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Connaissez-vous la fabrication additive ?

Impression 3D d'un objet hexagonal. Vik Ollivier/Wikimedia, CC BY-SA

Jamais entendu parler de fabrication additive ? Dans le grand public, on emploie plutôt le vocable « impression 3D ». Entrons ensemble dans le bureau du designer, qui, outre des techniques qui lui sont propres, se sert aujourd’hui de cet outil physique pour donner vie à ses concepts. Entre design et fabrication additive, c’est un peu une histoire de famille car tous deux servent à mettre en forme des idées ou des concepts. Leur différence : en matière de design, c’est l’humain qui crée, alors qu’en matière d’impression 3D, c’est une machine qui exécute.

Si le design a été le premier à apparaître, début du 20e siècle, il a su profiter de l’apparition de la stéréo-lithographie dans les années 1980 qui a conduit à la fabrication additive. Aujourd’hui, les deux modes sont complémentaires.

Les designers ont en tout cas tout de suite aimé jouer avec cette technologie de représentation physique, et surtout dès lors qu’elle devient « propre », c’est-à-dire qu’elle pouvait sortir de l’atelier pour se poser sur un bureau, à côté du copieur. Des années 2000, j’ai personnellement gardé un souvenir attendri des premières impressions 3D qui concrétisaient en quelques heures un laborieux et ardu travail de modélisation de nos téléphones mobiles.

Je me rappelle aussi notre léger scepticisme quant à son utilité réelle comme outil de travail, dans la mesure où les designers visualisent très bien mentalement en 3D ce qu’ils dessinent. Dès lors, cette technologie nous apparaissait plus comme un outil de validation de nos travaux que comme un outil de création, bref juste un élément de sécurisation de nos développements.

Un outil d’échange

En revanche, nous avions immédiatement perçu l’immense intérêt de la fabrication additive comme outil d’échange avec notre entourage, particulièrement auprès de nos interlocuteurs qui avaient traditionnellement du mal à visualiser en 3D les résultats de nos développements, y compris présentés sous forme d’images de synthèse. L’expérience montre que la présence physique d’un objet permet de cristalliser les réactions bien plus efficacement qu’une représentation 2D. En d’autres termes, que les prises de décisions concernant le design devenaient – deviennent – beaucoup plus fiables avec la fabrication additive, et notamment de la part des directions dans les entreprises. En cas de difficulté, cela permet aussi de présenter très rapidement des alternatives aux grands décisionnaires, pour un coût très faible.

Outre le fait que l’impression 3D est un excellent outil de communication, un autre grand atout de la fabrication additive pour les designers est que cette technologie permet de « donner vie » rapidement à un concept, une idée, un design, et conséquemment d’augmenter ses chances de survie. J’ai pu observer maintes fois qu’il est assez facile de faire avorter une idée tant que celle-ci ne s’est pas encore incarnée sous forme d’une représentation physique : son inexistence concrète rend son abandon moins douloureux. À l’inverse, l’objet physique fait exister, il donne chair et esprit au concept : laissant penser celui-ci viable, il devient alors plus difficile de le tuer, du moins sans avoir de bonnes raisons.

Virus du sida. http://www.unitedexplanations.org/

Dans certains cas, il arrive même que « formaliser » permette soudainement de renforcer une prise de conscience, ou même de dépasser l’objet pour aller vers des considérations beaucoup plus larges. Par exemple, les vues d’artistes 3D du virus du Sida, tel un logo, ont marqué les esprits sur son agressivité, sa dangerosité, et cela beaucoup plus efficacement qu’une représentation réelle, paradoxalement moins expressive pour le grand public du fait de sa complexité.

Clitoris réalisé en fabrication additive. CC Marie Docher, CC BY

Dans un tout autre registre, lorsqu’une enseignante de lycée fait circuler dans sa classe un exemplaire d’une impression en 3D d’un clitoris en commentant : « L’objet fait dix centimètres, c’est un organe érectile, comme la verge », une lycéenne réalise « Alors, nous sommes biologiquement égaux ! ». Ou comment la simple concrétisation 3D d’un organe change une certaine conception du monde et de l’égalité homme/femme.

Pouvoir de l’objet

Nous venons de le voir, les liens fraternels – voire fusionnels – entre design et fabrication additive sont donc des atouts efficaces pour permettre à une idée de trouver sa voie jusqu’à ses destinataires finaux. C’est le pouvoir de l’objet qui s’exprime alors dans toute sa splendeur.

Tout irait donc pour le mieux dans le meilleur des mondes du design et de l’impression 3D ? Pas tout à fait. Il est des cas ou la fabrication additive, la représentation physique rapide d’un concept ou d’une idée n’est pas souhaitable, et notamment dans les phases de recherches créatives.

En effet, une représentation « finie » d’une idée à tendance à figer celle-ci, à fermer l’esprit à d’autres possibilités. De ce point de vue, le travail de recherche des designers par esquisses laisse l’esprit ouvert. Le caractère vague et imprécis des « roughs » permet le vagabondage, les variantes, les alternatives, les contre-pieds qui sont nécessaires à toute approche créative. Il est alors sain de ne pas appuyer trop vite sur le bouton « imprimer »…


L’Université Paris-Saclay, la SATT Paris-Saclay et Opticsvalley organise leur troisième Tech Meeting le jeudi 6 juillet sur le Campus Polytechnique. Cette rencontre réunira des entreprises et des laboratoires autour d’un thème central : « Les briques technologiques pour la fabrication additive ».

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