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Un homme passe devant un grand panneau qui annonce les Jeux olympiques de Tokyo de 2020. Les organisateurs ont résisté aux demandes de reporter ou d’annuler les Jeux, prévus pour le 24 juillet. (AP Photo/Jae C. Hong)

Covid-19 : pour le bien des athlètes, il est trop tôt pour annuler les Olympiques !

La pandémie de Covid-19 est devenue réelle pour plusieurs lorsque les ligues sportives professionnelles du monde entier ont suspendu leurs saisons. Les compétitions de sports amateurs ont suivi, avec l’annulation des championnats de nombreuses fédérations internationales.

Mais qu’en est-il des Jeux olympiques de Tokyo de 2020 ?

Le Comité international olympique continue de vouloir présenter les Jeux aux dates prévues, du 24 juillet au 9 août, et à encourager les athlètes à s’entraîner.

L’approche du CIO ne devrait pas nous surprendre. Depuis le début des Jeux olympiques modernes en 1896, seuls ceux de 1916, de 1940 et de 1944 ont été annulés — et ce, à cause des deux guerres mondiales. Les Jeux olympiques de 1920 ont eu lieu peu après la pandémie de grippe espagnole de 1918, une souche mortelle d’influenza qui a infecté près de 500 millions de personnes et coûté la vie à plus de 50 millions de personnes sur la planète.

Aujourd’hui, 100 ans plus tard, le CIO et Tokyo 2020 sont confrontés à une pandémie d’une étrange similitude, ce qui fait réfléchir à une possible annulation des Olympiques.

Depuis le début de l’épidémie de Covid-19, les gens ont manifesté des inquiétudes quant aux risques sanitaires que la tenue des Jeux olympiques pourrait engendrer. Quand le nombre de cas s’est mis à augmenter au Japon en février, Dick Pound, membre du CIO, a avancé que les organisateurs avaient jusqu’à la fin du mois de mai pour prendre une décision définitive.

La décision appartient au CIO

Le premier ministre japonais Shinzo Aby a affirmé pour sa part : « Nous voulons organiser les Jeux olympiques comme prévu, sans problème, en maîtrisant la propagation du virus. » Le président du CIO, Thomas Bach, a fait des déclarations similaires. La décision finale revient au CIO.

Les coûts financiers d’un événement mondial d’une telle ampleur pèsent également lourd dans la prise de décision. Le budget officiel des Jeux de Tokyo s’élève à 12,6 milliards de dollars US. De ce montant, 7 milliards seront fournis par le gouvernement japonais et le gouvernement métropolitain de Tokyo et 5,9 milliards, par les contributions du CIO, les commandites, les licences et la vente de billets. Toutefois, un rapport de 2019 de la Commission de vérification des comptes du Japon montre que les coûts réels vont se situer plutôt autour de 26 milliards de dollars.

Si les Jeux devaient se dérouler sans spectateurs, les organisateurs peuvent s’attendre à un gros manque côté revenus. Si l’on ne considère que la vente de billets, ça pourrait représenter une perte de 13,5 % des recettes prévues. De plus, les radiodiffuseurs craignent que les téléspectateurs trouvent les tribunes vides peu intéressantes. Il s’agit d’un élément important dont le CIO doit tenir compte, car les diffuseurs contribuent par milliards à ses caisses. Ainsi, NBC a payé 4,38 milliards de dollars pour obtenir les droits de diffusion américains pour l’ensemble des Jeux olympiques de 2012 à 2020.

Par ailleurs, les Jeux olympiques apportent toujours un sérieux coup de pouce à l’économie locale de la ville hôte.

Une chose est sûre : plus les organisateurs attendent pour prendre une décision, plus le coût d’annulation augmente.

Le point de vue des athlètes

Au milieu de tous ces débats sur les milliards de dollars que coûterait l’annulation des Jeux, on a tendance à oublier les athlètes.

C’est pendant les mois qui précèdent les Jeux olympiques que de nombreux athlètes peuvent se qualifier pour les Jeux. Le CIO et les comités nationaux olympiques fixent des critères précis. Par exemple, le temps de qualification olympique pour le 100 mètres de natation est de 48,57 secondes pour les hommes et de 54,38 secondes pour les femmes. En outre, certains athlètes doivent aussi participer aux essais olympiques de leur pays et s’y qualifier.

Les grandes performances sont le point culminant d’un programme parfaitement coordonné pour permettre aux athlètes de se qualifier tout en gardant leurs meilleurs résultats pour les Jeux olympiques. Il s’agit d’une science complexe qui consiste à équilibrer le volume et l’intensité de l’entraînement, tout en affûtant les aptitudes mentales de l’athlète.

Il n’est pas rare qu’un athlète d’élite se rende dans plusieurs pays du monde en l’espace d’un mois pour obtenir un résultat de qualification. Mais les organisations sportives nationales comme Athlétisme Canada demandent désormais à leurs athlètes qui voyagent et s’entraînent à l’étranger de rentrer chez eux.

Avec les annulations de compétitions et les pays qui ferment leurs frontières aux voyageurs étrangers, il existe de moins en moins d’occasions de se qualifier pour les Jeux olympiques.

Moins d’occasions

Cela signifie que même si les Jeux olympiques ont lieu, les athlètes qui n’ont pas encore atteint la norme de qualification olympique auront moins d’occasions de le faire pour représenter leur pays, et n’y arriveront peut-être pas.

Même pour les athlètes qui se sont déjà qualifiés, l’incertitude autour des Jeux olympiques est un élément de stress. Quelle que soit la décision du CIO, certains sportifs pourraient choisir, après avoir pesé le pour et le contre, de ne pas participer à Tokyo 2020.

Des gens qui assistent à un match de soccer féminin aux Jeux olympiques d’été de 2016 au Brésil brandissent un panneau qui fait référence au virus Zika, transmis par les moustiques, et qui préoccupait certains athlètes il y a quatre ans. (AP Photo/Eraldo Peres)

En 2016, de nombreux athlètes de haut niveau ont décidé de ne pas participer aux Jeux olympiques de Rio à cause de la menace du virus Zika. Lors des Jeux du Commonwealth de 2010 à Delhi, en Inde, Annamay Pierse, nageuse canadienne et ancienne détentrice du record du monde, a contracté la fièvre dengue et ne s’en est jamais tout à fait remise, ce qui a sonné le glas de sa carrière d’athlète. Pendant la grippe espagnole, les matchs de baseball professionnel se sont poursuivis normalement, et de nombreux joueurs ont contracté le virus.

Les pour peuvent l’emporter sur les contre

Malgré cela, de nombreux athlètes peuvent considérer que les pour l’emportent sur les contre. Les athlètes connaissent bien le controversé dilemme de Goldman, une étude qui a montré que 52 % des sportifs d’élite interrogés se sont déclarés prêts à prendre un médicament qui leur garantirait une médaille d’or olympique même si cela devait causer leur mort dans les cinq années suivantes. Si certains chercheurs ont contesté les résultats de ce sondage, il met néanmoins en évidence l’importance des Jeux olympiques pour les athlètes de classe mondiale.

Les Jeux olympiques d’été ont lieu tous les quatre ans, et pour les athlètes, il s’agit parfois de l’aboutissement d’une dizaine d’années d’entraînement et de préparation pour un seul moment. Il est donc raisonnable de supposer que de nombreux sportifs sont prêts à courir un risque pour avoir une chance de remporter une médaille d’or.

Si les Jeux olympiques sont importants pour les athlètes, ils le sont tout autant pour le monde. La Charte olympique stipule :

Le but de l’olympisme est de mettre le sport au service du développement harmonieux de l’humanité en vue de promouvoir une société pacifique, soucieuse de préserver la dignité humaine.

Si la COVID-19 disparaît dans les mois à venir, les Jeux olympiques pourraient apporter un certain réconfort en unissant les nations dans la célébration. Mais si la maladie continue à se répandre d’une manière exponentielle, sa trajectoire obligera le CIO à annuler ou à suspendre les Jeux.

Pour conclure, il y a de nombreux éléments que nous ignorons encore en ce qui concerne la COVID-19, et peut-être que le report d’une décision définitive par le CIO constitue, pour l’instant, une réponse prudente.

This article was originally published in English

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