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Crypto-économie : la belle carte à jouer de la France

Les professionnels attendent un « volontarisme » des pouvoirs publics en faveur du crypto-entrepreneuriat afin d'encourager la prise de risque dans cette crypto-économie. Cryptographer / Shutterstock

Marc Bidan participera à la session thématique « blockchain et management des SI » lors de la 24e conférence de l’Association Information et Management (AIM), du 3 au 5 juin 2019 à Nantes. Plus d’informations ici.


La bascule numérique d’une économie qui repose sur des transactions en devises vers une crypto-économie fondée sur des transactions en crypto-monnaie semble encore lointaine. La question du tiers de confiance est encore au cœur des débats.

Néanmoins, il s’agit de réfléchir sans tarder au cadre général d’une crypto-économie en France (une économie qui comporte sa part de secret, par définition !), et donc à son crypto-entrepreneuriat, ses crypto-pratiques et crypto-devises, voire également sa crypto-éthique, sa cypto-réglementation et surtout sa crypto-fiscalité !

Moment opportun

L’objet de cet article est justement de décrire ce qui serait nécessaire au développement d’une telle crypto-économie et de sa régulation. Paradoxalement, alors que les crypto monnaies dévissent, la France en particulier, et l’Europe en général, pourrait tirer parti de cette activité en devenir en se positionnant clairement en faveur d’une économie portée par la technologie blockchain.

Il s’agit donc d’installer dès à présent en France une crypto-économie avant qu’elle ne fuit ailleurs, y compris là où il fait plus sombre !

Le moment est d’ailleurs opportun car les grands opérateurs du net – Google par exemple – ou les grandes nations fondatrices des cryptomonnaies – Japon ou Chine – semblent revoir leurs positions. Paradoxalement le Brexit et la future sortie de la City (avec ses généreuses e-money licenses à Coinbase par exemple) de l’écosystème bancaire européen peut aussi favoriser l’installation en France d’une crypto-économie. À condition qu’un cadre réglementaire séduisant attire les « crypto-naufragés » d’outre-Manche et d’ailleurs. Le moment est également opportun car de nombreuses recherches produisent actuellement leurs premiers résultats (informatique, algorithmique, cryptographie, mathématiques, économie, management, etc.) et ils sont significatifs sur les avancées potentielles portées par cette technologie.

Sans cela, nous resterions alors au bord du chemin d’une disruption en cours (celle liée à la chaîne de blocs avec ses impacts en santé, dans l’Internet des objets, en éducation, en recherche, en gouvernance, etc.) avec nos belles, mais inoffensives, initiatives de crypto-washing

Pourquoi pas une « agence française de la crytpo-économie » ?

Aujourd’hui, les signaux « en faveur » sont quasi-systématiquement contrebalancés par ceux « en sa défaveur » ! Cette cacophonie est tout à fait dommageable au secteur et à son implantation durable en France, qui compte pourtant de nombreux atouts pour la réussir.

De nombreux opérateurs interviennent déjà autour de la cryptologie. Il s’agit d’écosystèmes ou de cluster numériques, d’universités et d’écoles, de laboratoires publics ou privés, d’informaticiens et de mathématiciens robustes, d’entrepreneurs inventifs, de partenaires institutionnels, de banques, de business angels et de fonds d’investissement, de l’Autorité des marchés financiers (AMF), d’associations, de clubs ou encore d’initiatives locales. Pourquoi ne pas commencer par accompagner ces réseaux et les aider à travailler ensemble ? Pourquoi pas une « agence française de la crytpo-économie » (AFCE) ?

Les professionnels attendent en effet un « volontarisme » affiché en faveur du crypto-entrepreneuriat afin d’encourager la prise de risque dans cette crypto-économie, avec un cadre institutionnel attractif et non réversible. C’est le cœur du problème : il en va de la perception et donc de la motivation des acteurs. L’accueil des investisseurs internationaux sur le crypto-marché français, notamment, en dépend étroitement. Le pire scénario serait d’instaurer un « principe de précaution » qui jouerait en défaveur des crypto-entrepreneurs et sonnerait le glas du réel dynamisme perceptible en France depuis 2016.

L’ambiguïté et le flou persistent

Pour l’instant, l’AMF insiste sur la prudence et rappelle que les crypto-devises n’ont pas cours légal. Elle note aussi que les plates-formes d’échanges sont souvent des arnaques et que, dans ce cas, elle ne peut pas intervenir comme médiateur. Ceci est utile, certes. Mais l’ambiguïté et le flou persistent, notamment en termes réglementaires et fiscaux. Et ce flou est contre produtif !

Visiblement, la question des plus-values est désormais tranchée : ce seront bien des plus-values et non des bénéfices non commerciaux. C’est une bonne nouvelle pour faciliter les achats et ventes de crypto-devises et leur conversion en monnaie légale (« cash out ») avec une imposition plus cohérente. Une autre question semble également tranchée (à en croire le projet de loi de Finances 2019) : celle de la défiscalisation des transactions entre crypto monnaies, qui seraient considérées comme des opérations intercalaires et donc non imposables.

Pour le reste, l’administration se doit de clarifier sa position rapidement à la fois fiscalement (cas de la TVA), réglementairement, juridiquement (cas des responsabilités contractuelles), financièrement (cas des levées de fonds par Initial Coin Offering)) et même géopolitiquement et déontologiquement.

Points de vigilance, points à valoriser

L’idée est d’avancer en produisant des textes pour rassurer les entrepreneurs attirés par une activité « crypto ». La mission parlementaire sur les monnaies virtuelles, qui a déjà auditionné de nombreux acteurs, avance justement un tel objectif.

Pour cela, les sept députés doivent s’intéresser :

  • aux points de vigilance : les arnaques, les fraudes, le blanchiment, les fausses promesses et les vraies escroqueries et le caractère énergivore de la blockchain

  • aux points à valoriser : favoriser l’acceptation et l’usage des crypto-actifs, informer les acteurs, maîtriser les impacts énergétiques et environnementaux liés à la blockchain et aux fermes de minages, encadrer les transactions, accompagner la recherche, diffuser et enseigner (école d’ingénieurs, école de management, faculté de droit, faculté des sciences et techniques, etc.) la crypto économie et ses spécificités

Quel avenir en France pour les crypto-entrepreneurs ?

Pour les pessimistes, deux difficultés subsistent et sapent les initiatives. La première, et la plus importante de toutes, est le manque de soutien par les régulateurs. Une monnaie matérialise bien l’un des aspects de la souveraineté nationale. La maîtrise de son processus de création/circulation a un impact sur la politique monétaire, les taux d’intérêts et le financement de l’économie. C’est la confiance des régulateurs fiscaux, bancaires, et des marchés qui permettra de déverrouiller le système. La seconde est la fragmentation des crypto-acteurs et la fragilité de certains dispositifs. Un nombre restreint de cryptomonnaies pourrait faciliter la régulation et réduire la volatilité, ainsi que les possibilités d’arnaques ou de blanchiment d’argent.

Pour les optimistes, malgré tous les écueils identifiés, la plupart des grandes institutions financières ont lancé des initiatives internes – comme Team blockchain ou Crypto Hackathon – pour maîtriser les technologies et les processus transactionnels propres au monde de la blockchain. Parfois au travers de POC (proof of concepts, prototypes), ou au travers de projets réels, comme on le voit dans le financement du commerce. Ce dynamisme est prometteur.

Mais que l’on soit optimiste ou pessimiste, reste l’impérieuse nécessité pour l’État de sortir du bois et de proposer (ou non selon certains observateurs) un cadre juridique clair !. Encore un peu de patience…

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