Menu Close
Un affût de canon d’État transporte le cercueil de la reine Elizabeth II, drapé dans l’étendard royal avec la couronne impériale d’État ainsi que l’orbe et le sceptre du souverain, après les obsèques à l’abbaye de Westminster, à Londres, en septembre 2022. (Mike Egerton/Pool Photo via AP)

Couronnement de Charles III : les joyaux de la Couronne auraient dû être restitués depuis longtemps

Lors du couronnement du roi Charles, l’archevêque de Canterbury invitera celui-ci à « punir et réformer ce qui ne va pas et à confirmer ce qui fonctionne bien ».

Ces mots n’ont pas qu’une valeur symbolique, il s’agit d’un contrat entre le monarque et le peuple britannique.

Tout au long de l’histoire britannique, ce contrat a souvent été incarné par les joyaux de la Couronne et d’autres objets d’apparat, qui joueront un rôle clé dans l’ascension officielle de Charles sur le trône britannique. Grandeur, spectacle et célébrité sont depuis longtemps associés à la famille royale britannique, et les joyaux de la Couronne ont traditionnellement mis en valeur chacun de ces aspects.

Mais au XXIe siècle, le temps est venu pour le monarque de respecter son vœu de « réformer ce qui ne va pas » en restituant ces joyaux précieux.

Des joyaux à l’avant-scène

Je mène des recherches sur le colonialisme et j’enseigne l’histoire des politiques identitaires, des traumatismes historiques et de l’histoire britannique.

Le passé colonial et impérial de trois célèbres éléments de l’apparat britannique — la couronne de saint Édouard (couronne impériale d’État), le sceptre du souverain et la couronne de la défunte reine mère — comporte dans leur conception des vestiges du colonialisme avec les diamants Cullinan I, Cullinan II et Koh-i-Noor, ainsi que des milliers d’autres bijoux.

Un vieil homme sur un trône, assis à côté d’une couronne ornée de joyaux
Le prince Charles, aujourd’hui roi, lit le discours de la reine assis près de la couronne impériale au Parlement britannique en mai 2022. (Ben Stansall/Pool Photo via AP)

L’histoire de ces diamants est tragique, et pourtant, deux d’entre eux occupent une place importante au couronnement du roi Charles, à une époque où la douleur postcoloniale est particulièrement vive. La famille royale est consciente de cette histoire. C’est probablement la raison pour laquelle elle a choisi de ne pas inclure le Koh-i-Noor dans la cérémonie.

Des voix se sont élevées pour demander le rapatriement du diamant Koh-i-Noor en Asie du Sud, dans le cadre de débats publics sur l’histoire de la colonisation britannique (bien que le gouvernement indien ait déclaré qu’il avait officiellement mis fin à cette requête).

D’autres joyaux de la Couronne seront néanmoins exposés pendant une grande partie de la cérémonie : la couronne de saint Édouard, le sceptre du souverain, l’épée d’État et l’orbe du souverain, ainsi que des vêtements de couronnement sertis de pierres précieuses.

Cet étalage vise à attirer l’attention sur la royauté, à renforcer l’identité britannique et à immerger les citoyens britanniques et du Commonwealth dans la relation entre souverain et sujet. Cet objectif est d’autant plus important aujourd’hui que l’identité de la monarchie, actuelle et future, est en jeu.

Les joyaux volés

L’héritage de la colonisation britannique — et des efforts de décolonisation aux 20e et XXIe siècles — est empreint de traumatismes et d’interrogations sur l’identité et la nation.

Le couronnement des monarques anglais, en remontant à Edgar en 973 de notre ère, marque la transition du pouvoir, désigne les souverains et leurs sujets et distingue les compétences humaines en matière de gouvernance de celles qui sont censées être transmises par Dieu.

Au XXIe siècle, cependant, les joyaux de la Couronne et les insignes du couronnement font l’objet d’un examen minutieux dans un contexte de décolonisation et de volonté de rétablir les relations internationales de la Grande-Bretagne.

L’identité et la réparation sont au cœur des préoccupations actuelles, ce qui renforce l’importance du couronnement — et du roi Charles.

L’intérêt porté au sens de la monarchie après le décès de la reine Elizabeth laisse penser que le public débattra de sa pertinence et de sa valeur au XXIe siècle.

Moi qui vis et enseigne au Canada, sur le territoire non cédé des Tk’emlups te Secwepemc, j’ai observé la réaction plutôt froide des dirigeants autochtones aux invitations à assister aux funérailles de la souveraine. Le fait que certains d’entre eux ne se soient pas émus de son décès illustre l’impact de la colonisation sur la monarchie.

Agression coloniale

Les joyaux de la Couronne représentent davantage que la grandeur de l’histoire britannique, car ils sont sertis de pierres précieuses qui symbolisent l’agression et l’idéologie coloniales.

Si le public du couronnement est enchanté par le prestige de la cérémonie du couronnement, l’est-il autant par le passé colonial brutal de la Grande-Bretagne ?

Autrement dit, les spectateurs seront-ils frappés par le contraste entre, d’une part, la pureté et la sainteté que l’on confère à la couronne de saint Édouard, à la couronne impériale, au sceptre et à l’orbe du souverain et, d’autre part, les origines coloniales, avec tout ce qu’elles comportent de violence et d’humiliation, des pierres précieuses qui y sont incrustées ?

Un homme chauve en costume sombre est assis à côté d’une couronne ornée et incrustée de bijoux
Le prince William à côté de la couronne impériale lors de l’ouverture du Parlement britannique en mai 2022. (Ben Stansall/Pool Photo via AP)

Une prise de conscience et une reconnaissance de ces origines doivent faire partie du couronnement si l’on veut que la monarchie reste pertinente.

Les diamants Cullinan I et Cullinan II sont emblématiques du passé colonisateur et impérial de la Grande-Bretagne. Ils sont sertis dans le sceptre du souverain et la couronne impériale de l’État.

Symboles apparents de pouvoir, de justice et de droiture, ils ne possèdent pourtant pas ces attributs. Leur présence constitue une tache pour le couronnement.

Le diamant Koh-i-Noor

Il en va de même pour le diamant Koh-i-Noor, « offert » de force en 1849 par le maharadjah Duleep Singh, âgé de 10 ans, à la Compagnie britannique des Indes orientales, et placé par la suite dans la couronne de feue la reine mère à l’occasion de son couronnement en 1937.

Même s’il ne sera pas présent lors du couronnement de Charles, il fait toujours partie des joyaux de la Couronne — et il n’est pas l’incarnation de la vertu.

Une couronne ornée d’un gros diamant est posée sur du velours violet au-dessus d’un cercueil
Sur cette photo de 2002, on voit la couronne fabriquée pour la reine mère Elizabeth avec le Koh-i-Noor posée sur son cercueil. (AP Photo/Alastair Grant)

Des personnalités politiques indiennes continuent de réclamer le retour du Koh-i-Noor. Parmi elles, on trouve un descendant de Mahatma Gandhi qui a indiqué que ce retour était un élément essentiel de la « réparation » de la colonisation brutale de l’Inde du 17e au XXe siècle.

Certains joyaux de la Couronne ne font pas l’objet de demandes de restitution. C’est le cas du saphir bleu de la couronne de saint Édouard, fabriquée en 1661, et du spinelle connu sous le nom de rubis du prince noir de la couronne impériale d’État, qui date de 1937.

Ils nuisent toutefois à l’image monarchique. Symboles d’une très grande richesse, ils soulèvent des questions sur l’utilité de la monarchie dans un pays confronté à des défis économiques, à des bouleversements culturels, à des enjeux d’immigration, à une crise climatique et à une histoire de racisme et d’injustice institutionnels.

Si le roi Charles veut vraiment punir et réformer ce qui ne va pas et confirmer ce qui fonctionne bien, il doit commencer par les joyaux de la Couronne, en reconnaissant et en réparant les dommages causés lors de leur acquisition.

Les joyaux ne font pas le monarque, et leur restitution renforcerait et moderniserait la monarchie britannique contemporaine à un moment où le besoin se fait pressant.

This article was originally published in English

Want to write?

Write an article and join a growing community of more than 182,300 academics and researchers from 4,942 institutions.

Register now