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transition écologique – The Conversation
2024-03-27T16:48:52Z
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2024-03-27T16:48:52Z
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Préserver l’avenir de nos forêts : ce que peut apporter la recherche
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/579184/original/file-20240301-20-3g2ric.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=59%2C9%2C3007%2C2032&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Pour penser l'avenir des forêts, il faut intégrer leurs dimensions environnementales, mais également économiques et sociales.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://unsplash.com/fr/photos/arbres-a-feuilles-vertes-pendant-la-journee-HEHSE12vXSg">Nadia Ivanova / Unsplash</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-sa/4.0/">CC BY-NC-SA</a></span></figcaption></figure><p>La question de l’avenir de nos forêts taraude la société dans son ensemble, des forestiers aux industriels de la transformation du bois en passant par les citoyens et usagers des forêts.</p>
<p>Avec l’accélération du changement climatique, qui se traduit en France <a href="https://esd.copernicus.org/articles/13/1397/2022/">par une trajectoire de réchauffement à +4 °C en 2100</a>, les superpouvoirs des forêts – sources de matières premières, puits de carbone, fonctions de régulation et de protection, réservoir de biodiversité, espace de bien-être – sont de plus en plus mis à mal.</p>
<p>À titre d’exemple, la séquestration du CO<sub>2</sub> par les arbres – qui contribue à réduire les effets du changement climatique via la photosynthèse – <a href="https://www.ign.fr/espace-presse/les-donnees-de-linventaire-forestier-national-confirment-limpact-du-changement-climatique-sur-la-sante-des-forets-francaises">a fortement diminué</a>.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/un-autre-regard-sur-levolution-contemporaine-de-la-foret-francaise-207398">Un autre regard sur l’évolution contemporaine de la forêt française</a>
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<p>Dans ce contexte, l’État lance un programme de recherche <a href="https://www.pepr-forestt.org/">sur la résilience des forêts</a>, qui vise à accroître les connaissances pour accompagner la conception et l’expérimentation – sur la base de travaux scientifiques – de trajectoires d’adaptation flexibles afin d’améliorer la résilience des socio-écosystèmes forestiers.</p>
<p><a href="https://anr.fr/en/france-2030/programmes-et-equipements-prioritaires-de-recherche/">Cette programmation scientifique</a> interroge le rôle de la recherche face aux défis de l’accélération des changements globaux. En effet, les forêts sont des <a href="https://sitesweb-tmp35.dsi.sorbonne-universite.fr/sites/default/files/media/2022-01/Couvet_socio%C3%A9cosyst%C3%A8me.pdf">socio-écosystèmes</a> (<em>c’est-à-dire, des systèmes complexes impliquant des composantes biophysiques et écologiques, mais également sociétales, et notamment politiques et <a href="https://theconversation.com/les-forets-reserve-nourriciere-face-aux-aleas-climatiques-209432">économiques</a>, ndlr</em>). Sous l’effet de facteurs d’origine climatique et anthropique, mais aussi des évolutions des attentes et besoins de la société, ces socio-écosystèmes sont mis sous tension.</p>
<p><a href="https://www.seuil.com/ouvrage/agir-dans-un-monde-incertain-essai-sur-la-democratie-technique-yannick-barthe/9782020404327">« Agir dans un monde incertain »</a> implique de redéfinir la place des connaissances et des activités scientifiques. De quoi accompagner de nouveaux modes de gouvernance des forêts, l’évolution de la trajectoire climatique et les processus de décision en matière de gestion forestière.</p>
<h2>« Socio-écosystèmes »</h2>
<p>La forêt a longtemps été considérée comme un <a href="https://journals.openedition.org/lectures/62909">objet technico-administratif</a> : son sort devait échapper aux vicissitudes d’une société dominée par des aspirations de court terme. L’expertise technique détenue par les professionnels et organismes de gestion forestière avait le monopole « du dire et du faire » et les organes administratifs maintenaient un certain cloisonnement du débat forestier.</p>
<p>À l’évidence, ce cadrage ne répond plus aux attentes ni aux aspirations d’une société qui souhaite <a href="https://theconversation.com/assises-de-la-foret-et-du-bois-les-trois-dilemmes-de-la-politique-forestiere-francaise-172363">se réapproprier les enjeux forestiers</a>.</p>
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<p>Dans le domaine scientifique, l’objet forestier est encore souvent appréhendé de façon mono disciplinaire, ce qui donne une vision partielle et restreinte des enjeux associés aux forêts. Par exemple, la vulnérabilité des forêts est en général étudiée sans prendre en compte les interactions entre aléas, et sans couplage avec les enjeux sociaux et économiques. De plus en plus de travaux cherchent néanmoins à développer des approches plus intégrées en articulant les regards disciplinaires.</p>
<p>Le <a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s11625-019-00731-7">concept de « socio-écosystème »</a> est ainsi utilisé pour étudier les multiples interactions et interdépendances, à différentes échelles spatio-temporelles, qui déterminent l’avenir du secteur forêt-bois. Celles-ci s’opèrent entre, d’une part les dynamiques écologiques des arbres et des peuplements forestiers, de l’autre les représentations, comportements, pratiques, organisations et institutions des acteurs intéressés et concernés par les enjeux forestiers.</p>
<p>Voilà donc la première mission de la recherche : aider à penser le monde dans sa complexité, et dans le cas présent, aider à appréhender la forêt comme un « objet » ancré dans la société.</p>
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<li><p>D’un côté, la forêt ne peut être réduite à des considérations sociotechniques et à des intérêts particuliers ;</p></li>
<li><p>de l’autre, il n’est pas possible de penser son avenir en se limitant à ses dynamiques naturelles et à sa contribution au bien commun.</p></li>
</ul>
<p>Par conséquent, s’appuyer sur des approches scientifiques diverses permet d’élargir l’espace du débat public et de décloisonner les enjeux forestiers.</p>
<h2>Conservation, atténuation… et adaptation</h2>
<p>Depuis les débuts de l’ère industrielle, les forêts font l’objet de préoccupations environnementales en raison des conséquences, directes ou indirectes, des activités humaines.</p>
<p>Le paradigme conservationniste s’est alors développé, de manière progressive, autour des logiques de protection, de restauration et de limitation des impacts des activités humaines. À partir des années 1990, le <a href="https://theconversation.com/faut-il-commencer-a-sacclimater-au-rechauffement-ou-redoubler-defforts-pour-le-limiter-218187">paradigme de l’atténuation</a> s’est aussi imposé dans beaucoup de régions du monde, et notamment en Europe : les forêts doivent soutenir les actions de réduction des émissions de gaz à effet de serre en stockant du carbone et en offrant des ressources alimentant une économie décarbonée.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="photo prise dans une forêt avec un vieux tronc au premier plan" src="https://images.theconversation.com/files/579485/original/file-20240304-28-7rnpm2.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/579485/original/file-20240304-28-7rnpm2.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/579485/original/file-20240304-28-7rnpm2.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/579485/original/file-20240304-28-7rnpm2.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/579485/original/file-20240304-28-7rnpm2.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/579485/original/file-20240304-28-7rnpm2.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/579485/original/file-20240304-28-7rnpm2.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">La forêt de Bialowieza, en Pologne, l’une des dernières forêts primaires d’Europe.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/4/4b/Bialowieza_National_Park_in_Poland0029.JPG">Wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-sa/4.0/">CC BY-NC-SA</a></span>
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<p>Depuis quelques années, ces orientations paraissent toutefois incompatibles avec la dynamique d’évolution des forêts. La stratégie conservationniste ne peut pas être la réponse unique aux transformations profondes des socio-écosystèmes forestiers qui se profilent.</p>
<p>Et l’heure n’est plus à considérer les forêts comme des <a href="https://theconversation.com/planter-des-arbres-venus-de-regions-seches-la-migration-assistee-une-fausse-bonne-idee-221340">variables d’ajustement des stratégies d’atténuation</a>, mais à envisager comme problème central les conditions de leur <a href="https://www.lepoint.fr/environnement/forets-francaises-limiter-l-usage-du-bois-est-une-fausse-bonne-idee-01-01-2024-2548771_1927.php">adaptation au changement climatique et du développement d’une bioéconomie forestière qui accompagne cet effort</a>.</p>
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<img alt="photo prise dans une forêt avec un vieux tronc au premier plan" src="https://images.theconversation.com/files/579485/original/file-20240304-28-7rnpm2.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/579485/original/file-20240304-28-7rnpm2.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/579485/original/file-20240304-28-7rnpm2.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/579485/original/file-20240304-28-7rnpm2.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/579485/original/file-20240304-28-7rnpm2.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/579485/original/file-20240304-28-7rnpm2.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/579485/original/file-20240304-28-7rnpm2.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">La forêt de Bialowieza, en Pologne, l’une des dernières forêts primaires d’Europe.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/4/4b/Bialowieza_National_Park_in_Poland0029.JPG">Wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-sa/4.0/">CC BY-NC-SA</a></span>
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<h2>Un enjeu à mettre à l’agenda</h2>
<p>Dans la perspective d’opérer cette transition vers le paradigme de l’adaptation, il est attendu de la recherche qu’elle contribue à objectiver les enjeux et accompagne le développement d’alternatives.</p>
<p>La science joue un rôle décisif dans la mise à l’agenda du défi de l’adaptation et de son urgence. En complément des constats empiriques (<a href="https://theconversation.com/fr/topics/feux-de-forets-93185">incendies</a>, dépérissements, tempêtes, etc.), les <a href="https://www.science.org/doi/full/10.1126/science.aaz7005">travaux académiques sur la dynamique d’évolution des socio-écosystèmes</a> offrent une capacité de <a href="https://theconversation.com/forets-en-peril-comment-limagerie-et-la-big-data-peuvent-contribuer-a-les-proteger-191321">suivi</a> et une vision dynamique, dans le temps et dans l’espace, du changement et de ses déterminants. Par exemple, le croisement des outils de monitoring (suivis terrain, télédétection) permet de suivre l’évolution de l’état de santé des forêts.</p>
<p>En situation de crise, les tensions entre les différents intérêts socio-économiques et écologiques sont exacerbées et un travail d’objectivation par la démarche scientifique peut contribuer à dépasser ces tensions pour partager une vision commune des problèmes.</p>
<h2>Passer des solutions tactiques aux solutions stratégiques</h2>
<p>L’adaptation doit aussi reposer sur une capacité à définir des trajectoires. La recherche est alors souvent mise à contribution pour proposer des solutions de court terme et des innovations « clés en main ».</p>
<p>Dans ce contexte d’incertitude, il faut changer la logique d’articulation entre connaissance et action. La recherche a dorénavant vocation à s’inscrire dans une dynamique d’expérimentation et de transformation des pratiques qui garantisse une <a href="https://theconversation.com/un-autre-regard-sur-levolution-contemporaine-de-la-foret-francaise-207398">capacité de</a> <a href="https://theconversation.com/un-autre-regard-sur-levolution-contemporaine-de-la-foret-francaise-207398">résilience à long terme des socio-écosystèmes</a>.</p>
<p>Sans abandonner les adaptations ponctuelles « tactiques » en réaction aux bouleversements, il faut glisser vers une adaptation « stratégique » qui assume une trajectoire de transformation de l’ensemble des composantes des socio-écosystèmes.</p>
<p>Nous devons partir du principe que la connaissance ne précède pas l’action, mais que l’une et l’autre s’alimentent grâce à une proximité plus forte entre les acteurs de la recherche et les acteurs de la forêt.</p>
<h2>Des processus de décision dépassés</h2>
<p>Comme évoqué, l’expertise technique de la « science forestière » a dirigé depuis le XIX<sup>e</sup> siècle les décisions en matière de gestion des parcelles et d’aménagement des propriétés forestières. Les fondements de ce processus de décision sont remis en question pour plusieurs raisons.</p>
<p>Il n’existe tout d’abord plus de corps socio-professionnel unifié porteur d’une expertise commune, mais une grande diversité de prescripteurs techniques qui développent leurs propres référentiels et orientations sylvicoles.</p>
<p>Les enjeux forestiers actuels impliquent en outre des processus de décision qui ne peuvent se limiter à un raisonnement à l’échelle de la parcelle ou la propriété mais doivent intégrer les échelles « fonctionnelles » (massifs forestiers, paysages, territoires, bassins d’approvisionnement, etc.).</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/pourquoi-la-foret-francaise-a-besoin-dun-traitement-de-fond-177006">Pourquoi la forêt française a besoin d’un traitement de fond</a>
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<p>Enfin, l’accélération brutale du changement climatique rend obsolète une part importante des connaissances empiriques existantes.</p>
<p>Dans ce contexte incertain qui expose le décideur à une prise de risque face à un futur inconnu, il est nécessaire de développer <a href="https://theconversation.com/pourquoi-la-foret-francaise-a-besoin-dun-traitement-de-fond-177006">des</a> <a href="https://theconversation.com/pourquoi-la-foret-francaise-a-besoin-dun-traitement-de-fond-177006">processus de décision davantage fondés sur la connaissance</a>.</p>
<h2>Fonder les décisions sur la connaissance</h2>
<p>Dans ce contexte, les travaux scientifiques peuvent d’une part servir de support à l’élaboration d’outils d’aide à la décision pour offrir à la diversité des prescripteurs techniques un socle commun de connaissances pour concevoir leurs référentiels de gestion.</p>
<p>La science a d’autre part vocation à fournir des éléments de caractérisation des différentes variables et de leurs interactions afin qu’elles soient prises en compte dans des modèles explicatifs, puis des outils d’aide à la décision multi-échelles.</p>
<p>La science doit finalement permettre d’intégrer la culture de l’incertitude et des risques multiples dans la décision, en encourageant le développement de connaissances sur la base de l’expérimentation et de la modélisation, en élargissant par la prospective le champ des possibles en matière de gestion et valorisation des forêts.</p>
<p>Un plan d’adaptation stratégique est donc une urgence absolue pour accélérer les transitions des forêts, favoriser leur résilience et assurer le maintien de leurs fonctions écologiques tout en accompagnant l’industrie face à un afflux de bois dépérissant aux propriétés potentiellement dégradées. Agir sans attendre, s’appuyer sur la science et la nature, suivre les évolutions en continu et construire des solutions collectives, constituent les quatre principes d’un plan d’action ambitieux pour la forêt et le bois.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/224565/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Arnaud Sergent est membre du bureau du pôle de compétitivité Xylofutur. Il a reçu des financements de la région Nouvelle Aquitaine, de l'ANR et de l'Union Européenne.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Christophe Plomion a reçu des financements de la Région Nouvelle Aquitaine, de l'ANR et de l'Union Européenne.</span></em></p>
Pour répondre aux défis des forêts, la science ne doit plus seulement les considérer comme des objets technico-administratifs, mais comme des pourvoyeurs de services économiques et écosystémiques.
Arnaud Sergent, Ingénieur de recherche en sciences politiques, Inrae
Christophe Plomion, Chercheur en génétique, Inrae
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/226342
2024-03-27T16:42:52Z
2024-03-27T16:42:52Z
« Penser l’alternative. Réponses à 15 questions qui fâchent », par cinq économistes atterrés
<p><em>Cinq économistes, David Cayla, Philippe Légé, Christophe Ramaux, Jacques Rigaudiat et Henri Sterdyniak, membres du collectif des <a href="https://www.atterres.org/qui-sommes-nous/">Économistes atterrés</a>, ont mis leurs compétences en commun pour répondre à quinze <a href="https://nouveautes-editeurs.bnf.fr/accueil?id_declaration=10000000955755&titre_livre=Penser_l%27alternative">« questions qui fâchent »</a> dans un ouvrage récemment publié aux éditions Fayard. Cela constitue la trame d’un programme alternatif. Nous vous en proposons un <a href="https://theconversation.com/topics/bonnes-feuilles-77244">extrait</a>, qui présente les intentions de l’ouvrage.</em></p>
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<p>Le capitalisme néolibéral n’est pas en mesure d’assurer le tournant nécessaire de sobriété, d’égalité et de réorientation radicale des consommations et des productions. Il entretient une dynamique productiviste, mais la ponction que l’humanité exerce sur son environnement naturel devient de plus en plus insoutenable. L’impact le plus marquant est le réchauffement climatique induit par le cumul des émissions de gaz à effet de serre (GES), avec des conséquences déjà visibles : l’instabilité climatique accrue, la montée des eaux, la fonte du pergélisol, les sécheresses, les crises alimentaires, etc. La question de la perte de la biodiversité se pose aussi : elle risque notamment de nuire aux rendements agricoles. De même, l’épuisement des minerais rares pourrait venir freiner la transition écologique. Éviter la catastrophe écologique devrait donc être la grande affaire de l’humanité aujourd’hui et dans les décennies à venir.</p>
<p>Deux points de vue sont souvent opposés. Pour le capitalisme vert, les innovations techniques peuvent permettre de poursuivre une forte croissance, sans mettre en cause le mode de production. Les hausses de prix (de l’énergie ou des matières premières), résultant de l’équilibre offre/demande vont inciter aux innovations et à la réorientation des productions ; les marchés de permis de droits à polluer vont décourager les activités nocives à l’environnement et encourager les activités vertueuses ; l’agriculture industrielle parviendra à compenser les effets de pertes de diversité pour l’agriculture, etc. Cette stratégie repose sur une confiance sans limites dans les capacités d’adaptation des entreprises capitalistes dont le fonctionnement n’est pas remis en cause.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1689372044025098240"}"></div></p>
<p>Pour les partisans de la décroissance, le niveau de vie des pays industrialisés n’est ni soutenable, ni généralisable. La croissance ne doit plus être l’objectif de l’économie. Il faut passer par une phase de décroissance de nos consommations matérielles (même si les services pourront augmenter) pour atteindre un plateau d’activité soutenable. Mais les partisans de la décroissance n’indiquent pas le niveau de consommation matérielle qui serait compatible avec une activité soutenable. Ils sont obligés d’appeler les ménages à l’austérité, ce qui est odieux pour les pauvres des pays riches et pour la quasi‑totalité des pays émergents.</p>
<p>Ce n’est pas dans un choix abrupt entre ces deux stratégies que se trouve la solution. La transition écologique a besoin d’innovations qui permettent d’éviter les dégâts écologiques. De même, faire décroître certaines productions et certaines consommations est indispensable. Les consommations ostentatoires, les innovations coûteuses et à l’utilité sociale douteuse doivent être découragées, sinon interdites.</p>
<h2>Une transition écologique et sociale</h2>
<p>La transition écologique et le progrès social ne sont pas compatibles avec le capitalisme, a fortiori sous sa forme néolibérale, celle de la finance libéralisée et du libre-échange. Ils ne le sont pas avec la liberté laissée aux entreprises de rechercher un profit maximal sans avoir à se soucier des enjeux sociaux et environnementaux de leur activité. Par contre, le bilan économique et social accablant des pays dits communistes au XX<sup>e</sup> siècle a montré toutes les limites d’une centralisation excessive du pouvoir économique et politique. Les marchés et l’entreprenariat individuel sont indispensables pour que les produits correspondent aux désirs des ménages, pour que les entreprises innovent.</p>
<p>Les sociétés doivent à la fois, avec toutes les tensions que cela implique, se donner les moyens de piloter l’économie et laisser l’initiative privée se déployer. En pratique, cela signifie que, dans les limites de l’ordre public social, les PME puissent continuer à œuvrer librement, mais que les grandes entreprises, passée une certaine taille, soient gérées socialement. Pour certains secteurs comme l’énergie, l’eau, les autoroutes ou la production de certains médicaments, les nationalisations s’imposent. Développer un pôle bancaire et financier, réorienter le crédit est indispensable pour financer la transition écologique et économique. Les grandes entreprises doivent être gérées par les représentants de l’ensemble des parties constituantes (les apporteurs de capitaux, les dirigeants, les salariés) et prenantes (les clients, les fournisseurs, les collectivités locales, les représentants de la planification écologique…). C’est ainsi que l’on peut repenser le socialisme : non pas dans le sens où tout serait nationalisé, que toute initiative privée serait supprimée, mais dans le sens où l’évolution globale de l’économie serait socialement contrôlée. Ce ne serait plus l’accumulation du capital au bénéfice de quelques-uns qui primerait, mais le politique, expression du pouvoir des citoyens.</p>
<p>Dans ce cadre, le salariat lui-même est à repenser. Il demeure certes une forme d’exploitation, mais il est aussi synonyme de statut, de garantie de droits et de sécurité du revenu. Repenser le salariat, ce n’est plus demander son abolition, c’est étendre les garanties statutaires qu’il offre : en y réintégrant les travailleurs surexploités (les travailleurs « uberisés »…) ; en luttant contre la précarisation et la sous-traitance ; en étendant les possibilités de formation et d’évolution de carrière ; en réduisant les inégalités de revenus et de statuts, via notamment l’introduction d’un écart maximal de revenu au sein de l’entreprise ; en vivifiant le travail collectif, gage d’innovation et de bien-être au travail ; en permettant aux salariés et à leurs syndicats d’intervenir à tous les niveaux de gestion de l’entreprise. Simultanément, l’économie sociale et solidaire – qui est privée, mais non capitaliste – est à encourager. L’entreprise, à l’instar de l’économie elle-même, doit devenir républicaine.</p>
<p>La transition écologique peut être une chance pour la France, si elle sait en profiter pour se réindustrialiser, pour proposer des produits robustes, compatibles avec les contraintes écologiques, pour améliorer les rapports sociaux et les rapports dans les entreprises. C’est par la force de l’exemple, que la France trouvera les alliés indispensables en Europe et ailleurs dans le monde pour explorer d’autres voies que celles du néolibéralisme.</p>
<p>Sobre, la société doit aussi être solidaire et égalitaire. Le changement des modes de consommation suppose que soit mis fin à la consommation ostentatoire des plus riches, que l’on tourne le dos à l’obsolescence accélérée des produits, à la multiplication de nouveaux besoins et de nouveaux produits introduits à des fins uniquement mercantiles. C’est d’abord au niveau des entreprises que la réduction des inégalités est à opérer. Une société plus juste, cela passe par la hausse de la rémunération des emplois du soin (qui sont de fait à prédominance féminine) et de ceux des « premiers de corvée », et en sens inverse par la baisse de celle des emplois peu utiles socialement (les financiers, les publicitaires…). C’est ensuite par la fiscalité, en particulier par la taxation des revenus du capital et la hausse des droits des grandes successions ; c’est aussi en étendant la protection sociale (avec le 100 % sécu, a hausse du RSA et des prestations familiales…) et les services publics (pour la santé l’enseignement…).</p>
<h2>Pour une alternative démocratique</h2>
<p>L’organisation de la transition écologique ne peut être laissée aux seuls marchés. Elle ne peut pas non plus reposer sur les seules initiatives locales, même si celles‑ci sont précieuses. Ce sont les États, les gouvernements et les parlements, en tant que garants de l’intérêt général, qui, après de larges débats démocratiques et sociaux, ont la responsabilité de faire entrer les sociétés dans un processus de profonde transformation économique et sociale. La planification écologique et démocratique est un impératif, le rétablissement de la souveraineté nationale une nécessité.</p>
<p>Organiser une transition d’une telle ampleur suppose de rompre avec le capitalisme néolibéral et partant avec le principal levier par lequel il s’est imposé : la mondialisation marchande et financière. Pendant longtemps, beaucoup des opposants au néolibéralisme ont été réticents au protectionnisme et, plus généralement, à l’éloge des frontières, parfois assimilés au nationalisme et au racisme. Piège redoutable, comme s’il n’importait pas d’opposer à l’extrême droite une vision progressiste et républicaine de la nation. On ne peut d’un côté accentuer, par le libre‑échange et la finance libéralisée, la pression concurrentielle entre les États et les travailleurs et, de l’autre, prôner une coopération plus étroite pour lutter contre le changement climatique et le dumping social. Le référendum de 1992 et plus encore celui de 2005 ont été de véritables séismes politiques. Massivement, les classes populaires et moyennes ont exprimé leur refus d’être dessaisies de leur pouvoir citoyen.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/583426/original/file-20240321-16-vegr40.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/583426/original/file-20240321-16-vegr40.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/583426/original/file-20240321-16-vegr40.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=1003&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/583426/original/file-20240321-16-vegr40.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=1003&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/583426/original/file-20240321-16-vegr40.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=1003&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/583426/original/file-20240321-16-vegr40.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1261&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/583426/original/file-20240321-16-vegr40.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1261&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/583426/original/file-20240321-16-vegr40.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1261&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<p>Ni la transition écologique, ni le progrès social, ne sont compatibles avec le dessaisissement des citoyens, le transfert de pouvoir à des institutions supranationales ou à des « autorités administratives indépendantes » nationales, aussi soumises aux intérêts des puissants qu’elles sont éloignées des peuples. Le fédéralisme européen est une impasse. Pour redonner de la légitimité à l’Europe aux yeux des peuples, il faut la reconstruire sur de nouvelles bases. La boussole : la mettre au service des États sociaux nationaux – car les États sociaux ne peuvent être que nationaux (qui imagine des services publics ou des prestations sociales européennes ?) – et non au service de leur détricotage.</p>
<p>Le débat politique, la démocratie, vivent d’abord et avant tout dans le cadre de la collectivité des citoyens et du territoire sur lequel s’exerce leur souveraineté. Pour que l’économie n’échappe plus à la démocratie, il importe donc de réhabiliter les souverainetés nationales. C’est la condition pour que les citoyens retrouvent confiance dans le politique.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/226342/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>David Cayla ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>
L’ouvrage « Penser l’alternative. Réponses à quinze questions qui fâchent » a récemment été publié par cinq membres du collectif des économistes atterrés. Nous vous en proposons les bonnes feuilles.
David Cayla, Enseignant-chercheur en économie, Université d'Angers
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/226159
2024-03-21T09:06:32Z
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Bientôt, de l’énergie géothermique illimitée ? En Islande, le projet fou d’un tunnel creusé dans un volcan
<p>Le projet <a href="https://kmt.is/">Krafla Magma Testbed</a> (KMT) a débuté en 2017, mais c’est l’annonce de la première mission de forage à venir en 2026 qui l’a rendu célèbre. Ce n’est pas surprenant, car le tunnel dont la construction est prévue pour accéder à la chambre magmatique du <a href="https://es.wikipedia.org/wiki/Krafla">volcan Krafla</a> est un aspect marquant du projet.</p>
<p>L’intérêt du tunnel est d’obtenir un accès sûr et fiable à la <a href="https://www.ign.es/web/vlc-teoria-general">chambre souterraine où est stocké le magma du volcan</a>. Il sera ainsi possible de prélever des échantillons du magma et de mener des recherches expérimentales. Et cela, avec deux objectifs principaux :</p>
<ul>
<li><p>prévoir les catastrophes volcaniques,</p></li>
<li><p>et explorer de nouveaux moyens plus efficaces d’exploiter l’énergie géothermique.</p></li>
</ul>
<p>Ce premier forage sera suivi d’un autre, prévu en 2028. Les installations de mesure et d’analyse devraient être opérationnelles d’ici 2030.</p>
<h2>L’énergie de la Terre</h2>
<p>La <a href="https://theconversation.com/fr/topics/geothermie-22950">géothermie</a> est l’énergie naturelle stockée à l’intérieur de la Terre. En effet, la température de la croûte terrestre augmente avec la profondeur et l’énergie stockée se manifeste souvent directement par des éruptions volcaniques à la surface. C’est pourquoi des <a href="https://billiken.lat/interesante/cuales-son-los-paises-con-mayor-cantidad-de-volcanes-activos/">pays comme l’Islande et le Japon, où l’activité volcanique est élevée</a>, ont un plus grand potentiel pour exploiter ce type d’énergie.</p>
<hr>
<figure class="align-left zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<p><em>Pour suivre au plus près les questions environnementales, retrouvez chaque jeudi notre newsletter thématique « Ici la Terre ». <a href="https://theconversation.com/fr/newsletters/la-newsletter-environnement-150/">Abonnez-vous dès aujourd’hui</a>.</em></p>
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<p>Il s’agit d’une source d’énergie très polyvalente, car la chaleur peut être utilisée de façon directe (dans les piscines et les spas, dans les systèmes de chauffage urbain, etc.), ou encore être utilisée pour produire de l’électricité.</p>
<p>Les conditions requises pour l’utilisation directe de l’énergie géothermique sont assez simples à remplir, et elle peut être exploitée presque partout sur la planète.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/il-existe-plusieurs-types-de-geothermie-comment-marchent-ils-et-quels-sont-les-risques-153923">Il existe plusieurs types de géothermie – comment marchent-ils, et quels sont les risques ?</a>
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<h2>Gisements géothermiques</h2>
<p>Pour produire de l’électricité avec une source d’énergie géothermique, il est nécessaire d’avoir accès à un <a href="https://www.geosoc.fr/liens-docman/reunions-scientifiques-et-techniques/geothermie-de-nouveaux-developpements/879-nouveaux-developpements-en-geothermie-profonde/file.html">gisement géothermique</a>.</p>
<p>Il est difficile d’en trouver de satisfaisants. Il ne suffit pas qu’ils soient intéressants au plan géologique, il faut aussi qu’il y ait suffisamment de ressources dans la région pour pouvoir les exploiter.</p>
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<p>Les gisements géothermiques peuvent être classés en fonction de leur niveau d’énergie (ou <a href="https://uved.univ-nantes.fr/GRCPB/sequence2/html/chap3_part9_1.html">enthalpie</a>). Ceux qui ont une <a href="https://involcan.org/2925-2/">enthalpie élevée</a> peuvent être utilisés pour produire de l’électricité, comme dans le cas du volcan islandais que l’on veut forer.</p>
<p>Ce type de réservoir atteint des températures de plus de 150 °C, suffisantes pour générer de la vapeur d’eau et enclencher un cycle thermodynamique similaire à celui qui survient dans une centrale thermique ou nucléaire pour actionner une turbine.</p>
<p>Le rendement de ce processus est lié à la température de la source. De sorte que plus la température est élevée, plus la production d’électricité est importante. C’est ce qui intéresse le plus le projet KMT, car la chambre magmatique du volcan Krafla atteint des températures de plus de 900 °C.</p>
<p>Mais il y a une limite : pour exploiter cette source d’énergie, il faut développer de nouveaux matériaux et capteurs capables de résister à des températures aussi extrêmes.</p>
<h2>L’Islande, pays du feu et de la glace</h2>
<p>L’Islande bénéficie d’une situation privilégiée pour le développement de la géothermie. <a href="https://www.visiticeland.com/es/article/energias-renevovables">Plus de 70 % de l’énergie consommée dans le pays est d’origine géothermique</a>.</p>
<p>Les Islandais ont même atteint l’autosuffisance en matière de production d’électricité en combinant plusieurs sources, dont principalement la géothermie et l’hydroélectricité. Leur capitale, Reykjavík, dispose d’un système de chauffage fonctionnant avec de l’eau chauffée par l’énergie géothermique. Une fois utilisée pour chauffer les maisons, elle circule dans les rues pour faire fondre la neige.</p>
<p>Toutefois, la politique adoptée par le gouvernement islandais pour encourager l’utilisation de la géothermie est relativement récente.</p>
<h2>Sortir des énergies fossiles</h2>
<p>Jusqu’au début des années 1970, l’Islande basait sa politique énergétique sur les énergies fossiles. Mais en <a href="https://www.bloomberglinea.com/2023/03/05/islandia-muestra-al-mundo-como-funcionar-con-energia-limpia-y-fiable/">1973, le gouvernement a commencé à élaborer un plan stratégique pour l’utilisation de l’énergie géothermique</a>, à la suite d’une grave crise provoquée par la hausse des prix du pétrole. Depuis lors, l’Islande s’est engagée simultanément sur la voie de l’indépendance énergétique et de la décarbonisation.</p>
<p>Le plan du gouvernement a été articulé en deux phases :</p>
<ul>
<li><p>la première entre 1999 et 2003 pour collecter des données,</p></li>
<li><p>et la seconde entre 2004 et 2009, consacrée à l’étude et à l’évaluation des ressources géothermiques.</p></li>
</ul>
<p>L’année 2009 a marqué un tournant pour la recherche en géothermie, lorsque la chambre magmatique du volcan Krafla a été forée pour la première fois.</p>
<p>Le forage faisait partie d’un projet précurseur du KMT, le <a href="https://www.piensageotermia.com/iceland-deep-drilling-project-un-proyecto-de-ciencia-ficcion/">Iceland Deep Drilling Project</a> (IDDP), bien que le forage de la chambre magmatique du volcan n’avait pas été prévu au départ.</p>
<p>L’IDDP et le KMT témoignent de l’engagement du gouvernement islandais, qui a valu à l’Islande le titre bien mérité de <a href="https://theconversation.com/pourquoi-leruption-volcanique-en-islande-na-rien-dune-surprise-les-explications-dun-geologue-220292">« terre de feu et de glace »</a>.</p>
<h2>La géothermie ailleurs dans le monde</h2>
<p>Le Japon est un autre pays qui bénéficie d’une situation avantageuse pour le développement de la géothermie. Le gouvernement japonais a lancé des projets visant à combiner l’énergie géothermique et l’énergie marémotrice.</p>
<p>L’idée de base est d’utiliser une turbine flottante ou immergée pour capter l’énergie des marées, tout en captant l’énergie géothermique des fonds marins.</p>
<p>Le gouvernement chilien, en plus d’être plongé dans l’exploitation de ses <a href="https://theconversation.com/vehicules-electriques-la-geothermie-future-source-dapprovisionnement-en-lithium-205072">réserves de lithium</a>, utilise la fracturation hydraulique (<em>fracking</em>) pour <a href="https://www.scientificamerican.com/article/fracking-for-renewable-power-geothermal/">réutiliser les anciens puits de pétrole</a> et exploiter les sources d’énergie géothermique.</p>
<p><a href="https://www.igme.es/geotermia/presentacion2.htm">En Espagne</a>, les gisements de haute enthalpie ne sont pas très courants et il y a peu de précédents en termes de projets géothermiques. Cependant, une région d’Espagne pourrait être notre Islande. Il s’agit des <a href="https://www3.gobiernodecanarias.org/ceic/energia/oecan/images/Documentos/Estudios/D5_Estrategia_Geotermia_Canarias.pdf">îles Canaries</a>, qui présentent une activité volcanique récente – rappelez-vous <a href="https://theconversation.com/la-palma-2021-el-ano-del-volcan-174238">l’éruption du volcan La Palma</a> en 2021 – et des ressources géothermiques susceptibles d’être exploitées.</p>
<p>L’<a href="https://www.idae.es/">Institut pour la diversification et les économies d’énergie (en espagnol, Instituto para la Diversificación y Ahorro de la Energía, ou IDAE)</a> a récemment publié une proposition d’aide pour ces projets, avec un budget de 49 millions d’euros.</p>
<p>Creuser un tunnel dans un volcan est un moyen scientifique et rentable d’extraire du sol de l’énergie propre et bon marché dont nous avons besoin. Cette fois, la réalité dépasse la fiction.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/226159/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Javier Sánchez Prieto ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>
L’Islande va creuser un tunnel jusqu’à la chambre souterraine où est stocké le magma d’un volcan. De quoi mieux prévoir les éruptions, et peut-être exploiter l’énergie géothermique du lieu.
Javier Sánchez Prieto, Director Académico Máster Universitario en Energías Renovables UNIR, UNIR - Universidad Internacional de La Rioja
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tag:theconversation.com,2011:article/225135
2024-03-13T15:57:16Z
2024-03-13T15:57:16Z
Réindustrialisation, décarbonation… Il ne faudrait pas oublier les entreprises de taille intermédiaire
<p>En 2022, la France a émis <a href="https://www.statistiques.developpement-durable.gouv.fr/emissions-de-gaz-effet-de-serre-et-empreinte-carbone-en-2022-syntheses-des-connaissances-en-2023">404 millions de tonnes de CO₂ équivalent</a>, soit 25 % de moins qu’en 1990, année de référence pour le protocole de Kyoto. Bien qu’orientée dans la bonne direction, cette trajectoire de réduction doit encore s’accélérer pour atteindre les <a href="https://www.consilium.europa.eu/fr/policies/green-deal/fit-for-55-the-eu-plan-for-a-green-transition/">objectifs fixés</a> : une baisse de 55 % des gaz à effet de serre d’ici 2030 et la neutralité carbone à l’horizon 2050.</p>
<p><iframe id="k4EqC" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/k4EqC/2/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Comment la France a-t-elle réussi à <a href="https://theconversation.com/topics/transition-energetique-23303">décarboner</a> jusqu’à présent ? Sur les 136 millions de tonnes de CO<sub>2</sub> équivalent gagnées entre 1990 et 2022, 66 millions, soit près de la moitié, proviennent d’une réduction des émissions de l’industrie manufacturière.</p>
<p><iframe id="G2kqF" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/G2kqF/2/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Ce recul contraste très largement avec l’évolution des émissions industrielles mondiales qui, entre 2000 et 2022, ont bondi de 64 %. Plusieurs facteurs expliquent cette divergence de trajectoires et tous ne sont pas forcément positifs pour l’environnement. Tenter de les identifier, comme nous le faisons dans notre rapport « <a href="https://etilab.minesparis.psl.eu/wp-content/uploads/2023/12/etilab-decarboner-les-ETI-04dec23.pdf">Décarbonation, réindustrialisation & Entreprises de Taille Intermédiaire</a> » donne quelques clés pour penser la suite de ce mouvement global de réduction de la pollution atmosphérique.</p>
<h2>Une décarbonation « facile » jusqu’alors ?</h2>
<p>Si réduire les émissions de production est une nécessité, la question plus fondamentale est celle de l’<a href="https://www.statistiques.developpement-durable.gouv.fr/lempreinte-carbone-de-la-france-de-1995-2022">empreinte carbone réelle de notre mode de vie</a>. Quand <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/6474294">décarboner signifie importer plus</a>, l’empreinte française se voit <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/7702892">gonflée</a> du contenu carbone de la production dans des économies moins vertueuses sur le plan environnemental. Or, la mesure des seules émissions locales ne tient pas compte du contenu importé. Dans ce cas, la décarbonation apparente peut s’accompagner en réalité d’une aggravation du problème environnemental.</p>
<p>A contrario, exporter davantage de produits plus vertueux grâce à une énergie plus décarbonée en Europe serait un gage de réduction globale des émissions, peut-être au prix d’émissions moins limitées pour ce qui concerne le Vieux continent. Réduire le déficit de notre balance commerciale tout en diminuant les émissions globale, tel est l’enjeu de la réindustrialisation verte. On est en cependant très loin aujourd’hui.</p>
<p>Si l’industrie française a réduit ses émissions depuis la signature du protocole de Kyoto, c’est en effet en partie car elle a connu une <a href="https://www.franceindustrie.org/wp-franceindustrie/wp-content/uploads/2023/02/TABLEAU-DE-BORD-DE-FRANCE-INDUSTRIE-fevrier-2023.pdf">réduction de sa production manufacturière</a> sur la période (-11 % entre 2006 et 2022) contrairement à d’autres économies, notamment en Asie (+ 124 % entre 2006 et 2022), qui se sont fortement développées.</p>
<p><iframe id="7csFk" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/7csFk/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p><iframe id="0vX51" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/0vX51/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>L’industrie française a aussi su décarboner sa production en s’appuyant sur un meilleur mix énergétique utilisant de moins en moins de pétrole et de charbon, signal plus positif. Elle a également bénéficié d’innovations de rupture, en particulier dans la chimie qui a radicalement réduit ses émissions de protoxyde d’azote dans la fabrication d’acide adipique, d’acide nitrique et d’acide glyoxylique. De telles bonnes surprises sont cependant rares, et les prochaines innovations de rupture qui pourront engendrer de telles réductions ne sont pas encore connues.</p>
<h2>Priorités aux grands sites ? Oui, mais…</h2>
<p>Pour accompagner l’effort de décarbonation, l’Union européenne a lancé le paquet <a href="https://www.consilium.europa.eu/fr/policies/green-deal/fit-for-55-the-eu-plan-for-a-green-transition/"><em>fit for 55</em></a>. La politique publique française se concentre, elle, principalement sur les 50 sites les plus émetteurs, le fameux <a href="https://www.economie.gouv.fr/actualites/transition-ecologique-strategie-accelereration-decarbonation-sites-industriels">top 50</a>. Objectif fixé par le président de la République le 8 novembre 2022 : diviser par deux les émissions industrielles françaises des cinquante sites les plus polluants au cours de la prochaine décennie avec 54 milliards d’euros mis sur la table pour accompagner le mouvement. Fin janvier, le premier ministre Gabriel Attal a annoncé une <a href="https://www.bfmtv.com/economie/pollution-le-gouvernement-veut-cibler-les-50-sites-industriels-qui-mettent-le-plus-de-plastique-sur-le-marche_AV-202401300697.html">démarche similaire</a> en direction des 50 sites mettant le plus d’emballages plastiques sur le marché.</p>
<p>Certes, ces sites représentent à eux seuls près de 60 % des émissions industrielles et constituent incontestablement une cible de choix pour la décarbonation. Ils sont en outre surtout actifs dans les secteurs de la métallurgie, des matériaux de construction et de la chimie. Ces sites produisent les biens « simples » nécessaires à la fabrication des biens industriels plus complexes. La décarbonation de ces sites aura donc un impact direct sur leurs émissions, mais aussi un impact indirect pour les autres secteurs. Accompagner l’effort de ces sites favorise de plus leur maintien sur le territoire, ce qui est une question de souveraineté qui légitime elle aussi une telle intervention.</p>
<p>L’intérêt porté aux 50 sites les plus émetteurs ne doit pas pour autant faire passer sous le radar le reste de l’industrie, qui représente tout de même 40 % des émissions industrielles, l’essentiel de l’emploi du secteur et la clé de voûte d’une potentielle réindustrialisation verte du pays. Contrairement aux 50 sites les plus émetteurs, cette industrie diffuse s’étend sur un grand nombre de secteurs et sur l’ensemble du territoire. Compte tenu du nombre d’entreprises, il est difficilement concevable d’engager un dialogue particulier avec chacune d’entre elles : le pouvoir public ne paraît pas pouvoir utiliser la recette appliquée aux 50 sites.</p>
<p>Alors comment faire ?</p>
<h2>Que faut-il décarboner ?</h2>
<p>Pour saisir le problème de la décarbonation de l’industrie diffuse, il est important de rappeler qu’il existe deux types d’émissions : les émissions de « procédés » et les émissions de « combustion ». Les émissions de « procédés » sont inhérentes à la réaction chimique nécessaire à la production. Par exemple, la production de ciment implique le chauffage à très haute température d’un mélange de calcaire, d’argile et de sable dégageant des gaz à effet de serre. Les émissions de « combustion » proviennent, quant à elles, des énergies utilisées pour permettre la combustion. Par exemple, les hauts fourneaux sidérurgiques utilisent du charbon qui, en brûlant, dégage, des gaz à effet de serre.</p>
<p>La décarbonation des « procédés » est avant tout un problème d’innovation. Pour réduire ces émissions, il faut inventer une nouvelle manière de produire, utiliser une autre réaction chimique qui dégage moins de gaz à effet de serre. Des solutions ont été découvertes, comme le <a href="https://www.techniques-ingenieur.fr/actualite/articles/ciment-sans-clinker-la-solution-davenir-129691/">ciment sans clinker</a> qui est produit à froid et consomme moins d’énergie, d’autres sont en cours de développement.</p>
<p><iframe id="v0K4I" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/v0K4I/2/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Pour réduire les émissions de « combustions », il faut remplacer une énergie par une autre moins émettrice, c’est par exemple remplacer un four à gaz par un four électrique, ou substituer un moteur électrique à un moteur à fuel. Ce sont ces économies de « combustions » qui semblent les plus accessibles dans l’économie diffuse. L’industrie manufacturière a déjà abandonné les sources fossiles les plus émissives pour passer au gaz, énergie majoritaire dans tous les secteurs à l’exception de la métallurgie des métaux ferreux qui repose structurellement sur l’usage de la houille. La réduction des émissions de l’industrie diffuse devra s’appuyer sur un grand effort d’électrification.</p>
<h2>Décentraliser et coopérer</h2>
<p>Les clés du succès semblent détenues par la puissance publique et par les entreprises elles-mêmes. Le rôle de la puissance publique est d’informer et de soutenir en prenant au maximum en compte les particularités sectorielles et locales. La <a href="https://www.ecologie.gouv.fr/loi-portant-sur-nouvelle-organisation-territoriale-republique-notre">loi NOTRe</a> du 7 août 2015 qui donne à la région la responsabilité du développement économique et durable peut être un vecteur important de réussite, tout comme le développement de politiques industrielles territorialisées, si suffisamment de moyens lui sont donnés. La <a href="https://www.impots.gouv.fr/sites/default/files/media/1_metier/2_professionnel/2024-02-2142--fiche-cvae-reforme-2024-com-impots.gouv.pdf">suppression de la cotisation sur la valeur ajoutée</a> (CVAE), en diminuant l’indépendance des collectivités territoriales, ne va pas dans ce sens.</p>
<p>De leur côté, les entreprises peuvent faciliter la décarbonation en coopérant et en partageant leurs expériences. La création d’un réseau est le moyen le plus sûr et le plus rapide de favoriser la propagation des bonnes pratiques et la reproduction des solutions qui fonctionnent.</p>
<p>Gageons que l’industrie française pourrait être exemplaire en la matière, grâce à une électrification de l’industrie, qui constitue la prochaine poche de réduction des émissions à exploiter. Grâce aussi à une main-d’œuvre de grande qualité, et grâce à un maillage de politique publique, national et régional, qui pourrait massivement utiliser la coopération locale et l’expérimentation dans un tissu industriel diffus constitué d’entreprises plus petites et moins connues que les grandes, majoritaires dans le top 50, et néanmoins <a href="https://etilab.minesparis.psl.eu/wp-content/uploads/2023/06/Lettre-5.pdf">prédominantes dans l’emploi industriel</a>. D’une pierre, trois coups…</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/225135/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Pierre Fleckinger est titulaire de la chaire de recherche et d'enseignement etilab, accueillie par la Fondation Mines Paris. Au titre du mécénat, la chaire etilab reçoit des financements publics et privés de la Région Île-de-France, du club ETI Île-de-France, du METI, de Mazars, du Crédit Agricole d'Île-de-France, d'Acorus, de Diot-Siaci, d'ETPO, de Réseau DEF, de Septodont et de Socotec.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Antoine Prevet est directeur exécutif de la chaire de recherche et d'enseignement etilab, accueillie par la Fondation Mines Paris. Au titre du mécénat, la chaire etilab reçoit des financements publics et privés de la Région Île-de-France, du club ETI Île-de-France, du METI, de Mazars, du Crédit Agricole d'Île-de-France, d'Acorus, de Diot-Siaci, d'ETPO, de Réseau DEF, de Septodont et de Socotec.
</span></em></p>
La politique industrielle et environnementale française cible les plus grands sites de production. Il ne faudrait pas pour autant négliger les ETI qui appellent des politiques différentes.
Pierre Fleckinger, Professur d'économie, chercheur associé à Paris School of Economics, titulaire de la chaire etilab, Mines Paris - PSL
Antoine Prevet, Directeur exécutif Chaire etilab, Chercheur en économie, Mines Paris - PSL
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2024-03-06T16:08:59Z
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S’inspirer du Bauhaus, une école de design pionnière, pour gérer la transition verte
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/578918/original/file-20240229-16-p8z0hc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C3924%2C2358&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">L'école du Bauhaus à Dessau associait à une école d'architecture et de design des ateliers depuis lequels cette photo est prise.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://fr.wikipedia.org/wiki/B%C3%A2timent_du_Bauhaus_%28Dessau%29#/media/Fichier:Bauhaus_Dessau_2018.jpg">Aufbacksalami / Wikimedia Commons</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Depuis plusieurs années, les recherches et les formations conduites en partenariat avec les acteurs socio-économiques témoignent de leur mobilisation pour œuvrer aux transitions qu’appellent notre temps, au premier rang desquelles la transition verte. Ici un fournisseur de l’aéronautique développe une <a href="https://www.cgs.minesparis.psl.eu/presentation/option-ic/#:%7E:text=L%27option%20Ing%C3%A9nierie%20de%20la,innovation%20et%20aux%20projets%20industriels">nouvelle filière pour le recyclage de ses composants</a> ; là une entreprise soutient la <a href="https://www.cgs.minesparis.psl.eu/presentation/option-ic/">mobilisation collective pour réinventer les stations de ski</a> face au changement climatique ; ailleurs le <a href="https://e-shape.eu/index.php/co-design">co-design</a> permet aux acteurs de mobiliser la donnée satellitaire pour de nouveaux services à fort impact pour le développement durable. Certains travaillent à <a href="https://www.usinenouvelle.com/article/comme-un-air-de-revolution-chez-verallia.N2206927">alléger radicalement la bouteille en verre pour diminuer l’impact environnemental</a>, quand d’autres reconçoivent des socio-agro-écosystèmes avec de <a href="https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/rapports/cepestici/l16b2000-t1_rapport-enquete">meilleurs couplages alimentation-agriculture-environnement</a>.</p>
<p>À peine entamées, les nombreuses transitions semblent pourtant <a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2024/02/23/la-transition-ecologique-est-mal-partie_6218115_3234.html">déjà à la peine</a>. Les sciences de gestion nous indiquent que ces difficultés tiennent notamment au fait que manquent aujourd’hui les capacités à gérer collectivement l’inconnu. En effet il ne s’agit pas de suivre une <a href="https://www.seuil.com/ouvrage/sans-transition-jean-baptiste-fressoz/9782021538557">trajectoire prédéfinie</a> vers un état final bien connu, comme le laisserait penser l’origine de la notion de transition. Les transitions contemporaines sont des transitions vers l’inconnu : il s’agit d’inventer un futur soutenable face aux crises et aux limites des modes de développement passés. De la notion, on peut cependant conserver le caractère systémique : toutes les dimensions de l’action sont à réinventer.</p>
<p>Les transitions contemporaines appellent ainsi un renouvellement des sciences, des usages et modes de vie, des compétences, des régimes de collaboration et de solidarité, des responsabilités, des façons d’apprendre et de transmettre… Loin d’un <a href="https://theconversation.com/les-cornucopiens-sont-parmi-nous-mais-qui-sont-ils-210481">techno-solutionisme naïf</a>, le besoin de conception se révèle immense et sous-estimé, tant il porte sur des aspects qui dépassent les catégories usuelles de la R&D et de la technologie. Et les sciences de gestion nous alertent : gérer les efforts de conception collective pour les transitions dans l’inconnu suppose un changement de paradigme majeur pour le management.</p>
<h2>De la destruction créatrice à la préservation créatrice ?</h2>
<p>Longtemps le manager a été assimilé au décideur, un décideur qui ne verrait dans les transitions contemporaines que des dilemmes sacrificiels où chaque décision ne fait que des perdants, conduisant inexorablement à un durcissement des positions et des discours : l’emploi contre la biodiversité, la paix sociale contre l’environnement, la mobilité pour tous contre les motorisations décarbonées… Le manager-décideur sera ainsi tenté de trancher et d’assurer une acceptabilité sociale minimale.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1689581528014028800"}"></div></p>
<p>Cependant face à l’inconnu, il ne s’agit pas de décider mais de concevoir. Le manager-concepteur organise l’exploration collective pour imaginer de nouvelles alternatives plus durables, plus soutenables, plus résilientes. Ceci se fait en mobilisant l’ensemble des ressources inventives sciences-arts-industries-sociétés pour dessiner les prospérités et les puissances futures.</p>
<p>La gestion de l’inconnu a pu se développer fortement dans les départements d’innovation apparus dans les entreprises et les organisations ces dernières années. Mais la gestion des inconnus des transitions présente deux caractéristiques singulières.</p>
<p>D’une part, les transitions contemporaines posent la question de la préservation tant des ressources que du vivre-ensemble, des valeurs ou des modes de vie. Le régime d’innovation ne saurait ici être une création destructrice schumpétérienne mais bien plutôt une <a href="https://minesparis-psl.hal.science/hal-03418896/document">création préservatrice</a>.</p>
<p>D’autre part, les transitions impactent de très nombreux acteurs : citoyens, associations, politiques, universitaires, et, dans l’entreprise, les fonctions les plus variées. Il s’agit aujourd’hui de rendre tous ces acteurs concepteurs, bien au-delà du strict cadre des « experts de l’innovation ». En résumé, gérer les inconnus des transitions suppose une action collective qui soit une création préservatrice dans laquelle tous les acteurs peuvent être concepteurs.</p>
<h2>S’inspirer du Bauhaus, une école de design pionnière</h2>
<p>Ce management reste largement à inventer. Il a certes été <a href="https://www.johnljerz.com/superduper/tlxdownloadsiteMAIN/id592.html">régulièrement évoqué</a> dans les sciences de gestion mais il manquait alors les sous-bassements théoriques rendant compte de cette rationalité dans l’inconnu à la fois génératrice et préservatrice. Les <a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s00163-017-0275-2">progrès</a> de la <a href="https://www.tmci.minesparis.psl.eu/">théorie de la conception</a> et les <a href="https://www.pressesdesmines.com/produit/la-mission-de-lentreprise-responsable/">avancées</a> en <a href="https://www.te.minesparis.psl.eu/">gouvernance de l’entreprise</a>, ont contribué à élaborer des fondements plus solides, et ont ouvert la voie à l’exploration des formes, des méthodes, des responsabilités de ce management des inconnus des transitions.</p>
<p>Ces travaux ont éclairé la façon dont des collectifs pouvaient être créatifs car préservateurs en s’appuyant sur leur patrimoine de création. On entend par là un ensemble de savoirs et de règles d’action collective caractérisant ce qui est préservé pour renforcer les logiques créatives associées. Il s’agit aujourd’hui de permettre le déploiement de ces travaux, d’en assurer l’impact socio-économique et l’approfondissement scientifique.</p>
<p>Et si l’inspiration pour cela était puisée dans le monde des formations à la création ?</p>
<figure class="align-left zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/578917/original/file-20240229-30-cm5y8a.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/578917/original/file-20240229-30-cm5y8a.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/578917/original/file-20240229-30-cm5y8a.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=524&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/578917/original/file-20240229-30-cm5y8a.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=524&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/578917/original/file-20240229-30-cm5y8a.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=524&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/578917/original/file-20240229-30-cm5y8a.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=658&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/578917/original/file-20240229-30-cm5y8a.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=658&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/578917/original/file-20240229-30-cm5y8a.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=658&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Logo du Bauhaus, créé en 1922 par Oskar Schlemmer.</span>
</figcaption>
</figure>
<p>Face aux transformations socio-économiques du XX<sup>e</sup> siècle, l’école allemande du Bauhaus réunissait les théoriciens, maîtres de la forme, et les praticiens de la conception, maîtres de la matière, pour développer les forces créatives en combinant les logiques de formation, de recherche et d’impact. Avant qu’elle ne soit dissoute par les nazis, voyant dans ses réalisations un « art dégénéré », et que ses membres partent en exil, elle a construit un apport décisif pour le design, l’industrie et les arts.</p>
<p>Inspirée par ce Bauhaus, et avec le soutien de partenaires partageant l’esprit de ce projet, Mines Paris – PSL inaugure un <a href="https://bauhausdestransitions.minesparis.psl.eu/">nouveau « Bauhaus des transitions »</a>. Chercheurs, praticiens, dirigeants des collectifs inventifs pourront y développer les nouveaux langages (les « formes ») et les nouvelles pratiques (la « matière ») pour gérer les inconnus des transitions contemporaines, en écologie, santé, mobilité, matériaux, énergie, souveraineté industrielle ou encore espaces informationnels.</p>
<p>Ce Bauhaus des transitions du XXI<sup>e</sup> siècle se donne pour objectif de renouveler la culture gestionnaire en approfondissement les modèles de la générativité préservatrice et en expérimentant concrètement des projets à impact. Il se veut un espace pour des recherches-utopies sur de nouvelles formes d’action collective pour gérer l’inconnu en lien avec les autres disciplines scientifiques explorant les logiques génératives (data science, biologie, histoire, mathématiques, sciences de l’ingénieur…). Il s’inscrit dans les réseaux français, <a href="https://community.eelisa.eu/communities/bauhaus-new-ways-in-education-and-management/">européens</a> et mondiaux d’universités, d’entreprises et d’institutions publiques qui ont vocation à répondre aux défis posés par la gestion des inconnus des transitions.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/224797/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>
Les dynamiques créatives qui existaient au sein de l’école du Bauhaus pourraient-elles nous inspirer pour mieux gérer les inconnus des transitions ?
Pascal Le Masson, Professeur Mines Paris - PSL, Mines Paris - PSL
Benoit Weil, Professeur, Mines Paris - PSL
Blanche Segrestin, Professeur en Sciences de Gestion, Centre de Gestion Scientifique, Mines Paris - PSL
Sophie Hooge, Professeur en Sciences de Gestion, Mines Paris - PSL
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tag:theconversation.com,2011:article/224655
2024-03-04T16:59:23Z
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Injustice climatique : qu’est-on en droit d’exiger des pays du sud ?
<p>Dans un papier publié dans <em>Finance Research Letters</em> en 2021 avec ma collègue Sana Ben Abdallah intitulé <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S1544612321000453">« African firm default risk and CSR »</a>, nous mettions en évidence un lien entre le risque de défaut de l’entreprise africaine et sa stratégie environnementale. La stabilité des entreprises africaines est tributaire de la mise en œuvre d’une approche de développement durable. Bref, la performance environnementale de l’entreprise africaine a un coût et un impact sur sa stabilité. Les conséquences des risques climatiques ne peuvent donc pas être neutres sur la stabilité des entreprises du continent.</p>
<p>Or les émissions de CO<sub>2</sub> des pays riches sont comme le nuage de Tchernobyl : elles ne s’arrêtent pas aux frontières. Elles atteignent les pays pauvres et ont un impact significatif sur leur territoire. C’est ce qu’on appelle l’injustice climatique : le fait que les pays les plus touchés par les catastrophes naturelles sont généralement ceux qui ont le moins pollué.</p>
<p>L’Afrique, par exemple, contribue à <a href="https://donnees.banquemondiale.org/indicateur/EN.ATM.CO2E.PC?end=2020&locations=ZG&start=1990&view=chart">3 % des émissions mondiales de CO₂</a>. Et pourtant l’Afrique souffre de chaleurs extrêmes, de sécheresse, d’inondations, de cyclones, de tsunamis… dont elle n’est pas à l’origine. À cela s’ajoute que certaines zones, au Mali ou au Niger, sont <a href="https://www.criirad.org/wp-content/uploads/2017/08/uranium-criirad-bamako-fr.pdf">totalement irradiées</a>. Les maladies s’y étendent du fait des extractions massives d’uranium dans des conditions de sécurité précaires. La déforestation continue à défigurer le milieu naturel. À long terme, ces externalités négatives peuvent avoir un « effet boomerang » sur l’humanité entière.</p>
<p>Les États-Unis ont ainsi contribué à environ 17 % du réchauffement climatique entre 1850 et 2021. En revanche, l’Inde a contribué à hauteur de 5 % au réchauffement climatique au cours de cette période, bien que le pays ait une population bien plus nombreuse que les États-Unis. Au total, les pays du G20 ont contribué, jusqu’à présent, aux trois quarts environ du réchauffement climatique.</p>
<p><iframe id="JTuVP" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/JTuVP/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Ces changements violents sont également en train d’affecter la trajectoire de croissance du continent africain. Une baisse de la productivité agricole de 30 % apparaît comme une hypothèse plausible. Chaque catastrophe en Afrique conduit immédiatement à une hausse estimée selon les sources à 20 % de l’insécurité alimentaire. Si on ne fait rien, c’est une <a href="https://www.imf.org/fr/Blogs/Articles/2023/08/30/africas-fragile-states-are-greatest-climate-change-casualties">baisse d’au moins 30 % du PIB</a> à laquelle il faut s’attendre d’ici à 2050 sur la base des données du Fonds monétaire international (FMI).</p>
<h2>Le choc du MACF pour l’Afrique</h2>
<p>L’impact environnemental ne peut donc pas se mesurer de la même façon dans les pays industrialisés et dans les pays émergents. Dans la lutte contre le réchauffement climatique, on ne peut pas demander les mêmes efforts à la France et à l’Afrique du Sud, à l’Allemagne et au Brésil.</p>
<p>Or les pressions, les normes et les standards écologiques des pays riches sont fort contraignants pour les pays pauvres. Pourtant une transition écologique rapide est exigée comme en témoignent certaines conclusions de la COP 28 ou certaines directives et instruments réglementaires de l’Union européenne.</p>
<p>Prenons le cas du <a href="https://theconversation.com/concilier-ambition-climatique-et-concurrence-mondiale-quel-role-pour-le-mecanisme-dajustement-carbone-aux-frontieres-212927">mécanisme d’ajustement carbone aux frontières</a> (MACF) adopté par le Conseil de l’Union européenne (UE) qui est entré dans une phase d’essai le 1<sup>er</sup> octobre 2023 pour un démarrage effectif en 2026 : il s’agit d’un véritable choc pour l’Afrique partenaire commercial des Vingt-Sept. Le MACF exige des entreprises européennes de déclarer la teneur en carbone de leurs importations (acier, fer, ciment, aluminium, engrais, hydrogène, etc.).</p>
<p>Ce mécanisme imposera donc une taxe sur le CO<sub>2</sub> émis pour leur fabrication hors UE. Le résultat attendu serait une moindre compétitivité des exportations africaines et donc un frein à la croissance. Ironie du sort, l’Afrique aura, au bilan, moins de moyens pour assurer le financement de sa transition écologique. Or, l’Afrique est aujourd’hui face à une équation difficile mais pas impossible à résoudre : elle doit encourager la croissance <a href="https://www.uneca.org/fr/stories/les-six-principales-priorit%C3%A9s-de-l%E2%80%99afrique-%C3%A0-la-cop28">sans alimenter les émissions de CO₂</a>.</p>
<h2>Le risque de l’ethnocentrisme</h2>
<p>Le <a href="https://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/ethnocentrisme/31406">dictionnaire Larousse</a> définit l’ethnocentrisme comme :</p>
<blockquote>
<p>« [La] tendance à privilégier les normes et valeurs de sa propre société pour analyser les autres sociétés. »</p>
</blockquote>
<p>Or la <a href="https://theconversation.com/fr/topics/responsabilite-societale-des-entreprises-rse-21111">responsabilité sociétale des entreprises</a> (RSE) et plus généralement la transition écologique sont souvent lues sous le prisme des pays riches qui semblent en détenir les clés et les stratégies. Les centres de décision en la matière sont encore situés dans l’hémisphère nord. Ces enjeux ne peuvent pourtant pas se conjuguer au singulier mais doivent être abordés de manière ouverte sur un monde pluriel.</p>
<p>La <a href="https://theconversation.com/fr/topics/cop28-147549">COP28</a> de fin 2023 à Dubaï devait être l’élément correcteur de cet ethnocentrisme par une écoute plus attentive des pays les plus vulnérables. L’annonce très espérée d’un fonds de compensation des pertes et dommages climatiques dans les pays pauvres pourrait être un pas positif et certainement décisif pour une meilleure compréhension mutuelle et une correction de l’injustice climatique.</p>
<p>Or, depuis 2009, le Nord fait patienter le Sud. Rien n’est réglé pour l’heure. Seules des promesses de financement sont annoncées. Comment éviter alors la <a href="https://theconversation.com/cop28-un-an-apres-la-percee-sur-les-pertes-et-dommages-en-egypte-pays-riches-et-pays-pauvres-toujours-divises-218445">fracture du monde entre l’Occident et les pays du Sud</a> ?</p>
<h2>La piste des obligations vertes</h2>
<p>En attendant les fonds de compensation des pertes et dommages climatiques dans les pays pauvres, une partie de la solution à la crise climatique dans les pays émergents pourrait être les <a href="https://theconversation.com/comment-les-obligations-vertes-peuvent-elles-gagner-en-legitimite-162707">obligations vertes</a>. Cette finance s’appuie sur une levée de fonds pour des projets respectueux de l’environnement, comme les énergies renouvelables ou les transports propres.</p>
<p>La plupart des obligations vertes de l’Afrique ont été <a href="https://www.afdb.org/fr/news-keywords/green-bonds-program">émises par la Banque africaine de développement</a> (BAD). Le Maroc, l’Égypte, le Kenya, le Nigeria et l’Afrique du Sud sont parmi les plus dynamiques. Les fonds collectés visent à se protéger notamment de la montée du niveau de la mer ou encore soutenir des projets d’énergie solaire.</p>
<p>Pour le moment les obligations vertes émises en Afrique ne représentent qu’une petite partie du marché obligataire mondial et 0,17 % du total des émissions mondiales sur la période 2014-2022, l’équivalent de 2 136 milliards de dollars. En Amérique latine, cette part ne représente que 1,76 % sur la même période. Les émissions mondiales sont dominées par l’Europe, l’Asie et l’Amérique du Nord à plus de 70 %. Elles présentent un réel potentiel pour aider les pays en développement à évoluer vers des économies plus vertes et plus égalitaires mais la profondeur du marché reste faible.</p>
<p><iframe id="S1zzD" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/S1zzD/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Les autres solutions financières peuvent concerner les fonds de la diaspora africaine qui s’élèvent à <a href="https://www-statista-com.skema.idm.oclc.org/statistics/962857/remittances-to-sub-saharan-african-countries/">presque 100 milliards de dollars</a> US en 2021. Il s’agit d’une opportunité pour les banquiers africains. Le montage serait le suivant. Les banques collectent et transforment une partie de cette manne en crédits verts financés par des encouragements des États grâce aux Fonds de compensation des pays riches.</p>
<h2>La solution n’est pas que financière</h2>
<p>À moyen et long terme, la transition écologique exige tout un écosystème à mettre en place dans les pays pauvres concernés. Il passe par trois éléments clés.</p>
<p>L’éducation et la certification en économie et finance verte et durable. Cela consiste à former de vrais spécialistes des risques climatiques et de la transition écologique et numérique dans des programmes spécialisés au sein des universités en relation avec la recherche en cours.</p>
<p>L’implication de la société civile, des ONG, des think tanks. En Afrique, par exemple, un Observatoire africain de la finance durable semble plus qu’utile pour unifier et adapter les réglementations internationales en cours. De même que des Conseils nationaux de la RSE réunissant toutes les parties prenantes semblent plus qu’utiles pour accompagner et dessiner des stratégies nationales cohérentes face aux exigences de l’Europe.</p>
<p>La recherche d’instruments de mesure d’impact à l’adresse des entreprises, des banques et des organisations afin de mesurer les progrès en matière de développement durable. Cette métrique mérite d’être adaptée aux entreprises des pays émergents afin que la transition E-S-G (environnement-social-gouvernance) évite tout ethnocentrisme et toute injustice. Cette contextualisation devrait en effet <a href="http://spiscore.com/home">tenir compte du S et du G</a> dans des pays qui subissent des impacts sur le E, sans en être véritablement responsables.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/224655/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Dhafer Saidane ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>
Les pays les plus touchés par les catastrophes naturelles sont généralement ceux qui ont le moins pollué depuis 1850.
Dhafer Saidane, Full Professor - Head of the Msc Corprate Financial Management - Lille and Suzhou, SKEMA Business School
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2024-02-07T15:42:30Z
2024-02-07T15:42:30Z
Une croissance moins polluante ? Encore faut-il savoir ce que l'on entend par croissance…
<p>À mesure que le changement climatique se fait une place dans le débat politique et économique, les discussions se polarisent de plus en plus autour de la possibilité ou non d’un « découplage ». Derrière ce terme, une question simple : la réduction des impacts environnementaux peut-elle avoir lieu en même temps que l’on continue à faire croître les systèmes économiques ? Un récent <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S092180092300263X">article de Gregor Semieniuk</a>, économiste à la Banque mondiale en aborde un aspect crucial et sous-discuté : mesurons-nous correctement l’activité économique ?</p>
<p>Le « découplage » est celui de deux courbes, dont on veut savoir si elles peuvent se séparer, voire évoluer, de manière contraire : celle des <a href="https://theconversation.com/topics/emissions-de-co2-63765">émissions de gaz à effet de serre</a>, et celle de la croissance économique, c’est-à-dire la variation du <a href="https://theconversation.com/topics/produit-interieur-brut-pib-48857">produit intérieur brut</a> (PIB) réel : peut-on voir croître la courbe du PIB réel dans le temps, tandis que celle des émissions augmente moins vite (« découplage relatif »), voire baisse (« découplage absolu ») ? On considère ici le PIB réel car il rend les différentes années comparables en tenant compte de l’inflation (contrairement au PIB nominal). C’est toujours le PIB réel dont il est question lorsque l’on manipule des séries temporelles.</p>
<p>Le plus souvent dans le débat sur le découplage, la focale est portée sur la question des émissions de gaz à effet de serre (EGES) ou de l’énergie et donc sur le seul problème climatique. Or, il ne s’agit que d’une seule des <a href="https://www.stockholmresilience.org/research/planetary-boundaries.html">neuf limites planétaires</a> identifiées aujourd’hui par la communauté scientifique. Il y a théoriquement autant de débats sur le « découplage » que d’indicateurs environnementaux dont on regarde l’évolution dans le temps : consommation d’énergie, extraction de matière première, empreinte environnementale générale, etc.</p>
<p>Chacun de ces indicateurs environnementaux, il faut le souligner, fait l’objet de questionnements sur la pertinence de la mesure, sur sa fiabilité, sur sa construction. Les scientifiques cherchent à savoir si l’on mesure bien ce que l’on espère mesurer et si les phénomènes sont bien captés par la statistique. Entend-on, par exemple, par émissions d’un pays celles liées à ce qui est produit sur son territoire ou bien à ce qui est consommé par ses habitants, ce qui inclut les émissions liées aux biens importés ?</p>
<p>Le PIB, lui, est à l’inverse toujours pris comme allant de soi. L’usage de cet indicateur reste <a href="https://books.openedition.org/pressesmines/928">rarement interrogé</a>. Or, à quel point les séries de PIB donnent-elles une représentation « juste » de nos économies ? Le fait est que lorsque l’on prend en compte l’incertitude statistique liée à la « bonne » mesure de l’activité économique, la marge d’erreur sur l’identification d’un « découplage » augmente. Et avec elle, l’incertitude ou la prise de risque, liée aux stratégies de « croissance verte », par opposition aux <a href="https://www.dila.premier-ministre.gouv.fr/actualites/presse/communiques/faut-il-attendre-la-croissance-1500">paradigmes de sobriété, de post-croissance ou de décroissance</a>. L’article récemment publié par Gregor Semieniuk aborde justement la question de cette manière : mesure-t-on correctement l’activité économique ou, dit autrement, le PIB est-il un indicateur fiable pour cela ?</p>
<h2>Des conventions et des erreurs qui se cumulent</h2>
<p>On peut identifier différentes étapes critiques dans le calcul du PIB, qui pourraient mener à une incertitude quant à sa valeur dans le cadre du débat sur le découplage. Premièrement se pose la question du périmètre. Au fil du temps, les conventions comptables ont <a href="https://www.editionsladecouverte.fr/les_nouveaux_indicateurs_de_richesse-9782707190635">élargi les domaines d’activités dans le calcul</a>, pour des raisons souvent techniques mais aussi sociopolitiques. Par exemple, les activités financières n’ont été ajoutées qu’en 1968 aux recommandations de calcul de comptabilité nationale. Avant cela, elles ne « comptaient » pas dans l’indicateur, car considérées comme improductives. De même en 1977, ce sont les services rendus par les administrations publiques qui ont été incluses au périmètre du PIB, témoignant de changements importants, en particulier dans l’idée que les activités publiques produisent des richesses.</p>
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<p>Deuxièmement, certaines productions n’ont pas de prix de marché, et leur valeur est, par convention, associée à leur coût de production. C’est le cas précisément de ces services non marchands fournis par les administrations publiques. Une production assurée par un service public vaut ainsi en général moins que la même production assurée par une entreprise privée, le coût de production étant inférieur au prix de marché, qui intègre, quant à lui, le profit.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/563372/original/file-20231204-21-ms2mxo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/563372/original/file-20231204-21-ms2mxo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/563372/original/file-20231204-21-ms2mxo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=956&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/563372/original/file-20231204-21-ms2mxo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=956&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/563372/original/file-20231204-21-ms2mxo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=956&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/563372/original/file-20231204-21-ms2mxo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1201&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/563372/original/file-20231204-21-ms2mxo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1201&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/563372/original/file-20231204-21-ms2mxo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1201&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<p>Troisièmement, et c’est une étape absolument décisive, on calcule le PIB « réel », aussi appelé « en volume », en le corrigeant de l’évolution des prix pour permettre une analyse dans le temps. En France, l’Insee reste relativement <a href="https://laviedesidees.fr/Derriere-les-chiffres-de-l-inflation">discret sur ses méthodes de calcul de l’inflation</a>. Les biens et services composant le panier sur lequel l’indicateur des prix est construit sont, par exemple, toujours secrets. Cela est notamment l’héritage d’enjeux et de pressions politiques très fortes sur sa valeur : le lecteur ou la lectrice imagineront sans peine l’intérêt que pourrait avoir un gouvernement à mesurer une inflation faible quand les prestations sociales, les pensions ou autres salaires minimums y sont indexés.</p>
<p>La philosophie elle-même du calcul de l’inflation a drastiquement évolué dans le temps, passant d’un indicateur représentatif d’une famille ouvrière « type » de la région parisienne, à un indicateur qui ambitionne de représenter le coût de la vie pour un consommateur « moyen » théorique. Ces conventions ont chacune leur légitimité, mais il faut avoir conscience que l’inflation dans sa définition actuelle mesure une sorte de coût de la vie qui n’est ressenti par personne <em>stricto sensu</em>.</p>
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<p>Outre la composition du panier de biens et services, le calcul de l’inflation fait aussi l’objet de conventions quant à la manière de tenir compte de variations dans la composition du panier de biens et services, en particulier les variations de qualité. Les débats sont toujours actifs autour de sa « bonne » mesure, et certaines estimations varient, au niveau international, du simple au double, souvent à la baisse.</p>
<p>Imaginons bien ce que cela représente : si l’inflation est plus forte ou plus basse de X points de pourcentage, alors le PIB déflaté, celui que l’on manipule tous les jours et pour toutes les comparaisons historiques, accuse une erreur dans les mêmes proportions chaque année, et donc de manière cumulative ! Sans même mentionner le <a href="https://www.researchgate.net/publication/332798819_Real_GDP_The_Flawed_Metric_at_the_Heart_of_Macroeconomics">problème des prix relatifs</a> qui changent dans le temps et qui modifient sensiblement les valeurs des séries historiques selon le point de référence.</p>
<h2>Découplage ou recouplage ? Cela dépend en partie de la définition</h2>
<p>Dans cette discussion sur la confiance que l’on peut accorder au PIB dans le débat sur le découplage, les <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S092180092300263X">travaux</a> de Gregor Semieniuk sont les premiers, à notre connaissance, à regarder l’impact des différentes définitions du PIB, élaborées au fil du temps, sur les résultats de découplage. L’auteur retrace ainsi les différentes séries de PIB proposées au fil du temps et les « révisions structurelles » adoptées, et qui concernent la méthode de calcul, son périmètre ou l’année de référence pour l’inflation.</p>
<p>La tendance est claire : plus les définitions sont récentes, plus le PIB actuel est élevé, et plus la croissance passée est forte (le graphique présenté plus haut dans l’article, tiré de l’étude de Semieniuk, en donne une illustration pour les définitions de 1978 et de 2018). Cela pose cependant la question redoutable de la « bonne » définition pour se représenter notre histoire économique : celle de 1950 ou celle de 2020 ? Celle de 1950 était assurément jugée plus pertinente à l’époque pour décrire l’économie. Chaque version est heuristique au moment où elle a été élaborée.</p>
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<p>Or, les résultats de « découplage » ou de « recouplage » varient grandement selon les séries de PIB utilisées. Avec les définitions récentes, la croissance historique est plus forte qu’avec une définition plus « industrielle » du PIB, et il est donc plus aisé pour la courbe associée de s’écarter de celle des impacts environnementaux. Ce second graphique, tiré aussi de l’étude de Semieniuk, illustre cela avec l’énergie : dans un cas, les statistiques renvoient l’image d’une économie qui a besoin de 50 % de moins d’énergie pour produire une unité de richesse. Dans l’autre, le progrès n’a été que de 30 %. Le seul changement est la définition de l’indicateur de mesure de l’économie – le PIB.</p>
<p>On peut ainsi comparer les différents résultats de « découplage » selon les définitions du PIB dans le temps. En changeant simplement la mesure de l’activité économique, que l’on prend d’habitude pour évidente, Semieniuk transforme pour certains pays des découplages en recouplages, et vice-versa (!). Plus la définition est ancienne, plus les pays passant à la situation de découplage sont nombreux, mais en moyenne ce sont 10 à 30 pays qui passent d’une situation à son opposé en termes de découplage lorsque l’on change la définition du PIB, alors qu’on peut considérer qu’il s’agit là d’un artefact statistique.</p>
<h2>Comparer dans le temps et dans l’espace</h2>
<p>Un degré supplémentaire de confusion s’ajoute lorsque l’on souhaite comparer différents pays. Idéalement, les séries de PIB doivent être comparables d’un pays à l’autre et ne pas dépendre des différences induites par les monnaies nationales. L’idée est qu’un même PIB par habitant représente un même niveau de vie, c’est-à-dire l’accès à un même ensemble de biens et services « types ». Pour cela, on recourt aux données en « parité de pouvoir d’achat » (PPA), dont la méthodologie est encore plus délicate que celle de la mesure de l’inflation : comment comparer rigoureusement les « pouvoirs d’achat » dans tous les pays du monde, alors que les cultures de consommation sont peu comparables ?</p>
<p>À nouveau, on retrouvera différentes mesures dont les conventions ont évolué au fil du temps. Et lorsque l’on analyse les données pour un même pays, les taux de croissance et la valeur du PIB en PPA dans leurs différentes versions produisent des résultats parfois sensiblement éloignés. A priori, le principe de la PPA est plus juste pour les comparaisons internationales qu’une simple conversion des monnaies nationales en dollar car les taux de change varient selon les années et pour des raisons parfois simplement spéculatives. Cependant, il demande un certain numéro d’équilibrisme méthodologique.</p>
<p>Cela nous amène à une autre conséquence, notamment pour les pays où les statistiques sont fragiles : si les taux de croissance des pays du Sud sont sur ou sous-estimés, cela implique des changements majeurs dans la crédibilité des réductions d’émissions qu’on leur demande dans les scénarii de lutte contre le changement climatique. Un PIB surévalué porte un regard très optimiste sur les tendances passées de performance environnementale comparée à la performance économique, et les tendances vont être prolongées dans les modèles de transition, utilisés notamment par le GIEC.</p>
<p>Rappelons, pour finir, que l’étude de Gregor Semieniuk ne regarde qu’un seul des différents aspects de la définition du PIB (celui des prix relatifs). Mettre sur la table la question de la crédibilité du calcul du PIB et, surtout, celle de sa nécessaire et si délaissée interprétation, ouvre la porte à davantage de remises en question de la manière dont on se représente le chemin parcouru par nos économies, et celui qui nous reste à parcourir vers l’atténuation du changement climatique. Sa signification, si souvent présentée comme évidente, est en réalité un délicat problème. Plus généralement encore se pose la question de ce que la croissance du PIB peut réellement dire sur la santé et l’évolution de l’activité économique. Dans quelle mesure nous racontons-nous des histoires ?</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/219151/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>
Que les émissions de CO₂ ne suivent plus l’évolution du PIB, pourquoi pas ? Les conclusions en la matière varient néanmoins du tout au tout selon la façon dont on appréhende cet indicateur économique.
Albert Bouffange, Doctorant en économie, Sciences Po Lyon
Baptiste Andrieu, Doctorant en sciences de la terre et de l'environnement, Université Grenoble Alpes (UGA)
Florence Jany-Catrice, Professeur d'économie à l'Université de Lille, co-titulaire de la chaire Reconversion écologique, travail, emploi et politiques sociales du Collège d'études mondiales, FMSH., Fondation Maison des Sciences de l'Homme (FMSH)
Pierre-Yves Longaretti, Chercheur CNRS dans l'équipe "Soutenabilité, Territoires, Environnement, Économie et Politique", Inria
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/221644
2024-02-04T15:34:11Z
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Quelle place pour les arts et la culture dans les transitions territoriales ?
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/572415/original/file-20240131-17-5t6k7.png?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C1016%2C673&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Cinema Usera (Madrid). Un espace culturel ouvert sur le quartier, lieu de rencontre et de participation pour les habitants.</span> <span class="attribution"><span class="source">Todo Por La Praxis. TXP</span></span></figcaption></figure><p>« L’être humain dispose d’un pouvoir d’imaginer, qui est aussi un pouvoir de configurer le monde », nous dit le psychanalyste <a href="http://www.leseditionsdeminuit.fr/livre-Qu%E2%80%99est_ce_que_l%E2%80%99hypnose__-2253-1-1-0-1.html">François Roustang</a>. Et dans un monde marqué par une succession de <a href="https://www.seuil.com/ouvrage/la-crise-sans-fin-myriam-revault-d-allonnes/9782021054040">« crises sans fin »</a>, le pouvoir des imaginaires joue à plein pour inventer les récits et les scénarios du « monde d’après ».</p>
<p>La sociologue <a href="http://www.fondationecolo.org/activites/publicationfep/Les-recits-de-l-effondrement">Alice Canabate</a> identifie trois grands scénarios. Le scénario de l’effondrement, fataliste voire mortifère, se fonde sur l’hypothèse d’un <a href="http://www.editionslesliensquiliberent.fr/livre-L_Entraide-566-1-1-0-1.html">« effondrement systémique »</a> imminent. La disparition des énergies fossiles, le manque de ressources et l’augmentation des inégalités compromettraient l’ensemble de nos systèmes civilisationnels. Dans ce scénario, certains n’hésitent pas à appeler à un <a href="https://www.lepassagerclandestin.fr/catalogue/essais/pour-en-finir-avec-les-grandes-villes-manifeste-pour-une-societe-ecologique-post-urbaine/">démantèlement immédiat des métropoles</a>. Les grandes villes, qui étaient pensées jusque-là comme les berceaux des civilisations, sont désormais considérées comme des <a href="https://www.fnac.com/a13554851/Guillaume-Faburel-Les-metropoles-barbares-Demondialiser-la-ville-desurbanis?oref=00000000-0000-0000-0000-000000000000&Origin=SEA_GOOGLE_PLA_BOOKS&esl-k=google-ads%7Cnx%7Cc%7Cm%7Ck%7Cp%7Ct%7Cdc%7Ca20111491090%7Cg20111491090&gad_source=1&gclid=EAIaIQobChMI49Pptez4gwMVzRoGAB30-grvEAQYASABEgJ2e_D_BwE&gclsrc=aw.ds">infrastructures « barbares »</a> et responsables de l’effondrement du vivant et de nos écosystèmes naturels.</p>
<p>Un deuxième scénario, technologiste, invite à conforter nos régimes dominants, en accélérant les solutions techniques susceptibles de soutenir une croissance économique verte. C’est bien évidemment le <a href="https://theconversation.com/elon-musk-le-singe-et-les-trois-cochons-une-fable-transhumaniste-164418">scénario dominant</a>, avec en toile de fond une magnifique stratégie de déni. Dans ce scénario on reste fasciné par les très grands projets, qui célèbrent les progrès techniques et qui créent l’illusion que nous maîtrisons encore notre avenir. On pense aux projets de smart cities, à l’image du projet <a href="https://transsolar.com/fr/projects/abu-dhabi-masterplan-masdar-city">Masdar city</a> aux Émirats Arabes Unis, qui vise à créer une ville écologique… en plein désert.</p>
<p>Le troisième scénario, plus timide, prend progressivement de l’ampleur. Ce scénario, sociétal, mise sur nos capacités d’action collective, de résilience et de créativité. Face à des institutions publiques dépassées par l’ampleur des crises, des mouvements écologistes, scientifiques ou culturels appellent à une « grande transition » et à une transformation radicale de nos régimes sociotechniques et politiques.</p>
<h2>Des politiques publiques dans l’impasse : la ZAN</h2>
<p>Dans ce troisième scénario, nos élus et nos décideurs sont fortement sollicités afin de concevoir des politiques publiques en mesure de <a href="https://theconversation.com/pourquoi-il-est-si-important-de-preserver-la-sante-de-nos-sols-175934">limiter drastiquement l’artificialisation des sols</a>, la destruction de la <a href="https://theconversation.com/limiter-lartificialisation-des-sols-pour-eviter-une-dette-ecologique-se-chiffrant-en-dizaines-de-milliards-deuros-166073">biodiversité</a>, l’usage des ressources naturelles et des énergies fossiles. Un des exemples actuels concerne les objectifs de « zéro artificialisation nette » (ZAN), les <a href="https://www.ecologie.gouv.fr/artificialisation-des-sols">objectifs ZAN, fixés par la loi Climat et résilience de 2021</a>. Cette loi vise à lutter contre l’étalement urbain, dans la mesure où <a href="https://www.ofb.gouv.fr/lartificialisation-des-sols">l’artificialisation des sols</a> a des conséquences néfastes sur les écosystèmes naturels, le changement climatique, la qualité de l’air ou de l’eau.</p>
<p>Mais la mise en œuvre des <a href="https://theconversation.com/objectif-zan-comment-tenir-les-comptes-181731">objectifs ZAN</a> s’avère particulièrement complexe. Certains élus, s’opposent frontalement à cette loi, arguant du fait qu’elle serait essentiellement imposée par les élites et les technocrates parisiens, à des élus des territoires ruraux. <a href="https://www.sudouest.fr/economie/btp/zero-artificialisation-nette-une-loi-ruralicide-laurent-wauquiez-annonce-que-sa-region-sort-du-dispositif-16869224.php">Une loi « ruralicide »</a> selon ses détracteurs, qui empêcherait toute possibilité de développement futur des territoires de faible densité.</p>
<p>On touche là au cœur du sujet ! Le cœur du sujet, ce n’est évidemment pas quelques stratégies et positionnements politiques, le cœur du sujet c’est que les objectifs ZAN (et les politiques publiques qui devront être mises en œuvre dans la lignée des transitions), vont remettre en cause nos représentations, nos croyances, nos pratiques, nos modes de vie, nos mythes, nos traditions, nos valeurs, nos manières d’habiter.</p>
<p>Ce que nous dit la ZAN, c’est qu’il faut transformer nos imaginaires aménageurs fondés depuis plus d’un siècle sur la compétitivité, l’attractivité, la verticalité de nos institutions, la métropolisation, l’extension continue et la prédation sans limites des ressources naturelles et du vivant.</p>
<p>Ce que nous dit la ZAN, c’est qu’il est grand temps de prendre la mesure de ce que déclarait le poète Paul Valéry il y a près d’un siècle : « Le temps du monde fini commence ».</p>
<p>Ce que nous dit la ZAN, c’est que les transitions sont beaucoup moins une affaire technique, technologique ou réglementaire, qu’une affaire culturelle !</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/572419/original/file-20240131-19-15iaxy.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/572419/original/file-20240131-19-15iaxy.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/572419/original/file-20240131-19-15iaxy.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/572419/original/file-20240131-19-15iaxy.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/572419/original/file-20240131-19-15iaxy.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/572419/original/file-20240131-19-15iaxy.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/572419/original/file-20240131-19-15iaxy.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Fresque de Mioshe & Bureau cosmique dans le cadre de Traversées et escales. Organisé par Cuesta, Vallée de la Vilaine, 2015.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Franck Hamon</span></span>
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<h2>Pour une culture des transitions</h2>
<p>C’est là l’hypothèse centrale de mon ouvrage <a href="https://www.lucasrecherche.fr/2024/01/23/pre-commandez-pour-une-culture-des-transitions-un-livre-de-raphael-besson/"><em>Pour une culture des transitions</em></a>. Les transitions des territoires ont une dimension éminemment culturelle. Pour le dire autrement, et en reprenant l’intitulé des dernières rencontres nationales des agences d’urbanisme : <a href="https://www.horizonspublics.fr/revue/ete-2023/la-culture-et-la-reorientation-ecologique-des-territoires">« NO CULTURES, NO FUTURES ! Pas de réorientation écologique sans recomposition culturelle des territoires »</a>.</p>
<p>Nous ne transformerons pas nos territoires pour répondre aux enjeux des transitions :</p>
<ul>
<li><p>sans recomposer nos imaginaires aménageurs, fondés sur le pavillonnaire, la maison individuelle et l’extension sans limite de nos métropoles,</p></li>
<li><p>sans mettre en œuvre une <a href="https://www.cairn.info/revue-nectart-2021-1-page-92.htm">culture de la coopération</a>, seule à même d’assurer la survie des communs,</p></li>
<li><p>sans adopter une lecture renouvelée de l’économie, c’est-à-dire une économie ré-encastrée dans les enjeux sociaux, culturels et environnementaux des territoires,</p></li>
<li><p>sans une réécriture collective des récits, des valeurs et de régimes de gouvernance qui fondent nos sociétés,</p></li>
<li><p>sans éprouver d’autres modes de faire, d’autres manières d’habiter et de penser les rapports que nos sociétés entretiennent avec le vivant humain et non humain,</p></li>
<li><p>sans réinventer le récit du progrès et du solutionnisme technologique,</p></li>
<li><p>sans réinventer le récit des sciences en société.</p></li>
</ul>
<p>Les transitions ne pourront être pensées et déployées sans une réflexion sur les transformations culturelles induites sur les modes de vie, les valeurs, les représentations, les <a href="https://ojs.uclouvain.be/index.php/emulations/cfp/appel-emotions-transition-ecologique">émotions et les imaginaires</a>. Il est donc grand temps de penser une culture des transitions !</p>
<p>Dans ce processus, nul doute que les arts et la culture ont une place à prendre. Car les connaissances scientifiques et les <a href="https://www.ecologie.gouv.fr/publication-du-6e-rapport-synthese-du-giec">rapports du GIEC</a> qui décrivent inlassablement l’effondrement du monde n’ont pas eu les effets escomptés sur des prises de décisions politiques radicales. Des décisions à la hauteur de la <a href="https://diffusionregionaledulivre.fr/boutique/autres-themes/sciences-humaines/vulnerabilites-et-territoires/">vulnérabilité de nos territoires</a> : dépendance énergétique et alimentaire, canicules et îlots de chaleur, pics de pollution, surdensification, destruction de la biodiversité, etc. Il n’est donc pas certain que l’accroissement de la quantité des connaissances produites, augmente mécaniquement la capacité des institutions et des individus à agir et à se transformer.</p>
<p>Face à ce constat, des <a href="https://www.liberation.fr/forums/artistes-architectes-urbanistes-ecologues-osez-la-post-disciplinarite-20231108_FIPVENDVDNE2TID4GOQFNOXKRQ/">collectifs d’artistes, des chercheurs, des urbanistes, des architectes, des responsables associatifs, des intellectuels</a>, mais aussi le <a href="https://r.assets.developpement-durable.gouv.fr/mk/mr/sh/7nVTPdZCTJDXP4eFSSYZAZaBWei6p9d/BS3x3dk-GES5">ministère de la Culture, le ministère de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires, le Plan urbanisme construction architecture</a> (PUCA), des agences de l’État comme <a href="https://www.liberation.fr/forums/lart-dans-la-crise-climatique-quatre-messages-pour-dans-cinquante-ans-20221206_PWGHOEV5RNAP3BGP7KD2OC5USY/">l’ADEME (Agence de l’Environnement et de la Maîtrise de l’Energie)</a> ou <a href="https://agence-cohesion-territoires.gouv.fr/ANCTour/ressources/ecologie-resilience">l’ANCT</a> (Agence nationale de la cohésion des territoires), prennent conscience des limites des approches académiques, technocentrées ou réglementaires des transitions, et se tournent vers les arts et la culture.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/572417/original/file-20240131-21-wsz67f.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/572417/original/file-20240131-21-wsz67f.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=337&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/572417/original/file-20240131-21-wsz67f.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=337&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/572417/original/file-20240131-21-wsz67f.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=337&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/572417/original/file-20240131-21-wsz67f.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/572417/original/file-20240131-21-wsz67f.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/572417/original/file-20240131-21-wsz67f.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Séance de co-construction du LUCAS (Laboratoire de recherche collaborative et indisciplinée qui explore et met en œuvre une culture de la coopération au service des transitions culturelles et territoriales) dans le Nord-Pas-de-Calais.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Louise Robert</span></span>
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<h2>Pour une politique culturelle des transitions territoriales</h2>
<p>On observe actuellement une sorte de convergence des luttes et des réflexions qui tentent de penser les liens entre art, culture, territoires et transitions. Les approches culturelles des transitions se déploient progressivement. Elles sont portées par une diversité d’acteurs : des collectifs d’artistes, des <a href="https://podcast.ausha.co/lucas/art-ecologie-et-urbanisme">collectifs d’architectes et d’urbanistes</a>, des coopératives culturelles, comme le <a href="https://polau.org/">POLAU (Pôle Arts & urbanisme)</a>, la coopérative d’urbanisme culturel <a href="https://cuesta.fr/fr">CUESTA</a>, <a href="https://www.anpu.fr/">l’Agence Nationale de Psychanalyse Urbaine</a>, le <a href="https://bureaudesguides-gr2013.fr/">Bureau des Guides</a>, le <a href="https://www.cabanonvertical.com/">Cabanon Vertical</a>… Mais aussi par des <a href="https://hacnum.org/">centres d’arts numériques</a> et de <a href="https://quaidessavoirs.toulouse-metropole.fr/arts-sciences/">culture scientifique</a>, des <a href="https://laplateforme.io/innovation-lab/">résidences de création collaborative</a>, des <a href="https://www.lafriche.org/parcours/la-biodiversite-a-la-friche/">friches culturelles</a>, des <a href="https://www.cairn.info/revue-nectart-2023-2-page-74.htm">lieux intermédiaires et autres Tiers lieux culturels</a>.</p>
<p>Ces approches disparates participent à la création <a href="https://palaisdetokyo.com/exposition/reclamer-la-terre/">d’expositions</a>, de spectacles, de <a href="https://utopia.lille3000.com/event/les-vivants/">conférences</a> ou de <a href="https://cuesta.fr/fr/projets/s-entrainer-sans-trainer">performances artistiques</a> qui se réclament d’un art écologique. Mais elles permettent aussi de produire des <a href="https://polau.org/incubations/les-auditions-du-parlement-de-loire/">expériences qui défendent la personnalité juridique des fleuves</a>, de créer des <a href="https://www.fabt.fr/">entreprises de territoire</a> ancrées dans les enjeux sociaux et environnementaux, de concevoir des <a href="https://www.loireforez.fr/connaitre-agglo/actions-projets/projet-culturel-de-territoire-developper-la-vie-culturelle-locale/">projets culturels orientés sur les transitons territoriales</a>, de développer des <a href="https://metropolitiques.eu/De-la-critique-theorique-au-faire-la-transformation-du-droit-a-la-ville-a.html">laboratoires citoyens</a> ou de <a href="https://www.lafriche.org/magazine/la-friche-lance-son-laboratoire-le-labofriche/">recherche collaborative</a>. Certaines approches vont jusqu’à tenter de « <a href="https://www.anpu.fr/-Les-etudes-de-cas-.html">coucher les villes et les territoires sur le divan</a>, [afin de] détecter les névroses urbaines et proposer des solutions thérapeutiques adéquates ».</p>
<p>Bien que ces approches soient diverses, elles se retrouvent autour d’une vision élargie de la notion de culture. Ces pratiques artistiques et culturelles ne se limitent pas aux Beaux-arts, aux œuvres académiques ou aux disciplines artistiques. Elles défendent une vision « anthropologique de la culture » et une « culture vivante » en mesure d’opérer des échanges permanents avec des savoirs, des valeurs, des savoir-faire et des phénomènes culturels du quotidien issus d’individus « ordinaires ».</p>
<p>En plaçant les arts et la culture au cœur des transformations sociétales, elles participent à produire toute une série de ressources, qui vont s’avérer décisives dans l’enclenchement d’une dynamique de transition territoriale. Elles favorisent l’encapacitation citoyenne, le développement de communautés, la transformation des imaginaires et des modes de faire, la création de nouveaux récits de territoire et de projets hybrides et ancrés localement, situés à l’articulation d’enjeux sociaux, économiques, environnementaux et culturels. Ces approches perturbent les modes de faire habituels de nos institutions publiques, en les initiant à des modes de conception et de gestion plus coopératifs, davantage sensibles aux contributions citoyennes et aux ressources latentes des territoires.</p>
<p>Cependant, et au-delà d’un rôle de perturbatrices institutionnelles, les approches culturelles des transitions éprouvent des difficultés à essaimer en dehors du cadre spatial, temporel et sectoriel des expérimentations. Elles peinent à agir sur les grands projets de territoire (<a href="https://outil2amenagement.cerema.fr/le-plan-local-d-urbanisme-plu-plui-r37.html">PLUI (Plan Local d’Urbanisme</a>, <a href="https://www.ecologie.gouv.fr/scot-projet-strategique-partage-lamenagement-dun-territoire">SCoT (schéma de cohérence territoriale)</a>, <a href="https://outil2amenagement.cerema.fr/le-plan-climat-air-energie-territorial-pcaet-r438.html">PCAET (Plan climat-air-énergie territorial)</a>, <a href="https://agriculture.gouv.fr/quest-ce-quun-projet-alimentaire-territorial">PAT (Projet Alimentaire Territorial</a>, <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Sch%C3%A9ma_r%C3%A9gional_de_d%C3%A9veloppement_%C3%A9conomique">SRDEII (Schéma Régional de Développement Economique, d’Innovation et d’Internationalisation)</a>, etc.), et à créer un nouveau système de normes et de valeurs au cœur des régimes dominants de l’action publique territoriale. Si ces expériences ne peuvent à elles seules concentrer tous les objectifs de transition des territoires, elles révèlent néanmoins les limites d’un modèle de <a href="https://www.jstor.org/stable/24582453">« gouvernement par l’expérimentation »</a>. Ce modèle a souvent pour effet de créer des expériences isolées, précaires et éphémères, qui mises bout à bout peinent à bâtir de grands projets de territoire intégrés et pérennes.</p>
<p>Il nous semble par conséquent urgent de créer une nouvelle catégorie de politique publique en mesure d’accompagner, de structurer, de légitimer, de pérenniser, et in fine d’institutionnaliser ces approches culturelles des transitions. Un nouveau champ de politique culturelle, dédié au rôle que les institutions publiques et leurs partenaires souhaitent faire jouer aux pratiques culturelles et artistiques pour accompagner la transition des territoires et la transformation de leurs politiques publiques.</p>
<p>En tout état de cause, cette politique culturelle des transitions territoriales devra s’envisager autour d’une action publique culturelle nationale, interministérielle et territorialisée. Elle devra bénéficier d’un portage politique d’ensemble. Il est urgent que les élus se saisissent pleinement des transitions et apprennent à refaire de la <a href="https://www.cairn.info/faire-culture--9782706150111-page-110.htm">« politique avec les cultures »</a>. Mais les citoyens doivent, eux aussi, se préparer à refaire de la politique. Car une politique culturelle des transitions territoriales doit se penser démocratiquement et selon la perspective <a href="https://www.pug.fr/produit/1835/9782706147142/decider-en-culture">« d’une culture de tous, par tous et pour tous »</a>. Enfin, cette nouvelle catégorie de politique publique devra recourir au pouvoir de l’imagination et à sa capacité de (re) configurer le monde. <a href="http://www.leseditionsdeminuit.fr/livre-Qu%E2%80%99est_ce_que_l%E2%80%99hypnose__-2253-1-1-0-1.html">« Elle seule peut évoquer ce qui n’est pas encore pour le faire advenir, comme elle donne le futur au violoniste qui laisse la note qu’il va jouer s’imposer à sa main »</a>.</p>
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<p>Raphaël Besson est l’auteur de <a href="https://www.lucasrecherche.fr/2024/01/23/pre-commandez-pour-une-culture-des-transitions-un-livre-de-raphael-besson/"><em>Pour une culture des transitions</em></a> aux Éditions du <a href="https://www.lucasrecherche.fr/">LUCAS</a>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/221644/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Raphaël Besson a reçu des financements du Ministère de la Culture et de l'ANCT. </span></em></p>
Dans le cadre de la parution de son ouvrage Pour une culture des transitons, Raphaël Besson s’interroge sur la place des arts et de la culture dans la transition des territoires.
Raphaël Besson, Directeur de l'agence Villes Innovations, Chercheur associé au laboratoire PACTE (Université de Grenoble), Co-fondateur du Laboratoire d’usages culture(s)-art-société (LUCAS), Université Grenoble Alpes (UGA)
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/222547
2024-02-02T15:38:58Z
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Stationnement des SUV : nos voitures sont-elles devenues obèses ?
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/572892/original/file-20240201-19-5af8iy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=73%2C0%2C1900%2C1039&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les SUV sont encombrants à bien des égards.</span> <span class="attribution"><a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span></figcaption></figure><p>Ce dimanche 4 février, les Parisiens sont amenés à voter <a href="https://www.paris.fr/pages/plus-ou-moins-de-suv-les-parisiens-et-parisiennes-sont-invites-a-voter-le-4-fevrier-25381">« Pour ou contre la création d’un tarif spécifique pour le stationnement des voitures individuelles lourdes, encombrantes et polluantes »</a>. Si la proposition est adoptée, le tarif sera triplé pour ce type de voitures, qui correspond aux « véhicules thermiques ou hybrides rechargeables de 1,6 tonne ou plus » et aux « véhicules électriques de 2 tonnes ou plus ».</p>
<p>Mais en fait seuls les véhicules des visiteurs sont visés et non ceux des résidents de la Capitale. N’étant pas directement concernée par la mesure (faute d'avoir une voiture), il est très probable qu’une majorité de Parisiens se prononcera pour mais que la participation sera faible, <a href="https://www.paris.fr/pages/plus-ou-moins-de-suv-les-parisiens-et-parisiennes-sont-invites-a-voter-le-4-fevrier-25381">comme lors de la précédente votation sur les trottinettes électriques</a>.</p>
<p>Chacun tirera du scrutin les conclusions qu’il voudra, selon que l’on considère les résultats ou le taux de participation. Une certitude toutefois : les véhicules encombrants sont bel et bien là. Pour le meilleur… et surtout pour le pire ? Tour d’horizon.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/automobile-lessor-du-suv-un-choix-avant-tout-politique-149781">Automobile : l’essor du SUV, un choix avant tout politique</a>
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<h2>Des voitures de plus en plus lourdes</h2>
<p>Dans les années 1960, les voitures pesaient en France en moyenne 800 kg. Puis elles ont progressivement pris 450 kg de plus pour atteindre 1 250 kg ces dernières années <a href="https://www.cairn.info/revue-transports-urbains-2022-1-page-9.htm">malgré les efforts déployés pour réduire leur masse</a>.</p>
<p>Cette dérive s’explique par de nombreux facteurs : montée en gamme des véhicules, normes de sécurité renforcées, design plus affirmé, habitabilité accrue, nouveaux équipements de confort, diésélisation puis électrification du parc ou encore nouvelles normes Euro de dépollution.</p>
<p><em>[Plus de 85 000 lecteurs font confiance aux newsletters de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde. <a href="https://memberservices.theconversation.com/newsletters/?nl=france&region=fr">Abonnez-vous aujourd’hui</a>]</em></p>
<p>Or, tout alourdissement du véhicule entraîne un cercle vicieux, car il faut alors renforcer la motorisation, la chaîne de traction, les freins, les pneus et la sécurité active et passive. On a ainsi pu montrer que 100 kg d’équipements supplémentaires <a href="https://www.cairn.info/revue-transports-urbains-2022-1-page-9.htm">conduisent à alourdir le véhicule de 200 kg !</a></p>
<p><iframe id="S5hg7" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/S5hg7/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<h2>Un encombrement croissant</h2>
<p>Les dimensions des voitures ont, elles aussi, tendance à croître : entre les années 1960 et la fin des années 2010, toujours selon <em>L’Argus</em>, leur longueur a augmenté de 4 %, leur hauteur de 6 % et leur largeur de 15 %, passant de 1,55 m à 1,78 m.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/572913/original/file-20240201-27-tgaxh1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/572913/original/file-20240201-27-tgaxh1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=397&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/572913/original/file-20240201-27-tgaxh1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=397&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/572913/original/file-20240201-27-tgaxh1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=397&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/572913/original/file-20240201-27-tgaxh1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=498&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/572913/original/file-20240201-27-tgaxh1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=498&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/572913/original/file-20240201-27-tgaxh1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=498&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Un véhicule SUV mal garé en Californie, en 2007.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Malingering/Flickr</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-sa/4.0/">CC BY-NC-SA</a></span>
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<p>Résultat, les plus gros véhicules n’entrent plus dans les garages ou les boxes un peu anciens et se retrouvent contraints de stationner dans la rue en rentrant même difficilement dans les cases dessinées au sol.</p>
<p>Jadis, on pouvait presque toujours voir au-dessus des voitures quand on était à pied ou à vélo. C’est nettement moins le cas aujourd’hui : l’horizon se referme, barré par des toits de tôle.</p>
<h2>Un danger pour autrui</h2>
<p>La sécurité routière dépend essentiellement de l’<a href="https://www.adilca.com/ENERGIE_CINETIQUE.pdf">énergie cinétique des véhicules</a>, c’est-à-dire de leur masse et de leur vitesse. Lors d’un choc, un véhicule léger et lent « ne fait pas le poids » contre un engin lourd et rapide.</p>
<p>Une <a href="https://www.vias.be/publications/Hoe%20verplaatsen%20we%20ons%20het%20veiligst/Comment%20se%20d%C3%A9placer%20de%20la%20mani%C3%A8re%20la%20plus%20s%C3%BBre.pdf">étude récente</a> a montré que « lorsque la masse d’un véhicule augmente de 300 kg, le risque de perdre la vie chez les occupants de voiture diminue de moitié, tandis que ce même risque augmente de respectivement 77 % pour les opposants en voiture les [personnes qui sont dans la voiture percutée par la voiture lourde] et de 28 % pour les usagers vulnérables [piétons et cyclistes] ». Comprendre : les occupants d’un SUV sont mieux protégés… au détriment des autres usagers de la route, autres automobilistes, piétons et cyclistes confondus.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/est-on-vraiment-plus-en-securite-dans-une-grosse-voiture-187454">Est-on vraiment plus en sécurité dans une grosse voiture ?</a>
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<h2>Des voitures électriques plus voraces en matières premières</h2>
<p>Oui, mais la voiture électrique permet d’éviter des émissions de gaz à effet de serre, vous dira-t-on. Aujourd’hui, la plupart des gens sont sensibilisés à l’empreinte carbone de leur véhicule – soit les émissions de gaz à effet de serre produites <a href="https://theconversation.com/et-si-lecologie-cetait-plutot-de-rouler-avec-nos-vieilles-voitures-214495">tout au long de son cycle de vie</a>.</p>
<p>De la même façon, il existe aussi une <a href="https://www.statistiques.developpement-durable.gouv.fr/lempreinte-matieres-un-indicateur-revelant-notre-consommation-reelle-de-matieres-premieres">empreinte matières</a>, soit toutes les ressources naturelles (énergies fossiles, minerais métalliques et non métalliques, biomasse) consommées tout au long de la chaîne de production d’une voiture, dans les mines, la métallurgie, la fabrication, le transport ou le recyclage.</p>
<p>Par rapport à la voiture thermique, la voiture électrique divise l’empreinte carbone par <a href="https://www.cairn.info/revue-transports-urbains-2022-1-page-15.htm">deux ou trois en fonction des hypothèses retenues</a>, mais elle multiplie par deux l’empreinte matières et par six les <a href="https://theconversation.com/loi-europeenne-sur-les-metaux-critiques-moins-de-dependance-mais-des-questions-en-suspens-218631">matériaux critiques</a> nécessaires, à cause des <a href="https://www.iea.org/reports/the-role-of-critical-minerals-in-clean-energy-transitions">plus grandes difficultés pour extraire et raffiner</a> ces matériaux.</p>
<p>Plus précisément, l’empreinte matières d’une voiture thermique de 1,3 t est d’environ 13 t, soit dix fois plus. Celle d’une voiture électrique de 1,5 t (poids de la Zoé) est <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0959652618333420">d’environ 30 t, soit 20 fois plus</a>, alors qu’une voiture ne transporte en moyenne que 110 kg de personnes et de charges.</p>
<p>Eh oui, avec les voitures électriques actuelles, pour transporter 1 kg, il faut 270 kg de matières : un fantastique gâchis ! C’est pourquoi, pour préserver les ressources de la planète, il sera indispensable de privilégier à l’avenir les véhicules électriques les plus légers possibles, notamment les <a href="https://www.mdpi.com/2032-6653/13/10/183">LEV (light electric vehicles)</a>, appelés aussi en France les <a href="https://www.cairn.info/revue-transports-urbains-2022-1.htm">« véhicules intermédiaires »</a>, d’ailleurs <a href="https://xd.ademe.fr/">promus par l’Ademe</a> et <a href="https://invd.fr/">par certaines associations</a>.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/malus-poids-emissions-de-co-interessons-nous-enfin-aux-vehicules-intermediaires-148650">Malus poids, émissions de CO₂ : intéressons-nous enfin aux véhicules intermédiaires !</a>
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<h2>L’occasion manquée des véhicules consommant deux litres au 100 km</h2>
<p>Dans le cadre des Investissements d’avenir, le programme « Véhicule 2 l/100 km » lancé par le gouvernement en 2012, avait permis à Renault et à PSA de sortir des démonstrateurs prouvant que c’était <a href="https://www.renaultgroup.com/news-onair/actualites/renault-presente-eolab-le-prototype-au-1l100-km/">parfaitement possible</a>.</p>
<p>Ces véhicules étaient légers et aérodynamiques, mais aussi forcément moins équipés, peu puissants, et donc plutôt lents et avec de faibles capacités d’accélération. Des qualités bien peu séduisantes pour beaucoup d’automobilistes et à l’opposé de celles jusqu’ici mises en avant par les constructeurs : vitesse, vivacité, confort.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/R3fuOdJZyUw?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Eolab, le prototype de Renault conçu pour ne consommer que 1 litre/100 km.</span></figcaption>
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<p>Mais las : ces derniers ont préféré développer une offre de SUV censée mieux répondre à la demande, aux antipodes des bonnes intentions de 2012. À tel point que la <a href="https://www.lesechos.fr/industrie-services/automobile/lagence-internationale-de-lenergie-appelle-a-sevir-contre-les-suv-2072086">part des SUV dans les ventes de voitures neuves s’approche aujourd’hui des 50 %</a>.</p>
<p>De nombreux organismes et ONG (comme l’<a href="https://www.lesechos.fr/industrie-services/automobile/lagence-internationale-de-lenergie-appelle-a-sevir-contre-les-suv-2072086">Agence internationale de l’énergie</a>, l’<a href="https://presse.ademe.fr/wp-content/uploads/2019/06/Communiqu%C3%A9-de-presse-Car-labelling-2019.pdf">Ademe</a> ou <a href="https://www.greenpeace.fr/lindustrie-automobile-moteur-du-dereglement-climatique/">Greenpeace</a> ont souligné l’absurdité de cette dérive puisque les SUV sont tout à la fois plus polluants, plus émetteurs de gaz à effet de serre, plus dangereux et plus chers que des berlines. Ainsi, le prix des voitures neuves s’envole et, avec un décalage de quelques années, celui des voitures d’occasion, rendant la voiture de moins en moins accessible aux revenus les plus modestes.</p>
<h2>Les constructeurs automobiles façonnent encore les imaginaires</h2>
<p>Leurs marges étant bien plus confortables, les constructeurs automobiles ont intérêt à pousser les consommateurs à acheter des véhicules toujours plus gros et plus équipés. Il n’est en effet <a href="https://www.caradisiac.com/plus-gourmands-moins-performants-et-plus-chers-que-les-berlines-a-quoi-servent-les-suv-182746.htm">pas plus coûteux de construire un SUV plutôt qu’une berline</a>, mais les consommateurs l’ignorent et sont prêts à payer plus cher un véhicule plus imposant, perçu comme plus sécurisant et plus confortable.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/572911/original/file-20240201-29-l44ld0.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/572911/original/file-20240201-29-l44ld0.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/572911/original/file-20240201-29-l44ld0.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/572911/original/file-20240201-29-l44ld0.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/572911/original/file-20240201-29-l44ld0.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/572911/original/file-20240201-29-l44ld0.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/572911/original/file-20240201-29-l44ld0.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Fausse campagne publicitaire pour BMW en janvier 2023.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Merny Wernz/Twitter</span></span>
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<p>Loin de se contenter de répondre à une demande, comme ils le prétendent, les constructeurs y veillent et façonnent les imaginaires à coup d’investissements publicitaires massifs utilisant des stéréotypes éculés, comme l’ont fort bien montré le <a href="https://www.wwf.fr/sengager-ensemble/relayer-campagnes/stop-suv">WWF</a> puis la <a href="https://www.jean-jaures.org/publication/la-suv-ification-du-marche-automobile-des-strategies-industrielles-aux-imaginaires-de-consommation/">fondation Jean Jaurès</a>. La grosse voiture, ce serait la liberté, la distinction, l’aventure, la sécurité, la famille et même le respect de l’environnement ! Cette publicité envahissante représente <a href="https://www.wwf.fr/vous-informer/actualites/lobsession-de-la-publicite-pour-les-suv">environ 10 % du coût total d’un SUV</a>.</p>
<p>De plus en plus conscients du problème, les pouvoirs publics ont ajouté au malus CO<sub>2</sub> un malus au poids appliqué aux véhicules neufs essence ou diesel de plus de 1,8 t au 1<sup>er</sup> janvier 2022, ce seuil ayant été abaissé à 1,6 t au 1<sup>er</sup> janvier 2024. L’initiative est louable, mais le seuil reste très élevé et ne s’applique pas aux véhicules électriques. France Stratégie – l’organisme d’expertise du gouvernement – a donc proposé <a href="https://www.strategie.gouv.fr/publications/voiture-electrique-cout">d’étendre le malus au poids à ces véhicules</a>.</p>
<p>À vrai dire, si l’on prenait toute la mesure du problème, il faudrait élargir le bonus-malus à l’ensemble de la mobilité individuelle, y compris aux véhicules intermédiaires et même au vélo et à la marche (pour ces deux modes, les recettes du malus pourraient servir à améliorer les aménagements nécessaires à leur développement) en retenant un malus poids commençant à une tonne. <a href="https://theconversation.com/malus-poids-emissions-de-co-interessons-nous-enfin-aux-vehicules-intermediaires-148650">Ce que nous proposions déjà il y a quatre ans !</a></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/222547/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Frédéric Héran ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>
Au cours des dernières décennies, nos voitures sont devenues de plus en plus lourdes et larges et posent désormais des problèmes de stationnement, notamment à Paris. Un autre futur était pourtant possible.
Frédéric Héran, Économiste et urbaniste, Université de Lille
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tag:theconversation.com,2011:article/222290
2024-02-01T14:58:04Z
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Les « écotafeurs », ces salariés qui contribuent de l’intérieur à la transition écologique de leur entreprise
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/572209/original/file-20240130-27-crc13f.JPG?ixlib=rb-1.1.0&rect=53%2C17%2C5892%2C3970&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Participation du syndicat Printemps écologique à une manifestation critiquant la loi climat et résilience.</span> <span class="attribution"><span class="source">Benoît Collet / Printemps écologique</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-sa/4.0/">CC BY-NC-SA</a></span></figcaption></figure><p>Entre impératif de transition et quête de sens, le monde du travail devient un nouveau champ de bataille pour l’écologie. En témoigne l’apparition récente de figures sociales comme les <a href="https://theconversation.com/lenvers-des-mots-bifurquer-191438">« bifurqueurs »</a> qui ont fait l’objet d’une forte <a href="https://www.lemonde.fr/campus/article/2023/04/25/face-a-l-urgence-ecologique-comment-les-etudiants-bifurqueurs-d-agroparistech-ont-rendu-credible-une-voie-alternative_6170880_4401467.html">médiatisation</a> et les <a href="https://theconversation.com/reveil-ecologique-des-grandes-ecoles-ce-que-nous-ont-appris-les-discours-de-jeunes-diplomes-196263">« déserteurs »</a> qui quittent leur entreprise pour des jobs à impacts.</p>
<p>Mais certains salariés choisissent une autre voie : ils tentent de transformer les entreprises de l’intérieur, comme le montrait déjà une <a href="https://theconversation.com/qui-sont-les-transfereurs-ces-praticiens-de-lecologie-au-travail-111927">étude en 2018</a>. En quelques années, leurs initiatives isolées, à l’époque peu soutenues au sein des entreprises, se sont métamorphosées en un mouvement social d’ampleur.</p>
<p>Ce phénomène implique désormais une plus large galaxie de salariés « écotafeurs » dont les actions s’organisent autour de dispositifs de mobilisation. C’est ce que montre une <a href="https://librairie.ademe.fr/recherche-et-innovation/6247-ecotaf-la-mobilisation-ecologie-des-salaries.html">nouvelle étude</a> sociologique, baptisée Ecotaf, financée par l’Ademe et quatre partenaires du monde de la responsabilité sociétale et environnementale (ORSE, EpE, C3D, A4MT).</p>
<p>Ces écotafeurs sont en quelque sorte la manifestation dans l’entreprise de ce que Bruno Latour désignait comme <a href="https://www.lemonde.fr/climat/article/2021/12/10/memo-sur-la-nouvelle-classe-ecologique-ou-le-vadem-mecum-du-parti-terrestre_6105438_1652612.html">« la nouvelle classe écologique »</a></p>
<p>Ils font bouger les rapports de force en interne en faveur d’une accélération de la transformation écologique de la sphère productive. Ces salariés ne se voient plus seulement comme des « travailleurs » mais aussi comme des acteurs dont les choix façonnent la trajectoire de l’entreprise.</p>
<h2>Fresque du climat et passage à l’action</h2>
<p>Une des manifestations visibles de cet engagement écologique croissant des salariés est le succès que connaît la Fresque du climat, suivie par près de 1,2 million de personnes, dont une <a href="https://www.lesechos.fr/politique-societe/societe/la-fresque-du-climat-devient-un-phenomene-viral-dans-les-entreprises-1972805">bonne partie au sein des entreprises</a>. Si la Fresque apparaît comme un bon outil de sensibilisation aux enjeux climatiques, d’après l’étude, elle laisse les salariés avec un <a href="https://theconversation.com/face-au-changement-climatique-faire-de-la-peur-un-moteur-et-non-un-frein-200876">sentiment d’éco-anxiété</a>.</p>
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<p>Dans son sillage a émergé un foisonnement de dispositifs qui cherchent plutôt à susciter le passage à l’action chez les salariés. L’étude identifie quatre types de dispositifs de mobilisation écologique en fonction de leur stratégie d’incitation :</p>
<ul>
<li><p>Des ateliers qui jouent sur les dynamiques du groupe de pairs : partage d’expérience, émulation collective, sentiment d’appartenance… comme l’atelier <a href="https://www.2tonnes.org/">2tonnes</a>, ou <a href="https://www.monatelier-ecofrugal.fr/">Mon atelier ecofrugal</a>.</p></li>
<li><p>Des parcours de formation ou d’accompagnement qui transforment les individus à travers une montée en compétence, un travail sur leurs émotions, l’expérience de nouvelles méthodes collaboratives. Par exemple les parcours d’intrapreneuriat de <a href="https://www.ticketforchange.org/corporate-for-change">Corporate for Change</a> ou les cycles de <a href="https://carboneetsens.fr/conversations-carbone-en-france/">Conversations Carbone</a>.</p></li>
<li><p>Des plates-formes digitales comme <a href="https://www.lakaa.io/">Lakaa</a> ou le <a href="https://energic.io/">Challenge Environnemental Energic</a> qui s’appuient sur la <em>gamification</em> (ou ludification) : mise au défi, aspect ludique, compétition… pour toucher plus largement les salariés dispersés dans divers sites de l’entreprise.</p></li>
<li><p>Enfin, des fédérations interentreprises de groupes de salariés activistes de l’écologie ont émergé, telles que <a href="https://www.les-collectifs.eco/">Les Collectifs</a> ou le syndicat <a href="https://www.printemps-ecologique.fr/">Printemps écologique</a>. Elles renforcent les capacités d’action locale des groupes et leur apportent une dimension politique.</p></li>
</ul>
<h2>Montée en puissance de la RSE</h2>
<p>Dans une entreprise, l’initiative de ces démarches peut venir directement des salariés : plutôt des cadres appartenant à la génération des <em>millenials</em> (nés entre 1980 et 2000) en recherche de sens au travail. Après un déclic personnel et s’être parfois posé la question de la démission, ils font le choix de la loyauté à l’entreprise, poussés par la croyance que leur impact écologique sera supérieur en « faisant bouger les lignes de l’intérieur ».</p>
<p>Mais le lancement de certains dispositifs suppose d’abord de convaincre la direction et de dégager un budget. Ils résultent alors du volontarisme d’un responsable (souvent RSE) en quête d’alternatives à des actions ponctuelles de sensibilisation écologique qui ont du mal à prendre sur les salariés.</p>
<p>La multiplication de ces dispositifs s’inscrit dans un contexte plus général de montée en puissance de la RSE dans les entreprises, notamment sous l’effet des <a href="https://www.lesechos.fr/thema/articles/les-defis-de-linformation-extra-financiere-1876374">nouvelles obligations</a> de déclaration de performance extrafinancière. La transition écologique intègre désormais de plus en plus fréquemment les objectifs stratégiques, et les entreprises ont besoin d’y associer leurs salariés.</p>
<p>Ainsi, les dispositifs de mobilisation écologique étudiés entretiennent un terreau favorable à d’autres visées de la RSE : acculturation des salariés aux enjeux de la transition, appropriation de la RSE à une échelle locale, intégration des objectifs de durabilité dans les métiers et valorisation de l’entreprise auprès de clients et candidats (marque employeur).</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/pourquoi-la-rse-ne-suffit-pas-a-rendre-nos-societes-plus-durables-220709">Pourquoi la RSE ne suffit pas à rendre nos sociétés plus durables</a>
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</p>
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<h2>Une diffusion en tache d’huile</h2>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/572197/original/file-20240130-23-g0jxc9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/572197/original/file-20240130-23-g0jxc9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/572197/original/file-20240130-23-g0jxc9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=581&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/572197/original/file-20240130-23-g0jxc9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=581&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/572197/original/file-20240130-23-g0jxc9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=581&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/572197/original/file-20240130-23-g0jxc9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=731&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/572197/original/file-20240130-23-g0jxc9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=731&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/572197/original/file-20240130-23-g0jxc9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=731&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Les échelles d’enrôlement des salariés dans la mobilisation écologique.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Étude Ecotaf</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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</figure>
<p>Une fois initiée, la mobilisation écologique se diffuse en tache d’huile dans l’entreprise en touchant progressivement les salariés grâce à différents niveaux d’engagement. Les plus moteurs animent eux-mêmes des ateliers ou font fonctionner un collectif. Les salariés relais y contribuent régulièrement ou peuvent être nommés « ambassadeurs » par la RSE. Les salariés participants ont une implication plus ponctuelle, par exemple assister à un atelier ou un webinaire.</p>
<figure class="align-left zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/572298/original/file-20240130-19-l4mdk9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/572298/original/file-20240130-19-l4mdk9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/572298/original/file-20240130-19-l4mdk9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=279&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/572298/original/file-20240130-19-l4mdk9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=279&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/572298/original/file-20240130-19-l4mdk9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=279&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/572298/original/file-20240130-19-l4mdk9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=351&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/572298/original/file-20240130-19-l4mdk9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=351&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/572298/original/file-20240130-19-l4mdk9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=351&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Expressions entendues dans les entretiens pour qualifier le temps d’engagement.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Étude Ecotaf</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Les plus engagés ne disposent presque jamais de temps dédié par l’employeur, ce qui constitue un frein à la mobilisation. Ils parviennent à le contourner en temps masqué ou via la formation, au risque d’un essoufflement. La question d’un crédit temps écologique que l’entreprise pourrait accorder à ses salariés mérite ainsi d’être posée.</p>
<h2>Le rôle des décideurs</h2>
<p>La généralisation de la mobilisation écologique dans l’entreprise demande d’enrôler aussi les décideurs. La RSE peut devenir un tremplin pour les initiatives des salariés, et inversement, à condition de trouver un terrain d’entente. Les <a href="https://www.lemonde.fr/campus/article/2023/09/21/dans-les-entreprises-les-rh-bousculees-par-les-attentes-d-une-generation-exigeante_6190252_4401467.html">ressources humaines peuvent également être intéressées</a> car la mobilisation écologique contribue à lutter contre le désengagement au travail.</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/572147/original/file-20240130-18-xtsqyu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/572147/original/file-20240130-18-xtsqyu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/572147/original/file-20240130-18-xtsqyu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=527&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/572147/original/file-20240130-18-xtsqyu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=527&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/572147/original/file-20240130-18-xtsqyu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=527&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/572147/original/file-20240130-18-xtsqyu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=662&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/572147/original/file-20240130-18-xtsqyu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=662&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/572147/original/file-20240130-18-xtsqyu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=662&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Le système d’acteurs de la mobilisation écologique des salariés dans l’entreprise.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Étude Ecotaf</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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</figure>
<p>Les managers d’équipe sont plus récalcitrants vis-à-vis de ce « temps perdu » mais certains reprennent à leur compte les dispositifs pour motiver leurs salariés et faire de la cohésion d’équipe. Les CSE – Comité social et économique – apparaissent encore en retrait alors qu’ils ont pourtant de nouvelles prérogatives et que les principales centrales se saisissent du sujet (<a href="https://www.cfdt.fr/portail/actualites/transition-ecologique-juste/les-sentinelles-vertes-de-la-f3c-srv1_1153350">CFDT</a>, <a href="https://radartravailenvironnement.fr/">CGT</a>).</p>
<h2>Rôle de la culture d’entreprise</h2>
<p>L’appui des dirigeants aux dispositifs augmente l’impact de la mobilisation en interne. Il dépend essentiellement de leur sensibilité personnelle à l’écologie, mais des stratégies d’intéressement sont possibles en leur donnant un rôle dans le dispositif : participer à un jury, être sponsor d’un collectif…</p>
<p>Certaines cultures d’entreprises sont aussi plus propices au développement de la mobilisation écologique :</p>
<ul>
<li><p>celles qui ont déjà une vocation sociale ou une activité en lien avec l’environnement,</p></li>
<li><p>celles qui ont mis en place une démarche participative sur leur « raison d’être »,</p></li>
<li><p>et toutes celles qui s’écartent d’un management hiérarchique et de la seule recherche de rentabilité à court terme (actionnariat familial, entreprises à missions, entreprises libérées).</p></li>
</ul>
<h2>Légitimer des transformations radicales ?</h2>
<p>La réalité des effets de la mobilisation écologique des salariés fait aujourd’hui <a href="https://www.lemonde.fr/idees/article/2023/12/03/il-n-existe-aucune-preuve-de-l-impact-d-une-formation-de-sensibilisation-aux-enjeux-climatiques-sur-les-comportements_6203652_3232.html">débat</a> car trop peu de travaux d’évaluation ont encore été conduits.</p>
<p>Notre enquête qualitative auprès d’une douzaine d’entreprises révèle que les dispositifs de mobilisation installent une culture partagée de la transition écologique, légitimant des transformations plus radicales. La mobilisation rend aussi possible une évolution de la RSE vers un modèle décentralisé et plus contributif, travaillant en lien avec des communautés de salariés écotafeurs.</p>
<p>Pour les salariés, la participation à ces dispositifs nourrit la quête de sens au travail et renforce l’attachement à l’entreprise, même si un sentiment de frustration peut naître chez les plus moteurs quand les changements de l’entreprise ne vont pas assez vite et assez loin.</p>
<p>L’enjeu central est en effet la profondeur de l’impact de la mobilisation des salariés sur la trajectoire écologique de l’entreprise. Permet-elle d’aller jusqu’à des transformations organisationnelles ? Si l’adoption d’écogestes peut constituer un point de départ pour intéresser les salariés, certains dispositifs incitent aussi à des évolutions concrètes vers des pratiques métiers plus durables dont l’impact carbone est bien supérieur.</p>
<p>En revanche, les <em>business models</em> restent un plafond de verre de la mobilisation écologique. Les salariés revendiquent de plus en plus un droit d’expression sur les stratégies d’entreprise mais sont encore peu entendus par les dirigeants. Cela peut inviter à rechercher une jonction avec d’autres <a href="https://cec-impact.org/">mouvements</a> dans lesquels ces derniers sont <a href="https://www.impactfrance.eco/">impliqués</a> sur ces <a href="https://www.epe-asso.org/etape-2030-transition-ecologique/">questions</a>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/222290/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Gaëtan Brisepierre a reçu des financements de l’Ademe, de l'ORSE, de C3D, de EpE, et de A4MT</span></em></p>
Dans les entreprises, quelle forme prend la mobilisation de ces profils convaincus qu'ils auront plus d'impact en menant la transition dans leur entreprise qu'en démissionnant ?
Gaëtan Brisepierre, Sociologue indépendant, École des Ponts ParisTech (ENPC)
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/218867
2023-12-06T17:42:10Z
2023-12-06T17:42:10Z
Dérèglement climatique : une fracture générationnelle, vraiment ?
<p>Le <a href="https://www.la-croix.com/planete/mobilisation-climat-est-elle-affaire-jeunes-2023-09-12-1201282361">discours commun</a> dépeint les <a href="https://theconversation.com/topics/jeunes-21920">jeunes</a> comme très largement mobilisés pour le <a href="https://theconversation.com/topics/environnement-21017">climat et l’écologie</a> tandis que les plus âgés poursuivraient leurs actions polluantes et se désintéresseraient du <a href="https://theconversation.com/topics/changement-climatique-21171">dérèglement climatique</a>. Vraiment ?</p>
<p>La dernière livraison de l’étude <a href="https://www.ipsos.com/fr-fr/fractures-francaises-2023-tableau-dune-france-en-colere">« Fractures françaises »</a>, déjà évoquée dans un <a href="https://theconversation.com/si-la-societe-francaise-deprime-est-ce-vraiment-la-faute-aux-vieux-217106">précédent article</a>, montre que 57 % de la population est consciente de la réalité du changement climatique dû à l’activité humaine. Cela reste assez modeste au regard du consensus scientifique et médiatique et de ce que le pays a traversé comme événements météorologiques ces dernières années. Ce taux tend même à diminuer, puisqu’en 2022, on comptait 61 % de convaincus.</p>
<p>En termes d’âge, les écarts sont significativement peu significatifs en la matière, contrairement au niveau d’éducation. La formulation de la question est toujours un élément à prendre en compte pour comparer les réponses données par les sondeurs. Aussi, dans une <a href="https://www.institut-viavoice.com/dereglement-climatique-et-societe-enquete-viavoice-septembre-2023/">autre étude</a>, à la question très fermée « Diriez-vous que le réchauffement climatique est un fait scientifique incontestable ? », 70 % des Français répondent par l’affirmative. Ce score n’est que de 59 % pour ceux qui ont niveau de formation inférieur au bac et 76 % pour ceux qui disposent d’un niveau au-delà du bac. 17 points d’écart.</p>
<p>De même si 10 % de la population ne sait pas répondre à cette question, le chiffre passe de 5 % dans les catégories supérieures à 15 % chez les CSP-. Surtout, parmi les 70 % ayant répondu par l’affirmative, 55 % déclarent que c’est « avant tout lié aux activités humaines ». Là encore, l’effet formation est prégnant : le taux de réponse positive passe de 46 % à 60 %, selon le niveau scolaire.</p>
<p>Sur de nombreux autres thèmes, l’effet âge ne semble pas toujours le facteur explicatif le plus percutant.</p>
<h2>Qui doit agir ?</h2>
<p>Au-delà de la prise de conscience, la question se pose de qui doit faire des efforts. Selon l’étude <em>Fractures Françaises</em>, 67 % des Français sont d’accord avec l’idée de « modifier en profondeur les modes de vie », les moins de 35 ans étant un peu plus convaincus avec 71 % d’accord contre 66 % chez les seniors. En revanche, les écarts sont plus forts s’il s’agit de « demander des sacrifices financiers ». Si 56 % des moins de 35 ans se disent en accord avec cette proposition, on chute à 41 % chez les plus de 60 ans.</p>
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<p>À la question de savoir quel est le levier le plus efficace pour limiter le changement climatique, les « changements dans les modes de production des entreprises » sont mis en avant par 36 % de la population. Avec à nouveau des différences très notables en termes d’âge et de catégorie sociale : 40 % des moins de 35 ans sont de cet avis contre seulement 31 % des seniors. 38 % des cadres et 43 % des professions intermédiaires partagent cet avis, contre seulement 32 % des ouvriers et 29 % des retraités.</p>
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<p>L’espoir mis dans la science reste très réduit avec 15 % de la population « votant » pour le progrès technique. Les jeunes un peu plus, à 18 % et les 35-59 ans, bien moins, à 13 %. Les seniors étant à 15 %. À noter qu’en termes de catégorie sociale, les plus confiants dans les capacités d’innovation scientifique sont les ouvriers (18 %).</p>
<h2>Points de convergence</h2>
<p>Si des différences entre <a href="https://theconversation.com/fr/topics/generations-39137">générations</a> existent parfois, elles restent néanmoins peu significatives sur un grand nombre de questions. Ainsi à propos de l’idée de changer ses modes de vie, pour 68 % de la population, « ce n’est pas aux Français de faire des efforts », mais aux entreprises ou à l’État. Notons que 70 % des moins de 35 ans défendent cette ligne contre 66 % des seniors. Quel que soit l’âge, c’est mieux si c’est le voisin, l’État ou les entreprises qui se bougent…</p>
<p>Pour autant, selon l’étude <a href="https://www.lecese.fr/actualites/le-rapport-annuel-sur-letat-de-la-france-le-cese-adopte-lavis">« État de la France »</a> du Conseil économique social et environnemental (Cese), 80 % de la population déclarent que « minimiser son impact personnel est une réelle préoccupation » ; 33 % affirment même qu’elle est très importante. Les moins de 35 ans s’accordent à 83 % sur cette affirmation (32 % très important), les plus de 60 ans, sont à 82 % sur la même ligne (34 % très important).</p>
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<p>La vraie distinction réside entre hommes et femmes, ces dernières étant 84 % à être préoccupées contre 76 % chez les hommes. Un écart de 8 points.</p>
<p>Certes, les actions les plus prisées pour minimiser son impact personnel restent celles les moins coûteuses (90 % disent avoir adopté, ou pensent le faire, des gestes de l’économie circulaire ou encore 81 % ont modifié ou vont le faire leurs habitudes de consommation).</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1702688573340753958"}"></div></p>
<p>Concernant des actions plus onéreuses, l’âge prend largement le dessus par rapport aux différences de sexe ou de catégories sociales, mais dans des directions diverses. Ainsi, si 64 % de la population affirment avoir ou prévoir des travaux de rénovation thermique, les seniors sont 67 % dans ce cas et les moins de 35 ans, 52 %. Une différence de 15 points. Le fait d’être ou non propriétaire de son logement – qui est fortement corrélé à l’âge – joue cependant certainement dans la réponse.</p>
<p>À l’inverse, si 34 % des Français disent disposer ou souhaiter acquérir un véhicule électrique, les moins de 35 ans s’inscrivent à 41 % dans cette optique, contre seulement 26 % des seniors. Encore un écart de 15 points. Sans doute que, la situation géographique et l’éloignement des centres urbains – plus prononcés chez les seniors que chez les moins de 35 ans-influence-t-elle la réponse.</p>
<h2>Des facteurs plus puissants que l’âge</h2>
<p>Selon l’étude ViaVoice, si 63 % de la population s’estime bien informée à propos du dérèglement climatique, il y a une différence de 31 points entre les cadres (80 %) et les ouvriers qui sont seulement 49 % de cet avis. Le niveau de formation influe aussi très directement sur le sentiment d’être bien informé : 52 % pour les personnes disposant d’un diplôme inférieur au bac et 70 % pour ceux qui ont plus que le bac. Rappelons que les anciennes générations ont vécu à un moment où l’accès au bac restait fort limité.</p>
<p>Au-delà, si 80 % de la population se dit à titre personnel intéressés par les questions liées au dérèglement climatique, seulement 37 % se disent très intéressés, 47 % pour les plus de 65 ans. Notons aussi que 79 % de la population s’inquiète des conséquences du dérèglement climatique, c’est-à-dire plus que les gens qui estiment que ce phénomène est prouvé scientifiquement… L’écart en termes d’inquiétude ne relève pas de l’âge mais d’abord de la catégorie sociale : les cadres sont 89 % dans ce cas, contre 76 % des CSP-. Une différence de 13 points.</p>
<p>Par ailleurs, chez ceux qui reconnaissent l’existence du dérèglement climatique, 44 % estiment savoir ce qu’ils pourraient faire à leur niveau pour « lutter encore plus contre le dérèglement climatique ». Si 31 % des plus de 65 ans sont de cet avis, les plus jeunes ont beaucoup moins de doutes. Ils sont 52 % à être convaincus de ce qu’il faut faire. Un écart de 21 points.</p>
<p><iframe id="87bD3" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/87bD3/2/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Est-ce la traduction d’une plus grande compétence et implication des plus jeunes, ou le témoignage d’une plus grande modestie des plus âgés ? Différentes études ont montré que les différentes générations ne donnent pas nécessairement la même valeur écologique aux mêmes gestes.</p>
<p>Le plastique est par exemple bien plus <a href="https://www.mysweetplanete.com/2019/12/27/91-des-moins-de-35-ans-se-disent-inquiets-a-cause-de-la-pollution-plastique/">mal vu par les jeunes</a> que par les anciennes générations pour qui ce fut un gain d’usage et un symbole de modernité. Autre exemple, se déplacer en trottinette électrique apparaît pour les moins de 35 ans à la fois comme un acte fort en termes de symbolique écologique et une manière de se déplacer moderne et facile. Pour les plus âgés, elle est vue comme un danger pour le piéton et une <a href="https://www.leparisien.fr/info-paris-ile-de-france-oise/transports/trottinettes-en-libre-service-a-paris-les-jeunes-les-plebiscitent-les-plus-de-45-ans-sen-mefient-27-09-2022-FRAQBXLVD5HQZFOMZ6JNQ3VGEA.php">prise de risque dans l’usage</a>, pour un bénéfice environnemental discutable comparé à la marche à pied ou au transport en commun. L’imaginaire joue bien son rôle.</p>
<p>Savoir ou faire ? Selon ViaVoice, ceux qui reconnaissent la réalité du dérèglement climatique sont 65 %, seulement, à vouloir agir davantage, dont 16 % à répondre « oui tout à fait ». La variable formation apparaît discriminante puisque ce volontarisme passe de 56 % pour les « bac – » à 70 % pour les « bac + ».</p>
<p>L’âge joue assez sensiblement sur les imaginaires liés aux questions climatiques mais le niveau d’éducation, la situation sociale et le sexe sont, en fonction des thèmes, des critères souvent bien plus puissants. La réussite de la transition énergétique ne passera pas par un imaginaire d’opposition entre les générations, mais de la capacité à proposer, à la fois un récit commun, et des politiques de soutien adaptées aux conditions sociales et aux modes de vie des personnes.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/218867/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Serge Guérin ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>
Le facteur âge ne joue pas toujours dans la direction que l’on imagine spontanément pour expliquer les comportements environnementaux. Ce n’est d’ailleurs souvent pas la variable la plus puissante.
Serge Guérin, Professeur INSEEC GE. Sociologue, directeur de MSc « Directeur des établissements de santé », INSEEC Grande École
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tag:theconversation.com,2011:article/217569
2023-11-14T18:55:31Z
2023-11-14T18:55:31Z
Commande publique de biens manufacturés : qui recourt le plus aux importations ?
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/559041/original/file-20231113-27-t6cx95.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=22%2C26%2C965%2C646&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Un pays désindustrialisé est en effet amené à consommer des biens manufacturés importés, que ce soit pour la consommation privée ou publique.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Le_Havre,_premier_port_de_France_pour_le_commerce_ext%C3%A9rieur.jpg">Wikimedia commons/Ville du Havre</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Reléguée pendant longtemps dans la catégorie des concepts dépassés, la <a href="https://theconversation.com/reindustrialiser-mais-pour-quoi-faire-176810">politique industrielle</a> est redevenue centrale, notamment dans les économies avancées qui se sont désindustrialisées. Ce choix d’un retour de la puissance publique dans l’économie, afin d’en modifier la structure de production au profit du secteur manufacturier, découle de la conjonction de trois événements : la prise de conscience de la vulnérabilité des économies avancées à la perturbation des chaînes de production internationales, générant une dépendance à l’égard de fournisseurs lointains ; une volonté plus ou moins affirmée de « dérisquage » (<a href="https://www.ceps.eu/the-eus-aim-to-de-risk-itself-from-china-is-risky-yet-necessary/"><em>de-risking</em></a> vis-à-vis de la Chine, pour reprendre le mot de la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen) ; l’impérieuse nécessité de la <a href="https://theconversation.com/fr/topics/transition-ecologique-66536">transition écologique</a>, qui crée une opportunité de construire un tissu industriel vert.</p>
<p>Les outils de ces nouvelles politiques industrielles sont divers. Les avantages fiscaux et subventions sont les plus voyants, au centre notamment de <a href="https://theconversation.com/linflation-reduction-act-americain-un-danger-pour-la-production-automobile-hexagonale-204417">l’<em>Inflation Reduction Act</em></a> (IRA) américain. Ce dernier s’appuie par ailleurs massivement sur des clauses de contenu local, instrument déjà privilégié par l’État fédéral américain pour la commande publique depuis le <a href="https://www.latribune.fr/economie/international/pour-les-achats-publics-biden-veut-aller-encore-plus-loin-sur-le-buy-american-act-889839.html"><em>Buy American Act</em> de 1933</a>, qui établit une préférence pour l’achat de produits nationaux pour les marchés publics fédéraux d’une valeur de plus de 3 000 dollars. De même, le <a href="https://www.fcc.gov/general/american-recovery-and-reinvestment-act-2009">plan de relance de 2009</a> (<em>American Recovery and Re-Investment Act</em>, ARRA) n’ouvrait l’accès à ses fonds qu’aux projets utilisant de l’acier, du fer et des biens manufacturés américains, sauf si la concurrence étrangère présentait un prix inférieur d’au moins 25 %.</p>
<p>Le décalage est important avec l’Union européenne (UE), dont la construction institutionnelle a accordé une large place à la politique de la concurrence au niveau du marché unique et au libre-échange, et n’a pas cherché à donner l’avantage aux producteurs nationaux pour l’attribution des marchés publics.</p>
<p>Ces différences de conception entre les États-Unis et les pays de l’UE se traduisent-elles pour autant par une commande publique s’adressant davantage aux producteurs nationaux outre-Atlantique ? Si le cadre réglementaire de la commande publique est très largement harmonisé en Europe, les pratiques divergent-elles entre pays de l’UE ?</p>
<p>L’échelle européenne reste incontournable pour comprendre les règles nationales qui régissent les contrats de commande publique et d’octroi de marchés publics. Le droit de l’Union pose en effet tant des principes fondamentaux d’égalité de traitement, de non-discrimination et de transparence que de nombreuses règles et procédures.</p>
<h2>Écarts d’ampleur</h2>
<p>La commande publique, qui recouvre les achats de biens, de services et de travaux effectués par les administrations et les entreprises publiques, représente de 10 % à 20 % du PIB des pays membres de l’UE et des États-Unis. Dans une <a href="https://www.cae-eco.fr/la-commande-publique-peut-elle-constituer-un-levier-de-relocalisation-de-lactivite">note</a> du Conseil d’analyse économique (CAE) publiée en 2021, les économistes Claudine Desrieux et Kevin Parra Ramirez estimaient la part des importations dans la commande publique de biens et services en 2014 (date la plus récente à laquelle les <a href="https://www.rug.nl/ggdc/valuechain/wiod/wiod-2016-release">données</a> qui permettent de réaliser ces calculs sont disponibles) autour de 9 % pour la zone euro, 8 % pour l’Italie et la France et 4 % pour les États-Unis.</p>
<p>Les ordres de grandeur changent cependant très significativement quand l’examen, effectué selon la méthodologie exposée en note du graphique suivant, est restreint au périmètre des biens manufacturés.</p>
<p><iframe id="uXrm8" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/uXrm8/7/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>En outre, l’hétérogénéité entre pays est frappante. En 2014, la part des importations est la plus faible aux États-Unis, 19 %, tandis qu’elles sont 2,5 à 3,5 fois plus élevées en Europe, en France tout particulièrement. Ces écarts d’ampleur de part et d’autre de l’Atlantique tiennent en partie aux écarts de taille économique des pays, les plus grands ayant moins besoin de recourir à l’extérieur pour satisfaire leurs besoins, que ce soit pour leur commande publique ou de manière plus générale.</p>
<p>À l’exception de l’Allemagne, on observe de plus un processus continu d’accroissement de la part des importations de produits manufacturés dans la commande publique, notamment en France et en Italie. Mécaniquement, lorsqu’un pays se désindustrialise, il doit davantage recourir aux importations pour satisfaire sa demande de biens manufacturés. Or, entre 2000 et 2014, la part du secteur manufacturier dans le PIB est passée de 14 % à 10 % en France, et de 18 % à 14 % en Italie.</p>
<p>L’Allemagne présente un profil particulier, avec une part qui passe de 40 % en 2000 à plus de 63 % en 2007, puis diminue de façon quasi continue jusqu’à 45 % en 2014. Cette trajectoire pourrait venir de la politique allemande du médicament. En 2002, afin de maîtriser les dépenses de santé, une législation a contraint les pharmacies à vendre des médicaments importés lorsque leur prix était inférieur à certains seuils, pour les médicaments remboursés par l’assurance maladie.</p>
<p>Cette « clause de promotion des importations » a entraîné une hausse immédiate de la part de marché des produits pharmaceutiques importés, avec un pic en 2007. Un moratoire a ensuite été décidé sur le prix des médicaments : en pratique, les prix ont été gelés entre 2006 et 2013, conduisant les prix des médicaments produits en Allemagne à passer sous les seuils qui justifiaient le recours aux importations. La part de ces dernières a dès lors reculé au profit des produits pharmaceutiques allemands.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/les-produits-de-sante-une-filiere-de-poids-dans-les-echanges-internationaux-214276">Les produits de santé : une filière de poids dans les échanges internationaux</a>
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<p>La part plus forte des importations dans la commande publique pourrait refléter celle des <a href="https://theconversation.com/fr/topics/importations-114407">importations</a> dans la <a href="https://theconversation.com/fr/topics/consommation-20873">consommation</a> des ménages. Un pays désindustrialisé est en effet amené à consommer des biens manufacturés importés, que ce soit pour la consommation privée ou publique. Un écart entre la part des importations dans la commande publique et dans la consommation des ménages pourrait à l’inverse refléter des choix de politiques publiques.</p>
<p>Alors qu’aux États-Unis la part des importations dans la commande publique est plus faible que celle dans la consommation des ménages de 10 à 12 points de pourcentage (une différence qui pourrait provenir du <em>Buy American Act</em>), une situation exactement inverse s’observe pour les quatre grands pays de la zone euro. L’écart est particulièrement élevé en France, et se creuse à partir de 2007-2008, atteignant 20 points en 2014.</p>
<h2>Quelles marges de manœuvre ?</h2>
<p>Sans avoir besoin de transformer préalablement les structures de production, il existe ainsi des marges de manœuvre pour réduire la part des importations dans la commande publique et favoriser les secteurs manufacturiers nationaux. Quels seraient les gains pour ces secteurs d’un hypothétique alignement de la part des importations dans la commande publique sur celle dans la consommation des ménages ?</p>
<p>En France, ce sont près de 8 milliards de dollars (environ 0,3 % du PIB de 2022) supplémentaires dont aurait bénéficié le secteur manufacturier national en 2014 si le taux d’importation de biens manufacturés de la commande publique avait été égal à celui de la consommation des ménages. Pour l’Allemagne, l’Espagne et l’Italie, les gains, plus modestes, seraient respectivement, de 2,2, 1,5 et 2,8 milliards de dollars.</p>
<p>Un calcul symétrique peut être effectué pour les États-Unis, en évaluant le montant qui aurait été perdu si la part des importations de biens manufacturés avait été aussi élevée dans la commande publique qu’elle l’était dans la consommation des ménages. Cette perte aurait été de 24,2 milliards de dollars en 2014 – et on peut imaginer qu’il s’agit là d’une estimation basse, car il est vraisemblable que, sans le <em>Buy American Act</em>, la part des importations de biens manufacturés dans la commande publique américaine aurait été supérieure à ce qu’elle est dans la consommation privée, à l’image de ce que l’on observe pour les grandes économies européennes.</p>
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<p>Un accord autour d’un véritable « Buy European Act » parait difficilement atteignable, car il <a href="http://www.cepii.fr/PDF_PUB/pb/2023/pb2023-40_FR.pdf">remettrait en cause des fondamentaux du droit européen</a>. Cela contraindrait également sans doute l’Union européenne à <a href="http://www.cepii.fr/PDF_PUB/pb/2023/pb2023-40_FR.pdf">renégocier sa participation à l’accord sur les marchés publics de l’OMC</a>. Pour permettre la coexistence de cet accord avec le <em>Buy American Act</em>, les États-Unis ont en effet dû négocier des clauses spécifiques.</p>
<p>Cependant, la protection de certaines activités stratégiques ou de l’environnement ainsi que la préservation de la compétitivité des producteurs locaux constituent autant d’<a href="https://www.lexbase.fr/article-juridique/90641981-citedanslarubriquebmarchespublicsbtitrenbspipeutilexisterunprotectionnismeeuropeenen">arguments mobilisables</a> dans le cadre européen actuel. Le développement de clauses de conditionnalité environnementale – sur le modèle du <a href="https://www.service-public.fr/particuliers/actualites/A16766">nouveau bonus français sur les voitures électriques</a> – apparaît comme une voie prometteuse, en permettant de contourner l’interdiction des clauses de contenu local sans modification significative du droit existant. Une approche similaire pourrait être retenue pour la commande publique. La loi française <a href="https://www.economie.gouv.fr/daj/la-loi-ndeg-2023-973-du-23-octobre-2023-relative-lindustrie-verte-renforce-la-commande-publique">« Industrie verte »</a>, adoptée en octobre 2023, fait un premier pas en ce sens, avec la création d’un label permettant d’intégrer les critères environnementaux dans la commande publique.</p>
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<p><em>Cet article développe des extraits de Grjebine T. et Héricourt J. (2023), <a href="https://www.cairn.info/l-economie-mondiale-2024%E2%80%939782348080074-page-43.htm">« Les dilemmes d’une réindustrialisation (verte) en économie ouverte »</a>, <a href="https://theconversation.com/economie-mondiale-2024-annee-de-toutes-les-reconfigurations-212268">L’économie mondiale 2024</a> <a href="https://www.collectionreperes.com/l_economie_mondiale_2024-9782348080074">, collection Repères, La Découverte</a>.</em></p>
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<p><em>Cette contribution à The Conversation France est publiée en lien avec les Jéco 2023 qui se tiennent à Lyon du 14 au 16 novembre 2023. Retrouvez ici le <a href="https://www.journeeseconomie.org/affiche-conference2023">programme complet</a> de l’événement.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/217569/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>
De grands écarts apparaissent entre les États-Unis et l’Union européenne, mais également parmi les pays européens.
Thomas Grjebine, Économiste, Responsable du programme "Macroéconomie et finance internationales" au CEPII., CEPII
Jérôme Héricourt, Professeur d'économie, conseiller scientifique au CEPII, Université d’Evry – Université Paris-Saclay
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/216771
2023-11-06T17:02:20Z
2023-11-06T17:02:20Z
Défendre la cause climatique, une affaire (aussi) bureaucratique
<p>L’inaction de l’État français en matière <a href="https://theconversation.com/topics/action-climatique-120520">climatique</a> est régulièrement <a href="https://www.hautconseilclimat.fr/publications/rapport-grand-public-2023/">dénoncée par de nombreux observateurs</a>. Militants écologistes ou membres d’institutions évaluant les progrès réalisés dans ce domaine mettent en avant les décalages entre les discours des gouvernants et la réalité des politiques publiques, rarement au rendez-vous des défis à relever.</p>
<p>Cette posture critique, indispensable pour dresser un diagnostic sans concession de la situation, gagne à être complétée par une analyse prenant le parti de regarder l’<a href="https://theconversation.com/topics/etat-24388">État</a> « de l’intérieur », d’observer la construction de ses décisions stratégiques et ordinaires, et ce qu’elles nous disent sur son aptitude à impulser des chantiers à la hauteur des enjeux. Car le climat est aussi une affaire <a href="https://theconversation.com/topics/bureaucratie-87083">bureaucratique</a>, qui interroge la capacité de l’<a href="https://theconversation.com/topics/administration-27868">administration</a> qui le « défend » à se faire entendre au sein de l’État. Tel est notamment l’objet d’un <a href="https://books.openedition.org/pressesmines/9511?lang=fr">ouvrage</a> que nous avons récemment publié aux Presses des Mines de Paris.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/556858/original/file-20231031-21-7whzel.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/556858/original/file-20231031-21-7whzel.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/556858/original/file-20231031-21-7whzel.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=900&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/556858/original/file-20231031-21-7whzel.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=900&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/556858/original/file-20231031-21-7whzel.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=900&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/556858/original/file-20231031-21-7whzel.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1131&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/556858/original/file-20231031-21-7whzel.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1131&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/556858/original/file-20231031-21-7whzel.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1131&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Graham Allison, théoricien des « bureaucratic politics ».</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Graham_T._Allison#/media/Fichier:Graham_T._Allison,_Jr.jpg">Domaine public</a></span>
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<p>Pour urgente soit-elle, cette cause ne fait pas en effet l’objet d’une adhésion « naturelle » de tous les ministères. Elle doit trouver sa place dans un champ fragmenté, traversé de logiques souvent contradictoires, qui donnent lieu à des conflits de territoires et des luttes de pouvoir que Graham Allison, chercheur en sciences politiques à Harvard, a conceptualisés dans son étude sur la crise des missiles de Cuba sous le terme de « <em><a href="https://ils.unc.edu/courses/2013_spring/inls285_001/materials/Allison.1971.Essence_of_Decision.pdf">bureaucratic politics</a></em> ». Observer ces rapports de force, tels qu’ils sont apparus lors de l’élaboration de la dernière <a href="https://www.ecologie.gouv.fr/publication-strategie-francaise-lenergie-et-climat-france-confirme-engagement-vers-societe-neutre-en">Stratégie nationale bas-carbone</a> (SNBC), permet d’identifier une autre facette de l’(in)action de l’État : la difficulté à faire exister les enjeux climatiques dans l’espace politico-administratif.</p>
<h2>Agir sans vrai levier juridique et financier</h2>
<p>Cette incapacité est, en premier lieu, instrumentale. La SNBC jouit d’un statut juridique qui en fait un outil de faible portée. Conçue au moment de la <a href="https://www.loir-et-cher.gouv.fr/Actions-de-l-%C3%89tat/Developpement-durable-et-cadre-de-vie/Transition-energetique-pour-la-croissance-verte">loi Transition énergétique pour la croissance verte</a> de 2015, elle a été en grande partie vidée de tout contenu trop prescriptif. Elle ne vise que l’État et les collectivités territoriales, les entreprises ou les citoyens n’étant pas tenus d’en respecter les orientations. </p>
<p>Son degré de normativité est, par ailleurs, très relatif. Y sont employés des termes comme « prise en compte » ou « compatibilité », inférieurs dans la hiérarchie des normes à celui de « conformité », autorisant un jeu interprétatif et, partant, un <a href="https://www.hautconseilclimat.fr/wp-content/uploads/2021/06/Rapport-HCC-Outils-juridiques-de-la-neutralite%CC%81-carbone-23-juin.pdf">degré de contrainte limité</a>.</p>
<p>De plus, si la SNBC conforte juridiquement la référence aux budgets carbone, l’État ne peut se saisir d’eux pour en faire de vrais instruments de pilotage. Le droit précise que leur répartition par secteurs (transports, agriculture, logement, industrie, etc.) est indicative. Et le suivi des quotas alloués n’est pas contraignant.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1671255689077858304"}"></div></p>
<p>Limitée dans sa portée normative, la SNBC l’est aussi en matière financière. Les leviers budgétaires et économiques restent contrôlés par les administrations sectorielles. La taxe carbone, en particulier, outil sur lequel elle pourrait s’appuyer, est largement paramétrée par le ministère des Finances et son produit n’est <a href="https://www.ccomptes.fr/fr/publications/la-fiscalite-environnementale-au-defi-de-lurgence-climatique">qu’en partie orienté vers l’accompagnement des mesures que la SNBC préconise</a>. C’est notamment ce qu’a montré l’épisode des « Gilets jaunes ». Ce faisant, la SNBC est un instrument sans moyens d’action dédiés.</p>
<h2>Négocier en position de faiblesse</h2>
<p>Par ailleurs, l’administration en charge d’élaborer la stratégie climat occupe une position structurellement marginale au sein de l’État. Contrairement à d’autres pays, qui ont opté pour la placer sous la <a href="https://www.ecologie.gouv.fr/publication-du-6e-rapport-synthese-du-giec">responsabilité directe des services du Premier Ministre</a>, elle est située au sein du ministère de la Transition écologique, où elle occupe un rang périphérique. En termes de statut tout d’abord car elle n’est qu’un simple service au moment de la SNBC 2 (elle est devenue depuis une <a href="https://www.ecologie.gouv.fr/sites/default/files/060923_DGEC-Organigramme.pdf">direction de la Direction générale de l’énergie et du climat</a>, mais sans jouir encore d’un fort prestige). En termes de moyens humains et d’expertise également.</p>
<p>Ce choix de ministère de tutelle peut se comprendre par le souci de mieux lier climat et énergie (qui représente 80 % des émissions de gaz à effet de serre). Il a néanmoins pour effet de la priver d’un leadership interministériel et de l’obliger à composer avec des administrations sectorielles en position de force.</p>
<p>Dans l’agriculture, domaine qui reste hors du périmètre de l’Écologie, la fixation des objectifs climatiques est, de fait, déléguée au ministère éponyme, afin de ne pas risquer de bloquer le processus. Dans les autres secteurs, gérés au sein de l’Écologie ou en cotutelle avec elle, la collaboration n’est pas pour autant aisée, les administrations se montrant très prudentes à nouer des engagements. Elles gardent en effet en tête les potentiels effets jugés négatifs sur les « ressortissants » de leurs politiques publiques. Conscientes que la SNBC n’est assortie d’aucun levier garantissant des mesures d’accompagnement, elles usent de leur légitimité pour obtenir des arbitrages intra-ministériels minimisant les efforts exigés ou dont elles savent qu’ils n’auront aucune valeur contraignante.</p>
<p>Dans ce contexte, l’administration en charge de la stratégie climat doit se chercher des alliés et des solutions pour fixer des objectifs crédibles et les ventiler par secteur. Le recours à une forte électrification des usages, voie privilégiée par la France, en est une, qui évite de trop perturber l’ordre bureaucratique, alors que la filière nucléaire y voit une opportunité pour regagner en légitimité.</p>
<h2>Se rendre visible auprès des gouvernants</h2>
<p>Cette administration a d’autant plus de difficultés à peser dans le champ bureaucratique qu’elle ne dispose pas d’un accès facilité au sommet de l’État, gage d’un soutien politique potentiel. Contrairement à la <a href="https://reseaux-chaleur.cerema.fr/espace-documentaire/la-programmation-pluriannuelle-energie-2020#:%7E:text=En%20France%20en%202020%2C%20selon,cette%20date%20%C3%A9tait%20de%2023%20%25%20.">programmation pluriannuelle de l’énergie</a> (PPE), autre volet de la stratégie climat, la SNBC publiée en 2020 a donné lieu à de rares arbitrages à ce niveau. Les services du Premier Ministre n’ont pas suivi de près son élaboration et ne se sont que peu intéressés à un document jugé trop lointain dans ses perspectives et faible dans sa portée normative. Leurs priorités se situaient ailleurs, dans la recherche de solutions aux problèmes et conflits de court terme animant leur quotidien.</p>
<p>Cet accès limité résulte en partie du choix organisationnel évoqué plus haut, qui « invisibilise » à ce niveau les conflits autour des orientations climatiques. Délégués à certains ministères ou traités de manière intra-ministérielle, ceux-ci sont le plus souvent « résolus » en amont, ce qui enlève à l’administration en charge de la SNBC la possibilité de solliciter des arbitrages. Ceux-ci sont d’autant plus difficiles à obtenir que, contrairement à ses homologues, elle ne dispose pas de réseaux interpersonnels suffisamment forts pour relayer ses demandes.</p>
<p>Si elle ne règle pas tout, la création récente, auprès des services du Premier Ministre, d’un <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000046026058">Secrétariat général à la planification écologique</a>, censé mieux coordonner les ministères autour des enjeux climatiques, pallie en partie ce problème d’accès. La pérennité de cette structure à vocation interministérielle n’est cependant pas acquise.</p>
<h2>Vers une plus grande capacité d’action ?</h2>
<p>Les difficultés que nous venons d’évoquer ne sont pas sans rappeler de vieux débats, classiques en science politique, sur la manière de « faire exister » des questions globales et transversales dans le champ bureaucratique, comme l’environnement ou le développement durable. Elles apparaissent à la fois comme conséquences et causes d’un manque de volontarisme de l’État en matière climatique.</p>
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<p>Conséquences car elles témoignent – au mieux – des hésitations des gouvernants à faire de ce nouvel impératif un élément structurant des politiques publiques, au regard des craintes et problèmes qu’ils éprouvent à transformer un modèle de société traversé par des intérêts suscitant de très fortes réticences, et qui nécessitent souvent de trouver des solutions à d’autres échelles, dont celle de l’Union européenne.</p>
<p>Causes d’inertie également car ces difficultés ne peuvent, en retour, qu’entraver la cohérence et les ambitions de l’intervention publique, à l’heure où un <a href="https://medias.vie-publique.fr/data_storage_s3/rapport/pdf/289488_1.pdf">effort de mobilisation collective sans précédent serait nécessaire</a>.</p>
<p>Doter l’administration en charge du climat d’une plus grande capacité d’action pour faire bouger l’État et, à travers lui, l’ensemble de la société ? Une piste à étudier pour lutter contre l’inaction climatique…</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/216771/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>François-Mathieu Poupeau ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>
Si les politiques climatiques restent insuffisantes, c’est aussi, comme le suggère un ouvrage récent, car les administrations portant le sujet peinent à se faire entendre au milieu des autres.
François-Mathieu Poupeau, Directeur de recherche au CNRS (LATTS, UMR 8134), Professeur de l'École des Ponts ParisTech, École des Ponts ParisTech (ENPC)
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tag:theconversation.com,2011:article/215472
2023-10-17T19:33:43Z
2023-10-17T19:33:43Z
Restauration de l’ISF : une voie climatique et européenne ?
<p>Depuis quelques mois, la petite musique du retour d’un <a href="https://theconversation.com/topics/impot-de-solidarite-sur-la-fortune-isf-63772">impôt sur la fortune</a> (ISF) se fait entendre en France et en Europe. Plusieurs initiatives venant d’horizons politiques différents ont (ré)inscrit la fiscalité du patrimoine à l’agenda médiatique et politique.</p>
<p>Tout récemment, Jean-Paul Mattei, Président du groupe MoDem à l’Assemblée nationale, allié à la majorité, s’est prononcé, dans un <a href="https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/rapports/cion_fin/l16b1678_rapport-information">rapport parlementaire</a>, en faveur d’un ISF européen afin de financer la <a href="https://theconversation.com/topics/transition-ecologique-66536">transition écologique</a>. Au début de l’été, les députés européens sociaux-démocrates Aurore Lalucq et Paul Magnette déposaient, eux, auprès de la Commission européenne une demande « d’initiative citoyenne européenne » sur le sujet. Si elle recueille un million de signatures dans au moins sept pays en un an, elle pourrait déboucher sur l’élaboration d’une directive européenne instaurant un « impôt sur la fortune écologique et social » ciblant les <a href="https://www.tax-the-rich.eu/">1 % des ménages les plus riches</a>.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1708129413378748704"}"></div></p>
<p>Un mois plus tard, en juillet, la Commission a enregistré la demande, permettant de lancer la collecte des signatures. Au même moment, la publication d’une étude commandée par le groupe écologiste au Parlement européen et réalisée par l’ONG Tax Justice Network montrait qu’un impôt européen sur les 0,5 % des super-riches rapporterait chaque année <a href="https://taxjustice.net/wp-content/uploads/2023/06/Policy-brief-climate-justice_2206.pdf">213 milliards d’euros</a>, venant renforcer les arguments des défenseurs de ce type d’impôt.</p>
<p>L’idée d’un ISF vert se retrouvait également, à l’échelle nationale, au sein du document rendu au mois de mai par Jean Pisani-Ferry, professeur d’économie à Sciences Po Paris et contributeur du programme économique d’Emmanuel Macron en 2017, et Selma Mahfouz, inspectrice générale des finances. Dans ce texte rédigé à la demande de la Première ministre Élisabeth Borne, ils proposent la création d’un impôt exceptionnel et temporaire sur le patrimoine financier des ménages les plus aisés, devant rapporter environ 5 milliards d’euros par an jusqu’en 2050, afin de financer la transition écologique.</p>
<p>Ces différentes initiatives sont d’autant plus remarquables qu’elles s’inscrivent dans un contexte de quasi-disparition de l’Impôt sur la Fortune en Europe. En 2023, dans l’Union européenne, seule l’Espagne collecte encore un impôt sur la richesse, à partir d’un seuil de 700 000 euros et selon des taux qui varient selon les communautés autonomes. S’il paraît peu vraisemblable que pareil impôt soit restauré à l’échelle nationale, du moins en France et en Allemagne, pays qui ont fait l’objet de nos <a href="https://www.editions-msh.fr/livre/vie-et-mort-de-limpot-sur-la-fortune/">travaux</a>, le débat semble bien différent à l’échelle de l’Europe lorsque s’y mêle les questions climatiques.</p>
<h2>Supprimé en France, suspendu en Allemagne</h2>
<p>En France, la suppression de l’ISF a été une des premières mesures fiscales du président Emmanuel Macron, en le remplaçant par un impôt sur la fortune immobilière, l’IFI. Celui-ci a considérablement fait diminuer les recettes fiscales : l’ISF a rapporté <a href="https://www.lesechos.fr/economie-france/budget-fiscalite/lisf-a-connu-une-derniere-annee-faste-136017">4 milliards d’euros</a> aux caisses publiques en 2017, l’IFI <a href="https://www.capital.fr/votre-argent/impot-sur-la-fortune-immobiliere-le-nombre-de-declarants-en-forte-hausse-les-recettes-aussi-1472111#:%7E:text=L%E2%80%99Imp%C3%B4t%20sur%20la%20fortune,des%20Finances%20publiques%20(DGFiP)">2,35 milliards</a> en 2022. Son efficacité sur l’exil fiscal ou la compétitivité du pays reste en <a href="https://www.lesechos.fr/economie-france/budget-fiscalite/impots-les-effets-encore-mitiges-de-la-reforme-de-lisf-1355008">débat</a>.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/553278/original/file-20231011-15-30s19l.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/553278/original/file-20231011-15-30s19l.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/553278/original/file-20231011-15-30s19l.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=889&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/553278/original/file-20231011-15-30s19l.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=889&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/553278/original/file-20231011-15-30s19l.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=889&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/553278/original/file-20231011-15-30s19l.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1117&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/553278/original/file-20231011-15-30s19l.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1117&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/553278/original/file-20231011-15-30s19l.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1117&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="attribution"><a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
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<p>En Allemagne, l’impôt sur la fortune est toujours inscrit dans la <a href="https://www.btg-bestellservice.de/pdf/80202000.pdf">Loi fondamentale</a> (qui joue le rôle de Constitution) bien qu’il ne soit plus prélevé depuis une décision du Tribunal constitutionnel fédéral datant du 22 juin 1995. Celui-ci considérait que l’ISF ne respectait pas le principe de l’égalité devant l’impôt.</p>
<p>Le patrimoine immobilier était en effet évalué sur la base des valeurs foncières de 1964 tandis que la détention d’un patrimoine financier était estimée à la valeur du marché. Le patrimoine immobilier étant moins taxé que le patrimoine financier, la cour constitutionnelle demanda au gouvernement de Helmut Kohl de réviser les valeurs immobilières sur lesquelles était basé l’impôt sur la fortune avant le 31 décembre 1996. Le gouvernement Kohl ne modifiant pas ces valeurs, l’impôt fut automatiquement suspendu – et non pas supprimé – le 1<sup>er</sup> janvier 1997.</p>
<h2>Un retour improbable à l’échelle nationale</h2>
<p>Depuis, au sein de ces deux pays souvent décrits comme les moteurs de l’Europe, la question d’un retour de cette forme d’imposition du capital revient très fréquemment sur le devant de la scène. En Allemagne, tous les partis de gauche l’inscrivent à leur programme lors de chaque élection législative. Mais à l’exception de die Linke, le parti d’extrême gauche en <a href="https://www.cairn.info/load_pdf.php?ID_ARTICLE=ALL_238_0120&download=1">perte de vitesse</a> depuis les élections de 2021, personne ne passe à l’acte.</p>
<p>Des <a href="https://www.cairn.info/revue-gouvernement-et-action-publique-2020-4-page-29.htm?ref=doi">entretiens</a> que nous avons réalisés auprès de députés SPD et Grünen entre 2010 et 2016 montrent que la défense de l’impôt sur la fortune n’est qu’une façade. Elle semble avoir principalement vocation à rallier des soutiens à la fois électoraux, associatifs et syndicaux mais pas à être inscrit aux différents contrats de coalition négociés au fil des années. En 2021, lorsque le SPD et les Grünen s’allient au Parti libéral (FDP, droite) pour former un nouveau Gouvernement et alors qu’ils sont en position de force pour réintroduire un impôt sur les plus riches, y compris par le biais d’une taxe temporaire, les deux partis écartent rapidement et sans réelle surprise cette éventualité.</p>
<p>En France, toutes les stratégies de réintroduction de l’ISF se sont également heurtées à une fin de non-recevoir de la part d’Emmanuel Macron. Dès le lendemain de la remise du rapport Pisani-Mahfouz, son ministre de l’Économie Bruno Le Maire <a href="https://www.ouest-france.fr/environnement/ecologie/transition-ecologique/le-gouvernement-ecarte-lidee-dun-impot-sur-les-plus-riches-pour-financer-la-transition-ecologique-7d0442de-f96f-11ed-b43f-8b3773bbbed4">écartait l’idée</a> d’ISF vert en déclarant que la création d’un nouvel impôt « n’est pas la solution ».</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1663796704699621377"}"></div></p>
<p>Cette situation tient en grande partie aux transformations des débats sur ce type d’impôt. Pensé à l’origine comme un impôt de solidarité destiné à financer le RMI en France, ou comme une ressource budgétaire pour les Länder en Allemagne, le cadrage des débats politiques sur l’impôt la fortune a rapidement basculé vers ses <a href="https://www.cairn.info/load_pdf.php?ID_ARTICLE=GAP_173_0037&download=1">effets sur les entreprises</a>. Si les biens professionnels ont été exclus de l’assiette de l’impôt, ses opposants sont néanmoins parvenus à l’associer à une <a href="https://www.editions-msh.fr/livre/vie-et-mort-de-limpot-sur-la-fortune/">forme d’impôt sur les sociétés déguisé</a> et non plus sur les particuliers. Si on en croit leurs discours, l’ISF conduirait à un exil des plus fortunés dans un contexte de concurrence fiscale entre États, à une fuite des capitaux et à une perte d’emplois par la nation.</p>
<h2>Une solution européenne ?</h2>
<p>Pris dans cette impasse, les partisans de la restauration d’un impôt sur la fortune semblent avoir adapté leur stratégie, en déplaçant la lutte à une autre échelle, l’Europe, et en la liant à un nouvel enjeu : l’écologie.</p>
<p>Sur ce dernier point, l’analyse d’archives parlementaires de la période 2010-2016 montre qu’aucun parti, en France ou en Allemagne, y compris chez les écologistes, n’utilisait ce cadrage politique. La question de la réduction des inégalités sociales et économiques par l’impôt laisse donc place à un enjeu potentiellement plus consensuel et susceptible de recueillir de plus vastes soutiens. Le fait que des économistes proches de la majorité présidentielle française, comme Jean Pisani-Ferry, ou des députés qui en sont membres, comme Jean-Paul Mattei, s’engagent sur ce sujet montre que cette stratégie fonctionne dans une certaine mesure.</p>
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<p>L’européanisation des politiques fiscales constitue également une ressource politique pour les soutiens de l’ISF. Cette stratégie a déjà été observée dans le cas d’autres politiques publiques comme la <a href="https://www.cairn.info/revue-politique-europeenne-2015-3-page-116.htm">réforme du code du travail au Portugal</a>. En passant à l’échelle européenne, les défenseurs de l’ISF court-circuitent la critique d’un affaiblissement des entreprises nationales dans la compétition économique européenne. C’est certainement cette dimension qui conduit Bercy à ne pas écarter l’idée d’un ISF européen, l’entourage de Bruno Le Maire ayant répondu <a href="https://www.lemonde.fr/politique/article/2023/09/25/budget-2024-le-modem-propose-la-creation-d-un-isf-vert_6190938_823448.html">« pourquoi pas ? »</a> à cette l’éventualité quand il rejetait peu de temps auparavant les propositions de Selma Mahfouz et Jean-Pisani Ferry.</p>
<p>D’autre part, l’initiative citoyenne européenne, si elle atteint son objectif, légitimera la position des partisans de l’ISF, leur permettant de mobiliser une hypothétique « opinion publique » européenne. Celle-ci semble par ailleurs favorable à la taxation de la richesse dans de nombreux pays, <a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2019/09/09/le-debat-sur-le-retour-de-l-impot-sur-la-fortune-agite-l-allemagne_5508099_3234.html">y compris en Allemagne</a>.</p>
<p>Si l’ISF est encore très loin de faire un retour fracassant en Europe, son avenir semble donc se jouer à Bruxelles. Cela poserait par ailleurs les bases d’une fiscalité européenne commune qui renforcerait l’UE dans son ensemble, au moment où les partis eurosceptiques d’extrême droite du continent cherchent à l’affaiblir et s’activent en vue des élections de juin 2024.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/215472/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Martin Baloge ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>
En France comme en Allemagne, le retour de l’ISF à l’échelle nationale semble improbable. La réalité semble toute autre au niveau de l’UE où ses partisans peuvent aussi jouer de l’argument climatique.
Martin Baloge, Maître de Conférences en Science politique, Institut catholique de Lille (ICL)
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tag:theconversation.com,2011:article/214603
2023-10-03T16:36:28Z
2023-10-03T16:36:28Z
Les grands impensés du plan écologique d’Emmanuel Macron
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/550962/original/file-20230928-17-h1b0t3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Emmanuel Macron devant un parterre de tournesols, aux côtés du Premier ministre du Luxembourg Xavier Bettel.</span> <span class="attribution"><span class="source"> EU2017EE Estonian Presidency/Raul Mee</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span></figcaption></figure><p>Le 25 septembre dernier, à l’issue d’un conseil de <a href="https://theconversation.com/planification-ecologique-la-necessaire-concertation-democratique-pour-une-mise-en-oeuvre-juste-et-efficace-182699">planification écologique</a>, Emmanuel Macron twittait : « Nous avons un plan. Il est déjà à l’œuvre », accompagné d’une <a href="https://twitter.com/EmmanuelMacron/status/1706351887623086376">vidéo</a> cherchant à démontrer le sérieux et la constance de l’engagement du président en faveur de l’écologie depuis 2017.</p>
<p>Mais est-ce vraiment le cas ? Tout indique que non, la faute à une <a href="https://theconversation.com/quelle-place-pour-lecologie-populaire-dans-la-planification-ecologique-204830">vision technocratique des enjeux</a>, qui cherche à optimiser le modèle, sans le changer.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1706351887623086376"}"></div></p>
<h2>Une montée en puissance depuis deux mandats</h2>
<p>Le programme de 2017 n’a pas brillé par son volet écologique. Le changement climatique est certes évoqué, de même que la sortie du charbon, la transition écologique et la rénovation des logements, mais <a href="https://www.elections-presidentielles.com/wp-content/uploads/2017/03/Programme-Emmanuel-Macron.pdf">sans beaucoup plus de précisions sur la façon d’y parvenir</a>.</p>
<p>Le programme de 2022 <a href="https://www.lemonde.fr/election-presidentielle-2022/article/2022/03/18/le-programme-d-emmanuel-macron-a-la-presidentielle-2022_6118070_6059010.html">est plus offensif</a>. Tout d’abord, un constat : les transports représentent 30 % de nos émissions, l’agriculture 19 %, comme l’industrie, le bâtiment 18 %, l’énergie 10 % et les déchets 3 %. À partir de là, un programme : atteindre la neutralité carbone d’ici 2050, au moyen d’un déploiement « massif » d’énergies renouvelables et de six voire quatorze nouveaux réacteurs EPR ; proposer une offre de voitures électriques françaises en leasing ; accentuer la rénovation énergétique et notamment le remplacement des chaudières.</p>
<p>Le premier conseil de planification écologique, le 28 janvier 2023, <a href="https://www.elysee.fr/emmanuel-macron/2023/01/28/premier-conseil-de-planification-ecologique">s’est montré plus didactique</a>. Le président se félicite que les émissions ont baissé deux fois plus vite entre 2019 et 2022, par rapport aux tendances antérieures, suggérant par là que l’action du gouvernement est très positive. Mais attention : pour atteindre la neutralité carbone, le rythme doit encore doubler, soit être quatre fois plus rapide qu’avant 2019.</p>
<p>À cette occasion, le programme est affiné. En matière de transports, la mesure la plus efficace – et la plus rentable – serait l’électrification des véhicules particuliers ; et ensuite le financement des infrastructures ferroviaires, notamment de type RER. Dans le domaine agricole, la voie serait celle d’une réduction des intrants, aider les jeunes à s’installer avec de nouvelles méthodes, et planter un milliard d’arbres. Dans le domaine du bâtiment, l’effort concerne plus particulièrement les acteurs collectifs, publics et privés. Enfin, on apprend que les 50 sites les plus polluants sont en voie de décarbonation, et que l’industrie a déjà beaucoup réduit ses émissions depuis 1990, certes pour partie parce que la France s’est tertiarisée.</p>
<p>Avec deux leçons :</p>
<ul>
<li><p>les émissions du transport <a href="https://www.citepa.org/wp-content/uploads/publications/secten/2023/Citepa_Secten_ed2023_v1.pdf">ne baissent pas, elles augmentent</a></p></li>
<li><p>Le <a href="https://www.ecologie.gouv.fr/sites/default/files/dp-plan-sobriete.pdf">plan de sobriété</a>, dévoilé par le gouvernement en octobre 2022, a donné de bons résultats.</p></li>
</ul>
<h2>L’écologie du « il n’y a plus qu’à »</h2>
<p>À entendre l’exécutif, en janvier, les pistes seraient identifiées, et maintenant tout ne serait plus affaire que « d’exécution ». Constatant qu’« on n’y est pas encore », et que le chemin pour y arriver sera « très dur », le président se veut rassurant : si on innove, si on met de la bonne volonté, de la transparence et de l’accompagnement, nous y arriverons.</p>
<p>Le plan est formalisé le 23 juillet 2023 dans le plan <a href="https://www.gouvernement.fr/france-nation-verte">France nation verte</a>. Pas de grand changement, mais quelques évolutions :</p>
<ul>
<li><p>Sur le volet transport, la voiture électrique légère est mise en avant, ainsi que le vélo, le transport en commun et le covoiturage.</p></li>
<li><p>Dans le bâtiment, il s’agit d’une sortie du fioul par les pompes à chaleur.</p></li>
<li><p>Dans l’industrie, la voie est l’efficacité énergétique, l’énergie biomasse et la séquestration de carbone.</p></li>
<li><p>Le plan réitère les objectifs en matière de nucléaire, annonce un doublement des renouvelables d’ici 2030 (solaire et éolien), ainsi qu’un triplement de la chaleur livrée par réseau.</p></li>
<li><p>Et il ajoute des objectifs en matière de biodiversité et d’usage de l’eau.</p></li>
</ul>
<p>Le second conseil du 25 septembre conserve ces orientations. L’inflexion industrielle est renforcée. Les batteries, voitures et même matières premières (lithium) seront françaises. La France portera également en Europe la voie d’une sortie du charbon, d’une écologie créatrice de valeur économique, de souveraineté.</p>
<p>Le <a href="https://www.budget.gouv.fr/documentation/documents-budgetaires/exercice-2024/le-projet-de-loi-de-finances-et-les-documents-annexes-pour-2024">projet de budget 2024 va dans le même sens</a>, tout en étant plus difficile à décrypter, en raison des jeux usuels entre catégories budgétaires, telle ou telle activité pouvant être brutalement considérée comme « verte », suivant le sens qu’on veut lui donner. L’effort sur la rénovation sera accru, et enfin le nucléaire bénéficiera 1,5 milliard supplémentaire de soutiens.</p>
<h2>La planification écologique à l’épreuve des promesses</h2>
<p>Comment jauger de l’ambition ? Le point de départ très optimiste d’Emmanuel Macron est déjà à relativiser. La baisse « deux fois plus rapide » vantée par le président entre 2019 et 2022 n’était en réalité qu’un retour à la trajectoire initialement affichée par le gouvernement Hollande, dont Emmanuel Macron était ministre, comme le rappelle la <a href="https://www.ecologie.gouv.fr/sites/default/files/SNBC-2%20synthe%CC%80se%20VF.pdf">Stratégie nationale bas carbone</a>. Elle a aussi été bien aidée, avons-nous dit, par la pandémie de Covid, ainsi que par des hivers particulièrement doux et la guerre en Ukraine, comme le relève le <a href="https://reseauactionclimat.org/ou-en-est-la-france-dans-ses-objectifs-climatiques-et-energetiques-edition-2023/">Réseau Action Climat</a>.</p>
<p>Ce plan garantit-il de vraiment mettre les bouchées doubles sur les réductions d’émissions, comme il le faudrait pour atteindre la neutralité carbone ? Il est permis d’en douter. En effet, dans le fond, il mise surtout sur la décarbonation des énergies et l’efficacité énergétique dans les bâtiments, ainsi que la réorientation des usages de la biomasse des particuliers vers l’industrie.</p>
<p>Sur le premier volet, la « sortie du charbon » tant mise en avant par le président fait sourire. Il y a belle lurette que la France importe du pétrole et du gaz, <a href="https://www.connaissancedesenergies.org/questions-et-reponses-energies/energie-primaire-et-energie-finale-en-france-quelle-difference">qui représentent 65 % de l’énergie finale consommée</a>. Le charbon, c’est 3 %. La sortie est donc déjà faite. Mais les fossiles représentent toujours la part du lion.</p>
<h2>L’avantage des renouvelables sur le nucléaire</h2>
<p>Il faut donc décarboner au plus vite. Or le déploiement des nouvelles centrales nucléaires prendra du temps, s’il a lieu (voir par exemple les <a href="https://www.connaissancedesenergies.org/afp/rappels-sur-lepr-fleuron-du-nucleaire-francais-aux-deboires-multiples-211216">déboires des EPR</a> : il ne sera pas au rendez-vous avant plusieurs années, alors que la cible à atteindre est dans sept ans.</p>
<p>Le choix du nucléaire, outre les risques induits (risque d’accident, question des déchets…), est aussi celui de la lenteur. Le déploiement des <a href="https://theconversation.com/comment-expliquer-les-retards-de-la-france-en-matiere-denergies-renouvelables-202815">renouvelables</a> est potentiellement plus rapide, car les acteurs mobilisables sont beaucoup plus nombreux, puisque ce sont tous ceux qui disposent d’un peu de surface : églises, parkings, agriculteurs, supermarchés, toits… Se baser sur les renouvelables favoriserait en outre une forme de « pédagogie de la sobriété » de par son <a href="https://basta.media/90-kg-de-pain-sans-subir-la-hausse-des-couts-de-l-energie-pourquoi-le-modele-du-four-solaire-se-diffuse-inflation">appropriation par les usagers</a>.</p>
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<p>Mais le plan ne va pas dans ce sens. Le Réseau Action Climat relève le <a href="https://reseauactionclimat.org/ou-en-est-la-france-dans-ses-objectifs-climatiques-et-energetiques-edition-2023/">retard de la France en la matière</a>. Et de fait, la production de renouvelables n’a augmenté <a href="https://www.statistiques.developpement-durable.gouv.fr/edition-numerique/chiffres-cles-energies-renouvelables-2021/1-les-energies-renouvelables-en-france">que d’un tiers depuis 1990</a>.</p>
<p>Dans le bâtiment aussi, les leviers à activer restent flous. La rénovation énergétique reste très en deçà de ce qui serait nécessaire : <a href="https://lenergeek.com/2023/07/18/transition-energetique-en-france-7-milliards-de-budget-supplementaire-en-2024/">entre 50 et 100 000 par an au lieu de 350 à 400 000</a>. Il est dit qu’il faut mobiliser les acteurs privés et publics, mais rien n’est clairement dit à leur sujet, sinon qu’ils sont plutôt à la traîne. Il reste donc les promesses de pompe à chaleur.</p>
<p>Les mesures prises dans le transport sont quant à elles totalement dépendantes de la mise en œuvre de la sobriété. Plus de transport conduit à <a href="https://www.citego.org/bdf_fiche-document-1122_fr.html">plus d’étalement urbain, toutes choses égales par ailleurs</a> ; de même que le télétravail tant vanté : les télétravailleurs réguliers habitent <a href="https://librairie.ademe.fr/cadic/315/teletravail-modes-de-vie-2020-rapport-partie_1.pdf">plus loin de leur travail que les autres</a>. La seule manière de garantir l’atteinte des objectifs serait qu’ils soient entièrement appropriés par la population. Or, ce n’est pas le cas : les Français sont <a href="https://aoc.media/opinion/2023/09/27/planification-ecologique-le-cadrage-restrictif-tragique-du-president-macron/">confortés dans le culte de « la bagnole »</a>, que le plan se contente d’électrifier.</p>
<h2>Un plan qui élude 50 % des émissions</h2>
<p>Enfin, le plan d’Emmanuel Macron se réfère exclusivement aux émissions nationales de gaz à effet de serre, tout comme la <a href="https://theconversation.com/la-planification-ecologique-existe-deja-en-france-mais-doit-devenir-operationnelle-183670">Stratégie nationale bas carbone</a>. Or le mode de vie français a des implications plus vastes. En achetant des ordinateurs en Chine, par exemple, la France provoque des émissions hors de son territoire.</p>
<p>Or, si les émissions nationales étaient de 403 MtCO2e en 2022, l’empreinte carbone, ou émissions « nettes », qui tient compte des importations et exportations, s’élevait à environ 623 MtCO2e, soit 50 % de plus. Et comme la part extraterritoriale a nettement augmenté, l’empreinte carbone en a fait autant, puisqu’elle n’était encore « que » de 575 MtCO2e en 2021…</p>
<p>Ne pas se soucier de l’empreinte carbone, plus largement, c’est ne pas réellement se soucier d’un changement dans les modes de vie. Le plan du gouvernement vise seulement à les décarboner et en améliorer l’efficacité globale, pas réellement à en restreindre l’expansion – et le cas du numérique est à cet égard exemplaire. Tel est le paradigme de la « croissance verte », monde dans lequel <a href="https://www.nouvelobs.com/economie/20150107.OBS9413/macron-il-faut-des-jeunes-francais-qui-aient-envie-de-devenir-milliardaires.html">chacun peut et doit chercher à devenir milliardaire</a>, tout en protégeant la planète.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/214603/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Fabrice Flipo ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>
Le plan écologique présenté par le président français souffre de plusieurs impensés, comme la mobilisation de la société (sobriété) et la part des émissions liées à nos activités à l’étranger.
Fabrice Flipo, Professeur en philosophie sociale et politique, épistémologie et histoire des sciences et techniques, Institut Mines-Télécom Business School
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tag:theconversation.com,2011:article/200426
2023-09-19T16:13:52Z
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Vélo, bus, tram… Votre moyen de transport influence aussi celui de votre entourage
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/549071/original/file-20230919-19-c9s6mb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=4%2C4%2C2876%2C1792&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Si vous vous rendez à votre travail à vélo, il y a de fortes chances que certaines personnes de votre entourage vous imitent également.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://unsplash.com/fr/photos/x8rDSFN2DpY">Dovile Ramoskaite / Unsplash</a></span></figcaption></figure><p>La voiture reste le moyen de transport majoritaire pour les trajets domicile-travail (73 %), et ce <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/5230681#titre-bloc-12">y compris pour des distances de moins de 5 kilomètres</a>, qui pourraient être facilement couvertes grâce à des modes de déplacement alternatifs. Entre 2015 et 2020, la part modale du vélo (c’est-à-dire le pourcentage de déplacements effectués en vélo) n’a augmenté que de 0,9 point de pourcentage, pour passer de 2 % à 2,9 %.</p>
<p>Ce constat pose la question de l’efficacité des politiques qui ambitionnent de développer l’usage des modes de transports durables et des mobilités dites « actives », autrement dit les mobilités qui s’accompagnent d’une activité physique. Il peut s’agir non seulement de la marche ou du vélo, mais aussi des transports en commun : en moyenne, en effet, un trajet en bus, en tramway ou en train nécessite de marcher au moins une dizaine de minutes, en fonction de l’éloignement des arrêts.</p>
<p>Ces politiques, qui visent à amener les individus à adopter d’autres comportements, ont jusqu’à présent suivi deux voies principales : une approche punitive (taxe carbone, zones à faibles émissions visant à exclure certains véhicules) ou une approche incitative, mais d’un point de vue strictement monétaire (<a href="https://www.ecologie.gouv.fr/faq-forfait-mobilites-durables-fmd">forfait mobilité durable</a>).</p>
<p>Or <a href="https://doi.org/10.1016/j.jeem.2023.102868">nos travaux</a> indiquent qu’il existe d’autres approches possibles, telles que le recours à l’influence sociale ou aux arguments de santé individuelle. En les croisant, il pourrait être possible de renforcer l’efficacité des interventions publiques. Explications.</p>
<h2>L’importance de l’entourage personnel</h2>
<p>Divers travaux de recherches ont suggéré que l’influence sociale pourrait constituer un levier important dès lors qu’il s’agit <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0966692315000952">d’inciter à l’adoption d’une mobilité active</a>.</p>
<p>Le problème est que jusqu’à récemment, les interactions sociales étaient évaluées en fonctions de facteurs tels que l’appartenance à un même quartier d’habitation, par exemple. Or, ce type de critères ne permet pas de résumer à eux seuls l’influence sociale.</p>
<p>Cette dernière peut aussi s’exercer notamment à travers le plaisir que l’on peut ressentir lorsque l’on prend les transports en commun avec des collègues que l’on apprécie. C’est ce que l’on nomme la <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0167268114001036?via%3Dihub">complémentarité stratégique</a> : Carole aime prendre le tram avec Béatrice, car il s’agit d’un moment qui leur permet de discuter du dernier épisode de leur série préférée…</p>
<p>L’influence sociale peut aussi s’exprimer à travers le désir de se conformer aux comportements de son entourage direct : tous les amis d’Anna font du vélo pour se rendre au travail, cela l’incite à faire de même afin de ne pas être la seule à venir en voiture.</p>
<p>Pour décrypter le rôle de l’influence sociale, il est donc important de pouvoir identifier l’entourage spécifique de chaque individu (amis, collègues, famille, etc.). C’est ce à quoi s’est attaché le projet de recherche ResCampus, réalisé auprès du personnel du campus universitaire grenoblois.</p>
<h2>Notre mode de transport influence celui des autres</h2>
<p>Nous avons dans un premier temps collecté des données visant à identifier les collègues avec lesquels chacun interagit sur son lieu de travail, que ce soit lors du déjeuner ou des pauses café, par exemple. Ces informations nous ont ensuite permis de mettre en évidence l’impact de l’influence sociale en matière de choix de transports.</p>
<p>Plus précisément, nous avons démontré que lorsqu’une personne adopte un mode de transport actif, les individus avec lesquelles elle interagit sur son lieu de travail <a href="https://doi.org/10.1016/j.jeem.2023.102868">ont une probabilité plus importante d’utiliser elles aussi un mode actif de transport</a> (+24 % en moyenne dans notre échantillon).</p>
<p>On estime que cet effet est principalement dû à la conformité vis-à-vis des pratiques de mobilité de l’entourage professionnel : les changements de comportements individuels de mobilité entraînent des évolutions des normes sociales au sein de l’entourage des individus, ce qui les incite à leur tour à modifier leur mode de transport.</p>
<figure class="align-right ">
<img alt="Graphique présentant le mode de déplacement principal pour se rendre au travail selon les distances à parcourir" src="https://images.theconversation.com/files/543193/original/file-20230817-15-8ve27q.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/543193/original/file-20230817-15-8ve27q.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=499&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/543193/original/file-20230817-15-8ve27q.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=499&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/543193/original/file-20230817-15-8ve27q.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=499&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/543193/original/file-20230817-15-8ve27q.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=627&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/543193/original/file-20230817-15-8ve27q.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=627&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/543193/original/file-20230817-15-8ve27q.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=627&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Mode de déplacement principal pour se rendre au travail selon les distances à parcourir.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/5013868">Insee -- droit réservés</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>L’influence sociale favorise donc le développement de la mobilité active. Or, ce type de mobilité a un impact positif sur l’environnement et le cadre de vie commun, ainsi que sur la qualité de vie personnelle et sur la santé. Ce qui constitue un autre levier activable pour inciter au choix des mobilités actives…</p>
<h2>La santé, autre levier motivationnel</h2>
<p>L’argument de la santé individuelle constitue lui aussi un levier motivationnel important <a href="https://hal.univ-grenoble-alpes.fr/hal-03622469/file/Poster_A0_RR.pdf">dès lors qu’il s’agit d’inciter au développement des mobilités actives</a>.</p>
<p>Alors que prendre sa voiture tous les jours renforce la sédentarité, le développement du vélo, notamment grâce au déploiement des aménagements urbains et à l’avènement du vélo électrique, permet une activité physique régulière.</p>
<p>Il est aujourd’hui admis qu’activité physique ne rime pas seulement avec meilleure santé, <a href="https://academic.oup.com/tbm/article-abstract/10/5/1098/5921063">mais aussi avec qualité de vie et bien-être améliorés</a>.</p>
<p>Or, ces bienfaits sur la santé sont source de motivation individuelle et constituent alors un premier levier pouvant initier des changements de comportements.</p>
<p>Autrement dit, on n’abandonne pas sa voiture à cause des externalités négatives liées à son usage (pollution, bruit…), mais plutôt parce que les alternatives, le vélo ou la marche à pied, sont agréables et <a href="https://doi.org/10.1016/j.envint.2021.107030">bénéfiques pour sa santé</a> et <a href="https://doi.org/10.1016/B978-0-12-819136-1.00005-X">son bien-être</a>.</p>
<hr>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/pollution-de-lair-diviser-par-trois-la-mortalite-tout-en-etant-economiquement-rentable-cest-possible-182073">Pollution de l’air : diviser par trois la mortalité tout en étant économiquement rentable, c’est possible !</a>
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<hr>
<p>Ce phénomène s’explique notamment par la <a href="https://www.jstor.org/stable/43852807">théorie de l’autodétermination</a>, qui postule que de nouveaux comportements sont davantage adoptés s’ils sont associés <a href="https://hal.inrae.fr/hal-03940743">à un sentiment de choix et de libre arbitre plutôt qu’à une perception d’obligation et de contrainte</a>.</p>
<h2>Faire « boule de neige »</h2>
<p>En s’appuyant sur ces constats, les pouvoirs publics devraient donc orienter leurs actions afin que la mobilité soit davantage perçue par les citoyens comme un comportement de santé, et pas seulement comme un comportement « durable ».</p>
<p>À ce titre, le nombre d’interventions publiques mettant l’accent sur les bénéfices sanitaires de la mobilité active pourrait être accru. Il peut s’agir non seulement de concevoir des campagnes d’information, mais aussi d’organiser des <a href="https://challengemobilite.auvergnerhonealpes.fr/#">« challenges mobilité »</a>. Lors de ces événements, une journée par an, les salariés d’une entreprise sont incités à utiliser un mode de transport alternatif à la voiture pour leur déplacement domicile-travail.</p>
<p>Du <a href="https://doi.org/10.1016/j.scs.2020.102397">coaching individualisé</a> peut aussi être mis en place, afin de fournir des informations et des conseils spécifiques, basés sur la compréhension des besoins individuels et des habitudes de déplacement de chacun. Ainsi, lors de la mise en place de la Zone à Faibles Émissions à Grenoble, l’agglomération a déployé un dispositif d’accompagnement tourné vers le changement de mobilités, dont les usagers peuvent bénéficier en prenant rendez-vous avec un conseiller mobilité.</p>
<p>En s’appuyant sur ce socle de base, l’influence sociale pourrait dans un second temps démultiplier l’impact de ces politiques via des effets « boules de neige », notamment sur les lieux de travail, où les interactions sociales amplifient la diffusion des bonnes pratiques, comme l’ont révélé nos travaux.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/200426/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>
Nos choix en matière de transport influencent notre entourage. Ce levier pourrait être mis à profit par les décideurs pour améliorer l’efficacité des politiques visant à changer les comportements.
Sandrine Mathy, Directrice de Recherche CNRS - économiste de l'environnement - Laboratoire GAEL, Université Grenoble Alpes (UGA)
Anna Risch, Maître de conférences en sciences économiques, Université Grenoble Alpes (UGA)
Carole Treibich, Enseignant chercheur en économie à l'Université Grenoble Alpes
Mathieu Lambotte, Maitre de Conférences, Université de Rennes 1 - Université de Rennes
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tag:theconversation.com,2011:article/212927
2023-09-06T17:29:21Z
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Concilier ambition climatique et concurrence mondiale : quel rôle pour le Mécanisme d’ajustement carbone aux frontières ?
<p>Que des entreprises fortement émettrices de gaz à effet de serre choisissent de <a href="https://theconversation.com/topics/delocalisation-34291">produire hors</a> de l’<a href="https://theconversation.com/topics/union-europeenne-ue-20281">Union européenne (UE)</a> pour contourner ses <a href="https://theconversation.com/topics/environnement-21017">normes environnementales</a>, tel est le phénomène que veut endiguer un <a href="https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/PDF/?uri=OJ:L:2023:130:FULL">règlement européen</a> paru en mai 2023. Face à ces « fuites de carbone » est établi un <a href="https://www.ecologie.gouv.fr/mecanisme-dajustement-carbone-aux-frontieres-macf">Mécanisme d’ajustement carbone aux frontières</a> (MACF) afin de renforcer les ambitions des 27 en matière de transition verte.</p>
<p>Il a vocation à compléter l’EU-ETS (pour <em>European Union Emission Trading System</em>) qui constitue la clé de voute de la politique climatique de l’UE. Est fixé un plafond annuel global d’émissions pour l’ensemble des entreprises, qui bénéficient, elles, de droits à polluer ou « quotas ». À chaque tonne de carbone émise, elles doivent rendre un quota. Ce mécanisme, en effet, présente certaines limites qui s’accentuent dans un contexte où le <a href="https://theconversation.com/topics/marche-du-carbone-23006">prix du carbone</a> croît fortement en Europe.</p>
<h2>Un prix du carbone en pointe au sein de l’UE</h2>
<p>Les quotas étaient initialement distribués gratuitement aux entreprises sur une base historique, puis l’ont été plus récemment selon des critères de performance. Aujourd’hui l’allocation par mise aux enchères est privilégiée. L’idée est que chaque unité de carbone émise ait un prix. Aux enchères il est fixé immédiatement. Cela fonctionne également pour une allocation gratuite car un prix apparaît sur le marché secondaire : si une entreprise émet plus que ce qu’elle a reçu en quotas, elle peut en acquérir auprès d’autres entreprises, qui, en émettant moins, peuvent, elles, revendre un excédent.</p>
<p>La tarification n’est, certes pas homogène au sein de l’Union car chaque pays membre peut compléter le dispositif. C’est le cas en France avec la <a href="https://www.connaissancedesenergies.org/questions-et-reponses-energies/quel-est-le-montant-de-la-taxe-carbone-en-france#:%7E:text=Le%20montant%20de%20la%20%C2%AB%20taxe%20carbone%20%C2%BB,des%20%C3%89nergies%29%20derni%C3%A8re%20modification%20le%2015%20novembre%202019">Contribution Climat Énergie</a> introduite en 2014 et parfois qualifiée de « taxe carbone ». Il n’en reste pas moins que la tarification <em>via</em> l’EU-ETS est la composante majeure et commune du signal prix du carbone pour les pays de l’UE.</p>
<p>Or, ce dernier s’avère bien plus élevé au sein des pays de l’UE qu’en dehors, hormis peut-être au Royaume-Uni avec lequel néanmoins l’écart de prix se creuse.</p>
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<p>Sur le marché national chinois par exemple, en 2023, le prix stagne à environ 7€ la tonne là où il avoisine les 85€ en Europe. Un certain nombre de mesures ou d’annonces de la Commission européenne (<em>Market Stability Reserve</em>, <em>Green Deal</em>) explique une forte hausse de prix depuis quatre ans.</p>
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<p><iframe id="iS7TG" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/iS7TG/3/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Cette hausse n’est pas sans soulever des défis majeurs. En effet, si les 27 vivaient en autarcie, l’accroissement de coût serait commun à toutes les entreprises et serait répercuté en aval sur leurs clients. C’est ce qu’on appelle le « pass through » du coût du carbone. La répercussion tout au long d’une chaîne de valeur, en cumulant les émissions directes et indirectes de chaque maillon, transmet le signal prix au consommateur final et l’incite à changer de comportement.</p>
<p>Dans une économie ouverte néanmoins, il est à craindre que ce <em>pass through</em> ne soit pas fonctionnel, car tout client en aval a la possibilité de se reporter sur des produits importés et donc non soumis à un prix du carbone.</p>
<h2>Des raisons de s’inquiéter</h2>
<p>La menace de délocalisation ou de substitution par des importations pèse ainsi sur les industries concernées par le dispositif. Outre la perte d’activité préjudiciable pour l’UE, le bilan environnemental ne serait pas positif avec des émissions qui ne seraient que déplacées, souvent vers des pays dont l’industrie est plus polluante.</p>
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<p>Il apparaît alors crucial de rétablir les conditions d’une concurrence « juste » entre entreprises de l’UE et hors UE. C’est ce que vise le MACF : pour tout produit importé relevant de secteurs couverts par l’EU-ETS, ce mécanisme impose que chaque tonne de carbone émise fasse l’objet de l’achat d’un certificat à un prix fixé à la moyenne hebdomadaire du prix d’un quota sur l’EU-ETS. La mise en place du MACF se fera progressivement, le temps que les partenaires commerciaux établissent la comptabilité carbone de leurs produits. Le signal prix du carbone sur les importations sera ainsi ajusté à celui envoyé aux entreprises de l’UE, rétablissant les possibilités de <em>pass through</em> et l’efficacité de l’EU-ETS.</p>
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<span class="caption">Une mise en place progressive du MACF.</span>
<span class="attribution"><span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Tout cela présuppose l’existence de fuites de carbone. Pourtant, des <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.1111/joes.12356">études empiriques</a> mettent en doute la réalité de ces fuites. Certains <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0140988320302231">travaux</a> montrent même que les industries européennes ont pratiqué un <em>pass through</em> élevé du coût du carbone. Ces recherches se fondent néanmoins sur des données antérieures à la forte remontée du prix du carbone.</p>
<p>Si l’on n’observe pas de fuites de carbone par le passé, ce pourrait être aussi parce que les firmes se sont adaptées en différenciant leur produit. L’existence d’un commerce intrabranche, c’est-à-dire l’échange de produits similaires, ne s’explique qu’en admettant que la concurrence soit imparfaite. Dans cette situation, les entreprises bénéficient d’un pouvoir de marché, qui permet de pratiquer des prix supérieurs à celui que l’on observe théoriquement en situation de concurrence parfaite (leur coût marginal). Ce pouvoir peut provenir d’une différenciation des produits. Cela conditionne le degré de substituabilité avec les produits concurrents, donc les fuites de carbone, mais également la capacité à pratiquer le <em>pass through</em>.</p>
<p>Les gains de pouvoir de marché s’érodent néanmoins et les clients arbitrent plus facilement en faveur de substituts, même imparfaits, quand le prix pratiqué s’élève. Ce phénomène fait référence au « <a href="https://www2.deloitte.com/content/dam/Deloitte/fr/Documents/financial-advisory/economicadvisory/Deloitte_%20Le%20concept%20d%20elasticite%20de%20la%20demande%20en%20economie%20de%20la%20concurrence.pdf#page=3"><em>paradoxe du cellophane</em></a> » (comme l’entreprise Dupont de Nemours en 1956, on peut être en monopole sur le marché du cellophane sans pour autant pouvoir accroître son pouvoir de marché car les consommateurs peuvent y voir un équivalent dans d’autres types d’emballages) et suggère que le <em>pass through</em> devient plus difficile quand le coût du carbone augmente. En ce sens, l’UE a raison de s’inquiéter de fuites de carbone à venir si elle ambitionne de maintenir un signal prix du carbone élevé.</p>
<h2>Vers un déplacement des émissions sur les chaînes de valeur ?</h2>
<p>Même avec le MACF, il reste toutefois possible d’éviter le <em>pass through</em> en important des substituts en aval des secteurs couverts par l’EU-ETS. Le MACF ne ferait alors que déplacer les fuites de carbone de l’amont à l’aval des chaînes de valeur, sauf à l’étendre à ces secteurs aval. C’est peut-être à ce dessein que le considérant 67 du règlement stipule d’étendre le dispositif aux « produits en aval qui contiennent une part importante d’au moins une des marchandises relevant du champ d’application du présent règlement ».</p>
<p>À quel prix néanmoins tarifer le contenu carbone de ces importations ? Le coût carbone pour les entreprises de l’UE dépend du degré de <em>pass through</em>, du degré avec lequel tout cela repose sur le consommateur. Or il ne s’observe pas : au mieux il s’estime avec une marge d’erreur, qui est d’autant plus grande que la chaîne de valeur s’allonge. Cette difficulté reste cependant réduite sur le périmètre actuel du MACF, cantonné à l’amont des chaînes de valeur où les émissions indirectes sont souvent limitées à celles de la consommation de <a href="https://www.journals.uchicago.edu/doi/abs/10.1086/688486">l’électricité, dont le coût est relativement bien documenté</a>.</p>
<p>Pour éviter cet écueil, une norme sur l’empreinte carbone peut être mise en place. Ainsi, le <a href="https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/PDF/?uri=CONSIL:PE_2_2023_INIT">nouveau règlement relatif aux batteries et aux déchets de batteries</a> prévoit-il à son considérant 27 des seuils maximaux d’empreinte carbone pour la commercialisation, écartant de facto la concurrence d’importations intensives en carbone.</p>
<p>Encore faut-il sélectionner les produits soumis à une telle norme sur des bases objectives et que la norme ne soit pas instrumentalisée. La définition des <a href="https://climate.ec.europa.eu/system/files/2018-03/disaggregated_framework_outline_en.pdf">secteurs « à risque de fuite de carbone » utilisée par la Commission européenne</a> peut servir d’exemple sur le premier point. Quant au second, le calcul de <em>benchmark</em> sur la base des 10 % d’entreprises européennes les plus performantes comme le prévoit le <a href="https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/PDF/?uri=CELEX:32018L0410">considérant 11 de la directive européenne pour l’allocation gratuite de quotas sur l’EU-ETS</a> pourrait constituer une piste à suivre.</p>
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<p><em>La Chaire Économie du Climat de l’université Paris Dauphine-PSL organise, en partenariat avec l’École d’Économie de Toulouse et le Muséum national d’histoire naturelle, la 24<sup>e</sup> Conférence mondiale sur la fiscalité environnementale mondiale (<a href="https://www.gcet24.fr/">24th Global Conference on Environmental Taxation</a>), qui se déroule du 6 au 8 septembre 2023 et qui a pour thème « Climat et biodiversité : une empreinte écologique mondiale » (Climate and Biodiversity : Tackling Global Footprints)</em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/212927/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>La thèse d'Aliénor Cameron est financée par l'ADEME et la Chaire Economie du Climat. Elle a aussi effectué une visite de recherche de 5 mois à la Commission Européenne en 2023.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Anna Creti et Marc Baudry ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur poste universitaire.</span></em></p>
Le Mécanisme d’ajustement carbone aux frontières peut-il faire en sorte que les entreprises ne choisissent pas d’aller polluer ailleurs qu’en Europe où le prix du carbone est en forte hausse ?
Anna Creti, Professeur, Directrice de la Chaire Economie du Climat, Université Paris Dauphine – PSL
Aliénor Cameron, Doctorante en économie à la Chaire Economie du Climat et EconomiX, Université Paris Nanterre – Université Paris Lumières
Marc Baudry, Professeur des Universités en Sciences Economiques, Responsable du pôle "tarification du CO2 et innovation bas carbone" à la Chaire Economie du Climat, Université Paris Nanterre – Université Paris Lumières
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/211958
2023-08-30T16:30:24Z
2023-08-30T16:30:24Z
Automobile : est-il devenu moins coûteux d’opter pour une voiture électrique ?
<p>En avril 2023, La Commission européenne a adopté un <a href="https://climate.ec.europa.eu/eu-action/transport-emissions/road-transport-reducing-co2-emissions-vehicles/co2-emission-performance-standards-cars-and-vans_fr">règlement</a> interdisant à partir de 2035 la vente de voitures particulières neuves émettant du CO<sub>2</sub>. En réponse, le gouvernement français encourage l’acquisition de <a href="https://theconversation.com/topics/voitures-electriques-31974">véhicules électriques</a> en offrant des subventions à l’achat et en conservant des taxes sur l’électricité moins élevées que celles équivalentes sur l’essence et le diesel. Il accorde également à leurs conducteurs des privilèges, tels que l’accès à des zones à émissions nulles dans les centres-villes ou des places de stationnement réservées.</p>
<p>L’ampleur de la <a href="https://theconversation.com/topics/transition-ecologique-66536">transition</a> à opérer est impressionnante. En 2022, la France représentait à elle seule environ <a href="https://www.statistiques.developpement-durable.gouv.fr/recherche?text=nouveau+v%C3%A9hicules+automobiles">1,5 million de véhicules neufs vendus</a>. Pour l’ensemble de l’<a href="https://theconversation.com/topics/union-europeenne-ue-20281">Union européenne</a> (UE), le nombre de véhicules neufs a atteint <a href="https://www.oica.net/category/sales-statistics/">11,2 millions</a> soit environ 17 % de la production mondiale de voitures.</p>
<p>En supposant que le parc total de véhicules en France reste constant à son niveau de 2021 (37,9 millions), le temps que les véhicules thermiques en circulation arrivent en fin de vie, la part des électriques devrait atteindre environ 45 % en 2035 et 95 % en 2050, année visée par l’UE pour atteindre la <a href="https://www.europarl.europa.eu/news/fr/headlines/society/20180305STO99003/reduction-des-emissions-de-co2-objectifs-et-actions-de-l-union-europeenne">neutralité carbone</a>.</p>
<p><iframe id="1GSlQ" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/1GSlQ/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Le taux d’évolution des émissions de CO<sub>2</sub> diminuerait en parallèle assez régulièrement, partant de 139 g/CO<sub>2</sub>/km en 2023 à la moitié en 2035, pour atteindre plus lentement 5 g/CO<sub>2</sub>/km en 2050, avec peu d’automobiles thermiques encore en circulation.</p>
<p><iframe id="L4p2C" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/L4p2C/2/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>D’ici la fin de l’année 2034, du point de vue de l’économiste, c’est le <a href="https://theconversation.com/topics/cout-49465">coût</a> relatif des véhicules électriques par rapport aux thermiques qui fondera la décision d’opter pour l’un ou l’autre. Ce coût comprend deux éléments : celui de son acquisition et le coût annuel d’utilisation (rechargement en énergie et entretien). Nos calculs mettent ici en avant une marge de progression importante à combler pour les véhicules électriques qui semblent aujourd’hui encore assez peu <a href="https://theconversation.com/topics/competitivite-21451">compétitifs</a>.</p>
<h2>L’électrique peu attrayant en zone non urbaine</h2>
<p>Le coût d’acquisition intègre ce que l’on va payer pour acquérir le véhicule, son prix net de toute subvention plus les frais d’immatriculation. On le rapportera au nombre d’années d’utilisation et en déduira la valeur de revente. Il y a pour chacun des dépenses spécifiques à additionner : pour un véhicule thermique, il faudra ajouter toute pénalité sur les émissions de CO<sub>2</sub> ; pour un électrique, le coût d’achat et l’installation d’un chargeur à domicile.</p>
<p>Les coûts d’exploitation comprennent, eux, ceux de l’énergie (essence, diesel ou électricité), de l’entretien et l’assurance. Pour un véhicule électrique, il faudra aussi compter les frais éventuels d’abonnement à un chargeur hors domicile.</p>
<p>Afin de procéder à une comparaison, nous avons recueilli les données sur un échantillon représentatif de véhicules de chaque type fabriqués par Peugeot, Renault, Dacia et Mercedes-AMG dont nous avons tiré des moyennes suivant les parts de marché. Les coûts ont ensuite été calculés selon la <a href="https://www.transportpolicy.net/standard/international-light-duty-worldwide-harmonized-light-vehicles-test-procedure-wltp/">méthodologie</a> utilisée par l’UE, qui fait intervenir le fait de conduire uniquement en ville ou non et la distance annuelle parcourue.</p>
<p>En moyenne, le coût d’acquisition d’un véhicule électrique moyen est plus élevé que celui d’une voiture thermique. Son coût d’exploitation reste néanmoins plus faible. Nous calculons alors qu’en utilisation 100 % urbaine, il reste au total moins cher s’il effectue plus de 9 000 km par an.</p>
<p><iframe id="CmFmY" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/CmFmY/2/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Ce seuil est néanmoins de 27 000 km par an pour une utilisation combinée, un chiffre plutôt élevé étant donné que la moyenne française est de 12 000 km par an.</p>
<p><iframe id="wFnce" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/wFnce/6/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Si le point de rupture est beaucoup plus élevé pour l’utilisation combinée que pour l’urbaine, c’est parce que les véhicules thermiques y fonctionnent plus efficacement. Avec un plus petit nombre d’arrêts et de départs, les récupérations d’énergie au freinage, un des atouts des véhicules électriques, s’y font plus rares. Actuellement, un véhicule électrique ne constitue donc pas un choix économique plus attrayant pour une conduite très majoritairement non urbaine.</p>
<h2>Le consommateur en manque d’alternatives</h2>
<p>Les résultats moyens des figures précédentes ne fournissent pas une image universelle du parc, mais ils ne cachent que des exceptions relativement marginales. Le segment « sportif » pour lesquels la voiture électrique est moins chère sur toutes les distances parce que la voiture thermique est fortement pénalisée du fait de ses fortes émissions de CO<sub>2</sub>. On retrouve également le segment « luxe » dans ses versions économes en carburant pour lesquelles la voiture électrique est plus chère car elle est équipée d’une batterie de grande capacité, donc coûteuse.</p>
<p>La comparaison des coûts ne tient pas compte, non plus, des écarts sur la commodité et le confort de conduite qui résultent de leurs différences d’accélération, d’autonomie ou de temps nécessaire pour faire le plein ou recharger le véhicule. Elle se fonde de plus sur les données actuelles des véhicules que ce soit en termes de technologie, de prix d’achat des véhicules et des chargeurs, des niveaux de subvention, des coûts d’immatriculation, des pénalités sur les émissions de CO<sub>2</sub> ou des taux de dépréciation des véhicules. Chacun de ces paramètres est susceptible d’évoluer au fil du temps.</p>
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<p>Ces résultats apportent néanmoins du grain à moudre au débat quant aux enjeux soulevés par la directive européenne qui sont de divers ordres. Des défis logistiques et financiers majeurs sont posés à l’industrie automobile, notamment construire ou réaménager des usines pour fabriquer les batteries et les systèmes électroniques, reclasser nombre d’employés des usines de fabrication ou des secteurs de vente et d’entretien des voitures et assurer l’approvisionnement en métaux rares et autres matières premières. En raison des contraintes d’approvisionnement, des modèles électriques équivalents aux thermiques pourraient ne pas être disponibles avant un certain temps, ce qui nuit à la concurrence.</p>
<p>La directive entraîne également des coûts à moyen terme pour les consommateurs du fait que les véhicules électriques, malgré les subventions et taxations favorables, restent bien moins compétitifs hors des villes. En outre, qui ne peut ou ne veut pas payer pour un électrique neuf aura peu d’alternatives moins chères jusqu’à ce qu’un marché des véhicules d’occasion se développe suffisamment.</p>
<h2>Les retrofits comme solutions ?</h2>
<p>Qui dit arrêt des ventes ne dit pas d’ailleurs que les véhicules en circulation ne continueront pas à émettre du CO<sub>2</sub> (et d’autres polluants) pendant de nombreuses années après l’échéance de 2035. Les avantages environnementaux de la directive au niveau mondial seront également compromis si les volumes de vente des véhicules thermiques (neufs ou d’occasion) se déplacent de l’Europe vers des régions qui ne disposent pas d’une législation environnementale similaire.</p>
<p>Une piste de solution pourrait être de transformer des véhicules thermiques en électriques. Cela demande de retirer le moteur, la boîte de vitesses et le système de contrôle électronique du véhicule pour y installer un petit moteur électrique, une batterie et un système de contrôle adéquat. On nomme cette opération « retrofit ».</p>
<p>Elle coûterait approximativement entre 10 000 et 15 000 euros, en fonction de la capacité de la batterie : c’est moins que le prix d’une voiture électrique neuve. Avec des usines dimensionnées à 150 000 retrofits/an, il y aurait moyen d’accélérer la transition vers un parc de véhicules entièrement électriques, d’offrir un plus grand choix aux consommateurs, d’accélérer la réduction des émissions et de réduire le risque d’exportation des thermiques usagés hors Europe. C’est aussi un moyen de reclasser une partie des effectifs actuels.</p>
<h2>Une réussite environnementale ?</h2>
<p>La mutation du parc automobile ne réduira par ailleurs considérablement les émissions de CO<sub>2</sub> des véhicules particuliers qu’à condition que l’électricité soit produite à partir de sources d’énergie propres. En Europe, les <a href="https://app.electricitymaps.com/map">émissions varient considérablement d’un pays à l’autre</a>, de 28 g/CO<sub>2</sub>/kWh dans le centre de la Suède, 72g/CO<sub>2</sub>/kWh en France, à 469 g/CO<sub>2</sub>/kWh en Allemagne et jusqu’à 826 g/CO<sub>2</sub>/kWh en Pologne.</p>
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<p>En France, en raison de l’usage du nucléaire et d’autres sources d’énergie sans carbone les émissions liées aux véhicules électriques sont ainsi largement plus faibles que celles des thermiques. Néanmoins, pour le segment populaire des petites voitures, la subvention à l’achat, la taxe sur l’électricité inférieure à celle de l’essence ou du gazole et les émissions de CO<sub>2</sub> plus élevées produites par la fabrication des batteries conduisent à un coût final de 300€/t d’émissions de CO<sub>2</sub> gagnés par rapport à un moteur thermique équivalent. Ce montant est bien plus élevé que le coût social du carbone par tonne recommandé officiellement dans le <a href="https://www.strategie.gouv.fr/sites/strategie.gouv.fr/files/atoms/files/fs-2019-rapport-la-valeur-de-laction-pour-le-climat_0.pdf">rapport Quinet</a>. Il ne tient de plus pas compte de l’évolution des polluants autres que le CO<sub>2</sub> produits par la fabrication des batteries, la construction du véhicule et par le recyclage de leurs composants en fin de vie.</p>
<p>En Pologne en revanche, les émissions de CO<sub>2</sub> d’un véhicule électrique sont actuellement similaires à celles d’un véhicule thermique comparable, sans même tenir compte des émissions liées à la fabrication et au recyclage des batteries.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/211958/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>
Un véhicule électrique est aujourd’hui plus intéressant qu’un thermique en ville au-delà de 9 000 kilomètres parcourus par an. Ailleurs, il peine encore à se montrer compétitif.
André de Palma, Professeur émérite en Économie, CY Cergy Paris Université
Robin Lindsey, CN Chair in Transportation and International Logistics, University of British Columbia
Yannik Riou, Chercheur Associé en Economie, Université de Strasbourg
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tag:theconversation.com,2011:article/210730
2023-08-20T20:00:18Z
2023-08-20T20:00:18Z
Entre appétits extractifs et biodiversité, l’avenir des fonds marins au cœur de tensions
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/540795/original/file-20230802-25-sax2j0.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&rect=258%2C34%2C1652%2C1023&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">La pieuvre Dumbo en 2019 lors d’une exploration des fonds marins au sud-est des États-Unis.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/7/71/Dumbo_Octopus_%2849203817176%29.jpg">Dumbo Octopus / Wikimedia commons</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-sa/4.0/">CC BY-NC-SA</a></span></figcaption></figure><p>L’Autorité internationale des fonds marins (AIFM), qui n’a pas l’habitude d’être sous le feu des projecteurs, fait aujourd’hui l’objet de polémiques autour de l’exploitation minière des grands fonds marins.</p>
<p>Cette institution, créée dans le sillage de la <a href="https://treaties.un.org/pages/ViewDetailsIII.aspx?src=TREATY&mtdsg_no=XXI-6&chapter=21&Temp=mtdsg3&clang=_fr">Convention des Nations Unies sur le droit de la mer</a> de Montego Bay et du <a href="https://treaties.un.org/Pages/ViewDetails.aspx?src=IND&mtdsg_no=XXVII-1-e&chapter=27&clang=_fr">protocole de 1994</a>, a pour rôle de <a href="https://theconversation.com/peche-pollution-rechauffement-comment-les-sciences-marines-peuvent-nous-aider-a-sauvegarder-locean-175532">gouverner les ressources marines non vivantes et promouvoir la recherche scientifique</a> pour les fonds marins de la zone, c’est-à-dire tous les fonds marins situés dans les eaux internationales.</p>
<p>Jusqu’alors, les fonds marins en haute mer demeuraient préservés des activités minières. Mais dans le contexte d’une <a href="https://theconversation.com/pourquoi-parle-t-on-de-criticite-des-materiaux-105258">transition énergétique</a> qui pourrait susciter une <a href="https://theconversation.com/de-lespace-aux-oceans-les-nouvelles-frontieres-minieres-158734">demande accrue en minerais</a>, ils aiguisent de plus en plus les appétits extractifs, notamment sur le cobalt, le nickel, le cuivre ou le manganèse.</p>
<p>Alors que viennent de se tenir le Conseil et l’Assemblée de l’AIFM, auxquels nous avons assisté, revenons sur les dynamiques qui orientent les négociations et sur les <a href="https://theconversation.com/peche-ce-que-la-science-nous-dit-de-limpact-du-chalutage-sur-les-fonds-marins-172325">possibilités de protection</a> ou d’exploitation des fonds marins.</p>
<h2>À Kingston, une session en trois temps</h2>
<p>L’AIFM s’est réunie en juillet, quelques semaines après la conclusion d’un accord placé sous le signe de la Convention du droit de la mer : le <a href="https://oceans-and-fisheries.ec.europa.eu/news/historic-achievement-treaty-high-seas-adopted-2023-06-19_en">traité pour la conservation et l’utilisation durable de la biodiversité en haute mer</a>, qui sera ouvert à signatures à partir de septembre.</p>
<p>Les eaux internationales sont donc en ce moment au cœur d’une intense activité diplomatique. À Kingston, où se tenait la réunion, étaient présents une partie des 168 États membres de la convention, ainsi que de nombreux observateurs, ONG environnementalistes, représentants de l’industrie extractive ou scientifiques entendant éclairer les négociations.</p>
<p>Pour comprendre le contexte, soulignons que l’AIFM est un monde en soi. Dans un premier temps, sa Commission juridique et technique (CJT) s’est réunie pour un travail d’expertise. Elle fait toutefois l’objet de critiques par de nombreuses délégations, émises lors des négociations que nous avons observées, lui faisant grief d’être trop peu transparente, de concentrer ses travaux autour des enjeux d’exploitation, et de ne pas réussir à faire preuve de sa capacité à défendre l’environnement marin.</p>
<p>Dans un second temps, c’est l’organe exécutif de l’institution, son Conseil, qui a débattu pendant deux semaines, avant de laisser l’Assemblée de l’Autorité, son organe délibératif, discuter fin juillet.</p>
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<h2>Des discussions sous tension</h2>
<p>Au sein du Conseil, des lignes antagoniques se sont opposées. Les tenants d’une adoption rapide des règles, régulations et procédures (RRP) pour l’exploitation minière, souhaitent d’un côté accélérer le tempo. Ils le veulent soit par opportunité, pour se laisser la possibilité d’engager des projets d’exploitation des grands fonds marins à l’avenir, soit dans le but que l’AIFM rédige ce « Code minier » afin d’accomplir son mandat, puisqu’elle est en effet chargée d’élaborer ces RRP encadrant l’exploitation.</p>
<p>De l’autre, une coalition de pays pousse pour l’adoption d’une pause de précaution, <a href="https://www.lemonde.fr/en/environment/article/2023/07/10/seabed-mining-growing-calls-for-a-precautionary-pause_6047615_114.html">d’un moratoire voire d’une interdiction</a> : c’est par exemple le cas du Chili, de la France, du Brésil ou du Vanuatu. Ils invoquent l’article 145 de la Convention du droit de la mer, relatif à la protection effective de l’environnement marin.</p>
<p>De ces négociations ont finalement émergé deux décisions qui relèvent d’un consensus minimal : elles rappellent qu’aucune exploitation ne saurait être approuvée avant l’adoption des règles en la matière, et que l’AIFM entend tâcher de continuer à élaborer ces régulations et procédures.</p>
<p>L’opposition a néanmoins ressurgi lors de l’Assemblée, moment attendu par les ONG et la coalition informelle des « Amis de l’Océan », favorables à davantage de précautions. Cinq jours durant, les dialogues ont toutefois erré sur la possibilité d’un vrai débat, la Chine faisant montre d’une forte réticence à l’égard de cette idée.</p>
<p>Après de vifs échanges, les deux décisions ont finalement été séparées de l’agenda lors de la dernière journée pour que les discussions puissent se tenir en 2024.</p>
<h2>Une île du Pacifique à l’assaut des fonds marins</h2>
<p>La tension qui régnait au cours de cette session remonte aux principes de création de l’AIFM, fondée sur un double objectif : l’autorité a été à la fois chargée d’organiser l’exploitation des fonds marins, tout en ayant pour obligation de protéger l’environnement marin.</p>
<p>Deux dynamiques ont renforcé cette contradiction. La première vient de Nauru, <a href="https://brill.com/view/journals/estu/37/3/article-p375_1.xml?language=en">île du Pacifique qui a déclenché un dispositif</a> visant à engager l’exploitation des grands fonds marins dans la zone – la « règle des deux ans », établie par l’Accord de 1994 lié à la Convention du droit de la mer. Cette procédure initiée en juin 2021 implique que le Conseil devait adopter avant juillet 2023 des règles pour encadrer l’exploitation minière – ce qu’il n’a pas fait.</p>
<p>La règle prévoit, dans ce cas, la possibilité pour les contractants de l’AIFM de soumettre des plans d’exploitation temporaires. Nauru dispose alors d’un moyen de pression pour l’adoption de ce « Code minier » et n’entend pas attendre indéfiniment pour faire valoir ce droit.</p>
<h2>Une place nouvelle pour la biodiversité</h2>
<p>La seconde dynamique, en sens contraire, vient de l’adoption en juin 2023 par les Nations-Unies, d’un accord portant sur la biodiversité au-delà des juridictions nationales (BBNJ). Elle survient six mois après une décision de la COP de la Convention sur la diversité biologique (CDB) qui demandait à ce que l’institution s’assure d’éviter les dommages à la faune marine.</p>
<p>Alors que l’océan est en proie à des transformations rapides et inquiétantes liées aux activités humaines, le contexte des négociations à l’AIFM, marqué par une environnementalisation des politiques internationales, où la protection des milieux de vie devient un enjeu central des discussions, a changé profondément ces dernières années.</p>
<p>Ces deux dynamiques renforcent donc les contradictions initiales contenues dans le mandat de l’AIFM et explique pour partie le déroulement plus tendu qu’à l’accoutumée des échanges dans cette enceinte auparavant policée.</p>
<h2>Le poids croissant de la science</h2>
<p>L’irruption de la science dans les débats est toujours plus grande, et les incertitudes et méconnaissances accroissent cette tension. En effet, un consensus scientifique établit désormais que la connaissance autour des milieux potentiellement affectés par l’exploitation est insuffisante, compte tenu des conséquences irréversibles de celle-ci.</p>
<p>Car à travers les travaux scientifiques, c’est la réalité matérielle, économique et physique du changement climatique et de la sixième extinction de masse des espèces qui s’invite dans les discussions, <a href="https://theconversation.com/face-a-la-sixieme-extinction-de-masse-la-solution-du-droit-du-vivant-163515">et pose la question de l’habitabilité de la planète</a>.</p>
<p>Mais ces débats interrogent aussi quant au risque, dans de nombreuses arènes internationales, de l’affaiblissement du cadre multilatéral : l’AIFM en est un unique de gouvernement d’un espace commun à l’humanité. Sans régulation, les dynamiques d’exploitation seraient d’autant moins maîtrisables, même si l’idéal était de les éviter complètement.</p>
<h2>Le développement durable, concept dépassé ?</h2>
<p>Demeure une difficulté : la Convention du droit de la mer est née au moment où se formulait et se diffusait le paradigme du développement durable, lequel supposait la possibilité de concilier croissance économique, progrès sociaux et protection de l’environnement. L’actuelle aggravation des dynamiques de destruction des milieux de vie invite à reconsidérer ce paradigme.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/540720/original/file-20230802-21-4yqk9v.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/540720/original/file-20230802-21-4yqk9v.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=443&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/540720/original/file-20230802-21-4yqk9v.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=443&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/540720/original/file-20230802-21-4yqk9v.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=443&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/540720/original/file-20230802-21-4yqk9v.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=557&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/540720/original/file-20230802-21-4yqk9v.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=557&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/540720/original/file-20230802-21-4yqk9v.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=557&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Avec 9,5 millions de kilomètres carrés de zone économique exclusive situés sous 1000 mètres de profondeur, la France la plus grande ZEE en zone de grands fonds marins du monde.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/ddie/9393580227/in/photolist-fj5y8M-ssAttB-8A2Gup-e4qinG-h8vp53-aoFNWu-uC7REa-b9JVrH-iiii2t-pnbsZR-oURZUV-dYWbMM-9xcWaZ-aGHt8V-9YubE5-biNsvn-9Yoh83-9YmVLE-pv5bhp-BrXFrs-ph9tLm-7Woq3y-bpqs3m-9pbnbj-hLkiVy-oT2x7d-roE2v8-9pt67g-d1RpE1-b1XvyZ-iYEE3Z-8Rob1z-aaRRqF-aTYMnM-pvQEWD-e6s6wK-qWRZfu-kkT4ML-n2JBXt-bgtphg-7QM8Rk-hjERgi-i32e62-hjX8r1-8cqC8D-qPFg7E-8vpnB6-8prxm5-jR5kwT-dTtv3G">Daniel Dietrich/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>De fait, lors des discussions de cette semaine à l’AIFM, des <a href="https://theconversation.com/sinspirer-des-traditions-polynesiennes-pour-preserver-locean-118060">membres de communautés locales et indigènes du Pacifique</a> ont fait entendre une autre voix. Eux défendent le lien spécifique qui les unit à l’océan, leur milieu d’existence, et veulent que les générations futures le maintiennent – discours qui rejoint les conclusions scientifiques bien que ses fondements soient très différents.</p>
<p>Du côté des partisans de l’exploitation minière, qui pensent les projets à partir de projections à la hausse de la demande en minerais, une telle perspective est jugée absurde. Lues ensemble, ces deux positions antagonistes reflètent la question qui travaille l’AIFM, comme nos sociétés : celle des modes de production et de consommation dans un environnement global en tension.</p>
<h2>Les modes de production en débat</h2>
<p>La reconduction de ces modes de production et de consommation pourrait en effet, comme le pensent les industriels, mener à la nécessité de l’exploitation minière dans les grands fonds marins.</p>
<p>Mais leur transformation vers une économie des communs s’éloignant du principe d’accumulation remettrait en cause cette nécessité future.</p>
<p>À l’AIFM, tous les travaux doivent reposer sur le principe de patrimoine commun de l’humanité, selon l’article 136 de la Convention du droit de la mer. L’urgence provoquée par la dégradation des conditions de l’existence sur Terre pèse sur les discussions.</p>
<p>Cette institution n’est pas seule à y être confrontée et ne se chargera pas de l’entièreté du problème. Mais elle pourrait contribuer à mieux considérer la question de la préservation de nos milieux de vie.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/210730/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Pierre-Yves Cadalen a reçu des financements du projet ANR LifeDeeper, pour l'étude des grands fonds marins, dans le cadre d'un projet postdoctoral, pour financer cette enquête d'observation. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Tiago Pires da Cruz ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>
L’Autorité internationale des fonds marins, qui s’est réunie à Kingston en juillet, est tiraillée entre des missions et des visions contradictoires.
Pierre-Yves Cadalen, Docteur en science politique - relations internationales, Université de Bretagne occidentale
Tiago Pires da Cruz, Doctorant Gouvernance Globale de l'Océan, Sciences Po Bordeaux
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/209615
2023-08-01T16:19:50Z
2023-08-01T16:19:50Z
La « diagonale du plein » ou comment traverser la France pour inventer de nouvelles formes de mobilité
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/538504/original/file-20230720-17-dm3i8l.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=15%2C18%2C2029%2C1302&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Arrivée à Vannes du vélocar le 17 juillet 2023.</span> <span class="attribution"><span class="source"> © Visual Fx</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span></figcaption></figure><p>Depuis le 15 juillet, Julien Dossier s’est lancé dans la traversée de la France de Concarneau à Arles à bord d’un « cyclospace », véhicule intermédiaire entre la voiture et le vélo, autonome énergétiquement grâce aux panneaux solaires dont il est doté. En référence à la « diagonale du vide », qui relie la Meuse aux Landes, cet expert en neutralité carbone et en stratégies de transition écologique a baptisé « diagonale du plein » son aventure sur l’autre diagonale, en débutant du nord-ouest pour rejoindre le sud-est.</p>
<p>Auteur de <em>Renaissance écologique : 24 chantiers pour le monde de demain</em>, publié en 2019, Julien Dossier y partait de la <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/All%C3%A9gorie_et_effets_du_Bon_et_du_Mauvais_Gouvernement">fresque du bon gouvernement</a> peinte par Lorenzetti à Sienne en 1338, pour concevoir une fresque de la Renaissance écologique : il entendait y décrire un monde sans carbone à travers <a href="https://www.renaissanceecologique.fr/post/les-24-chantiers-de-la-renaissance-%C3%A9cologique">24 chantiers</a> autour de thèmes aussi variés que l’éducation, l’agroécologie, l’eau ou les mobilités…</p>
<p>Cette fois, il souhaite matérialiser le propos de son ouvrage et incarner sa fresque : pour cela, il parcourra 1236 km en 24 jours à la rencontre des 24 initiatives écologiques racontées dans son livre, pour mettre un coup de projecteur sur elles tout en prouvant que se déplacer différemment est possible.</p>
<p>Mais l’aventure a surtout une vocation de sensibilisation, avec l’idée de « faire pour dire ». L’objectif de Julien Dossier est que sa pérégrination à bord du vélocar lui permette d’entrer en relation avec la population des zones traversées, et de faire réfléchir sur la mobilité : en montrant à travers sa propre expérience que d’autres moyens de transport, d’autres façons de voyager et d’autres modes de vie existent.</p>
<h2>Une autre mobilité possible</h2>
<p>Le vélocar de Julien Dossier est l’un des véhicules que porte <a href="https://xd.ademe.fr/">l’eXtrême défi</a>, un programme de l’Agence de la transition écologique (Ademe) dédié aux véhicules intermédiaires, à mi-chemin entre le vélo et la voiture.</p>
<p>Il vise à faire surgir des écosystèmes de conception et de production de véhicules intermédiaires. Cette gamme de véhicules standardisés, légers, peu consommateurs, facilement réparables et dotés de moins de pièces détachées, entend devenir une alternative crédible à la voiture pour les déplacements quotidiens.</p>
<p>Ce défi a donc vocation, avec l’aide d’entrepreneurs, d’industriels et de collectivités, à créer de nouvelles solutions de transport pour remplacer la voiture dans les trajets des habitants des territoires périurbains et ruraux.</p>
<p>L’objectif étant que ces écosystèmes, développés avec des processus de fabrication standardisés et distribués, soient opérationnels d’ici trois ans, avec une production de plusieurs centaines de véhicules par an.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="homme devant son véhicule" src="https://images.theconversation.com/files/538507/original/file-20230720-29-sd93cy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/538507/original/file-20230720-29-sd93cy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/538507/original/file-20230720-29-sd93cy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/538507/original/file-20230720-29-sd93cy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/538507/original/file-20230720-29-sd93cy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/538507/original/file-20230720-29-sd93cy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/538507/original/file-20230720-29-sd93cy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Julien Dossier avec sa fresque de la Renaissance écologique.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Thomas Balavoine</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Remodeler les imaginaires</h2>
<p>La diagonale du plein entend donc faire connaître ces innovations dans des territoires peu denses comme ceux que traverse Julien Dossier, où la <a href="https://theconversation.com/dependance-a-la-voiture-en-zone-rurale-quelles-solutions-109016">dépendance à l’automobile est très forte</a>, faute de transports en commun et d’aménagements cyclables suffisants.</p>
<p>En allant de ville en ville à bord de son cyclospace, Julien Dossier souhaite en faire un vecteur de communication constructif avec la population des zones qu’il parcourt.</p>
<p>À rebours d’une approche moralisatrice vis-à-vis de l’usage de la voiture, il ambitionne plutôt de susciter l’intérêt pour ces véhicules émergents. Non seulement auprès des habitants, mais aussi des collectivités que cela pourrait inciter à repenser l’aménagement urbain en fonction de ces nouvelles mobilités : par exemple en créant des voies dédiées aux véhicules intermédiaires, en réduisant les vitesses maximales ou en sensibilisant les automobilistes à leur existence.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/538509/original/file-20230720-21-dxd6du.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/538509/original/file-20230720-21-dxd6du.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/538509/original/file-20230720-21-dxd6du.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/538509/original/file-20230720-21-dxd6du.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/538509/original/file-20230720-21-dxd6du.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/538509/original/file-20230720-21-dxd6du.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/538509/original/file-20230720-21-dxd6du.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">À Vannes le 17 juillet. L’objectif du voyage est aussi de dialoguer avec la population des territoires traversés.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Thomas Balavoine</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>De cette façon, la « diagonale du plein » entend contribuer à remodeler les imaginaires autour de la mobilité, pour que la société intègre que d’autres « objets roulants » et sans carburant existent et pourraient s’insérer dans leur quotidien. Il propose d’ailleurs à <a href="https://www.diagonaleduplein.fr/itin%C3%A9raire">qui veut de le rejoindre</a> pour réaliser une ou plusieurs étapes, soit au bord du cyclospace soit dans son propre véhicule.</p>
<h2>« Slow travel », un autre tourisme possible</h2>
<p>Avec cette traversée menée au cours de l’été, Julien Dossier aimerait également donner une vision nouvelle du tourisme, en montrant qu’il est possible de voyager différemment. En ne roulant que 50 km par jour à une vitesse moyenne de 16km/h, et en prenant le temps d’aller à la rencontre des habitants des régions traversées et d’initiatives écologiques inspirantes.</p>
<p>Là aussi, il s’agit de dialoguer sur la transition écologique tout en promouvant une autre façon de visiter un territoire, tandis que le tourisme à vélo bondit et pousse de plus en plus les collectivités à aménager leurs voies en fonction.</p>
<p>Par sa démarche, Julien Dossier s’inscrit dans la lignée d’autres traversées similaires, comme celle de <a href="https://youtu.be/6o_RThwXKFo">Jacob Karhu</a> qui a rejoint Istanbul depuis Brest avec son vélo solaire, parcourant ainsi 5 000 km en 32 jours. L’an prochain, le « véloreporter » Jérôme Zindy devrait réaliser son <a href="https://wikixd.fabmob.io/wiki/Tour_de_France_XD">tour de France</a>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/209615/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Gabriel Plassat ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>
Cette aventure à bord d’un vélocar, qui part de la Bretagne pour arriver en Provence, a vocation à mettre en avant d’autres formes de mobilité et de voyage.
Gabriel Plassat, Ingénieur « Énergies et prospectives », « Transports et mobilités », Ademe (Agence de la transition écologique)
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tag:theconversation.com,2011:article/205311
2023-07-24T18:35:01Z
2023-07-24T18:35:01Z
Quel rôle de la biomasse dans la transition écologique ?
<p>Depuis plusieurs années, les épisodes de sécheresse se multiplient et s’intensifient en Europe, charriant leurs conséquences dramatiques sur la production agricole, comme <a href="https://www.lemonde.fr/planete/article/2023/05/11/l-espagne-debloque-deux-milliards-d-euros-pour-faire-face-en-urgence-aux-effets-de-la-secheresse_6172998_3244.html">actuellement en Espagne</a>.</p>
<p>L’impact du changement climatique <a href="https://theconversation.com/secheresse-lindispensable-adaptation-des-forets-francaises-128404">sur les forêts</a> dans le monde est également renforcé par la mortalité accrue des arbres, une dégradation de leur état sanitaire et une réduction de leur vitesse de croissance <a href="https://www.academie-sciences.fr/pdf/rapport/060623_foret.pdf">notamment en lien avec les parasites et les incendies</a>.</p>
<p>Dans ce contexte, la place à octroyer à la biomasse dans la transition écologique et énergétique est au cœur d’un dilemme : on attend beaucoup d’elle pour lutter contre le changement climatique et en particulier pour contribuer à l’objectif de neutralité carbone, mais elle est aussi dès à présent impactée par l’accélération de ce même changement climatique.</p>
<p>Rappelons en premier lieu que la biomasse, souvent évoquée en matière d’énergie, couvre en fait l’ensemble de la matière organique d’origine végétale ou animale présente dans un espace donné : elle comprend donc à la fois les ressources venues du monde agricole et agroalimentaire (sa production, ses résidus, ses effluents d’élevage, ses biodéchets industriels…), des haies, des forêts et leurs filières de transformation (grumes, bûches, plaquettes forestières…), des <a href="https://theconversation.com/preserver-les-herbiers-de-posidonie-ces-precieux-puits-de-carbone-sous-marins-190199">productions issues de l’eau</a> (algues) et des divers biodéchets collectés.</p>
<p>En partie valorisée dans les filières, la biomasse reste pour une autre partie dans les écosystèmes, notamment pour le maintien de la biodiversité.</p>
<h2>Des ressources et des usages</h2>
<p>En France, elle constitue une ressource importante très diverse dans ses gisements et ses caractéristiques. <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/5039859?sommaire=5040030">45 % de la surface du pays</a> est dédiée à l’agriculture et <a href="https://franceboisforet.fr/la-foret/la-foret-francaise-en-chiffres/">31 % à la forêt</a> – la France détient le 3<sup>e</sup> plus grand massif d’Europe. Plus méconnue, la biomasse issue du monde de l’eau est une voie émergente mais dynamique en recherche et innovation.</p>
<p>L’ensemble de ces ressources constitue un atout pour la transition écologique du pays et une richesse majeure pour la bioéconomie – ensemble des activités, des produits et services issus du monde du vivant.</p>
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<p>On distingue trois grands types d’usages de la biomasse. Le volume le plus important de la biomasse agricole est dédié à la production alimentaire. Les produits biosourcés, fabriqués entièrement ou partiellement à partir de matière issue du vivant, couvrent un champ très large – allant des matériaux de construction et d’isolation aux composites utilisées dans l’automobile, aux matières utilisées dans l’habillement ou dans le monde de la chimie (peintures ou solvants par exemple).</p>
<p>Son troisième grand usage, historique, est la production d’énergie : de chaleur renouvelable, de biogaz, de biocarburants et d’électricité en cogénération, par exemple. Le <a href="https://theconversation.com/comment-ameliorer-limpact-environnemental-du-bois-energie-175975">bois énergie</a>, qui représente <a href="https://www.statistiques.developpement-durable.gouv.fr/chiffres-cles-des-energies-renouvelables-edition-2022">35,1 % en 2021 de la production primaire d’énergie renouvelable</a>, constitue la première des énergies renouvelables en France.</p>
<h2>Stockage du carbone et effets de substitution</h2>
<p>Les scénarios prospectifs pour atteindre la neutralité carbone en 2050 – comme <a href="https://www.ademe.fr/les-futurs-en-transition/">ceux élaborés par l’Ademe</a> – donnent ainsi à la biomasse un rôle clé : aucun des quatre ne parvient à un résultat sans une contribution forte au monde du vivant. Sur le plan climatique, elle prend deux formes principales, le stockage du carbone et la substitution des ressources fossiles.</p>
<p>La biomasse étant constituée par nature de carbone capté par la photosynthèse, elle a une capacité à stocker massivement du carbone. Elle offre ainsi la possibilité de maintenir une quantité de carbone hors de l’atmosphère, et en augmentant ce stock de créer un puits de carbone, donc une absorption. Le carbone est principalement stocké dans trois grands compartiments – les sols, les arbres et les produits biosourcés.</p>
<p>À l’échelle mondiale, le carbone stocké dans les arbres et les sols est au moins trois fois plus important que celui stocké dans l’atmosphère. Toute variation de la quantité stockée affecte donc le bilan, positivement ou négativement. D’où la nécessité de maintenir les stocks et de mettre en place des stratégies visant à les augmenter, <a href="https://www.inrae.fr/actualites/stocker-4-1-000-carbone-sols-potentiel-france">comme le retour au sol de la matière organique, le maintien des prairies ou l’agroforesterie</a>.</p>
<p>L’effet de substitution consiste de son côté à remplacer l’usage de ressources fossiles par de la biomasse renouvelable avec le développement des produits biosourcés et des bioénergies. Compte tenu de son potentiel, son rôle est déterminant pour sortir de notre dépendance aux ressources fossiles non renouvelables et renforcer notre autonomie énergétique.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/536519/original/file-20230710-25-pfhwi8.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="algues au fond de la mer" src="https://images.theconversation.com/files/536519/original/file-20230710-25-pfhwi8.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/536519/original/file-20230710-25-pfhwi8.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=398&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/536519/original/file-20230710-25-pfhwi8.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=398&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/536519/original/file-20230710-25-pfhwi8.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=398&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/536519/original/file-20230710-25-pfhwi8.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=500&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/536519/original/file-20230710-25-pfhwi8.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=500&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/536519/original/file-20230710-25-pfhwi8.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=500&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Les herbiers de Posidonies (Posidonia oceanica), ici sur le littoral de la Corse, sont de précieux puits de carbone.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Gérard Pergent</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-sa/4.0/">CC BY-NC-SA</a></span>
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<h2>Biodiversité, cycle de l’eau, paysage…</h2>
<p>Au-delà de ces deux enjeux, la biomasse et les écosystèmes rendent évidemment de nombreux autres services à ne pas négliger. L’enjeu est d’utiliser cette biomasse renouvelable en veillant à ne pas dégrader la biodiversité, et quand cela est possible, de trouver des synergies positives permettant au contraire de la renforcer.</p>
<p>Le développement des haies et de l’agroforesterie répond par exemple à ce double enjeu de biomasse et de renforcement de la résilience des écosystèmes. Ces milieux jouent également d’autres rôles dans le cycle de l’eau, les paysages, sans oublier leur fonction récréative.</p>
<p>Tous ces enjeux étant étroitement liés, il est indispensable d’aborder la question des usages de la biomasse, et plus largement de nos besoins et niveaux de consommation, avec une vision systémique afin de définir le juste équilibre entre ces fonctions, la biomasse étant certes une richesse mais aussi une ressource limitée.</p>
<p>Ces multiples facettes expliquent que la place qu’elle doit occuper dans la transition fasse l’objet de nombreux débats. Il ressort de notre point de vue, trois défis majeurs : adapter les systèmes agricoles et forestiers, objectiver les bilans environnementaux et renforcer l’analyse systémique.</p>
<h2>Adapter l’agriculture et les forêts</h2>
<p>En tête des enjeux figure celui de préserver la qualité de nos écosystèmes dans ce contexte d’accélération des effets du changement climatique. La fréquence accrue des sécheresses, des canicules et des incendies affectent directement les écosystèmes agricoles et forestiers et génèrent une incertitude croissante sur les services attendus de ces milieux.</p>
<p>Tout affaiblissement des systèmes de production de biomasse compliquera l’atteinte de la neutralité carbone par une baisse du potentiel de stockage de carbone et par une réduction du potentiel de substitution.</p>
<p>L’adaptation des systèmes agricoles et forestiers au changement climatique est donc un axe prioritaire d’action pour les années à venir, en anticipant l’évolution du climat dans les investissements et les orientations des systèmes de production.</p>
<p>Aussi, l’adaptation des écosystèmes forestiers au changement climatique pour lutter contre le dépérissement des massifs et le renforcement de leur résilience constitue une priorité absolue. C’est tout l’enjeu du dispositif de renouvellement forestier de France 2030, <a href="https://agirpourlatransition.ademe.fr/entreprises/aides-financieres/20230413/renouvellement-forestier">qui vise à améliorer la résilience des forêts au changement climatique</a>.</p>
<p>Sur le plan agricole, il s’agit de mobiliser les indicateurs agroclimatiques pour anticiper l’impact de l’évolution du climat sur les productions agricoles <a href="https://canari-france.fr/">dans chaque territoire</a>, et construire des stratégies d’adaptation pour chaque filière. Des démarches qui visent à aider la prise de décision afin que les investissements et les orientations de productions réalisés aujourd’hui soient cohérents avec le climat que nous aurons dans le futur.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/536521/original/file-20230710-16123-w7ak16.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="main touchant un arbre abîmé" src="https://images.theconversation.com/files/536521/original/file-20230710-16123-w7ak16.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/536521/original/file-20230710-16123-w7ak16.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/536521/original/file-20230710-16123-w7ak16.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/536521/original/file-20230710-16123-w7ak16.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/536521/original/file-20230710-16123-w7ak16.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/536521/original/file-20230710-16123-w7ak16.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/536521/original/file-20230710-16123-w7ak16.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Dans la forêt de Villiers-les-Nancy, un épicéa dépérissant.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Marielle Brunette</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-sa/4.0/">CC BY-NC-SA</a></span>
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</figure>
<h2>Objectiver les bilans environnementaux</h2>
<p>Le fait d’avoir recours à de la matière issue du monde du vivant ne suffit pas à garantir un service environnemental optimal. Les avancées sur la compréhension des services rendus des usages de la biomasse montrent la nécessité de prendre toute la chaîne de l’amont à l’usage final du produit.</p>
<p>La contribution du bois énergie à la lutte contre le changement climatique est par exemple dépendant <a href="https://librairie.ademe.fr/cadic/6687/3070-ademe-acv-bois-energie-synthese.pdf">du type de ressource utilisé</a>.</p>
<p>Aussi, pour objectiver les services environnementaux rendus par les usages de la biomasse, il est indispensable de tenir compte de son origine, de l’impact potentiel des prélèvements sur le puits de carbone, des pratiques sur la biodiversité, de la préservation de la qualité des sols, des effets de l’utilisation des intrants pour les productions agricoles ou de la gestion de la fin de vie des produits.</p>
<p>Compte tenu des enjeux environnementaux en cours et de la complexité de la biomasse, il est donc nécessaire de continuer à investir pour objectiver et quantifier les services environnementaux rendus par la biomasse, et notamment dans la science pour mieux comprendre les mécanismes à l’œuvre.</p>
<p>Il s’agit aussi, pour les projets de taille importante, de renforcer la traçabilité des produits en remontant jusqu’à la parcelle (et aux pratiques mises en place à cette échelle) pour avoir une garantie sur la plus-value environnementale des services rendus à la population.</p>
<h2>Prévenir les conflits d’usage</h2>
<p>Enfin, l’interconnexion des filières et des enjeux implique de repenser la gouvernance de la biomasse pour permettre une vision plus systémique et sortir d’une vision en silo, filière par filière.</p>
<p>Il s’agit de veiller par un suivi global de la biomasse à une cohérence et une compatibilité entre la diversité des ressources disponibles, l’état des écosystèmes, les niveaux attendus des usages prévus sur les bioénergies et les produits biosourcés. La ressource étant renouvelable mais limitée, cette analyse doit aider à définir des règles de priorisation et de partage. Plus généralement, il faut trouver des compromis entre les objectifs de substitution, de stockage de carbone, de préservation de la biodiversité ou de gestion de l’eau. Le suivi de la ressource biomasse et des usages est aussi à renforcer au niveau local à travers la planification territoriale, pour tenir compte de la diversité des milieux.</p>
<p>Indispensable à la transition écologique du pays, la biomasse demeure complexe à appréhender, avec de multiples dimensions environnementales, sociales et économiques. Le défi est de rechercher en permanence les équilibres entre ses différentes fonctions.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/205311/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jérôme Mousset ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>
La biomasse a une place à jouer dans la transition écologique, mais ne négligeons pas les autres fonctions qu’elle occupe et anticipons sa fragilisation par le changement climatique.
Jérôme Mousset, Directeur bioéconomie et énergies renouvelables, Ademe (Agence de la transition écologique)
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/205541
2023-05-30T16:11:12Z
2023-05-30T16:11:12Z
Politiques responsables et directive européenne : comment le devoir de vigilance s’invite dans les grandes entreprises
<p>Ce 1<sup>er</sup> juin, les débats autour d’une nouvelle directive s’ouvrent en plénière au Parlement européen, la <a href="https://eur-lex.europa.eu/legal-content/EN/TXT/?uri=CELEX%3A52022PC0071">directive CSDD</a>, pour <em>corporate sustainibility due diligence</em>. L’idée : obliger les grandes entreprises à prévenir les risques sociaux et environnementaux liés à leurs opérations. Lancé en février 2022 par la Commission européenne, le projet a depuis été validé par le Conseil de l’Union européenne, même si des ONG accusent les États membres d’avoir <a href="https://www.business-humanrights.org/fr/derni%C3%A8res-actualit%C3%A9s/ue-le-conseil-approuve-un-texte-sur-la-proposition-de-directive-sur-le-devoir-de-vigilance-des-multinationales-affaibli-notamment-par-la-france-selon-les-ong/">rendu le texte moins contraignant</a> que la version initiale. Il a reçu un <a href="https://www.europarl.europa.eu/news/en/press-room/20230424IPR82008/corporate-sustainability-firms-to-tackle-impact-on-human-rights-and-environment?mc_cid=87ff3510e1&mc_eid=33aea2a203">avis favorable</a> le 25 avril dernier de la commission parlementaire « Affaires juridiques ».</p>
<p>L’idée a été pour partie reprise à la France qui, depuis mars 2017, s’est posée comme précurseur en matière de droit de vigilance. Unique au monde, la <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000034290626/">loi</a> relative au devoir de vigilance des sociétés mères et des entreprises donneuses d’ordre, autrement appelée « loi sur le devoir de vigilance des <a href="https://theconversation.com/topics/multinationales-22485">multinationales</a> », a inspiré de nombreux pays comme l’Allemagne, les Pays-Bas ou la Norvège.</p>
<p>Sont concernées dans le texte français les entreprises donneuses d’ordre dont le siège social est fixé sur le territoire français, de plus de 5000 salariés en leur sein et dans leurs filiales directes ou indirectes. L’obligation touche l’ensemble de la <a href="https://theconversation.com/topics/chaine-de-valeur-48789">chaîne de valeur</a> : partenaires commerciaux, sous-traitants et fournisseurs avec lesquels elles entretiennent une relation commerciale établie. Dans ce cadre, l’entreprise se voit conférer une <a href="https://www.cairn.info/revue-archives-de-philosophie-du-droit-2021-1-page-105.htm">responsabilité pour le futur</a>, ex ante. Elle ne doit pas <em>réparer</em> mais <em>faire</em>. Il s’agit par exemple de <a href="https://www.lesechos.fr/idees-debats/editos-analyses/comment-les-grandes-entreprises-semparent-de-leur-devoir-de-vigilance-1940090">détecter et prévenir les dommages systémiques</a>.</p>
<p>Cette loi se traduit en particulier par la mise en place d’un <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000035181820">plan de vigilance</a> annuel, en collaboration avec les parties prenantes. Il doit comporter des mesures de prévention telles qu’une cartographie des risques, des procédures d’évaluation régulière de la situation des filiales, des sous-traitants ou des fournisseurs et des actions adaptées d’atténuation des risques ou de prévention des atteintes graves. Doivent aussi être prévus un mécanisme d’alerte et un dispositif de suivi des mesures mises en œuvre pour évaluer leur efficacité. La loi impacte ainsi fortement le fonctionnement des services <a href="https://theconversation.com/topics/achats-24856">achats</a> des grandes entreprises et a pour objectif de favoriser la diffusion des pratiques responsables socialement et environnementalement (RSE) chez les fournisseurs.</p>
<h2>Bruxelles reprend la loi française</h2>
<p>Le texte européen viserait, lui aussi, à favoriser un comportement durable et responsable des entreprises en matière de droits de l’homme et d’environnement tout au long de leurs chaînes de valeur mondiales. La directive, une fois adoptée par le Parlement et retranscrite par les vingt-sept (le délai pour le faire est de deux ans), permettra de tenir les entreprises de l’UE pour civilement responsables si une violation des droits de l’homme ou de la protection de l’environnement a été commise par un fournisseur avec lequel elles travaillent de manière permanente ou régulière.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1650784964001005569"}"></div></p>
<p>Les <a href="https://ec.europa.eu/commission/presscorner/detail/fr/ip_22_1145">règles</a> s’appliqueraient à terme (les seuils seraient abaissés progressivement) aux entreprises employant plus de 500 personnes et réalisant un chiffre d’affaires net supérieur à 150 millions d’euros à l’échelle mondiale, ainsi qu’à d’autres sociétés plus petites (seuils de 250 personnes et de 40 millions d’euros de chiffres d’affaires) quand elles exercent dans des <a href="https://data.consilium.europa.eu/doc/document/ST-15024-2022-REV-1/fr/pdf#page=26">secteurs à fort impact</a>. Il s’agirait notamment du textile, de l’agriculture, des industries alimentaires ou de l’exploitation des ressources minérales.</p>
<p>Les entreprises de pays tiers sont aussi concernées quand leur chiffre d’affaires est réalisé dans l’UE. Pour que la loi trouve à s’appliquer, ces critères devraient être remplis sur deux exercices consécutifs.</p>
<h2>Un moyen de diffusion de la RSE</h2>
<p>Le devoir de vigilance devient ainsi un outil juridique pour la société civile et dont les <a href="https://www.lesechos.fr/finance-marches/marches-financiers/devoir-de-vigilance-les-ong-nhesitent-plus-a-poursuivre-les-entreprises-en-justice-1900929">ONG pourront se saisir</a>, comme c’est déjà le cas en France. Historiquement limitée à certains secteurs d’activité très réglementés, la banque et l’assurance par exemple, la <em>compliance</em> (conformité) s’étend ainsi à toutes les activités. La directive permettra aux entreprises de diligenter des audits de compliance sur toute leur chaîne d’approvisionnement.</p>
<p>C’est une nouvelle mission qui incombera aux services achats des grandes entreprises. Elles pourront être conduites à faire appel à des spécialistes, cabinets d’avocats ou de conseils, pour vérifier les clauses des contrats à signer avec leurs fournisseurs. Des pratiques d’achat responsable fondées sur des exigences en matière de protection de l’environnement et de respect des droits humains chez les fournisseurs seront à déployer.</p>
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<p>Par la même se diffusent des normes RSE par la relation fournisseurs. Des relations de confiance et durables avec les fournisseurs renforcent le capital relationnel, objet de nos <a href="https://revuefrancaisedecomptabilite.fr/levolution-du-capital-relationnel-apres-la-crise-sanitaire">travaux</a>. Le gouvernement français l’a d’ailleurs intégré et s’est saisi du sujet en mettant en place un label <a href="https://www.economie.gouv.fr/mediateur-des-entreprises/label-relations-fournisseurs-et-achats-responsables">« Relations fournisseurs et achats responsables »</a>. C’est dans ce cadre que les acheteurs peuvent juger de façon plus fine et plus pertinente les pratiques déviantes en matière de RSE comme le montrent nos <a href="https://www.erudit.org/fr/revues/mi/2022-v26-nspecial-mi07912/1098586ar">recherches récentes</a>.</p>
<p>Dans la lignée de la Loi Sapin 2 sur la corruption du 9 décembre 2016, l’objectif est d’offrir aux employés et aux parties prenantes un dispositif complet leur permettant de faire connaître des comportements contraires à l’éthique. Avec la loi Sapin 2, les <a href="https://theconversation.com/topics/lanceurs-dalerte-20710">lanceurs d’alertes</a> s’étaient notamment vus octroyer un véritable statut protecteur, inexistant en France auparavant.</p>
<p>On assiste avec cet ensemble de législations à un renforcement des exigences de <em>compliance</em> des donneurs d’ordre tout au long de leur chaîne de valeur. Au niveau européen, le devoir de vigilance pourrait devenir une sorte de « license to operate » pour de nombreux fournisseurs avec un nouvel acteur clef, le service achat des entreprises. Le droit de la <em>compliance</em>, plus généralement, va devenir une boussole centrale pour les grandes entreprises. Tous les textes votés en Europe depuis le Pacte vert se complètent et visent un objectif commun : renforcer la durabilité et faire progresser la transition verte. Comme l’écrit la Commission européenne à propos du <a href="https://www.consilium.europa.eu/fr/press/press-releases/2022/12/01/council-adopts-position-on-due-diligence-rules-for-large-companies/">projet CSDDD</a> :</p>
<blockquote>
<p>« La directive aidera l’UE à réaliser la transition vers une économie plus verte et neutre pour le climat, telle que décrite dans le pacte vert pour l’Europe et les objectifs de développement durable des Nations unies. »</p>
</blockquote><img src="https://counter.theconversation.com/content/205541/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>
Le projet de directive européenne CSDD, inspirée par la loi française, renforce le rôle des directions achats des entreprises pour garantir la conformité de leurs politiques responsables.
Jocelyn Husser, Professeur des Universités, IAE Aix-Marseille Graduate School of Management – Aix-Marseille Université
Stéphane Ouvrard, Professeur associé en Finance/Comptabilité, Kedge Business School
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2023-04-24T18:19:17Z
2023-04-24T18:19:17Z
Le périphérique parisien a 50 ans, qu’en est-il du projet de « ceinture verte » ?
<p>« Une fin et un commencement ». C’est par ces mots que <a href="https://www.lemonde.fr/archives/article/1973/04/25/le-peripherique-une-fin-et-un-commencement_2545338_1819218.html"><em>Le Monde</em></a> salue, le 25 avril 1973, le « bouclage » des 35 kilomètres du <a href="https://theconversation.com/topics/paris-21728">boulevard périphérique</a>, enfin achevé au terme de 17 ans de travaux. Pierre Messmer, premier ministre du gouvernement de Georges Pompidou, <a href="https://www.ina.fr/ina-eclaire-actu/video/caf97513012/pierre-messmer-inaugure-le-boulevard-peripherique">inaugure</a> ce jour-là le dernier tronçon porte Dauphine (XVI<sup>e</sup> arrondissement) – porte d’Asnières (XVII<sup>e</sup> arrondissement).</p>
<p>Attendu avec impatience, l’ouvrage, qui fête en ce mois d’avril son cinquantième anniversaire, déçoit, avant même son achèvement, au moment où s’affirme le rejet des grands ensembles, dans un contexte de grèves ouvrières et de mobilisations écologiques. « Une dangereuse illusion » ; « Périmé avant d’être terminé » : dès la fin de l’année 1969, les journaux <em>Combat</em> et <em>L’Aurore</em> soulignent la massification de l’automobilisme qui provoque la saturation de l’infrastructure, tandis que les maquettes d’un projet de <a href="https://www.lemonde.fr/archives/article/1969/12/17/un-projet-seduisant-mais-contestable-le-super-peripherique-a-deux-chaussees-superposees_2406668_1819218.html">« Super-périphérique »</a>, qui prévoit d’en doubler la capacité, sont détruites par des « saboteurs anonymes » la veille de sa présentation au public.</p>
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<p>Le « périf », tel qu’on le surnomme, est un héritage qu’il nous faut regarder sans honte et avec soin. Son rapport à la ville n’a jamais cessé d’être présent même si, comme l’ont montré <a href="https://www.calameo.com/read/004309853100e9df78af2?authid=gMmtBLCKAwWd">nos travaux</a>, cette « ville » a, au cours de son histoire, revêtu des significations différentes. Son destin s’envisage aujourd’hui à l’aune des changements globaux dont il est un nœud de l’atténuation et de l’adaptation.</p>
<p>La Ville de Paris a pour ambition de le transformer en « <a href="https://www.apur.org/fr/nos-travaux/ceinture-verte-paris-xxie-siecle-hier-aujourd-hui-demain">nouvelle ceinture verte</a> », l’horizon des <a href="https://theconversation.com/topics/jeux-olympiques-21983">Jeux olympiques et paralympiques</a> de 2024 approchant comme un « accélérateur » de sa mutation. Une <a href="https://www.lemonde.fr/politique/article/2023/04/17/paris-ouvre-une-consultation-sur-l-avenir-d-une-voie-du-peripherique-de-la-capitale_6169858_823448.html">consultation</a> projetant la réservation exclusive d’une voie pour le <a href="https://theconversation.com/les-autosolistes-sont-ils-prets-a-se-mettre-au-covoiturage-pour-les-trajets-du-quotidien-190863">covoiturage</a> a d’ailleurs été lancée. </p>
<p>Qu’entend-on cependant par « ceinture verte » ? Recouvrer l’usage du sol, canaliser le trafic, gouverner la grande échelle : ces trois questions, qui sont à l’origine de son histoire, déterminent les conditions d’une restauration de l’infrastructure végétale du Grand Paris.</p>
<h2>La « ceinture » de Paris : un commun</h2>
<p>Équipement du Grand Paris en expansion, le périphérique s’est installé sur un territoire que l’on nomme la <a href="https://www.pavillon-arsenal.com/fr/edition-e-boutique/collections/19-x-30/11957-des-fortifs-au-perif.html">« ceinture »</a>. Cet espace, qui depuis longtemps articule les destins de Paris et des banlieues, c’est celui des anciennes <a href="https://books.openedition.org/psorbonne/2381">fortifications</a> dites de Thiers, édifiées entre 1841 et 1844, et de leur <a href="https://www.urbanisme-puca.gouv.fr/IMG/pdf/granier_anne_resume.pdf">« zone »</a> <em>non aedificandi</em>, inconstructible. L’ensemble – murs, bastions, rocades, talus, fossés, zone – délimite une bande de 400 mètres de large. L'enceinte militaire encercle le territoire intra-muros, englobant une partie des communes riveraines de Paris, la <a href="https://books.openedition.org/psorbonne/2383?lang=fr">« petite banlieue »</a>, qui sera <a href="https://journals.openedition.org/rh19/4606">annexée</a> fin 1859. La loi sur “<a href="https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5523577z.image">l'extension des limites de Paris</a>” consacre les nouveaux contours politiques de la capitale.</p>
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<span class="caption">Les fortifications de Paris en 1859.</span>
<span class="attribution"><span class="source">J.M. Schomburg/Wikimedia</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
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<p>Le démantèlement des « fortifs » qui se poursuit jusqu’en 1929, après leur déclassement voté en 1919, laisse un gigantesque vide, rapidement <a href="https://www.youtube.com/watch?v=143GgBYZYBU">comblé</a> de manière licite et illicite. Un vaste bidonville peuplé par les « zoniers » s’installe. La ceinture devient aussi le réceptacle des besoins et des projets de la ville, des cimetières aux stades, du logement à la circulation. La <a href="https://journals.openedition.org/insitu/855">Cité internationale universitaire</a> en est l’un des joyaux. Le <a href="https://journals.openedition.org/traces/8207">boulevard périphérique</a> en forme l’une des pièces centrales.</p>
<p>L’idée de <a href="https://empreintedesfortifs.webnode.fr/">« ceinture verte »</a> apparaît tôt et perdure longtemps. Avant même que l’enceinte ne soit abattue, les Parisiens traversent ses portes le temps d’un dimanche en famille pour y chercher le bon air, profiter de l’espace libre et planté. Au tournant du siècle dernier, les <a href="https://www.persee.fr/doc/genes_1155-3219_1994_num_16_1_1245">visions</a> réformatrices et hygiénistes de l’influent groupe du Musée social projettent son lotissement avec parcs, immeubles et voies. Né finalement en 1943, sous Vichy, le « boulevard périphérique » figure une boucle de circulation très arborée qui désengorgerait les boulevards des maréchaux.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/520998/original/file-20230414-18-uqt1v6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/520998/original/file-20230414-18-uqt1v6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/520998/original/file-20230414-18-uqt1v6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=382&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/520998/original/file-20230414-18-uqt1v6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=382&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/520998/original/file-20230414-18-uqt1v6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=382&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/520998/original/file-20230414-18-uqt1v6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=479&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/520998/original/file-20230414-18-uqt1v6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=479&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/520998/original/file-20230414-18-uqt1v6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=479&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">La « zone », vue des fortifications Porte de Saint-Ouen.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Scanné par Claude Shoshany Wikimedia</span></span>
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<p>Les années 1950 font néanmoins basculer le destin de la ceinture. Trafic automobile, urbanisation régionale : les prévisions d’expansion transforment les attendus de la voie qui de <a href="https://www.calameo.com/read/004309853100e9df78af2?authid=gMmtBLCKAwWd">parkway</a>, comme disent les Anglo-saxons pour désigner une route située dans, à travers ou vers un parc, devient autoroute. La décision est scellée suite au rapport sur les « <a href="https://www.lemonde.fr/archives/article/1954/12/17/m-lafay-defend-l-idee-d-un-remodelage-des-quartiers-est-de-paris_2032133_1819218.html">Solutions aux problèmes de Paris</a> » présenté en 1954 au Conseil de Paris. Le chantier s’engage en 1957.</p>
<p>Alors que le souci du paysage urbain anime la réalisation de la section Sud, la logique des flux l’emporte progressivement. La ceinture se fragmente. Les ouvrages et les vitesses étirent les échelles, dilatent l’espace, décollent le sol.</p>
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<p>Depuis, la ceinture n’a cessé de se remplir encore. Récemment, les tours <a href="https://www.lemonde.fr/culture/article/2022/09/28/les-tours-duo-a-paris-des-monuments-a-contretemps_6143465_3246.html">Duo</a> se sont érigées porte d’Ivry. Un nouveau complexe <a href="https://www.lequipe.fr/Tous-sports/Actualites/Reportage-sur-le-chantier-de-l-arena-porte-de-la-chapelle-prevue-pour-janvier-2024/1376485">Arena</a> se réalise Porte de la Chapelle (18ᵉ arrondissement). <a href="https://www.portedebagnolet-gallieni.fr/le-projet/">Porte de Bagnolet</a> (20ᵉ arrondissement), on s’interroge sur le devenir du centre commercial. Le projet de réaménagement de la <a href="https://www.liberation.fr/societe/ville/a-paris-la-majorite-se-dechire-sur-le-projet-de-la-porte-de-montreuil-20221013_IECJTSKNZNFN7K5XN5KU5XHMIM/">porte de Montreuil</a> (20ᵉ arrondissement) continue de susciter des débats tandis que, porte de Vanves (14ᵉ arrondissement), le <a href="https://mairie14.paris.fr/pages/reamenagement-et-renovation-du-jardin-anna-marly-23367">jardin sur dalle</a> doit être prochainement rénové. Le paysage du périphérique égraine une forte dynamique de chantiers, le moindre interstice étant convoité, occupé, chahuté. C’est là que se trouvent les ressources foncières de la ville, à proximité de réseaux névralgiques.</p>
<h2>Dompter le monstre moderne</h2>
<p>À l’intensité des édifices s’ajoute celle des <a href="https://cdn.paris.fr/paris/2020/11/26/681d6f333be6d30e028e32938646b56a.pdf">trafics</a>. 1,1 million de véhicules par jour, 8 millions de kilomètres parcourus, 1,1 personne par véhicule. Les chiffres du périphérique montrent les symptômes multiples de l’automobilisme. Éprouvée par les Grand-Parisiens, pour beaucoup dépendants d’une mobilité carbonée, la congestion du « périf » pèse sur le quotidien de plusieurs centaines de milliers de riverains : <a href="https://www.bruitparif.fr/pages/En-tete/300%20Publications/600%20Rapports%20d%E2%80%99%C3%A9tude%20-%20bruit%20routier/2021-05-31%20-%20Campagne%202020%20de%20mesure%20du%20bruit%20autour%20du%20boulevard%20p%C3%A9riph%C3%A9rique%20parisien.pdf">bruit</a> et <a href="https://www.airparif.asso.fr/actualite/2022/2021-la-pollution-de-lair-diminue-mais-insuffisamment">pollution</a>.</p>
<p>Voies dédiées aux bus et covoiturages, zones à faibles émissions, nouveaux transports en commun : les alternatives et les régulations visent la diminution des émissions et le « report » du trafic. En « apaisant » la circulation, en réduisant la part de l’espace motorisé, l’autoroute exclusive se transformera-t-elle en voie amène ? Le temps d’une <a href="https://www.lemonde.fr/blog/transports/2019/10/06/nuit-blanche-on-a-pedale-sur-le-periph/">« nuit blanche »</a>, en octobre 2019, les citadins ont déjà éprouvé ce possible de l’extraordinaire en arpentant le périphérique à pied ou à vélo, de la porte de la Villette à la porte de Pantin (19ᵉ arrondissement).</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/521003/original/file-20230414-22-nq983n.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/521003/original/file-20230414-22-nq983n.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/521003/original/file-20230414-22-nq983n.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=385&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/521003/original/file-20230414-22-nq983n.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=385&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/521003/original/file-20230414-22-nq983n.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=385&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/521003/original/file-20230414-22-nq983n.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=484&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/521003/original/file-20230414-22-nq983n.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=484&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/521003/original/file-20230414-22-nq983n.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=484&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Difficile d’imaginer qu’un viaduc autoroutier occupait tout cet espace de Séoul au début des années 2000.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://en.wikipedia.org/wiki/Cheonggyecheon#/media/File:CheonggyecheonSeoul.jpg">Grayswoodsurrey (2012)/Wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
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<p>Ailleurs dans le monde, des projets ont reconverti radicalement des infrastructures. Le <a href="https://www.institutparisregion.fr/fileadmin/NewEtudes/Etude_1017/SEOUL_Cheonggyecheon_Expressway.pdf">cas de Séoul</a> est sans doute l’un des plus connus à ce jour. Un viaduc autoroutier de 6 kilomètres qui couvrait un ancien cours d’eau, y a été fermé au trafic puis démonté, la rivière restaurée et ses abords aménagés. L’opération, mûrement réfléchie par des collectifs associatifs et universitaires, a été décidée trois mois après l’élection en 2002 du maire de Séoul Mung-Bak Lee. Elle s’est achevée en 2005.</p>
<p>Les effets furent convaincants: évaporation du trafic, apparition d’îlots de fraîcheur, loisirs urbains. Elle a toutefois nécessité au préalable des changements profonds du système de <a href="https://www.institutparisregion.fr/fileadmin/DataStorage/user_upload/benchmark_mass_transit_rapport_FinalV2_20180727.pdf"><em>mass transit</em></a>, dont le plus spectaculaire a été la mise en place d’un réseau de bus à quatre vitesses sur voies dédiées à l’échelle de la métropole tout entière.</p>
<h2>Gouverner au-delà des murs</h2>
<p>En Île-de-France, il n’existe pas de municipalité élue à une vaste échelle. On objectera ainsi que la <a href="https://hal-sciencespo.archives-ouvertes.fr/hal-00973108v1/document">« gouvernance »</a> du Paris métropolitain, chargée en rivalités et en rapports de force, constitue un obstacle lourd à franchir pour tout projet de transformation d’envergure. Ce n’est pas nouveau : l’histoire de la région parisienne est faite d’oppositions et de coalitions, qu’ont pu surmonter des projets à grande échelle. La réalisation du métro du Grand Paris express montre aujourd’hui encore que les inerties et les résistances peuvent être dépassées.</p>
<p>Paris et les banlieues ont tout à gagner d’une solidarité renforcée autour du futur du périphérique. Penser au-delà des murs, c’est concevoir la ceinture de Paris non pas comme enceinte – frontière (de Paris), barrière (des banlieues), artère (régionale) – mais comme lieu d’une multiappartenance. Circulation, habitat, vivant : ces questions s’enchâssent dans un espace qui nécessite de le considérer à l’échelle du <a href="https://www.inventerlegrandparis.fr/">Grand Paris</a>.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/521365/original/file-20230417-28-pik83r.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/521365/original/file-20230417-28-pik83r.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/521365/original/file-20230417-28-pik83r.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=417&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/521365/original/file-20230417-28-pik83r.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=417&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/521365/original/file-20230417-28-pik83r.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=417&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/521365/original/file-20230417-28-pik83r.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=524&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/521365/original/file-20230417-28-pik83r.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=524&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/521365/original/file-20230417-28-pik83r.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=524&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Les espaces verts de la région – Carte au 1/200 000.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.institutparisregion.fr/cartotheque/">Institut Paris Région</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
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<p>La crise environnementale invite à se ressaisir de la possibilité de recréer une grande respiration végétale à cet endroit. Dans un contexte où le droit se pensera de plus en plus selon les <a href="https://reseauactionclimat.org/les-pertes-et-dommages-consequences-irreversibles-du-changement-climatique/">« pertes et dommages »</a>, les impératifs de santé publique réorientent les priorités de l’aménagement. Sanctuariser les <a href="https://www.paris.fr/pages/de-la-ceinture-grise-a-la-ceinture-verte-comment-le-peripherique-va-se-metamorphoser-21145">talus et terre-pleins végétalisés</a> certes, mais aussi recréer au sein de la métropole, un système d’espaces libres, parcs et jardins, qui soit le patrimoine commun de ses 10 millions d’habitants.</p>
<p>André Malraux, Georges Valbon, <a href="https://journals.openedition.org/focales/333">Le Sausset</a>, La Plage Bleue : ces noms désignent les <a href="https://sacg.seinesaintdenis.fr/IMG/pdf/04_00_Schema_environnement_vert_S.E.V.E.S_Rapport.pdf">parcs départementaux</a> réalisés dans les années 1970 à Nanterre (Hauts-de-Seine), La Courneuve, Aulnay-sous-Bois (Seine-Saint-Denis), Valenton (Val-de-Marne), au moment où s’achevait le chantier du périphérique et alors que s’engageait une politique publique en faveur de l’environnement. Aménagés parfois dans des contextes difficiles, sur des friches, des délaissés, des terrains inconstructibles, ils forment aujourd’hui les maillons d’une infrastructure paysagère régionale qui ne demande qu’à s’agrandir.</p>
<p>La Seine fait ce mois-ci la couverture du <a href="https://time.com/6261729/seine-clean-up-paris-olympics-2024/"><em>Time Magazine</em></a>. Son écologie est en voie de restauration, bien au-delà des plaisirs vitaux de la baignade fluviale, salutaire au vu des étés de plus en plus <a href="https://interactive.afp.com/features/Demain-quel-climat-sur-le-pas-de-ma-porte_621/city/75056-Paris/">caniculaires</a> qui frapperont la capitale. Le périphérique sera-t-il l’autre grand projet de restauration d’une nature grand-parisienne ?</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/203826/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Nathalie Roseau ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>
Les mesures pour limiter la pollution visent notamment à répondre aux problèmes créés par des décennies de construction ininterrompue dans l'espace du périphérique.
Nathalie Roseau, Professeure d’urbanisme, École des Ponts ParisTech (ENPC)
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2023-04-24T10:28:54Z
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Transition écologique : et si les entreprises faisaient le choix de la coopétition ?
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/522151/original/file-20230420-16-bpqhqv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=15%2C0%2C10468%2C6800&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le programme de satellites MTG a été développé entre plusieurs concurrents et fournit des données météorologiques pour lutter contre le changement climatique.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Meteosat_Third_Generation_ESA418057.jpg#/media/Fichier:Meteosat_Third_Generation_ESA418057.jpg">ESA</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>« I have a tall cappuccino for John… ». Une phrase que John entend tous les matins dans son Starbucks de Palo Alto, avant de sauter dans sa Tesla pour se rendre au travail à San Francisco. Une routine tellement naturelle que John en oublierait presque que son café comme sa voiture sont le résultat d’une stratégie entrepreneuriale contre nature : la coopétition, mot-valise qui associe coopération et compétition.</p>
<p>Le gobelet que John insère dans le porte-gobelet de sa voiture résulte d’une collaboration entre <a href="https://www.edie.net/mcdonalds-and-starbucks-back-smart-reusable-cup-trials-in-california/">McDonalds et Starbucks</a> qui, bien que grands concurrents sur la restauration rapide et la vente de boissons à emporter, sont étroitement associés dans leur politique de réduction des déchets liés aux emballages alimentaires. De même, la <a href="https://www.hindawi.com/journals/mpe/2016/7210767/">Tesla</a> que John conduit sur les routes californiennes est construite à partir de nombreuses pièces et technologies issues de concurrents féroces de Tesla, tels que Daimler ou Toyota.</p>
<p>L’idée que la <a href="https://theconversation.com/topics/coopetition-62125">coopétition</a>, c’est-à-dire les alliances entre des entreprises concurrentes, permet de développer de nouvelles innovations, est une idée assez répandue. Pour autant, comme nous l’expliquons dans un <a href="https://www.routledge.com/The-Routledge-Companion-to-Coopetition-Strategies/Fernandez-Chiambaretto-Roy-Czakon/p/book/9781032476056">ouvrage</a>, résumer les apports de la coopétition à la simple création de valeur économique ou financière s’avère réducteur. Depuis une dizaine d’années, différents travaux en sciences de gestion ont montré comment pareilles stratégies permettent de développer non seulement de la valeur économique, mais aussi de la valeur sociétale et <a href="https://theconversation.com/topics/environnement-21017">environnementale</a>. Développer l’usage de ces stratégies semble néanmoins requérir des évolutions du <a href="https://theconversation.com/topics/droit-europeen-107798">droit européen</a>.</p>
<h2>Quand mutualiser rime avec efficacité</h2>
<p>Définir ce qu’est une innovation verte n’est pas toujours aisé et deux approches complémentaires peuvent être envisagées : par le produit et par le processus de conception.</p>
<p>La première consiste à appliquer le qualificatif « vert » si le produit conçu est plus respectueux de l’environnement que les produits existants. Dans cette logique, une voiture électrique (comme la Tesla de John) peut être considérée comme une innovation verte puisqu’elle pollue moins qu’une voiture alimentée par des énergies fossiles.</p>
<p>Le développement d’un produit plus vert représente une innovation souvent plus radicale et plus risquée qu’une innovation non verte. Pour développer de telles innovations, les ressources et les compétences d’une entreprise seule souvent ne suffisent pas. Il paraît alors nécessaire de faire appel à l’expertise de tout un secteur. C’est ainsi que des entreprises concurrentes sont amenées à mutualiser leur savoir-faire, leurs technologies et leurs connaissances pour développer de nouveaux standards verts au sein de leurs industries.</p>
<p>Pour assurer la transition écologique de l’aéronautique, par exemple, onze concurrents parmi lesquels Airbus, Dassault Aviation ou Saab se sont alliés pour créer le réseau <a href="https://www.clean-aviation.eu/clean-sky-2/programme-overview-and-structure">Cleansky</a> qui comprend 54 entreprises de toutes tailles, ayant pour but d’inventer et de produire les futurs avions verts de demain. Toujours dans le secteur aérien, l’entreprise <a href="https://air-cosmos.com/article/le-cfm-leap-reduit-de-15-la-consommation-de-carburant-64342">CFM International</a>, qui est une <em>joint-venture</em> entre deux motoristes concurrents, Safran et General Electric, a réussi à développer des moteurs à réaction réduisant de plus de 15 % les émissions de dioxyde de carbone et de 50 % les émissions de dioxyde d’azote. Ni Safran ni General Electric n’était capable de développer seule ces nouvelles technologies vertes. Dans le <a href="https://theconversation.com/la-coopetition-voie-incontournable-de-la-reussite-spatiale-francaise-et-europeenne-192043">secteur spatial</a> que nous avons <a href="https://journals.sagepub.com/doi/pdf/10.1177/0008125619885151">étudié</a>, MTG a été développée par les deux leaders de la construction de satellites, Thales Alenia Space et OHB, dans le but de suivre les évolutions météorologiques et potentiellement prévoir les futures catastrophes naturelles.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/522089/original/file-20230420-18-nsu998.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=9%2C0%2C1080%2C719&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/522089/original/file-20230420-18-nsu998.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=9%2C0%2C1080%2C719&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/522089/original/file-20230420-18-nsu998.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/522089/original/file-20230420-18-nsu998.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/522089/original/file-20230420-18-nsu998.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/522089/original/file-20230420-18-nsu998.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/522089/original/file-20230420-18-nsu998.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/522089/original/file-20230420-18-nsu998.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Le turboréacteur LEAP codéveloppé par Safran et General Electric s’avère moins gourmand en carburant.</span>
<span class="attribution"><span class="source">KGG1951/Wikimedia</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
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<p>La seconde approche s’intéresse, quant à elle, au processus permettant de produire le même produit final : est-il moins consommateur de ressources ? Une nouvelle voiture essence ou diesel peut, dans cette perspective, être considérée comme une innovation verte si sa construction nécessite moins d’énergie ou consomme moins de ressources que celle des modèles concurrents.</p>
<p>Mutualiser des chaînes de production ou chaînes logistiques concurrentes peut ainsi s’avérer efficace. C’est la stratégie adoptée par Nestlé au milieu des années 2000 en coopérant avec <a href="https://www.tandfonline.com/doi/full/10.1080/00207543.2021.1988749">Pladis</a>, un de leurs concurrents au Royaume-Uni, pour réaliser leurs livraisons en commun. Avec comme slogan « We compete on the shelf, not in the back of a lorry » (« Nous sommes concurrents dans les rayons, pas au fond d’un camion »), les deux groupes ont réussi à économiser en moyenne chaque année 28 000 km de livraisons, soit 95 000 litres de carburants et 250 tonnes de CO<sub>2</sub>.</p>
<h2>Pour des entreprises de toute taille</h2>
<p>Il n’y a pas que les grands groupes qui soient concernés. Comme nous le montrons dans nos <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0024630118301122">travaux</a>, de nombreuses start-up et PME s’associent avec des concurrents pour renforcer leur capacité d’innovation. Il en va souvent de leur survie car, étant plus petites, ces entreprises n’ont pas toujours les ressources suffisantes pour développer des produits et les mettre sur le marché.</p>
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<figure class="align-left zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<p><em>Chaque lundi, que vous soyez dirigeants en quête de stratégies ou salariés qui s’interrogent sur les choix de leur hiérarchie, recevez dans votre boîte mail les clés de la recherche pour la vie professionnelle et les conseils de nos experts dans notre newsletter thématique « Entreprise(s) ».</em></p>
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<p>Il en est de même pour les enjeux liés à la RSE et à la transition écologique. Les PME aimeraient bien se saisir de ces enjeux, d’autant plus que leurs clients et leurs parties prenantes y sont de plus en plus sensibles. Compte tenu de leurs ressources limitées, elles doivent cependant souvent réaliser des arbitrages qui les poussent à prioriser leurs activités opérationnelles courantes au détriment de leurs engagements environnementaux.</p>
<p>Coopérer avec des concurrents peut alors leur permettre d’avoir les ressources nécessaires pour à la fois continuer leurs activités tout en s’engageant dans une démarche RSE ou de transition écologique. En Afrique du Sud, <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S001985011630102X">plusieurs petits vignobles concurrents</a> qui n’avaient pas les capacités de développer leur propre filière de recyclage de leurs bouteilles ont ainsi collectivement agi pour développer des solutions pour recycler le verre et limiter le gaspillage de ressources.</p>
<p>Grands groupes et PME peuvent aussi interagir. Par exemple, <a href="https://www.lsa-conso.fr/danone-et-nestle-waters-unis-pour-creer-un-pet-100-bio-source,255402">Nestlé Waters et Danone</a>, tous deux concurrents dans la distribution de boissons, ont décidé en 2017 de s’allier et d’investir dans la petite start-up californienne Origin Materials qui développe des bouteilles en plastique intégralement issu de ressources durables et renouvelables.</p>
<h2>Des évolutions législatives nécessaires</h2>
<p>Si la coopétition est vertueuse et permet d’accompagner les entreprises dans leur transition écologique, pourquoi ne trouve-t-on pas plus d’entreprises qui s’engagent dans cette voie ?</p>
<p>Une première raison tient aux <a href="https://theconversation.com/coopetition-trois-principes-pour-manager-les-tensions-128564">tensions</a> générées par ces stratégies paradoxales. En effet, coopérer et être en concurrence en même temps génère des tensions dont il est souvent difficile de faire abstraction. Notre étude sur l’industrie spatiale suggère, en la matière, qu’une une attention particulière devrait être portée sur le <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S001985011500317X">partage et la protection d’informations</a>.</p>
<p>Au-delà, il existe toujours une certaine forme d’incertitude quant à la légalité de ces alliances entre concurrents. L’article 101 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne considère comme « incompatibles avec le marché intérieur et interdits tous accords entre entreprises, toutes décisions d’associations d’entreprises et toutes pratiques concertées, qui sont susceptibles d’affecter le commerce entre États membres et qui ont pour objet ou pour effet d’empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l’intérieur du marché intérieur ».</p>
<p>Or, il n’est pas toujours aisé de prouver qu’un accord de coopétition ne risque pas de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence. Lorsque nous nous sommes intéressés au <a href="https://www.cairn.info/revue-management-2018-1-page-574.htm">secteur immobilier en Europe</a>, nous avons ainsi observé que les stratégies de coopétition peuvent amener à une hausse des prix des biens, réduisant ainsi le pouvoir d’achat des clients, mais apportant plus de valeur pour les vendeurs.</p>
<p>C’est pourquoi dans <a href="https://competition-policy.ec.europa.eu/public-consultations/2022-hbers_en">l’Union européenne</a>, mais aussi en <a href="https://www.lexology.com/library/detail.aspx?g=80294776-ce9d-4cdc-9013-4a8814807aeb">Australie</a>, les régulateurs réfléchissent de plus en plus à intégrer de manière explicite des exemptions permettant d’éviter que le droit de la concurrence n’empêche des concurrents de travailler conjointement si l’accord permet d’accélérer la transition écologique des entreprises en question.</p>
<p>L’équilibre à trouver entre droit de la concurrence et droit de l’environnement reste néanmoins subtile, par exemple lorsque s’associent <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0969699712000130">compagnies aériennes et leurs concurrents ferroviaires</a>. Une évolution du cadre légal semble en tout cas nécessaire pour accompagner une évolution des pratiques des entreprises face à l’ampleur du défi environnemental qui les attend.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/204211/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Paul Chiambaretto est le directeur de la Chaire Pégase, une chaire de recherche co-financée par des acteurs aériens dont Air France et le Groupe ADP. Néanmoins, aucune de ces organisations ne pourrait tirer profit de cet article.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Anne-Sophie Fernandez et Audrey Rouyre ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur poste universitaire.</span></em></p>
S’associer entre concurrents permet des innovations qui vont dans le sens d’une transition écologique des entreprises. Le droit européen peut cependant représenter un obstacle en la matière.
Anne-Sophie Fernandez, Maître de conférences HDR en stratégie, Université de Montpellier
Audrey Rouyre, Assistant Professor en Management Stratégique, Montpellier Business School
Paul Chiambaretto, Professeur Associé et directeur de la Chaire Pégase, Montpellier Business School
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/204151
2023-04-23T14:54:54Z
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Sauver le climat et la biodiversité, comment être solidaire et aider les pays les plus pauvres à trouver des fonds ?
<p>En 28 ans de discussions sur le <a href="https://theconversation.com/fr/topics/climat-20577">climat</a> (depuis <a href="https://unfccc.int/sites/default/files/resource/docs/french/cop1/g9561656.pdf">Berlin en 1995</a>) et un peu plus sur la <a href="https://theconversation.com/fr/topics/biodiversite-20584">biodiversité</a> (depuis <a href="https://www.cbd.int/doc/decisions/cop-01/full/cop-01-dec-fr.pdf">Nassau en 1994</a>), le moins que l’on puisse dire est que les avancées côté <a href="https://theconversation.com/fr/topics/finance-20382">finance</a> semblent lentes, très lentes. Le secteur hoquette bien un peu, verdit ici ou là quelques actifs, mais la tendance ne s’inverse pas. La finance n’est toujours pas au rendez-vous de son siècle.</p>
<p>Le doute scientifique n’existe plus sur le fait que le changement climatique et la perte de la nature sont directement liés au mode de vie et de consommation contemporains. À technologie inchangée, il n’est pas possible à l’ensemble de l’humanité de consommer autant de ressources naturelles et d’émettre autant de CO<sub>2</sub> qu’un <a href="https://www.notre-environnement.gouv.fr/rapport-sur-l-etat-de-l-environnement/international/comparaisons-internationales/article/l-empreinte-carbone-comparaisons-mondiales">occidental moyen</a> en 2023. Il est acté de plus que la question climatique et celle de la biodiversité sont <a href="https://www.lemonde.fr/climat/article/2021/06/10/crise-climatique-et-de-la-biodiversite-50-specialistes-mondiaux-appellent-a-une-lutte-commune_6083616_1652612.html">« le grand problème d’action collective du monde »</a>. Aucun pays ne pourra résoudre la question tout seul.</p>
<p>Il fait aussi consensus que la question sociale, et plus précisément l’équité, est déterminante pour la faisabilité des politiques publiques. Les solutions favorables au climat et à la nature, quand elles doivent se traduire par des diminutions de consommation, de mobilité ou de niveau de vie, ne sont pas socialement acceptées.</p>
<p>Il a également été bien identifié que chaque pays, comme chaque individu, estime que ses émissions sont légitimes. Ce serait aux autres de faire des efforts pour limiter <a href="https://www.ictfootprint.eu/fr/faq-page/qu%E2%80%99est-ce-qu%E2%80%99une-empreinte-environnementale">leur empreinte environnementale</a>. La situation rappelle le <a href="https://www.universalis.fr/encyclopedie/mancur-olson/">paradoxe de Mancur Olson</a>, selon lequel un grand groupe peut rester paralysé dans ses actions même s’il existe un consensus sur les objectifs et les moyens. Chaque individu imagine qu’il n’est qu’une petite goutte d’eau. Son action individuelle isolée ne lui rapportera rien, tandis que s’engager représente un coût immédiat. Il est donc peu probable que les choses évoluent sous l’effet de la simple bonne volonté.</p>
<h2>Qui doit payer pour quoi ?</h2>
<p>Pour cadrer les capacités de notre planète, un choix symbolique a été opéré par les États autour de deux objectifs simples, qui font figures de mantras : <a href="https://unfccc.int/fr/a-propos-des-ndcs/l-accord-de-paris">limiter la hausse des températures moyennes à 1,5 °C</a> par rapport aux niveaux préindustriels et <a href="https://www.lemonde.fr/en/environment/article/2022/12/19/cop15-historic-biodiversity-agreement-found-at-montreal-conference_6008297_114.html">protéger 30 % des terres et 30 % des mers</a>. En l’absence de projet de sobriété, toutes les solutions passent par l’appel à un programme massif d’investissements « durables ». Les dernières conférences des parties (<a href="https://theconversation.com/fr/topics/cop-47443">COP</a>) qui se sont tenues en 2022 sur le <a href="https://unfccc.int/cop27">climat en Egypte</a> et sur la <a href="https://www.unep.org/un-biodiversity-conference-cop-15">biodiversité au Canada</a> ont d’ailleurs insisté sur ce point : la question du financement est devenue un élément central du débat international.</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/521883/original/file-20230419-20-vatnxc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/521883/original/file-20230419-20-vatnxc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/521883/original/file-20230419-20-vatnxc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=414&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/521883/original/file-20230419-20-vatnxc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=414&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/521883/original/file-20230419-20-vatnxc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=414&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/521883/original/file-20230419-20-vatnxc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=520&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/521883/original/file-20230419-20-vatnxc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=520&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/521883/original/file-20230419-20-vatnxc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=520&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">dec COP Sec Gen Media.</span>
<span class="attribution"><span class="source">En décembre 2022, les pays les plus riches se sont engagés à doubler leur soutien auprès des pays en développement pour financer la protection de la biodiversité, pour atteindre 20 milliards par an en 2025</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
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<p>Celle-ci fait l’objet d’<a href="https://www.iddri.org/fr/publications-et-evenements/billet-de-blog/de-la-cop-27-du-climat-la-cop-15-de-la-biodiversite-des">antagonismes</a>. Si l’on schématise un peu, les pays « riches » ont internalisé une réalité contemporaine : ils constatent que les pays émergents, dont la Chine et l’Inde, suivent à la trace le modèle de développement productiviste et consumériste. Il faut donc que la question climatique comme celle de la biodiversité prenne un caractère universel, et ne soit pas limitée à leur propre rétropédalage. C’est d’ailleurs ce qui avait fait consensus en 2015 et qui a permis la <a href="https://unfccc.int/fr/a-propos-des-ndcs/l-accord-de-paris">signature de l’accord de Paris sur le climat</a> et celui de <a href="https://www.un.org/sustainabledevelopment/fr/2015/07/15/les-pays-parviennent-a-un-accord-historique-pour-financer-le-nouveau-programme-de-developpement-durable/">New-York sur les Objectifs du développement durable</a> (ODD). Tout le monde est concerné, chaque pays a son propre chemin de transition à inventer.</p>
<p>Les pays « pauvres », regroupés dans la coalition <a href="https://www.g77.org/">« G77 + Chine »</a> ne rejettent pas les accord de 2015. Ils souhaitent cependant que les pays à hauts revenus acceptent une certaine responsabilité historique. Peu émetteurs et déjà confrontés à une dette élevée, ils réclament des financements additionnels, en dons ou à des conditions favorables, pour investir et s’adapter aux profonds changements qui s’annoncent.</p>
<h2>Gros billet ou petite monnaie ?</h2>
<p>A Copenhague, en 2009, Les négociateurs des COP pour le volet financier, ont obtenu l’engagement des pays les plus riches de mobiliser à destination des pays les plus pauvres chaque année <a href="https://www.economie.gouv.fr/mobiliser-100-milliards-de-dollars-par-dici-2020">100 milliards de dollars publics et privés pour le Climat</a> à partir de 2020, promesse qui devrait finalement être <a href="https://www.lemonde.fr/planete/article/2021/10/25/climat-l-objectif-de-100-milliards-de-dollars-pour-les-pays-du-sud-atteignable-en-2023_6099859_3244.html">honorée cette année</a>. </p>
<p>L’objectif a, en tout cas, été réaffirmé lors de la COP 27 qui s’est tenue en novembre 2022 à Charm el-Cheikh en Egypte. A Montréal, en décembre dernier ont été promis <a href="https://www.afd.fr/fr/actualites/cinq-choses-retenir-cop15-biodiversite">20 milliards pour la biodiversité</a> à partir de 2025, 30 à partir de 2030. Ces montants viendraient s’ajouter à ceux de l’Aide Publique au Développement (APD) qui se fixe à <a href="https://www.oecd.org/fr/cad/financementpourledeveloppementdurable/normes-financement-developpement/aide-publique-au-developpement.htm">204 milliards en 2022</a>.</p>
<p>Ces chiffres peuvent sembler élevés. Néanmoins, selon les économistes de <a href="https://www.iea.org/reports/financing-clean-energy-transitions-in-emerging-and-developing-economies/executive-summary">l’Agence internationale de l’énergie</a> ou du <a href="https://www.blackrock.com/corporate/insights/blackrock-investment-institute/financing-the-net-zero-transition">Black Rock Investment Institute</a>, il faudrait mille milliards de dollars d’investissements par an dans les renouvelables dans les seuls marchés émergents, hors Chine, contre environ 150 milliards investis actuellement. On peut citer également les <a href="https://www.oecd.org/environment/cc/climate-futures/policy-highlights-financing-climate-futures.pdf">estimations de l’OCDE</a> à 6 900 milliards de dollars annuels pour les infrastructures, celles du Fonds Monétaire International qui atteignent entre 3 000 et 6 000 milliards USD par an ou plus récemment celle d’un <a href="https://www.lse.ac.uk/granthaminstitute/wp-content/uploads/2022/11/IHLEG-Finance-for-Climate-Action-1.pdf">groupe d’experts indépendants</a> commissionnés par la Présidence de la COP27, qui conclue également autour du chiffre de mille milliards par an.</p>
<p>Du côté des institutions financières, le total des actifs détenus représente <a href="https://www.statista.com/statistics/421060/global-financial-institutions-assets/">environ 500 000 milliards de dollars</a>.Celui des ménages, qui en est un sous-ensemble, incluant les dépôts bancaires et les placements, s’établit en 2021 à environ <a href="https://ec.europa.eu/eurostat/statistics-explained/index.php?title=Households_-_statistics_on_financial_assets_and_liabilities">35 000 milliards pour les seuls pays européens</a>. Ces chiffres sont des stocks, et c’est leur conversion en objets de consommation ou en nouveaux investissements qui les transforment en flux.</p>
<p>Pour faire évoluer notre relation avec la nature, quelle serait donc la priorité ? Se concentrer sur 120 milliards au bénéfice des pays les plus pauvres, et mille milliards dans les renouvelables, ou bien s’appliquer à rediriger 500 000 milliards d’actifs vers des objets durables, y compris la lutte contre pauvreté ? Si 2 % des actifs mondiaux devenaient durables chaque année, ce seraient 10 000 milliards qui s’orienteraient dans une bonne direction, soit vingt fois plus. L’ambition peut-elle se limiter à financer quelques éoliennes supplémentaires, ou doit-elle embarquer l’ensemble des flux financiers vers la durabilité ?</p>
<h2>Des outils complémentaires</h2>
<p>Deux politiques publiques complémentaires semblent en fait à promouvoir pour répondre à cette ambition.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/521881/original/file-20230419-18-e3n075.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/521881/original/file-20230419-18-e3n075.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/521881/original/file-20230419-18-e3n075.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=769&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/521881/original/file-20230419-18-e3n075.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=769&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/521881/original/file-20230419-18-e3n075.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=769&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/521881/original/file-20230419-18-e3n075.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=966&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/521881/original/file-20230419-18-e3n075.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=966&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/521881/original/file-20230419-18-e3n075.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=966&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<p>La première reste bien celle de la solidarité internationale. Elle appelle à ajouter à l’Aide Publique au Développement les 120 milliards de dollars annuels mentionnés plus haut (100 pour le climat et 20 pour la biodiversité), que réclament les pays moins avancés afin de devenir acteurs de leur adaptation et de leur transition. Même si les montants restent proportionnellement très marginaux au regard des actifs financiers mondiaux, cela demeure probablement une condition nécessaire pour un dialogue mondial renouvelé et inclusif.</p>
<p>La deuxième concerne tous les acteurs, publics et privés, dans tous les pays. Elle appelle à une refonte de normes financières afin de réorienter les flux, tous les flux, vers des usages et des investissements qui passent les tests de durabilité. C’est tout l’esprit de la <a href="https://france.representation.ec.europa.eu/informations/taxonomie-verte-mode-demploi-2022-01-13_fr">taxonomie verte européenne</a>, du renforcement des normes extra-financières promues par le <a href="https://www.efrag.org/">Groupe Consultatif sur l’Information Financière</a> (EFRAG en anglais) ou du <a href="https://www.ngfs.net/en">réseau des Banques Centrales pour le verdissement de la finance</a>.</p>
<p>Comme je le souligne dans mon livre pédagogique illustré <a href="https://www.decitre.fr/livres/financer-notre-futur-commun-9783037786697.html"><em>Financer notre futur commun</em></a>, c’est peut-être ainsi que <a href="https://www.un.org/fr/exhibit/odd-17-objectifs-pour-transformer-notre-monde#sdg17">l’arc-en-ciel des Objectifs du développement durable </a> prendra son véritable sens. C’est bien à une coalition de tous les acteurs qu’appelle <a href="https://www.agenda-2030.fr/17-objectifs-de-developpement-durable/article/odd17-partenariats-pour-la-realisation-des-objectifs">l’ODD17 sur le « partenariat »</a>
.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/204151/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Régis Marodon ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>
Respecter les engagements d’aide climatique pris au bénéfice des pays les plus pauvres ne pourrait-il pas aller de pair avec le verdissement chaque année de 2 % des actifs financiers mondiaux ?
Régis Marodon, Conseiller senior sur la finance durable, Agence française de développement (AFD)
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