tag:theconversation.com,2011:/columns/camille-grand-193949Recherches stratégiques – The Conversation2016-02-03T05:42:51Ztag:theconversation.com,2011:article/540272016-02-03T05:42:51Z2016-02-03T05:42:51ZL’arme nucléaire au XXIᵉ siècle : les leçons du dernier essai nucléaire nord-coréen<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/109962/original/image-20160202-32231-tvau6r.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Grande célébration sportive et patriotique à Pyongyang, ici en 2007.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/fljckr/1028111184/in/photolist-2yRkCU-4s5QWn-9uuWM5-4Y2Wxp-2yM3hg-4Y84bD-4Y7cx9-4YcjFq-2yNsPu-2yLSKP-8HtMzW-8HsVv1-598ZK5-2yGH1i-ahFnK-2yQJZN-2yQtRm-2yQYy5-2yMtXK-ekAYCZ-def159-2yRpus-aoniJv-aoq2mG-4Y2WEk-2yQf6h-4YcN61-8HtmYJ-4Y7eR3-8v7bta-8HtMzN-ekFETd-dncNWP-4Y31jB-2yKyyY-8HpVA2-8Hq6bi-8HqqMt-2yKv49-4YcLe3-pmDS5E-58xBFq-2yLqSi-4Y33jv-4Y7eYu-oVdyr1-8HsGVU-8HqiYp-mwwFQz-g425UK">(Stephan) / Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Intervenu le 6 janvier 2016, le nouvel essai nucléaire nord-coréen est passé un peu inaperçu en Europe dans une actualité internationale chargée. Pourtant, il s’agit bien d’un évènement majeur dont la portée va bien au-delà de la péninsule coréenne ou de l’Asie du Nord-Est. C’est le quatrième essai réalisé par la République populaire démocratique de Corée après les tirs des 9 octobre 2006, 25 mai 2009 et 12 février 2013. La Corée du Nord est le seul pays au monde à procéder à des essais d’armes nucléaires au 21<sup>e</sup> siècle.</p>
<p>En dépit des annonces tonitruantes des autorités nord-coréennes évoquant l’acquisition d’une capacité thermonucléaire (la « bombe H »), la faible puissance du tir suggère plutôt une bombe A. Au-delà des débats d’experts sur la réussite du tir, ce nouvel essai marque les progrès du régime vers l’acquisition d’une capacité nucléaire rudimentaire mais de plus en plus crédible. Il est possible d’en tirer quelques leçons allant bien au-delà du seul cas nord-coréen.</p>
<p>Les bonnes nouvelles <a href="https://theconversation.com/iran-le-retour-53756">sur le front iranien</a> ont laissé croire que la prolifération nucléaire était un phénomène maîtrisé. L’essai nord-coréen nous rappelle que plusieurs pays, en dehors des cinq États nucléaires reconnus par le Traité de non-prolifération (TNP), nourrissent des ambitions nucléaires militaires actives. Outre la Corée du Nord qui teste armes nucléaires et missiles, l’Inde et le Pakistan poursuivent la montée en puissance de leurs arsenaux (après les essais de 1998), et la politique israélienne d’opacité nucléaire demeure.</p>
<p>Outre ces quatre pays non partis au TNP, plusieurs États, dont l’Iran, mènent activement des programmes de missiles balistiques tandis que d’autres en Extrême-Orient et au Moyen-Orient s’interrogent plus ou moins ouvertement sur le maintien de leur abstention atomique à moyen terme. Le monde nucléaire du XX<sup>e</sup> siècle avec cinq puissances nucléaires établies est désormais dépassé, nous sommes dans un jeu nucléaire à acteurs multiples – au moins neuf –, porteur de risques nouveaux dont l’hypothèse désormais crédible d’un conflit régional nucléarisé dans plusieurs zones de tension.</p>
<h2>Traités, négociations, sanctions : la prolifération continue</h2>
<p>La Corée du Nord a été signataire du Traité de non-prolifération entre 1985 et 2003 et s’en est retirée après avoir développé clandestinement un programme nucléaire. À l’occasion d’une première crise en 1993-94, elle s’était – dans un accord bilatéral avec les États-Unis – engagé à renoncer à ses recherches nucléaires en contrepartie d’une assistance économique, accord violé à son tour.</p>
<p>Enfin, les « pourparlers à six » associant les deux Corées, les États-Unis, la Chine, la Russie et le Japon n’ont pas abouti en dépit de plusieurs rounds de négociations. La Chine a, jusqu’ici, épargné à la Corée du Nord des sanctions internationales sérieuses en menaçant d’imposer son veto aux Nations unies, la <a href="http://www.franceonu.org/Coree-du-Nord-8710">résolution 1718</a> restant très en deçà du régime de sanction imposé à l’Iran par exemple, alors même qu’elle fut adoptée après un premier essai nucléaire.</p>
<p>In fine, la Corée du Nord paraît comme trop coupée de l’économie mondiale pour être réellement sensible aux sanctions et joue de sa faiblesse pour échapper aux pressions, Pékin en particulier redoutant davantage un effondrement du régime que la bombe nord-coréenne. Il s’agit donc du seul proliférateur ayant réussi en violation de ses engagements internationaux, à la différence de l’Irak, de la Libye, de la Syrie et de l’Iran qui, tous, ont dû renoncer sous pression à leurs ambitions nucléaires (même si le dossier iranien n’est pas clos). Ce « succès » nord-coréen montre qu’un proliférant résolu peut mener à bien ses projets nucléaires.</p>
<h2>De possibles effets en cascade en Asie</h2>
<p>Si elle révèle le basculement partiel des risques nucléaires vers l’Asie, il serait imprudent de traiter la prolifération coréenne comme une affaire sous-régionale. À travers le dossier nord-coréen, ce sont plusieurs piliers de l’ordre international qui sont en jeu. Il s’agit du seul pays au monde à tester des armes nucléaires au XXI<sup>e</sup> siècle. Pyongyang poursuit également depuis 1998 un programme actif de développement de missiles à longue portée. L’affirmation de ses capacités nucléaires et balistiques pourrait ensuite avoir à terme des effets en cascade en Asie : le débat nucléaire est désormais ouvert aussi bien à Tokyo qu’à Séoul.</p>
<p>L’affaire nord-coréenne a déjà fragilisé le TNP. En refusant de signer le <a href="https://www.ctbto.org/">Traité d’interdiction complète des essais nucléaires</a> (TICE), Pyongyang bloque également l’entrée en vigueur de ce traité, même si sept autres pays, parmi les 44 états détenteurs de technologie nucléaire requis par le texte du traité pour son entrée en vigueur, ne l’ont pas encore signé (Inde, Pakistan) ou ratifié (Chine, États-Unis, Israël, Iran, Égypte).</p>
<p>Enfin, Pyongyang qui a déjà largement contribué à la prolifération balistique par des exportations de missiles et de technologie, pourrait être un partenaire des ambitions nucléaires d’autres pays comme la <a href="http://abonnes.lemonde.fr/proche-orient/article/2008/04/25/washington-denonce-un-axe-nucleaire-pyongyang-damas_1038494_3218.html">destruction par un raid israélien d’un réacteur clandestin en Syrie en 2007</a> l’a déjà révélé.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/109967/original/image-20160202-32231-6vqcn0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/109967/original/image-20160202-32231-6vqcn0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=398&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/109967/original/image-20160202-32231-6vqcn0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=398&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/109967/original/image-20160202-32231-6vqcn0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=398&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/109967/original/image-20160202-32231-6vqcn0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/109967/original/image-20160202-32231-6vqcn0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/109967/original/image-20160202-32231-6vqcn0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Dans le centre de la capitale, le culte de la grandeur et de la personnalité.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/fljckr/1026976538/in/photolist-2yKwm3-4YcHQm-2yKiFf-aonjNi-4Ycz6q-2yLhRf-oRcf4h-2yLW3R-8Hqwxz-4Y7i37-84c1uP-pGYbSx-giGniT-4YcEFm-4YcucE-4YcjuC-4Y8DgB-4YcMoQ-4Y7ZNH-2yQSrG-aoqssh-4Y2ZDt-8HtmZ3-aonnWH-oE4gv7-8HtMzJ-4Y7eWL-4Y7eUA-4Y8xfB-2yFNE2-2yKHBh-4YcJfm-4YckdA-3sAh55-2yKK9N-2yKPio-8HqwxM-2yFXvP-aoncWe-2yFHu6-8HqiYv-fqtk5j-2yKjfo-4YckmC-2yFhhM-2yR16u-2yLnTm-2yKsxN-5SpeRc-4Y7h9J">Stephan</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
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<p>Il est difficile de dissuader un acteur comme la Corée du Nord, compte tenu de la paranoïa d’un dirigeant imprévisible et indifférent au sort de sa population. Les difficultés sud-coréennes et américaines pour trouver le point d’équilibre entre dissuasion, sanctions et nécessité de maintenir le fil du dialogue face aux provocations répétées du régime de Pyongyang l’illustrent clairement.</p>
<p>Alors que les deux Corées ne sont pas officiellement sorties d’un état de guerre – l’accord de 1953 mettant fin à la Guerre de Corée n’est qu’un « cessez-le-feu » pas un accord de paix – et que la frontière entre les deux pays est l’une des plus militarisée au monde, il est impossible d’écarter une agression de Pyongyang conduisant à une escalade. Un conflit nucléaire, même régional, aurait une portée majeure alors que l’arme atomique n’a pas été employée depuis 1945.</p>
<p>Le dossier nord-coréen montre que les risques nucléaires sont multiples et rappelle qu’il n’est pas acquis que le XXI<sup>e</sup> siècle soit plus stable que les cinquante premières années de l’âge nucléaire.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/54027/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<h4 class="border">Disclosure</h4><p class="fine-print"><em><span>Camille Grand est le directeur de la Fondation pour la recherche stratégique, premier think tank indépendant français sur les questions de défense et de sécurité, qui bénéficie en particulier du soutien de ministères et d'autres administrations françaises ainsi que de l'Union européenne dans ses missions de recherche.</span></em></p>La Corée du Nord est le seul pays au monde à procéder à des essais d’armes nucléaires au 21ᵉ siècle, comme le 6 janvier dernier. Elle poursuit ainsi son programme atomique envers et contre tous.Camille Grand, Directeur, Fondation pour la recherche stratégique et Maître de conférence, Sciences Po Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/523882015-12-15T11:43:32Z2015-12-15T11:43:32ZL’engagement militaire des Européens dans la lutte contre Daech<p>L’analyse de la <a href="https://theconversation.com/contre-Daech-lintrouvable-coalition-50878">manœuvre diplomatique</a> de François Hollande après les attaques du 13 novembre s’est largement concentrée sur le double effort visant, d’une part, à convaincre l’administration Obama d’intensifier le rythme des opérations en Syrie, et, d’autre part, à rechercher les voies et moyens d’une difficile coordination avec la Russie. En revanche, la mobilisation de plusieurs partenaires européens de la France est passée presque inaperçue, alors qu’une inflexion importante s’est produite tant à Londres qu’à Berlin, sans toutefois entraîner l’ensemble des partenaires européens de la France.</p>
<h2>Une contribution européenne plus que symbolique mais limitée</h2>
<p>On notera en premier lieu que, depuis le début des opérations de <a href="http://geopolis.francetvinfo.fr/quels-sont-les-pays-engages-dans-la-coalition-contre-Daech-86435">la coalition internationale contre Daech</a>, à l’été 2014, plusieurs États européens se sont engagés aux côtés des États-Unis. Outre la France, et avant même les attaques de Paris, le Royaume-Uni, les Pays-Bas, la Belgique, le Danemark et l’Italie participent aux opérations aériennes de la coalition, ainsi que, parfois, à ses missions de formation, voire de forces spéciales.</p>
<p>L’Allemagne s’est, pour sa part, engagée tôt dans la formation et l’équipement des forces locales, tout comme le Portugal et l’Espagne. Aux côtés des États-Unis, de l’Australie, du Canada et des coalisés arabes, la contribution européenne est donc significative. Ce sont, au total, près de cent avions de combat européens qui sont engagés au Moyen-Orient, soit près du double des forces aériennes russes en Syrie. L’Europe s’affirme ainsi, une nouvelle fois, comme le premier partenaire des États-Unis dans la gestion des crises internationales.</p>
<p>Il convient cependant de relever, en second lieu, que cette contribution n’est pas une contribution de l’Union européenne en tant que telle, en dépit de l’invocation par la France de <a href="http://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2015/11/16/francois-hollande-peut-il-contraindre-les-autres-pays-europeens-a-porter-assistance-a-la-france_4811308_4355770.html">l’article 42-7</a> du traité de l’UE. Enfin, et bien que la crise au Levant emporte des conséquences majeures pour toute l’Europe, seuls six pays européens participent aux frappes en Irak et/ou en Syrie, la grande majorité des pays de l’UE s’abstenant de prendre une part active sur le terrain.</p>
<h2>Le retour du Royaume-Uni</h2>
<p>En 2014, Londres s’était engagée dans les opérations avec une certaine réticence, limitant explicitement (comme la France) le champ de ces opérations au territoire irakien et avec un déploiement limité en volume (huit avions Tornado) comparable à ceux du Danemark, des Pays-Bas ou de l’Australie.</p>
<p>Cette prudence manifeste tenait à un double souvenir douloureux : l’expérience traumatisante de <a href="http://www.lemonde.fr/proche-orient/article/2015/10/25/tony-blair-presente-des-excuses-pour-l-invasion-de-l-irak_4796477_3218.html">l’engagement contesté de Tony Blair en Irak</a> aux côtés de George Bush Jr. et, directement lié, le vote négatif de la Chambre des Communes en août 2013, refusant au Premier ministre, David Cameron, la possibilité de frapper en Syrie aux côtés des Américains et des Français après les attaques chimiques de Bachar al-Assad. Cet épisode a marqué symboliquement le repli britannique des affaires stratégiques et eu des conséquences bien plus larges puisque Washington et Paris renoncèrent ensuite à ces frappes annoncées.</p>
<p>Longtemps réticent à l’idée de subir à nouveau un tel affront parlementaire, ce n’est qu’après les attentats de Paris que David Cameron a tenté d’obtenir, cette fois avec succès, l’accord des Communes pour s’engager en Syrie. À l’occasion d’un débat parlementaire de haute tenue, marqué notamment par le discours remarquable du travailliste <a href="http://www.theguardian.com/politics/2015/nov/27/hilary-benn-wont-resign-over-support-syria-airstrikes">Hilary Benn</a>, une large majorité transpartisane a autorisé les opérations britanniques en Syrie, par 397 voix contre 223, malgré l’opposition du leader travailliste Jeremy Corbyn.</p>
<p>Le vote britannique a immédiatement été suivi d’effet par le déploiement de 8 huit avions supplémentaires et <a href="http://www.lefigaro.fr/international/2015/12/02/01003-20151202ARTFIG00382-le-royaume-uni-pret-a-frapper-Daech-en-syrie.php">des frappes en Syrie</a>. Avec l’adoption de la <a href="https://www.gov.uk/government/publications/national-security-strategy-and-strategic-defence-and-security-review-2015">National Security Strategy and Strategic Defence and Security Review</a> de 2015, qui annonce une augmentation de l’effort de défense britannique, et cette décision, Londres entend s’affirmer à nouveau comme un acteur stratégique de premier rang après plusieurs années de repli. Le Royaume-Uni semble ainsi avoir largement tourné la page du traumatisme irakien et confirme son retour vers un interventionnisme prudent. Il s’agit là d’une bonne nouvelle pour Paris et Washington.</p>
<h2>L’Allemagne au Moyen-Orient et dans le Sahel</h2>
<p>Le débat à Berlin est tout aussi intéressant. Alors que l’Allemagne ne souscrit pas à la rhétorique de la « guerre » contre le terrorisme, la chancelière Merkel et le Bundestag ont cependant fait le choix de renforcer l’engagement allemand en allant au-delà du programme de formation et d’équipement de forces kurdes. D’une part, et même si cet engagement était déjà plus ou moins programmé, la Bundeswehr a confirmé sa participation accrue <a href="http://www.rfi.fr/afrique/20151125-mali-allemagne-soutien-minusma-troupes">aux opérations dans la bande sahélienne.</a></p>
<p>D’autre part, et de manière plus inattendue, Berlin a renforcé sa présence au Proche-Orient par l’envoi d’avions de combat qui se limiteront à des missions de reconnaissance au profit de la coalition, d’un avion ravitailleur et d’un navire d’escorte pour le porte-avions Charles-de-Gaulle. Il s’agit là d’une évolution significative, l’Allemagne ayant toujours été plus que réticente à s’engager militairement au Moyen-Orient. Sa première participation à une mission internationale dans la région remonte seulement à 2006 avec l’engagement dans la composante navale de la FINUL (force de l’ONU au Liban). Berlin continue ainsi la transformation progressive de sa politique de sécurité.</p>
<h2>Un engagement européen à géométrie très variable</h2>
<p>On notera, pour conclure, que les États engagés appartiennent presque tous au même groupe restreint de pays (France, Royaume-Uni, Belgique, Danemark, Italie) qui ont participé à la campagne aérienne de l’OTAN contre la Libye en 2011, à une ou deux exceptions près. La Suède et la Norvège ont, en effet, participé à la campagne de 2011 mais ne sont pas parties prenantes aux opérations au Levant, à la différence des Pays-Bas et de l’Allemagne, absents de la campagne aérienne en Libye. D’autres, enfin, comme <a href="http://www.jeuneafrique.com/279815/politique/apres-attentats-de-paris-bientot-soldats-allemands-irlandais-mali/">l’Irlande</a>, ont annoncé après les attentats de Paris un engagement dans la zone sahélienne explicitement destiné à soulager les forces françaises.</p>
<p>Cela souligne bien les différences marquées entre pays, une large majorité des Européens ne participant pas à la coalition, même symboliquement. Outre les différences de priorités, l’absence des pays d’Europe centrale et orientale pouvant s’expliquer par la préoccupation de plus en plus marquée à l’égard de la politique russe depuis la crise ukrainienne. L’écart de capacités entre Européens s’est également creusé après des années de réduction des budgets de défense. Selon la formule américaine, la liste des alliés européens « able and willing » (ceux qui peuvent et qui veulent) semble bien courte, surtout s’agissant d’engagements exigeants au Moyen-Orient.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/52388/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<h4 class="border">Disclosure</h4><p class="fine-print"><em><span>Camille Grand est directeur de la Fondation pour la recherche stratégique (FRS). La FRS reçoit des financements du gouvernement et de l’Union européenne.</span></em></p>Après les attentats de Paris, l’Allemagne et surtout la Grande-Bretagne ont décidé de s’engager militairement davantage au Levant. Sans créer une réelle dynamique au sein de l’Union européenne.Camille Grand, Directeur, Fondation pour la recherche stratégique et Maître de conférence, Sciences Po Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/503262015-11-09T05:54:39Z2015-11-09T05:54:39ZLe double pari de l’accord nucléaire avec Téhéran<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/101051/original/image-20151106-16277-1jzga77.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Après douze années de tractations épineuses, un accord a été signé à Vienne, le 14 juillet 2015.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://en.wikipedia.org/wiki/Joint_Comprehensive_Plan_of_Action#/media/File:Iran_Talks_Vienna_14_July_2015_(19067069963).jpg"> Gugganij/Wikimedias</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span></figcaption></figure><p>Dans le déluge de mauvaises nouvelles qui marque l’actualité du Moyen-Orient, <a href="http://abonnes.lemonde.fr/international/article/2015/07/14/enrichissement-inspections-sanctions-les-points-cles-de-l-accord-de-vienne_4682500_3210.html">l’accord nucléaire</a> signé le 14 juillet 2015 entre l’Iran et les puissances du « EU 3 + 3 » (Allemagne, France, Royaume-Uni + Chine, États-Unis, Russie) est apparu comme l’un des rares développements positifs pour la région. Car, sur le papier, il met fin à l’une des principales crises de prolifération après douze années de négociations difficiles. Si les signataires ne se sont pas <em>in fine</em> vu attribuer le Prix Nobel de la Paix, l’enthousiasme des commentateurs a été d’autant plus spectaculaire que l’administration Obama a dû fournir un effort substantiel pour empêcher un Congrès réticent de bloquer sa mise en œuvre.</p>
<p>Le débat sur les <a href="http://www.cfr.org/middle-east-and-north-africa/middle-east-after-iran-nuclear-deal/p36963">conséquences de l'accord au Moyen-Orient</a> est vif. Pour certains, l’accord mettrait ainsi non seulement un terme aux ambitions nucléaires iraniennes et aux sanctions internationales, mais il ouvrirait la voie à un rapprochement entre Téhéran et Washington, voire à un retournement d’alliance et à une vague d’investissements sans précédent dans un marché iranien présenté comme un nouvel eldorado. La poussière étant retombée, et à quelques semaines de l’entrée en vigueur vraisemblable de l’accord, il est possible d’examiner l’état du dossier afin de dresser un bilan beaucoup plus nuancé de l’accord et de ses suites espérées (ou redoutées).</p>
<h2>Un compromis vulnérable</h2>
<p>S’il est sans doute optimiste d’affirmer que l’accord de Vienne, connu sous le nom de <a href="http://www.state.gov/e/eb/tfs/spi/iran/jcpoa/">Joint Comprehensive Plan of Action</a>, a « réglé » définitivement le dossier, on peut en revanche considérer que le texte, par son ambition réelle et sa précision inespérée, permet un gel ou un plafonnement vérifié de l’essentiel des activités nucléaires sensibles de la République islamique. Il rend extrêmement difficile l’accès de l’Iran à la bombe nucléaire pendant la durée de l’accord (dix à quinze ans, suivant les dispositions).</p>
<p>Ce compromis n’en est pas moins vulnérable. À plusieurs étapes du processus, et sans doute très rapidement, la bonne foi des parties sera testée. Le démantèlement effectif, selon un calendrier contraint, de certaines installations sensibles n’est pas sans aléas, techniques ou politiques, qui seront autant d’occasions de vérifier dans la durée l’engagement iranien.</p>
<p>Par ailleurs, la levée des sanctions économiques occidentales sera compliquée et pourrait prendre du retard, alors même que les opérateurs économiques estiment qu’un risque juridique important demeure compte tenu de la complexité du régime de sanctions américain en particulier. Cet état de fait provoque déjà des frustrations à Téhéran compte tenu des <a href="http://www.cissm.umd.edu/publications/iranian-public-opinion-nuclear-agreement">perceptions iraniennes</a>. De multiples crises d’importance imprévisible se profilent donc dans la mise en œuvre de l’accord qui, même en misant sur la bonne volonté des uns et des autres, sera sans nul doute un exercice difficile.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/101074/original/image-20151106-16249-ge96fm.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/101074/original/image-20151106-16249-ge96fm.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=446&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/101074/original/image-20151106-16249-ge96fm.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=446&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/101074/original/image-20151106-16249-ge96fm.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=446&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/101074/original/image-20151106-16249-ge96fm.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=560&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/101074/original/image-20151106-16249-ge96fm.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=560&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/101074/original/image-20151106-16249-ge96fm.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=560&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">La centrale d’Arak : l’une des pièces maîtresses du programme nucléaire iranien.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://en.wikipedia.org/wiki/Nuclear_program_of_Iran#/media/File:Arak_Heavy_Water4.JPG">Nanking 2012/Wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
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<p>Enfin, sur le plan politique, il est manifeste qu’une partie du régime à Téhéran n’a accepté l’accord qu’avec une grande réticence, comme en témoigne la poursuite active et affichée du <a href="http://www.opex360.com/2015/10/12/liran-teste-avec-succes-nouveau-missile-balistique/">programme de missiles balistiques</a> en contradiction avec les résolutions des Nations unies. À Washington, le vote très partisan du Congrès et l’opposition résolue des Républicains, suggère que la souplesse dont a su faire preuve l’administration Obama n’est pas garantie pour l’avenir, même si l’idée d’une mise en cause immédiate par le prochain président américain semble désormais moins probable.</p>
<p>L’accord est donc, pour toutes les parties, un pari sur l’avenir, pari peut-être raisonnable en l’absence d’alternative claire à ce compromis, mais qui suppose dans la durée un engagement sans faille et une vigilance permanente. Dans un scénario optimiste, il marque la fin effective des ambitions nucléaires militaires iraniennes pour un avenir prévisible. Dans un scénario pessimiste, l’accord se terminera sur une crise majeure qui rejoindra la liste des expériences de « déprolifération » – imposées ou négociées – de l’Irak ou de la Corée du Nord, ramenant la communauté internationale au choix impossible entre la guerre et la bombe.</p>
<h2>La transformation du Moyen-Orient attendra</h2>
<p>À ceux qui rêvaient d’un nouveau Moyen-Orient et d’un réchauffement des relations irano-américaines à la faveur de l’accord nucléaire, le Guide suprême, l’Ayatollah Khamenei a immédiatement rappelé que l’accord ne valait que pour le dossier nucléaire. L’alliance de circonstances qui a semblé s’esquisser pour lutter contre l’expansion de Daech en Irak n’a pas eu de suites tant les <a href="https://theconversation.com/moscou-teheran-les-vraies-raisons-dun-axe-strategique-48714">positions de l’Iran et des Occidentaux</a> paraissent éloignées sur le dossier syrien. La participation de l’Iran, pour la première fois, aux pourparlers de Vienne sur la Syrie ne semble pas, pour le moment, avoir donné lieu à une évolution sensible des positions des uns et des autres, tant Téhéran apparaît, peut-être plus encore que la Russie, comme un soutien du régime Assad.</p>
<p>L’accord nucléaire a renforcé l’inquiétude stratégique des alliés des États-Unis dans la région. Washington se trouve contraint de rassurer des partenaires anxieux de voir Téhéran récupérer à terme une force de frappe militaire et financière permettant au régime de soutenir ses différents clients (régime de Bachar al-Assad, Hezbollah, milices chiites irakiennes) dans le contexte régional de conflits sectaires. De fait, l’engagement iranien en Syrie et en Irak nourrit la propagande de Daech.</p>
<p>Sans une évolution radicale du régime à Téhéran, il semble ainsi peu probable de voir cette transformation prendre forme. La nature révolutionnaire de la République islamique n’est fondamentalement pas compatible avec un tel rapprochement.</p>
<p>Il paraît donc, en définitive, important d’évaluer l’accord nucléaire sur ses mérites propres, non négligeables, et de veiller à sa bonne mise en œuvre plutôt que d’en faire un outil illusoire de transformation du Moyen-Orient. La confiance ne se décrète pas, elle se construit jour après jour. De ce point de vue, l’accord de Vienne est un double pari : sur le succès des mesures de contrôle de la prolifération et sur la transformation à terme du régime iranien. Quand ces deux conditions seront réunies, il sera temps de parler de la transformation du Moyen-Orient.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/50326/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<h4 class="border">Disclosure</h4><p class="fine-print"><em><span>Camille Grand est le directeur de la Fondation pour la recherche stratégique (FRS). La FRS reçoit des financements du gouvernement et de l'Union européenne. </span></em></p>L’accord de Vienne sur le nucléaire iranien mise sur le succès des mesures de contrôle de la prolifération et sur la transformation à terme du régime iranien. Celle du Moyen-Orient attendra.Camille Grand, Directeur, Fondation pour la recherche stratégique et Associate lecturer, Sciences Po Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/484062015-09-30T15:16:46Z2015-09-30T15:16:46ZLe Levant à la merci du « grand jeu » des puissances<p>Depuis les printemps arabes de 2011, la crise syrienne et l’émergence de Daech en Irak, puis en Syrie, ont accéléré un processus de transformation profonde du Moyen-Orient. Celui-ci a affecté non seulement ces deux pays, mais aussi les États voisins, dans un phénomène de décomposition/recomposition d’un ordre centenaire, construit pour l’essentiel à la fin de l’Empire ottoman. Un phénomène souvent décrit, de manière un peu simplifiée, comme la fin des accords Sykes-Picot (du nom des deux diplomates – britannique et français – qui ont dessiné en 1916 la carte du Proche-Orient).</p>
<p>Face à cette évolution rapide et brutale du système, les puissances – régionales et globales – semblent avoir le plus grand mal à construire un agenda de sortie de crise à même d’offrir quelques perspectives de stabilité au Moyen-Orient. Au-delà des rivalités parfois séculaires et des antagonismes régionaux et sectaires qui se superposent, il est frappant de constater à quel point ces différentes puissances ne partagent, en réalité, que peu d’objectifs stratégiques communs hormis la lutte affichée contre l’emprise de Daech sur une part croissante du Levant.</p>
<p>Les États-Unis sont apparus longtemps hésitants à s’engager aux côtés de la rébellion syrienne. Après avoir renoncé, en août 2013, à sanctionner militairement l’emploi d’armes chimiques par Bachar al-Assad, ils ont pris un an plus tard la tête d’une coalition à géométrie variable, destinée à endiguer l’expansion de Daech par des frappes aériennes et l’envoi de conseillers. Sans pour autant déployer de forces terrestres.</p>
<h2>Stratégie d’endiguement</h2>
<p>Or cette coalition manque cruellement de troupes fiables au sol dans la mesure où les forces irakiennes – à dominante chiite – pâtissent d’un défaut de combativité et, surtout, de légitimité en zone sunnite. Par ailleurs, l’opposition « modérée » à Bachar al-Assad, divisée et prise en tenaille entre les attaques du régime, et celles de Daech, peine à exister militairement en Syrie. Enfin, les Kurdes se cantonnent – logiquement – à la défense de leurs zones en Irak et en Syrie.</p>
<p>L’objectif affiché de Barack Obama – « degrade and ultimately destroy » (« affaiblir et à la fin détruire ») l’État islamique – semble loin d’être atteint, et la stratégie américaine s’apparente de plus en plus à une stratégie d’endiguement. Plus grave, la diplomatie américaine, tout en rêvant parfois à une recomposition des alliances au Moyen-Orient, a oscillé : elle est passée de la critique virulente d’Assad à la priorité accordée à la lutte contre Daech. Ces allers-retours laissent les Alliés et partenaires de Washington parfois perplexes.</p>
<p>Par la force des choses et compte tenu du poids militaire dominant des États-Unis dans la coalition, leurs alliés occidentaux – France et Royaume-Uni en tête – suivent, bon an mal an, ces évolutions américaines et ajustent eux-mêmes leurs priorités dans un contexte où la réalité des menaces terroristes sur l’Europe et la crise des migrants dominent actuellement l’agenda au Moyen-Orient.</p>
<h2>Foch et Napoléon</h2>
<p>Si Londres ou Paris n’ont pas renoncé au départ de Bachar al-Assad du pouvoir, les Européens ont cessé d’en faire un préalable et de mettre Daech et le régime de Damas sur le même plan. Certains se félicitent d’un réalisme retrouvé ouvrant la voie à un compromis. Mais d’autres y voient plus qu’une faute morale, une faute politique, dans la mesure où le maintien au pouvoir du dictateur syrien n’offre guère d’autres avantages que l’illusion d’un État syrien à la légitimité détruite par quatre années d’atrocités.</p>
<p>Les autres alliés et partenaires régionaux des États-Unis poursuivent leur propre agenda. L’engagement tardif de la Turquie contre Daech après des mois d’ambigüité, voire de complicité passive, semble avoir pour principal but d’empêcher l’émergence d’un Kurdistan syrien autonome dans le contexte d’une fuite en avant autoritaire et nationaliste du président Erdogan. Les monarchies du Golfe participent a minima aux frappes de la coalition contre Daech, mais semblent davantage préoccupées par l’influence croissante de l’Iran et le rapprochement esquissé entre Téhéran et Washington.</p>
<p>Le Maréchal Foch affirmait être moins admiratif de Napoléon après avoir commandé une coalition pendant la Grande Guerre. Il est clair que la coalition anti-Daech manque singulièrement d’objectifs partagés et d’unité de vue sur les buts de guerre. Même au plan militaire, elle fonctionne à géométrie variable.</p>
<h2>La Russie et l’Iran, partenaires indéfectibles de Damas</h2>
<p>Dans ce contexte, la Russie joue sa partition avec une efficacité et un cynisme redoutables. Vladimir Poutine met d’abord en avant la cohérence dans la durée de sa position : soutien au régime de Damas dont la légitimité doit être préservée, refus des changements de régime par la force et priorité donnée à la lutte contre les « terroristes », mêlant dans un même ensemble Daech et l’opposition – modérée ou non – à Bachar El Assad.</p>
<p>Cette politique répond aux intérêts stratégiques russes, dont la préservation de l’influence et de la présence en Syrie, notamment de la base navale de Tartous, et la lutte contre les nombreux combattants étrangers de nationalité russe (Tchétchènes, Daghestanais) au sein de l’État islamique. Ce soutien à Bachar al-Assad s’est manifesté par un appui diplomatique passant par plusieurs vetos au Conseil de sécurité des Nations unies, par un flot d’armes ininterrompu et, plus récemment, par le déploiement d’avions de combat et de quelques troupes au sol à Lattaquié.</p>
<p>Enfin, l’Iran apparaît comme le partenaire indéfectible du régime syrien et l’acteur clef de la région : plus influent en Syrie que la Russie et plus influent en Irak que les États-Unis. Téhéran est prêt à financer le régime syrien et les milices irakiennes, à envoyer conseillers et troupes issues du Hezbollah ou des Gardiens de la révolution.</p>
<p>Si l’Iran partage avec Moscou l’objectif de maintenir Bachar al-Assad au pouvoir coûte que coûte, son approche sectaire privilégie à Bagdad et à Damas des régimes contrôlés par les Chiites (ou leur variante alaouite), permettant ainsi à la République islamique de consolider son influence jusqu’aux rivages de la Méditerranée. <a href="http://www.lemonde.fr/proche-orient/article/2015/07/15/l-accord-avec-l-iran-bouleverse-l-equilibre-regional_4683811_3218.html">L’accord nucléaire du 14 juillet 2014</a> a bien permis un rapprochement avec les Occidentaux, mais là aussi, les objectifs stratégiques semblent encore fort éloignés.</p>
<h2>La guerre de Trente Ans</h2>
<p>Ce tableau montre à quel point le jeu des puissances au Moyen-Orient est incompatible avec l’idée poussée par Vladimir Poutine d’une grande coalition luttant contre Daech. Derrière cet objectif tactique – en apparence partagé – de contenir et d’éliminer Daech, la réalité des divergences stratégiques entre les puissances rend illusoire aujourd’hui tout accord politique.</p>
<p>À défaut d’un consensus minimal entre tous ces acteurs autour de quelques principes simples (transition politique en Syrie, maintien d’États multiconfessionnels et pluriethniques, maintien des frontières), l’hypothèse de référence reste hélas la poursuite d’un conflit d’une extrême violence qui, plus que jamais, appelle deux images dramatiques. Tout d’abord, la guerre de Trente Ans, qui a laissé l’Europe germanique exsangue et conduit à une recomposition des frontières politiques et religieuses du continent après trois décennies de conflit barbare. Mais aussi les « terres de sang », décrites par <a href="http://www.laviedesidees.fr/Timothy-Snyder-et-ses-critiques.html">Timothy Snyder</a> qui ont vu un espace réduit en Europe orientale concentrer, pendant trois décennies, un déchaînement de violence sans précédent et des massacres de masse.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/48406/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<h4 class="border">Disclosure</h4><p class="fine-print"><em><span>Camille Grand is affiliated with the Fondation pour la recherche stratégique, a defence and security think tank, as director. The Fondation pour la recherche stratégique receives funding from the French governement, and the European Union. </span></em></p>Depuis les printemps arabes de 2011, la crise syrienne et l’émergence de Daech en Irak, puis en Syrie, ont accéléré un processus de transformation profonde du Moyen-Orient. Celui-ci a affecté non seulement…Camille Grand, Directeur, Fondation pour la recherche stratégique et Associate lecturer, Sciences Po Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.