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Groupe de personnes attablées dans un café
Des gens sont attablés dans un café de Stockholm, lei 8 avril 2020. Le gouvernement suédois a fait le choix d'imposer peu de mesures restrictives afin de lutter contre la Covid-19. (AP Photo/Andres Kudacki, File)

Covid-19 : la surmortalité en Suède durant la pandémie a été parmi les plus faibles d’Europe

Alors que la plupart des pays du monde ont fermé leurs frontières au début de la pandémie de Covid-19, la Suède est restée accessible.

L’approche du gouvernement a été controversée, certains la qualifiant d’ « expérience suédoise ». Mais près de deux ans et demi après le début de la pandémie, que pouvons-nous dire aujourd’hui des résultats de cette « expérience » ?

Tout d’abord, rappelons en quoi consistait la stratégie de la Suède. Le pays s’en est largement tenu à son plan de lutte contre la pandémie, élaboré à l’origine pour être utilisé en cas de pandémie de grippe. Au lieu d’un confinement, l’objectif était de parvenir à une distanciation sociale par le biais de recommandations de la santé publique.

Les Suédois ont été encouragés à travailler à domicile dans la mesure du possible et à limiter leurs déplacements à l’intérieur du pays. En outre, il a été demandé aux personnes âgées de 70 ans ou plus de restreindre leurs contacts sociaux, et à celles présentant des symptômes de Covid-19 de s’isoler. L’objectif était de protéger les personnes âgées et les autres groupes à haut risque tout en ralentissant la propagation du virus afin de ne pas surcharger le système de santé.


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Un marathon, et non pas un sprint

Lorsque le nombre de cas a augmenté, certaines restrictions ont été imposées. À la fin mars 2020, on a imposé une limite de 50 personnes pour les événements publics, et de 8 personnes en novembre 2020. Les visites dans les maisons de retraite ont été interdites et les établissements de niveau secondaire supérieur ont été fermés. Les écoles primaires sont toutefois restées ouvertes tout au long de la pandémie.

Le port du masque n’était pas obligatoire pour le grand public pendant la première vague, et seulement dans certaines situations plus tard dans la pandémie.

Au printemps 2020, le taux de décès liés à la Covid-19 rapporté en Suède figurait parmi les plus élevés au monde. Les pays voisins qui ont mis en place des mesures de confinement rapide, comme la Norvège et le Danemark, s’en sortaient beaucoup mieux, et la Suède a été durement critiquée pour son approche laxiste.

Mais les défenseurs de la stratégie suédoise affirmaient qu’elle serait payante à long terme, soutenant que les mesures radicales n’étaient pas durables et que la pandémie était un marathon, et non un sprint.

Alors, l’approche de la Suède a-t-elle fonctionné ?

Considérons la surmortalité comme l’un des principaux exemples. Cette mesure se base sur le nombre total de décès et le compare aux niveaux d’avant la pandémie, en tenant compte de sa portée plus large et des déclarations erronées relatives aux décès dus à la Covid.

Bien que la Suède ait été durement touchée par la première vague, la surmortalité totale au cours des deux premières années de la pandémie a été en fait parmi les plus basses en Europe.


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En date de cette semaine, la Suède a enregistré 19 682 décès de la Covid-19, pour une population de 10,35 millions d’habitants (en guise d’exemple, le Québec a enregistré 16 222 décès sur une population de 8,4 millions d’habitants).

La décision de garder les écoles primaires ouvertes a également été fructueuse. L’incidence de la Covid aiguë sévère chez les enfants est demeurée faible, et une étude récente a montré que les enfants suédois n’ont pas subi les conséquences de la perte d’apprentissage observée dans de nombreux autres pays.

Dans cette optique, la stratégie suédoise est passée du statut de « désastre » et de « mise en garde » à celui de « succès scandinave ». Mais pour tirer des conclusions pertinentes, il est essentiel de creuser un peu plus la façon dont les Suédois ont navigué à travers la pandémie.

Des gens déambulent dans une rue commerçante
Des promeneurs à Malmö, en Suède. Le pays a été largement critiqué pour son approche concernant la Covid-19. Dan_Manila/Shutterstock

Notamment, toute perception selon laquelle les Suédois ont poursuivi leur vie quotidienne pendant la pandémie comme si rien n’avait changé est fausse.

Dans un relevé effectué par l’Agence suédoise de santé publique au printemps 2020, plus de 80 % des Suédois ont déclaré avoir adapté leur comportement, par exemple en pratiquant la distanciation sociale, en évitant les foules et les transports publics, et en travaillant à domicile. Les données mobiles agrégées ont confirmé que les Suédois ont réduit leurs déplacements et leur mobilité pendant la pandémie.

Bien qu’ils n’étaient pas obligés de prendre des mesures contre la propagation du virus, ils l’ont tout de même fait. Cette approche volontaire n’aurait peut-être pas fonctionné partout, mais la Suède a toujours eu une grande confiance dans les autorités, et les gens ont tendance à se conformer aux recommandations de la santé publique.

Il est également difficile de comparer les résultats de la Suède à ceux de pays non scandinaves dont les conditions sociales et démographiques sont très différentes.

Forces et faiblesses

Malgré les avantages que représente une absence de confinement, la réponse suédoise n’a pas été sans faille. Fin 2020, la Commission Corona, un comité indépendant nommé par le gouvernement pour évaluer la réponse suédoise à la pandémie, a constaté que le gouvernement et l’Agence de santé publique avaient largement échoué dans leur volonté de protéger les personnes âgées.

À cette époque, près de 90 % des personnes décédées en raison de la Covid-19 en Suède avaient 70 ans ou plus. La moitié de ces personnes vivaient dans une maison de soins, et un peu moins du tiers bénéficiaient de services d’aide à domicile.

En effet, de nombreux problèmes relatifs aux soins aux personnes âgées en Suède sont clairement ressortis pendant la pandémie. Des lacunes structurelles telles que des effectifs insuffisants ont laissé les maisons de retraite non préparées et mal équipées pour faire face à la situation.

Dans son rapport final sur la réponse à la pandémie, la Commission Corona a conclu que des mesures plus sévères auraient dû être prises dès le début de la pandémie, comme la mise en quarantaine des personnes revenant des zones à haut risque et une interdiction temporaire d’entrée en Suède.

La commission a toutefois déclaré que la stratégie visant à éviter tout confinement était fondamentalement raisonnable, et que l’État ne devrait jamais interférer avec les droits et libertés de ses citoyens plus qu’il n’est absolument nécessaire. La commission a également soutenu la décision de maintenir les écoles primaires ouvertes.

En comparaison, la Commission Corona en Norvège, l’un des rares pays d’Europe où la surmortalité est inférieure à celle de la Suède, a conclu que, bien que la gestion de la pandémie en Norvège ait été généralement bonne, les enfants ont été durement touchés par les confinements, et les autorités ne les ont pas protégés de manière adéquate.

La stratégie de la Suède visait à réduire la propagation du virus, mais aussi à prendre en compte d’autres aspects de la santé publique et à protéger la liberté et les droits fondamentaux. Si l’approche suédoise reste controversée, la plupart des pays adoptent aujourd’hui des mesures semblables face à la pandémie persistante.

Avec le recul, il semble un peu injuste que le pays, qui a suivi son plan adopté avant la pandémie, soit celui accusé d’avoir mené une expérience sur sa population. La Suède devrait sans doute être plutôt considérée comme la population de référence, alors que l’expérience se déroulait dans les autres pays du monde.

This article was originally published in English

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