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Des chiffons aux tampons : une brève histoire des protections menstruelles

Différents types de protections menstruelles
Différents types de protections menstruelles. Yekatseryna Netuk/shutterstock

En 2023, les règles sont encore taboues. Bien qu’il soit évoqué, par exemple, dans l’art contemporain, cet événement physiologique qui concerne les femmes pendant une bonne partie de leur vie n’est toujours pas un sujet de conversation ordinaire.

Les menstruations sont généralement considérées comme quelque chose qu’il faut contenir – les fuites menstruelles étant estimées honteuses malgré des campagnes visant à aider les jeunes à se sentir plus à l’aise pour en parler.

Pour de nombreuses femmes, cette période se traduit par une perte de sang équivalente à deux ou trois cuillères à soupe au cours des quatre à cinq jours que durent leurs règles. Elles ont donc recours à des tampons, à des serviettes hygiéniques ou à des coupes menstruelles.

Mais une étude de 2019 sur la façon dont les femmes du monde entier gèrent ces périodes délicates a montré que beaucoup utilisent encore des feuilles, de la laine de mouton, du papier journal, de l’herbe ou même de la bouse de vache comme substance absorbante.

Un rapport de l’Unesco a révélé en 2016 que 10 % des jeunes femmes africaines n’allaient pas à l’école pendant leurs règles. En effet, l’un des moyens d’éviter les fuites est tout simplement de ne pas sortir de chez soi lorsqu’on a ses règles, ce qui explique pourquoi les menstruations ont encore des conséquences importantes sur l’éducation des femmes.

Les règles dans l’histoire

Cependant, les femmes n’ont pas toujours eu le même rapport à leurs menstruations.

Il est probable qu’à d’autres époques, les femmes avaient moins de règles, avec des saignements plus légers, non seulement parce qu’elles passaient une plus grande partie de leur vie enceintes, mais aussi parce que leur alimentation était plus pauvre qu’aujourd’hui.

Pourtant, des textes médicaux datant de la Grèce antique affirment que le saignement idéal doit être abondant. Cela s’explique par la croyance selon laquelle les menstruations se produiraient parce que le corps des femmes a une texture plus spongieuse que celui des hommes. Leur chair absorbant davantage de ce qu’elles mangent et de ce qu’elles boivent, le saignement était alors vu comme bénéfique pour la santé des femmes. On pensait même que le sang qui ne sortait pas pouvait leur causer des maladies mentales.

Jusqu’au XIXe siècle, les textes médicaux reprenaient les idées héritées de la Grèce antique ; mais au début de l’Europe moderne, les hommes semblaient à l’aise pour parler des menstruations. Samuel Pepys, homme de lettres du XVIIe siècle, mentionnait par exemple le cycle menstruel de sa femme dans son journal.

En ce qui concerne les saignements, l’historienne Sara Read a conclu qu’à cette époque, la plupart les femmes se contentaient de saigner sur leurs vêtements ou utilisaient occasionnellement des chiffons placés entre les cuisses ou attachés aux vêtements.

Une ceinture hygiénique représentée en noir et blanc
Ceinture menstruelle commercialisée au début du XXᵉ siècle. Illustration de 1911. Wikimedia

Au XIXe siècle, le marché des protections menstruelles s’est développé, des ceintures et serviettes hygiéniques au « tablier hygiénique », porté sur les fesses pour empêcher les fuites sur les vêtements lorsque l’on s’assoit. Mais jusqu’à la mise au point des tampons en coton jetables à la fin des années 1890, ces protections devaient toujours être lavées et séchées (bien que les tampons réutilisables aient récemment fait leur retour).

À partir de la fin des années 1960, l’utilisation d’une bande adhésive a permis de fixer les protections dans les sous-vêtements plutôt que de les attacher à une ceinture spéciale.

L’apparition de nouvelles protections hygiéniques

Dans les années 1930, les premiers tampons sont apparus sur le marché. Ils étaient décrits comme des « serviettes hygiéniques internes ». Les coupes menstruelles en caoutchouc remontent également aux années 1930, bien qu’elles aient été largement remplacées de nos jours par des coupes en silicone disponibles dans une large gamme de tailles. Le risque de fuite avec une coupe de bonnes dimensions semble être plus faible qu’avec une serviette ou un tampon.

Ces nouvelles protections ont, selon l’historienne Lara Freidenfelds, contribué à faire accepter les menstruations comme une partie normale de la vie – ne nécessitant plus quelques jours de repos comme c’était le cas auparavant. Au XXe siècle, les protections menstruelles sont progressivement devenues des marqueurs sociaux.

Diagramme montrant un tissu plié
Instructions sur la façon de plier un morceau de tissu pour une serviette hygiénique. En bas, on montre comment attacher la serviette à la ceinture à l’aide d’un cordon. Extrait du livre allemand « La femme en tant que médecin de famille », 1911. Wikimedia

Vers le retour de la réutilisation ?

Les applicateurs et les emballages des tampons contiennent des matières plastiques, de même que les serviettes hygiéniques : la consommation de ces produits n’est pas sans conséquences sur l’environnement. Les risques liés aux produits chimiques, tels que les dioxines, utilisés dans les tampons et les serviettes hygiéniques, sont aussi de plus en plus connus. Ces deux raisons ont contribué à stimuler le marché des produits naturels.

Il existe également des disques menstruels jetables ou réutilisables – il s’agit d’un disque rond en silicone qui recueille le sang. Enfin, les culottes hygiéniques, inventées en 2017, sont vendues comme étant « meilleures pour la planète ».

Plutôt que de commercialiser des produits dans les pays les plus pauvres du monde, des organisations caritatives telles qu’ActionAid organisent des sessions de formation à la fabrication de serviettes hygiéniques. Les femmes des pays riches ont été surprises de constater le confort de ces serviettes.

La promotion actuelle des serviettes hygiéniques réutilisables ou des pantalons hygiéniques est un retour à une façon traditionnelle de gérer les menstruations, même s’il est aujourd’hui beaucoup plus facile pour la plupart des femmes de laver et de sécher ces vêtements de protection.

Leur utilisation suggère que notre attitude à l’égard du sang menstruel est en train de changer. L’idée selon laquelle les produits menstruels sont des « déchets » qui doivent être cachés et éliminés de manière « hygiénique » ne va pas de pair avec l’idée de laver ses serviettes et de les faire sécher sur un fil.

This article was originally published in English

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