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Carte géologique pédagogique de Paris et ses environs. BRGM

De la pierre au papier, une carte innovante du sous-sol de Paris et ses environs

Les emblématiques toits en zinc de Paris, les carreaux blancs du métro, le fer de la tour Eiffel, les pierres de Notre-Dame et des immeubles Haussmanniens sont quelques éléments d’un monde minéral méconnu qui règne pourtant en maître sur notre capitale et ses environs.

Malgré cette omniprésence discrète, nous faisons rarement le lien avec le sous-sol. Pourtant, outre ces exemples célèbres, de nombreux minéraux sont utilisés dans notre quotidien (santé, transport, construction, énergie). Bien que le recyclage se développe toujours plus, l’extraction de matières premières demeure une industrie toujours active dans le Bassin parisien.

Afin de permettre de visualiser facilement d’où viennent nos ressources, l’emplacement des nappes d’eau souterraine et les secteurs pouvant présenter des risques naturels, nous avons mis au point une nouvelle carte géologique à visée pédagogique.

Ressources minérales sans frontières

Les ressources minérales n’ont pas de frontières et ne se répartissent pas de manière aléatoire.

Elles sont le fruit d’une longue histoire géologique sur plusieurs millions d’années, une durée souvent difficile à appréhender pour la plupart d’entre nous. Va-et-vient de la mer, sédimentation et érosion, extinctions et apparitions d’espèces, changements climatiques…

Les carrières des environs de Paris sont ainsi autant de fenêtres sur le sous-sol, difficilement observable dans cette région de plaine. Elles ont permis entre autres de développer l’étude des sciences de la Terre, comme la paléontologie (qui étudie les fossiles et donc la biodiversité du passé) ou la stratigraphie (qui étudie l’agencement spatial et temporel des strates rocheuses).

Paris : berceau mondial de la géologie

Lavoisier, Lamarck, Cuvier et tant d’autres ont ainsi étudié le calcaire du Lutétien, la belle pierre de Notre-Dame de Paris (entre autres). Cette pierre s’est formée il y a environ 40 millions d’années, dans ce qui était alors une mer chaude et tropicale !

Elle a été extraite du côté de la montagne Sainte-Geneviève, à Montsouris, au Trocadéro, etc. Pour restaurer la cathédrale Notre-Dame, il a fallu trouver des pierres avec des caractéristiques très similaires pour remplacer celles endommagées lors de l’incendie.

De grands savants ont également étudié les carrières des reliefs situés au nord et à l’est de la capitale. Une tout autre ressource y était recherchée : le gypse, extrait pour faire du plâtre à Montmartre, Belleville, Ménilmontant et aux Buttes-Chaumont. Gypse qui est d’ailleurs toujours exploité au nord de Paris.

Il est intéressant de remarquer que d’anciennes carrières de gypse et de calcaire sont aujourd’hui des espaces verts et constituent des refuges de biodiversité. C’est par exemple le cas du parc Montsouris, des Arènes de Lutèce, des jardins du Trocadéro, du parc des Buttes-Chaumont, etc.

Des ressources minérales utiles

L’extraction des ressources minérales répond depuis toujours aux besoins de nos sociétés. C’est particulièrement le cas à l’ère du numérique et de la transition énergétique, où le monde dématérialisé et les nouveaux modes de mobilité sont de grands consommateurs de matières minérales. La demande actuelle est donc particulièrement importante.

Prenons l’exemple du béton. Pour en produire 1 m3, il faut 1 200 kg de granulats, 700 kg de sable, 300 kg de ciment, 150 litres d’eau… et de l’énergie. Pour mieux intégrer l’impact environnemental, il faut aussi considérer que la fabrication d’une tonne de béton rejette 500 kg de CO2, et ce sans compter le transport des matériaux en amont (depuis la carrière) et une fois le produit fini.

Le sable est ainsi la 3ᵉ ressource consommée dans le monde après l’air et l’eau

Quand au gypse, servant à fabriquer le plâtre et le ciment, il est classé comme richesse d’importance nationale et d’intérêt européen. Une ressource d’autant plus stratégique qu’une très grande partie des ressources est difficile à atteindre en raison de l’urbanisation galopante.

La carrière de gypse de Montmorency (Val d’Oise) est l’une des plus importantes de France (Société du Grand Paris).

Sa consommation en France est de l’ordre de 100 kg par an et par habitant. Avec une production de 3 à 5 millions de tonnes par an, la France en est l’un des principaux producteurs européens, et deux tiers sont extraits en Île-de-France.

L’eau, une ressource vitale et… souvent souterraine

Il n’y a pas que de la roche, dans le sous-sol. Il y a aussi de l’eau !

En France, un habitant consomme en moyenne 150 litres d’eau par jour. Les besoins quotidiens pour la population francilienne sont ainsi de 1,8 million de m3, soit plus de 500 piscines olympiques.

Une grande partie de l’eau que nous consommons provient des nappes phréatiques. La connaissance du sous-sol joue donc un rôle majeur pour caractériser cette ressource vitale.

En Île-de-France, on trouve plusieurs nappes phréatiques superposées, principalement dans des terrains calcaires et sableux. Ces nappes sont isolées par deux écrans argileux majeurs, souvent marqués en surface par la présence de sources dont l’eau a pu être captée et acheminée au cœur de la capitale.

Ainsi, des aqueducs ont été construits au fil des siècles pour approvisionner Paris, et ont laissé des traces dans le paysage (on peut d’ailleurs les suivre sur notre carte) ou dans les toponymes (Arcueil tire par exemple son nom des arches de l’aqueduc).

Élément intéressant, les compositions en sels minéraux contenus dans l’eau varient selon la nature des roches environnantes. Entre le nord et le sud de Paris, on ne trouve d’ailleurs pas les mêmes teneurs en sulfates, carbonates, calcium, magnésium et sodium. Car si le plateau de Longboyau (au sud) est constitué de calcaire de Champigny, c’est du gypse qui surmonte le niveau argileux du plateau de Romainville (au nord).

Aménagements et risques

La connaissance et la maîtrise du sous-sol représentent des enjeux majeurs pour l’établissement des constructions et des réseaux souterrains.

Il faut ainsi éviter les anciennes carrières, les zones de dissolution du gypse, prendre garde aux éboulements et aux secteurs où les nappes souterraines sont susceptibles de remonter, ou encore anticiper le phénomène de retrait-gonflement des argiles qui peut occasionner des désordres majeurs sur les bâtiments en surface.

De ce fait, la réalisation de monuments a parfois représenté des défis techniques. Ainsi, la basilique du Sacré-Cœur a nécessité d’implanter 83 puits de 33 m de profondeur remplis par la suite de béton. Ils sont matérialisés sur la coupe figurant au bas de la carte.

Renouveau cartographique pour la Ville Lumière

Comme il est souvent difficile de se représenter le sous-sol, et que la lecture des cartes géologiques nécessite des connaissances poussées pour les comprendre, nous avons souhaité proposer de nouveaux documents.

Vue de la carte à vocation pédagogique de Paris et ses environs. BRGM, Fourni par l'auteur

L’intérêt de cette nouvelle carte géologique de Paris est de rendre accessibles à un large public des informations sur le sous-sol afin de mieux en comprendre les enjeux, l’organisation des roches et les différentes étapes de leur mise en place, leur environnement de formation, leur déformation, ou leur altération qui ont jalonné une longue histoire géologique.

Par rapport à une carte géologique traditionnelle, il est plus aisé de percevoir la nature des roches, la localisation des nappes d’eau souterraine et les secteurs pouvant présenter des risques naturels (cavités, érosion, glissements…).

Tous ces éléments permettent de mieux comprendre l’environnement et l’organisation du sous-sol parisien, si présent dans le quotidien sans que les habitants en soient toujours conscients. À commencer par le papier de la carte ! (Eh oui, lui aussi contient des minéraux, comme le kaolin).


Les Journées nationales de la géologie auront lieu du 20 au 22 mai 2022. Retrouvez tous les rendez-vous ici.

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