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De l’urgence d’une réaction européenne forte face aux choix de Donald Trump

Les supporters de Trump attendent une relance et des baisses d'impôts. Max Goldberg/Flickr, CC BY

Quel qu’ait été le résultat de l’élection présidentielle, la question de l’évolution de la politique américaine aurait mérité d’être posée. La réponse à cette question est encore plus capitale et incertaine compte tenu de l’arrivée au pouvoir de Donald Trump. Économie, commerce, diplomatie… chaque pan de la politique américaine est, à se fier un tant soit peu aux promesses électorales, potentiellement porteur d’évolutions importantes et de conséquences pour le reste du Monde.

C’est particulièrement vrai pour l’Europe sur le plan économique, sans minimiser l’importance des autres sujets.

Le projet économique de Donald Trump : une relance par le déficit et autocentrée

En interne, les mesures promises par Donald Trump, et déjà en grande partie confirmées après son élection, traduisent une volonté de relancer l’économie par le déficit en dépit de la volonté affichée (mais affichée seulement) de réduire les dépenses publiques. La suppression de l’Obamacare (plus compliquée qu’il n’y paraît) n’aura, si elle est effective, en effet qu’un impact limité et largement contrebalancé par l’augmentation des dépenses sécuritaires et la baisse massive des impôts (passage de l’IR à 3 tranches contre 7 aujourd’hui, réduction du taux le plus élevé à 33 % contre 39,6 aujourd’hui, passage de l’impôt sur les bénéfices de 35 à 15 %…). Jamais, depuis Reagan, un projet n’a été sur ce plan, aussi proche de celui de l’ancien Président américain.

S’ajoutent à cela la volonté de déréglementer pour lever les obstacles au business (notamment dans le domaine de l’énergie) et une relative remise en cause du libre-échange. Autant de promesses perçues comme crédibles et bienvenues par les marchés financiers, comme en témoignent les cours de bourse, Wall Street atteignant ces jours-ci des records historiques.

En dépit des récents gages de flexibilité donnés par un Président prompt à rassurer et à faire preuve de pragmatisme, la confirmation du retrait à venir des États-Unis du partenariat transpacifique est un signal fort. Il renforce les doutes concernant l’avenir du partenariat transatlantique.

Sur le plan militaire, la réaction allemande ne s’est d’ailleurs pas fait attendre puisque la chancelière Angela Merkel a promis de faire monter le budget de la Défense à 2 % du PIB (ce qui aurait pour effet de faire de l’Allemagne la première puissance militaire d’Europe), preuve là aussi, que les promesses électorales de l’ancien candidat sont bien dignes d’être prises au sérieux.

Vers une remise en cause de la bienveillance économique américaine vis-à-vis de l’Europe

Cette politique économique promise a de quoi inquiéter en Europe et notamment en France où la politique américaine des dernières années a largement contribué à ce que ça n’aille pas encore un peu plus mal.

Sur la base de leurs intérêts bien compris (l’Europe est un partenaire commercial avant d’être un concurrent), les États-Unis font preuve en effet d’une forme de bienveillance économique vis-à-vis de l’Europe en faisant tout pour maintenir un euro bas, largement favorable aux exportateurs européens.

Ce n’est clairement pas la poursuite de cette politique que promet Donald Trump, même si les leviers d’actions les plus importants lui échappent en la matière puisqu’ils se trouvent du côté de la Fed (que le nouveau Président juge d’ailleurs trop indépendante). Les premiers échanges par presse interposée entre Donald Trump et Janet Yellen promettent déjà des épisodes d’opposition marquée dans les semaines à venir.

Un devoir de réaction pour l’Europe

En cas de retour de la guerre des devises, de politiques non-coordonnées de moins-disant fiscal et social, puis, forcément, de montée des taux longs, l’Europe verrait successivement les dernières bouées qui la maintiennent à flot disparaître. Le temps serait enfin venu de trouver de réels moteurs économiques internes sans pour autant renoncer à la coopération avec les États-Unis comme avec les autres grands partenaires commerciaux.

Au-delà de l’économie, c’est de l’équilibre et de l’avenir politiques, voire géopolitiques, du Monde dont il serait question. Gageons que le pragmatisme du nouveau Président constitue une vertu essentielle, sur laquelle il sera possible de capitaliser, sur ces questions. Il le sera certainement sur le plan des engagements en faveur de la préservation du climat dès lors que le potentiel économique pour de nombreuses entreprises américaines entrera en ligne de compte. Il justifie, plus qu’il ne rend inutile, un positionnement et des politiques clairs et ambitieux côté européen.

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