour que cette initiative novatrice commence à trouver sa place dans la future offre touristique du Queyras.</p>
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<figcaption><span class="caption">Un raid à ski anthropologique dans le Queyras pour mettre en dialogue les sciences sociales avec un territoire, Labex ITTEM.</span></figcaption>
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<p>À Abriès, le maire nouvellement élu en 2020 affiche son ambition de baisser la pression touristique sur le territoire dans une perspective d’après « tout-tourisme ». Pour autant, cela ne se traduit pas par un arrêt programmé des investissements dans l’activité ski alpin pour les années à venir (renouvellement de remontées mécaniques, modernisation du réseau d’enneigement artificiel, création de nouveaux lits touristiques).</p>
<p>Dans le Queyras, la diversification oscille ainsi entre le renforcement du modèle moderniste de la station de ski alpin et le foisonnement d’innovations sociales cherchant à développer l’attractivité économique des villages hors de celui-ci. Actuellement, la seconde ne parvient pas à prendre le pas sur la première. Le Queyras est donc en pleine hésitation transformative dans ses logiques d’adaptations en cours face au changement climatique.</p>
<h2>Des usages spontanés par les usagers</h2>
<p>À Céüse, au sud-ouest du Queyras, la diversification se fait par les pratiquants eux-mêmes depuis l’arrêt des remontées mécaniques de la station en 2018 suite à des difficultés de gestion et à un manque d’enneigement de longue date. Contrairement au discours médiatique évoquant une « station fantôme », le <a href="https://hal.science/hal-03166868/document">site fait l’objet d’une fréquentation récréative intense par les habitants du territoire</a>.</p>
<p>Ces usages réinventés du domaine skiable de Céüse sont d’ores et déjà quatre saisons et pluriactivités, s’adaptant aux irrégularités d’enneigement. Ils alternent entre randonnées à ski, en raquettes, à pied ; s’y pratiquent aussi le snowkite (sport consistant à glisser avec un snowboard ou des skis tracté par un cerf-volant de traction) et la luge.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/513224/original/file-20230302-18-ezo277.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/513224/original/file-20230302-18-ezo277.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/513224/original/file-20230302-18-ezo277.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/513224/original/file-20230302-18-ezo277.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/513224/original/file-20230302-18-ezo277.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/513224/original/file-20230302-18-ezo277.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/513224/original/file-20230302-18-ezo277.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Un adepte de snowkite, avec la Céüse au premier plan et le Dévoluy en second plan.</span>
<span class="attribution"><span class="license">Author provided</span></span>
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<p>Ces usages spontanés s’affranchissent du recours à l’enneigement artificiel. Ils correspondent aux préconisations de plusieurs études commanditées par les instances politiques depuis 1993 <a href="https://hal.science/hal-03166868/document">prônant systématiquement la voie de la diversification à Céüse</a>.</p>
<p>Cependant, la communauté de commune en charge de la station ne parvient pas encore à valoriser ces pratiques au profit d’une redynamisation territoriale.</p>
<p>Avec la fermeture définitive des remontées mécaniques en 2020, l’enjeu est de transformer une petite station de ski n’ayant jamais trouvé un modèle économique viable en opportunité de diversification comme alternative au « tout ski ». En 2021, l’émergence d’une nouvelle dynamique associative contribue à relancer les débats sur le devenir de Ceüse. Les crispations pro <em>versus</em> anti station de ski s’y déploient de nouveau, sans pour autant bloquer les débats.</p>
<p>Un nouveau projet porté par la communauté de communes est lancé. Il ambitionne de changer <a href="https://www.francetvinfo.fr/economie/emploi/metiers/restauration-hotellerie-sports-loisirs/hautes-alpes-une-station-de-ski-fantome_3807711.html">l’image de « station fantôme » de Céüse</a> et d’y structurer une offre récréative quatre saisons (balisages d’itinéraires de randonnées à pied, en vélo, en raquettes et à ski, développement du parcours de course d’orientation…). À Ceüse se pose aujourd’hui la question de l’institutionnalisation de cette diversification spontanée et de sa valorisation pour l’économie locale.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/198248/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Mikaël Chambru est co-coordinateur scientifique du Laboratoire d'excellence Innovations et transitions territoriales en montagne (ITTEM).</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Cécilia Claeys a reçu des financements du Fond d'Innovation Pédagogique d'Aix-Marseille Université</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Anouk Bonnemains ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>
Face au changement climatique, les stations des Hautes-Alpes s’adaptent, non sans débats et conflits : le ski doit-il demeurer l’offre touristique principale ?
Mikaël Chambru, Maître de conférences en sciences sociales, Université Grenoble Alpes (UGA)
Anouk Bonnemains, Géographe, Université de Lausanne
Cécilia Claeys, Professeure de Sociologie, Université de Perpignan
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/198323
2023-02-09T11:51:21Z
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Bivouac au sommet du mont Blanc : esprit de l’alpinisme, es-tu là ?
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/507400/original/file-20230131-10245-hu2occ.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C11%2C4000%2C2664&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">« L'esprit de l'alpinisme » sert de justification aux exploits sur les sommets.</span> <span class="attribution"><span class="source">Soloviova Liudmyla</span></span></figcaption></figure><p>Depuis fin décembre 2022, une polémique traverse le monde de l’alpinisme : le <a href="https://www.francetvinfo.fr/france/auvergne-rhone-alpes/haute-savoie/montagne-le-maire-de-saint-gervais-porte-plainte-contre-des-bivouaqueurs-au-sommet-du-mont-blanc_5574852.html">maire de Saint-Gervais a porté plainte</a> contre deux jeunes grimpeurs après leur bivouac au sommet du mont Blanc (début octobre 2022) ; bivouac filmé et <a href="https://www.youtube.com/watch?v=qf2DTCZhJtM">posté sur YouTube</a>.</p>
<p>La plainte repose sur <a href="https://www.haute-savoie.gouv.fr/Politiques-publiques/Votre-departement/Nature/APHN-du-Mont-Blanc">l’arrêté de protection des habitats naturels (APHN)</a>, qui interdit le bivouac sur la voie normale du <a href="https://theconversation.com/rechauffement-climatique-sur-le-mont-blanc-le-nombre-de-jours-de-gels-va-seffondrer-dici-2100-116858">toit de l’Europe</a>, initialement pour éviter la surfréquentation estivale. </p>
<p>La réaction des acteurs de l’alpinisme est unanime : le syndicat interprofessionnel de la montagne (SIM), le syndicat national des guides de montagne (SNGM) et la fédération française des clubs alpins et de montagne (FFCAM) s’opposent vivement à cette plainte, pétition à la clé. </p>
<p>Pour eux, cette initiative s’inscrit dans le fameux « esprit de l’alpinisme », auxquels ils se réfèrent dès lors qu’une polémique a cours, en particulier lorsqu’il s’agit du « grand alpinisme », autre nom donné à l’alpinisme de haut niveau. </p>
<p>On remarque également qu’il sert de justification aux exploits sur les sommets. Ainsi les <em>Piolets d’Or</em>, qui distinguent les meilleures ascensions de l’année, l’invoquent dans <a href="https://www.pioletsdor.net/index.php/en/">leur charte</a> et récompensent des périples témoignant, justement, de cet « esprit ». </p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/507549/original/file-20230201-3828-nh05zm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/507549/original/file-20230201-3828-nh05zm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/507549/original/file-20230201-3828-nh05zm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/507549/original/file-20230201-3828-nh05zm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/507549/original/file-20230201-3828-nh05zm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/507549/original/file-20230201-3828-nh05zm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/507549/original/file-20230201-3828-nh05zm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Le mont Blanc, toit de l’Europe, culmine à 4 807 m.</span>
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<p>Mais de quoi s’agit-il ? On pourrait le décrire comme un ensemble de règles, de valeurs, de croyances, qui encadrent l’alpinisme et définissent les « bonnes » manières de le pratiquer. L’esprit de l’alpinisme n’est pas invoqué par tous, mais par ceux qui ont le pouvoir de fixer les normes de l’excellence, à savoir les meilleurs alpinistes ou les institutions les plus reconnues. </p>
<p>Ce faisant, cet esprit sert à identifier et à distinguer les « grands » ou les « vrais » alpinistes des autres usagers des montagnes. </p>
<h2>Les précurseurs : des bourgeois de l’Angleterre victorienne</h2>
<p>J’ai mené une recherche de plusieurs années, <a href="http://catalogue-editions.ens-lyon.fr/fr/livre/?GCOI=29021100599810">dans une perspective à la fois sociologique et historique</a>, pour comprendre la teneur de cet esprit, mais aussi pour montrer le lien qui l’unit avec la manière dont on conçoit l’excellence en alpinisme. Pour cela, je suis remontée aux <a href="https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/sans-oser-le-demander/alpinisme-ce-que-grimper-veut-dire-3746219">origines de cet esprit</a>. </p>
<p>Il a été forgé dans l’Angleterre victorienne de <a href="https://journals.openedition.org/babel/1971">l’Alpine Club</a>, le premier club alpin au monde, créé en 1857, près de vingt ans avant son équivalent français, le CAF (Club alpin français).</p>
<figure class="align-left zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/507546/original/file-20230201-3038-48i4fc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/507546/original/file-20230201-3038-48i4fc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/507546/original/file-20230201-3038-48i4fc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=404&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/507546/original/file-20230201-3038-48i4fc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=404&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/507546/original/file-20230201-3038-48i4fc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=404&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/507546/original/file-20230201-3038-48i4fc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=508&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/507546/original/file-20230201-3038-48i4fc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=508&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/507546/original/file-20230201-3038-48i4fc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=508&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Des membres de l’Alpine club à Zermatt, dans les Alpes suisses, en 1864.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Wikimedia</span></span>
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<p>Même si cela peut paraître surprenant au vu de la topographie britannique, ce sont bien des bourgeois anglais, à la pointe de l’alpinisme (dans les Alpes, mais aussi dans le Caucase ou l’Himalaya) jusqu’à l’entre-deux-guerres, qui lui ont donné ses codes et ses valeurs.</p>
<p>Pourquoi l’Angleterre ? Plusieurs facteurs se conjuguent pour y expliquer la naissance de l’alpinisme : un contexte de paix intérieure (quand la France est marquée par des troubles politiques), l’apparition d’une nouvelle classe bourgeoise issue de la révolution industrielle, férue d’exploration et abreuvée de l’idéologie impérialiste de l’époque ; mais aussi marquée par des valeurs sportives inculquées dans les écoles et universités destinées aux garçons des élites sociales, aux « gentlemen ». En effet, le sport moderne apparaît en Angleterre à la même époque.</p>
<p>Le développement des transports favorise dans un premier temps l’arrivée de ces conquérants d’un genre nouveau dans les Alpes, dont ils escaladent la grande majorité des sommets vierges pendant leurs congés estivaux, car la plupart travaillent – comme hommes d’affaires, avocats ou juges, professeurs, médecins, toutes ces professions prestigieuses de l’époque. </p>
<p>Ils se tourneront ensuite vers des massifs plus éloignés où ils chercheront, là encore, à « faire des premières ». Parmi eux l’Everest, dont l’accès est fermé aux autres nations pendant les années 1920 et 1930, période intense d’expéditions britanniques (infructueuses) sur la montagne. </p>
<p>Aujourd’hui encore, en Angleterre comme en France, les alpinistes sont issus de milieux qui restent globalement favorisés, malgré une démocratisation de la pratique depuis ses débuts élitistes. </p>
<h2>Une pratique élitiste</h2>
<p>L’esprit de cette pratique recoupe ainsi les valeurs et idéologies de ces hommes de la bonne société, dont le club est non seulement resté longtemps fermé aux hommes des classes moyennes et populaires, mais aussi aux femmes… jusqu’en 1974 en ce qui concerne l’Alpine Club. </p>
<p>Au premier rang de ces valeurs, on retrouve le <em>fair-play</em>, appris par la pratique du sport, et qui consiste dans l’alpinisme à se battre de manière loyale, « à armes égales », contre l’adversaire (la montagne) en faisant en sorte que l’issue du combat (atteindre le sommet ou non) ne soit pas jouée d’avance. Pour cela, on restreint le recours à certaines aides artificielles : pitons, oxygène, etc. L’éthique actuelle de l’alpinisme conduit toujours à préférer des ascensions avec le moins d’appuis possibles, comme le <a href="https://www.montagnes-magazine.com/actus-sur-quel-fil-evolue-style-alpin">« style alpin »</a> en Himalaya. </p>
<hr>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption"></span>
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<p><em>Pour suivre au plus près les questions environnementales, retrouvez chaque jeudi notre newsletter thématique « Ici la Terre ». Au programme, un mini-dossier, une sélection de nos articles les plus récents, des extraits d’ouvrages et des contenus en provenance de notre réseau international. <a href="https://theconversation.com/fr/newsletters/la-newsletter-environnement-150/">Abonnez-vous dès aujourd’hui</a>.</em></p>
<hr>
<p>On retrouve également la défense d’un idéal d’exploration et de conquête, toujours très présents de nos jours dans l’idée que le grand alpinisme doit ouvrir des itinéraires ou des sommets nouveaux (voir par exemple <a href="https://journals.openedition.org/rga/10418">l’exploit inédit des 14 sommets de 8000 mètres en moins d’un an, réalisé en 2019</a>. </p>
<p>Les <a href="https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/la-terre-au-carre/la-terre-au-carre-du-mardi-24-janvier-2023-6570974">qualités viriles et masculines</a> sont valorisées dans l’esprit de l’alpinisme originel – c’est une dimension qui apparaît dans le taux encore très faible de femmes parmi les grands alpinistes. En France, elles représentent moins de 5 % des guides et moins de 10 % des membres des clubs les plus sélectifs.</p>
<p>Sans oublier la dimension risquée et incertaine de l’alpinisme, vu depuis toujours davantage comme une aventure que comme un simple sport.</p>
<p><a href="https://theconversation.com/morts-sur-leverest-lalpinisme-touristique-est-dangereux-et-non-viable-118482">Le refus d’un alpinisme commercial</a> et même, pour les puristes, professionel, est également à noter. Suivant cette perspective centrée sur l’amateurisme, qui était celle des premiers alpinistes, le simple fait de pratiquer pour de l’argent excluait les guides de l’alpinisme, quand bien même ils étaient respectés « sportivement » par leurs employeurs.</p>
<p>De là découle aussi un rejet de l’autopromotion et de la médiatisation, considérées comme vulgaires et indignes d’un gentleman. </p>
<h2>Un alpinisme exploratoire et contemplatif</h2>
<p>Ce détour permet de comprendre la mobilisation de la communauté alpinistique derrière les deux grimpeurs incriminés récemment.</p>
<p>Derrière leur défense se joue celle de l’esprit de l’alpinisme. D’ailleurs, le président du syndicat des guides se réfère aux grandes figures du passé, incarnations de cet esprit, dont Gaston Rébuffat, alpiniste des années 1950 devenu le symbole (français) d’un alpinisme exploratoire et contemplatif, loin des <a href="https://france3-regions.francetvinfo.fr/auvergne-rhone-alpes/haute-savoie/bivouac-au-sommet-du-mont-blanc-le-syndicat-des-guides-de-montagne-en-profond-desaccord-avec-le-maire-de-saint-gervais-2685798.html">dérives sportives</a>. </p>
<p>Bivouaquer prend alors un sens particulier : c’est se situer dans la lignée d’une conception originelle et pure, qui appelle la mémoire de Rébuffat mais aussi, avant lui, d’<a href="https://www.montagnes-magazine.com/actus-histoire-eperon-vaincu-exploit-mummery">Albert Frederick Mummery</a>, grand alpiniste anglais de la fin du XIX<sup>e</sup> siècle, mort en Himalaya et inventeur d’une des premières tentes de bivouac.</p>
<figure class="align-left zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/507557/original/file-20230201-728-vyv5pl.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/507557/original/file-20230201-728-vyv5pl.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/507557/original/file-20230201-728-vyv5pl.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=799&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/507557/original/file-20230201-728-vyv5pl.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=799&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/507557/original/file-20230201-728-vyv5pl.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=799&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/507557/original/file-20230201-728-vyv5pl.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1004&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/507557/original/file-20230201-728-vyv5pl.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1004&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/507557/original/file-20230201-728-vyv5pl.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1004&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Tente mummery, ici dans le Karakoram (Nord du Pakistan), utilisée par l’alpiniste américaine Fanny Bullock Workman au début du XXᵉ siècle.</span>
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</figure>
<p>Bivouaquer, c’est aussi sortir des sentiers battus dans une ascension pourtant très courue puisqu’elle attire <a href="https://www.geo.fr/environnement/un-arrete-de-protection-du-mont-blanc-pour-encadrer-la-frequentation-202316#:%7E:text=Le%20Mont%2DBlanc%2C%20toit%20de,par%20jour%20durant%20l%E2%80%99%C3%A9t%C3%A9.">jusqu’à 500 personnes par jour en juillet</a> : le même bivouac en été aurait sans nul doute été critiqué par les mêmes qui le défendent hors saison, une fois les refuges fermés et le mont Blanc déserté. </p>
<p>On perçoit ici que l’esprit de l’alpinisme porte en lui une distinction entre les « grands » ou « vrais » alpinistes (les aventuriers qui sortent des sentiers battus) et les « petits », voire les « faux » alpinistes (les touristes qui « font le mont Blanc » l’été). </p>
<h2>Mépris envers les touristes</h2>
<p>S’il y a une chose qui demeure dans les discours que tiennent les alpinistes depuis le XIX<sup>e</sup> siècle, c’est un mépris envers les touristes, qui ne maîtrisent pas les bons usages et <a href="https://www.nonfiction.fr/article-11224-lalpinisme-comme-conception-de-lelitisme.htm">qui envahissent la montagne</a> </p>
<figure class="align-left zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/507548/original/file-20230201-23-s5rurx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/507548/original/file-20230201-23-s5rurx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/507548/original/file-20230201-23-s5rurx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=396&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/507548/original/file-20230201-23-s5rurx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=396&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/507548/original/file-20230201-23-s5rurx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=396&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/507548/original/file-20230201-23-s5rurx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=498&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/507548/original/file-20230201-23-s5rurx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=498&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/507548/original/file-20230201-23-s5rurx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=498&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Au XIXᵉ siècle, touristes sur la « mer de glace », glacier situé sur le versant septentrional du massif du Mont-Blanc.</span>
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</figure>
<p>Que se serait-il passé si ce bivouac avait été l’initiative de touristes venus escalader le mont Blanc, même hors saison ? On peut douter que leur entreprise aurait été accueillie de la même manière, de même qu’une distinction est clairement établie dans l’Himalaya entre les « bons » bivouacs des grands alpinistes et les « mauvais » bivouacs de l’alpinisme commercial des camps de base <a href="https://www.slate.fr/story/178296/alpinisme-everest-montagne-himalaya-tourisme">au pied des sommets les plus fréquentés</a>. </p>
<p>Sans compter que cette surfréquentation est porteuse de lourds problèmes environnementaux <a href="https://www.geo.fr/environnement/des-tonnes-de-dechets-abandonnes-sur-les-pentes-de-leverest-destines-au-recyclage-195962">sur les sommets les plus courus</a>. </p>
<p>Une question demeure cependant au regard de l’esprit de l’alpinisme : celui-ci, dans sa conception originelle, refuse l’autopromotion et la médiatisation. Pour les gentlemen anglais des débuts, se vanter d’une ascension était un acte vulgaire, presque autant que d’en tirer de l’argent. </p>
<p>Aujourd’hui encore, si les réseaux sociaux sont devenus un lieu possible pour se faire un nom et entretenir une image, ils restent boudés par certains puristes, à l’instar du Canadien Marc-André Leclerc, <a href="https://www.montagnes-magazine.com/videos-film-the-alpinist-les-traces-marc-andre-leclerc">mort avec son compagnon d’ascension en Alaska</a>, en mars 2018.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/198323/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Delphine Moraldo ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>
Un bivouac au sommet du mont Blanc a récemment fait débat. L’occasion de revenir sur l’« esprit » de l’alpinisme, pratique qui a pris son essor au sein de la bourgeoisie anglaise au XIXe siècle.
Delphine Moraldo, Sociologue, ENS de Lyon
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/199031
2023-02-05T16:56:11Z
2023-02-05T16:56:11Z
Comment les skieurs s’adaptent au manque de neige
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/507832/original/file-20230202-5655-hi8om7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=73%2C0%2C928%2C605&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">L’impact du réchauffement climatique en montagne n’explique pas à lui seul la désaffection pour les sports d’hiver.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Sierra_Nevada_Laguna_skilift_3.jpg">Kallerna/Wikimedia commons</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Peu de <a href="https://theconversation.com/fr/topics/neige-36212">neige</a> cet hiver, la <a href="https://france3-regions.francetvinfo.fr/auvergne-rhone-alpes/haute-savoie/la-moitie-des-pistes-de-ski-francaises-sont-fermees-a-cause-du-manque-de-neige-2682364.html">moitié des pistes fermées à Noël</a> et un enneigement parfois localement médiocre pour les <a href="https://theconversation.com/fr/topics/vacances-38872">vacances</a> de février. L’industrie du <a href="https://theconversation.com/fr/topics/ski-25072">ski</a> est une activité touristique affectée de plein fouet par le réchauffement climatique. Comment les skieurs répondent-ils à cette situation ? S’élèvent-ils vers les domaines alpins de haute altitude ou s’envolent-ils pour le soleil des Canaries ?</p>
<p>Comment s’adapter à un avenir encore et toujours moins blanc ?</p>
<p><a href="https://www.skivintage.com/PBSCProduct.asp?ItmID=13122916">« Skiez 365 jours par an »</a>. Ce slogan publicitaire des années 1980 de Tignes, une station alpine bâtie <em>ex nihilo</em>, témoigne d’une époque révolue : le développement des sports d’hiver et la croyance en une neige éternelle. Les glaciers fondent et le manteau neigeux rétrécit. Les remontées mécaniques pour le ski estival ne tournent plus en France que quelques semaines par an. Les domaines s’ouvrent aussi plus tardivement pour le ski d’hiver.</p>
<p>L’an dernier, la célèbre station savoyarde du massif de la Vanoise avait fermé ses remontées le 1<sup>er</sup> juillet <a href="https://www.francebleu.fr/infos/environnement/savoie-le-glacier-d-ete-a-tignes-ferme-avec-un-mois-d-avance-a-cause-du-rechauffement-1656697381">après 10 jours seulement d’exploitation</a> et décalé l’ouverture de son domaine, pourtant de haute altitude, après La Toussaint. Cette commune compte désormais <a href="https://cimalpes.com/fr/destinations/stations/tignes/">30 000 lits</a> – l’échelle qui a remplacé le décompte du nombre d’habitants des stations – et près de <a href="https://www.tignes.net/ski/securite/neige-de-culture-damage">500 enneigeurs</a> – la dénomination qui s’est substituée à celle, moins gracieuse, de canon à neige.</p>
<h2>Comparaisons difficiles</h2>
<p>Au cours des 50 dernières années, la durée d’enneigement dans les Alpes a reculé d’environ un mois et la moyenne des hauteurs de neige a diminué de plusieurs centimètres par décennie.</p>
<p>Cette phrase résume à grands coups de carres les résultats d’une recherche internationale d’envergure. <a href="https://tc.copernicus.org/articles/15/1343/2021/tc-15-1343-2021.pdf">Cette étude a porté sur des données recueillies entre 1971 et 2019</a> dans plus de 2 000 stations météorologiques des Alpes européennes. Elle utilise de nombreuses définitions et mobilise toute une série d’hypothèses et modèles qui, comme pour tout travail scientifique, présentent des limites et se prêtent à discussion.</p>
<p>Par exemple, la présence d’un seul centimètre d’épaisseur de neige suffit pour définir une journée d’enneigement, un seuil qui ne satisfera évidemment pas un skieur. Par ailleurs, les tendances estimées ne sont souvent pas statistiquement significatives, car la variabilité interannuelle des conditions d’enneigement en <a href="https://theconversation.com/fr/topics/montagne-25073">montagne</a> est extrêmement forte alors que la période d’observation, quelques dizaines d’années, n’est pas si longue.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/apocalypse-snow-quand-leconomie-francaise-du-ski-file-tout-schuss-vers-labime-132613">Apocalypse snow : quand l’économie française du ski file tout schuss vers l’abîme</a>
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<p>Le recul historique des flocons est également bien établi par des études de portée nationale, que ce soit pour les <a href="https://www.nature.com/articles/s41598-019-44068-8">Alpes françaises</a>, <a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s10584-016-1806-y">helvétiques</a> ou <a href="https://www.semanticscholar.org/paper/Climate-change-impacts-and-adaptation-in-winter-Abegg-Agrawala/eae5df22cfc4406ec0d13e050856b3d17c82fd93">autrichiennes</a>. Notez que la réduction de l’enneigement en épaisseur et en durée est plus ou moins marquée selon les situations locales, en particulier l’altitude, la latitude, ainsi que l’exposition et l’inclinaison des versants.</p>
<p>Difficile du coup aux skieurs de comparer la fiabilité de l’enneigement entre les stations pour choisir son domaine. L’altitude moyenne du domaine n’est qu’une très grossière approximation et connaître avec précision l’intervalle entre le point bas et le point haut de la station n’apporte guère plus d’éléments pertinents de décision.</p>
<p>Rien de surprenant à cette évolution retracée par les travaux précédents : dès lors que la montagne se réchauffe, un peu plus d’ailleurs que la plaine, il s’ensuit qu’il pleut plus qu’il ne tombe de flocons, que la neige chute en moindre quantité, fond plus vite, arrive plus tard en début de saison et repart plus tôt en fin de saison. Adieu flocons d’antan.</p>
<h2>Parkings saturés</h2>
<p>Dans l’adaptation de l’industrie du ski au recul de l’enneigement, la partie est inégale entre l’offre et la demande, c’est-à-dire entre les stations et les skieurs. D’un côté, des équipements et des hommes spécialisés, ancrés dans un territoire, peu mobiles ; d’un autre, des touristes et vacanciers, soient des consommateurs labiles et qui se déplacent vite et facilement.</p>
<p>Sur le papier, les consommateurs de neige sont placés devant <a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/01490408609513081?journalCode=ulsc20">trois options</a> : skier ailleurs, skier à d’autres périodes, ou choisir d’autres loisirs.</p>
<p>La première, contrairement aux deux autres, n’entraîne pas forcément une baisse de fréquentation et du nombre de jours-skieur en montagne (c’est-à-dire d’utilisateurs payant des remontées mécaniques par journée). En revanche, elle redistribue les cartes en faveur des stations qui bénéficient d’une plus grande fiabilité d’enneigement. Soit, à très grands traits, les stations de haute altitude. Tignes et Val Thorens plutôt que qu’Abriès ou Chamrousse, sans parler des stations du Jura, des Pyrénées, des Vosges et du Massif central.</p>
<p>Quelle déception en effet de trouver des télésièges et télécabines sans vie après avoir programmé à l’avance son séjour de ski. Adapter son calendrier de skieur à celui d’un enneigement plus fiable, par exemple partir en vacances de neige en février et non plus à Noël ou à Pâques, réduit la durée de fréquentation des stations et, vous l’avez peut-être remarqué avec une pointe d’agacement voire plus, allonge les queues en bas des remontées mécaniques et à l’entrée des selfs et restaurants d’altitude. Sans parler de la saturation des parkings…</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/507823/original/file-20230202-256-5x6ocd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Remonte-pente à l’arrêt dans un paysage avec de la neige au loin" src="https://images.theconversation.com/files/507823/original/file-20230202-256-5x6ocd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/507823/original/file-20230202-256-5x6ocd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=401&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/507823/original/file-20230202-256-5x6ocd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=401&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/507823/original/file-20230202-256-5x6ocd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=401&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/507823/original/file-20230202-256-5x6ocd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/507823/original/file-20230202-256-5x6ocd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/507823/original/file-20230202-256-5x6ocd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Quelle déception de trouver des remonte-pentes sans vie après avoir programmé à l’avance son séjour de ski….</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.rawpixel.com/image/3295116/free-photo-image-32100-adventure-building">Rawpixel</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Cet encombrement peut finir par refroidir les ardeurs des skieurs et en décourager plus d’un. Faute d’assurance d’avoir de la neige et à cause de la congestion, les destinations touristiques hivernales garantissant soleil, chaleur et sable fin gagnent en attractivité. D’autant que les plages exotiques sont alors moins bondées qu’en été.</p>
<p>Peu d’études cherchent à cerner le comportement des skieurs. Un paradoxe car la demande pour les sports d’hiver décroît dans les pays occidentaux, ce qui devrait inciter à en mieux comprendre les ressorts.</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/507826/original/file-20230202-12-zm9ykj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/507826/original/file-20230202-12-zm9ykj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/507826/original/file-20230202-12-zm9ykj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=350&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/507826/original/file-20230202-12-zm9ykj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=350&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/507826/original/file-20230202-12-zm9ykj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=350&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/507826/original/file-20230202-12-zm9ykj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=440&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/507826/original/file-20230202-12-zm9ykj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=440&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/507826/original/file-20230202-12-zm9ykj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=440&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Nombre de jours-skieur (en millions) décomposé en fonction de la région de la région d’origine du visiteur. Depuis le début des années 2000, la fréquentation annuelle des stations de ski varie principalement en fonction des conditions météorologiques et oscille entre 350 et 380 millions de jours-skieur.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.vanat.ch/RM-world-report-2022.pdf">2022 International Report on Snow & Mountain Tourism</a></span>
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</figure>
<p>Rappelons en effet que le ski est un marché mature. Mesurée en nombre de jours-skieur, la demande mondiale fluctue depuis le début du siècle autour de <a href="https://www.vanat.ch/RM-world-report-2022.pdf">350-380 millions par an</a>. Elle est en légère baisse depuis 2009-2010 dans les Alpes qui concentrent environ 40 % des jours-skieurs de toutes les pistes de la planète.</p>
<p>Une tendance à la baisse qui sortirait renforcée en incluant l’hiver de la pandémie. Rappelez-vous ces images de stations fantômes pour cause de fermeture des remontées et des limites drastiques imposées alors au déplacement. Avec cette précision administrative toute française qu’en montagne le rayon de promenade autour du domicile correspondait <a href="https://www.francebleu.fr/infos/societe/confinement-l-interdiction-des-sorties-en-montagne-prolongee-en-savoie-et-haute-savoie-1585753351">à 100 mètres de dénivelé</a> et non, comme ailleurs dans l’Hexagone, à la distance parcourable.</p>
<p>Attention, n’imputez pas en totalité au manque de neige l’essoufflement de la demande pour les sports d’hiver, et donc la pure manifestation d’une adaptation parfaite des skieurs au réchauffement climatique. La démographie en est peut-être aujourd’hui encore la première cause et puis d’autres paramètres jouent également. Le <a href="https://www.economist.com/international/2018/01/27/winter-sports-face-a-double-threat-from-climate-and-demographic-change">vieillissement de la population réduit la clientèle de ski alpin</a> et n’est pas compensé par l’arrivée en nombre suffisant de nouveaux pratiquants.</p>
<h2>Chutes et collisions</h2>
<p>Il est vrai qu’il s’agit d’un loisir dont l’apprentissage n’est pas instantané – maîtriser son allure et dessiner de beaux virages réclament du temps. Ni un loisir forcément plaisant : onglées, mal aux pieds, lunettes pleines de buée, chutes, collisions, etc. Pour certains, une fois passée la corvée de retirer ses chaussures à crochets, le retour à l’appartement est vécu comme le meilleur moment de la journée. Surtout devant un chocolat chaud et une tarte aux myrtilles !</p>
<p>De plus, en France comme en Suisse et en Autriche, les classes de neige initiant les écoliers des métropoles se raréfient. Enfin, le ski reste un loisir très cher. Il est <a href="https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2018/02/23/sports-d-hiver-sports-de-riches-moins-d-un-francais-sur-dix-part-en-vacances-au-ski_5261604_4355770.html">réservé à une petite partie de la population</a>. Par rétrécissement successif : celle qui part en vacances, moins nombreuse encore celle qui part en vacances d’hiver, et encore un peu moins nombreuse toujours celle qui choisit alors de se rendre à la montagne.</p>
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<p>La <a href="https://www.alti-mag.com/alti-guide/qui-fait-du-ski-en-france">clientèle des stations de ski</a> présente un profil bien connu : revenu plutôt élevé, niveau d’études au-dessus de la moyenne, urbain le plus souvent du centre de grandes villes ; des caractéristiques qui se recoupent mais avec une nette différenciation géographique : les CSP+ de Brest s’adonnent moins aux sports d’hiver que ceux de Grenoble.</p>
<p>Selon les très rares et trop anciennes <a href="https://www.tandfonline.com/doi/full/10.1080/13683500.2017.1410110">études disponibles</a>, les skieurs interrogés sur leur adaptation au recul de la neige privillégiraient la montée en station d’altitude et le glissement des dates de séjour aux semaines les plus propices plutôt que le changement de destination vers le soleil ou ailleurs.</p>
<p>Vous remarquerez que je n’ai pas parlé d’un report sur place de la clientèle vers d’autres activités que le ski. C’est parce que ce changement dépend plutôt de l’adaptation des stations au réchauffement climatique et de leurs propositions de loisirs de montagne sans neige, un sujet épineux mais bien balisé tant par les <a href="https://journals.openedition.org/viatourism/9270">chercheurs</a>, les <a href="https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/dossiers/tourisme_montagne_enjeux_climatiques">élus</a> et même les <a href="https://www.ccomptes.fr/sites/default/files/2018-01/14-stations-ski-Alpes-nord-face-rechauffement-climatique-Tome-2.pdf">auditeurs de la Cour des comptes</a>.</p>
<h2>La pente de la technologie</h2>
<p>Jusqu’à présent, les stations se sont principalement adaptées en glissant sur la pente de la technologie, celle du damage et de <a href="https://theconversation.com/production-de-neige-le-piege-de-la-dependance-pour-les-stations-de-ski-198469">la production de neige artificielle</a>, aussi nommée neige « de culture » en France, neige « programmée » en Italie, ou neige <a href="https://www.economist.com/international/2018/01/27/winter-sports-face-a-double-threat-from-climate-and-demographic-change">« technique » en Allemagne</a>.</p>
<p>De nombreuses stations prévoient de poursuivre cette ligne de défense contre le changement climatique en multipliant les canons à neige et les installations de l’arrière (salle de pompage, retenue collinaire, etc.). Une voie qui n’est pas sans <a href="https://www.annales.org/re/2022/resumes/avril/09-re-resum-FR-AN-avril-2022.html">conséquences néfastes pour l’environnement</a>, mais aussi pour les skieurs, même parmi ceux les moins concernés par l’avenir de la planète.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/507830/original/file-20230202-1711-kcsvfu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Canons à neiges dans la station de Cortina d’Ampezzo, en Italie" src="https://images.theconversation.com/files/507830/original/file-20230202-1711-kcsvfu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/507830/original/file-20230202-1711-kcsvfu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=356&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/507830/original/file-20230202-1711-kcsvfu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=356&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/507830/original/file-20230202-1711-kcsvfu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=356&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/507830/original/file-20230202-1711-kcsvfu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=448&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/507830/original/file-20230202-1711-kcsvfu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=448&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/507830/original/file-20230202-1711-kcsvfu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=448&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Canons à neiges dans la station de Cortina d’Ampezzo, en Italie.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Latemar_snow_guns.jpg">Tiia Monto/Wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
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<p>Pour ces derniers, l’augmentation du prix des forfaits et donc le renchérissement du ski-loisir constitue le désagrément le plus évident. La neige artificielle réclame en effet de lourdes infrastructures et des dépenses élevées pour la faire fonctionner ; des investissements et des coûts techniques qui s’ajoutent à ceux du parc des remontées mécaniques.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/production-de-neige-le-piege-de-la-dependance-pour-les-stations-de-ski-198469">Production de neige : le piège de la dépendance pour les stations de ski ?</a>
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<p>Or les <a href="https://skidata.io/tarif/">forfaits coûtent déjà cher</a>. Comptez 63 euros par personne et par jour pour accéder à l’espace Killy (Tignes-Val d’Isère), 57 euros pour les Portes du Soleil (Avoriaz-Champéry) ; et entre 20 et 40 euros pour des domaines de tailles plus modestes. Le haut revenu moyen des skieurs ne met pas les stations à l’abri d’une érosion de la clientèle face à l’augmentation du prix. Face à la baisse de la qualité également : glisser sur un ruban blanc encombré et bordé à ses côtés d’une pelouse jaunâtre et terreuse manque singulièrement de charme.</p>
<h2>L’échec des ski-dômes japonais</h2>
<p>C’est tout de même mieux que de skier sous cloche, me direz-vous. Les ski-dômes ont bien des clients et il s’en construit même des nouveaux. Vrai, mais leurs pistes de quelques dizaines de mètres le plus souvent servent surtout d’initiation au ski et ils sortent de terre avant tout en Chine où la pratique du ski ne se conjugue pas historiquement avec neige naturelle.</p>
<p>Au Japon en revanche, les centres de ski d’intérieur ferment les uns après les autres. Ils connaissent la <a href="https://www.vanat.ch/RM-world-report-2022.pdf">même désaffection de clientèle que le ski de plein air</a> qui est particulièrement marquée et rapide dans ce pays aux si nombreux centenaires.</p>
<p>Le ski sous cloche relève aussi du parc d’attractions et subit également à ce titre la concurrence des parcs de loisir en tout genre. Une rivalité d’autant plus désavantageuse pour les ski-dômes que la clientèle n’a pas à s’équiper et à s’activer, mais simplement à suivre passivement les attractions en habits et chaussures de tous les jours.</p>
<p>Pour skier 365 jours par an version ultra-artificielle et tendance globish la municipalité de Tignes a un temps envisagé la construction d’un <a href="https://dja.archi/fr/projets/selection/ski-line-tignes-73/">« Ski-Line de piste in-door »</a>. 400 mètres de glisse couverts à l’année dans un frigo géant avec remontée en télésiège des skieurs et, à côté, pour les surfeurs d’eau douce un bassin à vague artificielle.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/oeEgJx7flKQ?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Bientôt une piste couverte à Tignes ? (8 Mont-Blanc, 2016).</span></figcaption>
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<p>Ce projet démesuré est resté à ce jour dans les cartons. Il ne devrait pas en sortir. La fin d’un monde est passée par là : celui d’une société sans pandémie, d’un accès immuable à une énergie et une eau bon marché ; mais aussi d’une clientèle indéfectible de skieurs consommateurs, au porte-monnaie sans fond ; et peut-être désormais plus préoccupés par leur empreinte sur la planète – souhaitons-le.</p>
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<p><em>François Lévêque a publié chez Odile Jacob <a href="https://theconversation.com/bonnes-feuilles-lere-des-entreprises-hyperpuissantes-touche-t-elle-a-sa-fin-157831">« Les entreprises hyperpuissantes. Géants et Titans, la fin du modèle global ? »</a>. Son ouvrage a reçu le <a href="https://www.melchior.fr/note-de-lecture/les-entreprises-hyperpuissantes-prix-lyceen-lire-l-economie-2021">prix lycéen du livre d’économie</a> en 2021</em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/199031/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>François Lévêque ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>
Face à la diminution progressive de l’enneigement en montagne, le consommateur se retrouve face à trois options : skier ailleurs, skier à d’autres périodes… ou choisir d’autres loisirs.
François Lévêque, Professeur d’économie, Mines Paris
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/198469
2023-02-02T11:41:32Z
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Production de neige : le piège de la dépendance pour les stations de ski ?
<p>Les polémiques se multiplient autour de la production de la « neige artificielle ». Rien qu’en 2022, plusieurs événements ont mis en lumière ce recours de plus en plus décrié à ce que l’on appelle également la « neige de culture ».</p>
<p>Citons par exemple les <a href="https://www.lemonde.fr/sport/article/2022/02/01/jo-de-pekin-2022-des-jeux-sans-neige-naturelle-et-a-l-empreinte-carbone-sujette-a-caution_6111861_3242.html">Jeux olympiques d’hiver de Pékin</a>, assurés à 100 % grâce à la production de neige ; mais aussi la mobilisation organisée à la Clusaz pour contester la mise en place d’une <a href="https://theconversation.com/extinction-rebellion-a-la-clusaz-quand-la-zad-gagne-la-montagne-174358">retenue d’eau d’altitude</a>, ou encore le stockage et le transport de neige pour les <a href="https://www.lemonde.fr/sport/article/2022/12/07/tempete-de-critiques-a-la-suite-du-transport-de-milliers-de-metres-cubes-de-neige-au-grand-bornand_6153391_3242.html">championnats du monde de biathlon au Grand-Bornand</a>. Enfin, les effets de la grande douceur du début de la <a href="https://www.lefigaro.fr/flash-eco/faute-de-neige-la-moitie-des-pistes-de-ski-francaises-sont-fermees-20221227">saison d’hiver 2022/23</a>, conduisant à un enneigement très déficitaire. </p>
<p>Pour produire de la neige, il faut des billes de glace d’un diamètre de quelques dixièmes de millimètres, en pulvérisant des micro-goutelettes d’eau qui se solidifient avant d’atteindre le sol. La consistance de cette neige s’approche de celle de la neige damée. </p>
<p>Les critiques à l’égard de cette production s’observent depuis le milieu des années 2000, bien que l’équipement des stations se soit développé dès la fin des années 1980. Dans un contexte de changement climatique, la pertinence de l’adaptation technique est questionnée alors même que l’industrie des sports d’hiver l’intègre de manière courante dans ses pratiques. </p>
<p>Dans un <a href="https://www.tandfonline.com/doi/full/10.1080/13683500.2022.2151876">article scientifique récemment publié</a>, nous avons décrypté les mécanismes de dépendance présents dans l’industrie des sports d’hiver vis-à-vis de cette production de neige. Voici les principaux enseignements de notre recherche. </p>
<h2>Se libérer des « mauvais hivers »</h2>
<p>Après des <a href="https://www.ledauphine.com/environnement/2013/02/27/il-y-a-40-ans-les-pionniers-de-la-neige-de-culture-a-flaine">phases d’essai commencées en 1973</a>, la production de neige s’est développée dans l’industrie française des sports d’hiver. </p>
<p>Un temps vantée comme argument commercial, cette technologie s’est progressivement imposée comme un outil courant pour améliorer les conditions d’exploitation des domaines skiables. L’installation est désormais systématiquement envisagée, notamment lors du renouvellement des remontées mécaniques. </p>
<p>Entre 2005 et 2016, la production de neige a absorbé <a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s00484-020-01933-w">20 % de la capacité d’investissement</a> des gestionnaires de domaines skiables, en faisant le second poste d’investissement derrière l’achat de nouvelles remontées mécaniques. </p>
<p>Aujourd’hui, cette production n’intéresse plus uniquement les exploitants de domaines skiables, mais bien l’ensemble des acteurs de l’industrie des sports d’hiver. Promoteurs immobiliers proposant des hébergements « skis aux pieds », tour-opérateurs sécurisant leurs ventes de forfaits, communes de montagne souhaitant un retour en ski au village, etc. Tous souhaitent que la production de neige contribue à la réussite de leurs projets. </p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<p><em>Pour suivre au plus près les questions environnementales, retrouvez chaque jeudi notre newsletter thématique « Ici la Terre ». Au programme, un mini-dossier, une sélection de nos articles les plus récents, des extraits d’ouvrages et des contenus en provenance de notre réseau international. <a href="https://theconversation.com/fr/newsletters/la-newsletter-environnement-150/">Abonnez-vous dès aujourd’hui</a>.</em></p>
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<p>Malgré <a href="https://journals.openedition.org/rga/2840">l’essor de cette technologie</a> et les progrès techniques accomplis, l’affranchissement de la variabilité des conditions météorologiques reste toutefois limité. </p>
<p>En effet, l’adaptation technique que représente la production de neige ne libère pas les exploitants de certaines contraintes telles que le besoin de températures négatives et la nécessité de <a href="https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/la-une-de-la-science/l-eau-des-canons-a-neige-1568818">disposer de ressources en eau</a>. Aujourd’hui, les effets du changement climatique réduisent l’épaisseur du manteau neigeux ainsi que les <a href="https://theconversation.com/verra-t-on-la-fin-du-ski-des-2050-107246">opportunités pour produire de la neige</a>. </p>
<p>En limitant sa météo-dépendance, l’industrie des sports d’hiver a parallèlement accru sa dépendance à la production de neige. </p>
<p>Bien que les contraintes climatiques futures risquent de limiter l’efficacité de cette production, s’en détourner semble difficile pour l’industrie des sports d’hiver. Cette situation, souvent qualifiée de <a href="https://www.outside.fr/le-ski-cest-fini-comment-les-stations-francaises-sentetent-ou-se-reinventent/">« fuite en avant »</a> n’a été que <a href="https://theses.hal.science/tel-03555501">récemment analysée</a>.</p>
<h2>Un véritable « sentier de dépendance »</h2>
<p>En nous appuyant sur la théorie des « sentiers de développement », utilisée dans le domaine de la <a href="https://www.cairn.info/revue-espace-geographique-2014-3-page-193.htm">géographie économique évolutionniste</a>, nous montrons dans nos travaux que la production de neige a conduit l’industrie des sports d’hiver sur un authentique <a href="https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/le-pourquoi-du-comment-economie-et-social/qu-est-ce-que-la-dependance-au-sentier-5228788">« sentier de dépendance »</a> : les choix antérieurs d’investir dans cette production et les <a href="https://tc.copernicus.org/articles/16/863/2022/">gains d’enneigements permis par le passé</a> encouragent la poursuite des investissements, en privant d’autres activités des ressources mobilisées, qu’elles soient économiques ou naturelles, comme la ressource en eau. </p>
<p>Ce sentier de dépendance peut aussi bien amener le tourisme de ski sur une voie dite « d’extension » qu’une voie dite de « contraction », aux implications bien différentes pour les territoires de montagne.</p>
<p>Vu comme voie d’extension, l’investissement dans la production de neige a permis de renforcer une activité saisonnière météo-dépendante qui présente les caractéristiques d’une industrie lourde. En effet, l’exploitation d’un domaine skiable repose sur d’importants capitaux, notamment pour le renouvellement du parc de remontées mécaniques, avec des charges fixes qui renforcent l’exposition au risque économique liée à la variabilité naturelle de l’enneigement. </p>
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<img alt="Vue de la station de ski de Montalbert en Savoie" src="https://images.theconversation.com/files/507701/original/file-20230201-13-6ph46f.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/507701/original/file-20230201-13-6ph46f.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/507701/original/file-20230201-13-6ph46f.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/507701/original/file-20230201-13-6ph46f.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/507701/original/file-20230201-13-6ph46f.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=425&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/507701/original/file-20230201-13-6ph46f.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=425&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/507701/original/file-20230201-13-6ph46f.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=425&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Production de neige à Montalbert, en Savoie.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Lucas Berard-Chenu</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
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<p>À cela s’ajoutent des savoir-faire et une technicité grandissante de la gestion de la neige, accompagnés par <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S2405880721000261">l’essor de services dédiés</a>. </p>
<p>Enfin, la production de neige a sécurisé une offre touristique française sur un marché européen du ski mature et compétitif. La production de neige permet de consolider les parts de marché de la France, 3<sup>e</sup> marché mondial des sports d’hiver derrière les États-Unis et l’Autriche avec 50 millions de journées skieurs, dont <a href="https://vanat.ch/international-report-on-snow-mountain-tourism.shtml">27 % de skieurs internationaux</a>. </p>
<p>On estime que <a href="https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2018/02/23/sports-d-hiver-sports-de-riches-moins-d-un-francais-sur-dix-part-en-vacances-au-ski_5261604_4355770.html">10 % des Français partent aux sports d’hiver</a> chaque année, représentant <a href="https://www.entreprises.gouv.fr/files/files/directions_services/etudes-et-statistiques/Chiffres_cles/Tourisme/2018-Chiffres-cles-du-tourisme.pdf">7 % des nuitées réalisées par les Français</a> sur le territoire métropolitain. Les 250 stations que compte la France assurent par ailleurs 120 000 emplois.</p>
<h2>Des changements nécessaires, mais retardés</h2>
<p>Mais la production de neige peut tout autant conduire à une voie de contraction. </p>
<p>Les investissements dans la production de neige sont non seulement très spécifiques, et, pour partie uniquement, dédiés à la poursuite de l’activité ski, mais surtout contribuent à entretenir une logique sectorielle focalisée sur l’économie du tourisme de neige. </p>
<p>Ce risque de surspécialisation peut également déborder sur les territoires de montagne supports de station. L’ensemble des capitaux spécifiques (infrastructures, main-d’œuvre spécialisée, savoir-faire technique, etc.), ainsi que les dispositifs qui les accompagnent, comme des <a href="https://journals.openedition.org/rga/10434">politiques publiques dédiées</a>, retardent d’éventuels changements et peuvent limiter l’effet de dispositifs orientés vers la <a href="https://revue-set.fr/article/view/6835">diversification des économies montagnardes</a>. </p>
<p>Un verrouillage défavorable s’enclenche alors : le soutien en faveur de l’investissement dans les installations en production de neige captant des ressources qui pourrait initier d’<a href="https://www.monde-diplomatique.fr/2021/04/DESCAMPS/62973">éventuelles transitions</a>.</p>
<p>Cette dépendance a des effets ambivalents sur les territoires touristiques de montagne et s’en extraire nécessite une <a href="https://theconversation.com/ski-la-pandemie-ne-permettra-pas-forcement-de-reinventer-le-tourisme-de-montagne-154654">coordination à la fois économique et institutionnelle</a>. </p>
<p>Les politiques publiques ont donc un rôle à jouer. Si l’action de l’État a su par le passé doter les territoires de montagne d’une industrie des sports d’hiver, se pose aujourd’hui la question de la gestion de cet héritage. L’action publique peut-elle contribuer à dépasser la dépendance au ski, voire au tourisme, en tenant compte des causes et conséquences de l’évolution climatique et de l’environnement ?</p>
<hr>
<p><em>Le projet <a href="https://anr.fr/ProjetIA-15-IDEX-0002">IDEX UGA</a> est soutenu par l’Agence nationale de la recherche (ANR), qui finance en France la recherche sur projets. Elle a pour mission de soutenir et de promouvoir le développement de recherches fondamentales et finalisées dans toutes les disciplines, et de renforcer le dialogue entre science et société. Pour en savoir plus, consultez le site de l’<a href="https://anr.fr/">ANR</a>.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/198469/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Lucas Berard-Chenu a reçu des financements conjoints de l’Agence nationale de la recherche dans le cadre du programme « Investissements d’avenir » (référence ANR-15-IDEX-02) et de Météo-France. Lucas Berard-Chenu a également bénéficié du financement d’un programme de recherche et d’innovation Horizon 2020 de l’Union européenne (730203). </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Emmanuelle George a reçu, en réponse à des appels à projets, des financements venant des échelles européennes, nationales, régionales ou départementales. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Hugues François a reçu des financements de diverses organisations publiques ou privées dans le cadre de ses projets de recherche</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Samuel Morin a reçu des financements de diverses organisations publiques ou privées dans le cadre de ses projets de recherche.</span></em></p>
En cherchant à limiter sa météo-dépendance, l'industrie des sports d'hiver a accru sa dépendance à la production de neige. Avec quelles conséquences ?
Lucas Berard-Chenu, Enseignant-chercheur en géograpgie à l'Institut conjoint de l'Université de Ningbo (Chine) et d'Angers, Université d'Angers
Emmanuelle George, Chercheuse en aménagement touristique, Inrae
Hugues François, Ingénieur de recherche tourisme et système d'information, Inrae
Samuel Morin, Chercheur et directeur du Centre national de recherches météorologiques (Météo-France - CNRS), Météo France
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tag:theconversation.com,2011:article/190077
2022-10-02T16:28:35Z
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Changement climatique en montagne : que dit la science ?
<p>Nous connaissons tous des exemples spectaculaires du changement climatique que la planète est en train de subir, et nous avec. <a href="https://theconversation.com/vous-revez-dobserver-les-icebergs-a-terre-neuve-depechez-vous-avant-quil-ne-soit-trop-tard-186078">La banquise fond</a>, les <a href="https://theconversation.com/inde-et-pakistan-se-preparer-a-des-canicules-encore-plus-intenses-183373">canicules se multiplient</a>, les forêts sont <a href="https://theconversation.com/des-donnees-inedites-sur-les-interactions-entre-les-megafeux-et-le-phenomene-el-nino-187411">ravagées par des feux gigantesques</a>.</p>
<p>En montagne, les glaciers disparaissent et la neige est de moins en moins présente. Peu épais et peu étendu, le manteau neigeux se liquéfie précocement au printemps et apparaît plus tardivement en automne et en hiver. La diminution de masse glaciaire s’est fortement accélérée depuis le début du XXI<sup>e</sup> siècle : entre 2000 et 2004, les glaciers ont perdu annuellement 227 gigatonnes, et cette perte s’est élevée à 298 gigatonnes par an entre 2015 et 2019, <a href="https://www.wsl.ch/fr/news/2021/04/le-recul-mondial-des-glaciers-sest-accelere.html">montre cette étude</a>.</p>
<p>En conséquence, la période de croissance de la végétation – durant laquelle la température de l’air reste supérieure à 5 °C – augmente. Est-ce une bonne chose ? Non, comme on peut le comprendre dans la vidéo ci-dessous.</p>
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<figcaption><span class="caption">« Comprendre le changement climatique dans les Alpes » (CREA Mont-Blanc).</span></figcaption>
</figure>
<p>Que sait la science du changement climatique en montagne et pourquoi y est-il plus fort qu’en plaine ? Le réchauffement dépend de l’altitude : cela a été vérifié à <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0959378006000926">l’échelle mondiale</a> et <a href="https://ideas.repec.org/a/spr/endesu/v24y2022i9d10.1007_s10668-021-01880-5.html">régionale</a>. Ainsi, il se produit plus rapidement en altitude où son impact sera alors plus fortement ressenti.</p>
<p>Si l’on peut mesurer ces effets concrets du changement climatique et les relier à une augmentation mondiale du CO<sub>2</sub> dans l’atmosphère, les mécanismes à l’œuvre ne sont pas parfaitement compris, en particulier dans les zones de montagne. Cela vous étonne ? Et pourtant, la science ne sait pas encore tout sur tout !</p>
<h2>Spirale négative</h2>
<p>Un premier mécanisme à considérer est la capacité d’une surface à réfléchir la lumière, ce qu’on appelle l’albédo. Les surfaces blanches, comme la neige, réfléchissent davantage le rayonnement solaire que les surfaces sombres (et possèdent donc un <a href="https://www.futura-sciences.com/planete/definitions/climatologie-albedo-1023/">albédo plus élevé</a>). Par conséquent, le rayonnement réfléchi ne chauffera pas ces surfaces claires ou blanches.</p>
<p>En moyenne, les surfaces terrestres reflètent environ 30 % de la lumière du soleil, mais cette capacité est considérablement augmentée pour les montagnes couvertes de neige, avec par exemple un <a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s00704-012-0712-0">albedo de 70 % détecté dans les montagnes suisses observées dans cette étude</a>. La neige fraîche peut refléter jusqu’à 87 % du rayonnement.</p>
<p>La fonte précoce du manteau neigeux et le retrait des glaciers laissent des terres rocheuses et stériles pendant de plus longues périodes. Ces terres stériles reflètent moins le rayonnement solaire que la neige blanche ou la glace. En conséquence, ces endroits se réchauffent et conservent également la chaleur plus longtemps. On entre alors dans une spirale négative qui amplifie encore l’effet du réchauffement, surtout dans les zones alpines.</p>
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<figcaption><span class="caption">L’envers du décor – forts impacts du changement climatique en montagne (EP #04).</span></figcaption>
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<h2>Nuages de poussière du Sahara</h2>
<p>D’autres phénomènes peuvent accélérer encore la fonte de la neige en montagne. En mars 2022, la France et d’autres pays européens ont connu des <a href="https://theconversation.com/comment-naissent-les-tempetes-de-sable-144131">épisodes de nuages de poussière du Sahara</a>, qui ont couvert la neige et la glace des zones de montagne d’une couche couleur sable, diminuant leur capacité de réflexion (albedo). La neige ainsi teintée absorbe davantage de chaleur et fond plus vite.</p>
<p>Avec l’accélération du changement climatique, de tels événements deviennent plus fréquents et renforcent la fonte précoce.</p>
<h2>Humidité de surface et évapotranspiration</h2>
<p>Une <a href="https://agupubs.onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1029/2009GL037245">étude menée sur le plateau tibétain</a>, où le réchauffement s’est accéléré pendant les mois d’hiver à la fin du XX<sup>e</sup> siècle, montre que l’augmentation des températures a été liée à l’augmentation de l’humidité de surface.</p>
<p>L’augmentation de l’humidité de surface entraîne une augmentation du rayonnement de grande longueur d’onde (=chaleur) et peut localement et temporairement augmenter la température en altitude.</p>
<p>Mais localement, en montagne, il a été montré qu’une augmentation de la vapeur hivernale de surface entraîne de la chaleur et donc des températures plus élevées, phénomène qui s’intensifie avec l’altitude. Un hiver moins froid étant aussi moins sec, le processus peut s’emballer.</p>
<p>De manière générale, l’évapotranspiration, c’est-à-dire la transpiration de la végétation et des masses d’eau, peut également contribuer aux changements de température. Comme la transpiration d’un corps humain, l’évapotranspiration peut refroidir l’air et l’environnement, un effet que l’on peut constater en traversant une forêt en été.</p>
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<p>En montagne, les sécheresses prolongées renforcent donc la hausse des températures, car les lacs et la végétation s’assèchent et aucune eau ne s’évapore. De tels effets peuvent être observés dans toutes les chaînes, mais sont plus prononcés <a href="https://research.monash.edu/files/154950020/153843133_oa.pdf">dans les montagnes tropicales</a>.</p>
<h2>Chaleur piégée</h2>
<p>Un autre processus conduisant à une augmentation des températures peut être expliqué par l’effet Stefan-Boltzmann. La <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Loi_de_Stefan-Boltzmann">loi de Stefan-Boltzmann</a> décrit la puissance rayonnée par un corps noir en fonction de sa température et décrit le forçage radiatif.</p>
<p>Le forçage radiatif se produit lorsque la quantité d’énergie qui pénètre dans l’atmosphère terrestre est différente de la quantité d’énergie qui en sort. En montagne, l’effet Stefan-Boltzmann décrit l’énergie qui est piégée dans les roches et sols et qui n’est pas entièrement réémise. Ce qui peut également entraîner une augmentation des températures, notamment dans les paysages alpins dominés par des roches.</p>
<p>Le dernier mécanisme qui, selon la science, peut contribuer à la sensibilité accrue des montagnes au changement climatique est la modification de la couverture végétale en fonction de l’altitude.</p>
<p>Ces changements de couverture peuvent être associés à la migration des espèces végétales en plus haute altitude pour suivre les modifications de température, y compris le déplacement vers le haut de la limite de la zone arborée.</p>
<p>Ces changements influencent ensuite l’albédo de la surface, la répartition des flux d’énergie et entraînent donc des augmentations de température en fonction de l’altitude.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/QHbt052jbk4?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">La sècheresse dans la montagne, un problème pour nous tous !</span></figcaption>
</figure>
<h2>Point de bascule et processus d’emballement</h2>
<p>L’ensemble de ces différents processus peut fonctionner en synergie et conduire à des points de bascule dans les régions de montagne, où la fonte de la glace et de la neige sera encore accélérée et deviendrait impossible à arrêter. Dans l’histoire de la Terre, plusieurs de ces <a href="https://www.nature.com/articles/s41559-019-0797-2">processus d’emballement</a> ont été à l’origine de précédents événements de changement climatique, qui ont conduit à des extinctions massives.</p>
<p>Un point de bascule climatique en montagne pourrait entraîner la perte de réservoirs d’eau (glace et neige), aggravant les sécheresses ou les inondations dans la montagne et dans les plaines, avec des répercussions sur l’agriculture, l’industrie, la biodiversité et la société humaine dans son ensemble.</p>
<hr>
<figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/308798/original/file-20200107-123373-wmivra.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/308798/original/file-20200107-123373-wmivra.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=337&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/308798/original/file-20200107-123373-wmivra.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=337&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/308798/original/file-20200107-123373-wmivra.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=337&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/308798/original/file-20200107-123373-wmivra.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/308798/original/file-20200107-123373-wmivra.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/308798/original/file-20200107-123373-wmivra.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<p><em>Créé en 2007 pour accélérer et partager les connaissances scientifiques sur les grands enjeux sociétaux, le Fonds Axa pour la Recherche a soutenu près de 700 projets dans le monde entier, menés par des chercheurs originaires de 38 pays. Pour en savoir plus, consultez le site Axa Research Fund ou suivez-nous sur Twitter @AXAResearchFund.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/190077/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Dirk S. Schmeller a reçu des financements de AxaRF, ANR, Commission européenne.</span></em></p>
Les effets du changement climatique se font sentir plus rapidement et plus intensément en altitude.
Dirk S. Schmeller, Professor for Conservation Biology, Axa Chair for Functional Mountain Ecology at the École Nationale Supérieure Agronomique de Toulouse, Université de Toulouse III – Paul Sabatier
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tag:theconversation.com,2011:article/186400
2022-08-28T18:09:34Z
2022-08-28T18:09:34Z
Comment la culture peut redynamiser les territoires de montagne
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/481383/original/file-20220827-11663-oahy7h.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=91%2C4%2C1444%2C811&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Oeuvre de la VIAPAC au Col de l'Arche, David RENAUD, Table relief représentant la vallée autour du col de l'arche</span> </figcaption></figure><p>La culture occupe une place croissante dans les <a href="https://fr.unesco.org/creativity/policy-monitoring-platform/culture-developpement-0">Plans de Développement Economique et Social de l’Unesco</a> et les innovations de produits et de services sont au cœur des réflexions territoriales et nationales.</p>
<p>Depuis plusieurs décennies, un grand nombre de territoires s’appuie sur le <a href="https://unesdoc.unesco.org/ark:/48223/pf0000189382_fre">développement de la culture comme un outil de développement territorial</a>. C’est le cas de nombreuses villes comme Liverpool en Angleterre, Bilbao en Espagne ou encore Philadelphie et Baltimore aux États-Unis. Ces villes se sont appuyées sur le <a href="https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-01487348/file/IADT-CERAMAC_DevCulturel.pdf">développement de la culture pour faire face à la désindustrialisation</a>, à une croissance démographique ralentie <a href="https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-01487348/file/IADT-CERAMAC_DevCulturel.pdf">ou encore à une image défavorable</a></p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/481384/original/file-20220827-22711-fn8frx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/481384/original/file-20220827-22711-fn8frx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=421&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/481384/original/file-20220827-22711-fn8frx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=421&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/481384/original/file-20220827-22711-fn8frx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=421&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/481384/original/file-20220827-22711-fn8frx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=529&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/481384/original/file-20220827-22711-fn8frx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=529&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/481384/original/file-20220827-22711-fn8frx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=529&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Oeuvre Horizons Art-Nature, Edition 2015, Massif du Sancy.</span>
<span class="attribution"><span class="source">source</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>La culture apparaît comme levier pertinent de redynamisation et de renforcement de l’attractivité territoriale et touristique. Par exemple, aujourd’hui la région métropolitaine du « Grand Bilbao » abrite la moitié de la population et de l’activité économique du Pays basque, se classant ainsi <a href="https://www.agenda21culture.net/sites/default/files/files/cities/content/bilbao-fra_def.pdf">parmi les régions européennes les plus compétitives, innovantes et productives</a> (PIB par habitant supérieur de 30 % à la moyenne de l’Union européenne).</p>
<p>Ce modèle de développement par la culture pour pallier à un déficit d’attractivité touristique inspire de plus en plus de politiques de développement territorial. En France, dans le massif du Sancy, le développement du festival <a href="https://www.horizons-sancy.com/">Horizons Art Nature</a> en est un exemple, tout comme la <a href="https://www.tourisme-alpes-haute-provence.com/route-art-contemporain/">VIAPAC</a> qui relie les villes de Digne-les-Bains (en France) à Caraglio (en Italie), grâce aux œuvres de douze artistes contemporains. Cependant, le modèle de développement de la culture sur les territoires urbains est difficilement transposable aux territoires ruraux et de montagne dont les spécificités vont imposer des modèles adaptés.</p>
<p>[<em>Plus de 80 000 lecteurs font confiance à la newsletter de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde</em>. <a href="https://theconversation.com/fr/newsletters/la-newsletter-quotidienne-5">Abonnez-vous aujourd’hui</a>]</p>
<p><a href="https://www.cairn.info/revue-de-l-entrepreneuriat-2022-2-page-121.htm">Les données de notre étude</a> ont été recueillies grâce à des observations sur les deux terrains et des discussions avec les habitants et touristes. Des entretiens ont également été menés au cours de l’été 2018 auprès d’acteurs institutionnels et économiques en charge d’un PCT sur un territoire de montagne. Nous avons ensuite suivi les deux PCT (en 2019 et 20) pour nous assurer d’une certaine stabilité dans le temps des observations faites en 2018 (notamment sur la partie « Retombées sur le territoire »).</p>
<h2>La spécificité des territoires de montagne</h2>
<p>Les territoires de montagne ont une saisonnalité touristique marquée et sont très peu reconnus comme des destinations culturelles. Or pour être attractifs, les <a href="https://www.demainsavoiemontblanc.com/">territoires doivent développer une offre culturelle qui valorise le paysage et le patrimoine local</a>, ainsi que l’histoire et les spécificités du territoire, tout en intégrant des activités sportives, de nature, etc. D’autant que dans le cas de la montagne, le tissu culturel local est souvent très riche : fêtes de village à caractère thématique, festivals locaux marqués par des savoir-faire ancestraux, écomusée basé sur des ressources naturelles, etc. Il est crucial de s’appuyer sur cette richesse et de favoriser les partenariats avec les associations et entreprises locales afin d’ancrer le projet culturel sur le territoire.</p>
<figure class="align-center ">
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<figcaption>
<span class="caption">Oeuvre de la VIAPAC, Village D'Aisone, Italie, Paolo GRASSINO, Incursione, Sculpture en accès libre.</span>
<span class="attribution"><span class="source">source</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Toutefois, si la culture peut devenir un atout dans le jeu de la mondialisation et permettre au territoire de se différencier durablement, il apparaît essentiel de déterminer d’une part les éléments clés des projets culturels de territoire et d’autre part de construire des outils et méthodes pour accompagner leur gestion.</p>
<h2>Valoriser les ressources territoriales</h2>
<p>Les spécificités des territoires ruraux de montagne, comme le relief, la pente et le climat difficile deviennent à l’aune du nouveau système des ressources potentielles qui, si elles sont convenablement valorisées, peuvent devenir une source de dynamisme, de richesse et d’inspiration pour la création artistique. À titre d’illustration, pour la VIAPAC, les ressources différenciantes sont les spécificités géologiques du territoire et pour le festival HAN, l’abondance des reliefs volcaniques et les spécificités de la flore et de la faune de ses zones cairns.</p>
<p>Dans le cadre des événements culturels, la valorisation de ces ressources territoriales apparaît comme un élément fédérateur. En effet, les habitants interrogés sont devenus les premiers ambassadeurs du projet car ils voyaient leur territoire mis en lumière. Ils se sont alors rapprochés du projet et leur participation est alors devenue primordiale dans la formation de relais d’informations.</p>
<p>Pour le directeur de l’association Marcovaldo : « l’artiste disait à la population ce qu’il allait faire et ce dont il avait besoin comme informations et comme participation, et la population se mettait en ordre de marche ». Enfin, dans un effet boule de neige, cette valorisation du territoire et cette participation des habitants favorisaient la participation des acteurs privés qui à leur tour souhaitaient investir et développer de nouveaux produits.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/481387/original/file-20220827-24-crv4jo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/481387/original/file-20220827-24-crv4jo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=336&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/481387/original/file-20220827-24-crv4jo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=336&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/481387/original/file-20220827-24-crv4jo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=336&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/481387/original/file-20220827-24-crv4jo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=422&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/481387/original/file-20220827-24-crv4jo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=422&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/481387/original/file-20220827-24-crv4jo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=422&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Oeuvre de la VIAPAC au Col de l'Arche, David RENAUD, Table relief représentant la vallée autour du col de l'arche.</span>
<span class="attribution"><span class="source">source</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Dans les deux cas étudiés, on remarque que combiner le projet culturel au sport, à l’industrie, au patrimoine permet d’une part d’attirer des publics qui ne sont pas nécessairement adeptes des activités culturelles et d’autre part de différencier l’offre tout en motivant les populations locales.</p>
<h2>Faire participer les populations locales</h2>
<p>La seconde clé repose sur la gestion démocratique du projet. Sur les territoires ruraux comme ailleurs, une gouvernance démocratique des PCT favorise leur réussite.</p>
<p>La gestion démocratique du projet implique d’accorder à l’ensemble des parties prenantes le même pouvoir. Autrement dit, adopter des modalités de gouvernance démocratique implique de favoriser la participation des citoyens auxquels on reconnaît la capacité de faire des choix en matière de politique publique et de mobiliser des outils favorisant la participation au débat et à la décision publique.</p>
<p>Cela suppose de créer des instances et d’instaurer des règles de gouvernance pluralistes et participatives qui associent à la prise de décision l’ensemble des acteurs qui sont ou peuvent être affectés par la réalisation du projet. Toutefois, la gestion démocratique est limitée par la volonté des acteurs à s’engager et à participer au projet, ce qui peut faire défaut dans certains cas.</p>
<p>L’appropriation du projet apparaît comme la seule source de légitimation des PCT ruraux. En effet, là où, sur un territoire urbain, un leadership détenu par des experts de la culture apparaît comme légitime, ce n’est pas le cas sur un territoire de montagne. Ainsi l’accès limité à la culture en zone rurale et quelques fois la non-compréhension de l’art conceptuel peuvent provoquer des réticences et réactions négatives chez les habitants des territoires de montagne. La stratégie d’inclusion des populations est donc primordiale. Par exemple, dans la VIAPAC ou HAN, les producteurs agricoles locaux sont invités à venir vendre leur production et à en faire la promotion lors des évènements organisés dans le cadre du projet.</p>
<h2>Croiser les activités et mesurer les retombées</h2>
<p>Il s’agit également de croiser les activités culturelles avec les autres activités du territoire (agriculture, sport, industrie, tourisme, etc.). Mêler les différents publics peut non seulement permettre de structurer une offre touristique plus complémentaire, mais aussi créer une dynamique pouvant donner naissance à la création d’activités novatrices.</p>
<p>Enfin, la dernière clé -et pas la moindre –, la valorisation des retombées de l’offre constituée dans le cadre du PCT, apparaît comme un élément primordial pour la pérennisation de l’offre. En effet, le manque d’évaluation des impacts réels du projet pour le territoire contribue à renforcer les interrogations des acteurs du territoire sur la légitimité du projet. L’absence d’outils de mesure des impacts complique le renouvellement des financements et représente donc un frein important à la pérennisation de l’offre constituée dans le cadre d’un PCT.</p>
<p>Ces outils d’évaluation sont habituellement peu présents dans les politiques culturelles et surtout rarement mis en place dès le départ du projet. Pour y faire face, il est recommandé d’établir en amont une liste d’indicateurs pour l’évaluation de l’offre. Cette liste doit être coconstruite avec l’ensemble des parties prenantes du territoire (publique, privée et civile).</p>
<p>Les principaux résultats de nos études montrent l’importance d’une gouvernance démocratique et participative du service public avec une vision innovante de la culture associée à un nouveau modèle économique. L’appropriation et la valorisation du territoire par les artistes permettent de développer une culture différenciante et facilitent son appropriation par les populations locales. De même, le croisement des activités du territoire avec les activités culturelles permet de mobiliser de nouveaux réseaux de publics.</p>
<p>Si le rôle de la culture comme facteur d’innovation et d’attractivité d’un territoire est souvent mis en exergue dans les articles scientifiques et les rapports professionnels, les dynamiques à l’œuvre tout au long du développement des projets de territoire, bien que primordiales ne sont pas suffisamment explicitées. Ce sujet mérite plus que jamais toute l’attention des managers territoriaux s’ils souhaitent réinventer leurs territoires de montagne !</p>
<p>Pour en savoir plus, lisez Favre-Bonté, V., Da Fonseca, M., & Régent, B. (2022). Entrepreneurship and Territorial Cultural Projects: Towards a Development of Territorial Effectuation Concept. Revue de l’Entrepreneuriat. Disponible auprès des auteurs.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/186400/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>
Pour des territoires de montagne en mal d’attractivité, la culture apparaît comme levier pertinent de redynamisation. Encore faut-il savoir comment développer ce type de projets.
Véronique Favre-Bonté, Professeur des Universités en Sciences de Gestion, IAE Savoie Mont Blanc
Benoît Régent, MCF Sciences de Gestion, Université Savoie Mont Blanc
Marie Da Fonseca, Maitre de Conferences, IAE Perpignan School of Management – Université de Perpignan Via Domitia
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/183539
2022-06-22T21:04:44Z
2022-06-22T21:04:44Z
À La Clusaz, des pistes existent pour déjouer l’artificialisation de la montagne
<p>Les 25 et 26 juin 2022, la commune de La Clusaz en Haute-Savoie a été le théâtre d’une mobilisation nationale contre des dispositifs de stockage d’eau (« retenues collinaires ») et l’artificialisation de la montagne. Une initiative conduite par le réseau de luttes locales <a href="https://lessoulevementsdelaterre.org/blog/programme-saison3">Les Soulèvements de la terre</a>.</p>
<p>À l’heure où la transition écologique presse en montagne, ces voix dissonantes interrogent le bien-fondé des choix politiques actuels et les limites des processus de gouvernance en place.</p>
<h2>Garantir l’enneigement artificiel, à quel prix ?</h2>
<p>En Haute-Savoie, La Clusaz et sa station de ski ont déjà fait parler d’elles <a href="https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/les-enjeux-territoriaux/la-clusaz-et-l-industrie-de-la-neige-de-culture-8645505">à l’automne 2021</a>.</p>
<p>Pendant 15 jours, les militants d’<a href="https://extinctionrebellion.fr/">Extinction Rebellion</a> avaient installé une « zone à défendre » (ZAD) dans le bois de la Colombière, à 1 500 mètres d’altitude. L’objectif ? S’opposer au lancement des travaux d’une nouvelle retenue collinaire de 148 000 m<sup>3</sup>. Indispensable pour les uns, inutile pour les autres, ce projet est venu attiser les tensions déjà existantes sur la place à donner à <a href="https://www.la-croix.com/Economie/En-Haute-Savoie-lor-bleu-cree-tensions-2022-02-02-1201198090">l’industrie touristique du ski dans les années à venir</a>.</p>
<p>Ce projet a aussi permis de mettre en lumière <a href="https://theconversation.com/extinction-rebellion-a-la-clusaz-quand-la-zad-gagne-la-montagne-174358">trois enjeux auxquels font aujourd’hui face les territoires de montagne</a> :</p>
<ul>
<li><p>Des conflits d’usages autour de l’eau amplifiés par le réchauffement climatique</p></li>
<li><p>Des temporalités autour de la transition du modèle de développement territorial</p></li>
<li><p>Des innovations sociales permettant d’imaginer collectivement cette transition</p></li>
</ul>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/469826/original/file-20220620-18-1swzi1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/469826/original/file-20220620-18-1swzi1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/469826/original/file-20220620-18-1swzi1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=537&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/469826/original/file-20220620-18-1swzi1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=537&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/469826/original/file-20220620-18-1swzi1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=537&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/469826/original/file-20220620-18-1swzi1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=674&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/469826/original/file-20220620-18-1swzi1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=674&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/469826/original/file-20220620-18-1swzi1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=674&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">La Clusaz.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Qwant Maps</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Souvent promues comme des réserves d’eau potable, les retenues collinaires sont des lacs artificiels avant tout destinés à la production de neige de culture. Celle-ci garantit, à plus ou moins long terme, l’enneigement artificiel des pistes de ski face au réchauffement climatique. C’est le cas à la Clusaz, mais aussi dans la plupart des autres stations des Alpes.</p>
<p>Les pouvoirs publics, notamment les régions, soutiennent massivement la <a href="https://alpinemag.fr/plan-montagne-ii-region-auvergne-rhone-alpes-100-millions-pour-le-ski/">construction de ces nouveaux aménagements au nom d’une « montagne durable »</a>. Simultanément, ces retenues cristallisent les tensions et sont devenues le symbole d’une montagne toujours plus artificialisée, enlisée dans les <a href="https://www.montagnes-magazine.com/actus-probleme-environnemental-les-retenues-colere">modèles du « tout ski »</a> et du « tout tourisme ».</p>
<p>Face à cette situation, La Clusaz aurait pu jouer un rôle précurseur, comme laboratoire et démonstrateur à ciel ouvert de nouveaux processus démocratiques et imaginaires désirables autour de la montagne du XXI<sup>e</sup> siècle. Pour l’heure, un autre choix a été fait par les élus locaux qui attendent la décision d’autorisation du projet par le préfet de Haute-Savoie.</p>
<p><a href="https://www.montagnes-magazine.com/actus-philippe-bourdeau-preoccupons-nous-abord-gens-veulent-vivre-travailler-montagne">Sortir du mythe de la station qui sauve la montagne</a> tend à avoir disparu de leur agenda politique malgré quelques prémices en ce sens. L’attachement aux modèles existants reste tenace, encouragé par la <a href="https://www.ledauphine.com/economie/2022/03/05/une-frequentation-record-dans-les-stations-pour-les-vacances-de-fevrier">fréquentation record et la saison historique</a> de cet hiver qui a généré d’importantes ressources économiques pour le territoire.</p>
<h2>Le risque de prendre une décennie de retard</h2>
<p>Pour autant, les débats locaux émergeant dans le massif des Aravis pour questionner ce modèle de développement territorial <a href="https://www.nouvelobs.com/societe/20220428.OBS57774/un-projet-de-retenue-d-eau-dechire-la-clusaz-c-est-l-exemple-de-tout-ce-qu-on-ne-doit-plus-faire.html">n’ont pas disparu</a> et se sont déplacés sur le terrain judiciaire. </p>
<p>Cette judiciarisation des débats intervient alors que les dynamiques participatives et délibératives sont institutionnellement bloquées. En pareille circonstance, les mobilisations et les conflictualités engendrées ouvrent des <a href="https://alpinemag.fr/transition-ecologique-mikael-chambru-labex-ittem-grenoble/">opportunités de changement sur l’orientation stratégique des trajectoires d’un territoire</a>.</p>
<p>À La Clusaz, la commission d’enquête publique a rendu à l’automne 2021 un <a href="https://www.haute-savoie.gouv.fr/content/download/37781/220945/file/Projet%20amenagement%20retenue%20altitude%20La%20CLUSAZ%20-%20Document%20%202_conclusions.pdf">avis favorable au projet de retenue collinaire</a>, malgré les 76 % d’avis négatifs formulés par les publics.</p>
<p>Bien que la prise en compte de ces avis ne comporte pas d’obligation légale pour la municipalité, en faire l’impasse est un pari risqué si l’objectif est d’engager le territoire dans un processus de transition environnementale, économique et touristique.</p>
<p>Pourquoi ? Parce que ces avis donnent à voir une des réalités du territoire et aussi parce qu’il n’existe pas de modèle de substitution « prêt à l’emploi ». Tout reste donc à inventer dans un contexte de forte incertitude. Cela passe nécessairement par la confrontation d’idées plurielles et antagonistes. Par conséquent, l’enjeu est au contraire de favoriser et de s’appuyer sur ce dissensus pour imaginer des solutions soutenables.</p>
<hr>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/extinction-rebellion-a-la-clusaz-quand-la-zad-gagne-la-montagne-174358">Extinction Rebellion à La Clusaz, quand la ZAD gagne la montagne</a>
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<p>Se cantonner à créer, comme l'a préconisé la commission d’enquête publique, « dans le cadre d’une concertation positive, une commission de suivi du projet et des travaux » ne répond pas à cet enjeu. Cela permet, tout au plus, de travailler l’acceptabilité sociale du projet de retenue collinaire, sans parvenir à résorber les oppositions. Au final, La Clusaz prendra le risque de perdre au moins une décennie pour engager une transition territoriale collectivement partagée face à l’urgence climatique.</p>
<p>Or il s’agit bien désormais d’être capable de <a href="https://www.montagnes-magazine.com/actus-philippe-bourdeau-preoccupons-nous-abord-gens-veulent-vivre-travailler-montagne">changer de logiciel afin d’éviter que des solutions anciennes à un problème deviennent des freins au changement</a>.</p>
<h2>En finir avec le marketing politique et territorial</h2>
<p>À La Clusaz, l’évitement du débat sur l’artificialisation de la montagne et ses effets sociaux et environnementaux soulève encore au moins deux questions :</p>
<ul>
<li><p>Pourquoi favoriser le déploiement des antagonismes autour de jeux de représentation d’un modèle de développement à bout de souffle plutôt que des processus démocratiques créateurs de nouveaux imaginaires désirables ?</p></li>
<li><p>Une vaste concertation publique donnerait-elle à voir à l’émergence d’un souhait majoritaire d’un autre modèle de développement territorial basé sur les actuelles niches créatives et innovantes ?</p></li>
</ul>
<p>Lorsque la municipalité de La Clusaz annonce <a href="https://laclusaztransition.org/">avoir pris « un nouveau virage »</a> et s’être engagée dans un processus de transition environnementale, économique et touristique, force est de constater qu’il s’agit avant tout d’une stratégie de communication publique axée sur du marketing politique et territorial. Cette emprise de la communication participe à <a href="https://alpinemag.fr/transition-ecologique-mikael-chambru-labex-ittem-grenoble/">invisibiliser les enjeux socio-environnementaux</a> liés à la transition écologique et à délégitimer les conflictualités qu’ils engendrent. Elle rappelle aussi que la transition est un concept aux faux airs de consensus malgré les discours et déclarations publiques.</p>
<p>Une fois de plus, d’autres choix sont possibles. À La Clusaz, la communication publique pourrait accompagner un processus de transition en se donnant comme objectif de <a href="https://journals.openedition.org/communiquer/1914">favoriser une culture commune par la création d’un conflit intégrateur</a>. Dans cette perspective, elle chercherait d’abord à inventer un partage de temps et d’espace pour construire les désaccords. Elle viserait ensuite à identifier les points d’accord à partir desquels développer un débat rationnel. Enfin, elle s’efforcerait de construire des solutions permettant d’expérimenter une sortie progressive du « tout tourisme ».</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/183539/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Mikaël Chambru est membre du Labex ITTEM - Innovations et transitions territoriales en montagne.</span></em></p>
La mobilisation initiée fin 2021pour protester contre des aménagements à proximité de la station de ski de Haute-Savoie dessine des alternatives au « tout ski ».
Mikaël Chambru, Maître de conférences en sciences sociales, Université Grenoble Alpes (UGA)
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/181860
2022-05-23T19:56:12Z
2022-05-23T19:56:12Z
Pyrénées françaises : un cocktail toxique « impressionnant » détecté dans les lacs de montagne
<p>Comparées aux plaines envahies par les humains, les montagnes sont un paradis. Un havre pour de nombreux touristes, pour notre cher bétail et bien sûr aussi pour nos animaux sauvages. De l’air pur, de l’eau propre, des paysages verts, des reliefs impressionnants et beaucoup de calme.</p>
<p>Ce paradis s’est toutefois fissuré. Le changement climatique <a href="https://theconversation.com/pourquoi-le-rechauffement-climatique-saccelere-dans-les-pyrenees-173362">a un impact particulièrement important sur ces hauteurs</a> (comme dans l’Arctique et l’Antarctique) et <a href="https://theconversation.com/changement-climatique-biodiversite-le-role-essentiel-des-forets-de-montagne-175366">dégrade les forêts</a>.</p>
<p>L’augmentation de la température moyenne y est plus marquée qu’en plaine, tout comme les variations des précipitations – il y a parfois des sécheresses et parfois des inondations – ce qui contribue à la disparition de nos glaciers. De <a href="https://www.nature.com/articles/s41561-019-0335-5%20%C2%A0%C2%A0">nouvelles études</a> ont également montré que la <a href="https://www.nature.com/articles/s41467-021-27454-7">pollution plastique</a> avait atteint les montagnes que l’on pensait préservées.</p>
<p>En 2007, nous avons commencé à travailler dans les Pyrénées françaises (<a href="https://www.glenat.com/hommes-et-montagnes/les-tribulations-dune-scientifique-en-montagne-9782344051825">comme le documente Adeline Loyau dans ce livre sur notre travail</a>).</p>
<p>À l’époque, et encore aujourd’hui, il s’agissait entre autres de comprendre pourquoi la chytridiomycose (voir <a href="https://www.bbc.com/future/article/20121121-the-race-to-stop-a-global-killer/">ici</a> ou <a href="https://www.larepubliquedespyrenees.fr/environnement/parc-national-des-pyrenees/les-grenouilles-du-parc-national-tombent-comme-des-mouches-5438642.php">ici</a>), une maladie affectant les amphibiens, apparaissait dans certaines régions de montagne.</p>
<p>Pourquoi tel lac est-il touché, et pas tel autre ? En 2014, nous avons réalisé une avancée importante après trois ans de travail d’équipe laborieux : nous avons pu démontrer que le <a href="http://dirk.die-schmellers.de/Press/SOD_2014_08_03-Page%201%20bearn-C1_REG_SUD.pdf">zooplancton</a> des lacs de montagne constitue une barrière biologique qui préserve l’habitat des amphibiens (étangs et lacs de montagne). Il les protège du dangereux champignon chytride <em>Batrachochytrium dendrobatidis</em>, à l’origine de la chytridiomycose.</p>
<p>Cependant, le zooplancton est très sensible aux changements environnementaux, en particulier dans les régions montagneuses, qui connaissent des conditions environnementales extrêmes et peuvent servir d’habitat à relativement peu d’espèces adaptées.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/82MEkV8j6xM?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Gestion des lacs de montagne.</span></figcaption>
</figure>
<p>Au cours de nos recherches, nous avons également pu observer certains changements très frappants : disparition des amphibiens, croissance des algues, variations de plus en plus importantes du niveau de l’eau, etc.</p>
<p>Nous avons lancé en 2016 le projet financé par le Belmont-Forum intitulé <a href="https://www.p3mountains.org/blog-1">« People, pollution and pathogens »</a> (personnes, pollution et agents pathogènes).</p>
<p>Objectif : regarder de plus près l’évolution des lacs de montagne. Outre l’étude de la dynamique du zooplancton, des bactéries et autres micro-organismes, il s’agissait également de mieux comprendre la pollution chimique de ces eaux.</p>
<p>Les Américains avaient déjà fait de <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/0048969792901904">nombreuses recherches à ce sujet</a>, par exemple dans la Sierra Nevada il y a quelques années, mais les méthodes se sont améliorées depuis et les possibilités de détection vont jusqu’au nanogramme par litre. Cela signifie que les traces les plus infimes de substances chimiques peuvent désormais être décelées.</p>
<p>Pour analyse la pollution chimique, nous avons placé des échantillonneurs passifs dans huit lacs de montagne des Pyrénées françaises situés entre 1 714 et 2 400 m d’altitude. Les échantillonneurs passifs, constitués de plaquettes de silicone, simulent des corps gras d’animaux vivants et ont pour fonction d’accumuler des substances lipophiles (qui aiment les graisses). La plupart des 1 500 molécules chimiques de pesticides et autres substances organiques (qui comportent de nombreux atomes de carbone) actuellement en circulation en Europe et dans le monde sont précisément lipophiles.</p>
<p>Nous sommes rendus trois fois par an pendant trois ans (2016–2018) dans chacun de nos lacs pour y effectuer une analyse non seulement spatiale, mais aussi temporelle de la pollution.</p>
<p>En laboratoire, il est actuellement possible de détecter 479 produits chimiques organiques, dont des polluants organiques persistants, des <a href="https://www.cancer-environnement.fr/235-hydrocarbures-aromatiques-polycycliques-hap.ce.aspx">hydrocarbures aromatiques polycycliques</a>, des pesticides anciens et actuels, des biocides et des parfums musqués.</p>
<p>Il était évident pour nous que nous allions trouver des substances chimiques dans nos lacs. Pourquoi seraient-ils épargnés alors que nous avons déjà pollué chimiquement des régions presque désertes de notre planète, <a href="https://www.nytimes.com/2008/06/27/opinion/27fri4.html">comme l’Antarctique</a> ? Cependant, nous avons été surpris par l’ampleur de cette pollution : <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0048969722015492">nous avons découvert 141 molécules différentes</a> dans nos huit lacs de montagne, dans les Pyrénées ariégeoises (deux lacs), le Néouvielle (trois lacs) et le Béarn (trois lacs).</p>
<p>Parmi elles, des fongicides, des herbicides, des insecticides, des pesticides difficilement dégradables, des hydrocarbures aromatiques polycycliques, des <a href="https://www.actu-environnement.com/ae/dictionnaire_environnement/definition/biphenyles_polychlores_bpc.php4">biphényles polychlorés</a> et autres. Nous avons pu détecter entre 31 et 70 molécules différentes par lac. La plus grande diversité de molécules a été trouvée dans l’étang d’Ayes en Ariège.</p>
<p>Un <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0048969722015492">cocktail chimique impressionnant</a> dans les huit lacs dont découle une toxicité chronique pour les crustacés. Ces derniers sont une composante importante du zooplancton et leur abondance diminue à mesure que la toxicité augmente. Nos données montrent également une réduction de la diversité des <a href="https://www.futura-sciences.com/planete/definitions/zoologie-rotifere-13576/">rotifères</a>, un deuxième groupe d’espèces constitutives du zooplancton, avec une toxicité croissante pour les algues.</p>
<p>Cette dernière provient principalement des herbicides détectés (par exemple, atrazine, terbuthylazine et autres). Nous supposons que certaines algues sont tuées par la pollution et que les rotifères spécialisés qui se nourrissent de ces algues disparaissent aussi localement. Il s’agit d’une hypothèse, qui doit être testée plus avant.</p>
<p>La pollution chimique des lacs de montagne entraîne une forte modification de la composition de la communauté zooplanctonique et donc du fonctionnement de ces écosystèmes. Cela pourrait être l’une des raisons pour lesquelles les algues prolifèrent dans certains de nos lacs, car les crustacés, une fois disparus, ne peuvent plus contrôler la croissance des algues vertes.</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/463042/original/file-20220513-23-e54pum.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/463042/original/file-20220513-23-e54pum.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/463042/original/file-20220513-23-e54pum.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=335&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/463042/original/file-20220513-23-e54pum.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=335&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/463042/original/file-20220513-23-e54pum.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=335&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/463042/original/file-20220513-23-e54pum.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=422&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/463042/original/file-20220513-23-e54pum.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=422&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/463042/original/file-20220513-23-e54pum.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=422&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Petit lac en Ariège.</span>
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<p>Ces changements ont également pour effet indirect d’affaiblir la population d’amphibiens. En effet, le zooplancton constitue une <a href="https://www.ladepeche.fr/article/2014/02/15/1819214-amphibiens-danger-sauves-toutes-petites-betes-aquatiques.html">barrière biologique</a> vis-à-vis du champignon chytride amphibie, responsable de la chytridiomycose. En d’autres termes, le zooplancton ne peut très probablement plus jouer son rôle de protecteur des amphibiens.</p>
<p>Il pourrait en être de même pour d’autres agents pathogènes et donc présenter un risque de santé pour l’homme et le bétail de pâturage. Nos échantillons seront étudiés plus avant dans cette direction.</p>
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<figcaption><span class="caption">Nos lacs de montagne sont pollués.</span></figcaption>
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<p>Reste la question de savoir comment cette pollution s’est produite. La grande diversité des molécules est très probablement liée au transport atmosphérique : les produits chimiques utilisés en plaine sont soulevés dans l’air par évaporation. Ces masses d’air sont ensuite poussées vers les montagnes, et les substances chimiques qu’elles contiennent s’y déversent sous forme de précipitations.</p>
<p>Ces molécules se retrouvent alors dans les lacs de montagne et peuvent s’accumuler dans les organismes vivants, par exemple dans les poissons introduits, et bien sûr dans le zooplancton.</p>
<p>La toxicité élevée de certains de nos lacs de montagne est principalement causée par deux molécules, le diazinon et la perméthrine, des insecticides très actifs. Le diazinon est utilisé pour lutter contre les blattes, les <a href="https://lemagdesanimaux.ouest-france.fr/dossier-117-poisson-argent.html">poissons d’argent</a>, les fourmis et les puces dans les habitations.</p>
<p>La perméthrine se trouve dans les produits de lutte contre les insectes suceurs, comme les moustiques ou les tiques et est utilisée pour protéger les chiens et le bétail. On en trouve aussi dans les insecticides pour les humains. Cela signifie que ces deux molécules ont très probablement été introduites dans les lacs par des sources locales (comme le bétail, les touristes, les chiens), et ce en quantité haute en concentration, sinon nous aurions eu du mal à les détecter dans les centaines d’hectolitres d’eau présents dans ces lacs.</p>
<p>Un changement radical de mentalité est nécessaire : il faut cesser d’utiliser ces insecticides. Seuls les produits chimiques que nous n’utilisons pas n’auront aucune influence sur notre environnement.</p>
<p>L’autonettoyage des lacs, qui est possible grâce à des processus biologiques et par la dilution, ne peut avoir lieu que si aucun nouveau polluant n’est introduit dans l’écosystème. Il existe déjà des alternatives végétales aux insecticides, comme du spray aux huiles végétales, ou des répulsifs comme la citronnelle.</p>
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<figcaption><span class="caption">Lacs de Montagne.</span></figcaption>
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<p>Mais la question se pose également de savoir qui est responsable de la pollution et de la dégradation des lacs de montagne : les fabricants de ces produits ou les utilisateurs ? Les décideurs sont interpellés.</p>
<hr>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/310261/original/file-20200115-134768-1tax26b.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/310261/original/file-20200115-134768-1tax26b.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=158&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/310261/original/file-20200115-134768-1tax26b.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=158&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/310261/original/file-20200115-134768-1tax26b.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=158&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/310261/original/file-20200115-134768-1tax26b.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=198&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/310261/original/file-20200115-134768-1tax26b.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=198&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/310261/original/file-20200115-134768-1tax26b.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=198&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<p><em>Créé en 2007 pour accélérer et partager les connaissances scientifiques sur les grands enjeux sociétaux, le Axa Research Fund a soutenu près de 700 projets dans le monde entier, menés par des chercheurs originaires de 38 pays. Pour en savoir plus, consultez le site du <a href="https://www.axa-research.org">Axa Research Fund</a> ou suivez-nous sur Twitter <a href="https://twitter.com/axaresearchfund?lang=fr">@AxaResearchFund</a>.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/181860/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Dirk S. Schmeller ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>
Une étude récente a relevé la présence de 141 molécules chimiques dans des lacs de montagnes pyrénéens. En cause, la pollution atmosphérique et l’utilisation d’herbicides et d’insecticides.
Dirk S. Schmeller, Professor for Conservation Biology, Axa Chair for Functional Mountain Ecology at the École Nationale Supérieure Agronomique de Toulouse, Université de Toulouse III – Paul Sabatier
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/181091
2022-04-12T18:27:06Z
2022-04-12T18:27:06Z
Pourquoi quand on monte en haut d’une montagne il fait plus froid alors qu’on se rapproche du Soleil ?
<p>Pour savoir pourquoi il fait plus froid en haut d’une montagne, il faut d’abord comprendre ce qui fait le chaud ou le froid à une toute petite échelle et comprendre de quoi l’air est composé.</p>
<p>L’air est constitué de nombreuses petites briques de gaz, appelées molécules, comme le dioxygène, le diazote, le dioxyde de carbone et la vapeur d’eau. Il faut imaginer que toutes ces molécules sont toujours en train de bouger, et plus elles s’agitent, plus l’air sera ressenti comme chaud. Pour nous, la sensation de chaud vient du fait qu’en touchant notre peau, ces molécules d’air vont progressivement transmettre leur agitation et donc leur chaleur à notre corps.</p>
<p>Lorsqu’on s’élève, par exemple en gravissant une montagne, l’air devient de moins en moins dense : un litre d’air va contenir de moins en moins de molécules à mesure que l’on grimpe en altitude. Ainsi, un litre d’air sec pèse 1,2 g au niveau de la mer, mais il ne pèse plus que 1,0 g au sommet du Mont Ventoux (1 909 m), 0,75 g au sommet du Mont Blanc (4 808 m), et 0,47 g au sommet du Mont Everest (8 848 m).</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/NwSY2quvjPo?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Pourquoi fait-il plus froid en altitude ? (C’est pas sorcier).</span></figcaption>
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<p>Cela signifie qu’il y a de moins en moins d’oxygène par litre d’air entrant dans nos poumons au fur et à mesure qu’on s’élève, et c’est pour ça qu’il est très difficile de faire un effort physique en haute altitude. Mais cela signifie aussi qu’il y a moins de molécules capables de s’agiter entre elles, mais aussi de transmettre leur agitation à notre corps, d’où la sensation de froid.</p>
<p>Et le Soleil dans tout ça ? Le Soleil envoie son rayonnement sous forme de photons : des particules de lumière très rapides. Ces photons peuvent impacter les molécules constituant l’air ou les cellules de notre peau et ainsi augmenter leur agitation, c’est-à-dire la température de l’air ou de notre peau. Le Soleil est situé à 150 millions de kilomètres de la Terre. Si on s’élève de quelques kilomètres en gravissant une montagne, on ne change pas beaucoup notre distance par rapport au Soleil, et donc, la quantité de rayonnement que reçoit notre peau est peu sensible à cet infime rapprochement du Soleil.</p>
<p>Par contre, certaines molécules d’air absorbent une partie du rayonnement solaire, notamment les fameux UV (ultra-violet, c’est-à-dire invisibles car au-delà de ce que peut percevoir l’œil humain). Donc plus on se situe à basse altitude, plus les rayons UV ont été absorbés par l’air au-dessus de nous, et moins ils sont susceptibles de réchauffer notre peau. En haute altitude, il est impératif de protéger notre peau et nos yeux des brûlures liées aux rayons UV. Toutefois, ces rayons UV ne suffisent pas à compenser le refroidissement lié à la baisse de densité de l’air, à moins de s’élever de quelques kilomètres au-dessus du mont Everest.</p>
<p>Mais est-il toujours vrai qu’il fait plus froid en haut d’une montagne ? Et bien non, on observe parfois, notamment en hiver, ce qu’on appelle des « inversions ». Dans ce cas, il peut faire plus froid dans la vallée qu’au sommet d’une montagne. Le résultat est parfois une spectaculaire mer de nuage de laquelle dépassent certains sommets où il fait plus chaud qu’en vallée. Ceci arrive fréquemment en hiver, après que le sol se soit refroidi en relâchant sa chaleur vers l’atmosphère pendant la nuit, ou quand il y a un mouvement d’air descendant en altitude, ce qui augmente la chaleur par le phénomène inverse de celui qu’on subit en gravissant une montagne.</p>
<hr>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/251779/original/file-20181220-103676-bvxzth.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/251779/original/file-20181220-103676-bvxzth.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/251779/original/file-20181220-103676-bvxzth.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/251779/original/file-20181220-103676-bvxzth.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/251779/original/file-20181220-103676-bvxzth.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/251779/original/file-20181220-103676-bvxzth.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/251779/original/file-20181220-103676-bvxzth.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption"></span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.dianerottner.com/">Diane Rottner</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
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<p><em>Si toi aussi tu as une question, demande à tes parents d’envoyer un mail à : <a href="mailto:tcjunior@theconversation.fr">tcjunior@theconversation.fr</a>. Nous trouverons un·e scientifique pour te répondre</em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/181091/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Nicolas Jourdain a reçu des financements de l'Agence Nationale de la Recherche et de l'Union Européenne. </span></em></p>
C’est vrai que c’est étonnant. Pourquoi le Soleil ne nous réchauffe-t-il pas plus quand on s’en rapproche ?
Nicolas Jourdain, Climatologue, chargé de recherches CNRS à l'Institut des géosciences de l'environnement à Grenoble, Université Grenoble Alpes (UGA)
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/177261
2022-02-16T22:53:05Z
2022-02-16T22:53:05Z
Bonnes feuilles : « De Chamonix à Beijing. Un siècle d’olympisme en hiver »
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/446804/original/file-20220216-16-4mbful.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C10%2C6988%2C5050&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le tremplin olympique du Mont lors du concours de saut à ski de 1924.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Jeux_olympiques_d%27hiver_de_1924#/media/Fichier:JO_hiver_1924_03.jpg">Agence de presse Meurisse/Wikipedia</a></span></figcaption></figure><p>Le 23 juin 1894, lors du congrès de l’Union des sociétés françaises de sports athlétiques (USFSA), Pierre de Coubertin, dans le grand amphithéâtre de la Sorbonne, proclame le rétablissement des Jeux olympiques de l’ère moderne. À cette occasion, devant la popularité des sports de glace, le congrès adopte le patinage comme épreuve olympique. Concernant le ski, il faut attendre les Jeux de Chamonix en 1924.</p>
<p>Deux ans plus tard, les premiers Jeux olympiques se déroulent à Athènes du 6 au 15 avril 1896. Deux cent quatre-vingts athlètes prennent part aux épreuves.</p>
<p>À la suite des décisions du congrès deux ans auparavant, le patinage doit figurer parmi les disciplines au programme des Jeux. Mais il n’en est rien, faute de pouvoir disposer d’une patinoire artificielle ou de bassins glacés. D’autres initiatives sont tentées pour inclure les sports de glace dans les Jeux mais toujours avec beaucoup de difficultés.</p>
<p>En 1908, aux IVes Jeux olympiques de Londres, organisés du 27 avril au 21 octobre, le patinage fait son entrée comme discipline olympique. Trois types d’épreuves sont organisés : hommes, femmes et couple. Aucun Français ne participe à ces épreuves où l’on constate la suprématie des Suédois, et plus spécialement du fameux <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Ulrich_Salchow">Ulrich Salchow</a>, des Allemands et des Anglais pour les épreuves individuelles femmes et en couple.</p>
<p>Dans ses <a href="https://fr.wikisource.org/wiki/Livre:Coubertin_-_M%C3%A9moires_olympiques,_1931.djvu"><em>Mémoires olympiques</em></a>, le Baron Pierre de Coubertin revient sur ces Jeux de Londres qui lui apparaissent peu satisfaisants par leur découpage. Ils se déroulent en deux parties : jeux d’été et jeux d’automne. Le patinage figure dans ces derniers. Selon lui, « ce n’était pas une heureuse solution, mais les préjugés régnant sur l’Angleterre concernant les saisons sportives l’avaient rendue nécessaire ».</p>
<p>Aux Jeux suivants, qui ont lieu du 5 au 22 juillet 1912 à Stockholm, en Suède, le patinage artistique est annulé. Les Scandinaves ne veulent à aucun prix organiser des Jeux d’hiver. Les Norvégiens et les Suédois craignent fortement la concurrence de ces jeux avec ceux qu’ils organisent depuis 1900, appelés Jeux du Nord. Certains suggèrent même de les appeler Jeux d’hiver en leur donnant un numéro comme les Jeux olympiques.</p>
<p>Pierre de Coubertin, dans ses <em>Mémoires olympiques</em>, souligne les difficultés rencontrées par ces Jeux d’hiver. Londres, qui possède un « palais de glace », a pu organiser en 1908 des épreuves satisfaisantes. Mais en 1912, la ville de Stockholm a saisi avec empressement l’argument qu’elle ne possède aucune infrastructure pour organiser des épreuves de patinage. Ainsi, les Scandinaves ont échappé à la fin des Jeux du Nord. Néanmoins, il apparaît incontournable, pour Pierre de Coubertin, d’inclure les sports d’hiver dans le programme olympique car ils rassemblent un grand nombre de nations.</p>
<p>Mais comment inclure les sports d’été avec ceux d’hiver ? Il n’est pas concevable d’exiger « des pays organisateurs des Jeux olympiques qu’ils érigent une chaîne de montagnes, achetée d’occasion, ou faite sur mesure ». Pierre de Coubertin pense qu’il faut constituer une sorte de cycle d’automne relié aux Jeux d’été. « C’était évidemment l’unique solution, pleine d’inconvénients quand même ».</p>
<p>Lors des Jeux olympiques de 1920, organisés du 23 avril au 12 septembre à Anvers, en Belgique, le patinage, avec ses trois types d’épreuves, réapparaît, accompagné désormais du hockey sur glace. Quant à la délégation française, elle compte dans ses rangs un couple de patineurs : Simone et Charles Sabouret qui se classent septièmes de l’épreuve en couple, remportée par les Finlandais Ludowika et Walter Jacobsson.</p>
<p>Les Scandinaves sont de plus en plus agacés par ce type d’épreuves et s’opposent à toute tentative d’intégrer les sports d’hiver dans les Jeux d’été.</p>
<p>Pierre de Coubertin a un souci majeur, celui d’établir l’égalité entre chaque sport. Désormais, les sports d’hiver sont aussi importants que les sports d’été. Mais les Norvégiens, les Finlandais et les Suédois ne souhaitent en aucun cas qu’une autre nation gère ces épreuves. Les Scandinaves veulent conserver leur monopole dans le cirque blanc par le biais de leurs Jeux du Nord. Par ailleurs, ils pensent que personne ne peut être aussi compétent qu’eux pour organiser ces Jeux.</p>
<p>Lors du septième congrès de Lausanne, organisé en juin 1921, Pierre de Coubertin, en fin diplomate, met en place une rencontre entre spécialistes des Jeux d’hiver.</p>
<p>Finalement, au terme du congrès, on décide de ne pas créer des Jeux d’hiver, pour ne pas froisser les Scandinaves, mais d’organiser tout simplement une « semaine de sports d’hiver ». Pierre de Coubertin l’écrit clairement dans ses <em>Mémoires olympiques</em> : « Finalement il fut entendu que la France si elle était désignée (elle ne l’était pas encore, mais ne pouvait pas ne pas l’être) aurait le droit d’organiser en 1924 à Chamonix, une semaine de sports d’hiver, à laquelle le Comité international olympique donnerait son patronage mais qui ne ferait pas partie des Jeux.</p>
<p>Cette décision ravit de nombreux pays entourés de montagnes tels que l’Allemagne ou l’Autriche qui manifestent un grand enthousiasme pour les sports d’hiver.</p>
<p>Pierre de Coubertin écrit alors que « les Jeux d’hiver n’en étaient pas moins fondés malgré les Scandinaves qui finissent par renoncer à leur intransigeance et comprendre qu’en face de la Suisse et du Canada notamment, ils ne pouvaient plus se réclamer du monopole de fait qu’ils avaient longtemps exercé ».</p>
<p>Sous la présidence du baron Pierre de Coubertin se tient la 24<sup>e</sup> session du CIO à l’hôtel de ville de Prague, du 26 au 28 mai 1925. Le principal objectif de cette session consiste à préparer les dossiers qui seront débattus au congrès qui débute le 29 mai. Durant la séance du mercredi matin 27 mai, le CIO aborde la question des sports d’hiver et, notamment, « il a été proposé de les grouper en un cycle spécial. M. de Polignac appuie chaleureusement un tel projet ». Durant la séance de l’après-midi, le marquis Melchior de Polignac, membre français du CIO, présente la charte des Jeux d’hiver suggérée par la commission exécutive.</p>
<p>Le texte, après quelques modifications, est adopté : « Le Comité international olympique institue un cycle distinct de Jeux olympiques d’hiver. Ces Jeux auront lieu la même année que les Jeux olympiques. Ils prendront le nom de premiers, deuxièmes, troisièmes Jeux olympiques d’hiver et seront soumis à toutes les règles du protocole olympique. Les prix, médailles, diplômes et documents divers devront être différents de ceux employés pour les Jeux de l’olympiade en cours (le terme olympiade ne sera pas employé). Le Comité international olympique désignera la localité où seront célébrés les Jeux olympiques d’hiver, en réservant la priorité au pays détenteur des Jeux de l’olympiade à la condition que ce dernier puisse fournir les garanties suffisantes de sa capacité d’organiser les Jeux d’hiver dans leur ensemble ».</p>
<p>À l’issue de la session, le jeudi 28 mai, le comte Henry de Baillet-Latour est élu président du CIO pour une durée de huit années (1925 à 1933).</p>
<p>Le lendemain de cette élection s’ouvre le huitième congrès, qui se déroule toujours à Prague du 29 mai au 4 juin 1925. C’est en réalité un double congrès : pédagogique et technique.</p>
<p>La commission VI du congrès technique doit traiter du point 12 de l’ordre du jour : « Questions spéciales concernant les Jeux d’hiver. Projet d’un cycle distinct. » Cette commission est présidée par le comte Clary et se compose de : baron de Blonay, Dr Diem, Dr Frey (avec voix consultative), Schlesinger, Hearne, Mulqueen, Stenberg, Bonacossa, Falchenberg, Hirschy, Rössler-Orovsky et Lucassen.</p>
<p>Le dimanche 31 mai à la Maison municipale de Prague, la commission VI présente son rapport au congrès. Deux points majeurs sont retenus par la commission à l’unanimité moins une voix : l’institution d’un cycle de Jeux olympiques d’hiver et le vœu de nommer Premiers Jeux olympiques d’hiver, les Jeux d’hiver célébrés à Chamonix en 1924. À l’issue des débats, le congrès approuve la décision d’instituer un cycle de Jeux olympiques d’hiver. Quant à la question d’accorder le titre de Premiers Jeux olympiques d’hiver à Chamonix, cette décision est mise au vote : </p>
<blockquote>
<p>« Le Président demande à l’assemblée de voter sur l’opportunité d’un vœu à exprimer au CIO afin de faire donner le titre de “Premiers Jeux olympiques d’hiver” aux Jeux Chamonix 1924. Le congrès se prononce en faveur de ce vœu par 45 voix contre 15. MM. De Rosen, Falchenberg, Hulbert, Thompson, Lewald et Sander demandent qu’il soit pris acte qu’ils votent contre. »</p>
</blockquote>
<p>À Lisbonne, à l’occasion de la 25<sup>e</sup> session, les membres du CIO ont voté, le jeudi 6 mai 1926, trois décisions importantes :</p>
<blockquote>
<p>« Saint-Moritz est désigné pour la célébration des Jeux d’hiver de 1928 [par 22 voix et une abstention] ;</p>
<p>L’attribution du titre de 1<sup>er</sup>s Jeux olympiques d’hiver aux Jeux de Chamonix 1924 est décidée ;</p>
<p>La durée des Jeux d’hiver est limitée à huit jours, dont deux dimanches. »</p>
</blockquote>
<figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/446802/original/file-20220216-22-186g90m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/446802/original/file-20220216-22-186g90m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=813&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/446802/original/file-20220216-22-186g90m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=813&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/446802/original/file-20220216-22-186g90m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=813&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/446802/original/file-20220216-22-186g90m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1021&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/446802/original/file-20220216-22-186g90m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1021&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/446802/original/file-20220216-22-186g90m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1021&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Couverture du livre <em>De Chamonix à Beijing. Un siècle d’olympisme en hiver</em>.</span>
<span class="attribution"><span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Cette décision constitue une victoire pour Pierre de Coubertin qui quittera officiellement la présidence du CIO le 1<sup>er</sup> septembre 1925. Il annonce que « les Jeux d’hiver avaient victoire complète. Nos collègues scandinaves convaincus et convertis s’étaient ralliés sans restriction. J’en étais heureux, ayant toujours souhaité voir cette annexe hivernale dûment légalisée, mais je me reproche d’avoir alors laissé pénétrer dans mes codes, sous le titre de Charte des Jeux d’hiver, un texte qui pourra créer des embarras. Il eût fallu au contraire interdire tout numérotage à part et donner à ces concours le numéro de l’olympiade en cours. »</p>
<p>Les Jeux olympiques d’hiver sont enfin reconnus en tant que tels, au même titre que les Jeux olympiques d’été. Après ces querelles d’influence, Chamonix devient la première station de sports d’hiver à organiser cet événement planétaire. Ainsi, 1924 marque le grand début de l’ère des Jeux olympiques d’hiver.</p>
<hr>
<p><em>Cet extrait est issu de l’ouvrage « De Chamonix à Beijing. Un siècle d’olympisme en hiver » publié aux éditions Désiris.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/177261/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Éric Monnin est membre :
- conseil d’administration du Comité national olympique et sportif français (CNOSF)
- collège « Terminologie et langue française dans le cadre de la préparation des Jeux Olympiques et Paralympiques de Paris 2024 »
- Académie nationale olympique française (ANOF)
- Auditeur Institut des hautes études de la défenses nationale (IHEDN)
- comité scientifique du Think Thank Sport et Citoyenneté</span></em></p>
Découvrez comment ont été créés les premiers Jeux olympiques d’hiver de l’histoire.
Éric Monnin, Vice-Président de l'Université de Franche-Comté et Directeur du Centre d’études et de recherches olympiques universitaires (CEROU), Université de Franche-Comté – UBFC
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/175366
2022-02-15T17:25:08Z
2022-02-15T17:25:08Z
Changement climatique, biodiversité : le rôle essentiel des forêts de montagne
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/444420/original/file-20220203-19-1u234kg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=32%2C327%2C4243%2C1643&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Vallée du Marcadau dans les Pyrénées</span> </figcaption></figure><p><em>Covid-19, urbanisation galopante, péril sur la biodiversité… la forêt apparaît ces dernières années comme le refuge par excellence, un lieu pour retisser des liens avec le vivant, une «nature» en voie de disparition. Dans ce premier épisode de notre série d'été, avec les forêts de montagne, retour sur un écosystème en péril.</em></p>
<p>Grâce à leur atmosphère sans pareil, les <a href="https://theconversation.com/arbres-et-forets-entre-corps-et-coeurs-170331">forêts</a> occupent une place particulière dans de nombreuses cultures humaines. Telles celle de Brocéliande, elles participent à la construction de contes et légendes : on y trouverait des sorcières, des elfes, des lutins et des <a href="https://www.geo.fr/histoire/korrigan-qui-est-cette-creature-legendaire-bretonne-206757">korrigans</a>…</p>
<p>Mais au-delà des mythes qu’elles véhiculent, elles jouent un rôle extrêmement important dans l’atténuation du changement climatique et sont témoins de la perte de biodiversité, deux défis majeurs auxquels nous sommes confrontés actuellement.</p>
<p>Leur apport en termes de biodiversité et leur capacité à absorber le CO<sub>2</sub> de notre atmosphère sont considérables.</p>
<p>Il existe un débat sur l’importance de la contribution des arbres et des forêts à la séquestration du CO<sub>2</sub>. Une première estimation chiffre à 205 gigatonnes de carbone (GtC) l’absorption de CO<sub>2</sub> des arbres à <a href="https://www.science.org/doi/abs/10.1126/science.aax0848">l’échelle mondiale chaque année</a>. Cette estimation a été jugée trop optimiste et revue à la baisse, <a href="https://www.science.org/doi/10.1126/science.aay7976">à 42 GtC</a>.</p>
<p>Étant donné qu’il s’agit d’estimations modélisées et que les modèles sont accompagnés d’hypothèses, ces corrections ne sont pas inhabituelles. La valeur réelle pourrait se situer entre les valeurs déclarées.</p>
<p>Ces 42 GtC représentent quatre fois les émissions annuelles de combustibles fossiles (10 GtC/an), mais seulement une petite fraction des 660 GtC des émissions anthropiques historiques totales.</p>
<p>Il n’en demeure pas moins que les forêts de la planète ont un rôle important à jouer dans l’atténuation du changement climatique.</p>
<h2>7 500 espèces d’oiseaux</h2>
<p>Mais qu’est-ce qu’une forêt ? Vous serez sans doute d’accord pour dire que c’est un écosystème dominé par les arbres. Nous pouvons distinguer <a href="https://forestrypedia.com/forest-types-of-world/">trois grands types de forêts</a> : les boréales, les tempérées et les tropicales.</p>
<p>La caractéristique la plus remarquable d’une forêt est la densité des arbres et la variabilité de leur hauteur. C’est ce qui permet à ces écosystèmes de loger près de 7 500 espèces d’oiseaux (75 % de tous les oiseaux), 5 000 espèces d’amphibiens (80 % de toutes les espèces connues), et plus de 3 700 mammifères (68 % de toutes les espèces de mammifères).</p>
<p>C’est ici que l’on comprend pourquoi les forêts jouent un rôle si important pour enrayer la perte de biodiversité.</p>
<p>Celles dites anciennes sont de la plus grande valeur, car elles sont particulièrement riches en espèces.</p>
<p>Les forêts anciennes sont structurellement plus intactes et complexes que les forêts secondaires et pour cette raison fournissent des services écosystémiques supérieurs.</p>
<p>En général, les forêts anciennes abritent plus d’espèces que leurs homologues plus jeunes, qui sont davantage perturbées par les activités humaines et le changement climatique. Dans d’autres cas, les forêts primaires et secondaires peuvent abriter un nombre similaire d’espèces, mais les forêts anciennes abritent des espèces plus rares, spécialement adaptées à ces écosystèmes.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/444415/original/file-20220203-21-1uoiqwc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="un très vieux pin dans la réserve biologique intégrale du Cirque de Campuls (Ariège)" src="https://images.theconversation.com/files/444415/original/file-20220203-21-1uoiqwc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/444415/original/file-20220203-21-1uoiqwc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/444415/original/file-20220203-21-1uoiqwc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/444415/original/file-20220203-21-1uoiqwc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/444415/original/file-20220203-21-1uoiqwc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/444415/original/file-20220203-21-1uoiqwc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/444415/original/file-20220203-21-1uoiqwc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">un très vieux pin dans le RBI au Cirque de Campuls.</span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Vie grouillante</h2>
<p>Alors que les forêts peuvent sembler immuables, elles sont dynamiques. Une vie grouillante mais invisible pour un œil non-averti s’y niche. Des milliards de microbes décomposent les plantes et les animaux morts, mettant ainsi les nutriments à la disposition d’autres organismes.</p>
<p>Les pollinisateurs et les disperseurs de graines (insectes, mammifères, oiseaux) aident les arbres à se reproduire en déplaçant le pollen entre les arbres stationnaires et les graines dans des interstices où elles ont plus de chances de survivre.</p>
<p>Les organismes absorbent, transforment et transportent les nutriments. Le vent disperse le pollen, fertilisant les plans et les arbres à plusieurs kilomètres de distance. Dans les forêts anciennes, ces innombrables processus écologiques sont intacts et fournissent des services essentiels aux humains.</p>
<p>En ce qui concerne le changement climatique, les arbres constituent une des meilleures unités de stockage du carbone qui soient. Au cours de la photosynthèse, ils absorbent du CO<sub>2</sub> pour se nourrir et se développer, libérant ainsi de l’oxygène (et une petite fraction de CO<sub>2</sub>).</p>
<p>Une grande partie du carbone stocké dans les écosystèmes terrestres se trouve ainsi dans les forêts. À mesure que les forêts vieillissent, les plantes poussent, meurent et se décomposent, de sorte que les forêts anciennes sont davantage emplies de matière végétale stockant le carbone dans leur sol que les forêts secondaires.</p>
<p>Les forêts anciennes peuvent contenir 30 à 70 % de carbone de plus que les <a href="https://www.wwf.fr/champs-daction/foret/gestion-durable/restauration-forestiere?gclid=CjwKCAiA6Y2QBhAtEiwAGHybPS2yxlraIW14aUzSgtdUOM2eox0uJii0VLs31lC4Lwm8prWqnmtzMBoCH4oQAvD_BwE">forêts dégradées</a> d’une taille similaires, ce qui les rend essentielles dans la lutte contre la crise climatique.</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/aLAk6QeuWss?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Foret de montagne.</span></figcaption>
</figure>
<h2>Les forêts souffrent</h2>
<p>Comme tous les écosystèmes et espèces, les forêts souffrent. Elles souffrent du stress hydrique, elles souffrent des dégradations, elles souffrent de l’exploitation, de la pollution et des conditions changeantes auxquelles elles sont trop lentes à s’adapter. Sans compter les dommages causés par les espèces nuisibles.</p>
<p>La pollution par l’azote constitue une redoutable menace. Issue de l’agriculture et de l’élevage intensifs, des centrales électriques, du trafic routier et d’autres sources, elle n’a cessé <a href="https://www.epa.gov/climate-indicators/climate-change-indicators-atmospheric-concentrations-greenhouse-gases">d’augmenter depuis qu’on a commencé à la mesurer en 1950</a>.</p>
<p>Le dépôt d’azote rend les sols plus fertiles et cette sur-fertilisation perturbe les symbioses fongiques avec les racines des arbres, car l’augmentation des concentrations atmosphériques d’azote entraîne le <a href="https://esajournals.onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1890/1051-0761%282001%29011%5B0397%3AEFACCO%5D2.0.CO%3B2">déclin</a> des champignons <a href="https://www.futura-sciences.com/planete/dossiers/botanique-notre-guide-champignons-1358/page/22/">ectomycorhiziens</a>.</p>
<p>Cette perturbation, couplée à des températures plus élevées, permet aux arbres de pousser plus vite, mais en raison de l’absence d’une symbiose fonctionnelle avec les champignons des racines, leur bois est de moindre qualité.</p>
<p>À l’échelle mondiale, on estime qu’il reste 1,11 milliard d’hectares (11 millions de km<sup>2</sup>) de forêts anciennes (36 % de toutes les forêts), soit à peu près la taille de l’Europe. Environ 70 % de ces forêts anciennes sont réparties entre le Brésil, le Canada et la Russie, où l’être humain décime continuellement les parties non protégées de ces merveilleux écosystèmes.</p>
<h2>Arbres géants de la vallée du Marcadau</h2>
<p>En Europe, il ne reste que quelques hectares de forêts anciennes, dont la plupart se trouvent dans des zones de montagne difficiles d’accès. Ces difficultés d’accès ont permis de sauver ces zones de l’exploitation forestière dans le passé.</p>
<p>Les forêts de montagne revêtent donc une importance particulière pour la conservation de zones intactes et riches en espèces. Par exemple, dans les Pyrénées françaises, dans la <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Vall%C3%A9e_du_Marcadau">vallée de Marcadau</a> (Parc National des Pyrénées), on peut observer des arbres géants qui peuvent avoir jusqu’à 500 ans (Photos).</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/444019/original/file-20220202-25-1gmwr1d.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/444019/original/file-20220202-25-1gmwr1d.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/444019/original/file-20220202-25-1gmwr1d.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/444019/original/file-20220202-25-1gmwr1d.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/444019/original/file-20220202-25-1gmwr1d.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/444019/original/file-20220202-25-1gmwr1d.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/444019/original/file-20220202-25-1gmwr1d.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">La vallée du Marcadau.</span>
<span class="attribution"><span class="source">D.S</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Dans une zone des Pyrénées ariégeoises, qui a désormais le statut de Réserve biologique intégrale (RBI), on trouve des arbres âgés de 150 à 200 ans. Une forêt finalement plutôt jeune et pourtant une des plus vieilles forêts que nous ayons encore en France.</p>
<p>Dans une RBI, il n’y a aucune activité humaine, c’est donc un site strictement protégé, ce qui est quelque chose de rare en Europe, comme on peut le voir dans <a href="https://youtu.be/P_TILclA7UU">cette vidéo</a>, filmée dans une RBI située dans le cirque de Campuls. Cette RBI protège la forêt ancienne sur une partie très raide et presque inaccessible de la montagne.</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/P_TILclA7UU?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Foret de montagne.</span></figcaption>
</figure>
<h2>Trouver une stratégie commune</h2>
<p>Une plus grande diversité d’arbres signifie également une plus grande diversité d’espèces animales et microbiennes. En général, on considère qu’une plus grande diversité protège l’ensemble de la forêt contre les espèces nuisibles et les agents pathogènes, ce qui la rend plus résistante aux pressions extérieures, telles que les effets du changement climatique.</p>
<p>Même si certaines essences d’arbres sont touchées par une espèce nuisible ou un agent pathogène, les autres peuvent ne pas être affectées et peuvent donc maintenir une grande partie des processus forestiers, ce qui augmente le potentiel de récupération de l’ensemble de la forêt.</p>
<p>Les pertes de forêts dues aux impacts croissants du changement climatique deviendront plus fréquentes. Dans les régions tempérées, nous avons peut-être les meilleures chances d’étendre davantage nos zones forestières, afin de lutter contre les deux catastrophes mondiales que nous sommes en train de vivre : le changement climatique et la perte de biodiversité. Pour cela, nous devons trouver une stratégie commune et comprendre qu’en protégeant nos forêts de montagne, nous nous protégeons nous-mêmes.</p>
<hr>
<figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/310261/original/file-20200115-134768-1tax26b.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/310261/original/file-20200115-134768-1tax26b.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=158&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/310261/original/file-20200115-134768-1tax26b.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=158&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/310261/original/file-20200115-134768-1tax26b.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=158&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/310261/original/file-20200115-134768-1tax26b.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=198&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/310261/original/file-20200115-134768-1tax26b.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=198&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/310261/original/file-20200115-134768-1tax26b.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=198&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption"></span>
</figcaption>
</figure>
<p><em>Créé en 2007 pour accélérer et partager les connaissances scientifiques sur les grands enjeux sociétaux, le Axa Research Fund a soutenu près de 650 projets dans le monde entier, menés par des chercheurs originaires de 55 pays. Pour en savoir plus, consultez le site du <a href="https://www.axa-research.org">Axa Research Fund</a> ou suivez-nous sur Twitter <a href="https://twitter.com/axaresearchfund?lang=fr">@AxaResearchFund</a>.</em></p>
<p><em>Traduit de l’anglais par <a href="http://www.fastforword.fr">Fast ForWord</a></em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/175366/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Dirk S. Schmeller a reçu des financements de Axa Research Fund. </span></em></p>
Les forêts de montagne doivent être préservées car elles jouent un rôle majeur dans l’atténuation du changement climatique et dans la préservation de la biodiversité.
Dirk S. Schmeller, Professor for Conservation Biology, Axa Chair for Functional Mountain Ecology at the École Nationale Supérieure Agronomique de Toulouse, Université de Toulouse III – Paul Sabatier
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/176585
2022-02-07T20:18:36Z
2022-02-07T20:18:36Z
Un premier atlas mondial pour estimer les volumes d’eau des glaciers
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/444836/original/file-20220207-19-ey41nr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C461%2C3994%2C1784&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Acquisition Radar au Glacier Blanc, Massif des Ecrins, France. Avril 2021.</span> <span class="attribution"><span class="source">Julien Charron, Parc National des Ecrins</span>, <span class="license">Author provided</span></span></figcaption></figure><p>L’évolution des glaciers de montagne est un enjeu majeur : ils servent dans de nombreux pays de réservoir d’eau potable, ont un impact économique via le tourisme notamment et participent à la montée du niveau des mers. Cette évolution était jusqu’à alors mal connue. Nous venons de publier un <a href="http://ige-vis.univ-grenoble-alpes.fr/glaciers/index.html">atlas mondial</a> mesurant les vitesses d’écoulement et les épaisseurs de plus de 200 000 glaciers, ainsi qu’un article scientifique dans la revue <a href="https://www.nature.com/articles/s41561-021-00885-z">Nature Geoscience</a>. </p>
<p>Malgré leur taille réduite (727 000 km²) face à celle cumulée des deux grandes calottes que sont l’Antarctique (14 millions de km²) et le Groenland (1,7 millions de km²), la fonte des glaciers de montagne a contribué à <a href="https://www.nature.com/articles/s41586-021-03436-z">30 % de l’élévation du niveau des mers</a> depuis les années 1960.</p>
<p>Au-delà de cet impact global, le rôle des glaciers et de leur évolution est primordial au niveau local, ainsi, leur devenir est une source de préoccupation grandissante pour les zones de montagne et leurs piémonts.</p>
<h2>Des glaciers bien méconnus</h2>
<p>En dépit de ce rôle fondamental des glaciers, nous n’avons qu’une idée très limitée des volumes de glace stockés dans les glaciers. Ceci vient notamment du fait que les glaciers sont répartis sous toutes les latitudes, dans des régions souvent difficiles d’accès. Travailler directement sur le terrain est donc très complexe. Ainsi, des mesures des épaisseurs de glace n’existent actuellement que sur à peine plus d’<a href="https://www.gtn-g.ch/data_catalogue_glathida/">1 % des glaciers à la surface de la Terre</a> (en dehors des calottes du Groenland et de l’Antarctique). </p>
<p>À cause de ce manque d’observations, les scientifiques ont développé des méthodes indirectes pour estimer les quantités de glace sur la Terre. Ces méthodes ont d’abord été basées sur l’aire des glaciers, facilement cartographiable à partir de photos aériennes ou d’images satellites.</p>
<p>À partir des années 2000, des méthodes basées sur la pente en surface du glacier ont vu le jour, lorsque des modèles numériques de la surface de la Terre ont commencé à être disponibles à l’échelle globale.</p>
<p>Au-delà de la pente, la vitesse à laquelle s’écoule le glacier constitue une information encore plus pertinente pour estimer la distribution des épaisseurs de glace. En effet, les glaciers s’écoulent sous l’effet de leur propre poids ; une image souvent utilisée est celle d’un fluide très visqueux, comme du miel. Par conséquent, cartographier la vitesse à laquelle s’écoule le glacier est essentiel pour mieux estimer la distribution des épaisseurs de glace et donc le volume des glaciers.</p>
<p>Cependant, les observations sur le terrain de ces vitesses d’écoulement sont, là encore, très limitées, mais la quantité massive d’images prises depuis les satellites a ouvert des perspectives formidables pour mesurer l’écoulement de tous les glaciers de la Terre.</p>
<h2>Les satellites à la rescousse</h2>
<p>Pour quantifier la vitesse d’écoulement de l’ensemble des glaciers du monde, les chercheurs de l’Institut des Géosciences de l’Environnement de Grenoble et du Dartmouth College (USA) ont utilisé plus de 800 000 paires d’images satellite. Ces images ont été acquises entre 2017 et 2018 par les satellites Landsat-8 de la NASA et les satellites Sentinel-1 et Sentinel-2 de l’Agence spatiale européenne (ESA). Cette nouvelle génération de satellites constitue une révolution pour l’observation des glaciers, avec des images de l’ensemble des terres émergées acquises de façon systématique à des intervalles de temps réguliers (de 5 à 16 jours). Par exemple, les satellites Sentinel-2A et 2B acquièrent une image de chaque point de la surface terrestre tous les 5 jours, avec la possibilité d’observer des objets d’une taille de quelques dizaines de mètres. Ainsi, entre deux images consécutives, le déplacement d’un glacier est clairement visible dans ces images.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/444837/original/file-20220207-21-otg3ld.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/444837/original/file-20220207-21-otg3ld.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/444837/original/file-20220207-21-otg3ld.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=212&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/444837/original/file-20220207-21-otg3ld.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=212&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/444837/original/file-20220207-21-otg3ld.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=212&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/444837/original/file-20220207-21-otg3ld.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=266&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/444837/original/file-20220207-21-otg3ld.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=266&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/444837/original/file-20220207-21-otg3ld.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=266&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Écoulement de glaciers dans la Cordillère Blanche dans les Andes du Pérou. L’estimation de l’écoulement a permis de mettre en évidence dans cette région des volumes de glace plus faibles que dans les estimations précédentes, impactant ainsi la disponibilité en eau.</span>
<span class="attribution"><span class="license">Author provided</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Plusieurs millions d’heures de calculs sur les serveurs de l’Université Grenoble Alpes nous ont été nécessaires pour permettre d’assembler un atlas unique de l’écoulement de plus de 200,000 glaciers autour de la Terre. </p>
<p>L’un des principaux apports de cet atlas est la couverture d’une très grande diversité de glaciers, allant de petits glaciers Andins de seulement quelques kilomètres de long, jusqu’à des calottes de l’Arctique canadien ou des champs de glace en Patagonie, s’écoulant sur des étendues de plusieurs milliers de kilomètres carrés. Ces cartographies permettent ainsi de mieux connaître la manière dont s’écoulent les glaciers.</p>
<p>Elles illustrent la grande variété de comportements, avec des glaciers qui s’écoulent à quelques dizaines de mètres par an (comme certains glaciers des Alpes), et d’autres dont les vitesses d’écoulement atteignent plusieurs kilomètres en une seule année (par exemple certains glaciers de Patagonie). Cette base de données unique permet aux chercheurs de mieux contraindre la représentation des glaciers dans les modèles, et ainsi de mieux estimer leur évolution future.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/444839/original/file-20220207-13-1te2szj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/444839/original/file-20220207-13-1te2szj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=551&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/444839/original/file-20220207-13-1te2szj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=551&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/444839/original/file-20220207-13-1te2szj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=551&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/444839/original/file-20220207-13-1te2szj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=692&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/444839/original/file-20220207-13-1te2szj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=692&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/444839/original/file-20220207-13-1te2szj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=692&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Écoulement du glacier Upsala, un des glaciers les plus grands du champ de glace Sud de Patagonie. Les couleurs rouges indiquent une vitesse d’écoulement de plus de 1,5 km par an.</span>
<span class="attribution"><span class="license">Author provided</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Par ailleurs, c’est cet atlas exhaustif des vitesses d’écoulement glaciaire qui a permis à notre équipe de réestimer la cartographie de la distribution des épaisseurs de glace et donc du volume des glaciers. En effet, en combinant les informations sur la vitesse d’écoulement en surface des glaciers avec celle de la pente de surface, dans un modèle numérique simulant la manière avec laquelle la glace glisse et se déforme, nous avons ainsi proposé une nouvelle représentation de la géométrie des glaciers.</p>
<p>En de multiples régions, les résultats de ce travail viennent apporter des estimations significativement différentes des précédentes, avec des conséquences importantes sur la disponibilité en eau potable pour la consommation, mais aussi par exemple pour l’agriculture ou la production hydro-électrique. Par exemple, dans les bassins de l’Indus et du Chenab, situés en Himalaya, les stocks d’eau que renferment les glaciers seraient 30 % plus importants que les études précédentes. À l’inverse, dans les Andes tropicales d’Amérique du Sud, les nouvelles estimations sont plus alarmantes, avec des stocks d’eau glaciaire près d’un quart plus faibles, augmentant ainsi la pression sur les ressources en eaux dans ces régions.</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/gKiIjgc9yf4?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Vidéos représentant les épaisseurs de glace des glaciers Barpu et Chogo dans le Karakoram (Himalaya).</span></figcaption>
</figure>
<p>Au-delà d’un nouvel inventaire du volume des glaciers, cette étude permet de redéfinir la géométrie en trois dimensions des glaciers avec plus de précisions et en accord avec la mécanique d’écoulement de la glace. Ceci est crucial pour mieux simuler l’évolution future des glaciers et, en particulier, identifier quels sont les secteurs où les glaciers vont disparaître et ceux où ils devraient persister, au moins jusqu’à la fin du siècle, bien que dans des proportions nettement plus réduites.</p>
<p>Cette étude marque une amélioration majeure dans la quantification de la distribution des épaisseurs de glace. Cependant, l’estimation du volume des glaciers reste sujette à des incertitudes importantes, notamment dans les régions du monde où les populations dépendent fortement des glaciers. Pour minimiser ces incertitudes et améliorer les résultats dans ces régions, il est primordial de pouvoir disposer de quelques observations de terrain afin de mieux contraindre la calibration de la modélisation de l’épaisseur. Cette étape de calibration est d’autant plus importante que les glaciers sont des objets variés, soumis à des conditions environnementales multiples. Par conséquent, utiliser dans les modèles des lois de comportement établies sur la base d’observations conduites sur peu de glaciers est nécessairement source d’incertitudes.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/176585/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>
Pour la première fois, un atlas mondial a été créé pour suivre l'évolution des glaciers.
Romain Millan, Glaciologue au CNRS, Post-doctorant en glaciologie, Université Grenoble Alpes (UGA)
Antoine Rabatel, Glaciologue, Physicien à l'Université Grenoble Alpes, Université Grenoble Alpes (UGA)
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/174349
2022-01-11T20:55:52Z
2022-01-11T20:55:52Z
Images de science : Dans les Alpes, les loups chassent le mouflon
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/439320/original/file-20220104-13-10r7aa1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C8256%2C5499&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Crane de mouflons dans la neige, au croisement de deux pistes de loups.</span> <span class="attribution"><span class="source">Romain Garrouste</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span></figcaption></figure><p>Les vallées de montagne sont des lieux souvent isolés, où vie sauvage et pastorale cohabitent. Certaines vallées font l’objet d’aménagements importants pour les sports d’hiver, dont nous connaissons les <a href="https://theconversation.com/pas-de-ski-alpin-cette-annee-cest-loccasion-de-sinteresser-a-la-biodiversite-montagnarde-152842">conséquences sur la vie sauvage et la biodiversité</a>.</p>
<p>Depuis 2 ans, une certaine tranquillité s’est instaurée dans les vallées, exploitées ou non, et la vie sauvage a pu s’y réinstaller, notamment en hiver. Preuve en est cette scène de chasse observée en décembre, dans la <a href="https://www.naves-savoie.com/">vallée de Naves</a> (entre tarentaise et beaufortain) une vallée isolée mais fréquentée en été et en hiver, vers 2200 m d’altitude et non loin d’une bergerie. Deux meutes de loups sont réputées fréquenter cette vallée, et des <a href="https://www.lasavoie.fr/31240/article/2021-10-06/attaques-de-loups-dans-le-beaufortain-la-situation-n-est-plus-tenable-les">attaques sur des troupeaux</a> ont déjà eu lieu. Des tirs de défense ont déjà eu lieu en 2018 et un loup y a été tué.</p>
<p>Lors d’une visite de cette vallée tranquille bien enneigée (neige de cinq jours), j’observais un croisement entre deux pistes animales, avec un monticule de neige. J’identifiais deux pistes de loups. J’eus alors la surprise de trouver, bien enfouie dans un tunnel de neige, une grande tête de mouflon avec des cornes spectaculaires de plus de 65 cm d’envergure. Un véritable trophée, avec un peu de chair et de poils ainsi que le début de la colonne vertébrale, que l’animal avait déplacé et enfoui à mi-pente, entre une bergerie et une piste de ski de fond. C’est un comportement courant du loup de déplacer des éléments de carcasses et de chasser en hiver où ses besoins caloriques sont élevés.</p>
<p>Le <a href="https://atlasmam.fauneauvergnerhonealpes.org/accueil/especes/ongules/mouflon/">mouflon</a>, une espèce de « mouton » sauvage (genre <em>Ovis</em>), n’est pas originaire des Alpes. Il a été petit à petit introduit au milieu du XX<sup>e</sup> siècle, sans aucune étude préalable, et pour des raisons cynégétiques plus qu’écologiques. Cette introduction a eu lieu à partir des populations préservées des montagnes corses (aujourd’hui hélas bien plus réduites), elles-mêmes originaires d’échappés de troupeaux, qui depuis le Néolithique ont accompagné les populations humaines.</p>
<p>Le <a href="https://www.loupfrance.fr/le-loup/">loup</a> par contre s’y est réinvité tout seul dès 1992, avec son <a href="https://www.lifewolfalps.eu/fr/le-loup-dans-les-alpes/le-loup-dans-les-alpes-francaises/">retour dans le Mercantour</a> depuis l’Italie, après plus de 60 ans d’absence sur le territoire français.</p>
<p>Et les mouflons, prédatés par les premières meutes du Mercantour des années 1990, ont bien participé à ce succès en devenant une ressource supplémentaire disponible pour ce prédateur. Ils ont dès lors dû adapter leur comportement (fini l’absence de prédateur autre que les renards et les aigles !) afin d’échapper à ce prédateur efficace et malin. Pas toujours avec succès, comme le prouve ce crâne…</p>
<p>Une question irrésolue est de savoir si les deux pistes observées à Naves (empreintes de même taille et déformées par le vent) sont celles de deux individus, ou bien d’un seul revenu sur ses pas, par exemple pour enfouir, revoir ou partager sa prise avec la meute (en général quatre ou cinq individus issus d’un couple reproducteur). Interactions entre individus autour du « trophée » ou simple comportement individuel ? La science des traces (ou ichnologie) ne peut certes pas répondre à tout, mais elle aide cependant à la connaissance de la nature actuelle et <a href="https://theconversation.com/images-de-science-en-provence-ils-ont-marche-sur-terre-avant-les-dinosaures-161692">passée</a>. Ici, elle éclaire par exemple des interactions entre proies et prédateurs, alors que tous deux étendent progressivement leur aire de répartition.</p>
<p>Dans cette vallée tranquille, loin des bruits et autres dérangements de l’industrie des sports d’hiver mécaniques mais avec seulement des activités peu perturbantes, et si le surpâturage est évité en été, un parfait équilibre entre nature et activités humaines peut se mettre en place et perdurer. Bien entendu, cette cohabitation nécessite un accompagnement adéquat pour les acteurs de la montagne, autant pédagogique d’économique.</p>
<p>Ainsi, les incursions du loup (un <a href="https://www.nature.com/articles/s41559-018-0472-z">superprédateur</a> au rôle majeur dans la structuration des écosystèmes) peuvent s’y maintenir, comme preuve d’une certaine naturalité. Et ainsi permettre ce type d’observations assez uniques (qu’il est possible de <a href="https://www.loupfrance.fr/suivi-du-loup/declarer-un-indice/">déclarer</a> pour permettre leur suivi), comme un contrepoint aux vallées voisines perturbées par la reprise des activités après la longue pause pandémique, et dans lesquelles la faune sauvage doit se réadapter à un certain niveau de perturbation.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/174349/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Romain Garrouste a reçu des financements de MNHN, CNRS, Sorbonne Université, LABEX BCDiv, SU-ITE, IPEV, National Geographic</span></em></p>
Après deux ans de pandémie ayant paralysé les stations de sports d’hiver, la nature a repris ses droits dans les vallées. Et les loups y chassent le mouflon en hiver.
Romain Garrouste, Chercheur à l’Institut de systématique, évolution, biodiversité (ISYEB), Muséum national d’histoire naturelle (MNHN)
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tag:theconversation.com,2011:article/174358
2022-01-05T18:46:57Z
2022-01-05T18:46:57Z
Extinction Rebellion à La Clusaz, quand la ZAD gagne la montagne
<p>Du 15 au 30 novembre 2021, des militants d’Extinction Rebellion ont occupé le bois de la Colombière dans la station de ski de la Clusaz pour <a href="https://extinctionrebellion.fr/blog/2021/11/12/a-la-clusaz-retenue-collinaire-projet-d-hier.html">s’opposer à la construction d’une nouvelle retenue collinaire</a>.</p>
<p>Quels enjeux socio-environnementaux ces nouvelles mobilisations écologistes en montagne révèlent-elles à l’heure du réchauffement climatique ?</p>
<h2>Face à la raréfaction des ressources en eau</h2>
<p>Dans le massif des Aravis, en Haute-Savoie, la mairie de La Clusaz souhaite <a href="https://laclusaztransition.org/leau-un-defi-pour-lavenir-de-la-clusaz">créer une retenue collinaire de 148 000 m³ à 1 500 m d’altitude sur le plateau de Beauregard</a>. Si le projet aboutit, il s’agirait du cinquième aménagement de ce type sur la commune, permettant de stocker des eaux et ainsi de disposer de réserves significatives (419 000 m<sup>3</sup>).</p>
<p>Ce projet est présenté <a href="https://france3-regions.francetvinfo.fr/auvergne-rhone-alpes/haute-savoie/haute-savoie-le-projet-de-reserve-collinaire-de-la-clusaz-vote-malgre-les-oppositions-2070076.html">par ses promoteurs</a> comme une réponse à la raréfaction de la ressource en eau et la meilleure solution pour faire face aux aléas climatiques dans les années à venir. Sauf qu’il intervient à proximité d’une tourbière de 9 hectares et de plusieurs zones humides classées Natura 2000 et qu’il va aussi permettre à la commune d’étendre l’enneigement artificiel sur 33 hectares de pistes de ski supplémentaires (de <a href="https://www.lemonde.fr/planete/article/2021/09/23/en-haute-savoie-un-projet-de-retenue-d-eau-seme-la-zizanie-a-la-clusaz_6095750_3244.html">27 à 47 % de son domaine</a>).</p>
<h2>De nouvelles formes de mobilisation collective en montagne</h2>
<p>Pendant 15 jours, Extinction Rebellion a installé une « zone à défendre » (ZAD) dans le bois de la Colombière. En occupant les lieux jour et nuit, l’objectif de cette action directe non violente était double. Empêcher physiquement le déboisement et le début effectif des travaux ; obtenir que le préfet de Haute-Savoie ne signe pas la Déclaration d’utilité publique (DUP).</p>
<p>Le premier objectif est atteint : les travaux n’ont pas commencé au 30 novembre et n’auront pas lieu cet hiver. Pour le second objectif, le préfet ne s’est pas encore prononcé publiquement. Le 22 octobre 2021, la commission d’enquête publique a rendu un avis favorable au projet, malgré <a href="https://www.haute-savoie.gouv.fr/content/download/37781/220945/file/Projet%20amenagement%20retenue%20altitude%20La%20CLUSAZ%20-%20Document%20%202_conclusions.pdf">76 % d’avis négatifs du public</a>. En cas d’autorisation accordée, les opposants prévoient d’ores et déjà des <a href="https://www.lessorsavoyard.fr/34840/article/2021-12-28/projet-de-retenue-collinaire-la-clusaz-comment-les-opposants-preparent-leur">recours juridiques devant les tribunaux</a>.</p>
<p>De par son caractère inédit en montagne, cette ZAD a mis un coup de projecteur national sur ce projet controversé d’aménagement local.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1468515759584387075"}"></div></p>
<p>L’irruption d’Extinction Rebellion sur la scène montagnarde a en effet <a href="https://www.francetvinfo.fr/economie/tourisme/neige-artificielle-une-solution-qui-ne-fait-pas-l-unanimite_4874209.html">suscité l’intérêt des médias au-delà des Alpes</a>. Elle n’est toutefois pas si surprenante contenue du contexte de ces dernières décennies :<br>
- le répertoire d’actions utilisé par Extinction Rebellion est utilisé de longue date au sein des différentes mobilisations écologistes ;<br>
- les projets d’aménagement en montagne ont toujours engendré des conflits ;<br>
- il existe une <a href="https://reporterre.net/Saccager-la-montagne-pour-des-canons-a-neige-le-desastre-des-retenues-collinaires">mobilisation citoyenne locale</a> depuis plusieurs années dans le massif des Aravis avec laquelle Extinction Rebellion a tissé des liens et articulé des tactiques complémentaires.</p>
<h2>Des conflits d’usages autour de l’eau amplifiés par le réchauffement climatique</h2>
<p>Au-delà de la mobilisation elle-même, ce projet controversé rappelle que la ressource en eau n’est pas illimitée en montagne et que sa gestion révèle les <a href="https://www.franceculture.fr/emissions/les-enjeux-territoriaux/la-clusaz-et-l-industrie-de-la-neige-de-culture">rapports sociaux et relations de pouvoir à l’œuvre dans ces territoires</a>.</p>
<p>Une gestion qui doit faire face à des contraintes socio-environnementales particulières :</p>
<ul>
<li><p>les spécificités du milieu naturel : l’eau est difficilement stockée dans les nappes phréatiques car La Clusaz est sur un terrain calcaire ;</p></li>
<li><p>les pics de fréquentation en période hivernale liés au tourisme hivernal : la demande en eau s’accroît sensiblement car La Clusaz multiplie sa population par 13 pendant les vacances scolaires ;</p></li>
<li><p>l’activité pastorale : La Clusaz se situe dans la zone de production AOC du reblochon.</p></li>
</ul>
<p>Ces contraintes sont désormais amplifiées par deux facteurs générant de fortes incertitudes : les conséquences du réchauffement climatique (hausse de la température, baisse de l’enneigement à moyenne altitude, renforcement des épisodes de sécheresse…) et l’augmentation du recours à l’enneigement artificiel dû à la baisse de l’enneigement naturel lui-même lié au réchauffement climatique.</p>
<p>Ainsi se résume la situation actuelle : une diminution de la ressource en eau disponible face à un besoin croissant de cette même ressource, entraînant d’inévitables conflits liés à son usage (eau potable pour la population, neige de culture et activité pastorale). À l’automne 2018, suite à un fort épisode de sécheresse, le maire de La Clusaz avait anticipé une possible pénurie d’eau potable en <a href="https://www.francetvinfo.fr/meteo/climat/secheresse-la-clusaz-donne-priorite-a-l-eau-potable_3039381.html">puisant dans les réserves destinées aux canons à neige</a>.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1111203229205975040"}"></div></p>
<p>L’accentuation du réchauffement climatique laisse augurer l’augmentation de ce type de conflits. Quelles solutions y apporter ? C’est sur ce point que les acteurs s’opposent, comme le montre le <a href="https://www.franceinter.fr/emissions/le-zoom-de-la-redaction/le-zoom-de-la-redaction-du-mardi-26-octobre-2021">conflit actuel autour de ce projet de retenue collinaire</a>.</p>
<p>D’un côté, la municipalité propose d’augmenter la ressource en eau disponible pour ensuite la répartir entre les différents besoins. De l’autre, les opposants proposent de répartir la ressource existante entre les différents besoins, en stoppant l’augmentation de ces derniers.</p>
<h2>Des enjeux spatio-temporels autour de la transition montagnarde</h2>
<p>En arrière-plan de ce conflit se déploie une autre problématique : le devenir des territoires de montagne et leurs identités.</p>
<p>Il témoigne des tensions engendrées par les défis auxquels la montagne est confrontée et rappelle que la « transition » vers davantage de durabilité est un concept au faux air de consensus. Y compris dans une commune comme la Clusaz ayant fait le choix de faire évoluer son modèle économique, en initiant une sortie progressive du « tout ski » et du « tout tourisme ». Par exemple, en <a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2020/10/21/la-montagne-se-rebiffe-contre-le-club-med_6056818_3234.html">refusant l’implantation d’un projet de Club Med</a> ou en lançant une expérimentation pour inciter de nouveaux habitants à venir vivre et travailler dans le village.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1239360754177933312"}"></div></p>
<p>Il n’y a pas une mais plusieurs transitions possibles selon des référentiels sociopolitiques et culturels différents et des formes d’innovations sociales plus ou moins ambitieuses. Engager la transition d’un territoire, c’est difficile mais inévitable. C’est devoir arbitrer entre plusieurs enjeux : économiques, sociaux, environnementaux, politiques, culturels, etc.</p>
<p>Ce qui se joue aujourd’hui à la Clusaz, c’est précisément la conciliation de ces enjeux antagonistes, articulés autour de tensions spatio-temporelles :</p>
<ul>
<li><p>enjeu de spatialité : la montagne est plurielle et chaque territoire est spécifique, d’où l’importance d’une territorialisation de la transition et des politiques publiques associées ;</p></li>
<li><p>enjeu de temporalité : l’urgence à agir face au réchauffement climatique pour changer de modèle de développement territorial et ne plus dépendre uniquement du tourisme hivernal.</p></li>
</ul>
<h2>Une transition territoriale à mettre en débat</h2>
<p>La question posée est donc la suivante : faut-il investir aujourd’hui 10 millions d’euros afin de garantir 30 ans de revenus issus du ski et avoir autant de temps pour changer de modèle de développement territorial, ou faut-il stopper ces aménagements pour investir dès aujourd’hui ces 10 millions d’euros dans d’autres d’activités que le tourisme ?</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1470356481480474628"}"></div></p>
<p>D’une manière ou d’une autre, cette question des transitions se pose ou va se poser à <a href="https://www.montagnes-magazine.com/actus-philippe-bourdeau-preoccupons-nous-abord-gens-veulent-vivre-travailler-montagne">l’ensemble des territoires de montagne du fait des effets du changement climatique</a>. L’enjeu n’est donc pas d’éviter à tout prix que n’émerge un débat public autour de ce changement de modèle de développement territorial. C’est au contraire le favoriser et s’appuyer sur les dissensus pour imaginer collectivement des solutions soutenables permettant de vivre et travailler en montagne.</p>
<p>La Clusaz peut choisir de jouer un rôle précurseur, comme laboratoire et démonstrateur à ciel ouvert de ces innovations sociales.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/174358/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Mikaël Chambru est membre du Labex ITTEM - Innovations et transitions territoriales en montagne.</span></em></p>
En occupant fin novembre 2021 le bois de la Colombière à la Clusaz, des militants écologistes ont mis en lumière les tensions autour de l’aménagement local à l’heure du changement climatique.
Mikaël Chambru, Maître de conférences en sciences sociales, Université Grenoble Alpes (UGA)
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/173362
2021-12-12T20:52:42Z
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Pourquoi le réchauffement climatique s’accélère dans les Pyrénées
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/436142/original/file-20211207-140109-1b7d0xt.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&rect=375%2C102%2C10319%2C4032&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">
</span> <span class="attribution"><span class="source">Dirk Schmeller</span>, <span class="license">Author provided</span></span></figcaption></figure><p>Les écosystèmes de montagne fournissent un <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S2212041620301558#b0135">apport vital à l’humanité</a>. Les montagnes séquestrent le CO<sub>2</sub>, fournissent de l’eau et de l’air propres, et régulent les crues. Dans le monde entier, elles offrent de quoi subsister à <a href="https://www.fao.org/3/W9300E/w9300e03.htm">plus de la moitié de l’humanité</a>.</p>
<p>Or le dérèglement climatique est particulièrement prononcé en montagne. Le relief très développé des chaînes favorise l’existence de nombreux microclimats, écosystèmes et habitats pour différentes espèces, dont un grand nombre ne vivent <a href="https://www.iucnredlist.org/search?query=mountains&searchType=species">qu’en montagne</a>.</p>
<p>Les régions de haute altitude sont susceptibles de se réchauffer beaucoup plus rapidement que les plaines. On a ainsi observé un réchauffement de <a href="https://doi.org/10.1002/joc.4823">0,57 °C par décennie</a> dans les Pyrénées, alors que ce taux n’est que de 0,18 °C dans les plaines françaises.</p>
<p>S’il est difficile de prédire avec précision les hausses de température en montagne, on estime que la température annuelle moyenne dans les Pyrénées a augmenté de <a href="https://doi.org/10.1002/joc.4823">2 °C depuis 1970</a>, contre 1,2 °C en plaine. Cette différence ne fera que s’accentuer à l’avenir.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/mountains-a-fragile-source-of-life-153400">Mountains, a fragile source of life</a>
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<p>La hausse des températures dans les régions montagneuses influe sur le taux d’enneigement. Elle accélère la fonte des neiges, le recul des glaciers, les réactions biochimiques telles que la photosynthèse chez les plantes et de nombreux processus biologiques et écologiques. Parmi eux, la décomposition et la sédimentation, la <a href="https://doi.org/10.1016/bs.agron.2016.10.011">minéralisation du carbone organique</a>, ou encore la croissance des organismes. Elle réduit notamment l’intervalle entre l’éclosion des œufs et la métamorphose chez les grenouilles.</p>
<h2>Les écosystèmes des montagnes destabilisés</h2>
<p>On peut ainsi prédire avec précision que les hausses de température en cours entraîneront de profonds changements écologiques, déstabilisant les écosystèmes de montagne.</p>
<p>Les montagnes européennes ne sont pas les paysages idéaux lointains et vierges que nous imaginons souvent, et beaucoup montrent des signes d’activités humaines séculaires. Dans les Pyrénées, les activités minières ont en grande partie cessé, mais elles se font toujours sentir, sous forme de pollution continue aux métaux lourds. On constate en effet une augmentation des inondations dues au dérèglement climatique, <a href="https://doi.org/10.1002/9781119413332.ch9">qui libèrent les métaux lourds stockés dans les tourbières</a>.</p>
<p>Dans le même temps, les polluants organiques toxiques sont transportés des basses terres vers les écosystèmes montagneux par voie atmosphérique (évaporation, formation de nuages, vent et précipitations) mais aussi par des activités locales telles que l’utilisation de produits répulsifs par les agriculteurs et les touristes.</p>
<p>Enfin, les espèces de poissons introduites dans les lacs de montagne génèrent des <a href="https://doi.org/10.1021/acs.est.8b01299">niveaux élevés de mercure</a>, connu pour ses effets négatifs sur le système nerveux des animaux et des êtres humains.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/QixWuVD2mA4?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">L’impact du dérèglement climatique en montagne.</span></figcaption>
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<p>L’introduction de poissons en montagne provoque également un processus d’<a href="https://oceanservice.noaa.gov/facts/eutrophication.html">eutrophisation</a>, qui gorge les réseaux hydrographiques de nutriments. Conjugué à l’augmentation des températures, ceci entraîne une prolifération d’algues et fait baisser le taux d’oxygène dans les cours d’eau. Les algues en question diffusent aussi des poisons connus sous le nom de cyanotoxines, à des concentrations suffisamment élevées pour <a href="https://doi.org/10.1080/10408440701749454">provoquer des maladies chez les animaux et les êtres humains</a>.</p>
<p>Le dérèglement climatique en montagne fragilisera les écosystèmes d’eau douce en aval, qui constituent une importante source d’eau potable. <a href="https://ec.europa.eu/environment/water/water-drink/reporting_en.html">On sait que la qualité de l’eau a déjà diminué</a> mais il est difficile de détecter l’ensemble des molécules toxiques dans les échantillons d’eau, et la quantité exacte de toxines dans l’eau potable reste donc indéterminée.</p>
<h2>Changement en profondeur</h2>
<p>Étant donné que notre santé est <a href="https://www.who.int/news-room/qa-detail/one-health">inextricablement liée</a> à celle des animaux et de l’environnement, il importe de prendre conscience que les Pyrénées et beaucoup d’autres chaînes de montagnes ne sont pas aussi saines que nous le pensons généralement, et qu’elles pourraient à plus ou moins court terme ne plus nous fournir l’eau potable, l’air pur et les autres apports écosystémiques dont nous avons besoin.</p>
<p>Il faut donc repenser la manière dont nous traitons ces écosystèmes de montagne. C’est pourquoi beaucoup d’observateurs, y compris la <a href="https://ipbes.net/transformative-change">Plateforme intergouvernementale scientifique et politique pour la biodiversité et les apports écosystémiques</a>, appellent à un <a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s10531-021-02261-0">« changement en profondeur »</a>, une notion qui se substitue à celle de développement durable.</p>
<p>Si le « changement en profondeur » va beaucoup plus loin que le développement durable, c’est que nous avons attendu trop longtemps pour faire de petits pas vers un avenir durable et que nous devons à présent faire des progrès beaucoup plus importants.</p>
<p>Ces progrès sont susceptibles d’affecter un grand nombre de personnes. Nous devrons réduire considérablement notre mobilité, modifier nos habitudes alimentaires (en réduisant ou en supprimant entièrement la viande de notre alimentation) et abandonner de nombreux produits de la vie moderne.</p>
<p>Dans le cas des Pyrénées, ce changement en profondeur pourrait se traduire par une restriction de l’accès aux sites fragilisés pour les touristes et les agriculteurs, une réduction de la taille des troupeaux de moutons et de vaches, et une interdiction des insectifuges vétérinaires et humains en montagne.</p>
<p>Pour être efficace, le changement en profondeur devra conduire à une transformation de nos modes de vie, dans tous les domaines. Notre société doit s’adapter pour sauver les montagnes et les apports essentiels qu’elles nous procurent.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/310261/original/file-20200115-134768-1tax26b.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/310261/original/file-20200115-134768-1tax26b.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=158&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/310261/original/file-20200115-134768-1tax26b.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=158&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/310261/original/file-20200115-134768-1tax26b.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=158&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/310261/original/file-20200115-134768-1tax26b.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=198&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/310261/original/file-20200115-134768-1tax26b.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=198&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/310261/original/file-20200115-134768-1tax26b.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=198&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<p><em>Créé en 2007 pour accélérer et partager les connaissances scientifiques sur les grands enjeux sociétaux, le Axa Research Fund a soutenu près de 650 projets dans le monde entier, menés par des chercheurs originaires de 55 pays. Pour en savoir plus, consultez le site du <a href="https://www.axa-research.org">Axa Research Fund</a> ou suivez-nous sur Twitter <a href="https://twitter.com/axaresearchfund?lang=fr">@AxaResearchFund</a>.</em></p>
<p><em>Traduit de l’anglais par <a href="http://www.fastforword.fr">Fast ForWord</a></em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/173362/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Dirk Schmeller a reçu des financements du Fonds Axa pour la Recherche. </span></em></p>
Les zones en altitude se réchauffent plus rapidement que les plaines, et les Pyrénées n'échappent pas à cette règle. Avec pour conséquence une déstabilisation des écosystèmes.
Dirk S. Schmeller, Professor for Conservation Biology, Axa Chair for Functional Mountain Ecology at the École Nationale Supérieure Agronomique de Toulouse, Université de Toulouse III – Paul Sabatier
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/159504
2021-09-06T19:34:30Z
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Voyage au centre de la Terre : les dessous de la tectonique des plaques
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/419574/original/file-20210906-17-t522y1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C9%2C6006%2C3998&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Pour expliquer la formation des plus hautes montagnes, il faut descendre très bas.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://unsplash.com/photos/XEW_Wd4240c">Andreas Gäbler / Unsplash</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Jules Verne nous a fait rêver avec ses voyages extraordinaires et la plupart de ces rêves ont été réalisés. Cousteau nous a emmenés au fond des océans, l’homme a marché sur la Lune il y a plus de 50 ans et aujourd’hui nos robots arpentent la surface de Mars alors que nous avons des sondes qui explorent les confins du système solaire.</p>
<p>Pourtant une des promesses de Jules Verne nous est encore refusée : le voyage au centre de la Terre. L’homme ne descend pas à plus de 4 kilomètres sous la surface (dans des <a href="https://www.challenges.fr/magazine/une-mine-sud-africaine-prolonge-l-age-d-or_341936">mines d’or en Afrique du Sud</a>) et les forages les plus profonds ne dépassent guère <a href="https://www.ouest-france.fr/leditiondusoir/2019-08-23/voici-le-trou-le-plus-profond-de-la-planete-ff620af1-8761-4a60-827d-44039d5ae759">12 kilomètres</a>, une égratignure comparée à la distance qui nous sépare du centre de la Terre qui avoisine 6 400 kilomètres. Ce qui est sous nos pieds reste hors de portée de l’explorateur, mais pas du scientifique !</p>
<p>Le scientifique commence par observer. Notre planète est entourée d’une couche de gaz qui autorise la vie : l’atmosphère, elle est recouverte d’une pellicule d’eau ou cette vie est sans doute apparue : l’hydrosphère, mais le géologue s’intéresse à la Terre solide, faite de roches : la lithosphère. Celle-ci, rigide, semble immuable, pourtant des montagnes se sont formées dans le passé sous l’influence de forces tectoniques.</p>
<p>Les montagnes, parlons-en. Pourquoi le toit de la Terre, l’Everest, ne culmine-t-il qu’à 8 848 mètres alors que Mars peut s’enorgueillir d’Olympus Mons qui s’élève à près de 25 000 mètres ? Pourrait-on imaginer de tels sommets sur la Terre, voire de plus élevés ? C’est le physicien qui est en mesure d’apporter des éléments de réponse à cette question sous l’angle de la mécanique. Une montagne pèse lourd sur la surface d’une planète qui doit supporter sa charge.</p>
<h2>La Terre est en surface bien moins dense qu’elle ne l’est en profondeur</h2>
<p>Ces forces sont d’autant plus importantes que la planète est grosse et que la gravité y est élevée. Sur Mars, la gravité est le tiers de celle de la Terre : l’énigme de la différence Everest–Olympus Mons commence à s’éclairer. Mais les forces exercées n’expliquent pas tout. Ce qui compte, c’est la résistance mécanique de la croûte terrestre en réponse à cette charge. En 1914-1915, Joseph Barrell, professeur de géologie structurale à Yale, publie une <a href="https://www.journals.uchicago.edu/doi/10.1086/622181">série d’articles</a> consacrés à la rigidité de la croûte terrestre qui ont fait date.</p>
<p><a href="https://journals.openedition.org/histoire-cnrs/388">Depuis fort longtemps</a>, l’hypothèse avait été avancée que les excès de masse en surface dus aux montagnes devaient être compensés par un déficit de masse en profondeur. En 1735, l’Académie des Sciences avait dépêché une <a href="https://www.payot-rivages.fr/payot/livre/le-proc%C3%A8s-des-%C3%A9toiles-9782228918749">expédition au Pérou</a> pour déterminer la forme exacte de la Terre, à savoir si elle était sphérique, aplatie aux pôles ou allongée selon l’axe de rotation. Pierre Bouguer, qui faisait partie de l’expédition, avait réalisé des mesures extraordinairement précises de la gravité terrestre (à l’aide d’un simple pendule !). La gravité dépendant de la répartition des masses, il voulait étudier la manière dont celle-ci est affectée au voisinage du Chimborazo (volcan d’Équateur culminant à 6 263 mètres).</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/419615/original/file-20210906-23-h9uxf6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/419615/original/file-20210906-23-h9uxf6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/419615/original/file-20210906-23-h9uxf6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=357&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/419615/original/file-20210906-23-h9uxf6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=357&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/419615/original/file-20210906-23-h9uxf6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=357&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/419615/original/file-20210906-23-h9uxf6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=449&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/419615/original/file-20210906-23-h9uxf6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=449&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/419615/original/file-20210906-23-h9uxf6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=449&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Vue du Chimborazo depuis le sud-est.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Chimborazo_(volcan)#/media/Fichier:David_Torres_Costales_Chimborazo_Riobamba_Ecuador_Monta%C3%B1a_Mas_Alta_del_Mundo.jpg">David Torres Costales/Wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
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<p>Ses résultats étaient sans appel : la Terre est en surface bien moins dense qu’elle ne l’est en profondeur : ce qui nous est accessible en surface ne reflète donc pas l’ensemble du globe. Barrell va plus loin, les propriétés mécaniques de l’intérieur de la Terre doivent également être très différentes. L’équilibre mécanique des reliefs nécessite des déformations en profondeur. La Terre, qui vue de la surface apparaît comme une sphère de roches rigides (la lithosphère) doit donc laisser place en profondeur à une Terre plus « molle », plus déformable qu’il baptise « asthénosphère » (du grec ἀσθένης, <em>asthénes</em>, sans résistance).</p>
<p>Depuis Barrell, notre connaissance du globe a considérablement progressé. Depuis une cinquantaine d’années, la tectonique des plaques s’est imposée comme le cadre conceptuel qui décrit la dynamique de la lithosphère à partir des déplacements relatifs d’un petit nombre (une quinzaine pour les principales) de plaques rigides. Plus encore, on sait aujourd’hui que ces translations de surface sont animées par de vastes mouvements de convection qui brassent le manteau terrestre, enveloppe rocheuse qui s’étend jusqu’au noyau (c’est-à-dire jusqu’à près de 2 900 kilomètres de profondeur).</p>
<p>Ce sont ces lents, très lents, mouvements de convection qui en transportant les roches chaudes des profondeurs vers la surface permettent à notre planète d’évacuer sa chaleur interne. La transition entre la lithosphère et l’asthénosphère proposée par Barrell joue donc un rôle très important puisque c’est cette interface qui assure le couplage mécanique entre les mouvements de convection profonds et les déplacements des plaques en surface. Mais quelle est son origine, sa nature ? Cette question, simple en apparence, n’a toujours pas reçu de réponse qui emporte l’adhésion de la communauté scientifique.</p>
<p>On sait que la frontière entre la lithosphère et l’asthénosphère passe dans le manteau supérieur, donc elle ne correspond pas à un changement de nature des roches. On s’accorde également à penser qu’elle est associée à une température caractéristique voisine de 1000 °C. Il faut donc comprendre comment les roches du manteau supérieur voient leurs propriétés mécaniques s’effondrer brusquement à cette température. Les roches sont constituées de minéraux qui sont des cristaux. Ces cristaux sont soudés entre eux pour former la roche.</p>
<h2>Et si la réponse était dans l’olivine ?</h2>
<p>Dans le manteau supérieur, un minéral est particulièrement important : l’olivine, un silicate de magnésium et de fer, de couleur verte (olive). D’une part l’olivine est le constituant le plus abondant dans le manteau, on observe de plus que sa déformation contrôle celle du manteau supérieur.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/419619/original/file-20210906-21-nodfoi.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/419619/original/file-20210906-21-nodfoi.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/419619/original/file-20210906-21-nodfoi.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=428&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/419619/original/file-20210906-21-nodfoi.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=428&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/419619/original/file-20210906-21-nodfoi.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=428&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/419619/original/file-20210906-21-nodfoi.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=538&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/419619/original/file-20210906-21-nodfoi.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=538&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/419619/original/file-20210906-21-nodfoi.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=538&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Roche volcanique contenant des fragments de manteau terrestre remontés en surface par le magma. L’olivine constitue les cristaux verts.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Patrick Cordier</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
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<p>C’est à ce minéral que notre équipe s’intéresse particulièrement dans le cadre d’un programme de recherche financé par le Conseil européen de la recherche (European Research Council, ERC) nommé <a href="http://timeman.univ-lille.fr/">TimeMan</a>.</p>
<p>TimeMan s’attaque à un autre défi majeur : comment les êtres éphémères que nous sommes peuvent-ils comprendre à l’échelle d’une vie (professionnelle) humaine des mécanismes qui agissent infiniment lentement sur des centaines de millions d’années. Le pari de ce projet est que la solution à des grandes questions de la géologie qui concernent des objets de plusieurs centaines de kilomètres et des échelles de temps de centaines de millions d’années peut se trouver dans des mécanismes qui opèrent à l’échelle microscopique dans les minéraux.</p>
<p>Nous observons, nous analysons, nous modélisons donc les mécanismes de déformation de l’olivine avec la plus grande attention. L’étude décrite dans <a href="https://www.nature.com/articles/s41586-021-03238-3">cet article</a> paru dans la revue <em>Nature</em> est basée sur l’observation méticuleuse d’agrégats d’olivine déformés à haute température et haute pression, en laboratoire, par nos collègues des universités de Montpellier et de Bayreuth en Allemagne qui montraient un changement marqué de propriétés mécaniques… au voisinage de 1 000 °C !</p>
<p>Nos observations sont basées sur la microscopie électronique en transmission, une technologie sophistiquée qui permet d’étudier la structure et la chimie de la matière quasiment jusque l’échelle atomique, et dont le laboratoire de Lille et celui de nos collègues d’Anvers et de Louvain-la-Neuve sont spécialistes.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/419621/original/file-20210906-17-kkenxv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/419621/original/file-20210906-17-kkenxv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/419621/original/file-20210906-17-kkenxv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/419621/original/file-20210906-17-kkenxv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/419621/original/file-20210906-17-kkenxv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/419621/original/file-20210906-17-kkenxv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/419621/original/file-20210906-17-kkenxv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/419621/original/file-20210906-17-kkenxv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Olivine observée au microscope électronique à Anvers montrant la couche vitrifiée entre les grais cristallins.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Patrick Cordier</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Quelle ne fut pas notre surprise de constater que la déformation de ces échantillons était fortement localisée à la frontière qui soude les cristaux entre eux. Fascinante analogie avec la tectonique des plaques qui localise les déformations aux frontières de plaques alors que plus de neuf ordres de grandeur séparent les dimensions de ces deux phénomènes. En y regardant de plus près, à l’échelle atomique, on constate que ces parois entre grains sont constituées d’une fine (10 000 à 100 000 fois moins épaisse qu’un cheveu humain) couche qui a perdu la régularité de sa structure cristalline, c’est un verre dont l’arrangement atomique est désordonné.</p>
<p>Or cette couche de verre n’était pas présente dans les échantillons avant déformation. D’ailleurs l’olivine est connue pour ne se vitrifier que très difficilement. Ici, c’est sous l’influence des contraintes qui se concentrent sur ces parois que la structure cristalline s’est effondrée. Cette observation éclaire d’un jour complètement nouveau le comportement de la roche. En effet les propriétés mécaniques d’un verre sont complètement différentes de celles d’un cristal. Les souffleurs de verre savent depuis longtemps que le verre, ce solide dur et fragile par excellence, devient soudainement mou, pâteux, et même s’écoule lorsqu’une température caractéristique est atteinte. Or pour le verre d’olivine, cette température caractéristique, appelée température de transition vitreuse, est proche de… 1 000 °C.</p>
<p>Avons-nous la clé de la limite entre la lithosphère et l’asthénosphère dans cette fine couche de verre entre les grains d’olivine ? L’avenir le dira et la science doit inciter à rester prudent et modeste. Il est clair cependant que cette découverte justifie de pousser plus avant nos investigations sur les propriétés mécaniques de ce verre d’olivine si particulier.</p>
<p>Au-delà de cette découverte particulière, ce travail esquisse les contours d’une nouvelle science que l’on pourrait appeler nanogéodynamique. Basée sur la conviction que les propriétés intimes de la matière, due à sa structure atomique, s’expriment à des échelles infiniment plus grandes, cette approche mobilise les ressources de la minéralogie, et plus généralement de la science des matériaux, de la physique, de la chimie pour apporter des réponses aux grandes questions des sciences de la Terre. Qui aurait imaginé qu’un microscope électronique soit notre vaisseau pour explorer l’intérieur de la Terre ?</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/159504/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Patrick CORDIER a reçu des financements du Conseil Européen de la Recherche (ERC). </span></em></p>
Mais que se passe-t-il à des centaines de kilomètres sous nos pieds pour déclencher les mouvements tectoniques ? La réponse pourrait se trouver dans un minéral : l’olivine.
Patrick Cordier, Professeur de Physique, spécialiste de physique des minéraux, Université de Lille
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