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Ce que l’arrêt du financement de l’OMS par Donald Trump signifie pour le monde

Tedros Adhanom Ghebreyesus, directeur général de l'OMS. Salvatore di Nolfi/EPA

En quelques semaines, le président Donald Trump a tout d'abord annoncé que les États-Unis suspendaient leur contribution au financement de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), avant de déclarer le vendredi 29 mai mettre fin à la relation avec l'organisme international.

Une décision qui aura des implications majeures pour la réponse globale à la pandémie de coronavirus, et qui a été confirmée dans une lettre à l'ONU le mardi 7 juillet 2020.

Les États-Unis contribuent à l’OMS à hauteur de plus de 400 millions de dollars par an, bien qu’ils aient déjà 200 millions de dollars d’arriérés. Ils sont le premier donateur de l’organisation et leur contribution annuelle est environ dix fois supérieure à celle de la Chine.

Trump a accusé l’organisation d’avoir mal géré et dissimulé la propagation initiale de Covid-19 en Chine, et de ne pas avoir adopté une position plus dure envers Pékin.

Quel effet sa décision aura-t-elle sur l’organisation ?

Qui sont les membres de l’OMS ?

L’OMS a été créée en 1948 pour servir d’autorité directrice et coordinatrice en matière de santé internationale. Elle a pour mandat d’améliorer la santé de la population mondiale, et définit la santé comme

« un état de complet bien-être physique, mental et social, et pas seulement l’absence de maladie ou d’infirmité ».

Si diverses organisations de la société civile, des entreprises et des organisations religieuses peuvent assister aux réunions de l’OMS, seuls les pays peuvent en devenir membres. Chaque année, en mai, les États membres assistent à l’Assemblée mondiale de la santé à Genève qui définit les orientations politiques de l’OMS, approuve le budget et examine le travail accompli par l’organisation.

Actuellement, l’OMS compte 194 États membres, soit un de plus que les Nations unies.

Le siège de l’OMS à Genève. Salvatore Di Nolfi/EPA

Comment l’OMS est-elle financée ?

L’OMS reçoit la majorité de son financement de deux sources principales. La première est constituée par les cotisations des pays, que l’on appelle « contributions obligatoires ».

Ces cotisations sont calculées sur la base du produit intérieur brut et de la taille de la population, mais elles n’ont pas augmenté en termes réels depuis le gel du niveau des paiements dans les années 1980.

La deuxième source de financement est constituée par les contributions volontaires. Celles-ci, qui proviennent des gouvernements, des organisations philanthropiques et des dons privés, sont généralement affectées à des projets ou initiatives spécifiques, ce qui signifie que l’OMS a moins de possibilités de les réaffecter en cas d’urgence, comme lors de la pandémie de Covid-19.

Des pays ont-ils déjà retiré leur financement par le passé ?

En plus de 70 ans d’activité, un certain nombre de pays n’ont pas payé leurs cotisations à temps.

À un moment donné, l’ex-Union soviétique a annoncé qu’elle se retirait de l’OMS et refusé de payer ses cotisations pendant plusieurs années. Lorsqu’elle a ensuite réintégré l’OMS en 1955, elle a demandé une réduction de ses arriérés de cotisation. Cette demande a été acceptée.

En raison du non-paiement des cotisations, l’OMS s’est retrouvée à plusieurs reprises au bord de la faillite. Heureusement, les gouvernements ont généralement agi de manière responsable et ont fini par verser leurs cotisations en retard.

L’OMS a-t-elle déjà fait l’objet de critiques politiques ?

Oui. En 2009, l’OMS a été accusée d’avoir agi trop précipitamment en déclarant que la grippe porcine était une pandémie ; l’organisation a notamment été soupçonnée d’avoir pris cette décision sous la pression des laboratoires pharmaceutiques.

Cinq ans plus tard, l’organisation a été accusée d’avoir agi trop tardivement en déclarant que l’épidémie d’Ebola en Afrique de l’Ouest était une urgence de santé publique.

Trump a reproché à l’OMS de ne pas avoir envoyé ses experts assez rapidement pour évaluer les efforts de la Chine en matière d’endiguement du Covid-19 et de ne pas avoir dénoncé le manque de transparence de Pékin dans sa gestion de la phase initiale de la crise.

Mais ces critiques ne tiennent pas compte de la souveraineté de la Chine. L’OMS n’a pas le pouvoir de forcer les États membres à laisser une équipe d’experts de l’OMS entrer sur leur territoire pour y effectuer une évaluation. Pour qu’une telle intervention soit possible, il faut nécessairement que le pays concerné demande l’assistance de l’OMS.


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L’organisation n’a pas non plus le pouvoir de forcer un pays à partager des informations. Elle ne peut que le demander.

En outre, les commentaires de M. Trump ignorent également le fait que l’OMS a finalement envoyé en Chine une équipe d’experts pour mener une évaluation à la mi-février, une fois l’accord des autorités chinoises obtenu. Les résultats de cette enquête ont fourni des informations importantes sur le virus et les efforts déployés par la Chine pour enrayer sa propagation.

La Chine a-t-elle une influence croissante sur l’OMS ?

On comprend que la Chine ait gagné en puissance et en influence économique depuis 2003, date à laquelle la directrice générale de l’époque, Gro Harlem Brundtland, lui a publiquement reproché d’avoir tenté de dissimuler la propagation du virus du SARS.

La Chine a également été critiquée pour avoir bloqué la candidature de Taiwan à l’organisation. Taïwan a eu l’une des réactions les plus efficaces à la crise Covid-19.

Mais, au bout du compte, la Chine n’est que l’un des 194 États membres de l’OMS. Et il est assez ironique de constater que Donald Trump reproche à cette dernière d’être trop dépendante à l’égard de Pékin alors que, pendant des décennies, bon nombre de ses États membres ont affirmé qu’elle était… trop fortement influencée par les États-Unis.

Que se passera-t-il si les États-Unis coupent leur financement ?

Si elle est effectivement mise en œuvre, la mesure annoncée par Donald Trump pourrait entraîner la faillite de l’OMS au moment où une pandémie mondiale bat son plein. Cela pourrait signifier que l’OMS devra licencier du personnel, alors même qu’elle essaie d’aider des pays à faible et moyen revenu à sauver des vies.

L’OMS sera également moins à même de coordonner les efforts internationaux sur des questions telles que la recherche de vaccins, l’achat d’équipements de protection individuelle pour les travailleurs du secteur de la santé et la fourniture d’une assistance technique et d’experts pour aider les pays à lutter contre la pandémie.

Trump affiche depuis longtemps son mépris à l’égard des organisations multilatérales. Stefani Reynolds/EPA

Plus généralement, si les États-Unis étendent ces réductions de financement à d’autres initiatives mondiales en matière de santé coordonnées par l’OMS, il est probable que les habitants des pays à faible revenu perdront l’accès aux médicaments et aux services de santé essentiels. Des vies seront perdues.

Il y aura également un coût pour les intérêts stratégiques à long terme des États-Unis.

Pendant des décennies, le monde entier a attendu des États-Unis qu’ils jouent un rôle de premier plan dans les questions de santé mondiale. En cherchant à se défausser sur d’autres de l’incapacité de son administration à préparer les États-Unis à l’arrivée du Covid-19, Donald Trump a envoyé un signal clair : les États-Unis ne sont plus prêts à assumer ce rôle de leader.

Et une chose est sûre : si la nature abhorre le vide, la politique l’abhorre encore plus.

This article was originally published in English

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