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COP21 : dépassons les déclarations d’intentions

Christian Hartmann/Reuters

Le rendez-vous de la COP21 est tout proche, et la crainte que cette conférence internationale se réduise à une simple liste d’intentions grandit. Les négociations actuelles fondées sur des « contributions volontaires » (INDC) permettent de faire des promesses séduisantes et de crier victoire alors, qu’en réalité, elles servent surtout à pérenniser l’attentisme de la communauté internationale.

Les pays participants feront de leur mieux pour éviter que l’on puisse comparer leurs engagements avec ceux des autres États et pour rendre ces engagements non vérifiables, donc sans contrainte. Les conséquences prévisibles de ce jeu d’attente pour le niveau d’émissions de gaz à effet de serre sont similaires à celles d’un accord « zéro-ambition ».

Fixer un prix mondial du carbone

Nous devons nous attaquer au défi climatique en utilisant des instruments économiques, et intégrer dans les réflexions le phénomène du passager clandestin qui pousse chaque pays à laisser les autres assumer les efforts. Les politiques de réduction des émissions de CO2 impliquent en effet un coût supporté localement, tandis que les bénéfices sont globaux et profitent à tous. Résultant de l’absence de cadre réglementaire commun, le phénomène du passager clandestin est aggravé par les préoccupations concernant les fuites de carbone et la volonté d’obtenir des compensations lors de négociations futures. Il ne peut être résolu que par l’élaboration d’un système cohérent de tarification carbone.

Dans l’esprit du principe pollueur-payeur, s’accorder sur un prix uniforme du carbone au niveau international, un prix crédible et reflétant les dommages environnementaux à venir, nous paraît ainsi être la priorité. Selon le principe de subsidiarité, chaque pays sera libre d’élaborer sa propre politique nationale de climat en créant par exemple, une taxe carbone ou un système de droit d’émissions qui valoriserait les permis carbone au prix du marché (cap-and-trade).

L’accord international définirait alors un maximum mondial d’émissions et donc un plafond de droits d’émission échangeables. Dans un objectif de justice et de redistribution, les pays les plus pauvres participants à l’accord pourraient se voir offrir des permis d’émission gratuits qu’ils pourraient revendre sur le marché international, tout en étant confrontés au même prix universel du carbone.

L’OMC et le FMI en gendarmes

Cependant, il serait utopique de croire qu’un système, quel qu’il soit, puisse être efficace sans l’application de sanctions imposées aux passagers clandestins. Les précédentes tentatives dans ce domaine, comme les engagements de Kyoto, ont prouvé la nécessité de prévoir une instance de régulation, en charge de mesurer et contrôler la pollution nationale des signataires, et de pénaliser, le cas échéant, les participants ne respectant pas leur engagement d’émission. Si la stigmatisation des « mauvais élèves », dite stratégie du naming and shaming, est une tactique intéressante, elle demeure insuffisante.

Nous proposons la mise en œuvre de deux outils qui s’appuieraient sur les institutions existantes et reconnues. Premièrement, tous les pays s’intéressent à leur exportation, donc à leur compétitivité et aux gains du commerce international. L’OMC devrait donc considérer que le non-respect d’un accord international sur le climat équivaut à du dumping et devrait, de ce fait, imposer des taxes punitives à l’importation en provenance des pays qui ne participent pas à la coalition internationale de lutte contre le changement climatique. La nature des sanctions ne pourrait être décidée par des pays individuellement, car ceux-ci saisiraient avec joie cette opportunité pour mettre en place des mesures protectionnistes. Une telle politique inciterait les pays hésitants à rejoindre l’accord et favoriserait le développement d’une coalition globale stable pour le climat.

Deuxièmement, le non-respect d’un accord sur le climat devrait engager la responsabilité des futurs gouvernements d’un pays et être ainsi considéré comme de la dette souveraine inflatée de la dette carbone. Le FMI serait partie prenante à cette politique. Par exemple, dans le cas d’un mécanisme de droit d’émissions, un déficit de permis en fin d’année augmenterait la dette publique ; le taux de conversion serait le prix actuel du marché.

Nous reconnaissons que le chemin menant à un accord international crédible et ambitieux reste semé d’embûches. Mais nous pensons aussi qu’il est essentiel que soit mis en place un prix universel du carbone, seule garantie d’efficacité et de crédibilité de nos engagements réciproques en faveur du climat. On ne peut plus attendre.

Cet article est publié dans le cadre du partenariat avec l’Institut Louis Bachelier. Le dossier complet de la revue « Opinions & Débats » où sont intervenus Jean Tirole et Christian Gollier est consultable ici.

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