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Comment crédibiliser davantage les responsables diversité dans l’entreprise

Les professionnels de la diversité éprouvent parfois un sentiment d’impuissance dans leur action. Wavebreakmedia/Shutterstock

Une simple recherche sur les réseaux sociaux ou sur les sites des entreprises confirme la présence de plus en plus affirmée de nouvelles fonctions dans les grandes entreprises privées et publiques, les grandes écoles ou encore les universités : responsable diversité, chargé de mission diversité, responsable RH diversité et mission handicap, chargée de projets RSE-diversité, etc. Titres divers, mais toujours avec mission de promouvoir la diversité et de mettre en place des initiatives visant l’inclusion des catégories de personnes sous-représentées auparavant.

La gestion de la diversité est en effet devenue la philosophie managériale dominante, centrée à la fois sur le respect d’une législation grandissante et sur les bénéfices stratégiques pour les entreprises. Elle a été lancée aux États-Unis dans les années 1980 pour atteindre l’Europe dans les années 2000. Cette philosophie revendique la célébration de talents divers, qu’ils soient hommes ou femmes, issues de minorités ethniques, d’origines variées, ou encore handicapés, pour que tout le monde puisse trouver sa place dans l’entreprise.

En France, la législation – croissante – se voit renforcer par des initiatives volontaires, telles la Charte et le Label Diversité. Ces développements, ainsi que l’existence de catégories professionnelles officiellement reconnues, favorisent l’émergence de métiers spécifiques dans le domaine pour permettre aux entreprises de répondre à la nouvelle conjoncture de façon adéquate. En 2013, la fonction de « responsable diversité » a même été inscrite dans le référentiel des métiers de la fonction RH de l’Association pour l’emploi des cadres (Apec).

Caractéristiques distinctes

La traduction dans les faits de ces initiatives destinées à promouvoir et renforcer la diversité, encore relativement récentes, dépend maintenant en grande partie du degré de légitimité de ces métiers à conduire un véritable changement des mentalités et des pratiques organisationnelles.

Un certain nombre de facteurs positifs favorisent aujourd’hui le travail des professionnels, aussi bien en interne qu’auprès des parties prenantes dans la société au sens large. D’abord, de véritables réseaux d’acteurs et de passionnés par ces sujets se sont mis en place sur tout le territoire français : mairies, préfectures, ministère du Travail, ou encore un grand nombre d’associations, des fédérations d’entreprises, des institutionnels, des cabinets de conseil et des établissements d’enseignement supérieur.

Comme pour d’autres métiers émergents, il y a une certaine « informalité ». Dans les limites de leur mandat et leur budget, les professionnels de la diversité font appel « à la carte » à des experts de ces réseaux selon les initiatives qu’ils souhaitent mettre en place. La légitimité des acteurs est également renforcée par leur appartenance à une communauté de professionnels aux caractéristiques distinctes dans les ressources humaines. Ce positionnement rend leur travail singulier et difficile à répliquer.

Sentiment d’impuissance

Or, des études récentes ont démontré que les professionnels de la diversité perçoivent des limitations dans leur entreprise pour mener à bien leurs missions et faire évoluer les mentalités et les pratiques de manière durable. Ils éprouvent parfois un sentiment d’impuissance et d’épuisement face à des résistances à tous niveaux. Certains s’angoissent même pour leur carrière car ils appréhendent être « casés » dans une fonction sans véritable pouvoir ou autonomie ni futurs débouchés.

Les études confirment que les organisations qui favorisent la diversité sont plus performances que les autres. Rawpixel/Shutterstock

Ces frustrations relèvent d’une part de la lutte pour obtenir des ressources et contre les structures existantes. Dans encore bien des entreprises, la fonction diversité n’est pas considérée comme stratégique. Elle est davantage établie sous la pression légale à traiter le sujet. La mission clé des professionnels de la diversité est de transformer les entreprises en remettant en cause leurs structures et leurs fonctionnements ainsi que les individus, ce qui suscite des tensions et des résistances.

Lorsque le management n’est pas pleinement impliqué et n’octroie pas les moyens financiers et autres pour cette transformation, les responsables diversité doivent relever seuls les défis. D’autre part, étant souvent des passionnés des sujets sur la diversité, ces professionnels ont tendance à se surinvestir. Le décalage entre leurs responsabilités et leur réel pouvoir à déclencher et faire perdurer de réels changements peut résulter en « charge mentale » lourde et le sentiment d’être comme des « hamsters dans leur roue ».

La résistance au changement est une réaction humaine normale aux forces extérieures susceptibles de modifier les relations existantes, même lorsque ces situations ne sont pas nécessairement optimales. Cette résistance provient aussi bien des individus que des structures organisationnelles existantes, de la culture organisationnelle, ou encore de l’incompatibilité des objectifs des différents décisionnaires et parties prenantes.

Comment lever les freins ?

Pour promouvoir de tels changements et lever les freins qui les bloquent au quotidien, les responsables diversité peuvent agir de plusieurs manières. Ils peuvent s’appliquer à convaincre la hiérarchie de l’importance de leur mission pour le succès de l’entreprise, ainsi que travailler sur l’étendue de leurs propres ambitions, le temps nécessaire pour changer le statu quo, et leurs approches transformationnelles.

L’appui de la direction est important, car elle valide les initiatives diversité et fournit l’accès aux ressources. Les responsables diversité peuvent ainsi construire un « business case de la diversité » qui à la fois s’aligne avec la stratégie de l’entreprise et met en évidence des dysfonctionnements auxquels leurs initiatives pourraient remédier. Ils peuvent aussi présenter des exemples de succès de leurs initiatives ou s’appuyer sur des bonnes pratiques déjà testées.

D’autre part, les responsables diversité peuvent revoir le contenu de leurs missions et les échéances qu’ils se sont fixées afin de les rendre plus réalistes et adaptés au stade d’avancement de leur entreprise dans ces thématiques. Ainsi, ils se repositionneraient plus en phase avec la structure et ses dirigeants, et pourraient ainsi obtenir des gains probablement plus modestes mais tout de même tangibles.

Enfin, les responsables diversité pourraient envisager les sujets à traiter, non comme concernant des groupes spécifiques d’employés, mais de manière transversale afin d’identifier des problématiques communes. À cela s’ajouteraient une stimulation par les responsables diversité de la coopération et l’interdépendance des employés dans leurs projets ainsi que la recherche d’un équilibre entre respect pour les individus et culture commune. Des indicateurs quantitatifs et qualitatifs pourraient mesurer les perceptions vis-à-vis de l’inclusion et le sentiment d’appartenance.

Pour qu’ils réussissent, les organisations devraient offrir aux responsables diversité reconnaissance et des moyens pour y parvenir, d’autant plus que le discours a déjà changé dans la société et que la diversité et l’inclusion sont devenues incontournables pour les entreprises de l’avenir.

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