De nouvelles recherches ont permis de découvrir comment certaines grenouilles produisent de la colle qui pourrait nous aider à fabriquer de nouveaux adhésifs innovants pour la chirurgie.
Vous connaissez sans doute l’histoire du Prince Grenouille, dans laquelle une princesse embrasse une grenouille qui, à sa grande surprise, se transforme en prince.
En réalité, de nombreuses espèces de grenouilles produisent un poison dans leur peau, dont les effets peuvent aller d’une légère nausée à la mort, de sorte que cette démonstration d’affection est généralement déconseillée. Mais que se passerait-il si la grenouille avait trouvé un moyen plus inhabituel de se défendre, en laissant les lèvres de notre héroïne scellées par le baiser ?
Adhésifs biologiques : une histoire vieille comme le monde
Alors que l’homme utilise principalement des matériaux synthétiques pour coller des objets, notre grenouille princière – comme d’autres organismes producteurs de colle – produit ce que l’on appelle un « adhésif biologique ». Ces substances sécrétées naturellement sont très répandues chez les animaux et sont souvent essentielles à leur survie.
Par exemple, les moules produisent un type de colle qui les fixe de manière permanente aux surfaces sous-marines, tandis que d’autres animaux vivant dans l’océan, comme les étoiles de mer, utilisent un autre type de colle, beaucoup plus temporaire, pour les aider à se déplacer.
Sur terre, l’exemple le plus célèbre est la colle d’araignée, qu’elle utilise pour créer de la soie afin de capturer des proies. Si nous nous concentrons sur les vertébrés terrestres, les spécimens les plus collants sont les pieds des geckos et ceux de certaines grenouilles arboricoles. Il s’agit d’exemples d’adhésion « sèche » et « humide », ce qui signifie que les geckos adhèrent aux surfaces sans produire quoi que ce soit qui ressemble à de la colle, tandis que les coussinets des grenouilles arboricoles sont recouverts d’une fine couche de bave ou de mucus.
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Malgré leurs différences évidentes, ces deux types d’adhésion ont été décrits comme « autonettoyants » et pourraient nous aider à développer des matériaux synthétiques qui partagent cette caractéristique. En effet, la façon dont les différentes colles biologiques sont formulées et ensuite sécrétées implique souvent des exploits merveilleux d’ingénierie naturelle.
Dans d’autres cas, cependant, la sécrétion de colle n’a pas grand-chose à voir avec des opérations géométriques complexes, mais plutôt avec le fait de déverser d’un seul coup de grandes quantités de bave.
Les sécrétions collantes : un mécanisme de défense improbable
De la médecine traditionnelle aux rituels chamaniques en passant par les contes et les mythes, les grenouilles et les crapauds revêtent une grande importance culturelle dans le monde entier. Les glandes à poison des grenouilles sont particulièrement importantes, car elles peuvent être utilisées pour fabriquer des armes, des traitements ou même des hallucinogènes.
Jusqu’à présent, les études sur les défenses sécrétées par la peau des amphibiens se sont concentrées sur les molécules qui fonctionnent comme des toxines. Cependant, en plus d’être des pourvoyeurs de poison, un petit nombre d’espèces (y compris le plus grand amphibien du monde, la salamandre géante de Chine) ont mis au point une stratégie de survie plus originale : la colle.
Découvrez la grenouille tomate.
En cas de stress, la peau de l’animal libère un liquide épais qui devient extrêmement collant en quelques secondes. Du point de vue de la grenouille, ce stress prend généralement la forme d’une attaque par un prédateur (ou une princesse). La vitesse à laquelle la sécrétion visqueuse – une bave collante, en réalité – se transforme en colle rend presque impossible l’ingestion de la grenouille par un prédateur, probablement en raison de la gêne occasionnée par le fait que sa bouche et son visage sont enduits de colle.
Bien que cette tactique puisse sembler grossière et inélégante, elle constitue un mécanisme de défense efficace, car elle donne à la grenouille le temps de s’échapper.
Retracer les mécanismes évolutionnels
Bien que la colle soit une caractéristique rare chez les grenouilles, elle a évolué à plusieurs reprises chez des espèces réparties sur différents continents. Mes recherches récemment publiées explorent les origines de cette remarquable stratégie de survie et expliquent pourquoi elle est présente chez certaines grenouilles et pas chez d’autres.
Pour répondre à ces questions, nous avons d’abord dû identifier les ingrédients responsables de l’adhésivité de la colle de grenouille. Pour ce faire, nous avons utilisé des technologies allant des briques Lego de faible technicité aux microscopes de haute technologie capables de grossir à l’échelle nanométrique (un milliardième de mètre).
Il est surprenant de constater que les ingrédients de base nécessaires à la fabrication de cette colle existent chez presque tous les animaux, y compris l’humain, mais que seuls les amphibiens ont développé l’ensemble des outils nécessaires pour les transformer en colle. Et même parmi les amphibiens, seules quelques espèces, qui vivent à des distances aussi éloignées que Madagascar, le Brésil et l’Australie, ont développé cette capacité.
Nous avons découvert que la grenouille des pluies du Mozambique, qui est séparée de la grenouille tomate par environ 100 millions d’années d’évolution, utilise les mêmes ingrédients de base et la même boîte à outils pour créer sa propre sécrétion adhésive.
De la biologie au biomimétisme : une solution chirurgicale très collante
La colle de grenouille est fascinante, elle est rapide et souple, ce qui signifie qu’elle a un énorme potentiel d’applications pratiques. C’est là qu’intervient la biomimétique, un domaine qui s’efforce d’imiter les processus biologiques que la nature a mis des millions d’années à développer.
Grâce à nos recherches, nous savons maintenant, pour la première fois, comment un animal à quatre pattes produit de la colle. Imaginez que des adhésifs médicaux inspirés de la colle de grenouille puissent être utilisés comme colles chirurgicales : non seulement elle est solide et non toxique, mais elle est capable de s’adapter et d’adhérer à pratiquement n’importe quelle surface.