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Comment mieux gérer les risques et affronter l’incertitude ?

La crise du Covid-19 a déboussolé les décideurs… Axel Bueckert / Shutterstock

L’épidémie de Covid-19 aura placé le monde dans une situation inédite de risques et d’incertitudes. Elle a mis à mal tous les systèmes de prévision classiques et forcé les pays, les gouvernements et les organisations à repenser leur gestion des risques et leur confrontation à l’incertitude. Deux questions ont émergé face à cette pandémie. Comment mieux gérer le risque ? Et comment affronter l’incertitude ?

Avant de répondre à ces interrogations, commençons par bien définir et distinguer le risque et l’incertitude. La différence, en économie, est que le risque est probabilisable et quantifiable. C’est à la base un concept qui vient de l’assurance. Par exemple, une prime d’assurance habitation est calculée sur la probabilité du risque et son identification.

L’incertitude, par définition, n’est ni probabilisable, ni quantifiable. Car le hasard est imprévisible. Les probabilités ne prédisent pas l’avenir, mais les chances de réalisation d’un évènement dû au hasard.

Le risque est la conjonction d’un aléa et d’un enjeu. Par exemple, dans le cas d’un risque de catastrophe naturelle, l’aléa s’appelle inondation ; l’enjeu, c’est la construction d’un lotissement dans la zone inondable.

En économie, l’aléa est la conséquence de l’action de l’entreprise, conséquence qui n’est pas totalement prévisible. Il y a enjeu (mise initiale que l’on risque de perdre ou gagner : fabriquer des masques) parce qu’il y a espoir de gain (les vendre) ou crainte de perte (les jeter). Un aléa, c’est, par exemple, un retournement de marché. Un enjeu, c’est, par exemple un retour sur investissement (gain), ou une baisse de part de marché (perte). Le risque est donc l’effet de l’incertitude sur les objectifs de l’entreprise ou de toute organisation.

Comment mieux gérer les risques ?

Tout d’abord, il faut bien évaluer les risques. Seule une évaluation objective, complète et partagée par le plus grand nombre permettra ensuite de mieux les maîtriser. Cette évaluation devra en outre être rapide. L’Allemagne, sur ce point, a démontré sa capacité à bien évaluer rapidement les risques liés au Covid-19.

Les probabilités ne prédisent pas l’avenir, mais les chances de réalisation d’un évènement dû au hasard. Geza Farkas/Shutterstock

Ensuite, il faut accepter les risques. l’acceptation au risque dépend de facteurs personnels, culturels et conjoncturels. Et de biais cognitifs. Ceux qui ont nié les risques de l’épidémie, en déclarant « le coronavirus n’est qu’une grippette », ou en rejetant les gestes barrières, ont contribué, au Royaume-Uni, au Brésil ou ailleurs, à l’accroissement du nombre des contaminés. Car le risque remet en cause des intérêts : fermer les festivals ou les salles de cinéma impacte forcément l’industrie du spectacle. En parallèle, l’aversion au risque ne serait que l’expression de participer à un jeu trop compliqué, qu’on ne comprend pas.

Enfin, pour une entreprise ou un état, gérer le risque, c’est en réalité gérer les effets de l’incertitude sur les objectifs. Le risque, en économie, est donc l’association de quatre facteurs : le danger, la probabilité, la gravité et l’acceptabilité.

Réduire les risques plutôt que les gérer

Si les êtres humains, et donc les organisations, éprouvent de l’aversion à l’égard du risque, de quels outils disposent-ils pour le réduire ? On peut en identifier 3 principaux :

  • Le plus important est la diversification. « Il ne faut pas mettre tous ses œufs dans le même panier », énonce le dicton populaire. Cela se nomme mutualisation des risques. Ou alors, comme disait Mark Twain, « Mettez tous vos œufs dans le même panier, et surveillez bien le panier ! »

  • Ensuite, la recherche d’informations permet de réduire les sources de risques et constitue une saine gestion de ces derniers : on prévient d’autant mieux un risque qu’on le connaît bien. Dans le cas du Covid-19, virus inconnu, les pays ont manqué d’informations non seulement sur le virus lui-même, mais sur ce qui s’est passé réellement en Chine ou ailleurs.

  • La capacité d’adaptation : un risque sera d’autant moins intense que nos capacités d’adaptation à ses conséquences seront grandes. Par exemple : avoir la capacité d’interrompre un investissement dans une nouvelle unité de production au moment où le marché se retourne est un atout pour l’investisseur, qui réduit d’autant son risque baissier. De même, notre perception a priori du risque de réchauffement climatique dépend inversement de la capacité qu’a la société de s’y adapter a posteriori (migration de population, adaptation des cultures, etc.). L’incapacité française à créer des usines de masques ou de respirateurs artificiels en masse et rapidement a malheureusement pénalisé notre pays.

Comment affronter l’incertitude ?

S’il est utopique de vouloir gérer l’incertitude, il faut apprendre à l’affronter. Et la voie privilégiée pour les dirigeants politiques, économiques ou institutionnels de le faire efficacement est de générer de la confiance. Nous savons tous que la confiance a une importance croissante dans les organisations et la société en général. Bâtir cette confiance est dans l’essence même du management et du leadership. Et une des clés pour affronter l’incertitude quand il s’agit de prendre des décisions et de les faire appliquer et respecter.

La confiance, une clé pour gérer l’incertitude. Pressmaster/Shutterstock

Or, face à l’incertitude, il existe des leaders ou des managers qui inspirent confiance et d’autres non. Pour affronter l’incertitude, il faut accroître le sentiment de confiance, envers les dirigeants, les entreprises, les gouvernants, les institutions (Organisation mondiale de la santé, Direction générale de la santé). En management, la confiance est le sentiment de fiabilité envers l’intégrité, le caractère et l’aptitude d’un leader ou d’un manager.

Et les cinq grandes dimensions de la confiance sont :

  • Intégrité : honnêteté et sincérité.

  • Compétence : connaissance et qualités techniques et interpersonnelles.

  • Cohérence : fiabilité, prévisibilité et sens du jugement.

  • Loyauté : désir de protéger l’autre et de ne pas lui faire perdre la face.

  • Ouverture : désir de partager librement idées et informations.

C’est la confiance qui permet d’affronter collectivement la réalité, c’est-à-dire, l’incertitude qui se réalise.

Créateur de valeur, terreau de la curiosité

En conclusion, on peut gérer les risques par différents moyens qui ont pour nom : évaluation, diversification, acceptation, adaptabilité, recherche d’information. On ne peut pas gérer stricto sensu l’incertitude, mais on peut mieux l’affronter, collectivement et individuellement, par la confiance.

Le risque est créateur de valeur, s’il est correctement évalué par les acteurs. Prendre le risque de stocker des masques aurait sauvé des vies ! Le progrès humain, économique et social est lié à la prise de risque. Mais comme l’est aussi la barbarie : refuser de soigner les gens…

Enfin, si l’incertitude nous hérisse le poil, nous autres, êtres humains, nous aimons parfois l’incertitude car elle est le terreau de la curiosité. La curiosité de Christophe Colomb, et le doute qu’il a sur une vérité de son époque (« au-delà de l’horizon, c’est le vide »), lui font découvrir l’Amérique. La curiosité nous amène à sortir du confort bien délimité de nos certitudes et rentrer dans l’univers infini de l’incertitude. Cette dernière permet à la créativité d’exister, pour inventer, espérons-le, un monde nouveau.

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