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Cochon contre Vautour : il y a cent ans, la révolte des mal-logés

Hôtel de la Rochefoucauld, boulevard Lannes, Georges Cochon rejoignant les familles menacées d'expulsion. Agence Rol - Source Gallica BnF

Nous vous proposons cet article en partenariat avec RetroNews, le site de presse de la Bibliothèque nationale de France.


Déjà avant la Première Guerre mondiale et jusqu’à la fin des années 1930, l’ouvrier tapissier Georges Cochon anima régulièrement les colonnes de la presse. Militant libertaire, président de l’Union syndicale des locataires puis de la Fédérations des locataires, il organisait la lutte contre « Monsieur Vautour », surnom donné aux propriétaires.

« Contre M. Vautour : une lettre à M. Caillaux :

[…] Monsieur le Président du Conseil, depuis deux jours, par ordre du M. le préfet de police, mon logement est interdit à toute personne qui désire me voir. […] Je suis quasi séparé du reste du monde, presque emprisonné. Pourquoi ? parce que M. le préfet de police, obéissant illégalement à une réquisition de ma propriétaire, a donné l’ordre à l’officier de paix du 15e arrondissement d’empêcher mon déménagement ».

Georges Cochon défraya une première fois la chronique en décembre 1911, lorsqu’il organisa le déménagement public de son propre appartement, rue de Dantzig. À l’approche de la police, il se barricada chez lui et resta enfermé cinq jours, ravitaillé par ses voisins.

L’une des revendications de l’Union syndicale des locataires était l’interdiction des saisies de mobilier en cas de loyers impayés, d’où l’organisation des « déménagements à la cloche de bois ». Ces derniers mobilisaient les militants ou les voisins, au son d’une fanfare, « Le raffût de Saint-Polycarpe ». Georges Cochon revendiquait également la réquisition des bâtiments inoccupés, comme dans sa tribune contre les « Palais inutiles » en 1912, et organisa ainsi les premiers « squats ». Sa renommée dépassait largement Paris.

« Le citoyen Cochon découvre que l’État pourrait loger dans ses monuments vides de Paris deux mille familles pauvres et faire une bonne affaire : lettre ouverte à M. le ministre de l’intérieur. […]

Que demande le peuple ? Ni pain, ni jeux : l’un et l’autre coûtent trop cher. Il demande seulement à se loger, même en payant. Certains propriétaires estiment cette prétention exorbitante. C’est là tout le conflit, je ne le crois pas insoluble. »

Durant la Première Guerre mondiale, il poursuit son action et sa désertion en mars 1917 est signalée par la presse. Antimilitariste, il avait déjà été affecté aux Bataillons d’Afrique durant son service militaire pour objection de conscience. Il est condamné en décembre 1917.

« Bien mal a été inspiré le mobilisé Cochon le jour où il est venu prêter son bruyant concours au déménagement du député Kienthalien Brizon. Le jeune et ardent Cochon – souvenir d’avant-guerre – n’était donc pas à la guerre ? Quelle était donc sa situation ? […]

Monsieur Cochon était, avant la guerre, ouvrier tapissier. Il est devenu ouvrier métallurgique. Ne pouvant rester métallurgiste, il s’est fait déserteur. »

Georges Cochon reste actif entre-deux-guerres. Le Petit Journal écrit en 1925 :

« Le syndicat des locataires de Paris, dirigé par M. Cochon, a procédé, hier, à l’« emménagement » à « la cloche de bois » de quinze locataires de l’immeuble portant le numéro 364 bis de la rue de Vaugirard. […] L’affaire se termina au commissariat de police du quartier Necker ».

Le Petit Journal Illustré, 7 juin 1925. BnF

Et la presse continue de signaler sa présence et de rappeler son action, comme L’Ouest-Éclair en mars 1932.

« M. Georges Cochon, fondateur du Syndicat des locataires parisiens, est devenu citoyen rennais. […] Il a conservé ce regard vif et frondeur, cette espièglerie de caractère ce sens de l’utilitarisme qui, quelques années avant la guerre firent de lui un homme célèbre. De cette célébrité, M. Georges Cochon qui dirige maintenant dans notre région une organisation de capitalisation “Le Crédit au Foyer”, n’a gardé nulle vanité. »

Au moment du Front populaire, il fait l’objet d’un feuilleton dans L’Humanité « Les mémoires de Cochon » sous la plume de Casimir Lecomte, de son vrai nom André Wurmser, entre novembre 1935 et janvier 1936, qui rappelle que de nombreuses chansons ont célébré l’action du « citoyen Cochon ».

« La fanfare jouait alors ses airs favoris, la Cochonnelle ou la Polka des locataires. […] C’était Vl’à le Cochon qui déménage, chanson indignée de Montéhus, révolutionnaire à éclipse :
[…] Refrain :
C’est Cochon, C’est Cochon,
Qui s’fout des propriétaires,
C’est Cochon, c’est Cochon,
Qui déloge un compagnon ».

En février 1936, Le magazine Regards lui consacre une double page richement illustrée.

Dans le magazine Regards. BnF/Gallica

Retiré dans l’Eure-et-Loire, il témoigna encore de son action en décembre 1957 dans une émission de radio (« Les rêve perdus »).

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