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De George Washington à Donald Trump, 230 ans de campagnes électorales

Donald Trump, un smartphone à la main.
Le président Donald Trump communique énormément via les réseaux sociaux. AP Photo/Alex Brandon

Les campagnes présidentielles n’ont pas toujours ressemblé à celle de 2020 – ni, d’ailleurs, à celle de 2016, quand la pandémie de coronavirus n’avait pas encore chamboulé les conventions démocrates et républicaines, la communication politique et les procédures de vote.

Un élément n’a pas changé : tout citoyen né sur le territoire américain et âgé de plus de 35 ans peut se présenter. En revanche, la manière dont s’effectue le choix des candidats a considérablement évolué, tout comme la façon de faire campagne.

Aujourd’hui, les personnes désireuses de concourir à la présidentielle doivent s’enregistrer officiellement en tant que candidats après avoir réuni la somme de 5 000 dollars. À partir de là, la Commission électorale fédérale leur demande de s’affilier à un parti politique, qu’ils sont en droit de choisir même si la direction de ce parti ne veut pas d’eux pour candidats.

Les élites du parti ont toujours du pouvoir, mais beaucoup moins qu’avant.

L’ère des hommes d’État

George Washington dans son uniforme militaire.
George Washington savait que d’autres souhaitaient qu’il soit président. Charles Willson Peale painting via Cleveland Museum of Art, CC BY-SA

Lorsque la Convention constitutionnelle créa le régime présidentiel, un grand nombre des pères fondateurs de la nation estimaient que George Washington était la personne idéale pour l’incarner. Malgré ce consensus, ils rencontrèrent un problème pour le moins singulier.

Ils pensaient que quiconque souhaitait se faire élire le faisait pour de mauvaises raisons et utiliserait son pouvoir pour saper l’autorité du gouvernement. C’est pour cette raison que George Washington garda un « silence prudent » sur son aspiration à prendre la tête de l’État, afin de ne pas paraître « orgueilleux et vaniteux ». Il n’avoua qu’en privé qu’il accepterait de devenir le premier président du pays si on le lui demandait.

Étant donné la crainte très réelle de voir, comme par le passé, « des hommes ayant entamé leur carrière en courtisant le peuple de façon obséquieuse » finir, une fois élus, par « renverser les libertés républicaines », il était préférable que les premiers candidats évitent de sembler trop avides de pouvoir.

Thomas Jefferson poussa cette logique jusqu’au bout en jurant qu’il ne briguerait plus aucun mandat après avoir été le premier secrétaire d’État de cette nouvelle nation. Ce n’est qu’en recevant une lettre de son ami James Madison l’invitant à « se préparer » à l’investiture présidentielle qu’il découvrit qu’il participerait au scrutin de 1796. Cette année-là, Jefferson, arrivé second, devint vice-président avant d’accéder, quatre ans plus tard, à la plus haute fonction.

Jusqu’en 1824, les candidats se montrèrent réticents à faire campagne pour eux-mêmes. Cette année-là, le candidat Andrew Jackson se présenta en promettant de gouverner pour l’homme du peuple plutôt que pour les élites du parti qui contrôlaient Washington depuis trop longtemps. Les troubles qui précédèrent, accompagnèrent et suivirent la guerre de Sécession ne firent que désorganiser davantage les élections jusqu’à la fin du XIXe siècle, quand s’ouvrit l’ère industrielle.

Trois hommes en réunion.
Warren Harding, au centre, aurait été désigné comme candidat républicain à la présidence de 1920 par certaines élites du parti réunies dans une « pièce enfumée ». FPG/Keystone View Company/Archive Photos/Getty Images

L’essor du clientélisme politique

Au sortir de la Reconstruction, en 1877, la politique américaine n’était pas reluisante. Quelques représentants des élites des partis se réunissaient dans des salles enfumées pour décider quel candidat soutenir et comment empêcher les autres de remporter les élections.

Une fois au pouvoir, les membres des deux partis se servaient de leur position pour distribuer des postes en échange de pots-de-vin. En général, les dirigeants des partis exerçaient un large contrôle sur le pouvoir en place, exigeant même un droit de regard sur les nominations décidées par les représentants élus.

En tant que commissaire de la ville de New York, puis gouverneur de l’État du même nom, le républicain Theodore Roosevelt résista tant et si bien au système qu’un des responsables de son parti, agacé, fit pression sur sa formation pour qu’elle offre à cet ambitieux politicien le poste notoirement insignifiant de vice-président. Cependant, la manœuvre tourna court avec l’assassinat du président William McKinley en 1901. Devenu président, Roosevelt mit en place une série de réformes progressistes comme le recrutement au mérite plutôt que par clientélisme qui contribuèrent à réduire l’influence des chefs de parti.

Dans les années 1920, l’invention de la radio offrit aux candidats un moyen encore plus facile de contourner les élites partisanes.

Franklin Roosevelt à son bureau
Grâce à la radio, le président Franklin Roosevelt put s’adresser directement au peuple américain. AP Photo/Gil Friedberg

La première révolution médiatique

L’invention de la radio marqua un tournant décisif dans le processus de démocratisation. Par le biais de ce médium, les présidents purent s’adresser directement aux citoyens et établir un lien plus viscéral entre le chef d’État et le peuple.

Avides de contenus populaires, les radiodiffuseurs obtinrent le droit d’accéder aux conventions de nomination et mirent en avant la radio comme moyen pour le peuple d’en approcher les rouages. Avec l’arrivée de la télévision, au début des années 1950, les candidats commencèrent à engager des publicitaires pour les aider à se « vendre » directement au peuple sans passer par le parti.

En 1968, le parti démocrate désigna Hubert Humphrey comme candidat à la présidence, sans tenir compte du résultat des primaires. De violentes émeutes éclatèrent à Chicago, ce qui entraîna des réformes. Les primaires gagnèrent en importance et les élites perdirent encore de leur pouvoir. Toutefois, la victoire surprenante de Jimmy Carter dans l’Iowa en 1976 conduisit les Démocrates à reprendre les commandes en créant des superdélégués, c’est-à-dire des personnes sélectionnées par le parti pour apporter leur voix au candidat de leur choix, et potentiellement contourner le résultat des primaires. Ces efforts portèrent leurs fruits… jusqu’à l’apparition des réseaux sociaux.

Barack Obama et Hillary Clinton
Lors des primaires démocrates de 2008, Barack Obama s’est servi des réseaux sociaux pour mobiliser ses partisans et se faire nommer à la place d’Hillary Clinton. AP Photo/Jae C. Hong, Pool

La deuxième révolution médiatique

Pendant les primaires démocrates de 2008, tous les observateurs ou presque pensaient que l’heure d’Hillary Clinton était arrivée. Les acteurs et experts politiques furent peu nombreux à prendre au sérieux la candidature de Barack Obama. Ils pensaient que celui qui se présentait comme un « gamin maigrichon au nom bizarre » apprendrait les ficelles du métier et obtiendrait peut-être, au mieux, un poste ministériel.

Au lieu de cela, Obama a révolutionné la façon de faire campagne en utilisant « l’énorme capacité de communication » des réseaux sociaux pour faire passer son message et recruter des bénévoles. Il a exploité l’énergie créée par les plates-formes conçues pour rassembler les « amis » de ses partisans et les inciter à partager leurs intérêts avec n’importe quel membre de leur réseau. Sa capacité à soulever les foules et une couverture médiatique très favorable n’ont laissé aucune chance à Hillary Clinton et au parti qui la soutenait : le peuple voulait du changement et de l’espoir.

En 2016, le peuple a une nouvelle fois surpris les élites. Donald Trump a réussi à imposer sa vision d’un pays en déliquescence, attendant l’arrivée d’un outsider pour lui rendre sa grandeur.

Au départ, les médias ne l’ont pas davantage pris au sérieux que des responsables de premier plan du parti républicain comme Reince Priebus ou Paul Ryan. Beaucoup pensaient qu’Hillary Clinton allait le battre à plates coutures.

Encore une fois, les élites ont sous-estimé les réseaux sociaux – cette fois, elles n’ont pas compris à quel point ceux-ci pouvaient diviser le pays. Les puissants algorithmes utilisés par plusieurs plates-formes ont considérablement augmenté la quantité de contenus extrémistes vus par les électeurs.

Dans le même temps, Donald Trump a alimenté le sentiment d’injustice éprouvé par une partie des Américains en affirmant qu’il travaillerait pour les « oubliés ». Ce sentiment d’injustice persistant au sein de nombreux groupes, et les actions violentes déployées pour y remédier, restent un facteur important de l’élection actuelle où, une fois encore, un outsider provocant (qui se trouve aussi être le président sortant) affronte un vieux cadre du parti d’en face, bien sous tous rapports.

Chaque président imprime sa marque. Les deux derniers ont pleinement tiré parti du pouvoir d’Internet pour établir un lien direct avec le peuple. Il n’est pas évident d’imaginer la manière dont les futurs présidents utiliseront les outils existants et à venir. En revanche, on voit facilement comment des médias tels que Twitter et YouTube maintiennent le lien et transmettent des éléments d’information.

On voit aussi l’intérêt que représente le fait de créer une communauté sur les médias sociaux, afin de favoriser la diffusion d’un message politique par le biais des réseaux de militants et de leurs amis. Mais on voit mal, quand on repense aux grands discours des présidents américains d’autrefois, comment on pourrait condenser ces moments émouvants en 280 caractères.


Traduit de l’anglais par Catherine Biros pour Fast ForWord

This article was originally published in English

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