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Consommation : avec la crise, le e-commerce s'est installé durablement dans nos vies

Les entreprises dotées de compétences dans la logistique, le sourcing et le marketing digital ont pu tirer leur épingle du jeu pendant le confinement. Rido / Shutterstock

Les limites à la mobilité des citoyens pendant la phase de confinement, auxquelles se sont ajoutées les fermetures de nombreux magasins, de restaurants et de cafés, ont influencé considérablement les habitudes d’achat. Ainsi, en quelques mois, la crise aura surtout été un formidable accélérateur de tendance.

Tous les distributeurs traditionnels, même quand ils sont restés ouverts, ont souffert de la limitation de leur offre et de la prudence des consommateurs qui concentraient leurs achats pour des raisons sanitaires. Seuls se sont développés certains circuits courts, comme les ventes directes des producteurs, souvent à travers la livraison à domicile ou à la ferme.

Globalement, la grande distribution a profité de la diminution de l’activité de tous les canaux hors domicile (restaurants, cantines, marchés, etc.). Mais la réduction de la fréquence d’achat de la part des consommateurs, afin de limiter les sorties et les contacts, et les paniers plus élevés n’ont pas bénéficié aux grands hypermarchés – trop parsemés sur le territoire – mais plutôt aux supermarchés et aux magasins de proximité.

La tendance la plus significative a été une forte croissance des ventes en ligne qui, dans l’alimentaire, a atteint les 10 % de parts de marché sur la grande consommation (contre environ 6 % de part de marché en 2019).

Les sites marchands des chaînes s’imposent

Même si toutes les enseignes ont renforcé et diversifié leur offre de ces services, elles ont eu du mal à satisfaire la forte demande des clients. Face à la saturation des plates-formes de préparation des drives, elles se sont vues dans l’obligation de mettre en place des files d’attente virtuelles sur leurs sites, de livrer les commandes en retard, de déployer rapidement des click-and-collect et des services de livraison à domicile.

Les gagnants de la crise ont été ainsi les groupes dotés de meilleures structures et compétences dans l’e-commerce, la logistique, le sourcing et le marketing. La disponibilité d’une variété de solutions de e-commerce (drive, click and collect, drive piéton, etc.), d’une logistique mieux intégrée, de relations plus durables et à caractère partenarial avec les fournisseurs – notamment de produits frais – a permis à ces groupes (comme Intermarché et Système U) de devancer la concurrence.

Domaine : drive + livraison à domicile, dont Amazon. Chiffres au 12 avril 2020. Nielsen Scan Track

Après une hausse ponctuelle au cours des premiers jours de confinement, le bilan de l’e-commerce non alimentaire a été plus contrasté. Les produits techniques, de sport, de bricolage et d’hygiène-beauté ont connu de fortes hausses. En revanche, les ventes de l’habillement ont stagné et celles de certaines enseignes de mobilier et de décoration ont même reculé, confirmant les difficultés structurelles du secteur.

Globalement, les sites marchands des chaînes de magasins ont été les grands gagnants de la crise et, s’ajoutant à la baisse de la demande, le gain de parts de marché de l’e-commerce a contribué à mettre en crise de nombreuses entreprises qui accusaient un retard dans le développement des ventes en ligne.

Quelle sera la forme de la reprise ?

Malgré une reprise au cours du deuxième semestre, on observera bel et bien un effondrement de la consommation globale à la fin de l’année (une baisse de 8 % du produit intérieur brut pour l’année 2020 selon l’Institut national de la statistique et des études économiques). Et même si un fort rebond devait se présenter en 2021, les taux de croissance modestes des années successives ne permettront pas de retrouver rapidement les niveaux d’avant la crise.

Certes, les habitudes de consommation renoueront peu à peu avec les tendances précédentes, dans l’alimentation avec le retour aux produits plus sains, plus frais, sans additifs et plus respectueux de l’environnement. Mais avec la baisse des revenus, la recherche des bas prix va aussi revenir en force, poussée par la perception de la part des consommateurs d’une inflation des prix.

Bien que globalement erronée, celle-ci s’explique par la hausse des prix des fruits et légumes, la diminution des promotions – à la suite de la loi EGalim du 30 octobre 2018 qui les a limitées – et l’achat forcé de produits plus chers pour en remplacer d’autres, moins onéreux mais en rupture de stock.

Dans le non alimentaire, la chute de la consommation dans l’habillement devrait se poursuivre, alors que les achats des autres catégories renoueront avec la croissance, mais davantage en ligne que dans les magasins.

L’« omnicanalité », défi du monde d’après

Si la grande distribution a été la grande gagnante pendant le confinement, les enseignes n’ont d’autre choix que de s’adapter maintenant à un nouvel ensemble de contraintes et d’inventer de nouveaux modèles économiques.

La baisse des revenus des consommateurs, la reprise de la consommation hors foyer et la réouverture des commerces traditionnels vont relativiser son potentiel, notamment en ce qui concerne les grands hypermarchés, certains centres commerciaux et grands magasins. Le respect des mesures d’hygiène et des gestes barrières augmentera les coûts et réduira la productivité des magasins que l’automatisation pourra difficilement compenser.

Pour conserver à long terme la clientèle conquise grâce aux ventes en ligne pendant le confinement, les enseignes vont maintenant devoir améliorer leur logistique et l’organisation des équipes en magasin et en entrepôt. Elles vont donc être amenées à adopter des mesures de réductions des coûts, de restructuration des réseaux et investir davantage dans les nouvelles technologies et la formation des ressources humaines. Des changements de propriétés, des consolidations et des rapprochements seront probablement nécessaires pour les mener à bien.

La demande croissante des consommateurs sera telle que la multicanalité (phénomène d’utilisation simultanée ou alternée des différents canaux de contact pour la commercialisation) deviendra une condition de survie pour tous les distributeurs. Mais, les compétences dans « l’omnicanalité », c’est-à-dire la gestion intégrée des différents canaux, deviendront le facteur critique de succès de plus en plus important.

En effet, c’est à travers l’intégration et les synergies entre les différents canaux qu’il sera possible d’assurer aux consommateurs une offre perçue comme cohérente et une expérience de service fluide et « sans couture ». Les relations avec les fournisseurs et avec les équipes de ventes et de livraison se sont révélées cruciales pour réagir à la crise.

Mais, pour acquérir, voire maintenir, des avantages compétitifs dans l’omnicanal, les compétences technologiques, dans le big data, la logistique et le merchandising, deviendront de plus en plus incontournables.

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