Selon tous les indicateurs, la vice-présidente Kamala Harris a battu l’ex-président Donald Trump à plate couture lors de leur premier affrontement présidentiel sur la scène de Philadelphie.
C’est pourtant Kamala Harris qui, des deux, partait avec la plus grosse côte à remonter. Elle devait se présenter au public américain dans un nouveau rôle et se différencier du bilan du président Joe Biden tout en le défendant. Il lui fallait également cadrer l’enjeu électoral et refaire le procès de son adversaire.
L’ex-procureure a atteint tous ces objectifs à divers degrés, concluant son argumentaire sur un ton optimiste en invitant les Américains à enfin tourner la page sur les turpitudes des années Trump.
Saisir l’initiative
D’entrée de jeu, Kamala Harris s’est clairement révélée bien préparée, avec un plan et un arsenal de points clés.
Traversant la scène avec assurance, elle est d’abord allée joyeusement se présenter à son adversaire en lui tendant la main. Le ton était donné pour une soirée où la candidate a souvent pris l’initiative.
Puis, elle a procédé à la mise en boîte systématique et tout à fait remarquable du candidat Trump, ce qu’il avait très rarement vécu en public.
Encore et encore, Kamala Harris a lancé des piques, poussant un Donald Trump souvent hésitant à se défendre avec des exagérations et des affirmations ridicules. Ainsi, lorsqu’elle l’a raillé sur la taille des foules qu’il attire, celui-ci a répondu en vantant ses « rassemblements les plus incroyables de l’histoire politique ». Cette repartie prévisible a entraîné une débâcle rhétorique dont il ne s’est jamais relevé.
Viré par 81 millions d’Américains
L’une des répliques les plus cinglantes de la soirée est venue après que Kamala Harris eut énuméré la liste des ex-conseillers de Donald Trump qui sont devenus ses critiques les plus virulents. Celui-ci a riposté qu’il les a tous virés, ce à quoi Kamala Harris a rétorqué qu’il avait lui-même été viré par 81 millions d’Américains quatre ans plus tôt.
Cette flèche a touché deux cibles : elle rappelait les faussetés de Donald Trump quant à sa prétendue victoire électorale en 2020 tout en appuyant le message qu’il était grand temps de tourner la page et de passer à un autre appel.
Donald Trump a tout de même su contre-attaquer par moment, notamment quant au rôle de l’administration Biden dans l’approbation du gazoduc Nord Stream entre la Russie et l’Europe.
Mais il a trop souvent laissé sa colère l’emporter, en affirmant des faussetés ridicules sur les éoliennes et l’énergie solaire, sur les exécutions de bébés et sur les immigrants haïtiens dévorant chiens et chats à Springfield, dans l’Ohio.
Ce conspirationnisme, jamais contesté dans ses rassemblements, mais qui semblait déplacé en plein débat présidentiel, était une nouvelle occasion de moquerie pour son adversaire.
Une mauvaise soirée pour Trump
En cette époque de remises en question des conventions politiques, l’impact réel d’un tel débat dépendra fortement de la manière dont seront récupérées les réactions d’un écosystème médiatique américain fortement divisé.
Il ressort de la couverture médiatique que les républicains et leur candidat ont passé une mauvaise soirée. Donald Trump et ses partisans ont débité toute une série d’explications et d’excuses quant à des sondages en ligne biaisés et non-scientifiques et au parti-pris des modérateurs. Ils ont même formulé une nouvelle théorie du complot : Kamala Harris connaissait les questions à l’avance.
Mais préparation n’est pas conspiration.
Ces dénégations ne font que souligner l’enjeu véritable de cette élection. Selon les politologues, la survie de tout système démocratique dépend de candidats qui acceptent de pouvoir perdre.
Comme l’a souligné Kamala Harris, son adversaire rappelle constamment qu’il n’est ni capable de reconnaître une défaite, ni disposé à respecter l’esprit ou la lettre des règles démocratiques.
En novembre prochain, les Américains devront décider s’ils tournent ou non la page sur cette vision de la politique.