Alors qu’il peut être de plus en plus difficile de recruter certains profils, la localisation fait partie des critères de choix. Mais du point de vue des salariés, une bonne localisation ne se réduit pas à la minimisation du temps de transport entre le domicile et le travail. Focus sur les différentes dimensions de la localisation et ses variations d’un pays à l’autre de l’Europe.
Selon l’Insee, la crise du COVID-19 et la généralisation du télétravail, puis son intégration au mode de travail hybride auront notamment eu pour conséquence d’inciter des habitants de grandes métropoles à déménager pour des régions plus éloignées de leur lieu de travail afin de gagner en qualité de vie).
Ce constat met en exergue l’importance que revêt la localisation des entreprises en montrant que lorsque le besoin de se rendre dans les locaux de son employeur baisse, la donne change et d’autres considérations entrent en jeu pour les individus. Toutefois, la proximité géographique n’est qu’une facette de la localisation, qu’en est-il de ses autres aspects pour les employés, dans les principaux pays européens ?
Une perception souvent floue
De nombreux critères peuvent entrer en considération lorsqu’une entreprise choisit une localité particulière pour y placer des bureaux, comme d’éventuels avantages fiscaux, son image de marque, la proximité de ressources ou encore celle d’autres entreprises du même secteur d’activité afin d’accélérer la reconnaissance du public. En revanche, la façon dont ce choix sera perçu par ses employés, actuels comme futurs, demeure floue, car les recherches sur cette dimension particulière des espaces organisationnels restent encore aujourd’hui peu développées, à la faveur d’autres enjeux davantage internes comme la qualité des espaces de travail, les lieux de relations informelles.
En nous basant sur une définition récente de ce concept dans le contexte spécifique du travail, nous avons tenté de mesurer l’importance que les individus accordent à la localisation de leur entreprise, en nous demandant par ailleurs s’il existe des différences entre les Européens sur cette question ?
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Une étude européenne
Pour apporter des éléments de réponse, nous avons mené une étude quantitative auprès de salariés d’entreprise en France, en Allemagne, en Italie et au Royaume-Uni qui ont été invités à répondre anonymement à un questionnaire en ligne. L’échantillon final de l’étude est composé de 2025 participants (France = 504, Allemagne = 507, Italie = 504, et Royaume-Uni = 511), dont 51 % de femmes, avec un âge moyen de 44 ans.
La notion de localisation a été décomposée en six principaux aspects : la facilité d’accès par les transports en commun, la densité générale de la circulation autour du lieu de travail, la proximité avec le domicile, les restaurants disponibles aux alentours de l’entreprise, le caractère agréable du voisinage de l’entreprise, et enfin la présence de lieux dédiés aux activités après le travail (salles de sports, centres commerciaux, etc.). Puis, les participants ont été invités à évaluer l’importance de chacun de ces aspects sur une échelle allant de 1 = pas du tout important à 5 = extrêmement important.
Un consensus se dégage…
En examinant les items qui définissent la localisation, il devient possible de les classer en deux catégories thématiques : le temps de transport (circulation, transports en commun, proximité du domicile) et les aménités du lieu (voisinage, restaurants, lieux de détente après le travail). Nos résultats, synthétisés dans le tableau suivant, montrent qu’il existe un consensus parmi les pays sélectionnés pointant l’importance particulière des aspects relatifs au temps de transport, et nous relevons que la proximité avec le domicile reste une considération très forte notamment en Allemagne et en Italie, c’est-à-dire deux des pays européens où le télétravail se pratique le moins selon les statistiques 2023 de l’Union européenne (voir Eurofound, 2023).
En revanche, la présence d’endroits dédiés à des activités après le travail, tels que des salles de sport, de centres commerciaux, ne constitue pas un avantage important pour les participants. Enfin, le caractère agréable du voisinage du lieu de travail – expression qui vise essentiellement la perception des individus et dont les critères peuvent donc varier d’une personne à une autre – est l’aspect le plus décisif dans la catégorie des aménités.
Note : Le graphique présente les scores moyens d’importance pour l’item évalué (échelle Likert, 1 = pas du tout important à 5 = extrêmement important)
Des différences s’affirment
Ces résultats montrent également qu’il existe des différences significatives entre les pays sélectionnés. Ainsi, la présence de lieux pour des activités après le travail est moins importante pour les participants allemands que pour ceux des trois autres pays. De la même façon, la notion de voisinage agréable prime moins en France que dans les autres pays.
Nos résultats pourraient naturellement être affinés avec plus de données, néanmoins ils permettent déjà de mettre en avant quelques pistes de réflexion à considérer pour les entreprises. En premier lieu, les aménités de la localisation importent moins pour les individus que leur temps de transport – qu’il s’agisse de moyens de locomotion publics ou privés ne change pas la donne – et que cet aspect tend à être moins décisif s’il y a des possibilités régulières de télétravail dans l’organisation.
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Par ailleurs, si le voisinage de l’entreprise doit être perçu comme plaisant par les employés, il n’est pas nécessaire pour autant de considérer les lieux de détente qui s’y trouvent pour l’après-travail, ceux-ci seront certainement davantage pris en compte à proximité du domicile que du lieu de travail. Enfin, quant aux possibilités de restauration avoisinantes, elles restent relativement importantes (notamment en France) malgré le fait que l’écrasante majorité des organisations proposent en leur sein des solutions pour déjeuner, suggérant ainsi que la possibilité de sortir de son cadre de travail pendant la pause méridienne est, en fait, loin d’être négligeable.