Les boutiques proposant des produits contenant du cannabidiol, plus connu sous son acronyme, CBD, ont fleuri sur Internet et dans les rues de nos villes ces dernières années. Plus de 12 % des Français ont déjà acheté des produits contenant du CBD, et les trois-quarts d’entre eux en ont entendu parler.
Fleurs séchées, huiles, produits cosmétiques, boissons (alcoolisées ou non), sucreries, infusions, liquides pour vapoteuses, et même produits à usage vétérinaire : cette substance dérivée du cannabis se décline sous de multiples formes, et les promesses marketing vont bon train.
De la diminution de l’anxiété à l’atténuation des douleurs en passant par la lutte contre le stress ou l’amélioration de la qualité du sommeil, les vertus du CBD seraient nombreuses. Mais qu’en est-il réellement ? Ces produits sont-ils légaux ? Quelles sont leurs effets attestés ?
Le CBD est-il légal ?
Découvert en 1940, le CBD appartient à la famille des phytocannabinoïdes, des molécules présentes dans le cannabis (Cannabis sativa) ou chanvre cultivé, notamment dans sa fleur.
Plus d’une centaine de ces molécules ont été identifiées jusqu’à présent. Certaines sont à l’origine des effets psychotropes du cannabis : il s’agit principalement du delta-9-tétrahydrocannabinol (THC). Toutefois, malgré certaines dénominations qui peuvent prêter à confusion (« cannabis light », « cannabis légal », « chanvre bien-être » ou « cannabis bien-être »), le cannabidiol est une substance beaucoup moins psychoactive.
De ce fait, le CBD « pur » est légal : il ne relève pas de la réglementation des stupéfiants, ni de celle des psychotropes. Cependant, les produits qui contiennent du CBD sont le plus souvent constitués d’un ensemble de substances, et le CBD n’est qu’une molécule parmi d’autres. Pour que ces mélanges complexes soient réglementairement légaux, le CBD ne doit pas y être associé à une quantité de THC supérieure à 0,3 %. Sinon, le produit résultant relève de la politique pénale de lutte contre les stupéfiants (auxquels appartient le THC).
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Par ailleurs, les autorités sanitaires ont rappelé dans un arrêté du 30 décembre 2021 que les produits contenant du CBD ne peuvent, sous peine de sanctions pénales, revendiquer des allégations thérapeutiques, à moins qu’ils n’aient été autorisés comme médicament.
À l’heure actuelle, un seul médicament contenant du cannabidiol purifié est autorisé en France : l’Epidyolex. Il relève, lui, de la réglementation des substances vénéneuses.
Le CBD étant considéré comme un nouvel aliment (« novel food »), celui-ci et les denrées alimentaires qui en contiennent ne peuvent être commercialisés sans évaluation ni autorisation préalable de l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA). L’autorisation comme « novel food » par l’EFSA n’a pour l’instant pas été validée, en attente de données complémentaires sur sa sécurité d’emploi. Les produits relevant de cette réglementation (compléments ou produits alimentaires contenant du CBD) ne sont donc pas formellement autorisés en Europe, bien qu’ils soient disponibles sur le marché français.
Compte tenu de la diversité des produits contenant du CBD, il est nécessaire d’harmoniser la réglementation et les conditions d’accès à cette substance, afin que les usagers puissent disposer d’une information ou d’un accompagnement adaptés pour les consommer en toute sécurité. Ces points sont d’autant plus importants dans un contexte pathologique et de recherche d’un effet thérapeutique. Actuellement, il n’y pas de démarche d’harmonisation dans ce sens visant à mieux réguler le marché et l’accessibilité aux différents produits contenant du CBD.
Le CBD, comment ça marche ?
En cherchant à comprendre comment les cannabinoïdes du cannabis (en particulier le THC) produisaient leurs effets, les chercheurs ont mis en évidence une composante majeure de notre organisme : le système endocannabinoïde (avec lequel interagit le THC, ce qui explique son action psychotrope).
Ce système comprend à la fois des molécules cannabinoïdes endogènes (fabriquées par notre corps), les récepteurs sur lesquelles elles se fixent, ainsi que les systèmes de synthèse, de transport et de dégradation correspondants.
De nombreux mécanismes physiologiques majeurs sont sous l’influence du système endocannabinoïde, puisqu’il influe sur l’appétit, le système digestif, la plasticité neuronale, l’apprentissage, l’inflammation ou encore les émotions, notamment.
Le CBD interagit lui aussi avec les récepteurs de ce système majeur. Cependant, cette molécule se lie aussi à plusieurs dizaines d’autres récepteurs présents dans la majorité des organes et tissus du corps humain. Ce sont par exemple les récepteurs de la sérotonine, de la dopamine, ou des acides aminés excitateurs et inhibiteurs (GABA). De ce fait, les effets du CBD dépassent largement le seul système endocannabinoïde.
Toutefois, il ne faut pas en conclure que la liaison du CBD à un récepteur connu pour être impliqué dans une fonction ou une maladie du corps humain peut automatiquement se traduire par un intérêt thérapeutique.
En effet, comme pour toutes substances actives, de nombreuses données portant sur des effets constatés in vitro (dans des cultures de cellule) ou chez l’animal ne sont pas forcément extrapolables en termes d’effets cliniques, thérapeutiques ou indésirables chez l’être humain.
Sachant cela, quels effets peut-on réellement attendre du CBD ?
Les effets scientifiquement attestés du CBD
Les preuves scientifiques de l’intérêt thérapeutique du CBD seul (sans THC) sont rares, à l’exception de certaines formes d’épilepsies pharmaco-résistantes pour lesquelles un médicament est déjà disponible en France (l’Epidyolex sus-nommé).
Néanmoins, dans plusieurs enquêtes publiées et réalisées dans différents pays (USA, Angleterre, France…), les usagers de CBD rapportent des finalités d’usage pour soulager l’anxiété ou le stress, la douleur, améliorer le sommeil voire aider au sevrage en cannabis (riche en THC). Il est néanmoins encore difficile de faire la part d’un effet propre de la substance (pharmacologique) et d’un effet placebo.
Les allégations dites « bien-être » figurant sur les produits contenant du CBD s’avérent souvent être autothérapeutiques, et dans ce cas illicites en dehors des médicaments autorisés, car visant à soulager des symptômes aigus ou chroniques. Cette finalité d’usage « bien-être » pour le cannabis et le CBD permet de créer une nouvelle catégorie de produits licites pour des usages non thérapeutiques ou récréatifs (impliquant le THC).
En pratique, les frontières peuvent apparaître comme tenues entre les qualificatifs « bien-être » et « thérapeutique » en ce qui concerne les différentes finalités d’usage du cannabidiol.
L’Organisation mondiale de la santé (OMS) définit la santé comme « un état de complet bien-être physique, mental et social, qui ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d’infirmité ». Le bien-être englobe la santé, et la santé est un élément essentiel, sinon indispensable, pour le bien-être. mais la définition de la santé par l’OMS ne doit pas être utilisée pour signifier que la santé et le bien-être sont synonymes, mais plutôt pour indiquer que la santé – notamment ses aspects physiques, mentaux et sociaux – importe pour se sentir bien.
Les effets indésirables du CBD
Bien que le CBD présente une bonne sécurité d’emploi, il induit quand même des effets indésirables. Parmi les plus fréquents, citons les troubles digestifs, une somnolence, ou une fatigue, dont la fréquence augmente avec la dose par prise et la dose quotidienne.
Il existe aussi un risque d’interaction avec de nombreux médicaments, d’autant plus élevé que la dose de CBD consommée est importante. La conséquence potentielle est une augmentation des concentrations sanguines de certains de ces médicaments et donc, parfois, de leurs effets indésirables. C’est le cas par exemple pour les hormones thyroïdiennes, des anti-épileptiques, d’un immunosuppresseur - le tacrolimus - utilisé pour éviter le rejet d’une greffe d’organe, des anti-inflammatoires ou encore des antidépresseurs.
Peut-on conduire après avoir pris du CBD ?
Le cannabidiol n’étant pas une substance classée parmi les stupéfiants, contrairement au THC, son usage associé à la conduite d’un véhicule n’est pas interdit.
Attention toutefois : comme mentionné précédemment, les produits contenant du CBD sont dans la grande majorité des cas basés sur des extraits de fleurs de cannabis ; ils contiennent donc toujours du THC en quantité variable. De ce fait, il est possible, selon la concentration en THC, la quantité et la fréquence d’usage du produit consommé, d’avoir un résultat de test positif pour le THC suite à un prélèvement sanguin.
La notice du seul médicament disponible contenant du CBD, l’Epidyolex, rappelle que le cannabidiol peut avoir une « influence majeure sur l’aptitude à conduire des véhicules et à utiliser des machines, car il peut provoquer somnolence et sédation. »
Le fabricant recommande donc aux patients de ne pas conduire de véhicules ni d’utiliser de machines « tant qu’ils n’ont pas acquis suffisamment d’expérience avec le cannabidiol pour pouvoir estimer son influence sur leurs capacités ».
Pour les sportifs, le CBD est-il un produit dopant ?
Le CBD ne fait pas partie des substances dopantes. Il peut théoriquement être pris par les sportifs qui souhaiteraient l’expérimenter pour faciliter la récupération (sommeil, douleur, traumatismes). Cependant, comme dans le cas de la conduite, le fait que le cannabidiol soit souvent mélangé à de faibles quantités de THC peut aboutir à des tests positifs lors de contrôles. Une étude sur des sportifs universitaires allemands a confirmé ce risque.
Par ailleurs, alors que les bénéfices, notamment lors des phases de récupération, ne sont pas encore bien établis, il est important de ne pas méconnaître les effets indésirables potentiels qui peuvent accompagner la prise de CBD, tels qu’un risque de baisse de la vigilance ou des troubles digestifs pouvant s’avérer incompatibles avec l’obtention de performances sportives.
Comment faire bon usage du CBD ?
Chez l’enfant (hors prescription), la femme enceinte ou les personnes avec une maladie du foie ou des reins, la prise de CBD est déconseillée.
Pour les autres utilisateurs potentiels, il est recommandé d’adapter les posologies de CBD en raisonnant en milligrammes de substance consommée par prise. En automédication, l’usage de CBD ne doit pas dépasser 150 à 200 mg/jour. Par ailleurs, ledit usage doit être de courte durée, c’est-à-dire inférieure à un mois, afin d’éviter un retard diagnostic et une perte de chance de guérison.
En cas de traitement en cours, avant de prendre du CBD il est préférable de s’adresser à un professionnel de santé tel que médecin ou pharmacien, qui déterminera les risques d’interactions médicamenteuses, et ce dès la posologie de 50 mg/jour.
Enfin, dans le contexte d’une maladie chronique, il est également recommandé de consulter son médecin traitant ou son pharmacien avant d’entamer la prise de cannabidiol à visée thérapeutique.
Nicolas Authier, « Le Petit Livre du CBD », First Editions, 2022.