tag:theconversation.com,2011:/columns/jean-eric-branaa-247669Nos années Trump – The Conversation2019-04-25T19:17:52Ztag:theconversation.com,2011:article/1159992019-04-25T19:17:52Z2019-04-25T19:17:52ZJoe Biden, une candidature à risque en pleine époque #MeToo<p>En 2016, l’électorat du Parti démocrate était composé à 58 % de femmes mais cela n’a <a href="https://www.thenewamerican.com/culture/family/item/28487-hillary-claims-white-women-voted-for-trump-because-men-told-them-to">pas fait gagner Hillary Clinton pour autant</a>. Quatre ans plus tard, les femmes pourraient bien jouer un rôle central et faire perdre certains des candidats qui s’élancent sur la piste. Or celui qui semble être déjà le plus en danger est bien Joe Biden, qui vient d’annoncer sa candidature : a-t-il pris la juste mesure des mutations récentes et de l’amplification du féminisme depuis 2016, ou sera-t-il à ranger dans la case de ceux qui vont en faire les frais ?</p>
<p>La question est posée après des accusations qui ont été portées contre son comportement « trop tactile » par <a href="https://www.franceinter.fr/monde/les-accusations-envers-joe-biden-peuvent-elles-le-faire-renoncer-a-la-presidentielle-americaine">Lucy Florès, une élue démocrate du Nevada</a>, et alors que l’accusatrice principale est revenue à la <a href="https://www.washingtontimes.com/news/2019/apr/23/lucy-flores-blasts-joe-bidens-hugging-jokes-incred/">charge mercredi 24 avril</a> sur cette affaire.</p>
<p>C’est d’autant plus regrettable que Joe Biden s’est, en réalité, montré très actif durant sa longue carrière pour le droit des femmes. On se souvient, notamment, de la lettre qu’il a adressée à la victime du viol de Standford (Californie). C’était en 2016 et l’affaire avait fait grand bruit aux États-Unis : Brock Turner, un champion universitaire de natation, avait écopé de six mois de prison, une peine quasi-symbolique, <a href="https://www.liberation.fr/planete/2016/06/07/six-mois-de-prison-pour-un-viol-a-stanford-la-peine-qui-scandalise-l-amerique_1457856">alors qu’il en risquait plus du double, vu la gravité des faits</a>. Il a été révélé que le <a href="http://www.slate.fr/story/119167/culture-viol-lettre-pere-brock-turner">père du jeune homme avait lui-même écrit au juge</a>, l’implorant de ne pas condamner son fils pour « à peine 20 minutes d’action qui pourraient ruiner sa vie ».</p>
<p>Le jeune homme n’avait jamais manifesté de regrets, s’estimant victime de la culture de la fête qui règne dans les campus américains et de la surconsommation d’alcool que l’on y pratique. <a href="https://www.buzzfeed.com/fr/katiejmbaker/la-lettre-puissante-quune-victime-a-lue-a-son-violeur-pendan">Son accusatrice avait lu une lettre adressée à son agresseur en pleine audience</a> pour faire part de sa détresse et dénoncer ce simulacre de justice.</p>
<p>La banalisation des agressions sexuelles a été un phénomène largement dénoncé à cette époque-là, et ce procès est vite devenu le symbole de ce qui scandalise l’Amérique et qu’il faut changer.</p>
<h2>Combattre la loi du silence</h2>
<p>La lettre de Joe Biden, qui a été publiée par <a href="https://www.buzzfeednews.com/article/tomnamako/joe-biden-writes-an-open-letter-to-stanford-survivor">Buzzfeed le 9 juin 2016</a>, commence ainsi :</p>
<blockquote>
<p>« Je ne connais pas votre nom, mais vos mots sont à jamais gravés dans mon âme. Des mots que l’on devrait faire lire aux hommes et aux femmes de tout âge. Des mots que j’aurai voulu que vous n’ayez jamais eu besoin d’écrire. »</p>
</blockquote>
<p>Cette lettre fait état de sa colère et de son incompréhension qu’une <a href="https://etudiant.lefigaro.fr/international/actu/detail/article/les-agressions-sexuelles-concernent-une-etudiante-sur-cinq-aux-etats-unis-9890/">jeune fille sur cinq</a> soit encore victime d’agression sexuelle dans les universités américaines et que la seule réponse apportée par la société soit de les inviter à se taire et à passer à autre chose.</p>
<p>Joe Biden a alors exhorté les victimes à parler, seule condition pour changer cette culture inacceptable, une culture qui fait que l’on persiste à poser aux victimes les mauvaises questions : « Que portiez-vous ? Pourquoi étiez-vous là ? Qu’avez-vous dit ? Combien d’alcool avez-vous bu ? » Au lieu de retourner l’angle d’approche et de demander à l’agresseur : « Comment avez-vous pu penser que vous aviez le droit de violer ? »</p>
<p>Joe Biden a fait sienne la cause de la lutte contre la violence faite aux femmes. Le 7 avril 2017, il était à l’<a href="https://www.parismatch.com/People/Politique/Joe-Biden-et-Lady-Gaga-unis-contre-les-violences-faites-aux-femmes-941957">Université de Las Vegas</a>, réputée comme l’une des plus touchées par le phénomène, pour faire entendre sa voix sur ce même thème aux côtés de la chanteuse pop Lady Gaga.</p>
<p>Le pays s’est alors souvenu qu’il a participé à la rédaction de la loi contre les violences faites aux femmes de 1994 et co-présidé avec Barack Obama le lancement du programme « It’s On Us », en 2014, destiné à lutter contre les <a href="https://www.itsonus.org/">agressions sexuelles dans les universités</a>.</p>
<h2>Joe Biden reste populaire auprès des femmes</h2>
<p>Toutefois, tout s’est compliqué pour Joe Biden avec le nombre de candidatures de femmes dans cette présidentielle : cette fois-ci, elles sont six – un <a href="http://www.slate.fr/story/173307/elizabeth-warren-femmes-democrates-donald-trump-election-presidentielle-2020">nombre jamais atteint</a>. Ne seront-elles pas plus à même de prendre en charge cette cause féministe bien mieux que lui ?</p>
<p>Car c’est du comportement odieux de <a href="https://www.francetvinfo.fr/culture/cinema/affaire-harvey-weinstein/mouvement-metoo-un-an-apres-l-affaire-weinstein_2973571.html">certains des hommes les plus puissants du pays dans les domaines du divertissement, de la politique et des entreprises</a> dont il est question. Les femmes vivent cette triste réalité depuis des années. Ce problème a constamment été enterré, les femmes craignant d’être davantage harcelées, mais aussi en raison de la honte ressentie par les victimes ou la crainte de représailles.</p>
<p>Pour ses amis, Joe Biden est au contraire l’homme de la situation, celui qui peut porter sur ses épaules l’espoir des femmes de voir les choses changer. Un sondage Quinnipiac mené auprès d’électeurs californiens a révélé la même tendance : 67 % des électrices ont déclaré que la question des attouchements inappropriés de Biden n’était « pas grave » à leurs yeux et qu’elles restaient convaincues qu’il <a href="https://edition.cnn.com/2019/04/10/politics/joe-biden-california-voters-poll/index.html">représentait la meilleure chance de battre Donald Trump</a>.</p>
<p>Peu importe, donc, pour son camp les comportements passés, qui appartiennent au passé et ne sont pas porteurs de machisme, de sexisme ou d’une volonté de dominer. Ses soutiens défendent sa volonté forte de mettre en œuvre la cause des femmes et rejettent surtout le surnom de « vieux pervers » dont l’a déjà affublé Donald Trump.</p>
<p>Cette exagération pourrait se révéler mortelle dans une campagne électorale. Joe Biden, qui l’a bien compris, <a href="https://www.francetvinfo.fr/culture/cinema/affaire-harvey-weinstein/mouvement-metoo-un-an-apres-l-affaire-weinstein_2973571.html">a tenté d’allumer un contre-feu avant de s’élancer dans cette présidentielle</a> :</p>
<blockquote>
<p>« Au cours de mes nombreuses années de campagne et de vie publique, j’ai offert d’innombrables poignées de main, câlins, expressions d’affection, de soutien et de réconfort. Et pas une fois, jamais, je ne pensais avoir agi de manière inappropriée. Si on considère que c’est le cas, j’écouterai respectueusement ce point de vue. Mais jamais ce ne fut mon intention. »</p>
</blockquote>
<h2>En finir avec une masculinité toxique</h2>
<p>De nombreuses voix féministes se sont déjà <a href="https://www.theguardian.com/commentisfree/2019/apr/02/joe-biden-inapprorpriate-touching-lucy-flores">fait entendre au cours de ces dernières semaines</a> pour apporter la contradiction et suggérer que le septuagénaire (il est âgé de 76 ans) retourne dans les années 1950 avec son collègue Trump. L’idée qui domine actuellement dans certains milieux féministes est qu’il faut en finir avec les manifestations outrancières d’une masculinité toxique qui restent toujours très présentes et évidentes dans le désir de conquête sexuelle, mais aussi dans l’étalage de la violence.</p>
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<p>Aux yeux de ces féministes, Joe Biden n’est donc pas bien différent de Donald Trump et <a href="https://www.lepoint.fr/people/trump-et-biden-relancent-leur-bagarre-de-cour-d-ecole-22-03-2018-2204679_2116.php">sa proposition de le frapper derrière le gymnase</a>, qu’il avait manifesté dans un tweet, en pensant être drôle et mettre les rieurs de son côté, n’a rien de rassurant pour l’électorat féminin.</p>
<p>Dès aujourd’hui, la campagne prend un tour nouveau avec l’entrée de Biden dans la course, et il lui faudra réviser son discours pour tenter de rallier les femmes, et le faire très vite.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/115999/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
Joe Biden a-t-il pris la mesure des mutations récentes et de l’amplification du féminisme depuis 2016, ou en fera-t-il les frais lors de la prochaine présidentielle ?Jean-Éric Branaa, Maître de conférences politique et société américaines (Paris 2 Panthéon-Assas), Auteurs historiques The Conversation FranceLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1080862018-12-03T21:43:52Z2018-12-03T21:43:52ZGeorge Bush senior, symbole d’une Amérique multilatérale disparue<p>George H. W. Bush, le 41<sup>e</sup> président des États-Unis, s’est éteint à 94 ans, dans la nuit de vendredi à samedi. C’est son fils, George W. Bush, qui l’a annoncé par un communiqué très sobre, mais émouvant :</p>
<blockquote>
<p>« Jeb, Neil, Marvin, Doro et moi-même sommes tristes d’annoncer qu’après 94 années remarquables notre père est mort. Nous n’aurions pas pu rêver de meilleur père. »</p>
</blockquote>
<p>Après la disparition de sa femme, <a href="https://www.liberation.fr/planete/2018/04/18/mort-de-barbara-bush-mere-et-femme-de-presidents_1644120">Barbara, décédée en avril dernier</a>, qui a été son soutien indéfectible, particulièrement dans la maladie, tout le monde savait que l’issue était proche pour George Bush. Mais le choc n’en a pas moins été énorme en Amérique, car la famille Bush est une véritable dynastie : deux présidents, et Jeb, le jeune frère de George a, lui aussi, <a href="https://www.lexpress.fr/actualite/monde/amerique-nord/jeb-bush-candidat-a-la-primaire-republicaine_1689999.html">tenté sa chance à la présidence</a>, avant d’être battu dans les primaires par Donald Trump, en 2016.</p>
<h2>La guerre du Golfe et le mur de Berlin</h2>
<p>La carrière de George H.W. Bush ressemble à celle d’un héros américain. Et elle a été célébrée comme telle, car il coche toutes les cases. Pour commencer, à 18 ans, <a href="https://www.europe1.fr/international/les-cinq-conflits-de-george-hw-bush-3811505">il est devenu le plus jeune pilote de l’US Navy</a>. Les États-Unis s’apprêtaient alors à entrer dans la Seconde Guerre mondiale. Il a servi dans la Navy jusqu’en 1945. Après la démobilisation, il a intégré la prestigieuse université de Yale, dont il sera diplômé en 1948. George H.W. Bush s’est alors lancé dans l’industrie du pétrole, quittant le Massachusetts pour le Texas, où il est devenu millionnaire à l’âge de 40 ans.</p>
<p>Sa carrière politique a démarré très tôt : élu à la Chambre des représentants, puis directeur de la CIA, son nom est très vite devenu incontournable dans la sphère publique. En 1980, il a tenté d’obtenir l’investiture du Parti républicain pour la présidentielle, mais a été doublé par Ronald Reagan, <a href="https://study.com/academy/lesson/the-vice-presidency-of-george-hw-bush.html">qui l’a finalement choisi comme vice-président</a>. Ce n’était que partie remise puisqu’il a atteint le Bureau ovale à son tour, en 1988.</p>
<p>Le mandat de George H.W Bush a notamment été marqué par les dérégulations et sa « guerre à la drogue ». On se souviendra de lui pour sa politique étrangère, dont émergent surtout les opérations militaires au Panama ou dans le Golfe persique. Mais c’est surtout la chute du mur de Berlin qui reste dans toutes les mémoires. George Bush comprend que l’intérêt des États-Unis est d’accompagner le mouvement pour obtenir des conditions qui leur conviennent plutôt que de s’opposer à la réunification allemande.</p>
<p>Son nom reste aussi aujourd’hui attaché <a href="https://clio-texte.clionautes.org/la-premiere-guerre-du-golfe.html">à la Guerre du Golfe</a> : le 2 août 1990, Saddam Hussein envahit le Koweït et Bush demande immédiatement le retrait des forces irakiennes. Comme cela n’a aucun effet, il lance une grande offensive terrestre, sous les <a href="https://www.lemonde.fr/ameriques/article/2012/12/28/le-general-norman-schwarzkopf-figure-de-la-guerre-du-golfe-est-mort_1811071_3222.html">ordres du général Schwarzkopf</a>. La deuxième phase, intitulée « tempête du désert » date du 17 janvier 1991 avec le largage de 4 000 bombes et dure quatre semaines. C’est une guerre totalement contrôlée sur le plan médiatique que l’on a pu suivre heure par heure à la télévision. Et qui s’arrête aussi brutalement qu’elle a commencé, le 28 février 1991.</p>
<p>Sur le plan intérieur, les Américains se souviennent de sa lutte contre la récession et le déficit budgétaire : il accepte de signer une augmentation d’impôts imposée par le Congrès en 1988 et chute à l’élection suivante en dépit de son slogan : <a href="https://www.huffingtonpost.fr/2018/12/01/mort-de-george-bush-cette-promesse-intenable-lui-survivra_a_23605843/">« Lisez sur mes lèvres : plus de taxes ».</a> Une de ses plus grandes lois porte sur le handicap (<em>Disabilities Act</em> 1990), qui complète le dispositif des droits civiques hérité des années 60, mettant ainsi fin à une discrimination qui ne se voyait pas, et change profondément le regard de la société américaine sur cette question.</p>
<h2>« 41 » et « 45 », un contraste saisissant</h2>
<p>Les souvenirs évoqués par les médias à l’annonce de sa disparition sont très loin de ces enjeux : on mentionne son amour pour le baseball ou le golf, on montre l’homme au milieu de sa famille. Peut-être est-ce pour dissiper la gêne ambiante. Car George H.W. Bush représentait un autre monde, qui s’éloigne encore un peu plus avec lui. Le héros américain, celui qui inscrit sa légende dans une histoire collective, elle-même élargie aux frontières du monde, semble avoir disparu. Or, George H.W. s’efface en ajoutant un dernier épisode à son aventure : il meurt le jour même de la <a href="https://www.rtl.fr/actu/international/g20-un-sommet-international-sous-tension-en-argentine-7795753003">réunion annuelle du G20</a>. Comme s’il délivrait un dernier message politique, sans faire de bruit.</p>
<p>Tout le monde s’est focalisé sur la réaction de Donald Trump, qui ne s’entend pas avec la famille Bush et qui ne s’était pas rendu aux obsèques de Barbara Bush, en février dernier. Or la déclaration de Donald Trump a tranché avec les précédentes, puisqu’il a rendu un hommage appuyé à l’homme et à son action :</p>
<blockquote>
<p>« Par son authenticité essentielle, son esprit désarmant et son engagement indéfectible pour la foi, la famille et le pays, le président Bush a inspiré des générations de ses compatriotes américains et donné confiance dans le service de l’État qui est, selon ses propres mots, la grandeur, l’espoir et la chance de l’Amérique dans le monde. »</p>
</blockquote>
<p>Pourtant, <a href="https://www.lemonde.fr/donald-trump/article/2018/08/27/la-mort-de-john-mccain-affaiblit-les-frondeurs-du-parti-republicain_5346560_4853715.html">comme lors du décès récent de John McCain</a>, l’opposition à Trump devrait dominer l’actualité dans les prochains jours. On reparlera de la lettre que le 41<sup>e</sup> président a adressé à Donald Trump, en janvier 2016, dans laquelle il expliquait ne pas pouvoir venir à son investiture « parce que son médecin lui déconseille de sortir en janvier. »</p>
<p>Et on évoquera à nouveau son slogan de campagne, en 1988, qui appelait à <a href="https://www.nytimes.com/1989/01/25/us/washington-talk-the-presidency-tough-words-to-translate-kinder-and-gentler.html">« une Amérique plus bienveillante et plus douce ».</a> Le contraste entre les style de l’un et de l’autre n’en paraît que plus grand : l’un (45) parle fort et mise tout sur la franchise du propos, alors que l’autre (41) s’exprimait avec douceur et calme, préférant le sous-entendu et la finesse du langage. Les mots utilisés par le président actuel pour définir son prédécesseur font allusion à cette différence. Lorsque Trump évoque l’espoir, l’humilité, la discrétion et l’inspiration de George H.W. Bush, beaucoup d’Américains mesurent combien leur pays a changé depuis les années 1990.</p>
<h2>Le « nouvel ordre mondial » aux oubliettes</h2>
<p>Mourir un jour de G20 ressemble à l’une de ces pirouettes dont l’ancien président avait le secret. Ainsi, le jour même du grand raout des puissants du monde, George H.W. a, d’une certaine manière, rappelé son principal message : le recours à la discussion et à l’action commune. La Guerre du Golfe, – la « sienne », pas celle de son fils –, a été menée par une coalition de 43 pays, dont faisaient partie des nations arabes. Ce n’est pas sur le plan militaire qu’il a gagné à ce moment-là, mais bien sur les plans politique et diplomatique. L’Amérique s’inscrivait alors dans un ordre mondial, que ce Président américain a largement contribué à modeler lorsqu’il s’est trouvé face à l’écroulement du bloc soviétique.</p>
<p>Aujourd’hui, l’Amérique ne veut plus assurer de rôle moteur dans l’équilibre du monde et entend jouer sa partition seule. Plus encore, comme elle l’a montré au G20, elle ne veut pas d’un ordre mondial, et préfère que le jeu se déroule sans aucune règle écrite. La transformation a pris près de trente ans.</p>
<p>Les raisons de ce changement sont liées à une combinaison de facteurs : la conviction chez Trump que la souveraineté nationale passe avant toute chose, son goût pour les politiques fortes et les hommes qui les conduisent, le déclin relatif de la puissance américaine dans le monde et les intérêts purement électoralistes de l’actuel Président américain.</p>
<h2>Une autre Amérique</h2>
<p>« Ce qui frappait du temps de George H.W. Bush, c’est la manière dont il traitait tout le monde avec respect et marque d’intérêt » : cette remarque est revenue sans cesse dans la presse américaine durant le week-end. Elle évoque un temps où les républicains et les démocrates travaillaient ensemble, dans le compromis, pour faire avancer leurs lois à Washington.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/248515/original/file-20181203-194938-1r4dmmj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/248515/original/file-20181203-194938-1r4dmmj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/248515/original/file-20181203-194938-1r4dmmj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/248515/original/file-20181203-194938-1r4dmmj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/248515/original/file-20181203-194938-1r4dmmj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/248515/original/file-20181203-194938-1r4dmmj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/248515/original/file-20181203-194938-1r4dmmj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Les deux anciens George Bush et Bill Clinton, ici en 2005.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/c/cc/Bush_and_Clinton.jpg">White House/Wikimedia</a></span>
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<p>On a aussi évoqué l’art de perdre une élection : la tradition veut que le perdant appelle le gagnant pour lui souhaiter « bonne chance » dans la conduite des affaires de la nation. L’image de George H.W. se tenant aux côtés de Bill Clinton le jour de son investiture a resurgi. Et on a rappelé, en particulier, <a href="https://www.theguardian.com/us-news/2018/dec/01/dear-bill-clinton-george-bush-letter-friendship">cette note manuscrite laissée par George Bush à son successeur démocrate en 1993</a> dans le Bureau ovale, dans laquelle il lui souhaitait « bonne chance », et affirmait être de « tout cœur » avec lui.</p>
<p>Comme lors du décès de John McCain, les médias américains sont revenus abondamment sur cette Amérique un peu moins divisée, où l’on savait tendre la main à l’autre camp pour réussir ensemble. En vantant la longue carrière militaire de George H.W. Bush, ses deux mandats au Congrès, sa carrière de diplomate, de directeur de la CIA, de vice-président et bien sûr de Président, les commentateurs opposent implicitement le défunt à l’actuel locataire de la Maison Blanche. Ainsi le sénateur <a href="https://en.wikipedia.org/wiki/Marco_Rubio">Marco Rubio</a>, candidat à la présidence en 2016, a écrit dans un tweet :</p>
<blockquote>
<p>« Aujourd’hui, vantardises et insultes sont considérées comme manifestant un leadership fort tandis qu’humilité et dignité sont vues comme de la faiblesse. »</p>
</blockquote>
<h2>Deux vies, deux tempéraments, deux destins</h2>
<p>Les vies des deux Présidents américains ne pourraient être plus opposées. Le défunt président s’est construit dans un parcours très traditionnel, passant par l’armée, l’expérience privée et du monde des affaires, avant de revenir à celle du public, de la CIA de la diplomatie et des fonctions électives. Un parcours effectué pas à pas, sans anicroche et en accumulant savoir et expérience. Celle de Donald Trump s’est faite tambour battant, passant du monde des affaires à la Maison Blanche, sans aucune autre expérience permettant de concevoir la fonction suprême.</p>
<p>Fidèle aux pratiques en vigueur dans son parti, le Président Bush a toujours cherché à éviter les conflits. Il vivait dans un monde policé et paisible et voulait le conserver ainsi. Ses vues sur le monde évoluaient lentement avec le temps et, comme la plupart des politiciens de son époque, il soutenait toujours la défense de l’environnement et avait même adopté le <a href="https://www.epa.gov/clean-air-act-overview/1990-clean-air-act-amendment-summary"><em>Clean Air Act</em>, révisé en 1990</a> avec un soutien bipartisan écrasant. À l’époque, être républicain signifiait faire preuve de compassion et croire qu’il fallait lutter contre toutes les formes de discrimination.</p>
<p>George H.W Bush avait compris que le pouvoir des États-Unis n’était pas que militaire. Il savait que la véritable force de l’Amérique résidait dans ses valeurs : la démocratie, la liberté de la presse et un système judiciaire juste et équitable (pour n’en citer que quelques-uns). Son mouvement, le Parti républicain, – tel qu’il le concevait en tout cas – semble être mort plusieurs fois cette année, que ce soit dans les urnes, ou dans le cœur des hommes.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/108086/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
George H.W. Bush représentait un autre monde, et incarnait le héros américain qui inscrit sa légende dans une histoire collective, elle-même élargie aux frontières du monde.Jean-Éric Branaa, Maître de conférences politique et société américaines et chercheur associé à l'institut Iris., Université Paris-Panthéon-AssasLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1043552018-10-04T16:56:40Z2018-10-04T16:56:40ZAux États-Unis, le temps des femmes<p>En 1992, les femmes ont occupé le devant de l’actualité électorale aux États-Unis : 47 d’entre elles faisaient alors leur entrée au Congrès, soit plus que durant toute la décennie précédente ! Le titre <a href="http://history.house.gov/Exhibitions-and-Publications/WIC/Historical-Essays/Assembling-Amplifying-Ascending/Women-Decade/">« d’année de la femme »</a> qui a été donné à cette année-là rappelle depuis cet exploit.</p>
<p>En réalité, il y avait déjà eu une « année de la femme », en <a href="https://www.nytimes.com/1984/12/31/style/women-in-1984-steps-forward-and-back.html">1984</a> : elles étaient tellement nombreuses à s’être rendues rendues aux urnes pour faire entendre leur voix qu’on comptait 6 millions de votantes de plus que de votants. Du jamais vu depuis que le droit de vote <a href="http://jemesouviens.biz/18-aout-1920-les-femmes-obtiennent-le-droit-de-vote-aux-etats-unis/">leur avait été accordé, en 1920</a> !</p>
<p>Mais 1992 fut aussi été une année particulière : les femmes réagissaient à un combat très dur, lors de la nomination <a href="http://www.slate.fr/story/126065/affaire-anita-hill-harcelement-trump">du juge Clarence Thomas à la Cour suprême</a>. Celle-ci avait été imposée par un Congrès composé quasi exclusivement d’hommes, alors qu’une jeune femme, Anita Hill, l’accusait de harcèlement sexuel. Cet événement avait profondément choqué les Américaines qui s’étaient alors mobilisées en masse lors des élections qui avaient suivi.</p>
<h2>Demain, bien plus qu’hier</h2>
<p>Le parallèle avec notre époque n’est que trop flagrant et l’affaire Kavanaugh suffirait à elle-seule à s’interroger sur l’attitude des femmes dans le scrutin à venir, celui des Mid-terms (le 6 novembre prochain). Toutefois, en 2018, la crise est encore plus profonde : le mouvement #MeToo vient tout juste de fêter sa première bougie, alors qu’une première condamnation symbolique vient d’être prononcée : le « papa de l’Amérique », <a href="http://www.lefigaro.fr/international/2018/09/25/01003-20180925ARTFIG00404-bill-cosby-envoye-en-prison-pour-au-moins-trois-ans.php">Bill Cosby, dort désormais en prison</a>.</p>
<p>Par ailleurs, l’<a href="https://www.tntv.pf/Enquete-exclusive-Harvey-Weinstein-l-affaire-qui-a-change-le-monde_a27307.html">instruction se poursuit dans l’affaire Harvey Weinstein</a>, dont le procès sera le point d’orgue de cette lutte pour que soit entendue et reconnue la parole d’une femme qui se dit victime d’un homme, même s’il est très puissant.</p>
<p>Bien entendu, c’est aussi et surtout à la tête de l’État, le locataire de la Maison Blanche, qui révulse toutes ces femmes. Nombre d’entre elles ne décolèrent pas depuis son élection.</p>
<h2>De la résistance à la réaction</h2>
<p>Elles le font savoir sur tous les tons, elles <a href="https://www.lemonde.fr/ameriques/article/2018/01/21/la-deuxieme-marche-des-femmes-anti-trump-mobilise-aux-etats-unis_5244807_3222.html">ont multiplié les mouvements de protestation, les manifestations de rue, les actes de « résistance »</a>. Il s’agit d’un mouvement spontané auquel une grande majorité d’entre elles se sont associées, au nom de valeurs qu’elles veulent défendre et pour lutter contre ce qu’elles estiment être des attaques inacceptables – qu’il s’agisse de questions de genre, de race, de sexisme, de l’avortement, etc.</p>
<p>Le mouvement #MeToo <a href="https://www.revolutionpermanente.fr/MeToo">a porté la colère, l’a amplifiée et l’a structurée</a>. Le juge Kavanaugh a été précipité au milieu de cette lutte presque par hasard. Car, s’il a concentré sur son nom tous les griefs et toutes les colères, l’action qui sous-tend l’ensemble est bien plus profonde : on a pu s’en rendre compte lors des primaires qui, aux États-Unis précèdent toutes les élections.</p>
<p>Très vite, on a pu constater que des milliers de femmes <a href="https://www.lemonde.fr/ameriques/article/2018/05/23/etats-unis-la-poussee-des-femmes-se-confirme-aux-primaires-democrates_5303007_3222.html">s’étaient présentées sur les différents postes électifs à travers tout le pays et à tous les niveaux</a>.</p>
<p>Plus étonnant encore, tout au long du processus électoral, qui a débuté en mars, le vote féminin est devenu de plus en plus important en nombre et en proportion, si on le compare à celui des hommes. Ce vote a renforcé l’impression première qu’il se passait effectivement quelque chose d’inhabituel : les femmes sont sorties en tête dans beaucoup de scrutins lors de ces primaires, puis en ont remporté de plus en plus, et ont fini par les dominer quasiment tous.</p>
<h2>L’année de tous les records</h2>
<p>À quelques jours du scrutin de mi-mandat, une chose est déjà sûre : on est dans un temps particulier qui s’inscrit dans la logique de ces trois années symboliques pour les Américaines : 1920, 1984 et 1992. L’année 2018 sera, à son tour, une année de la femme, et ce, quel que soit le résultat : la participation aux primaires a explosé dans certains États, jusqu’à doubler, voire tripler par rapport à celle habituellement constatée pour ce type d’élection.</p>
<p>Par ailleurs, le <a href="https://information.tv5monde.com/terriennes/les-midterms-2018-sous-le-signe-des-femmes-un-record-de-candidates-pour-les-elections-de">nombre de candidates a atteint un niveau record, avec des milliers de femmes qui se sont engagées</a>. Le précédent record de 167 femmes candidates à la Chambre des représentants a été largement battu : elles sont 234 cette année. Pour le sénat, c’est la même chose, avec 23 candidates au lieu de 21, un nouveau record également. Il y aura également 15 femmes candidates au poste de gouverneur – un nombre jamais atteint à ce jour – sur un total de 36 postes à conquérir.</p>
<h2>Avec quelques limites</h2>
<p>Toutefois, lorsqu’on examine plus attentivement ces candidatures, on peut être un peu déçu : la plupart des femmes qui sont présentées aux suffrages le sont sur des postes non-éligibles. La bonne performance lors des primaires est donc un peu refroidie, car cela n’aura pas forcément servi à les amener jusqu’à la victoire finale.</p>
<p>C’est flagrant au niveau des gouverneures : Andria Tupola n’a aucune chance à Hawaii, pas plus que Paulette Jordan en Idaho, Mary Throne dans le Wyoming, Lupe Valdez au Texas, Molly Kelly dans le New Hampshire. De même, sept des 23 candidates au Sénat n’ont visiblement aucune chance d’être élues, à l’instar de Jenny Wilson qui est opposée à Mitt Romney dans l’Utah.</p>
<p>Mais on peut faire une autre lecture de ces combats électoraux : toutes ces femmes sont toutes arrivées au sommet, en figurant sur le bulletin de vote, et leur destin dépend désormais des électeurs. Car rien n’est impossible, dans aucun État, et des candidatures jugées totalement improbables voici à peine quelques mois nourrissent désormais de réels espoirs : Stacey Abrams en Georgie et Laura Kelly au Kansas sont en passe de devenir gouverneures dans des États très républicains, alors qu’elles sont démocrates et femmes.</p>
<p>Au niveau du Sénat, on va assister à des combats entièrement féminins, comme dans l’État de Washington (entre Maria Cantwell et Susan Hutchison), mais aussi dans le Minnesota (entre Tina Smith et Karin Housley), dans le Wisconsin (entre Tammy Baldwin et Leak Vukmir), dans l’État de New York (entre Kirsten Gillibrand et Chele Farley), dans le Nebraska (entre Deb Fisher et Jane Raybould) ou dans l’Arizona, (entre Kyrsten Sinema et Martha McSally). Autant de postes que les hommes ne pourront pas gagner en 2018.</p>
<p>Néanmoins, la déception sera forcément grande : s’il y a 13 sénatrices sortantes cette année, les femmes ne peuvent compter que sur l’élection de 11 à 13 d’entre elles au final. Au mieux, elles maintiendront donc leur nombre ! On ne changera donc pas encore cette fois-ci l’image d’une commission judiciaire sénatoriale très masculine comme on a pu le constater lors des auditions dans l’affaire Kavanaugh, qui a tant choqué la majorité des Américaines.</p>
<h2>Pas très loin du sommet</h2>
<p>Si on scrute les étages situés en dessous du Sénat ou des postes de gouverneurs, on mesure qu’il s’est réellement passé quelque chose : c’est là que s’est faite la vraie différence, à la Chambre des représentants ou dans des élections plus locales.</p>
<p><a href="https://www.npr.org/2018/09/25/651085628/is-the-record-number-of-women-candidates-a-2018-blip-or-a-lasting-trend">En plus de record de candidates, flagrant au Parti démocrate</a> – avec 183 prétendantes contre seulement 51 au Parti républicain –, il faut souligner que 133 des candidates sont des personnes de couleur et, plus étonnant encore, 158 sont totalement novices en politique !</p>
<p>Au Parti démocrate, près de 40 % des candidats sont donc des candidates – du jamais vu. La Chambre des représentants, qui compte actuellement 84 élues (22 % du total), devrait donc changer de visage.</p>
<p>Dans les assemblées des États, <a href="https://ballotpedia.org/State_legislative_elections,_2018">87 des 99 congrès locaux seront renouvelés, soit 6070 sièges à pouvoir</a>. Les femmes sont en première ligne pour prendre toute leur place dans ces différentes assemblées, et la poussée sera forte : 3 260 femmes sont candidates dans les 46 États sousmis au vote. Là encore, le précédent record (2 649 candidates), qui date de 2016, est battu.</p>
<h2>Les petites nouvelles qui deviennent grandes</h2>
<p>S’il semble désormais évident que les femmes vont progresser très largement dans les congrès des États, les chances des femmes dans ce scrutin législatif au niveau fédéral sont également très élevées : sur les 125 sièges qui peuvent basculer d’un parti à l’autre (sur un total de 435), elles sont 65 candidates à pouvoir espérer devenir députée (Représentante). Cinq d’entre elles sont même certaines de siéger puisqu’elles n’ont aucune opposition !</p>
<p>Les primaires ont révélé plusieurs surprises, permettant à certaines d’entre elles d’émerger sur la scène nationale : <a href="https://www.lemonde.fr/ameriques/article/2018/06/27/etats-unis-alexandria-ocasio-cortez-novice-en-politique-et-figure-emergente-des-anti-trump_5322135_3222.html">Alexandria Ocasio-Cortez</a> a battu Joseph Crowley un ponte du Parti républicain, alors qu’elle était totalement inconnue jusque-là et soutenue par Bernie Sanders, le plus révolutionnaire des papys de la politique aux États-Unis. Aujourd’hui, les cadres du parti ne jurent plus que par elle et Barack Obama vient de lui apporter son soutien.</p>
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<p><a href="https://www.parismatch.com/Actu/International/Ayanna-Pressley-encore-une-victoire-de-la-nouvelle-garde-democrate-1572304">Ayanna Pressley a réalisé le même exploit dans le Massachusetts</a> en battant une autre star républicaine, Mike Capuano, qui était réélu haut la main depuis vingt ans.</p>
<p><a href="https://www.lemonde.fr/ameriques/article/2018/08/30/le-parti-democrate-mise-sur-les-candidatures-feminines_5348087_3222.html">D’autres profils ont également émergé</a> : deux démocrates vétérans de l’armée (Amy Mcgrath et MJ Hegar), qui insistent sur leur patriotisme dans des États très républicains, pourraient ravir le poste de députée. En Idaho, au Nouveau-Mexique ou au Kansas, ce sont des Amérindiennes qui occupent désormais le devant de la scène : Paulette Jordan, Debra Haaland et Sharice Davis comptent bien faire la différence.</p>
<p><a href="https://www.theguardian.com/us-news/2018/aug/19/women-candidates-changing-progressive-opposition-midterms">Les minorités</a> sont d’ailleurs très bien représentées parmi les candidates. Certaines sont déjà très médiatisées, comme les hispaniques Michèle Lijan Grisham et Lupe Valdes, ou encore Jayana Hayes et Stacey Abrams, qui portent les espoirs de la communauté afro-américaine.</p>
<p>Parmi les profils les plus étonnants, on distingue ceux de Rashida Tlaib, dans le Michigan (certaine d’être élue puisqu’elle ne fait face à aucune opposition), et de Ilhan Oma, dans le 5<sup>e</sup> district du Minnesota : ces deux femmes sont musulmanes et vont faire l’Histoire en entrant au congrès. Une première, d’autant plus étonnante que le président des États-Unis s’appelle Donald Trump.</p>
<p>Enfin, <a href="https://www.huffingtonpost.fr/2018/05/23/lupe-valdez-la-latina-lesbienne-democrate-en-lice-pour-gouverner-le-texas_a_23337982/">Lupe Valdez « cumule »</a> puisqu’elle se présente comme femme et comme hispanique, mais également comme gay. Mais son profil atypique en deviendrait presque terne en comparaison de la candidate choisie par le Parti démocrate du Vermont : <a href="https://www.courrierinternational.com/article/etats-unis-christine-hallquist-premiere-gouverneure-transgenre">Christine Hallquist est transgenre</a>. Personne ne croit réellement en sa chance de victoire, mais elle est déjà entrée dans l’histoire de ses élections.</p>
<p>Il se passe donc quelque chose de nouveau #IciAussi en 2018.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/104355/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
Il se passe quelque chose aux États-Unis : les femmes se sont massivement mobilisées lors des primaires précédant les élections de mi-mandat et nombre d’entre elles pourraient être élues.Jean-Éric Branaa, Maître de conférences politique et société américaines et chercheur associé à l'institut Iris., Université Paris-Panthéon-AssasLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1033782018-09-18T09:40:36Z2018-09-18T09:40:36ZDonald Trump, en difficulté, pour la première fois<p>La rentrée a été rude pour le Président américain, qui a fait face à une chute de popularité aussi rapide qu’inédite. Il faut dire qu’après un raté monumental, qui a ému parmi ses plus fidèles soutiens, il a immédiatement été attaqué sur sa personnalité et sa gestion des affaires, jugée calamiteuse. Et cette fois, contrairement à ce que l’on observe depuis deux ans, les coups ont eu l’air de porter.</p>
<h2>Trump n’a pas su rendre hommage à John McCain</h2>
<p>Ce que les républicains ont eu du mal à accepter, c’est que Donald Trump soit <a href="https://www.parismatch.com/Actu/International/Donald-Trump-a-refuse-de-rendre-un-hommage-appuye-a-John-McCain-1570706">incapable de cesser ses attaques contre John McCain</a>, alors que celui-ci venait de mourir. Au pays de l’Oncle Sam, le respect dû aux morts est au-dessus de tout. Ce coup-ci, Donald Trump a été trop loin dans la transgression et le choc a été violent pour certains. Sa popularité a immédiatement chuté de six points en une semaine, et ne s’est pas relevée depuis.</p>
<p>Les attaques qui ont été portées par ses opposants, notamment à travers le livre de Bob Woodward ou la <a href="https://www.lemonde.fr/ameriques/article/2018/09/05/le-new-york-times-publie-une-tribune-anonyme-explosive-pour-la-maison-blanche_5350831_3222.html">tribune anonyme publiée par le <em>New York Times</em></a>, ont alors résonné avec un écho tout particulier : c’est sur la personnalité de l’hôte de la Maison Blanche que l’interrogation s’est depuis concentrée, semant un nouveau doute, plus profond, presque insidieux, dans l’esprit des électeurs, alors même que des élections cruciales s’annoncent dans à peine 50 jours.</p>
<h2>Tu quoque, Bob Woodward</h2>
<p>Le livre de Bob Woodward se distingue de ceux – plus nombreux qu’on ne le pense généralement – qui sont parus jusqu’à ce jour pour dézinguer « l’ignoble Président » : certes, Woodward a une réputation forte, puisqu’il est un des <a href="https://www.franceinter.fr/emissions/affaires-sensibles/affaires-sensibles-01-novembre-2016">deux journalistes qui ont déclenché le Watergate</a>, mais il n’a surtout jamais été catalogué d’« anti-Trump ». On se souvient qu’il était même plutôt proche de George W. Bush, <a href="https://www.lesechos.fr/amp/0202259963295.php">très virulent envers Barack Obama</a>, et les républicains ne s’attendaient pas à ce qu’il porte une charge aussi forte dans son livre. D’ailleurs, on disait qu’il s’entendait plutôt bien avec le 45<sup>e</sup> Président des États-Unis.</p>
<p>On n’a pas non plus perçu, d’emblée, que la sortie de son ouvrage allait contribuer à secouer cette présidence. Le livre a mis en lumière ce qui était présent dans les esprits de manière encore diffuse, une facette de Donald Trump qu’il s’efforce de gommer autant que possible : sa faiblesse. Donald Trump s’est présenté comme l’homme capable de renverser des montagnes et de réussir toujours, sur tous les plans, quelles que soient les difficultés. Il ne semblait pas, jusque-là, connaître la peur, ne s’excusait jamais et se lançait dans tous les combats comme s’il participait à un match de catch, u <a href="https://www.cnews.fr/monde/2017-07-03/video-quand-donald-trump-sillustrait-sur-un-ring-de-catch-725097">n sport qu’il apprécie au plus haut point par ailleurs</a>.</p>
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<p>Mais, alors que la désapprobation grondait face à sa querelle post-mortem avec McCain, le livre de Woodward a fait germer l’idée que Donald Trump pourrait être quelqu’un de peu sûr de lui et manipulable, avec un ego qui envelopperait l’ensemble pour l’égarer et l’empêcher de comprendre le monde qui l’entoure.</p>
<p>La critique n’est pas nouvelle en soi et un tel jugement n’aurait sûrement pas ébranlé un seul de ses électeurs si le livre avait été publié dans un autre contexte. Jusqu’ici, rien ne semblait pouvoir atteindre Donald Trump depuis ce premier jour où il est entré en campagne pour la présidence. <a href="https://www.lexpress.fr/actualite/monde/video-trump-je-pourrais-tirer-sur-quelqu-un-je-ne-perdrais-pas-d-electeurs_1756740.html">« Je pourrais tuer un de mes électeurs sur la 5ᵉ Avenue, tous les autres continueraient à voter pour moi »</a>, avait-il même déclaré un jour à un journaliste qui s’en étonnait. Le même phénomène s’était déjà produit avec Ronald Reagan.</p>
<p>Mais, en cette fin d’été, le doute est là. Le malaise ressenti face au refus d’honorer un héros américain a ébranlé ceux qui considèrent que le patriotisme passe par la célébration des symboles. Ils sont nombreux à penser ainsi aux États-Unis. Les accusations de Bob Woodward, émaillées de nombreuses anecdotes, ont étonné.</p>
<h2>Peur sur l’Amérique</h2>
<p>D’anecdotes en démonstrations, le livre de Bob Woodward décrit un climat plutôt qu’un homme. On comprend alors assez vite que le titre choisi « La peur », inspiré par une <a href="https://www.lesinrocks.com/2018/09/13/actualite/bob-woodward-raconte-ce-putain-de-menteur-de-trump-111124365/">déclaration de Donald Trump en mars 2016</a>, est le meilleur qu’il pouvait trouver pour illustrer la situation américaine d’aujourd’hui : le Président avait expliqué qu’il fallait savoir susciter de la peur pour gouverner efficacement.</p>
<p>Cette peur est désormais partout dans la société américaine : au sein des minorités, dont les cris de protestation se sont éteints depuis l’élection de ce président, le 9 novembre 2016, peut-être dans l’attente de la prochaine présidence, m <a href="https://www.theatlantic.com/politics/archive/2017/10/colin-kaepernick/541845/">ême si la colère, désormais silencieuse, a rarement été aussi forte dans le pays</a>. On la trouve aussi chez ceux qui se sentent attaqués dans leurs droits et leurs valeurs, et qui se sont lancés dans un mouvement de résistance, dont l’action systématique nuit certainement à la réussite de leur entreprise, mais démontre aussi leur désarroi et leurs angoisses : <a href="https://www.france24.com/fr/20180602-etats-unis-trump-americains-resistance-resist-democrates-twitter-facebook-manifestations">plus de 6000 groupes de résistances, dit « Indivisibles », existent aujourd’hui aux États-Unis</a>, dont le seul but est de faire échouer ce Président, quels soient les moyens utilisés.</p>
<p>La peur est aussi le moyen utilisé par Donald Trump pour tenter de conserver son pouvoir. Pour les élections de mi-mandat, il promet ainsi le chaos si son camp ne l’emporte pas, mais aussi le chômage et la crise économique, ainsi qu’un <a href="https://www.lexpress.fr/actualite/monde/amerique-nord/l-election-de-trump-provoquerait-la-fin-de-notre-civilisation-selon-son-ex-plume_1813606.html">« recul de civilisation »</a> sans précédent, voire la fin de l’Amérique avec l’ouverture des frontières, des régularisations de masse, le retour de l’Obamacare, des hausses d’impôts.</p>
<p>Mais il n’est pas certain que cette peur-là fasse se lever en masse les troupes pour aller voter en faveur des candidats pro-Trump. Une autre peur, celle du Président, peut en revanche motiver les électeurs démocrates. Au cours des primaires qui viennent de se dérouler, entre mars et début septembre, dans tout le pays, ces derniers <a href="https://thehill.com/homenews/campaign/406779-primary-turnout-soars-in-2018-with-dems-leading-charge">n’ont jamais été aussi nombreux à se rendre aux urnes</a> pour des élections qui sont avant tout locales ! Dans certains districts, ils étaient quasiment aussi nombreux que pour une élection présidentielle !</p>
<h2>La forteresse du pouvoir</h2>
<p>Donald Trump a facilité la tâche de ses opposants en cristallisant les passions et en cultivant une atmosphère de campagne destinée à ne pas laisser retomber les passions de 2016 et à garder intact le soutien de ses troupes. Cela a, sans conteste, parfaitement bien fonctionné pour ce qui est de l’opposition franche que se livrent les deux groupes démocrate et républicain, qui sont aujourd’hui parfaitement antagonistes.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/236848/original/file-20180918-158225-fiovr3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/236848/original/file-20180918-158225-fiovr3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=591&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/236848/original/file-20180918-158225-fiovr3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=591&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/236848/original/file-20180918-158225-fiovr3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=591&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/236848/original/file-20180918-158225-fiovr3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=742&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/236848/original/file-20180918-158225-fiovr3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=742&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/236848/original/file-20180918-158225-fiovr3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=742&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Le journaliste et écrivain Bob Woodward (ici en 2016).</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/exchangesphotos/30105092843/in/photolist-MShtfT-zZNDM3-MShsvg-Af6tQj-zZNGhy-dkPWqN-zkmZVf-MSz5vG-zZTboB-KDWaC-NL1buM-MVDyGp-EkMdDQ-AgcV8m-zkn4a1-NL1daa-2B7FQ-CZoDCe-DQbpKW-KE6cB-DWMhXH-4HCk7Y-4Hy7sx-EDG39K-4Hy8hx-4Hy5BT-4Hy9xa-4HCjKw-EDG2Y4-4HCjZm-DQw78R-EkMdem-EBr9Rq-DLe32G-zkn1dQ-PTXGXq-M1yeGH-NL1cGr-NL1ceH-NL1bUe-2a4Dzbf-29Jc7v7-29FzFdW-DQbpa7-4HCjp7-4Hy7hP-4HCkg9-4Hy86X-4HCjS5-AgcTA3">Exchanges Photos/Flickr</a></span>
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<p>Ce faisant, il a peut-être négligé le fait que la plupart de ces mêmes soutiens vivent aussi une vie qui les éloignent souvent de la politique : l’importance de leur présence dans cette bataille finit par leur échapper et les rangs sont moins serrés autour de lui. Cela ne veut pas dire que ses partisans l’aiment moins, comme on peut le vérifier par les résultats des sondages de popularité, qui restent tout de même toujours au-dessus de 40 %.</p>
<p>Mais, maintenant que les résultats économiques sont là, que <a href="https://www.cnbc.com/2018/08/24/trump-says-us-economy-setting-records-on-virtually-every-front.html">Trump dit avoir rempli la plupart de ses contrats</a>, n’est-il pas temps de relâcher la pression et de s’occuper d’eux-mêmes ? Mais Trump va livrer bataille jusqu’au bout et repartir de plus belle. La guerre commerciale qu’il déclare à la Chine en est l’illustration.</p>
<p>Pendant ce temps, <a href="https://www.investors.com/politics/editorials/bob-woodward-trump-book-media-bias/">ceux qui sont convaincus par le livre de Bob Woodward</a> sont déjà à l’assaut de cette forteresse et se verraient bien changer deux ou trois petites choses dans leur pays…</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/103378/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
Alors que la désapprobation grondait face à sa querelle post-mortem avec McCain, le livre de Woodward a fait germer l’idée que Donald Trump pourrait être quelqu’un de peu sûr de lui et de manipulable.Jean-Éric Branaa, Maître de conférences politique et société américaines et chercheur associé à l'institut Iris., Université Paris-Panthéon-AssasLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/986482018-06-20T13:33:10Z2018-06-20T13:33:10ZDonald Trump et les migrants : les raisons du jusqu’au-boutisme<p>L’affaire est partie des réseaux sociaux et a choqué toute la planète : une <a href="https://www.lemonde.fr/ameriques/video/2018/06/19/enfants-en-larmes-familles-separees-de-nouvelles-images-du-centre-pour-enfants-migrants-qui-fait-scandale-aux-etats-unis_5317690_3222.html">vidéo a été partagée des centaines de milliers de fois</a> et on y entend des cris d’enfants qui sont enfermés dans une cage. Qui aurait pu imaginer que cela se passerait aux États-Unis, au XXIe siècle, et qu’il s’agissait là du résultat d’une politique officielle, voulue par le gouvernement et totalement assumée ? La colère a alors bien souvent pris le pas sur la surprise et l’effroi, <a href="http://www.lefigaro.fr/international/2018/06/20/01003-20180620ARTFIG00328-immigration-trump-recule-face-au-tolle.php">poussant finalement le Président à reculer</a>.</p>
<h2>Argument de campagne</h2>
<p>Le monde entier sait pourtant que la question de l’immigration est centrale dans le dispositif Trump : ce dernier s’est fait élire sur une seule question, celle de la construction d’un mur à la frontière sud des États-Unis, celle qui sépare le pays du Mexique. Même si aujourd’hui beaucoup de ses partisans parlent d’un programme effectivement mis en œuvre, et de promesses qui le sont tout autant, ils étaient en réalité très peu à avoir retenu bien plus que cet argument de campagne, davantage martelé qu’une rengaine à la mode.</p>
<p>Ayant accédé à la fonction suprême, Donald Trump a frappé fort et vite : le « Muslim ban » a laissé en plein désarroi des familles qui débarquaient dans les aéroports américains et découvraient la mise en place de cette mesure… qui n’existait pas lorsqu’ils avaient embarqué dans leur avion quelques heures plus tôt. La protestation fut immédiate et planétaire.</p>
<p>A l’époque, déjà, ce fut la situation des enfants qui émut, rendant incompréhensible une politique brutale, appliquée sans aucun égard pour les individus. Bien en peine de détailler son programme, Donald Trump commença alors à épouser celui de l’aile la plus conservatrice du Parti républicain.</p>
<p>La nomination de personnalités controversées à de très hauts postes a inquiété : <a href="https://en.wikipedia.org/wiki/Michael_Flynn">Flynn</a>, Bannon, <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Stephen_Miller">Miller</a>, Gorka… Autant de noms qui sont tous synonymes d’une certaine idée de l’Amérique, insistant sur les valeurs chrétiennes, mises en danger, d’après ces responsables, par la montée de l’islam.</p>
<p>La politique migratoire de Trump est guidée par cette idée. L’interdiction de territoire, l’arrêt du programme en faveur des réfugiés, puis <a href="https://www.us-immigration.com/greencard/Green-Card-Lottery.html">l'abrogation de la loterie</a> ou encore la mise en place d’un autre type de contrôle des visas afin de favoriser une immigration « choisie » : tout cela n’est pas sans rappeler les programmes de Theodore Roosevelt du début du XXème siècle, puis les lois sur la mise en place des quotas de 1921 et de 1924.</p>
<h2>Politique extrême</h2>
<p>Ce qui frappe dans l’attitude de Donald Trump, c’est sa capacité à résister à la pression, malgré la vigueur de la protestation. Il a bien entendu dévissé dans le sondages dès février et a jeté dans le rue des milliers de manifestants. Mais jusqu'à son revirement du 20 juin, il considérait être sur la bonne voie, estimant que la fermeté paye en matière d’immigration : que cela envoyait un message fort aux pays étrangers, aux éventuels candidats à la migration, qui y réfléchissent désormais à deux fois, et à ses électeurs, qui ne regrettent pas leur vote, et peuvent penser avoir enfin trouvé quelqu’un qui reste droit dans ses bottes et sur les positions pour lesquelles ils l’ont envoyé à la Maison Blanche.</p>
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<p>Certains ont cru y voir un assentiment à leur cause et, dès l’été 2017, <a href="http://www.rtl.fr/actu/international/etats-unis-que-s-est-passe-a-charlottesville-7789701861">des débordements se sont produits, lors de manifestation de nationalistes blancs</a>. On a bien cru, à ce moment-là, que le Parti républicain allait se retourner contre le Président : mais les hommes politiques ne sont pas tous courageux.</p>
<p>Or ceux qui se sont dressés dans la critique ont tous pris la porte depuis. Les autres se sont rangés comme un seul homme derrière Trump et n’entendent plus faire entendre une seule voix discordante. Les électeurs eux-mêmes leur rappellent qu’il est là parce que c’est leur choix, et ils entendent imposer cette volonté à tous les élus : les primaires ont montré que ceux qui n’étaient pas d’accord étaient sanctionnés.</p>
<h2>Un héritage du passé</h2>
<p>La politique suivie par Donald Trump n’est pourtant pas surprenante, puisqu’elle n’est pas nouvelle. Tout comme pour le mur, dont il endosse désormais la paternité alors que cet ouvrage existe depuis plus de dix ans. Il a proposé de le consolider et de le faire plus haut (3 mètres de hauteur), pour remplacer ce qui n’est par endroits qu’une petite palissade…</p>
<p>Une politique plus dure a été mise en place dès 2005 par <a href="https://en.wikipedia.org/wiki/Michael_Chertoff">Michael Chertoff</a>, le deuxième ministre de la Sécurité intérieure de l’histoire américaine, sous George W. Bush. L’Amérique était alors traumatisée par l’attaque du 11 septembre 2001, et Chertoff était l’un des co-auteurs du <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/USA_PATRIOT_Act">Patriot Act</a>. Ce responsable a alors multiplié les initiatives pour rendre, de son point de vue, son pays plus sûr, plus « étanche », moins vulnérable.</p>
<p>L’idée de la politique de tolérance zéro a alors germé et a pris corps sous le nom d’<a href="https://en.wikipedia.org/wiki/Operation_Streamline">opération « Streamline »</a>. Son ministère a mis en place conjointement avec le ministère de la Justice un programme pour criminaliser l’entrée clandestine aux États-Unis. Concrètement, les personnes interpellées pouvaient être jetées en prison.</p>
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<p>C’est exactement le même programme que Jeff Session a annoncé vouloir remettre en vigueur lorsqu’il a été auditionné par le Sénat après sa nomination à la tête du ministère de la Justice. Il répondait d’ailleurs à une question posée par Jeff Flakes, le sénateur de l’Arizona, très critique de l’action de Trump, mais qui avait lui-même été l’auteur avec John McCain d’une résolution sénatoriale soutenant cette politique de tolérance zéro. Dans les États frontaliers, on considère qu’il faut toujours faire plus pour lutter contre l’immigration clandestine.</p>
<h2>Il s’agit d’enfants…</h2>
<p>Ce qui effraie le plus dans cette politique reste le volet qui touche les enfants. Même du temps de Chertoff, qui avait été durement attaqué, critiqué, et même traité de « nazi », l’administration américaine n’avait pas eu recours à l’enfermement des enfants. Pour être très précis, cet enfermement est banni : une décision de justice qui remonte à 1997, <a href="https://en.wikipedia.org/wiki/Reno_v._Flores"><em>Flores v. Reno</em></a>, interdit d’appliquer aux enfants une punition infligée à leurs parents. Une loi de 2008, <em>William Wilberforce Trafficking Victims Protection Reauthorization Act</em>, interdit ainsi d’emprisonner les enfants avec leurs parents.</p>
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<p>D’ailleurs, Donald Trump <a href="https://www.mediapart.fr/journal/international/200618/trump-presse-le-congres-de-voter-une-loi-sur-limmigration">a demandé lui-même au Congrès de voter en urgence une loi corrigeant cet état de fait</a>. Mais que veut-il corriger, et comment ? Il s’abstient bien de le préciser car aucun argument ne tient dans ce domaine.</p>
<p>Jusqu’à l'élection de Trump, les politiques publiques américaines, même les plus dures, avaient consisté à placer en résidence surveillée les familles d’immigrants clandestins, mais sans jamais séparer les familles. Un pas a donc été franchi et ces enfants, y compris des bébés ou de très jeunes enfants, se sont retrouvés enfermés dans des cages, sans avoir jamais commis le moindre crime.</p>
<p>Or l’Amérique n’aime pas quand on touche aux enfants et la réaction a été à la hauteur de cette transgression, obligeant Trump à reculer.</p>
<h2>Un nouveau Trump ?</h2>
<p>Le mur à la frontière Sud est un élément fondamental dans le dispositif du président des États-Unis : il l’a tant promis, et si fortement que ses électeurs ne comprendraient pas qu’il puisse être au pouvoir durant quatre ans sans obtenir un seul dollar pour sa construction. Cela ferait de lui un Président faible. Conscient de cet état de fait, et alors que l’échéance des élections de mi-mandat approche (mi-novembre), il lui faut agir dans l’urgence. S’il a peu de chance de les perdre (du moins au Sénat), elles constituent un marqueur fondamental dans la politique américaine. Dès le lendemain, on ne parlera plus que de la présidentielle de 2020.</p>
<p>En se servant des enfants, Trump espère ainsi exercer une pression suffisante sur le Congrès pour lui arracher le financement de son mur. Il avait échoué en janvier, en tenant de l’échanger contre la régularisation des <a href="https://www.theguardian.com/us-news/2017/sep/04/donald-trump-what-is-daca-dreamers">DREAMers</a> – encore des enfants, qui ont immigré très jeunes et ont grandi aux États-Unis. Il tente aujourd’hui un ultime coup de poker, qui l’entraîne sur des sentiers nauséabonds.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/98648/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
En se servant des enfants, Trump espère exercer une pression suffisante sur le Congrès pour lui arracher le financement de son mur. Un coup de poker, qui l’entraîne sur des sentiers nauséabonds.Jean-Éric Branaa, Maître de conférences politique et société américaines et chercheur associé à l'institut Iris., Université Paris-Panthéon-AssasLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/972602018-05-25T09:52:32Z2018-05-25T09:52:32ZCorée du Nord : pourquoi Trump quitte la table des négociations<p>Ce n’est pas par un tweet, mais par une <a href="https://www.courrierinternational.com/article/etats-unis-lintegralite-de-la-lettre-de-trump-kim-jong-un-traduite-en-francais">lettre adressée à Kim Jong‑un</a>, que Donald Trump a informé le monde de sa décision. La surprise a été grande, et pourtant, cela bouillait depuis quelques semaines : fin avril, il y a déjà eu de l’eau dans le gaz et la mauvaise humeur a commencé à monter des deux côtés du Pacifique.</p>
<p>Du côté américain, alors qu’on la souhaitait activement auparavant, la soudaine intervention de la Chine dans ce dossier n’a pas été comprise : le <a href="https://www.theguardian.com/world/2018/may/08/kim-jong-un-meets-xi-jinping-in-second-surprise-visit-to-china">président Xi a rencontré deux fois Kim Jong‑un</a> en un mois, alors qu’il avait toujours refusé de le faire au cours des trois années précédentes. Il en a été conclu que la Chine voyait d’un mauvais œil l’idée de perdre le rôle de « grand voisin » à qui les Américains demandaient inlassablement d’intervenir. Car, en échange, les États-Unis ont régulièrement fermé les yeux dans d’autres dossiers, notamment commerciaux.</p>
<p>Côté coréen (du Nord), la perspective de changer de monde a fini par faire peur : Kim Jong‑un a voulu rivaliser avec Donald Trump, lui reprochant de s’accorder tous les mérites de cette rencontre, puis faisant éclater sa mauvaise humeur lorsque des <a href="https://abcnews.go.com/International/north-korea-blames-us-south-korea-military-drill/story?id=55200524">manœuvres militaires étaient organisées conjointement avec la Corée du Sud</a> ou affirmant avec vigueur que la dénucléarisation ne signifiait pas forcément l’abandon total de l’arme nucléaire. En montrant les muscles et en durcissant les rapports avec ceux qui lui tendaient la main, Kim Jong‑un a pris le risque que tout capote.</p>
<p>Et c’est ce qui est arrivé ! Du moins, pour l’instant. Mais la raison avancée – à savoir l’<a href="http://www.tvanouvelles.ca/2018/05/24/trump-annule-le-sommet-avec-kim-jong-un">hostilité de Kim Jong‑un</a> au processus de paix et les insultes adressées par un membre de son entourage au vice-président des États-Unis – a pu sembler très décalée par rapport à l’enjeu.</p>
<h2>Comme les autres présidents ?</h2>
<p>À ce stade, Donald Trump n’a donc pas fait mieux que les présidents qui l’ont précédé. Le ton employé a bien été plus fort cette fois-ci et on pensait que cela aurait pu enfin favoriser une issue à un conflit qui dure depuis 70 ans. Donald Trump a alterné le chaud et le froid et, après avoir promis « le feu et la fureur », a annoncé que la Corée du Nord <a href="http://www.businessinsider.fr/us/trump-kim-jong-un-will-get-protections-if-north-korea-gets-rid-of-nukes-2018-5">« ne regretterait vraiment pas »</a> de passer un accord avec les Américains, et que le régime de Pyongyang serait ainsi protégé.</p>
<p>Mais, dans le même temps, l’administration Trump n’a cessé de rappeler que le souvenir de 1994 ne s’était pas effacé et que l’accord obtenu par Jimmy Carter, sous Clinton, et trahi presque aussitôt par Pyongyang, incitait à rester sur ses gardes : rien ne serait cédé, a alors martelé Donald Trump, et la dénucléarisation devrait être totale. C’est cette volonté forte et clairement affichée qui a enthousiasmé les Coréens du Sud, qui ne rêvent que de paix et de territoire réunifié. Le Président Moon Jae-In a ainsi <a href="http://www.iris-france.org/111692-moon-jae-in-la-discrete-victoire/">fait le premier pas</a>, et sa rencontre avec Kim Jong‑un appartient, de toute façon, déjà à l’Histoire, tout comme le nom du village de Panmunjom dans la Zone démilitarisée (DMZ) séparant les deux Corées, <a href="https://www.telegraph.co.uk/news/2018/04/19/inside-panmunjom-dmz-truce-village-will-host-historic-talks/">qui a accueilli fin avril le sommet intercoréen</a>.</p>
<h2>Le poids des évangélistes américains</h2>
<p>Effectivement, rien n’a été cédé par Donald Trump et il faut le relever : la demande de dénucléarisation a été maintenue avec fermeté, même si le Président américain assurait le matin même de sa fracassante annonce sur l’annulation du sommet qu’elle pourrait intervenir par paliers. Les manœuvres militaires conjointes n’ont pas été suspendues, et il n’a jamais été question non plus de rapatrier les 28 500 soldats américains qui stationnent dans la péninsule : la présence des <a href="https://www.reuters.com/article/us-usa-southkorea-northkorea/south-korea-says-it-wants-u-s-troops-to-stay-regardless-of-any-treaty-with-north-korea-idUSKBN1I305J">Forces américaines en Corée (USFK) est un sujet</a> relève exclusivement de l’alliance entre la Corée du Sud et les États-Unis. « Cela n’a rien à voir avec la signature d’un traité de paix », a déclaré Moon Jae-In à ce sujet.</p>
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<p>Le ton est donc différent de ce que l’on a connu par le passé. Mais il y a un point sur lequel tous les présidents américains se rejoignent et qui explique aussi la mauvaise humeur constante de Kim Jong‑un : Donald Trump exige, comme l’ont fait tous ses prédécesseurs, qu’il y ait une discussion sur les droits de l’homme en Corée. Cette exigence n’était pas présente au début de leurs échanges, juste après l’élection du 45<sup>e</sup> président. Mais elle a été poussée avec <a href="https://www.washingtonpost.com/news/worldviews/wp/2018/02/21/how-billy-graham-took-his-crusade-to-north-korea/?utm_term=.8091937c97a6">constance et détermination par les évangélistes</a>, un courant religieux très actif au sein des protestants américains. Or, ces derniers pèsent lourdement dans le <a href="https://apjjf.org/-John-Feffer/1805/article.html">débat politique actuel</a>, grâce au soutien que leur groupe a apporté à Donald Trump en 2016 et qui a largement contribué à sa victoire.</p>
<p>Kim Jong‑un ne veut pas entendre parler de cette question ? Peu importe ! Le président des États-Unis a évoqué ce sujet à l’occasion de trois discours forts en à peine quelques mois, y compris lors de son discours de l’Union, auquel il a invité un transfuge de Corée du Nord, venu dans l’enceinte du Capitole <a href="https://www.youtube.com/watch?v=IUsrIYN1ahg">montrer au monde ses blessures</a> et la cruauté du dictateur coréen.</p>
<h2>La discussion continue ?</h2>
<p>Donald Trump entend engager la discussion sur des bases nouvelles, fort de son « art de la négociation » qu’il prétend maîtriser mieux que les autres. Au-delà de sa vantardise, il faut lui concéder que le ton a changé : il a promis la protection à Kim Jong‑un et résiste, dans les intentions en tout cas, aux injonctions de ses plus fidèles lieutenants qui sont <a href="http://thehill.com/policy/international/387502-pompeo-dodges-on-north-korean-regime-change-question">plutôt favorables à un changement de régime</a>.</p>
<p>Son art de la négociation passe pourtant toujours par des changements de ton très brutaux : c’est peut-être bien ce à quoi nous assistons aujourd’hui, alors qu’il a cornerisé Kim Jong‑un, l’obligeant désormais à réagir, tout en lui rappelant que la discussion n’était que suspendue (et non pas fermée). Une manière de rappeler à ce « petit homme fusée », comme il l’appelait au plus fort de la crise, que le chef c’est lui, et qu’ils ne sont pas égaux.</p>
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<p><a href="https://www.axios.com/james-clapper-advice-for-trump-on-north-korea-1484af9b-5792-4e64-8201-f3fd0cd66fec.html">Kim Jong‑un lui a répondu</a> avec des termes très proches de ceux utilisés par le président américain dans sa lettre. Le dirigeant nord-coréen lui fait savoir qu’il a « hautement apprécié le fait que le président Trump a pris une décision courageuse qu’aucun président par le passé n’a su prendre et pour ses efforts en faveur du sommet. » La porte n’est donc fermée d’aucun côté, et les discussions pourront continuer en vue de remettre sur les rails ce sommet qui a tant apporté à la cote de popularité de Donald Trump ces dernières semaines.</p>
<p>On ne peut s’empêcher de penser, toutefois, que si le sommet pouvait juste avoir été retardé de cinq mois, afin de se tenir finalement à quelques jours de l’élection de mi-mandat, en novembre 2018, ce serait une véritable aubaine pour les républicains. Mais personne n’imagine que c’est là une raison possible pour cette suspension brutale, n’est-ce pas ?</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/97260/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
Si le sommet pouvait juste avoir été retardé afin de se tenir finalement à quelques jours de l’élection de mi-mandat, en novembre 2018, ce serait une véritable aubaine pour les républicains.Jean-Éric Branaa, Maître de conférences politique et société américaines et chercheur associé à l'institut Iris., Université Paris-Panthéon-AssasLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/901852018-01-16T21:01:55Z2018-01-16T21:01:55ZDonald Trump à la Maison Blanche : autopsie de la stratégie du chaos<p>La première année de mandat de Donald Trump a été marquée par la détermination du nouveau Président à se concentrer sur les actions en faveur de son propre pays. C’est ce qu’il a appelé « L’Amérique d’abord » (<em>America first !</em>).</p>
<p>Pourtant, ce n’est visiblement pas sur sa réalisation qu’il compte pour se faire réélire. Car cette première année a aussi été marquée par une méthode qui s’est révélée assez conforme à celle qu’il avait utilisée tout au long de sa campagne victorieuse vers la présidence : la stratégie du chaos, dans laquelle il est passé maître.</p>
<p>En agissant ainsi, il cherche d’une part à se rendre difficilement compréhensible, afin de dérouter ses opposants, et d’autre part à maintenir une ambiance de confrontation. Car c’est un lutteur et il sait qu’il affaiblit ainsi ses adversaires pour finir par prendre l’avantage.</p>
<p>Comprendre Donald Trump a longtemps semblé un exercice plutôt difficile. Les commentateurs ont toujours eu beaucoup de mal à suivre la chaîne des événements le concernant qui se succèdent perpétuellement à un rythme affolant, désordonné et sans lien apparent les uns avec les autres.</p>
<p>Or, comme nous le montre ce début d’année, le président des États-Unis n’a visiblement pas l’intention de changer de stratégie en 2018, alors que des élections très importantes (les <em>mid term</em>) auront lieu dans quelques mois.</p>
<p>Pourtant, on peut relier ces événements entre eux et comprendre où voulait – et où veut – en venir le 45<sup>e</sup> Président américain. Pour arriver à démêler le fil de ce désordre bien organisé par Donald Trump, il convient de cheminer par neuf étapes :</p>
<h2>Étape 1 : entrer dans la tête de Donald Trump</h2>
<p>Rien de bien difficile ici ! C’est même l’étape la plus simple puisque le Président agit toujours de la même façon : il répète à longueur de journée les mêmes phrases, qui sont en réalité le décodeur de tout ce qui va guider ses actions.</p>
<p>Or quelle est la phrase la plus prononcée par le 45<sup>e</sup> Président depuis trois ans, celle qu’il a assénée dès sa déclaration de candidature et qui a été le « coup de génie » qui l’a hissé à la première page des journaux, qu’il n’a plus jamais quittée depuis ? Il veut un mur ! Oui, ce mur qui portera certainement son nom un jour, à la frontière sud avec la Mexique, qui sera grand, solide, et aurait dû être payé par les Mexicains, d’après son argumentaire de campagne.</p>
<p>Mais un tel mur doit d’abord être approuvé par le Congrès, car son coût est estimé à près de 30 milliards de dollars et les démocrates n’en veulent pas, justement parce que lui le veut. Cet édifice est devenu un marqueur des deux côtés, un symbole possible de la réussite de l’action du Président ou, au contraire, de la capacité active d’opposition des démocrates. Il y a donc blocage.</p>
<h2>Étape 2 : observer le contexte politique</h2>
<p>Donald Trump était en bonne position au 1<sup>er</sup> janvier 2018 : après un succès au Congrès, où il a fait adopter sa réforme fiscale qui va susciter des baisses d’impôts substantielles pour une grande majorité d’Américains, on pouvait s’attendre à une remontée significative de sa popularité. C’est bien ce qui s’est produit : Trump a à nouveau atteint la cote de 40 % de bonnes opinions, après une chute vertigineuse qui l’avait mené très près du seuil des 30 %.</p>
<p>Mais l’important n’est pas là : la suite s’avère plus coriace puisque la discussion à venir au Congrès va porter sur la réforme de l’immigration avec, en toile de fond, la <a href="http://www.rfi.fr/ameriques/20180115-etats-unis-trump-predit-mort-daca">question des DACA</a>, ces enfants mineurs qui sont arrivés illégalement dans le pays et ont pu y rester grâce à un décret de Barack Obama.</p>
<p>Les démocrates veulent régulariser la situation de ces enfants, qui vivent aux États-Unis parfois dès le plus jeune âge et ne connaissent pas d’autre pays, alors que les républicains les plus virulents demandent leur expulsion pure et simple.</p>
<p>Or les « DACA sont quelque 700 000 et une expulsion massive paraît pour le moins difficile à mettre en œuvre. Un juge s’est invité dans le débat en cours en <a href="http://lemonde.fr/donald-trump/article/2018/01/10/un-juge-americain-bloque-l-abrogation-de-daca_5239562_4853715.html">bloquant temporairement</a> la volonté du gouvernement de mettre fin à ce programme.</p>
<p>Pour faire adopter sa loi sur l’immigration, qui vise à durcir l’entrée sur le territoire américain, à mettre fin au regroupement familial et à stopper le programme de loterie pour les visas, Donald Trump a impérativement besoin du soutien des démocrates : il sait en effet que cette question ne fera pas l’unanimité dans son propre camp. Or pour obtenir un tel soutien, il laisse entendre qu’il pourrait assouplir sa position sur les DACA.</p>
<p>Reste qu’il souhaiterait, dans le même temps, obtenir des démocrates un accord sur le mur. Pour l’heure, ces derniers restent fermes sur le rejet de ce projet, estimant que Trump écoute trop son mentor, Steve Bannon, considéré comme extrême et raciste. De là à considérer que Trump serait raciste lui-même…</p>
<h2>Étape 3 : un événement sans importance survient</h2>
<p>La trêve de Noël n’a pas forcément été de tout repos aux États-Unis. Pendant que tout le pays préparait l’arrivée de Santa Claus et installait des lumières partout, le journaliste Michael Wolff se lançait <a href="https://theconversation.com/le-parti-republicain-un-marecage-a-assecher-pour-donald-trump-89672">dans la promotion de son livre</a> paru tout début janvier.</p>
<p>Publiant son ouvrage juste avant la date du premier anniversaire de la prise effective de pouvoir par Donald Trump (le 20 janvier), Michael Wolff pouvait certes espérer un succès d’estime auprès des plus farouches opposants du Président. Son livre reprenait assez méthodiquement tous les poncifs ou les rumeurs entendus depuis un an, assortis des commentaires ou remarques très acerbes ou ironiques qu’il avait ajoutés lui-même.</p>
<p>Mais ne nous y trompons pas : trois ou quatre livres de cet acabit paraissent tous les mois aux États-Unis, et celui-là n’aurait jamais dû sortir du rayon « current affairs », bien rangé au milieu de tous les autres.</p>
<h2>Étape 4 : création volontaire d’un incident par Donald Trump</h2>
<p>Sauf que le locataire de la Maison Blanche a très violemment réagi contre ce livre, menaçant de le faire interdire. Tout s’est alors emballé à la vitesse d’un feu de brousse et l’éditeur, devant une telle aubaine, a immédiatement livré l’objet de curiosité dans les librairies, avant que l’intérêt aussi soudain qu’inattendu ne retombe.</p>
<p>Bien lui en a pris car au bout de 24 heures il avait écoulé tout son stock et les infortunés clients potentiels qui ont manqué le jour de la sortie doivent désormais patienter deux longues semaines pour le lire ! Bien trop tard pour que cet achat soit encore en prise avec l’actualité brûlante aux États-Unis.</p>
<p>Les lecteurs qui ont pu l’avoir dans les temps ont découvert que les « pépites » du livre figuraient, en réalité, déjà dans tous les journaux : le comportement enfantin du Président, ses goûts culinaires davantage portés sur les hamburgers et ses journées de travail limitées à 9 heures par jour.</p>
<p>Tout cela a presque fait oublier la « sortie » fracassante de Steve Bannon, qui s’en serait pris directement au propre fils du Président, ainsi qu’à sa fille et à son gendre, qualifiant de « trahison » et de « belle connerie » sa rencontre en décembre 2016 avec des officiels russes.</p>
<h2>Etape 5 : L’emballement et la sortie réussie de Steve Bannon</h2>
<p>Le retour brutal dans l’actualité de Steve Bannon aurait dû surprendre. Il n’en a rien été. Au final, le conseiller de Trump aurait déclenché, dit-on, la fureur présidentielle et l’incompréhension chez les supporters de l’un et de l’autre… qui sont souvent les mêmes.</p>
<p>Tout cela ressemblait, toutefois, beaucoup à la sortie théâtrale de Bannon lorsqu’il a été <a href="http://www.rtl.fr/actu/international/etats-unis-trump-limoge-steve-bannon-son-conseiller-influent-et-controverse-7789758921">limogé de son poste à la Maison Blanche</a>. Plusieurs voix démocrates s’étaient alors élevées pour dénoncer une mascarade. Mais comment douter encore alors que la fureur du Président a redoublé, même après les excuses formulées après cinq longues journées de silence par le conseiller. Tout s’est achevé par la démission de Bannon de Breitbart, devenu le média quasi-officiel des supporters de Trump.</p>
<p>On retiendra de cette séquence que Bannon n’est plus – officiellement, du moins – dans l’entourage de Trump ou dans le jeu politique à Washington. Cela a donné au Président un nouvel élan pour entamer des négociations avec les démocrates.</p>
<h2>Etape 6 : la négociation bipartisane</h2>
<p>Tous les Américains en ont été témoins : le Président a tendu la main aux démocrates. Fait très inhabituel, cet épisode s’est déroulé devant les caméras de télévision ! On a aussi entendu une phrase très conciliante du Président assurant qu’il soutiendrait l’accord, quel qu’il soit, issu de ces négociations. Tout paraissait donc parfait dans le meilleur des mondes.</p>
<p>Le groupe de travail réunissant démocrates et républicains a poussé très loin ses travaux, proposant notamment une amnistie pour tous les DACA et leurs parents (qui ont violé la loi en emmenant leurs enfants illégalement) – un plan soutenu par des sénateurs républicains tels que Cory Gardner (Colorado), Jeff Flake (Arizona) ou Lindsey Graham (Caroline du Sud).</p>
<p>En échange, les démocrates ont fait un pas de géant en direction de Donald Trump en acceptant ses propositions pour réformer la politique migratoire : mettre fin au regroupement familial ou à la loterie sur les visas.</p>
<p>Alors ? Tout va bien ?</p>
<h2>Étape 7 : se souvenir de l’étape 1</h2>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/202109/original/file-20180116-53320-1x4vc2v.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/202109/original/file-20180116-53320-1x4vc2v.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=334&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/202109/original/file-20180116-53320-1x4vc2v.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=334&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/202109/original/file-20180116-53320-1x4vc2v.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=334&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/202109/original/file-20180116-53320-1x4vc2v.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=420&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/202109/original/file-20180116-53320-1x4vc2v.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=420&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/202109/original/file-20180116-53320-1x4vc2v.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=420&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Un mur, sinon rien : le leitmotiv de Donald Trump.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://pixabay.com/fr/am%C3%A9rique-mexique-fronti%C3%A8re-1999384/">Pixabay</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Oui, sauf que rien ne serait vraiment clair si on oubliait l’obsession du Président à faire construire un mur sur la frontière avec le Mexique. Ayant quasiment arraché un accord en matière d’immigration, il lui faut désormais parfaire son ouvrage en faisant voter les crédits qui permettront de construire cet ouvrage.</p>
<p>Pour arriver à un accord bipartisan en matière d’immigration, quoi de mieux qu’une nouvelle polémique qui risquait pourtant de ruiner tous les efforts consentis ces derniers jours ?</p>
<h2>Étape 8 : une nouvelle polémique mondiale</h2>
<p>En marge de ces négociations, le Président aurait donc lâché une phrase qui a mis le feu aux poudres, une fois de plus : <a href="http://edition.cnn.com/2018/01/12/opinions/trump-personal-enmity-for-haiti-opinion-joseph/index.html">parlant d’Haïti et de l’Afrique</a>, il s’est demandé « pourquoi ces pays de sacs à merde nous envoient tous leurs ressortissants alors qu’on préférerait en voir arriver de Norvège ? » La phrase a été rapportée par un des participants aux négociations, le sénateur de l’Illinois, Dick Durbin.</p>
<p>Les démocrates ont proposé de troquer le regroupement familial contre l’amélioration du sort des 40 000 Haïtiens qui ont été accueillis sur le sol américain après le terrible tremblement de terre de 2009, et des quelque 150 000 Salvadoriens. Le gouvernement Trump veut en effet tous les renvoyer chez eux. La polémique a été immédiate et mondiale, provoquant un nouveau blocage dans les négociations entre républicains et démocrates.</p>
<h2>Étape 9 : épilogue</h2>
<p>Mais, cette fois, une date limite existe. Donald Trump a lui-même fixé au 5 mars le départ des DACA. Par ailleurs, le budget fédéral, dans lequel Donald Trump veut voir figurer le financement de son mur, doit être accepté avant le 19 janvier. Pour les démocrates, l’enjeu est de taille et, pour protéger ces populations, il va leur falloir calmer leur colère vis-à-vis du Président et retourner très vite à la table des négociations.</p>
<p>Le président va sans nul doute exiger à nouveau le fameux mur, son mur. La pression devenant de plus en plus forte, les démocrates devront renouveler leur réserve d’arguments pour repousser encore une fois cette demande. Car Donald Trump ne se privera pas d’expliquer au peuple américain qu’il a tout fait pour négocier, mais qu’il est décidément bien difficile de le faire avec des gens qui veulent tout bloquer.</p>
<p><em>« Sad ! »</em> [triste !], ajoutera-t-il à la fin de son tweet, s’il le faut. Ou même <em>« very sad ! »</em>[très triste !], car, comme il a désormais l’avantage, il faut bien en rajouter un peu.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/90185/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
La première année de Trump a aussi été marquée par une méthode qui s’est révélée assez conforme à celle qu’il avait utilisée tout au long de sa campagne victorieuse vers la presidence.Jean-Éric Branaa, Maître de conférences politique et société américaines et chercheur associé à l'institut Iris., Université Paris-Panthéon-AssasLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/885952017-12-04T21:06:08Z2017-12-04T21:06:08ZL’ombre de Flynn plane et inquiète la Maison Blanche<p>Beaucoup avaient oublié qu’il y a dans quelque recoin du pouvoir aux États-Unis un procureur spécial, Robert Mueller, qui enquête et poursuit son patient travail de démêlage d’une bobine vraiment très embrouillée, que l’on appelle « l’affaire russe » (<em>Russiagate</em>). Depuis près de deux ans, par petites ou grosses touches, les journaux ne cessent d’en distiller des épisodes. Mais ils sont parfois si différents les uns des autres, et les acteurs dans cette pièce sont si nombreux que peu de gens ont réussi à garder le fil de l’histoire.</p>
<p>D’ailleurs, les Américains, lorsqu’ils sont interrogés à ce sujet, se contentent d’émettre une opinion assez vague, mus par un sentiment qu’effectivement quelque chose n’est pas clair dans cette affaire, sans être forcément convaincus que leur président y est directement et personnellement impliqué. Jusqu’au début de ce mois, les partisans de Trump affirmaient toujours être fermement persuadés – à 75 % tout de même ! – que tout cela <a href="http://www.newsweek.com/trump-voters-want-him-white-house-even-if-russia-collusion-proved-poll-shows-697871">n’était qu’intox politique</a>. L’inculpation de Michael Flynn va-t-elle changer les choses ?</p>
<h2>Le début de la fin ?</h2>
<p>Lorsque ce dernier est entré, vendredi 1<sup>er</sup> décembre, dans le palais de justice fédéral à Washington pour conclure un accord impliquant sa totale coopération avec les enquêteurs, les adversaires les plus farouches de Trump ont immédiatement considéré que cet épisode marquait le début de la fin de sa présidence. L’affaire russe n’est-elle pas, en effet, le meilleur moyen d’atteindre le Président ? A leurs yeux, Flynn pourrait bien se révéler être l’homme qui permettra d’abattre celui qui semblait jusqu’ici indestructible.</p>
<p>Depuis la <a href="http://www.huffingtonpost.fr/2017/10/31/qui-est-robert-mueller-ce-procureur-que-donald-trump-ne-peut-pas-se-risquer-a-virer_a_23261754/">nomination de Robert Mueller</a> à la tête d’une enquête indépendante, ces opposants n’ont jamais douté que Trump finirait en prison. Le magistrat recueille patiemment ses preuves, auditionne les témoins, perquisitionne, se fait communiquer de grandes quantités de documents, y compris de la part de la Maison Blanche. Il prend soin de faire valider ses progrès par le <a href="http://www.lemonde.fr/donald-trump/article/2017/08/04/un-grand-jury-convoque-sur-les-liens-du-clan-trump-avec-la-russie_5168601_4853715.html">grand jury qu’il a constitué</a> et et qui l’autorise à chaque fois à poursuivre un peu plus loin son enquête.</p>
<h2>La possibilité d’un <em>impeachment</em></h2>
<p>Les relations entre la Russie et les États-Unis sont au centre de cette interminable enquête visant à déterminer si le Kremlin a interféré dans le processus démocratique américain en tentant de modifier le résultat des élections présidentielles, et si la campagne de Donald Trump a été impliquée dans cet éventuel scandale. Plusieurs proches du 45<sup>e</sup> président sont régulièrement cités dans ce dossier. Certains ont même déjà été inculpés, comme <a href="http://www.lepoint.fr/monde/ingerence-russe-l-ancien-directeur-de-campagne-de-trump-inculpe-30-10-2017-2168591_24.php">Paul Manafort</a>, l’éphémère directeur de campagne du candidat Donald Trump au début de l’été 2016.</p>
<p>Au vu de la proximité avec l’actuel président de tous ces hommes placés dans le viseur de la justice, nombre d’observateurs estiment élevée la possibilité que le locataire de la Maison Blanche puisse lui-même être emporté dans la tourmente via une procédure d’<a href="https://theconversation.com/donald-trump-et-le-spectre-de-l-impeachment-77962">« impeachment »</a>, prévue par la Constitution.</p>
<p>Avec l’inculpation de Manafort, Robert Mueller détenait déjà un très gros poisson dans ses filets, mais cela semblait ne pas suffire. Avec Michael Flynn qui, rappelons-le, a occupé le poste de ministre à la Sécurité intérieure au sein du gouvernement de Donald Trump, l’étau s’est singulièrement resserré et il n’y a plus beaucoup de monde au-dessus de Michael Flynn dans la hiérarchie du pouvoir à la Maison-Blanche. L’accord de coopération qui lui a été proposé démontre pourtant que le procureur a des visées plus ambitieuses encore.</p>
<h2>Confusion générale</h2>
<p>Il n’est certes pas inconcevable que quelqu’un de très haut placé ait donné l’ordre ou l’autorisation à Flynn d’entrer en contact avec les Russes avant même l’élection de Donald Trump ou pendant la transition. Une telle démarche est totalement interdite en vertu de la <a href="https://www.law.cornell.edu/uscode/text/18/953">loi Logan</a>, qui exclut de négocier avec un gouvernement étranger, à moins d’en avoir reçu l’autorisation officielle de le faire. Flynn, qui a admis <a href="https://www.washingtonpost.com/apps/g/page/politics/read-the-charge-against-former-national-security-adviser-michael-flynn/2263/?tid=a_inl">avoir menti au FBI</a> – ce qui est un délit grave –, est passible d’une peine de prison pouvant aller jusqu’à cinq ans derrière les barreaux.</p>
<p>Reste à savoir qui est cet autre gros poisson que Robert Mueller voudrait bien attraper dans son filet. Brian Ross, un journaliste vedette de la chaîne ABC, a pris un peu rapidement pour argent comptant des informations fragiles qui lui ont été communiquées à ce sujet, désignant le président en personne. Sa chaîne l’a <a href="https://www.nytimes.com/2017/12/02/us/brian-ross-suspended-abc.html">mis à pied pour quatre semaines</a> pour manque de déontologie et de retenue.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"937707389117231104"}"></div></p>
<p>Mais la confusion est devenue générale lorsque Donald Trump a tweeté lui-même qu’il avait renvoyé Michael Flynn parce que ce dernier… avait menti au FBI. Personne n’a oublié les déclarations sous serment de James Comey. L’ancien directeur du FBI a assuré que, <a href="https://www.lexpress.fr/actualite/monde/aerique-nord/james-comey-le-chef-du-fbi-limoge-par-donald-trump_1906855.html">juste avant d’être limogé</a>, le président lui avait demandé expressément de ne pas poursuivre son ministre.</p>
<h2>Échange musclé sur Twitter</h2>
<p>Il n’en fallait pas plus à <a href="https://en.wikipedia.org/wiki/Walter_Shaub">Walter Shaub</a>, l’ancien directeur de la Commission d’éthique du gouvernement, pour s’en prendre à son tour à Donald Trump, lui aussi à travers des messages postés sur Twitter. L’échange a été musclé, et Donald Trump a fini par répondre qu’il n’avait jamais demandé à James Comey d’interrompre son enquête sur le général Flynn.</p>
<p>Reste que désormais, même en considérant que Robert Mueller ne détient aucun élément permettant de faire le lien entre le président des États-Unis et l’affaire russe, le procureur dispose à présent d’un motif pour auditionner Donald Trump en raison d’une suspicion d’obstruction à la justice.</p>
<p>L’affaire est donc très loin d’être terminée. Et tandis que Trump continue à parler de <a href="http://www.huffingtonpost.fr/2017/05/18/donald-trump-denonce-une-chasse-aux-sorcieres-et-dement-tout-lie_a_22098127/">« chasse aux sorcières »</a>, ses opposants se reprennent à espérer cette destitution qu’ils appellent de leurs vœux depuis le premier jour de sa présidence. Encore une fois un peu trop vite, d’après l’avocat personnel de Donald Trump, John Dowd, qui fait une interprétation totalement inédite de la Constitution et affirme que son client ne peut pas être accusé d’obstruction à la justice puisqu’il est « le garant de la justice » d’après l’Article II. l’argument est hardi. Qu’en pensera le procureur Mueller ?</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/88595/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
Lorsque Michael Flynn est entré dans le palais de justice à Washington, les opposants les plus farouches en ont immédiatement déduit que cet épisode marquait le début de la fin pour Trump.Jean-Éric Branaa, Maître de conférences politique et société américaines, Université Paris-Panthéon-AssasLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/863602017-10-25T19:47:18Z2017-10-25T19:47:18ZAvant de nettoyer le bourbier de Washington, Trump a lessivé le Parti républicain<p>Tout le monde avait compris qu’après une campagne menée clairement contre lui par de très nombreuses personnalités de son propre camp, il était primordial pour Donald Trump de prendre le contrôle de la machine électorale indispensable que représente le Parti républicain. Sa stratégie d’une prise de contrôle est maintenant bien connue : il commence toujours par <a href="https://theconversation.com/les-hommes-du-president-trump-68721">consolider sa base la plus proche</a>. À partir de là, il s’attaque aux maillons les plus faibles, un par un, en les isolant et en ne lâchant plus sa proie.</p>
<p>Pour soumettre le parti, il a ainsi commencé par appeler auprès de lui celui qui en était le dirigeant pendant la campagne, <a href="https://www.challenges.fr/monde/etats-unis/qui-est-reince-priebus-nouveau-secretaire-general-de-la-maison-blanche_438291">Reince Priebus</a>. Alors, ayant le champ libre et fort de l’aura de la victoire, il l’a remplacé par quelqu’un qui partageait totalement ses idées et qui surtout lui avait été loyal : <a href="http://www.washingtontimes.com/news/2017/jun/11/ronna-romney-mcdaniel-rnc-chair-rnc-will-defend-pr/">Ronna Romney McDaniel</a> a hérité de la difficile mission de resserrer les rangs autour du Président.</p>
<p>Le Parti républicain, sonné par une campagne au cours de laquelle tous ses champions ont été terrassés les uns après les autres, n’a plus été en capacité de s’opposer à la mise sous tutelle. <em>L’establishment</em>, maintes fois brocardé par le vainqueur de l’élection, a disparu du devant de la scène à Washington et les factions les plus conservatrices ont eu une parole plus libre et des coudées plus franches.</p>
<h2>Que reste-t-il du parti ?</h2>
<p>Mais alors, que reste-t-il du Parti républicain plus traditionnel, de celui qui a porté à la Maison-Blanche tous les prédécesseurs de Donald Trump issus de ce camp-là ? Beaucoup se demandent, en effet, s’il existe encore et, si tel est le cas, s’il pourra survivre à cette présidence. Car voilà bien l’enjeu aujourd’hui.</p>
<p>L’annonce de la retraite parlementaire du sénateur de l’Arizona <a href="https://en.wikipedia.org/wiki/Jeff_Flake">Jeff Flake</a>, qui intervient quelques semaines à peine après celle de <a href="https://en.wikipedia.org/wiki/Bob_Corker">Bob Corker</a>, le sénateur du Tennessee et puissant président de la Commission des Affaires étrangères pendant de longues années, ne rend que plus critique le danger qui plane sur ce parti. Ce dernier paraît n’être plus qu’une carcasse, après avoir été brutalement abattu le 8 novembre dernier, par l’élection de Trump.</p>
<p>Jeff Flake, en cowboy courageux, avait voulu faire vivre ce Parti devenu un vestige du passé, et il s’est dressé sur la route du bouillant candidat, osant l’affronter, le critiquer et n’hésitant pas à consigner ses réflexions les plus désagréables dans un livre, <a href="https://books.google.fr/books?id=r6QrDwAAQBAJ&printsec=frontcover&dq=jeff+flake&hl=en&sa=X&ved=0ahUKEwiT8v3h74vXAhXJa1AKHeikB2YQ6AEIJjAA#v=onepage&q=jeff%20flake&f=false">paru au début de l’été</a>. Cela devait sonner le rassemblement, pensait-il, de tous les autres intrépides qui voudraient bien se joindre à lui pour reconstruire le bateau républicain et repartir de plus belle.</p>
<h2>Tous sur la sellette !</h2>
<p>Oui, mais voilà, ses collègues sont peut-être des braves, mais peu d’entre eux se révèlent téméraires. Flake ne peut que constater, aujourd’hui, qu’il a donc négligé un adage pourtant très sage qui dit qu’en politique il ne faut porter un coup que lorsqu’on est en position de force.</p>
<p>Or ce n’était pas son cas, loin s’en faut, ni celui de bon nombre de ses amis susceptibles de lui prêter main-forte : en novembre 2018, un tiers du Sénat et la totalité des représentants <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89lections_de_mi-mandat_aux_%C3%89tats-Unis">reprendront le chemin des campagnes</a> afin d’aller chercher une réélection qui, désormais, n’est plus acquise d’avance, comme c’était le cas traditionnellement. Celui qui est fort aujourd’hui, c’est le Président, ce Trump que Corker et Flake avaient tenté d’arrêter pendant la dernière campagne présidentielle avec un slogan tout aussi incantatoire qu’inoffensif : « Never Trump », « Jamais Trump ».</p>
<p>S’attaquer à lui, on le sait bien maintenant, c’est assurément s’exposer à un retour de bâton, car Donald Trump, plus que tout autre, aime se battre. Et il dit souvent, également, qu’il n’oublie jamais le tort qui lui a été causé.</p>
<h2>Compromis par le populisme</h2>
<p>Jeff Flake, encore plus qu’un autre, courait sans doute à sa perte en novembre 2018 : Donald Trump avait juré de le faire battre et avait annoncé qu’il mettrait dix millions de son propre argent pour y arriver. Steve Bannon, qui semble toujours être le conseiller le plus proche du Président, même s’il a quitté la Maison-Blanche l’été dernier, avait assuré la campagne de celle qui sera très certainement sa remplaçante, <a href="https://en.wikipedia.org/wiki/Kelli_Ward">Kelli Ward</a>, une trumpiste pur jus. Les électeurs conservateurs de l’Arizona l’ont d’ailleurs déjà adoptée, si on en croit les sondages, qui la donnent tous gagnante dans un an avec près de 70 % des voix.</p>
<p>Le constat n’en a été que plus cruel pour Flake : le Parti républicain de l’Arizona n’est plus celui de <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/John_McCain">John McCain</a> et de Jeff Flake, mais bien celui de Donald Trump.</p>
<p>Jeff Flake a ainsi <a href="https://the1a.org/shows/2017-09-13/jeff-flake">tristement constaté</a> :</p>
<blockquote>
<p>« En 1960, <a href="http://www.washingtonpost.com/wp-srv/politics/daily/may98/goldwater30.htm">Barry Goldwater</a> estimait que le New Deal avait compromis le mouvement conservateur et le Parti républicain. 57 ans plus tard, je crois que le mouvement conservateur et le Parti républicain sont compromis par le populisme. »</p>
</blockquote>
<p>Et d’ajouter :</p>
<blockquote>
<p>« Il n’y a peut-être pas de place pour un républicain comme moi dans le climat républicain actuel ou le Parti républicain actuel. »</p>
</blockquote>
<p>À son tour, il a tenté une dernière dénonciation dans une prise de parole au sénat qui lui a permis de dire que ce Président est dangereux pour la démocratie. Mais qui l’aura écouté ?</p>
<h2>La machine est lancée</h2>
<p>En réalité, le jeu politique évolue rapidement et tous les acteurs jouent un rôle à leur place : sur <a href="http://www.foxnews.com/politics/2017/10/24/gop-sen-jeff-flake-says-wont-seek-re-election-in-2018.html">Fox News</a> (chaîne très conservatrice), les commentateurs ont presque plaint ce pauvre sénateur qui s’est mis hors jeu, d’après eux, et n’a pas su soutenir le Président choisi par le peuple. On a aussi rappelé que Bob Corker n’a pas reçu le soutien de Trump pour les prochaines élections et qu’il est donc amer. Corker a bien tenté de nier cette version, mais comme le président l’a tweeté, cela ne peut être que vrai…</p>
<p>Après son coup d’éclat, Jeff Flake a reçu le soutien des démocrates, heureux de l’aubaine, mais cela a fini de le décrédibiliser. Les autres sénateurs ont compris qu’il leur fallait faire le moins de vagues possible. Pendant ce temps, l’ancien candidat à la présidentielle, <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Lindsey_Graham">Lindsey Graham</a>, pourtant bien prompt jusque-là à affronter Donald Trump, a vanté au contraire les mérites de ce Président qui est en bien meilleure posture que Bush et Obama pour réaliser la réforme des impôts dont le pays a besoin.</p>
<p>John McCain a repris ses dernières critiques sur les réformés de l’armée à l’époque de la guerre du Vietnam, lorsqu’il assurait que certains étaient alors assez riches pour se payer les services d’un médecin qui leur trouvait une maladie : <a href="http://www.latimes.com/politics/washington/la-na-pol-essential-washington-updates-mccain-issues-veiled-criticism-of-1508760526-htmlstory.html">« Cela n’avait aucun rapport avec Donald Trump »</a>, a-t-il assuré.</p>
<p>Avec ces deux défections d’importance, Trump n’a plus besoin de menacer qui que ce soit. Tout est clair. Alors le parti se met gentiment en ordre de marche pour les prochaines élections de mi-mandat, en novembre 2018. La priorité est maintenant de gagner le plus de sièges possible. Pour le reste, on verra plus tard. Peut-être.</p>
<hr>
<p><em>Jean‑Éric Branaa vient de publier « Trumpland : portrait d’une Amérique divisée », éditions Privat.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/86360/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
Que reste‑t‑il du Parti républicain qui a porté au pouvoir les prédécesseurs de Donald Trump issu de ce camp ? Beaucoup se demandent s’il existe encore ou s’il pourra survivre à cette présidence.Jean-Éric Branaa, Maître de conférences politique et société américaines, Université Paris-Panthéon-AssasLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/801492017-06-27T12:33:25Z2017-06-27T12:33:25ZDonald Trump et les décrets migratoires, victoire partielle<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/175806/original/file-20170627-24741-1qn8nvi.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le siège de la Cour suprêmeà Washington (mars 2017).</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/tabor-roeder/33339382532/in/photolist-SN63Ud-7hkkzb-cjK2zL-7aLw76-T2SxdT-pfPjKq-pziWop-7hg7wR-t3Wyx-meLs1W-2naEa5-bGzQKn-49HGS-4qUURa-btF4E7-btF43Q-pP6ZFb-bGzRJr-6rgFof-bGzSmT-btF3nW-5UiyB7-smPo66-9u5gTY-7tLNFt-q28iSH-7CZBSV-9sMMC6-9sMQEz-REDDY2-btF93A-4qYZms-4qUUHr-6K2mxv-7hg7Rv-7hgpQz-bGzR4k-SCGs-5AG3vS-7Efws7-bGzQox-btF8MU-dDAJ22-7jbGfs-7j7Nt8-7hgpiB-pnBdhM-FMuzj-pkMxe2-5wems4">Phil Roeder/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span></figcaption></figure><p>La plus haute Cour américaine a statué, le 26 juin 2017, sur les très controversés décrets migratoires. Saisie en dernier recours par le président des États-Unis, elle a rendu une première décision qui ne peut que ravir l’hôte de la Maison-Blanche puisqu’elle lui a, sur le fond, donné raison : c’est bien à lui que revient le soin de définir la défense et la diplomatie du pays – ce pouvoir lui est dévolu de par la Constitution. Il peut donc interdire l’entrée à des étrangers s’il estime que la sécurité nationale en dépend.</p>
<p>En revanche, la haute instance a assorti son avis d’une restriction importante : ceux qui vivent déjà aux États-Unis doivent pouvoir voyager librement. Ils doivent également pouvoir être rejoints par leurs proches. Par extension, il ne sera pas possible d’interdire l’entrée aux étrangers qui ont de la famille aux États-Unis. <a href="http://www.lepoint.fr/monde/decret-migratoire-la-cour-supreme-accorde-une-semi-victoire-a-trump-26-06-2017-2138420_24.php">C’est donc une victoire partielle pour Donald Trump</a>.</p>
<h2>Chaos sans précédent dans les aéroports</h2>
<p>Fin janvier, le Président avait commencé son mandat avec fracas en <a href="http://www.lemonde.fr/donald-trump/article/2017/01/30/que-dit-le-decret-anti-immigration-de-donald-trump_5071811_4853715.html">signant un premier décret</a> interdisant aux ressortissants en provenance de sept pays – la Syrie, l’Iran, l’Irak, la Libye, le Yémen, le Soudan et la Somalie – d’entrer aux États-Unis. L’application immédiate du décret avait créé un chaos sans précédent, alors <a href="http://www.la-croix.com/Monde/Ameriques/Le-decret-migratoire-Donald-Trump-seme-confusion-discorde-2017-01-30-1200821170">que des milliers de gens étaient bloqués dans les aéroports</a>, dont des familles, des personnes âgées, des enfants ou des bébés. Plusieurs juges fédéraux avaient alors pris des décisions contre ce décret, puis contre celui qui lui a succédé (n’incluant plus l’Irak), et les décisions prises en Cours de district avaient <a href="http://www.parismatch.com/Actu/International/La-suspension-du-decret-migratoire-de-Trump-maintenue-par-la-cour-d-appel-1185191">trouvé une confirmation dans les instances d’appel</a>.</p>
<p>Mais tout n’est pas perdu pour les opposants à ce décret, qui ont formé des recours sur le caractère antireligieux, selon eux, de cette décision de l’exécutif <a href="http://www.lefigaro.fr/international/2017/03/16/01003-20170316ARTFIG00020-nouveau-revers-pour-donald-trump-son-decret-migratoire-bloque-une-seconde-fois.php">au nom de la clause dite de l’établissement</a>, à savoir la liberté religieuse, contenue dans l’article 1 de la Constitution. Mais il faudra attendre un peu pour savoir si leur demande est entendue : les juges suprêmes ont renvoyé l’étude du fond au mois d’octobre.</p>
<p>En attendant leur réponse, les restrictions voulues par Donald Trump pourront être mises en œuvre et le décret interdisant l’entrée aux États-Unis aux habitants de ces pays s’appliquera désormais vis-à-vis de quiconque « n’a pas établi de relation de bonne foi avec une personne ou une entité aux États-Unis ».</p>
<h2>Triomphe modeste</h2>
<p>Dans une déclaration officielle, le président a immédiatement salué ce qu’il a appelé une victoire pour la sécurité. Pas de tweet posté immédiatement pour se vanter. Le message victorieux a été très mesuré et n’a été publié qu’une dizaine d’heures plus tard. Car il s’agit de ne pas froisser la Cour avant qu’elle ne statue définitivement, ou de calmer le jeu après <a href="http://www.lemonde.fr/donald-trump/article/2017/02/14/depuis-l-arrivee-de-donald-trump-une-maison-blanche-sous-tension_5079403_4853715.html">des tensions qui ont été très fortes</a>.</p>
<p>Il est fort probable, toutefois, que la décision qui interviendra au final ne gênera pas beaucoup le Président dans la mesure où la mise en application de l’avis du 26 juin prendra effet très vite, à peine 72 heures après sa publication. Comme le décret vise à réévaluer les procédures d’attribution des visas pour ces pays à majorité musulmane, il avait été spécifié, dès le mois de janvier, que le temps nécessaire pour une mise à niveau de la sécurité n’excéderait pas 90 jours. Tout sera donc terminé avant que les différentes parties ne se retrouvent à nouveau devant les juges, le 2 octobre prochain.</p>
<p>La difficulté principale qui surgira certainement portera sur la définition des liens que les candidats à l’entrée aux États-Unis auront désormais à justifier : la Cour a évoqué des liens <em>bona fide</em> (de bonne foi), une définition qui est elle-même largement sujette à interprétation par les autorités en charge de l’immigration. Si ce n’est pas difficile à établir pour des liens objectifs, comme la parenté directe, on imagine que quelques tensions émergeront à propos de liens plus subjectifs : une négociation avec une entreprise ou la nécessité de poursuivre des études ou des recherches aux États-Unis plutôt que dans le pays d’origine.</p>
<h2>Les leçons de cet épisode</h2>
<p>En définitive, c’est une bonne opération pour Donald Trump qui a pu, par ailleurs, juger sur pièce que son choix de nommer <a href="http://www.huffingtonpost.fr/jean-eric-branaa/cour-supreme-disparition-antonin-scalia_b_9232800.html">Neil Gorsuch en remplacement d’Antonin Scalia</a> avait été le bon.</p>
<p>Reste que Donald Trump aura appris avec cette affaire que son pouvoir n’est pas sans limites et que les citoyens peuvent se tourner vers les juges pour que soit revue chacune de ses décisions. C’est une leçon importante et dont il devra tenir compte pour la fin de son mandat.</p>
<p>C’est aussi un enseignement précieux pour les conservateurs, alors que Washington, D.C. bruisse des rumeurs de la démission très prochaine du juge <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Anthony_Kennedy">Anthony Kennedy</a>, âgé de 81 ans. Ce dernier est peut-être également un conservateur, qui a été nommé par Ronald Reagan en 1988, mais il est surtout un juge très « activiste », qui a fréquemment voté avec les progressistes sur des questions de société. C’est d’ailleurs lui qui a fait pencher la balance en <a href="http://www.scotusblog.com/case-files/cases/obergefell-v-hodges/">faveur du mariage gay</a> : c’était il y a deux ans, également un 26 juin.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/80149/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
La cour a statué : responsable de la sécurité nationale, le président est en droit d’interdire l’entrée du territoire à certains ressortissants. Mais la Cour suprême a rejeté certaines dispositions.Jean-Éric Branaa, Maître de conférences politique et société américaines, Université Paris-Panthéon-AssasLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.