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Climat des affaires : confiance et inquiétude au coude à coude

Connections. Michael Coghlan / Flickr, CC BY-SA

Grenoble École de Management et l’Association des Directeurs financiers et des Contrôleurs de Gestion (DFCG) recueillent chaque trimestre l’avis des responsables financiers français. Les résultats sont agrégés au niveau mondial par un réseau d’universités coordonnées par Duke University aux États-Unis ; pour le quatrième trimestre 2015, l’enquête s’est déroulée du 18 novembre au 4 décembre 2015.


Les résultats de notre enquête trimestrielle de climat des affaires au niveau mondial révèlent que l’optimisme des responsables financiers reste, en moyenne, élevé et compatible avec une croissance faible mais positive. Et, pour la première fois depuis plus de 10 ans, ce sont les pays du G10 qui affichent les niveaux d’optimisme les plus élevés.

Quel est votre degré d’optimisme quant à l’économie de votre pays ? quant à l’activité de votre entreprise ?

Deux facteurs expliquent en partie le constat que nous faisons : c’est, tout d’abord, l’extraordinaire gisement de liquidité financière assuré par les banques centrales qui donnent accès à un crédit relativement abondant aux entreprises à travers le monde. Et les dernières déclarations de Mario Draghi, patron de la BCE vont, à nouveau, dans le sens d’une poursuite de ces conditions favorables. Le deuxième facteur qui explique les niveaux de confiance est paradoxalement la faiblesse de la reprise économique. Depuis quelques années, celle-ci montre que le cycle économique est plutôt peu marqué par rapport aux précédents, ce qui devrait se traduire par un risque de contraction lui aussi plus modéré.

Quel est votre degré d’optimisme quant à l’activité de votre entreprise ?

Dans ce contexte, les entreprises européennes établissent des prévisions de croissance du chiffre d’affaires d’environ +5,1 % pour l’année 2016, notamment entraînées par les entreprises françaises qui prévoient une hausse de +7 % environ. Les responsables financiers nous indiquent néanmoins un certain nombre d’inquiétudes quant à leur activité. En premier lieu, ils avancent la difficulté à attirer et encore plus à conserver une main-d’œuvre qualifiée. Ce point ressort comme un des trois principaux freins au développement de l’activité des entreprises dans presque tous les pays européens, les deux autres étant le contexte macro-économique, notamment le ralentissement chinois et le vieillissement de l’outil de production.

Pour les postes suivants, quelle variation attendez-vous (en pourcentage) entre les 12 mois précédents et les 12 mois à venir ?

GEM

Les quelque 10 années qui viennent de passer entre crise profonde, puis croissance molle, ont, en effet, été peu favorables à l’investissement en machine-outil. Ainsi, une bonne majorité de responsables financiers déclare que l’outil de production de leur entreprise est plus âgé qu’il y a 5 ans. Et ils sont très peu nombreux à nous signaler des investissements significatifs récents qui pourraient en faire baisser l’âge moyen. Ces chiffres sont en ligne avec ce que nous observons aux États-Unis. Ce vieillissement est naturellement perçu comme un facteur de baisse de la productivité partout dans le monde.

Les migrants, inquiétudes et chance

La crise des migrants est un autre point d’inquiétude partagé par les responsables financiers européens. En particulier, pour 62 % d’entre eux, cette crise est une difficulté plus importante pour l’Europe que la gestion de la dernière crise économique (2009). En effet, si les réponses à apporter au surendettement que ce soit des particuliers ou des États sont désormais bien connues, celles à donner à un exode massif le sont beaucoup moins. Et puis, il est vrai que ces deux crises ne pourraient n’en faire plus qu’une, notamment en Grèce, ou l’État qui lutte déjà quasi quotidiennement pour rembourser au mieux sa dette abyssale, doit désormais trouver des ressources pour accueillir ces populations migrantes. D’ailleurs, un accord – gestion de la crise des migrants contre annulation d’une partie de la dette – n’est probablement plus tout à fait à exclure dans les mois qui viennent.

Enfin, il est intéressant de voir que dans certains pays, comme l’Allemagne, ce flux migratoire peut-être perçu comme une chance notamment de résoudre le vieillissement des populations. C’est moins le cas en France qui conserve un des taux de natalité les plus élevés d’Europe. Pour sortir au mieux de cette crise, l’Allemagne devra probablement augmenter de manière significative la dépense publique en termes de santé et de construction. Mais la situation financière du pays le permet sûrement. Rappelons-nous aussi que l’Allemagne a déjà connu cette situation lors de la réunification des années 1990. Elle avait alors réussi à intégrer plus de 16 millions d’habitants au niveau de vie faible. La réunification a coûté environ 10 années d’efforts et une augmentation significative des dépenses publiques. Le pays pourrait faire face désormais, avec ses partenaires européens, à un défi similaire.


L’enquête Duke University – Grenoble École de Management mesure chaque trimestre depuis près de 20 ans le climat des affaires tel que perçu par les responsables financiers des entreprises à travers le monde. L’enquête est courte (environ 10 questions). Elle recueille plus de 1 000 réponses anonymes d’entreprises de tous secteurs et de toutes tailles. C’est désormais la plus grande enquête de ce type dans le monde. Une analyse détaillée par pays peut être envoyée à chaque participant. Prochaine enquête du 16 février au 4 mars 2016.

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