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Il y a beaucoup de choix au rayon de la poissonnerie, mais bien des facteurs à considérer. Shutterstock

Confusion à la poissonnerie : votre choix est-il écoresponsable?

Il nous semble maintenant absurde qu’on ait pu penser que les océans étaient inépuisables: les réserves de poisson sont en très mauvais état, et les scientifiques confirment que la surpêche est un problème mondial aux conséquences potentiellement irréversibles tant pour les écosystèmes que pour la subsistance des humains.

Le développement durable joue un rôle déterminant dans le choix des consommateurs de poisson selon un sondage réalisé par Globescan en 2018 pour le compte du Marine Stewardship Council(MSC).

Et il ne s’agit plus simplement de choisir entre morue et flétan quand on se rend au restaurant du quartier. Les consommateurs doivent également évaluer l’origine, la méthode de pêche et les espèces qui peuplent leur commande. Ah, que c’est devenu compliqué!

En tant que chercheur œuvrant dans le domaine de la pêche durable, je me demande également: « Quels poissons devrais-je manger? »

Pourquoi manger du poisson?

En dehors de son goût, le poisson procure bien des avantages pour la santé, autant pour le cerveau que pour l'ensemble du corps.

Et pourtant, bien des Canadiens restent perplexes ou frustrés face à des informations contradictoires. Ils s’inquiètent au sujet du taux de mercure, des microplastiques, et des organismes génétiquement modifiés (les conclusions de l’évaluation de Santé Canada sur le saumon OGM AquAdvantage indique qu’il est sécuritaire).

Ce n’est pas surprenant que la confusion règne chez les consommateurs. L’industrie poissonnière est très variée et diffère sensiblement des autres industries de la viande au Canada.

La plupart des Canadiens ne mangent qu’une espèce de poulet, de bœuf ou de porc. Mais l’épicerie lambda propose des tonnes d’espèces différentes de poisson et de crustacés. Il s’agit vraiment d’une matière première globale.

Alors que la majorité des poulets et du bœuf vendus en supermarché en Amérique du nord provient du Canada et des États-Unis, le poisson est importé des quatre coins du monde – et résulte de méthodes d’élevage fort différentes.

Comment choisir le bon poisson?

Chaque consommateur étant différent, il n’existe pas de « roi » du poisson. Les décisions varient selon plusieurs critères - la santé, le développement durable, le budget et l’origine.

1. La santé

Tout comme pour les pommes ou le brocoli, les consommateurs mangent du poisson parce que c’est bon pour la santé. Les poissons gras comme le saumon et le maquereau sont riches en éléments nutritifs importants et en oméga 3.

Cependant, de nombreux bénéfices sur la santé sont remis en question, et les prétentions contradictoires peuvent prêter à confusion. Des choix à priorité « santé » sont parfois contredits par des inquiétudes relatives à une contamination au mercure ou par l’usage d’antibiotiques en pisciculture.

Certains consommateurs, en particulier les femmes enceintes et les jeunes enfants devraient peut-être éviter les poissons prédateurs comme l’espadon et le thon car ils sont susceptibles de contenir de fortes quantités de mercure.

Dans de nombreux pays comme le Canada et la Norvège, l’usage d’antibiotiques en pisciculture a fortement décru au cours des dernières années, quoiqu’il demeure très fréquent ailleurs.

Certains consommateurs recherchent des poissons bio car ils sont élevés sans ajout de produits chimiques. Au Canada, ils existe quelques options bio certifiées en provenance de fermes d’élevage, y compris des moules bio.

Les moules sont riches en protéines, faibles en gras et souvent bon marché. (Shutterstock)

2. Le développement durable

Compte tenu de la surpêche et de la santé déclinante des océans, de nombreux consommateurs sont à la recherche de choix durables pour leur poissons et crustacés.

On considère que les crustacés comme les moules et les huîtres ont l’impact environnemental le plus faible car elles requièrent peu d’énergie et n’ont pas besoin d’être nourries. Dans certains cas, elles peuvent même nettoyer l’eau de leur élevage, permettant de ce fait d’aider à protéger ou même améliorer des eaux dégradées.

Manger du poisson d’élevage permet de diminuer la consommation de poisson sauvage dont la population est déjà vulnérable. Son empreinte carbone est également inférieure à celle des élevages de bétail. Et pourtant, le débat autour de la viabilité de la pêche, en particulier de l’aquaculture, se poursuit.

Une vue aérienne d’enclos d’aquaculture au Nouveau Brunswick. (Shutterstock)

Les étiquettes de certification écologique, comme celle du Marine Stewardship Council et de l’Aquaculture Stewardship Council, permettent au consommateur d’identifier les poissons et crustacés capturés ou élevés de manière respectueuse de environnement. Selon l’endroit où vous habitez, certaines espèces populaires comme des variétés de thon, de saumon et de flétan peuvent se retrouver sur la liste « à éviter » du Monterey Bay Aquarium Seafood Watch.

3. Manger local

Des Canadiens ont mis l’accent sur la consommation locale afin de réduire leur empreinte environnementale et d’appuyer les producteurs de proximité ces dernières années. Pour beaucoup d’entre eux, cela signifie d’éviter la plupart des crevettes et de choisir du saumon de l’Atlantique canadien et du homard lorsqu’ils vivent près des côtes, ou encore du poisson d’eau douce s’ils habitent à l’intérieur des terres.

Mais il faut également savoir que beaucoup des produits domestiques qu’ils favorisent sont également importés, comme le saumon de l’Atlantique en provenance de la Norvège et du Chili, ou encore le tilapia qui nous arrive de Chine ou d’Indonésie.

4. À la recherche d’un prix abordable

Bien que l’on trouve beaucoup d’excellents produits canadiens, ils sont étonnamment chers. Et le prix est une priorité constante qui va au-delà du goût, de l’odeur et de l’apparence pour bien des Canadiens.

Le poisson en conserve, comme le thon, est un choix économique populaire. Les filets de haddock, le tilapia, et le saumon d’élevage sont également abordables. Les consommateurs à la recherche de produits bios et écocertifiés paieront plus cher.

Rien n’est simple…

En matière de poisson, l’étiquetage n’a pas aidé le consommateur. Les producteurs ont pour seules obligations d’indiquer le nom usuel du poisson (ce qui permet parfois d’en mélanger plusieurs espèces, comme celles du thon, des crevettes, ou de la rascasse), ainsi que l’origine du poisson - qu’il soit emballé ou frais.

Complication supplémentaire, la soi-disant origine du poisson n’est en fait que le dernier endroit où il a été « transformé » en filets, ou emballé, ou mis en boîte. Par exemple, un poisson pêché dans les eaux territoriales canadiennes mais expédié en Chine pour y être emballé, pourrait porter la mention « produit de Chine ». L’origine n’indique donc pas forcément la localisation de la pêche ou de l’élevage.

Des enquêtes récentes menées par le groupe de protection Oceana Canada sur les différentes espèces de poissons et leur origine a conclu que les produits disponibles dans les épiceries canadiennes étaient fréquemment mal étiquetés. Par exemple, sur 472 échantillons testés entre 2017 et 2019, c’est 47 pour cent d’entre eux qui étaient mal étiquetés. Du vivaneau en guise de tilapia, et du poisson sauvage remplacé par du poisson d’élevage.

Nous devons assumer la responsabilité, en tant que consommateurs canadiens, d’exiger davantage d’information sur la provenance et la manière dont le poisson se retrouve sur notre table, et d’encourager des normes d’étiquetage ainsi que des pratiques responsables.

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This article was originally published in English

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