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Démographie et éducation : alliées ou ennemies ?

Programme d’appui à l’éducation de base en Casamance (Paebca). Académie Sédhiou au Sénégal. AFD, CC BY-SA

Cet article est publié en partenariat avec le blog iD4D animé par l’AFD


À la veille de l’ouverture à Dakar de la conférence de restitution du Partenariat mondial pour l’éducation (PME), co-présidée par Emmanuel Macron et Macky Sall, et alors que la Banque Mondiale parle dans son dernier rapport d’une « crise mondiale de l’éducation », il est temps d’explorer les voies d’une alliance objective entre dynamiques démographiques et éducation de la jeunesse en Afrique subsaharienne.

« L’éducation est à l’esprit humain ce que la sculpture est à un bloc de marbre… » écrivait Joseph Addison à la fin du XVIIe siècle. En Afrique subsaharienne, faut-il craindre que l’école demeure dans un état inachevé, du fait d’une croissance démographique dont plus personne ne sait dire si elle est une réelle opportunité ou la promesse d’une génération non éduquée ?

Pourtant, l’Afrique est un continent de responsabilité. Malgré la faiblesse des produits intérieurs bruts, donc des recettes budgétaires, la part des dépenses publiques consacrées à l’éducation y avoisine 17 % contre 11,8 % en Europe ou aux États-Unis pour une moyenne mondiale de 14,1 %. À leur mesure, les États africains assument donc leur responsabilité. Il en va de même pour les familles puisqu’elles consentent un effort considérable en faveur de leurs enfants vu l’importance des opportunités qu’elles escomptent pour eux. Ainsi l’Unesco a-t-elle récemment montré que les ménages contribuaient entre 33 % (Côte d’Ivoire) et 57 % (Ouganda) aux dépenses d’éducation.

En revanche, la communauté internationale s’assoupit. La Conférence sur le Partenariat mondial pour l’éducation (PME), qui s’ouvrira le 2 février 2018 à Dakar (Sénégal), rappellera haut et fort qu’en 2015, l’éducation a représenté moins de 7 % du total de l’aide publique au développement (APD), soit autant que celle allouée au transport ou deux fois moins que celle dédiée à la santé…

Mais, tout se réduit-il aux chiffres ou aux graphiques ? Faut-il sans fin accroître l’effort public et privé sans s’interroger sur la façon même de poser la question ? Faut-il se résigner à ce que l’école coure après la croissance démographique sans agir sur la croissance démographique elle-même ?

CEM Cité des Enseignants, projet d’appui au développement de l’enseignement moyen dans la région de dakar. AFD, CC BY-SA

Les chemins de l’émotion et de la responsabilité

En soi, cette dernière est évidemment une heureuse nouvelle puisqu’elle résulte d’une forte natalité conjuguée à une chute de la mortalité. En cela, c’est un sujet apparemment mécanique. Mais, c’est surtout un sujet social et ontologique ; il ne peut donc être abordé que dans le respect des cultures puisqu’il affecte le désir d’enfants et l’identité familiale. Le désir d’enfants, c’est aussi la confrontation de pratiques sociales avec l’intimité affective, l’émotion. Sexualité, reproduction et éducation doivent donc emprunter les chemins – fort peu parallèles – de l’émotion et de la responsabilité.

L’émotion ? À chaque instant les jeunes nous rappellent qu’elle est la face immergée des changements de comportement et de générations : par leurs modes, leurs musiques, leurs engagements… et leurs _tweets _ !

La responsabilité ? Donner la vie exige de la lucidité. Chacun doit être éclairé sur les conséquences de ses comportements. À cet égard, la famille et l’école ont leur place à tenir et leur rôle à jouer. L’éducation sexuelle ne se réduit pas à de simples connaissances physiologiques ; elle doit provoquer un dialogue sincère entre filles et garçons ainsi qu’un éveil de conscience tant individuel que collectif.

Progrès social et maîtrise démographique

La taille de la famille dépend aussi de la capacité du couple à maîtriser sa fertilité. Celle-ci n’a pas à être subie, mais dominée. C’est pourquoi le couple doit pouvoir accéder à la contraception et aux techniques de réparation de la stérilité. Cette faculté n’a rien d’obligé, ni de forcé : elle participe simplement du progrès social. Espacer les naissances, en différer l’avènement, gérer sa contraception… sont autant d’enrichissements de la sexualité par-delà la seule reproduction.

S’interdire de poser la question de cette façon reviendrait – tel Sisyphe au pied de son rocher – à poursuivre la croissance démographique en ruinant l’école, faute d’efforts à la hauteur des besoins de la jeunesse.

Loin de baisser les bras face à une génération prétendument sacrifiée, saluons l’ampleur du chemin déjà parcouru par l’Afrique. Mobilisons aussi la communauté internationale pour accompagner les politiques de cohésion sociale, éducatives, mais aussi familiales et d’éducation sexuelle.

Comme l’écrivait Paul Ricœur, « L’éducation est l’un des biens sociaux primaires dont il faut assurer la distribution ». Dans les pays à fort taux de fécondité et faible revenu, comme le Niger, il est urgent de distribuer l’éducation et, par suite, de nous inscrire dans une civilisation mondiale qui emporte avec elle la jeunesse. Pour la protection des libertés individuelles et la dignité humaine, élevons l’exigence d’éducation.

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