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Commencer le running sans se blesser, mode d’emploi

Si les statistiques disent vrai, plusieurs millions de nouveaux coureurs ont chaussé leurs baskets pour la première fois début janvier. Et si vous êtes l’un d’entre eux, vous êtes sur la bonne voie pour devenir plus rapide, plus fort, plus résilient, plus intelligent et plus empathique que lorsque vous vous êtes réveillé avec la gueule de bois au Premier de l’an, animé d’une solide résolution sportive. Alors, avec de telles perspectives, pourquoi des millions de coureurs abandonnent-ils au bout de quelques semaines de course ? C’est que, pour le corps, le premier mois de running est tellement truffé d’obstacles qu’il pourrait décourager les plus téméraires. Si vous lisez ceci, vous devriez passer le cap du mois de janvier, et même continuer à courir au-delà.

Au cours de votre toute première course, votre corps comprend soudain qu’il va devoir se renforcer pour prendre de nouvelles habitudes sportives. Notre système musculaire répond bien à ce nouvel effort ; il peut commencer à s’autoréparer et à se renforcer en quelques jours seulement. Et, comme le cœur et les poumons font partie de ce système, leurs capacités s’améliorent rapidement aussi. Après seulement quelques sorties, le système cardio-vasculaire devient plus efficace, et vous vous sentez déjà plus en forme et plus fort. C’est précisément pourquoi tant de coureurs débutants rencontrent des difficultés au cours de leurs premières semaines d’entraînement : la tragédie, c’est que les tissus mous, comme les tendons et les ligaments, restent aussi fragiles que quand vous avez couru pour la première fois. Ils mettent plus longtemps à se réparer et à se renforcer que les muscles. Ainsi, au bout de dix jours de running, ils ne se seront adaptés qu’aux efforts exigés par votre toute première course.

Le système « Boucles d’Or »

Pour que l’entraînement porte ses fruits, il faut que les tissus mous soient légèrement mis à l’épreuve et abîmés, selon un système que j’ai nommé « Boucles d’Or » à cause des 3 paliers qu’il faut connaître (qui font penser aux 3 ours de taille différente du conte de fées du même nom).

Si ces tissus ne sont pas sous pression avec l’entraînement, alors ils ne peuvent pas s’adapter (mais ils le sont forcément chez le coureur débutant). A contrario, s’ils sont trop sollicités (ce qui se produit quasiment à coup sûr chez les nouveaux coureurs), vos tendons risquent de vous lâcher rapidement.

Au cours des premières semaines d’entraînement, vous devez garder en tête que vos tendons et vos ligaments ont au moins 10 à 14 jours de retard par rapport à votre ressenti cardio-vasculaire.

Et même si vous avez été prudent, et que vous avez réussi à passer le cap des premières semaines sans trop en demander à vos tendons et à vos ligaments, qui sont encore en train de lutter pour s’adapter, il y a un troisième processus physique en jeu, qui s’inscrit dans une temporalité plus longue encore.

Depuis le XIXe siècle, on sait grâce à la loi de Wolff que les os sont capables de s’adapter à des charges de plus en plus lourdes au fil du temps. Imposer de nouvelles exigences aux os les stimule et les pousse à se renforcer. Par le mécanisme de la mécanotransduction, les os convertissent les indicateurs physiques de forces et de stress en indicateurs chimiques qui stimulent leur réparation, en cassant leur structure pour en reconstruire une plus solide. Mais c’est là un processus bien plus long que celui qui concerne les tissus mous et conjonctifs.

Même s’il peut paraître surprenant qu’après deux semaines d’entraînement, vos os soient toujours ceux d’un non-coureur, c’est en réalité encore pire que ce que vous croyez. Le renforcement des os nécessite la destruction d’une partie de sa structure (par des cellules nommées ostéoclastes) pour se reconstruire. Donc, au cours de votre troisième semaine de running, alors que vous vous sentez fort et en forme, avec des tissus mous qui commencent à s’adapter doucement, vos os sont en fait encore plus faibles que quand vous avez commencé. Au cours de la quatrième semaine, vos os ont réussi à s’adapter aux dégâts causés par votre première semaine d’entraînement et sont donc un tout petit peu plus solides. Contrairement à l’idée reçue, la course est bénéfique pour les os. Mais l’adaptation de leur densité au fil des semaines d’effort reste relativement lente.

Avec ces différents processus à l’œuvre selon des cycles désynchronisés, le coureur débutant doit faire attention à ne pas se ruer trop passionnément dans la course, au risque de provoquer une fracture de fatigue. Si vous venez juste de commencer, ça vaut le coup de garder en tête le système « Boucles d’Or ». Souvenez-vous que personne ne s’est jamais blessé pour en avoir fait trop peu. Le feedback physique le plus clair que l’on reçoit quand on court est celui du système cardiovasculaire. A chacune de vos sorties, il s’améliorera, mais vous devez vraiment abandonner l’idée selon laquelle vos capacités cardiovasculaires sont un indicateur de votre forme générale – ce n’est pas le cas. C’est juste la partie visible de l’iceberg.

Tandis que vous courez, votre corps fournit un travail de titan pour accomplir des miracles sous votre peau, afin de s’adapter à votre nouvelle vie sportive ; alors soyez sympa avec vous-même, allez-y doucement, appréciez vos progrès, et donnez à votre corps l’espace et le temps dont il a besoin comme je le suggère dans un livre (en anglais) paru l’an dernier. Ainsi, vous devriez toujours courir quand vous entamerez le mois de février.

This article was originally published in English

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