Menu Close
Le nouveau chef du Parti conservateur du Canada, Pierre Poilievre, salue les militants lors de sa victoire, le 10 septembre. La Presse canadienne/Sean Kilpatrick

Ce que la victoire de Pierre Poilievre signifie pour l’avenir du Parti conservateur

Pierre Poilievre doit sa victoire écrasante à la direction du Parti conservateur du Canada (PCC) à une machine bien huilée, mais peut-être aussi à un parti plus uni autour d’un message plus attrayant.

L’ampleur et l’uniformité de sa victoire sont frappantes. Non seulement a-t-il obtenu les deux tiers du vote dès le premier tour, mais les militants lui ont donné la pluralité dans 330 des 338 circonscriptions fédérales.

Jean Charest, son plus proche concurrent, s’est classé loin derrière avec 16 % et une pluralité de voix dans huit circonscriptions seulement.

La victoire est sans précédent dans l’histoire récente du parti. Contrairement aux courses à la direction de 2017 et 2020, où les gagnants n’ont émergé qu’après plusieurs tours de scrutin, la victoire de Pierre Poilievre rappelle plutôt celle de Stephen Harper en 2004, avec 69 % du vote populaire du premier tour.

Malgré la perception de fortes dissensions internes, le succès de Poilievre suggère plutôt un parti ayant surmonté ses divisions.

Une puissante machine

L’efficacité de son organisation sur le terrain explique largement ce succès. Pierre Poilievre a su diffuser son message et mobiliser ses partisans grâce à une très forte présence sur les réseaux sociaux et des rallyes politiques très courus. Sa campagne a également battu des records en matière de collecte de fonds et de ventes de cartes de membres. Encore là, ses plus proches concurrents sont restés loin derrière.

Il a ainsi reçu le soutien à la fois des membres réguliers et des élites conservatrices. Plusieurs personnalités du parti l’ont appuyé ouvertement, dont l’ancien chef Stephen Harper, qui n’avait soutenu personne lors des deux courses précédentes. Cet endossement a beaucoup renforcé l’attrait du candidat Poilievre et l’efficacité de sa machine électorale.

Qu’est-ce qui explique un tel succès ? Que signifie-t-il pour l’avenir du PCC ? Son attrait a largement dépassé le cercle des conservateurs militants : le candidat a suscité un certain enthousiasme chez des électeurs sans sympathies conservatrices préalables, notamment les jeunes.

Pierre Poilievre a aussi livré un message cohérent qui s’appuyait sur un diagnostic et des prescriptions orthodoxes quant à l’idéologie conservatrice. Ses solutions aux problèmes urgents du Canada épousaient parfaitement les canons du conservatisme : gouvernement réduit, développement économique, ouverture des marchés et libertés individuelles. Bien des Canadiens trouveront à boire et à manger dans un tel programme.

Il a également répondu au désir de nombreux partisans qui souhaitait entendre s’exprimer un conservatisme plus affirmé, positif et assumé. Bien des conservateurs estiment que les deux précédentes défaites électorales sous la houlette d’Andrew Scheer et d’Erin O’Toole s’expliquent en partie par leur tentative d’alléger le discours conservateur pour séduire l’électorat centriste.

Pierre Poilievre, en revanche, a plutôt communiqué aux militants sur le mode de la fierté. En se faisant le champion plutôt que le défenseur des principes conservateurs, il a ainsi proposé une véritable alternative aux libéraux au lieu d’essayer d’attirer les électeurs en modérant son message.

Le nouveau chef conservateur Pierre Poilievre et son épouse Anaida, après sa victoire du 10 septembre, à Ottawa. La Presse canadienne/Adrian Wyld

Un parti unifié

Sa victoire suggère que sa stratégie a fonctionné et que le parti est unifié. Autrement dit, il était prématuré d’envisager de créer un mouvement conservateur centriste et de spéculer sur les divisions d’un parti dirigé par Pierre Poilievre.

Et compte tenu de son populisme et de ses attaques virulentes contre le premier ministre Justin Trudeau, Pierre Poilievre peut espérer rallier les partisans du Parti populaire, qui sont largement d’anciens conservateurs. Toutefois, le chef du Parti populaire, Maxime Bernier, continuera sans doute de contester la crédibilité de Pierre Poilievre : il a déjà prévenu que le nouveau chef virerait à gauche après avoir remporté la direction du parti.

De plus, les divisions du Parti conservateur parmi les partisans plus traditionalistes et libertaires, par exemple, n’ont pas complètement disparu, même si elles ont diminué. Alors que le Parti libéral s’est toujours empressé à jouer efficacement sur ces divisions, Pierre Poilievre devra surmonter ce problème, sans doute en mettant l’accent sur les similitudes entre tous les conservateurs à travers un cadre politique global.

Répondre aux griefs

L’efficacité de sa campagne de recrutement de nouveaux membres montre l’une des grandes forces de Pierre Poilievre. Son message est suffisamment général pour répondre aux griefs communs contre le gouvernement libéral, notamment dans l’expression du mécontentement quant à l’accessibilité au logement, à l’inflation et aux réglementations gouvernementales.

Son discours de victoire laisse entendre qu’il maintiendra ses attaques contre les bureaucrates, les agences gouvernementales et la classe politique.

L’appui de certains conservateurs opposés aux mesures sanitaires antiCOVID et à ce que certains appellent la « culture de l’effacement » a sans doute contribué à son succès.

Mais il est moins clair s’il reviendra sur d’autres questions populaires à droite, comme son soutien au « Convoi de la liberté » qui a paralysé Ottawa au début de 2022, ses attaques contre le Forum économique mondial et sa défense des cryptomonnaies.

Son discours d’acceptation suggère qu’il est passé à un message plus général destiné à un public plus large que les électeurs conservateurs traditionnels.

En se concentrant sur les questions qui touchent les Canadiens ordinaires et en s’appuyant sur une organisation de campagne efficace, Pierre Poilievre pourrait offrir une alternative convaincante aux libéraux de Justin Trudeau, de plus en plus impopulaires.

This article was originally published in English

Want to write?

Write an article and join a growing community of more than 182,300 academics and researchers from 4,942 institutions.

Register now