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Pete Pedroza/Unsplash

Comment maîtriser son identité numérique

De nos jours, il est fréquent que la rencontre en ligne précède la rencontre réelle. Par exemple, si un ami nous parle de quelqu’un, notre premier réflexe est de chercher cet individu sur Google. Autre cas habituel, avant un entretien d’embauche, il est fréquent d’aller sur LinkedIn afin de se renseigner sur la personne avec qui nous nous entretiendrons. Près d’un recruteur sur deux suivait déjà cette logique il y a cinq ans. Le développement des réseaux socio-numériques professionnels ces dernières années a probablement largement amplifié ce phénomène.

Autrement dit la place prise par notre « moi virtuel », est de plus en plus prédominante. Notre avatar est souvent pionnier dans la rencontre avec autrui, et notre identité numérique devient déterminante dans notre vie professionnelle ou sociale.

Qu’est-ce que l’identité numérique ?

Revenons tout d’abord sur la définition de l’identité numérique.

Dans un précédent article nous avions considéré que l’identité numérique était composées de plusieurs strates : la e-réputation, les publications, les activités, les logins.

Une récente étude d’une ONG polonaise propose une définition en seulement 3 couches : ce que nous partageons, ce que notre comportement dit, ce que la machine et les algorithmes pensent de nous.

Selon ce travail nous ne pourrions maîtriser qu’une seule couche de notre identité : ce que nous partageons. La majorité de notre identité numérique nous serait donc totalement incontrôlable.

Pourtant nous avons un vrai enjeu stratégique à maîtriser celle-ci. Elle peut nous permettre de trouver un emploi, agrandir notre cercle social ou trouver l’amour.

La e-réputation

Pour la e-réputation, il est tout d’abord important de connaître l’image que nous renvoyons, savoir ce qui est dit de nous par les autres. Cette partie de notre identité est importante car difficilement maîtrisable dans la mesure où le contenu est créé et détenu par autrui, mais facilement accessible pour tous. Souvent les premiers résultats Google sur votre nom ne seront pas vos propres réseaux sociaux mais des articles qui parlent de vous. Vous n’êtes donc a priori pas propriétaire de ce contenu.

Toutefois une décision de la Cour de Justice de l’Union européenne de 2014 a ouvert une brèche intéressante : celle du droit à l’oubli numérique.

« L’exploitant d’un moteur de recherche est obligé de supprimer de la liste de résultats, affichée à la suite d’une recherche effectuée à partir du nom d’une personne, des liens vers des pages web, publiées par des tiers et contenant des informations relatives à cette personne […] même lorsque leur publication en elle-même […] est licite. »

Ainsi pour maîtriser sa e-réputation, la première chose à faire est de chercher son nom sur Google et regarder les résultats. 75 % des internautes s’arrêtent à la première page mais il est pertinent de pousser notre recherche au moins jusqu’à la dixième page pour avoir une vision quasi exhaustive.

Si certains résultats sont obsolètes ou peuvent vous porter préjudice, vous pouvez les signaler à Google.

Pour cela il faut se rendre sur cette page et remplir un formulaire.

Le moteur de recherche analyse ensuite les demandes et, en fonction de sa grille d’analyse, désindexera ou pas ces résultats. En cas de refus par le moteur, une demande à la CNIL peut être faite.

En outre, de nombreuses entreprises se sont spécialisées dans la gestion de l’e-réputation de leurs clients. Ces entreprises effectuent ces démarches pour vous, listent les résultats nuisibles et les éliminent à votre place. Le marché pour ces spécialistes de la réputation en ligne est en pleine croissance.

Nos publications

La deuxième couche de notre identité numérique concentre tout ce que nous publions. Ici nous sommes totalement maîtres des informations diffusées, nous les avons volontairement partagées. Pourtant, régulièrement des scandales apparaissent suite à des publications non maîtrisées. Par exemple Bilal Hassani, le candidat français pour le concours Eurovision 2019, a récemment été victime d’une polémique suite à des tweets qu’il avait publié il a quelques années. Nous pouvons également penser à Mennel, candidate de The Voice, éliminée suite à d’anciens statuts Facebook, ou encore un tweet de fessée érotique aimé par Bernard Cazeneuve alors ministre de l’intérieur.

Nous allons ici faire une distinction entre deux types de plates-formes : les publiques et les semi-publiques.

Twitter et Instagram proposent soit des comptes privés soit des comptes publics. Les contenus des comptes privés sont inaccessibles par les personnes non autorisées, les autres sont visibles par tous. La meilleure option pour un compte public est de vérifier manuellement l’ensemble des publications.

Sur Facebook une option offrait la possibilité de « voir son profil en tant que » public, ou ami. Cet outil permettait de contrôler l’image renvoyée et de connaître la façon dont nous étions perçus. Malheureusement c’est par cette porte d’entrée que des hackers ont récupérés les données de 50 millions de comptes il y a quelques mois. Pour éviter que ce hacking massif ne se reproduise, et ne plus maintenir le risque de cette faille, Facebook à décidé de supprimer cette fonctionnalité pour l’instant.

Quelles options pour veiller sur son image ?

La première possibilité que nous avons est de créer un second compte Facebook, pour allez visiter notre profil habituel et analyser ce qui est visible. L’objectif est de remonter l’ensemble du profil afin de voir depuis la création du compte les contenus publiés difficiles à assumer. Une fois les publications répertoriées nous pouvons retourner sur notre compte officiel pour modifier la visibilité de ces publications, ou les supprimer.

L’autre solution consiste à profiter de l’option « Ce jour-là » sur Facebook. Tous les matins, Facebook vous rappelle vos souvenirs du jour, c’est-à-dire tous vos statuts publiés à la même date les années précédentes, ainsi que toutes les publications sur lesquelles vous êtes identifié. Si vous modifiez ou supprimez les publications dérangeantes quotidiennement, en une année votre profil sera « nettoyé ». Il ne vous restera plus qu’à faire un tri dans vos mentions j’aime et vos groupes publics.

Nos activités

Nos activités ne concernent pas les autres mais peuvent être en partie maîtrisées. La principale source d’informations pour votre identité numérique est votre moteur de recherche. En effet, la plupart des moteurs comme Google enregistrent les données de navigation, vos recherches, votre géolocalisation et les vidéos regardées sur YouTube, entre autres. En croisant l’ensemble de ces informations, l’entreprise est capable de dresser un portrait précis de l’internaute, un inventaire de ses données socio-démographiques et de ses habitudes de consommation. Ces données sont ensuite exploitées par d’autres entreprises notamment afin de proposer des publicités ciblées.

Certains moteurs de recherche proposent des alternatives aux GAFAM en étant plus respectueux de la vie privée, le plus souvent en ne traçant pas notre navigation, sans laisser de cookies par exemple. Un cookie est un fichier texte automatiquement enregistré dans notre navigateur lorsque nous surfons sur Internet. Ils permettent d’enregistrer nos préférences et modifier notre expérience sur un site Internet, si la page de recommandation Netflix ou Amazon est différente pour chaque internaute c’est en raison de ces cookies. Les moteurs responsables sont donc un moyen efficace pour mieux maîtriser son identité numérique et se protéger.

Parmi ces entreprises, citons le moteur français Qwant mais il existe d’autres alternatives

« On peut se perdre ou disparaître dans une grande ville. On peut même changer d’identité et vivre une nouvelle vie. » Cet extrait du discours de Patrick Modiano lors de la remise de son prix Nobel est transposable au monde numérique. Nous pouvons nous réinventer. Maîtriser son identité numérique c’est gagner en liberté et s’ouvrir de nouveaux horizons. Ou, pour le moins, ne pas se les fermer !


Cet article a été rédigé dans le cadre du Winter Influence Forum, une journée dédiée à l’Influence et à l’intelligence artificielle, organisée par l’agence WOÔ, l’ICD, et l’EPF.

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