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Comment rendre nos écoles plus résilientes

L’engagement et l’implication de l’équipe de direction, des enseignants et des autres employés d’une organisation scolaire sont un élément essentiel de sa résilience. Shutterstock

Après avoir résisté à la fermeture de leurs établissements, s’agit-il désormais pour les organisations scolaires de revenir au même état qu’avant la crise ? C’est une option parmi d’autres. Une option, en tout cas, qui reviendrait à ne pas profiter de l’opportunité offerte : celle de repenser, décider et implanter des changements pour faire évoluer l’éducation.

Face à la crise, certains établissements ont réussi en effet, non pas uniquement à réagir, mais aussi à créer de nouvelles opportunités pour évoluer. La recherche en management donne quelques pistes pour identifier les facteurs de résistance et de dynamisme des organisations, et réfléchir à ce que peuvent faire les directeurs d’école pour profiter de ce terreau favorable au changement.

Diversité de perspectives

Les écoles qui réussissent à absorber le choc d’une situation imprévue et stressante sont des écoles résilientes. Conceptualisée initialement en psychologie, la résilience fait référence selon le neuropsychiatre Boris Cyrulnik à la capacité d’une personne, partiellement déterminée par la sécurisation affective dont elle a bénéficié pendant son enfance, à reprendre un nouveau développement après avoir subi un traumatisme ou une adversité.

Dans le contexte organisationnel, la résilience peut se référer à la capacité à réagir, c’est-à-dire à se remettre après une situation stressante ou inattendue, et à celle de répondre, c’est-à-dire de s’adapter de façon plus continue, au changement et à créer d’opportunités nouvelles.

Au-delà des établissements scolaires qui, du fait du Covid-19, ont par exemple réussi au travers des outils technologiques ou l’impression massive de documents, à offrir une continuité pédagogique avec des plans d’étude et des emplois de temps relativement similaires, certaines écoles ont modifié ces éléments et d’autres de la pratique pédagogique, modifiant parfois le rôle et place des devoirs. Qu’est-ce qui fait que certaines écoles puissent être plus résilientes que d’autres ?

D’abord, il a fallu absorber le choc. Les organisations qui réussissent le mieux dans cette phase, sont celles qui sont capables de prendre rapidement des décisions sur la mise en œuvre et sur la communication des mesures dont l’objectif est justement de limiter le choc. Pendant cette phase, la centralisation temporaire de l’autorité est généralement favorable, contrairement à la tendance observée de déléguer.

Dans le cas des établissements scolaires, la solitude dans beaucoup de cas du directeur d’école peut être une arme à double tranchant : s’il dispose des compétences et des connaissances nécessaires à bonne prise de décision, l’absorption du choc peut être accélérée, mais il ne bénéficie pas alors d’une diversité de perspectives et compétences.

Les établissements qui disposent d’une équipe de direction diverse, où la décision est alimentée par des points de vue variés, où sont présentes des compétences pédagogiques, administratives et technologiques, étaient sans doute mieux armés pour faire face à une situation de réajustement en urgence à une éducation à distance.

Cohésion d’équipe

Après avoir absorbé le choc, les organisations qui s’adaptent le mieux et créent de nouvelles opportunités partagent certains traits. Elles sont généralement flexibles et adaptatives. Il s’agit d’organisations où l’on accorde de l’importance à l’apprentissage, au retour d’expérience, à l’amélioration continue et où, face à une situation nouvelle, on n’agit pas nécessairement selon les procédures, où les divisions ou départements ont une autonomie d’action suffisante et les mécanismes de coordination sont efficients.

Les organisations où l’on agit rapidement face à une erreur, où l’on apprend d’elle, et où les rôles peuvent être redéfinis, sont en particulier plus résilientes. Ainsi, la directrice d’école qui connaît bien les compétences et le potentiel de ses collaborateurs peut mieux redéfinir ses fonctions pour s’adapter convenablement.

Réouverture des écoles au Danemark en avril 2020 (France 24).

L’engagement et l’implication de l’équipe de direction, des enseignants et des autres employés d’une organisation scolaire sont un élément essentiel de sa résilience. C’est probablement un des leviers stratégiques les plus importants dont dispose une école pour traverser une crise et pour en profiter pour évoluer. Ces organisations se distinguent par le fait que leur personnel partage généralement des valeurs en lien avec l’éducation en général, et avec leur établissement en particulier.

Une organisation résiliente est aussi celle qui réussit à maintenir une cohésion d’équipe et pour cela elle peut se référer à ces valeurs partagées. Pour cela, en période de crise, et en cela un parallèle peut être fait avec les petites entreprises pour lesquelles les valeurs importent particulièrement, ont un intérêt à matérialiser un ensemble de valeurs clairement définies, par des actions observables et sans ambiguïté, en impliquant les collaborateurs, que cela soit dans la clarification de ces valeurs ou dans sa traduction en actions.

Les directeurs scolaires pourront ainsi augmenter l’engagement des enseignants, au travers de décisions marquantes en cohérence avec ces valeurs et de leurs propres actions. Par exemple, le rôle social que les écoles jouent ou encore l’humanisme que certaines écoles promeuvent, pourrait être plus que jamais important, autant pour motiver que pour engager davantage les enseignants dans les transformations voulues.

Question de confiance

Les environnements de travail caractérisés par la confiance sont propices à la résilience organisationnelle. Face à une situation imprévue et stressante, les différentes parties prenantes d’une école peuvent être confrontées à de hauts niveaux d’incertitude et de vulnérabilité. La confiance permet de diminuer ces niveaux et d’augmenter l’engagement des parties.

Au-delà d’actions de communication, les directeurs scolaires peuvent agir stratégiquement pour renforcer la confiance avec l’environnement et à l’intérieur de ses propres organisations. La confiance à l’égard d’une organisation dépend en particulier de trois facteurs :

  • l’estimation que l’on fait de sa capacité à atteindre ses objectifs,

  • l’estimation de sa bienveillance dans les relations avec ses parties prenantes,

  • l’estimation de son respect de principes communément partagés dans son contexte, par exemple l’honnêteté.

Dans ses relations avec l’environnement, il importe particulièrement que la direction puisse communiquer de manière transparente et authentique avec chacune des parties. À l’intérieur de l’organisation, la direction peut promouvoir la nécessité de s’adapter au changement, en laissant percevoir un futur positif, basé sur l’héritage de l’organisation, créant ainsi un pont cognitif entre le passé et le futur. Elle peut aussi accorder la priorité aux émotions que la crise fait émerger, facilitant des espaces individuels et collectifs pour partager ces émotions, les comprendre et les transformer.

Afin de préserver la confiance organisationnelle au cours et après une crise, les directeurs d’école peuvent également impliquer les parties de l’organisation dans la prise de décision sur les changements à adopter, ce qui augmente le sentiment de contrôle personnel en réduisant celui de vulnérabilité.


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Outre les facteurs de résilience organisationnelle mentionnés, d’autres recherches focalisées sur le leader résilient ou sur la résilience individuelle, pointent d’autres conseils qu’il importe d’appliquer (davantage). Cultiver la compassion, envers les autres et soi-même, permet d’augmenter les émotions positives, de permettre des meilleures relations de travail et d’augmenter la coopération et la coopération. L’école que beaucoup d’entre nous veulent pourra ainsi être, au moins dans certains espaces, plus humaniste.

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